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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 18 novembre 2019 par le Conseil d'État (décision n° 434325 du 15 novembre 2019), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Thierry A. par Me Marc André, avocat au barreau de Marseille. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2019-824 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 2° du paragraphe II de l'article 156 du code général des impôts et de l'article 199 octodecies du même code. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code civil ; - le code général des impôts ; - la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce ; - la loi n° 2001-1276 du 28 décembre 2001 de finances rectificative pour 2001 ; - la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce ; - l'ordonnance n° 2010-462 du 6 mai 2010 créant un livre IX du code rural relatif à la pêche maritime et à l'aquaculture marine ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par la SCP Colin - Stoclet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 10 décembre 2019 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour le requérant par la SCP Colin - Stoclet et la SCP André et André et associés, avocat au barreau de Marseille, enregistrées le 26 décembre 2019 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Mathieu Stoclet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le requérant, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 21 janvier 2020 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du 2° du paragraphe II de l'article 156 du code général des impôts dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 6 mai 2010 mentionnée ci-dessus et de l'article 199 octodecies du même code dans sa rédaction résultant de la loi du 26 mai 2004 mentionnée ci-dessus. 2. L'article 156 du code général des impôts, dans cette rédaction, prévoit que l'impôt sur le revenu est établi d'après le montant de revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal et qui est déterminé sous déduction de certaines charges. Le 2° de son paragraphe II prévoit la déduction des :« Arrérages de rentes payés par lui à titre obligatoire et gratuit constituées avant le 2 novembre 1959 ; pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211, 367 et 767 du code civil à l'exception de celles versées aux ascendants quand il est fait application des dispositions prévues aux 1 et 2 de l'article 199 sexdecies ; versements de sommes d'argent mentionnés à l'article 275 du code civil lorsqu'ils sont effectués sur une période supérieure à douze mois à compter de la date à laquelle le jugement de divorce, que celui-ci résulte ou non d'une demande conjointe, est passé en force de chose jugée et les rentes versées en application des articles 276, 278 ou 279-1 du même code en cas de séparation de corps ou de divorce, ou en cas d'instance en séparation de corps ou en divorce et lorsque le conjoint fait l'objet d'une imposition séparée, les pensions alimentaires versées en vertu d'une décision de justice et en cas de révision amiable de ces pensions, le montant effectivement versé dans les conditions fixées par les articles 208 et 371-2 du code civil ; contribution aux charges du mariage définie à l'article 214 du code civil, lorsque son versement résulte d'une décision de justice et à condition que les époux fassent l'objet d'une imposition séparée ; dans la limite de 2 700 euros et, dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'État, les versements destinés à constituer le capital de la rente prévue à l'article 373-2-3 du code civil. « Le contribuable ne peut opérer aucune déduction pour ses descendants mineurs lorsqu'ils sont pris en compte pour la détermination de son quotient familial. « La déduction est limitée, par enfant majeur, au montant fixé pour l'abattement prévu par l'article 196 B. Lorsque l'enfant est marié, cette limite est doublée au profit du parent qui justifie qu'il participe seul à l'entretien du ménage. « Un contribuable ne peut, au titre d'une même année et pour un même enfant, bénéficier à la fois de la déduction d'une pension alimentaire et du rattachement. L'année où l'enfant atteint sa majorité, le contribuable ne peut à la fois déduire une pension pour cet enfant et le considérer à charge pour le calcul de l'impôt ». 3. L'article 199 octodecies du code général des impôts, dans cette rédaction, prévoit :« I. Les versements de sommes d'argent et l'attribution de biens ou de droits effectués en exécution de la prestation compensatoire dans les conditions et selon les modalités définies aux articles 274 et 275 du code civil sur une période, conformément à la convention de divorce homologuée par le juge ou au jugement de divorce, au plus égale à douze mois à compter de la date à laquelle le jugement de divorce, que celui-ci résulte ou non d'une demande conjointe, est passé en force de chose jugée, ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu lorsqu'ils proviennent de personnes domiciliées en France au sens de l'article 4 B. « La réduction d'impôt est égale à 25 % du montant des versements effectués, des biens ou des droits attribués, retenu pour la valeur fixée dans la convention de divorce homologuée par le juge ou par le jugement de divorce, et dans la limite d'un plafond égal à 30 500 € apprécié par rapport à la période mentionnée au premier alinéa. « Lorsque la prestation compensatoire prend la forme d'une rente conformément aux dispositions des articles 276, 278 et 279-1 du code civil, la substitution d'un capital aux arrérages futurs, versé ou attribué sur une période au plus égale à douze mois à compter de la date à laquelle le jugement prononçant la conversion est passé en force de chose jugée, ouvre également droit à la réduction d'impôt. Son assiette est alors égale au capital total reconstitué limité à 30 500 € et retenu dans la proportion qui existe entre le capital dû à la date de la conversion et le capital total reconstitué à cette même date. Le capital total reconstitué s'entend de la valeur du capital versé ou attribué à la date de conversion, majoré de la somme des rentes versées jusqu'au jour de la conversion et revalorisées en fonction de la variation de l'indice moyen annuel des prix à la consommation constatée entre l'année de versement de la rente et celle de la conversion. « Lorsque le versement des sommes d'argent, l'attribution de biens ou de droits s'effectuent sur l'année au cours de laquelle le jugement de divorce, que celui-ci résulte ou non d'une demande conjointe, ou le jugement prononçant la conversion de rente en capital, sont passés en force de chose jugée et l'année suivante, le montant ouvrant droit à réduction d'impôt au titre de la première année ne peut excéder le montant du plafond mentionné au deuxième alinéa multiplié par le rapport existant entre le montant des versements de sommes d'argent, des biens ou des droits attribués au cours de l'année considérée, et le montant total du capital tel que celui-ci a été fixé dans le jugement de divorce ou le jugement prononçant la conversion que le débiteur de la prestation compensatoire s'est engagé à effectuer sur la période mentionnée au premier alinéa. « II. Nonobstant la situation visée au troisième alinéa, les dispositions du I ne s'appliquent pas lorsque la prestation compensatoire est versée pour partie sous forme de rente ». 4. Le requérant soutient que ces dispositions seraient contraires aux principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques. En effet, en application du paragraphe II de l'article 199 octodecies du code général des impôts, lorsque la prestation compensatoire prend la forme d'un capital versé dans un délai inférieur à douze mois à compter du divorce, complété par une rente, les versements en capital ne bénéficient pas de la réduction d'impôt prévue au paragraphe I de ce même article. Ces versements en capital ne peuvent pas davantage être déduits du revenu imposable sur le fondement du 2° du paragraphe II de l'article 156 du même code. Or, toutes les autres modalités de versement de cette prestation permettent à son débiteur de bénéficier, sur l'intégralité des sommes versées, de l'un ou l'autre de ces avantages fiscaux. Une telle différence de traitement ne serait pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objet de la loi. 5. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le paragraphe II de l'article 199 octodecies du code général des impôts. - Sur le fond : 6. Selon l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 7. L'article 270 du code civil prévoit que, lors d'un divorce, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation compensatoire destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation peut, en application des articles 274 et 275 du même code, s'exécuter en capital prenant la forme soit d'une somme d'argent ou de l'attribution de biens en propriété ou de droit temporaire ou viager d'usage, d'habitation ou d'usufruit soit, lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital dans ces conditions, de versements périodiques dans la limite de huit années. En application des articles 276 et 278 du code civil, cette prestation peut également prendre la forme soit d'une rente soit d'un versement en capital accompagné d'une rente. 8. En premier lieu, le paragraphe I de l'article 199 octodecies du code général des impôts prévoit que les versements en capital d'une prestation compensatoire bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu égale à 25 % du montant des versements effectués, des biens ou des droits attribués, dans la limite d'un plafond égal à 30 500 euros, lorsque ces versements sont effectués sur une période inférieure à douze mois à compter du divorce. En revanche, les dispositions contestées excluent ces mêmes versements du bénéfice de la réduction d'impôt lorsqu'ils s'accompagnent d'une rente. 9. Par ailleurs, en application du 2° du paragraphe II de l'article 156 du code général des impôts, sont déductibles du revenu global les versements de capital effectués sur une période supérieure à douze mois, qu'ils soient ou non complétés d'une rente, ainsi que les rentes versées au titre d'une prestation compensatoire. 10. Ainsi, tous les versements effectués en exécution d'une prestation compensatoire bénéficient d'un avantage fiscal, exceptés les versements en capital effectués sur une période inférieure à douze mois lorsqu'ils s'accompagnent d'une rente. 11. En second lieu, il ressort des travaux préparatoires de la loi du 29 décembre 2001 mentionnée ci-dessus, dans laquelle les dispositions contestées trouvent leur origine, que, en excluant du bénéfice de la réduction d'impôt les versements en capital intervenus sur une période inférieure à douze mois lorsqu'ils s'accompagnent d'une rente, le législateur a entendu prévenir certaines pratiques d'optimisation fiscale. Celles-ci auraient consisté, pour le débiteur de la prestation compensatoire, à limiter le montant des versements en capital au plafond de 30 500 euros afin de bénéficier du montant maximal de cette réduction fiscale et de profiter également, pour l'intégralité du surplus, de la déduction fiscale des rentes en application du 2° du paragraphe II de l'article 156. 12. Toutefois, le simple fait qu'un versement en capital dans un délai de douze mois s'accompagne d'une rente ne saurait suffire à identifier une stratégie d'optimisation fiscale dès lors que les modalités de versement d'une prestation compensatoire, qui dépendent de la situation financière des époux, sont soit déterminées par le juge en fonction de l'âge ou de l'état de santé du créancier, soit homologuées par lui en fonction du caractère équitable des droits et obligations des époux. 13. Au surplus, même si la réduction d'impôt prévue à l'article 199 octodecies avait pour objet de favoriser le règlement rapide des conséquences financières d'un divorce, les dispositions contestées n'y contribuent pas dès lors qu'un versement en capital sur une durée supérieure à douze mois accompagné d'une rente ouvre, lui, droit à une déduction fiscale de l'intégralité des sommes. 14. Dès lors, en privant le débiteur d'une prestation compensatoire du bénéfice de la réduction d'impôt sur les versements en capital intervenus sur une durée inférieure à douze mois au seul motif que ces versements sont complétés d'une rente, le législateur ne s'est pas fondé sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objet de la loi. 15. Dans ces conditions, le paragraphe II de l'article 199 octodecies du code général des impôts méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques et doit donc, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, être déclaré contraire à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 16. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 17. En premier lieu, les dispositions déclarées contraires à la Constitution, dans leur rédaction contestée résultant de la loi du 26 mai 2004, ne sont plus en vigueur. 18. En second lieu, la déclaration d'inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances introduites à la date de publication de la présente décision et non jugées définitivement. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le paragraphe II de l'article 199 octodecies du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, est contraire à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées aux paragraphes 17 et 18 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 janvier 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 31 janvier 2020.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 16 janvier 2020 par le Conseil d'État (décision nos 433296 et 433297 du 15 janvier 2020), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour l'union nationale des étudiants de France par la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2020-834 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du dernier alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3 du code de l'éducation, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l'éducation ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants ; - la décision nos 427916 et 427919 du Conseil d'État du 12 juin 2019 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations en intervention présentées pour la conférence des présidents d'université, la conférence des grandes écoles, la conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs, l'assemblée des directeurs d'instituts universitaires de technologie et l'association des proviseurs de lycées à classes préparatoires aux grandes écoles par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 5 février 2020 ; - les observations présentées pour l'association requérante par la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet, enregistrées le 6 février 2020 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées par M. Léo G., enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour La Quadrature du Net par Me Alexis Fitzjean Ó Cobhthaigh, avocat au barreau de Paris, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour le syndicat national de l'enseignement supérieur, l'union nationale des syndicats CGT des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, le syndicat national Force ouvrière de l'enseignement supérieur et de la recherche et la fédération des syndicats solidaires démocratiques éducation par Me Florian Borg, avocat au barreau de Paris, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour l'union nationale lycéenne, la fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques, le syndicat Solidaires étudiant-e-s - syndicat de luttes et le syndicat des avocats de France par Mes Gérard Tcholakian et Me Juan Prosper, avocats au barreau de Paris, enregistrées le même jour ; - les secondes observations en intervention présentées par M. Léo G., enregistrées le 20 février 2020 ; - les secondes observations présentées pour l'association requérante par la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet, enregistrées le 21 février 2020 ; - les secondes observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations en intervention présentées pour La Quadrature du net par Me Fitzjean Ó Cobhthaigh, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Paul Mathonnet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'union requérante, Me Cédric Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la conférence des présidents d'université et quatre autres parties intervenantes, Me Juliette Lesueur, avocate au barreau de Paris, pour M. Léo G., Me Fitzjean Ó Cobhthaigh pour La Quadrature du net, Me Borg pour le syndicat national de l'enseignement supérieur et trois autres parties intervenantes, Me Prosper pour l'union nationale lycéenne et trois autres parties intervenantes et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 10 mars 2020 ; Au vu des pièces suivantes : - la note en délibéré présentée par la conférence des présidents d'université, la conférence des grandes écoles, la conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs, l'assemblée des directeurs d'instituts universitaires de technologie et l'association des proviseurs de lycées à classes préparatoires aux grandes écoles par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, enregistrée le 13 mars 2020 ; - la note en délibéré présentée par le Premier ministre, enregistrée le 1er avril 2020 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le deuxième alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3 du code de l'éducation, dans sa rédaction résultant de la loi du 8 mars 2018 mentionnée ci-dessus, institue une procédure nationale de préinscription dans les formations du premier cycle de l'enseignement supérieur. Le dernier alinéa du même paragraphe prévoit :« Afin de garantir la nécessaire protection du secret des délibérations des équipes pédagogiques chargées de l'examen des candidatures présentées dans le cadre de la procédure nationale de préinscription prévue au même deuxième alinéa, les obligations résultant des articles L. 311-3-1 et L. 312-1-3 du code des relations entre le public et l'administration sont réputées satisfaites dès lors que les candidats sont informés de la possibilité d'obtenir, s'ils en font la demande, la communication des informations relatives aux critères et modalités d'examen de leurs candidatures ainsi que des motifs pédagogiques qui justifient la décision prise ». 2. L'union requérante, rejointe par plusieurs parties intervenantes, reproche à ces dispositions de restreindre l'accès aux informations relatives aux critères et aux modalités d'examen, par les établissements d'enseignement supérieur, des demandes d'inscription dans une formation du premier cycle. Selon elle, ces dispositions seraient contraires au droit à la communication des documents administratifs qui découlerait de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. En effet, ces dispositions excluraient tout accès, des candidats comme des tiers, aux algorithmes susceptibles d'être utilisés par les établissements pour traiter les candidatures à l'entrée dans une telle formation, formulées sur la plateforme numérique dite « Parcoursup ». Or, une telle exclusion ne serait justifiée ni par le secret des délibérations des jurys ni par aucun autre motif. En outre, ces dispositions méconnaîtraient le droit à un recours juridictionnel effectif, à un double titre. D'une part, elles empêcheraient d'exercer avec succès un recours contre l'absence de communication des informations en cause. D'autre part, elles priveraient les justiciables des éléments nécessaires à la contestation effective du bien-fondé des refus d'inscription. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « Afin de garantir la nécessaire protection du secret des délibérations des équipes pédagogiques chargées de l'examen des candidatures présentées dans le cadre de la procédure nationale de préinscription prévue au même deuxième alinéa, les obligations résultant des articles L. 311-3-1 et L. 312-1-3 du code des relations entre le public et l'administration sont réputées satisfaites dès lors que » figurant au dernier alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3 du code de l'éducation. - Sur certaines interventions : 4. Selon le deuxième alinéa de l'article 6 du règlement intérieur du 4 février 2010 mentionné ci-dessus, seules les personnes justifiant d'un « intérêt spécial » sont admises à présenter une intervention. 5. D'une part, si M. Léo G. se prévaut de ses travaux universitaires sur la communicabilité des documents administratifs et s'il fait valoir que sa qualité d'enseignant-chercheur le conduit à être en relation avec les étudiants inscrits dans l'enseignement supérieur en application de la procédure prévue à l'article L. 612-3 du code de l'éducation, ces deux éléments ne sont pas de nature à lui conférer un intérêt spécial à intervenir dans la procédure de la présente question prioritaire de constitutionnalité. 6. D'autre part, le syndicat des avocats de France ne justifie pas non plus d'un tel intérêt spécial. 7. Par conséquent, ces deux interventions ne sont pas admises. - Sur le fond : . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de l'article 15 de la Déclaration de 1789 : 8. Aux termes de l'article 15 de la Déclaration de 1789 : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Est garanti, par cette disposition, le droit d'accès aux documents administratifs. Il est loisible au législateur d'apporter à ce droit des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. 9. Le paragraphe I de l'article L. 612-3 du code de l'éducation détermine les règles d'inscription dans les formations initiales du premier cycle de l'enseignement supérieur dispensées par les établissements publics. Il prévoit que l'inscription dans l'une de ces formations est précédée d'une procédure nationale de préinscription, au cours de laquelle sont portées à la connaissance des candidats les caractéristiques de chaque formation. Ces caractéristiques font l'objet d'un « cadrage national » fixé par arrêté du ministre de l'enseignement supérieur. Elles peuvent être complétées par les établissements pour prendre en compte les spécificités de leurs formations. 10. Applicable aux formations non sélectives, le paragraphe IV de l'article L. 612-3 institue un mécanisme de départage des candidats lorsque leur nombre excède les capacités d'accueil des formations demandées. Dans ce cas, les inscriptions sont décidées par le chef d'établissement au regard de la cohérence entre, d'une part, le projet de formation des candidats, leurs acquis et compétences et, d'autre part, les caractéristiques de la formation. Le chef d'établissement se prononce au regard des propositions qui lui sont faites par des commissions d'examen des vœux, constituées au sein de l'établissement pour chacune des formations dispensées. Chaque commission définit les critères et les modalités d'examen des candidatures, dans le respect des critères généraux fixés par l'établissement. 11. Le dernier alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3 prévoit que les candidats peuvent obtenir la communication des informations relatives aux critères et modalités d'examen ainsi mis en œuvre par les établissements ainsi que des motifs pédagogiques qui justifient la décision prise à leur égard. En revanche, les dispositions contestées de cet alinéa excluent l'application de deux articles du code des relations entre le public et l'administration relatifs à la communication et à la publicité des traitements algorithmiques utilisés comme fondement, exclusif ou partiel, d'une décision administrative individuelle. Est ainsi écartée, d'une part, l'application de l'article L. 311-3-1 dudit code, qui imposerait à l'administration, sous réserve des secrets protégés par la loi, de communiquer au candidat qui en fait la demande les règles définissant le traitement algorithmique et les principales caractéristiques de sa mise en œuvre. Est également exclue, d'autre part, l'application de l'article L. 312-1-3 du même code, qui obligerait l'administration, sous la même réserve, à publier en ligne les règles définissant les principaux traitements algorithmiques utilisés dans l'accomplissement de ses missions. 12. Il résulte de la jurisprudence constante du Conseil d'État que les dispositions contestées réservent ainsi l'accès aux documents administratifs relatifs aux traitements algorithmiques utilisés, le cas échéant, par les établissements d'enseignement supérieur pour l'examen des candidatures, aux seuls candidats qui en font la demande, une fois prise la décision les concernant, et pour les seules informations relatives aux critères et modalités d'examen de leur candidature. Ni les tiers ni les candidats, avant qu'une décision ait été prise à leur sujet, ne peuvent donc demander à ce que ces critères et modalités leur soient communiqués. 13. Toutefois, en premier lieu, il ressort des travaux préparatoires que le législateur a considéré que la détermination de ces critères et modalités d'examen des candidatures, lorsqu'ils font l'objet de traitements algorithmiques, n'était pas dissociable de l'appréciation portée sur chaque candidature. Dès lors, en restreignant l'accès aux documents administratifs précisant ces critères et modalités, il a souhaité protéger le secret des délibérations des équipes pédagogiques au sein des établissements. Il a ainsi entendu assurer l'indépendance de ces équipes pédagogiques et l'autorité de leurs décisions. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d'intérêt général. 14. En deuxième lieu, la procédure nationale de préinscription instituée à l'article L. 612-3 du code de l'éducation, notamment en ce qu'elle organise les conditions dans lesquelles les établissements examinent les vœux d'inscription des candidats, n'est pas entièrement automatisée. D'une part, l'usage de traitements algorithmiques pour procéder à cet examen n'est qu'une faculté pour les établissements. D'autre part, lorsque ceux-ci y ont recours, la décision prise sur chaque candidature ne peut être exclusivement fondée sur un algorithme. Elle nécessite, au contraire, une appréciation des mérites des candidatures par la commission d'examen des vœux, puis par le chef d'établissement. 15. En troisième lieu, en application du deuxième alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3, les caractéristiques de chaque formation sont portées à la connaissance des candidats, avant que ceux-ci ne formulent leurs vœux, par l'intermédiaire de la plateforme numérique mise en place dans le cadre de la procédure nationale de préinscription. Elles font l'objet d'un cadrage national fixé par arrêté du ministre de l'enseignement supérieur. Il en résulte, d'une part, que les candidats ont accès aux informations relatives aux connaissances et compétences attendues pour la réussite dans la formation, telles qu'elles sont fixées au niveau national et complétées par chaque établissement. Ils peuvent ainsi être informés des considérations en fonction desquelles les établissements apprécieront leurs candidatures. Il en résulte, d'autre part, que les candidats ont également accès aux critères généraux encadrant l'examen des candidatures par les commissions d'examen des vœux. Si la loi ne prévoit pas un accès spécifique des tiers à ces informations, celles-ci ne sont pas couvertes par le secret. Les documents administratifs relatifs à ces connaissances et compétences attendues et à ces critères généraux peuvent donc être communiqués aux personnes qui en font la demande, dans les conditions de droit commun prévues par le code des relations entre le public et l'administration. 16. En dernier lieu, en application du dernier alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3, une fois qu'une décision de refus a été prise à leur égard, les candidats peuvent, à leur demande, obtenir la communication par l'établissement des informations relatives aux critères et modalités d'examen de leurs candidatures, ainsi que des motifs pédagogiques justifiant la décision prise à leur égard. Ils peuvent ainsi être informés de la hiérarchisation et de la pondération des différents critères généraux établies par les établissements ainsi que des précisions et compléments apportés à ces critères généraux pour l'examen des vœux d'inscription. La communication prévue par ces dispositions peut, en outre, comporter des informations relatives aux critères utilisés par les traitements algorithmiques éventuellement mis en œuvre par les commissions d'examen. 17. Toutefois, cette communication ne bénéficie qu'aux candidats. Or, une fois la procédure nationale de préinscription terminée, l'absence d'accès des tiers à toute information relative aux critères et modalités d'examen des candidatures effectivement retenus par les établissements porterait au droit garanti par l'article 15 de la Déclaration de 1789 une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi, tiré de la protection du secret des délibérations des équipes pédagogiques. Dès lors, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître le droit d'accès aux documents administratifs, être interprétées comme dispensant chaque établissement de publier, à l'issue de la procédure nationale de préinscription et dans le respect de la vie privée des candidats, le cas échéant sous la forme d'un rapport, les critères en fonction desquels les candidatures ont été examinées et précisant, le cas échéant, dans quelle mesure des traitements algorithmiques ont été utilisés pour procéder à cet examen. 18. Il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, les limitations apportées par les dispositions contestées à l'exercice du droit d'accès aux documents administratifs résultant de l'article 15 de la Déclaration de 1789 sont justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à cet objectif. Le grief tiré de la méconnaissance de cet article doit donc, sous cette réserve, être écarté. . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif : 19. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction. 20. D'une part, le refus par un établissement d'enseignement supérieur de communiquer un document administratif relatif à l'examen d'une demande d'inscription dans une formation du premier cycle constitue une décision administrative susceptible de recours devant le juge administratif. Il en va de même du refus d'inscription dans une telle formation. D'autre part, la restriction d'accès à certains documents administratifs relatifs aux traitements algorithmiques éventuellement utilisés par l'établissement ne prive pas d'effectivité les recours contre une décision de refus d'inscription. 21. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit être écarté. 22. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent, sous la réserve énoncée au paragraphe 17, être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les interventions de M. Léo G. et du syndicat des avocats de France ne sont pas admises. Article 2. - Sous la réserve énoncée au paragraphe 17, les mots « Afin de garantir la nécessaire protection du secret des délibérations des équipes pédagogiques chargées de l'examen des candidatures présentées dans le cadre de la procédure nationale de préinscription prévue au même deuxième alinéa, les obligations résultant des articles L. 311-3-1 et L. 312-1-3 du code des relations entre le public et l'administration sont réputées satisfaites dès lors que » figurant au dernier alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3 du code de l'éducation, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, sont conformes à la Constitution. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 2 avril 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 3 avril 2020 .
CONSTIT/CONSTEXT000041803799.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 19 décembre 2019 par le Conseil d'État (décisions nos 423118 et 423044 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, de deux questions prioritaires de constitutionnalité. Ces questions ont été respectivement posées pour M. Marc S. et Mme Albertine G. par la SELARL Cabinet Bornhauser, avocat au barreau de Paris. Elles ont été enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous les nos 2019-832 QPC et 2019-833 QPC. La première question prioritaire de constitutionnalité est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe III de l'article 17 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, « en combinaison avec » l'article 150-0 B ter du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016. La seconde question prioritaire de constitutionnalité est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du même paragraphe III de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013, « en combinaison avec » le paragraphe II de l'article 92 B du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 de finances rectificative pour 1998, et le paragraphe I ter de l'article 160 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'États membres différents, ainsi qu'au transfert du siège statutaire d'une SE ou d'une SCE d'un État membre à un autre ; - le code général des impôts ; - la loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 de finances rectificative pour 1998 ; - la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 ; - la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 ; - la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-538 QPC du 22 avril 2016 ; - l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 18 septembre 2019, nos C-662/18 et C-672/18 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations en intervention présentées pour M. et Mme Philippe L. par Me Philippe Derouin, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 6 janvier 2020 ; - les observations présentées pour M. Marc S. par la SELARL Cabinet Bornhauser, enregistrées le 9 janvier 2020 ; - les observations présentées pour Mme Albertine G. par la SELARL Cabinet Bornhauser, enregistrées le même jour ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations en intervention présentées pour M. et Mme Philippe L. par Me Derouin, enregistrées le 23 janvier 2020 ; - les secondes observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 24 janvier 2020 ; - les secondes observations présentées pour Mme Albertine G. par la SELARL Cabinet Bornhauser, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Marc Bornhauser, avocat au barreau de Paris, pour les requérants, Me Derouin pour la partie intervenante et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 10 mars 2020 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il y a lieu de joindre les deux questions prioritaires de constitutionnalité pour y statuer par une seule décision. 2. Le paragraphe II de l'article 92 B du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 30 décembre 1998 mentionnée ci-dessus, prévoit : « 1. À compter du 1er janvier 1992 ou du 1er janvier 1991 pour les apports de titres à une société passible de l'impôt sur les sociétés, l'imposition de la plus-value réalisée en cas d'échange de titres résultant d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, d'absorption d'un fonds commun de placement par une société d'investissement à capital variable réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés, peut être reportée au moment où s'opérera la cession, le rachat, le remboursement ou l'annulation des titres reçus lors de l'échange. « Ces dispositions sont également applicables aux échanges avec soulte à condition que celle-ci n'excède pas 10 p. 100 de la valeur nominale des titres reçus. Toutefois, la partie de la plus-value correspondant à la soulte reçue est imposée immédiatement. « Le report est subordonné à la condition que le contribuable en fasse la demande et déclare le montant de la plus-value dans les conditions prévues à l'article 97. « Lorsque l'échange des titres est réalisé par une société ou un groupement dont les associés ou membres sont personnellement passibles de l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement, ces associés ou membres peuvent bénéficier du report d'imposition, sous les mêmes conditions, jusqu'à la date de la cession, du rachat ou de l'annulation de leurs droits dans la société ou le groupement ou jusqu'à celle de la cession, du rachat, du remboursement ou de l'annulation des titres reçus en échange si cet événement est antérieur. Les conditions d'application du présent alinéa sont précisées par décret. « 2. Les conditions d'application du 1, et notamment les modalités de déclaration de la plus-value et de report de l'imposition, sont précisées par décret ». 3. L'article 150-0 B ter du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2016 mentionnée ci-dessus, prévoit : « I. - L'imposition de la plus-value réalisée, directement ou par personne interposée, dans le cadre d'un apport de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres ou de droits s'y rapportant tels que définis à l'article 150-0 A à une société soumise à l'impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent est reportée si les conditions prévues au III du présent article sont remplies. Le contribuable mentionne le montant de la plus-value dans la déclaration prévue à l'article 170. « Ces dispositions sont également applicables lorsque l'apport est réalisé avec soulte à condition que celle-ci n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus. Toutefois, la plus-value est, à concurrence du montant de cette soulte, imposée au titre de l'année de l'apport. « Il est mis fin au report d'imposition à l'occasion : « 1° De la cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l'annulation des titres reçus en rémunération de l'apport ; « 2° De la cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l'annulation des titres apportés, si cet événement intervient dans un délai, décompté de date à date, de trois ans à compter de l'apport des titres. Toutefois, il n'est pas mis fin au report d'imposition lorsque la société bénéficiaire de l'apport cède les titres dans un délai de trois ans à compter de la date de l'apport et prend l'engagement d'investir le produit de leur cession, dans un délai de deux ans à compter de la date de la cession et à hauteur d'au moins 50 % du montant de ce produit : « a) Dans le financement de moyens permanents d'exploitation affectés à son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, à l'exception de la gestion d'un patrimoine mobilier ou immobilier ; « b) Dans l'acquisition d'une fraction du capital d'une ou de plusieurs sociétés exerçant une activité mentionnée au a du présent 2°, sous la même exception, et répondant aux conditions prévues au e du 3° du 3 du I de l'article 150-0 D ter. Le réinvestissement ainsi opéré doit avoir pour effet de lui conférer le contrôle de chacune de ces sociétés au sens du 2° du III du présent article ; « c) Ou dans la souscription en numéraire au capital initial ou à l'augmentation de capital d'une ou de plusieurs sociétés répondant aux conditions prévues au premier alinéa du d et au e du 3° du 3 du I de l'article 150-0 D ter. « Le non-respect de la condition de réinvestissement met fin au report d'imposition au titre de l'année au cours de laquelle le délai de deux ans expire. « Lorsque le produit de la cession est réinvesti dans les conditions prévues au présent 2°, les biens ou les titres concernés sont conservés pendant un délai d'au moins douze mois, décompté depuis la date de leur inscription à l'actif de la société. Le non-respect de cette condition met fin au report d'imposition au titre de l'année au cours de laquelle cette condition cesse d'être respectée. « Lorsque le contrat de cession prévoit une clause stipulant le versement d'un ou plusieurs compléments de prix au sens du 2 du I de l'article 150-0 A en faveur de la société cédante, le produit de la cession au sens du premier alinéa du présent 2° s'entend du prix de cession augmenté desdits compléments de prix perçus. Dans ce cas, le prix de cession doit être réinvesti, dans le délai de deux ans à compter de la date de cession, à hauteur d'au moins 50 % de son montant dans les conditions prévues au présent 2°. À défaut, le report d'imposition prend fin au titre de l'année au cours de laquelle le délai de deux ans expire. Pour chaque complément de prix perçu, la société dispose d'un nouveau délai de deux ans à compter de la date de sa perception pour réinvestir, dans les conditions prévues au présent 2°, le reliquat nécessaire au maintien du respect du seuil minimal de 50 % du montant du produit de la cession défini à la première phrase du présent alinéa. À défaut, le report d'imposition prend fin au titre de l'année au cours de laquelle le nouveau délai de deux ans expire ; « 3° De la cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l'annulation des parts ou droits dans les sociétés ou groupements interposés ; « 4° Ou, si cet événement est antérieur, lorsque le contribuable transfère son domicile fiscal hors de France dans les conditions prévues à l'article 167 bis. « La fin du report d'imposition entraîne l'imposition de la plus-value dans les conditions prévues au 2 ter de l'article 200 A, sans préjudice de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727, décompté de la date de l'apport des titres, en cas de manquement à l'une des conditions de réinvestissement mentionnées au 2° du présent I. « II. - En cas de transmission par voie de donation ou de don manuel des titres mentionnés au 1° du I du présent article, le donataire mentionne, dans la proportion des titres transmis, le montant de la plus-value en report dans la déclaration prévue à l'article 170 si la société mentionnée au 2° du même I est contrôlée par le donataire dans les conditions prévues au 2° du III. Ces conditions sont appréciées à la date de la transmission, en tenant compte des droits détenus par le donataire à l'issue de celle-ci. « La plus-value en report est imposée au nom du donataire et dans les conditions prévues à l'article 150-0 A : « 1° En cas de cession, d'apport, de remboursement ou d'annulation des titres dans un délai de dix-huit mois à compter de leur acquisition ; « 2° Ou lorsque l'une des conditions mentionnées au 2° du I du présent article n'est pas respectée. Le non-respect de l'une de ces conditions met fin au report d'imposition dans les mêmes conditions que celles décrites au même 2°. L'intérêt de retard prévu à l'article 1727, décompté de la date de l'apport des titres par le donateur, est applicable. « La durée de détention à retenir par le donataire est décomptée à partir de la date d'acquisition des titres par le donateur. Les frais afférents à l'acquisition à titre gratuit sont imputés sur le montant de la plus-value en report. « Le 1° du présent II ne s'applique pas en cas d'invalidité correspondant au classement dans la deuxième ou troisième des catégories prévues à l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale, de licenciement ou de décès du donataire ou de son conjoint ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité soumis à une imposition commune. « III. - Le report d'imposition est subordonné aux conditions suivantes : « 1° L'apport de titres est réalisé en France ou dans un État membre de l'Union européenne ou dans un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ; « 2° La société bénéficiaire de l'apport est contrôlée par le contribuable. Cette condition est appréciée à la date de l'apport, en tenant compte des droits détenus par le contribuable à l'issue de celui-ci. Pour l'application de cette condition, un contribuable est considéré comme contrôlant une société : « a) Lorsque la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société est détenue, directement ou indirectement, par le contribuable ou par l'intermédiaire de son conjoint ou de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et sœurs ; « b) Lorsqu'il dispose seul de la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires ; « c) Ou lorsqu'il y exerce en fait le pouvoir de décision. « Le contribuable est présumé exercer ce contrôle lorsqu'il dispose, directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux égale ou supérieure à 33,33 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne. « Le contribuable et une ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérés comme contrôlant conjointement une société lorsqu'ils déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale. « IV. - Par dérogation aux 1° et 3° du I, le report d'imposition de la plus-value mentionné au même I ou son maintien en application du présent alinéa est maintenu lorsque les titres reçus en rémunération du dernier apport ou échange ayant ouvert droit au report d'imposition mentionné audit I ou à son maintien font l'objet d'une nouvelle opération d'apport ou d'échange dans les conditions prévues au présent article ou à l'article 150-0 B. « Le contribuable mentionne chaque année, dans la déclaration prévue à l'article 170, le montant des plus-values dont le report est maintenu en application du premier alinéa du présent IV. « Il est mis fin au report d'imposition de la plus-value mentionné au I et maintenu en application du premier alinéa du présent IV en cas : « 1° De cession à titre onéreux, de rachat, de remboursement ou d'annulation des titres reçus par le contribuable en contrepartie du dernier apport ou échange ayant ouvert droit au report d'imposition ou à son maintien ; « 2° De survenance de l'un des événements mentionnés aux 3° et 4° du I ; « 3° De survenance, dans la société bénéficiaire de l'apport ayant ouvert droit au report d'imposition ou dans l'une des sociétés bénéficiaires d'un apport ou échange ayant ouvert droit au maintien de ce report en application du premier alinéa du présent IV, d'un événement mentionné au 2° du I mettant fin au report d'imposition. « V. - En cas de survenance d'un des événements prévus aux 1° à 4° du I et aux 1° à 3° du IV, il est mis fin au report d'imposition de la plus-value dans la proportion des titres cédés à titre onéreux, rachetés, remboursés ou annulés. « VI. - Un décret fixe les conditions d'application du présent article, notamment les obligations déclaratives des contribuables et des sociétés bénéficiaires de l'apport des titres ». 4. Le paragraphe I ter de l'article 160 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 30 décembre 1999 mentionnée ci-dessus, prévoit : « 1. Par exception aux dispositions du paragraphe I bis, l'imposition de la plus-value réalisée en cas d'échange de droits sociaux résultant d'une fusion ou d'une scission ou, à compter du 1er janvier 1988, en cas d'échange résultant d'apports de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés, peut, sur demande expresse du contribuable, être reportée au moment où s'opérera la cession ou le rachat des droits sociaux reçus à l'occasion de l'échange par cet associé. « Sous réserve des dispositions du 2, ce report d'imposition est subordonné à la condition que l'opération de fusion ou de scission ait été préalablement agréée par le ministre du budget. « L'imposition de la plus-value réalisée en cas d'échange de droits sociaux effectué avant le 1er janvier 1988 et résultant d'une fusion ou d'une scission peut, sur demande expresse du contribuable et à condition que l'opération de fusion ou de scission ait été préalablement agréée par le ministre chargé du budget, être reportée au moment où s'opérera la transmission ou le rachat des droits sociaux reçus à l'occasion de l'échange. « 2. Toutefois le contribuable est dispensé de l'agrément en cas de de fusion, de scission ou d'apport de droits sociaux représentant ensemble 50 % au moins du capital de la société dont les titres sont apportés, lorsqu'il prend l'engagement de conserver les titres acquis en échange pendant un délai de cinq ans à compter de la date de l'opération d'échange. Le non-respect de cet engagement entraîne l'établissement de l'imposition au titre de l'année au cours de laquelle l'échange de droits sociaux est intervenu, sans préjudice des sanctions prévues à l'article 1729. « 3. Les dispositions des 1 et 2 cessent de s'appliquer aux plus-values d'échanges de titres réalisés à compter du 1er janvier 1991. « 4. L'imposition de la plus-value réalisée à compter du 1er janvier 1991 en cas d'échange de droits sociaux résultant d'une opération de fusion, scission ou d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés peut être reportée dans les conditions prévues au II de l'article 92 B. Il en est de même lorsque l'échange des titres est réalisé par une société ou un groupement dont les associés ou membres sont personnellement passibles de l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement. Les conditions d'application sont précisées par décret. « Ces dispositions sont également applicables aux échanges avec soulte à condition que celle-ci n'excède pas 10 p. 100 de la valeur nominale des titres reçus. Toutefois, la partie de la plus-value correspondant à la soulte reçue est imposée immédiatement. « 5. Pour l'application du régime d'imposition défini au présent article, lorsque les titres reçus dans les cas prévus aux 1, 2 et 4 font l'objet d'un échange dans les conditions prévues au 4, au II de l'article 92 B ou au troisième alinéa de l'article 150 A bis, l'imposition des plus-values antérieurement reportée peut, à la demande du contribuable, être reportée de nouveau au moment où s'opérera la cession, le rachat, le remboursement ou l'annulation des nouveaux titres reçus à condition que l'imposition de la plus-value réalisée lors de cet échange soit elle-même reportée. « Un décret fixe les conditions d'application du premier alinéa ». 5. Les paragraphes I et II de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 mentionnée ci-dessus créent, à l'article 150-0 D du code général des impôts, un abattement pour durée de détention pour l'imposition des plus-values résultant de la cession de valeurs mobilières ou d'opérations d'échanges de titres. Le paragraphe III de cet article 17 prévoit : « Les I et II s'appliquent aux gains réalisés et aux distributions perçues à compter du 1er janvier 2013, à l'exception des 1° et 4° du D, du E, des vingt-troisième et vingt-quatrième alinéas du 2° du F, des G et H, des b et c du 1° du K, du L, des 1° et 3° du N, des O, R et W du I et du 2° du II, qui s'appliquent aux gains réalisés et aux distributions perçues à compter du 1er janvier 2014. Les M et V ne s'appliquent pas aux contribuables qui bénéficient, au 31 décembre 2013, du report d'imposition mentionné à l'article 150-0 D bis, dans sa version en vigueur à cette date ». 6. Les requérants reprochent à ces dispositions, telles qu'interprétées par le Conseil d'État en conformité avec le droit de l'Union européenne, d'établir une différence de traitement injustifiée dans la taxation des plus-values tirées d'opérations d'échange de titres faisant l'objet d'un report d'imposition, selon qu'elles sont effectuées dans le cadre de l'Union européenne ou dans un cadre national. Le premier type de plus-values donnerait lieu, en toute circonstance, à l'application d'un abattement pour durée de détention couvrant non seulement la période de détention des titres remis à l'échange mais aussi celle des titres reçus en contrepartie. En revanche, le second type de plus-values ne donnerait lieu à l'application d'aucun abattement lorsque la plus-value a été réalisée avant le 1er janvier 2013 et d'un abattement portant sur la seule durée de détention des titres remis à l'échange lorsqu'elle est intervenue après cette date. L'un des requérants critique également la différence de traitement résultant du fait que, en cas de report d'imposition obligatoire prévu par l'article 150-0 B ter du code général des impôts, les plus-values réalisées, dans le cadre national, avant le 1er janvier 2013 seraient taxées au taux d'imposition en vigueur au moment où elles ont été placées en report d'imposition et non, comme pour les plus-values réalisées dans le cadre de l'Union européenne, au taux en vigueur lorsque le report d'imposition prend fin. 7. Par conséquent, les questions prioritaires de constitutionnalité portent, en premier lieu, sur le renvoi opéré par la première phrase du paragraphe III de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 au b du 1° du F du paragraphe I du même article. En second lieu, elles portent sur les mots « dans les conditions prévues au 2 ter de l'article 200 A » figurant au dernier alinéa du paragraphe I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts. - Sur les conclusions aux fins de non-lieu : 8. La partie intervenante soutient qu'il n'y aurait pas lieu pour le Conseil constitutionnel de statuer sur la conformité de ces dispositions aux droits et libertés que la Constitution garantit, dans la mesure où, selon elle, il pourrait résulter d'une autre interprétation de ces dispositions, conforme au droit de l'Union européenne, une absence de différence de traitement, ce qui priverait la question prioritaire de constitutionnalité de son objet. Toutefois, une telle argumentation tend à remettre en cause l'appréciation du caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité par la décision de renvoi, et doit donc être écartée. - Sur le fond : 9. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 10. L'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 a soumis l'imposition des plus-values constituées à l'occasion d'une opération d'échange de titres au barème progressif de l'impôt sur le revenu. Lorsque ces plus-values ont fait l'objet d'un report d'imposition sur le fondement des articles 92 B ou 160 du code général des impôts, précédemment applicables, ou sur le fondement de l'article 150-0 B ter du même code, elles peuvent en outre bénéficier de l'abattement pour durée de détention prévu aux 1 ter et 1 quater de l'article 150-0 D du même code. Toutefois, conformément au paragraphe III de cet article 17, cet abattement ne s'applique pas aux plus-values placées en report d'imposition avant le 1er janvier 2013. En outre, par exception, conformément à la réserve d'interprétation formulée au considérant 15 de la décision du Conseil constitutionnel du 22 avril 2016 mentionnée ci-dessus, les plus-values obligatoirement placées en report d'imposition sur le fondement de l'article 150-0 B ter avant le 1er janvier 2013 sont imposées selon les règles d'assiette et de taux applicables au fait générateur de leur imposition. 11. Dans sa décision du 18 septembre 2019 mentionnée ci-dessus, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que la directive du 19 octobre 2009 mentionnée ci-dessus doit s'interpréter en ce sens que, dans le cadre d'une opération d'échange de titres, elle requiert « que soit appliqué, à la plus-value afférente aux titres échangés et placée en report d'imposition ainsi qu'à celle issue de la cession des titres reçus en échange, le même traitement fiscal, au regard du taux d'imposition et de l'application d'un abattement fiscal pour tenir compte de la durée de détention des titres, que celui que se serait vu appliquer la plus-value qui aurait été réalisée lors de la cession des titres existant avant l'opération d'échange, si cette dernière n'avait pas eu lieu ». Il résulte de la jurisprudence constante du Conseil d'État, tirant les conséquences de cette décision et des règles rappelées au paragraphe précédent, que, lorsqu'elles sont afférentes à des opérations entrant dans le champ matériel et territorial de la directive du 19 octobre 2009, les plus-values placées en report d'imposition sur le fondement des articles 92 B, 160 ou 150-0 B ter du code général des impôts bénéficient, en cas d'imposition au barème progressif de l'impôt sur le revenu, de l'application de l'abattement pour durée de détention prévu à l'article 150-0 D du code général des impôts, quelle que soit la date à laquelle elles ont été placées en report d'imposition. En revanche, d'une part, lorsqu'elles sont afférentes à des opérations qui n'entrent pas dans ce même champ, ces plus-values n'en bénéficient pas si elles ont été placées en report d'imposition avant le 1er janvier 2013. D'autre part, celles placées en report d'imposition après cette date, sur le fondement de l'article 150-0 B ter, n'en bénéficient qu'à concurrence de la durée de détention des titres remis à l'échange. 12. En premier lieu, il résulte des dispositions contestées, telles qu'interprétées par une jurisprudence constante, une différence de traitement, s'agissant de l'application de l'abattement pour durée de détention aux plus-values d'une opération d'échange de titres placées en report d'imposition, selon que cette opération a été réalisée dans le cadre de l'Union européenne ou qu'elle l'a été dans le cadre national ou en dehors de l'Union européenne. 13. Toutefois, les régimes juridiques de report d'imposition applicables aux plus-values d'échange de titres visent à garantir une certaine neutralité fiscale à ces opérations en évitant que le contribuable soit contraint de céder ses titres pour acquitter l'impôt. Les dispositions contestées se sont bornées à adapter certains de ces régimes aux évolutions de la législation relative à l'imposition des plus-values. Le respect du droit de l'Union européenne impose de renforcer la neutralité fiscale des opérations européennes d'échange de titres. 14. D'une part, il ne résulte pas de cette exigence découlant du droit de l'Union européenne une dénaturation de l'objet initial de la loi. D'autre part, au regard de l'objet de la loi, telle que désormais interprétée, il existe une différence de situation, tenant au cadre, européen ou non, de l'opération d'échange de titres. Par conséquent, la différence de traitement instaurée par les dispositions contestées est fondée sur une différence de situation et en rapport direct avec l'objet de la loi. 15. En second lieu et en tout état de cause, la différence de traitement qui résulterait de l'application aux plus-values placées en report d'imposition obligatoire, avant le 1er janvier 2013, du taux et des règles d'assiette applicables au fait générateur de l'imposition, lorsque l'opération d'échange de titres ne relève pas du droit de l'Union européenne, serait, elle aussi, pour les mêmes raisons, fondée sur une différence de situation et en rapport direct avec l'objet de la loi. 16. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être écarté. Les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le renvoi opéré par la première phrase du paragraphe III de l'article 17 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 au b du 1° du F du paragraphe I du même article et les mots « dans les conditions prévues au 2 ter de l'article 200 A » figurant au dernier alinéa du paragraphe I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 2 avril 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 3 avril 2020.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 12 décembre 2019 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêts n° 2953 et 2954 du 11 décembre 2019), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, de deux questions prioritaires de constitutionnalité. Ces questions ont été respectivement posées pour M. Raphaël S. par la SCP Garreau - Bauer-Violas - Feschotte-Desbois, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et pour M. Mohamed R. par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elles ont été enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous les nos 2019-828 QPC et 2019-829 QPC. Elles sont relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit, pour la première, de l'article 335 du code de procédure pénale, pour la seconde, de ce même article et de l'article 331 du même code. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code civil ; - le code pénal ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ; - la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs ; - l'arrêt de la Cour de cassation du 21 juin 1995 (chambre criminelle, n° 94-85.194) ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour M. Mohamed R. par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, enregistrées le 3 janvier 2020 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Michaël Ghnassia, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour M. Mohamed R. et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 4 février 2020 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il y a lieu de joindre les deux questions prioritaires de constitutionnalité pour y statuer par une seule décision. 2. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi de l'article 331 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 9 mars 2004 mentionnée ci-dessus et de l'article 335 du même code dans sa rédaction résultant de la loi du 10 août 2011 mentionnée ci-dessus. 3. L'article 331 du code de procédure pénale, dans cette rédaction, prévoit :« Les témoins déposent séparément l'un de l'autre, dans l'ordre établi par le président. « Les témoins doivent, sur la demande du président, faire connaître leurs nom, prénoms, âge, profession, leur domicile ou résidence, s'ils connaissaient l'accusé avant le fait mentionné dans l'arrêt de renvoi, s'ils sont parents ou alliés, soit de l'accusé, soit de la partie civile, et à quel degré. Le président leur demande encore s'ils ne sont pas attachés au service de l'un ou de l'autre. « Avant de commencer leur déposition, les témoins prêtent le serment "de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité, rien que la vérité". Cela fait, les témoins déposent oralement. Le président peut autoriser les témoins à s'aider de documents au cours de leur audition. « Sous réserve des dispositions de l'article 309, les témoins ne sont pas interrompus dans leur déposition. « Les témoins déposent uniquement, soit sur les faits reprochés à l'accusé, soit sur sa personnalité et sur sa moralité ». 4. L'article 335 du même code, dans cette rédaction, prévoit :« Ne peuvent être reçues sous la foi du serment les dépositions : « 1° Du père, de la mère ou de tout autre ascendant de l'accusé, ou de l'un des accusés présents et soumis au même débat ; « 2° Du fils, de la fille, ou de tout autre descendant ; « 3° Des frères et sœurs ; « 4° Des alliés aux mêmes degrés ; « 5° Du mari ou de la femme ; cette prohibition subsiste même après le divorce ; « 6° De la partie civile ; « 7° Des enfants au-dessous de l'âge de seize ans ; « 8° De toute personne qui a été accusée, prévenue ou condamnée soit pour le crime dont est saisie la cour d'assises en qualité de coauteur ou de complice, soit pour un crime ou un délit connexe ou formant un ensemble indivisible avec le crime dont est saisie la cour d'assises ». 5. Selon les requérants, en ce qu'elles prévoient que le mari ou la femme de l'accusé témoigne, devant la cour d'assises, sans avoir à prêter serment, ces dispositions créeraient une différence de traitement inconstitutionnelle entre, d'une part, les époux et, d'autre part, les concubins ou les partenaires liés par un pacte civil de solidarité, qui sont, eux, soumis à une telle obligation de prêter serment. Il en résulterait une violation des principes d'égalité devant la loi et devant la justice. En outre, pour le premier requérant, en privant les concubins de la possibilité de témoigner sans prêter serment, à titre de simples renseignements et sans donc encourir le risque d'être poursuivi pour faux témoignage, ces dispositions porteraient atteinte aux droits de la défense. 6. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « Du mari ou de la femme » figurant au 5° de l'article 335 du code de procédure pénale. - Sur le fond : 7. Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité devant la loi ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 8. L'article 331 du code de procédure pénale, qui organise le déroulement des dépositions des témoins devant la cour d'assises, impose à ces derniers de prêter le serment « de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité, rien que la vérité ». En vertu des articles 326 du code de procédure pénale et 434-13 du code pénal, le témoin qui refuse de déposer encourt une amende de 3 750 euros ; celui qui ment sous serment encourt une peine de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. 9. Les dispositions contestées dispensent de cette obligation de prêter serment le mari ou la femme de l'accusé. En revanche, y sont soumises la personne vivant en concubinage avec lui et celle avec laquelle il est lié par un pacte civil de solidarité. 10. En premier lieu, en instaurant une telle dispense, le législateur a entendu préserver le conjoint appelé à témoigner du dilemme moral auquel il serait exposé s'il devait choisir entre mentir ou se taire, sous peine de poursuites, et dire la vérité, pour ou contre la cause de l'accusé. 11. Or, le mariage, le concubinage ou le pacte civil de solidarité sont les trois formes d'union sous lesquelles peut s'organiser, juridiquement, la vie commune d'un couple. Si l'intensité des droits et obligations qui s'imposent aux membres du couple diffèrent selon qu'ils choisissent l'une ou l'autre de ces unions, les concubins ou les partenaires liés par un pacte civil de solidarité ne sont pas moins exposés que les conjoints au dilemme moral dont le législateur a entendu préserver ces derniers lorsqu'ils sont appelés à témoigner au procès de leur conjoint accusé. 12. En second lieu, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation qu'une déposition effectuée sans prêter serment alors que le témoin était tenu de le faire est susceptible de vicier la procédure suivie. Dès lors, la limitation de la liste des personnes susceptibles d'être dispensées de la formalité du serment, à raison de leur proximité avec l'accusé, peut être justifiée par l'intérêt qui s'attache à ce que la cour d'assises puisse facilement s'assurer de l'existence ou non du lien du témoin avec l'accusé. Tel est notamment le cas du mariage, compte tenu de la publicité dont il fait l'objet. 13. Toutefois, tel est aussi le cas du pacte civil de solidarité qui fait l'objet d'un enregistrement en mairie. Par ailleurs, l'article 515-8 du code civil définit le concubinage comme une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes qui vivent en couple. Compte tenu de ces critères de stabilité et de continuité, la cour d'assises est en mesure, au regard notamment des éléments recueillis lors de l'instruction, de s'assurer de l'existence d'une vie commune constitutive d'un concubinage. Dès lors, l'intérêt qui s'attache à faciliter la connaissance par la juridiction des liens unissant l'accusé et le témoin ne saurait, à lui seul, justifier la différence de traitement établie par les dispositions contestées entre le mariage, le concubinage et le pacte civil de solidarité. 14. Il résulte de tout ce qui précède que la différence de traitement instaurée par les dispositions contestées qui n'est justifiée ni par une différence de situation ni par un motif d'intérêt général est contraire au principe d'égalité devant la loi. 15. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, les mots « Du mari ou de la femme » figurant au 5° de l'article 335 du code de procédure pénale doivent être déclarés contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 16. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 17. En l'espèce, l'abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires à la Constitution, qui priverait les époux d'une garantie, entraînerait des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 31 décembre 2020 la date de l'abrogation des dispositions contestées. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « Du mari ou de la femme » figurant au 5° de l'article 335 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, sont contraires à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 17 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 février 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 28 février 2020.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 13 décembre 2019 par le Conseil d'État (décision n° 431724 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour l'association Conseil national des centres commerciaux par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2019-830 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du e du 1° du paragraphe I et des paragraphes III et IV de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de commerce ; - la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour l'association requérante par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées le 6 janvier 2020 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour l'association requérante par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées le 20 janvier 2020 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Emmanuel Piwnica, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'association requérante, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 4 mars 2020 ; Au vu de la note en délibéré présentée par le Premier ministre, enregistrée le 11 mars 2020 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le e du 1° du paragraphe I de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de la loi du 23 novembre 2018 mentionnée ci-dessus, prévoit que, lorsqu'elle statue sur une demande d'autorisation d'exploitation commerciale, la commission départementale d'aménagement commercial prend en considération, en matière d'aménagement du territoire : « La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ». 2. Les paragraphes III et IV de ce même article, dans cette même rédaction, prévoient : « La commission se prononce au vu d'une analyse d'impact du projet, produite par le demandeur à l'appui de sa demande d'autorisation. Réalisée par un organisme indépendant habilité par le représentant de l'État dans le département, cette analyse évalue les effets du projet sur l'animation et le développement économique du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre, ainsi que sur l'emploi, en s'appuyant notamment sur l'évolution démographique, le taux de vacance commerciale et l'offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise pertinente, en tenant compte des échanges pendulaires journaliers et, le cas échéant, saisonniers, entre les territoires. « Le demandeur d'une autorisation d'exploitation commerciale doit démontrer, dans l'analyse d'impact mentionnée au III, qu'aucune friche existante en centre-ville ne permet l'accueil du projet envisagé. En l'absence d'une telle friche, il doit démontrer qu'aucune friche existante en périphérie ne permet l'accueil du projet envisagé ». 3. Selon l'association requérante, ces dispositions méconnaîtraient la liberté d'entreprendre, en ce qu'elles subordonnent la délivrance de l'autorisation administrative d'exploitation commerciale à la contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial des centres-villes de la commune d'implantation et des communes alentour. Il en irait de même des dispositions prévoyant que l'analyse d'impact, produite par le demandeur, évalue les effets du projet sur l'animation et le développement économique des centres-villes et sur l'emploi. Il en irait également ainsi des dispositions imposant que cette analyse d'impact établisse qu'aucune friche en centre-ville, ou à défaut, en périphérie, ne permet l'accueil de ce projet. Selon l'association requérante, aucun motif d'intérêt général ne permettrait de justifier ces différentes dispositions, qui poursuivraient, non une finalité d'aménagement du territoire, mais un objectif purement économique de protection des commerçants des centres-villes, en limitant l'implantation de grandes surfaces commerciales en périphérie des communes. En tout état de cause, ces dispositions porteraient une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre, dès lors que le territoire sur lequel les effets du projet doivent être appréciés serait trop large et que les critères retenus favoriseraient les opérateurs économiques déjà implantés au détriment des nouveaux entrants. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le e du 1° du paragraphe I de l'article L. 752-6 du code de commerce, sur les mots « sur l'animation et le développement économique du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre, ainsi que sur l'emploi, en s'appuyant notamment sur l'évolution démographique, le taux de vacance commerciale et l'offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise pertinente » figurant à la seconde phrase du paragraphe III du même article et sur le paragraphe IV du même article. 5. Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi. 6. En application de l'article L. 752-1 du code de commerce, certains projets d'exploitation commerciale sont soumis à autorisation administrative préalable. Cette autorisation, délivrée par la commission départementale d'aménagement commercial, est subordonnée à la conformité du projet aux objectifs énoncés par la loi, notamment à ceux d'aménagement du territoire, de protection de l'environnement et de qualité de l'urbanisme mentionnés à l'article L. 750-1 du même code. Selon cet article, ces projets « doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. - Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ». 7. En application du paragraphe I de l'article L. 752-6 du code de commerce, lorsqu'elle se prononce sur une demande d'autorisation, la commission départementale prend en considération plusieurs critères relatifs à l'aménagement du territoire, au développement durable et à la protection des consommateurs. Au nombre des critères ayant trait à l'aménagement du territoire, les dispositions contestées de ce paragraphe I mentionnent la contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et des communes de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre. Par ailleurs, les dispositions contestées du paragraphe III du même article prévoient que l'analyse d'impact, produite à l'appui de la demande d'autorisation et réalisée par un organisme indépendant, comporte une évaluation des effets du projet sur l'animation et le développement économique de ces mêmes centres-villes ainsi que sur l'emploi, en s'appuyant notamment sur l'évolution démographique, le taux de vacance commerciale et l'offre de mètres carrés commerciaux existants dans la zone de chalandise pertinente. Enfin, en application du paragraphe IV du même article, le demandeur doit, dans cette analyse d'impact, établir qu'aucune friche en centre-ville ou, à défaut, en périphérie ne permet d'accueillir son projet. 8. En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu renforcer le contrôle des commissions d'aménagement commercial sur la répartition territoriale des surfaces commerciales, afin de favoriser un meilleur aménagement du territoire et, en particulier, de lutter contre le déclin des centres-villes. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général. 9. En second lieu, il appartient à la commission d'aménagement commercial, sous le contrôle du juge administratif, d'apprécier la conformité du projet qui lui est soumis aux objectifs énoncés au paragraphe 6, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. Cette autorisation ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation de ces objectifs. 10. Or, d'une part, les dispositions contestées du paragraphe I, relatives à l'effet du projet sur la préservation ou la revitalisation du tissu commercial de certains centres-villes, se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l'appréciation globale des effets du projet sur l'aménagement du territoire, et notamment sur le rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville. En particulier, elles ne subordonnent pas la délivrance de l'autorisation à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes mentionnés par ces dispositions. 11. D'autre part, le paragraphe IV de l'article L. 752-6, relatif à l'existence d'une friche en centre-ville ou en périphérie, a également pour seul objet d'instituer un critère supplémentaire permettant d'évaluer si, compte tenu des autres critères, le projet compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Ces dispositions n'ont ainsi pas pour effet d'interdire toute délivrance d'une autorisation au seul motif qu'une telle friche existerait. Elles permettent en outre au demandeur de faire valoir les raisons, liées par exemple à la surface du commerce en cause, pour lesquelles les friches existantes ne permettent pas l'accueil de son projet. 12. Enfin, l'analyse d'impact prévue au paragraphe III de l'article L. 752-6 vise à faciliter l'appréciation, par la commission d'aménagement commercial, des effets du projet sur l'animation et le développement économique des centres-villes et sur l'emploi. En prévoyant que, à cette fin, cette analyse s'appuie notamment sur l'évolution démographique, le taux de vacance commerciale et l'offre de mètres carrés commerciaux existants dans la zone de chalandise pertinente, les dispositions contestées de ce paragraphe III n'instituent aucun critère d'évaluation supplémentaire. 13. Il résulte de tout ce qui précède que l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre par les dispositions contestées n'est pas disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi. Le grief tiré de la méconnaissance de cette liberté doit donc être écarté. 14. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le e du 1° du paragraphe I de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, les mots « sur l'animation et le développement économique du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre, ainsi que sur l'emploi, en s'appuyant notamment sur l'évolution démographique, le taux de vacance commerciale et l'offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise pertinente » figurant à la seconde phrase du paragraphe III du même article et le paragraphe IV du même article, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 11 mars 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 12 mars 2020.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 18 décembre 2019 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 1751 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Pierre V. par la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2019-831 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa de l'article L. 1453-4 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code du travail ; - l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, ratifiée par l'article 18 de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, enregistrées le 9 janvier 2020 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour le syndicat Plastalliance par Me Jean-Jacques Gatineau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ; - les secondes observations en intervention présentées pour le syndicat Plastalliance par Me Gatineau, enregistrées le 21 janvier 2020 ; - les secondes observations présentées pour le requérant par la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, enregistrées le 23 janvier 2020 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Manuela Grévy, avocate au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le requérant, Me Gatineau pour la partie intervenante et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 4 mars 2020 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le troisième alinéa de l'article L. 1453-4 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 20 décembre 2017 mentionnée ci-dessus, prévoit :« Le défenseur syndical intervient sur le périmètre d'une région administrative ». 2. Le requérant, rejoint par le syndicat intervenant, reproche à ces dispositions de porter atteinte au principe d'égalité devant la justice, aux droits de la défense et au droit à un recours juridictionnel effectif. Il estime qu'en limitant la compétence du défenseur syndical au ressort d'une région, elles introduiraient des distinctions injustifiées entre les justiciables. En effet, celui qui souhaite être représenté par un défenseur syndical est contraint de le choisir parmi les défenseurs syndicaux de la région dans laquelle est située la juridiction compétente alors que celui qui souhaite être défendu par un avocat peut le choisir parmi tous les avocats exerçant en France. Il soutient également que le justiciable représenté par un défenseur syndical ne disposerait pas de garanties égales à celles offertes au justiciable représenté par un avocat. D'une part, les organisations syndicales ne seraient pas en mesure de proposer dans chaque région des défenseurs syndicaux ayant des compétences suffisamment variées pour assister et représenter les salariés des différentes branches. D'autre part, un justiciable représenté par un défenseur syndical en première instance ne peut l'être en appel par le même défenseur lorsque la cour d'appel est située dans une autre région que la juridiction de première instance. 3. Le requérant et le syndicat intervenant font également valoir que ces dispositions limiteraient la faculté des syndicats de s'organiser librement et affaibliraient leur capacité à défendre en justice les intérêts des salariés et des employeurs. Il en résulterait une méconnaissance de la liberté syndicale. 4. En premier lieu, selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi est « la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». L'article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense. 5. Selon l'article L. 1453-4 du code du travail, le défenseur syndical exerce des fonctions d'assistance et de représentation devant les conseils de prud'hommes et les cours d'appel en matière prud'homale. Il doit être inscrit sur une liste arrêtée par l'autorité administrative, pour chaque région, sur proposition de certaines organisations syndicales représentatives. Les dispositions contestées prévoient que le défenseur syndical ne peut exercer ses missions que sur le territoire d'une seule région. 6. D'une part, tous les justiciables ont la même faculté d'être représentés devant le conseil de prud'hommes, entre autres, par un avocat ou par un défenseur syndical inscrit sur la liste de la région dans laquelle est située cette juridiction. Le seul fait, lors de l'exercice de cette faculté, d'être contraint de choisir un défenseur syndical compétent dans le territoire de la région ne crée aucune distinction entre les justiciables. 7. D'autre part, ces dispositions n'établissent, en elles-mêmes, aucune différence, devant le conseil de prud'hommes, dans les règles de procédure ou les droits des parties selon qu'elles sont représentées par un défenseur syndical ou par un avocat. 8. Toutefois, les dispositions contestées pourraient avoir pour effet que, dans le cas où une cour d'appel n'est pas située dans la même région que le conseil de prud'hommes, le justiciable représenté par un défenseur syndical soit contraint d'en changer lorsque l'affaire est portée devant la cour d'appel, y compris en cas de renvoi après cassation, à la différence d'un justiciable représenté en première instance par un avocat. Cette différence de traitement ne trouve de justification ni dans les contraintes résultant du financement public du défenseur syndical, ni dans la spécificité du statut des défenseurs syndicaux, ni dans aucun autre motif. Dès lors, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître le principe d'égalité devant la justice, priver la partie ayant choisi de se faire assister par un défenseur syndical devant le conseil de prud'hommes de continuer à être représentée, dans tous les cas, par ce même défenseur devant la cour d'appel compétente. 9. Il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la justice doit être écarté. 10. En second lieu, en limitant la compétence du défenseur syndical au territoire d'une seule région, les dispositions contestées ne portent atteinte ni à l'organisation ou au fonctionnement des syndicats ni, en tout état de cause, à la faculté des syndicats d'assister et de représenter les parties devant les juridictions du travail. Le grief tiré de la méconnaissance de la liberté syndicale doit donc être écarté. 11. Il résulte de tout ce qui précède que le troisième alinéa de l'article L. 1453-4 du code du travail, qui ne méconnaît pas non plus les droits de la défense ou le droit à un recours juridictionnel effectif ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit, sous la réserve énoncée au paragraphe 8, être déclaré conforme à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sous la réserve énoncée au paragraphe 8, le troisième alinéa de l'article L. 1453-4 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 11 mars 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 12 mars 2020.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 11 décembre 2019 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 2805 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Gérard F. par Me Éric Dupond-Moretti, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2019-827 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa des articles 785 et 786 du code de procédure pénale. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - la loi constitutionnelle n° 2007-239 du 23 février 2007 relative à l'interdiction de la peine de mort ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 81-908 du 9 octobre 1981 portant abolition de la peine de mort ; - la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal et à la modification de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale rendue nécessaire par cette entrée en vigueur ; - la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit ; - les arrêts de la Cour de cassation du 12 février 1963 (chambre criminelle, n° 62-90.725) et du 11 juillet 2017 (chambre criminelle, n° 16-86.423) ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 2 janvier 2020 ; - les observations présentées pour le requérant par la SCP Spinosi et Sureau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 17 janvier 2020 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Dupont-Moretti et Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le requérant, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 4 février 2020 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du premier alinéa de l'article 785 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 16 décembre 1992 mentionnée ci-dessus et du premier alinéa de l'article 786 du même code dans sa rédaction résultant de la loi du 17 mai 2011 mentionnée ci-dessus. 2. Le premier alinéa de l'article 785 du code de procédure pénale, dans cette rédaction, prévoit :« La réhabilitation ne peut être demandée en justice, du vivant du condamné, que par celui-ci, ou, s'il est interdit, par son représentant légal ; en cas de décès et si les conditions légales sont remplies, la demande peut être suivie par son conjoint ou par ses ascendants ou descendants et même formée par eux, mais dans le délai d'une année seulement à dater du décès ». 3. Le premier alinéa de l'article 786 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 17 mai 2011, prévoit : « La demande en réhabilitation ne peut être formée qu'après un délai de cinq ans pour les condamnés à une peine criminelle, de trois ans pour les condamnés à une peine correctionnelle et d'un an pour les condamnés à une peine contraventionnelle ». 4. Le requérant fait valoir que, en conditionnant la recevabilité d'une demande en réhabilitation judiciaire au respect d'un délai d'épreuve de cinq ans à compter de l'expiration de la sanction subie, ces dispositions priveraient les proches d'une personne condamnée à la peine de mort, dont la peine a été exécutée, de la possibilité de former en son nom une telle demande dans l'année de son décès. Cette différence de traitement entre les personnes condamnées à mort, dont la peine a été exécutée, et celles condamnées à d'autres peines criminelles, ou qui ont été graciées par le Président de la République, méconnaîtrait les principes d'égalité devant la loi et devant la justice. Il en résulterait également une méconnaissance du principe de proportionnalité des peines. 5. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « de cinq ans pour les condamnés à une peine criminelle » figurant au premier alinéa de l'article 786 du code de procédure pénale. - Sur les griefs tirés de la méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et devant la justice : 6. Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité devant la loi ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 7. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». 8. Il résulte des articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789 que si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales. 9. La réhabilitation judiciaire vise à favoriser le reclassement du condamné. Elle efface toutes les incapacités et déchéances qui résultent d'une condamnation pénale et interdit d'en rappeler l'existence à toute personne qui en a connaissance dans l'exercice de ses fonctions. Toutefois, elle ne supprime pas de plein droit la condamnation qui peut être prise en compte par les autorités judiciaires en cas de nouvelles poursuites, pour l'application de la récidive légale. 10. Selon l'article 786 du code de procédure pénale, une demande en réhabilitation judiciaire ne peut être formée qu'après un délai de cinq ans pour les personnes condamnées à une peine criminelle. Ce délai court à compter de l'expiration de la sanction, qu'elle soit exécutée ou prescrite, sauf dans le cas particulier, prévu à l'article 789 du même code, où le condamné « a rendu des services éminents au pays » depuis l'infraction et peut alors être réhabilité sans condition de temps ni d'exécution de peine. 11. Les dispositions contestées font ainsi obstacle à ce qu'une demande en réhabilitation judiciaire puisse être formée par une personne condamnée à la peine de mort, dont la peine a été exécutée. Elles font également obstacle à ce qu'une telle demande soit formée par ses proches dans l'année de son décès, conformément au premier alinéa de l'article 785 du même code. 12. Toutefois, en imposant le respect d'un délai d'épreuve de cinq ans après l'exécution de la peine, le législateur a entendu subordonner le bénéfice de la réhabilitation à la conduite adoptée par le condamné une fois qu'il n'était plus soumis aux rigueurs de la peine prononcée à son encontre. À cet égard, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que la réhabilitation judiciaire ne peut être accordée qu'aux personnes qui, après avoir été condamnées et avoir subi leur peine, se sont rendues dignes, par les gages d'amendement qu'elles ont donnés pendant le délai d'épreuve, d'être replacées dans l'intégrité de leur état ancien. Dès lors, les personnes condamnées à la peine de mort et exécutées se trouvaient dans l'impossibilité de remplir les conditions prévues par la loi. 13. Ainsi, la différence de traitement qui résulte des dispositions contestées repose sur une différence de situation et est en rapport direct avec l'objet de la loi. 14. Toutefois, après l'abolition de la peine de mort par la loi du 9 octobre 1981 mentionnée ci-dessus, le constituant a, par la loi constitutionnelle du 23 février 2007 mentionnée ci-dessus, introduit dans la Constitution l'article 66-1 aux termes duquel « Nul ne peut être condamné à la peine de mort ». Dans ces conditions, le législateur serait donc fondé à instituer une procédure judiciaire, ouverte aux ayants droit d'une personne condamnée à la peine de mort dont la peine a été exécutée, tendant au rétablissement de son honneur à raison des gages d'amendement qu'elle a pu fournir. 15. Il résulte de tout ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi et la justice doivent être écartés. - Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines : 16. L'article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». L'article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité des dispositions législatives soumises à son examen aux droits et libertés que la Constitution garantit. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue. À ce titre, il est notamment tenu compte du régime juridique d'exécution de cette peine. 17. Le fait que les ayants droit d'un condamné à mort dont la peine a été exécutée ne puissent engager une action en réhabilitation en son nom ne méconnaît pas le principe de proportionnalité des peines. 18. Les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « de cinq ans pour les condamnés à une peine criminelle » figurant au premier alinéa de l'article 786 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 février 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 28 février 2020.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 7 février 2020 par le Conseil d'État (décisions nos 436066 et 436124 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, de deux questions prioritaires de constitutionnalité. Ces questions ont été respectivement posées pour M. Jean-Guy C. par la SCP Garreau Bauer-Violas Feschotte-Desbois, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et pour M. Alphonse F. par Me Stefan Serror, avocat au barreau de Paris. Elles ont été enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous les nos 2020-838 QPC et 2020-839 QPC. Elles sont relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 131-11 du code des juridictions financières, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-1091 du 28 octobre 2008 relative à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de commerce ; - le code des juridictions financières ; - le code pénal ; - la loi n° 2008-1091 du 28 octobre 2008 relative à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour M. Jean-Guy C. par la SCP Garreau Bauer-Violas Feschotte-Desbois, enregistrées le 26 février 2020 ; - les observations présentées pour M. Alphonse F. par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 27 février 2020 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour M. Alphonse F. par Me Serror, enregistrées le 5 mars 2020 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Serror et Me Hélène Farge, avocate au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour M. Alphonse F., et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 21 avril 2020 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il y a lieu de joindre les deux questions prioritaires de constitutionnalité pour y statuer par une seule décision. 2. L'article L. 131-11 du code des juridictions financières, dans sa rédaction résultant de la loi du 28 octobre 2008 mentionnée ci-dessus, prévoit :« Les comptables de fait peuvent, dans le cas où ils n'ont pas fait l'objet pour les mêmes opérations des poursuites prévues à l'article 433-12 du code pénal, être condamnés à l'amende par la Cour des comptes en raison de leur immixtion dans les fonctions de comptable public. « Le montant de l'amende tient compte de l'importance et de la durée de la détention ou du maniement des deniers, des circonstances dans lesquelles l'immixtion dans les fonctions de comptable public s'est produite, ainsi que du comportement et de la situation matérielle du comptable de fait. Son montant ne pourra dépasser le total des sommes indûment détenues ou maniées ». 3. Les requérants soutiennent que ces dispositions autoriseraient, à l'encontre des comptables de fait, un cumul de poursuites contraire au principe de nécessité des délits et des peines. En effet, elles n'excluraient le prononcé, par le juge financier, d'une amende pour gestion de fait que dans le cas où le comptable de fait est poursuivi pour les mêmes opérations sur le fondement de l'article 433-12 du code pénal, qui sanctionne l'immixtion dans l'exercice d'une fonction publique. Or, d'autres poursuites pénales tendant à réprimer les mêmes faits que ceux sanctionnés par l'amende pour gestion de fait, protégeant les mêmes intérêts sociaux et aboutissant à des sanctions de même nature pourraient être engagées contre le comptable de fait. Tel serait le cas des poursuites pour abus de confiance, concussion, corruption passive, détournement de fonds publics et abus de biens sociaux. L'un des requérants soutient, en outre, que ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi, dès lors que des auteurs de manquements identiques pourraient ou non être poursuivis pour gestion de fait, selon qu'ils sont par ailleurs poursuivis pénalement sur le fondement de l'article 433-12 du code pénal ou sur le fondement d'une autre disposition. 4. Par conséquent, les questions prioritaires de constitutionnalité portent sur les mots « dans le cas où ils n'ont pas fait l'objet pour les mêmes opérations des poursuites prévues à l'article 433-12 du code pénal » figurant au premier alinéa de l'article L. 131-11 du code des juridictions financières. 5. Selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition. Le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature différente en application de corps de règles distincts. Si l'éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues. 6. La gestion de fait est constituée par l'immixtion dans les fonctions de comptable public d'une personne n'ayant pas cette qualité. Le comptable de fait peut alors être sanctionné par une amende prononcée par le juge des comptes sur le fondement de l'article L. 131-11 du code des juridictions financières. 7. Les dispositions contestées prévoient que cette amende ne peut être infligée que si le comptable de fait n'a pas fait l'objet, pour les mêmes opérations, de poursuites sur le fondement de l'article 433-12 du code pénal, qui réprime le fait, par toute personne agissant sans titre, de s'immiscer dans l'exercice d'une fonction publique en accomplissant l'un des actes réservés au titulaire de cette fonction. Elles n'interdisent pas, en revanche, le cumul de poursuites pour gestion de fait et de poursuites sur le fondement d'autres dispositions répressives, dont les cinq infractions pénales désignées par les requérants. 8. Toutefois, en premier lieu, aux termes de l'article 314-1 du code pénal, l'abus de confiance sanctionne « le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé ». Selon l'article 432-10 du même code, la concussion est définie comme « le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu'elle sait ne pas être due, ou excéder ce qui est dû ». En vertu du 1° de l'article 432-11 du même code, la corruption passive est « le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou investie d'un mandat électif public, de solliciter ou d'agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour elle-même ou pour autrui … pour accomplir ou avoir accompli, pour s'abstenir ou s'être abstenue d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ». Selon l'article 432-15 du même code, le détournement de fonds publics est « le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, un comptable public, un dépositaire public ou l'un de ses subordonnés, de détruire, détourner ou soustraire un acte ou un titre, ou des fonds publics ou privés, ou effets, pièces ou titres en tenant lieu, ou tout autre objet qui lui a été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission ». Enfin, aux termes du 4° de l'article L. 241-3 et du 3° de l'article L. 242-6 du code de commerce, l'abus de biens sociaux réprime le fait, pour les gérants d'une société à responsabilité limitée ou pour le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d'une société anonyme, de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils savent contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement. 9. La seule circonstance que plusieurs incriminations soient susceptibles de réprimer un même comportement ne peut caractériser une identité de faits au sens des exigences résultant de l'article 8 de la Déclaration de 1789 que si ces derniers sont qualifiés de manière identique. Si les incriminations mentionnées au paragraphe précédent sont susceptibles de réprimer des faits par lesquels une personne s'est rendue coupable de gestion de fait, elles ne se limitent pas, contrairement à cette dernière infraction, à cette seule circonstance. En effet, entrent dans les éléments constitutifs de ces premières infractions soit l'utilisation des fonds ou des valeurs, soit la mission ou les fonctions dont est investi celui qui les a maniés. Dès lors, ces infractions ne tendent pas à réprimer de mêmes faits, qualifiés de manière identique. En autorisant de tels cumuls de poursuites, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe de nécessité des délits et des peines. 10. En second lieu, si les dispositions contestées rendent possibles d'autres cumuls, entre les poursuites pour gestion de fait et d'autres poursuites à des fins de sanction ayant le caractère de punition, ces cumuls éventuels doivent, en tout état de cause, respecter le principe de nécessité des délits et des peines, qui implique qu'une même personne ne puisse faire l'objet de plusieurs poursuites susceptibles de conduire à des sanctions de même nature pour les mêmes faits, en application de corps de règles protégeant les mêmes intérêts sociaux. 11. Par conséquent, sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, le grief tiré de la méconnaissance du principe de nécessité des délits et des peines doit être écarté. 12. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus le principe d'égalité devant la loi ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent, sous la même réserve, être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sous la réserve énoncée au paragraphe 10, les mots « dans le cas où ils n'ont pas fait l'objet pour les mêmes opérations des poursuites prévues à l'article 433-12 du code pénal » figurant au premier alinéa de l'article L. 131-11 du code des juridictions financières, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-1091 du 28 octobre 2008 relative à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 mai 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 7 mai 2020.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 31 juillet 2017 par le Conseil d'État (décision n° 410452 du 28 juillet 2017), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Didier C. par Me Jean-Luc Pierre, avocat au barreau de Lyon. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-667 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du second alinéa de l'article 1766 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 22 août 2017 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Pierre, pour le requérant, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 17 octobre 2017 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 1766 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 14 mars 2012 mentionnée ci-dessus, fixe les amendes fiscales encourues en cas de non-déclaration, par leur souscripteur, des contrats de capitalisation, notamment des contrats d'assurance-vie, conclus à l'étranger. Son second alinéa prévoit : « Si le total de la valeur du ou des contrats non déclarés est égal ou supérieur à 50 000 € au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la déclaration devait être faite, l'amende est portée pour chaque contrat non déclaré à 5 % de la valeur de ce contrat, sans pouvoir être inférieure aux montants prévus au premier alinéa ». 2. Le requérant reproche à ces dispositions de méconnaître le principe de proportionnalité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. - Sur le fond : 3. Selon l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue. 4. Le second alinéa de l'article 1766 du code général des impôts sanctionne d'une amende proportionnelle le défaut de déclaration annuelle, auprès de l'administration fiscale, en violation de l'article 1649 AA du même code, des contrats de capitalisation, notamment des contrats d'assurance-vie, souscrits à l'étranger, lorsque la valeur de ces contrats, au 31 décembre de l'année, est égale ou supérieure à 50 000 euros. Cette amende s'élève à 5 % de la valeur des contrats non déclarés. 5. En réprimant ainsi la méconnaissance de cette obligation déclarative annuelle, le législateur a entendu faciliter l'accès de l'administration fiscale aux informations relatives à ces contrats et prévenir la dissimulation de revenus placés à l'étranger. Il a ainsi poursuivi l'objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. 6. Toutefois, en prévoyant une amende dont le montant, non plafonné, est fixé en proportion de la valeur des contrats non déclarés, pour un simple manquement à une obligation déclarative, même lorsque les revenus n'ont pas été soustraits à l'impôt, le législateur a instauré une sanction manifestement disproportionnée à la gravité des faits qu'il a entendu réprimer. 7. Dès lors, les dispositions contestées, qui méconnaissent le principe de proportionnalité des peines, doivent être déclarées contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 8. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. 9. En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. Elle ne peut être invoquée dans les instances jugées définitivement à cette date. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le second alinéa de l'article 1766 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012, est contraire à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 9 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 octobre 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 27 octobre 2017.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 janvier 2020 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 243 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Ferhat H. et l'union des syndicats anti-précarité par la SELAS Dadi-avocats, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2020-835 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 2121-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi organique n° 2020-365 du 30 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ; - le code du travail ; - la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-63/64/65 QPC du 12 novembre 2010 ; - les arrêts de la Cour de cassation du 22 février 2017 et du 17 octobre 2018 (chambre sociale, nos 16-60.123, 17-19.732 et 18-60.030) ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la société Transdev Île-de-France, partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 20 février 2020 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Cécile Burlot, avocate au barreau de Paris, pour la société Transdev Île-de France, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 21 avril 2020 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 2121-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi du 20 août 2008 mentionnée ci-dessus, prévoit : « La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : « 1° Le respect des valeurs républicaines ; « 2° L'indépendance ; « 3° La transparence financière ; « 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ; « 5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 ; « 6° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; « 7° Les effectifs d'adhérents et les cotisations ». 2. Les requérants reprochent à ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, de méconnaître la liberté syndicale, le principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail, le principe d'égalité devant la loi ainsi que le principe de séparation des pouvoirs, en ce qu'elles imposent aux syndicats non représentatifs de satisfaire au critère de transparence financière pour pouvoir exercer dans l'entreprise les prérogatives que la loi leur attribue. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le 3° de l'article L. 2121-1 du code du travail. - Sur la recevabilité : 4. Selon les dispositions combinées du troisième alinéa de l'article 23-2 et du troisième alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qu'il a déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une de ses décisions, sauf changement des circonstances. 5. Dans sa décision du 12 novembre 2010 mentionnée ci-dessus, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné le 3° de l'article L. 2121-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi du 20 août 2008. Il a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de cette décision. Ces dispositions sont identiques à celles contestées par les requérants dans la présente question prioritaire de constitutionnalité. 6. Toutefois, depuis cette déclaration de conformité, la Cour de cassation a jugé, dans l'arrêt du 22 février 2017 mentionné ci-dessus, qu'il résulte de l'article L. 2121-1 du code du travail que, pour pouvoir exercer des prérogatives dans l'entreprise, tout syndicat, qu'il soit ou non représentatif, doit satisfaire au critère de transparence financière. Il en découle un changement des circonstances justifiant le réexamen des dispositions contestées. - Sur le fond : 7. Aux termes du sixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ». Aux termes du huitième alinéa du même préambule : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ». 8. Comme énoncé au paragraphe 6, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que les dispositions contestées imposent à tout syndicat, qu'il soit ou non représentatif, de satisfaire au critère de transparence financière pour pouvoir exercer des prérogatives dans l'entreprise. En particulier, à défaut de respecter cette exigence, un syndicat non représentatif ne peut donc pas valablement désigner un représentant de la section syndicale en application de l'article L. 2142-1-1 du code du travail. 9. Toutefois, d'une part, en imposant aux syndicats une obligation de transparence financière, le législateur a entendu permettre aux salariés de s'assurer de l'indépendance, notamment financière, des organisations susceptibles de porter leurs intérêts. 10. D'autre part, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation qu'un syndicat non représentatif peut rapporter la preuve de sa transparence financière soit par la production des documents comptables requis en application des articles L. 2135-1, L. 2135-4 et L. 2135-5 du code du travail, soit par la production de tout autre document équivalent. 11. Dès lors, en imposant à l'ensemble des syndicats, y compris non représentatifs, de satisfaire à l'exigence de transparence financière, les dispositions contestées ne méconnaissent ni la liberté syndicale ni le principe de participation des travailleurs. 12. Le 3° de l'article L. 2121-1 du code du travail, qui ne méconnaît pas non plus le principe d'égalité devant la loi, ni en tout état de cause le principe de séparation des pouvoirs, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit donc être déclaré conforme à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le 3° de l'article L. 2121-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 avril 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 30 avril 2020.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, sous le n° 2020-800 DC, le 9 mai 2020, par le Président de la République. Il a également été saisi, le même jour, par le président du Sénat. Il a également été saisi, le 10 mai 2020, par Mme Valérie RABAULT, MM. Jean-Luc MÉLENCHON, André CHASSAIGNE, Joël AVIRAGNET, Mmes Marie-Noëlle BATTISTEL, Gisèle BIÉMOURET, MM. Christophe BOUILLON, Jean-Louis BRICOUT, Luc CARVOUNAS, Alain DAVID, Mme Laurence DUMONT, MM. Olivier FAURE, Guillaume GAROT, David HABIB, Christian HUTIN, Régis JUANICO, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Serge LETCHIMY, Mmes Josette MANIN, George PAU-LANGEVIN, Christine PIRES BEAUNE, MM. Dominique POTIER, Joaquim PUEYO, Mme Claudia ROUAUX, M. Hervé SAULIGNAC, Mmes Sylvie TOLMONT, Cécile UNTERMAIER, Hélène VAINQUEUR-CHRISTOPHE, M. Boris VALLAUD, Mmes Michèle VICTORY, Clémentine AUTAIN, MM. Ugo BERNALICIS, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Mme Caroline FIAT, MM. Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, Mmes Danièle OBONO, Mathilde PANOT, MM. Loïc PRUD'HOMME, Adrien QUATENNENS, Mmes Muriel RESSIGUIER, Sabine RUBIN, M. François RUFFIN, Mme Bénédicte TAURINE, M. Alain BRUNEEL, Mme Marie-George BUFFET, MM. Pierre DHARRÉVILLE, Jean-Paul DUFRÈGNE, Mme Elsa FAUCILLON, MM. Sébastien JUMEL, Jean-Paul LECOQ, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Hubert WULFRANC, Jean-Félix ACQUAVIVA, Jean-Michel CLÉMENT, Paul-André COLOMBANI, Mmes Frédérique DUMAS, Sandrine JOSSO, MM. François-Michel LAMBERT et Paul MOLAC, députés. Il a également été saisi, le même jour, par M. Patrick KANNER, Mme Éliane ASSASSI, M. Maurice ANTISTE, Mmes Cathy APOURCEAU-POLY, Viviane ARTIGALAS, Esther BENBASSA, MM. Claude BÉRIT-DÉBAT, Jacques BIGOT, Joël BIGOT, Mme Maryvonne BLONDIN, MM. Éric BOCQUET, Yannick BOTREL, Martial BOURQUIN, Michel BOUTANT, Mme Céline BRULIN, M. Thierry CARCENAC, Mme Laurence COHEN, M. Pierre-Yves COLLOMBAT, Mme Hélène CONWAY-MOURET, M. Roland COURTEAU, Mme Cécile CUKIERMAN, M. Yves DAUDIGNY, Mme Marie-Pierre de LA GONTRIE, MM. Gilbert-Luc DEVINAZ, Jérôme DURAIN, Alain DURAN, Vincent ÉBLÉ, Mme Frédérique ESPAGNAC, M. Rémi FÉRAUD, Mme Corinne FÉRET, M. Jean-Luc FICHET, Mme Martine FILLEUL, MM. Fabien GAY, Hervé GILLÉ, Guillaume GONTARD, Mmes Michelle GREAUME, Nadine GRELET-CERTENAIS, Annie GUILLEMOT, Laurence HARRIBEY, MM. Jean-Michel HOULLEGATTE, Olivier JACQUIN, Patrice JOLY, Bernard JOMIER, Mme Gisèle JOURDA, MM. Éric KERROUCHE, Pierre LAURENT, Jean-Yves LECONTE, Mmes Claudine LEPAGE, Marie-Noëlle LIENEMANN, M. Jean-Jacques LOZACH, Mme Monique LUBIN, MM. Christian MANABLE, Didier MARIE, Rachel MAZUIR, Mme Marie-Pierre MONIER, MM. Franck MONTAUGÉ, Pierre OUZOULIAS, Mmes Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, Christine PRUNAUD, M. Claude RAYNAL, Mme Sylvie ROBERT, MM. Pascal SAVOLDELLI, Jean-Pierre SUEUR, Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN, MM. Rachid TEMAL, Jean-Claude TISSOT, Jean-Marc TODESCHINI, Jean-Louis TOURENNE, André VALLINI et Mme Sabine VAN HEGHE, sénateurs. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) ; - le code de la défense ; - le code pénal ; - le code de procédure pénale ; - le code de la santé publique ; - le code du travail ; - la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; - la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé ; - la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ; Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 10 mai 2020 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le Président de la République, le président du Sénat, les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions. Le Président de la République demande au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité à la Constitution de certaines dispositions des articles 1er, 3, 5 et 11 de cette loi. Le président du Sénat demande au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité à la Constitution de certaines dispositions de ses articles 1er, 3, 5 et 11 et sur la conformité à la Constitution de ses articles 8 et 13. Les députés et sénateurs requérants contestent certaines dispositions de ses articles 3, 5 et 11. Les sénateurs contestent également la procédure d'adoption de la loi et certaines dispositions de son article 1er et de son article 9. - Sur la procédure d'adoption de la loi : 2. Les sénateurs requérants font valoir que, en imposant, pour des raisons sanitaires, une limitation du nombre de députés présents simultanément dans l'hémicycle à soixante-quinze, selon une représentation proportionnelle des groupes, la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale, a empêché certains députés de participer aux débats sur la loi déférée et de défendre personnellement leurs amendements, en méconnaissance de la liberté des membres du Parlement dans l'exercice de leur mandat et de leur droit d'amendement. 3. Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation ». Le premier alinéa de l'article 3 de la Constitution dispose : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». En vertu de l'article 26 de la Constitution : « Aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions ». L'article 27 de la Constitution dispose : « Tout mandat impératif est nul ». Ces dispositions imposent le respect de la liberté des membres du Parlement dans l'exercice de leur mandat. 4. Aux termes du premier alinéa de l'article 44 de la Constitution : « Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d'amendement. Ce droit s'exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique ». 5. Le 21 avril 2020, la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale a décidé que, à compter du 28 avril 2020, en raison de la situation sanitaire, l'hémicycle réunissant les députés ne pourrait accueillir, présidents de groupe ou leurs représentants compris, que soixante-quinze députés, selon une répartition fixée à la proportionnelle des groupes politiques. Le 5 mai 2020, elle a réitéré cette règle pour l'organisation des lectures en séance publique relatives au texte dont est issue la loi déférée. 6. En tout état de cause, si les sénateurs requérants allèguent que des députés auraient été empêchés, de ce fait, de prendre part aux votes ou de présenter leurs amendements, ils ne l'établissent pas. En outre, les travaux parlementaires ne font pas état que des députés qui se seraient présentés pour participer aux débats, défendre leurs amendements ou prendre part aux votes se le seraient vu refuser. Dès lors, les griefs ne peuvent qu'être écartés. - Sur certaines dispositions de l'article 1er : 7. Le paragraphe II de l'article 1er de la loi déférée introduit dans le code de la santé publique un article L. 3136-2 relatif aux conditions d'engagement de la responsabilité pénale en cas de catastrophe sanitaire. 8. Le Président de la République et le président du Sénat demandent au Conseil constitutionnel d'examiner la conformité de ces dispositions au principe constitutionnel d'égalité devant la loi pénale. Selon les sénateurs requérants, ces dispositions méconnaîtraient ce même principe dès lors qu'elles pourraient avoir pour effet d'exonérer certains « décideurs » de toute responsabilité pénale. Ils estiment également que ces dispositions sont entachées d'incompétence négative dans la mesure où elles seraient imprécises quant aux faits auxquels elles sont susceptibles de s'appliquer et quant à la nature des moyens à la disposition de l'auteur des faits devant être pris en compte pour apprécier sa responsabilité. 9. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité devant la loi pénale ne fait pas obstacle à ce qu'une différenciation soit opérée par le législateur entre agissements de nature différente. 10. Le législateur tient de l'article 34 de la Constitution l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale. 11. Selon les troisième et quatrième alinéas de l'article 121-3 du code pénal, il y a délit non intentionnel « lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. - Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ». 12. En application de l'article L. 3136-2 du code de la santé publique, l'article 121-3 du code pénal est applicable « en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l'auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l'état d'urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu'autorité locale ou employeur ». 13. Les dispositions contestées ne diffèrent donc pas de celles de droit commun et s'appliquent de la même manière à toute personne ayant commis un fait susceptible de constituer une faute pénale non intentionnelle dans la situation de crise ayant justifié l'état d'urgence sanitaire. Dès lors, elles ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la loi pénale. Elles ne sont pas non plus entachées d'incompétence négative. Dans la mesure où elles ne contreviennent à aucune autre exigence constitutionnelle, elles sont donc conformes à la Constitution. - Sur les dispositions de l'article 3 relatives aux transports, aux établissements recevant du public, aux lieux de réunion et aux réquisitions : 14. Les 2° à 4° de l'article 3 modifient les 1°, 5° et 7° du paragraphe I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, qui permettent au Premier ministre, dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, de prendre certaines mesures de réglementation des transports, des établissements recevant du public et des lieux de réunion et d'ordonner des réquisitions. 15. Le président du Sénat demande au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité de ces dispositions à la liberté personnelle. Les sénateurs requérants reprochent à ces dispositions de permettre aux pouvoirs publics de réquisitionner des personnes, même dans le cas où celles-ci ne seraient pas nécessaires à l'usage de biens ou au fonctionnement de services eux-mêmes réquisitionnés. Il en résulterait une violation de la liberté personnelle, de la liberté d'aller et de venir, du droit au respect de la vie privée et de la liberté d'entreprendre. 16. Aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation « garantit à tous … la protection de la santé ». Il en découle un objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. 17. La Constitution n'exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d'état d'urgence sanitaire. Il lui appartient, dans ce cadre, d'assurer la conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. Parmi ces droits et libertés figurent la liberté d'aller et de venir, composante de la liberté personnelle, protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, le droit au respect de la vie privée garanti par cet article 2, la liberté d'entreprendre qui découle de cet article 4, ainsi que le droit d'expression collective des idées et des opinions résultant de l'article 11 de cette déclaration. 18. Le 1° du paragraphe I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique permet au Premier ministre de réglementer ou d'interdire la circulation des personnes et des véhicules et de réglementer l'accès aux moyens de transport et les conditions de leur usage. Ces dispositions portent atteinte à la liberté d'aller et de venir. 19. Le 5° du même paragraphe autorise le Premier ministre à ordonner la fermeture provisoire et à réglementer l'ouverture des établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion. Ces dispositions portent atteinte à la liberté d'entreprendre et, en ce qu'elles restreignent la liberté de se réunir, au droit d'expression collective des idées et des opinions. 20. Le 7° du même paragraphe permet au Premier ministre d'ordonner la réquisition de toute personne et de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire. 21. En premier lieu, les mesures mentionnées ci-dessus ne peuvent être prononcées que lorsque l'état d'urgence sanitaire a été déclaré. Celui-ci ne peut être déclaré, en vertu de l'article L. 3131-12 du code de la santé publique, qu'« en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ». Ensuite, en vertu de l'article L. 3131-14 du même code, ces mesures cessent d'avoir effet au plus tard en même temps que prend fin l'état d'urgence sanitaire. Celui-ci, déclaré par décret en conseil des ministres, doit, au-delà d'un délai d'un mois, être prorogé par une loi qui en fixe la durée, après avis du comité de scientifiques prévu à l'article L. 3131-19. Enfin, en vertu du premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 3131-15, les mesures contestées ne peuvent être prises qu'aux seules fins de garantir la santé publique. Selon le paragraphe III du même article, elles doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. Le juge est chargé de s'assurer que ces mesures sont adaptées, nécessaires et proportionnées à la finalité qu'elles poursuivent. 22. En second lieu, d'une part, en application du 5° du paragraphe I de l'article L. 3131-15, les mesures relatives aux établissements recevant du public et aux lieux de réunion, lesquels ne s'étendent pas aux locaux à usage d'habitation, doivent se concilier avec la préservation de l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité. D'autre part, les réquisitions de personnes, de biens et de services permises par le 7° du même paragraphe I doivent être « nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ». En outre, ces réquisitions donnent lieu à indemnisation, dans les conditions prévues par le code de la défense. 23. Il résulte de ce qui précède que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a procédé à une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées. 24. Par conséquent, les 1°, 5° et 7° du paragraphe I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution. - Sur les dispositions des articles 3 et 5 relatives aux mesures de mise en quarantaine et de placement en isolement : 25. Le 5° de l'article 3 et l'article 5 modifient les articles L. 3131-15 et L. 3131-17 du code de la santé publique afin de préciser le champ d'application et le régime des mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement susceptibles d'être ordonnées en cas d'état d'urgence sanitaire. 26. Le Président de la République demande au Conseil constitutionnel d'examiner la conformité des deux premières dispositions à la Constitution. 27. Le président du Sénat demande au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité de ces dispositions à la liberté d'aller et de venir, au droit de mener une vie familiale normale, au droit à un recours juridictionnel effectif ainsi qu'à l'article 66 de la Constitution. 28. Les députés requérants soutiennent que les mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien à l'isolement méconnaissent la liberté d'aller et de venir et la liberté individuelle. Ils font valoir, en particulier, que la mesure de quarantaine ne bénéficie pas des mêmes garanties que celle d'isolement, en ce qu'elle n'est pas subordonnée à la production d'un certificat médical confirmant sa nécessité. Ils dénoncent également l'insuffisante effectivité du droit au recours devant le juge des libertés et de la détention, faute d'avoir prévu sa saisine automatique dans les quarante-huit heures suivant le prononcé d'une mesure de mise en quarantaine ou de placement en isolement. Ils dénoncent, en outre, l'imprécision des termes « lieux d'hébergement adapté ». 29. Les sénateurs requérants rejoignent les députés requérants dans leur critique au regard de l'article 66 de la Constitution et dénoncent l'absence d'information systématique du juge des libertés et de la détention lorsque des mesures de mise en quarantaine et de placement en isolement sont ordonnées et la tardiveté de l'intervention de ce dernier. . En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 66 de la Constitution et du droit à un recours juridictionnel effectif : 30. Aux termes de l'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». La liberté individuelle, dont la protection est confiée à l'autorité judiciaire, ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire. Les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis. 31. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Est garanti par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif. S'agissant de la nature des mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement : 32. En application des 3° et 4° du paragraphe I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, le Premier ministre, le ministre chargé de la santé et, lorsqu'il reçoit leur habilitation, le préfet peuvent ordonner, aux seules fins de garantir la santé publique, la mise en quarantaine des personnes susceptibles d'être affectées par la maladie à l'origine de la catastrophe sanitaire ayant justifié la déclaration de l'état d'urgence sanitaire ainsi que le placement et le maintien en isolement des personnes affectées pour une durée initiale qui ne peut excéder quatorze jours, renouvelable dans la limite d'une durée maximale d'un mois. Dans le cadre de ces mesures, le sixième alinéa du paragraphe II de l'article L. 3131-15 prévoit qu'il peut être fait obligation à la personne qui en fait l'objet de ne pas sortir de son domicile ou du lieu d'hébergement où elle exécute la quarantaine ou l'isolement, sous réserve des déplacements qui lui sont spécifiquement autorisés par l'autorité administrative. Cette mesure peut également consister en un isolement complet, lequel impose une interdiction de « toute sortie ». 33. En cas d'interdiction de toute sortie, les mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement constituent une privation de liberté. Il en va de même lorsqu'elles imposent à l'intéressé de demeurer à son domicile ou dans son lieu d'hébergement pendant une plage horaire de plus de douze heures par jour. S'agissant de la proportionnalité de l'atteinte à la liberté individuelle : 34. En premier lieu, l'objet des mesures de mise en quarantaine et de placement en isolement, tel que défini à l'article 1er du règlement sanitaire international de 2005 auquel renvoient les dispositions contestées, est d'assurer la mise à l'écart du reste de la population des personnes qui en font l'objet en les soumettant à un isolement, le cas échéant complet, dans le but de prévenir la propagation de la maladie à l'origine de la catastrophe sanitaire. En adoptant ces dispositions, le législateur a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. 35. En deuxième lieu, les mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement ne peuvent être prononcées et mises en œuvre que dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, selon les conditions énoncées au paragraphe 21. 36. En troisième lieu, ces mesures ne peuvent viser que les personnes ayant séjourné au cours du mois précédent dans une zone de circulation de l'infection qui entrent sur le territoire national ou qui, déjà présentes sur le territoire national, arrivent en Corse ou dans l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution 37. En quatrième lieu, les mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement sont prononcées par décision individuelle motivée du préfet sur proposition du directeur général de l'agence régionale de santé. Cette décision mentionne les voies et délais de recours ainsi que les modalités de saisine du juge des libertés et de la détention. En cas de placement en isolement, la décision, qui est subordonnée à la constatation médicale de l'infection de la personne, ne peut être prise qu'au vu d'un certificat médical. Ces mesures ne peuvent être prolongées au-delà d'un délai de quatorze jours qu'après avis médical établissant la nécessité de cette prolongation. 38. En cinquième lieu, la personne peut choisir d'effectuer la quarantaine ou l'isolement à son domicile ou dans un lieu d'hébergement adapté. 39. En dernier lieu, il est mis fin aux mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement avant leur terme lorsque l'état de santé de l'intéressé le permet. 40. Il résulte de tout ce qui précède que le législateur a fixé des conditions propres à assurer que ces mesures ne soient mises en œuvre que dans les cas où elles sont adaptées, nécessaires et proportionnées à l'état des personnes affectées ou susceptibles d'être affectées par la maladie à l'origine de la catastrophe sanitaire. S'agissant du contrôle des mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement : 41. La liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible. 42. En premier lieu, les mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement peuvent faire à tout moment l'objet d'un recours par l'intéressé ou par le procureur de la République devant le juge des libertés et de la détention en vue de la mainlevée de la mesure. Le juge des libertés et de la détention, qui peut également se saisir d'office à tout moment, statue dans un délai de soixante-douze heures par une ordonnance motivée immédiatement exécutoire. 43. En second lieu, les dispositions du cinquième alinéa du paragraphe II de l'article L. 3131-17 prévoient que les mesures de mise en quarantaine ou de placement en isolement interdisant toute sortie de l'intéressé hors du lieu où se déroule la quarantaine ou l'isolement ne peuvent se poursuivre au-delà d'un délai de quatorze jours sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le préfet, ait autorisé cette prolongation. Toutefois, aucune intervention systématique d'un juge judiciaire n'est prévue dans les autres hypothèses. Dès lors, ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître les exigences de l'article 66 de la Constitution, permettre la prolongation des mesures de mise en quarantaine ou de placement en isolement imposant à l'intéressé de demeurer à son domicile ou dans son lieu d'hébergement pendant une plage horaire de plus de douze heures par jour sans l'autorisation du juge judiciaire. 44. Il résulte de tout ce qui précède que les premier et troisième à sixième alinéas du paragraphe II de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique et, sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, le paragraphe II de l'article L. 3131-17 du même code, ne méconnaissent pas les exigences de l'article 66 de la Constitution. Ces dispositions ne méconnaissent pas non plus le droit à un recours juridictionnel effectif. . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'aller et de venir : 45. Dans le cadre des mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement, outre l'interdiction de sortir, l'autorité administrative peut interdire à la personne la fréquentation de certains lieux ou catégories de lieux. 46. Toutefois, compte tenu des finalités poursuivies et des garanties qui entourent ces dispositions, telles qu'énoncées aux paragraphe 34 à 39, elles ne méconnaissent pas la liberté d'aller et de venir. 47. Il résulte de tout ce qui précède que les premier et troisième à septième alinéas du paragraphe II de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique ainsi que le paragraphe II de l'article L. 3131-17 du même code, qui ne méconnaissent pas non plus le droit de mener une vie familiale normale ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont, sous la réserve énoncée au paragraphe 43 s'agissant du paragraphe II de l'article L. 3131-17, conformes à la Constitution. - Sur certaines dispositions de l'article 8 : 48. L'article 8 modifie les articles L. 3115-10 et L. 3131-1 du code de la santé publique afin d'étendre le régime de contrôle applicable aux mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement ordonnées en cas d'état d'urgence sanitaire aux mêmes mesures lorsqu'elles sont prises dans le cadre de la lutte contre la propagation internationale des maladies ou en cas de menace sanitaire grave. 49. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux paragraphes 42 et 43 et sous la réserve énoncée au paragraphe 43, ces dispositions ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles précitées. 50. Il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe 43, les mots « Dans les conditions prévues au II de l'article L. 3131-17 » figurant à la première phrase de l'article L. 3115-10 du code de la santé publique ainsi que la référence « L. 3131-17 » figurant au troisième alinéa de l'article L. 3131-1 du même code sont conformes à la Constitution. - Sur certaines dispositions de l'article 9 : 51. Le 1° de l'article 9 et le deuxième alinéa de son 2° insèrent un cinquième et un septième alinéas à l'article L. 3136-1 du code de la santé publique afin de permettre à des agents de police judiciaire adjoints et à des agents assermentés des services de transport de constater certaines contraventions aux interdictions et obligations en vigueur pendant l'état d'urgence sanitaire. 52. Selon les sénateurs requérants, ces dispositions contreviendraient au principe de placement de la police judiciaire sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire. Les dispositions relatives aux agents des services de transport seraient également contraires au principe de légalité des délits et des peines, faute de déterminer clairement quelles infractions peuvent être verbalisées par ces agents. 53. En premier lieu, il résulte de l'article 66 de la Constitution que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire. 54. D'une part, selon le cinquième alinéa de l'article L. 3136-1 du code de la santé publique, la violation des interdictions ou obligations, autres que les réquisitions, édictées en application des articles L. 3131-1 et L. 3131-15 à L. 3131-17 du même code, peut être constatée par procès-verbal par les agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux 1°, 1° bis et 1° ter de l'article 21 du code de procédure pénale. Sont ainsi visés les fonctionnaires des services actifs de la police nationale n'ayant pas la qualité d'agent ou d'officier de police judiciaire, certains militaires volontaires et réservistes opérationnels de la gendarmerie nationale, certains membres de la réserve civile de la police nationale et les adjoints de sécurité. La prérogative ainsi reconnue à ces agents est limitée au constat des contraventions qui ne nécessite pas d'actes d'enquête de leur part. 55. D'autre part, la première phrase du septième alinéa de l'article L. 3136-1 du code de la santé publique se borne à permettre aux agents assermentés des exploitants de services de transport ou de leurs sous-traitants et à ceux des services internes de sécurité de la société nationale SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens de constater les contraventions sanctionnant la violation des interdictions ou obligations édictées en application du 1° du paragraphe I de l'article L. 3131-15 du même code en matière d'usage des services de transport ferroviaire ou guidé et de transport public routier de personnes. Cette compétence est limitée au cas où de telles contraventions sont commises dans les véhicules et emprises immobilières de ces services de transport. 56. Par conséquent, compte tenu des prérogatives ainsi confiées à ces deux catégories d'agents, les dispositions contestées ne contreviennent pas aux exigences résultant de l'article 66 de la Constitution. 57. En second lieu, les dispositions contestées n'établissant par elles-mêmes aucune infraction ni aucune peine, le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines ne peut qu'être écarté. 58. Dès lors, le cinquième alinéa et la première phrase du septième alinéa de l'article L. 3136-1 du code de la santé publique, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution. - Sur certaines dispositions de l'article 11 : 59. L'article 11 organise les conditions dans lesquelles les données médicales des personnes atteintes par le covid-19 et de celles ayant été en contact avec ces dernières peuvent être partagées entre certains professionnels chargés de traiter les chaînes de contamination. . En ce qui concerne les paragraphes I à III et V : 60. Selon les députés requérants, certaines des dispositions de cet article méconnaîtraient le droit au respect de la vie privée et seraient entachées d'incompétence négative. À ce titre, ils critiquent notamment l'ampleur et la sensibilité des données recueillies, l'absence de mesure d'anonymisation, le nombre trop élevé de personnes qui auront accès à ces données et le renvoi à un décret pour fixer les règles d'habilitation pour l'accès aux données ou celles d'interconnexion des fichiers. Ils estiment que les garanties dont est entouré le dispositif sont insuffisantes, faute notamment de prévoir le consentement des personnes dont les données sont collectées et partagées ou l'exercice normal des droits d'accès, d'information et de rectification desdites données. Ils reprochent également à ces dispositions de ne pas prévoir de mécanisme permettant de mettre fin, de manière anticipée, à l'utilisation des données. Les sénateurs requérants dénoncent également la méconnaissance du droit au respect de la vie privée qui résulterait de l'ampleur de la collecte des données permise par l'article 11. Ils estiment en outre que ces dispositions, qui dérogent à l'exigence du consentement au traitement des données, tout en maintenant le droit d'opposition des personnes en cause, seraient inintelligibles. 61. Il résulte du droit au respect de la vie privée que la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif. Lorsque sont en cause des données à caractère personnel de nature médicale, une particulière vigilance doit être observée dans la conduite de ces opérations et la détermination de leurs modalités. 62. L'article 11 prévoit que, par dérogation à l'exigence fixée à l'article L. 1110-4 du code de la santé publique, les données à caractère personnel relatives à la santé des personnes atteintes par le covid-19 et des personnes en contact avec elles peuvent être traitées et partagées, sans le consentement des intéressés, dans le cadre d'un système d'information ad hoc ainsi que dans le cadre d'une adaptation des systèmes d'information relatifs aux données de santé déjà existants. La collecte, le traitement et le partage d'informations portent donc non seulement sur les données médicales personnelles des intéressés, mais aussi sur certains éléments d'identification et sur les contacts qu'ils ont noués avec d'autres personnes. Ce faisant, les dispositions contestées portent atteinte au droit au respect de la vie privée. 63. Toutefois, en premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu renforcer les moyens de la lutte contre l'épidémie de covid-19, par l'identification des chaînes de contamination. Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. 64. Ensuite, la collecte, le traitement et le partage des données personnelles précitées ne peuvent être mis en œuvre que dans la mesure strictement nécessaire à l'une des quatre finalités suivantes : l'identification des personnes infectées par le covid-19, grâce à la prescription, la réalisation et la collecte des résultats des examens médicaux pertinents ainsi que la transmission des éléments probants de diagnostic clinique ; l'identification des personnes qui, ayant été en contact avec ces dernières, présentent un risque d'infection ; l'orientation des unes et des autres vers des prescriptions médicales d'isolement prophylactiques ainsi que leur accompagnement pendant et après la fin de ces mesures d'isolement ; la surveillance épidémiologique nationale et locale ainsi que la recherche sur le virus et les moyens de lutter contre sa propagation. 65. Enfin, le dispositif proposé exclut expressément le développement ou le déploiement d'une application informatique à destination du public et disponible sur équipement mobile permettant d'informer les personnes du fait qu'elles ont été à proximité de personnes diagnostiquées positives au covid-19. 66. En deuxième lieu, d'une part, le législateur a restreint le champ des données de santé à caractère personnel susceptibles de faire l'objet de la collecte, du traitement et du partage en cause, aux seules données relatives au statut virologique ou sérologique des personnes à l'égard du covid-19 ou aux éléments probants de diagnostic clinique et d'imagerie médicale précisés par décret en Conseil d'État. D'autre part, dans le cadre des trois premières finalités mentionnées ci-dessus, les autres données à caractère personnel en cause sont celles permettant l'identification des intéressés et celles précisant les contacts qu'une personne infectée a eus, au moment où elle a pu être infectée et pendant la période où elle était susceptible de contaminer d'autres personnes. Le législateur a ainsi restreint le champ des données à caractère personnel soumises au dispositif contesté aux seules données strictement nécessaires à la poursuite des trois premières finalités mentionnées ci-dessus. 67. Pour ce qui concerne la dernière finalité, relative à la surveillance épidémiologique et la recherche contre le virus, il est prévu que les nom et prénoms des intéressés, leur numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques et leur adresse soient supprimés. Sauf à méconnaître le droit au respect de la vie privée, cette exigence de suppression doit également s'étendre aux coordonnées de contact téléphonique ou électronique des intéressés. 68. En troisième lieu, peuvent avoir accès aux données enregistrées dans le système d'information le ministre de la santé, l'Agence nationale de santé publique, un organisme d'assurance maladie, les agences régionales de santé, le service de santé des armées, les communautés professionnelles territoriales de santé, les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, les équipes de soins primaires mentionnées à l'article L. 1411-11-1 du code de la santé publique, les maisons de santé, les centres de santé, les services de santé au travail mentionnés à l'article L. 4622-1 du code du travail et les médecins prenant en charge les personnes en cause, les pharmaciens, les dispositifs d'appui à la coordination des parcours de santé complexes prévus à l'article L. 6327-1 du code de la santé publique, les dispositifs spécifiques régionaux prévus à l'article L. 6327-6 du même code, les dispositifs d'appui existants qui ont vocation à les intégrer mentionnés au paragraphe II de l'article 23 de la loi du 24 juillet 2019 mentionnée ci-dessus, ainsi que les laboratoires et services autorisés à réaliser les examens de biologie ou d'imagerie médicale pertinents sur les personnes en cause. 69. Si le champ des personnes susceptibles d'avoir accès à ces données à caractère personnel, sans le consentement de l'intéressé, est particulièrement étendu, cette extension est rendue nécessaire par la masse des démarches à entreprendre pour organiser la collecte des informations nécessaires à la lutte contre le développement de l'épidémie. 70. En revanche, sont également inclus dans ce champ, pour le partage des données, les organismes qui assurent l'accompagnement social des intéressés. Or, s'agissant d'un accompagnement social, qui ne relève donc pas directement de la lutte contre l'épidémie, rien ne justifie que la communication des données à caractère personnel traitées dans le système d'information ne soit pas subordonnée au recueil du consentement des intéressés. Dès lors, la deuxième phrase du paragraphe III de l'article 11, qui méconnaît le droit au respect de la vie privée, est contraire à la Constitution. 71. En outre, conformément au paragraphe III de l'article 11, chaque organisme n'est appelé à participer au système d'information mis en place que pour la part de ses missions susceptibles de répondre à l'une ou l'autre des finalités propres à ce système d'information et n'a accès qu'aux seules données nécessaires à son intervention. Il résulte également du paragraphe V du même article qu'un décret en Conseil d'État précisera, au sein de ces organismes, les services et personnels dont les interventions seraient, dans ce cadre, nécessaires, les catégories de données auxquelles ils auront accès, la durée de leurs accès ainsi que les règles de conservation de ces données. 72. Par ailleurs, conformément au sixième alinéa du paragraphe II de l'article 11, les agents de ces organismes ne sont pas autorisés à communiquer les données d'identification d'une personne infectée, sans son accord exprès, aux personnes qui ont été en contact avec elle. En outre, et de manière plus générale, ces agents sont soumis aux exigences du secret professionnel et ne peuvent donc, sous peine du délit prévu à l'article 226-13 du code pénal, divulguer à des tiers les informations dont ils ont connaissance par le biais du dispositif ainsi instauré. 73. Enfin, il appartiendra au pouvoir réglementaire de définir des modalités de collecte, de traitement et de partage des informations assurant leur stricte confidentialité et, notamment, l'habilitation spécifique des agents chargés, au sein de chaque organisme, de participer à la mise en œuvre du système d'information ainsi que la traçabilité des accès à ce système d'information. 74. En quatrième lieu, le paragraphe V de l'article 11 autorise les organismes précités à recourir, pour l'exercice de leur mission dans le cadre du dispositif examiné, à des organismes sous-traitants précisés par décret en Conseil d'État. Toutefois, d'une part, ces sous-traitants agissent pour leur compte et sous leur responsabilité. D'autre part, pour respecter le droit au respect de la vie privée, ce recours aux sous-traitants doit s'effectuer en conformité avec les exigences de nécessité et de confidentialité mentionnées aux paragraphes 71 à 73. 75. En cinquième lieu, si les dispositions contestées de l'article 11 exemptent la collecte, le traitement et le partage des données de santé de l'obligation d'obtenir le consentement des intéressés, elles n'exemptent pas ces mêmes opérations du respect des dispositions du règlement du 27 avril 2016 mentionné ci-dessus et de la loi du 6 janvier 1978 mentionnée ci-dessus relatives aux principes régissant les traitements des données à caractère personnel et aux droits reconnus aux personnes dont les données sont collectées, notamment leurs droits d'accès, d'information et de rectification. 76. En sixième lieu, d'une part, le dispositif instauré par l'article 11 ne peut s'appliquer au-delà du temps strictement nécessaire à la lutte contre la propagation de l'épidémie de covid-19 ou, au plus tard, au-delà de six mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi du 23 mars 2020 mentionnée ci-dessus. D'autre part, les données à caractère personnel collectées, qu'elles soient ou non médicales, doivent, quant à elles, être supprimées trois mois après leur collecte. 77. En dernier lieu, le paragraphe V de l'article 11 prévoit que le décret d'application de la loi est pris après avis public conforme de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Or, en vertu de l'article 21 de la Constitution et sous réserve de son article 13, le Premier ministre exerce le pouvoir réglementaire à l'échelon national. Ces dispositions n'autorisent pas le législateur à subordonner à l'avis conforme d'une autre autorité de l'État l'exercice, par le Premier ministre, de son pouvoir réglementaire. Dès lors, le mot « conforme » figurant à la première phrase du paragraphe V de l'article 11 est contraire à la Constitution. 78. Il résulte de tout ce qui précède que, sous les réserves énoncées aux paragraphes 67, 73 et 74, les paragraphes I et II et le reste des paragraphes III et V de l'article 11 ne méconnaissent pas le droit au respect de la vie privée. Ces dispositions, qui ne sont pas non plus entachées d'incompétence négative ou inintelligibles ni ne méconnaissent d'autres exigences constitutionnelles, sont, sous les mêmes réserves, conformes à la Constitution. . En ce qui concerne le paragraphe IX : 79. Le paragraphe IX de l'article 11 définit les conditions d'information des assemblées parlementaires sur les mesures prises en application de cet article. 80. La séparation des pouvoirs résulte de l'article 16 de la Déclaration de 1789. Aux termes du premier alinéa de l'article 20 de la Constitution : « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ». En vertu de l'article 21 de la Constitution, le Premier ministre assure l'exécution des lois. Le principe de la séparation des pouvoirs s'applique à l'égard du Gouvernement. 81. Le deuxième alinéa du paragraphe IX de l'article 11 impose aux autorités mentionnées à cet article, c'est-à-dire au ministre chargé de la santé, à l'Agence nationale de santé publique, à un organisme d'assurance maladie et aux agences régionales de santé, de transmettre « sans délai » à l'Assemblée nationale et au Sénat « copie de tous les actes » qu'elles prennent en application de cet article. Il ajoute que les assemblées parlementaires peuvent « requérir toute information complémentaire » dans le cadre du contrôle et de l'évaluation des mesures mises en œuvre. 82. Il est loisible au législateur de prévoir des dispositions assurant l'information du Parlement afin de lui permettre, conformément à l'article 24 de la Constitution, de contrôler l'action du Gouvernement et d'évaluer les politiques publiques. Toutefois, en prévoyant une transmission immédiate à l'Assemblée nationale et au Sénat d'une copie de chacun des actes pris en application de l'article 11 de la loi déférée, le législateur, compte tenu du nombre d'actes en cause et de la nature des données en jeu, a méconnu le principe de séparation des pouvoirs et les articles 20 et 21 de la Constitution. Dès lors, le deuxième alinéa du paragraphe IX de l'article 11 est contraire à la Constitution. - Sur l'article 13 : 83. L'article 13 prévoit que les dispositions du 5° de l'article 3 et celles du 3° de l'article 5 de la loi déférée modifiant le régime des mesures de quarantaine et d'isolement pouvant être prononcées en cas de déclaration de l'état d'urgence sanitaire entrent en vigueur à compter de la publication du décret mentionné au même 3°, et au plus tard le 1er juin 2020. 84. Le président du Sénat demande au Conseil constitutionnel d'examiner la conformité de ces dispositions à l'article 66 de la Constitution, ainsi qu'à la liberté d'aller et venir, au droit au respect de la vie privée et au droit à un recours juridictionnel effectif. 85. L'article 13 a pour effet, à compter de l'entrée en vigueur de la loi déférée, de laisser subsister, au plus tard jusqu'au 1er juin 2020, le régime juridique actuellement en vigueur des mesures de mise en quarantaine et de placement et maintien à l'isolement en cas d'état d'urgence sanitaire. 86. Or, si le dernier alinéa de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique dans sa rédaction actuellement en vigueur prévoit que ces mesures doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu et qu'il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires, le législateur n'a assorti leur mise en œuvre d'aucune autre garantie, notamment quant aux obligations pouvant être imposées aux personnes y étant soumises, à leur durée maximale et au contrôle de ces mesures par le juge judiciaire dans l'hypothèse où elles seraient privatives de liberté. 87. Dès lors, l'article 13 méconnaît la liberté individuelle. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la conformité aux autres droits et libertés invoqués, il est donc contraire à la Constitution. - Sur les autres dispositions : 88. Le Conseil constitutionnel n'a soulevé d'office aucune question de conformité à la Constitution et ne s'est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions : - la deuxième phrase du paragraphe III de l'article 11 ; - le mot « conforme » figurant à la première phrase du paragraphe V de l'article 11 ; - le deuxième alinéa du paragraphe IX de l'article 11 ; - l'article 13. Article 2. - Sous les réserves énoncées ci-dessous, sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes : - sous la réserve énoncée au paragraphe 43, le paragraphe II de l'article L. 3131-17 du code de la santé publique dans sa rédaction résultant de l'article 5 de la loi déférée ; - sous la même réserve énoncée au paragraphe 43, les mots « Dans les conditions prévues au II de l'article L. 3131-17 » figurant à la première phrase de l'article L. 3115-10 du code de la santé publique ainsi que la référence « L. 3131-17 » figurant au troisième alinéa de l'article L. 3131-1 du même code dans leur rédaction résultant de l'article 8 de la même loi ; - sous les réserves énoncées aux paragraphes 67, 73 et 74, les paragraphes I et II et le reste des paragraphes III et V de l'article 11 de la même loi. Article 3. - Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes : - l'article L. 3136-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi déférée ; - les 1°, 5° et 7° du paragraphe I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de l'article 3 de la même loi ; - les premier et troisième à septième alinéas du paragraphe II du même article L. 3131-15 dans sa même rédaction ; - le cinquième alinéa et la première phrase du septième alinéa de l'article L. 3136-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de l'article 9 de la même loi. Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 11 mai 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 11 mai 2020.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 5 février 2020 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 171 du 4 février 2020), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Maxime O. par la SCP Spinosi et Sureau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2020-836 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du quatrième alinéa de l'article 706-71 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-802 QPC du 20 septembre 2019 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par la SCP Spinosi et Sureau, enregistrées le 26 février 2020 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour l'association des avocats pénalistes par la SCP Spinosi et Sureau, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour la ligue des droits de l'homme par la SCP Spinosi et Sureau, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour le syndicat des avocats de France par Me Gérard Tcholakian, avocat au barreau de Paris, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour le syndicat de la magistrature par la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour le requérant par la SCP Spinosi et Sureau, enregistrées le 12 mars 2020 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Olivier Lantelme, avocat au barreau d'Aix-en-Provence, pour le requérant, Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le requérant et la ligue des droits de l'homme, Me Romain Boulet, avocat au barreau de Paris, pour l'association des avocats pénalistes, Me Tcholakian, pour le syndicat des avocats de France, Me Paul Mathonnet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le syndicat de la magistrature, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 21 avril 2020 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 706-71 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi du 23 mars 2019 mentionnée ci-dessus, fixe les conditions de recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle dans le cadre d'une procédure pénale. Son quatrième alinéa prévoit : « Ces dispositions sont également applicables à l'audition ou à l'interrogatoire par un juge d'instruction d'une personne détenue, au débat contradictoire préalable au placement en détention provisoire d'une personne détenue pour une autre cause, au débat contradictoire prévu pour la prolongation de la détention provisoire, y compris l'audience prévue à l'avant-dernier alinéa de l'article 179, aux audiences relatives au contentieux de la détention provisoire devant la chambre de l'instruction ou la juridiction de jugement, à l'interrogatoire de l'accusé par le président de la cour d'assises en application de l'article 272, à la comparution d'une personne à l'audience au cours de laquelle est rendu un jugement ou un arrêt qui avait été mis en délibéré ou au cours de laquelle il est statué sur les seuls intérêts civils, à l'interrogatoire par le procureur ou le procureur général d'une personne arrêtée en vertu d'un mandat d'amener, d'un mandat d'arrêt, d'un mandat d'arrêt européen, d'une demande d'arrestation provisoire, d'une demande d'extradition ou d'une demande d'arrestation aux fins de remise, à la présentation au juge des libertés et de la détention, au premier président de la cour d'appel ou au magistrat désigné par lui en application des articles 627-5, 695-28, 696-11 et 696-23 si la personne est détenue pour une autre cause, ou à l'interrogatoire du prévenu devant le tribunal de police si celui-ci est détenu pour une autre cause. Lorsqu'il s'agit d'une audience au cours de laquelle il doit être statué sur le placement en détention provisoire ou la prolongation de la détention provisoire, la personne détenue peut, lorsqu'elle est informée de la date de l'audience et du fait que le recours à ce moyen est envisagé, refuser l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle, sauf si son transport paraît devoir être évité en raison des risques graves de trouble à l'ordre public ou d'évasion ». 2. Le requérant fait valoir que ces dispositions reprennent les mots « la chambre de l'instruction » déclarés contraires à la Constitution, dans une précédente version de l'article 706-71 du code de procédure pénale, par la décision du 20 septembre 2019 mentionnée ci-dessus. Selon lui, ces dispositions méconnaîtraient les droits de la défense pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans cette décision. En effet, elles ne feraient pas obstacle à ce que, en matière criminelle, une personne placée en détention provisoire puisse être privée, pendant une année entière, de la possibilité de comparaître physiquement devant un juge. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « la chambre de l'instruction » figurant à la première phrase du quatrième alinéa de l'article 706-71 du code de procédure pénale. 4. Les parties intervenantes sont fondées à intervenir dans la procédure de la présente question prioritaire de constitutionnalité dans la seule mesure où leur intervention porte sur ces mêmes mots. Elles soutiennent, par les mêmes arguments que ceux exposés par le requérant, que ces dispositions méconnaissent les droits de la défense. - Sur la recevabilité : 5. Aux termes du troisième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». 6. L'autorité des décisions visées par cette disposition s'attache non seulement à leur dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et en constituent le fondement même. Elle fait obstacle à ce que le Conseil soit saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la même version d'une disposition déclarée contraire à la Constitution, sauf changement des circonstances. 7. Si, dans sa décision du 20 septembre 2019, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution des dispositions de l'article 706-71 du code de procédure pénale identiques à celles contestées dans la présente procédure, les dispositions déclarées inconstitutionnelles figuraient dans une autre rédaction de cet article 706-71. Dès lors, il y a lieu pour le Conseil constitutionnel de statuer sur la présente question prioritaire de constitutionnalité. - Sur le fond : 8. Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Sont garantis par ces dispositions les droits de la défense. 9. Les dispositions contestées fixent les conditions dans lesquelles il peut être recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle pour les audiences de la chambre de l'instruction relatives au contentieux de la détention provisoire. 10. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux paragraphes 7 à 13 de la décision du 20 septembre 2019, ces dispositions portent une atteinte excessive aux droits de la défense et doivent être déclarées contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 11. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 12. D'une part, en l'espèce, l'abrogation immédiate des mots « la chambre de l'instruction » aurait pour effet de rendre impossible tout recours à la visioconférence pour les audiences relatives au contentieux de la détention provisoire devant la chambre de l'instruction. Elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 31 octobre 2020 la date de l'abrogation des dispositions contestées. 13. D'autre part, la remise en cause des mesures ayant été prises sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution méconnaîtrait les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions et aurait ainsi des conséquences manifestement excessives. Par suite, ces mesures ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « la chambre de l'instruction » figurant à la première phrase du quatrième alinéa de l'article 706-71 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, sont contraires à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées aux paragraphes 12 et 13 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 avril 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 30 avril 2020.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 6 février 2020 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 219 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société A.D-Trezel par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2020-837 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du dernier alinéa de l'article L. 145-34 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi organique n° 2020-365 du 30 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ; - le code de commerce ; - la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour Mme Brigitte R. épouse S., partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par la SCP Alain Bénabent, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 14 février 2020 ; - les observations en intervention présentées pour M. François-Xavier M., Mmes Catherine M. épouse B., Virginie M. épouse A., Bérengère M. épouse D., Anne M. épouse R., Janine M., par Me François Crépeaux, avocat au barreau de Grasse, enregistrées le 17 février 2020 ; - les observations présentées pour la société requérante par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, enregistrées le 25 février 2020 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 26 février 2020 ; - les observations complémentaires présentées par le Premier ministre à la demande du Conseil constitutionnel pour les besoins de l'instruction, enregistrées le 17 avril 2020 ; - les observations complémentaires présentées pour les parties intervenantes par Me Crépeaux à la demande du Conseil constitutionnel pour les besoins de l'instruction, enregistrées le 20 avril 2020 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 21 avril 2020 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 145-34 du code de commerce prévoit que, à moins d'une modification notable des éléments de détermination de la valeur locative qui sont mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 du même code, le loyer de renouvellement des baux commerciaux dont la durée n'est pas supérieure à neuf ans est plafonné. Le dernier alinéa de cet article L. 145-34, dans sa rédaction résultant de la loi du 18 juin 2014 mentionnée ci-dessus, prévoit :« En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente ». 2. La société requérante, rejointe par les parties intervenantes, soutient que ces dispositions porteraient atteinte au droit de propriété du bailleur. Elle fait valoir que cette limitation de l'augmentation du loyer lors du renouvellement du bail ne serait justifiée par aucun motif d'intérêt général et pourrait avoir pour effet d'imposer un niveau de loyer fortement et durablement inférieur à la valeur locative du bien, entraînant ainsi une perte financière importante pour le bailleur. De plus, elle soutient que si ces dispositions peuvent être écartées par les parties dès lors qu'elles ne sont pas d'ordre public, leur application aux baux en cours, conclus avant leur entrée en vigueur mais renouvelés postérieurement, conduit dans ce cas à priver, en pratique, les bailleurs de la possibilité d'y déroger. 3. Il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. 4. L'article L. 145-33 du code de commerce dispose que le loyer du bail commercial renouvelé doit correspondre à la valeur locative du bien loué et que, à défaut d'accord des parties, cette valeur est déterminée d'après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et le prix couramment pratiqué dans le voisinage. Le premier alinéa de l'article L. 145-34 du code de commerce instaure un plafonnement du loyer ainsi renouvelé, en prévoyant que son taux de variation ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré. 5. Cette règle de plafonnement ne s'applique cependant pas aux baux initialement conclus pour une durée de plus de neuf années. Elle ne s'applique pas non plus aux baux dont la durée n'est pas supérieure à neuf ans lorsqu'est intervenue, entre la prise d'effet du bail initial et celle du bail à renouveler, une modification notable des caractéristiques du local considéré, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties ou des facteurs locaux de commercialité. Dans ces deux cas, les dispositions contestées prévoient que la variation du loyer ne peut toutefois conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente. 6. Ces dispositions empêchent le bailleur de percevoir, dès le renouvellement de son bail et le cas échéant jusqu'à son terme, un loyer correspondant à la valeur locative de son bien lorsque ce loyer est supérieur de 10 % au loyer acquitté lors de la dernière année du bail expiré. Elles portent ainsi atteinte au droit de propriété. 7. Toutefois, en premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu éviter que le loyer de renouvellement d'un bail commercial connaisse une hausse importante et brutale de nature à compromettre la viabilité des entreprises commerciales et artisanales. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général. 8. En deuxième lieu, les dispositions contestées permettent au bailleur de bénéficier, chaque année, d'une augmentation de 10 % du loyer de l'année précédente jusqu'à ce qu'il atteigne, le cas échéant, la nouvelle valeur locative. 9. En dernier lieu, les dispositions contestées n'étant pas d'ordre public, les parties peuvent convenir de ne pas les appliquer, soit au moment de la conclusion du bail initial, soit au moment de son renouvellement. En outre, s'agissant des baux conclus avant la date d'entrée en vigueur de ces dispositions et renouvelés après cette date, l'application de ce dispositif ne résulte pas des dispositions contestées, mais de leurs conditions d'entrée en vigueur déterminées à l'article 21 de la loi du 18 juin 2014. 10. Il résulte de ce qui précède que le législateur n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété. Le dernier alinéa de l'article L. 145-34 du code de commerce, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit donc être déclaré conforme à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le dernier alinéa de l'article L. 145-34 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 mai 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 7 mai 2020.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi modifiant la loi n° 2010‑838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et à la prorogation du mandat des membres de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, sous le n° 2020-798 DC, le 28 février 2020, par le Premier ministre. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ; - la loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, définitivement adoptée par le Parlement le 26 février 2020, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2020-797 DC du 26 mars 2020 ; Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 13 mars 2020 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La loi déférée tire les conséquences, dans le tableau annexé à la loi du 23 juillet 2010 mentionnée ci-dessus, de la loi organique définitivement adoptée par le Parlement le 26 février 2020 mentionnée ci-dessus. En outre, elle proroge le mandat des membres de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet. Le Premier ministre n'invoque aucun grief particulier à son encontre. 2. Cette loi a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution. Au demeurant, aucun motif particulier d'inconstitutionnalité ne ressort des travaux parlementaires. Il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, d'examiner spécialement d'office des dispositions de la loi déférée. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La procédure d'adoption de la loi modifiant la loi n° 2010‑838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et à la prorogation du mandat des membres de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 mars 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 26 mars 2020
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 23 mars 2020, par le Premier ministre, sous le n° 2020-799 DC, conformément au cinquième alinéa de l'article 46 et au premier alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi organique d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a été prise sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution. 2. Déposé devant le Sénat, première assemblée saisie, le 18 mars 2020, le projet de loi organique, pour lequel le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, a été examiné en séance publique le lendemain. 3. Compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu de juger que cette loi organique a été adoptée en violation des règles de procédure prévues à l'article 46 de la Constitution. 4. Conformément au premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution, les articles 23-4 et 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus fixent à trois mois le délai déterminé dans lequel le Conseil d'État ou la Cour de cassation doit se prononcer sur le renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. L'article 23-10 de la même ordonnance prévoit que le Conseil constitutionnel statue dans un même délai de trois mois après sa saisine. 5. Afin de faire face aux conséquences de l'épidémie du virus covid-19 sur le fonctionnement des juridictions, l'article unique de cette loi organique se borne à suspendre jusqu'au 30 juin 2020 le délai dans lequel le Conseil d'État ou la Cour de cassation doit se prononcer sur le renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et celui dans lequel ce dernier doit statuer sur une telle question. Il ne remet pas en cause l'exercice de ce recours ni n'interdit qu'il soit statué sur une question prioritaire de constitutionnalité durant cette période. 6. Ces dispositions sont conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La loi organique d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 mars 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 26 mars 2020
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 28 février 2020, par le Premier ministre, sous le n° 2020-797 DC, conformément au cinquième alinéa de l'article 46 et au premier alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ; Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 13 mars 2020 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a été prise sur le fondement de l'article 13 de la Constitution. Elle a été adoptée dans le respect des règles de procédure prévues par les trois premiers alinéas de l'article 46 de la Constitution. 2. Aux termes du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution : « Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés ». Le tableau annexé à la loi organique du 23 juillet 2010 mentionnée ci-dessus fixe la liste des emplois et fonctions pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce dans les conditions prévues par ce cinquième alinéa. 3. Les 1°, 5° et 7° de l'article unique de la loi organique déférée modifient ce tableau en y ajoutant les fonctions de directeur général de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, de directeur général de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, de président de la commission d'accès aux documents administratifs et de directeur général de l'office français de l'immigration et de l'intégration. 4. Les 2°, 3°, 4° et 8° de l'article unique modifient également ce tableau afin de tirer les conséquences des changements de dénomination de l'autorité de régulation des transports, de l'autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, de l'autorité nationale des jeux et de la société Bpifrance. 5. Le 9° substitue dans le tableau la direction générale de la société nationale SNCF aux trois fonctions de président du conseil de surveillance, président du directoire et président délégué du directoire de la SNCF. Cette modification est liée à la réorganisation de cette société nationale. 6. Le législateur a pu estimer, eu égard à leur importance pour la garantie des droits et libertés ou pour la vie économique et sociale de la Nation, que les emplois ou fonctions ainsi modifiés dans le tableau annexé à la loi organique du 23 juillet 2010 relevaient de la procédure prévue par le cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution. 7. Le 6° de l'article unique supprime également de ce tableau la fonction de président-directeur général de La Française des Jeux. Cette suppression n'est contraire à aucune exigence constitutionnelle. 8. L'article unique est donc conforme à la Constitution. Article 1er. - La loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 mars 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 26 mars 2020
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 28 février 2020, par le Premier ministre, dans les conditions prévues au second alinéa de l'article 37 de la Constitution, d'une demande enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2020-285 L. Le Premier ministre demande au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la nature juridique du troisième alinéa de l'article L. 124-1 du code de l'organisation judiciaire. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 34 et 37 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 24, 25 et 26 ; - le code de l'organisation judiciaire ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Si l'article 34 de la Constitution réserve au législateur le soin de fixer « les règles concernant ... la création de nouveaux ordres de juridiction », la détermination du nombre, du siège et du ressort de chacune des juridictions créées dans le cadre des principes définis par la loi est de la compétence réglementaire. 2. L'article L. 124-1 du code de l'organisation judiciaire autorise le transfert, à titre provisoire, de tout ou partie des services d'une juridiction dans une autre commune du ressort de la même cour d'appel, lorsque la continuité du service de la justice ne peut plus être assurée au sein du bâtiment où siège cette juridiction. 3. Les dispositions dont le déclassement est demandé se bornent à prévoir la durée de ce transfert temporaire du siège d'une juridiction. Elles ne mettent en cause ni la création de nouveaux ordres de juridiction ni aucun des autres principes ou règles placés par la Constitution dans le domaine de la loi. Par suite, elles ont un caractère réglementaire. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le troisième alinéa de l'article L. 124-1 du code de l'organisation judiciaire a un caractère réglementaire. Article 2. - Cette décision sera notifiée au Premier ministre et publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 mars 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 26 mars 2020.
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Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 11 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 45-4 à 45-6 ; - la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 portant application de l'article 11 de la Constitution, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-681 DC du 5 décembre 2013 ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-1-RIP du 9 mai 2019 ; - le décret n° 2019-572 du 11 juin 2019 portant ouverture de la période de recueil des soutiens apportés à la proposition de loi n° 1867 présentée en application de l'article 11 de la Constitution visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris présentée en application de l'article 11 de la Constitution ; Après que la formation mentionnée à l'article 45-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus a statué sur les réclamations ; Après avoir statué sur les réclamations renvoyées par la formation et sur les contestations de ses décisions ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Aux termes des premier, troisième, quatrième et sixième alinéas de l'article 11 de la Constitution : « Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an. « Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l'alinéa précédent sont déterminées par une loi organique. « Lorsque la proposition de loi n'est pas adoptée par le peuple français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date du scrutin ». 2. Selon l'article 4 de la loi organique du 6 décembre 2013 mentionnée ci-dessus : « I.- L'ouverture de la période de recueil des soutiens intervient dans le mois suivant la publication de la décision par laquelle le Conseil constitutionnel déclare que la proposition de loi présentée en application de l'article 11 de la Constitution satisfait aux dispositions de l'article 45-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à une date fixée par décret.« II.- La durée de la période de recueil des soutiens est de neuf mois ». 3. Aux termes de l'article 45-6 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus : « Le Conseil constitutionnel déclare si la proposition de loi a obtenu le soutien d'au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Sa décision est publiée au Journal officiel ». 4. En application du décret du 11 juin 2019 mentionné ci-dessus, la période de recueil des soutiens à la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris a été ouverte pour neuf mois, à compter du 13 juin 2019 à zéro heure. Elle a pris fin le 12 mars 2020 à minuit. 5. Le nombre de soutiens d'électeurs inscrits sur les listes électorales à recueillir était de 4 717 396. 6. Il y a lieu de constater que la proposition de loi a recueilli le soutien de 1 093 030 électeurs inscrits sur les listes électorales. Elle n'a donc pas obtenu le soutien d'au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCLARE : Article 1er. - La proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris n'a pas obtenu le soutien d'au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Article 2. - Cette déclaration sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 mars 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 26 mars 2020.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 24 mars 2011, par le Premier ministre, conformément aux articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1er, de la Constitution, de la loi organique tendant à l'approbation d'accords entre l'État et les collectivités territoriales de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy et de Polynésie française. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code général des collectivités territoriales ; Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française ; Vu les décisions du Conseil constitutionnel n° 2009-597 DC et n° 2009-598 DC du 21 janvier 2010 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que la loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a été adoptée dans le respect des règles de procédure fixées par les trois premiers alinéas de l'article 46 de la Constitution ; 2. Considérant que l'article 1er de la loi organique autorise l'approbation de la convention, signée le 21 décembre 2010, entre l'État et la collectivité territoriale de Saint-Martin en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales ; que son article 2 autorise l'approbation de l'accord, signé le 23 décembre 2009, entre l'État et la même collectivité concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale ; que son article 3 autorise l'approbation de l'accord, signé le 29 décembre 2009, entre l'État et la collectivité territoriale de Polynésie française concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale ; que son article 4 autorise l'approbation de l'accord, signé le 14 septembre 2010, entre l'État et la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 74 de la Constitution : « Les collectivités d'outre-mer régies par le présent article ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République. - Ce statut est défini par une loi organique, adoptée après avis de l'assemblée délibérante, qui fixe.. . Les compétences de cette collectivité » ; qu'en vertu du 1° du paragraphe I des articles L.O. 6214-3 et L.O. 6314-3 du code général des collectivités territoriales, les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin sont compétentes en matière d'« impôts, droits et taxes » ; qu'il en est de même de la Polynésie française en application des dispositions combinées des articles 13 et 14 de la loi organique du 27 février 2004 susvisée ; que, par suite, dans la mesure où les conventions ou accords précités affectent les règles relatives aux impôts, droits et taxes de ces collectivités, leur approbation relève de la loi organique ; 4. Considérant que la loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel n'est pas contraire à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- La loi organique tendant à l'approbation d'accords entre l'État et les collectivités territoriales de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy et de Polynésie française est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 avril 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Monsieur le Président, Conformément aux dispositions des articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous transmettre la loi organique tendant à l'approbation d'accords entre l'État et les collectivités territoriales de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy et de Polynésie française. Je vous prie de bien vouloir demander au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité de ce texte à la Constitution. Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de ma haute considération. Pour le Premier ministre, et par délégation, Le Secrétaire général du Gouvernement Serge Lasvignes
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Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 5 avril 2011, par le Premier ministre, conformément aux articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1er, de la Constitution, de la loi organique relative à l'élection des députés et des sénateurs. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu l'ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l'application de l'article 23 de la Constitution ; Vu la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; Vu la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 modifiée relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ; Vu la loi organique n° 83-499 du 17 juin 1983 modifiée relative à la représentation au Sénat des Français établis hors de France ; Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ; Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française ; Vu le code électoral ; Vu la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 modifiée relative à l'élection des représentants au Parlement européen ; Vu la loi portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique, adoptée par le Parlement le 5 avril 2011 ; Vu les observations présentées par plus de soixante députés et enregistrées le 8 avril 2011 ; Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 11 avril 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que la loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel comporte vingt-quatre articles ; qu'elle a été adoptée, à titre principal, sur le fondement de l'article 25 de la Constitution ; qu'elle comporte également des dispositions relevant de ses articles 6, 63, 74 et 77 ; que les règles de procédure fixées par les trois premiers alinéas de son article 46 ont été respectées ; qu'en outre, le paragraphe II de l'article 1er et l'article 17 de la loi organique, qui sont relatifs au Sénat, ont été votés dans les mêmes termes par les deux assemblées, comme l'impose le quatrième alinéa du même article 46 ; - SUR LES DISPOSITIONS PRISES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 25 DE LA CONSTITUTION : 2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 25 de la Constitution : « Une loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres, leur indemnité, les conditions d'éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités » ; . En ce qui concerne les conditions d'éligibilité et le régime des inéligibilités applicables à l'élection des députés et des sénateurs sur le territoire de la République : 3. Considérant que l'article 1er de la loi organique, dans son paragraphe I, remplace les articles L.O. 127 à L.O. 130, L.O. 130 1, L.O. 131 et L.O. 133 du code électoral par les articles L.O. 127 à L.O. 132 relatifs aux conditions d'éligibilité et aux inéligibilités applicables aux élections des députés ; que, dans son paragraphe II, il modifie l'article L.O. 296 pour abaisser de trente à vingt-quatre ans l'âge pour être élu au Sénat ; 4. Considérant que l'article L.O. 132, rétabli par le paragraphe I de l'article 1er de la loi organique, fixe la liste des fonctions dont l'exercice entraîne une inéligibilité temporaire à l'élection des députés dans toute circonscription comprise en tout ou partie dans le ressort d'exercice de ces fonctions ; que cette inéligibilité, valable pendant toute la durée de l'exercice des fonctions, se prolonge après la fin de ces dernières pendant trois années, pour les préfets, et pendant une année, pour les titulaires des autres fonctions ; que ces dernières, énumérées par le paragraphe II de l'article L.O. 132, sont celles remplies par : « 1° Les sous-préfets, les secrétaires généraux de préfecture, les directeurs de cabinet de préfet et les directeurs des services de cabinet de préfet ; « 2° Le secrétaire général et les chargés de mission du secrétariat général pour les affaires régionales ou pour les affaires de Corse ; « 3° Les directeurs de préfecture, les chefs de bureau de préfecture et les secrétaires généraux de sous-préfecture ; « 4° Les directeurs, directeurs adjoints et chefs de service des administrations civiles de l'État dans la région ou le département ; « 5° Les directeurs régionaux, départementaux ou locaux des finances publiques et leurs fondés de pouvoir ainsi que les comptables publics ; « 6° Les recteurs d'académie, les inspecteurs d'académie, les inspecteurs d'académie adjoints et les inspecteurs de l'éducation nationale chargés d'une circonscription du premier degré ; « 7° Les inspecteurs du travail ; « 8° Les responsables de circonscription territoriale ou de direction territoriale des établissements publics de l'État et les directeurs de succursale et directeurs régionaux de la Banque de France ; « 9° Les magistrats des cours d'appel, des tribunaux de grande instance et les juges de proximité ; « 10° Les présidents des cours administratives d'appel et les magistrats des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs ; « 11° Les présidents de chambre régionale ou territoriale des comptes et les magistrats des chambres régionales ou territoriales des comptes ; « 12° Les présidents des tribunaux de commerce et les présidents des conseils de prud'hommes ; « 13° Les officiers et sous-officiers de la gendarmerie nationale exerçant un commandement territorial ainsi que leurs adjoints pour l'exercice de ce commandement ; « 14° Les fonctionnaires des corps actifs de la police nationale exerçant un commandement territorial ainsi que leurs adjoints pour l'exercice de ce commandement ; « 15° Les militaires, autres que les gendarmes, exerçant un commandement territorial ou le commandement d'une formation administrative ainsi que leurs adjoints pour l'exercice de ce commandement ; « 16° Les directeurs des organismes régionaux et locaux de la sécurité sociale relevant du contrôle de la Cour des comptes ; « 17° Les directeurs, directeurs adjoints et secrétaires généraux des agences régionales de santé ; « 18° Les directeurs généraux et directeurs des établissements publics de santé ; « 19° Les directeurs départementaux des services d'incendie et de secours et leurs adjoints ; « 20° Les directeurs généraux, directeurs généraux adjoints, directeurs, directeurs adjoints et chefs de service du conseil régional, de la collectivité territoriale de Corse, du conseil général, des communes de plus de 20 000 habitants, des communautés de communes de plus de 20 000 habitants, des communautés d'agglomération, des communautés urbaines et des métropoles ; « 21° Les directeurs généraux, directeurs généraux adjoints et directeurs des établissements publics dont l'organe délibérant est composé majoritairement de représentants des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités mentionnés au 20° ; « 22° Les membres du cabinet du président du conseil régional, du président de l'Assemblée de Corse, du président du conseil exécutif de Corse, du président du conseil général, des maires des communes de plus de 20 000 habitants, des présidents des communautés de communes de plus de 20 000 habitants, des présidents des communautés d'agglomération, des présidents des communautés urbaines et des présidents des métropoles » ; 5. Considérant que, si le législateur organique est compétent, en vertu du premier alinéa de l'article 25 de la Constitution, pour fixer les conditions d'éligibilité aux assemblées parlementaires, il ne saurait priver un citoyen du droit d'éligibilité dont il jouit en vertu de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que dans la mesure nécessaire au respect du principe d'égalité devant le suffrage et à la préservation de la liberté de l'électeur ; 6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces exigences constitutionnelles que les dispositions fixant une inéligibilité sont d'interprétation stricte ; qu'ainsi, une inéligibilité ne saurait valoir pour l'ensemble du territoire national que de manière expresse ; 7. Considérant, en second lieu, que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement ; qu'en fixant la liste des inéligibilités aux mandats parlementaires, le paragraphe II de l'article L.O. 132 a opéré une conciliation qui n'est pas manifestement disproportionnée entre les exigences constitutionnelles précitées ; 8. Considérant que, sous la réserve mentionnée au considérant 6, l'article 1er de la loi organique n'est pas contraire à la Constitution ; qu'il en est de même de l'article 4 de la loi organique qui tire les conséquences, pour les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et la Nouvelle-Calédonie, des dispositions du paragraphe II de l'article L.O. 132 du code électoral ; . En ce qui concerne les règles applicables à l'élection des députés et des sénateurs représentant les Français établis hors de France : 9. Considérant que l'article 15 de la loi organique insère dans le code électoral les articles L.O. 328 et L.O. 329 ; que, d'une part, il rend applicables les dispositions de valeur organique relatives aux députés élus sur le territoire de la République à ceux représentant les Français établis hors de France, à l'exception des dispositions relatives aux inéligibilités ; que, d'autre part, il fixe le régime des inéligibilités applicables à leur élection ; 10. Considérant que l'article 17 modifie l'article 2 de la loi organique du 17 juin 1983 susvisée ; que, d'une part, il rend applicable l'article L.O. 296 du code électoral à l'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France, à l'exception des dispositions relatives aux inéligibilités ; que, d'autre part, il fixe le régime des inéligibilités applicables à leur élection ; 11. Considérant que ces dispositions ne sont pas contraires à la Constitution ; . En ce qui concerne les autres dispositions relevant de l'article 25 de la Constitution : 12. Considérant que les dispositions des articles 2, 3, 5, 9, 13 et 16 de la loi organique ainsi que celles du paragraphe I de son article 20 ne sont pas contraires à la Constitution ; - SUR LES DISPOSITIONS PRISES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 6 DE LA CONSTITUTION : 13. Considérant qu'en vertu de l'article 6 de la Constitution, une loi organique fixe les modalités de l'élection du Président de la République au suffrage universel direct ; 14. Considérant que l'article 18 de la loi organique modifie l'article 8 de la loi organique du 31 janvier 1976 susvisée, relatif au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ; qu'il précise, pour l'ensemble des scrutins se déroulant en partie à l'étranger, les règles selon lesquelles ces Français peuvent choisir d'exercer leur droit de vote soit en France dans la commune sur la liste électorale de laquelle ils sont inscrits, soit à l'étranger ; que l'article 19 complète l'article 13 de la même loi organique pour porter de deux à trois le nombre maximal de procurations dont peut bénéficier un même mandataire dans un bureau de vote ouvert dans une ambassade ou un poste consulaire ; 15. Considérant que l'article 22 complète l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 afin de maintenir l'obligation de dépôt d'un compte de campagne pour tous les candidats à l'élection présidentielle ; que l'article 23 modifie l'article 4 de la même loi afin de rendre applicables à cette élection les articles du code électoral, auxquels renvoie l'article 3 de la même loi, dans leur rédaction en vigueur à la date de la publication de la loi portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique, adoptée par le Parlement le 5 avril 2011 ; 16. Considérant que ces dispositions sont conformes à la Constitution ; - SUR LES DISPOSITIONS PRISES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 63 DE LA CONSTITUTION : 17. Considérant qu'aux termes de l'article 63 de la Constitution : « Une loi organique détermine les règles d'organisation et de fonctionnement du Conseil constitutionnel, la procédure qui est suivie devant lui et notamment les délais ouverts pour le saisir de contestations » ; 18. Considérant que le paragraphe I de l'article 14 de la loi organique modifie les articles 32, 33 et 41-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée en ce qui concerne le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ; qu'il prévoit notamment que l'élection d'un député ou d'un sénateur peut être contestée devant le Conseil constitutionnel jusqu'au dixième jour qui suit la proclamation des résultats de l'élection « au plus tard à dix-huit heures » ; que son paragraphe II modifie les articles L.O. 179, L.O. 180, L.O. 181 et L.O. 186-1 du code électoral, lesquels renvoient aux articles 32, 33, 34 et 41-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susmentionnée ; que ces nouvelles dispositions sont conformes à la Constitution ; - SUR LES DISPOSITIONS PRISES SUR LE FONDEMENT DES ARTICLES 74 ET 77 DE LA CONSTITUTION : 19. Considérant qu'en vertu des troisième et cinquième alinéas de l'article 74 de la Constitution, le statut de chaque collectivité d'outre-mer régie par cet article est défini par une loi organique et fixe « le régime électoral de son assemblée délibérante » ; que l'article 77 de la Constitution confie également à une loi organique le soin de déterminer « les règles relatives.. . Au régime électoral » applicable aux institutions de la Nouvelle-Calédonie ; 20. Considérant que l'article 6 de la loi organique modifie les articles L.O. 489, L.O. 516 et L.O. 544 du code électoral afin de rendre inéligibles au conseil territorial de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon « les personnes déclarées inéligibles en application des articles L. 118-3, L. 118-4, L.O. 136-1 ou L.O. 136-3 » dans leur rédaction résultant de la présente loi organique ou de la loi ordinaire susvisée adoptée le 5 avril 2011 ; que les articles 7 et 8 procèdent de même pour le congrès et les assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie en modifiant l'article 195 de la loi organique du 19 mars 1999 et pour l'assemblée de la Polynésie française en modifiant l'article 109 de la loi organique du 27 février 2004 ; 21. Considérant que l'article 10 modifie les articles L.O. 495, L.O. 522 et L.O. 550 du code électoral ; qu'il applique le nouveau régime de résolution des incompatibilités, prévu à l'article L.O. 151 du code électoral, aux conseillers territoriaux de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon ; que les articles 11 et 12 procèdent de même pour les membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie en modifiant l'article 197 de la loi organique du 19 mars 1999 et pour ceux de l'assemblée de la Polynésie française en modifiant l'article 112 de la loi organique du 27 février 2004 ; 22. Considérant que ces dispositions sont conformes à la Constitution ; - SUR LES AUTRES DISPOSITIONS : 23. Considérant que le paragraphe II de l'article 20 de la loi organique modifie l'article 5 de la loi du 7 juillet 1977 susvisée ; qu'il abaisse à dix-huit ans l'âge d'éligibilité au Parlement européen ; que son paragraphe III modifie l'article L. 154 du code électoral relatif aux modalités des déclarations de candidature à l'élection de député ; que l'article 21 rend applicables aux membres du Gouvernement les incompatibilités fixées par les articles L.O. 145 et L.O. 146 du code électoral ; que ces dispositions, qui n'ont pas le caractère organique, ne sont pas contraires à la Constitution ; - SUR L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI ORGANIQUE : 24. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 24 de la loi organique : « La présente loi organique prend effet lors du premier renouvellement général de l'Assemblée nationale suivant sa promulgation » ; qu'il ressort des travaux parlementaires que cette disposition ne trouve à s'appliquer que pour les règles relatives à l'élection des députés ; que, s'agissant de celles applicables à l'élection du Président de la République et à l'élection des sénateurs, elles prennent effet lors de la prochaine élection du Président de la République ou lors du prochain renouvellement du Sénat ; qu'il est dérogé à ce report dans le temps, comme l'indique le second alinéa de l'article 24, pour les articles L.O. 135-1 et L.O. 135-3 du code électoral, D É C I D E : Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 6, l'article 1er de la loi organique relative à l'élection des députés et des sénateurs est conforme à la Constitution. Article 2.- Les autres dispositions de la même loi organique sont conformes à la Constitution. Article 3.- N'ont pas le caractère organique : - les paragraphes II et III de l'article 20 de la même loi organique ; - son article 21 en tant qu'il rend applicables aux membres du Gouvernement les incompatibilités fixées par les articles L.O. 145 et L.O. 146 du code électoral. Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 avril 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Des observations, signées par plus de soixante députés, ont été adressées au Conseil constitutionnel le 8 avril 2011 en vue de faire censurer l'article 2 de la loi organique relative à l'élection des députés et des sénateurs. A/ Cet article ajoute à l'article LO 135-1 du code électoral deux alinéas ainsi rédigés : « Le fait pour un député d'omettre sciemment de déclarer une part substantielle de son patrimoine ou d'en fournir une évaluation mensongère qui porte atteinte à la sincérité de sa déclaration et à la possibilité pour la Commission pour la transparence financière de la vie politique d'exercer sa mission est puni de 30 000 EUR d'amende et, le cas échéant, de l'interdiction des droits civiques selon les modalités prévues à l'article 131-26 du code pénal, ainsi que de l'interdiction d'exercer une fonction publique selon les modalités prévues à l'article 131-27 du même code. « Tout manquement aux obligations prévues au troisième alinéa est puni de 15 000 EUR d'amende. » Les auteurs des observations soutiennent qu'en ne prévoyant aucune peine d'emprisonnement pour les faits sanctionnés, le législateur organique aurait méconnu le principe d'égalité. B/ Le Gouvernement ne partage pas cette analyse. L'article 2 de la loi organique en cours d'examen par le Conseil constitutionnel répond à une demande exprimée dans ses rapports par la Commission pour la transparence financière de la vie politique en réprimant le fait, pour un député « d'omettre sciemment de déclarer une part substantielle de son patrimoine ou d'en fournir une évaluation mensongère qui porte atteinte à la sincérité de sa déclaration et à la possibilité pour la Commission pour la transparence financière de la vie politique d'exercer sa mission ». Comme le soulignait le rapporteur devant la Commission des lois du Sénat, ces dispositions sont applicables aux sénateurs puisque les membres du Sénat sont soumis aux mêmes obligations que leurs homologues de l'Assemblée nationale en matière de déclaration de patrimoine en vertu de l'article LO 296 du code électoral. Des dispositions identiques ont par ailleurs été rendues applicables aux titulaires de mandats locaux en vertu de l'article 24 de la loi portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique. Ces dispositions ajoutent au droit en vigueur une nouvelle infraction pénale. La circonstance que le législateur organique n'ait pas estimé nécessaire d'instituer une peine d'emprisonnement ne saurait faire regarder la loi comme contraire à la Constitution. Le comportement sanctionné constitue une atteinte aux obligations de transparence édictées par la loi, ce qui justifie l'institution d'une sanction pénale, mais il se distingue des incriminations mentionnées par les auteurs des observations. La déclaration de patrimoine ne constitue pas un document destiné à déterminer des droits ou des obligations de l'élu. Les erreurs éventuelles de la déclaration de patrimoine, qu'elles soient conscientes ou qu'elles résultent d'une absence de vigilance du déclarant, ne lèsent ni le Trésor public (comme les fausses déclarations fiscales) ni les droits des tiers. Il en découle en particulier que, comme la Commission pour la transparence financière de la vie politique a eu l'occasion de le relever à plusieurs reprises dans ses rapports, « l'altération de la vérité, quelle qu'en soit l'importance, commise à l'occasion d'une déclaration de patrimoine déposée auprès de la commission, n'est pas susceptible de constituer le support matériel d'un faux, tel qu'il est défini à l'article 441-1 du code pénal » (14e rapport, J.O. 1er décembre 2009, texte 41, point IV.3). En effet, il résulte des termes mêmes de cet article que, « pour constituer un faux, l'altération de la vérité doit être faite frauduleusement dans un écrit qui a pour objet, ou qui peut avoir pour effet, d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques » (Crim. 26 septembre 1995, n° 94-86182). Or tel n'est pas l'objet, ni l'effet, de la déclaration de patrimoine d'un élu, qui est dénuée de valeur probatoire. La disposition contestée, qui ajoute au droit en vigueur une infraction applicable aux seuls titulaires des mandats et fonctions soumis à l'obligation de déposer une déclaration de patrimoine, en l'assortissant de sanctions adaptées à la nature spécifique de cette infraction, ne saurait ainsi être regardée comme plaçant ces derniers dans une position plus favorable que d'autres catégories de justiciables. La disposition contestée n'a nullement pour effet de faire échapper les intéressés aux incriminations de portée générale qui sont invoquées dans les observations. Elle ne méconnaît donc pas le principe d'égalité devant la loi pénale, lequel ne fait pas obstacle à ce qu'une différenciation soit opérée par celle-ci entre agissements de nature différente (décision n° 80-125 DC du 19 décembre 1980). Pour ces raisons, le Gouvernement invite le Conseil constitutionnel à déclarer la loi organique relative à l'élection des députés et des sénateurs, et en particulier son article 2, conforme à la Constitution. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, Nous avons 1'honneur de vous transmettre le présent mémoire afin de communiquer des observations concernant la loi organique relative à l'élection des députés et sénateurs dont vous êtes saisis conformément à l'article 61 alinéa 1er de la Constitution. L'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 proclame que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège soit qu'elle punisse. » C'est le principe d'égalité qui fonde essentiellement la critique ici adressée contre le texte déféré qui institue au bénéfice des parlementaires un régime juridique privilégié au regard de celui qui s'applique aux citoyens ordinaires. De manière constante, le Conseil constitutionnel rappelle « que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ». Le juge en déduit que « toute différence de traitement qui ne serait pas justifiée par une différence de situation en rapport avec l'objet de la loi se trouve en conséquence prohibée » (91-304 OC du 15 janvier 1992, cons. 15). Il a eu l'occasion de préciser que le rapport en question devait être" direct" (96-375 OC du 9 avril 1996, cons. 8). L'article 2 de la loi qui vous est déférée prévoit que « le fait pour un député d'omettre sciemment de déclarer une part substantielle de son patrimoine ou d'en fournir une évaluation mensongère (...) est puni de 30000 euros d'amende et, le cas échéant, de l'interdiction des droits civiques (...) ainsi que de l'interdiction d'exercer une fonction publique (...) » à l'exclusion de toute peine de prison. Cette disposition place les parlementaires dans une situation particulièrement avantageuse au regard des citoyens qui - pour des faits similaires - encourent une peine de prison. Ainsi par exemple, l'article 1741 du Code général des impôts prévoit-il que « quiconque s'est frauduleusement soustrait ou CI tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés dans la présente codification, soit qu’il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu'il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l'impôt, soit qu'il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d'autres manoeuvres au recouvrement de l'impôt, soit en agissant de toute autre manière frauduleuse, est passible, indépendamment des sanctions fiscales applicables, d'une amende de 37500 euros et d'un emprisonnement de cinq ans. » Ainsi encore l'article 441-1 du code pénal prévoit-il que « Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques. Le faux et l'usage de faux sont punis de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende. » Or, aucune différence de situation ni aucune raison d'intérêt général ne justifie la différence de traitement ainsi instituée au profit des députés qui - pour des faits similaires et contrairement aux citoyens ordinaires - ne risquent aucune peine d'emprisonnement. Il appartient dès lors au Conseil constitutionnel de faire application de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de censurer l'article 2 du projet déféré. Nous vous prions, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, d'agréer l'expression de notre haute considération. Monsieur le Président, Conformément aux dispositions des articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous transmettre la loi organique relative à l'élection des députés et des sénateurs. Je vous prie de bien vouloir demander au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité de ce texte à la Constitution. Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de ma haute considération. Pour le Premier ministre, et par délégation, Le Secrétaire général du Gouvernement, Serge Lasvignes
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 janvier 2011 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 221 du 27 janvier 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Michel Z. et Mme Catherine J., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de la construction et de l'habitation ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 11 février 2011 ; Vu les observations produites pour les requérants par Me Caroline Lemeland, avocat au barreau de Troyes, enregistrées le 24 février 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Lemeland, pour les requérants, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 22 mars 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation : « Les dommages causés aux occupants d'un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques, n'entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l'acte authentique constatant l'aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l'existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu'elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions » ; 2. Considérant que, selon les requérants, cette disposition exonère l'auteur de nuisances dues à une activité agricole, industrielle, artisanale, commerciale ou aéronautique de toute obligation de réparer le dommage causé par ces nuisances aux personnes installées après que l'activité dont il s'agit a commencé à être exercée et méconnaissent, dès lors, les articles 1er à 4 de la Charte de l'environnement ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux... du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales » ainsi que « de la préservation de l'environnement » ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; 4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 de la Déclaration de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en principe, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que la faculté d'agir en responsabilité met en œuvre cette exigence constitutionnelle ; que, toutefois, cette dernière ne fait pas obstacle à ce que le législateur aménage, pour un motif d'intérêt général, les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée ; qu'il peut ainsi, pour un tel motif, apporter à ce principe des exclusions ou des limitations à condition qu'il n'en résulte une atteinte disproportionnée ni aux droits des victimes d'actes fautifs ni au droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; 5. Considérant, en deuxième lieu, que les articles 1er et 2 de la Charte de l'environnement disposent : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. – Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement » ; que le respect des droits et devoirs énoncés en termes généraux par ces articles s'impose non seulement aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leur domaine de compétence respectif mais également à l'ensemble des personnes ; qu'il résulte de ces dispositions que chacun est tenu à une obligation de vigilance à l'égard des atteintes à l'environnement qui pourraient résulter de son activité ; qu'il est loisible au législateur de définir les conditions dans lesquelles une action en responsabilité peut être engagée sur le fondement de la violation de cette obligation ; que, toutefois, il ne saurait, dans l'exercice de cette compétence, restreindre le droit d'agir en responsabilité dans des conditions qui en dénaturent la portée ; 6. Considérant, en troisième lieu, que les articles 3 et 4 de la Charte de l'environnement disposent : « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences. – Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi » ; qu'il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions ; 7. Considérant que l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation interdit à une personne s'estimant victime d'un trouble anormal de voisinage d'engager, sur ce fondement, la responsabilité de l'auteur des nuisances dues à une activité agricole, industrielle, artisanale, commerciale ou aéronautique lorsque cette activité, antérieure à sa propre installation, a été créée et se poursuit dans le respect des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et, en particulier, de celles qui tendent à la préservation et à la protection de l'environnement ; que cette même disposition ne fait pas obstacle à une action en responsabilité fondée sur la faute ; que, dans ces conditions, l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation ne méconnaît ni le principe de responsabilité ni les droits et obligations qui résultent des articles 1er à 4 de la Charte de l'environnement ; 8. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.– L'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation est conforme à la Constitution. Article 2.– La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 avril 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 8 avril 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 janvier 2011 par le Conseil d’État (décision n° 330481 du 28 janvier 2011), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Lucien M., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code général des collectivités territoriales ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 14 février 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 14 février 2011 ; Vu les observations produites pour la commune de Saint-Martin d’Arrossa par la SCP Hélène Masse-Dessen et Gilles Thouvenin, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 25 février 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l’audience publique du 22 mars 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales : « Le transfert à la commune des biens, droits et obligations d’une section de communes est prononcé par le représentant de l’État dans le département sur demande du conseil municipal dans l’un des trois cas suivants : « - lorsque depuis plus de cinq années consécutives, les impôts ont été payés sur le budget communal ou admis en non-valeur ; « - lorsque les électeurs n’ont pas demandé la création d’une commission syndicale alors que les conditions pour une telle création, telles qu’elles sont définies aux articles L. 2411-3 et L. 2411-5, sont réunies ; « - lorsque moins d’un tiers des électeurs a voté lors d’une consultation » ; - SUR LE DROIT DE PROPRIÉTÉ : 2. Considérant que le requérant fait valoir que ces dispositions ne prévoient aucune indemnisation des membres de la section de commune en cas de transfert de propriété de ses biens ou droits à la commune ; qu’ainsi, elles porteraient atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; 3. Considérant, en premier lieu, que la propriété figure au nombre des droits de l’homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu’aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité » ; qu’en l’absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l’article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi ; 4. Considérant que, selon l’article L. 2411-1 du code général des collectivités territoriales, une section de commune est une personne morale de droit public possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune ; qu’en vertu de l’article L. 2411-10 du même code, les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature ; qu’ainsi, ils ne sont pas titulaires d’un droit de propriété sur ces biens ou droits ; que, par suite, doit être rejeté comme inopérant le grief tiré de ce que le transfert des biens d’une section de commune porterait atteinte au droit de propriété de ses membres ; 5. Considérant, en second lieu, que le principe d’égalité devant la loi et les charges publiques ainsi que la protection du droit de propriété, qui ne concerne pas seulement la propriété privée des particuliers mais aussi la propriété de l’État et des autres personnes publiques, résultent, d’une part, des articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789 et, d’autre part, de ses articles 2 et 17 ; que le droit au respect des biens garanti par ces dispositions ne s’oppose pas à ce que le législateur, poursuivant un objectif d’intérêt général, autorise le transfert gratuit de biens entre personnes publiques ; 6. Considérant que les dispositions contestées ont pour objet de permettre le transfert des biens ou droits de la section à la commune afin de mettre un terme soit au blocage de ce transfert en raison de l’abstention d’au moins deux tiers des électeurs soit au dysfonctionnement administratif ou financier de la section ; que, dès lors, elles ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles en matière de propriété des personnes publiques ; - SUR LA GARANTIE DES DROITS : 7. Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu’en particulier, il méconnaîtrait la garantie des droits proclamée par cet article s’il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant ; 8. Considérant que les dispositions contestées n’autorisent le transfert à titre gratuit des biens ou droits de la section que pour des motifs imputables aux membres de la section ou à leurs représentants ; qu’au demeurant, le législateur n’a pas exclu toute indemnisation dans le cas exceptionnel où le transfert de propriété entraînerait pour les membres de la section une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l’objectif d’intérêt général poursuivi ; que, dans ces conditions, ces dispositions n’affectent pas une situation légalement acquise dans des conditions contraires à la garantie des droits proclamée par l’article 16 de la Déclaration de 1789 ; 9. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- L’article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 avril 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 8 avril 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 janvier 2011 par le Conseil d’État (décision n° 338199 du 28 janvier 2011), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-Paul H., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 52-11-1, L. 52 12, L. 52-15, L. 118-3 et L. 341-1 du code électoral. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code électoral ; Vu la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 89-271 DC du 11 janvier 1990 ; Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 92-316 DC du 20 janvier 1993 ; Vu la loi n° 95-65 du 19 janvier 1995 du 19 janvier 1995 relative au financement de la vie politique, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 95-363 DC du 11 janvier 1995 ; Vu la loi n° 96-300 du 10 avril 1996 tendant à préciser la portée de l’incompatibilité entre la situation de candidat et la fonction de membre d’une association de financement électorale ou de mandataire financier ; Vu l’ordonnance n° 2003-1165 du 8 décembre 2003 portant simplifications administratives en matière électorale ; Vu la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d’autonomie de la Polynésie française ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 14 février 2011 ; Vu les observations produites pour M. Paul Midy par la SCP Carbonnier, Lamaze, Rasle et associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 16 février 2011 ; Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées les 17 février et 1er mars 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Frédéric Thiriez pour le requérant, Mes Philippe Blanchetier et Jérôme Grand d’Esnon, avocats au barreau de Paris, pour M. Midy et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 29 mars 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 52-11-1 du code électoral : « Les dépenses électorales des candidats aux élections auxquelles l’article L. 52 4 est applicable font l’objet d’un remboursement forfaitaire de la part de l’État égal à 50 % de leur plafond de dépenses. Ce remboursement ne peut excéder le montant des dépenses réglées sur l’apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne. « Le remboursement forfaitaire n’est pas versé aux candidats qui ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin ni à ceux qui ne se sont pas conformés aux prescriptions des articles L. 52 11 et L. 52-12 ou dont le compte de campagne a été rejeté ou qui n’ont pas déposé leur déclaration de situation patrimoniale, s’ils sont astreints à cette obligation » ; 2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 52-12 du même code : « Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l’article L. 52-4. Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l’accord de celui-ci, par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. « Au plus tard avant 18 heures le neuvième vendredi suivant le tour de scrutin où l’élection a été acquise, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes, présentés par un membre de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés et accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. Cette présentation n’est pas nécessaire lorsque aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne. Dans ce cas, le mandataire établit une attestation d’absence de dépense et de recette. « Sous réserve du règlement de dépenses engagées avant le premier tour de scrutin, le compte de campagne des candidats présents au seul premier tour ne peut retracer de dépenses postérieures à la date de celui-ci. La valeur vénale résiduelle des immobilisations éventuellement constituées au cours de la période mentionnée à l’article L. 52-4 doit être déduite des charges retracées dans le compte de campagne. « La commission assure la publication des comptes de campagne dans une forme simplifiée. « Pour l’application de l’article L. 52-11, les frais de transport aérien, maritime et fluvial dûment justifiés, exposés par les candidats aux élections législatives et aux élections régionales à l’intérieur de chacun des départements d’outre-mer, ne sont pas inclus dans le plafond des dépenses. « Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion, le compte de campagne peut également être déposé à la préfecture ou la sous-préfecture » ; 3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 52-15 du même code : « La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l’article L. 52-11-1. « Hors le cas prévu à l’article L. 118-2, elle se prononce dans les six mois du dépôt des comptes. Passé ce délai, les comptes sont réputés approuvés. « Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n’a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l’élection. « Dans le cas où la commission a relevé des irrégularités de nature à contrevenir aux dispositions des articles L. 52-4 à L. 52-13 et L. 52-16, elle transmet le dossier au parquet. « Le remboursement total ou partiel des dépenses retracées dans le compte de campagne, quand la loi le prévoit, n’est possible qu’après l’approbation du compte de campagne par la commission. « Dans tous les cas où un dépassement du plafond des dépenses électorales a été constaté par une décision définitive, la commission fixe alors une somme égale au montant du dépassement que le candidat est tenu de verser au Trésor public. Cette somme est recouvrée comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine » ; 4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 118-3 du même code : « Saisi par la commission instituée par l’article L. 52-14, le juge de l’élection peut déclarer inéligible pendant un an le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. « Dans les autres cas, le juge de l’élection peut ne pas prononcer l’inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie, ou relever le candidat de cette inéligibilité. « Si le juge de l’élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l’élection n’a pas été contestée, le déclare démissionnaire d’office » ; 5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 341-1 du même code : « Peut être déclaré inéligible pendant un an celui qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits par l’article L. 52-12 et celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit » ; 6. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions méconnaissent les principes de nécessité, d’individualisation et de proportionnalité des peines garantis par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; qu’elles méconnaîtraient également le principe de présomption d’innocence et la garantie des droits protégés respectivement par les articles 9 et 16 de la même Déclaration ; – SUR LES ARTICLES L. 52-12, L. 52-15 ET L. 118-3 DU CODE ÉLECTORAL : 7. Considérant que les articles L. 52-12 et L. 52-15 ont été insérés dans le code électoral par l’article 1er de la loi du 15 janvier 1990 susvisée ; que, dans les considérants 2 et 3 de sa décision du 11 janvier 1990 susvisée, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné cet article 1er ; que l’article 2 du dispositif de cette décision a déclaré cet article 1er conforme à la Constitution ; que, depuis lors, les articles L. 52-12 et L. 52-15 ont été modifiés par les articles 9 de la loi du 29 janvier 1993, 7 de la loi du 19 janvier 1995, 6 et 8 de l’ordonnance du 8 décembre 2003 et 27 de la loi du 27 février 2004 ; que ces modifications se sont bornées, d’une part, à tenir compte par coordination de l’interdiction, définie à l’article L. 52-8, faite à toutes les personnes morales autres que les partis et groupements politiques de financer les dépenses électorales et, d’autre part, à préciser les règles existantes en matière de compte de campagne ; qu’elles ne sont pas contraires à la Constitution ; que, par suite, elles n’ont pas pour effet de remettre en cause la déclaration de conformité des articles L. 52-12 et L. 52-15 prononcée dans la décision du 11 janvier 1990 ; 8. Considérant que l’article L. 118 3 du code électoral a été inséré par l’article 6 de la loi du 15 janvier 1990 ; que, dans les considérants 4 à 8 de sa décision du 11 janvier 1990, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné cet article 6 ; que l’article 2 du dispositif de cette décision a déclaré cet article 6 conforme à la Constitution ; que l’article 6 de la loi du 10 avril 1996 a donné une nouvelle rédaction de l’article L. 118-3 ; que cette modification donne au juge la faculté de ne pas prononcer l’inéligibilité du candidat, notamment lorsque ce dernier est de bonne foi ; qu’elle n’est pas contraire à la Constitution ; que, par suite, elle n’a pas pour effet de remettre en cause la déclaration de conformité de l’article L. 118-3 prononcée dans la décision du 11 janvier 1990 ; – SUR LES ARTICLES L. 52-11-1 ET L. 341-1 DU CODE ÉLECTORAL : 9. Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; 10. Considérant que l’article L. 52-11-1 a été inséré dans le code électoral par l’article 6 de la loi du 19 janvier 1995 susvisée ; qu’il prévoit que le remboursement forfaitaire partiel des dépenses électorales n’est versé ni aux candidats qui n’ont pas respecté les règles de financement des campagnes électorales prévues par les articles L. 52 11 et L. 52-12 ni à ceux qui ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin ; que cette disposition n’institue pas une sanction ayant le caractère d’une punition ; que les griefs tirés de la méconnaissance de l’article 8 de la Déclaration de 1789 sont donc inopérants ; que, comme l’a jugé le Conseil constitutionnel au considérant 2 de sa décision du 11 janvier 1995 susvisée, l’article L. 52-11-1 n’est contraire à aucune règle ni à aucun principe à valeur constitutionnelle dès lors qu’il ne conduit pas à l’enrichissement d’une personne physique ou d’une personne morale ; 11. Considérant qu’en ouvrant au juge la possibilité de déclarer inéligible pendant un an le candidat à l’élection des conseillers régionaux « qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits par l’article L. 52-12 et celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit », l’article L. 341-1 du code électoral lui permet de tenir compte, dans le prononcé de cette inéligibilité, des circonstances de chaque espèce ; qu’en tout état de cause, cette disposition ne méconnaît pas les principes de proportionnalité et d’individualisation des peines ; 12. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- Les articles L. 52-11-1, L. 52 12, L. 52-15, L. 118-3 et L. 341-1 du code électoral sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 avril 2011, où siégeaient : M. Jacques BARROT, exerçant les fonctions de Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 8 avril 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 mars 2011 par le Conseil d'État (décision n° 345216 du 21 mars 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par le Syndicat des fonctionnaires du Sénat, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 8 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 12 avril 2011 ; Vu les observations produites pour le Syndicat des fonctionnaires du Sénat par la SCP Boutet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 12 et 26 avril 2011 ; Vu les observations produites pour le Sénat par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 12 et 26 avril 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me François Boutet pour le syndicat requérant, Me Frédéric Thiriez pour le Sénat et M. Thierry Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 3 mai 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires : « L'État est responsable des dommages de toute nature causés par les services des assemblées parlementaires. « Les actions en responsabilité sont portées devant les juridictions compétentes pour en connaître. « Les agents titulaires des services des assemblées parlementaires sont des fonctionnaires de l'État dont le statut et le régime de retraite sont déterminés par le bureau de l'assemblée intéressée, après avis des organisations syndicales représentatives du personnel. Ils sont recrutés par concours selon des modalités déterminées par les organes compétents des assemblées. La juridiction administrative est appelée à connaître de tous litiges d'ordre individuel concernant ces agents, et se prononce au regard des principes généraux du droit et des garanties fondamentales reconnues à l'ensemble des fonctionnaires civils et militaires de l'État visées à l'article 34 de la Constitution. La juridiction administrative est également compétente pour se prononcer sur les litiges individuels en matière de marchés publics. « Dans les instances ci-dessus visées, qui sont les seules susceptibles d'être engagées contre une assemblée parlementaire, l'État est représenté par le président de l'assemblée intéressée, qui peut déléguer cette compétence aux questeurs. « La décision d'engager une procédure contentieuse est prise par le président de l'assemblée concernée, qui la représente dans ces instances. Le président peut déléguer cette compétence aux questeurs de l'assemblée qu'il préside. S'agissant du recouvrement des créances de toute nature, des modalités spécifiques peuvent être arrêtées par le bureau de chaque assemblée » ; 2. Considérant que, selon le syndicat requérant, les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 susvisée restreignent la possibilité pour les agents des assemblées parlementaires et leurs organisations syndicales de contester les décisions prises par les instances de ces assemblées autres que celles que cet article énumère limitativement ; qu'en particulier, elles n'ouvriraient pas de voie d'action directe à l'encontre des actes statutaires pris par ces instances ; qu'ainsi, elles méconnaîtraient le droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que sont garantis par cette disposition tant le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif que la séparation des pouvoirs ; 4. Considérant que les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 susvisée permettent à tout agent des assemblées parlementaires de contester, devant la juridiction administrative, une décision individuelle prise par les instances des assemblées parlementaires qui lui fait grief ; qu'à cette occasion, l'agent intéressé peut à la fois contester, par la voie de l'exception, la légalité des actes statutaires sur le fondement desquels a été prise la décision lui faisant grief et engager une action en responsabilité contre l'État ; qu'à cette même occasion, une organisation syndicale a la possibilité d'intervenir devant la juridiction saisie ; que, par suite, en ne permettant pas à une telle organisation de saisir directement la juridiction administrative d'un recours contre un acte statutaire pris par les instances d'une assemblée parlementaire, le législateur a assuré une conciliation qui n'est pas disproportionnée entre le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif et le principe de séparation des pouvoirs garantis par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; 5. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- L'article 8 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 mai 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 13 mai 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 mars 2011 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 825 du 16 mars 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par le syndicat SUD AFP, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des sixième et septième alinéas de l'article 7 de la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour l'Agence France-Presse par la SCP August et Debouzy, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 31 mars 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 31 mars et le 15 avril 2011 ; Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat à la Cour de cassation et au Conseil d'État, et Me Pascal Telle, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 15 avril 2011 ; Vu les nouvelles observations produites pour l'Agence France-Presse par la SCP Baudelot, Cohen-Richelet, Poitvin, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 15 avril 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Pascal Telle, pour le requérant, Me Yves Baudelot, pour l'Agence France-Presse et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 27 avril 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse : « Le conseil d'administration comprend en plus du président : « 1° Huit représentants des directeurs d'entreprises françaises de publication de journaux quotidiens désignés par les organisations professionnelles les plus représentatives ; la valeur représentative desdites organisations est appréciée dans les conditions fixées par la loi n° 53-287 du 7 avril 1953 et par les textes pris pour son application ; « 2° Deux représentants de la radiodiffusion-télévision française désignés dans les conditions fixées par le décret en Conseil d'État prévu à l'article 17 de la présente loi ; « 3° Trois représentants des services publics usagers de l'agence désignés dans les mêmes conditions et respectivement par le président du conseil, le ministre des affaires étrangères et le ministre des finances et des affaires économiques ; « 4° Deux représentants du personnel de l'agence, soit : « Un journaliste professionnel élu par l'assemblée des journalistes professionnels de nationalité française appartenant au personnel de rédaction de l'agence ; « Et un agent, appartenant aux autres catégories de personnel, élu par l'ensemble des agents de nationalité française de ces catégories. « Le conseil élit, à la majorité des voix, un vice-président, choisi parmi ceux de ses membres qui représentent les directeurs d'entreprises de publication. Le président directeur général ne prend pas part au vote. « La durée du mandat des membres du conseil d'administration est de trois ans. Leur mandat est renouvelable. Toutefois, il peut être mis fin, à tout moment, au mandat des représentants des services publics par le président du conseil ou le ministre dont ils relèvent. « Il est mis fin de plein droit au mandat de tout membre qui perd la qualité en raison de laquelle il a été désigné. « En cas de cessation de fonction d'un membre pour quelque cause que ce soit, la durée du mandat de son successeur prend fin en même temps que celle des autres membres du conseil. « Les dispositions des articles 6 et 8 du décret du 8 août 1935 portant application aux gérants et administrateurs de sociétés de la législation de la faillite et de la banqueroute et instituant l'interdiction et la déchéance du droit de gérer et d'administrer une société sont applicables aux membres du conseil d'administration » ; 2. Considérant que, selon le requérant, le fait de réserver aux journalistes et aux agents des autres catégories de personnel de nationalité française le droit d'élire leurs représentants au conseil d'administration de l'Agence France-Presse méconnaît le principe d'égalité et le principe de participation à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises garanti par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; 3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots : « de nationalité française », figurant aux sixième et septième alinéas de l'article 7 de la loi du 10 janvier 1957 ; 4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi.. . doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que, d'autre part, aux termes du huitième alinéa du Préambule de 1946 : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises » ; 5. Considérant que les élections prévues pour la désignation de représentants du personnel au conseil d'administration de l'Agence France-Presse ont pour objet de mettre en oeuvre le principe de participation à la détermination des conditions de travail et à la gestion des entreprises posé par le huitième alinéa du Préambule de 1946 ; qu'eu égard à l'objet de ce scrutin, le législateur ne pouvait, sans méconnaître le principe d'égalité, instituer une différence de traitement entre les personnels de l'agence selon qu'ils sont ou non de nationalité française ; qu'en conséquence, les mots : « de nationalité française » figurant dans les sixième et septième alinéas de l'article 7 de la loi du 10 janvier 1957 susvisée doivent être déclarés contraires à la Constitution ; 6. Considérant que, d'une part, cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l'issue dépend des dispositions déclarées inconstitutionnelles ; que, d'autre part, cette déclaration d'inconstitutionnalité est sans effet sur les décisions rendues antérieurement par le conseil d'administration de l'Agence France-Presse qui auraient acquis un caractère définitif au jour de la publication de la présente décision, Article 1er.- Dans les sixième et septième alinéas de l'article 7 de la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse, les mots : « de nationalité française » sont déclarés contraires à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 6. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 mai 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 février 2011 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 188 du 9 février 2011), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Ismaël A., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 551-1, L. 552-1, L. 741-4 et L. 742-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; Vu la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 93 325 DC du 13 août 1993 ; Vu la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 ; Vu la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d’asile, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-485 DC du 4 décembre 2003 ; Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration ; Vu la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par Me Gaëlle Le Strat, avocat au barreau de Rennes, enregistrées le 24 février 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 24 février 2011 ; Vu les observations produites en intervention par l’association La Cimade, enregistrées le 8 mars 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Le Strat pour le requérant, Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour La Cimade et M. Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 22 mars 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Le placement en rétention d’un étranger dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger : « 1° Soit, devant être remis aux autorités compétentes d’un État membre de l’Union européenne en application des articles L. 531-1 et L. 531-2 ne peut quitter immédiatement le territoire français ; « 2° Soit, faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion, ne peut quitter immédiatement le territoire français ; « 3° Soit, faisant l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière pris en application des articles L. 511-1 à L. 511-3 et édicté moins d’un an auparavant, ou devant être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction du territoire prévue au deuxième alinéa de l’article 131-30 du code pénal ne peut quitter immédiatement le territoire français ; « 4° Soit, faisant l’objet d’un signalement ou d’une décision d’éloignement mentionnés à l’article L. 531-3, ne peut quitter immédiatement le territoire français ; « 5° Soit, ayant fait l’objet d’une décision de placement au titre de l’un des cas précédents, n’a pas déféré à la mesure d’éloignement dont il est l’objet dans un délai de sept jours suivant le terme du précédent placement ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette mesure est toujours exécutoire ; « 6° Soit, faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français prise en application du I de l’article L. 511-1 moins d’un an auparavant et pour laquelle le délai d’un mois pour quitter volontairement le territoire est expiré, ne peut quitter immédiatement ce territoire » ; 2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 552-1 du même code : « Quand un délai de quarante-huit heures s’est écoulé depuis la décision de placement en rétention, le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention. Il statue par ordonnance au siège du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se situe le lieu de placement en rétention de l’étranger, sauf exception prévue par voie réglementaire, après audition du représentant de l’administration, si celui-ci, dûment convoqué, est présent, et de l’intéressé ou de son conseil, s’il en a un. L’étranger peut demander au juge des libertés et de la détention qu’il lui soit désigné un conseil d’office. Toutefois, si une salle d’audience attribuée au ministère de la justice lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée à proximité immédiate de ce lieu de rétention, il statue dans cette salle » ; 3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 741-4 du même code : « Sous réserve du respect des stipulations de l’article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l’admission en France d’un étranger qui demande à bénéficier de l’asile ne peut être refusée que si : « 1° L’examen de la demande d’asile relève de la compétence d’un autre État en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers, ou d’engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d’autres États ; « 2° L’étranger qui demande à bénéficier de l’asile a la nationalité d’un pays pour lequel ont été mises en œuvre les stipulations du 5 du C de l’article 1er de la convention de Genève susmentionnée ou d’un pays considéré comme un pays d’origine sûr. Un pays est considéré comme tel s’il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l’état de droit, ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La prise en compte du caractère sûr du pays d’origine ne peut faire obstacle à l’examen individuel de chaque demande ; « 3° La présence en France de l’étranger constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État ; « 4° La demande d’asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d’asile ou n’est présentée qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d’asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d’admission au séjour au titre de l’asile sous des identités différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d’asile la demande d’asile présentée dans une collectivité d’outre-mer s’il apparaît qu’une même demande est en cours d’instruction dans un autre État membre de l’Union européenne. « Les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l’État d’accorder l’asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l’un des cas mentionnés aux 1° à 4° » ; 4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 742-6 du même code : « L’étranger présent sur le territoire français dont la demande d’asile entre dans l’un des cas visés aux 2° à 4° de l’article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu’à la notification de la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu’il s’agit d’une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d’éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l’office. « En cas de reconnaissance de la qualité de réfugié ou d’octroi de la protection subsidiaire, l’autorité administrative abroge l’arrêté de reconduite à la frontière qui a, le cas échéant, été pris. Il délivre sans délai au réfugié la carte de résident prévue au 8° de l’article L. 314-11 et au bénéficiaire de la protection subsidiaire la carte de séjour temporaire prévue à l’article L. 313-13 » ; 5. Considérant que le requérant fait valoir que le droit au séjour n’est garanti à l’étranger dont la demande d’asile a été traitée dans le cadre de la procédure prioritaire que jusqu’à la notification de la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que, par suite, le recours devant le Cour nationale du droit d’asile n’est pas suspensif d’une reconduite à la frontière ; que, lorsque la Cour nationale du droit d’asile est saisie d’un recours présenté contre cette décision, elle prononce un « non-lieu à statuer en l’état » au motif que « le retour involontaire dans son pays d’origine d’un requérant, qui n’a pas entendu renoncer à sa demande de protection, a pour conséquence d’interrompre provisoirement l’instruction de son affaire dès lors que le recours est, dans ces conditions, temporairement sans objet » et précise « qu’il appartiendra à son auteur, en cas de retour en France, de s’adresser à la Cour afin qu’il y soit statué » ; qu’ainsi, selon le requérant, les dispositions combinées des articles L. 551 1, L. 552-1, L. 741-4 et L. 742-6 méconnaissent, en raison de cette jurisprudence, le droit au recours qui est garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; 6. Considérant, en premier lieu, que les dispositions précitées des articles L. 551-1 et L. 552-1 sont issues de l’article 49 de la loi du 26 novembre 2003 ; que, dans les considérants 47 à 83 de sa décision du 20 novembre 2003 susvisée, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné cet article 49 ; que l’article 2 du dispositif de cette décision a déclaré cet article 49 conforme à la Constitution ; que, depuis lors, les articles L. 551-1 et L. 552-1 ont été modifiés par les articles 71 de la loi du 24 juillet 2006 et 48 de la loi du 20 novembre 2007 ; que ces modifications ont eu pour objet, d’une part, d’ajouter aux cas dans lesquels un étranger peut être placé en rétention l’interdiction du territoire et le refus de séjour assorti d’une obligation de quitter le territoire français lorsque l’étranger ne peut le quitter immédiatement ; qu’elles ont eu pour objet, d’autre part, de permettre à l’étranger d’être représenté par son conseil devant le juge des libertés et de la détention ou, en l’absence d’un tel conseil, à demander qu’il lui en soit désigné un d’office ; qu’elles ne sont pas contraires à la Constitution ; que, par suite, elles n’ont pas pour effet de remettre en cause la déclaration de conformité des articles L. 551-1 et L. 552-1 prononcée dans la décision du 20 novembre 2003 ; 7. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions précitées de l’article L. 741-4 sont issues de l’article 5 de la loi du 10 décembre 2003 susvisée ; que, dans les considérants 28 à 48 de sa décision du 4 décembre 2003 susvisée, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné cet article 5 ; que l’article 1er du dispositif de cette décision a déclaré cet article 5 conforme à la Constitution ; 8. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions précitées de l’article L. 742-6 sont issues de l’article 24 de la loi du 24 août 1993 ; que, dans les considérants 82 à 88 de sa décision du 13 août 1993 susvisée, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné cet article 24 ; que des modifications ont été apportées à ces dispositions par l’article 7 de la loi du 10 décembre 2003 ; qu’elles ont eu pour objet de prévoir la délivrance d’une carte de séjour temporaire en cas d’octroi de la protection subsidiaire ; qu’elles ne sont pas contraires à la Constitution ; que, par suite, il en va de même de l’article L. 742-6 ; 9. Considérant, en dernier lieu, que, si, en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition, la jurisprudence dégagée par la Cour nationale du droit d’asile n’a pas été soumise au Conseil d’État ; qu’il appartient à ce dernier, placé au sommet de l’ordre juridictionnel administratif, de s’assurer que cette jurisprudence garantit le droit au recours rappelé au considérant 87 de la décision du Conseil constitutionnel du 13 août 1993 ; que, dans ces conditions, cette jurisprudence ne peut être regardée comme un changement de circonstances de nature à remettre en cause la constitutionnalité des dispositions contestées ; 10. Considérant, par suite, qu’il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées sont conformes à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- Les articles L. 551-1, L. 552-1, L. 741-4 et L. 742-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 avril 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 8 avril 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 mars 2011 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 338), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Système U Centrale Nationale et la société Carrefour France SAS, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions du second alinéa du paragraphe III de l'article L. 442-6 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de commerce ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la société Système U Centrale Nationale par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 23 mars, 7 et 29 avril 2011 ; Vu les observations produites pour la société Carrefour France SAS par la SCP B. Odent et L. Poulet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 22 mars 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 23 mars et le 19 avril 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour la société anonyme coopérative Groupements d'achats des Centres Leclerc dite GALEC par Me Laurent Parléani, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 18 mars et 18 avril 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour l'Union fédérale des consommateurs-Que choisir par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 18 avril 2011 ; Vu la lettre du 11 avril 2011 par laquelle le Conseil constitutionnel a soumis aux parties un grief susceptible d'être soulevé par lui ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Richard Renaudier pour la société Système U Centrale nationale, Me Julien Cheval pour la société Carrefour France SAS, Me Parléani pour la société GALEC, Me Louis Boré pour l'Union fédérale des consommateurs-Que choisir, M. Thierry-Xavier Girdardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 3 mai 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que l'article L. 442-6 du code de commerce prévoit qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de se livrer à certaines pratiques restrictives de concurrence ; qu'aux termes du second alinéa du paragraphe III de cet article, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 précitée : « Le ministre chargé de l'économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites, demander la répétition de l'indu et le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 2 millions d'euros. La réparation des préjudices subis peut également être demandée. Dans tous les cas, il appartient au prestataire de services, au producteur, au commerçant, à l'industriel ou à la personne immatriculée au répertoire des métiers qui se prétend libéré de justifier du fait qui a produit l'extinction de son obligation » ; 2. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions portent atteinte à la liberté d'entreprendre, au principe du contradictoire et au droit au recours, ainsi qu'au droit de propriété ; - SUR LA LIBERTÉ D'ENTREPRENDRE : 3. Considérant que les requérants soutiennent que les dispositions contestées prévoient des mesures dépourvues d'utilité et disproportionnées au but poursuivi de protection des intérêts particuliers d'opérateurs économiques placés dans une situation d'infériorité par rapport à leurs partenaires ; qu'ainsi, ces dispositions méconnaîtraient la liberté d'entreprendre ; 4. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ; 5. Considérant qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur a attribué à l'autorité publique un pouvoir d'agir pour faire cesser des pratiques restrictives de concurrence mentionnées au même article, constater la nullité de clauses ou contrats illicites, ordonner le remboursement des paiements indus faits en application des clauses annulées, réparer les dommages qui en ont résulté et prononcer une amende civile contre l'auteur desdites pratiques ; qu'ainsi, il a entendu réprimer ces pratiques, rétablir un équilibre des rapports entre partenaires commerciaux et prévenir la réitération de ces pratiques ; qu'eu égard aux objectifs de préservation de l'ordre public économique qu'il s'est assignés, le législateur a opéré une conciliation entre le principe de la liberté d'entreprendre et l'intérêt général tiré de la nécessité de maintenir un équilibre dans les relations commerciales ; que l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre par les dispositions contestées n'est pas disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ; - SUR LE PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE ET LE DROIT AU RECOURS : 6. Considérant que, selon les requérants, les dispositions contestées permettent à l'autorité publique d'agir en justice en vue d'obtenir l'annulation de clauses ou contrats illicites et la répétition de l'indu du fait d'une pratique restrictive de concurrence, sans que le partenaire lésé par cette pratique soit nécessairement appelé en cause ; qu'en conséquence, elles porteraient atteinte aux droits de la défense et au principe du contradictoire ; qu'en ne prévoyant pas que le partenaire lésé soit mis à même de donner son assentiment et puisse conserver la liberté de conduire personnellement la défense de ses intérêts et mettre un terme à cette action, les dispositions contestées porteraient également atteinte au droit au recours ; 7. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, ainsi que le principe du contradictoire ; 8. Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées n'interdisent ni au partenaire lésé par la pratique restrictive de concurrence d'engager lui-même une action en justice pour faire annuler les clauses ou contrats illicites, obtenir la répétition de l'indu et le paiement de dommages et intérêts ou encore de se joindre à celle de l'autorité publique par voie d'intervention volontaire, ni à l'entreprise poursuivie d'appeler en cause son cocontractant, de le faire entendre ou d'obtenir de lui la production de documents nécessaires à sa défense ; que, par conséquent, elles ne sont pas contraires au principe du contradictoire ; 9. Considérant, en second lieu, qu'il est loisible au législateur de reconnaître à une autorité publique le pouvoir d'introduire, pour la défense d'un intérêt général, une action en justice visant à faire cesser une pratique contractuelle contraire à l'ordre public ; que ni la liberté contractuelle ni le droit à un recours juridictionnel effectif ne s'opposent à ce que, dans l'exercice de ce pouvoir, cette autorité publique poursuive la nullité des conventions illicites, la restitution des sommes indûment perçues et la réparation des préjudices que ces pratiques ont causés, dès lors que les parties au contrat ont été informées de l'introduction d'une telle action ; que, sous cette réserve, les dispositions contestées ne portent pas atteinte aux exigences constitutionnelles susvisées ; - SUR LE DROIT DE PROPRIÉTÉ : 10. Considérant que les requérants font valoir que les dispositions contestées ne permettent pas aux partenaires commerciaux d'obtenir de la part de l'autorité publique la restitution des sommes indûment versées ; qu'ainsi, ces dispositions méconnaîtraient tant le droit de propriété de l'entreprise condamnée à répéter l'indu que celui de l'entreprise ayant indûment payé ces sommes ; 11. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; 12. Considérant, d'une part, que les condamnations à restitution et, le cas échéant, à paiement de dommages et intérêts sont prononcées par jugement en conséquence de l'annulation des clauses illicites ; que, par suite, doit être rejeté comme inopérant le grief tiré de l'atteinte au droit de propriété de la personne condamnée ; 13. Considérant, d'autre part, qu'en application des dispositions contestées, les sommes indûment perçues et les indemnités sont versées au partenaire lésé ou tenues à sa disposition ; que, dès lors, il n'est porté aucune atteinte au droit de propriété de ce dernier ; 14. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 9, le second alinéa du paragraphe III de l'article L. 442-6 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 mai 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 13 mai 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 mars 2011 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt n° 737 du 10 mars 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Nathalie V., veuve C., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs Adrien C., Justin C., Margot C. et Léonie C., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 8° de l'article L. 412-8 et du 2° de l'article L. 413-12 du code de la sécurité sociale. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de la sécurité sociale, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 ; Vu l'arrêt de la Cour de cassation (deuxième chambre civile) du 23 mars 2004, n° 02-14142 ; Vu le décret-loi du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l'unification du régime d'assurance des marins ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour les requérants par Me Emmanuel Lebar, avocat au barreau de Coutances, enregistrées les 26 mars et 11 avril 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 28 mars 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Lebar, pour les requérants, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 27 avril 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que, selon le 8° de l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale, outre les personnes mentionnées à l'article L. 412-2, bénéficient également des dispositions du livre IV du même code, sous réserve des prescriptions spéciales d'un décret en Conseil d'État : « Les personnes mentionnées à l'article 2 du décret-loi du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l'unification du régime d'assurance des marins pour les accidents du travail et les maladies professionnelles survenus en dehors de l'exécution du contrat d'engagement maritime » ; 2. Considérant que, selon le 2° de l'article L. 413-12 du code de la sécurité sociale, il n'est pas dérogé aux dispositions législatives et réglementaires concernant les pensions : « des personnes mentionnées à l'article 2 du décret du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l'unification du régime d'assurance des marins » ; 3. Considérant que les requérants font valoir que ces dispositions ne prévoient pas la possibilité d'une indemnisation complémentaire du marin victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de son employeur ; que, par suite, elles porteraient atteinte au principe d'égalité devant la loi et au principe de responsabilité ; 4. Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation sur ces dispositions que sont seules applicables à tous les bénéficiaires des prestations du régime social des gens de mer les dispositions de leur régime spécial, lequel ne prévoit aucun recours contre l'armateur en raison de sa faute inexcusable ; 5. Considérant qu'en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à la disposition législative contestée ; 6. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; 7. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la Déclaration de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en principe, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que la faculté d'agir en responsabilité met en œuvre cette exigence constitutionnelle ; que, toutefois, cette dernière ne fait pas obstacle à ce que le législateur aménage, pour un motif d'intérêt général, les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée ; qu'il peut ainsi, pour un tel motif, apporter à ce principe des exclusions ou des limitations à condition qu'il n'en résulte une atteinte disproportionnée ni aux droits des victimes d'actes fautifs ni au droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; 8. Considérant que les dispositions législatives contestées délimitent le champ d'application de certaines dispositions du régime général de la sécurité sociale, en matière d'accident du travail subi par les marins, au regard de celles du régime spécial défini par le décret-loi du 17 juin 1938 susvisé auquel ces salariés se trouvent soumis ; qu'eu égard aux conditions particulières dans lesquelles les marins exercent leurs fonctions et aux risques auxquels ils sont exposés, il était loisible au législateur de prévoir que l'indemnisation des marins victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles serait soumise à des dispositions particulières dérogeant aux dispositions de droit commun prévues, en cette matière, par le code de la sécurité sociale ; que, par suite, en elle-même, une telle dérogation ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi ; 9. Considérant, toutefois, que ces dispositions ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, être interprétées comme faisant, par elles-mêmes, obstacle à ce qu'un marin victime, au cours de l'exécution de son contrat d'engagement maritime, d'un accident du travail imputable à une faute inexcusable de son employeur puisse demander, devant les juridictions de la sécurité sociale, une indemnisation complémentaire dans les conditions prévues par le chapitre 2 du titre V du livre IV du code de la sécurité sociale ; que, sous cette réserve, ces dispositions ne méconnaissent pas le principe de responsabilité ; 10. Considérant que le 8° de l'article L. 412-8 et le 2° de l'article L. 413-12 du code de la sécurité sociale ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 9, le 8° de l'article L. 412-8 et le 2° de l'article L. 413-12 du code de la sécurité sociale sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 mai 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 6 mai 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000024025459.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 14 février 2011 par le Conseil d'État (décision n° 344966 du 14 février 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société UNILEVER FRANCE, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions du c) du 2° de l'article 278 bis du code général des impôts. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code général des impôts ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 1er et 15 mars 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 1er mars 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour le Centre national interprofessionnel de l'économie laitière par la SCP Baker et McKenzie, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 18 mars 2011 ; Vu les observations produites en réponse pour la société requérante par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 28 mars 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Frédéric Thiriez pour la société requérante, Me Éric Meier pour le Centre national interprofessionnel de l'économie laitière et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 29 mars 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que, selon le c) du 2 de l'article 278 bis du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2011, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les produits destinés à l'alimentation humaine à l'exception « des margarines et graisses végétales » ; 2. Considérant que, selon la société requérante, cette disposition institue une différence de taxation injustifiée entre les opérations portant sur les margarines et celles portant sur les autres corps gras alimentaires qui ont le même usage et méconnaît ainsi le principe d'égalité ; 3. Considérant qu'en vertu de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la contribution commune aux charges de la Nation « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'il appartient au législateur, lorsqu'il établit une imposition, d'en déterminer librement l'assiette et le taux, sous réserve du respect des principes et des règles de valeur constitutionnelle et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt ; que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que, pour des motifs d'intérêt général, le législateur édicte, par l'octroi d'avantages fiscaux, des mesures d'incitation au développement d'activités économiques en appliquant des critères objectifs et rationnels en fonction des buts recherchés ; 4. Considérant qu'en adoptant la disposition contestée, le législateur a exclu les opérations portant sur les margarines et graisses végétales de l'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en appliquant aux produits d'origine laitière, entrant dans la composition des corps gras non végétaux, un avantage fiscal ayant pour objet de modérer leur prix de vente au public, le législateur a entendu favoriser leur production et leur vente ; qu'en distinguant à cette fin les opérations portant sur les margarines et graisses végétales, taxées au taux de 19,6 %, de celles portant sur les corps gras alimentaires d'origine laitière taxées au taux de 5,5 %, il s'est fondé sur un critère objectif et rationnel ; que, dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 13 de la Déclaration de 1789 doit être rejeté ; que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- Le c) du 2 de l'article 278 bis du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2011, est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 avril 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 29 avril 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000024025461.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 février 2011 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt n° 588 du 17 février 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Mohamed T., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 2° de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de l'article 131 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de la sécurité sociale ; Vu la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par la SCP de Chaisemartin-Courjon, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrée le 3 mars 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 4 mars 2011 ; Vu les observations produites pour la Caisse d'allocations familiales de Montpellier par la SCP Waquet-Farge-Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 21 mars 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Arnaud de Chaisemartin pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 5 avril 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'en vertu du 2° de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale, l'allocation aux adultes handicapés est versée à toute personne qui remplit notamment la condition suivante : « Elle n'a pas occupé d'emploi depuis une durée fixée par décret » ; 2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions privent certaines personnes handicapées de moyens convenables d'existence en méconnaissance du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; 3. Considérant qu'aux termes du onzième alinéa du Préambule de 1946 : « La Nation garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » ; que les exigences constitutionnelles résultant de ces dispositions impliquent la mise en œuvre d'une politique de solidarité nationale en faveur des personnes défavorisées ; qu'il appartient au législateur, pour satisfaire à cette exigence, de choisir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées ; qu'en particulier, il lui est à tout moment loisible, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l'article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; qu'il ne lui est pas moins loisible d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et qui peuvent comporter la modification ou la suppression de dispositions qu'il estime excessives ou inutiles ; que, cependant, l'exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; 4. Considérant que, dans sa rédaction soumise au Conseil constitutionnel, l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale définit les conditions pour le versement de l'allocation aux adultes handicapés aux personnes atteintes d'une incapacité permanente inférieure à un taux fixé par décret à 80 % ; qu'il prévoit ce versement aux personnes dont l'incapacité est supérieure ou égale à un pourcentage, fixé par décret à 50 %, et qui connaissent, du fait de ce handicap, une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi reconnue par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées ; que le 2° de l'article L. 821-2 tend à définir un critère objectif caractérisant la difficulté d'accéder au marché du travail qui résulte du handicap ; qu'en excluant du bénéfice de cette allocation les personnes ayant occupé un emploi depuis une durée définie par décret, le législateur a fixé un critère qui n'est pas manifestement inapproprié au but poursuivi ; 5. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- Le 2° de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de l'article 131 la loi de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007, est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 avril 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 29 avril 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000024025460.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 février 2011 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 618 du 16 février 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'Union locale des syndicats CGT des quartiers nord de Marseille et par M. Hichem L., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 1111-3 du code du travail. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code du travail ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour les requérants par Me Jérôme Ferraro, avocat au barreau de Marseille, enregistrées les 25 février et 18 mars 2011 ; Vu les observations produites pour l'Association de Médiation Sociale, par Me Jean-Emmanuel Franzis, avocat au barreau de Marseille, enregistrées le 2 mars 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 3 mars 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Ferraro, pour les requérants, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 5 avril 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-3 du code du travail : « Ne sont pas pris en compte dans le calcul des effectifs de l'entreprise : « 1° Les apprentis ; « 2° Les titulaires d'un contrat initiative-emploi, pendant la durée de la convention prévue à l'article L. 5134-66 ; « 4° Les titulaires d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi pendant la durée de la convention mentionnée à l'article L. 5134-19-1 ; « 6° Les titulaires d'un contrat de professionnalisation jusqu'au terme prévu par le contrat lorsque celui-ci est à durée déterminée ou jusqu'à la fin de l'action de professionnalisation lorsque le contrat est à durée indéterminée. « Toutefois, ces salariés sont pris en compte pour l'application des dispositions légales relatives à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles » ; 2. Considérant que, selon les requérants, cette disposition porterait atteinte au principe d'égalité devant la loi, au principe de la liberté syndicale et au principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ; 3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; 4. Considérant que le contrat d'apprentissage a pour objet, en vertu de l'article L. 6211-1 du code du travail, de donner à de jeunes travailleurs une formation professionnelle dont une partie est dispensée en entreprise ; que les contrats initiative-emploi et les contrats d'accompagnement dans l'emploi ont pour but, en application des articles L. 5134-65 et L. 5134-20 du même code, de favoriser l'insertion professionnelle des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles d'accès à l'emploi ; que le contrat de professionnalisation a pour objet, en vertu de l'article L. 6325-1, l'insertion ou le retour à l'emploi de jeunes ou d'adultes par l'acquisition d'une qualification professionnelle ; que la non-prise en compte de ces salariés dans le calcul des effectifs a une durée limitée ; 5. Considérant qu'aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'interdit au législateur de prendre des mesures destinées à venir en aide à des catégories de personnes défavorisées ; que le législateur pouvait donc, en vue d'améliorer l'emploi des jeunes et des personnes en difficulté et leur faire acquérir une qualification professionnelle, autoriser des mesures propres à ces catégories de travailleurs ; que les différences de traitement qui peuvent en résulter entre catégories de travailleurs ou catégories d'entreprises répondent à ces fins d'intérêt général et ne sont pas, dès lors, contraires au principe d'égalité ; 6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises » ; que ce droit a pour bénéficiaires, sinon la totalité des travailleurs employés à un moment donné dans une entreprise, du moins tous ceux qui sont intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail qu'elle constitue, même s'ils n'en sont pas les salariés ; 7. Considérant que l'article L. 1111-3 du code du travail exclut certaines catégories de salariés du décompte des effectifs de l'entreprise sauf pour l'application des dispositions légales relatives à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles ; que cette exclusion s'applique notamment au calcul des effectifs au regard des divers seuils fixés par le code du travail en vue d'assurer la représentation du personnel dans l'entreprise ; qu'en l'adoptant, le législateur a entendu alléger les contraintes susceptibles de peser sur les entreprises afin de favoriser l'insertion ou le retour de ces personnes sur le marché du travail ; que la différence de traitement qui en résulte est en rapport direct avec l'objet de la loi ; 8. Considérant que l'article L. 1111-3 du code du travail n'a pas de conséquences sur les droits et obligations des salariés en cause ; qu'il ne leur interdit pas, en particulier, d'être électeur ou éligible au sein des instances représentatives du personnel de l'entreprise dans laquelle ils travaillent ; que, par suite, il ne porte pas atteinte, en lui-même, au principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ; 9. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du sixième alinéa du Préambule de 1946 : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix » ; que la disposition contestée ne fait pas obstacle au droit des salariés mentionnés à l'article L. 1111-3 du code du travail de constituer librement une organisation syndicale ou d'adhérer librement à celle de leur choix ; 10. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- L'article L. 1111-3 du code du travail est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 avril 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 29 avril 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000024025462.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 février 2011 par le Conseil d'État (décision n° 344610 du 24 février 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Catherine B., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 1730 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code général des impôts ; Vu l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la requérante par Me Stanislas Lhéritier, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 11 et 25 mars 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 11 mars 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Lhéritier pour la requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 5 avril 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 1730 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 susvisée : « 1. Tout retard dans le paiement de tout ou partie des impositions qui doivent être versées aux comptables du Trésor donne lieu à l'application d'une majoration de 10 %. « 2. La majoration prévue au 1 s'applique : « a. Aux sommes comprises dans un rôle qui n'ont pas été acquittées dans les quarante-cinq jours suivant la date de mise en recouvrement du rôle, sans que cette majoration puisse être appliquée avant le 15 septembre pour les impôts établis au titre de l'année en cours ; « b. Aux acomptes qui n'ont pas été versés le 15 du mois suivant celui au cours duquel ils sont devenus exigibles, ou le 15 décembre de l'année d'imposition pour l'acompte mentionné à l'article 1679 septies, ainsi qu'au solde du supplément d'imposition prévu au troisième alinéa de ce même article ; « Les dispositions du a ne s'appliquent pas aux sommes déjà majorées en application du b. « 3. a. Si la date de la majoration coïncide avec celle du versement d'un des acomptes provisionnels prévus à l'article 1664, elle peut être reportée d'un mois par arrêté du ministre chargé du budget. « b. Pour les cotisations de taxe professionnelle mises en recouvrement durant la première quinzaine de novembre, la majoration prévue au 1 s'applique aux sommes non versées le 30 décembre au plus tard. « 4. La majoration prévue au 1 s'applique au contribuable qui s'est dispensé du second acompte dans les conditions prévues au 4° de l'article 1664 ou du paiement de la totalité de l'acompte dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article 1679 quinquies lorsqu'à la suite de la mise en recouvrement du rôle les versements effectués sont inexacts de plus du dixième. « Toutefois, aucune majoration n'est appliquée lorsque la différence constatée résulte d'une loi intervenue postérieurement à la date du dépôt de la déclaration visée ci-dessus. « 5. Pour les personnes physiques qui acquittent par télérèglement les acomptes ou les soldes d'imposition dont elles sont redevables, les dates des majorations mentionnées aux a et b du 2 peuvent être reportées dans la limite de quinze jours. La durée et les conditions de cette prorogation sont fixées par arrêté du ministre chargé du budget » ; 2. Considérant que, selon la requérante, cet article instaure une sanction automatique qui porte atteinte aux principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines qui découlent de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; 3. Considérant que les dispositions contestées instaurent une majoration de 10 % en cas de retard de paiement des impositions versées aux comptables du Trésor ; qu'elles figurent au nombre des règles relatives à l'assiette, au taux et au recouvrement des impositions de toutes natures ; que la majoration ainsi instituée, qui ne revêt pas le caractère d'une punition, a pour objet la compensation du préjudice subi par l'État du fait du paiement tardif des impôts directs ; que, dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 sont inopérants ; 4. Considérant que l'article 1730 du code général des impôts n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- L'article 1730 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités, est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 avril 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 29 avril 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000024025463.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 mars 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1388 du 1er mars 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Abderrahmane L., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 393 et 803-2 du code de procédure pénale. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de procédure pénale ; Vu la loi n° 75-701 DC du 6 août 1975 modifiant et complétant certaines dispositions de procédure pénale, notamment son article 7 ; Vu la loi n° 81-82 du 2 février 1981 renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, notamment ses articles 47 et 51, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-80 QPC du 17 décembre 2010 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant, par Me Éric Plouvier, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 21 et 23 mars 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22 mars et le 6 avril 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Plouvier, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 27 avril 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 393 du code de procédure pénale : « En matière correctionnelle, après avoir constaté l'identité de la personne qui lui est déférée, lui avoir fait connaître les faits qui lui sont reprochés et avoir recueilli ses déclarations si elle en fait la demande, le procureur de la République peut, s'il estime qu'une information n'est pas nécessaire, procéder comme il est dit aux articles 394 à 396. « Le procureur de la République informe alors la personne déférée devant lui qu'elle a le droit à l'assistance d'un avocat de son choix ou commis d'office. L'avocat choisi ou, dans le cas d'une demande de commission d'office, le bâtonnier de l'Ordre des avocats, en est avisé sans délai. « L'avocat peut consulter sur-le-champ le dossier et communiquer librement avec le prévenu. « Mention de ces formalités est faite au procès-verbal à peine de nullité de la procédure » ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article 803-2 du même code : « Toute personne ayant fait l'objet d'un défèrement à l'issue de sa garde à vue à la demande du procureur de la République comparaît le jour même devant ce magistrat ou, en cas d'ouverture d'une information, devant le juge d'instruction saisi de la procédure. Il en est de même si la personne est déférée devant le juge d'instruction à l'issue d'une garde à vue au cours d'une commission rogatoire, ou si la personne est conduite devant un magistrat en exécution d'un mandat d'amener ou d'arrêt » ; 3. Considérant que, selon le requérant, l'article 803-2, applicable à tout défèrement à l'issue d'une garde à vue, et l'article 393, propre à la convocation par procès-verbal et à la procédure de comparution immédiate, ont pour effet de permettre que la personne suspectée d'avoir commis une infraction soit présentée, à l'issue de sa garde à vue, devant un magistrat du parquet qui peut recueillir ses déclarations et en faire usage dans la suite de la procédure pénale sans que cette personne ait eu accès au dossier de la procédure et soit assistée d'un avocat ; que, par suite, ces dispositions porteraient atteinte aux droits de la défense et au principe de séparation des pouvoirs ; 4. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant la procédure pénale ; qu'aux termes de son article 66 : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; 5. Considérant que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale ; que, s'agissant de la procédure pénale, cette exigence s'impose notamment pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions ; 6. Considérant, en outre, qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la poursuite des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent le respect des droits de la défense, qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789, et la liberté individuelle que l'article 66 de la Constitution place sous la protection de l'autorité judiciaire ; - SUR L'ARTICLE 803-2 : 7. Considérant que le défèrement de la personne à l'issue de la garde à vue en application des articles 63, alinéa 3, et 77, alinéa 3, du code de procédure pénale et selon les modalités prévues par son article 803-2 est une mesure de contrainte nécessaire à l'exercice des poursuites et à la comparution des personnes poursuivies devant les juridictions de jugement ; que, toutefois, elle doit être accompagnée de garanties appropriées ; 8. Considérant que l'autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet ; qu'à l'expiration de la période de garde à vue, le procureur de la République peut demander que la personne soit déférée afin de comparaître le jour même ; que la période comprise entre la fin de la garde à vue et le moment où la personne comparaît devant lui est placée sous son contrôle ; que ce magistrat peut décider du moment de sa comparution et de sa remise en liberté ; qu'en cas de mise en œuvre de la procédure de comparution immédiate selon les modalités prévues par les articles 395 et suivants du code de procédure pénale, la personne est aussitôt placée sous le contrôle de la juridiction qui dispose des mêmes pouvoirs ; que, dans sa décision du 17 décembre 2010 susvisée relative à l'article 803-3 du code de procédure pénale, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution la privation de liberté nécessaire à la présentation de la personne devant un magistrat à l'issue de sa garde à vue et, le cas échéant, le lendemain de celle-ci ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en permettant qu'une personne déférée à l'issue de sa garde à vue soit présentée le jour même à un magistrat du parquet, l'article 803-2 du code de procédure pénale ne méconnaît pas les exigences constitutionnelles précitées ; - SUR L'ARTICLE 393 : 9. Considérant que les articles 47 et 51 de la loi du 2 février 1981 susvisée ont, pour le premier, abrogé les articles 71 à 71-3 du code de procédure pénale qui permettaient au procureur de la République d'interroger la personne déférée et de la placer sous mandat de dépôt jusqu'à sa comparution devant le tribunal et, pour le second, donné une nouvelle rédaction de l'article 393 du même code ; qu'ils ont, ce faisant, supprimé le droit, reconnu par la loi du 6 août 1975 susvisée à la personne présentée devant le procureur de la République en vue d'être traduite devant le tribunal correctionnel, de demander à bénéficier de l'assistance d'un avocat ; 10. Considérant qu'au considérant 34 de sa décision du 20 janvier 1981 susvisée, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné ces dispositions ; qu'à l'article 2 du dispositif de cette même décision, il les a déclarées conformes à la Constitution ; 11. Considérant, toutefois, que, par sa décision du 30 juillet 2010 susvisée, le Conseil constitutionnel a déclaré les articles 62, 63, 63-1, 63-4, alinéas 1er à 6, et 77 du code de procédure pénale contraires à la Constitution notamment en ce qu'ils permettent que la personne gardée à vue soit interrogée sans bénéficier de l'assistance effective d'un avocat ; que cette décision constitue un changement des circonstances de droit justifiant le réexamen de la disposition contestée ; 12. Considérant, d'une part, que les articles 40 et suivants du code de procédure pénale confèrent au procureur de la République le pouvoir soit de mettre en œuvre l'action publique et, dans ce cas, de décider du mode de poursuite qui lui paraît le plus adapté à la nature de l'affaire, soit de mettre en œuvre et de choisir une procédure alternative aux poursuites, soit de classer sans suite ; que le défèrement de la personne poursuivie devant le procureur de la République en application de l'article 393 a pour seul objet de permettre à l'autorité de poursuite de notifier à la personne poursuivie la décision prise sur la mise en œuvre de l'action publique et de l'informer ainsi sur la suite de la procédure ; que le respect des droits de la défense n'impose pas que la personne poursuivie ait accès au dossier avant de recevoir cette notification et qu'elle soit, à ce stade de la procédure, assistée d'un avocat ; 13. Considérant, d'autre part, que l'article 393 impartit au procureur de la République de constater l'identité de la personne qui lui est déférée, de lui faire connaître les faits qui lui sont reprochés, de recueillir ses déclarations si elle en fait la demande et, en cas de comparution immédiate ou de comparution sur procès-verbal, de l'informer de son droit à l'assistance d'un avocat pour la suite de la procédure ; que cette disposition, qui ne permet pas au procureur de la République d'interroger l'intéressé, ne saurait, sans méconnaître les droits de la défense, l'autoriser à consigner les déclarations de celui-ci sur les faits qui font l'objet de la poursuite dans le procès-verbal mentionnant les formalités de la comparution ; 14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au considérant précédent, l'article 393 du code de procédure pénale n'est pas contraire aux droits de la défense ; 15. Considérant que les articles 393 et 803-2 du code de procédure pénale ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 13, l'article 393 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution. Article 2.- L'article 803-2 du même code est conforme à la Constitution. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 mai 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 6 mai 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er avril 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 2041 du 29 mars 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Kiril Z. relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 130 et 130-1 du code de procédure pénale ainsi que du quatrième alinéa de son article 133. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue ; Vu les observations produites pour le requérant par Me Loïc Auffret, avocat au barreau de Lyon, enregistrées les 22 avril et 6 mai 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 26 avril 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Auffret, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 7 juin 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les articles 130 et 130-1 du code de procédure pénale sont relatifs aux modalités d'exécution du mandat d'amener ; qu'aux termes de l'article 130 : « Lorsqu'il y a lieu à transfèrement dans les conditions prévues par les articles 128 et 129, la personne doit être conduite devant le juge d'instruction qui a délivré le mandat dans les quatre jours de la notification du mandat. « Toutefois, ce délai est porté à six jours en cas de transfèrement d'un département d'outre-mer vers un autre département ou de la France métropolitaine vers un département d'outre-mer » ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article 130-1 du même code : « En cas de non-respect des délais fixés par les articles 127 et 130, la personne est libérée, sur ordre du juge d'instruction saisi de l'affaire, à moins que sa conduite ait été retardée par des circonstances insurmontables » ; 3. Considérant que l'article 133 est relatif aux modalités d'exécution d'un mandat d'arrêt ; qu'aux termes de son quatrième alinéa : « Lorsqu'il y a lieu à transfèrement, la personne doit être conduite à la maison d'arrêt indiquée sur le mandat dans les délais prévus à l'article 130. Les dispositions de l'article 130-1 sont applicables » ; 4. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions permettent de priver de liberté la personne arrêtée ou détenue en vertu d'un mandat d'arrêt ou d'amener pendant quatre jours sans intervention d'un magistrat du siège devant lequel l'intéressé serait à même de présenter ses moyens de défense ; qu'elles méconnaîtraient tant l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en vertu duquel la sûreté est un droit naturel et imprescriptible de l'homme, que l'article 66 de la Constitution qui dispose que « nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; qu'en conséquence, il demande au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution ces dispositions dans leur rédaction antérieure à la loi du 14 avril 2011 susvisée et, à titre subsidiaire, dans leur rédaction postérieure à cette loi ; - SUR LA PROCÉDURE : 5. Considérant, d'une part, qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, de remettre en cause la décision par laquelle le Conseil d'État ou la Cour de cassation a jugé, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée, qu'une disposition était ou non applicable au litige ou à la procédure ou constituait ou non le fondement des poursuites ; 6. Considérant, d'autre part, que, si, postérieurement à la saisine du Conseil constitutionnel, les dispositions contestées ont été modifiées par la loi du 14 avril 2011 susvisée, cette modification n'est pas applicable aux procédures antérieures ; qu'elle est sans incidence sur l'examen, par le Conseil constitutionnel, des dispositions renvoyées ; 7. Considérant que, par suite, il n'appartient au Conseil constitutionnel de se prononcer que sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions contestées du code de procédure pénale dans leur rédaction antérieure à la loi du 14 avril 2011 susvisée ; - SUR LA CONSTITUTIONNALITÉ DES DISPOSITIONS CONTESTÉES : 8. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant la procédure pénale ; que le législateur tient de cette disposition l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale ; que, s'agissant de la procédure pénale, cette exigence s'impose notamment pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions ; qu'il incombe, en outre, au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la poursuite des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figure la liberté individuelle que l'article 66 place sous la protection de l'autorité judiciaire ; 9. Considérant que, selon l'article 122 du code de procédure pénale, le mandat d'amener est l'ordre donné par le juge à la force publique de conduire immédiatement devant lui la personne à l'encontre de laquelle il est décerné ; que, selon ce même article, le mandat d'arrêt est l'ordre donné à la force publique de rechercher la personne à l'encontre de laquelle il est décerné et de la conduire devant le juge mandant après l'avoir, le cas échéant, conduite à la maison d'arrêt indiquée dans le mandat où elle sera reçue et détenue ; que ces mandats peuvent être décernés par le juge d'instruction à l'égard d'une personne à l'encontre de laquelle il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elle a participé, comme auteur ou complice, à la commission d'une infraction ; qu'il ressort des articles 126 et 133 que la personne arrêtée en vertu d'un mandat d'amener ou d'arrêt ne peut être retenue pendant plus de vingt-quatre heures et doit être présentée devant le juge d'instruction, ou, à défaut, s'agissant du mandat d'arrêt, le président du tribunal ou le juge désigné par lui pour qu'il soit procédé à son interrogatoire ; 10. Considérant, toutefois, que le deuxième alinéa de l'article 133 prévoit que, lorsque la personne est arrêtée en vertu d'un mandat d'arrêt à plus de deux cents kilomètres du siège du juge d'instruction qui a délivré le mandat, elle est conduite devant le procureur de la République du lieu d'arrestation qui reçoit ses déclarations après l'avoir avertie qu'elle est libre de ne pas en faire ; qu'en vertu de l'article 127, il en va de même de la personne recherchée en vertu d'un mandat d'amener lorsque, en outre, il n'est pas possible de la conduire dans le délai de vingt-quatre heures devant le juge mandant ; qu'il ressort de l'article 130 que, dans les deux cas, la personne arrêtée doit être conduite devant le juge d'instruction qui a délivré le mandat dans les quatre jours de sa notification ; que ce délai est porté à six jours en cas de transfèrement vers ou depuis un département d'outre-mer ; 11. Considérant, d'une part, que la privation de liberté de quatre ou six jours ainsi organisée est permise en cas de circonstances matérielles objectivement et précisément déterminées par la loi et qui rendent impossible la présentation immédiate de la personne arrêtée devant le juge qui a ordonné l'arrestation ; qu'en cas de dépassement des délais, la personne est, sauf « circonstances insurmontables », libérée sur ordre du juge d'instruction saisi de l'affaire ; que, par suite, la privation de liberté en cause est rendue nécessaire pour garantir la présentation de la personne arrêtée devant ce juge ; que sa durée est strictement encadrée et proportionnée au but poursuivi ; 12. Considérant, d'autre part, que le procureur de la République du lieu d'arrestation informe « sans délai » le juge d'instruction de l'arrestation, veille à l'exécution du mandat et réfère au juge mandant de ses diligences ; qu'ainsi, le mandat est ordonné par le juge d'instruction et exécuté sous son contrôle ; qu'il peut à tout moment ordonner la remise en liberté de cette personne notamment au vu des déclarations qu'elle a faites devant le procureur de la République ; que, par suite, le juge d'instruction qui a décerné un mandat d'amener ou un mandat d'arrêt conserve la maîtrise de son exécution pendant tout le temps nécessaire à la présentation devant lui de la personne arrêtée ; que, dès lors, le grief tiré de ce que la privation de liberté nécessaire à l'exécution du mandat échapperait à l'intervention d'un magistrat du siège doit être écarté ; 13. Considérant, toutefois que, si, l'article 131 prévoit que le mandat d'arrêt ne peut être décerné qu'à l'encontre d'une personne en fuite ou résidant hors du territoire de la République, à raison de faits réprimés par une peine d'emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave, les dispositions relatives au mandat d'amener ne prévoient pas une telle condition ; que la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ne pourrait être regardée comme équilibrée si la privation de liberté de quatre ou six jours prévue par l'article 130 pouvait être mise en œuvre, dans le cadre d'un mandat d'amener, à l'encontre d'une personne qui n'encourt pas une peine d'emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave ; 14. Considérant qu'il suit de là que, sous la réserve énoncée au considérant précédent, les dispositions contestées ne méconnaissent ni l'article 66 de la Constitution ni l'article 2 de la Déclaration de 1789 ; 15. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 13, les articles 130 et 130-1 du code de procédure pénale et le quatrième alinéa de son article 133 sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 24 juin 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 avril 2011 par le Conseil d'État (décision n° 345767, 345768, 345810 du 4 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'Union générale des fédérations de fonctionnaires-CGT (UGFF-CGT), la Fédération syndicale unitaire (FSU) et M. Denis R., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions des articles 36, 44 bis à 44 quinquies, 51 et 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État dans leur rédaction issue de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, modifiée en particulier par la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par M. Denis R. enregistrées le 15 avril 2011 ; Vu les observations produites par l'UGFF-CGT enregistrées le 20 avril 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 27 avril 2011 ; Vu les observations produites pour la FSU par la SCP Gatineau, Fattacini, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 13 mai 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 24 mai 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 44 bis de la loi du 11 janvier 1984 modifiée : « En cas de restructuration d'une administration de l'État ou de l'un de ses établissements publics administratifs, le fonctionnaire peut être placé en situation de réorientation professionnelle dès lors que son emploi est susceptible d'être supprimé » ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article 44 ter de la même loi : « L'administration établit, après consultation du fonctionnaire placé en situation de réorientation professionnelle, un projet personnalisé d'évolution professionnelle qui a pour objet de faciliter son affectation dans un emploi correspondant à son grade, situé dans son service ou dans une autre administration, ou de lui permettre d'accéder à un autre corps ou cadre d'emplois de niveau au moins équivalent. Le projet peut également avoir pour objet de l'aider à accéder à un emploi dans le secteur privé ou à créer ou reprendre une entreprise. « Pendant la réorientation, le fonctionnaire est tenu de suivre les actions d'orientation, de formation, d'évaluation et de validation des acquis de l'expérience professionnelle destinées à favoriser sa réorientation et pour lesquelles il est prioritaire. Il bénéficie également d'une priorité pour la période de professionnalisation. « L'administration lui garantit un suivi individualisé et régulier ainsi qu'un appui dans ses démarches de réorientation. Elle fait diligence pour l'affecter, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 60, dans les emplois créés ou vacants correspondant à son grade et à son projet personnalisé d'évolution professionnelle. « Le fonctionnaire peut être appelé à accomplir des missions temporaires pour le compte de son administration ou d'une autre administration. Les missions qui lui sont alors confiées doivent s'insérer dans le projet personnalisé » ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 44 quater : « La réorientation professionnelle prend fin lorsque le fonctionnaire accède à un nouvel emploi. « Elle peut également prendre fin, à l'initiative de l'administration, lorsque le fonctionnaire a refusé successivement trois offres d'emploi public fermes et précises correspondant à son grade et à son projet personnalisé d'évolution professionnelle, et tenant compte de sa situation de famille et de son lieu de résidence habituel. Dans ce cas, il peut être placé en disponibilité d'office ou, le cas échéant, admis à la retraite » ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article 44 quinquies : « Un décret en Conseil d'État précise les conditions de mise en œuvre de la présente sous-section » ; 5. Considérant, en outre, qu'aux termes de l'article 36 de la même loi : « Pour l'application du quatrième alinéa de l'article 12 du titre Ier du statut général et sans préjudice du placement en situation de réorientation professionnelle prévue à la sous-section 3 de la présente section, en cas de suppression d'emploi, le fonctionnaire est affecté dans un emploi de son corps d'origine au besoin en surnombre provisoire » ; 6. Considérant qu'aux termes de son article 51 : « La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. « La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 34 ci-dessus ou dans le cas prévu au second alinéa de l'article 44 quater. Le fonctionnaire mis en disponibilité qui refuse successivement trois postes qui lui sont proposés en vue de sa réintégration peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire » ; 7. Considérant qu'aux termes de son article 60 : « L'autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires. « Dans les administrations ou services où sont dressés des tableaux périodiques de mutations, l'avis des commissions est donné au moment de l'établissement de ces tableaux. « Toutefois, lorsqu'il n'existe pas de tableaux de mutation, seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation de l'intéressé sont soumises à l'avis des commissions. « Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée aux fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles, aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité lorsqu'ils produisent la preuve qu'ils se soumettent à l'obligation d'imposition commune prévue par le code général des impôts, aux fonctionnaires handicapés relevant de l'une des catégories mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 323-3 du code du travail et aux fonctionnaires qui exercent leurs fonctions, pendant une durée et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État, dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles. Priorité est également donnée aux fonctionnaires placés en situation de réorientation professionnelle pour les emplois correspondant à leur projet personnalisé d'évolution professionnelle. « Dans le cas où il s'agit de remplir une vacance d'emploi compromettant le fonctionnement du service et à laquelle il n'est pas possible de pourvoir par un autre moyen, même provisoirement, la mutation peut être prononcée sous réserve d'examen ultérieur par la commission compétente » ; 8. Considérant que, selon les requérants, en adoptant les dispositions relatives au régime de réorientation professionnelle des fonctionnaires par la loi du 3 août 2009 susvisée, le législateur a méconnu l'étendue de sa propre compétence ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ; qu'ils soutiennent, en outre, qu'en remettant en cause le principe de la carrière dans la fonction publique de l'État, ces dispositions portent atteinte au principe de continuité de l'État et du service public ; qu'ils font valoir que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et les emplois publics dès lors qu'elles instituent des différences de traitement entre fonctionnaires et salariés du secteur privé, s'agissant des protections dont bénéficient les représentants du personnel, entre fonctionnaires selon qu'ils sont ou non placés en situation de réorientation professionnelle et, enfin, entre fonctionnaires placés en situation de réorientation professionnelle ; qu'ils invoquent également la violation de la liberté syndicale et du principe de participation des travailleurs à la détermination des conditions de travail ; 9. Considérant que M. R. soutient, en outre, que ces dispositions méconnaissent le principe constitutionnel d'indépendance des enseignants-chercheurs ; - SUR L'INCOMPÉTENCE NÉGATIVE : 10. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; 11. Considérant qu'il appartient au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'État ; 12. Considérant que les dispositions contestées sont relatives à la situation de réorientation professionnelle dans laquelle est placé un fonctionnaire en cas de restructuration d'une administration de l'État ou de l'un de ses établissements publics administratifs dès lors que son emploi est susceptible d'être supprimé ; qu'elles définissent également les droits et les devoirs du fonctionnaire intéressé ; que ces dispositions n'ont pas pour effet de confier au pouvoir réglementaire la définition de règles ou de principes que la Constitution a placés dans le domaine de la loi ; - SUR LE PRINCIPE DE CONTINUITÉ DE L'ÉTAT ET DU SERVICE PUBLIC : 13. Considérant que les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de porter atteinte au principe de continuité de l'État ou du service public ; qu'en tout état de cause, elles n'ont pas non plus pour objet ou pour effet de remettre en cause la règle selon laquelle la fonction publique est organisée selon le régime de la carrière ; que, dès lors, le grief manque en fait ; - SUR LA LIBERTÉ SYNDICALE ET LE PRINCIPE DE PARTICIPATION : 14. Considérant qu'aux termes du sixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix » ; que son huitième alinéa dispose : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises » ; 15. Considérant, en premier lieu, que les fonctionnaires bénéficient, dans leur ensemble, d'une protection statutaire ; que celle-ci bénéficie, notamment, à ceux qui sont investis de fonctions représentatives ou syndicales ; 16. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu de l'article 15 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, dans toutes les administrations de l'État et dans tous ses établissements publics ne présentant pas un caractère industriel ou commercial, il est institué un ou plusieurs comités techniques ; que ces comités, qui comprennent des représentants de l'administration et des représentants du personnel, connaissent en principe des questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des services ; que les modifications apportées par la loi du 3 août 2009 susvisée à la loi du 11 janvier 1984 n'ont pas eu pour effet d'exclure la compétence de ces comités sur les questions relatives à la restructuration de l'administration ou de l'établissement public dans lequel ils sont institués ; que, dans ces conditions, le grief tiré de la méconnaissance du principe posé par le huitième alinéa du Préambule de 1946 manque en fait ; 17. Considérant, en troisième lieu, que la loi du 3 août 2009, dont sont issues les dispositions contestées, ne modifie pas l'article 14 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée qui confie aux commissions administratives paritaires une compétence consultative sur les décisions individuelles intéressant les membres du ou des corps qui en relèvent ; que le décret d'application de cet article 14 fixe la liste des décisions individuelles ressortissant à la compétence de ces commissions ; qu'il revient au juge du décret de vérifier si la mesure de placement en situation de réorientation professionnelle d'un fonctionnaire investi ou non de fonctions représentatives ou syndicales doit, eu égard à sa portée, figurer dans ce décret au titre des mesures pour lesquelles ces commissions doivent être consultées ; 18. Considérant, en quatrième lieu, que les décisions administratives adoptées en application des dispositions contestées sont placées sous le contrôle de la juridiction administrative à qui il appartiendra, le cas échéant, de s'assurer que les mesures de réorientation professionnelle qui pourraient toucher ces fonctionnaires ainsi que les mesures de mise en disponibilité ou les admissions à la retraite qui pourraient s'ensuivre ne sont pas prises en raison de leurs fonctions représentatives ou syndicales ; 19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance du Préambule de 1946 doivent être écartés ; - SUR LE PRINCIPE D'ÉGALITÉ : 20. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; 21. Considérant, en premier lieu, que les fonctionnaires sont dans une situation différente de celle des salariés du secteur privé ; que, par suite, en ne prévoyant pas, pour les fonctionnaires investis de fonctions représentatives, les garanties qui existent pour les salariés investis de telles fonctions dans le secteur privé, le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité devant la loi ; 22. Considérant, en deuxième lieu, que le principe d'égalité de traitement dans le déroulement de la carrière des fonctionnaires n'est susceptible de s'appliquer qu'entre les agents appartenant à un même corps ; 23. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions contestées, qui permettent à l'administration de placer en situation de réorientation professionnelle un fonctionnaire dont l'emploi est susceptible d'être supprimé, peuvent aboutir à des distinctions entre agents appartenant à un même corps selon que leur administration connaît ou non une restructuration assortie de suppressions d'emplois ; que, toutefois, les différences de traitement qui peuvent en résulter répondent à une fin d'intérêt général qu'il appartenait au législateur d'apprécier et ne sont, dès lors, pas contraires à la Constitution ; 24. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté ; - SUR LE PRINCIPE D'INDÉPENDANCE DES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS : 25. Considérant que la garantie de l'indépendance des enseignants-chercheurs résulte d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République ; que les dispositions critiquées n'ont pas pour objet de déroger aux règles particulières relatives au recrutement et à la nomination des enseignants-chercheurs ; qu'en outre, l'application de l'article 44 ter ne saurait, s'agissant de ces personnels, conduire à un changement de corps ; que, sous cette réserve, les dispositions contestées ne portent pas atteinte à l'indépendance des enseignants-chercheurs ; - SUR L'OBJECTIF D'INTELLIGIBILITÉ ET D'ACCESSIBILITÉ DE LA LOI : 26. Considérant que, si l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, impose au législateur d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques, sa méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ; 27. Considérant que les dispositions contestées ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 25, les dispositions des articles 36, 44 bis à 44 quinquies, 51 et 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État dans leur rédaction résultant de l'article 7 de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 17 juin 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 avril 2011 par le Conseil d'État (décision n° 346207 du 6 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Abdellatif B., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions des articles L. 3213-1 et L. 3213-4 du code de la santé publique. Il a également été saisi le 8 avril 2011 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 481 du 8 avril 2011), dans les mêmes conditions, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-Louis C., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 3213-4 du code de la santé publique. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de la santé publique ; Vu la décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour M. B. par la SELARL Mayet et Perrault, avocat au barreau de Versailles, enregistrées le 27 avril 2011 ; Vu les observations produites pour M. C., par Me Pierre Ricard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 29 avril 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 29 avril 2011 ; Vu les observations en intervention produites pour l'association « Groupe information asiles » par Me Corinne Vaillant, avocate au barreau de Paris, enregistrées le 13 mai 2011; Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ; Me Raphaël Mayet pour M. B., Me Ricard pour M. C., Me Vaillant pour l'association « Groupe information asiles » et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 24 mai 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces deux questions prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique : « À Paris, le préfet de police et, dans les départements, les représentants de l'État prononcent par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'hospitalisation d'office dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Le certificat médical circonstancié ne peut émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement accueillant le malade. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'hospitalisation nécessaire. « Dans les vingt-quatre heures suivant l'admission, le directeur de l'établissement d'accueil transmet au représentant de l'État dans le département et à la commission mentionnée à l'article L. 3222-5 un certificat médical établi par un psychiatre de l'établissement. « Ces arrêtés ainsi que ceux qui sont pris en application des articles L. 3213-2, L. 3213-4 à L. 3213-7 et les sorties effectuées en application de l'article L. 3211-11 sont inscrits sur un registre semblable à celui qui est prescrit par l'article L. 3212-11, dont toutes les dispositions sont applicables aux personnes hospitalisées d'office » ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3213-4 du même code : « Dans les trois jours précédant l'expiration du premier mois d'hospitalisation, le représentant de l'État dans le département peut prononcer, après avis motivé d'un psychiatre, le maintien de l'hospitalisation d'office pour une nouvelle durée de trois mois. Au-delà de cette durée, l'hospitalisation peut être maintenue par le représentant de l'État dans le département pour des périodes de six mois maximum renouvelables selon les mêmes modalités. « Faute de décision du représentant de l'État à l'issue de chacun des délais prévus à l'alinéa précédent, la mainlevée de l'hospitalisation est acquise. « Sans préjudice des dispositions qui précèdent, le représentant de l'État dans le département peut à tout moment mettre fin à l'hospitalisation après avis d'un psychiatre ou sur proposition de la commission mentionnée à l'article L. 3222-5 » ; 4. Considérant que, selon les requérants, la procédure d'hospitalisation d'office méconnaît le respect de la liberté individuelle garantie par l'article 66 de la Constitution ; 5. Considérant que l'article 66 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; que, dans l'exercice de sa compétence, le législateur peut fixer des modalités d'intervention de l'autorité judiciaire différentes selon la nature et la portée des mesures affectant la liberté individuelle qu'il entend édicter ; 6. Considérant qu'en vertu du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation garantit à tous le droit à la protection de la santé ; que l'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ; 7. Considérant que l'hospitalisation sans son consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux doit respecter le principe, résultant de l'article 66 de la Constitution, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire ; qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la protection de la santé des personnes souffrant de troubles mentaux ainsi que la prévention des atteintes à l'ordre public nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent la liberté d'aller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que la liberté individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la protection à l'autorité judiciaire ; que les atteintes portées à l'exercice de ces libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis ; - SUR LES CONDITIONS DE L'HOSPITALISATION D'OFFICE : 8. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 3213-1 du code de la santé publique prévoit qu'une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée d'office que si ses troubles nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public ; que de tels motifs peuvent justifier la mise en œuvre d'une mesure privative de liberté au regard des exigences constitutionnelles précitées ; 9. Considérant, en deuxième lieu, que ce même article prévoit, en son premier alinéa, que la décision d'hospitalisation d'office est prononcée par le préfet ou, à Paris, le préfet de police, au vu d'un certificat médical circonstancié qui ne peut émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement accueillant le malade, et que l'arrêté est motivé et énonce avec précision les circonstances qui ont rendu l'hospitalisation nécessaire ; que, si l'article 66 de la Constitution exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire, il n'impose pas que cette dernière soit saisie préalablement à toute mesure de privation de liberté ; que, dès lors, la compétence du préfet pour ordonner l'hospitalisation d'office ne méconnaît pas les exigences tirées de l'article 66 de la Constitution ; 10. Considérant, en troisième lieu, que l'article L. 3213-1 prévoit, en son deuxième alinéa, que, dans les vingt-quatre heures suivant l'admission, un certificat médical établi par un psychiatre de l'établissement est transmis au représentant de l'État dans le département et à la commission départementale des hospitalisations psychiatriques ; que, dans l'hypothèse où ce certificat médical ne confirme pas que l'intéressé doit faire l'objet de soins en hospitalisation, les dispositions contestées conduisent, à défaut de levée de l'hospitalisation d'office par l'autorité administrative compétente, à la poursuite de cette mesure sans prévoir un réexamen à bref délai de la situation de la personne hospitalisée permettant d'assurer que son hospitalisation est nécessaire ; qu'un tel réexamen est seul de nature à permettre le maintien de la mesure ; qu'en l'absence d'une telle garantie, les dispositions contestées n'assurent pas que l'hospitalisation d'office est réservée aux cas dans lesquels elle est adaptée, nécessaire et proportionnée à l'état du malade ainsi qu'à la sûreté des personnes ou la préservation de l'ordre public ; que, par suite, le deuxième alinéa de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique méconnaît les exigences constitutionnelles précitées ; 11. Considérant qu'il s'ensuit que l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, dont les dispositions sont inséparables, doit être déclaré contraire à la Constitution ; - SUR LE MAINTIEN DE L'HOSPITALISATION D'OFFICE : 12. Considérant que l'article L. 3213-4 du code de la santé publique prévoit qu'à l'expiration d'un délai d'un mois, l'hospitalisation peut être maintenue, pour une durée maximale de trois mois, après avis motivé d'un psychiatre ; qu'au-delà de cette durée, l'hospitalisation peut être maintenue pour des périodes successives de six mois selon les mêmes modalités ; 13. Considérant que la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ; que les motifs médicaux et les finalités thérapeutiques qui justifient la privation de liberté des personnes atteintes de troubles mentaux hospitalisées sans leur consentement peuvent être pris en compte pour la fixation de ce délai ; que, pour les mêmes motifs que ceux retenus dans la décision du 26 novembre 2010 susvisée, les dispositions de l'article L. 3213-4, qui permettent que l'hospitalisation d'office soit maintenue au delà de quinze jours sans intervention d'une juridiction de l'ordre judiciaire, méconnaissent les exigences de l'article 66 de la Constitution ; 14. Considérant qu'il s'ensuit que l'article L. 3213-4 du code de la santé publique doit être déclaré contraire à la Constitution ; - SUR LES EFFETS DE LA DÉCLARATION D'INCONSTITUTIONNALITÉ : 15. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; 16. Considérant que l'abrogation immédiate des articles L. 3213-1 et L. 3213-4 du code de la santé publique méconnaîtrait les exigences de la protection de la santé et la prévention des atteintes à l'ordre public et entraînerait des conséquences manifestement excessives ; que, par suite, afin de permettre au législateur de remédier à cette inconstitutionnalité, il y a lieu de reporter au 1er août 2011 la date de cette abrogation ; que les mesures d'hospitalisation prises avant cette date en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité, D É C I D E : Article 1er.- Les articles L. 3213-1 et L. 3213-4 du code de la santé publique sont contraires à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet le 1er août 2011 dans les conditions fixées au considérant 16. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 9 juin 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 avril 2011 par le Conseil d'État (décision n° 345634 du 6 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Zeljko S., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 262-4 du code de l'action sociale et des familles. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l'action sociale et des familles ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Guillaume et Antoine Delvolvé, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 28 avril 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 29 avril 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Guillaume Delvolvé pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 26 mai 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 262-4 du code de l'action sociale et des familles : « Le bénéfice du revenu de solidarité active est subordonné au respect, par le bénéficiaire, des conditions suivantes : « 1° Être âgé de plus de vingt-cinq ans ou assumer la charge d'un ou plusieurs enfants nés ou à naître ; « 2° Être français ou titulaire, depuis au moins cinq ans, d'un titre de séjour autorisant à travailler. Cette condition n'est pas applicable : « a) Aux réfugiés, aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, aux apatrides et aux étrangers titulaires de la carte de résident ou d'un titre de séjour prévu par les traités et accords internationaux et conférant des droits équivalents ; « b) Aux personnes ayant droit à la majoration prévue à l'article L. 262-9, qui doivent remplir les conditions de régularité du séjour mentionnées à l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale ; « 3° Ne pas être élève, étudiant ou stagiaire au sens de l'article 9 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances. Cette condition n'est pas applicable aux personnes ayant droit à la majoration mentionnée à l'article L. 262-9 du présent code ; « 4° Ne pas être en congé parental, sabbatique, sans solde ou en disponibilité. Cette condition n'est pas applicable aux personnes ayant droit à la majoration mentionnée à l'article L. 262-9 » ; 2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions, en imposant aux demandeurs étrangers d'être titulaires depuis au moins cinq ans d'un titre de séjour autorisant à travailler, sont contraires tant au principe d'égalité qu'au onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; 3. Considérant, d'une part, que l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; 4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du onzième alinéa du Préambule de 1946, la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » ; que les exigences constitutionnelles résultant de ces dispositions impliquent la mise en œuvre d'une politique de solidarité nationale en faveur des personnes défavorisées ; qu'il appartient au législateur, pour satisfaire à cette exigence, de choisir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées ; qu'en particulier, il lui est à tout moment loisible, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l'article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; qu'il ne lui est pas moins loisible d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et qui peuvent comporter la modification ou la suppression de dispositions qu'il estime excessives ou inutiles ; que, cependant, l'exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; 5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 262 1 du code susvisé : « Le revenu de solidarité active a pour objet d'assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d'existence, d'inciter à l'exercice d'une activité professionnelle et de lutter contre la pauvreté de certains travailleurs, qu'ils soient salariés ou non salariés » ; que cette prestation a pour principal objet d'inciter à l'exercice ou à la reprise d'une activité professionnelle ; que le législateur a pu estimer que la stabilité de la présence sur le territoire national était une des conditions essentielles à l'insertion professionnelle ; qu'en réservant le bénéfice du revenu de solidarité active à ceux qui, parmi les étrangers, sont titulaires depuis au moins cinq ans d'un titre de séjour les autorisant à travailler, le législateur a institué entre les Français et les étrangers, d'une part, et entre les étrangers, d'autre part, selon qu'ils ont ou non une résidence stable en France, une différence de traitement en rapport direct avec l'objet de la loi ; qu'il a fixé un critère qui n'est pas manifestement inapproprié au but poursuivi ; que, de même, les ressortissants de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse sont, au regard de l'objet de la loi, dans une situation différente de celle des autres étrangers ; qu'en conséquence, les griefs tirés de la violation du principe d'égalité et du onzième alinéa du Préambule de 1946 doivent être écartés ; 6. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- L'article L. 262-4 du code de l'action sociale et des familles est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 17 juin 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, le 17 mai 2011, par M. Jean-Pierre BEL, Mme Michèle ANDRÉ, MM. Alain ANZIANI, David ASSOULINE, Bertrand AUBAN, Claude BÉRIT-DÉBAT, Mmes Marie-Christine BLANDIN, Maryvonne BLONDIN, M. Yannick BODIN, Mme Nicole BONNEFOY, MM. Yannick BOTREL, Didier BOULAUD, Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, M. Martial BOURQUIN, Mme Bernadette BOURZAI, M. Michel BOUTANT, Mme Nicole BRICQ, MM. Jean-Pierre CAFFET, Jean-Louis CARRÈRE, Mme Françoise CARTRON, M. Bernard CAZEAU, Mme Monique CERISIER-ben-GUIGA, MM. Yves CHASTAN, Roland COURTEAU, Yves DAUDIGNY, Jean-Pierre DEMERLIAT, Mme Christiane DEMONTÈS, MM. Jean DESESSARD, Claude DOMEIZEL, Bernard FRIMAT, Charles GAUTIER, Serge GODARD, Didier GUILLAUME, Edmond HERVÉ, Ronan KERDRAON, Mme Bariza KHIARI, MM. Yves KRATTINGER, Serge LAGAUCHE, Jacky LE MENN, Mmes Raymonde LE TEXIER, Claudine LEPAGE, MM. Jean-Jacques LOZACH, Roger MADEC, Marc MASSION, Rachel MAZUIR, Jean-Pierre MICHEL, Gérard MIQUEL, Jean-Jacques MIRASSOU, Mme Renée NICOUX, MM. François PATRIAT, Bernard PIRAS, Mme Gisèle PRINTZ, MM. Daniel RAOUL, François REBSAMEN, Daniel REINER, Thierry REPENTIN, Michel SERGENT, René-Pierre SIGNÉ, Jean-Pierre SUEUR, Simon SUTOUR, Mme Catherine TASCA, MM. Michel TESTON, René TEULADE, Richard YUNG, Mmes Nicole BORVO COHEN-SEAT, Eliane ASSASSI, Marie-France BEAUFILS, Evelyne DIDIER, MM. Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Mme Brigitte GONTHIER-MAURIN, M. Robert HUE, Mme Marie-Agnès LABARRE, MM. Jack RALITE, Ivan RENAR, Mme Odette TERRADE, MM. Bernard VERA, Robert TROPEANO, Jean Pierre CHEVÈNEMENT, Mme Anne-Marie ESCOFFIER, MM. Jacques MÉZARD, Jean-Michel BAYLET, Mme Françoise LABORDE, MM. Raymond VALL, Yvon COLLIN, sénateurs, et, le même jour, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mmes Patricia ADAM, Sylvie ANDRIEUX, MM. Jean-Paul BACQUET, Dominique BAERT, Gérard BAPT, Jacques BASCOU, Christian BATAILLE, Mmes Delphine BATHO, Marie-Noëlle BATTISTEL, Chantal BERTHELOT, M. Jean-Louis BIANCO, Mme Gisèle BIÉMOURET, MM. Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Jean-Michel BOUCHERON, Mme Marie-Odile BOUILLÉ, M. Christophe BOUILLON, Mme Monique BOULESTIN, M. Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, MM. François BROTTES, Alain CACHEUX, Jérôme CAHUZAC, Thierry CARCENAC, Christophe CARESCHE, Laurent CATHALA, Bernard CAZENEUVE, Guy CHAMBEFORT, Jean-Paul CHANTEGUET, Gérard CHARASSE, Alain CLAEYS, Jean-Michel CLÉMENT, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, M. Gilles COCQUEMPOT, Mmes Catherine COUTELLE, Pascale CROZON, M. Frédéric CUVILLIER, Mme Claude DARCIAUX, M. Pascal DEGUILHEM, Mme Michèle DELAUNAY, MM. Bernard DEROSIER, Michel DESTOT, Julien DRAY, Tony DREYFUS, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Mme Laurence DUMONT, MM. Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND, Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Henri EMMANUELLI, Laurent FABIUS, Albert FACON, Mme Martine FAURE, M. Hervé FÉRON, Mme Aurélie FILIPPETTI, M. Pierre FORGUES, Mme Valérie FOURNEYRON, MM. Jean-Louis GAGNAIRE, Guillaume GAROT, Jean GAUBERT, Paul GIACOBBI, Jean-Patrick GILLE, Joël GIRAUD, Daniel GOLDBERG, Marc GOUA, Mme Élisabeth GUIGOU, M. David HABIB, Mmes Danièle HOFFMAN-RISPAL, Sandrine HUREL, Monique IBORRA, Françoise IMBERT, MM. Michel ISSINDOU, Serge JANQUIN, Henri JIBRAYEL, Régis JUANICO, Mmes Marietta KARAMANLI, Conchita LACUEY, MM. Jérôme LAMBERT, François LAMY, Jack LANG, Mme Colette LANGLADE, MM. Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Gilbert LE BRIS, Jean-Yves LE DÉAUT, Jean-Marie LE GUEN, Mme Annick LE LOCH, M. Bruno LE ROUX, Mmes Marylise LEBRANCHU, Catherine LEMORTON, Annick LEPETIT, MM. Bernard LESTERLIN, Serge LETCHIMY, Albert LIKUVALU, Jean MALLOT, Mmes Jacqueline MAQUET, Jeanny MARC, MM. Jean-René MARSAC, Philippe MARTIN, Mmes Martine MARTINEL, Frédérique MASSAT, M. Didier MATHUS, Mme Sandrine MAZETIER, MM. Michel MÉNARD, Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Pierre MOSCOVICI, Pierre-Alain MUET, Philippe NAUCHE, Henri NAYROU, Alain NÉRI, Mme Dominique ORLIAC, M. Christian PAUL, Mme George PAU-LANGEVIN, MM. Germinal PEIRO, Jean-Luc PÉRAT, Mmes Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, Sylvia PINEL, Martine PINVILLE, M. François PUPPONI, Mme Catherine QUÉRÉ, MM. Jean-Jack QUEYRANNE, Dominique RAIMBOURG, Mme Marie Line REYNAUD, MM. Alain RODET, Marcel ROGEMONT, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Michel SAINTE MARIE, Michel SAPIN, Mme Odile SAUGUES, M. Christophe SIRUGUE, Mme Christiane TAUBIRA, M. Jean-Louis TOURAINE, Mme Marisol TOURAINE, MM. Philippe TOURTELIER, Jean-Jacques URVOAS, Daniel VAILLANT, Jacques VALAX, André VALLINI, Manuel VALLS, Michel VERGNIER, André VÉZINHET, Alain VIDALIES, Jean-Michel VILLAUMÉ, Jean-Claude VIOLLET, Philippe VUILQUE, Mme Marie Hélène AMIABLE, M. François ASENSI, Mme Martine BILLARD, MM. Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Mme Marie-George BUFFET, MM. Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Marc DOLEZ, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOSNAT, Jean-Paul LECOQ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER, Michel VAXÈS, Yves COCHET, Noël MAMÈRE, François de RUGY, Mme Anny POURSINOFF, M. Alfred MARIE-JEANNE et Mme Huguette BELLO, députés. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ; Vu le règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ; Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ; Vu la directive 2009/50/CE du Conseil du 25 mai 2009 établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié ; Vu la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ; Vu le code civil ; Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; Vu le code pénal ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 ; Vu l'arrêt de la Cour de cassation (deuxième chambre civile) du 18 décembre 1996, n° 95-50096 ; Vu les observations du président de l'Assemblée nationale, enregistrées le 25 mai 2011 ; Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 27 mai 2011 ; Vu les observations en réplique présentées par les sénateurs requérants, enregistrées le 31 mai 2011 ; Vu les observations en réplique présentées par les députés requérants, enregistrées le 31 mai 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les sénateurs et députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité ; qu'ils contestent la conformité à la Constitution de ses articles 2, 4, 10, 12, 13, 16, 26, 33, 37, 40, 44, 47, 51, 56, 57, 58, 70, 94, 95 et 98 ; que les députés requérants contestent, en outre, la procédure d'adoption de la loi dans son ensemble ; qu'ils demandent au Conseil constitutionnel de vérifier la conformité à la Constitution des articles 73 à 88 ; - SUR LA PROCÉDURE D'ADOPTION : 2. Considérant, en premier lieu, que les députés requérants font valoir que l'absence de réunion de la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale dans les dix jours qui ont suivi le dépôt du projet de loi et de l'étude d'impact qui l'accompagne a fait obstacle à la possibilité de contester la sincérité de cette dernière ; qu'en conséquence, aurait été méconnue la sincérité du débat parlementaire ; 3. Considérant qu'aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article 39 de la Constitution : « La présentation des projets de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique. - Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l'ordre du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. En cas de désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement, le président de l'assemblée intéressée ou le Premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours » ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 susvisée : « Les projets de loi font l'objet d'une étude d'impact. Les documents rendant compte de cette étude d'impact sont joints aux projets de loi dès leur transmission au Conseil d'État. Ils sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent » ; que, selon le premier alinéa de l'article 9 de la même loi organique, la Conférence des présidents de l'assemblée sur le bureau de laquelle le projet de loi a été déposé dispose d'un délai de dix jours suivant le dépôt pour constater que les règles relatives aux études d'impact sont méconnues ; 4. Considérant que le projet de loi a été déposé le 31 mars 2010 sur le bureau de l'Assemblée nationale ; que, dans le délai de dix jours à compter de ce dépôt, une réunion de la Conférence des présidents s'est tenue, le 6 avril 2010 ; que cette dernière n'a pas constaté que les règles relatives aux études d'impact étaient méconnues ; que le grief tiré de l'absence de réunion de la Conférence des présidents permettant de contester l'étude d'impact manque en fait ; 5. Considérant, en deuxième lieu, que, selon les députés requérants, la fixation, en première lecture à l'Assemblée nationale, d'un temps législatif programmé d'une durée insuffisante de trente heures et l'absence de temps supplémentaire déterminé sur le fondement du douzième alinéa de l'article 49 du règlement de l'Assemblée nationale a eu pour effet, compte tenu de l'ampleur des modifications apportées en commission et du nombre d'amendements déposés en séance, de porter atteinte aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ; 6. Considérant, d'une part, qu'en l'espèce, la fixation à trente heures d'un temps législatif programmé initial n'était pas manifestement disproportionnée au regard des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ; 7. Considérant, d'autre part, que, selon l'article 49 du règlement de l'Assemblée nationale, il appartient à la Conférence des présidents de décider de l'octroi d'un temps de parole supplémentaire ; qu'il ressort des débats parlementaires qu'en l'absence de demande d'un temps de parole supplémentaire formée lors de la réunion de cette conférence, spécialement convoquée à cet effet, cette dernière n'a pu décider la fixation d'un tel temps de parole ; que, dès lors, le grief tiré de l'absence de fixation d'un temps de parole supplémentaire doit être écarté ; 8. Considérant, en troisième lieu, que les députés requérants estiment que l'adoption, lors de l'examen à l'Assemblée nationale du texte élaboré par la commission mixte paritaire, d'un amendement destiné à assurer la constitutionnalité d'un article du projet de loi, nonobstant le rejet d'une motion de rejet préalable fondée notamment sur l'inconstitutionnalité du projet de loi, avait méconnu le principe de sincérité du débat ; 9. Considérant qu'il ressort de l'économie de l'article 45 de la Constitution et notamment de son premier alinéa aux termes duquel : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique », que les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion ; que, toutefois, ne sont pas soumis à cette dernière obligation les amendements destinés notamment à assurer le respect de la Constitution ; que, nonobstant le rejet d'une motion de rejet préalable, l'adoption d'un amendement destiné à assurer le respect de la Constitution n'est pas contraire aux exigences constitutionnelles en matière de procédure parlementaire ; que, dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de la sincérité du débat parlementaire doit être rejeté ; - SUR L'ARTICLE 2 : 10. Considérant que l'article 2 modifie l'article 21-24 du code civil qui subordonne la naturalisation à la justification de l'assimilation à la communauté française ; qu'il complète cet article par un second alinéa aux termes duquel : « À l'issue du contrôle de son assimilation, l'intéressé signe la charte des droits et des devoirs du citoyen français. Cette charte, approuvée par décret en Conseil d'État, rappelle les principes, valeurs et symboles essentiels de la République française » ; 11. Considérant que, selon les requérants, en renvoyant au pouvoir réglementaire l'approbation de cette charte, ces dispositions attribuent aux autorités administratives le pouvoir de fixer des règles concernant les droits fondamentaux et la nationalité ; qu'ainsi, elles méconnaîtraient l'étendue de la compétence du législateur et « l'exigence constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la loi » ; 12. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ainsi que la nationalité ; 13. Considérant qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que le plein exercice de cette compétence ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ; qu'il doit en effet prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi ; 14. Considérant que les dispositions contestées ne sont ni obscures ni ambiguës ; qu'elles se bornent à confier à un décret en Conseil d'État le soin d'approuver une charte dont le seul objet est de « rappeler les principes, valeurs et symboles essentiels de la République française » ; qu'elles ne délèguent pas le pouvoir de définir les règles énoncées par la Constitution ou qu'elle a placées dans le domaine de la loi ; que, par suite, le grief manque en fait ; 15. Considérant que l'article 2 n'est pas contraire à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 4 : 16. Considérant que le paragraphe 6 de la section 1 du chapitre III du titre Ier bis du livre Ier du code civil comporte des dispositions communes à certains modes d'acquisition de la nationalité française ; que l'article 4 de la loi déférée complète ce paragraphe par un article 21-27-1 aux termes duquel : « Lors de son acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique ou par déclaration, l'intéressé indique à l'autorité compétente la ou les nationalités qu'il possède déjà, la ou les nationalités qu'il conserve en plus de la nationalité française ainsi que la ou les nationalités auxquelles il entend renoncer » ; 17. Considérant que, selon les requérants, cet article institue une distinction entre les Français selon qu'ils ont acquis leur nationalité par la naissance ou par une autre voie ; qu'en outre, l'obligation de déclarer la ou les nationalités que la personne acquérant la nationalité française conserve ou celles auxquelles elle renonce ferait peser sur ces personnes une contrainte excessive ; 18. Considérant que les dispositions contestées se bornent à prévoir que les personnes qui acquièrent la nationalité française par déclaration ou par décision de l'autorité publique indiquent aux autorités françaises si elles conservent ou non une autre nationalité ; qu'elles n'instituent pas de différence de traitement entre les personnes ayant la nationalité française ; qu'elles ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle ; que, par suite, elles ne sont pas contraires à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 10 : 19. Considérant que le paragraphe II de l'article 10 modifie l'article L. 221-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à la définition des zones d'attente ; qu'il insère dans cet article un deuxième alinéa aux termes duquel : « Lorsqu'il est manifeste qu'un groupe d'au moins dix étrangers vient d'arriver en France en dehors d'un point de passage frontalier, en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d'au plus dix kilomètres, la zone d'attente s'étend, pour une durée maximale de vingt-six jours, du ou des lieux de découverte des intéressés jusqu'au point de passage frontalier le plus proche » ; 20. Considérant que, selon les requérants, l'imprécision de ces dispositions a pour effet de permettre « de transformer potentiellement l'ensemble du territoire national en zone d'attente » ; que, par suite, elles n'offriraient pas les garanties suffisantes contre l'arbitraire, méconnaîtraient l'exercice effectif du droit d'asile et porteraient atteinte au principe d'indivisibilité de la République ; 21. Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées tendent à répondre aux difficultés de traitement, au regard des règles d'entrée sur le territoire français, de la situation d'un groupe de personnes venant d'arriver en France en dehors des points de passage frontaliers ; que l'extension de la zone d'attente entre le lieu de découverte des intéressés et le point de passage frontalier le plus proche a pour effet de permettre l'application des règles du titre II du livre II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux seuls étrangers du groupe dont l'arrivée a justifié la mise en oeuvre de ce dispositif ; que cette extension est sans incidence sur le régime juridique applicable aux autres étrangers qui se trouveraient dans cette zone sans appartenir à ce groupe ; que, dès lors, les griefs tirés de l'atteinte au principe d'indivisibilité de la République et à l'exercice effectif du droit d'asile doivent être écartés ; 22. Considérant, en second lieu, que tous les membres du groupe en cause doivent avoir été identifiés à l'intérieur du périmètre défini par la loi, lequel ne peut être étendu ; que les points de passage frontaliers sont précisément définis et rendus publics en application du b) de l'article 34 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 susvisé ; que la zone d'attente n'est créée que pour un délai de vingt-six jours qui ne peut être prolongé ou renouvelé ; que le dispositif critiqué ne peut être mis en oeuvre, sous le contrôle du juge compétent, que s'il est manifeste qu'un groupe vient d'arriver en France ; que, dans ces conditions, le législateur a adopté des dispositions suffisamment précises et propres à garantir contre le risque d'arbitraire ; 23. Considérant que le paragraphe II de l'article 10 n'est pas contraire à la Constitution ; - SUR LES ARTICLES 12 ET 57 : 24. Considérant que l'article 12 complète l'article L. 222-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à la procédure d'examen, par le juge des libertés et de la détention, de la demande de maintien d'un étranger en zone d'attente ; qu'il complète cet article par un alinéa aux termes duquel : « À peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité antérieure à l'audience relative à la première prolongation du maintien en zone d'attente ne peut être soulevée lors de l'audience relative à la seconde prolongation » ; que l'article 57 introduit dans le même code un article L. 552-8 instaurant la même règle d'irrecevabilité en matière de prolongation de la rétention administrative ; 25. Considérant que, selon les requérants, l'irrecevabilité des irrégularités soulevées postérieurement à la première audience de prolongation du maintien en zone d'attente ou en rétention administrative méconnaît les exigences de l'article 66 de la Constitution qui impose que l'autorité judiciaire puisse exercer en toute circonstance sa mission de gardienne de la liberté individuelle ; qu'ils demandent en conséquence au Conseil constitutionnel de déclarer ces dispositions contraires à la Constitution ou, à tout le moins, de réserver les cas dans lesquels les irrecevabilités ont été révélées postérieurement à la première audience ; 26. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'est garanti par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ; qu'en outre, la bonne administration de la justice constitue un objectif de valeur constitutionnelle qui résulte des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration de 1789 ; 27. Considérant que les dispositions critiquées ont pour objet de consacrer, tant pour la rétention administrative que pour le maintien en zone d'attente, et de généraliser à l'ensemble des irrégularités la jurisprudence de la Cour de cassation en vertu de laquelle les conditions de l'interpellation d'un étranger ne peuvent être discutées qu'à l'occasion de l'instance ouverte sur la première demande de prolongation du maintien en rétention de cet étranger et ne peuvent plus l'être devant le juge saisi d'une nouvelle demande de prolongation ; que les irrégularités qui ne pourront plus être soulevées postérieurement à la première audience de prolongation sont celles qu'il était possible d'invoquer lors de celle-ci ; qu'en exigeant que ces irrégularités soient soulevées lors de la première audience devant le juge des libertés et de la détention, les dispositions contestées poursuivent l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice sans méconnaître le droit à un recours juridictionnel effectif ; que, par suite, les articles 12 et 57 ne sont pas contraires à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 13 : 28. Considérant que l'article 13 modifie également l'article L. 222-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que son 2° insère dans cet article un troisième alinéa aux termes duquel : « L'existence de garanties de représentation de l'étranger n'est pas à elle seule susceptible de justifier le refus de prolongation de son maintien en zone d'attente » ; 29. Considérant que, selon les requérants, en supprimant la faculté, pour le juge des libertés et de la détention, de tenir compte uniquement des garanties de représentation de l'étranger pour décider de sa remise en liberté, cette disposition porte atteinte à l'office du juge dans son rôle de gardien de la liberté individuelle ; qu'elle méconnaîtrait, en outre, le principe selon lequel la privation de liberté constitue une mesure d'exception et ne saurait devenir le principe ; 30. Considérant qu'en vertu de l'article L. 221-1 du même code, le maintien en zone d'attente d'un étranger qui arrive en France peut être décidé soit s'il n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français soit s'il demande son admission au titre de l'asile ; que, par suite, en interdisant que la décision ayant pour effet de permettre à cet étranger d'entrer sur le territoire français soit fondée exclusivement sur le fait qu'il présente, en France, des garanties de représentation, la disposition contestée ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle ; que l'article 13 n'est pas contraire à la Constitution ; - SUR LES ARTICLES 16 ET 58 : 31. Considérant que les articles 16 et 58 modifient respectivement les articles L. 222-5 et L. 222-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables à la procédure de prolongation du maintien en zone d'attente, et l'article L. 552-10 du même code, applicable à la procédure de prolongation de la rétention administrative ; qu'ils portent de quatre à six heures le délai pendant lequel, lorsque le juge des libertés et de la détention a décidé de mettre fin à la mesure de maintien en zone d'attente ou de placement en rétention administrative, l'étranger est toutefois maintenu à la disposition de la justice afin que le procureur de la République puisse, s'il forme appel de cette décision, saisir le premier président de la cour d'appel d'une demande tendant à voir déclarer son appel suspensif ; 32. Considérant que, selon les requérants, l'allongement de quatre à six heures du délai de maintien à la disposition de la justice d'une personne dont le juge des libertés et de la détention a ordonné la mise en liberté méconnaît l'article 66 de la Constitution ; 33. Considérant que, dans sa décision du 20 novembre 2003 susvisée, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions dont sont issues celles modifiées par les articles 16 et 58 de la loi déférée ; que, par leur effet limité, ces derniers ne peuvent être regardés comme portant atteinte aux exigences constitutionnelles précitées ; que, par suite, les articles 16 et 58 ne sont pas contraires à la Constitution ; - SUR LES ARTICLES 26, 40 ET 70 : 34. Considérant que l'article 26 modifie la première phrase du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette phrase prévoit la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, dans la rédaction actuelle de cette phrase, la délivrance de ladite carte est subordonnée à l'impossibilité pour l'étranger de pouvoir « effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire » ; que l'article 26, d'une part, remplace cette condition par celle de « l'absence » d'un traitement approprié dans le pays d'origine et, d'autre part, réserve le cas d'une « circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé » ; que l'article 40 de la loi déférée, qui modifie l'article L. 511-4 du même code, tire les conséquences de cette modification dans le cas où l'obligation de quitter le territoire français ne peut être prononcée à l'encontre de l'étranger gravement malade ; que l'article 70, qui modifie les articles L. 521-3 et L. 532-4 du code précité, fait de même, en premier lieu, dans le cas où l'étranger gravement malade ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'« en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes » et, en second lieu, dans le cas où l'étranger gravement malade est assigné à résidence faute pour l'arrêté d'expulsion dont il fait l'objet de pouvoir être exécuté ; 35. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions ne sont pas conformes à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ; qu'en particulier, ils estiment que l'imprécision de la notion de « circonstance humanitaire exceptionnelle » aura pour effet de susciter des différences d'interprétation contraires au principe d'égalité ; qu'ils estiment également que, par son imprécision, la procédure conduisant à confier l'appréciation de cette notion à l'autorité administrative se traduira par une violation du secret médical de nature à porter atteinte au respect de la vie privée ; 36. Considérant que, d'une part, en adoptant le critère d'« absence » d'un traitement approprié dans le pays d'origine ou de renvoi, le législateur a entendu mettre fin aux incertitudes et différences d'interprétation nées de l'appréciation des conditions socio-économiques dans lesquelles l'intéressé pouvait « effectivement bénéficier » d'un traitement approprié dans ce pays ; que, d'autre part, en réservant le cas d'une circonstance humanitaire exceptionnelle, il a souhaité que puissent être prises en compte les situations individuelles qui justifient, nonobstant l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine ou de renvoi, le maintien sur le territoire français de l'intéressé ; que, pour ce faire, il a confié l'appréciation de cette situation individuelle à l'autorité administrative éclairée par un avis du directeur général de l'agence régionale de santé, lui-même éclairé par un avis médical ; qu'à cette occasion, seul l'intéressé peut transmettre à l'autorité administrative les éléments sur son état de santé susceptibles de fonder sa demande ; qu'ainsi, les dispositions contestées sont précises et non équivoques ; qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance de l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi et de l'atteinte à la vie privée doivent être écartés ; que les articles 26, 40 et 70 ne sont pas contraires à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 33 : 37. Considérant que l'article 33 complète le premier alinéa de l'article L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il précise que sont également encourues « lorsque l'étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint » les peines de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, qui punissent le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française ; 38. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions instituent une différence de traitement inconstitutionnelle entre les Français et les étrangers ; 39. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; 40. Considérant qu'en adoptant les dispositions précitées, le législateur s'est borné à rappeler qu'est réprimé le fait pour l'étranger d'avoir dissimulé à son conjoint de bonne foi sa volonté de ne contracter un mariage que dans le but d'obtenir un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement ou d'acquérir la nationalité française ; qu'il n'a institué aucune différence de traitement ; que, dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être rejeté ; que l'article 33 n'est pas contraire à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 37 : 41. Considérant que l'article 37 a pour objet de transposer les dispositions de la directive 2008/115/CE susvisée ; qu'à cette fin, il donne une nouvelle rédaction à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif aux procédures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière ; . En ce qui concerne l'absence de délai pour quitter volontairement le territoire : 42. Considérant que l'article L. 511-1 modifié précise, en son paragraphe II, que l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de la notification qui lui a été faite de l'obligation de quitter le territoire et que l'autorité administrative peut lui accorder, à titre exceptionnel et eu égard à sa situation personnelle, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ; que la même disposition prévoit toutefois que « l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : « 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, « 2° Si l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse, « 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation » ; 43. Considérant que les requérants font valoir que le législateur a adopté des dispositions manifestement incompatibles avec la directive que la loi a pour objet de transposer ; 44. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 88-1 de la Constitution : « La République participe à l'Union européenne, constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 » ; qu'ainsi, la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle ; 45. Considérant qu'il appartient au Conseil constitutionnel, saisi dans les conditions prévues par l'article 61 de la Constitution d'une loi ayant pour objet de transposer en droit interne une directive communautaire, de veiller au respect de cette exigence ; que, toutefois, le contrôle qu'il exerce à cet effet est soumis à une double limite ; qu'en premier lieu, la transposition d'une directive ne saurait aller à l'encontre d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti ; qu'en second lieu, devant statuer avant la promulgation de la loi dans le délai prévu par l'article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel ne peut saisir la Cour de justice de l'Union européenne sur le fondement de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; qu'en conséquence, il ne saurait déclarer non conforme à l'article 88-1 de la Constitution qu'une disposition législative manifestement incompatible avec la directive qu'elle a pour objet de transposer ; qu'en tout état de cause, il appartient aux juridictions administratives et judiciaires d'exercer le contrôle de compatibilité de la loi au regard des engagements européens de la France et, le cas échéant, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel ; 46. Considérant que la directive 2008/115/CE susvisée prévoit au 4 de son article 7 relatif au départ volontaire que, « s'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours » ; que la même directive prévoit au 7) de son article 3 qu'il faut entendre par risque de fuite « le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite » ; 47. Considérant que la disposition contestée dispense l'administration d'accorder un délai de départ volontaire à l'étranger s'il existe un risque qu'il se soustraie à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire ; qu'elle prévoit que « ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : « a) si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; « b) si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation de visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; « c) si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; « d) si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; « e) si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ; « f) si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561 1 et L. 561-2 » ; 48. Considérant qu'en estimant, dans les six cas énoncés par le paragraphe II de l'article L. 511-1, qu'il existe, sauf circonstance particulière, des risques que l'étranger se soustraie à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire, le législateur a retenu des critères objectifs qui ne sont pas manifestement incompatibles avec la directive que la loi a pour objet de transposer ; que, par suite, les dispositions contestées ne méconnaissent pas l'article 88-1 de la Constitution ; . En ce qui concerne l'interdiction de retour : 49. Considérant que l'article L. 511-1 modifié prévoit, en son paragraphe III, que l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour ; 50. Considérant que les requérants font valoir que le législateur a méconnu les exigences découlant de l'article 8 de la Déclaration de 1789, les droits de la défense et le principe du contradictoire, ainsi que le quatrième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 aux termes duquel : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République » ; 51. Considérant qu'aux termes du septième alinéa du paragraphe III de l'article L. 511-1 : « L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français » ; que la mesure d'interdiction de retour peut également être abrogée par l'autorité administrative ; qu'une telle abrogation est de droit, sauf circonstances particulières tenant à la situation et au comportement de l'intéressé, lorsqu'il a respecté le délai qui lui était imparti par l'obligation de quitter le territoire qui le visait ; 52. Considérant, en premier lieu, que l'interdiction de retour dont l'obligation de quitter le territoire peut être assortie constitue une mesure de police et non une sanction ayant le caractère d'une punition au sens de l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; que, dès lors, le grief tiré de la violation de cette disposition est inopérant ; 53. Considérant, en deuxième lieu, que, sauf pour les décisions prononçant une sanction ayant le caractère d'une punition, les règles et principes de valeur constitutionnelle n'imposent pas par eux-mêmes aux décisions exécutoires émanant d'une autorité administrative de faire l'objet d'une procédure contradictoire préalable ; qu'il s'ensuit que le grief tiré de la violation des droits de la défense et du principe du contradictoire doit être écarté ; 54. Considérant, en troisième lieu, que la demande d'abrogation de l'interdiction de retour n'est recevable que si l'étranger qui la sollicite justifie résider hors de France ; que cette condition n'est pas de nature à porter atteinte au droit d'asile dès lors que le refus d'entrée sur le territoire ne fait pas obstacle, ainsi que le prévoit l'article L. 213-2 du code précité, au dépôt d'une demande d'asile à la frontière ; 55. Considérant, en quatrième lieu, que la mesure ainsi instituée n'est pas manifestement incompatible avec l'article 11 de la directive 2008/115/CE qu'elle a pour objet de transposer ; 56. Considérant que l'article 37 de la loi déférée n'est pas contraire à la Constitution ; - SUR LES ARTICLES 44, 47, 51 ET 56 : 57. Considérant que les articles 44, 47, 51 et 56 ont pour objet de transposer la directive 2008/115/CE susvisée ; qu'ils modifient à cette fin la rédaction des articles L. 551-1, L. 561-1 à L. 561-3, L. 552-1 et L. 552-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ajoutent les articles L. 552-4-1 et L. 562-1 à L. 562-3 ; 58. Considérant que les requérants font valoir que les articles 44 et 51, en ce qu'ils prévoient un délai de cinq jours avant que n'intervienne le juge des libertés et de la détention pour autoriser le maintien d'un étranger en rétention administrative, méconnaissent l'article 9 de la Déclaration de 1789 et l'article 66 de la Constitution ; qu'ils soutiennent également que l'article 44 ainsi que l'article 47 en ce qu'il donne une nouvelle rédaction à l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaissent les objectifs fixés par la directive qu'il s'agit de transposer ; que les mêmes dispositions de l'article 47 porteraient en outre atteinte à la liberté individuelle ou à tout le moins à la liberté d'aller et venir ; qu'ils font également grief à l'article 56 de méconnaître l'article 9 de la Déclaration de 1789 en instituant une rigueur qui n'est pas nécessaire au regard de la liberté individuelle ; . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance des objectifs de la directive : 59. Considérant que l'article 44 de la loi déférée modifie l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ce dernier article ainsi modifié prévoit qu'à moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours ; 60. Considérant que l'article 47 donne à l'article L. 561-2 une nouvelle rédaction : « Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation qui ne peut excéder une durée de quarante cinq jours, renouvelable une fois » ; 61. Considérant que le 1 de l'article 15 de la directive 2008/115/CE dispose : « À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement en particulier lorsque : a) il existe un risque de fuite, ou b) le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement. - Toute rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise » ; qu'en vertu de ces dispositions, le placement en rétention n'est possible que si l'assignation à résidence n'est pas suffisante pour éviter le risque que l'intéressé ne se soustraie à l'obligation de quitter le territoire dont il fait l'objet ; 62. Considérant que les dispositions contestées des articles 44 et 47 ne sont pas manifestement incompatibles avec les objectifs de la directive que la loi déférée a pour objet de transposer ; . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de la liberté individuelle : 63. Considérant que l'article 66 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; que, dans l'exercice de sa compétence, le législateur peut fixer des modalités d'intervention de l'autorité judiciaire différentes selon la nature et la portée des mesures affectant la liberté individuelle qu'il entend édicter ; que la liberté individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la protection à l'autorité judiciaire ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge judiciaire intervient dans le plus court délai possible ; 64. Considérant qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national ; que les conditions de leur entrée et de leur séjour peuvent être restreintes par des mesures de police administrative conférant à l'autorité publique des pouvoirs étendus et reposant sur des règles spécifiques ; que l'objectif de lutte contre l'immigration irrégulière participe de la sauvegarde de l'ordre public qui est une exigence de valeur constitutionnelle ; 65. Considérant que, conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs, figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République celui selon lequel, à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle ; 66. Considérant que le placement en rétention d'un étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire doit respecter le principe, résultant de l'article 66 de la Constitution, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire ; qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle, ainsi que les exigences d'une bonne administration de la justice et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figure la liberté individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la protection à l'autorité judiciaire ; que les atteintes portées à l'exercice de ces libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis ; 67. Considérant que l'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ; - Quant à l'assignation à résidence prévue par l'article L. 561-2 modifié : 68. Considérant que l'article contesté prévoit que l'autorité administrative peut prendre à l'égard d'un étranger qui pourrait être placé en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire une mesure d'assignation à résidence si l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et s'il présente des garanties de représentation ; qu'une telle mesure ne comportant aucune privation de la liberté individuelle, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 66 de la Constitution est inopérant ; - Quant à la prolongation de la rétention au-delà de cinq jours : 69. Considérant que les articles 44 et 51 prévoient que l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative pour une durée de cinq jours et portent de quarante-huit heures à cinq jours le délai au terme duquel le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention ; que le juge des libertés et de la détention statue dans les vingt-quatre heures de sa saisine ; 70. Considérant, en outre, ainsi que le rappelle l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'a pas été modifié, qu'un étranger ne peut être maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l'administration devant exercer toute diligence à cet effet ; 71. Considérant que la loi déférée a également pour objet, dans ses articles 48 et suivants, de modifier les règles relatives au contentieux administratif de l'éloignement ; qu'elle prévoit en particulier que le juge administratif peut être saisi par l'intéressé d'une demande d'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire, de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant ; qu'en cas de placement en rétention, l'étranger, outre qu'il peut contester la mesure d'éloignement, peut également demander, dans les quarante-huit heures suivant sa notification, l'annulation de la décision le plaçant en rétention ; que le juge administratif statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine ; que l'intéressé est remis en liberté si cette mesure est annulée ; qu'il en va de même si l'obligation de quitter le territoire français ou la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire est annulée ; 72. Considérant que le législateur a entendu, dans le respect des règles de répartition des compétences entre les ordres de juridiction, que le juge administratif statue rapidement sur la légalité des mesures administratives relatives à l'éloignement des étrangers avant que n'intervienne le juge judiciaire ; qu'en organisant ainsi le contentieux, le législateur a eu pour but de garantir l'examen prioritaire de la légalité de ces mesures et, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de permettre un traitement plus efficace des procédures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière ; qu'en prévoyant que le juge judiciaire ne sera saisi, aux fins de prolongation de la rétention, qu'après l'écoulement d'un délai de cinq jours à compter de la décision de placement en rétention, il a assuré entre la protection de la liberté individuelle et les objectifs à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice et de protection de l'ordre public, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée ; 73. Considérant que lorsque l'étranger a été placé en rétention administrative à l'issue d'une mesure de garde à vue, la protection constitutionnelle de la liberté individuelle exige que la durée de la garde à vue soit prise en compte pour déterminer le délai avant l'expiration duquel une juridiction de l'ordre judiciaire doit intervenir ; qu'en cas de renouvellement de la garde à vue par le procureur de la République, la durée de celle-ci peut être portée à quarante-huit heures ; que, toutefois, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître l'article 66 de la Constitution, permettre que l'étranger privé de sa liberté soit effectivement présenté à un magistrat du siège après l'expiration d'un délai de sept jours à compter du début de la garde à vue ; que, sous cette réserve, les articles 44 et 51 ne sont pas contraires à l'article 66 de la Constitution ; - Quant à la prolongation de la rétention pour une durée maximale de quarante-cinq jours : 74. Considérant qu'en vertu de l'article 56 de la loi déférée, qui modifie l'article L. 552-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le juge des libertés et de la détention peut être saisi lorsqu'un délai de vingt jours s'est écoulé depuis l'expiration du délai de cinq jours mentionné à l'article L. 552-1 et en cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, ou lorsque l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ; que, si le juge ordonne la prolongation de la rétention, l'ordonnance de prolongation court à compter de l'expiration du délai de vingt jours et pour une nouvelle période d'une durée maximale de vingt jours ; 75. Considérant que les dispositions contestées ne modifient pas les dispositions précitées selon lesquelles l'étranger ne peut être maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l'administration devant exercer toute diligence à cet effet ; que, comme il a été jugé au considérant 66 de la décision du 20 novembre 2003 susvisée, l'autorité judiciaire conserve la possibilité d'interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention, de sa propre initiative ou à la demande de l'étranger, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient ; que, sous cette réserve, les griefs invoqués doivent être écartés ; - Quant à la prolongation de la rétention pour une durée maximale de dix-huit mois : 76. Considérant que les dispositions contestées du quatrième alinéa de l'article 56 de la loi déférée qui modifient le quatrième alinéa de l'article L. 552-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont pour effet de permettre de porter à dix-huit mois la durée de la rétention administrative d'un étranger ; que cette mesure est applicable aux étrangers qui ont été condamnés à une peine d'interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal ou à ceux à l'encontre desquels une mesure d'expulsion a été prononcée pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées ; que la durée maximale de la rétention est, dans un premier temps, fixée à six mois ; qu'elle ne peut être renouvelée que s'il existe une perspective raisonnable d'exécution de la mesure d'éloignement et qu'aucune décision d'assignation à résidence ne permettrait un contrôle suffisant de cet étranger ; qu'en permettant de prolonger de douze mois la rétention administrative d'un étranger « lorsque, malgré les diligences de l'administration, l'éloignement ne peut être exécuté en raison soit du manque de coopération de l'étranger, soit des retards subis pour obtenir du consulat dont il relève les documents de voyage nécessaires », ces dispositions apportent à la liberté individuelle une atteinte contraire à l'article 66 de la Constitution ; que, par suite, la dernière phrase du quatrième alinéa de l'article L. 552-7 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 56 de la loi déférée, doit être déclarée contraire à la Constitution ; . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'aller et de venir : 77. Considérant que les requérants font grief à l'article L. 561-2 dans sa rédaction issue de l'article 47 de porter atteinte à la liberté d'aller et de venir ; 78. Considérant qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et, d'autre part, le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République ; que parmi ces droits et libertés figure la liberté d'aller et de venir ; 79. Considérant que la mesure d'assignation à résidence prévue par la disposition contestée se substitue à une mesure de rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ; qu'une telle mesure, placée sous le contrôle du juge administratif qui en apprécie la nécessité, ne porte pas d'atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et de venir ; 80. Considérant qu'il s'ensuit qu'à l'exception de la dernière phrase du quatrième alinéa de l'article L. 552-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sous les réserves énoncées aux considérants 73 et 75, les articles 44, 51 et 56 de la loi déférée, ainsi que l'article L. 561-2 du code précité sont conformes à la Constitution ; - SUR LES ARTICLES 73 À 88 : 81. Considérant que les requérants ne formulent aucun grief particulier à l'encontre de ces articles ; qu'il n'y a pas lieu de les examiner d'office ; - SUR L'ARTICLE 94 : 82. Considérant que l'article 94 étend aux étrangers dont l'accès au territoire est interdit la sanction de trois ans d'emprisonnement prévue par le premier alinéa de l'article L. 624-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre des étrangers qui méconnaissent leurs obligations en matière d'éloignement ; 83. Considérant que, selon les requérants, ces nouvelles dispositions constituent une erreur manifeste de transposition des articles 15 et 16 de la directive 2008/115/CE en ce qu'elles sanctionnent les étrangers qui méconnaissent leurs obligations en matière d'éloignement ; qu'ils indiquent que la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que cette directive s'oppose à une réglementation qui prévoit l'infliction d'une peine d'emprisonnement à un ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier pour le seul motif que celui-ci demeure, en violation d'un ordre de quitter le territoire de cet État dans un délai déterminé, sur ledit territoire sans motif justifié ; 84. Considérant que les dispositions contestées n'ont pas pour objet de transposer la directive 2008/115/CE ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 88-1 de la Constitution est inopérant ; 85. Considérant que l'article 94 de la loi déférée n'est pas contraire à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 95 : 86. Considérant que le 2° de l'article 95 complète l'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un alinéa ainsi rédigé : « Le bénéfice de l'aide juridictionnelle ne peut pas être demandé dans le cadre d'un recours dirigé contre une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant une demande de réexamen lorsque le requérant a, à l'occasion d'une précédente demande, été entendu par l'office ainsi que par la Cour nationale du droit d'asile, assisté d'un avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle » ; 87. Considérant que les requérants soutiennent que la suppression du bénéfice de l'aide juridictionnelle en cas de réexamen d'une demande d'asile porte atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif ; qu'ils ajoutent qu'elle est manifestement incompatible avec la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié ; 88. Considérant que l'aide juridictionnelle peut être sollicitée par tout étranger déposant une première demande d'asile ; qu'elle peut également l'être dans le cadre d'un réexamen de sa demande dès lors qu'il n'a pas bénéficié de cette aide pour le dépôt de sa première demande ; que les dispositions contestées, qui donnent ainsi à l'étranger la garantie qu'il sera entendu une fois par la Cour nationale du droit d'asile avec l'assistance d'un avocat, ne méconnaissent pas le droit au recours effectif devant une juridiction ; 89. Considérant, en second lieu, que les dispositions contestées n'ont pas pour objet d'assurer la transposition d'une directive ; que, par suite, le grief tiré de ce qu'elles méconnaîtraient l'article 88-1 de la Constitution est inopérant ; 90. Considérant que l'article 95 de la loi déférée n'est pas contraire à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 98 : 91. Considérant que l'article 98 complète l'article L. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il permet à la Cour nationale du droit d'asile de recourir à des moyens de communication audiovisuelle pour entendre les requérants souhaitant présenter des observations au soutien de leur recours ; qu'il dispose, en particulier, que « le requérant qui, séjournant en France métropolitaine, refuse d'être entendu par un moyen de communication audiovisuelle est convoqué, à sa demande, dans les locaux de la cour » ; 92. Considérant que, selon les requérants, en réservant aux seules personnes se trouvant sur le territoire métropolitain la faculté d'exiger d'être entendues dans les locaux de la cour, ces dispositions sont contraires au principe d'égalité ainsi qu'au droit à une procédure juste et équitable ; 93. Considérant, en premier lieu, qu'en permettant que des audiences puissent se tenir au moyen d'une communication audiovisuelle, le législateur a entendu contribuer à la bonne administration de la justice et au bon usage des deniers publics ; qu'il a prévu que la salle d'audience utilisée doit être spécialement aménagée à cet effet, ouverte au public et située dans des locaux relevant du ministère de la justice ; que l'audience doit se dérouler en direct en assurant la confidentialité de la transmission ; que l'intéressé a le droit d'obtenir la communication de l'intégralité de son dossier ; que, s'il est assisté d'un conseil, ce dernier est physiquement présent auprès de lui ; qu'un procès-verbal ou un enregistrement audiovisuel ou sonore des opérations est réalisé ; qu'il résulte de l'ensemble de ces mesures que les dispositions contestées garantissent de façon suffisante la tenue d'un procès juste et équitable ; 94. Considérant, en second lieu, que la Cour nationale du droit d'asile, qui est compétente pour l'ensemble du territoire de la République, a son siège sur le territoire métropolitain ; que, dans ces conditions, la différence instaurée entre les personnes se trouvant sur le territoire métropolitain et les autres ne méconnaît pas le principe d'égalité ; 95. Considérant que l'article 98 de la loi déférée n'est pas contraire à la Constitution ; 96. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- Est déclarée contraire à la Constitution, à l'article 56 de la loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, la dernière phrase du quatrième alinéa de l'article L. 552-7 du même code. Article 2.- Les articles 44 et 51 de la même loi, ainsi que le surplus de l’article 56 sont déclarés conformes à la Constitution sous les réserves énoncées aux considérants 73 et 75. Article 3.- Sont déclarées conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la même loi : - les articles 2, 4, 12, 13, 16, 26, 33, 37, 40, 57, 58, 70, 73 à 88, 94, 95 et 98 ; - le II de l'article 10 ; - à l'article 47, l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, Les observations du Gouvernement et du Président de l’Assemblée nationale sur le recours dirigé contre la loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, appellent en réplique les remarques suivantes de la part des députés signataires de la saisine. Parce que d'une manière générale les requérants ne sont pas convaincus par les arguments en défense avancés par le gouvernement, ils maintiennent l'ensemble des griefs contenus dans leur requête initiale. Sans qu'il soit nécessaire de revenir sur tous les moyens qui demeurent valides, certains éléments appellent les considérations suivantes. SUR LA PROCEDURE Le Président de l’Assemblée nationale vous a transmis des observations par un courrier en date du 25 mai 2001, appuyées par celles du Gouvernement. Celles-ci appellent au moins cinq objections. 1. Tout d’abord, il est indiqué dans ces observations que le débat « était programmé sur deux semaines ». En réalité, celui-ci était uniquement inscrit la dernière semaine de la session extraordinaire se terminant le jeudi 30 septembre 2010. Ce n’est que par une lettre de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, en date du 30 septembre 2010, que l’examen du projet de loi fut prolongé lors des premiers jours de la session ordinaire, en octobre 2010. Il est donc erroné d’affirmer que les députés disposaient, a priori, d’un calendrier fixant à deux semaines l’examen de ce texte. 2. Deuxièmement, selon le Président de l’Assemblée nationale, « Elle (la Conférence) prend les décisions nécessaires à la mise en œuvre du temps législatif programmé, en application de l’article 49 du Règlement. L’alinéa 12 de cet article indique que c’est elle qui, le cas échéant, peut décider d’augmenter le temps alloué aux groupes. Les demandes qui lui sont faites sont présentées par les présidents des groupes ou des commissions et les décisions prises par consensus ou à la majorité ». Or, le Règlement de l’Assemblée nationale ne précise pas que les demandes des présidents des groupes ou des commissions doivent être présentées oralement. Par ailleurs, aucune disposition du Règlement n’interdit la présentation d’une telle demande par écrit. Il est même d’usage que la quasi-totalité des demandes formulées par les groupes en vue d’être abordées en Conférence le soient par écrit, à la demande des services de l’Assemblée, sans être nécessairement formulées par leur représentant en Conférence. Dans sa réponse au président du groupe SRC demandant par écrit un temps supplémentaire, le Président de l’Assemblée nationale a renvoyé à la Conférence des présidents du lendemain le soin de décider du sort de cette demande et précisé qu’il était prêt à l’appuyer. Dans ces conditions, le Président aurait pu appuyer cette demande sans que la présence d’un représentant du groupe SRC soit nécessaire et inviter la Conférence à se prononcer. Ce qu’il n’a pas fait puisqu’il a au contraire considéré qu’il n’était « pas en mesure d’inviter la Conférence à se prononcer, le président du groupe SRC n’étant pas là pour la présenter et n’ayant mandaté aucun membre de son groupe à cet effet ». Il s’agit donc bel et bien d’ « une fin de non recevoir » opposée à la demande écrite du président du groupe SRC. 3. Troisièmement, l’absence des représentants de l’opposition aux Conférences des Présidents du 5 et 6 octobre 2010 était directement liée au conflit entre l’opposition et la présidence de l’Assemblée nationale quant à l’interprétation du règlement concernant le droit d’explication de vote personnelle sur le texte relatif à la réforme des retraites. L’examen de ce dernier précédait celui du projet de loi relatif à l’immigration, l’intégration et la nationalité. En effet, le 14 septembre 2010, lors de l’examen du projet de loi réformant les retraites, le Président de l’Assemblée nationale avait refusé la parole à 142 députés de l’opposition pour leur explication de vote personnelle arguant qu’il « ne laisserait pas, à travers de petites manœuvres l’obstruction, qui est paralysante et dévalorisante pour notre Parlement, se réinstaller.» (compte-rendu intégral, 2e séance du 14 septembre 2010). De plus, le motif selon lequel « les explications de vote individuelles sont destinées [...] à permettre à des membres de l'Assemblée d'exprimer une sensibilité particulière ou une opinion divergente par rapport à celle de leur groupe » (Observations du Gouvernement au Conseil Constitutionnel, 2010-617 DC) alors qu’aucun texte ne précise une telle obligation, a inévitablement conduit les députés du groupe SRC à douter de l’effectivité de ce droit. Par conséquent, il ne pourrait leur être reproché de ne pas avoir utilisé cette faculté alors même que celle-ci leur avait été refusée le mois précédent. 4. Par ailleurs, Le Président de l’Assemblée nationale soulève que « la procédure du temps législatif programmé doit conduire les groupes à définir des priorités et à mettre l’accent sur les points selon eux les plus importants. Manifestement, le groupe SRC n’a pas pu, ou n’a pas voulu le faire ». Cette dernière affirmation ne peut être acceptée. En effet, tout au long de la procédure parlementaire, les députés du groupe SRC ont fait preuve de mesure et de responsabilité quant au temps consacré à chacune des parties de la loi déférée. Ainsi, le groupe SRC a choisi de se priver de temps en discussion générale afin de se concentrer sur la discussion des articles et des amendements. Le groupe SRC n’a, par ailleurs, consacré qu’une heure de son temps pour s’exprimer sur des articles aussi importants que ceux relatifs au respect du contrat d’accueil et d’intégration, à la création de nouvelles zones d’attente « temporaires » ou encore pour examiner l’introduction du système de purge des nullités (2e séance du 30 septembre 2010). De même, seulement 25 minutes ont été consacrées par le groupe SRC à la discussion sur les nouvelles décisions d’éloignement (OQTF, délai de départ volontaire, interdiction de retour, dispositions touchant les ressortissants de l’Union européenne) et sur la décision de repousser l’intervention du JLD du 2e au 5e jour (article 37 à 44, 1ère séance du 6 octobre 2010) et 46 minutes pour traiter notamment de l’assignation à résidence et de la réforme du contentieux administratif (articles 44 à 54, 2e séance du 6 octobre 2010). En quoi, le groupe SRC n’a-t-il pas été responsable dans le temps de ses interventions ? Deux dispositions essentielles ont fait l’objet d’un temps de parole plus important. Le groupe SRC a ainsi utilisé 1h12 de son temps pour évoquer plusieurs articles dont celui concernant les « mariages gris », terme pour le moins contestable. Cela représente 10% de son temps, l’UMP y ayant consacré 5% de son temps. En outre, qui peut affirmer que consacrer 1h48 à l’article problématique relatif à la déchéance de nationalité soit inconséquent ? L’UMP a elle-même utilisé plus de 7% de son temps pour cette disposition. Enfin, contrairement à l’affirmation selon laquelle « en tout état de cause, la durée fixée n’était pas insuffisante », il est utile de relever que le groupe GDR a lui-même était contraint rapidement au silence. De plus, le groupe UMP ne disposait plus que d’1h33 lors de la 1ère séance du 6 octobre pour défendre ses 114 amendements, soit 49 secondes par amendement. Ce temps n’est plus que de 15 secondes si le groupe UMP avait souhaité s’exprimer sur les 74 articles et les 186 amendements de l’opposition restants en discussion. Par conséquent, il est manifeste que le temps programmé était insuffisant pour l’expression sereine des députés, quel que soit leur groupe politique. De ce fait, les députés ont été privés de leur droit d’expression et d’amendement violant de fait les exigences constitutionnelles de clarté et de sincérité du débat parlementaire, sans lesquelles ne seraient pas garanties les règles énoncées par les articles 6 de la Déclaration de 1789 et 3 de la Constitution. 5. Enfin, le Président de l’Assemblée nationale en soulignant que « si les députés du groupe SRC étaient restés dans l’hémicycle leurs amendements auraient été naturellement mis aux voix » tend à nier le fait que les députés de ce groupe auraient été dans l’incapacité réglementaire de demander un scrutin public sur ces amendements. SUR L’ARTICLE 4 Les requérants s’interrogent sur la pertinence de l’argument du gouvernement selon lequel la disposition en cause « poursuit une finalité exclusivement statistique ». En effet, s’il n’est pas difficile d’envisager – sans toutefois préjuger de son opportunité – ce que pourrait être le contenu de données statistiques indiquant la part des Français possédant une ou plusieurs autres nationalités, il est en revanche beaucoup moins aisé de mesurer l’utilité statistique de déterminer la part de ces mêmes Français selon qu’ils entendent conserver ou non leur(s) autre(s) nationalité(s), alors que, comme indiqué dans la saisine initiale, cet élément relève non pas de la volonté des personnes concernées, mais des législations des Etats dont elles possèdent par ailleurs la nationalité. SUR L’ARTICLE 10 Les requérants ne peuvent souscrire aux arguments du Gouvernement pour la bonne et simple raison que ce dernier fait dire à la disposition en cause ce que précisément elle ne dit pas. Ainsi, il indique que le fait qu’un groupe d’étrangers vient d’arriver sur le territoire « résultera normalement de sa découverte à proximité d’une frontière extérieure ». Or cette exigence que la découverte se fasse « à proximité d’une frontière maritime ou terrestre » avait bien été introduite par le Sénat en première lecture, mais elle a justement été ensuite supprimée. Le Gouvernement ne saurait dès lors l’invoquer à bon droit. Il indique ensuite que la durée de la zone d’attente concernée sera limitée dans le temps, « sans possibilité de renouvellement ». Or là aussi, rien dans le texte qui vous est déféré n’exclut cette possibilité de renouvellement. Il prétend également que seuls les étrangers membres d’un groupe seront concernés par le nouveau régime, et non ceux qui, bien que se trouvant dans le périmètre de la zone d’attente concernée, n’appartiennent pas au dit groupe. Mais aucun élément objectif qui permettrait de distinguer un étranger d’un autre étranger dans ce périmètre ne vient à l’appui de sa prétention. Par cette assertion non étayée, il ne fait que donner corps au risque d’arbitraire évoqué par les requérants dans leur saisine initiale. Enfin les requérants s’étonnent que le Gouvernement n’ait pas pris la peine de répondre au grief de l’atteinte au principe d’indivisibilité de la République. Cela les conforte néanmoins dans l’opinion que ce moyen devrait utilement prospérer. SUR LES ARTICLES 12 ET 57 Les requérants donnent acte au Gouvernement d’admettre que « s’il apparaissait que l’étranger a été dans l’impossibilité d’invoquer une irrégularité antérieure à la première audience lors de celle-ci, il devrait pouvoir le faire lors de la seconde ». Il appartiendra cependant à votre haute juridiction d’exprimer une réserve en ce sens, afin que cette interprétation des dispositions concernées s’impose effectivement, conformément au troisième alinéa de l’article 62 de la Constitution, « à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». SUR L’ARTICLE 13 Le gouvernement reconnaît que l’existence de garanties de représentation n’impose pas la remise en liberté d’une personne placée en zone d’attente, mais « peut suffire » à cette remise en liberté. Comme les requérants l’indiquaient dans leur saisine initiale, il s’agit bien là d’une simple faculté. Or la privation de cette faculté pour le Juge des libertés et de la détention (JLD) de justement décider de la remise en liberté d’une personne porte une atteinte manifeste à son office, contraire à l’article 66 de la Constitution et au droit à un recours effectif. A cet argument précis, pourtant développé par les auteurs de la requête initiale, le Gouvernement n’a pas répondu. SUR LES ARTICLES 16 ET 58 Contrairement à ce qu’affirme le Gouvernement, l’expérience n’a pas démontré que le délai de 4 heures pour former un appel suspensif est à l’origine de sa faible utilisation par le ministère public. Il ressort en effet clairement, comme indiqué dans la saisine initiale, que cela résulte de raisons structurelles. Par surcroit, le rapport Mazeaud invoqué par le Gouvernement ne disait pas autre chose, et surtout, il ne proposait pas d’allonger le délai pendant lequel l’appel pouvait être formé, mais de modifier le moment où ce délai commençait à courir, à savoir la notification au procureur de la décision du JLD, et non le prononcé de cette décision. SUR LES ARTICLES 26, 40 et 70 Le Gouvernement évoque le revirement jurisprudentiel (décisions du Conseil d’Etat, n°301640 et n°316625, 7 avril 2010) nécessitant de ce fait les dispositions prévues aux articles 26, 40 et 70. Néanmoins, il apparaît que ces décisions ne faisaient que reprendre les termes et l’esprit de la loi, précisés dès 1998. Ainsi, la circulaire de NOR/INT/D/98/00108/C du 12 mai 1998 indiquait déjà que « la possibilité pour l'intéressé de bénéficier ou non du traitement approprié à son état dans son pays d'origine dépend non seulement de l'existence des moyens sanitaires adéquats, mais encore des capacités d'accès du patient à ces moyens ». Par ailleurs, l’appréciation de « circonstance humanitaire exceptionnelle » par le préfet après avis du directeur général de l’agence régionale de santé, autorités non médicales, conduit à s’interroger sur la préservation du secret médical, contrairement à ce qu’affirme le Gouvernement. Vous avez, à cet égard, rappelé que « la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration de 1789 implique quant à elle le droit au respect de la vie privée. Ce droit requiert que soit observée une particulière vigilance dans la collecte et le traitement de données à caractère personnel de nature médicale » (votre décision 2004-504 DC, 12 août 2004). SUR L’ARTICLE 33 En relevant que, « déjà, à la vérité, la portée du texte actuel (...) n’exige nullement que les deux conjoints soient mus par une intention frauduleuse », le Gouvernement ne fait rien d’autre que reconnaître expressément l’absence de nécessité de la nouvelle disposition pourtant requise par l’article 8 de la Déclaration de 1789, et, par voie de conséquence, l’erreur manifeste d’appréciation commise par le législateur en l’adoptant. SUR L’ARTICLE 37 Quant au risque de fuite, le Gouvernement semble faire abstraction de l’avis du Conseil d’Etat rendu le 21 mars 2011 (n° 345978 et 346612) selon lequel les points 1°, 2° et 4° du II de l’actuel article L. 511-1 du CESEDA, qui correspondent aux a), b), et c) du point 3 de l’article L. 511-1-II ici en cause, ne méconnaissaient pas la directive « retour », à condition que la mesure soit « assortie d’un délai de retour approprié à la situation de l’intéressé et supérieur à sept jours ». Ce considérant est néanmoins de nature à rendre manifeste l’erreur de transposition de la directive « retour » dont se défend le Gouvernement. Quant au fait que l’interdiction de retour ne relèverait pas selon le Gouvernement de l’article 8 de la Déclaration de 1789, les requérants s’en tiennent à votre jurisprudence qui a qualifié sans détour l’interdiction de territoire de sanction ayant le caractère d’une punition (93-325 DC du 13 août 1993, cons. 48-49). Ce caractère punitif est ici d’autant plus manifeste que l’interdiction prononcée ne vaut pas pour le seul territoire français, mais pour l’ensemble du territoire de l’Union européenne. Enfin le Gouvernement indique que l’interdiction de retour ne fait pas « obstacle à ce qu’un étranger qui aurait fait l’objet d’une telle mesure présente à la frontière une demande d’admission sur le territoire national au titre de l’asile ». Encore une fois il fait dire à la loi ce qu’elle ne dit pas. Si c’est effectivement l’interprétation qu’il faut retenir de cette disposition, alors il appartiendra à votre haute juridiction, si elle ne la censure pas, d’émettre une réserve en ce sens. SUR LES ARTICLES 44 ET 47 Le Gouvernement donne raison aux requérants en admettant que l’article L. 551-1 du CESEDA devrait être interprété comme donnant la priorité à l’assignation à résidence sur la rétention administrative. Mais c’est précisément ce que la loi ne dit pas, puisqu’elle fait de l’assignation une simple alternative à la rétention, et en aucun cas une mesure qui doit être envisagée en priorité. Cet aveu du Gouvernement conforte ainsi le grief tiré de l’erreur de transposition manifeste de la directive « retour » énoncé dans la saisine initiale. Quant à l’assignation à résidence en tant que telle, le Gouvernement se méprend sur les arguments avancés par les requérants. Il ressort en effet clairement de la saisine initiale que le manquement à l’article 66 de la Constitution ne résulte pas de l’absence de contrôle judiciaire sur l’assignation à résidence elle-même, mais de l’absence de contrôle judiciaire sur les actes préalables à son prononcé (arrestation, contrôle d’identité, garde à vue). SUR LES ARTICLES 48 ET 51 Les requérants ne peuvent que s’étonner du parallèle que tente d’établir le Gouvernement entre les étrangers en situation irrégulière et les personnes atteintes de troubles mentaux en se référant à votre décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010. Si cette décision est en l’espèce pertinente, c’est uniquement en ce qu’elle rappelle que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible », et que seules des considérations spécifiques aux personnes concernées ont pu justifier un délai supérieur à 48 heures sans intervention du juge judiciaire. C’est ce qui ressort clairement de votre considérant selon lequel : « toutefois, les motifs médicaux et les finalités thérapeutiques qui justifient la privation de liberté des personnes atteintes de troubles mentaux hospitalisées sans leur consentement peuvent être pris en compte pour la fixation de ce délai » (cons. 25). Quant aux interventions des juges administratifs et judiciaires, le Gouvernement s’arc-boute sur l’idée que l’intervention du juge administratif devrait être préalable à celle du juge judiciaire, au mépris du rôle dévolu à chaque ordre de juridictions. Contrairement à ce qu’il affirme, l’intervention préalable du juge judiciaire ne prive en aucun cas d’effet utile celle du juge administratif. En effet, ce dernier peut être saisi, conformément à l’article 34 de la loi, en plus de la décision de placement en rétention, de l’obligation de quitter le territoire, de la décision de refus de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination, et de l’interdiction de retour. Or même si le JLD décide de la non prolongation de la rétention, la décision du juge administratif gardera tout son effet si elle vient à valider l’ensemble de ces décisions qui pourront par la suite faire l’objet d’une exécution, sans pouvoir être à nouveau contestées. Quant à l’argument selon lequel le régime de la garde à vue et de la rétention administrative sont distincts, il ne saurait prospérer. A suivre ce raisonnement en effet, il suffirait de faire se suivre des privations de liberté de courte durée selon des régimes distincts pour échapper à tout contrôle du juge judiciaire. Votre haute juridiction ne s’y est d’ailleurs pas trompée en jugeant que le régime de mise à la disposition de la justice pour une durée de 20 heures, fut-il distinct de celui de la garde à vue, exigeait néanmoins l’intervention d’un magistrat du siège lorsque la garde à vue avait duré 48 heures (2010-80 QPC du 17 décembre 2010, cons. 11). SUR L’ARTICLE 56 Le Gouvernement avance que ce sont 20 à 30 % des procédures de reconduite à la frontière qui échouent en raison d’une délivrance des laissez-passer consulaires tardive. Ce n’est pourtant absolument pas ce qui ressort du dernier rapport Comité interministériel de contrôle de l’immigration qui indique que pour 2009, sur 12219 laissez-passer demandés, 3823 ont été obtenus, 3870 refusés, et seulement 404 obtenus hors délai, soit 3,3 % (p. 78). SUR L’ARTICLE 94 Vous ne pourrez vous rendre aux arguments du Gouvernement selon lequel l’article 94 n’a pas pour objet de transposer la directive « retour ». Comme il l’est indiqué dans le commentaire aux Cahiers de votre décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008, « l’identification d’une loi de transposition au sens de l’article 88-1 de la Constitution est parfois rendue aisée par les termes mêmes de la loi si celle-ci indique elle-même qu’elle transpose ou qu’une partie de ses dispositions transpose une directive », et, « en l’absence d’indication par le législateur, le Conseil constitutionnel utilise le texte de la directive invoquée en le comparant à la loi déférée, ainsi qu’un faisceau d’indices tels que les travaux préparatoires de la loi (exposé des motifs, rapports, débats) ou des décisions juridictionnelles afin de déterminer si la disposition législative entre dans le champ de transposition de la directive ». Or, primo, il ne saurait être contesté que la loi qui vous est soumise a, tout au moins en partie, vocation à transcrire dans le droit interne ladite directive. Et, secundo, comme l’indique l’exposé des motifs du projet de loi initial, cet article en particulier est une disposition de « coordination » des nouvelles dispositions du CESEDA qui mettent directement en œuvre la directive « retour ». Pour s’en convaincre, il suffit de relever que l’article 94 se réfère à l’interdiction de retour dont il n’est pas contestable qu’elle découle de la directive. Mais, de manière plus générale, les requérants attirent votre attention sur le caractère potentiellement pernicieux de l’argumentation que vous soumet le Gouvernement. En effet, à suivre son raisonnement, on aboutirait à ce qu’une disposition législative qui serait tellement manifestement contraire à la directive qu’elle transpose ne pourrait être regardée comme ayant pour objet de la transposer. Cela reviendrait à assimiler le manquement à l’obligation de transposition à une absence de transposition, alors même qu’il vous appartient de vérifier que « la loi de transposition ne contredise ni les dispositions ni l’objectif général de la directive qu’elle a pour objet de transposer » (commentaire aux Cahiers précité de votre décision n° 2008-564 DC). Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, Les observations du Gouvernement et du Président de l'Assemblée nationale sur le recours dirigé contre la loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, appellent en réplique les remarques suivantes de la part des députés signataires de la saisine. Parce que d'une manière générale les requérants ne sont pas convaincus par les arguments en défense avancés par le gouvernement, ils maintiennent l'ensemble des griefs contenus dans leur requête initiale. Sans qu'il soit nécessaire de revenir sur tous les moyens qui demeurent valides, certains éléments appellent les considérations suivantes. SUR LA PROCEDURE Le Président de l'Assemblée nationale vous a transmis des observations par un courrier en date du 25 mai 2001, appuyées par celles du Gouvernement. Celles-ci appellent au moins cinq objections. 1. Tout d'abord, il est indiqué dans ces observations que le débat « était programmé sur deux semaines ». En réalité, celui-ci était uniquement inscrit la dernière semaine de la session extraordinaire se terminant le jeudi 30 septembre 2010. Ce n'est que par une lettre de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, en date du 30 septembre 2010, que l'examen du projet de loi fut prolongé lors des premiers jours de la session ordinaire, en octobre 2010. Il est donc erroné d'affirmer que les députés disposaient, a priori, d'un calendrier fixant à deux semaines l'examen de ce texte. 2. Deuxièmement, selon le Président de l'Assemblée nationale, « Elle (la Conférence) prend les décisions nécessaires à la mise en œuvre du temps législatif programmé, en application de l'article 49 du Règlement. L'alinéa 12 de cet article indique que c'est elle qui, le cas échéant, peut décider d'augmenter le temps alloué aux groupes. Les demandes qui lui sont faites sont présentées par les présidents des groupes ou des commissions et les décisions prises par consensus ou à la majorité ». Or, le Règlement de l'Assemblée nationale ne précise pas que les demandes des présidents des groupes ou des commissions doivent être présentées oralement. Par ailleurs, aucune disposition du Règlement n'interdit la présentation d'une telle demande par écrit. Il est même d'usage que la quasi-totalité des demandes formulées par les groupes en vue d'être abordées en Conférence le soient par écrit, à la demande des services de l'Assemblée, sans être nécessairement formulées par leur représentant en Conférence. Dans sa réponse au président du groupe SRC demandant par écrit un temps supplémentaire, le Président de l'Assemblée nationale a renvoyé à la Conférence des présidents du lendemain le soin de décider du sort de cette demande et précisé qu'il était prêt à l'appuyer. Dans ces conditions, le Président aurait pu appuyer cette demande sans que la présence d'un représentant du groupe SRC soit nécessaire et inviter la Conférence à se prononcer. Ce qu'il n'a pas fait puisqu'il a au contraire considéré qu'il n'était « pas en mesure d'inviter la Conférence à se prononcer, le président du groupe SRC n'étant pas là pour la présenter et n'ayant mandaté aucun membre de son groupe à cet effet ». Il s'agit donc bel et bien d' « une fin de non recevoir » opposée à la demande écrite du président du groupe SRC. 3. Troisièmement, l'absence des représentants de l'opposition aux Conférences des Présidents du 5 et 6 octobre 2010 était directement liée au conflit entre l'opposition et la présidence de l'Assemblée nationale quant à l'interprétation du règlement concernant le droit d'explication de vote personnelle sur le texte relatif à la réforme des retraites. L'examen de ce dernier précédait celui du projet de loi relatif à l'immigration, l'intégration et la nationalité. En effet, le 14 septembre 2010, lors de l'examen du projet de loi réformant les retraites, le Président de l'Assemblée nationale avait refusé la parole à 142 députés de l'opposition pour leur explication de vote personnelle arguant qu'il « ne laisserait pas, à travers de petites manœuvres l'obstruction, qui est paralysante et dévalorisante pour notre Parlement, se réinstaller.» (compte-rendu intégral, 2e séance du 14 septembre 2010). De plus, le motif selon lequel « les explications de vote individuelles sont destinées [...] à permettre à des membres de l'Assemblée d'exprimer une sensibilité particulière ou une opinion divergente par rapport à celle de leur groupe » (Observations du Gouvernement au Conseil Constitutionnel, 2010-617 DC) alors qu'aucun texte ne précise une telle obligation, a inévitablement conduit les députés du groupe SRC à douter de l'effectivité de ce droit. Par conséquent, il ne pourrait leur être reproché de ne pas avoir utilisé cette faculté alors même que celle-ci leur avait été refusée le mois précédent. 4. Par ailleurs, Le Président de l'Assemblée nationale soulève que « la procédure du temps législatif programmé doit conduire les groupes à définir des priorités et à mettre l'accent sur les points selon eux les plus importants. Manifestement, le groupe SRC n'a pas pu, ou n'a pas voulu le faire ». Cette dernière affirmation ne peut être acceptée. En effet, tout au long de la procédure parlementaire, les députés du groupe SRC ont fait preuve de mesure et de responsabilité quant au temps consacré à chacune des parties de la loi déférée. Ainsi, le groupe SRC a choisi de se priver de temps en discussion générale afin de se concentrer sur la discussion des articles et des amendements. Le groupe SRC n'a, par ailleurs, consacré qu'une heure de son temps pour s'exprimer sur des articles aussi importants que ceux relatifs au respect du contrat d'accueil et d'intégration, à la création de nouvelles zones d'attente « temporaires » ou encore pour examiner l'introduction du système de purge des nullités (2e séance du 30 septembre 2010). De même, seulement 25 minutes ont été consacrées par le groupe SRC à la discussion sur les nouvelles décisions d'éloignement (OQTF, délai de départ volontaire, interdiction de retour, dispositions touchant les ressortissants de l'Union européenne) et sur la décision de repousser l'intervention du JLD du 2e au 5e jour (article 37 à 44, 1ère séance du 6 octobre 2010) et 46 minutes pour traiter notamment de l'assignation à résidence et de la réforme du contentieux administratif (articles 44 à 54, 2e séance du 6 octobre 2010). En quoi, le groupe SRC n'a-t-il pas été responsable dans le temps de ses interventions ? Deux dispositions essentielles ont fait l'objet d'un temps de parole plus important. Le groupe SRC a ainsi utilisé 1h12 de son temps pour évoquer plusieurs articles dont celui concernant les « mariages gris », terme pour le moins contestable. Cela représente 10% de son temps, l'UMP y ayant consacré 5% de son temps. En outre, qui peut affirmer que consacrer 1h48 à l'article problématique relatif à la déchéance de nationalité soit inconséquent ? L'UMP a elle-même utilisé plus de 7% de son temps pour cette disposition. Enfin, contrairement à l'affirmation selon laquelle « en tout état de cause, la durée fixée n'était pas insuffisante », il est utile de relever que le groupe GDR a lui-même était contraint rapidement au silence. De plus, le groupe UMP ne disposait plus que d'1h33 lors de la 1ère séance du 6 octobre pour défendre ses 114 amendements, soit 49 secondes par amendement. Ce temps n'est plus que de 15 secondes si le groupe UMP avait souhaité s'exprimer sur les 74 articles et les 186 amendements de l'opposition restants en discussion. Par conséquent, il est manifeste que le temps programmé était insuffisant pour l'expression sereine des députés, quel que soit leur groupe politique. De ce fait, les députés ont été privés de leur droit d'expression et d'amendement violant de fait les exigences constitutionnelles de clarté et de sincérité du débat parlementaire, sans lesquelles ne seraient pas garanties les règles énoncées par les articles 6 de la Déclaration de 1789 et 3 de la Constitution. 5. Enfin, le Président de l'Assemblée nationale en soulignant que « si les députés du groupe SRC étaient restés dans l'hémicycle leurs amendements auraient été naturellement mis aux voix » tend à nier le fait que les députés de ce groupe auraient été dans l'incapacité réglementaire de demander un scrutin public sur ces amendements. SUR L'ARTICLE 4 Les requérants s'interrogent sur la pertinence de l'argument du gouvernement selon lequel la disposition en cause « poursuit une finalité exclusivement statistique ». En effet, s'il n'est pas difficile d'envisager – sans toutefois préjuger de son opportunité – ce que pourrait être le contenu de données statistiques indiquant la part des Français possédant une ou plusieurs autres nationalités, il est en revanche beaucoup moins aisé de mesurer l'utilité statistique de déterminer la part de ces mêmes Français selon qu'ils entendent conserver ou non leur(s) autre(s) nationalité(s), alors que, comme indiqué dans la saisine initiale, cet élément relève non pas de la volonté des personnes concernées, mais des législations des Etats dont elles possèdent par ailleurs la nationalité. SUR L'ARTICLE 10 Les requérants ne peuvent souscrire aux arguments du Gouvernement pour la bonne et simple raison que ce dernier fait dire à la disposition en cause ce que précisément elle ne dit pas. Ainsi, il indique que le fait qu'un groupe d'étrangers vient d'arriver sur le territoire « résultera normalement de sa découverte à proximité d'une frontière extérieure ». Or cette exigence que la découverte se fasse « à proximité d'une frontière maritime ou terrestre » avait bien été introduite par le Sénat en première lecture, mais elle a justement été ensuite supprimée. Le Gouvernement ne saurait dès lors l'invoquer à bon droit. Il indique ensuite que la durée de la zone d'attente concernée sera limitée dans le temps, « sans possibilité de renouvellement ». Or là aussi, rien dans le texte qui vous est déféré n'exclut cette possibilité de renouvellement. Il prétend également que seuls les étrangers membres d'un groupe seront concernés par le nouveau régime, et non ceux qui, bien que se trouvant dans le périmètre de la zone d'attente concernée, n'appartiennent pas au dit groupe. Mais aucun élément objectif qui permettrait de distinguer un étranger d'un autre étranger dans ce périmètre ne vient à l'appui de sa prétention. Par cette assertion non étayée, il ne fait que donner corps au risque d'arbitraire évoqué par les requérants dans leur saisine initiale. Enfin les requérants s'étonnent que le Gouvernement n'ait pas pris la peine de répondre au grief de l'atteinte au principe d'indivisibilité de la République. Cela les conforte néanmoins dans l'opinion que ce moyen devrait utilement prospérer. SUR LES ARTICLES 12 ET 57 Les requérants donnent acte au Gouvernement d'admettre que « s'il apparaissait que l'étranger a été dans l'impossibilité d'invoquer une irrégularité antérieure à la première audience lors de celle-ci, il devrait pouvoir le faire lors de la seconde ». Il appartiendra cependant à votre haute juridiction d'exprimer une réserve en ce sens, afin que cette interprétation des dispositions concernées s'impose effectivement, conformément au troisième alinéa de l'article 62 de la Constitution, « à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». SUR L'ARTICLE 13 Le gouvernement reconnaît que l'existence de garanties de représentation n'impose pas la remise en liberté d'une personne placée en zone d'attente, mais « peut suffire » à cette remise en liberté. Comme les requérants l'indiquaient dans leur saisine initiale, il s'agit bien là d'une simple faculté. Or la privation de cette faculté pour le Juge des libertés et de la détention (JLD) de justement décider de la remise en liberté d'une personne porte une atteinte manifeste à son office, contraire à l'article 66 de la Constitution et au droit à un recours effectif. A cet argument précis, pourtant développé par les auteurs de la requête initiale, le Gouvernement n'a pas répondu. SUR LES ARTICLES 16 ET 58 Contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement, l'expérience n'a pas démontré que le délai de 4 heures pour former un appel suspensif est à l'origine de sa faible utilisation par le ministère public. Il ressort en effet clairement, comme indiqué dans la saisine initiale, que cela résulte de raisons structurelles. Par surcroit, le rapport Mazeaud invoqué par le Gouvernement ne disait pas autre chose, et surtout, il ne proposait pas d'allonger le délai pendant lequel l'appel pouvait être formé, mais de modifier le moment où ce délai commençait à courir, à savoir la notification au procureur de la décision du JLD, et non le prononcé de cette décision. SUR LES ARTICLES 26, 40 et 70 Le Gouvernement évoque le revirement jurisprudentiel (décisions du Conseil d'Etat, n°301640 et n°316625, 7 avril 2010) nécessitant de ce fait les dispositions prévues aux articles 26, 40 et 70. Néanmoins, il apparaît que ces décisions ne faisaient que reprendre les termes et l'esprit de la loi, précisés dès 1998. Ainsi, la circulaire de NOR/INT/D/98/00108/C du 12 mai 1998 indiquait déjà que « la possibilité pour l'intéressé de bénéficier ou non du traitement approprié à son état dans son pays d'origine dépend non seulement de l'existence des moyens sanitaires adéquats, mais encore des capacités d'accès du patient à ces moyens ». Par ailleurs, l'appréciation de « circonstance humanitaire exceptionnelle » par le préfet après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, autorités non médicales, conduit à s'interroger sur la préservation du secret médical, contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement. Vous avez, à cet égard, rappelé que « la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration de 1789 implique quant à elle le droit au respect de la vie privée. Ce droit requiert que soit observée une particulière vigilance dans la collecte et le traitement de données à caractère personnel de nature médicale » (votre décision 2004-504 DC, 12 août 2004). SUR L'ARTICLE 33 En relevant que, « déjà, à la vérité, la portée du texte actuel (...) n'exige nullement que les deux conjoints soient mus par une intention frauduleuse », le Gouvernement ne fait rien d'autre que reconnaître expressément l'absence de nécessité de la nouvelle disposition pourtant requise par l'article 8 de la Déclaration de 1789, et, par voie de conséquence, l'erreur manifeste d'appréciation commise par le législateur en l'adoptant. SUR L'ARTICLE 37 Quant au risque de fuite, le Gouvernement semble faire abstraction de l'avis du Conseil d'Etat rendu le 21 mars 2011 (n° 345978 et 346612) selon lequel les points 1°, 2° et 4° du II de l'actuel article L. 511-1 du CESEDA, qui correspondent aux a), b), et c) du point 3 de l'article L. 511-1-II ici en cause, ne méconnaissaient pas la directive « retour », à condition que la mesure soit « assortie d'un délai de retour approprié à la situation de l'intéressé et supérieur à sept jours ». Ce considérant est néanmoins de nature à rendre manifeste l'erreur de transposition de la directive « retour » dont se défend le Gouvernement. Quant au fait que l'interdiction de retour ne relèverait pas selon le Gouvernement de l'article 8 de la Déclaration de 1789, les requérants s'en tiennent à votre jurisprudence qui a qualifié sans détour l'interdiction de territoire de sanction ayant le caractère d'une punition (93-325 DC du 13 août 1993, cons. 48-49). Ce caractère punitif est ici d'autant plus manifeste que l'interdiction prononcée ne vaut pas pour le seul territoire français, mais pour l'ensemble du territoire de l'Union européenne. Enfin le Gouvernement indique que l'interdiction de retour ne fait pas « obstacle à ce qu'un étranger qui aurait fait l'objet d'une telle mesure présente à la frontière une demande d'admission sur le territoire national au titre de l'asile ». Encore une fois il fait dire à la loi ce qu'elle ne dit pas. Si c'est effectivement l'interprétation qu'il faut retenir de cette disposition, alors il appartiendra à votre haute juridiction, si elle ne la censure pas, d'émettre une réserve en ce sens. SUR LES ARTICLES 44 ET 47 Le Gouvernement donne raison aux requérants en admettant que l'article L. 551-1 du CESEDA devrait être interprété comme donnant la priorité à l'assignation à résidence sur la rétention administrative. Mais c'est précisément ce que la loi ne dit pas, puisqu'elle fait de l'assignation une simple alternative à la rétention, et en aucun cas une mesure qui doit être envisagée en priorité. Cet aveu du Gouvernement conforte ainsi le grief tiré de l'erreur de transposition manifeste de la directive « retour » énoncé dans la saisine initiale. Quant à l'assignation à résidence en tant que telle, le Gouvernement se méprend sur les arguments avancés par les requérants. Il ressort en effet clairement de la saisine initiale que le manquement à l'article 66 de la Constitution ne résulte pas de l'absence de contrôle judiciaire sur l'assignation à résidence elle-même, mais de l'absence de contrôle judiciaire sur les actes préalables à son prononcé (arrestation, contrôle d'identité, garde à vue). SUR LES ARTICLES 48 ET 51 Les requérants ne peuvent que s'étonner du parallèle que tente d'établir le Gouvernement entre les étrangers en situation irrégulière et les personnes atteintes de troubles mentaux en se référant à votre décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010. Si cette décision est en l'espèce pertinente, c'est uniquement en ce qu'elle rappelle que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible », et que seules des considérations spécifiques aux personnes concernées ont pu justifier un délai supérieur à 48 heures sans intervention du juge judiciaire. C'est ce qui ressort clairement de votre considérant selon lequel : « toutefois, les motifs médicaux et les finalités thérapeutiques qui justifient la privation de liberté des personnes atteintes de troubles mentaux hospitalisées sans leur consentement peuvent être pris en compte pour la fixation de ce délai » (cons. 25). Quant aux interventions des juges administratifs et judiciaires, le Gouvernement s'arc-boute sur l'idée que l'intervention du juge administratif devrait être préalable à celle du juge judiciaire, au mépris du rôle dévolu à chaque ordre de juridictions. Contrairement à ce qu'il affirme, l'intervention préalable du juge judiciaire ne prive en aucun cas d'effet utile celle du juge administratif. En effet, ce dernier peut être saisi, conformément à l'article 34 de la loi, en plus de la décision de placement en rétention, de l'obligation de quitter le territoire, de la décision de refus de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination, et de l'interdiction de retour. Or même si le JLD décide de la non prolongation de la rétention, la décision du juge administratif gardera tout son effet si elle vient à valider l'ensemble de ces décisions qui pourront par la suite faire l'objet d'une exécution, sans pouvoir être à nouveau contestées. Quant à l'argument selon lequel le régime de la garde à vue et de la rétention administrative sont distincts, il ne saurait prospérer. A suivre ce raisonnement en effet, il suffirait de faire se suivre des privations de liberté de courte durée selon des régimes distincts pour échapper à tout contrôle du juge judiciaire. Votre haute juridiction ne s'y est d'ailleurs pas trompée en jugeant que le régime de mise à la disposition de la justice pour une durée de 20 heures, fut-il distinct de celui de la garde à vue, exigeait néanmoins l'intervention d'un magistrat du siège lorsque la garde à vue avait duré 48 heures (2010-80 QPC du 17 décembre 2010, cons. 11). SUR L'ARTICLE 56 Le Gouvernement avance que ce sont 20 à 30 % des procédures de reconduite à la frontière qui échouent en raison d'une délivrance des laissez-passer consulaires tardive. Ce n'est pourtant absolument pas ce qui ressort du dernier rapport Comité interministériel de contrôle de l'immigration qui indique que pour 2009, sur 12219 laissez-passer demandés, 3823 ont été obtenus, 3870 refusés, et seulement 404 obtenus hors délai, soit 3,3 % (p. 78). SUR L'ARTICLE 94 Vous ne pourrez vous rendre aux arguments du Gouvernement selon lequel l'article 94 n'a pas pour objet de transposer la directive « retour ». Comme il l'est indiqué dans le commentaire aux Cahiers de votre décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008, « l'identification d'une loi de transposition au sens de l'article 88-1 de la Constitution est parfois rendue aisée par les termes mêmes de la loi si celle-ci indique elle-même qu'elle transpose ou qu'une partie de ses dispositions transpose une directive », et, « en l'absence d'indication par le législateur, le Conseil constitutionnel utilise le texte de la directive invoquée en le comparant à la loi déférée, ainsi qu'un faisceau d'indices tels que les travaux préparatoires de la loi (exposé des motifs, rapports, débats) ou des décisions juridictionnelles afin de déterminer si la disposition législative entre dans le champ de transposition de la directive ». Or, primo, il ne saurait être contesté que la loi qui vous est soumise a, tout au moins en partie, vocation à transcrire dans le droit interne ladite directive. Et, secundo, comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi initial, cet article en particulier est une disposition de « coordination » des nouvelles dispositions du CESEDA qui mettent directement en œuvre la directive « retour ». Pour s'en convaincre, il suffit de relever que l'article 94 se réfère à l'interdiction de retour dont il n'est pas contestable qu'elle découle de la directive. Mais, de manière plus générale, les requérants attirent votre attention sur le caractère potentiellement pernicieux de l'argumentation que vous soumet le Gouvernement. En effet, à suivre son raisonnement, on aboutirait à ce qu'une disposition législative qui serait tellement manifestement contraire à la directive qu'elle transpose ne pourrait être regardée comme ayant pour objet de la transposer. Cela reviendrait à assimiler le manquement à l'obligation de transposition à une absence de transposition, alors même qu'il vous appartient de vérifier que « la loi de transposition ne contredise ni les dispositions ni l'objectif général de la directive qu'elle a pour objet de transposer » (commentaire aux Cahiers précité de votre décision n° 2008-564 DC). Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, Les observations du Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, appellent en réplique les remarques suivantes de la part des députés et sénateurs socialistes. Parce que d'une manière générale les requérants ne sont pas convaincus par les arguments en défense avancés par le gouvernement, ils maintiennent l'ensemble des griefs contenus dans leur requête initiale. Sans qu'il soit nécessaire de revenir sur tous les moyens qui demeurent valides, certains éléments appellent les considérations suivantes. SUR L'ARTICLE 4 Les requérants s'interrogent sur la pertinence de l'argument du gouvernement selon lequel la disposition en cause « poursuit une finalité exclusivement statistique ». En effet, s'il n'est pas difficile d'envisager – sans toutefois préjuger de son opportunité – ce que pourrait être le contenu de données statistiques indiquant la part des français possédant une ou plusieurs autres nationalités, il est en revanche beaucoup moins aisé de mesurer l'utilité statistique de déterminer la part de ces mêmes français selon qu'ils entendent conserver ou non leur(s) autre(s) nationalité(s), alors que, comme indiqué dans la saisine initiale, cet élément relève non pas de la volonté des personnes concernées, mais des législations des Etats dont elles possèdent par ailleurs la nationalité. SUR L'ARTICLE 10 Les requérants ne peuvent souscrire aux arguments du Gouvernement pour la bonne et simple raison que ce dernier fait dire à la disposition en cause ce que précisément elle ne dit pas. Ainsi, il indique que le fait qu'un groupe d'étrangers vient d'arriver sur le territoire « résultera normalement de sa découverte à proximité d'une frontière extérieure ». Or cette exigence que la découverte se fasse « à proximité d'une frontière maritime ou terrestre » avait bien été introduite par le Sénat en première lecture, mais elle a justement été ensuite supprimée. Le Gouvernement ne saurait dès lors l'invoquer à bon droit. Il indique ensuite que la durée de la zone d'attente concernée sera limitée dans le temps, « sans possibilité de renouvellement ». Or là aussi, rien dans le texte qui vous est déféré n'exclut cette possibilité de renouvellement. Il prétend également que seuls les étrangers membres d'un groupe seront concernés par le nouveau régime, et non ceux qui, bien que se trouvant dans le périmètre de la zone d'attente concernée, n'appartiennent pas audit groupe. Mais aucun élément objectif qui permettrait de distinguer un étranger d'un autre étranger dans ce périmètre ne vient à l'appui de sa prétention. Par cette assertion non étayée, il ne fait que donner corps au risque d'arbitraire évoqué par les requérants dans leur saisine initiale. Enfin les requérants s'étonnent que le Gouvernement n'ait pas pris la peine de répondre au grief de l'atteinte au principe d'indivisibilité de la République. Cela les conforte néanmoins dans l'opinion que ce moyen devrait utilement prospérer. SUR LES ARTICLES 12 ET 57 Les requérants donnent acte au Gouvernement d'admettre que « s'il apparaissait que l'étranger a été dans l'impossibilité d'invoquer une irrégularité antérieure à la première audience lors de celle-ci, il devrait pouvoir le faire lors de la seconde ». Il appartiendra cependant à votre haute juridiction d'exprimer une réserve en ce sens, afin que cette interprétation des dispositions concernées s'impose effectivement, conformément au troisième alinéa de l'article 62 de la Constitution, « à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». SUR L'ARTICLE 13 Le gouvernement reconnaît que l'existence de garanties de représentation n'impose pas la remise en liberté d'une personne placée en zone d'attente, mais « peut suffire » à cette remise en liberté. Comme les requérants l'indiquaient dans leur saisine initiale, il s'agit bien là d'une simple faculté. Or la privation de cette faculté pour le Juge des libertés et de la détention (JLD) de justement décider de la remise en liberté d'une personne porte une atteinte manifeste à son office, contraire à l'article 66 de la Constitution et au droit à un recours effectif. A cet argument précis, pourtant développé par les auteurs de la requête initiale, le Gouvernement n'a pas répondu. SUR LES ARTICLES 16 ET 58 Contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement, l'expérience n'a pas démontré que le délai de 4 heures pour former un appel suspensif est à l'origine de sa faible utilisation par le ministère public. Il ressort en effet clairement, comme indiqué dans la saisine initiale, que cela résulte de raisons structurelles. Par surcroit, le rapport Mazeaud invoqué par le Gouvernement ne disait pas autre chose, et surtout, il ne proposait pas d'allonger le délai pendant lequel l'appel pouvait être formé, mais de modifier le moment où ce délai commençait à courir, à savoir la notification au procureur de la décision du JLD, et non le prononcé de cette décision. SUR L'ARTICLE 33 En relevant que, « déjà, à la vérité, la portée du texte actuel (...) n'exige nullement que les deux conjoints soient mus par une intention frauduleuse », le Gouvernement ne fait rien d'autre que reconnaître expressément l'absence de nécessité de la nouvelle disposition pourtant requise par l'article 8 de la Déclaration de 1789, et, par voie de conséquence, l'erreur manifeste d'appréciation commise par le législateur en l'adoptant. SUR L'ARTICLE 37 Quant au risque de fuite, le Gouvernement semble faire abstraction de l'avis du Conseil d'Etat rendu le 21 mars 2011 (n° 345978 et 346612) selon lequel les points 1°, 2° et 4° du II de l'actuel article L. 511-1 du CESEDA, qui correspondent aux a), b), et c) du point 3 de l'article L. 511-1-II ici en cause, ne méconnaissaient pas la directive « retour », à condition que la mesure soit « assortie d'un délai de retour approprié à la situation de l'intéressé et supérieur à sept jours ». Ce considérant est néanmoins de nature à rendre manifeste l'erreur de transposition de la directive « retour » dont se défend le Gouvernement. Quant au fait que l'interdiction de retour ne relèverait pas selon le Gouvernement de l'article 8 de la Déclaration de 1789, les requérants s'en tiennent à votre jurisprudence qui a qualifié sans détour l'interdiction de territoire de sanction ayant le caractère d'une punition (93-325 DC du 13 août 1993, cons. 48-49). Ce caractère punitif est ici d'autant plus manifeste que l'interdiction prononcée ne vaut pas pour le seul territoire Français, mais pour l'ensemble du territoire de l'Union européenne. Enfin le Gouvernement indique que l'interdiction de retour ne fait pas « obstacle à ce qu'un étranger qui aurait fait l'objet d'une telle mesure présente à la frontière une demande d'admission sur le territoire national au titre de l'asile ». Encore une fois il fait dire à la loi ce qu'elle ne dit pas. Si c'est effectivement l'interprétation qu'il faut retenir de cette disposition, alors il appartiendra à votre haute juridiction, si elle ne la censure pas, d'émettre une réserve en ce sens. SUR LES ARTICLES 44 ET 47 Le Gouvernement donne raison aux requérants en admettant que l'article L. 551-1 du CESEDA devrait être interprété comme donnant la priorité à l'assignation à résidence sur la rétention administrative. Mais c'est précisément ce que la loi ne dit pas, puisqu'elle fait de l'assignation une simple alternative à la rétention, et en aucun cas une mesure qui doit être envisagée en priorité. Cet aveu du Gouvernement conforte ainsi le grief tiré de l'erreur de transposition manifeste de la directive « retour » énoncé dans la saisine initiale. Quant à l'assignation à résidence en tant que telle, le Gouvernement se méprend sur les arguments avancés par les requérants. Il ressort en effet clairement de la saisine initiale que le manquement à l'article 66 de la Constitution ne résulte pas de l'absence de contrôle judiciaire sur l'assignation à résidence elle-même, mais de l'absence de contrôle judiciaire sur les actes préalables à son prononcé (arrestation, contrôle d'identité, garde à vue). SUR LES ARTICLES 48 ET 51 Les requérants ne peuvent que s'étonner du parallèle que tente d'établir le Gouvernement entre les étrangers en situation irrégulière et les personnes attentes de troubles mentaux en se référant à votre décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010. Si cette décision est en l'espèce pertinente, c'est uniquement en ce qu'elle rappelle que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible », et que seules des considérations spécifiques aux personnes concernées ont pu justifier un délai supérieur à 48 heures sans intervention du juge judiciaire. C'est ce qui ressort clairement de votre considérant selon lequel : « toutefois, les motifs médicaux et les finalités thérapeutiques qui justifient la privation de liberté des personnes atteintes de troubles mentaux hospitalisées sans leur consentement peuvent être pris en compte pour la fixation de ce délai » (cons. 25). Quant aux interventions des juges administratifs et judiciaires, le Gouvernement s'arcboute sur l'idée que l'intervention du juge administratif devrait être préalable à celle du juge judiciaire, au mépris du rôle dévolu à chaque ordre de juridictions. Contrairement à ce qu'il affirme, l'intervention préalable du juge judiciaire ne prive en aucun cas d'effet utile celle du juge administratif. En effet, ce dernier peut être saisi, conformément à l'article 34 de la loi, en plus de la décision de placement en rétention, de l'Obligation de quitter le territoire, de la décision de refus de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination, et de l'interdiction de retour. Or même si le JLD décide de la non prolongation de la rétention, la décision du juge administratif gardera tout son effet si elle vient à valider l'ensemble de ces décisions qui pourront par la suite faire l'objet d'une exécution, sans pouvoir être à nouveau contestées. Quant à l'argument selon lequel le régime de la garde à vue et de la rétention administrative sont distincts, il ne saurait prospérer. A suivre ce raisonnement en effet, il suffirait de faire se suivre des privations de liberté de courte durée selon des régimes distincts pour échapper à tout contrôle du juge judiciaire. Votre haute juridiction ne s'y est d'ailleurs pas trompée en jugeant que le régime de mise à la disposition de la justice pour une durée de 20 heures, fut-il distinct de celui de la garde à vue, exigeait néanmois l'intervention d'un magistrat du siège lorsque la garde à vue avait duré 48 heures (2010-80 QPC du 17 décembre 2010, cons. 11). SUR L'ARTICLE 56 Le Gouvernement avance que ce sont 20 à 30 % des procédures de reconduite à la frontière qui échouent en raison d'une délivrance des laissez-passer consulaires tardive. Ce n'est pourtant absolument pas ce qui ressort du dernier rapport Comité interministériel de contrôle de l'immigration qui indique que pour 2009, sur 12219 laissez-passer demandés, 3823 ont été obtenus, 3870 refusés, et seulement 404 obtenus hors délai, soit 3,3 % (p. 78). SUR L'ARTICLE 94 Vous ne pourrez vous rendre aux arguments du Gouvernement selon lequel l'article 94 n'a pas pour objet de transposer la directive « retour ». Comme il l'est indiqué dans le commentaire aux Cahiers de votre décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008, « l'identification d'une loi de transposition au sens de l'article 88-1 de la Constitution est parfois rendue aisée par les termes mêmes de la loi si celle-ci indique elle-même qu'elle transpose ou qu'une partie de ses dispositions transpose une directive », et, « en l'absence d'indication par le législateur, le Conseil constitutionnel utilise le texte de la directive invoquée en le comparant à la loi déférée, ainsi qu'un faisceau d'indices tels que les travaux préparatoires de la loi (exposé des motifs, rapports, débats) ou des décisions juridictionnelles afin de déterminer si la disposition législative entre dans le champ de transposition de la directive ». Or, primo, il ne saurait être contesté que la loi qui vous est soumise a, tout au moins en partie, vocation à transcrire dans le droit interne ladite directive. Et, secundo, comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi initiale, cet article en particulier est une disposition de « coordination » des nouvelles dispositions du CESEDA qui mettent directement en œuvre la directive « retour ». Pour s'en convaincre, il suffit de relever que l'article 94 se réfère à l'interdiction de retour dont il n'est pas contestable qu'elle découle de la directive. Mais, de manière plus générale, les requérants attirent votre attention sur le caractère potentiellement pernicieux de l'argumentation que vous soumet le Gouvernement. En effet, à suivre son raisonnement, on aboutirait à ce qu'une disposition législative qui serait tellement manifestement contraire à la directive qu'elle transpose ne pourrait être regardée comme ayant pour objet de la transposer. Cela reviendrait à assimiler le manquement à l'obligation de transposition à une absence de transposition, alors même qu'il vous appartient de vérifier que « la loi de transposition ne contredise ni les dispositions ni l'objectif général de la directive qu'elle a pour objet de transposer » (commentaire aux Cahiers précité de votre décision n° 2008-564 DC).Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours dirigés contre la loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité. Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes. I/ SUR LA PROCEDURE D'ADOPTION DE LA LOI A/ Les députés requérants soutiennent que, faute qu'elle ait été convoquée dans les dix jours suivant le dépôt du projet de loi, la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale n'a pas été mise en mesure de se prononcer sur l'étude d'impact jointe à ce projet, en violation de l'article 9 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution. Ils estiment également que la fixation, en première lecture à l'Assemblée nationale, d'un « temps législatif programmé » manifestement insuffisant, et le refus par la Conférence des présidents d'accorder un temps supplémentaire, ont privé les députés de leur droit d'expression et d'amendement et méconnu les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire. B/ Le Gouvernement ne partage pas ce point de vue. 1/ En ce qui concerne le grief relatif au contenu de l'étude d'impact jointe au projet de loi, il sera observé que, si l'article 9 de la loi organique du 15 avril 2009 prévoit, conformément à l'article 39, alinéa 4, de la Constitution, que la Conférence des présidents de l'assemblée sur le bureau de laquelle le projet de loi a été déposé « dispose d'un délai de dix jours suivant le dépôt » pour constater que les règles relatives notamment à cette étude d'impact ont été méconnues, ces dispositions n'imposent nullement que la Conférence se réunisse systématiquement, en toute hypothèse, dans le délai de dix jours. Sa réunion ne pourrait en effet être regardée comme obligatoire que dans le cas où le Président de l'Assemblée nationale aurait été saisi, en temps utile, d'une demande d'un président de groupe tendant à ce que la Conférence soit réunie afin d'exercer les compétences qui lui sont reconnues par les mêmes dispositions, comme le prévoit l'article 47, paragraphe 2, du règlement de l'Assemblée nationale. Or, au cas d'espèce, le projet de loi et l'étude d'impact l'accompagnant ont été mis en ligne sur le site de l'Assemblée nationale dès le vendredi 2 avril 2010 et rendus disponibles sur papier au service de la distribution le 6 avril au matin, laissant ainsi un délai suffisant aux membres de la Conférence des présidents pour, le cas échéant, contester la conformité de l'étude d'impact aux prescriptions de la loi organique du 15 avril 2009. Ils ont d'ailleurs eu la possibilité de le faire à l'occasion de la réunion de cette conférence qui, contrairement à ce qui est soutenu par les députés requérants, s'est tenue le 6 avril 2010, soit dans les dix jours du dépôt du projet de loi. Enfin, s'il est vrai que le président du groupe « socialiste, radical, citoyen et divers gauche » a contesté l'étude d'impact dans un courrier parvenu à la présidence de l'Assemblée nationale le 12 avril suivant, cette demande était tardive. En effet, le délai de dix jours imparti par l'article 9 de la loi organique du 15 avril 2009 n'est suspendu, conformément au second alinéa de cet article, que dans le cas où le Parlement n'est pas en session. Or le Parlement était à l'époque en session, la circonstance que l'Assemblée nationale a interrompu ses travaux pendant la période du 12 au 25 avril 2010 étant sans incidence à cet égard. 2/ En ce qui concerne le grief tiré des conditions dans lesquelles a été mise en œuvre, en première lecture à l'Assemblée nationale, la procédure dite du « temps législatif programmé », les députés requérants rappellent à juste titre que le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision n° 2009-581 DC du 25 juin 2009, que, « lorsqu'une durée maximale est décidée pour l'examen de l'ensemble d'un texte, cette durée ne saurait être fixée de telle manière qu'elle prive d'effet les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ». Dans le cas où la durée maximale initialement fixée se révèlerait insuffisante au regard de ces exigences, l'article 49, paragraphe 12, du règlement de l'Assemblée nationale permet ainsi à la Conférence des présidents d'augmenter celle-ci. Au cas d'espèce, toutefois, les députés requérants ne démontrent pas que la durée maximale initialement fixée pour l'examen du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité était, eu égard à la teneur de ce projet, manifestement insuffisante. En particulier, la seule circonstance que les membres du groupe « socialiste, radical, citoyen et divers gauche » ont épuisé leur temps de parole au cours de la deuxième séance du 7 octobre 2010, qui était la treizième consacrée à l'examen du projet de loi, ne suffit pas à apporter une telle démonstration. Elle traduit seulement, de l'avis du Gouvernement, le choix fait par les députés membres de ce groupe de consacrer une part substantielle du temps qui leur était imparti à la discussion de certains articles du projet de loi examinés lors des séances précédentes. Que ce choix se traduise par une réduction corrélative du temps dont les députés concernés ont disposé lors de la discussion des articles suivants est une conséquence inhérente à la logique même du « temps législatif programmé ». Les députés requérants font certes valoir que la durée maximale initialement fixée n'a pas été augmentée pour tenir compte, notamment, de l'accroissement substantiel du volume du projet de loi lors de son examen en commission. Ils soulignent, à cet égard, que le président du groupe « socialiste, radical, citoyen et divers gauche » a demandé en vain au Président de l'Assemblée nationale, par un courrier du 4 octobre 2010, l'augmentation de la durée maximale d'examen du projet de loi. Toutefois, alors que, à deux reprises, cette question aurait pu être abordée en Conférence des présidents, conformément à l'article 49, paragraphe 12, du règlement de l'Assemblée nationale, aucun représentant du groupe « socialiste, radical, citoyen et divers gauche » n'a participé à ces réunions. Dans ces conditions, le Gouvernement estime que les conditions dans lesquelles a été mise en oeuvrela procédure du « temps législatif programmé » n'ont pas porté atteinte aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, non plus qu'au droit d'expression et d'amendement des députés. II/ SUR L'ARTICLE 2 A/ Les auteurs des saisines font grief au législateur d'avoir, par l'article 2 de la loi déférée, méconnu l'étendue de sa compétence en renvoyant à un décret en Conseil d'État, à l'article 21-24 du code civil, le soin d'approuver la charte des droits et devoirs du citoyen français que tout candidat à la naturalisation doit signer. B/ Ce grief ne pourra être retenu par le Conseil constitutionnel. Il n'est certes pas contestable que, dans son principe, l'obligation faite à tout candidat à la naturalisation de signer la charte des droits et devoirs du citoyen français, qui constitue une condition d'acquisition de la nationalité française, relève du domaine de la loi, à laquelle l'article 34 de la Constitution réserve la compétence pour fixer les règles concernant la nationalité. Le législateur pouvait en revanche, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, renvoyer au pouvoir réglementaire, sous le contrôle du juge administratif, le soin de mettre en oeuvrecette règle en approuvant la charte, dès lors qu'il en avait lui-même déterminé le contenu avec une précision suffisante. En effet, la disposition litigieuse prévoit que la charte des droits et devoirs du citoyen français devra se borner à rappeler les « principes, valeurs et symboles essentiels de la République française ». La charte, dont la rédaction sera confiée à un conseil composé de parlementaires, de juristes ou encore d'historiens, ne pourra donc contenir que le rappel de principes ou symboles consacrés par le droit positif – notamment au niveau constitutionnel – et de valeurs dont ce droit constitue indiscutablement l'expression. L'approbation d'un tel document, qui ne met en cause aucune règle ou principe dont la fixation ressortit au législateur, pouvait ainsi être confiée à un décret en Conseil d'État. III/ SUR L'ARTICLE 4 A/ L'article 4 de la loi déférée insère dans le code civil un article 21-27-1 selon lequel : « Lors de son acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique ou par déclaration, l'intéressé indique à l'autorité compétente la ou les nationalités qu'il possède déjà, la ou les nationalités qu'il conserve en plus de la nationalité française ainsi que la ou les nationalités auxquelles il entend renoncer. » Les auteurs des saisines soutiennent que ces dispositions instituent entre les Français, selon qu'ils se sont vu attribuer la nationalité française à leur naissance ou l'ont acquise postérieurement, une différence de traitement contraire à la Constitution, et qu'elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elles imposent aux intéressés une obligation qui ne dépend pas de leur volonté. B/ Ces griefs ne sont pas fondés. D'une part, en effet, la disposition contestée a pour seul objet de favoriser une meilleure connaissance du phénomène des nationalités multiples à l'occasion des démarches qu'accomplissent nécessairement les ressortissants étrangers souhaitant acquérir la nationalité française, que ce soit par décision de l'autorité publique ou par déclaration. Or, au regard de cet objet, il existe, entre ces ressortissants, qui accomplissent une démarche volontaire, et les Français de naissance qui possèdent par ailleurs la nationalité d'un ou plusieurs autres États, une différence de situation objective justifiant la différence de traitement critiquée. D'autre part, il ressort clairement des travaux parlementaires que la formalité déclarative en question, qui poursuit une finalité exclusivement statistique et n'implique nullement, contrairement à ce que suggèrent les requérants, que les personnes concernées s'engagent à renoncer à la ou aux autres nationalités qu'elles possèdent, n'est en aucune manière une condition d'acquisition de la nationalité française. Le législateur n'a donc, ni méconnu le principe d'égalité, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation. IV/ SUR L'ARTICLE 10 A/ L'article 10 de la loi déférée complète l'article L. 221-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui détermine les conditions dans lesquelles sont délimitées les zones d'attente, par un alinéa ainsi rédigé : « Lorsqu'il est manifeste qu'un groupe d'au moins dix étrangers vient d'arriver en France en dehors d'un point de passage frontalier, en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d'au plus dix kilomètres, la zone d'attente s'étend, pour une durée maximale de vingt-six jours, du ou des lieux de découverte des intéressés jusqu'au point de passage frontalier le plus proche. » Les auteurs des saisines soutiennent que ces dispositions, par leur manque de précision, méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, et créent ainsi un risque d'arbitraire dans leur application, de nature notamment à porter atteinte au droit d'asile et à l'égalité entre les demandeurs d'asile. Ils soutiennent également qu'elles portent atteinte au principe d'indivisibilité de la République, en permettant la création de zones d'attente en dehors du tout rattachement géographique à un point de passage frontalier. B/ Le Gouvernement estime que les principes invoqués n'ont nullement été méconnus par les dispositions contestées. Ces dispositions ont pour seul objet de permettre l'application du régime de droit commun de la zone d'attente aux étrangers qui, généralement à l'initiative de « passeurs », franchissent les frontières, en groupe, en dehors des points de passage frontaliers auxquels ils auraient normalement dû se présenter. Le législateur a ainsi entendu tenir en échec les stratégies de « passeurs » qui, en organisant de telles arrivées groupées, s'efforcent de contourner le régime de franchissement des frontières dites « extérieures » de l'« espace Schengen » mis en place au niveau européen. L'application de ce nouveau dispositif, qui consiste non pas à transformer en zones d'attente de vastes portions du territoire national mais à permettre l'application du régime de la zone d'attente aux personnes qui auront contourné les procédures d'admission sur le territoire national, est subordonnée, par la loi déférée, à de strictes conditions. Ainsi, ce régime ne pourra être mis en oeuvrequ'en cas d'arrivée sur le sol français d'un groupe d'au moins dix étrangers, sinon en un point unique des frontières extérieures, du moins en un ensemble de lieux distants d'au plus dix kilomètres. Il faudra en outre qu'il soit établi que ce groupe « vient d'arriver » en France, ce qui résultera normalement de sa découverte à proximité d'une frontière extérieure : la disposition critiquée prévoit d'ailleurs expressément le rattachement de la zone d'attente au point de passage frontalier le plus proche. La durée de cette zone d'attente est au surplus limitée dans le temps, puisqu'elle ne pourra excéder vingt-six jours, sans possibilité de renouvellement : seule l'arrivée d'un nouveau groupe d'étrangers en dehors d'un point de passage frontalier pourra justifier la création d'une nouvelle zone. Le respect de ces conditions sera naturellement contrôlé, le cas échéant, par le juge. Par ailleurs, l'application du régime juridique de la zone d'attente concernera les seuls étrangers membres du groupe qui aura justifié sa création, et non les autres étrangers en situation irrégulière qui pourraient se trouver dans le périmètre défini par l'autorité administrative compétente : contrairement à ce qui est suggéré par les requérants, le dispositif critiqué ne pourra donc en aucun cas être utilisé pour éluder le recours aux mesures d'éloignement forcé prévues, en cas d'entrée ou de séjour irrégulier, par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, le régime applicable aux étrangers maintenus dans ces zones d'attente ne présentera aucune spécificité par rapport au régime de droit commun résultant actuellement des articles L. 221-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et garantira aux intéressés des droits strictement identiques. En particulier, le traitement des demandes d'admission sur le territoire au titre de l'asile (procédure dite de l'« asile à la frontière ») sera assuré selon les modalités prévues par les articles L. 213-2 et suivants du code. Ainsi, si la demande d'asile n'est pas manifestement infondée, l'étranger sera admis sur le territoire afin d'être mis en mesure de présenter sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Dans l'hypothèse inverse, il disposera, contre le refus d'admission, du recours suspensif prévu par l'article L. 213-9 du code. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu par les requérants, la mise en oeuvrede la disposition contestée ne portera atteinte en aucune manière au droit d'asile. V/ SUR LES ARTICLES 12 ET 57 A/ L'article 12 complète l'article L. 222-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui définit les conditions dans lesquelles le juge des libertés et de la détention statue sur les demandes de maintien d'un étranger en zone d'attente, par un alinéa ainsi rédigé : « A peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité antérieure à l'audience relative à la première prolongation du maintien en zone d'attente ne peut être soulevée lors de l'audience relative à la seconde prolongation ». L'article 57 apporte la même précision en ce qui concerne l'office du juge des libertés et de la détention statuant sur une demande de seconde prolongation de la rétention d'un étranger en instance d'éloignement. Les requérants soutiennent que ces dispositions portent atteinte au droit des intéressés à un recours juridictionnel effectif. À titre subsidiaire, ils demandent au Conseil constitutionnel de juger que la « purge des nullités » ainsi organisée ne trouverait pas à s'appliquer dans le cas où des éléments attestant de l'existence d'une irrégularité antérieure à la première audience n'auraient été révélés que postérieurement à celle-ci. B/ Le Gouvernement entend souligner d'emblée que les dispositions critiquées se bornent à donner force de loi à une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation, selon laquelle sont irrecevables, à l'occasion de l'instance ayant pour objet la seconde prolongation de la rétention, les moyens de nullité tirés d'irrégularités antérieures à la décision juridictionnelle ayant statué sur la première demande de prolongation (v. Cass. civ. 2e, 18 décembre 1996, n° 95-50096, Bull. civ. II, n° 296 ; 12 novembre 1997, n° 96-50101, Bull. civ. II, n° 268 ; 18 mars 1998, n° 97-50029 ; 29 mars 2001, n° 00-50072 ; 6 juin 2002, n° 00-50083). Le Gouvernement estime que cette jurisprudence, qui organise, en substance, une spécialisation des rendez-vous successifs devant le juge des libertés et de la détention, ne porte aucune atteinte au droit des personnes concernées à un recours juridictionnel effectif. En effet, si les irrégularités antérieures à la première audience ne peuvent plus être soulevées lors de la seconde, c'est précisément parce qu'elles ont pu l'être lors de la première. Il va de soi, néanmoins, que s'il apparaissait que l'étranger a été dans l'impossibilité d'invoquer une irrégularité antérieure à la première audience lors de celle-ci, il devrait pouvoir le faire lors de la seconde. VI/ SUR L'ARTICLE 13 A/ Le 2° de l'article 13 insère dans l'article L. 222-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui définit les conditions dans lesquelles le juge des libertés et de la détention statue sur les demandes de maintien d'un étranger en zone d'attente, un alinéa ainsi rédigé : « L'existence de garanties de représentation de l'étranger n'est pas à elle seule susceptible de justifier le refus de prolongation de son maintien en zone d'attente. » Les requérants soutiennent que ces dispositions violent le principe de liberté individuelle. B/ Le Gouvernement ne partage pas ce point de vue. En adoptant les dispositions critiquées, le législateur a entendu remédier à une conséquence paradoxale de la jurisprudence selon laquelle, le maintien en zone d'attente n'étant qu'une faculté pour l'administration, la circonstance qu'un étranger ayant fait l'objet d'un refus d'admission sur le territoire justifie de garanties de représentation, résultant d'un passeport ou d'un hébergement, peut suffire à justifier le rejet de la demande de prolongation (v. par ex. Cass. civ. 2e, 8 juillet 2004, n° 03-50096, Bull. civ. II, n° 363 ; 21 février 2002, n° 00-50079, Bull. civ. II, n° 23). Ce raisonnement se justifie lorsqu'est en jeu la prolongation de la rétention administrative, dans la mesure où, même si l'existence de garanties de représentation conduit à remettre l'intéressé en liberté, ceci ne remet pas en cause dans son principe la décision d'éloignement sur le fondement de laquelle le placement en rétention avait été décidé. Une telle approche est en revanche problématique dans le cas où il s'agit de maintenir un étranger en zone d'attente. En effet, le refus de prolongation a nécessairement pour conséquence, dans ce cas, l'admission de l'intéressé sur le territoire national, ce qui, concrètement, prive d'effet la décision administrative par laquelle cette admission lui avait été refusée, alors même qu'il ne remplit pas les conditions légales pour entrer en France – lesquelles, il faut le souligner, résultent en grande partie, aujourd'hui, du droit de l'Union européenne (en particulier du règlement n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes). Une telle conséquence se justifie, par exemple, lorsque l'intéressé n'a pas bénéficié, à l'occasion de son maintien en zone d'attente, des garanties prévues par les textes, ou encore lorsque l'administration n'a pas accompli les diligences nécessaires à son départ dans les meilleurs délais. Elle ne saurait en revanche, sans qu'il soit porté atteinte dans son principe même à la possibilité de maintenir en zone d'attente les étrangers ne remplissant pas les conditions d'entrée en France, résulter de la seule circonstance que l'intéressé fait état de garanties de représentation. Dans ces conditions, le Gouvernement estime que les dispositions critiquées, qui n'interdisent pas au juge des libertés et de la détention de prendre en compte, parmi d'autres éléments, les garanties de représentation de l'étranger, ne portent aucune atteinte inconstitutionnelle à la liberté d'aller et de venir, eu égard notamment au fait que, comme le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de le relever à propos des « zones de transit », le maintien en zone d'attente « n'entraîne pas à l'encontre de l'intéressé un degré de contrainte sur sa personne comparable à celui qui résulterait de son placement dans un centre de rétention » (décision n° 92-307 DC du 25 février 1992, cons. 14). VII/ SUR LES ARTICLES 16 ET 58 A/ L'article 16 de la loi déférée porte de quatre à six heures le délai pendant lequel l'étranger dont le juge des libertés et de la détention a mis fin au maintien en zone d'attente est maintenu à la disposition de la justice afin de permettre au ministère public de demander au premier président de la cour d'appel ou à son délégué de déclarer suspensif son recours contre l'ordonnance rendue en première instance. L'article 58 fait de même en ce qui concerne le recours du ministère public contre les ordonnances mettant fin à la rétention. Selon les requérants, ces dispositions, qui allongent le délai pendant lequel l'intéressé est maintenu à la disposition de la justice au-delà de ce qui est strictement nécessaire à l'exercice par le ministère public de ses prérogatives, méconnaissent par là-même les dispositions de l'article 66 de la Constitution. B/ Le Gouvernement estime que ce grief n'est pas fondé. Ainsi que le rappellent les requérants, le Conseil constitutionnel a expressément admis la conformité à la Constitution des dispositions aujourd'hui codifiées, en ce qui concerne le maintien en rétention, à l'article L. 552-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard notamment à la circonstance que la possibilité de demander qu'un caractère suspensif soit conféré à l'appel est reconnue au parquet, qui est partie intégrante de l'autorité judiciaire au sens de l'article 66 de la Constitution (v. les décisions n° 97-389 DC du 22 avril 1997, cons. 56 et s., et n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, cons. 72 et s.). Cette conformité doit a fortiori être admise en ce qui concerne le maintien en zone d'attente, dont il a été rappelé précédemment que, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il « n'entraîne pas à l'encontre de l'intéressé un degré de contrainte sur sa personne comparable à celui qui résulterait de son placement dans un centre de rétention » (décision n° 92-307 DC du 25 février 1992, cons. 14). Certes, les décisions précitées rappellent le principe selon lequel « il résulte de l'article 66 de la Constitution que, lorsqu'un magistrat du siège a, dans la plénitude des pouvoirs que lui confère son rôle de gardien de la liberté individuelle, décidé par une décision juridictionnelle qu'une personne doit être mise en liberté, il ne peut être fait obstacle à cette décision, fût-ce dans l'attente, le cas échéant, de celle du juge d'appel ». Le Gouvernement ne peut donc que souscrire à l'affirmation des requérants selon laquelle le délai pendant lequel l'étranger qui bénéficie d'une ordonnance refusant la prolongation de son maintien en zone d'attente ou en rétention est maintenu à la disposition de la justice ne doit pas excéder ce qui est nécessaire à l'exercice par le ministère public de la prérogative qui lui a été reconnue, en conformité avec la Constitution, de demander que soit conféré à son appel un caractère suspensif. L'expérience a toutefois démontré que le délai actuellement prévu par la loi est en réalité insuffisant pour permettre au ministère public, d'une part, de confronter l'ensemble des éléments du dossier à la décision du juge des libertés et de la détention afin d'apprécier l'opportunité de demander le bénéfice de l'appel suspensif, d'autre part, de motiver sa demande dans les conditions fixées par la loi. Cette difficulté, particulièrement lorsque de nombreuses affaires sont portées au rôle des audiences du juge des libertés et de la détention, a été soulignée par le rapport de la commission sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique d'immigration, présidée par M. Pierre Mazeaud (pp. 90-91), qui a relevé qu'elle compromettait l'objectif de lutte contre l'immigration irrégulière, lequel participe de la sauvegarde de l'ordre public, qui est une exigence de valeur constitutionnelle (v. la décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, cons. 23). En effet, comme le même rapport le constate, « un appel non suspensif est privé d'effet pratique ». Dans ces conditions, l'allongement du délai de quatre à six heures, qui laisse intactes l'ensemble des autres garanties qui avaient été relevées par le Conseil constitutionnel dans ses décisions des 22 avril 1997 et 20 novembre 2003, n'excède pas ce qui, compte tenu des conditions concrètes d'exercice de ses fonctions par le ministère public, est nécessaire pour assurer l'effectivité de la prérogative qui lui a été reconnue par les dispositions que modifient les articles contestés. Le Gouvernement estime donc que le grief soulevé par les requérants n'est pas fondé. VIII/ SUR LES ARTICLES 26, 40 ET 70 A/ L'article 26 de la loi déférée modifie le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif aux conditions de délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. L'article 40 tire les conséquences de cette modification à l'article L. 511-4 du même code, qui énumère les catégories d'étrangers ne pouvant faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Le III de l'article 70 fait de même en ce qui concerne, d'une part, les catégories d'étrangers ne pouvant faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes (art. L. 521-3), et, d'autre part, les conditions dans lesquelles les étrangers malades ayant fait l'objet d'un arrêté d'expulsion non exécuté peuvent être assignés à résidence (art. L. 523-4). Les requérants estiment que ces dispositions méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, en ce que, tout en subordonnant la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire ou la protection contre une mesure d'éloignement à l'« absence » d'un traitement approprié dans le pays d'origine de la personne concernée, elles permettent à l'autorité administrative de s'affranchir de cette condition en cas de « circonstance humanitaire exceptionnelle ». Selon les auteurs des saisines, cette notion est d'une imprécision telle qu'elle engendrera nécessairement, entre les étrangers concernés, des différences de traitement injustifiées. Ils soutiennent également que la procédure selon laquelle l'existence d'une telle circonstance sera constatée ne garantit pas le respect du secret des informations à caractère médical transmises par les intéressés. B/ Ces critiques ne sont pas fondées. 1/ Il importe d'abord de rappeler que, dans sa rédaction actuelle, le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile subordonne la délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à deux conditions cumulatives : d'une part, l'état de santé de l'étranger concerné doit nécessiter une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; d'autre part, l'intéressé ne doit pas pouvoir « effectivement bénéficier » d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. Ces conditions sont reprises aux articles L. 511-4, L. 521-3 et L. 523-4 du même code. Jusqu'à récemment, la seconde condition était interprétée, par la jurisprudence administrative, comme s'entendant de l'inexistence, dans le pays d'origine de l'intéressé, du traitement que son état de santé nécessite, c'est-à-dire que l'étranger ne pouvait utilement faire valoir les difficultés d'ordre géographique ou financier faisant obstacle, le cas échéant, à un accès effectif aux soins (v. notamment Conseil d'État, 13 février 2008, n° 297518). Ceci n'interdisait pas à l'intéressé, toutefois, de faire valoir, devant l'administration, que, à titre exceptionnel, des circonstances de cette nature justifiaient que lui soit tout de même délivré un titre de séjour, ou qu'une mesure d'éloignement ne puisse être prise à son encontre. Par deux décisions de Section du 7 avril 2010 (n° 301640 et n° 316625), le Conseil d'État a toutefois fait évoluer sa jurisprudence en posant en principe que, si des possibilités de traitement approprié existent dans le pays d'origine de l'étranger, mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à l'autorité administrative, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement du traitement en cause. En raison de son caractère systématique, l'obligation ainsi mise à la charge de l'administration est apparue porteuse à la fois de risques pour les finances publiques et génératrice de complexités administratives. Par les dispositions contestées, le législateur a ainsi entendu revenir à l'état antérieur de la jurisprudence administrative, tout en formalisant et en encadrant le pouvoir de régularisation de l'administration en cas de « circonstance humanitaire exceptionnelle ». Compte tenu notamment du contexte jurisprudentiel qui vient d'être rappelé, ces dispositions ne souffrent, contrairement à ce qui est soutenu, d'aucune imprécision et ne méconnaissent pas, dès lors, l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. D'une part, en effet, la notion d'« absence » d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'étranger renvoie à ce qu'était l'état du droit et de la pratique administrative antérieurement aux décisions du 7 avril 2010. Il en résulte notamment que, comme le ministre chargé de l'immigration l'a rappelé à plusieurs reprises au cours des débats parlementaires, les dispositions contestées ne remettent pas en cause les directives données depuis plusieurs années par le ministère de la santé en vue d'une appréciation réaliste de l'existence, dans les pays en développement, des traitements de certaines pathologies graves. Ainsi, par exemple, comme l'indiquent les circulaires de la direction générale de la santé de 2005 et de 2010, qui demeureront d'actualité, il n'est pas encore possible de dire que les traitements antirétroviraux contre l'infection par le VIH existent dans les pays en développement. D'autre part, la notion de « circonstance humanitaire exceptionnelle », en dépit de nuances de formulation, se retrouve dans de nombreux textes nationaux ou internationaux relatifs notamment au droit des étrangers (v. par exemple, en ce qui concerne la possibilité pour un État membre de l'espace Schengen d'admettre sur son territoire pour des « motifs humanitaires » un ressortissant d'un pays tiers ne remplissant pas les conditions d'entrée fixées par le droit de l'Union européenne, l'article 5, paragraphe 4, sous c) du règlement n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes). Au cas d'espèce, elle permettra ainsi à l'administration de prendre en compte, sous le contrôle du juge, les « particularités de la situation personnelle » de l'étranger auxquelles font référence les décisions du Conseil d'État du 7 avril 2010, qu'elles tiennent à la nature de la pathologie dont il est atteint ou aux difficultés spécifiques d'accès aux soins qu'il serait susceptible de rencontrer en cas de retour dans son pays d'origine. Comme il est d'usage, des directives seront adressées aux préfets afin d'encadrer l'exercice du pouvoir d'appréciation qui leur est ainsi reconnu par le législateur, tout en préservant l'exigence d'un examen au cas par cas de la situation des étrangers concernés. L'obligation faite aux préfets de recueillir l'avis du directeur général de l'agence régionale de santé contribuera également à l'harmonisation des pratiques en la matière. Dans ces conditions, le Gouvernement estime infondée la crainte, exprimée par les requérants, d'un traitement différent des étrangers concernés selon le point du territoire où leur situation sera examinée. 2/ En ce qui concerne ensuite le respect du secret médical, l'obligation faite au préfet de prendre en compte, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, la « circonstance humanitaire exceptionnelle » éventuellement avancée par l'étranger concerné, n'a nullement pour objet ou pour effet de lui permettre d'avoir accès à des informations couvertes par le secret qui auraient été antérieurement recueillies par le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police. En effet, c'est à l'intéressé, et à lui seul, lorsqu'il entend faire état d'une telle circonstance, d'apprécier les éléments qu'il entend porter à la connaissance du préfet. À cet égard, la situation ne différera en rien de ce qu'elle est aujourd'hui à la suite des décisions du Conseil d'État du 7 avril 2010. Ces décisions imposent d'ores et déjà au préfet, en effet, d'apprécier, sur la base des éléments transmis par l'étranger concerné, la possibilité pour ce dernier d'accéder effectivement, dans son pays d'origine, aux soins que nécessite son état de santé. Le rapporteur public avait d'ailleurs relevé, à cet égard, que la question du respect du secret médical était résolue par la circonstance que « ce n'est qu'à la demande de l'étranger et à partir des éléments qu'il aura[it] fournis pour étayer ses allégations que la question de l'accessibilité sera[it] examinée ». Bien évidemment, tant le préfet que le directeur général de l'agence régionale de santé et leurs subordonnés seront tenus, quant aux informations à caractère médical qui pourront, le cas échéant, leur être soumises par l'étranger, au respect du secret professionnel. Dans ces conditions, le Gouvernement estime que les dispositions contestées ne portent atteinte ni au secret médical, ni, plus largement, au droit des personnes concernées au respect de leur vie privée. IX/ SUR L'ARTICLE 33 A/ Le premier alinéa de l'article L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose, dans sa rédaction actuellement en vigueur, que : « Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. » L'article 33 de la loi déférée complète ces dispositions par une phrase selon laquelle : « Ces peines sont également encourues lorsque l'étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint. » Selon les requérants, cette dernière disposition est constitutive d'une « rupture manifeste d'égalité entre les nationaux et les étrangers », dans la mesure où elle vise l'étranger qui a cherché à obtenir sa régularisation en France tout en exonérant le Français qui, le cas échéant, a cherché à lui faire obtenir cette régularisation. B/ Telle n'est toutefois pas la portée de la disposition contestée. En effet, les dispositions actuellement en vigueur de l'article L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne sont pas modifiées par la disposition contestée, incriminent le fait de contracter mariage aux seules fins, non seulement d'obtenir, mais aussi de faire obtenir l'un des avantages qu'elles énumèrent. Par conséquent, le ressortissant, français ou étranger, qui, demain, contractera mariage avec un ressortissant étranger aux fins de lui faire obtenir l'un de ces avantages se rendra, comme aujourd'hui, passible des peines prévues par cet article. Le grief articulé par les requérants manque donc en fait. En réalité, l'article 33 de la loi déférée a pour seule portée de préciser que le conjoint qui, en contractant mariage, a exclusivement cherché à obtenir pour lui-même l'un des avantages énumérés par l'article L. 623-1, et qui, par construction, est nécessairement un ressortissant étranger, tombe sous le coup de l'incrimination édictée par cet article alors même que son conjoint, français ou étranger, est, quant à lui, animé par une intention matrimoniale sincère. Telle est déjà, à la vérité, la portée du texte actuel, qui n'exige nullement que les deux conjoints soient mus par une intention frauduleuse, et dont la conformité à la Constitution a été reconnue par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 (cons. 43). Il n'en était pas moins loisible au législateur, ainsi qu'il l'a fait par la disposition contestée, de lever toute ambiguïté à cet égard. Il n'a, ce faisant, porté aucune atteinte au principe d'égalité. X/ SUR L'ARTICLE 37 A/ L'article 37 de la loi déférée récrit entièrement l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans sa nouvelle rédaction, cet article prévoit, en son I, les cas dans lesquels un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Le II dispose que, pour satisfaire à cette obligation, l'étranger dispose en principe d'un délai de trente jours à compter de la notification de celle-ci, mais que l'autorité administrative peut, par décision motivée, décider que l'intéressé est obligé de quitter sans délai le territoire français dans certaines hypothèses. Enfin, le III précise les cas et conditions dans lesquels l'autorité administrative peut assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur ce territoire, d'une durée maximale de trois ans. Les requérants soutiennent, en premier lieu, que les a), b), c) et f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 37 de la loi déférée, qui définissent des cas dans lesquels le risque que l'étranger se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français doit, sauf circonstance particulière, être tenu pour établi, ce qui justifie qu'aucun délai de départ volontaire ne lui soit accordé, sont manifestement incompatibles avec la notion de « risque de fuite » figurant dans la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Les requérants estiment, en deuxième lieu, que l'interdiction de retour dont peut être assortie l'obligation de quitter le territoire français constitue une sanction qui, d'une part, est manifestement disproportionnée aux comportements qu'elle a pour objet de réprimer, et dont, d'autre part, le prononcé n'est entouré par la loi déférée d'aucune des garanties applicables en pareille hypothèse, notamment le respect des droits de la défense. Ils soutiennent enfin, en troisième lieu, que, en faisant obstacle à l'accès au territoire national, l'interdiction de retour porte atteinte à l'exercice effectif du droit d'asile. B/ Aucun de ces griefs ne pourra être retenu par le Conseil constitutionnel. 1/ En ce qui concerne, d'abord, le grief tiré d'une mauvaise transposition de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, le Gouvernement entend rappeler à titre liminaire que, si les dispositions contestées ont bien pour objet de transposer cette directive, c'est seulement en cas d'incompatibilité manifeste qu'il appartiendrait au Conseil constitutionnel de constater une violation de l'article 88-1 de la Constitution, dont découle l'exigence constitutionnelle de transposition des directives en droit interne (v., en dernier lieu, la décision n° 2010-605 DC du 12 mai 2010, cons. 17 à 19). Au cas d'espèce, les dispositions contestées du II de l'article L. 511-1 ont pour objet de mettre en oeuvrela faculté ouverte par l'article 7, paragraphe 4, de la directive du 16 décembre 2008, selon lequel : « S'il existe un risque de fuite [...], les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours. » D'après l'article 3, sous 7), de la même directive, le « risque de fuite » s'entend du « fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite ». Ces objectifs ont été pleinement mis en oeuvrepar le législateur. Ainsi, d'une part, le 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile définit, sur la base de critères objectifs, six hypothèses dans lesquelles le risque de soustraction à la mesure d'éloignement doit en principe être regardé comme établi. Le législateur s'est, en substance, attaché à identifier les cas dans lesquels l'étranger a eu un comportement ne permettant pas l'établissement d'une relation de confiance avec l'administration. Il en va ainsi lorsqu'il a, par le passé, enfreint la réglementation, en entrant ou en se maintenant irrégulièrement sur le territoire sans demander un titre de séjour ou sans que le titre demandé lui ait été accordé ; il en va également ainsi lorsque l'intéressé s'est déjà soustrait à une précédente mesure d'éloignement ou a tenté de se maintenir en France par fraude ; il en va de même, enfin, en l'absence de garanties de représentation, par exemple parce que l'étranger ne justifie pas de la possession d'un titre de voyage permettant son rapatriement vers son pays d'origine ou parce qu'il a dissimulé son identité à l'autorité administrative. D'autre part, il résulte des termes mêmes des dispositions contestées que, même lorsque les conditions objectives ainsi énoncées sont remplies, la présomption qu'il existe un risque de fuite n'a pas un caractère irréfragable, et est susceptible d'être renversée par les « circonstances particulières » que l'examen individuel de chaque cas pourra faire apparaître. Ces dispositions ne sauraient ainsi être regardées comme manifestement incompatibles avec les dispositions précitées de la directive du 16 décembre 2008. 2/ En ce qui concerne, ensuite, l'interdiction de retour, le Gouvernement ne partage pas l'avis des requérants selon lequel celle-ci serait constitutive d'une sanction ayant le caractère d'une punition, à laquelle seraient par suite applicables les principes constitutionnels régissant la matière répressive. Il s'agit en effet, en réalité, d'une mesure de police. a) Le critère déterminant pour distinguer la sanction ayant le caractère de punition et la mesure de police doit être recherché dans l'objet de la mesure en cause. Or l'interdiction de retour n'a pas pour objet de réprimer l'irrégularité du séjour en France des étrangers à l'égard desquels a été prise une obligation de quitter le territoire français, mais de prévenir la réitération de comportements attentatoires, à des degrés divers, à l'ordre public. En témoigne notamment la circonstance que le dernier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit l'abrogation de plein droit de l'interdiction de retour dont a été assortie une obligation de quitter le territoire français lorsque celle-ci laissait à l'étranger un délai de départ volontaire et que l'intéressé s'est conformé à cette obligation dans le délai imparti. De ce fait, l'interdiction de retour ne pèsera, en définitive, que sur deux catégories d'étrangers : - ceux, d'une part, qui ne se seront pas conformés dans le délai de départ volontaire à une obligation de quitter le territoire français ; - ceux, d'autre part, qui auront fait l'objet d'une telle obligation non assortie d'un délai de départ volontaire, ce qui suppose, soit que leur comportement ait été regardé comme constitutif d'une menace pour l'ordre public, soit qu'ils se soient vu refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour au motif que leur demande était manifestement infondée ou frauduleuse, soit enfin que leur comportement non coopératif ait d'emblée fait apparaître un risque de fuite. C'est précisément la réitération de tels comportements que, au-delà du seul séjour irrégulier, l'interdiction de retour a pour objet de prévenir. Les dispositions contestées prévoient d'ailleurs expressément que la menace pour l'ordre public que représenterait le retour en France de l'intéressé est au nombre des critères à prendre en compte pour décider tant du principe que de la durée de l'interdiction de retour. Cette interdiction se distingue donc nettement de l'interdiction du territoire d'une durée d'un an assortissant de plein droit les arrêtés de reconduite à la frontière que, par sa décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, le Conseil constitutionnel avait regardée comme constitutive d'une sanction ayant le caractère d'une punition, contraire, en l'espèce, aux exigences de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. L'invocation par les requérants de cette disposition, ainsi que du principe du respect des droits de la défense, apparaît ainsi, en l'espèce, inopérante (v. en ce sens la décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001, cons. 40). b) La mesure de police que constitue l'interdiction de retour doit en revanche être confrontée au principe, résultant de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon lequel les libertés individuelles ne sauraient être entravées par une rigueur non nécessaire (v. par exemple les décisions n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, cons. 32, n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, cons. 74, et n° 2005-527 DC du 8 décembre 2005, cons. 16 et 21). Tel n'est pas le cas en l'espèce. Il importe en effet de souligner que, loin d'être automatique, l'interdiction de retour est une simple faculté pour l'autorité administrative, qui doit prendre la décision d'en assortir l'obligation de quitter le territoire français au cas par cas ; et il en va de même en ce qui concerne la fixation de sa durée, dans la limite des durées maximales fixées par le texte. Le législateur a indiqué les critères à prendre en compte à cet effet : il s'agit de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et, ainsi qu'il a été dit, de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Par ailleurs, il est expressément prévu que l'autorité administrative peut à tout moment abroger l'interdiction de retour, et cette abrogation, on l'a vu, est de droit lorsque l'obligation de quitter le territoire français laissait à l'étranger un délai de départ volontaire et que l'intéressé s'est conformé à cette obligation dans le délai imparti. L'autorité administrative disposera donc, sous le contrôle du juge, des moyens d'adapter sa décision à chaque cas particulier. Dans ces conditions, il ne saurait être fait grief aux dispositions contestées de méconnaître l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. 3/ Enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les dispositions relatives à l'interdiction de retour ne font nullement obstacle à ce qu'un étranger qui aurait fait l'objet d'une telle mesure présente à la frontière une demande d'admission sur le territoire national au titre de l'asile, selon les modalités prévues par les articles L. 213-2 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'article 5 de la directive du 16 décembre 2008 prévoit d'ailleurs expressément que ses dispositions ne portent pas atteinte à l'obligation qu'ont les États membres de respecter le principe de non-refoulement. Le grief tiré de la violation du droit d'asile devra donc également être écarté par le Conseil constitutionnel. XI/ SUR LES ARTICLES 44 ET 47 A/ L'article 44 de la loi déférée récrit l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui fixe les cas et conditions dans lesquels un étranger peut être placé en rétention administrative. L'article 47, quant à lui, rétablit dans le livre V du même code un titre VI consacré à l'assignation à résidence. Les requérants soutiennent, d'une part, que ces dispositions, qui n'imposent pas qu'il ne soit recouru au placement en rétention que lorsque l'assignation à résidence n'est pas envisageable, sont manifestement incompatibles avec le principe du recours prioritaire aux mesures les moins coercitives possibles qui résulte de l'article 15, paragraphe 1, de la directive du 16 décembre 2008. Ils font valoir, d'autre part, que la possibilité offerte à l'autorité administrative d'assigner à résidence un étranger en instance d'éloignement, sans que soit prévue à aucun moment l'intervention du juge judiciaire, prive de garanties légales la liberté constitutionnelle d'aller et venir. B/ Ces griefs pourront être écartés par le Conseil constitutionnel. 1/ En ce qui concerne, d'abord, les conditions auxquelles est subordonné le placement en rétention administrative d'un étranger en instance d'éloignement, c'est avec raison que les requérants rappellent que l'article 15, paragraphe 1, de la directive du 16 décembre 2008 ne permet le recours à cette mesure qu'à la condition que d'autres mesures moins coercitives ne puissent être appliquées efficacement. Dans ces conditions, le Gouvernement estime que la disposition de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 44 de la loi déférée, selon laquelle le placement en rétention peut être prononcé « à moins [que l'étranger] ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2 », doit être interprétée en ce sens que le placement en rétention n'est possible que si l'assignation à résidence n'est pas suffisante pour prévenir le risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. Les dispositions critiquées ne sauraient dès lors être regardées comme manifestement incompatibles avec les dispositions de l'article 15, paragraphe 1, de la directive du 16 décembre 2008. 2/ En ce qui concerne, ensuite, les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de l'article 47 de la loi déférée, celles-ci définissent les conditions dans lesquelles un étranger en instance d'éloignement peut, comme alternative à son placement en rétention, être assigné à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. Contrairement à ce que suggèrent les requérants, l'assignation à résidence dans les conditions prévues par les dispositions critiquées, qui ne constitue pas une mesure privative de liberté, n'entre pas dans le champ de l'article 66 de la Constitution, et ne nécessite pas, dès lors, l'intervention de l'autorité judiciaire. La circonstance que l'assignation à résidence constitue ici une alternative au placement en rétention ne modifie pas cette analyse. Le législateur a donc pu, sans méconnaître aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle, s'abstenir de prévoir l'intervention du juge judiciaire pour prolonger ou renouveler la mesure d'assignation à résidence prise par l'autorité administrative, sous le contrôle du juge administratif. XII/ SUR LES ARTICLES 48 ET 51 A/ Les articles 48 et 51 de la loi déférée organisent les recours qui peuvent être exercés par l'étranger qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et à l'égard duquel a été prise une décision de placement en rétention administrative. D'une part, selon le III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue des dispositions contestées, l'intéressé peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de placement en rétention dans les quarante-huit heures suivant sa notification. Le même recours peut également être dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français, ainsi que la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d'interdiction de retour qui, le cas échéant, l'accompagnent, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention. Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne dispose alors d'un délai de soixante-douze heures pour statuer. D'autre part, l'article 51 porte à cinq jours à compter de la décision de placement en rétention, au lieu de quarante-huit heures actuellement, le délai à l'issue duquel le juge des libertés et de la détention doit être saisi aux fins de prolongation de la rétention. Selon les requérants, ce délai de cinq jours, qui ne peut être regardé comme « le plus court possible », contrairement aux exigences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, méconnaît les articles 66 de la Constitution et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. B/ Le Gouvernement ne partage pas l'opinion des requérants. 1/ Les requérants rappellent à juste titre que, si l'article 66 de la Constitution ne fait pas obstacle à ce qu'une mesure privative de liberté telle que le placement en rétention d'un étranger en instance d'éloignement soit initialement prise par une autorité administrative, il implique que le juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle, intervienne dans le plus court délai possible (décision n° 79-109 DC du 9 janvier 1980, cons. 4). Ce délai ne peut toutefois être déterminé de façon abstraite et une fois pour toutes. Il résulte en effet de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que, « dans l'exercice de sa compétence, le législateur peut fixer des modalités d'intervention de l'autorité judiciaire différentes selon la nature et la portée des mesures affectant la liberté individuelle qu'il entend édicter » (décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010, cons. 14). Il convient, en outre, de tenir compte de la nécessité de concilier l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, notamment la liberté individuelle, avec d'autres principes et objectifs de valeur constitutionnelle, en particulier l'objectif de lutte contre l'immigration irrégulière, lequel participe de la sauvegarde de l'ordre public, qui est une exigence de valeur constitutionnelle (décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, cons. 23). Enfin, il ne peut être fait abstraction du principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel, « à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle » (décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987, cons. 15). En effet, dans le cas de la rétention administrative des étrangers, la mesure privative de liberté est la conséquence directe de mesures relatives à l'entrée et au séjour dont il appartient en principe à la seule juridiction administrative de connaître (décision n° 89-261 DC du 28 juillet 1989, cons. 22 à 28). Les conditions d'intervention de l'autorité judiciaire doivent donc tenir compte de la nécessité d'assurer l'exercice effectif, par la juridiction administrative, de la compétence qui lui est ainsi reconnue par la Constitution, conformément à l'objectif de bonne administration de la justice, qui revêt une valeur constitutionnelle (v. par exemple la décision n° 2010-62 QPC du 17 décembre 2010, cons. 4 à 7). 2/ A plusieurs égards, la situation actuelle n'apparaissait pas satisfaisante. En effet, dans l'état du droit en vigueur, l'intervention du juge des libertés et de la détention est requise dès l'expiration d'un délai de quarante-huit heures à compter du placement en rétention. Or, d'une part, ce délai apparaît, en règle générale, trop bref pour que le juge intervienne dans de bonnes conditions. Le rapport de la commission sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique d'immigration, présidée par M. Pierre Mazeaud, relève ainsi que « la précipitation actuelle est excessive et nuit à la fois à la justice (dont elle mobilise abusivement les membres : juge, personnel de greffe, personnels de sécurité), à la mise en oeuvrede la politique des pouvoirs publics (dont les demandes sont examinées dans des conditions exécrables) et aux étrangers eux-mêmes (qui, levés à l'aube, attendent interminablement dans les salles du tribunal de grande instance, sans confort et dans la promiscuité) » (p. 88). D'autre part, l'intervention du juge des libertés et de la détention précède généralement celle du juge administratif saisi de la mesure d'éloignement et, le cas échéant, de la décision de placement en rétention, dans la mesure où, si ce dernier doit également être saisi dans les quarante-huit heures de la notification de ces décisions, il dispose pour statuer d'un délai de soixante-douze heures. Cette situation n'est pas satisfaisante. Lorsque le juge des libertés et de la détention prolonge le placement en rétention d'un étranger, il peut en effet apparaître, peu après, lorsque le juge administratif se prononce, que ce placement reposait en réalité sur une mesure d'éloignement illégale. A l'inverse, lorsque le juge des libertés et de la détention met fin au placement en rétention, le juge administratif demeure tenu de statuer sur une mesure d'éloignement et, le cas échéant, de placement en rétention, dont l'éventuelle annulation n'aura, le plus souvent, qu'un effet pratique limité, voire nul. Cet état de fait est à l'évidence contraire à l'objectif constitutionnel de bonne administration de la justice et porte atteinte, plus profondément, à la crédibilité de la justice. 3/ Le report à l'expiration d'un délai de cinq jours de l'intervention du juge des libertés et de la détention pour prolonger le placement en rétention d'un étranger en instance d'éloignement vise à remédier, autant que possible, à ces difficultés, en mettant fin à la superposition des interventions du juge judiciaire et du juge administratif, au profit d'une succession de celles-ci dans le temps. Dès lors, c'est seulement après que la légalité de la décision de placement en rétention aura été confirmée par le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué par lui, dans un délai maximal de cinq jours à compter de la notification de cette décision, que l'intervention du juge des libertés et de la détention sera requise pour prolonger la rétention. Ainsi sera assuré le plein effet utile de l'intervention des juges successifs, chacun dans sa sphère de compétence propre, conformément aux principes constitutionnels qui fondent la dualité de juridictions. La réforme poursuit donc un double objectif de bonne administration de la justice et d'amélioration de la lutte contre l'immigration irrégulière. Compte tenu de ce double objectif, le délai de cinq jours est apparu comme étant le plus court possible afin de permettre que le juge administratif statue en premier sur la légalité des diverses décisions administratives qui se trouvent à l'origine du placement en rétention : décision de placement en rétention, mais aussi, le cas échéant, obligation de quitter le territoire français, décision refusant un délai de départ volontaire, décision mentionnant le pays de destination et décision d'interdiction de retour. Il ne serait pas raisonnable, en effet, d'impartir au juge un délai inférieur à soixante-douze heures pour statuer sur cet ensemble de décisions ; il ne le serait pas davantage, eu égard à l'exigence d'assurer l'effectivité du droit au recours, de réduire en deçà de quarante-huit heures le délai dans lequel le juge administratif doit être saisi par l'étranger placé en rétention. 4/ Indépendamment même de ces dernières considérations, un délai de cinq jours avant la première intervention du juge des libertés et de la détention apparaît adapté à la nature et à la portée d'une mesure de rétention administrative, qui a pour seul objet d'assurer la mise à exécution d'une mesure d'éloignement et n'appelle pas une intervention immédiate de l'autorité judiciaire. Il résulte de la jurisprudence précitée du Conseil constitutionnel, en effet, que les exigences de l'article 66 de la Constitution sont susceptibles d'être modulées. Il n'est pas sans intérêt de relever qu'il en va de même, par exemple, dans le système de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, dans le cas notamment de « l'arrestation ou de la détention régulières d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours », l'article 5, paragraphe 4, de cette convention prévoit seulement qu'un tribunal doit statuer « à bref délai » sur la légalité de la détention, alors que le paragraphe 3 du même article exige qu'une personne arrêtée ou détenue en vue d'être conduite devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis une infraction, soit « aussitôt traduite » devant un juge. Il importe d'ailleurs de souligner que, même allongé dans les conditions qui ont été rappelées, le délai de la première intervention du juge des libertés et de la détention en matière de rétention administrative demeure en deçà du délai de sept jours qui avait été jugé excessif par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 79-109 DC du 9 janvier 1980. Les requérants font certes observer que, dans le cas où l'étranger a été préalablement placé en garde à vue pour 24 heures et où cette garde à vue a été renouvelée pour une nouvelle période de 24 heures, la durée totale de la privation de liberté de l'intéressé sans intervention d'un juge judiciaire du siège atteint un total de sept jours. Il peut toutefois être objecté à cette approche globale que, ainsi qu'il a été dit, la garde à vue et la rétention administrative sont deux mesures privatives de liberté qui diffèrent par leur nature et leur portée et dont les finalités sont distinctes. Il importe de relever, d'ailleurs, que, dans ses précédentes décisions relatives au délai à l'expiration duquel l'intervention du juge judiciaire est requise pour prolonger le placement d'un étranger en rétention administrative, le Conseil constitutionnel a apprécié la conformité de ce délai aux exigences de l'article 66 de la Constitution indépendamment d'une éventuelle garde à vue ayant précédé le placement en rétention. Il a ainsi nécessairement admis, en particulier, que, dans l'état actuel du droit, l'intervention du juge des libertés et de la détention, à l'expiration d'un délai de 48 heures après le placement en rétention, puisse représenter, dans le cas où l'étranger retenu aurait été antérieurement placé en garde à vue pour la même durée, la première intervention d'un magistrat du siège à l'issue d'une période de quatre jours de privation de liberté. Enfin, et en tout état de cause, l'hypothèse d'une garde à vue de 48 heures suivie d'un placement en rétention apparaît largement théorique. Il est très rare, en effet, qu'une garde à vue justifiée seulement par une infraction à la législation sur les étrangers soit prolongée au-delà de 24 heures. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement estime que les dispositions contestées ne méconnaissent pas l'article 66 de la Constitution. XIII/ SUR L'ARTICLE 56 A/ L'article 56 de la loi déférée fixe, à l'article L. 552-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la durée maximale des prolongations successives dont la rétention administrative des étrangers en instance d'éloignement est susceptible de faire l'objet par le juge des libertés et de la détention. En règle générale, cette durée maximale est fixée à 45 jours, soit le délai initial de cinq jours et deux prolongations de vingt jours chacune. Dans le cas particulier des étrangers condamnés à une peine d'interdiction du territoire pour des actes de terrorisme ou sous le coup d'une mesure d'expulsion pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées, le placement en rétention peut être renouvelé pour une durée d'un mois renouvelable dans la limite d'un maximum de dix-huit mois. Selon les requérants, ces dispositions sont contraires à l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui interdit que la liberté individuelle soit entravée par une rigueur qui n'est pas nécessaire. B/ Le Gouvernement ne partage pas cette analyse. 1/ En ce qui concerne, d'abord, le délai de rétention de droit commun, il convient de rappeler, d'une part, que, ainsi qu'il a été dit précédemment, la rétention ne pourra être décidée que si l'assignation à résidence, qui est son alternative, n'est pas possible, et, d'autre part, que le maintien en rétention reste conditionné à l'existence d'une perspective raisonnable d'éloignement et ne sert qu'à préparer celui-ci, l'administration devant exercer toute diligence à cet effet. Par ailleurs, tout au long de la rétention, le juge des libertés et de la détention peut être saisi par l'étranger ou se saisir d'office afin de vérifier que les conditions légales du maintien en rétention sont remplies. Dans ce contexte, l'allongement de la durée maximale de la rétention tend exclusivement à assurer l'adaptation de cette durée aux exigences liées à la préparation des éloignements. En effet, la durée maximale de 32 jours qui prévaut actuellement ne garantit plus l'objectif d'efficacité des procédures de retour, compte tenu notamment des délais exigés par les pays tiers pour l'identification de leurs ressortissants et la délivrance des laissez-passer consulaires. Les procédures échouent en effet, dans une forte proportion (entre 20 et 30 % selon les années), du fait des délais d'obtention de ces laissez-passer. Cette situation incite aux comportements frauduleux de dissimulation ou de falsification d'identité. Or le nombre de laissez-passer consulaires délivrés entre 32 et 45 jours est important, ce qui permet d'escompter une amélioration significative du taux de mise à exécution grâce à l'allongement dans cette mesure de la durée maximale de la rétention. Ainsi, par exemple, le délai moyen de délivrance des laissez-passer consulaires obtenus hors délais s'établit à 35 jours pour la Chine, 36 jours pour le Pakistan, 37 jours pour l'Inde, 38 jours pour le Mali et 43 jours pour le Nigéria. Par ailleurs, le niveau de la négociation des accords de réadmission est désormais européen, et la durée de 45 jours correspond à la règle actuellement négociée par la Commission avec divers pays tiers pour la délivrance des laissez-passer consulaires dans le cadre des accords de réadmission européens. Des négociations sont désormais engagées avec des partenaires-clefs, présentant de plus forts enjeux migratoires et ayant des positions de négociation plus exigeantes tenant à leurs contraintes internes (territoires vastes, capacités administratives limitées, problèmes d'articulation entre les consulats et les administrations centrales, absence d'état-civil informatisé et centralisé, contraintes sécuritaires fortes, dans un contexte de multiplication des cas de fausses déclarations d'identité et de nationalité). La durée de rétention actuelle pour la France constitue dans la négociation un facteur bloquant, alors même que la France est favorable par principe à la conclusion d'accords au niveau européen. Ainsi, compte tenu tant de l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public que de l'exigence de transposition de la directive du 16 décembre 2008, qui impose un éloignement effectif des étrangers en séjour irrégulier, le Gouvernement estime que l'allongement à 45 jours de la durée maximale du placement en rétention constitue une rigueur nécessaire au sens de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. 2/ En ce qui concerne, ensuite, les dispositions concernant spécifiquement les étrangers condamnés à une peine d'interdiction du territoire pour des actes de terrorisme ou sous le coup d'une mesure d'expulsion pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées, le Gouvernement estime qu'elles sont également nécessaires pour doter l'administration d'un moyen efficace d'assurer l'éloignement effectif des personnes concernées, qui constitue une exigence impérieuse pour la sauvegarde de l'ordre public. Dans un avis émis le 13 janvier 2011, que le Conseil constitutionnel trouvera joint aux présentes observations, le Conseil d'État, consulté par le Gouvernement, a admis que le législateur pouvait instaurer pour cette catégorie d'étrangers dont l'éloignement constitue une impérieuse nécessité, une durée maximale de rétention administrative excédant la durée de droit commun, sous réserve du respect d'un certain nombre de principes : nécessité de la rétention pour l'exécution de la mesure d'éloignement ; absence d'alternative moins contraignante suffisamment efficace ; existence d'une perspective raisonnable d'exécution de la mesure ; intervention de l'autorité judiciaire pour autoriser la prolongation à échéances régulières et fixation d'une durée maximum de rétention ; exigence que la rétention se déroule dans le respect des droits fondamentaux de l'étranger autres que sa liberté d'aller et de venir. Enfin, une rétention de longue durée ne saurait être admise que dans le cas des étrangers dont la présence en France comporte les risques les plus graves. Les dispositions du cinquième alinéa de l'article 56 de la loi déférée répondent à ces exigences en fixant un cadre très strict pour la mise en oeuvrede ce dispositif dérogatoire. En premier lieu, la rétention prolongée ne peut être mise en oeuvrequ'à l'égard d'étrangers ayant été condamnés à une peine d'interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal ou faisant l'objet d'une mesure d'expulsion prononcée pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées, et ce, en raison de l'intérêt particulier qui s'attache à leur éloignement eu égard à leur dangerosité particulière, ainsi que des difficultés particulières que présente cet éloignement. Il est parfois exclu, en effet, de renvoyer l'intéressé vers son pays d'origine, en raison de la peine de mort ou des traitements inhumains ou dégradants qu'il risquerait d'y subir du fait précisément de ses activités terroristes passées, ce qui implique la recherche, nécessairement complexe, d'un autre pays d'accueil. En deuxième lieu, elle ne peut intervenir que si aucune décision d'assignation à résidence ne permettrait un contrôle suffisant de cet étranger. La rétention de longue durée vient ainsi compléter l'éventail des moyens dont l'autorité administrative dispose à l'égard de cette catégorie très particulière d'étrangers en instance d'éloignement, notamment le placement sous surveillance électronique mobile prévu par l'article 116 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. Il importe toutefois de souligner que ce dernier dispositif, qui ne peut être mis en place qu'avec l'accord de l'étranger, s'accompagne de contraintes fortes pour celui qui en est porteur et nécessite une collaboration active de sa part. Si l'étranger refuse ce dispositif, le placement en rétention peut, dans certains cas, être nécessaire pour prévenir tout risque de fuite dans l'attente de la mise à exécution de la décision d'éloignement. Quant à la simple assignation à résidence, l'exemple récent de la fuite, entre deux pointages, d'un ressortissant algérien condamné à huit ans d'emprisonnement assortis d'une interdiction définitive du territoire français pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme démontre que, dans certains cas, les garanties offertes par cette mesure sont insuffisantes. En troisième lieu, la décision de maintien en rétention relève de la compétence du juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Paris qui devra réexaminer la situation à chaque échéance mensuelle puisque le maintien ne peut être prononcé que pour une période d'un mois renouvelable. En quatrième lieu, et conformément à la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2003-494 DC du 20 novembre 2003, le juge des libertés et de la détention conservera la possibilité d'interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifieront, à la demande de l'étranger, de sa propre initiative ou à la demande du ministère public. En cinquième lieu, la rétention ne peut être prolongée que tant qu'il existe une perspective raisonnable d'exécution de la mesure d'éloignement. L'autorité administrative devra être en mesure de démontrer à chaque demande de prolongation devant le juge des libertés et de la détention qu'elle fait preuve de toute la diligence requise pour procéder à l'éloignement, que le retard subi est dû à des raisons indépendantes de sa volonté et qu'il existe des perspectives raisonnables de mise à exécution dans le délai de la rétention. En sixième lieu, enfin, sa durée maximale ne peut en principe excéder six mois. Elle ne peut être prolongée de douze mois supplémentaires que dans un cas défini très précisément : lorsque, malgré les diligences de l'administration, l'éloignement ne peut être exécuté en raison soit du manque de coopération de l'étranger, soit des retards subis pour obtenir du consulat dont il relève les documents de voyage nécessaires. Au regard des garanties très fortes ainsi prévues, l'atteinte portée à la liberté individuelle des étrangers concernés n'apparaît pas excessive au regard de l'objectif de leur éloignement commandé par la sauvegarde de l'ordre public. XIV/ SUR LES ARTICLES 73 A 88 A/ Le titre IV de la loi déférée a notamment pour objet de transposer en droit interne la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. B/ Le Gouvernement observe que, si les requérants invitent le Conseil constitutionnel à s'assurer que les dispositions des articles 73 à 88 de la loi déférée ne sont pas manifestement incompatibles avec les dispositions de la directive qu'ils ont pour objet de transposer, ils n'assortissent leur grief d'aucune précision. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra écarter ce grief. XV/ SUR L'ARTICLE 94 A/ L'article 94 de la loi déférée modifie les dispositions pénales codifiées à l'article L. 624-1, qui répriment le fait, pour un étranger, de se soustraire ou de tenter de se soustraire à l'exécution d'une mesure d'éloignement, pour tirer les conséquences, notamment, de la création de l'interdiction de retour. Les requérants soutiennent que les dispositions de cet article sont manifestement incompatibles avec les articles 15 et 16 de la directive du 16 décembre 2008, tels qu'interprétés par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 28 avril 2011, Hassen El Dridi (aff. C-61/11 PPU). B/ Par l'arrêt invoqué par les requérants, la Cour de justice, qui était saisie d'une question préjudicielle par une juridiction italienne, a dit pour droit que : « La directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, notamment ses articles 15 et 16, doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à une réglementation d'un État membre, telle que celle en cause dans l'affaire au principal, qui prévoit l'infliction d'une peine d'emprisonnement à un ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier pour le seul motif que celui-ci demeure, en violation d'un ordre de quitter le territoire de cet État dans un délai déterminé, sur ledit territoire sans motif justifié. » Cette solution repose sur l'idée, exprimée au point 59 de l'arrêt, selon laquelle « une telle peine, en raison notamment de ses conditions et modalités d'application, risque de compromettre la réalisation de l'objectif poursuivi par [la] directive, à savoir l'instauration d'une politique efficace d'éloignement et de rapatriement des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ». La Cour précise toutefois que ceci n'exclut pas la faculté, pour les États membres, d'adopter « des dispositions réglant la situation dans laquelle les mesures coercitives n'ont pas permis de parvenir à l'éloignement d'un ressortissant d'un pays tiers qui séjourne sur leur territoire de façon irrégulière » (point 60). La répression pénale n'est donc pas exclue par principe, pourvu qu'il s'agisse d'un ultime recours, après l'échec de la mise en oeuvredes mesures coercitives prévues par la directive. Le Gouvernement n'entend pas contester que, eu égard à la généralité des dispositions contestées, leur application pourrait, en certaines hypothèses, s'avérer incompatible avec l'interprétation ainsi donnée par la Cour de justice de l'Union européenne des dispositions de la directive du 16 décembre 2008. Une circulaire du Garde des sceaux, ministre de la justice, en date du 12 mai 2011, a ainsi recommandé aux procureurs généraux près les cours d'appel, avant toute poursuite fondée sur l'article L. 624-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, « de s'attacher à caractériser un défaut manifeste de coopération dans la phase d'identification se déroulant pendant la rétention administrative ou de résistance à l'exécution forcée de la procédure d'éloignement ». Le Gouvernement entend toutefois faire valoir, d'une part, que les dispositions pénales de l'article 94 de la loi déférée ne peuvent être regardées comme ayant pour objet la transposition de la directive du 16 décembre 2008. En effet, comme le rappelle la Cour de justice elle-même dans son arrêt du 12 mai 2011, en principe, « la législation pénale et les règles de la procédure pénale relèvent de la compétence des États membres » (point 53), même si ces États « ne sauraient appliquer une réglementation, fût-elle en matière pénale, susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs poursuivis par une directive et, partant, de priver celle-ci de son effet utile » (point 55). Or il est de jurisprudence constante que l'exigence constitutionnelle de transposition des directives de l'Union européenne ne peut être utilement invoquée devant le Conseil constitutionnel, lorsqu'il est saisi en application de l'article 61 de la Constitution, qu'à l'encontre des dispositions qui ont pour objet de transposer une directive en droit interne (v. les décisions n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, cons. 28, et n° 2008-564 DC du 19 juin 2008, cons. 31). Le grief soulevé par les requérants apparaît donc inopérant. D'autre part, et en tout état de cause, il résulte de ce qui a été dit plus haut que la Cour de justice de l'Union européenne n'a nullement entendu interdire aux États membres de maintenir dans leur législation des dispositions à caractère pénal réprimant, notamment, le fait pour un étranger de se soustraire aux mesures prises en vue de son éloignement. Les objectifs de la directive ne font dès lors pas obstacle à ce que, tout en respectant le principe de proportionnalité, fasse l'objet d'une sanction pénale comprenant le cas échéant une peine privative de liberté le comportement consistant en une soustraction effective et délibérée à l'exécution forcée d'une mesure d'éloignement entrant dans le champ d'application de la directive, telle que l'obligation de quitter le territoire ou l'arrêté de reconduite à la frontière. Il convient en outre d'observer que l'article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive donne aux États membres la possibilité de décider de ne pas appliquer cette directive aux ressortissants de pays tiers faisant l'objet d'une sanction pénale prévoyant ou ayant pour conséquence leur retour conformément au droit national, telle l'interdiction judiciaire du territoire (anciennement interdiction du territoire français), ou faisant l'objet de procédures d'extradition. La soustraction à l'exécution de ces mesures, qui est réprimée par la disposition contestée, n'entre donc pas dans le champ d'application de la directive. Dans ces conditions, le Gouvernement estime qu'il n'existe pas d'incompatibilité manifeste entre les dispositions contestées et les objectifs de la directive du 16 décembre 2008. XVI/ SUR L'ARTICLE 95 A/ Le 2° de l'article 95 de la loi déférée complète l'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un alinéa ainsi rédigé : « Le bénéfice de l'aide juridictionnelle ne peut pas être demandé dans le cadre d'un recours dirigé contre une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant une demande de réexamen lorsque le requérant a, à l'occasion d'une précédente demande, été entendu par l'office ainsi que par la Cour nationale du droit d'asile, assisté d'un avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle. » Les requérants estiment que cette disposition constitue un « recul du droit à un recours effectif » qui justifierait « à lui seul » une censure par le Conseil constitutionnel. Ils soutiennent en outre qu'elle est manifestement incompatible avec l'article 15, paragraphe 2, de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres. B/ Le Gouvernement ne partage pas ce point de vue. 1/ En premier lieu, en effet, les dispositions contestées ne portent pas « d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif », qui résulte de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996). En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, améliorer le fonctionnement de la Cour nationale du droit d'asile, en limitant la présentation de recours en réexamen, qui constituent environ 20 % des recours formés devant elle, et sont le plus souvent manifestement infondés. La limitation du droit à l'aide juridictionnelle en pareille hypothèse responsabilisera les requérants et, en allégeant les charges pesant sur la Cour, permettra à cette juridiction d'améliorer ses délais de jugement, au bénéfice des étrangers en réel besoin de protection. Par ailleurs, les dispositions contestées ne font pas obstacle en toute hypothèse à ce que le bénéfice de l'aide juridictionnelle soit accordé à un demandeur d'asile à l'occasion d'un recours contre le rejet d'une demande de réexamen. En effet, leur application est subordonnée à la double condition que le requérant ait été, à l'occasion d'une précédente demande, entendu par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ainsi que par la Cour nationale du droit d'asile, et assisté devant cette cour par un avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle. Ainsi, si, à l'occasion d'un recours contre le rejet d'une demande de réexamen, il apparaît que le requérant n'a pas précédemment été entendu par l'OFPRA et n'a pas bénéficié de l'assistance d'un avocat pris en charge par l'aide juridictionnelle, il aura droit à cette aide dans les conditions de droit commun. En tout état de cause, les étrangers auxquels s'appliqueront les dispositions contestées ne seront pas privés de la possibilité de former un recours en réexamen devant la Cour nationale du droit d'asile, que ce soit avec l'assistance d'un avocat qu'ils rétribueront, ou même sans cette assistance, dès lors qu'aucune disposition ne rend obligatoire le ministère d'avocat devant cette juridiction. Dans ces conditions, les dispositions contestées ne sauraient être regardées comme portant une atteinte inconstitutionnelle au droit à un recours effectif. 2/ En ce qui concerne, ensuite, la compatibilité des dispositions contestées avec l'article 15 de la directive du 1er décembre 2005, il est vrai que, comme le soulignent les requérants, le paragraphe 2 de cet article pose en principe que, « en cas de décision négative de l'autorité responsable de la détermination, les États membres veillent à ce que l'assistance judiciaire et/ou la représentation gratuites soient accordées sur demande ». Ce principe ne vaut toutefois que « sous réserve des dispositions du paragraphe 3 » du même article, dont le a) prévoit que les États membres peuvent prévoir dans leur droit national que l'assistance judiciaire et/ou la représentation gratuites sont accordées uniquement « dans le cadre des procédures devant une cour ou un tribunal prévues au chapitre V et à l'exclusion de tout autre recours juridictionnel ou administratif prévu dans le droit national, y compris le réexamen d'un recours faisant suite à un recours juridictionnel ou administratif ». Or, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il n'apparaît pas manifeste que la notion de « réexamen d'un recours faisant suite à un recours juridictionnel ou administratif » ne s'applique pas à un recours dirigé contre une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant une demande de réexamen d'une demande d'asile, alors même qu'une telle demande de réexamen devrait être regardée comme une « demande ultérieure » au sens de l'article 39 de la directive. Dans ces conditions, le Conseil constitutionnel ne pourra qu'écarter le grief soulevé sur ce point par les requérants. XVII/ SUR L'ARTICLE 98 A/ L'article 98 de la loi déférée ouvre la possibilité à la Cour nationale du droit d'asile, dans certaines conditions, d'entendre un requérant par un moyen de communication audiovisuelle. Les requérants soutiennent que cette disposition constitue une « violation manifeste du principe d'égalité devant la loi » en ce que l'exigence du consentement du requérant, pour le recours à un tel moyen de communication, est limitée aux seuls étrangers se trouvant en France métropolitaine, à l'exception de ceux qui séjournent outre-mer. Ils ajoutent que, dans ces conditions, les garanties d'un procès juste et équitable ne sont pas réunies. B/ Le Conseil constitutionnel écartera ces griefs. D'une part, en effet, en ce qui concerne la rupture d'égalité alléguée, il est manifeste que les demandeurs d'asile se trouvent dans une situation différente, en ce qui concerne les justifications du recours à un moyen de communication audiovisuelle pour la tenue des audiences devant la Cour nationale du droit d'asile, selon qu'ils séjournent ou non sur le territoire métropolitain de la France. L'impossibilité, à ce jour, de recourir à la visioconférence pour la tenue des audiences a en effet pour conséquence, jusqu'à aujourd'hui, soit que le demandeur d'asile qui séjourne dans une collectivité située outre-mer doit être autorisé à venir en métropole, en principe à ses frais, soit que la Cour doit tenir dans cette collectivités des audiences foraines. Des missions foraines ont ainsi été organisées en 2007 en Guadeloupe (500 dossiers), à Mayotte (141 dossiers) et en Guyane (342 dossiers), en 2008 en Guadeloupe (369 dossiers), en 2009 en Guyane (210 dossiers) et à Mayotte (360 dossiers), et en 2011 en Martinique (225 dossiers) et en Guyane (450 dossiers), une mission à Mayotte étant prévue pour la fin de l'année. Eu égard à la difficulté de l'organisation de ces missions et aux délais de jugement qu'elles occasionnent, l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice justifiait que, en ce qui concerne les demandeurs d'asile séjournant dans des collectivités situées outre-mer, leur consentement ne soit pas requis préalablement à la décision de recourir à la visioconférence. Les mêmes considérations n'existant pas en ce qui concerne les demandeurs présents sur le territoire métropolitain, cette décision a pu, en revanche, en ce qui les concerne, être subordonnée à leur consentement, sans qu'il en résulte aucune atteinte inconstitutionnelle au principe d'égalité devant la loi. D'autre part, il est vrai que, dans sa décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, le Conseil constitutionnel, a relevé, pour admettre la tenue par un moyen de télécommunication audiovisuelle des audiences organisées par le juge des libertés et de la détention pour, notamment, statuer sur une demande de prolongation de la rétention, que « le déroulement des audiences au moyen de techniques de télécommunication audiovisuelle est subordonné au consentement de l'étranger, à la confidentialité de la transmission et au déroulement de la procédure dans chacune des deux salles d'audience ouvertes au public » (cons. 82). Néanmoins, il ne résulte pas de cette décision que le consentement de l'étranger soit, par lui-même, et en toute hypothèse, une condition de l'équité de la procédure. Au cas d'espèce, la disposition contestée, qui est justifiée, ainsi qu'il a été dit, par des impératifs de bonne administration de la justice, prévoit que le moyen de communication audiovisuelle utilisé devra garantir la confidentialité de la transmission avec une salle d'audience spécialement aménagée à cet effet, ouverte au public et située dans des locaux relevant du ministère de la justice. Le requérant bénéficiera, par ailleurs, de l'ensemble des garanties offertes par la procédure juridictionnelle devant la Cour nationale du droit d'asile, telles qu'elles sont prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, la disposition contestée ne porte aucune atteinte à l'exigence d'un procès juste et équitable. Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans les saisines ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.Monsieur le Président, Le Conseil constitutionnel a été saisi, par les députés membres du groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche, d'un recours dirigé contre la loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité. Deux griefs portent sur la mise en oeuvre, en première lecture, du temps législatif programmé. Je vous adresse des observations sur ces deux griefs. Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma haute considération. Bernard ACCOYER MISE EN CAUSE DE LA PROCÉDURE D'ADOPTION DU PROJET DE LOI RELATIF À L'IMMIGRATION, À L'INTÉGRATION ET À LA NATIONALITÉ Dans un recours adressé au Conseil constitutionnel, les députés membres du groupe Socialiste, radical, citoyens et divers gauche mettent en cause la procédure au terme de laquelle la loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité a été adoptée. Ils font valoir, en particulier, deux arguments portant sur la mise en oeuvre du temps législatif programmé: le temps alloué aux groupes aurait été fixé, en première lecture, à un niveau trop bas; la Conférence des Présidents aurait opposé «une fin de non recevoir» à leur demande de temps supplémentaire formulée dans le cours des débats. Aucun de ces deux arguments n'emporte la conviction. 1. Un temps important a été alloué aux groupes. 1.1. Le temps alloué aux groupes a été fixé par la Conférence des Présidents du 7 septembre 2010, lorsque celle-ci a décidé de recourir à la procédure du temps législatif programmé. On rappellera que cette procédure est prévue par les articles 49 et 55 du Règlement de l'Assemblée nationale, qui fait application d'une faculté prévue par l'article 17 de la loi organique du 15 avril 2009 relative à l'application de l'article 44 de la Constitution. Elle consiste à fixer aux groupes un temps maximal pour la discussion d'un texte de loi. Ces dispositions ont été validées par le Conseil constitutionnel. En l'occurrence, alors que la proposition initiale était de 25 heures, le temps des groupes a été porté, d'emblée, à 30 heures. M. Jean-Marc Ayrault a fait usage, en effet, de la faculté prévue par l'article 49, alinéa 9 du Règlement de l'Assemblée nationale, qui permet à un président de groupe d'« obtenir, de droit, que le temps programmé soit égal à une durée minimale fixée par la Conférence des Présidents ». 1.2. Il s'agit d'une durée significative qui correspond à ce qu'il est d'usage d'appeler «temps législatif programmé allongé ». Celui-ci n'est pas systématiquement demandé en cas de recours au temps législatif programmé (moins d'une fois sur deux) et, lorsqu'il l'est, l'opposition n'épuise généralement pas le temps qui lui est imparti. Le nombre d'amendements en discussion était certes important (545), mais moindre que pour beaucoup d'autres textes également soumis à une durée de 30 heures (Jeux et paris en ligne, 1 429 ; concomitance des renouvellements des conseils généraux et régionaux, 5 132 ; dialogue social dans la Fonction publique, 5 326; Grenelle 2, 1 405 ; réforme des collectivités territoriales, 547; modernisation de l'agriculture, 1 213 ; réforme des retraites, 597). 1.3. Les groupes d'opposition ont bénéficié de près de 60% du temps alloué aux groupes, conformément au barème établi par la Conférence des Présidents du 30 juin 2009 (soit 17 heures environ, dont 11h25 pour le seul groupe SRC). 1.4. Le débat, programmé sur deux semaines, a fait l'objet de 13 séances entre le mardi 28 septembre et le jeudi 7 octobre 2011. Au total, le temps de séance a été de 42 heures (en prenant en compte le temps, non limité, de la commission et du Gouvernement). Les groupes ont utilisé un peu plus de 26 heures. 2. Aucune demande de temps supplémentaire n'a pu être examinée. 2.1. Le président du groupe SRC a certes écrit au Président de l'Assemblée nationale, le 4 octobre 2010, pour lui demander, en vertu de l'article 49, alinéa 12 du Règlement de l'Assemblée nationale, qu'un temps supplémentaire soit accordé aux groupes. En revanche, la Conférence des Présidents n'a pas opposé à cette demande «une fin de non recevoir », contrairement à ce qui est affirmé dans la requête. 2.2. À titre liminaire, il convient de rappeler que la Conférence des Présidents, qui a désormais une existence constitutionnelle puisqu'elle est mentionnée aux articles 39 et 45 de la Constitution (pour le contrôle des études d'impact et l'opposition à la procédure accélérée), est l'organe compétent pour préparer l'organisation du travail de l'Assemblée nationale en séance publique. Elle prend les décisions nécessaires à la mise en oeuvre du temps législatif programmé, en application de l'article 49 du Règlement. L'alinéa 12 de cet article indique que c'est elle qui, le cas échéant, peut décider d'augmenter le temps alloué aux groupes. Les demandes qui lui sont faites sont présentées par les présidents des groupes ou des commissions et les décisions prises par consensus ou à la majorité. 2.3. Le Président de l'Assemblée nationale, ayant reçu la lettre précitée, a répondu le jour même à M. Jean-Marc AyrauIt dans les termes suivants: «Il reviendra à la Conférence des Présidents, lors de sa réunion de demain, d'examiner l'ordre du jour de la semaine en cours. Vous comprendrez que je ne puisse m'engager sur la suite qu'elle réservera à la demande précise que vous formulez. Il vous appartiendra, personnellement ou par l'intermédiaire de votre représentant, de défendre ce point de vue. La Conférence est, vous le savez, un lieu d'échanges et de dialogue destiné à régler les questions de cet ordre. Je vous informe que je suis prêt à appuyer votre demande ». La Conférence des Présidents du mardi 5 octobre 2010 s'est cependant déroulée en l'absence des représentants de l'opposition qui, pour des raisons politiques, avaient décidé de boycotter les instances décisionnelles de l'Assemblée. Il en est fait mention, au procès verbal, dans les termes suivants: «M. LE PRÉSIDENT considère qu'il n'est pas en mesure d'inviter la Conférence à se prononcer sur cette demande de temps supplémentaire, le président du groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche n'étant pas là pour la présenter et n'ayant mandaté aucun membre de son groupe à cet effet. (Assentiment) ». A ce stade de la discussion, le temps restant aux groupes était encore de 12h30, dont 3h43 pour le groupe SRC. 2.4. Pour rechercher une solution consensuelle, le Président de l'Assemblée nationale a convoqué, le mercredi 6 octobre, dans l'après-midi, une nouvelle Conférence des Présidents. Les travaux furent suspendus à cet effet, après que le président de séance eut annoncé cette décision dans les termes suivants: « Je vous informe que le Président de l'Assemblée nationale a décidé de réunir la Conférence des présidents. Elle va se tenir dans les minutes qui suivent. J'invite les différents groupes à s’y faire représenter. (Suspension) ». Cette Conférence ne put se tenir en raison de l'absence persistante des représentants de l'opposition. A la reprise des travaux le président de séance déclara: « Je précise à l'ensemble de l'Assemblée que la Conférence des présidents a été convoquée à l'initiative du président Accoyer, dans un geste de bonne volonté et un souci d'apaisement. Or on a constaté que les groupes qui sollicitaient une évolution de l'organisation de nos débats n'étaient pas représentés. La Conférence des présidents n'a pas pu prendre de décision modifiant l'organisation de nos débats. Nos débats se poursuivent donc tels qu'ils ont été organisés par les précédentes Conférences des présidents ». Il apparaît, ainsi, que le temps alloué aux groupes pour l'examen de ce texte de loi était important, et que la Conférence des Présidents n'a pas été en mesure de statuer sur une demande de temps supplémentaire. En tout état de cause, la durée fixée n'était pas insuffisante. La procédure du temps législatif programmé doit conduire les groupes à définir des priorités et à mettre l'accent sur les points selon eux les plus importants. Manifestement, le groupe SRC n'a pas pu, ou n'a pas voulu le faire. On observera, d'ailleurs, que le groupe SRC n'a pas fait usage des dispositions du Règlement qui lui auraient permis de s'exprimer davantage. Son président n'a pas épuisé le « temps personnel» dont il bénéficiait en application de l'article 49, alinéa 8 du Règlement (il disposait encore de plus de 20 minutes lorsque ses membres ont quitté l'hémicycle). Le groupe n'a pas demandé le temps supplémentaire auquel il avait. Droit en application de l'article 55, alinéa 6 du Règlement, pour chacun des amendements déposés hors délai (10 minutes par amendement). Si les députés du groupe SRC étaient restés dans l'hémicycle, leurs amendements auraient naturellement été mis aux voix. De plus, aucun d'entre eux n'a pris la parole à l'issue de la discussion pour faire une explication de vote personnelle sur le fondement de l'article 49, alinéa 13 du Règlement (faculté qui a été utilisée par un député du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). La clarté et la sincérité du débat parlementaire, exigence constitutionnelle réaffirmée par la décision n° 2009-581 DC rendue le 25 juin 2009 sur le Règlement de l'Assemblée nationale, n'a donc pas été entachée, dans le cas présent, par une quelconque irrégularité. Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, Nous avons l'honneur de vous déférer, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, l'ensemble de la loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité. Certaines des dispositions du texte appellent votre censure sur la base du même fondement, l'atteinte aux principes inscrits aux articles 66 de la Constitution et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 selon lesquels l'autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle et qu'est proscrit toute rigueur qui ne serait pas nécessaire ; elles seront donc traitées ensembles. Les autres dispositions en cause seront considérées individuellement. SUR LA PROCEDURE PARLEMENTAIRE Tout d'abord, il est nécessaire de revenir sur la procédure d'adoption de la loi soumise à votre examen. A plusieurs étapes de la procédure parlementaire, il est manifeste que n'ont pas été respectées les exigences de clarté et de sincérité des débats parlementaires sans lesquelles ne seraient garanties ni la règle énoncée par l'article 6 de la Déclaration de 1789, aux termes duquel " la loi est l'expression de la volonté générale... ", ni celle résultant du premier alinéa de l'article 3 de la Constitution, aux termes duquel " la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants... ". En premier lieu, l'étude d'impact n'a pu être contestée par les députés, comme le prévoit l'article 9 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, du simple fait qu'aucune Conférence des Présidents n'a été convoquée dans les dix jours suivants son dépôt. En effet, le Président de l'Assemblée nationale a considéré, dans un courrier adressé le 21 avril 2010 au Président du groupe socialiste, radical et citoyen, que le délai de 10 jours n'est suspendu que « dans l'intervalle des sessions » et non en cas d'interruption des travaux de l'Assemblée. Par conséquent, les députés n'ont pu démontrer en Conférence des Présidents le caractère insincère de cette étude d'impact alors même « qu'il appartient à la Conférence des présidents de cette assemblée de constater que cette étude d'impact est conforme aux prescriptions de l'article 8 de la loi organique” (2009-579 DC du 09 avril 2009). La sincérité des débats n'a pu, par suite, être assurée. En second lieu, l'imposition d'un temps législatif programmé manifestement insuffisant a privé les députés de leur droit d'expression et d'amendement violant de fait les exigences constitutionnelles de clarté et de sincérité du débat parlementaire. En effet, en première lecture à l'Assemblée nationale, la Conférence des Présidents a décidé d'appliquer la procédure du temps législatif programmé sur la base d'un temps de trente heures. Le groupe socialiste, radical et citoyen s'est vu accorder onze heures vingt-cinq minutes. 107 articles étant en discussion et 572 amendements ayant été déposés, le groupe SRC disposait, par conséquent, d'une minute seulement pour s'exprimer sur chacun d'entre eux. Ce temps, ridiculement court, ne tient compte ni du temps normalement accordé à chaque groupe pour la discussion générale, le groupe SRC ayant volontairement choisi de se priver de ces expressions, ni celui nécessaire pour la défense des motions de procédure. Néanmoins, malgré sa prudence initiale, le groupe SRC s'est vu contraint au silence à partir de l'article 43, alors que la moitié du texte restait en discussion. Il est utile de noter que le temps programmé, fixé à 30h, a été décidé avant l'examen en commission des lois et n'a pas été augmenté à l'issue de celle-ci alors même que le volume du projet de loi avait progressé de près de 30%, passant de 84 à 107 articles. Des articles touchant à des sujets sensibles et importants ont ainsi été intégrés en commission tels que ceux relatifs à la déchéance de nationalité, aux étrangers atteints de pathologie grave, aux nouveaux cas de reconduite à la frontière de ressortissants européens, au recours à la visioconférence en matière d'asile ou encore ce qui a été appelé par le Gouvernement et les rapports parlementaires aux « mariages gris », terme pour le moins contestable. Au regard de ces éléments objectifs, le groupe SRC, en vertu de l'article 49 alinéa 12 du règlement de l'Assemblée Nationale a demandé à la présidence de l'Assemblée nationale qu'un temps supplémentaire soit accordé, par un courrier en date du 4 octobre 2010, c'est-à-dire 3 jours avant que son temps en séance soit expiré. Cette demande a reçu une fin de non recevoir en Conférence des Présidents. Ce refus a eu des conséquences graves touchant tous les groupes. En effet, lors de la dernière séance, le groupe majoritaire n'a pu disposer que de 63 minutes pour défendre ses 65 amendements restant en discussion et répondre aux 99 autres amendements, ce qui représente un temps de 23 secondes par amendement. Le groupe SRC ne disposait quant à lui que de 16 secondes pour défendre ses 61 derniers amendements, soit 0.26 seconde par amendement. Ce silence imposé est d'autant plus grave que celui-ci eut pour conséquence l'impossibilité de demander une suspension de séance ou de demander des scrutins publics sur des points aussi fondamentaux que la répression des employeurs d'étrangers sans titre, le durcissement de la législation concernant les ressortissants de l'Union européenne, la restriction du droit d'asile ou le délit de solidarité. Ce n'est pas moins de 52 articles et 161 amendements qui ont été examinés alors même que le groupe SRC était contraint au silence. Vous avez souligné dans votre décision n°2009-579 DC du 09 avril 2009 « qu'en prévoyant, à l'article 44 de la Constitution, que le droit d'amendement s'exerce " en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées ", le constituant a entendu permettre que, dans le cadre de la procédure instituée par ces règlements impartissant des délais pour l'examen d'un texte en séance, les amendements ne puissent être discutés que lors de l'examen du texte en commission ». Néanmoins, il apparaît que les députés des deux groupes d'opposition n'ont pu s'exprimer sur des amendements adoptés, ni en commission, ni en séance. Ainsi, l'amendement n°23 à l'article 79 déposé par le rapporteur n'a pas été examiné en commission, a été adopté en séance à l'Assemblée sans possibilité d'expression pour l'opposition, puis adopté conforme au Sénat. Le temps programmé a été institué notamment pour résoudre les difficultés liées à l'obstruction parlementaire comme vous le soulignez dans vos cahiers n°27. Dans le cas de l'examen du projet de loi relatif à l'immigration, l'intégration et la nationalité, en aucun cas les groupes n'ont eu une attitude d'obstruction. Le temps programmé était simplement et manifestement insuffisant, le groupe majoritaire ayant été lui-même contraint. Vous avez rappelé dans votre décision 2009-581 DC du 25 juin 2009 que « si la Conférence des présidents d'une assemblée parlementaire peut fixer la durée maximale de l'examen de l'ensemble d'un texte, ce n'est que sous la réserve que cette durée ne soit pas fixée de telle manière qu'elle prive d'effet les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ». Dans le cas ici présenté, il ne pourra vous échapper que la clarté et la sincérité du débat parlementaire, sans lesquelles ne seraient pas garanties les règles énoncées par les articles 6 de la Déclaration de 1789 et 3 de la Constitution, n'ont pu être assurées. Enfin, lors de l'examen du texte issu de la commission mixte paritaire, les députés ont rejeté une motion de rejet préalable qui mettait notamment en lumière l'inconstitutionnalité du projet de loi. Pourtant, quelques minutes plus tard, le rapporteur soumettait au vote un amendement « tendant à assurer la constitutionnalité de l'article 34, compte tenu de la décision n°2011-625 DC du 10 mars 2011 du Conseil constitutionnel », prouvant par là-même l'insincérité des débats. SUR LES MANQUEMENTS AUX ARTICLES 66 DE LA CONSTITUTION ET 9 DE LA DECLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN Conformément à l'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». Cette disposition constitutionnelle implique non seulement que toute personne privée de sa liberté puisse avoir accès à un juge, mais encore que ce juge puisse exercer un contrôle effectif sur la décision contestée. Or les requérants considèrent que les dispositions de la loi ici disputée relatives au délai d'intervention du juge des libertés (1), aux purges des nullités (2), à la limitation des moyens invocables devant le juge de la zone d'attente (3), ainsi qu'au délai de recours suspensif accordé au ministère public (4) méconnaissent toutes ces exigences constitutionnelles fondamentales pour la protection des libertés individuelles. Il ressort en effet sans ambiguïté aucune de la jurisprudence de votre haute juridiction qu'aussi bien le maintien d'un étranger en zone d'attente (92-307 DC du 25 février 1992, cons. 15), que son maintien en centre de rétention administrative (2003-484 DC du 20 novembre 2003, cons. 51) constituent des mesures affectant la liberté individuelle qui appellent l'intervention pleine et entière du juge judiciaire . Comme il découle de l'article 9 de la Déclaration de 1789 que la « liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire » (2010-31 QPC du 22 septembre 2010, cons. 5). 1. Quant aux articles 44 et 51 Les articles 44 et 51 prévoient tous deux que, dorénavant, le délai d'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) pour autoriser le maintien en rétention administrative d'un étranger sera de 5 jours, et non plus de 48 heures. En d'autres termes, pendant un délai, a minima, de 5 jours, un étranger pourra se retrouver privé de liberté par l'autorité administrative, sans possibilité aucune d'avoir accès à un juge du siège. Il est pourtant constant que depuis votre décision n° 79-109 DC, la « liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible » (9 janvier 1980, cons. 4). Or ce délai de 5 jours ne peut être considéré comme conforme à cette exigence. A cet égard, et à l'instar de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, il convient d'abord de relever que « cet allongement considérable du délai de privation de liberté avant toute intervention du juge judiciaire n'est nullement imposé par la ‘directive retour' dont le projet de loi est présenté comme l'application en droit français » . Ensuite et surtout, il ne saurait être regardé comme le plus court délai possible. Primo, parce que dans de nombreux cas, pour ne pas dire l'essentiel des cas, la décision préfectorale de placement en rétention administrative sera précédée d'une mesure de garde à vue. Dans ces hypothèses, les plus nombreuses, ce n'est donc pas pendant 5 jours que les étrangers concernés seront privés d'accès au juge du siège, mais bien pendant 6, voire 7 jours. Or comme vous l'avez expressément indiqué dans votre décision précitée, le maintien « en détention pendant sept jours sans qu'un juge ait à intervenir, de plein droit ou à la demande de l'intéressé (...) n'est pas conforme à la constitution » (cons. 4). Secundo, que ce soit dans votre décision n° 79-109 DC du 9 janvier 1980 (cons. 4), ou dans celle n° 97-389 DC du 22 avril 1997 (cons. 54), c'est par deux fois en vous fondant sur l'intervention du juge judiciaire dans un délai de 48 heures que vous aviez admis la conformité des dispositifs contestés à l'article 66 de la Constitution. Rappelons d'ailleurs à cet égard que, dans votre décision de 1997, vous aviez validé le passage de 24 à 48 heures en tenant compte du fait que, dans le même temps, la loi réduisait de 6 à 5 jours le délai de prorogation du maintien en rétention. De même, si dans votre décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, vous aviez validé l'extension du délai maximal de maintien en rétention, c'est uniquement après avoir rappelé que cet allongement ne remettait « pas en cause le contrôle de l'autorité judiciaire (...) au-delà de quarante huit heures » (cons. 64). Or, en l'espèce, non seulement l'allongement du délai de recours au juge passe de 2 à 5 jours, mais il s'accompagne de l'allongement de la durée maximale de rétention qui passe, elle, de 32 à 45 jours. Aucune circonstance donc n'appelle à ce que vous renonciez à votre propre jurisprudence. Tout au contraire. En effet, hormis les décisions précitées spécifiques à la rétention administrative des étrangers, il ressort de manière générale de vos décisions rendues en matière de garde à vue que l'intervention d'un juge du siège au-delà d'un délai de 48 heures a acquis une valeur constitutionnelle. Ainsi, déjà dans votre décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981, aviez vous jugé qu'au-delà de 48 heures, « l'intervention d'un magistrat du siège pour autoriser (...) la prolongation de la garde à vue, est nécessaire conformément aux dispositions de l'article 66 de la Constitution » (cons. 25). Et encore tout récemment, comme l'indique le commentaire aux Cahiers de votre décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, vous avez « confirmé qu'au-delà de quarante-huit heures de privation de liberté, l'article 66 de la Constitution impose que la privation de liberté soit placée sous le contrôle d'un magistrat du siège ». C'est ainsi que vous avez rappelé que la possibilité pour le parquet de retenir pendant une durée de 20 heures un prévenu en attendant sa mise à la disposition de la justice « méconnaîtrait la protection constitutionnelle de la liberté individuelle si la personne retenue n'était pas effectivement présentée à un magistrat du siège avant l'expiration » de ce délai si elle s'appliquait à l'issue d'une garde à vue ayant duré 48 heures (2010-80 QPC du 17 décembre 2010, cons. 11). Et même quand il s'est agi de vous prononcer sur la constitutionnalité de la prolongation de la garde à vue en matière de terrorisme à 6 jours, vous ne vous êtes pas contentés de la valider au regard de l'intervention du juge du siège, mais également au regard de l'article 9 de la Déclaration de 1789. Ainsi cette prolongation n'a-t-elle eu grâce à vos yeux, fût-elle prononcée par le juge des libertés, qu'eu égard à son caractère « exceptionnel » qui la rendait conforme au principe de rigueur nécessaire (2010-31 QPC du 22 septembre 2010, cons. 5). Rien ne justifie qu'il en soit autrement pour les étrangers, puisque si, selon vos propres termes, le législateur peut prendre à leur égard « des dispositions spécifiques », c'est à la condition de « respecter les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République », parmi lesquels figurent en premier lieu « la liberté individuelle et la sûreté » et des « droits de la défense » (93-325 DC du 13 août 1993, cons. 3, 84 et 113). Or, s'agissant d'étrangers dont il n'est pas démontré qu'ils représentent un danger particulier pour la sauvegarde de l'ordre public, c'est en vain que vous rechercherez une exigence constitutionnelle justifiant pareille rigueur dans l'application de la loi. Les deux principaux arguments avancés par les promoteurs du nouveau dispositif ne sauraient en effet prospérer. L'argument qu'il vous appartiendra en premier lieu d'écarter, énoncé dans le rapport initial de la Commission des Lois de l'Assemblée nationale, indique qu'une libération par le JLD pourra se justifier « par l'existence d'une irrégularité liée à la procédure civile ou pénale », mais que dans ce cas elle aura alors « pour conséquence d'empêcher l'exécution d'une mesure d'éloignement légale ». Aussi, toujours selon les termes du même rapport, le « passage du délai de rétention administrative de deux à cinq jours permettra dans certaines circonstances d'exécuter la mesure d'éloignement dès que le juge administratif, juge du fond en matière de droit des étrangers, aura rendu sa décision » (rapport n° 2814, 16 septembre 2010, p. 249). Si les requérants avaient cherché à démontrer que l'objectif véritable poursuivi par le législateur n'était pas celui de la bonne administration de la justice, mais la marginalisation du juge judiciaire, empêcheur « d'expulser en rond », ils ne l'auraient pas dit autrement ! En effet, il s'agit là ni plus ni moins de l'aveu que c'est l'Etat de droit que l'on cherche à contourner, au nom de l'efficacité des mesures de renvoi. Or le risque que fait peser pareille disposition sur la liberté individuelle des étrangers est très loin d'être théorique. En effet, selon le rapport annuel 2009 de la Cimade, ce ne sont pas moins de 4000 étrangers qui pourraient ainsi être reconduits à la frontière sans avoir pu être à même de bénéficier d'un accès au JLD . L'autre argument qui manque tout autant de pertinence, réside dans l'idée que l'enchevêtrement des procédures administratives et judiciaires nuirait à l'objectif à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice. Ainsi, toujours selon les termes du rapport de la Commission des Lois de l'Assemblée nationale, il serait « indispensable de purger au préalable le contentieux sur la décision de rétention par l'administration avant que n'intervienne le juge judiciaire » (p. 249). Avec le nouvel agencement, et conformément à l'article 48 du projet de loi, le juge administratif statuerait ainsi toujours avant le JLD, puisque, saisi dans les 48 heures, il aurait 72 heures pour se prononcer. A cet égard, s'il va de soi que les requérants ne remettent pas en cause la valeur constitutionnelle de l'objectif de bonne administration de la justice qui découle des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration de 1789, ils rappellent néanmoins que, ne pouvant « être invoqué à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution », cet objectif ne fait pas partie des « droits et libertés que la Constitution garantit », contrairement aux exigences inscrites aux articles 9 de la Déclaration de 1789 et 66 de la Constitution ici en cause (2010-77 QPC du 10 décembre 2010, cons. 3). Il ressort par ailleurs de la jurisprudence de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation que « les nécessités d'une bonne administration de la justice ne peuvent être invoquées pour priver un justiciable de son droit à un procès équitable » . Autrement dit, dans la conciliation qu'il appartenait au législateur d'assurer entre, d'une part, un simple objectif, et, d'autre part, d'impératives exigences, la balance ne pouvait pencher en faveur du premier aux dépens des secondes, sauf impérieuse nécessité avérée. Or à aucun moment il n'a été ni avancé ni démontré que le recours au JLD dans un délai de 48 heures était devenu intenable et mettait à mal le bon fonctionnement de la justice. Il n'est par exemple fait état d'aucune contrainte matérielle qui exigerait un report de l'intervention du juge du siège comme c'était le cas dans votre décision n° 2010-80 QPC du 17 décembre 2010 (cons. 6). D'une certaine manière, c'est même au contraire son trop bon fonctionnement qui lui est reproché quand le législateur se plaint de ce qu'il aboutisse à des libérations avant que la mesure d'éloignement n'ait pu être exécutée. D'ailleurs, l'argument selon lequel le dispositif viserait à conjurer le risque de voir le JLD autoriser la prolongation d'une rétention alors même que celle-ci, en tant que mesure administrative sera ultérieurement annulée par le juge administratif, a été battu en brèche par la Commission des Lois du Sénat elle-même. Selon ses propres termes : « Il convient toutefois de noter que ce cas est relativement peu fréquent et qu'il arrive au contraire souvent que le JLD remette un étranger en liberté du fait d'une irrégularité commise par l'administration alors même que la mesure de placement en rétention est légale, et que l'éloignement aurait été exécuté si le JLD n'était pas intervenu » (rapport n° 239 (2010-2011), p. 34). Par surcroît, la simultanéité des deux procédures n'est pas, en réalité, contraire à l'objectif de bonne administration de la justice, dès lors qu'elle découle du principe fondamental reconnu par les lois de la République de séparation des juridictions administrative et judiciaire qui impose que chacun des ordres de juridiction se prononce sur la matière qui lui revient : la liberté individuelle pour le juge judiciaire ; la licéité de l'arrêté préfectoral pour la juridiction administrative (89-261 DC du 28 juillet 1989, cons. 19 et 2003-484 DC du 20 novembre 2003, cons. 64-65). D'ailleurs, selon vos propres termes, la bonne administration de la justice elle-même « commande que l'exercice d'une voie de recours appropriée assure la garantie effective des droits des intéressés » (89-261 DC, cons. 29). L'intervention préalable du juge administratif ne peut à cet égard être considérée comme une garantie, ce dernier n'étant pas le garant de la liberté individuelle, mission confiée exclusivement au juge de l'ordre judiciaire par l'article 66 de la Constitution. Aussi, le principe selon lequel le délai d'intervention du juge judiciaire doit être le plus court possible s'impose en toutes circonstances, indépendamment de l'intervention du juge administratif . Enfin, le précédent ne saurait être invoqué à bon escient. La Commission des Lois de l'Assemblée nationale elle-même admet que la possibilité inscrite dans la loi n° 92-625 du 6 juillet 1992 de maintenir un étranger en zone d'attente pendant 4 jours ne saurait en aucun cas servir de justification à l'allongement de la durée de la saisine du juge pour ce qui concerne la rétention administrative (rapport n° 2814, p. 248) . D'abord parce que le Conseil constitutionnel n'avait pas été saisi de ce texte, ensuite et surtout parce que vous-même avez jugé que « le maintien d'un étranger en zone de transit (...) n'entraîne pas à l'encontre de l'intéressé un degré de contrainte sur sa personne comparable à celui qui résulterait de son placement dans un centre de rétention » (92-307 DC du 25 février 1992, cons. 14). Ainsi, en portant une atteinte manifestement excessive au droit au juge et en imposant une rigueur non nécessaire dans l'application de la loi, le législateur a procédé à une conciliation qui n'est pas proportionnée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice et les exigences posées aux articles 66 de la Constitution et 9 de la Déclaration de 1789 (2010-62 QPC du 17 décembre 2010, cons. 6). Et à ce titre, la disposition en cause encourt votre censure. 2. Quant aux articles 12 et 57 Ces deux dispositions introduisent dans le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) deux articles L. 222-3 et L. 552-8 rédigés dans les mêmes termes : « À peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité antérieure à l'audience relative à la première prolongation de la rétention ne peut être soulevée lors de l'audience relative à la seconde prolongation ». Elles tendent ainsi à instaurer une procédure de purge des nullités visant à limiter les moyens susceptibles d'être soulevés devant le JLD statuant sur la seconde prolongation du maintien en zone d'attente ou du maintien en rétention administrative. Ainsi ne seraient pas invocables devant le JLD statuant sur une demande de seconde prolongation les irrégularités commises antérieurement à la première prolongation. Les promoteurs de ce dispositif invoquent à cet égard une jurisprudence constante depuis 1996 de la Cour de cassation selon laquelle la première ordonnance rendue par le JLD purge les irrégularités antérieures . Cette position se justifierait également par la raison d'être de la seconde audience de prolongation qui se limiterait à la seule appréciation des conditions présidant au maintien en zone d'attente ou en rétention. Les requérants ne partagent pas ce point de vue. Ils rappellent à cet égard que c'est en toute circonstance que l'autorité judiciaire est la gardienne de la liberté individuelle dès lors que cette dernière est en cause. Ils rappellent également que cette exigence, ainsi que celle qui résulte de l'article 16 de la Déclaration de 1789, impose que soit garanti « le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ainsi que le respect des droits de la défense qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties » (2010-62 QPC du 17 décembre 2010, cons. 3). Aussi incombe-t-il « à l'autorité judiciaire, conformément à l'article 66 de la Constitution, d'exercer un contrôle effectif sur le respect des conditions de forme et de fond » fixées par la loi (93-323 DC du 5 août 1993, cons. 5). Cette exigence est également consacrée par la Cour européenne des droits de l'homme pour qui seul mérite l'appellation de « tribunal » l'organe qui « ait compétence pour se pencher sur toutes les questions de fait ou de droit pertinentes pour le litige dont il se trouve saisi » (Ravon c. France du 21 février 2008, n° 18497/03, En outre, pour apprécier la réalité de l'effectivité du recours en l'espèce, vous ne pourrez ignorer les circonstances de fait dans lesquelles se déroulent ces procédures, et notamment l'urgence qui les caractérise, ainsi que le public qu'elles concernent, particulièrement démuni, assisté éventuellement d'avocats agissant eux-mêmes dans des délais extrêmement contraints. A cet égard, votre haute juridiction avait elle-même pris en compte le caractère particulièrement défavorisé des personnes susceptibles de faire l'objet d'une évacuation préfectorale, pour juger que le recours qui leur était offert, fût-il suspensif, ne constituait pas une « garantie suffisante » pour respecter l'exigence d'un recours effectif (2011-625 DC du 10 mars 2011, cons. 55). Enfin, la transposition dans le code des étrangers et du droit d'asile d'une procédure civile qu'est la purge de nullités, revient à méconnaître la spécificité du droit des étrangers, très proche du droit pénal du fait des privations de liberté encourues. Si vous ne censuriez pas cette disposition pour autant, les requérants vous demanderaient à tout le moins de réserver l'hypothèse dans laquelle les éléments attestant de l'existence d'une irrégularité avant la première audience n'auront été révélés qu'après celle-ci, et avant la seconde audience. En d'autres termes, ils vous demanderaient d'émettre une réserve d'interprétation concernant l'apparition d'éléments nouveaux relatifs aux irrégularités commises antérieurement à la première audience. 3. Quant à l'article 13 Cette disposition introduit à l'article L. 222-3 du CESEDA un nouvel alinéa selon lequel : « L'existence de garanties de représentations de l'étranger n'est pas à elle seule susceptible de justifier le refus de prolongation de son maintien en zone d'attente ». Le législateur ici n'en fait pas secret, il s'agit ni plus ni moins que de revenir sur une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation selon laquelle « le maintien en zone d'attente au-delà du délai de quatre jours déjà utilisé par l'Administration n'est qu'une faculté pour le juge » et que, dès lors que l'étranger présente des garanties de représentation suffisantes, il peut être remis en liberté (arrêt 00-50079 de la 2ème chambre civile du 21 février 2002). Cette volonté est singulière à deux égards. D'abord parce que le Rapporteur de la Commission des Lois du Sénat fait état d'un chiffre extrêmement précis des cas dans lesquels les demandes de prolongation ont été refusées sur le fondement des garanties de représentation : 27,59% (rapport n° 239, p. 82). En revanche, aucun chiffre n'indique dans quelle proportion les étrangers concernés se sont effectivement représentés. Ce qui eût pourtant été utile à l'appréciation de la nécessité d'une telle mesure. Ensuite parce que les tenants de ce dispositif font en réalité grief à la Cour de cassation de dire quelque chose qu'elle ne dit pourtant pas. La Cour n'impose pas en effet, contrairement à ce que laisse entendre ici le législateur, que l'existence de garanties de représentation oblige à la remise en liberté. Elle en fait une simple faculté. En supprimant la faculté pour le JLD de tenir compte uniquement des garanties de représentation de l'étranger pour décider de sa remise en liberté, la disposition ici en cause porte atteinte à l'office du juge dans son rôle de garant de la liberté individuelle. En effet, la faculté de libérer est au cœur de la mission du juge du siège, sa raison d'être, et même la condition pour qu'il puisse être ainsi qualifié. Comme le rappelle avec constance la Cour européenne des droits de l'homme, la charge du magistrat comporte celle « d'examiner les circonstances qui militent pour ou contre la détention, de se prononcer selon des critères juridiques sur l'existence de raisons la justifiant et, en leur absence, d'ordonner l'élargissement » (Medvedyev et autres c. France du 29 mars 2010, n° 3394/03, Priver le juge de cette faculté, c'est en outre faire de la détention la règle, et de la liberté l'exception, en contradiction flagrante avec le principe même de la liberté individuelle qui suppose l'inverse . Aussi, pour l'ensemble de ces motifs, vous censurerez aussi cette disposition. 4. Quant aux articles 16 et 58 Ces deux dispositions tendent à allonger de 4 à 6 heures le délai dans lequel le parquet peut demander au premier Président de la Cour d'appel d'accorder un caractère suspensif à l'appel formé contre une décision de refus de maintien en zone d'attente ou de maintien en rétention administrative. Les requérants n'ignorent pas que, malgré les critiques déjà émises par eux sur le fondement de l'article 66 de la Constitution, vous avez par trois fois validé pareil dispositif, deux fois concernant spécifiquement le droit des étrangers (97-389 DC du 22 avril 1997, cons. 56-64 et 2003-484 DC du 20 novembre 2003, cons. 72-78), et une fois concernant le « référé-détention » (2002-461 DC du 29 août 2002, cons. 69-74). Les auteurs de la présente saisine, sans qu'il soit nécessaire de reprendre un à un les moyens invoqués à l'occasion de leurs précédents recours, relèvent néanmoins que vous aviez à chaque fois indiqué que, « en principe, il résulte de l'article 66 de la Constitution que, lorsqu'un magistrat du siège a, dans la plénitude des pouvoirs que lui confère son rôle de gardien de la liberté individuelle, décidé par une décision juridictionnelle qu'une personne doit être mise en liberté, il ne peut être fait obstacle à cette décision, fût-ce dans l'attente, le cas échéant, de celle du juge d'appel ». Et si vous aviez toutefois admis qu'il soit apporté une exception à ce principe, c'est notamment en considération, comme l'indique le commentaire aux Cahiers de votre décision de 2003, du fait que ce délai était « strictement nécessaire au déroulement » de la procédure. Le gouvernement lui-même, dans ses Observations sur le recours formé contre la loi de 1997, relevait que « la possibilité d'appel suspensif du parquet est encadrée par la nécessité, pour celui-ci, de le manifester immédiatement, c'est-à-dire dans des cas où il aura été présent à une audience et aura pu relever d'emblée une violation flagrante de la règle du droit. » Or en l'espèce, un délai de 6 heures va au-delà de ce qui est strictement nécessaire au bon déroulement de cette procédure. En effet, comme l'admettent d'ailleurs eux-mêmes les promoteurs du dispositif, si cette faculté est peu utilisée par le parquet, c'est moins en raison de la contrainte imposée par le délai de 4 heures, que pour « des raisons structurelles (encombrement des parquets notamment) que le projet de loi ne pourra pas résoudre ». Le directeur des affaires civiles et du sceau ayant notamment fait savoir à la Commission des Lois de l'Assemblée nationale que « la présence du parquet aux audiences du JLD de prolongation de la rétention ou du maintien en zone d'attente n'était pas la priorité du ministère public », et que c'est « cette absence aux audiences [qui] rend très difficile la mise en œuvre de la procédure de façon satisfaisante dans des délais aussi courts » (rapport n° 2814, pp. 169-170). En d'autres termes, si le gouvernement souhaitait réellement favoriser le recours à cette procédure, il aurait suffi au Garde des Sceaux d'adresser une circulaire en ce sens à l'attention des parquetiers, et non enfoncer un coin supplémentaire dans une liberté constitutionnellement garantie. Là aussi donc, votre censure est encourue sur le fondement de l'article 66 de la Constitution et de la prohibition d'une rigueur non nécessaire. Prises dans leur ensemble, ces dispositions montrent combien la logique du législateur est limpide : limiter et marginaliser toujours un peu plus le rôle du juge du siège. Pourtant, s'il était loisible au législateur « d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appart[enait] d'apprécier l'opportunité », ce n'était qu'à la stricte condition que l'exercice de ce pouvoir n'aboutisse pas « à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel » (99-416 DC du 23 juillet 1999, cons. 6 et 10). C'est néanmoins l'inverse que les requérants vous invitent ici à constater. SUR L'ARTICLE 2 L'article 2 tend notamment à introduire à l'article 21-24 du code civil un nouvel alinéa selon lequel : « À l'issue du contrôle de son assimilation, l'intéressé signe la charte des droits et devoirs du citoyen français. Cette charte, approuvée par décret en Conseil d'État, rappelle les principes, valeurs et symboles essentiels de la République française ». C'est le renvoi de la rédaction et de l'approbation de cette charte au pouvoir réglementaire qui est ici en cause. En effet, en procédant à ce renvoi, le législateur est resté manifestement en deçà de sa compétence, et a méconnu l'exigence constitutionnelle de clarté et de prévisibilité de la loi. Il ressort ainsi de votre jurisprudence qu'il « incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 », et que « le plein exercice de cette compétence, ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques », et, ce, dans le but de « prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi » (2007-557 DC du 15 novembre 2007, cons. 19). En l'espèce, l'article 34 n'a confié qu'à la loi le soin de fixer « les règles concernant (...) les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques », ainsi que les règles concernant « la nationalité ». Or, primo, dès lors que l'adoption de cette « charte des droits et devoir du citoyen » relevait directement de la catégorie des règles concernant « les droits civiques et les garanties fondamentales » qui sont accordées aux citoyens, c'était au législateur de les élaborer et de les adopter. Et, secundo, il ne saurait être argué du caractère non normatif de la future charte pour justifier ce renvoi au décret, dès lors que sa signature conditionnera dans les faits l'accession à la nationalité française. Aussi, en confiant au pouvoir réglementaire le soin de rédiger cette charte, le législateur lui a-t-il par la même occasion conféré la possibilité de déterminer des règles concernant, in fine, la nationalité. L'exécutif se retrouvera ainsi dans la position de celui qui, à la fois, détermine souverainement les droits et devoirs qui figureront dans ladite charte, et apprécie tout aussi discrétionnairement le respect de ces prescriptions par l'étranger demandeur de la nationalité française. En reportant de la sorte sur les autorités administratives le soin de fixer des règles concernant les droits fondamentaux et la nationalité, le législateur n'a donc pas suffisamment prémuni les demandeurs de la nationalité française contre le risque d'appréciation arbitraire de leur situation, et encourt à ce titre votre censure. SUR L'ARTICLE 4 L'article 4 complète le paragraphe 6 de la section 1 du chapitre III du titre Ier bis du livre Ier du code civil par un article 21-27-1 ainsi rédigé : « Lors de son acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique ou par déclaration, l'intéressé indique à l'autorité compétente la ou les nationalités qu'il possède déjà, la ou les nationalités qu'il conserve en plus de la nationalité française ainsi que la ou les nationalités auxquelles il entend renoncer. » Ce dispositif opère ainsi une distinction entre les Français selon qu'ils ont acquis leur nationalité par naissance, ou par une autre voie. Or cela heurte manifestement le principe que votre haute juridiction a consacré, et selon lequel, « au regard du droit de la nationalité, les personnes ayant acquis la nationalité française et celles auxquelles la nationalité française a été attribuée à leur naissance sont dans la même situation » (96-377 DC du 16 juillet 1996, cons. 23). En effet aucune différence de situation en lien direct avec l'objet de la disposition en cause qui est d'apprécier l'existence d'éventuels liens avec d'autres Etats ne justifie qu'un Français qui a acquis la nationalité par naturalisation ou déclaration soit traité différemment d'un Français de naissance qui possède lui même une ou plusieurs autres nationalités, et qui, par voie de conséquence, est également susceptible d'entretenir des liens spécifiques avec un ou plusieurs autres Etats. En outre, en imposant, au-delà de l'indication de leurs autres nationalités, l'obligation de faire connaître les nationalités qu'elles conservent, ou celles auxquelles elles renoncent, le législateur fait peser sur les personnes concernées une contrainte sur laquelle elles n'ont pas de prise. En effet, selon les législations concernées, la nationalité n'est pas nécessairement disponible. Par exemple, la renonciation à la nationalité marocaine suppose l'adoption d'un décret royal. A l'inverse, jusqu'en 2002, un Australien qui acquérait la nationalité d'un autre Etat perdait automatiquement sa nationalité australienne. Aussi, en imposant à des individus une obligation qui ne dépend pas de leur volonté propre, mais de celle des Etats dont ils ont également la nationalité, le législateur a-t-il commis une erreur manifeste d'appréciation dans le choix des modalités qu'il a retenues au regard de l'objectif qu'il poursuivait (99-416 DC du 23 juillet 1999, cons. 10). Pour ces motifs, la disposition en cause commande d'être censurée. SUR L'ARTICLE 10 L'article 10 insère à l'article 221-2 du CESEDA un alinéa au terme duquel : « Lorsqu'il est manifeste qu'un groupe d'au moins dix étrangers vient d'arriver en France en dehors d'un point de passage frontalier, en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d'au plus dix kilomètres, la zone d'attente s'étend, pour une durée maximale de vingt-six jours, du ou des lieux de découverte des intéressés jusqu'au point de passage frontalier le plus proche ». Ce dispositif tend ainsi à instituer une hypothèse supplémentaire à celles déjà existantes – gare, port, aéroport, lieu de débarquement – dans laquelle il sera permis au préfet d'instaurer une zone d'attente, celle où un groupe d'étrangers serait appréhendé hors les passages frontaliers habituels. Parce que ces zones d'attente « sac à dos » ou « mobiles » auront pour effet de transformer potentiellement l'ensemble du territoire national en zone d'attente, elles n'offrent pas de garanties suffisantes contre une application arbitraire de la loi elle-même susceptible de restreindre l'exercice effectif du droit d'asile (1), et méconnaissent manifestement le principe de l'indivisibilité de la République (2). 1. Quant à la légalité et au droit d'asile La disposition qui vous est ici déférée manque cruellement de précision quant à sa portée, au point de ne pas prémunir suffisamment contre d'éventuelles atteintes au droit d'asile. Est-il nécessaire de le rappeler, « l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789 » impose au législateur « d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques », nécessaires pour « prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire » (2007-557 DC du 15 novembre 2007, cons. 19). C'est pourtant le risque d'arbitraire qui fait ici office de règle. D'abord parce que le dispositif envisagé ne fixant aucune limite spatiale à la création d'une zone d'attente, il pourra s'appliquer sur l'ensemble du territoire national, indépendamment de la proximité d'un point de passage frontalier. Ensuite, toujours d'un point de vue spatial, le périmètre de déclenchement de la mise en œuvre du nouveau dispositif est parfaitement imprévisible, hors les cas où les personnes sont trouvées en un même lieu. En effet, s'agissant des hypothèses dans lesquelles les personnes dont il est soupçonné qu'elles constituent un groupe sont éloignées de 10 kilomètres, alors, le périmètre susceptible d'être concerné devient parfaitement inappréciable. Mathématiquement, si l'on retient l'hypothèse de 10 personnes – qui impliquent chacune un rayon potentiel de 10 kilomètres – le périmètre couvert pourra être d'environ 3141 km² [10×(p×10²)]. Dans ces conditions, il est manifestement déraisonnable d'envisager que sur pareille surface 10 personnes puissent constituer un groupe. Enfin, le dispositif crée un facteur d'imprévisibilité temporelle. Certes le texte finalement retenu prévoit une durée maximale de 26 jours. Mais rien ne vient limiter les possibilités de reconduction d'une telle mesure. Alors que selon les promoteurs du projet elle devait revêtir un caractère exceptionnel, elle pourrait de facto s'avérer pérenne sur certains secteurs du territoire. Pourraient ainsi être transformés en vastes zones d'attente permanentes le Calaisis, le canal Saint Martin et les parcs du 10ème arrondissement de Paris, mais aussi la Seine-Saint-Denis, ou encore tous les locaux d'associations accueillant des étrangers. Eu égard à son ampleur, le dispositif envisagé ne permet ainsi pas d'exclure qu'une ou des personnes, bien que n'appartenant pas à un même groupe, soient toutes placées en zone d'attente, pour la seule et unique raison qu'elles se trouvent dans le périmètre concerné, aussi vaste soit-il. De même, le risque est encore moins exclu que des personnes, à la seule vue de leur appartenance à un groupe, soient considérées comme « venant d'arriver », en l'absence de critères objectifs pour définir cette notion. In fine, rien ne s'oppose donc à ce que ce nouveau dispositif soit utilisé pour renvoyer plus vite et plus facilement des étrangers qui, étant effectivement entrés sur le territoire, auraient pourtant dû être traités selon le droit commun d'éloignement. De surcroit, ce risque d'arbitraire ne sera pas sans conséquences sur le droit d'asile lui-même consacré au quatrième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, et plus particulièrement sur le principe d'égalité entre les demandeurs d'asile qui s'impose dès lors que ces derniers se trouvent dans des situations identiques (2003-485 DC du 4 décembre 2003, cons. 9-10). Vous ne pourrez en effet faire abstraction du fait que la procédure d'asile à la frontière est moins favorable au demandeur d'asile que la procédure de droit commun de demande d'asile sur le territoire. Or cette différence de traitement n'est acceptable – et encore – que dans la mesure où l'étranger qui vient d'arriver à un point de passage frontalier se trouve effectivement dans une situation différente de celui qui est déjà rentré sur le territoire. Mais en l'espèce, les requérants viennent précisément de démontrer que l'imprécision de la disposition en cause emportera pour conséquences qu'un étranger qui ne vient pas d'arriver sur le territoire sera néanmoins susceptible de se retrouver soumis à la procédure d'asile à la frontière. Il s'agit dès lors bien là d'une rupture d'égalité manifeste entre des étrangers puisque, bien que se trouvant effectivement sur le territoire, ils seront traités selon une procédure d'asile distincte. L'absence de toute garantie effective contre un tel risque d'arbitraire dans l'application de cette disposition vous conduira donc à la censurer. 2. Quant à l'indivisibilité de la République Comme l'indique à très juste titre le Rapporteur de la Commission des Lois du Sénat, « en dépit de ses caractéristiques géographiques, la zone d'attente est avant tout une fiction juridique, permettant de considérer qu'un étranger, bien que physiquement présent sur le territoire français, n'a pas été juridiquement admis à entrer sur ce territoire » (rapport n° 239, p. 72, en gras dans l'original). Jusqu'à présent, et quand bien même vous ne vous êtes jamais prononcés sur le bien fondé même de la création de ces zones , cette fiction a toujours trouvé à s'appuyer sur une réalité géographique : la proximité avec un point de passage frontalier. Aussi, l'atteinte manifeste au principe constitutionnel de l'indivisibilité de la République (76-71 DC du 30 décembre 1976, cons. 5) qu'elle comporte pouvait être justifiée par son caractère limité et précisément défini. Par deux fois ainsi, vous avez admis qu'il était loisible au législateur d'instituer un régime particulier de contrôles d'identité sur des portions spécifiques du territoire, qui comprenaient chacune une bande de 20 kilomètres longeant les frontières terrestres métropolitaines (93-323 DC du 05 août 1993), et les frontières terrestres et le littoral de Guyane (97-389 DC du 22 avril 1997), sans pour autant méconnaitre le principe d'indivisibilité de la République. Mais dans les deux cas, vous aviez préalablement constaté que les zones concernées, qui jouxtaient effectivement des frontières géographiques, étaient « précisément définies dans leur nature et leur étendue », et présentaient « des risques particuliers d'infractions et d'atteintes à l'ordre public liés à la circulation internationale des personnes » (93-323 DC, cons. 15 et 97-389 DC, cons. 72). Or en l'espèce, et à l'inverse, le législateur a créé artificiellement , en dehors de tout rattachement géographique frontalier, des zones dans lesquelles des étrangers se retrouveront réputés n'être pas entrés sur le territoire dont il a été démontré que ni la nature ni l'étendue n'étaient définies avec suffisamment de précisions. Aussi, pour cette seconde raison, et parce que le dispositif envisagé institue une exception au principe d'indivisibilité de la République dont le contour est défini avec un manque manifeste de précision, il appelle encore votre censure. SUR LES ARTICLES 26, 40 et 70 L'article 26 tend à modifier les dispositions de l'article L. 313-11-11° qui fixe les conditions d'obtention de plein droit d'un titre de séjour « vie privée et familiale » fondé sur des motifs médicaux. L'article 40 tend, lui, à tirer les conséquences de ces modifications sur les mesures d'éloignement visées à l'article L. 511-4 du CESEDA, et l'article 70 sur les mesures d'assignation à résidence visées à l'article L. 521-3-5° du même code. En l'état du droit actuel, un titre de séjour est délivré de plein droit : « A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat ». Les trois dispositions en cause visent à revenir sur l'interprétation du membre de phrase « sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire » retenue par le Conseil d'Etat, et selon lequel sont visées les hypothèses dans lesquelles de « telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement » (arrêts du 7 avril 2010 n° 301640 et 316625). Il s'agissait pour le Conseil d'Etat avec cette interprétation de donner tout son sens à la condition d'effectivité de l'accès au soin prévue par la loi. Comme l'indiquait le Rapporteur public Guyomar dans ses Conclusions, « le législateur n'a pas seulement exigé que l'étranger malade soit susceptible de bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine, il a clairement marqué qu'il fallait aussi qu'il soit en mesure de le suivre ». Dans un premier temps, à son initiative, l'Assemblée nationale avait adopté un amendement remplaçant le membre de phrase « qu'il ne puisse effectivement bénéficier », par « de l'indisponibilité » du traitement dans le pays d'origine. Aussi contestable était cette disposition, du moins avait-elle le mérite de la clarté. Alors que la rédaction finalement retenue, à l'initiative du Sénat, est, quant à elle, d'une profonde complexité. Dorénavant ne serait plus éligible au bénéfice d'un titre de plein droit « l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ». D'un côté donc, l'on durcit les conditions en remplaçant l'indisponibilité du traitement par son absence, de l'autre, on l'assouplit en recourant à une formule de compromis particulièrement alambiquée et équivoque, manifestement contraire à « l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi », qui ne prémunira pas les étrangers contre un «risque d'arbitraire » dans l'application de la loi (2007-557 DC du 15 novembre 2007, cons. 19), ni contre une atteinte à la vie privée des personnes concernées via le risque de violation du secret médical (2004-504 DC du 12 août 2004, cons. 5). Quant à la notion de « circonstance humanitaire exceptionnelle » d'abord. Vous avez déjà eu l'occasion de juger que la notion d'association à « vocation humanitaire » était une notion « dont la définition n'a été précisée par aucune loi », et qu'elle comportait ainsi un risque d'arbitraire dans son application (98-399 DC du 05 mai 1998, cons. 7). Ceci est à ce point vrai que lorsque le législateur a introduit dans la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 une procédure d'admission exceptionnelle au séjour fondée notamment sur des « considérations humanitaires » ou des « motifs exceptionnels », il a confié à une Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour le soin de préciser ces notions en formulant des avis, précisément « afin de réduire l'imprécision des critères ainsi édictés » (rapport n° 239, p. 109). Il est évident qu'en l'absence de critères objectifs, les étrangers feront l'objet d'un traitement distinct fondé moins sur des considérations humanitaires que selon le ressort des préfectures dont ils dépendent. Quant à la procédure retenue ensuite. L'appréciation desdites circonstances humanitaires exceptionnelles sera le fait du préfet, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé. C'est-à-dire de deux autorités administratives non médicales. Comment donc ces autorités administratives pourraient elles apprécier ces circonstances, alors même que, comme le rappelait le Rapporteur Guyomar dans ses conclusions précitées, « le secret médical interdit au médecin de révéler des informations sur la pathologie de l'intéressé et la nature de ses traitements médicaux, fût-ce en portant une appréciation sur l'état du système de soins dans le pays d'origine », sauf précisément à porter atteinte audit secret médical ? Or il ressort de votre jurisprudence que le droit au respect de la vie privée « requiert que soit observée une particulière vigilance dans la collecte et le traitement de données à caractère personnel de nature médicale » (2004-504 DC du 12 août 2004, cons. 5). En l'espèce pourtant, cette particulière vigilance est méconnue dès lors que les dispositions en cause ne sont pas assorties des garanties et précisions suffisantes pour assurer la certitude d'une stricte confidentialité des informations à caractère médical. En effet, en prévoyant dans les dispositions d'un même article, d'une part, une procédure pour raison médicale, impliquant l'intervention du médecin de l'agence régionale, et, d'autre part, une procédure d'appréciation par le préfet après avis du directeur général de l'agence régionale de santé d'une éventuelle « circonstance humanitaire exceptionnelle », le législateur n'a pas prévu les garanties suffisantes pour s'assurer que, à l'occasion de ces procédures mixtes, la transmission des informations médicales à caractère personnel ne devait se faire que vers les seules autorités médicales et dans le strict respect du secret médical. Ainsi, s'il était loisible au législateur de modifier l'ancien dispositif, il ne pouvait le faire en privant de garanties légales les exigences constitutionnelles d'intelligibilité de la loi et de protection de la vie privée, sauf à encourir votre censure (2010-622 DC, du 28 décembre 2010, cons. 33). SUR L'ARTICLE 33 En l'état actuel du droit, l'article L. 623-1 du CESEDA prévoit que : « Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 Euros d'amende ». L'article 33 qui vous est ici soumis tend à compléter cette disposition par la phrase : « Ces peines sont également encourues lorsque l'étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint ». En d'autres termes, il s'agit de viser spécialement l'étranger qui se marie aux seules fins « d'obtenir » sa régularisation ou la nationalité française, et d'écarter du dispositif les nationaux qui auraient contracté mariage aux seules fins de « faire obtenir » la régularisation ou la nationalité française à leur conjoint. Cette différence de traitement constitue une rupture manifeste d'égalité entre les nationaux et les étrangers. En effet, il n'existe ici pas de différence de situation entre les nationaux et les étrangers qui justifierait que « le législateur règle de façon différente des situations différentes » (2007-557 DC du 15 novembre 2007, cons. 8). Certes, lorsque le législateur adopte des dispositions relatives au séjour des étrangers, et dès lors qu'il n'existe pas de « droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national », les étrangers se trouvent placés, dans ce cadre juridique précis, « dans une situation différente de celle des nationaux » (93-325 DC du 13 août 1993, cons. 2). Ainsi est-il loisible au législateur d'imposer aux étrangers « la détention, le port et la production des documents attestant la régularité de leur entrée et de leur séjour en France » (ibid. cons. 14-15). Mais, s'il ressort de votre jurisprudence que la rupture d'égalité entre nationaux et étrangers ne peut pas être invoquée contre des dispositions qui sont commandées par le fait même qu'une personne est étrangère, à l'inverse, le principe d'égalité s'impose lorsqu'un comportement peut être appréhendé indépendamment de la nationalité de son auteur. Dans la même décision, vous aviez ainsi jugé que le législateur ne pouvait pas instaurer de régime de contrôles d'identité spécifique à l'égard des étrangers (cons. 16), et rappelé que « les droits de la défense constitu[aient] pour toutes les personnes, qu'elles soient de nationalité française, de nationalité étrangère ou apatrides, un droit fondamental à caractère constitutionnel » (cons. 84). En adoptant le premier alinéa de l'article L. 623-1 du CESEDA, le législateur avait ainsi tiré pleinement les conséquences de ce principe. Le délit pouvait être commis par l'étranger qui cherchait seul à « obtenir » des papiers, ou par le Français qui cherchait seul à « faire obtenir » des papiers. Au contraire ici, le législateur ne vise plus que l'étranger qui a cherché à obtenir sa régularisation en France, et plus la personne française qui a cherché à lui faire obtenir sa régularisation. Or les deux délits pouvant être commis indépendamment de la nationalité de leurs auteurs, il n'y avait pas lieu de les traiter différemment selon leur nationalité. En l'absence donc de différence de situation entre les étrangers et les nationaux qui commanderait que les uns soient punis et pas les autres, il vous appartiendra de censurer ce dispositif. SUR L'ARTICLE 37 Les requérants font ici porter leurs griefs sur les II (1) et III (2) de l'article L. 511-1 du CESEDA dans sa rédaction issue de l'article 37 de la loi qui vous est déférée. 1. Quant à l'article L. 511-1-II L'article L. 511-1-II établit la liste des hypothèses dans lesquelles peut être prononcée une obligation de quitter le territoire français (OQTF) non assortie d'un délai de départ volontaire. La directive « retour » en son article 7 prévoit un nombre de cas déterminés dans lesquels les Etats peuvent procéder à une mesure d'éloignement sans délai. Conformément à son paragraphe 4, c'est le cas : « S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours ». Or comme l'a indiqué le Conseil d'Etat dans son avis du 21 mars 2011, les dispositions de l'article 7 sont « inconditionnelles et suffisamment précises » (n° 345978 et 346612). En d'autres termes, hors les hypothèses qui y figurent, aucune autre ne saurait justifier que soit adoptée une OQTF sans délai de départ volontaire. Les points 1 et 2 de l'article L. 511-1. – II du CESEDA reprennent les termes de la directive, en prévoyant l'absence de délai en cas de « menace pour l'ordre public », et en cas de demande « manifestement infondée ou frauduleuse ». Le point 3 quant à lui tend à transposer la notion de « risque de fuite ». Ce risque serait ainsi établi : « a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; « b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; « c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; « d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; « e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ; « f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 » Or les requérants considèrent, comme le Rapporteur de la Commission des Lois du Sénat d'ailleurs, que ces critères relèvent « sans doute d'une interprétation assez large de la notion de ‘risque de fuite' évoquée par la directive ‘retour' » (rapport n° 239, p. 131), et qu'ils méconnaissent par conséquent l'« exigence constitutionnelle » de transposition en droit interne des directives communautaires qui résulte de l'article 88-1 de la Constitution (2004-497 DC du 01 juillet 2004, cons. 18). C'est notamment le cas pour les points a), b), et c) qui reprennent les points 1°, 2° et 4° du II de l'actuel article L. 511-1 du CESEDA, et à propos desquels le Conseil d'Etat, dans son avis précité, a considéré qu'ils ne méconnaissaient pas la directive « retour », à condition que la mesure soit « assortie d'un délai de retour approprié à la situation de l'intéressé et supérieur à sept jours ». En d'autres termes, cela signifie que les points a), b) et c) de la disposition ici en cause ne présentent pas de lien avec la notion de « risque de fuite », et ne sauraient donc justifier l'adoption d'une OQTF sans délai de départ. Les requérants considèrent que c'est également le cas pour le point f) qui est nouveau par rapport à l'ancienne rédaction de l'article L. 551-1, et qui n'est pas non plus directement lié à la notion de « risque de fuite ». Dès lors, il vous appartiendra de déclarer les points a), b), c) et f) non conformes à l'article 88-1 de la Constitution, au motif qu'ils sont « manifestement incompatibles avec la directive qu'[ils ont] pour objet de transposer » (2006-540 DC du 27 juillet 2006, cons. 20 et 2006-543 DC du 30 novembre 2006, cons. 9). 2. Quant à l'article L. 511-1-III L'article L. 511-1-III prévoit la possibilité d'assortir les OQTF d'une interdiction de retour valable pour l'ensemble de l'espace Schengen (a), ainsi que les règles relatives à l'abrogation de cette interdiction (b). Ce sont ces deux aspects que les auteurs de la saisine mettent ici en cause. A titre liminaire, les requérants rappellent que les dispositions ici en cause ne sauraient être regardées comme se bornant « à tirer les conséquences nécessaires des dispositions inconditionnelles et précises » de l'article 11 de la directive « retour » (2004-496 DC du 10 juin 2004, cons. 9), et donc que votre examen n'est pas limité au respect « d'une règle ou principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France » (2006-540 DC du 27 juillet 2006, cons. 19), dès lors qu'elles ne constituent pas la « conséquence exacte et nécessaire de la transposition » (commentaires aux Cahiers de la décision n° 2004-496 DC), le législateur ayant en effet utilisé la marge de manœuvre que lui offrait le point 3 de l'article 11. a) L'interdiction de retour L'article L. 511-1-III prévoit la possibilité pour l'administration de prononcer une interdiction de retour pour une durée maximale de 2 ans « lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire » ou « lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français », et de 3 ans « lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français ». Les requérants n'ignorent pas que vous aviez validé la possibilité pour l'autorité administrative de recourir à de pareilles mesures de police sans recours au juge judiciaire, à condition toutefois de ne pas « porter atteinte aux garanties juridictionnelles applicables » (93-325 DC du 13 août 1993, cons. 45). En revanche, et toujours dans la même décision, vous aviez rappelé qu'il résultait des dispositions de l'article 8 de la Déclaration de 1789, « comme des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, qu'une peine ne peut être infligée qu'à la condition que soient respectés le principe de légalité des délits et des peines, le principe de nécessité des peines, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale d'incrimination plus sévère ainsi que les droits de la défense », et que ces exigences ne concernaient « pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle » (cons. 47-48). C'est ainsi que vous aviez censuré l'instauration d'une interdiction du territoire d'un an attachée à tout arrêté de reconduite à la frontière, au regard de son caractère automatique, de sa durée, d'absence d'« égard à la gravité du comportement ayant motivé cet arrêté », et de l'impossibilité d'en dispenser l'intéressé ni même d'en faire varier la durée (cons. 49). En l'espèce, le législateur s'est finalement gardé de prévoir l'automaticité de l'interdiction de retour, et a bien prévu la possibilité de la moduler. En revanche, il n'a pas jugé bon d'établir de lien entre la gravité du comportement de l'étranger, et la durée de l'interdiction de retour. Tout au plus a-t-il précisé que : « L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ». Si la prise en compte de ces éléments ne manque pas d'intérêt, elle ne saurait néanmoins être assimilée à la prise en compte de la gravité du comportement qui a conduit à l'adoption d'une OQTF à l'égard des étrangers. Or la disproportion entre la gravité des comportements et l'interdiction de retour est manifeste. Pour s'en convaincre, il suffit de se référer notamment au point f) de l'article L. 511-1-II qui autorise l'adoption d'une OQTF sans délai départ volontaire et par voie de conséquence une interdiction de retour de 3 ans. En effet, c'est en vain que vous chercherez en quoi le fait de ne pas présenter de garanties de représentation suffisantes constitue un comportement d'une gravité telle qu'elle appellerait une sanction si lourde. Ce raisonnement est d'ailleurs en tout point transposable aux interdictions de retour adoptées à la suite d'une OQTF sans délai de départ volontaire prononcée en vertu des points a), b) et c). La disproportion est d'autant plus manifeste pour l'interdiction de retour attachée à une OQTF sans délai de départ que, contrairement à l'OQTF avec délai, elle ne peut faire l'objet de l'abrogation automatique prévue au dernier alinéa de l'article L. 511-1-III. Et donc, en ce que cette disposition rend possible l'adoption d'une interdiction de retour de 3 ans indépendamment de la gravité des comportements qui ont motivé l'adoption de l'OQTF, elle encourt votre censure. Mais par surcroît, et en ce que, de manière générale, elle ne prévoit ni l'audition des étrangers, ni aucune procédure contradictoire pour le prononcé d'une telle mesure punitive par une autorité administrative, elle méconnait manifestement les droits de la défense des étrangers concernés et le principe du contradictoire (2011-126 QPC du 13 mai 2011, cons. 7) qui « implique(nt) le droit de toute personne de présenter des observations et défendre ses droits au cours d'une procédure qui la concerne directement » (commentaire aux Cahiers de la décision 2011-126 QPC). Et c'est donc l'ensemble du point III de l'article L. 511-1 que vous serez amenés à censurer. b) L'abrogation de l'interdiction L'article L. 511-1-III prévoit en outre que : « L'autorité administrative peut à tout moment abroger l'interdiction de retour. Lorsque l'étranger sollicite l'abrogation de l'interdiction de retour, sa demande n'est recevable que s'il justifie résider hors de France. Cette condition ne s'applique pas : « 1° Pendant le temps où l'étranger purge en France une peine d'emprisonnement ferme ; « 2° Lorsque l'étranger fait l'objet d'une mesure d'assignation à résidence prise en application des articles L. 561-1 ou L. 561-2. » Cette condition de non résidence en France s'applique ainsi à tous les autres cas dans lesquels un étranger entendrait solliciter l'abrogation de l'interdiction de retour, y compris lorsque, persécuté, il souhaiterait déposer une demande d'asile. Une telle disposition méconnait ainsi par elle-même le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel renvoie le préambule de la Constitution de 1958 dont le quatrième alinéa dispose que : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ». De cette disposition vous avez déduit que « si certaines garanties attachées à ce droit ont été prévues par des conventions internationales introduites en droit interne, il incombe au législateur d'assurer en toutes circonstances l'ensemble des garanties légales que comporte cette exigence constitutionnelle », et que, « s'agissant d'un droit fondamental dont la reconnaissance détermine l'exercice par les personnes concernées des libertés et droits reconnus de façon générale aux étrangers résidant sur le territoire par la Constitution, la loi ne peut en réglementer les conditions qu'en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec d'autres règles ou principes de valeur constitutionnelle » (93-325 DC du 13 août 1993, cons. 81). De même aviez-vous considéré que « le respect du droit d'asile, principe de valeur constitutionnelle, implique d'une manière générale que l'étranger qui se réclame de ce droit soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande » (cons. 84). Or en l'espèce, ce n'est pas le droit de demeurer sur le territoire qui est mis en cause, mais l'accès au territoire lui-même ! Cela est particulièrement vrai pour les personnes qui n'auront pas bénéficié d'un délai de départ volontaire et qui ne peuvent donc prétendre à l'abrogation automatique de l'interdiction de retour prévue au dernier alinéa de l'article L. 511-1-III. Difficile de concevoir une contrariété plus flagrante avec l'exercice effectif du droit d'asile. Dans son rapport sur L'immigration clandestine du 6 avril 2006, la Commission d'enquête du Sénat ne rappelait-elle d'ailleurs pas que la « Convention de Genève prévoit expressément le droit des réfugiés d'entrer sans autorisation sur le territoire des pays d'accueil » ? (n° 300 (2005-2006, p. 150). Par ailleurs, cette disposition est également manifestement incompatible avec le cinquième paragraphe de l'article 11 de la directive « retour » qu'elle a pour objet de transposer qui, lui, prévoit expressément que les mesures d'interdiction de retour « s'appliquent sans préjudice du droit à la protection internationale ». Aussi, loin de rendre plus effectif le respect du droit d'asile, le législateur l'a ici, bien au contraire, privé de toute garantie légale en méconnaissance manifeste de votre jurisprudence. A ce titre encore, votre censure est encourue. SUR LES ARTICLES 44 et 47 Les griefs soulevés ici portent à la fois sur les articles 44 et 47 pris ensemble (1), et sur l'article 47 pris individuellement (2). 1. Quant aux articles 44 et 47 pris ensemble L'article 44 réécrit l'actuel article L. 551-1 du CESEDA en définissant les conditions dans lesquelles il peut être recouru à la rétention administrative, en prévoyant notamment que : « À moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire (...) ». Aux termes de l'article 47, l'article L. 561-2 prévoit pour sa part que : « Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au II de l'article L. 511-1 qu'il se soustraie à cette obligation ». Comme ils l'ont fait savoir dans le cours du débat, les requérants adhèrent au principe de l'assignation à résidence, plutôt qu'au recours systématique à la rétention administrative. Néanmoins, vous ne manquerez pas de constater que, là encore, le législateur national a manifestement méconnu les exigences définies par le législateur communautaire. L'objectif poursuivi par ce dernier est en effet de faire de la rétention administrative l'option de dernier recours, après que celles moins contraignantes aient été envisagées. Le principe de la priorité aux mesures les moins coercitives résulte ainsi de l'article 15.1 de la directive « retour » selon lequel : « À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention... », ainsi que de son considérant 16 aux termes duquel la « rétention n'est justifiée que pour préparer le retour ou procéder à l'éloignement et si l'application de mesures moins coercitives ne suffirait pas ». C'est précisément ce que vient de décider la Cour de Justice de l'Union européenne en déclarant qu'il découlait « du seizième considérant de ladite directive ainsi que du libellé de son article 15, paragraphe 1, que les États membres doivent procéder à l'éloignement au moyen des mesures les moins coercitives possible. Ce n'est que dans l'hypothèse où l'exécution de la décision de retour sous forme d'éloignement risque, au regard d'une appréciation de chaque situation spécifique, d'être compromise par le comportement de l'intéressé que ces États peuvent procéder à la privation de liberté de ce dernier au moyen d'une rétention » (Hassen El Dridi, alias Soufi Karim, 28 avril 2011, C 61/11 PPU, point 39). A l'opposé, et comme n'a pas manqué de le relever le Rapporteur de la Commission des Lois du Sénat, « l'assignation à résidence, telle que définie par l'article L. 561-2 nouveau, constitue simplement une alternative à la rétention, que le préfet n'est en aucun cas tenu de mettre en œuvre, même si une telle mesure est suffisante pour s'assurer de la personne de l'étranger en instance de reconduction » (rapport n° 239, p. 142). Or dans votre décision n° 2006-543 DC du 30 novembre 2006, c'est parce que vous aviez jugé que l'imposition aux opérateurs historiques du secteur de l'énergie d'obligations tarifaires permanentes méconnaissait « manifestement l'objectif d'ouverture des marchés concurrentiels de l'électricité et du gaz naturel fixé par les directives précitées, que le titre premier de la loi déférée a pour objet de transposer », que vous l'aviez déclarée contraire à l'article 88-1 de Constitution (cons. 9). Il en va de même en l'espèce dans la mesure où, en offrant la possibilité à l'autorité administrative de recourir à la rétention là où l'assignation suffirait, le législateur a méconnu l'objectif poursuivi par la directive, et donc commis une « erreur de transposition manifeste » (cf. le commentaire aux Cahiers de votre décision n° 2006-543 DC) contraire à l'article 88-1 de la Constitution qui à elle seule justifie la censure de l'ensemble du nouveau dispositif. 2. Quant à l'article 47 Si vous ne censuriez pas l'ensemble du dispositif, vous censurerez au moins la procédure retenue à l'article L. 561-2 du CESEDA. En effet, si encore une fois les requérants sont favorables au recours à l'assignation à résidence plutôt qu'à la rétention, ils ne sauraient admettre qu'elle se fasse hors de tout contrôle du juge judiciaire, gardien des libertés individuelles. La logique de l'assignation de l'article L. 561-2 est distincte de celle de l'article L. 561-1. Dans ce dernier cas, il s'agit d'une assignation administrative s'il est établi que l'étranger ne peut regagner son pays d'origine. Elle évite qu'une personne qui est dans l'impossibilité objective de quitter le territoire soit en infraction à la législation sur les étrangers. C'est donc une mesure d'admission au séjour provisoire, sans droit au travail, et pouvant être limitée géographiquement. A l'inverse, l'assignation de l'article L. 561-2 est une mesure de contrôle, en vue de l'exécution effective de la mesure d'éloignement, qui porte directement atteinte à la liberté individuelle ou, à tout le moins, à la liberté d'aller et venir (2008-562 DC du 21 février 2008, cons. 13). Or, s'il n'y a pas de recours au juge judiciaire, cela implique qu'une OQTF pourra être exécutée, quand bien même les conditions légales d'interpellation ou de garde à vue de l'étranger auront été méconnues. En d'autres termes, face à une arrestation dont il saura pertinemment qu'elle ne s'est pas déroulée selon les formes légales, le préfet pourra de facto la faire échapper à tout contrôle judiciaire en choisissant de recourir à l'assignation plutôt qu'à la rétention. Or le législateur ne pouvait ainsi priver de garanties légales la liberté constitutionnelle d'aller et venir sans connaître votre censure. SUR L'ARTICLE 56 L'article 56 de la loi tend à allonger les délais de rétention maximaux en les portant de 22 ou 32 jours à 45 jours (1), et à instaurer un régime spécifique de rétention en matière de terrorisme (2). 1. Quant au délai maximum de 45 jours En l'état actuel du droit, il existe deux délais maximaux : - 22 jours lorsque, « malgré les diligences de l'administration, la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou de l'absence de moyens de transport, et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente, que l'une ou l'autre de ces circonstances doit intervenir à bref délai. Il peut également être saisi aux mêmes fins lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement, malgré les diligences de l'administration, pour pouvoir procéder à l'exécution de la mesure d'éloignement dans le délai prescrit » (art. L. 552-8). - 32 jours « en cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, ou lorsque l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement » (art. L. 552-7). Le nouveau dispositif aboutira quant à lui à unifier ces deux délais jusqu'à un maximum de 45 jours, qui correspond à la première période de rétention de 5 jours (au lieu 2), à laquelle s'ajoute la première prolongation de 20 jours (au lieu de 15), puis la seconde de 20 jours encore (au lieu de 5 ou 15). Les requérants considèrent que ce nouveau délai est contraire à l'article 9 de la Déclaration de 1789 dont vous avez déduit le principe selon lequel la « liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire » (2010-31 QPC du 22 septembre 2010, cons. 5). Ils n'ignorent pas l'évolution de votre jurisprudence sur cette question qui vous avait conduit à finalement admettre la validité d'un allongement de la durée de rétention de 12 jours maximum à 32 jours. Mais si vous l'aviez fait, c'est non sans rappeler que l'étranger ne pouvait « être maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l'administration devant exercer toute diligence à cet effet », et que l'autorité judiciaire conservait « la possibilité d'interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention, de sa propre initiative ou à la demande de l'étranger, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient » (2003-484 DC du 20 novembre 2003, cons. 66). Or il ressort pourtant clairement du rapport d'information de l'Assemblée nationale sur les centres de rétention administrative et les zones d'attente du 24 juin 2009 que l'allongement du délai de rétention dépasse le temps « strictement nécessaire » à l'éloignement de l'étranger. En effet, selon ses propres termes, « la mission d'information estime que la durée maximum actuelle de 32 jours est suffisante et ne devra pas être augmentée lorsque la directive sera transposée en droit français. Certes, dans de nombreux cas, il n'est pas possible d'organiser l'éloignement au cours de cette période, notamment à cause de la difficulté à obtenir les laissez-passer consulaires, mais une augmentation de la durée de rétention ne permettrait probablement pas d'améliorer nettement le taux d'éloignement des étrangers placés en rétention » (n° 1776, p. 26). Selon le même rapporteur, un an après, cet allongement serait devenu nécessaire au motif que la France se trouverait isolée par rapport à ses partenaires de l'Union européenne, et que diminuerait le taux de délivrance de laissez-passer consulaires (rapport n° 2814, p. 284-285). Sur le premier point il est exact que la France est le pays où la période maximale de rétention est la plus courte. Néanmoins, comme nous y invitait le rapport Mazeaud, il faut se garder de comparaisons hâtives, car en réalité les durées moyennes sont « voisines de celles pratiquées par la France. En raison des obstacles partout rencontrés (difficultés de déterminer la nationalité ou d'obtenir des laissez-passer consulaires), la durée « utile », celle au-delà de laquelle l'exécution de l'éloignement est compromise, est partout dans la fourchette des 10 à 15 jours constatés par les services de police français » . La France est donc très loin d'être isolée. Sur le second point, il ressort du dernier rapport de mars 2011 du Comité interministériel de contrôle de l'immigration que la baisse constatée du taux de délivrance de laissez-passer consulaires soit moins le fait de la trop courte durée de la période de rétention, que du manque de coopération de certains Etats . D'ailleurs, comme l'indique le Rapporteur de la Commission des Lois de l'Assemblée lui-même, la durée moyenne de rétention avant d'être présenté à l'embarquement s'est stabilisée autour de 10 jours depuis 2005 (rapport n° 2814, p. 284). Comme le montre la Cimade dans son rapport annuel 2009, ce sont 87 % des personnes qui sont présentées à l'embarquement dans un délai inférieur à 17 jours. Et lorsque les documents nécessaires n'ont pas été obtenus dans ce délai, il est quasiment exclu qu'ils le soient par la suite (p. 19). D'ailleurs, il ressort du rapport précité du Comité interministériel de contrôle de l'immigration qu'en 2009, seulement 3,3 % de laissez-passer ont été délivrés hors délai (p. 78). L'absence de nécessité d'une telle rigueur est par conséquent à ce point manifeste qu'elle justifie à elle-seule la censure de la seconde prolongation de 20 jours. A tout le moins vous censurerez ce nouveau délai de seconde prolongation lorsqu'elle s'applique aux hypothèses dans lesquelles le retard pris est totalement extérieur au comportement de l'étranger. Ce sont celles visées au deuxième alinéa de l'article L. 552-7 et qui, en l'état actuel du droit, n'étaient susceptibles que d'autoriser une seconde prolongation de 5 jours. En effet, il ressort clairement de votre décision n° 2003-484 DC, ainsi que de son commentaire aux Cahiers, que le caractère « limité » de ce délai de 5 jours avait été un élément déterminant dans votre choix de valider ce dispositif. Il ne saurait vous en conviendrez être admis, au regard du principe de la rigueur nécessaire, que l'étranger dont le comportement ne pose pas de difficultés à l'administration soit traité avec la même rigueur que celui qui présente une menace grave pour l'ordre public. 2. Quant à la rétention en matière de terrorisme L'avant dernier alinéa de l'article 56 prévoit en outre que : « Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, si l'étranger a été condamné à une peine d'interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal ou si une mesure d'expulsion a été prononcée à son encontre pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées, le juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Paris peut, dès lors qu'il existe une perspective raisonnable d'exécution de la mesure d'éloignement et qu'aucune décision d'assignation à résidence ne permettrait un contrôle suffisant de cet étranger, ordonner la prolongation de la rétention pour une durée d'un mois qui peut être renouvelée. La durée maximale de la rétention ne doit pas excéder six mois. Toutefois, lorsque, malgré les diligences de l'administration, l'éloignement ne peut être exécuté en raison soit du manque de coopération de l'étranger, soit des retards subis pour obtenir du consulat dont il relève les documents de voyage nécessaires, la durée maximale de la rétention est prolongée de douze mois supplémentaires ». Si les requérants mesurent la difficulté à laquelle le législateur a entendu répondre ici, il ne saurait pour autant lui donner quitus d'un tel manquement à l'Etat de droit et au risque d'arbitraire que contient pareille disposition. A cet égard, il est particulièrement éclairant de se référer à l'opinion émise par le Law Lord Hoffmann lorsque la Chambre des Lords britannique a rendu sa décision dans l'affaire A v. Secretary of State for the Home Department le 16 décembre 2004 (UKFL 56) concernant la loi anglaise de 2001 relative à la sécurité et à la lutte contre la criminalité et le terrorisme. Celui-ci y déclarait alors : « Bien sur le gouvernement a le devoir de protéger la vie et les biens de ses citoyens. Mais c'est un devoir qui lui incombe en tout temps et qu'il se doit d'accomplir sans mettre à mal nos libertés constitutionnelles. Il est peut être des nations trop fragiles ou friables pour résister à de graves violences. Mais ce n'est pas le cas du Royaume Uni ( « Je ne sous-estime pas la capacité meurtrière et destructrice des groupes terroristes fanatiques, mais ils ne menacent pas la vie de la Nation. Il y aurait peut être un doute à ce que nous survivions à Hitler, mais il n'en fait pas à ce que nous survivrons à al qaïda. La violence terroriste, aussi grave soit-elle, ne menace pas nos institutions gouvernementales ni notre existence en tant que société ( « La véritable menace pour la vie de la Nation, pour un peuple qui vit en harmonie avec ses lois et ses valeurs, ne vient pas du terrorisme, mais de ce type de lois. C'est là la véritable marque de ce à quoi le terrorisme peut conduire. C'est au Parlement de décider si oui ou non il entend souscrire à une telle victoire du terrorisme » ( 97). [traduction non officielle] Or ce qui est vrai pour le Royaume de Grande Bretagne, l'est pour la République Française. Si la disposition ici en cause n'est certes pas aussi attentatoire aux libertés individuelles que l'était la législation anglaise de 2001 – qui prévoyait notamment la possibilité pour l'administration d'incarcérer les étrangers soupçonnés de terrorisme pour une durée indéterminée – elle ne saurait pour autant satisfaire aux exigences constitutionnelles françaises. D'abord, et à tout le moins, vous ne pourrez manquer de constater que la mesure est particulièrement inadaptée à l'objectif poursuivi, s'agissant des personnes condamnées pour des actes de terrorisme. En effet, s'il est constant que votre haute juridiction « ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement » (2010-605 du 12 mai 2010, cons. 23), et qu'il ne vous appartient pas de « rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies », c'est néanmoins à la condition que « les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées » (99-416 DC du 23 juillet 1999, cons. 10). Or en l'espèce, s'agissant de personnes condamnées, les centres de rétention administrative qui, par définition, ne relèvent pas de l'administration pénitentiaire, ne constituent pas des locaux appropriés. Comme l'indique l'article R. 553-3 du CESEDA, ces locaux « offrent aux étrangers retenus des équipements de type hôtelier et des prestations de restauration collective ». Les conditions de vie y sont, tout du moins légalement, moins rigoureuses qu'en détention, permettant notamment un accès libre au téléphone, une libre circulation au sein des centres, et un contact entre les personnes retenues. Enfermer pendant un délai pouvant aller jusqu'à 18 mois des personnes considérées comme particulièrement dangereuses dans ce type de locaux comporterait ainsi un risque certain pour la sécurité des autres retenus, ainsi que pour les personnels de surveillance qui ne sont pas formés à cette fin. L'adoption d'un tel dispositif apparait d'autant moins opportune que le législateur vient d'adopter dans la cadre de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure un article 116 modifiant l'article L. 561-3 du CESEDA prévoyant précisément la possibilité d'assignation à résidence avec surveillance électronique mobile des étrangers condamnés pour terrorisme assortie d'une peine d'un an d'emprisonnement en cas de manquement (article 117 de la même loi). Mais de manière plus générale, comme ils l'avaient fait dans leur saisine concernant la loi instituant la rétention de sureté, les requérants contestent le principe même de ce type de dispositions qui visent, sinon à infliger une peine, du moins à maintenir en détention des personnes qui ont purgé leur peine, sur le seul fondement de leur dangerosité. Ils ne sauraient souscrire à ce glissement d'une justice de responsabilité vers une justice de sûreté. Quant aux personnes visées « pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées » ensuite. Les requérants relèvent d'abord l'absence totale de clarté qui caractérise cette notion, et qui justifierait à elle seule votre censure sur le fondement du principe de légalité. Quel critère objectif permettra en effet de caractériser l'existence d'un tel lien ? Ils relèvent également qu'elle aura en tout cas pour conséquence de s'appliquer à des personnes qui n'ont pas été condamnées, sinon à quoi bon cet ajout, et qui ne font pas non plus l'objet de poursuites judiciaires. Or il s'agit là d'une atteinte manifeste aux principes de la liberté individuelle et de la rigueur nécessaire. En effet, il est parfaitement inadmissible de priver de liberté une personne pendant une période pouvant courir jusqu'à 18 mois sans qu'aucune charge ne soit retenue à son endroit. Comme vous l'aviez en son temps jugé à propos de la « rétention judiciaire », et s'agissant « d'une mesure aboutissant à priver totalement une personne de sa liberté pendant une période déterminée » – période pourtant alors limitée à 3 mois –, elle « ne saurait être assortie de garanties moindres que celles assurées aux personnes placées en détention provisoire » (93-325 DC du 13 août 1993, cons. 114). S'agissant de personnes non poursuivies, elles ne sauraient donc être maintenues en rétention administrative au-delà du délai de droit commun, sauf à méconnaitre les « garanties légales de la liberté individuelle » (idem). A cet égard vous pourrez utilement vous inspirer de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme A et autres c. Royaume-Uni qui avait condamné la législation britannique sur le terrorisme susvisée, en tenant notamment compte du fait que le véritable objectif poursuivi par les autorités anglaises n'était pas tant l'éloignement des étrangers en cause, que le soupçon « d'être des terroristes internationaux et [que lesdites autorités] pensaient que, en liberté sur le sol britannique, ils représentaient une menace pour la sécurité nationale » (arrêt de la Grande Chambre du 19 février 2009, no 3455/05, 171). Et de rappeler à cette occasion qu'elle « avait déjà jugé à plusieurs reprises l'internement et la détention préventive sans inculpation incompatibles avec le droit fondamental à la liberté » ( Or il est en l'espèce patent que c'est moins l'objectif d'éloignement qui est recherché, que la prévention du risque terroriste. Pour ces motifs, l'extension de la durée de la rétention administrative jusqu'à 18 mois commande également votre censure. SUR LES ARTICLES 73 A 88 Il vous appartiendra d'examiner les articles 73 à 88 formant le titre IV sur « les dispositions relatives à la protection des droits sociaux et pécuniaires des étrangers sans titre et à la répression de leurs employeurs » au regard de l'article 88-1 de la Constitution, afin de vous assurer qu'ils ne sont pas « manifestement incompatibles avec la directive qu'[ils ont] pour objet de transposer » (2006-540 DC du 27 juillet 2006, cons. 20 et 2006-543 DC du 30 novembre 2006, cons. 9). SUR L'ARTICLE 94 Conformément à l'article 94, le premier alinéa de l'article L. 624-1 du CESEDA est rédigé en ces termes : « Tout étranger qui se sera soustrait ou qui aura tenté de se soustraire à l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France, d'un arrêté d'expulsion, d'une mesure de reconduite à la frontière ou d'une obligation de quitter le territoire français ou qui, expulsé ou ayant fait l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire, d'une interdiction de retour sur le territoire français ou d'un arrêté de reconduite à la frontière pris moins de trois ans auparavant en application de l'article L. 533-1, aura pénétré de nouveau sans autorisation en France, sera puni d'une peine de trois ans d'emprisonnement. » Les requérants considèrent, à tout le moins s'agissant de la première phrase de cette disposition qui pénalise le fait de se maintenir sur le territoire malgré un ordre contraire, qu'il s'agit d'une erreur manifeste de transposition des articles 15 et 16 de la directive « retour ». En effet, la Cour de Justice de l'Union européenne vient de répondre à une question préjudicielle formulée en ces termes : « Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2008/115, notamment ses articles 15 et 16, doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à une réglementation d'un État membre, telle que celle en cause dans l'affaire au principal, qui prévoit l'infliction d'une peine d'emprisonnement à un ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier pour le seul motif que celui-ci demeure, en violation d'un ordre de quitter le territoire de cet État dans un délai déterminé, sur ledit territoire sans motif justifié » (arrêt du 28 avril 2011, Hassen El Dridi, C 61/11 PPU, point 29). Or à cette question la Cour a répondu oui. Ainsi, après avoir constaté que le déroulement des étapes de la procédure de retour établie par la directive 2008/115 correspondait « à une gradation des mesures à prendre en vue de l'exécution de la décision de retour, gradation allant de la mesure qui laisse le plus de liberté à l'intéressé, à savoir l'octroi d'un délai pour son départ volontaire, à des mesures qui restreignent le plus celle-ci, à savoir la rétention dans un centre spécialisé, le respect du principe de proportionnalité devant être assuré au cours de toutes ces étapes » (point 41), et rappelé que les « États ne sauraient appliquer une réglementation, fût-elle en matière pénale, susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs poursuivis par une directive et, partant, de priver celle-ci de son effet utile » (point 55), elle a conclu que la directive devait être interprétée en ce sens « qu'elle s'oppose à une réglementation d'un État membre, telle que celle en cause dans l'affaire au principal, qui prévoit l'infliction d'une peine d'emprisonnement à un ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier pour le seul motif que celui-ci demeure, en violation d'un ordre de quitter le territoire de cet État dans un délai déterminé, sur ledit territoire sans motif justifié » (point 62). Or l'article 94 de la loi ici disputé a précisément pour objet de pénaliser le séjour irrégulier sur le seul fondement du maintien sur le territoire d'un étranger qui a fait l'objet d'une décision l'enjoignant de le quitter, y compris lorsqu'il a bénéficié d'un délai de départ volontaire. Aussi, dès lors que la question qui vous est soumise est parfaitement identique à celle tranchée par la Cour de Luxembourg, c'est bien le caractère manifeste de l'erreur de transposition qui est révélé par l'interprétation qu'elle vient de donner des articles 15 et 16 de la directive « retour ». En conséquence, c'est sur le fondement de la méconnaissance de l'article 88-1 de la Constitution que votre censure est ici requise. SUR L'ARTICLE 95 L'actuel article L. 731-2 du CESEDA prévoit que devant la Commission nationale du droit d'asile, le « bénéfice de l'aide juridictionnelle peut être demandé au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception par le requérant de l'avis de réception de son recours, lequel l'informe des modalités de cette demande ». Auparavant, l'article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique limitait le bénéfice de cette aide financière aux seuls étrangers qui résidaient habituellement et étaient entrés régulièrement en France, ou qui détenaient un titre de séjour d'une durée de validité au moins égale à un an. L'article 93 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 avait supprimé ces exigences d'entrée régulière et de séjour régulier. Cette suppression avait deux fondements énoncés dans le rapport de la Commission des Lois du Sénat : « assurer un droit effectif au recours des demandeurs d'asile devant la Commission des recours des réfugiés », d'une part, et transposer dans le droit interne « l'obligation juridique » inscrite à l'article 15 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié, d'autre part (n° 371 (2005-2006), p. 219). Article 15 qui prévoit en effet que : « En cas de décision négative de l'autorité responsable de la détermination, les États membres veillent à ce que l'assistance judiciaire et/ou la représentation gratuites soient accordées sur demande » Or l'article 95 ici disputé tend pour sa part à supprimer le bénéfice de l'aide juridictionnelle « dans le cadre d'un recours dirigé contre une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant une demande de réexamen lorsque le requérant a, à l'occasion d'une précédente demande, été entendu par l'office ainsi que par la Cour nationale du droit d'asile, assisté d'un avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle ». Dès lors, et quand bien même cette rédaction finalement retenue est moins radicale que celle proposée initialement par l'Assemblée nationale, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit bien là d'un recul du droit à un recours effectif qui justifierait à lui seul votre censure. En outre, et dans la mesure où cela affecte le régime d'une loi antérieure qui venait transposer la directive 2005, les requérants considèrent qu'il vous appartient d'apprécier l'incompatibilité manifeste de cette nouvelle disposition avec ladite directive. Soit au titre de la modification de l'ancien régime – puisque, c'est la conséquence nécessaire de votre décision n° 2006-540 DC, le législateur ne saurait modifier une loi de transposition compatible avec une directive par une nouvelle loi qui, elle, lui serait manifestement incompatible, au seul motif qu'elle ne la transpose pas directement – soit parce qu'elle constitue en soi une transposition de la directive de 2005, dès lors que le législateur l'a expressément visée en adoptant l'article 95 . Les tenants du nouveau dispositif invoquent une exception au droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle inscrite à l'article 15.3 a) de la directive de 2005 selon lequel : « Les États membres peuvent prévoir dans leur droit national que l'assistance judiciaire et/ou la représentation gratuites sont accordées uniquement (...) dans le cadre des procédures devant une cour ou un tribunal prévues au chapitre V et à l'exclusion de tout autre recours juridictionnel ou administratif prévu dans le droit national, y compris le réexamen d'un recours faisant suite à un recours juridictionnel ou administratif ». Il s'agit là aux yeux des requérants d'une erreur de droit manifeste. En effet, le législateur a confondu le « réexamen d'un recours » tel qu'il figure à l'article 15.3 a) de la directive, et la procédure de réexamen française, alors que cette dernière correspond en réalité à ce que la directive intitule en son article 32 une « demande ultérieure ». Une telle demande selon l'article 32.3 n'est en effet recevable que si « de nouveaux éléments ou de nouvelles données se rapportant à l'examen visant à déterminer si le demandeur d'asile remplit les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié en vertu de la directive 2004/83/CE sont apparus ou ont été présentés par le demandeur ». Or cette exigence de présenter des éléments nouveaux est identique à celle fixée par la jurisprudence du Conseil d'Etat qui conditionne le réexamen d'un refus de l'OFPRA ou de la CNDA à l'existence de faits nouveaux. Ainsi un réexamen « ne peut être examiné au fond (...) que si l'intéressé invoque des faits intervenus postérieurement à la première décision juridictionnelle ou dont il est établi qu'il n'a pu en avoir connaissance que postérieurement à cette décision, et susceptibles, s'ils sont établis, de justifier les craintes de persécutions qu'il déclare éprouver » (arrêt du 28 avril 2000, n° 192701). Or conformément à l'article 39.1 c) de la directive de 2005, qui figure dans son Chapitre V, auquel renvoie précisément l'article 15.3 a) précité, le droit à un recours effectif s'applique à « une décision de ne pas poursuivre l'examen de la demande ultérieure en vertu des articles 32 et 34 ». En d'autres termes, le bénéfice de l'aide juridictionnelle doit être accordé dans le cadre des demandes ultérieures au sens du droit communautaire, qui correspondent aux demandes de réexamen du droit d'asile français. Parce que l'article 95 méconnait ainsi manifestement, à la fois le droit à un recours effectif, et la directive de 2005, il appelle votre censure. SUR L'ARTICLE 98 Cet article permet le recours à la visioconférence pour les audiences devant la Cour Nationale du droit d'asile. C'est la première fois qu'est introduit le recours à la visioconférence en matière d'asile. Niant la spécificité de ces audiences et du droit d'asile plus globalement - protégé par les conventions internationales et ne devant en rien être lié à la gestion des flux migratoires - cet article a pour objectif une « meilleure gestion » et une « réduction de stocks de dossier ». Cette disposition a pour résultat une violation manifeste du principe d'égalité devant la loi. En effet, l'exigence du consentement de l'intéressé pour le recours à la visioconférence devant la CNDA a été limitée aux seuls étrangers se trouvant en France métropolitaine. De ce fait, les demandeurs d'asile présents en Outre-Mer ne bénéficieront pas des mêmes droits que les demandeurs en France métropolitaine dans la mesure où ils ne pourront pas refuser le recours à la visioconférence pour leur audience devant la CNDA. Les arguments selon lesquels le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général ne peuvent être ici évoqués. En effet, il est indispensable, dans ces deux cas, que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit (2010-617 DC du 09 novembre 2010, cons. 13), fait non établi en l'espèce, l'objet de la loi étant de permettre le recours à la visioconférence en matière d'asile, et non de contraindre à ce recours. En outre, bien que vous ayez jugé constitutionnel le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle en matière de droits des étrangers, c'était après avoir précisé que le « déroulement de [ces] audiences est subordonné au consentement de l'étranger » (2003-484 DC du 20 novembre 2003, cons. 82). L'article 98 prévoit expressément, quant à lui, que le recours à la visioconférence pourra se faire sans le consentement de l'étranger présent en France non métropolitaine. De plus, rien ne précise que l'étranger est dûment informé dans une langue qu'il comprend. Les garanties d'un procès juste et équitable, protégé par l'article 16 de la Déclaration de 1789, ne semblent donc pas réunies. Le Gouvernement devrait partager ce point de vue puisque le Garde des Sceaux, dans une réponse du 22 juin 2010 à une question parlementaire (n°70778), affirmait « qu'en l'état des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (article L. 552-12) et d'une décision du Conseil constitutionnel en date du 20 novembre 2003, la décision du juge, prise sur une proposition de l'autorité administrative, de tenir l'audience en visioconférence n'est possible qu'à la seule condition que l'étranger dûment informé dans une langue qu'il comprend ne soit pas opposé à cette mesure. La réflexion sur le développement de l'utilisation de la visioconférence dans ce domaine doit s'inscrire au regard des principes que le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de rappeler et des dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rappelées par la Cour européenne par une décision en date du 5 octobre 2006 ». Cette rupture d'égalité et ce manquement au droit à un procès équitable appellent votre censure. Pour tous ces motifs, les requérants vous invitent à prononcer la censure de l'ensemble de ces dispositions, ainsi que de toutes celles que vous relèveriez d'office.Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, Nous avons l'honneur de vous déférer, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, l'ensemble de la loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité. Certaines des dispositions du texte appellent votre censure sur la base du même fondement, l'atteinte aux principes inscrits aux articles 66 de la Constitution et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 selon lesquels l'autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle et qu'est proscrit toute rigueur qui ne serait pas nécessaire ; elles seront donc traitées ensembles. Les autres dispositions en cause seront considérées individuellement. SUR LES MANQUEMENTS AUX ARTICLES 66 DE LA CONSTITUTION ET 9 DE LA DECLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN Conformément à l'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». Cette disposition constitutionnelle implique non seulement que toute personne privée de sa liberté puisse avoir accès à un juge, mais encore que ce juge puisse exercer un contrôle effectif sur la décision contestée. Or les requérants considèrent que les dispositions de la loi ici disputée relatives au délai d'intervention du juge des libertés (1), aux purges des nullités (2), à la limitation des moyens invocables devant le juge de la zone d'attente (3), ainsi qu'au délai de recours suspensif accordé au ministère public (4) méconnaissent toutes ces exigences constitutionnelles fondamentales pour la protection des libertés individuelles. Il ressort en effet sans ambiguïté aucune de la jurisprudence de votre haute juridiction qu'aussi bien le maintien d'un étranger en zone d'attente (92-307 DC du 25 février 1992, cons. 15), que son maintien en centre de rétention administrative (2003-484 DC du 20 novembre 2003, cons. 51) constituent des mesures affectant la liberté individuelle qui appellent l'intervention pleine et entière du juge judiciaire . Comme il découle de l'article 9 de la Déclaration de 1789 que la « liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire » (2010-31 QPC du 22 septembre 2010, cons. 5). 1. Quant aux articles 44 et 51 Les articles 44 et 51 prévoient tous deux que, dorénavant, le délai d'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) pour autoriser le maintien en rétention administrative d'un étranger sera de 5 jours, et non plus de 48 heures. En d'autres termes, pendant un délai, a minima, de 5 jours, un étranger pourra se retrouver privé de liberté par l'autorité administrative, sans possibilité aucune d'avoir accès à un juge du siège. Il est pourtant constant que depuis votre décision n° 79-109 DC, la « liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible » (9 janvier 1980, cons. 4). Or ce délai de 5 jours ne peut être considéré comme conforme à cette exigence. A cet égard, et à l'instar de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, il convient d'abord de relever que « cet allongement considérable du délai de privation de liberté avant toute intervention du juge judiciaire n'est nullement imposé par la ‘directive retour' dont le projet de loi est présenté comme l'application en droit français » . Ensuite et surtout, il ne saurait être regardé comme le plus court délai possible. Primo, parce que dans de nombreux cas, pour ne pas dire l'essentiel des cas, la décision préfectorale de placement en rétention administrative sera précédée d'une mesure de garde à vue. Dans ces hypothèses, les plus nombreuses, ce n'est donc pas pendant 5 jours que les étrangers concernés seront privés d'accès au juge du siège, mais bien pendant 6, voire 7 jours. Or comme vous l'avez expressément indiqué dans votre décision précitée, le maintien « en détention pendant sept jours sans qu'un juge ait à intervenir, de plein droit ou à la demande de l'intéressé (...) n'est pas conforme à la constitution » (cons. 4). Secundo, que ce soit dans votre décision n° 79-109 DC du 9 janvier 1980 (cons. 4), ou dans celle n° 97-389 DC du 22 avril 1997 (cons. 54), c'est par deux fois en vous fondant sur l'intervention du juge judiciaire dans un délai de 48 heures que vous aviez admis la conformité des dispositifs contestés à l'article 66 de la Constitution. Rappelons d'ailleurs à cet égard que, dans votre décision de 1997, vous aviez validé le passage de 24 à 48 heures en tenant compte du fait que, dans le même temps, la loi réduisait de 6 à 5 jours le délai de prorogation du maintien en rétention. De même, si dans votre décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, vous aviez validé l'extension du délai maximal de maintien en rétention, c'est uniquement après avoir rappelé que cet allongement ne remettait « pas en cause le contrôle de l'autorité judiciaire (. . .) au-delà de quarante huit heures » (cons. 64). Or, en l'espèce, non seulement l'allongement du délai de recours au juge passe de 2 à 5 jours, mais il s'accompagne de l'allongement de la durée maximale de rétention qui passe, elle, de 32 à 45 jours. Aucune circonstance donc n'appelle à ce que vous renonciez à votre propre jurisprudence. Tout au contraire. En effet, hormis les décisions précitées spécifiques à la rétention administrative des étrangers, il ressort de manière générale de vos décisions rendues en matière de garde à vue que l'intervention d'un juge du siège au-delà d'un délai de 48 heures a acquis une valeur constitutionnelle. Ainsi, déjà dans votre décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981, aviez vous jugé qu'au-delà de 48 heures, « l'intervention d'un magistrat du siège pour autoriser (. . . ) la prolongation de la garde à vue, est nécessaire conformément aux dispositions de l'article 66 de la Constitution » (cons. 25). Et encore tout récemment, comme l'indique le commentaire aux Cahiers de votre décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, vous avez « confirmé qu'au-delà de quarante-huit heures de privation de liberté, l'article 66 de la Constitution impose que la privation de liberté soit placée sous le contrôle d'un magistrat du siège ». C'est ainsi que vous avez rappelé que la possibilité pour le parquet de retenir pendant une durée de 20 heures un prévenu en attendant sa mise à la disposition de la justice « méconnaîtrait la protection constitutionnelle de la liberté individuelle si la personne retenue n'était pas effectivement présentée à un magistrat du siège avant l'expiration » de ce délai si elle s'appliquait à l'issue d'une garde à vue ayant duré 48 heures (2010-80 QPC du 17 décembre 2010, cons. 11). Et même quand il s'est agi de vous prononcer sur la constitutionnalité de la prolongation de la garde à vue en matière de terrorisme à 6 jours, vous ne vous êtes pas contentés de la valider au regard de l'intervention du juge du siège, mais également au regard de l'article 9 de la Déclaration de 1789. Ainsi cette prolongation n'a-t-elle eu grâce à vos yeux, fût-elle prononcée par le juge des libertés, qu'eu égard à son caractère « exceptionnel » qui la rendait conforme au principe de rigueur nécessaire (2010-31 QPC du 22 septembre 2010, cons. 5). Rien ne justifie qu'il en soit autrement pour les étrangers, puisque si, selon vos propres termes, le législateur peut prendre à leur égard « des dispositions spécifiques », c'est à la condition de « respecter les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République », parmi lesquels figurent en premier lieu « la liberté individuelle et la sûreté » et des « droits de la défense » (93-325 DC du 13 août 1993, cons. 3, 84 et 113). Or, s'agissant d'étrangers dont il n'est pas démontré qu'ils représentent un danger particulier pour la sauvegarde de l'ordre public, c'est en vain que vous rechercherez une exigence constitutionnelle justifiant pareille rigueur dans l'application de la loi. Les deux principaux arguments avancés par les promoteurs du nouveau dispositif ne sauraient en effet prospérer. L'argument qu'il vous appartiendra en premier lieu d'écarter, énoncé dans le rapport initial de la Commission des Lois de l'Assemblée nationale, indique qu'une libération par le JLD pourra se justifier « par l'existence d'une irrégularité liée à la procédure civile ou pénale », mais que dans ce cas elle aura alors « pour conséquence d'empêcher l'exécution d'une mesure d'éloignement légale ». Aussi, toujours selon les termes du même rapport, le « passage du délai de rétention administrative de deux à cinq jours permettra dans certaines circonstances d'exécuter la mesure d'éloignement dès que le juge administratif, juge du fond en matière de droit des étrangers, aura rendu sa décision » (rapport n° 2814, 16 septembre 2010, p. 249). Si les requérants avaient cherché à démontrer que l'objectif véritable poursuivi par le législateur n'était pas celui de la bonne administration de la justice, mais la marginalisation du juge judiciaire, empêcheur « d'expulser en rond », ils ne l'auraient pas dit autrement ! En effet, il s'agit là ni plus ni moins de l'aveu que c'est l'Etat de droit que l'on cherche à contourner, au nom de l'efficacité des mesures de renvoi. Or le risque que fait peser pareille disposition sur la liberté individuelle des étrangers est très loin d'être théorique. En effet, selon le rapport annuel 2009 de la Cimade, ce ne sont pas moins de 4000 étrangers qui pourraient ainsi être reconduits à la frontière sans avoir pu être à même de bénéficier d'un accès au JLD . L'autre argument qui manque tout autant de pertinence, réside dans l'idée que l'enchevêtrement des procédures administratives et judiciaires nuirait à l'objectif à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice. Ainsi, toujours selon les termes du rapport de la Commission des Lois de l'Assemblée nationale, il serait « indispensable de purger au préalable le contentieux sur la décision de rétention par l'administration avant que n'intervienne le juge judiciaire » (p. 249). Avec le nouvel agencement, et conformément à l'article 48 du projet de loi, le juge administratif statuerait ainsi toujours avant le JLD, puisque, saisi dans les 48 heures, il aurait 72 heures pour se prononcer. A cet égard, s'il va de soi que les requérants ne remettent pas en cause la valeur constitutionnelle de l'objectif de bonne administration de la justice qui découle des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration de 1789, ils rappellent néanmoins que, ne pouvant « être invoqué à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution », cet objectif ne fait pas partie des « droits et libertés que la Constitution garantit », contrairement aux exigences inscrites aux articles 9 de la Déclaration et 66 de la Constitution ici en cause (2010-77 QPC du 10 décembre 2010, cons. 3). Il ressort par ailleurs de la jurisprudence de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation que « les nécessités d'une bonne administration de la justice ne peuvent être invoquées pour priver un justiciable de son droit à un procès équitable » . Autrement dit, dans la conciliation qu'il appartenait au législateur d'assurer entre, d'une part, un simple objectif, et, d'autre part, d'impératives exigences, la balance ne pouvait pencher en faveur du premier aux dépens des secondes, sauf impérieuse nécessité avérée. Or à aucun moment il n'a été ni avancé ni démontré que le recours au JLD dans un délai de 48 heures était devenu intenable et mettait à mal le bon fonctionnement de la justice. Il n'est par exemple fait état d'aucune contrainte matérielle qui exigerait un report de l'intervention du juge du siège comme c'était le cas dans votre décision n° 2010-80 QPC du 17 décembre 2010 (cons. 6). D'une certaine manière, c'est même au contraire son trop bon fonctionnement qui lui est reproché quand le législateur se plaint de ce qu'il aboutisse à des libérations avant que la mesure d'éloignement n'ait pu être exécutée. D'ailleurs, l'argument selon lequel le dispositif viserait à conjurer le risque de voir le JLD autoriser la prolongation d'une rétention alors même que celle-ci, en tant que mesure administrative sera ultérieurement annulée par le juge administratif, a été battu en brèche par le Commission des Lois du Sénat elle-même. Selon ses propres termes : « Il convient toutefois de noter que ce cas est relativement peu fréquent et qu'il arrive au contraire souvent que le JLD remette un étranger en liberté du fait d'une irrégularité commise par l'administration alors même que la mesure de placement en rétention est légale, et que l'éloignement aurait été exécuté si le JLD n'était pas intervenu » (rapport n° 239 (2010-2011), p. 34). Par surcroît, la simultanéité des deux procédures n'est pas, en réalité, contraire à l'objectif de bonne administration de la justice, dès lors qu'elle découle du principe fondamental reconnu par les lois de la République de séparation des juridictions administrative et judiciaire qui impose que chacun des ordres de juridiction se prononce sur la matière qui lui revient : la liberté individuelle pour le juge judiciaire ; la licéité de l'arrêté préfectoral pour la juridiction administrative (89-261 DC du 28 juillet 1989, cons. 19 et 2003-484 DC du 20 novembre 2003, cons. 64-65). D'ailleurs, selon vos propres termes, la bonne administration de la justice elle-même « commande que l'exercice d'une voie de recours appropriée assure la garantie effective des droits des intéressés » (89-261 DC, cons. 29). L'intervention préalable du juge administratif ne peut à cet égard être considérée comme une garantie, ce dernier n'étant pas le garant de la liberté individuelle, mission confiée exclusivement au juge de l'ordre judiciaire par l'article 66 de la Constitution. Aussi, le principe selon lequel le délai d'intervention du juge judiciaire doit être le plus court possible s'impose en toutes circonstances, indépendamment de l'intervention du juge administratif . Enfin, le précédent ne saurait être invoqué à bon escient. La Commission des Lois de l'Assemblée nationale elle-même admet que la possibilité inscrite dans la loi n° 92-625 du 6 juillet 1992 de maintenir un étranger en zone d'attente pendant 4 jours ne saurait en aucun cas servir de justification à l'allongement de la durée de la saisine du juge pour ce qui concerne la rétention administrative (rapport n° 2814, p. 248) . D'abord parce que le Conseil constitutionnel n'avait pas été saisi de ce texte, ensuite et surtout parce que vous-même avez jugé que « le maintien d'un étranger en zone de transit (. . .) n'entraîne pas à l'encontre de l'intéressé un degré de contrainte sur sa personne comparable à celui qui résulterait de son placement dans un centre de rétention » (92-307 DC du 25 février 1992, cons. 14). Ainsi, en portant une atteinte manifestement excessive au droit au juge et en imposant une rigueur non nécessaire dans l'application de la loi, le législateur a procédé à une conciliation qui n'est pas proportionnée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice et les exigences posées aux articles 66 de la Constitution et 9 de la Déclaration de 1789 (2010-62 QPC du 17 décembre 2010, cons. 6). Et à ce titre, la disposition en cause encourt votre censure. 2. Quant aux articles 12 et 57 Ces deux dispositions introduisent dans le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) deux articles L. 222-3 et L. 552-8 rédigés dans les mêmes termes : « À peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité antérieure à l'audience relative à la première prolongation de la rétention ne peut être soulevée lors de l'audience relative à la seconde prolongation ». Elles tendent ainsi à instaurer une procédure de purge des nullités visant à limiter les moyens susceptibles d'être soulevés devant le JLD statuant sur la seconde prolongation du maintien en zone d'attente ou du maintien en rétention administrative. Ainsi ne seraient pas invocables devant le JLD statuant sur une demande de seconde prolongation les irrégularités commises antérieurement à la première prolongation. Les promoteurs de ce dispositif invoquent à cet égard une jurisprudence constante depuis 1996 de la Cour de cassation selon laquelle la première ordonnance rendue par le JLD purge les irrégularités antérieures . Cette position se justifierait également par la raison d'être de la seconde audience de prolongation qui se limiterait à la seule appréciation des conditions présidant au maintien en zone d'attente ou en rétention. Les requérants ne partagent pas ce point de vue. Ils rappellent à cet égard que c'est en toute circonstance que l'autorité judiciaire est la gardienne de la liberté individuelle dès lors que cette dernière est en cause. Ils rappellent également que cette exigence, ainsi que celle qui résulte de l'article 16 de la Déclaration de 1789, impose que soit garanti « le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ainsi que le respect des droits de la défense qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties » (2010-62 QPC du 17 décembre 2010, cons. 3). Aussi incombe-t-il « à l'autorité judiciaire, conformément à l'article 66 de la Constitution, d'exercer un contrôle effectif sur le respect des conditions de forme et de fond » fixées par la loi (93-323 DC du 5 août 1993, cons. 5). Cette exigence est également consacrée par la Cour européenne des droits de l'homme pour qui seul mérite l'appellation de « tribunal » l'organe qui « ait compétence pour se pencher sur toutes les questions de fait ou de droit pertinentes pour le litige dont il se trouve saisi » (Ravon c. France du 21 février 2008, n° 18497/03, En outre, pour apprécier la réalité de l'effectivité du recours en l'espèce, vous ne pourrez ignorer les circonstances de fait dans lesquelles se déroulent ces procédures, et notamment l'urgence qui les caractérise, ainsi que le public qu'elles concernent, particulièrement démuni, assisté éventuellement d'avocats agissant eux-mêmes dans des délais extrêmement contraints. A cet égard, votre haute juridiction avait elle-même pris en compte le caractère particulièrement défavorisé des personnes susceptibles de faire l'objet d'une évacuation préfectorale, pour juger que le recours qui leur était offert, fût-il suspensif, ne constituait pas une « garantie suffisante » pour respecter l'exigence d'un recours effectif (2011-625 DC du 10 mars 2011, cons. 55). Enfin, la transposition dans le code des étrangers et du droit d'asile d'une procédure civile qu'est la purge de nullités, revient à méconnaître la spécificité du droit des étrangers, très proche du droit pénal du fait des privations de liberté encourues. Si vous ne censuriez pas cette disposition pour autant, les requérants vous demanderaient à tout le moins de réserver l'hypothèse dans laquelle les éléments attestant de l'existence d'une irrégularité avant la première audience n'auront été révélés qu'après celle-ci, et avant la seconde audience. En d'autres termes, ils vous demanderaient d'émettre une réserve d'interprétation concernant l'apparition d'éléments nouveaux relatifs aux irrégularités commises antérieurement à la première audience. 3. Quant à l'article 13 Cette disposition introduit à l'article L. 222-3 du CESEDA un nouvel alinéa selon lequel : « L'existence de garanties de représentations de l'étranger n'est pas à elle seule susceptible de justifier le refus de prolongation de son maintien en zone d'attente ». Le législateur ici n'en fait pas secret, il s'agit ni plus ni moins que de revenir sur une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation selon laquelle « le maintien en zone d'attente au-delà du délai de quatre jours déjà utilisé par l'Administration n'est qu'une faculté pour le juge » et que, dès lors que l'étranger présente des garanties de représentation suffisantes, il peut être remis en liberté (arrêt 00-50079 de la 2ème chambre civile du 21 février 2002). Cette volonté est singulière à deux égards. D'abord parce que le Rapporteur de la Commission des Lois du Sénat fait état d'un chiffre extrêmement précis des cas dans lesquels les demandes de prolongation ont été refusées sur le fondement des garanties de représentation : 27,59% (rapport n° 239, p. 82). En revanche, aucun chiffre n'indique dans quelle proportion les étrangers concernés se sont effectivement représentés. Ce qui eût pourtant été utile à l'appréciation de la nécessité d'une telle mesure. Ensuite parce que les tenants de ce dispositif font en réalité grief à la Cour de cassation de dire quelque chose qu'elle ne dit pourtant pas. La Cour n'impose pas en effet, contrairement à ce que laisse entendre ici le législateur, que l'existence de garanties de représentation oblige à la remise en liberté. Elle en fait une simple faculté. En supprimant la faculté pour le JLD de tenir compte uniquement des garanties de représentation de l'étranger pour décider de sa remise en liberté, la disposition ici en cause porte atteinte à l'office du juge dans son rôle de garant de la liberté individuelle. En effet, la faculté de libérer est au cœur de la mission du juge du siège, sa raison d'être, et même la condition pour qu'il puisse être ainsi qualifié. Comme le rappelle avec constance la Cour européenne des droits de l'homme, la charge du magistrat comporte celle « d'examiner les circonstances qui militent pour ou contre la détention, de se prononcer selon des critères juridiques sur l'existence de raisons la justifiant et, en leur absence, d'ordonner l'élargissement » (Medvedyev et autres c. France du 29 mars 2010, n° 3394/03, Priver le juge de cette faculté, c'est en outre faire de la détention la règle, et de la liberté l'exception, en contradiction flagrante avec le principe même de la liberté individuelle qui suppose l'inverse . Aussi, pour l'ensemble de ces motifs, vous censurerez aussi cette disposition. 4. Quant aux articles 16 et 58 Ces deux dispositions tendent à allonger de 4 à 6 heures le délai dans lequel le parquet peut demander au premier Président de la Cour d'appel d'accorder un caractère suspensif à l'appel formé contre une décision de refus de maintien en zone d'attente ou de maintien en rétention administrative. Les requérants n'ignorent pas que, malgré les critiques déjà émises par eux sur le fondement de l'article 66 de la Constitution, vous avez par trois fois validé pareil dispositif, deux fois concernant spécifiquement le droit des étrangers (97-389 DC du 22 avril 1997, cons. 56-64 et 2003-484 DC du 20 novembre 2003, cons. 72-78), et une fois concernant le « référé-détention » (2002-461 DC du 29 août 2002, cons. 69-74). Les auteurs de la présente saisine, sans qu'il soit nécessaire de reprendre un à un les moyens invoqués à l'occasion de leurs précédents recours, relèvent néanmoins que vous aviez à chaque fois indiqué que, « en principe, il résulte de l'article 66 de la Constitution que, lorsqu'un magistrat du siège a, dans la plénitude des pouvoirs que lui confère son rôle de gardien de la liberté individuelle, décidé par une décision juridictionnelle qu'une personne doit être mise en liberté, il ne peut être fait obstacle à cette décision, fût-ce dans l'attente, le cas échéant, de celle du juge d'appel ». Et si vous aviez toutefois admis qu'il soit apporté une exception à ce principe, c'est notamment en considération, comme l'indique le commentaire aux Cahiers de votre décision de 2003, du fait que ce délai était « strictement nécessaire au déroulement » de la procédure. Le gouvernement lui-même, dans ses Observations sur le recours formé contre la loi de 1997, relevait que « la possibilité d'appel suspensif du parquet est encadrée par la nécessité, pour celui-ci, de le manifester immédiatement, c'est-à-dire dans des cas où il aura été présent à une audience et aura pu relever d'emblée une violation flagrante de la règle du droit. » Or en l'espèce, un délai de 6 heures va au-delà de ce qui est strictement nécessaire au bon déroulement de cette procédure. En effet, comme l'admettent d'ailleurs eux-mêmes les promoteurs du dispositif, si cette faculté est peu utilisée par le parquet, c'est moins en raison de la contrainte imposée par le délai de 4 heures, que pour « des raisons structurelles (encombrement des parquets notamment) que le projet de loi ne pourra pas résoudre ». Le directeur des affaires civiles et du sceau ayant notamment fait savoir à la Commission des Lois de l'Assemblée nationale que « la présence du parquet aux audiences du JLD de prolongation de la rétention ou du maintien en zone d'attente n'était pas la priorité du ministère public », et que c'est « cette absence aux audiences [qui] rend très difficile la mise en œuvre de la procédure de façon satisfaisante dans des délais aussi courts » (rapport n° 2814, pp. 169-170). En d'autres termes, si le gouvernement souhaitait réellement favoriser le recours à cette procédure, il aurait suffit au Garde des Sceaux d'adresser une circulaire en ce sens à l'attention des parquetiers, et non enfoncer un coin supplémentaire dans une liberté constitutionnellement garantie. Là aussi donc, votre censure est encourue sur le fondement de l'article 66 de la Constitution et de la prohibition d'une rigueur non nécessaire. Prises dans leur ensemble, ces dispositions montrent combien la logique du législateur est limpide : limiter et marginaliser toujours un peu plus le rôle du juge du siège. Pourtant, s'il était loisible au législateur « d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appart[enait] d'apprécier l'opportunité », ce n'était qu'à la stricte condition que l'exercice de ce pouvoir n'aboutisse pas « à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel » (99-416 DC du 23 juillet 1999, cons. 6 et 10). C'est néanmoins l'inverse que les requérants vous invitent ici à constater. SUR L'ARTICLE 2 L'article 2 tend notamment à introduire à l'article 21-24 du code civil un nouvel alinéa selon lequel : « À l'issue du contrôle de son assimilation, l'intéressé signe la charte des droits et devoirs du citoyen français. Cette charte, approuvée par décret en Conseil d'État, rappelle les principes, valeurs et symboles essentiels de la République française ». C'est le renvoi de la rédaction et de l'approbation de cette charte au pouvoir réglementaire qui est ici en cause. En effet, en procédant à ce renvoi, le législateur est resté manifestement en deçà de sa compétence, et méconnu l'exigence constitutionnelle de clarté et de prévisibilité de la loi. Il ressort ainsi de votre jurisprudence qu'il « incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 », et que « le plein exercice de cette compétence, ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques », et, ce, dans le but de « prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi » (2007-557 DC du 15 novembre 2007, cons. 19). En l'espèce, l'article 34 n'a confié qu'à la loi le soin de fixer « les règles concernant (. . .) les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques », ainsi que les règles concernant « la nationalité ». Or, primo, dès lors que l'adoption de cette « charte des droits et devoir du citoyen » relevait directement de la catégorie des règles concernant « les droits civiques et les garanties fondamentales » qui sont accordées aux citoyens, c'était au législateur de les élaborer et de les adopter. Et, secundo, il ne saurait être argué du caractère non normatif de la future charte pour justifier ce renvoi au décret, dès lors que sa signature conditionnera dans les faits l'accession à la nationalité française. Aussi, en confiant au pouvoir réglementaire le soin de rédiger cette charte, le législateur lui a-t-il par la même occasion conféré la possibilité de déterminer des règles concernant, in fine, la nationalité. L'exécutif se retrouvera ainsi dans la position de celui qui, à la fois, détermine souverainement les droits et devoirs qui figureront dans ladite charte, et apprécie tout aussi discrétionnairement le respect de ces prescriptions par l'étranger demandeur de la nationalité française. En reportant de la sorte sur les autorités administratives le soin de fixer des règles concernant les droits fondamentaux et la nationalité, le législateur n'a donc pas suffisamment prémuni les demandeurs de la nationalité française contre le risque d'appréciation arbitraire de leur situation, et encourt à ce titre votre censure. SUR L'ARTICLE 4 L'article 4 complète le paragraphe 6 de la section 1 du chapitre III du titre Ier bis du livre Ier du code civil par un article 21-27-1 ainsi rédigé : « Lors de son acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique ou par déclaration, l'intéressé indique à l'autorité compétente la ou les nationalités qu'il possède déjà, la ou les nationalités qu'il conserve en plus de la nationalité française ainsi que la ou les nationalités auxquelles il entend renoncer. » Ce dispositif opère ainsi une distinction entre les Français selon qu'ils ont acquis leur nationalité par naissance, ou par une autre voie. Or cela heurte manifestement le principe que votre haute juridiction a consacré, et selon lequel, « au regard du droit de la nationalité, les personnes ayant acquis la nationalité française et celles auxquelles la nationalité française a été attribuée à leur naissance sont dans la même situation » (96-377 DC du 16 juillet 1996, cons. 23). En effet aucune différence de situation en lien direct avec l'objet de la disposition en cause qui est d'apprécier l'existence d'éventuels liens avec d'autres Etats ne justifie qu'un Français qui a acquis la nationalité par naturalisation ou déclaration soit traité différemment d'un français de naissance qui possède lui même une ou plusieurs autres nationalités, et qui, par voie de conséquence, est également susceptible d'entretenir des liens spécifiques avec un ou plusieurs autres Etats. En outre, en imposant, au-delà de l'indication de leurs autres nationalités, l'obligation de faire connaître les nationalités qu'elles conservent, ou celles auxquelles elles renoncent, le législateur fait peser sur les personnes concernées une contrainte sur laquelle elles n'ont pas de prise. En effet, selon les législations concernées, la nationalité n'est pas nécessairement disponible. Par exemple, la renonciation à la nationalité marocaine suppose l'adoption d'un décret royal. A l'inverse, jusqu'en 2002, un australien qui acquérait la nationalité d'un autre Etat perdait automatiquement sa nationalité australienne. Aussi, en imposant à des individus une obligation qui ne dépend pas de leur volonté propre, mais de celle des Etats dont ils ont également la nationalité, le législateur a-t-il commis une erreur manifeste d'appréciation dans le choix des modalités qu'il a retenues au regard de l'objectif qu'il poursuivait (99-416 DC du 23 juillet 1999, cons. 10). Pour ces motifs, la disposition en cause commande d'être censurée. SUR L'ARTICLE 10 L'article 10 insère à l'article 221-2 du CESEDA un alinéa au terme duquel : « Lorsqu'il est manifeste qu'un groupe d'au moins dix étrangers vient d'arriver en France en dehors d'un point de passage frontalier, en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d'au plus dix kilomètres, la zone d'attente s'étend, pour une durée maximale de vingt-six jours, du ou des lieux de découverte des intéressés jusqu'au point de passage frontalier le plus proche ». Ce dispositif tend ainsi à instituer une hypothèse supplémentaire à celles déjà existantes – gare, port, aéroport, lieu de débarquement – dans laquelle il sera permis au préfet d'instaurer une zone d'attente, celle où un groupe d'étrangers serait appréhendé hors les passages frontaliers habituels. Parce que ces zones d'attente « sac à dos » ou « mobiles » auront pour effet de transformer potentiellement l'ensemble du territoire national en zone d'attente, elles n'offrent pas de garanties suffisantes contre une application arbitraire de la loi elle-même susceptible de restreindre l'exercice effectif du droit d'asile (1), et méconnaissent manifestement le principe de l'indivisibilité de la République (2). 1. Quant à la légalité et au droit d'asile La disposition qui vous est ici déférée manque cruellement de précision quant à sa portée, au point de ne pas prémunir suffisamment contre d'éventuelles atteintes au droit d'asile. Est-il nécessaire de le rappeler, « l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789 » impose au législateur « d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques », nécessaires pour « prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire » (2007-557 DC du 15 novembre 2007, cons. 19). C'est pourtant le risque d'arbitraire qui fait ici office de règle. D'abord parce que le dispositif envisagé ne fixant aucune limite spatiale à la création d'une zone d'attente, il pourra s'appliquer sur l'ensemble du territoire national, indépendamment de la proximité d'un point de passage frontalier. Ensuite, toujours d'un point de vue spatial, le périmètre de déclenchement de la mise en œuvre du nouveau dispositif est parfaitement imprévisible, hors les cas où les personnes sont trouvées en un même lieu. En effet, s'agissant des hypothèses dans lesquelles les personnes dont il est soupçonné qu'elles constituent un groupe sont éloignées de 10 kilomètres, alors, le périmètre susceptible d'être concerné devient parfaitement inappréciable. Mathématiquement, si l'on retient l'hypothèse de 10 personnes - qui impliquent chacune un rayon potentiel de 10 kilomètres - le périmètre couvert pourra être d'environ 3141 km² [10×(p×10²)]. Dans ces conditions, il est manifestement déraisonnable d'envisager que sur pareille surface 10 personnes puissent constituer un groupe. Enfin, le dispositif crée un facteur d'imprévisibilité temporelle. Certes le texte finalement retenu prévoit une durée maximale de 26 jours. Mais rien ne vient limiter les possibilités de reconduction d'une telle mesure. Alors que selon les promoteurs du projet elle devait revêtir un caractère exceptionnel, elle pourrait de facto s'avérer pérenne sur certains secteurs du territoire. Pourraient ainsi être transformés en vastes zones d'attente permanentes le Calaisis, le canal Saint Martin et les parcs du 10ème arrondissement de Paris, mais aussi la Seine-Saint-Denis, ou encore tous les locaux d'associations accueillant des étrangers. Eu égard à son ampleur, le dispositif envisagé ne permet ainsi pas d'exclure qu'une ou des personnes, bien que n'appartenant pas à un même groupe, soient toutes placées en zone d'attente, pour la seule et unique raison qu'elles se trouvent dans le périmètre concerné, aussi vaste soit-il. De même, le risque est encore moins exclu que des personnes, à la seule vue de leur appartenance à un groupe, soient considérées comme « venant d'arriver », en l'absence de critères objectifs pour définir cette notion. In fine, rien ne s'oppose donc à ce que ce nouveau dispositif soit utilisé pour renvoyer plus vite et plus facilement des étrangers qui, étant effectivement entrés sur le territoire, auraient pourtant dû être traités selon le droit commun d'éloignement. De surcroit, ce risque d'arbitraire ne sera pas sans conséquences sur le droit d'asile lui-même consacré au quatrième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, et plus particulièrement sur le principe d'égalité entre les demandeurs d'asile qui s'impose dès lors que ces derniers se trouvent dans des situations identiques (2003-485 DC du 4 décembre 2003, cons. 9-10). Vous ne pourrez en effet faire abstraction du fait que la procédure d'asile à la frontière est moins favorable au demandeur d'asile que la procédure de droit commun de demande d'asile sur le territoire. Or cette différence de traitement n'est acceptable - et encore - que dans la mesure où l'étranger qui vient d'arriver à un point de passage frontalier se trouve effectivement dans une situation différente de celui qui est déjà rentré sur le territoire. Mais en l'espèce, les requérants viennent précisément de démontrer que l'imprécision de la disposition en cause emportera pour conséquences qu'un étranger qui ne vient pas d'arriver sur le territoire sera néanmoins susceptible de se retrouver soumis à la procédure d'asile à la frontière. Il s'agit dès lors bien là d'une rupture d'égalité manifeste entre des étrangers puisque, bien que se trouvant effectivement sur le territoire, ils seront traités selon une procédure d'asile distincte. L'absence de toute garantie effective contre un tel risque d'arbitraire dans l'application de cette disposition vous conduira donc à la censurer. 2. Quant à l'indivisibilité de la République Comme l'indique à très juste titre le Rapporteur de la Commission des Lois du Sénat, « en dépit de ses caractéristiques géographiques, la zone d'attente est avant tout une fiction juridique, permettant de considérer qu'un étranger, bien que physiquement présent sur le territoire français, n'a pas été juridiquement admis à entrer sur ce territoire » (rapport n° 239, p. 72, en gras dans l'original). Jusqu'à présent, et quand bien même vous ne vous êtes jamais prononcés sur le bien fondé même de la création de ces zones , cette fiction a toujours trouvé à s'appuyer sur une réalité géographique : la proximité avec un point de passage frontalier. Aussi, l'atteinte manifeste au principe constitutionnel de l'indivisibilité de la République (76-71 DC du 30 décembre 1976, cons. 5) qu'elle comporte pouvait être justifiée par son caractère limité et précisément défini. Par deux fois ainsi, vous avez admis qu'il était loisible au législateur d'instituer un régime particulier de contrôles d'identité sur des portions spécifiques du territoire, qui comprenaient chacune une bande de 20 kilomètres longeant les frontières terrestres métropolitaines (93-323 DC du 05 août 1993), et les frontières terrestres et le littoral de Guyane (97-389 DC du 22 avril 1997), sans pour autant méconnaitre le principe d'indivisibilité de la République. Mais dans les deux cas, vous aviez préalablement constaté que les zones concernées, qui jouxtaient effectivement des frontières géographiques, étaient « précisément définies dans leur nature et leur étendue », et présentaient « des risques particuliers d'infractions et d'atteintes à l'ordre public liés à la circulation internationale des personnes » (93-323 DC, cons. 15 et 97-389 DC, cons. 72). Or en l'espèce, et à l'inverse, le législateur a créé artificiellement , en dehors de tout rattachement géographique frontalier, des zones dans lesquelles des étrangers se retrouveront réputés n'être pas entrés sur le territoire dont il a été démontré que ni la nature ni l'étendue n'étaient définies avec suffisamment de précisions. Aussi, pour cette seconde raison, et parce que le dispositif envisagé institue une exception au principe d'indivisibilité de la République dont le contour est défini avec un manque manifeste de précision, il appelle encore votre censure. SUR LES ARTICLES 26, 40 et 70 L'article 26 tend à modifier les dispositions de l'article L. 313-11-11° qui fixe les conditions d'obtention de plein droit d'un titre de séjour « vie privée et familiale » fondé sur des motifs médicaux. L'article 40 tend, lui, à tirer les conséquences de ces modifications sur les mesures d'éloignement visées à l'article L. 511-4 du CESEDA, et l'article 70 sur les mesures d'assignation à résidence visées à l'article L. 521-3-5° du même code. En l'état du droit actuel, un titre de séjour est délivré de plein droit : « A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat ». Les trois dispositions en cause visent à revenir sur l'interprétation du membre de phrase « sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire » retenue par le Conseil d'Etat, et selon lequel sont visées les hypothèses dans lesquelles de « telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement » (arrêts du 7 avril 2010 n° 301640 et 316625). Il s'agissait pour le Conseil d'Etat avec cette interprétation de donner tout son sens à la condition d'effectivité de l'accès au soin prévue par la loi. Comme l'indiquait le Rapporteur public Guyomar dans ses Conclusions, « le législateur n'a pas seulement exigé que l'étranger malade soit susceptible de bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine, il a clairement marqué qu'il fallait aussi qu'il soit en mesure de le suivre ». Dans un premier temps, à son initiative, l'Assemblée nationale avait adopté un amendement remplaçant le membre de phrase « qu'il ne puisse effectivement bénéficier », par « de l'indisponibilité » du traitement dans le pays d'origine. Aussi contestable était cette disposition, du moins avait-elle le mérite de la clarté. Alors que la rédaction finalement retenue, à l'initiative du Sénat, est, quant à elle, d'une profonde complexité. Dorénavant ne serait plus éligible au bénéfice d'un titre de plein droit « l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ». D'un côté donc, l'on durcit les conditions en remplaçant l'indisponibilité du traitement par son absence, de l'autre, on l'assouplit en recourant à une formule de compromis particulièrement alambiquée et équivoque, manifestement contraire à « l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi », qui ne prémunira pas les étrangers contre un «risque d'arbitraire » dans l'application de la loi (2007-557 DC du 15 novembre 2007, cons. 19), ni contre une atteinte à la vie privée des personnes concernées via le risque de violation du secret médical (2004-504 DC du 12 août 2004, cons. 5). Quant à la notion de « circonstance humanitaire exceptionnelle » d'abord. Vous avez déjà eu l'occasion de juger que la notion d'association à « vocation humanitaire » était une notion « dont la définition n'a été précisée par aucune loi », et qu'elle comportait ainsi un risque d'arbitraire dans son application (98-399 DC du 05 mai 1998, cons. 7). Ceci est à ce point vrai que lorsque le législateur a introduit dans la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 une procédure d'admission exceptionnelle au séjour fondée notamment sur des « considérations humanitaires » ou des « motifs exceptionnels », il a confié à une Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour le soin de préciser ces notions en formulant des avis, précisément « afin de réduire l'imprécision des critères ainsi édictés » (rapport n° 239, p. 109). Il est évident qu'en l'absence de critères objectifs, les étrangers feront l'objet d'un traitement distinct fondé moins sur des considérations humanitaires que selon le ressort des préfectures dont ils dépendent. Quant à la procédure retenue ensuite. L'appréciation desdites circonstances humanitaires exceptionnelles sera le fait du préfet, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé. C'est-à-dire de deux autorités administratives non médicales. Comment donc ces autorités administratives pourraient elles apprécier ces circonstances, alors même que, comme le rappelait le Rapporteur Guyomar dans ses conclusions précitées, « le secret médical interdit au médecin de révéler des informations sur la pathologie de l'intéressé et la nature de ses traitements médicaux, fût-ce en portant une appréciation sur l'état du système de soins dans le pays d'origine », sauf précisément à porter atteinte audit secret médical ? Or il ressort de votre jurisprudence que le droit au respect de la vie privée « requiert que soit observée une particulière vigilance dans la collecte et le traitement de données à caractère personnel de nature médicale » (2004-504 DC du 12 août 2004, cons. 5). En l'espèce pourtant, cette particulière vigilance est méconnue dès lors que les dispositions en cause ne sont pas assorties des garanties et précisions suffisantes pour assurer la certitude d'une stricte confidentialité des informations à caractère médical. En effet, en prévoyant dans les dispositions d'un même article, d'une part, une procédure pour raison médicale, impliquant l'intervention du médecin de l'agence régionale, et, d'autre part, une procédure d'appréciation par le préfet après avis du directeur général de l'agence régionale de santé d'une éventuelle « circonstance humanitaire exceptionnelle », le législateur n'a pas prévu les garanties suffisantes pour s'assurer que, à l'occasion de ces procédures mixtes, la transmission des informations médicales à caractère personnel ne devait se faire que vers les seules autorités médicales et dans le strict respect du secret médical. Ainsi, s'il était loisible au législateur de modifier l'ancien dispositif, il ne pouvait le faire en privant de garanties légales les exigences constitutionnelles d'intelligibilité de la loi et de protection de la vie privée, sauf à encourir votre censure (2010-622 DC, du 28 décembre 2010, cons. 33). SUR L'ARTICLE 33 En l'état actuel du droit, l'article L. 623-1 du CESEDA prévoit que : « Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 Euros d'amende ». L'article 33 qui vous est ici soumis tend à compléter cette disposition par la phrase : « Ces peines sont également encourues lorsque l'étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint ». En d'autres termes, il s'agit de viser spécialement l'étranger qui se marie aux seules fins « d'obtenir » sa régularisation ou la nationalité française, et d'écarter du dispositif les nationaux qui auraient contracté mariage aux seules fins de « faire obtenir » la régularisation ou la nationalité française à leur conjoint. Cette différence de traitement constitue une rupture manifeste d'égalité entre les nationaux et les étrangers. En effet, il n'existe ici pas de différence de situation entre les nationaux et les étrangers qui justifierait que « le législateur règle de façon différente des situations différentes » (2007-557 DC du 15 novembre 2007, cons. 8). Certes, lorsque le législateur adopte des dispositions relatives au séjour des étrangers, et dès lors qu'il n'existe pas de « droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national », les étrangers se trouvent placés, dans ce cadre juridique précis, « dans une situation différente de celle des nationaux » (93-325 DC du 13 août 1993, cons. 2). Ainsi est-il loisible au législateur d'imposer aux étrangers « la détention, le port et la production des documents attestant la régularité de leur entrée et de leur séjour en France » (ibid. cons. 14-15). Mais, s'il ressort de votre jurisprudence que la rupture d'égalité entre nationaux et étrangers ne peut pas être invoquée contre des dispositions qui sont commandées par le fait même qu'une personne est étrangère, à l'inverse, le principe d'égalité s'impose lorsqu'un comportement peut être appréhendé indépendamment de la nationalité de son auteur. Dans la même décision, vous aviez ainsi jugé que le législateur ne pouvait pas instaurer de régime de contrôles d'identité spécifique à l'égard des étrangers (cons. 16), et rappelé que « les droits de la défense constitu[aient] pour toutes les personnes, qu'elles soient de nationalité française, de nationalité étrangère ou apatrides, un droit fondamental à caractère constitutionnel » (cons. 84). En adoptant le premier alinéa de l'article L. 623-1 du CESEDA, le législateur avait ainsi tiré pleinement les conséquences de ce principe. Le délit pouvait être commis par l'étranger qui cherchait seul à « obtenir » des papiers, ou par le français qui cherchait seul à « faire obtenir » des papiers. Au contraire ici, le législateur ne vise plus que l'étranger qui a cherché à obtenir sa régularisation en France, et plus la personne française qui a cherché à lui faire obtenir sa régularisation. Or les deux délits pouvant être commis indépendamment de la nationalité de leurs auteurs, il n'y avait pas lieu de les traiter différemment selon leur nationalité. En l'absence donc de différence de situation entre les étrangers et les nationaux qui commanderait que les uns soient punis et pas les autres, il vous appartiendra de censurer ce dispositif.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 avril 2011 par le Conseil d'État (décision n° 345637 du 8 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'Association pour le droit à l'initiative économique, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 16 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 modifiée relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour l'association requérante par la SCP Piwnica Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, par Me Paul Lignières et par Me Frédéric Dupuis-Toubol, avocats au barreau de Paris, enregistrées les 2 et 17 mai 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 2 mai 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me François Molinié et Me Paul Lignières, pour l'association requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 7 juin 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 5 juillet 1996 susvisée : « I. Quels que soient le statut juridique et les caractéristiques de l'entreprise, ne peuvent être exercées que par une personne qualifiée professionnellement ou sous le contrôle effectif et permanent de celle-ci les activités suivantes : « - l'entretien et la réparation des véhicules et des machines ; « - la construction, l'entretien et la réparation des bâtiments ; « - la mise en place, l'entretien et la réparation des réseaux et des équipements utilisant les fluides, ainsi que des matériels et équipements destinés à l'alimentation en gaz, au chauffage des immeubles et aux installations électriques ; « - le ramonage ; « - les soins esthétiques à la personne autres que médicaux et paramédicaux et les modelages esthétiques de confort sans finalité médicale. On entend par modelage toute manoeuvre superficielle externe réalisée sur la peau du visage et du corps humain dans un but exclusivement esthétique et de confort, à l'exclusion de toute finalité médicale et thérapeutique. Cette manoeuvre peut être soit manuelle, éventuellement pour assurer la pénétration d'un produit cosmétique, soit facilitée par un appareil à visée esthétique ; « - la réalisation de prothèses dentaires ; « - la préparation ou la fabrication de produits frais de boulangerie, pâtisserie, boucherie, charcuterie et poissonnerie, ainsi que la préparation ou la fabrication de glaces alimentaires artisanales ; « - l'activité de maréchal-ferrant. « II. Pour chaque activité visée au I, un décret en Conseil d'État pris après avis de l'Autorité de la concurrence, de la Commission de la sécurité des consommateurs, de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, de l'assemblée permanente des chambres de métiers et des organisations professionnelles représentatives détermine, en fonction de la complexité de l'activité et des risques qu'elle peut présenter pour la sécurité ou la santé des personnes, les diplômes, les titres homologués ou la durée et les modalités de validation de l'expérience professionnelle qui justifient de la qualification. « Toutefois, toute personne qui, à la date de publication de la présente loi, exerce effectivement l'activité en cause en qualité de salarié ou pour son propre compte est réputée justifier de la qualification requise. « Lorsque les conditions d'exercice de l'activité déterminées au I sont remplies uniquement par le chef d'entreprise et que celui-ci cesse l'exploitation de l'entreprise, les dispositions relatives à la qualification professionnelle exigée pour les activités prévues au I ne sont pas applicables, pendant une période de trois ans à compter de la cessation d'exploitation, aux activités exercées par le conjoint de ce chef d'entreprise appelé à assurer la continuité de l'exploitation, sous réserve qu'il relève d'un des statuts mentionnés à l'article L. 121-4 du code de commerce depuis au moins trois années et qu'il s'engage dans une démarche de validation des acquis de son expérience conformément au I de l'article L. 335-5 du code de l'éducation. « IV. Les dispositions du présent article ne font pas obstacle à l'application des dispositions législatives spécifiques à la profession de coiffeur. « V. Le dernier alinéa de l'article 35 du code professionnel local est complété par deux phrases ainsi rédigées : "Si l'autorité compétente estime que l'activité déclarée est susceptible d'être interdite en vertu des dispositions ci-dessus, elle transmet cette déclaration au représentant de l'État pour décision. L'activité déclarée ne pourra être exercée avant qu'une décision n'ait été prise" » ; 2. Considérant que, selon l'association requérante, ces dispositions, en réservant aux personnes pouvant justifier des qualifications professionnelles requises le droit d'exercer les activités qui y sont énumérées, portent atteinte au droit d'obtenir un emploi, à la liberté d'entreprendre, ainsi qu'à l'article 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 aux termes duquel : « La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas » ; que l'association requérante fait en outre valoir que le législateur aurait méconnu l'étendue de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution ; 3. Considérant que la liberté d'entreprendre découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789 ; qu'il est toutefois loisible au législateur d'apporter à cette liberté des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ; 4. Considérant qu'il incombe au législateur, compétent en vertu de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, de poser des règles propres à assurer, conformément aux dispositions du Préambule de la Constitution de 1946, le droit pour chacun d'obtenir un emploi tout en permettant l'exercice de ce droit par le plus grand nombre ; 5. Considérant, en premier lieu, qu'en imposant que certaines activités ne puissent être exercées que par des personnes justifiant d'une qualification professionnelle ou sous le contrôle de ces dernières, les dispositions contestées ne portent, en elles-mêmes, aucune atteinte au droit d'obtenir un emploi ; 6. Considérant, en deuxième lieu, d'une part, que les dispositions contestées prévoient que les qualifications professionnelles exigées doivent être déterminées, pour chaque activité, en fonction de leur complexité et des risques qu'elles peuvent présenter pour la sécurité ou la santé des personnes ; que le législateur a ainsi entendu garantir la compétence professionnelle des personnes exerçant des activités économiques pouvant présenter des dangers pour ceux qui les exercent ou pour ceux qui y ont recours ; 7. Considérant, d'autre part, que ces dispositions fixent la liste limitative des activités dont l'exercice est réservé aux personnes qualifiées ; que les activités visées sont susceptibles de présenter des risques pour la santé et la sécurité des personnes ; qu'elles prévoient qu'il est justifié de cette qualification par des diplômes ou des titres homologués ou la validation d'une expérience professionnelle ; que ces activités peuvent également être exercées par des personnes dépourvues de qualification professionnelle dès lors qu'elles se trouvent placées sous le contrôle effectif et permanent de personnes qualifiées au sens des dispositions contestées ; 8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le législateur a adopté des mesures propres à assurer une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre le respect de la liberté d'entreprendre et la protection de la santé, prévue par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, ainsi que la prévention des atteintes à l'ordre public, notamment des atteintes à la sécurité des personnes, qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle ; 9. Considérant, en troisième lieu, qu'en confiant au décret en Conseil d'État le soin de préciser, dans les limites rappelées ci-dessus, les diplômes, les titres homologués ou la durée et les modalités de validation de l'expérience professionnelle qui justifient de la qualification, le législateur n'a pas délégué le pouvoir de fixer des règles ou des principes que la Constitution place dans le domaine de la loi ; que, par suite, le grief tiré de ce que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa propre compétence doit être écarté ; 10. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- L'article 16 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 24 juin 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 25 mai 2011 par le Premier ministre, dans les conditions prévues par le second alinéa de l'article 37 de la Constitution, d'une demande tendant à ce qu'il se prononce sur la nature juridique des mots : « décret en conseil des ministres » figurant au quatrième alinéa de l'article L. 6112-2 du code de la santé publique. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution, notamment ses articles 34 et 37 ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 24, 25 et 26 ; Vu le code de la santé publique ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'en application du quatrième alinéa de l'article L. 6112-2 du code de la santé publique, les missions de service public confiées aux établissements de santé et définies à l'article L. 6112-1 du même code peuvent être également confiées au « service de santé des armées, dans des conditions fixées par décret en conseil des ministres » ; que les dispositions selon lesquelles ces conditions doivent être déterminées par décret en conseil des ministres ne mettent en cause aucun des principes fondamentaux ni aucune des règles que la Constitution a placés dans le domaine de la loi ; que, par suite, les mots : « décret en conseil des ministres » figurant au quatrième alinéa de l'article L. 6112-2 du code de la santé publique ont le caractère réglementaire, Article 1er.- Les mots : « décret en conseil des ministres » figurant au quatrième alinéa de l’article L. 6112-2 du code de la santé publique ont le caractère réglementaire. Article 2.- La présente décision sera notifiée au Premier ministre et publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région, le 10 juin 2011, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mmes Patricia ADAM, Sylvie ANDRIEUX, MM. Jean-Paul BACQUET, Dominique BAERT, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Mme Chantal BERTHELOT, M. Patrick BLOCHE, Mme Marie-Odile BOUILLÉ, M. Christophe BOUILLON, Mme Monique BOULESTIN, M. Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, MM. Alain CACHEUX, Thierry CARCENAC, Laurent CATHALA, Guy CHAMBEFORT, Jean-Paul CHANTEGUET, Jean-Michel CLÉMENT, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, M. Pierre COHEN, Mmes Catherine COUTELLE, Pascale CROZON, Claude DARCIAUX, MM. Pascal DEGUILHEM, Guy DELCOURT, Michel DELEBARRE, Bernard DEROSIER, Michel DESTOT, René DOSIÈRE, Julien DRAY, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Mme Laurence DUMONT, MM. Philippe DURON, Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Henri EMMANUELLI, Albert FACON, Mme Martine FAURE, M. Hervé FÉRON, Mmes Aurélie FILIPPETTI, Geneviève FIORASO, M. Pierre FORGUES, Mme Valérie FOURNEYRON, MM. Michel FRANÇAIX, Jean-Louis GAGNAIRE, Mme Geneviève GAILLARD, MM. Guillaume GAROT, Jean GAUBERT, Mme Catherine GÉNISSON, M. Jean-Patrick GILLE, Mme Annick GIRARDIN, MM. Joël GIRAUD, Jean GLAVANY, Daniel GOLDBERG, Marc GOUA, Mme Élisabeth GUIGOU, M. David HABIB, Mme Danièle HOFFMAN-RISPAL, M. François HOLLANDE, Mme Françoise IMBERT, MM. Serge JANQUIN, Henri JIBRAYEL, Régis JUANICO, Armand JUNG, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jean-Pierre KUCHEIDA, Jérôme LAMBERT, Jack LANG, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Jean-Marie LE GUEN, Mme Annick LE LOCH, M. Bruno LE ROUX, Mmes Marylise LEBRANCHU, Catherine LEMORTON, MM. Bernard LESTERLIN, Serge LETCHIMY, Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, MM. Albert LIKUVALU, François LONCLE, Jean MALLOT, Mmes Jeanny MARC, Marie-Lou MARCEL, MM. Jean-René MARSAC, Philippe MARTIN, Mmes Martine MARTINEL, Frédérique MASSAT, MM. Gilbert MATHON, Didier MATHUS, Mme Sandrine MAZETIER, MM. Michel MÉNARD, Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Philippe NAUCHE, Henri NAYROU, Alain NÉRI, Mmes Marie-Renée OGET, George PAU-LANGEVIN, MM. Germinal PEIRO, Jean-Luc PÉRAT, Mmes Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, Martine PINVILLE, M. Philippe PLISSON, Mme Catherine QUÉRÉ, MM. Jean-Jack QUEYRANNE, Dominique RAIMBOURG, Mme Marie-Line REYNAUD, MM. Alain RODET, Marcel ROGEMONT, Bernard ROMAN, Gwendal ROUILLARD, Michel SAINTE-MARIE, Michel SAPIN, Mmes Odile SAUGUES, Christiane TAUBIRA, Marisol TOURAINE, MM. Philippe TOURTELIER, Jean-Jacques URVOAS, Daniel VAILLANT, Jacques VALAX, Manuel VALLS, Michel VAUZELLE, Jean-Michel VILLAUMÉ et Philippe VUILQUE, députés. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-618 DC du 9 décembre 2010 ; Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 17 juin 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région ; qu'ils contestent sa procédure d'adoption ; qu'ils font également valoir que cette loi est contraire au principe d'égalité devant le suffrage ; 2. Considérant que, selon les requérants, le projet de loi initial, eu égard à son objet, a été soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale en méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa de l'article 39 de la Constitution ; 3. Considérant qu'aux termes de la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 39 de la Constitution : « Sans préjudice du premier alinéa de l'article 44, les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat » ; 4. Considérant que le projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, première assemblée saisie, avait pour unique objet de fixer le nombre des conseillers territoriaux composant l'assemblée délibérante de chaque département et de chaque région ; qu'au nombre des règles d'organisation des collectivités territoriales figure la fixation des effectifs de leur assemblée délibérante ; qu'ainsi, c'est à tort que le projet de loi dont est issue la loi déférée n'a pas été soumis en premier lieu au Sénat ; qu'en conséquence, cette dernière a été adoptée selon une procédure contraire à la Constitution ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, elle doit être déclarée contraire à la Constitution, Article 1er.- La loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région est contraire à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés, d'un recours contre la loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région. Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes. I/ SUR LA PROCEDURE D'ADOPTION DE LA LOI A/ Les députés auteurs de la saisine soutiennent que la loi déférée a été adoptée à l'issue d'une procédure irrégulière, dans la mesure où, ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales, le projet de loi dont elle est issue aurait dû être soumis en premier au Sénat par application de l'article 39, alinéa 2, de la Constitution. B/ Le Gouvernement ne partage pas ce point de vue. En effet, le projet de loi dont est issue la loi déférée ne peut être regardé comme ayant eu « pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales » au sens de l'article 39, alinéa 2, de la Constitution. 1/ Il convient en premier lieu de souligner que le régime électoral des assemblées délibérantes des collectivités territoriales n'est pas au nombre des règles relatives à l'organisation de ces collectivités au sens de ces dispositions. Ceci résulte sans aucune ambiguïté des travaux préparatoires de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, dont sont issues les dispositions actuellement en vigueur de l'article 39, alinéa 2, de la Constitution. Ainsi, M. Pascal Clément, président de la commission des lois de l'Assemblée nationale et rapporteur du projet de loi constitutionnelle, s'est exprimé, au cours de la première séance du 22 novembre 2002, dans les termes suivants : « Il est parfaitement clair – je le souligne pour que cela figure dans les travaux préparatoires – que les modes de scrutin ne sont pas concernés puisqu'ils sont traités non par ce code [le code général des collectivités territoriales], mais par le code électoral ». Au cours de la même séance, le garde des sceaux, M. Dominique Perben, avait, quant à lui, tenu à « rappeler [...] que la Constitution sépare toujours les règles d'organisation et de fonctionnement du régime électoral », de sorte que, plus largement, il était, selon lui, « tout à fait clair que l'expression "organisation des collectivités territoriales" ne couvr[ait] pas les régimes électoraux ». Cette interprétation a été réitérée devant le Sénat (séance du 11 décembre 2002). Une lecture a contrario du cinquième alinéa de l'article 74 de la Constitution confirme d'ailleurs que, dans le texte constitutionnel, la notion d'organisation d'une collectivité territoriale exclut le régime électoral de l'assemblée délibérante de celle-ci. Selon cet alinéa, en effet, la loi organique fixe, pour chaque collectivité d'outre-mer, « les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la collectivité et le régime électoral de son assemblée délibérante » : c'est donc bien que ce régime électoral n'est pas au nombre des règles d'organisation et de fonctionnement de l'assemblée. Ainsi, il n'est pas contestable qu'une loi relative au régime électoral des conseils généraux et des conseils régionaux ne pourrait être regardée comme ayant pour objet l'organisation des départements et des régions au sens de l'article 39, alinéa 2, de la Constitution. 2/ Or la répartition des sièges de conseiller territorial entre les départements de chaque région française, qui constitue l'objet principal de la loi déférée, est partie intégrante du régime électoral des conseils généraux et régionaux. En effet, ce régime va au-delà de la seule détermination du mode de scrutin. Plusieurs articles de la Constitution recourent à la notion de « régime électoral » à laquelle se réfèrent les travaux préparatoires de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003. En particulier, l'article 34 prévoit, en son septième alinéa, que la loi fixe « le régime électoral des assemblées parlementaires, des assemblées locales et des instances représentatives des Français établis hors de France ». Or il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qu'au nombre des règles concernant le régime électoral des assemblées parlementaires et des assemblées locales, au sens de cet article, « figurent notamment celles qui sont relatives à l'attribution du droit de suffrage, à l'éligibilité, au mode de scrutin [et] à la répartition des sièges » (décision n° 62-20 L du 4 décembre 1962, cons. 1). Ainsi, en particulier, la « délimitation des circonscriptions électorales » est une composante du régime électoral des assemblées concernées (décision n° 86-208 DC du 2 juillet 1986, cons. 7). Il n'est pas douteux, au vu de cette jurisprudence, que la répartition des sièges de conseiller territorial entre les départements de chaque région française, sur des bases essentiellement démographiques, est une opération qui relève pleinement du régime électoral des conseils généraux et régionaux, et qui n'a sa place dans la loi déférée, comme le relève d'ailleurs, à propos des dispositions de même objet qui figuraient dans la loi de réforme des collectivités territoriales, le commentaire aux Cahiers de la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-618 DC du 9 décembre 2010 (p. 8), qu'en vertu du septième alinéa de l'article 34 de la Constitution. La principale exigence constitutionnelle à laquelle doit satisfaire cette répartition est d'ailleurs le respect du principe d'égalité devant le suffrage, qui constitue l'une des pierres angulaires du droit constitutionnel électoral. Ainsi le Conseil constitutionnel a-t-il rappelé, dans sa décision du 9 décembre 2010, au soutien d'un dispositif déclarant contraire à la Constitution la répartition des sièges de conseiller territorial initialement adoptée par le législateur, « qu'il résulte des articles 1er, 24 et 72 de la Constitution que l'organe délibérant d'un département ou d'une région de la République doit être élu sur des bases essentiellement démographiques selon une répartition des sièges et une délimitation des circonscriptions électorales respectant au mieux l'égalité devant le suffrage » (cons. 38). Or la loi déférée a pour objet principal la répartition des sièges de conseiller territorial entre les départements de chaque région française, en vue de remédier aux atteintes à l'égalité devant le suffrage ayant conduit le Conseil constitutionnel à déclarer contraire à la Constitution la répartition initialement adoptée par le législateur : elle est donc principalement relative au régime électoral des conseils généraux et des conseils régionaux. 3/ Sans doute cette opération de répartition s'accompagne-t-elle de la fixation du nombre de membres de chaque conseil régional et de chaque conseil général. Mais ceci ne saurait suffire à faire regarder la loi déférée comme ayant pour objet principal l'organisation des régions et des départements – notion qui, d'après les travaux préparatoires de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, doit s'entendre au sens que lui donne le code général des collectivités territoriales. D'une part, en effet, il est clair que la fixation du nombre des membres de chaque conseil général est une simple conséquence de l'opération de répartition des sièges attribués à chaque région : elle ne saurait donc remettre en cause la conclusion selon laquelle l'objet principal de la loi déférée est bien le régime électoral des conseils généraux et régionaux. Quant au fait que le législateur ait choisi de retenir un nombre minimal de quinze conseillers par département, il n'est pas davantage de nature à infirmer cette conclusion, car ce correctif traduit précisément, ainsi que le Conseil constitutionnel l'a relevé dans sa décision du 9 décembre 2010 (cons. 39), le souci que la fixation du nombre de membres de ces assemblées ne fasse en aucune manière obstacle à la bonne application des dispositions législatives régissant par ailleurs leur fonctionnement. Ainsi le législateur s'est-il assuré que l'entrée en vigueur de loi déférée demeurerait sans influence sur l'application de ces dernières dispositions, qui figurent aux articles L. 3121-7 et suivants du code général des collectivités territoriales (siège, règlement intérieur, conditions de réunion et de tenue des séances, modalités d'adoption des délibérations, droit d'information des membres, formation des commissions et des groupes d'élus du conseil général) et ont incontestablement trait, quant à elles, à l'organisation du département au sens de l'article 39, alinéa 2, de la Constitution. D'autre part, s'il est intellectuellement possible de distinguer la fixation du nombre des conseillers territoriaux de chaque région et la répartition ultérieure des sièges correspondants entre les départements de cette région, force est de reconnaître que, en l'absence de règle de niveau supérieur fixant ce nombre (comme c'est le cas pour les assemblées parlementaires), cette fixation apparaît, là encore, comme un corollaire, davantage que comme un point de départ, de l'opération de répartition. Il n'est pas sans intérêt de relever, à cet égard, que, à l'heure actuelle, c'est le code électoral, et non le code général des collectivités territoriales, qui détermine la composition des conseils généraux et des conseils régionaux (v., respectivement, les articles L. 191 et L. 337 du code électoral). Ce choix de codification traditionnel montre bien à quel point la fixation du nombre des membres d'une assemblée délibérante a toujours été conçue par le législateur comme indissociable de la détermination de son régime électoral. Ainsi, si le gouvernement n'entend pas soutenir que la fixation de l'effectif des assemblées délibérantes des collectivités départementales et régionales est entièrement étrangère aux règles d'organisation et de fonctionnement de ces assemblées, il estime qu'elle n'est pas dissociable de l'opération de répartition des sièges entre les départements de chaque région qui, quant à elle, est, d'après la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, partie intégrante du régime électoral des assemblées en question. Or il importe de rappeler qu'il résulte clairement des travaux préparatoires de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 que le constituant a entendu que soit interprété strictement le champ d'application de la dérogation, qui résulte de la nouvelle rédaction que cette loi constitutionnelle a donnée à l'article 39, alinéa 2, de la Constitution, à la liberté de choix, par le gouvernement, de l'assemblée qu'il saisit en premier des projets de loi. Dans ces conditions, le gouvernement estime que le projet de loi dont est issue la loi déférée ne pouvait être regardé comme ayant « pour objet principal » l'organisation des collectivités départementale et régionale au sens de ces dernières dispositions, et qu'il a donc pu, sans que celles-ci soient méconnues, être soumis en premier à l'Assemblée nationale. II/ SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DU PRINCIPE D'EGALITE DEVANT LE SUFFRAGE A/ Les députés requérants soutiennent que la loi déférée méconnaît le principe d'égalité devant le suffrage, dans la mesure où la fixation du nombre de conseillers territoriaux par région à laquelle elle procède révèle, pour certaines régions, des écarts excessifs, en ce qui concerne le nombre de personnes représentées par chaque conseiller, par rapport à la moyenne nationale. B/ Ce grief devra également être écarté. En effet, le principe d'égalité devant le suffrage, qui implique, comme le rappelle la décision du Conseil constitutionnel du 9 décembre 2010, que l'organe délibérant d'un département ou d'une région de la République soit élu sur des bases essentiellement démographiques, ne saurait être utilement invoqué à l'appui d'une contestation de la fixation du nombre des conseillers territoriaux de chaque région, dès lors que ces conseillers n'ont pas vocation à constituer, au niveau national, une assemblée unique. Le grief apparaît donc, de l'avis du gouvernement, inopérant. À supposer même que les requérants aient entendu invoquer, plus généralement, le principe d'égalité devant la loi, le gouvernement entend faire valoir qu'il ne résulte nullement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que ce principe exige que la fixation de l'effectif de l'assemblée délibérante de chacune des collectivités d'une même catégorie doive obéir essentiellement à des considérations d'ordre démographique. Les écarts par rapport à la moyenne nationale, en ce qui concerne le nombre de personnes représentées par les conseillers territoriaux de chaque région, que relèvent les requérants, ne sont donc pas, par eux-mêmes, de nature à établir l'existence d'une rupture de l'égalité devant la loi. D'ailleurs, dans sa décision du 9 décembre 2010, le Conseil constitutionnel, s'il a remis en cause, au regard du principe d'égalité devant le suffrage, la répartition des sièges de conseillers territoriaux entre les départements de certaines régions, n'a pas jugé nécessaire, comme il en avait le pouvoir, de relever d'office que la différence de traitement résultant de la fixation du nombre de conseillers de chaque région revêtirait, compte tenu des exigences du principe d'égalité devant la loi, un caractère manifestement disproportionné. Dans ces conditions, le gouvernement estime que le grief ne pourra qu'être écarté. Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans la saisine ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 avril 2011 par le Conseil d'État (décision n° 345980 du 6 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'association VIVRAVIRY, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l'urbanisme ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 29 avril 2011 ; Vu les observations produites pour la commune de Viry et la société Ciri-Viry par la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 6 mai 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Serge Deygas et Me Émilie Brun, avocats au barreau de Lyon, pour l'association requérante, Me Damien Célice pour la commune de Viry et la société Ciri-Viry et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 26 mai 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme : « Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire » ; 2. Considérant que, selon l'association requérante, ces dispositions méconnaissent le droit à un recours juridictionnel effectif et portent atteinte à la liberté d'association ainsi qu'au principe d'égalité devant la justice qui découle du principe d'égalité devant la loi ; 3. Considérant, en premier lieu, que la liberté d'association est au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et solennellement réaffirmés par le Préambule de la Constitution ; qu'en vertu de ce principe, les associations se constituent librement et peuvent être rendues publiques sous la seule réserve du dépôt d'une déclaration préalable ; qu'ainsi, à l'exception des mesures susceptibles d'être prises à l'égard de catégories particulières d'associations, la constitution d'associations, alors même qu'elles paraîtraient entachées de nullité ou auraient un objet illicite, ne peut être soumise pour sa validité à l'intervention préalable de l'autorité administrative ou même de l'autorité judiciaire ; 4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'est garanti par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ; 5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; 6. Considérant qu'en adoptant l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme, le législateur a souhaité empêcher les associations, qui se créent aux seules fins de s'opposer aux décisions individuelles relatives à l'occupation ou à l'utilisation des sols, de contester celles-ci ; qu'ainsi, il a entendu limiter le risque d'insécurité juridique ; 7. Considérant que la disposition contestée n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire la constitution d'une association ou de soumettre sa création à l'intervention préalable de l'autorité administrative ou même de l'autorité judiciaire ; qu'elle prive les seules associations, dont les statuts sont déposés après l'affichage en mairie d'une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser les sols, de la possibilité d'exercer un recours contre la décision prise à la suite de cette demande ; que la restriction ainsi apportée au droit au recours est limitée aux décisions individuelles relatives à l'occupation ou à l'utilisation des sols ; que, par suite, l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme ne porte pas d'atteinte substantielle au droit des associations d'exercer des recours ; qu'il ne porte aucune atteinte au droit au recours de leurs membres ; qu'il ne méconnaît pas davantage la liberté d'association ; 8. Considérant qu'au regard de l'objet de la loi, les associations qui se créent postérieurement à une demande d'occupation ou d'utilisation des sols ne sont pas dans une situation identique à celle des associations antérieurement créées ; que, dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté ; 9. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- L'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 17 juin 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 avril 2011 par le Conseil d'État (décision n° 346459 du 15 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Électricité de France, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe II de l'article L. 214-4 du code de l'environnement. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l'environnement ; Vu le code de l'énergie ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 9 mai 2011 ; Vu les observations produites pour la requérante par la SCP Baker et McKenzie, enregistrées le 20 mai 2011 ; Vu la lettre du 1er juin 2011 par laquelle le Conseil constitutionnel a soumis aux parties un grief susceptible d'être soulevé d'office ; Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ; Me Emmanuel Guillaume pour la requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus lors de l'audience publique du 7 juin 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que, selon l'article L. 214-3 du code de l'environnement, les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique sont soumis à une autorisation préalable de l'État ; qu'aux termes du paragraphe II de l'article L. 214-4 du code de l'environnement, qui fait l'objet de la question prioritaire de constitutionnalité : « L'autorisation peut être retirée ou modifiée, sans indemnité de la part de l'État exerçant ses pouvoirs de police, dans les cas suivants : « 1° Dans l'intérêt de la salubrité publique, et notamment lorsque ce retrait ou cette modification est nécessaire à l'alimentation en eau potable des populations ; « 2° Pour prévenir ou faire cesser les inondations ou en cas de menace pour la sécurité publique ; « 3° En cas de menace majeure pour le milieu aquatique, et notamment lorsque les milieux aquatiques sont soumis à des conditions hydrauliques critiques non compatibles avec leur préservation ; « 4° Lorsque les ouvrages ou installations sont abandonnés ou ne font plus l'objet d'un entretien régulier » ; 2. Considérant que, selon la société requérante, cette disposition méconnaîtrait, en tant qu'elle s'applique à une autorisation délivrée à une entreprise concessionnaire de l'État pour la fourniture d'énergie électrique, tant la liberté contractuelle et le droit au maintien de l'économie des conventions légalement conclues, garantis par les articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, que le droit de propriété proclamé par les articles 2 et 17 de la même Déclaration ; - SUR LE DROIT DE PROPRIÉTÉ : 3. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; 4. Considérant que les autorisations délivrées par l'État, au titre de la police des eaux, sur le fondement de l'article L. 214-3 du code de l'environnement ne sauraient être assimilées à des biens objets pour leurs titulaires d'un droit de propriété et, comme tels, garantis par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite, le grief invoqué est inopérant ; - SUR LA GARANTIE DES DROITS : 5. Considérant qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu'en particulier, il méconnaîtrait la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la Déclaration de 1789 s'il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant ; que, de même, il ne respecterait pas les exigences résultant des articles 4 et 16 de la même Déclaration s'il portait aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un tel motif ; 6. Considérant, en premier lieu, que les modifications ou retraits des autorisations délivrées par l'État au titre de la police des eaux, en application de l'article L. 214-4 du code de l'environnement, ne peuvent intervenir sans indemnité que dans les cas que cet article énumère de façon limitative ; qu'ils sont opérés dans des circonstances qui, extérieures à la volonté de l'autorité administrative, relèvent soit de l'exercice des pouvoirs de police de l'administration en cas d'« inondation », de « menace pour la sécurité publique » ou de « menace majeure pour le milieu aquatique », soit du non-respect par le titulaire de l'autorisation ou de la concession de ses obligations en cas « d'abandon » des installations ; que le champ des dispositions contestées est ainsi strictement proportionné aux buts d'intérêt général de la préservation du « milieu aquatique » et de protection de la sécurité et de la salubrité publiques ; 7. Considérant, en deuxième lieu, que, d'une part, les autorisations, prévues par l'article L. 214-3 du code de l'environnement, sont consenties unilatéralement par l'État et ne revêtent donc pas un caractère contractuel ; 8. Considérant que, d'autre part, le législateur n'a pas exclu toute indemnisation dans le cas exceptionnel où la modification ou le retrait de l'autorisation entraînerait pour son bénéficiaire une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ; 9. Considérant, en troisième lieu, que, s'agissant des concessions d'énergie hydraulique, les règlements d'eau figurant aux cahiers des charges annexés à ces concessions valent autorisation au titre des articles L. 214-1 et suivants du code de l'environnement ; qu'aux termes de l'article L. 214-5 : « Les règlements d'eau des entreprises hydroélectriques sont pris conjointement au titre de l'article 10 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique et des articles L. 214-1 à L. 214-6. - Ces règlements peuvent faire l'objet de modifications, sans toutefois remettre en cause l'équilibre général de la concession » ; qu'il ressort du rapprochement du paragraphe II de l'article L. 214-4 et de l'article L. 214-5 que le « règlement d'eau » d'une entreprise concessionnaire de la fourniture d'électricité ne peut être retiré au titre de la police des eaux et que les modifications qui peuvent y être apportées, à ce titre, pour garantir la salubrité et la sécurité publiques ou protéger le milieu aquatique d'une menace majeure ne peuvent « remettre en cause l'équilibre général de la concession » ; 10. Considérant que, dans ces conditions, le législateur n'a pas porté aux situations légalement acquises une atteinte qui serait contraire à la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; qu'il n'a pas davantage porté atteinte aux contrats légalement conclus ; 11. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Le paragraphe II de l'article L. 214-4 du code de l'environnement est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 24 juin 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 juin 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 3455 du 7 juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Hovanes A., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 175 du code de procédure pénale. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 7 juillet 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 2 août 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 175 du code de procédure pénale : « Aussitôt que l'information lui paraît terminée, le juge d'instruction communique le dossier au procureur de la République et en avise en même temps les parties et leurs avocats soit verbalement avec émargement au dossier, soit par lettre recommandée. Lorsque la personne est détenue, cet avis peut également être notifié par les soins du chef de l'établissement pénitentiaire, qui adresse sans délai au juge d'instruction l'original ou la copie du récépissé signé par l'intéressé. « Le procureur de la République dispose alors d'un délai d'un mois si une personne mise en examen est détenue ou de trois mois dans les autres cas pour adresser ses réquisitions motivées au juge d'instruction. Copie de ces réquisitions est adressée dans le même temps aux avocats des parties par lettre recommandée. « Les parties disposent de ce même délai d'un mois ou de trois mois à compter de l'envoi de l'avis prévu au premier alinéa pour adresser des observations écrites au juge d'instruction, selon les modalités prévues par l'avant-dernier alinéa de l'article 81. Copie de ces observations est adressée en même temps au procureur de la République. « Dans ce même délai d'un mois ou de trois mois, les parties peuvent formuler des demandes ou présenter des requêtes sur le fondement des articles 81, neuvième alinéa, 82-1, 156, premier alinéa, et 173, troisième alinéa. À l'expiration de ce délai, elles ne sont plus recevables à formuler ou présenter de telles demandes ou requêtes. « À l'issue du délai d'un mois ou de trois mois, le procureur de la République et les parties disposent d'un délai de dix jours si une personne mise en examen est détenue ou d'un mois dans les autres cas pour adresser au juge d'instruction des réquisitions ou des observations complémentaires au vu des observations ou des réquisitions qui leur ont été communiquées. « À l'issue du délai de dix jours ou d'un mois prévu à l'alinéa précédent, le juge d'instruction peut rendre son ordonnance de règlement, y compris s'il n'a pas reçu de réquisitions ou d'observations dans le délai prescrit. « Les premier, troisième et cinquième alinéas et, s'agissant des requêtes en nullité, le quatrième alinéa du présent article sont également applicables au témoin assisté. « Les parties peuvent déclarer renoncer, en présence de leur avocat ou celui-ci dûment convoqué, à bénéficier des délais prévus par le présent article » ; 2. Considérant que, selon le requérant, en prévoyant que la copie des réquisitions définitives du procureur de la République n'est adressée qu'aux avocats des parties, la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 175 du code de procédure pénale porte atteinte au droit à un procès équitable et aux droits de la défense des parties non assistées ou représentées par un avocat ; 3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 175 du code de procédure pénale ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au principe du contradictoire et au respect des droits de la défense ; 5. Considérant que les articles 80-2, 80-3 et 116 du code de procédure pénale garantissent le droit des personnes mises en examen et des parties civiles de bénéficier, au cours de l'instruction préparatoire, de l'assistance d'un avocat, le cas échéant commis d'office ; que, toutefois, dès lors qu'est reconnue aux parties la liberté de choisir d'être assistées d'un avocat ou de se défendre seules, le respect des principes du contradictoire et des droits de la défense interdit que le juge d'instruction puisse statuer sur le règlement de l'instruction sans que les demandes formées par le ministère public à l'issue de celle-ci aient été portées à la connaissance de toutes les parties ; que, dans la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 175 du code de procédure pénale, les mots : « avocats des » ont pour effet de réserver la notification des réquisitions définitives du ministère public aux avocats assistant les parties ; que, par suite, ils doivent être déclarés contraires à la Constitution ; 6. Considérant que cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la date de publication de la présente décision ; que, d'une part, elle est applicable à toutes les procédures dans lesquelles les réquisitions du procureur de la République ont été adressées postérieurement à la publication de la présente décision ; que, d'autre part, dans les procédures qui n'ont pas été jugées définitivement à cette date, elle ne peut être invoquée que par les parties non représentées par un avocat lors du règlement de l'information dès lors que l'ordonnance de règlement leur a fait grief ; 7. Considérant que, pour le surplus, la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 175 du code de procédure pénale ne méconnaît aucun droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Dans la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 175 du code de procédure pénale, les mots : « avocats des » sont contraires à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 6. Article 3.- Le surplus de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 175 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution. Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 9 septembre 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000024801953.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 juin 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 3573 du 15 juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Catherine F., épouse L., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 725-21 du code rural et de la pêche maritime. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code pénal ; Vu le code rural et de la pêche maritime ; Vu le code de la sécurité sociale ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la Caisse de mutualité sociale agricole du Languedoc par la SCP Vincent-Ohl, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 8 juillet 2011 ; Vu les observations produites pour la requérante par la SCP Ditisheim Nogarède Avocats associés, avocat au barreau de Nîmes, enregistrées les 8 et 25 juillet 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 13 juillet 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Guilhem Nogarède pour la requérante et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 2 août 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 725-21 du code rural et de la pêche maritime : « L'employeur qui a retenu par devers lui indûment la cotisation ouvrière précomptée sur le salaire en application de l'article L. 741-20 est passible des peines de l'abus de confiance prévues aux articles 314-1 et 314-10 du code pénal » ; que l'article 314-1 du code pénal punit l'abus de confiance de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende ; que l'article 314-10 du même code édicte diverses peines complémentaires qui peuvent être infligées à l'auteur de l'infraction ; 2. Considérant que, selon la requérante, les dispositions de l'article L. 725-21 méconnaissent le principe d'égalité des citoyens devant la loi ainsi que le principe de nécessité des peines ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité devant la loi pénale ne fait pas obstacle à ce qu'une différenciation soit opérée par le législateur entre agissements de nature différente ; que, toutefois, la loi pénale ne saurait, pour une même infraction, instituer des peines de nature différente, sauf à ce que cette différence soit justifiée par une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi ; 4. Considérant que l'article L. 725-21 du code rural et de la pêche maritime est issu de l'article unique de la loi du 1er juillet 1934 complétant l'article 64 de la loi du 5 avril 1928 sur les assurances sociales, modifiée par la loi du 30 avril 1930 ; que cette disposition a été insérée, en des termes identiques, à l'article L. 158 du code de la sécurité sociale et à l'article 1034 du code rural ; 5. Considérant que, par l'effet de l'article 21 de l'ordonnance n° 58-1297 du 23 décembre 1958 modifiant certaines peines en vue d'élever la compétence des tribunaux de police et de l'article 23 du décret n° 58-1303 du même jour modifiant diverses dispositions d'ordre pénal en vue d'instituer une cinquième classe de contraventions de police, l'infraction ainsi définie a été, dans le code de la sécurité sociale, transformée en une contravention de cinquième classe, seule la récidive dans un délai de trois ans demeurant, selon l'article L. 244-6 de ce code, passible d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 3 750 euros ou de l'une de ces deux peines seulement ; qu'en revanche, ainsi que cela ressort de l'article L. 725-21 précité, le code rural et de la pêche maritime a maintenu, à l'égard des employeurs de salariés agricoles qui ont indûment retenu par devers eux la cotisation ouvrière précomptée sur le salaire, la peine délictuelle applicable à l'abus de confiance ; 6. Considérant qu'ainsi, pour une même infraction, les employeurs agricoles et les autres employeurs sont soumis à une procédure, à un quantum de peine, à des règles de prescription, à des règles en matière de récidive, à des conséquences pour le casier judiciaire et à des incapacités consécutives à la condamnation différents ; que cette différence de traitement, qui n'est pas justifiée par une différence de situation des employeurs agricoles et des autres employeurs au regard de l'infraction réprimée, n'est pas en rapport direct avec l'objet de la loi ; que, par suite, la loi pénale a institué une différence de traitement injustifiée entre les auteurs d'infractions identiques ; 7. Considérant qu'il suit de là que l'article L. 725-21 du code rural et de la pêche maritime est contraire à la Constitution ; que cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l'issue dépend des dispositions déclarées inconstitutionnelles, Article 1er.- L'article L. 725-21 du code rural et de la pêche maritime est contraire à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité prévue par l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 7. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 9 septembre 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000024801979.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 septembre 2011 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt du 8 septembre 2011, n° 1134) d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Jeannette R., épouse D., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 6 de la loi n° 2002 306 du 4 mars 2002 portant réforme de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, dans ses dispositions relatives à la publicité foncière. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 2002-306 du 4 mars 2002 portant réforme de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ; Vu le code civil ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour M. Steve V. et Mme Nicole S. par la SCP Bernard Peignot et Denis Garreau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 29 septembre 2011 ; Vu les observations produites pour la requérante par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 3 octobre 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 3 octobre 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 19 octobre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 4 mars 2002 susvisée : « Les servitudes foncières constituées avant le 1er janvier 1900 doivent être inscrites au livre foncier, à peine d'extinction, dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État » ; 2. Considérant que la requérante fait grief à cette disposition prononçant l'extinction des servitudes foncières qui n'ont pas fait l'objet d'une inscription au livre foncier de porter atteinte au droit de propriété ; 3. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droit de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété, il résulte de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; 4. Considérant qu'il appartient au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour fixer les principes fondamentaux de la propriété et des droits réels, de définir les modalités selon lesquelles les droits des propriétaires de fonds voisins doivent être conciliés ; que le régime des servitudes est au nombre des mesures qui tendent à assurer cette conciliation ; 5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 637 du code civil : « Une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire » ; qu'elle consiste ainsi en une charge réelle grevant un fonds servant qui confère un droit au propriétaire du fonds dominant ; que le droit de propriété du titulaire de la servitude sur son fonds subsiste en dépit de l'extinction de la servitude qui n'en est que l'accessoire ; que, par suite, l'extinction des servitudes constituées antérieurement à 1900 en Alsace-Moselle dans le délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi du 4 mars 2002 ne porte pas atteinte à l'existence du droit de propriété ; qu'en l'absence de privation de propriété, l'extinction de la servitude prévue par le texte en cause n'entre pas dans le champ d'application de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; 6. Considérant, en second lieu, d'une part, que la disposition contestée a été adoptée dans le cadre d'une réforme du livre foncier en Alsace-Moselle destinée à le moderniser et à assurer une meilleure information des tiers ; qu'à cette fin, l'extinction des servitudes non inscrites au livre foncier contribue à la sécurité des transactions immobilières ; qu'ainsi elle répond à un motif d'intérêt général ; 7. Considérant, d'autre part, que les dispositions contestées ne s'appliquent qu'aux servitudes constituées en Alsace-Moselle antérieurement au 1er janvier 1900, qui n'ont pas fait l'objet d'une inscription au livre foncier et qui sont restées opposables aux tiers en raison de la spécificité du droit local ; que le législateur a subordonné l'extinction de la servitude à la carence de son titulaire qui, dans le délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi, n'aurait pas fait valoir ses droits en procédant à leur inscription ; que l'extinction ne porte que sur les servitudes conventionnelles et n'affecte pas celles qui résultent de la loi ; que, par suite, les dispositions contestées n'ont pas porté aux conditions d'exercice du droit de propriété une atteinte disproportionnée au but recherché ; que, compte tenu du domaine de cette disposition et des modalités permettant aux titulaires des servitudes de préserver leurs droits, la restriction portée à l'exercice du droit de propriété par la disposition contestée n'a pas un caractère de gravité tel qu'elle dénature le sens et la portée de ce droit ; 8. Considérant que l'article 6 de la loi du 4 mars 2002 n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- L'article 6 de la loi n° 2002-306 du 4 mars 2002 portant réforme de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, dans ses dispositions relatives à la publicité foncière, est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 novembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT et M. Pierre STEINMETZ. Rendu public le 10 novembre 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000024801951.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 octobre 2011 par le Premier ministre, dans les conditions prévues par le second alinéa de l'article 37 de la Constitution, d'une demande tendant à ce qu'il se prononce sur la nature juridique du paragraphe XVIII de l'article 63 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution, notamment ses articles 34 et 37 ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 24, 25 et 26 ; Vu la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que la fixation à titre transitoire de la durée du mandat des membres des conseils départementaux, des conseils régionaux et du conseil national de l'ordre national des infirmiers en fonction à la date de publication de la loi du 29 juillet 2009 susvisée ne met pas en cause les principes fondamentaux « du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales » ou ceux « du droit . . . de la sécurité sociale » qui relèvent de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution, non plus qu'aucun des autres principes ou règles placés par la Constitution dans le domaine de la loi ; que, dès lors, ces dispositions ont le caractère réglementaire, D É C I D E : Article 1er.- Le paragraphe XVIII de l'article 63 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a le caractère réglementaire. Article 2.- La présente décision sera notifiée au Premier ministre et publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 novembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000024801978.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 septembre 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 4683 du 31 août 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Ekaterina B., épouse D., MM. Andriy M. et Steven D., Mme Catherine D., Mlle Laurie D., Mmes Magali D. et Morgan D., Mlle Romane D., Mmes Claire-Andrée C., veuve L., et Émilie L., épouse B., M. Guillaume L., Mmes Sandrine L., épouse A., Gisèle L., Julie L. , épouse S., et Sandrine L., MM. Alois B. et Martin S., Mme Élodie L., M. Éric L., Mmes Sandrine N., épouse L., et Évelyne L., Mlles Mahona L., Noa R., Pauline L. et Caroline L., M. Guillaume L. et Mme Pascale L., Mlle Sophie S., Mmes Odile S. et Georgette P., MM. Frédéric L., Christophe P., Pierre P., Gilles S., Antoine S., Gilbert E., Matthieu E. et Claude E., Mlle Marine E., Mme Isabelle E., MM. Jérôme E. et Édouard E. et Mme Pierrette E., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 413-9 à 413-12 du code pénal, L. 2311-1 à L. 2312-8 du code de la défense et 56-4 du code de procédure pénale. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de la défense ; Vu le code pénal ; Vu le code de procédure pénale ; Vu la loi n° 98-567 du 8 juillet 1998 instituant une Commission consultative du secret de la défense nationale ; Vu la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 ; Vu la loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour Mme Ekaterina B., épouse D., MM. Andriy M. et Steven D., Mme Catherine D., Mlle Laurie D., Mmes Magali D. et Morgan D., Mlle Romane D., Mmes Claire-Andrée C., veuve L. et Émilie L., épouse B., M. Guillaume L., Mmes Sandrine L., épouse A., Gisèle L., Julie L., épouse S., et Sandrine L., MM. Alois B. et M. Martin S., par Me Olivier Morice, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 23 septembre et 11 octobre 2011 ; Vu les observations produites pour Mme Élodie L., M. Éric L., Mmes Sandrine N., épouse L., et Évelyne L., Mlles Mahona L., Noa R. et Pauline L., Mlle Caroline L., M. Guillaume L. et Mme Pascale L., par la SCP Boré et Salvé de Bruneton, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 23 septembre et 11 octobre 2011 ; Vu les observations produites pour Mlle Sophie S., Mmes Odile S. et Georgette P., MM. Frédéric L., Christophe P., Pierre P., Gilles S. et Antoine S., par Me Thibault de Montbrial, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 28 septembre et 14 octobre 2011 ; Vu les observations produites pour MM. Gilbert E., Matthieu E. et Claude E., Mlle Marine E., Mme Isabelle E., MM. Jérôme E. et Édouard E. et Mme Pierrette E., par Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 28 septembre et 14 octobre 2011 ; Vu les observations produites pour la SA DCN International par la SCP Waquet-Farge-Hazan enregistrées le 29 septembre 2011 ; Vu les observations produites pour la Fédération des établissements et arsenaux de l'État FEAE CFDT par la SCP H. Masse-Dessen et G. Thouvenin, enregistrées le 29 septembre 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 29 septembre 2011 ; Vu les observations complémentaires produites par le Premier ministre à la demande du Conseil constitutionnel pour les besoins de l'instruction, enregistrées le 14 octobre 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Olivier Morice, Me Louis Boré, Me Spinosi et Me de Montbrial pour les requérants, Me Claire Waquet pour la SA DCN International et Me Hélène Masse-Dessen pour la Fédération des établissements et arsenaux de l'État FEAE CFDT et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 19 octobre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 413-9 du code pénal : « Présentent un caractère de secret de la défense nationale au sens de la présente section les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l'objet de mesures de classification destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès. « Peuvent faire l'objet de telles mesures les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers dont la divulgation ou auxquels l'accès est de nature à nuire à la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d'un secret de la défense nationale. « Les niveaux de classification des procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers présentant un caractère de secret de la défense nationale et les autorités chargées de définir les modalités selon lesquelles est organisée leur protection sont déterminés par décret en Conseil d'État » ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article 413-9-1 du même code : « Seuls peuvent faire l'objet d'une classification au titre du secret de la défense nationale les lieux auxquels il ne peut être accédé sans que, à raison des installations ou des activités qu'ils abritent, cet accès donne par lui-même connaissance d'un secret de la défense nationale. « La décision de classification est prise pour une durée de cinq ans par arrêté du Premier ministre, publié au Journal officiel, après avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale. « Les conditions d'application du présent article, notamment les conditions de classification des lieux, sont déterminées par décret en Conseil d'État » ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 413-10 du même code : « Est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende le fait, par toute personne dépositaire, soit par état ou profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire ou permanente, d'un procédé, objet, document, information, réseau informatique, donnée informatisée ou fichier qui a un caractère de secret de la défense nationale, soit de le détruire, détourner, soustraire ou de le reproduire, soit d'en donner l'accès à une personne non qualifiée ou de le porter à la connaissance du public ou d'une personne non qualifiée. « Est puni des mêmes peines le fait, par la personne dépositaire, d'avoir laissé accéder à, détruire, détourner, soustraire, reproduire ou divulguer le procédé, objet, document, information, réseau informatique, donnée informatisée ou fichier visé à l'alinéa précédent. « Lorsque la personne dépositaire a agi par imprudence ou négligence, l'infraction est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende » ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article 413-10-1 du même code : « Est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende le fait, par toute personne responsable, soit par état ou profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire ou permanente, d'un lieu classifié au titre du secret de la défense nationale d'en avoir permis l'accès à une personne non qualifiée. « Est puni des mêmes peines le fait, par toute personne qualifiée, de porter à la connaissance du public ou d'une personne non qualifiée un élément relatif à la nature des installations ou des activités qu'un tel lieu abrite. « Lorsque la personne responsable a agi par imprudence ou négligence, l'infraction est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende » ; 5. Considérant qu'aux termes de l'article 413-11 du code pénal : « Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait, par toute personne non visée à l'article 413-10 de : « 1° S'assurer la possession, accéder à, ou prendre connaissance d'un procédé, objet, document, information, réseau informatique, donnée informatisée ou fichier qui présente le caractère d'un secret de la défense nationale ; « 2° Détruire, soustraire ou reproduire, de quelque manière que ce soit, un tel procédé, objet, document, information, réseau informatique, donnée informatisée ou fichier ; « 3° Porter à la connaissance du public ou d'une personne non qualifiée un tel procédé, objet, document, information, réseau informatique, donnée informatisée ou fichier » ; 6. Considérant qu'aux termes de l'article 413-11-1 du même code : « Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait, par toute personne non qualifiée : « 1° D'accéder à un lieu classifié au titre du secret de la défense nationale ; « 2° De porter à la connaissance du public ou d'une personne non qualifiée un élément relatif à la nature des installations ou des activités qu'un tel lieu abrite » ; 7. Considérant qu'aux termes de l'article 413-12 du même code : « La tentative des délits prévus au premier alinéa de l'article 413-10 et à l'article 413-11 est punie des mêmes peines » ; 8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2311-1 du code de la défense : « Les règles relatives à la définition des informations concernées par les dispositions du présent chapitre sont définies par l'article 413-9 du code pénal » ; 9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2312-1 du même code : « La Commission consultative du secret de la défense nationale est une autorité administrative indépendante. Elle est chargée de donner un avis sur la déclassification et la communication d'informations ayant fait l'objet d'une classification en application des dispositions de l'article 413-9 du code pénal, à l'exclusion des informations dont les règles de classification ne relèvent pas des seules autorités françaises. « L'avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale est rendu à la suite de la demande d'une juridiction française. « Le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale, ou son représentant, membre de la commission, est chargé de donner, à la suite d'une demande d'un magistrat, un avis sur la déclassification temporaire aux fins de perquisition de lieux ayant fait l'objet d'une classification » ; 10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2312-2 du même code : « La Commission consultative du secret de la défense nationale comprend cinq membres : « 1° Un président, un vice-président qui le supplée en cas d'absence ou d'empêchement et un membre choisis par le Président de la République sur une liste de six membres du Conseil d'État, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes, établie conjointement par le vice-président du Conseil d'État, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes ; « 2° Un député, désigné pour la durée de la législature par le président de l'Assemblée nationale ; « 3° Un sénateur, désigné après chaque renouvellement partiel du Sénat par le président du Sénat. « Le mandat des membres de la commission n'est pas renouvelable. « Le mandat des membres non parlementaires de la commission est de six ans. « Sauf démission, il ne peut être mis fin aux fonctions de membre de la commission qu'en cas d'empêchement constaté par celle-ci. Les membres de la commission désignés en remplacement de ceux dont le mandat a pris fin avant son terme normal sont nommés pour la durée restant à courir dudit mandat. Par dérogation au cinquième alinéa, lorsque leur nomination est intervenue moins de deux ans avant l'expiration du mandat de leur prédécesseur, ils peuvent être renouvelés en qualité de membre de la commission » ; 11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2312-3 du même code : « Les crédits nécessaires à la commission pour l'accomplissement de sa mission sont inscrits au programme de la mission " Direction de l'action du Gouvernement " relatif à la protection des droits et des libertés fondamentales. « Le président est ordonnateur des dépenses de la commission. Il nomme les agents de la commission » ; 12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2312-4 du même code : « Une juridiction française dans le cadre d'une procédure engagée devant elle peut demander la déclassification et la communication d'informations, protégées au titre du secret de la défense nationale, à l'autorité administrative en charge de la classification. « Cette demande est motivée. « L'autorité administrative saisit sans délai la Commission consultative du secret de la défense nationale. « Un magistrat, dans le cadre d'une procédure engagée devant lui, peut demander la déclassification temporaire aux fins de perquisition de lieux protégés au titre du secret de la défense nationale au président de la commission. Celui-ci est saisi et fait connaître son avis à l'autorité administrative en charge de la classification dans les conditions prévues par l'article 56-4 du code de procédure pénale » ; 13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2312-5 du même code : « Le président de la commission peut mener toutes investigations utiles. « Les membres de la commission sont autorisés à connaître de toute information classifiée et d'accéder à tout lieu classifié dans le cadre de leur mission. « Ils sont astreints au respect du secret de la défense nationale protégé en application des articles 413-9 et suivants du code pénal pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance à raison de leurs fonctions. « Pour l'accomplissement de sa mission, la commission, ou sur délégation de celle-ci son président, est habilitée, nonobstant les dispositions des articles 56 et 97 du code de procédure pénale, à procéder à l'ouverture des scellés des éléments classifiés qui lui sont remis. La commission en fait mention dans son procès-verbal de séance. Les documents sont restitués à l'autorité administrative par la commission lors de la transmission de son avis. « La commission établit son règlement intérieur » ; 14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2312-6 du même code : « Les ministres, les autorités publiques, les agents publics ne peuvent s'opposer à l'action de la commission pour quelque motif que ce soit et prennent toutes mesures utiles pour la faciliter » ; 15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2312-7 du même code : « La commission émet un avis dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. Cet avis prend en considération les missions du service public de la justice, le respect de la présomption d'innocence et les droits de la défense, le respect des engagements internationaux de la France ainsi que la nécessité de préserver les capacités de défense et la sécurité des personnels. « En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante. « Le sens de l'avis peut être favorable, favorable à une déclassification partielle ou défavorable. « L'avis de la commission est transmis à l'autorité administrative ayant procédé à la classification » ; 16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2312-7-1 du même code : « L'avis du président de la Commission consultative du secret de la défense nationale sur la déclassification d'un lieu aux fins de perquisition, dont le sens peut être favorable, favorable à la déclassification partielle ou défavorable, prend en considération les éléments mentionnés au premier alinéa de l'article L. 2312-7 » ; 17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2312-8 du même code : « Dans le délai de quinze jours francs à compter de la réception de l'avis de la commission, ou à l'expiration du délai de deux mois mentionné à l'article L. 2312-7, l'autorité administrative notifie sa décision, assortie du sens de l'avis, à la juridiction ayant demandé la déclassification et la communication d'informations classifiées. « Le sens de l'avis de la commission est publié au Journal officiel de la République française » ; 18. Considérant qu'aux termes de l'article 56-4 du code de procédure pénale : « I. Lorsqu'une perquisition est envisagée dans un lieu précisément identifié, abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale, la perquisition ne peut être réalisée que par un magistrat en présence du président de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Ce dernier peut être représenté par un membre de la commission ou par des délégués, dûment habilités au secret de la défense nationale, qu'il désigne selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'État. Le président ou son représentant peut être assisté de toute personne habilitée à cet effet. « La liste des lieux visés au premier alinéa est établie de façon précise et limitative par arrêté du Premier ministre. Cette liste, régulièrement actualisée, est communiquée à la Commission consultative du secret de la défense nationale ainsi qu'au ministre de la justice, qui la rendent accessible aux magistrats de façon sécurisée. Le magistrat vérifie si le lieu dans lequel il souhaite effectuer une perquisition figure sur cette liste. « Les conditions de délimitation des lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale sont déterminées par décret en Conseil d'État. « Le fait de dissimuler dans les lieux visés à l'alinéa précédent des procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers non classifiés, en tentant de les faire bénéficier de la protection attachée au secret de la défense nationale, expose son auteur aux sanctions prévues à l'article 434-4 du code pénal. « La perquisition ne peut être effectuée qu'en vertu d'une décision écrite du magistrat qui indique au président de la Commission consultative du secret de la défense nationale les informations utiles à l'accomplissement de sa mission. Le président de la commission ou son représentant se transporte sur les lieux sans délai. Au commencement de la perquisition, le magistrat porte à la connaissance du président de la commission ou de son représentant, ainsi qu'à celle du chef d'établissement ou de son délégué, ou du responsable du lieu, la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition, son objet et les lieux visés par cette perquisition. « Seul le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale, son représentant et, s'il y a lieu, les personnes qui l'assistent peuvent prendre connaissance d'éléments classifiés découverts sur les lieux. Le magistrat ne peut saisir, parmi les éléments classifiés, que ceux relatifs aux infractions sur lesquelles portent les investigations. Si les nécessités de l'enquête justifient que les éléments classifiés soient saisis en original, des copies sont laissées à leur détenteur. « Chaque élément classifié saisi est, après inventaire par le président de la commission consultative, placé sous scellé. Les scellés sont remis au président de la Commission consultative du secret de la défense nationale qui en devient gardien. Les opérations relatives aux éléments classifiés saisis ainsi que l'inventaire de ces éléments font l'objet d'un procès-verbal qui n'est pas joint au dossier de la procédure et qui est conservé par le président de la commission consultative. « La déclassification et la communication des éléments mentionnés dans l'inventaire relèvent de la procédure prévue par les articles L. 2312-4 et suivants du code de la défense. « II. Lorsqu'à l'occasion d'une perquisition un lieu se révèle abriter des éléments couverts par le secret de la défense nationale, le magistrat présent sur le lieu ou immédiatement avisé par l'officier de police judiciaire en informe le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Les éléments classifiés sont placés sous scellés, sans en prendre connaissance, par le magistrat ou l'officier de police judiciaire qui les a découverts, puis sont remis ou transmis, par tout moyen en conformité avec la réglementation applicable aux secrets de la défense nationale, au président de la commission afin qu'il en assure la garde. Les opérations relatives aux éléments classifiés font l'objet d'un procès-verbal qui n'est pas joint au dossier de la procédure. La déclassification et la communication des éléments ainsi placés sous scellés relèvent de la procédure prévue par les articles L. 2312-4 et suivants du code de la défense. « III. Lorsqu'une perquisition est envisagée dans un lieu classifié au titre du secret de la défense nationale dans les conditions définies à l'article 413-9-1 du code pénal, elle ne peut être réalisée que par un magistrat en présence du président de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Ce dernier peut être représenté par un membre de la commission et être assisté de toute personne habilitée à cet effet. « Le magistrat vérifie auprès de la Commission consultative du secret de la défense nationale si le lieu dans lequel il souhaite effectuer une perquisition fait l'objet d'une mesure de classification. « La perquisition ne peut être effectuée qu'en vertu d'une décision écrite et motivée qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci, ainsi que le lieu visé par la perquisition. Le magistrat transmet cette décision au président de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Il la porte, au commencement de la perquisition, à la connaissance du chef d'établissement ou de son délégué, ou du responsable du lieu. « La perquisition doit être précédée d'une décision de déclassification temporaire du lieu aux fins de perquisition et ne peut être entreprise que dans les limites de la déclassification ainsi décidée. À cette fin, le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale, saisi par la décision du magistrat mentionnée à l'alinéa précédent, fait connaître sans délai son avis à l'autorité administrative compétente sur la déclassification temporaire, totale ou partielle, du lieu aux fins de perquisition. L'autorité administrative fait connaître sa décision sans délai. La déclassification prononcée par l'autorité administrative ne vaut que pour le temps des opérations. En cas de déclassification partielle, la perquisition ne peut être réalisée que dans la partie des lieux qui fait l'objet de la décision de déclassification de l'autorité administrative. « La perquisition se poursuit dans les conditions prévues aux sixième alinéa et suivants du I. « IV. Les dispositions du présent article sont édictées à peine de nullité » ; 19. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions, qui sont relatives tant aux informations qu'aux lieux classifiés au titre du secret de la défense nationale, méconnaissent le droit à un procès équitable et le principe de la séparation des pouvoirs figurant à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; - SUR LES NORMES CONSTITUTIONNELLES APPLICABLES : 20. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'en vertu de l'article 5 de la Constitution, le Président de la République est le garant de l'indépendance nationale et de l'intégrité du territoire ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 20 : « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation » ; que le principe de la séparation des pouvoirs s'applique à l'égard du Président de la République et du Gouvernement ; que le secret de la défense nationale participe de la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, réaffirmés par la Charte de l'environnement, au nombre desquels figurent l'indépendance de la Nation et l'intégrité du territoire ; 21. Considérant, d'autre part, que l'article 16 de la Déclaration de 1789 implique le respect du caractère spécifique des fonctions juridictionnelles, sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le Gouvernement, ainsi que le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif et le droit à un procès équitable ; qu'en outre, la recherche des auteurs d'infractions constitue un objectif de valeur constitutionnelle nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle ; 22. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, le législateur est compétent pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, les sujétions imposées par la défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens, la détermination des crimes et délits, ainsi que les peines qui leur sont applicables et la procédure pénale ; que tant le principe de la séparation des pouvoirs que l'existence d'autres exigences constitutionnelles lui imposent d'assurer une conciliation qui ne soit pas déséquilibrée entre le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable ainsi que la recherche des auteurs d'infractions et les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation ; - SUR LES INFORMATIONS CLASSIFIÉES AU TITRE DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE : 23. Considérant que l'article 413-9 du code pénal définit les informations qui peuvent être classifiées au titre du secret de la défense nationale ; que les articles 413-10, 413-11 et 413-12 du même code répriment la violation de ce secret ; que les articles L. 2311-1, L. 2312-1, alinéas 1er et 2, L. 2312-2, L. 2312-3, L. 2312-4, alinéas 1er à 3, L. 2312-5, L. 2312-6, L. 2312-7 et L. 2312-8 du code de la défense déterminent le rôle de la Commission consultative du secret de la défense nationale dans la procédure de déclassification et de communication des informations classifiées ; que les paragraphes I et II de l'article 56-4 du code de procédure pénale fixent les conditions d'accès aux informations classifiées à l'occasion des perquisitions dans les lieux précisément identifiés comme abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale et dans les lieux se révélant abriter des éléments couverts par ce secret ; 24. Considérant que, selon les requérants, en privant le juge du pouvoir et des moyens d'apprécier l'intégralité des éléments déterminants pour l'issue du procès et en ne prévoyant pas de recours juridictionnel permettant à un juge de porter une appréciation sur la nature des informations classifiées, le législateur a méconnu l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; . En ce qui concerne la procédure de déclassification et de communication des informations classifiées : 25. Considérant qu'en vertu de l'article 413-9 du code pénal, peuvent faire l'objet d'une mesure de classification les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers dont la divulgation ou auxquels l'accès est de nature à nuire à la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d'un secret de la défense nationale ; que les niveaux de classification et les autorités chargées de définir les modalités selon lesquelles est organisée la protection desdites informations sont déterminés par décret en Conseil d'État ; qu'en outre, les articles 413-10, 413-11 et 413-12 du même code répriment la violation du secret de la défense nationale ; 26. Considérant, en premier lieu, que, lorsqu'une juridiction présente une demande motivée tendant à la déclassification et à la communication d'informations protégées à l'autorité administrative en charge de la classification, cette dernière saisit sans délai la Commission consultative du secret de la défense nationale ; que cette commission émet un avis dans les deux mois à compter de sa saisine en prenant en considération les missions du service public de la justice, le respect de la présomption d'innocence et les droits de la défense, le respect des engagements internationaux de la France, ainsi que la nécessité de préserver les capacités de défense et la sécurité des personnels ; qu'à cette fin, le président de la commission peut mener toutes investigations utiles et les membres de cette même commission peuvent accéder à l'ensemble des informations classifiées ; que l'avis dont le sens peut être favorable, favorable à une déclassification partielle ou défavorable est adressé à l'autorité administrative ; que, dans un délai de quinze jours à compter de la réception de l'avis ou à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la saisine de la commission, l'autorité administrative notifie sa décision, assortie du sens de l'avis, à la juridiction intéressée ; qu'en outre, le sens de cet avis est publié au Journal officiel de la République française ; 27. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 2312-1 du code de la défense, la Commission consultative du secret de la défense nationale est une « autorité administrative indépendante » ; qu'elle est composée de cinq membres, dont un président, un vice-président et un membre, tous trois choisis par le Président de la République sur une liste de six membres du Conseil d'État, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes, établie conjointement par le vice-président du Conseil d'État, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes, un député désigné par le président de l'Assemblée nationale pour la durée de la législature et un sénateur désigné par le président du Sénat après chaque renouvellement partiel de cette assemblée ; que la durée du mandat des membres non parlementaires est fixée à six ans ; que leur mandat n'est pas renouvelable ; qu'il ne peut être mis fin à leurs fonctions qu'en cas d'empêchement constaté par la commission ; qu'est garantie son autonomie de gestion administrative et financière ; que les ministres, autorités publiques et agents publics ne peuvent s'opposer à son action pour quelque motif que ce soit et prennent toutes mesures utiles pour la faciliter ; 28. Considérant qu'en raison des garanties d'indépendance conférées à la commission ainsi que des conditions et de la procédure de déclassification et de communication des informations classifiées, le législateur a opéré, entre les exigences constitutionnelles précitées, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 2311-1, des premier et deuxième alinéas de l'article L. 2312-1, des articles L. 2312-2 et L. 2312-3, des premier au troisième alinéas de l'article L. 2312-4, de l'article L. 2312-5 et des articles L. 2312-6, L. 2312 7 et L. 2312-8 du code de la défense, ainsi que les dispositions des articles 413-9, 413-10, 413-11 et 413-12 du code pénal ne sont pas contraires à la Constitution ; . En ce qui concerne l'accès aux informations classifiées à l'occasion de perquisitions : - Quant aux perquisitions dans les lieux précisément identifiés comme abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale : 29. Considérant que les dispositions du paragraphe I de l'article 56-4 du code de procédure pénale prévoient que le Premier ministre détermine de façon limitative les lieux précisément identifiés abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale ; que cette liste, régulièrement actualisée, est communiquée à la Commission consultative du secret de la défense nationale ainsi qu'au ministre chargé de la justice ; qu'elle est rendue accessible de façon sécurisée à tout magistrat intéressé ; qu'il ressort des travaux parlementaires que, par l'expression « lieu précisément identifié », le législateur a entendu que ne soit pas désigné un bâtiment dans son ensemble ou une catégorie de locaux mais une pièce clairement déterminée ; que la perquisition envisagée dans un lieu précisément identifié, abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale, n'est subordonnée à aucune autorisation préalable ; que le fait de dissimuler des informations non classifiées, en tentant de les faire bénéficier de la protection attachée au secret de la défense nationale, est pénalement réprimé ; 30. Considérant que, dans ces conditions, si le législateur a subordonné la perquisition d'un magistrat dans un lieu précisément identifié comme abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale à la présence du président de la commission ou de son représentant et a écarté la possibilité pour ce magistrat de prendre connaissance des éléments classifiés découverts sur les lieux, il a assorti la procédure de perquisition de garanties de nature à assurer, entre les exigences constitutionnelles précitées, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée ; que, par suite, les dispositions du paragraphe I de l'article 56-4 du code de procédure pénale sont conformes à la Constitution ; - Quant aux perquisitions dans les lieux se révélant abriter des éléments couverts par le secret de la défense nationale : 31. Considérant que les dispositions du paragraphe II de l'article 56-4 du code de procédure pénale définissent le régime juridique des perquisitions au cours desquelles des éléments protégés par le secret de la défense nationale sont incidemment découverts ; qu'en pareille hypothèse, le magistrat présent ou immédiatement avisé par l'officier de police judiciaire en informe le président de la commission ; que, sans en prendre connaissance, le magistrat ou l'officier de police judiciaire qui les a découverts place sous scellés les éléments classifiés et les remet ou les transmet, par tout moyen, au président de la commission chargé d'en assurer la garde ; qu'un procès-verbal, qui n'est pas joint à la procédure, est rédigé pour rendre compte des opérations relatives aux éléments classifiés ; que seule la commission, ou sur délégation de celle-ci son président, est habilitée à procéder à l'ouverture des scellés des éléments classifiés qui lui sont remis ; qu'en pareil cas, la commission en fait mention dans son procès-verbal de séance ; qu'enfin, les documents sont restitués à l'autorité administrative par la commission lors de la transmission de son avis ; 32. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les perquisitions dans les lieux se révélant abriter des éléments couverts par le secret de la défense nationale s'accompagnent des garanties appropriées permettant d'assurer, entre les exigences constitutionnelles précitées, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée ; que, par suite, les dispositions du paragraphe II de l'article 56-4 du code de procédure pénale sont conformes à la Constitution ; - SUR LES LIEUX CLASSIFIÉS AU TITRE DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE : 33. Considérant, d'une part, que l'article 413-9-1 du code pénal autorise la classification des lieux auxquels il ne peut être accédé sans que, à raison des installations ou des activités qu'ils abritent, cet accès donne par lui-même connaissance d'un secret de la défense nationale ; qu'il prévoit que la décision de classification est prise pour une durée de cinq ans par arrêté du Premier ministre, publié au Journal officiel, après avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale ; qu'en outre, les articles 413-10-1 et 413-11-1 du code pénal répriment la violation de ces dispositions relatives aux lieux classifiés ; 34. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des dispositions du paragraphe III de l'article 56-4 du code de procédure pénale qu'une perquisition dans un lieu classifié ne peut être réalisée que par un magistrat et en présence du président de la commission ; que ce dernier peut être représenté par un membre de la commission et être assisté de toute personne habilitée à cet effet ; que le magistrat vérifie auprès de la commission si le lieu dans lequel il souhaite effectuer une perquisition fait l'objet d'une mesure de classification ; qu'en pareil cas, ce magistrat indique, de manière écrite et motivée, la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci, ainsi que le lieu visé par la perquisition ; 35. Considérant que la perquisition dans un lieu classifié est subordonnée à une décision de déclassification temporaire du lieu ; que, lorsqu'il est saisi par un magistrat d'une demande de déclassification temporaire, le président de la commission donne un avis sur cette demande à l'autorité administrative compétente ; que cette dernière fait connaître sa décision sans délai ; que la déclassification prononcée par cette autorité ne vaut que pour le temps des opérations ; qu'en cas de déclassification partielle, la perquisition ne peut être réalisée que dans la partie des lieux qui fait l'objet de la décision de déclassification de l'autorité administrative ; 36. Considérant que, selon les requérants, en admettant que tous les éléments de preuve qui se trouvent dans les lieux classifiés bénéficient de la protection du secret de la défense nationale et en subordonnant les perquisitions dans ces lieux à une autorisation de l'autorité administrative sans qu'aucun contrôle juridictionnel ne puisse s'exercer sur la décision refusant au magistrat d'accéder à ces lieux, le législateur a méconnu l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; 37. Considérant que la classification d'un lieu a pour effet de soustraire une zone géographique définie aux pouvoirs d'investigation de l'autorité judiciaire ; qu'elle subordonne l'exercice de ces pouvoirs d'investigation à une décision administrative ; qu'elle conduit à ce que tous les éléments de preuve, quels qu'ils soient, présents dans ces lieux lui soient inaccessibles tant que cette autorisation n'a pas été délivrée ; que, par suite, en autorisant la classification de certains lieux au titre du secret de la défense nationale et en subordonnant l'accès du magistrat aux fins de perquisition de ces mêmes lieux à une déclassification temporaire, le législateur a opéré, entre les exigences constitutionnelles précitées, une conciliation qui est déséquilibrée ; qu'ainsi, les dispositions du paragraphe III de l'article 56-4 du code de procédure pénale, celles des articles 413 9 1, 413-10-1 et 413-11-1 du code pénal, celles du troisième alinéa de l'article L. 2312-1, du quatrième alinéa de l'article L. 2312-4, celles de l'article L. 2312-7-1 du code de la défense, ainsi que, par voie de conséquence, les mots : « et d'accéder à tout lieu classifié » figurant au deuxième alinéa de l'article L. 2312-5 du même code doivent être déclarées contraires à la Constitution ; 38. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; qu'afin de permettre à l'autorité administrative de tirer les conséquences de cette inconstitutionnalité, il y a lieu de reporter la date de cette déclaration d'inconstitutionnalité au 1er décembre 2011, D É C I D E : Article 1er.- Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes : - le paragraphe III de l'article 56-4 du code de procédure pénale ; - les articles L. 2312-1, alinéa 3, L. 2312-4, alinéa 4, et l'article L. 2312-7-1 du code de la défense ; - au deuxième alinéa de l'article L. 2312-5 du code de la défense, les mots : « et d'accéder à tout lieu classifié » ; - les articles 413-9-1, 413-10-1 et 413-11-1 du code pénal. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet le 1er décembre 2011 dans les conditions fixées au considérant 38. Article 3.- Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes : - les paragraphes I et II de l'article 56-4 du code de procédure pénale ; - les articles 413-9, 413-10, 413-11 et 413-12 du code pénal ; - le surplus des articles L. 2312-1, L. 2312-4 et L. 2312-5 du code de la défense ; - les articles L. 2311-1, L. 2312-2, L. 2312-3, L. 2312-6, L. 2312-7 et L. 2312-8 du code de la défense. Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 novembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 10 novembre 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000024801954.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 juin 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 4008 du 22 juin 2011), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société LOCAWATT, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du deuxième alinéa de l’article 530-1 du code de procédure pénale. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la société requérante par Me Jean-Charles Teissedre, avocat au barreau de Montpellier, enregistrées le 18 juillet 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 19 juillet 2011 ; Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ; Me Teissedre pour la société requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 6 septembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que l’article 530-1 du code de procédure pénale est relatif aux suites données à une requête ou une protestation formulée en matière d’amende forfaitaire ou une réclamation en matière d’amende forfaitaire majorée ; qu’aux termes du deuxième alinéa de cet article : « En cas de condamnation, l’amende prononcée ne peut être inférieure au montant de l’amende ou de l’indemnité forfaitaire dans les cas prévus par le premier alinéa de l’article 529-2, le premier alinéa de l’article 529-5 ou le premier alinéa du III de l’article 529-6, ni être inférieure au montant de l’amende forfaitaire majorée dans les cas prévus par le second alinéa de l’article 529-2, le second alinéa de l’article 529-5 et le second alinéa du III de l’article 529-6 » ; 2. Considérant que, selon la société requérante, le minimum de peine ainsi institué porte atteinte aux principes de nécessité, de proportionnalité et d’individualisation des peines ; 3. Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que le principe d’individualisation des peines qui découle de cet article implique qu’en cas d’opposition valablement formée dans le cadre d’une procédure d’amende forfaitaire, la peine d’amende ne puisse être appliquée que si le juge l’a expressément prononcée, et que son montant soit fixé en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce ; qu’il ne saurait toutefois faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions ; 4. Considérant, en premier lieu, que la disposition contestée laisse au juge le soin de fixer la peine dans les limites, d’une part, de l’amende forfaitaire ou de l’amende forfaitaire majorée et, d’autre part, du maximum de l’amende encouru ; qu’ainsi, il lui appartient de proportionner le montant de l’amende à la gravité de la contravention commise, à la personnalité de son auteur et à ses ressources ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance du principe d’individualisation des peines doit être écarté ; 5. Considérant, en second lieu, qu’en imposant, pour les contraventions des quatre premières classes ayant fait l’objet d’une procédure d’amende forfaitaire, que l’amende prononcée par le juge en cas de condamnation ne puisse être inférieure au montant, selon le cas, de l’amende forfaitaire ou de l’amende forfaitaire majorée, le législateur a, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et pour assurer la répression effective des infractions, retenu un dispositif qui fait obstacle à la multiplication des contestations dilatoires ; que l’instauration d’un minimum de peine d’amende applicable aux contraventions les moins graves ne méconnaît pas, en elle-même, le principe de nécessité des peines ; 6. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance de l’article 8 de la Déclaration de 1789 doit être rejeté ; que la disposition contestée n’est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Le deuxième alinéa de l’article 530-1 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 16 septembre 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000024801968.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 juillet 2011 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 1050 du 8 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Simone S. et M. Bruno S., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 1° du paragraphe I de l'article 72 de la loi n° 67-1253 du 30 décembre 1967 d'orientation foncière. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 67-1253 du 30 décembre 1967 d'orientation foncière ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-33 QPC du 22 septembre 2010 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour les requérants par la SELARL Cabinet Durand, avocat au barreau de Nîmes, enregistrées les 22 juillet et 26 août 2011 ; Vu les observations produites pour la ville de Nîmes par Me Jean-Marc Maillot, avocat au barreau de Montpellier, enregistrées le 29 juillet 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 8 août 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Elisabeth Durand pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 27 septembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que le paragraphe I de l'article 72 de la loi du 30 décembre 1967 d'orientation foncière susvisée prévoit que dans les communes où est instituée la taxe locale d'équipement et dans celles qui ont, dans les conditions prévues au 1° de l'article 62, renoncé à la percevoir, aucune contribution aux dépenses d'équipements publics ne peut être obtenue des constructeurs, notamment sous la forme de participation financière, de fonds de concours ou de réalisation de travaux, à l'exception : « 1° Des cessions gratuites de terrains destinés à être affectés à certains usages collectifs. Un décret précisera les conditions dans lesquelles ces cessions pourront être obtenues des constructeurs » ; 2. Considérant que, selon les requérants, les dispositions du 1° du paragraphe I de l'article 72 de la loi du 30 décembre 1967 susvisée, qui permettent aux communes de s'approprier des terrains par le biais d'une cession forcée et gratuite, méconnaissent l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi que l'article 34 de la Constitution ; 3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux... de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources... du régime de la propriété » ; 5. Considérant que le 1° du paragraphe I de l'article 72 de la loi du 30 décembre 1967 susvisée permet aux communes d'imposer aux constructeurs, à l'occasion de la délivrance des autorisations de construire ou de lotir, la cession gratuite d'une partie de leur terrain ; qu'il attribue à la collectivité publique le plus large pouvoir d'appréciation sur l'application de cette disposition et ne définit pas les usages publics auxquels doivent être affectés les terrains ainsi cédés ; qu'aucune autre disposition législative n'institue les garanties permettant qu'il ne soit pas porté atteinte à l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence ; qu'il s'ensuit que le 1° du I de l'article 72 de la loi du 30 décembre 1967 doit être déclaré contraire à la Constitution ; 6. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que la présente déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles, D É C I D E : Article 1er.- Le 1° du paragraphe I de l'article 72 de la loi du 30 décembre 1967 d'orientation foncière est déclaré contraire à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 6. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 octobre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 7 octobre 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000024801969.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 juillet 2011 par le Conseil d'État (décision n° 345846 du 8 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Éric A., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa de l'article 82 de la loi d'urbanisme n° 324 du 15 juin 1943. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution du 4 octobre 1958 modifiée ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi d'urbanisme n° 324 du 15 juin 1943 ; Vu l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental, notamment ses articles 2 et 7 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la commune d'Annecy-le-Vieux par la SCP Hélène Masse-Dessen et Gilles Thouvenin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 26 juillet 2011 ; Vu les observations produites pour le requérant par Me Bernard Georges, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 2 août 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 8 août 2011 ; Vu la lettre du 15 septembre 2011 par laquelle le Conseil constitutionnel a soumis aux parties un grief susceptible d'être soulevé d'office ; Vu les observations produites par le Premier ministre et pour la commune d'Annecy-le-Vieux par la SCP Hélène Masse-Dessen et Gilles Thouvenin sur le grief soulevé d'office, enregistrées le 22 septembre 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 13 septembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 82 de la loi du 15 juin 1943 susvisée : « Constituent un lotissement au sens du présent chapitre l'opération et le résultat de l'opération ayant pour objet ou ayant eu pour effet la division volontaire d'une ou plusieurs propriétés foncières par ventes ou locations simultanées ou successives, consenties en vue de l'habitation » ; 2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions, en permettant à un terrain d'être rétroactivement inclus dans un lotissement, portent atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi qu'au principe de la liberté contractuelle qui découle de son article 4 ; 3. Considérant, en premier lieu, que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; 4. Considérant, d'une part, qu'en permettant d'inclure dans un lotissement une parcelle détachée d'une propriété, les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet d'entraîner la privation du droit de propriété ; que, dès lors, elles n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; 5. Considérant, d'autre part, que les règles applicables aux lotissements tendent à assurer la maîtrise de l'occupation des sols ; qu'en permettant d'inclure dans un lotissement, à titre rétroactif, une parcelle qui a été antérieurement détachée d'une propriété, les dispositions contestées ont pour objet d'éviter que les divisions successives de parcelles n'échappent à ces règles ; qu'en elle-même l'inclusion d'un terrain dans un lotissement n'apporte pas à l'exercice du droit de propriété des limitations disproportionnées à l'objectif poursuivi ; 6. Considérant, en second lieu, que le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789 ; qu'en elles-mêmes les dispositions contestées ne portent aucune atteinte aux contrats légalement conclus ; que, dès lors, le grief tiré de l'atteinte à la liberté contractuelle doit être écarté ; 7. Considérant que le troisième alinéa de l'article 82 de la loi d'urbanisme du 15 juin 1943 susvisée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- Le troisième alinéa de l'article 82 de la loi d'urbanisme n° 324 du 15 juin 1943 est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 octobre 2011, où siégeaient M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 7 octobre 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000024801955.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 juin 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 4006 du 22 juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Claude N., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 222-31-1 du code pénal. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code pénal ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 13 juillet et 3 août 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 19 juillet 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Claire Waquet pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 6 septembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 222-31-1 du code pénal : « Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis au sein de la famille sur la personne d'un mineur par un ascendant, un frère, une soeur ou par toute autre personne, y compris s'il s'agit d'un concubin d'un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait » ; 2. Considérant que, selon le requérant, en ne définissant pas les liens familiaux qui conduisent à ce que des viols et agressions sexuels soient qualifiés d'incestueux, ces dispositions portent atteinte au principe de légalité des délits et des peines ; qu'elles porteraient également atteinte au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère ; 3. Considérant que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ; 4. Considérant que, s'il était loisible au législateur d'instituer une qualification pénale particulière pour désigner les agissements sexuels incestueux , il ne pouvait, sans méconnaître le principe de légalité des délits et des peines, s'abstenir de désigner précisément les personnes qui doivent être regardées, au sens de cette qualification, comme membres de la famille ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, la disposition contestée doit être déclarée contraire à la Constitution ; 5. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; 6. Considérant que l'abrogation de l'article 222-31-1 du code pénal prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'à compter de cette date, aucune condamnation ne peut retenir la qualification de crime ou de délit « incestueux » prévue par cet article ; que, lorsque l'affaire a été définitivement jugée à cette date, la mention de cette qualification ne peut plus figurer au casier judiciaire, Article 1er.- L'article 222-31-1 du code pénal est contraire à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées au considérant 6. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 16 septembre 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000024801982.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la requête présentée par M. Régis GREMONT-NAUMAN, demeurant à La Flamengrie (Nord), enregistrée le 6 octobre 2011 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 25 septembre 2011 dans le département du Nord en vue de la désignation de onze sénateurs ; Vu la Constitution, notamment son article 59 ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 38, alinéa 2 ; Vu le code électoral ; Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ; Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ; 1. Considérant qu'en vertu du second alinéa de l'article 38 de l'ordonnance susvisée du 7 novembre 1958, « le Conseil, sans instruction contradictoire préalable, peut rejeter, par décision motivée, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui manifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats de l'élection » ; qu'aux termes de l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 : « L'élection . .. D'un sénateur peut être contestée devant le Conseil constitutionnel jusqu'au dixième jour qui suit la proclamation des résultats de l'élection, au plus tard à dix-huit heures » ; 2. Considérant que la proclamation des résultats du scrutin du 25 septembre 2011 pour l'élection de onze sénateurs dans le département du Nord a été faite le 25 septembre 2011 ; qu'ainsi, le délai fixé par l'article 33 précité de l'ordonnance du 7 novembre 1958 a expiré le 5 octobre 2011 à dix-huit heures ; 3. Considérant que le requérant n'a pas usé de la faculté qui lui était ouverte par l'article 34 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 de déposer directement sa requête au secrétariat général du Conseil constitutionnel ou à la préfecture ; que sa requête adressée par la poste au secrétariat général du Conseil constitutionnel n'y a été reçue et enregistrée que le 6 octobre 2011, soit après l'expiration du délai précité ; que, dès lors, elle est tardive et par suite irrecevable, D É C I D E : Article 1er. - La requête de M. Régis GREMONT-NAUMAN est rejetée. Article 2. - La présente décision sera notifiée au président du Sénat et publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 octobre 2011 où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
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LE PRÉSIDENT DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son titre VII ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 36, alinéa 2 ; Vu la lettre du Vice-Président du Conseil d'État en date du 28 septembre 2011 ; Vu la lettre du Premier Président de la Cour des comptes en date du 4 octobre 2011 ; En application de la délibération du Conseil constitutionnel en date du 6 octobre 2011, D É C I D E : Article premier.- Sont nommés rapporteurs adjoints auprès du Conseil constitutionnel pour la période octobre 2011-octobre 2012 : Messieurs Nicolas BOULOUIS, Pierre COLLIN, Bertrand DACOSTA, Madame Nathalie ESCAUT et Monsieur Laurent OLLÉON, maîtres des requêtes au Conseil d'État, ainsi que Madame Anne MONDOLONI, Monsieur Nicolas PÉHAU, Mesdames Catherine PÉRIN, Loguivy ROCHE et Monsieur Jean-Louis SCIACALUGA, conseillers référendaires à la Cour des comptes. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Fait à Paris, le 6 octobre 2011 Jean-Louis DEBRÉ
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 juin 2011 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 805 du 28 juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société HEATHERBRAE LTD, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des 2° et 3° de l'article 990 E du code général des impôts, dans leur rédaction issue du paragraphe II de l'article 29 de la loi n° 92-1376 du 30 décembre 1992 de finances pour 1993. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code général des impôts ; Vu la loi n° 92-1376 du 30 décembre 1992 de finances pour 1993 ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 89-268 DC du 29 décembre 1989 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 19 juillet 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 20 juillet et 4 août 2011 ; Vu les nouvelles observations produites pour la société requérante par la SELARL Ribes, avocat au barreau de Toulouse, enregistrées le 1er août 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Arnaud Larralde de Fourcauld pour la société requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 6 septembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes des 2° et 3° de l'article 990 E du code général des impôts, la taxe prévue à l'article 990 D n'est pas applicable : « 2° Aux personnes morales qui, ayant leur siège dans un pays ou territoire ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, déclarent chaque année, au plus tard le 15 mai, au lieu fixé par l'arrêté prévu à l'article 990 F, la situation, la consistance et la valeur des immeubles possédés au 1er janvier, l'identité et l'adresse de leurs associés à la même date ainsi que le nombre des actions ou parts détenues par chacun d'eux ; « 3° Aux personnes morales qui ont leur siège de direction effective en France et aux autres personnes morales qui, en vertu d'un traité, ne doivent pas être soumises à une imposition plus lourde, lorsqu'elles communiquent chaque année, ou prennent et respectent l'engagement de communiquer à l'administration fiscale, sur sa demande, la situation et la consistance des immeubles possédés au 1er janvier, l'identité et l'adresse de leurs actionnaires, associés ou autres membres, le nombre des actions, parts ou autres droits détenus par chacun d'eux et la justification de leur résidence fiscale. L'engagement est pris à la date de l'acquisition par la personne morale du bien ou droit immobilier ou de la participation visés à l'article 990 D ou, pour les biens, droits ou participations déjà possédés au 1er janvier 1993, au plus tard le 15 mai 1993 » ; 2. Considérant que la société requérante fait valoir que ces dispositions ont pour effet de réserver l'exemption de la taxe forfaitaire de 3 % sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales à celles dont le siège est situé en France ou dans un État ou territoire ayant conclu avec la France, soit une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, soit un traité leur permettant de bénéficier du traitement fiscal des entités françaises équivalentes, lorsqu'elles communiquent à l'administration fiscale, ou s'engagent à lui communiquer sur sa demande, des renseignements relatifs au patrimoine immobilier détenu et aux personnes détentrices de parts sociales ; que ces dispositions méconnaîtraient ainsi le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'elles méconnaîtraient également le principe de présomption d'innocence protégé par l'article 9 de la même Déclaration ; 3. Considérant, en premier lieu, que le Conseil constitutionnel a jugé dans les motifs de sa décision du 29 décembre 1989 susvisée que le 2° de l'article 990 E du code général des impôts est conforme à la Constitution ; qu'aucun changement des circonstances depuis cette décision ne justifie le réexamen de cette disposition ; 4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; 5. Considérant qu'en instituant la taxe forfaitaire de 3 % prévue aux articles 990 D et 990 E, le législateur a entendu dissuader les contribuables assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune d'échapper à une telle imposition en créant, dans des États n'ayant pas conclu avec la France une convention fiscale comportant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, des sociétés qui deviennent propriétaires d'immeubles situés en France ; qu'ainsi, il a voulu assurer la mise en œuvre de l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales ; que, pour ce faire, il a notamment prévu, dans le 3° de l'article 990 E, d'exempter de la taxe les entreprises qui communiquent annuellement à l'administration fiscale ou prennent et respectent l'engagement de le faire sur sa demande des informations sur la situation et la consistance des immeubles possédés en France, l'identité et l'adresse des actionnaires, associés ou autres membres, le nombre des actions, parts ou autres droits détenus par chacun d'eux et la justification de leur résidence fiscale ; qu'ainsi, au regard des possibilités de contrôle de l'administration, ces entreprises se trouvent dans une situation différente de celles qui, n'étant pas soumises aux mêmes règles de transmission d'informations, ne présentent pas les mêmes garanties ; que le législateur a donc institué une différence de traitement en rapport direct avec l'objet de la loi ; qu'il s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels ; qu'en conséquence, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 13 de la Déclaration de 1789 par le 3° de l'article 990 E du code général des impôts doit être écarté ; que cette disposition n'instituant pas une sanction ayant le caractère d'une punition, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 9 de la Déclaration de 1789 est inopérant ; 6. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Les 2° et 3° de l'article 990 E du code général des impôts, dans leur rédaction issue du paragraphe II de l'article 29 de la loi n° 92-1376 de finances pour 1993, sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 16 septembre 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000024801956.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 juin 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 3877 du 21 juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Antoine J. relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code pénal ; Vu la loi du 29 juillet 1881 modifiée sur la liberté de la presse ; Vu la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 modifiée sur la communication audiovisuelle ; Vu les arrêts de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 16 février 2010, n° 09-81064 et n° 08-86301 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 19 juillet 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 19 juillet 2011 ; Vu les observations produites pour la société Distribution Casino France par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 2 août 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Thomas Lyon-Caen pour le requérant, Me Emmanuel Piwnica pour la société Distribution Casino France et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 6 septembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle : « Au cas où l'une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication au public par voie électronique, le directeur de la publication ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article 93-2 de la présente loi, le codirecteur de la publication sera poursuivi comme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l'objet d'une fixation préalable à sa communication au public. « À défaut, l'auteur, et à défaut de l'auteur, le producteur sera poursuivi comme auteur principal. « Lorsque le directeur ou le codirecteur de la publication sera mis en cause, l'auteur sera poursuivi comme complice. « Pourra également être poursuivie comme complice toute personne à laquelle l'article 121-7 du code pénal sera applicable. « Lorsque l'infraction résulte du contenu d'un message adressé par un internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel, le directeur ou le codirecteur de publication ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s'il est établi qu'il n'avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message » ; 2. Considérant que, selon le requérant, d'une part, les dispositions combinées des deuxième et dernier alinéas de l'article 93-3 précité ont pour effet de créer à l'encontre du producteur d'un service de communication au public en ligne une présomption de culpabilité en le rendant responsable de plein droit du contenu des messages diffusés dans un espace de contributions personnelles dont il est « l'animateur », même s'il en ignore le contenu ; que, d'autre part, elles méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi pénale en traitant différemment, sans justification, le directeur de la publication et le producteur sur internet ; 3. Considérant qu'en vertu de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable ; qu'il en résulte qu'en principe le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière répressive ; que, toutefois, à titre exceptionnel, de telles présomptions peuvent être établies, notamment en matière contraventionnelle, dès lors qu'elles ne revêtent pas de caractère irréfragable, qu'est assuré le respect des droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l'imputabilité ; qu'en outre, s'agissant des crimes et délits, la culpabilité ne saurait résulter de la seule imputabilité matérielle d'actes pénalement sanctionnés ; 4. Considérant que les dispositions contestées désignent les personnes qui sont pénalement responsables des infractions, prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 précitée, commises par un moyen de communication au public en ligne ; que le directeur de la publication ou, le cas échéant, le codirecteur de la publication, ne peut être poursuivi que lorsque le message incriminé a fait l'objet d'une fixation préalable à sa communication au public en ligne ; que le dernier alinéa de l'article 93-3 précité prévoit, en outre, à certaines conditions, que, lorsque l'infraction résulte du contenu d'un message d'un internaute diffusé par un service de communication au public en ligne, la responsabilité pénale du directeur ou du codirecteur de la publication n'est engagée que s'il avait connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès qu'il en a eu connaissance, il n'a pas agi promptement pour le retirer ; qu'à défaut, lorsque ni le directeur de la publication ni l'auteur ne sont poursuivis, le producteur est poursuivi comme auteur principal ; 5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de cassation dans ses arrêts du 16 février 2010 susvisés, que la personne qui a pris l'initiative de créer un service de communication au public en ligne en vue d'échanger des opinions sur des thèmes définis à l'avance peut être poursuivie en sa qualité de producteur ; que cette personne ne peut opposer ni le fait que les messages mis en ligne n'ont pas fait l'objet d'une fixation préalable ni l'absence d'identification de l'auteur des messages ; 6. Considérant qu'ainsi, il résulte des dispositions déférées que le créateur ou l'animateur d'un tel site de communication au public en ligne peut voir sa responsabilité pénale recherchée, en qualité de producteur, à raison du contenu de messages dont il n'est pas l'auteur et qui n'ont fait l'objet d'aucune fixation préalable ; qu'il ne peut s'exonérer des sanctions pénales qu'il encourt qu'en désignant l'auteur du message ou en démontrant que la responsabilité pénale du directeur de la publication est encourue ; que cette responsabilité expose le producteur à des peines privatives ou restrictives de droits et affecte l'exercice de la liberté d'expression et de communication protégée par l'article 11 de la Déclaration de 1789 ; 7. Considérant, par suite, que, compte tenu, d'une part, du régime de responsabilité spécifique dont bénéficie le directeur de la publication en vertu des premier et dernier alinéas de l'article 93-3 et, d'autre part, des caractéristiques d'internet qui, en l'état des règles et des techniques, permettent à l'auteur d'un message diffusé sur internet de préserver son anonymat, les dispositions contestées ne sauraient, sans instaurer une présomption irréfragable de responsabilité pénale en méconnaissance des exigences constitutionnelles précitées, être interprétées comme permettant que le créateur ou l'animateur d'un site de communication au public en ligne mettant à la disposition du public des messages adressés par des internautes, voie sa responsabilité pénale engagée en qualité de producteur à raison du seul contenu d'un message dont il n'avait pas connaissance avant la mise en ligne ; que, sous cette réserve, les dispositions contestées ne sont pas contraires à l'article 9 de la Déclaration de 1789 ; 8. Considérant que l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 susvisée ne méconnait aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 7, l'article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 modifiée sur la communication audiovisuelle est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 16 septembre 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000024801981.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la requête présentée par M. Mathieu BARATTE, demeurant à Caen (Calvados), enregistrée le 30 septembre 2011 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 25 septembre 2011 dans le département de la Manche en vue de la désignation de trois sénateurs ; Vu la Constitution, notamment son article 59 ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 38, alinéa 2 ; Vu le code électoral ; Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ; Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ; 1. Considérant qu'en vertu du second alinéa de l'article 38 de l'ordonnance susvisée du 7 novembre 1958, « le Conseil, sans instruction contradictoire préalable, peut rejeter, par décision motivée, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui manifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats de l'élection » ; que l'article 35 de la même ordonnance dispose : « Les requêtes doivent contenir... les moyens d'annulation invoqués. « Le requérant doit annexer à la requête les pièces produites au soutien de ses moyens » ; 2. Considérant que, si le requérant dénonce des « entraves au bon déroulement de l'élection et, peut-être, des fraudes électorales », il n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations ; 3. Considérant que, par suite, la requête de M. BARATTE ne peut qu'être rejetée, D É C I D E : Article 1er. - La requête de M. Mathieu BARATTE est rejetée. Article 2. - La présente décision sera notifiée au président du Sénat et publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 octobre 2011 où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
CONSTIT/CONSTEXT000024801973.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 19 juillet 2011 par le Conseil d'État (décision n° 349657 du 18 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Pierre T., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 321-5-1 du code forestier. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code forestier ; Vu la loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001 d'orientation sur la forêt ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 11 août 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 11 août 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Vincent Delaporte pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 4 octobre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 321-5-1 du code forestier dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001 susvisée : « Dans les bois classés en application de l'article L. 321-1 et dans les massifs forestiers mentionnés à l'article L. 321-6, une servitude de passage et d'aménagement est établie par l'État à son profit ou au profit d'une autre collectivité publique, d'un groupement de collectivités territoriales ou d'une association syndicale pour assurer exclusivement la continuité des voies de défense contre l'incendie, la pérennité des itinéraires constitués, ainsi que l'établissement des équipements de protection et de surveillance des forêts. L'assiette de cette servitude ne peut excéder la largeur permettant l'établissement d'une bande de roulement de six mètres pour les voies. Si les aménagements nécessitent une servitude d'une largeur supérieure, celle-ci est établie après enquête publique. « En zone de montagne, une servitude de passage et d'aménagement nécessaire à l'enlèvement des bois bénéficie à tout propriétaire. « À défaut d'accord amiable, le juge fixe l'indemnité comme en matière d'expropriation. « Si l'exercice de cette servitude rend impossible l'utilisation normale des terrains grevés, leurs propriétaires peuvent demander l'acquisition de tout ou partie du terrain d'assiette de la servitude et éventuellement du reliquat des parcelles. « Les voies de défense contre l'incendie ont le statut de voies spécialisées, non ouvertes à la circulation générale » ; 2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions, en instituant une servitude de passage et d'aménagement, n'apportent pas seulement des limites à l'exercice du droit de propriété mais organisent, sans garantie légale, une privation de propriété en violation des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'elles méconnaîtraient également les articles 16 de la Déclaration de 1789 et 7 de la Charte de l'environnement ; 3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; 4. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; 5. Considérant, en premier lieu, que le droit accordé à l'État, par les dispositions contestées, d'établir une servitude de passage et d'aménagement pour assurer la continuité des voies de défense contre l'incendie, la pérennité des itinéraires constitués, ainsi que l'établissement des équipements de protection et de surveillance des forêts n'entraîne pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; 6. Considérant, en second lieu, d'une part, qu'en permettant l'établissement d'une servitude de passage et d'aménagement dans les propriétés privées pour faciliter la lutte contre les incendies de forêts, les dispositions contestées poursuivent un but d'intérêt général ; 7. Considérant, d'autre part, que le législateur a délimité la portée et l'objet de la servitude de passage et d'aménagement et prévu que l'assiette de celle-ci ne pouvait excéder la largeur permettant l'établissement d'une bande de roulement de six mètres pour les voies ; qu'il a précisé que si les aménagements nécessitent une servitude d'une largeur supérieure, celle-ci est établie après enquête publique ; qu'il a prévu l'indemnisation des propriétaires des terrains grevés par la servitude en posant la règle qu'à défaut d'accord amiable, le juge fixait l'indemnité comme en matière d'expropriation ; 8. Considérant, toutefois, que le législateur s'est en l'espèce borné à prévoir une enquête publique pour les seuls cas où les aménagements nécessitent une servitude d'une largeur supérieure à six mètres ; que, faute d'avoir prévu, dans les autres cas, le principe d'une procédure destinée à permettre aux propriétaires intéressés de faire connaître leurs observations ou tout autre moyen destiné à écarter le risque d'arbitraire dans la détermination des propriétés désignées pour supporter la servitude, les dispositions contestées doivent être déclarées contraires à la Constitution ; 9. Considérant qu'en principe une déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à la partie qui a présenté la question prioritaire de constitutionnalité ; que, toutefois, l'abrogation immédiate de l'article L. 321-5-1 du code forestier aurait des conséquences manifestement excessives ; que, par suite, afin de permettre au législateur de mettre fin à cette inconstitutionnalité, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2013 la date de cette abrogation, Article 1er.- L'article L. 321-5-1 du code forestier est contraire à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet le 1er janvier 2013 dans les conditions fixées au considérant 9. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 octobre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 14 octobre 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 juillet 2011 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêts nos 1553, 1554 et 1555 du 7 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les sociétés TRAVAUX INDUSTRIELS MARITIMES ET TERRESTRES, FOURÉ LAGADEC et ISOTHERMA, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 47 de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, modifiée ; Vu la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Sud-Est par Me Dominique Foussard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 8 août 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 8 août 2011 ; Vu les observations produites pour les sociétés requérantes par la SCP Sagon Lasne Loevenbruck, avocat au barreau du Havre, enregistrées le 29 août 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Bruno Sagon pour les sociétés requérantes, Me Dominique Foussard, pour la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Sud-Est, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 27 septembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 47 de la loi du 20 décembre 2004 susvisée : « I. Il est institué, au profit du Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante créé par l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (n° 98-1194 du 23 décembre 1998), une contribution, due pour chaque salarié ou ancien salarié à raison de son admission au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité. Cette contribution est à la charge de l'entreprise qui a supporté ou qui supporte, au titre de ses cotisations pour accidents du travail et maladies professionnelles, la charge des dépenses occasionnées par la maladie professionnelle provoquée par l'amiante dont est atteint le salarié ou ancien salarié. Lorsque le salarié n'est atteint par aucune maladie professionnelle provoquée par l'amiante, cette contribution est à la charge : « 1° D'une ou plusieurs entreprises dont les établissements sont mentionnés au premier alinéa du I du même article 41 ; « 2° D'une ou plusieurs entreprises de manutention ou d'un ou plusieurs organismes gestionnaires de port pour, respectivement, les dockers professionnels et les personnels portuaires assurant la manutention dans les ports mentionnés au sixième alinéa du I du même article 41. « Pour la détermination de l'entreprise ou organisme redevable de la contribution au titre du 1°, les règles suivantes s'appliquent : « a) Lorsque l'établissement est exploité successivement par plusieurs entreprises, la contribution est due par l'entreprise qui exploite l'établissement à la date d'admission du salarié à l'allocation ; « b) Lorsqu'un salarié a travaillé au sein de plusieurs entreprises exploitant des établissements distincts, le montant de la contribution est réparti en fonction de la durée du travail effectué par le salarié au sein de ces établissements pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante. « Pour l'application du 2°, lorsqu'un salarié a été employé par plusieurs entreprises ou organismes, le montant de la contribution est réparti au prorata de la période travaillée dans ces entreprises ou organismes. Lorsqu'un docker professionnel admis à l'allocation relève ou a relevé de la catégorie des dockers professionnels intermittents au sens du III de l'article L. 511-2 du code des ports maritimes, la contribution correspondant à la période d'intermittence est répartie entre tous les employeurs de main-d'oeuvre dans le port, au sens de l'article L. 521-6 du même code, au prorata des rémunérations totales brutes payées aux dockers professionnels intermittents pendant cette période d'intermittence. « La contribution n'est pas due pour le premier bénéficiaire admis au cours d'une année civile. « II. Le montant de la contribution varie en fonction de l'âge du bénéficiaire au moment de son admission au bénéfice de l'allocation. Il est égal, par bénéficiaire de l'allocation, à 15 % du montant annuel brut de l'allocation majoré de 40 % au titre des cotisations d'assurance vieillesse et de retraite complémentaire à la charge du fonds, multiplié par le nombre d'années comprises entre l'âge mentionné ci-dessus et l'âge de soixante ans. « Le montant de la contribution, qui ne peut dépasser quatre millions d'euros par année civile pour chaque redevable, est plafonné, pour les entreprises redevables de la contribution au titre du I, à 2,5 % de la masse totale des salaires payés au personnel pour la dernière année connue. « Les entreprises placées en redressement ou en liquidation judiciaire sont exonérées de la contribution. « III. La contribution est appelée, recouvrée et contrôlée, selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations du régime général, par les organismes mentionnés à l'article L. 213-1 du code de la sécurité sociale désignés par le directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. « Elle est exigible le premier jour du troisième mois de chaque trimestre civil pour les personnes entrant dans le dispositif au cours du trimestre précédent. « Pour les salariés ou anciens salariés relevant ou ayant relevé du régime de protection sociale des personnes salariées des professions agricoles, la contribution due est appelée, recouvrée et contrôlée par les caisses de mutualité sociale agricole selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations dues au régime de protection sociale des personnes salariées des professions agricoles. La date limite de paiement de la contribution est fixée au quinzième jour du deuxième mois de chaque trimestre civil pour les personnes entrant dans le dispositif au cours du trimestre précédent. « IV. Un décret fixe les modalités d'application du présent article. « V. Les dispositions du présent article s'appliquent aux admissions au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité prononcées à compter du 5 octobre 2004 » ; 2. Considérant que, selon les sociétés requérantes, ces dispositions imposent à une entreprise n'ayant pas placé ses salariés au contact de l'amiante de contribuer au Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante dès lors qu'elle succède à une entreprise ayant placé ses salariés au contact de l'amiante ; qu'ainsi, elles porteraient atteinte aux principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques ; que les mêmes dispositions méconnaîtraient également la liberté d'entreprendre, le principe de sécurité juridique et celui de la qualité de la loi ; 3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le a) du paragraphe I de l'article 47 de la loi du 20 décembre 2004 susvisée ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi .. . Doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'il n'en résulte pas pour autant que le principe d'égalité oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ; 5. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; que le législateur doit, pour se conformer au principe d'égalité devant les charges publiques, fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de cette égalité ; 6. Considérant qu'en vertu de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 susvisée, une allocation de cessation anticipée d'activité peut être versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales ; que le même article crée le Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante chargé de financer cette allocation ; 7. Considérant que l'article 47 de la loi du 20 décembre 2004 susvisée a pour objet d'assurer le financement de cette allocation ; qu'à cette fin, le législateur a mis la contribution au Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à la charge des entreprises exploitant des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales ; qu'en retenant que, lorsque l'établissement est exploité successivement par plusieurs entreprises, la contribution est due par l'entreprise qui exploite l'établissement à la date d'admission du salarié à l'allocation de cessation anticipée d'activité, le législateur s'est fondé sur un critère objectif et rationnel en rapport direct avec le but qu'il s'est assigné ; 8. Considérant que le principe d'égalité n'oblige pas le législateur à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ; qu'en désignant comme redevables de la contribution les entreprises qui ont pris la succession de l'exploitant d'un établissement ayant exposé ses salariés au risque de l'amiante, sans opérer de distinction selon qu'elles ont ou non elles-mêmes exposé leurs salariés à ce risque, le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité ; 9. Considérant que, par les dispositions du a) du paragraphe I de l'article 47 de la loi du 20 décembre 2004 susvisée, le législateur n'a pas méconnu la liberté d'entreprendre ; qu'il n'a pas porté aux situations légalement acquises une atteinte qui serait contraire à la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; que la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ; 10. Considérant que le a) du paragraphe I de l'article 47 de la loi du 20 décembre 2004 susvisée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- Le a) du paragraphe I de l'article 47 de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005 est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 octobre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 7 octobre 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 juillet 2011 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 864 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Oriette P., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 3213-2 et L. 3213-3 du code de la santé publique. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011 ; Vu le code de la santé publique ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 28 juillet 2011 ; Vu les observations produites pour la requérante par Me Laurent Friouret, avocat au barreau de Castres, enregistrées le 5 août 2011 ; Vu les observations en intervention présentées pour l'information Groupe information asiles par Me Corinne Vaillant, avocate au barreau de Paris, enregistrées les 26 juillet et 2 août 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Vaillant pour l'association intervenante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 27 septembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3213-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge : « En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical ou, à défaut, par la notoriété publique, le maire et, à Paris, les commissaires de police arrêtent, à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l'État dans le département qui statue sans délai et prononce, s'il y a lieu, un arrêté d'hospitalisation d'office dans les formes prévues à l'article L. 3213-1. Faute de décision du représentant de l'État, ces mesures provisoires sont caduques au terme d'une durée de quarante-huit heures » ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3213-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à cette même loi du 5 juillet 2011 : « Dans les quinze jours, puis un mois après l'hospitalisation et ensuite au moins tous les mois, le malade est examiné par un psychiatre de l'établissement qui établit un certificat médical circonstancié confirmant ou infirmant, s'il y a lieu, les observations contenues dans le précédent certificat et précisant notamment les caractéristiques de l'évolution ou la disparition des troubles justifiant l'hospitalisation. Chaque certificat est transmis au représentant de l'État dans le département et à la commission mentionnée à l'article L. 3222-5 par le directeur de l'établissement » ; 3. Considérant que, selon la requérante, les conditions dans lesquelles l'hospitalisation d'office d'une personne peut être ordonnée en cas de danger imminent sont insuffisamment encadrées et méconnaissent les exigences constitutionnelles qui assurent la protection de la liberté individuelle ; que l'association intervenante fait en outre valoir que la possibilité d'ordonner l'hospitalisation d'une personne atteinte de troubles mentaux sur le fondement de la seule notoriété publique méconnaît ces mêmes exigences ; 4. Considérant que l'article 66 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; que, dans l'exercice de sa compétence, le législateur peut fixer des modalités d'intervention de l'autorité judiciaire différentes selon la nature et la portée des mesures affectant la liberté individuelle qu'il entend édicter ; 5. Considérant qu'en vertu du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation garantit à tous le droit à la protection de la santé ; que l'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ; 6. Considérant que l'hospitalisation sans son consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux doit respecter le principe, résultant de l'article 66 de la Constitution, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire ; qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la protection de la santé des personnes souffrant de troubles mentaux ainsi que la prévention des atteintes à l'ordre public nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent la liberté d'aller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que la liberté individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la protection à l'autorité judiciaire ; que les atteintes portées à l'exercice de ces libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis ; - SUR L'ARTICLE L. 3213-2 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE : 7. Considérant, en premier lieu, que, dans sa rédaction antérieure à la loi du 5 juillet 2011 précitée, l'article L. 3213-1 du code de la santé publique prévoit qu'une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée d'office que si ses troubles nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public ; que, dans sa décision du 9 juin 2011 susvisée, le Conseil constitutionnel a jugé que de tels motifs peuvent justifier la mise en oeuvre d'une mesure privative de liberté au regard des exigences constitutionnelles qui assurent la protection de la liberté individuelle ; 8. Considérant, en deuxième lieu, que l'autorité administrative qui prend les mesures provisoires est tenue d'en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l'État dans le département qui peut prendre un arrêté d'hospitalisation d'office dans les conditions et les formes prévues à l'article L. 3213-1 ; qu'à défaut, ces mesures sont caduques aux termes d'une durée de quarante-huit heures ; que, si l'article 66 de la Constitution exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire, il n'impose pas que cette dernière soit saisie préalablement à toute mesure de privation de liberté ; que, par suite, la compétence du maire de la commune ou, à Paris, du commissaire de police, pour ordonner, en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, toutes les mesures provisoires, y compris des mesures portant atteinte à la liberté individuelle, ne méconnaît pas les exigences tirées de l'article 66 de la Constitution ; 9. Considérant, en troisième lieu, que l'article L. 3213-2 n'est applicable qu'en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes et ne s'applique qu'aux personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes ; que, dans ces conditions, le législateur pouvait, sans méconnaître les exigences constitutionnelles précitées, permettre qu'une mesure de privation de liberté provisoire soit ordonnée après un simple avis médical ; 10. Considérant, toutefois, que la privation de liberté prévue par l'article L. 3213-2 est fondée sur l'existence de troubles mentaux ; qu'en permettant qu'une telle mesure puisse être prononcée sur le fondement de la seule notoriété publique, les dispositions de cet article n'assurent pas qu'une telle mesure est réservée aux cas dans lesquels elle est adaptée, nécessaire et proportionnée à l'état du malade ainsi qu'à la sûreté des personnes ou la préservation de l'ordre public ; que, par suite, les mots : « ou, à défaut, par la notoriété publique » doivent être déclarés contraires à la Constitution ; 11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, pour le surplus, l'article L. 3213-2 du code de la santé publique n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; - SUR L'ARTICLE L. 3213-3 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE : 12. Considérant que l'article L. 3213-3 se borne à imposer l'examen du malade dans les quinze jours puis un mois après l'hospitalisation et ensuite au moins tous les mois, par un psychiatre de l'établissement qui transmet son certificat médical au représentant de l'État dans le département et à la commission départementale des hospitalisations psychiatriques ; qu'en lui-même, cet article n'est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'il doit être déclaré conforme à la Constitution ; - SUR L'EFFET DANS LE TEMPS DE LA PRÉSENTE DÉCISION : 13. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que l'abrogation des mots : « ou, à défaut, par la notoriété publique » prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle est applicable à toutes les instances non jugées définitivement à cette date, D É C I D E : Article 1er.- À l'article L. 3213-2 du code la santé publique, les mots : « ou, à défaut, par la notoriété publique » sont contraires à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées au considérant 13. Article 3.- Le surplus de l'article L. 3213-2 et l'article L. 3213-3 du code la santé publique sont conformes à la Constitution. Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 octobre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 6 octobre 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 juillet 2011 par le Conseil d'État (décision n° 349660 du 13 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Antoine C., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 63 du code du service national, dans sa rédaction issue de la loi n° 71-424 du 10 juin 1971 portant code du service national. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code du service national ; Vu la loi n° 71-424 du 10 juin 1971 portant code du service national ; Vu la loi n° 83-605 du 8 juillet 1983 modifiant le code du service national ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par CJA Public Chavent-Mouseghian, avocat au barreau de Saint-Étienne, enregistrées les 1er, 9 et 29 août 2011 ; Vu les observations produites en intervention par M. Alain C., enregistrées les 1er août et 12 septembre 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour M. Jean-Pierre A. par la SCP J. Barthélemy, O. Matuchansky, C. Vexliard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 2 août 2011 ; Vu les observations produites en intervention par M. André C., enregistrées le 5 août 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 août 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Yves Chavent pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 4 octobre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 63 du code du service national, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juin 1971 susvisée : « Les hommes ayant satisfait aux obligations du service national actif ainsi que ceux qui sont en position régulière au regard du présent code sont réputés avoir satisfait aux obligations exigées par l'article 16 de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires et par l'article 16 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. « Le temps de service national actif, accompli dans l'une des formes du titre III, est compté, dans la fonction publique, pour sa durée effective dans le calcul de l'ancienneté de service exigée pour l'avancement et pour la retraite. « Le temps obligatoirement passé dans le service militaire ou le service de défense en sus du service national actif est pris en compte intégralement pour l'avancement et pour la retraite » ; 2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions, qui excluent les fonctionnaires ayant accompli en qualité d'objecteur de conscience leur service national avant l'entrée en vigueur de la loi du 8 juillet 1983 susvisée, méconnaissent le principe d'égalité devant la loi ; 3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le deuxième alinéa de l'article L. 63 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juin 1971 susvisée ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; 5. Considérant que, d'une part, les dispositions contestées, en réservant la mesure de reprise d'ancienneté aux jeunes gens ayant accompli leur service national dans les conditions prévues au titre III dudit code, excluent du bénéfice de cette mesure les objecteurs de conscience qui relevaient, avant la loi du 8 juillet 1983, du titre II ; qu'aux termes de l'article 41 du code du service national, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juin 1971 : « Les jeunes gens qui, avant leur incorporation, se déclarent, en raison de leurs convictions religieuses ou philosophiques, opposés en toutes circonstances à l'usage personnel des armes peuvent être admis à satisfaire aux obligations du service national. . . soit dans une formation militaire non armée, soit dans une formation civile assurant un travail d'intérêt général » ; que, d'autre part, le législateur, par les dispositions contestées, a entendu assimiler, pour le calcul des droits à la retraite des agents de la fonction publique, cette période à un service accompli dans la fonction publique ; qu'ainsi, il a prévu que le temps de service national actif soit compté, dans la fonction publique, pour sa durée effective dans le calcul de l'ancienneté de service exigée pour l'avancement et pour la retraite ; que, par suite, en excluant du bénéfice de cette mesure les objecteurs de conscience, il a institué, au regard de l'objet de la loi, une différence de traitement injustifiée ; 6. Considérant qu'il suit de là que, dans le deuxième alinéa de l'article L. 63 du code du service national, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juin 1971 susvisée, les mots : « accompli dans l'une des formes du titre III » doivent être déclarés contraires à la Constitution ; que cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l'issue dépend des dispositions déclarées inconstitutionnelles ; 7. Considérant que, pour le surplus, le deuxième alinéa de l'article L. 63 du code national, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juin 1971, n'est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Dans le deuxième alinéa de l'article L. 63 du code du service national, dans sa rédaction issue de la loi n° 71-424 du 10 juin 1971 portant code du service national, les mots : « , accompli dans l'une des formes du titre III, » sont contraires à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées au considérant 6. Article 3.- Le surplus du deuxième alinéa de l'article L. 63 du code du service national, dans sa rédaction issue de la même loi, est conforme à la Constitution. Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 octobre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 13 octobre 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 juin 2011 par le Conseil d'État (décision n° 348027 du 29 juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Yannick N., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe III de l'article 31 de la loi n° 96-1182 du 30 décembre 1996 de finances rectificative pour 1996. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code général des impôts ; Vu le livre des procédures fiscales ; Vu la loi n° 96-1182 du 30 décembre 1996 de finances rectificative pour 1996 ; Vu la décision du Conseil d'État n° 127892 du 10 juillet 1996 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 21 juillet et 5 août 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 21 juillet 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Alain Sarrazin, avocat au barreau de Rouen, pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 13 septembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes du paragraphe III de l'article 31 de la loi du 30 décembre 1996 susvisée : « Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les contrôles engagés par l'administration des impôts avant l'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative pour 1996 (n° 96-1182 du 30 décembre 1996) ainsi que les titres exécutoires émis à la suite de ces contrôles pour établir les impositions sont réputés réguliers en tant qu'ils seraient contestés par le moyen tiré de ce que ces contrôles auraient été effectués au moyen d'une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble ou d'un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle de personnes physiques n'ayant pas leur domicile fiscal en France » ; 2. Considérant que, selon le requérant, en privant les contribuables de la possibilité de se prévaloir de la décision du 10 juillet 1996 par laquelle le Conseil d'État a jugé que les contribuables regardés comme domiciliés fiscalement hors de France ne peuvent faire légalement l'objet d'une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble, le paragraphe III de l'article 31 de la loi du 30 décembre 1996 méconnaît le principe de non-rétroactivité de la loi pénale énoncé à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et celui de la garantie des droits proclamé à l'article 16 de cette Déclaration ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; 4. Considérant que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'en outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ; 5. Considérant que le législateur, par la disposition contestée, a précisément défini et limité la portée de la validation ; qu'il a réservé les décisions de justice ayant force de chose jugée ; qu'il n'a institué aucune sanction fiscale ; que les actes validés ne méconnaissent en eux-mêmes aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle ; que le législateur a confirmé les moyens d'investigation dont l'administration dispose pour procéder à des contrôles de revenus de source française perçus par des redevables, que leur domicile fiscal soit fixé en France ou à l'étranger, et sans priver ces derniers des garanties procédurales liées à ces contrôles ; qu'ainsi, il a entendu assurer la mise en oeuvre de l'objectif constitutionnel de lutte contre l'évasion et la fraude fiscales ; que le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ; que le grief tiré de la méconnaissance de son article 8 est inopérant ; 6. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Le paragraphe III de l'article 31 de la loi n° 96-1182 du 30 décembre 1996 de finances rectificative pour 1996 est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 23 septembre 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000024801964.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er juillet 2011 par le Conseil d'État (décision n° 348413 du 1er juillet 2011) sur le fondement des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. et Mme Raymond L., M. et Mme Henri L. et M. et Mme Christian R. relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 1er, 3 à 6 de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution de travaux publics, ainsi que des trois premiers alinéas de son article 7. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés par la propriété privée par l'exécution des travaux publics ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Joël Dombre, avocat au barreau de Montpellier, enregistrées le 25 juillet et le 8 août 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 25 juillet 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Dombre pour le requérant et M. Xavier Pottier désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 22 septembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution de travaux publics : « Les agents de l'administration ou les personnes auxquelles elle délègue ses droits ne peuvent pénétrer dans les propriétés privées pour y exécuter les opérations nécessaires à l'étude des projets de travaux publics civils ou militaires, exécutés pour le compte de l'État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, ainsi que des établissements publics, qu'en vertu d'un arrêté préfectoral indiquant les communes sur le territoire desquelles des études doivent être faites. « L'arrêté est affiché à la mairie de ces communes au moins dix jours avant, et doit être représenté à toute réquisition. « L'introduction des agents de l'administration ou des particuliers à qui elle délègue ses droits, ne peut être autorisée à l'intérieur des maisons d'habitation ; dans les autres propriétés closes, elle ne peut avoir lieu que cinq jours après notification au propriétaire, ou, en son absence, au gardien de la propriété. « À défaut de gardien connu demeurant dans la commune, le délai ne court qu'à partir de la notification de l'arrêté au propriétaire, faite en la mairie ; ce délai expiré, si personne ne se présente pour permettre l'accès, lesdits agents ou particuliers peuvent entrer avec l'assistance du juge du tribunal d'instance. « Il ne peut être abattu d'arbres fruitiers, d'ornement ou de haute futaie avant qu'un accord amiable ne soit établi sur leur valeur ou qu'à défaut de cet accord il ait été procédé à une constatation contradictoire destinée à fournir les éléments nécessaires pour l'évaluation des dommages. « À la fin de l'opération, tout dommage causé par les études est réglé entre le propriétaire et l'administration dans les formes indiquées par la loi du 22 juillet 1889 » ; 2. Considérant qu'aux termes de son article 3 : « Lorsqu'il y a lieu d'occuper temporairement un terrain, soit pour en extraire ou ramasser des matériaux, soit pour y fouiller ou y faire des dépôts de terre, soit pour tout autre objet relatif à l'exécution de projets de travaux publics, civils ou militaires, cette occupation est autorisée par un arrêté du préfet, indiquant le nom de la commune où le territoire est situé, les numéros que les parcelles dont il se compose portent sur le plan cadastral et le nom du propriétaire tel qu'il est inscrit sur la matrice des rôles. « Cet arrêté indique, d'une façon précise, les travaux à raison desquels l'occupation est ordonnée, les surfaces sur lesquelles elle doit porter, la nature et la durée de l'occupation et la voie d'accès. « Un plan parcellaire désignant par une teinte les terrains à occuper est annexé à l'arrêté, à moins que l'occupation n'ait pour but exclusif le ramassage des matériaux » ; 3. Considérant qu'aux termes de son article 4 : « Le préfet envoie ampliation de son arrêté et du plan annexé au chef de service public compétent et au maire de la commune. « Si l'administration ne doit pas occuper elle-même le terrain, le chef de service compétent remet une copie certifiée de l'arrêté à la personne à laquelle elle a délégué ses droits. « Le maire notifie l'arrêté au propriétaire du terrain ou, si celui-ci n'est pas domicilié dans la commune, au fermier, locataire, gardien ou régisseur de la propriété ; il y joint une copie du plan parcellaire et garde l'original de cette notification. « S'il n'y a dans la commune personne ayant qualité pour recevoir la notification, celle-ci est valablement faite par lettre chargée adressée au dernier domicile connu du propriétaire. L'arrêté et le plan parcellaire restent déposés à la mairie pour être communiqués sans déplacement aux intéressés, sur leur demande » ; 4. Considérant qu'aux termes de son article 5 : « Après l'accomplissement des formalités qui précèdent et à défaut de convention amiable, le chef de service ou la personne à laquelle l'administration a délégué ses droits fait au propriétaire du terrain, préalablement à toute occupation du terrain désigné, une notification par lettre recommandée, indiquant le jour et l'heure où il compte se rendre sur les lieux ou s'y faire représenter. « Il l'invite à s'y trouver ou à s'y faire représenter lui-même pour procéder contradictoirement à la constatation de l'état des lieux. « En même temps, il informe par écrit le maire de la commune de la notification par lui faite au propriétaire. « Si le propriétaire n'est pas domicilié dans la commune, la notification est faite conformément aux stipulations de l'article 4. « Entre cette notification et la visite des lieux, il doit y avoir un intervalle de dix jours au moins » ; 5. Considérant qu'aux termes de son article 6 : « Lorsque l'occupation temporaire a pour objet exclusif le ramassage des matériaux à la surface du sol, les notifications individuelles prescrites par les articles 4 et 5 de la présente loi sont remplacées par les notifications collectives par voie d'affichage et de publication à son de caisse ou de trompe dans la commune. En ce cas, le délai de dix jours, prescrit à l'article précédent, court du jour de l'affichage » ; 6. Considérant qu'aux termes des trois premiers alinéas de son article 7 : « À défaut par le propriétaire de se faire représenter sur les lieux, le maire lui désigne d'office un représentant pour opérer contradictoirement avec celui de l'administration ou de la personne au profit de laquelle l'occupation a été autorisée. « Le procès-verbal de l'opération qui doit fournir les éléments nécessaires pour évaluer le dommage est dressé en trois expéditions destinées, l'une à être déposée à la mairie et les deux autres à être remises aux parties intéressées. « Si les parties ou les représentants sont d'accord, les travaux autorisés par l'arrêté peuvent être commencés aussitôt » ; 7. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions méconnaissent les exigences constitutionnelles en matière de protection du droit de propriété ; 8. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; 9. Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées ont pour objet de permettre aux agents de l'administration ou aux personnes désignées par elle de pénétrer dans les propriétés privées pour l'exécution d'opérations nécessaires à l'étude des projets de travaux publics ; qu'elles permettent également l'occupation temporaire de terrains pour la réalisation de ces opérations ; que, par suite, ces dispositions n'entraînent pas de privation du droit de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; 10. Considérant, en second lieu, que, d'une part, les atteintes à l'exercice du droit de propriété résultant de la réalisation des opérations prévues par les dispositions contestées ont pour objet de permettre l'étude des projets de travaux publics, civils ou militaires, exécutés pour le compte de l'État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, ainsi que des établissements publics ; que l'autorisation de pénétrer dans les propriétés privées est donnée par arrêté du préfet du département et publiée dans les communes intéressées ; que cette autorisation ne peut permettre de pénétrer dans les maisons d'habitation ; que l'autorisation de pénétrer dans des propriétés closes doit désigner spécialement les terrains auxquels elle s'applique et être notifiée préalablement à chacun de leur propriétaire ; qu'il en va de même lorsqu'il y a lieu d'occuper temporairement un terrain ; 11. Considérant que, d'autre part, les dispositions contestées prévoient les conditions dans lesquelles les éventuels dommages causés à l'occasion de la pénétration dans les propriétés ou de l'occupation de celles-ci sont contradictoirement constatés ; qu'elles garantissent le droit des propriétaires d'obtenir la réparation « de tout dommage » ; que le respect des prescriptions prévues par les dispositions contestées est soumis au contrôle de la juridiction administrative ; 12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les atteintes apportées par les dispositions contestées à l'exercice du droit de propriété sont justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; qu'elles ne méconnaissent pas l'article 2 de la Déclaration de 1789 ; 13. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Les articles 1er, 3 à 6 de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics, ainsi que des trois premiers alinéas de son article 7, sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 23 septembre 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 12 juillet 2011 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 905 du 12 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Marie-Claude A. et relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 22 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris par Me Jean Castelain, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 5 août 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 9 août 2011 ; Vu les observations produites pour la requérante, par la SCP Jean-Alain Blanc et Jérôme Rousseau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et Me Jean-Patrick Saint-Adam, enregistrées le 30 août 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour le Conseil national des barreaux, par Me Thierry Wickers, avocat au barreau de Bordeaux, enregistrées le 29 juillet 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Jean-Patrick Saint-Adam pour la requérante, Me Castelain pour le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris, Me Wickers pour le Conseil national des barreaux, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 20 septembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée : « Un conseil de discipline institué dans le ressort de chaque cour d'appel connaît des infractions et fautes commises par les avocats relevant des barreaux qui s'y trouvent établis. « Toutefois, le Conseil de l'ordre du barreau de Paris siégeant comme conseil de discipline connaît des infractions et fautes commises par les avocats qui y sont inscrits. « L'instance disciplinaire compétente en application des alinéas qui précèdent connaît également des infractions et fautes commises par un ancien avocat, dès lors qu'à l'époque des faits il était inscrit au tableau ou sur la liste des avocats honoraires de l'un des barreaux établis dans le ressort de l'instance disciplinaire » ; 2. Considérant que, selon la requérante, en soumettant les avocats inscrits au barreau de Paris à un organe disciplinaire composé selon des règles différentes de celles applicables aux autres barreaux, ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant la justice ; qu'elle fait valoir, en outre, d'une part, que l'indépendance des membres de l'organe disciplinaire du conseil de l'ordre du barreau de Paris à l'égard du bâtonnier, qui préside ledit conseil et officie en tant qu'autorité de poursuite dans la procédure disciplinaire, ne serait pas garantie et, d'autre part, que le règlement intérieur du barreau de Paris adopté par le conseil de l'ordre prévoit que la méconnaissance de ses dispositions peut donner lieu à des poursuites devant la formation disciplinaire du même conseil ; que, par suite, le respect des droits de la défense et les principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions seraient également méconnus ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense et des principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions ; 4. Considérant, en premier lieu, qu'en instituant un conseil de discipline unique dans le ressort de chaque cour d'appel, le législateur a entendu garantir l'impartialité de l'instance disciplinaire des avocats en remédiant aux risques de proximité entre les membres qui composent cette instance et les avocats qui en sont justiciables ; qu'en maintenant le conseil de l'ordre du barreau de Paris dans ses attributions disciplinaires, il a, d'une part, tenu compte de la situation particulière de ce barreau qui, au regard du nombre d'avocats inscrits, n'est pas exposé au même risque de proximité ; qu'il a, d'autre part, entendu assurer une représentation équilibrée des autres barreaux relevant de la cour d'appel de Paris au sein d'un conseil de discipline commun ; que, dès lors, la différence de traitement établie par le législateur repose sur des critères objectifs et rationnels, poursuit un but d'intérêt général et est en rapport direct avec l'objet de la loi ; 5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des termes de l'article 22-2 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée que le bâtonnier de l'ordre du barreau de Paris n'est pas membre de la formation disciplinaire du conseil de l'ordre du barreau de Paris ; que la circonstance que les membres de cette formation sont désignés par le conseil de l'ordre, lequel est présidé par le bâtonnier en exercice, n'a pas pour effet, en elle-même, de porter atteinte aux exigences d'indépendance et d'impartialité de l'organe disciplinaire ; 6. Considérant, en troisième lieu, que les termes du règlement intérieur du barreau de Paris sont sans incidence sur la conformité des dispositions contestées à la Constitution ; 7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance du principe d'égalité devant la justice ainsi que de l'atteinte aux droits de la défense et aux principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions, doivent être rejetés ; 8. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- L'article 22 de la loi n° 71 1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 29 septembre 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 juillet 2011 par le Conseil d'État (décision n° 349383-349401 du 13 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-Luc O., l'Association de défense des retraites supplémentaires d'entreprise (ADRESE), MM. Jean-Claude A. et Alain V., relative à la conformité du troisième alinéa de l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale aux droits et libertés que la Constitution garantit. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de la sécurité sociale ; Vu la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011 ; Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour M. O. par Me Stéphane Austry, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées les 9 et 29 août 2011 ; Vu les observations produites pour l'ADRESE, MM. A. et V. par la SCP David Gaschignard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 10 et 31 août 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 août 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Austry pour M. O., Me Gaschignard pour l'ADRESE, MM. A. et V. et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 4 octobre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2010 susvisée : « Les rentes versées dans le cadre des régimes mentionnés au I de l'article L. 137-11 sont soumises à une contribution à la charge du bénéficiaire. « Les rentes versées au titre des retraites liquidées avant le 1er janvier 2011 sont soumises à une contribution sur la part qui excède 500 euros par mois. Le taux de cette contribution est fixé à 7 % pour les rentes dont la valeur mensuelle est comprise entre 500 et 1 000 euros par mois. Pour les rentes dont la valeur mensuelle est supérieure à 1 000 euros par mois, ce taux est fixé à 14 %. « Les rentes versées au titre des retraites liquidées à compter du 1er janvier 2011 sont soumises à une contribution lorsque leur valeur est supérieure à 400 euros par mois. Le taux de cette contribution est fixé à 14 % pour les rentes dont la valeur est supérieure à 600 euros par mois. Pour les rentes dont la valeur mensuelle est comprise entre 400 et 600 euros par mois, ce taux est fixé à 7 %. « Ces valeurs sont revalorisées chaque année en fonction de l'évolution du plafond défini à l'article L. 241-3 et arrondies selon les règles définies à l'article L. 130-1. La contribution est précomptée et versée par les organismes débiteurs des rentes et recouvrée et contrôlée dans les mêmes conditions que la contribution mentionnée à l'article L. 136-1 due sur ces rentes » ; 2. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant l'impôt garanti par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi que la garantie des droits protégée par l'article 16 de la même Déclaration ; - SUR LE PRINCIPE D'ÉGALITÉ DEVANT L'IMPÔT : 3. Considérant que les requérants soutiennent, en premier lieu, que les dispositions contestées ne permettent de tenir compte ni de l'ensemble des facultés contributives du contribuable bénéficiaire d'une telle retraite supplémentaire, ni des facultés contributives de son foyer, ni des personnes qui sont à sa charge ; qu'en deuxième lieu, ils font valoir que ces dispositions ne frappent que les bénéficiaires d'une telle retraite supplémentaire à l'exclusion des bénéficiaires des autres types de retraite supplémentaire ; qu'en troisième lieu, ils estiment que le barème retenu crée des effets de seuil constitutifs d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; 4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'il n'en résulte pas pour autant que le principe d'égalité oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ; 5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; que, pour l'application du principe d'égalité devant l'impôt, la situation des redevables s'apprécie au regard de chaque imposition prise isolément ; que, dans chaque cas, le législateur doit, pour se conformer au principe d'égalité devant l'impôt, fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; 6. Considérant que l'article L. 137-11 s'applique au régime de retraite supplémentaire dans lequel la constitution de droits à prestations est subordonnée à l'achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l'entreprise ; qu'en raison de cet aléa, empêchant l'individualisation du financement de la retraite par le salarié, le bénéficiaire ne contribue pas à l'acquisition de ses droits ; que ce régime se distingue de celui des retraites supplémentaires à droits certains dans lequel, l'individualisation par salarié étant possible, le bénéficiaire y contribue ; qu'en instituant un prélèvement sur les rentes versées, l'article L. 137-11-1 vise à faire participer les bénéficiaires qui relèvent de ce texte au financement de l'ensemble des retraites et à réduire la différence de charges supportées par chacune des catégories de titulaires ; que la différence de traitement qui en résulte est en rapport direct avec l'objet de la loi ; 7. Considérant qu'en fondant le prélèvement sur le montant des rentes versées, le législateur a choisi un critère objectif et rationnel en fonction de l'objectif de solidarité qu'il vise ; que, pour tenir compte des facultés contributives du bénéficiaire, il a prévu un mécanisme d'exonération et d'abattement, institué plusieurs tranches et fixé un taux maximal de 14 % ; que, par suite, les dispositions contestées, dont les effets de seuil ne sont pas excessifs, ne créent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; 8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant l'impôt doit être rejeté ; - SUR LA GARANTIE DES DROITS : 9. Considérant que, selon les requérants, le législateur, en assujettissant à un nouveau prélèvement les rentes versées dans le cadre du paragraphe I de l'article L. 137-11 du même code au titre des retraites liquidées avant le 1er janvier 2011, remet en cause des situations contractuellement constituées, en méconnaissance de la garantie des droits ; 10. Considérant qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu'en particulier, il méconnaîtrait la garantie des droits proclamés par l'article 16 de la Déclaration de 1789 s'il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant ; 11. Considérant que l'institution, par les dispositions contestées, d'un prélèvement sur les rentes versées ne porte pas, en elle-même, atteinte aux droits à la retraite ; que le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ; 12. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- L'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 octobre 2011, où siégeaient : M. Jacques BARROT exerçant les fonctions de Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 13 octobre 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 juillet 2011 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 866 du 6 juillet 2011), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Louis C., Mme Jacqueline P. et M. Lucien C., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de la dernière phrase du cinquième alinéa de l’article 16-11 du code civil. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code civil ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour les défendeurs par la SCP Vincent-Ohl, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 25 juillet 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 28 juillet 2011 ; Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Waquet-Farge-Hazan, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 12 août 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Farge, pour les requérants, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 20 septembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que l’article 16-11 du code civil énumère les cas dans lesquels l’identification d’une personne par ses empreintes génétiques peut être recherchée ; que le cinquième alinéa de cet article dispose qu’en matière civile, cette identification ne peut être recherchée qu’en exécution d’une mesure d’instruction ordonnée par le juge saisi d’une action tendant soit à l’établissement ou la contestation d’un lien de filiation, soit à l’obtention ou la suppression de subsides ; qu’il précise en outre que le consentement de l’intéressé doit être préalablement et expressément recueilli ; qu’aux termes de la dernière phrase de ce cinquième alinéa : « Sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant, aucune identification par empreintes génétiques ne peut être réalisée après sa mort » ; 2. Considérant que, selon les requérants, l’interdiction de recourir à l’identification par les empreintes génétiques sur une personne décédée, dans une procédure civile en matière de filiation, porte atteinte au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale ; qu’en outre, les dispositions contestées instaureraient entre les hommes et les femmes une différence de traitement contraire au principe d’égalité devant la loi ; 3. Considérant qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant... l’état et la capacité des personnes » ; qu’à ce titre, il appartient au législateur de déterminer les règles de preuve applicables en matière d’établissement et de contestation des liens de filiation, notamment lors de l’exercice d’actions en justice ; qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, ce faisant, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ; que l’article 61-1 de la Constitution, à l’instar de l’article 61, ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; que cet article lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité d’une disposition législative aux droits et libertés que la Constitution garantit ; 4. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression » ; que la liberté proclamée par cet article implique le respect de la vie privée ; que, d’autre part, le droit de mener une vie familiale normale résulte du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 qui dispose : « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ; qu’enfin, aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi. .. Doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; 5. Considérant que le deuxième alinéa de l’article 310-3 du code civil prévoit que lorsqu’une action relative à la filiation est engagée, « la filiation se prouve et se conteste par tous moyens, sous réserve de la recevabilité de l’action » ; que, toutefois, les dispositions contestées ne permettent, à l’occasion d’une action en justice tendant soit à l’établissement ou la contestation d’un lien de filiation, soit à l’obtention ou à la suppression de subsides, de recourir à l’identification par empreintes génétiques sur une personne décédée, que si celle-ci avait, de son vivant, donné son accord exprès à l’exécution d’une telle mesure d’instruction ; qu’ainsi, en dehors de ce cas, les parties au procès ne peuvent avoir recours à l’expertise génétique sur le corps de la personne décédée avec laquelle un lien biologique est revendiqué ou contesté ; 6. Considérant qu’en disposant que les personnes décédées sont présumées ne pas avoir consenti à une identification par empreintes génétiques, le législateur a entendu faire obstacle aux exhumations afin d’assurer le respect dû aux morts ; qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en cette matière, du respect dû au corps humain ; que, par suite, les griefs tirés de la méconnaissance du respect dû à la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale doivent être écartés ; 7. Considérant qu’aux termes de l’article 325 du code civil, la recherche de maternité implique que l’enfant prouve qu’il est celui dont la mère prétendue a accouché ; que, par suite, la circonstance que les dispositions contestées, relatives à la preuve de la filiation par l’identification au moyen des empreintes génétiques, trouvent principalement à s’appliquer lorsque la filiation paternelle est en cause ne saurait être regardée comme une différence de traitement contraire au principe d’égalité devant la loi ; 8. Considérant que la dernière phrase du cinquième alinéa de l’article 16-11 du code civil n’est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- La dernière phrase du cinquième alinéa de l’article 16-11 du code civil est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 30 septembre 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000024801959.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 juin 2011 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt n° 1474 du 30 juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Djamel B., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 455-1-1 du code de la sécurité sociale. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 ; Vu le code de la sécurité sociale ; Vu la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par Me Aymeric Beauchêne, avocat au barreau du Val-de-Marne, enregistrées les 22 juillet et 8 août 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22 juillet 2011 ; Vu les observations produites pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis par la SCP Gatineau-Fattaccini, enregistrées le 22 juillet 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés par Me Dominique Foussard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 22 juillet 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Beauchêne, pour le requérant, Me Bruno Odent, pour la société Axa Corporate Solutions, Me Jean-Jacques Gatineau, pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis, Me Foussard, pour la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 13 septembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 455-1-1 du code de la sécurité sociale : « La victime, ou ses ayants droit et la caisse peuvent se prévaloir des dispositions des articles L. 454-1 et L. 455-2 lorsque l'accident défini à l'article L. 411-1 survient sur une voie ouverte à la circulation publique et implique un véhicule terrestre à moteur conduit par l'employeur, un préposé ou une personne appartenant à la même entreprise que la victime. « La réparation complémentaire prévue au premier alinéa est régie par les dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation » ; 2. Considérant que le requérant fait grief à ces dispositions de porter atteinte au principe d'égalité devant la loi et au principe de responsabilité en ce qu'elles limitent l'indemnisation complémentaire en application de la loi du 5 juillet 1985 susvisée au seul cas dans lequel l'accident du travail qui constitue en même temps un accident de la circulation survient sur une voie ouverte à la circulation publique ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi. . . doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la Déclaration de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en principe, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que la faculté d'agir en responsabilité met en oeuvre cette exigence constitutionnelle ; que, toutefois, cette dernière ne fait pas obstacle à ce que le législateur aménage, pour un motif d'intérêt général, les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée ; qu'il peut ainsi, pour un tel motif, apporter à ce principe des exclusions ou des limitations à condition qu'il n'en résulte une atteinte disproportionnée ni aux droits des victimes d'actes fautifs ni au droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; 5. Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées limitent l'application de la loi du 5 juillet 1985 susvisée aux seuls cas dans lesquels l'accident du travail constituant un accident de la circulation survient sur une voie ouverte à la circulation publique et imposent, par conséquent, que les accidents du travail impliquant un véhicule terrestre à moteur ne circulant pas sur une telle voie soient soumis aux seules dispositions du code de la sécurité sociale applicables aux accidents du travail ; que le législateur a ainsi entendu établir une distinction entre les risques, selon qu'ils sont essentiellement liés à l'exercice de la profession ou à la circulation automobile ; que la différence de traitement qui découle des modalités d'indemnisation du préjudice de la victime est fondée sur un critère en lien direct avec l'objet de la loi ; que, dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la Déclaration de 1789 doit être rejeté ; 6. Considérant, en second lieu, que, dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 susvisée, le Conseil constitutionnel a jugé que, sous la réserve énoncée au considérant 18 de cette décision, les articles L. 451-1 et L. 452-2 à L. 452-5 du code de la sécurité sociale, relatifs au régime d'indemnisation des accidents du travail, ne méconnaissent pas le principe de responsabilité ; que, par suite, en soumettant l'indemnisation du salarié victime d'un accident de la circulation survenu sur une voie non ouverte à la circulation publique au régime des accidents du travail prévu par le code de la sécurité sociale, à l'exclusion des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 susvisée, les dispositions contestées ne portent pas davantage atteinte à ce principe ; 7. Considérant que l'article L. 455-1-1 du code de la sécurité sociale n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- L'article L. 455-1-1 du code de la sécurité sociale est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 23 septembre 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000024801961.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 juin 2011 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêts nos 997 et 998 du 30 juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée, d'une part, par MM. Pardaillan M., Octavian M. et Mirca C., ainsi que Mmes Mindra S. et Ann Fruzina T. et, d'autre part, par M. Gheorghe M., Mme Claudia G., M. Mihai G., Mme Martha G., M. Istrati G., Mme Lydia G., MM. Viorel G., Elvis M., Bogdan M., Mares G., Lilian M., Dria G. et Lucian G., Mme Iliana G., MM. Paul T. et Jun M., Mme Roxana T., M. Mihai N., Mme Argentina G. et Magarita G. et M. Gheorghe S., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 544 du code civil. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code civil ; Vu le code de procédure civile ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Alain-François Roger et Anne Sevaux, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 22 juillet et 5 août 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22 juillet 2011 ; Vu les observations produites pour la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise par Me Pascal Pibault, avocat au barreau du Val-d'Oise ; Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ; Me Roger pour les requérants, Me Pibault pour la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 6 septembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 544 du code civil : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » ; 2. Considérant que, selon les requérants, le caractère absolu du droit de propriété conduit à ce que toute occupation sans droit ni titre du bien d'autrui soit considérée par les juridictions civiles comme un trouble manifestement illicite permettant au propriétaire d'obtenir en référé, en application de l'article 809 du code de procédure civile, l'expulsion des occupants ; que, par ses conséquences sur la situation des personnes qui vivent dans des résidences mobiles, la définition du droit de propriété porterait atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d'asservissement et de dégradation, au droit de mener une vie familiale normale, ainsi qu'à l'objectif de valeur constitutionnelle que constitue le droit au logement ; 3. Considérant, d'une part, qu'aux termes du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ; qu'aux termes du onzième alinéa de ce Préambule, la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » ; 4. Considérant qu'il ressort également du Préambule de 1946 que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle ; 5. Considérant qu'il résulte de ces principes que la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent est un objectif de valeur constitutionnelle ; 6. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression » ; que son article 17 dispose : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; 7. Considérant, en outre, qu'aux termes du seizième alinéa de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux « du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales » ; 8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, s'il appartient au législateur de mettre en œuvre l'objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent, et s'il lui est loisible, à cette fin, d'apporter au droit de propriété les limitations qu'il estime nécessaires, c'est à la condition que celles-ci n'aient pas un caractère de gravité tel que le sens et la portée de ce droit en soient dénaturés ; que doit être aussi sauvegardée la liberté individuelle ; 9. Considérant que l'article 544 du code civil, qui définit le droit de propriété, ne méconnaît par lui-même aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'en tout état de cause, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel d'examiner la conformité de l'article 809 du code de procédure civile aux droits et libertés que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- L'article 544 du code civil est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 30 septembre 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000024801975.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 juillet 2011 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 937 du 26 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-Louis C., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 3213-8 du code de la santé publique. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de la santé publique ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations pour l'association « Groupe d'information asiles » produites par Me Corinne Vaillant, avocate au barreau de Paris, enregistrées le 4 août 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 18 août 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Raphaël Mayet, avocat au barreau de Versailles, ainsi que Me Pierre Ricard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le requérant, Me Vaillant pour l'association intervenante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 12 octobre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3213-8 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge : « Il ne peut être mis fin aux hospitalisations d'office intervenues en application de l'article L. 3213-7 que sur les décisions conformes de deux psychiatres n'appartenant pas à l'établissement et choisis par le représentant de l'État dans le département sur une liste établie par le procureur de la République, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé de la région dans laquelle est situé l'établissement. « Ces deux décisions résultant de deux examens séparés et concordants doivent établir que l'intéressé n'est plus dangereux ni pour lui-même ni pour autrui » ; 2. Considérant que, selon le requérant, en subordonnant la levée d'une mesure d'hospitalisation d'office à la décision conforme de deux médecins, ces dispositions méconnaissent l'article 66 de la Constitution ; 3. Considérant que l'article 66 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; que son article 64 garantit l'indépendance de l'autorité judiciaire ; 4. Considérant que les dispositions contestées sont applicables à toute personne ayant fait l'objet d'une mesure d'hospitalisation d'office prononcée en application de l'article L. 3213-7 du même code ; qu'en vertu de cet article, dans sa rédaction antérieure à la loi du 5 juillet 2011 précitée, « lorsque les autorités judiciaires estiment que l'état mental d'une personne qui a bénéficié d'un classement sans suite motivé par les dispositions de l'article 122-1 du code pénal, d'une décision d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte, de façon grave, à l'ordre public, elles avisent immédiatement le représentant de l'État dans le département, qui prend sans délai toute mesure utile » ; 5. Considérant qu'il résulte des dispositions contestées, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, que le juge des libertés et de la détention ne peut mettre fin à l'hospitalisation d'office, ordonnée en application de l'article L. 3213-7 du code de la santé publique, que sur les décisions conformes de deux psychiatres résultant d'examens séparés établissant de façon concordante que l'intéressé n'est plus dangereux ni pour lui-même ni pour autrui ; 6. Considérant qu'en raison de la spécificité de la situation d'une personne ayant commis des infractions pénales en état de trouble mental, le législateur pouvait assortir de garanties particulières les conditions dans lesquelles la mesure d'hospitalisation d'office dont elle fait l'objet peut être levée ; que, toutefois, en subordonnant à l'avis favorable de deux médecins le pouvoir du juge des libertés et de la détention d'ordonner la sortie immédiate de la personne ainsi hospitalisée, il a méconnu les exigences des articles 64 et 66 de la Constitution ; que, par suite, l'article L. 3213-8 du code de la santé publique dans sa rédaction antérieure à la loi du 5 juillet 2011 précitée, doit être déclaré contraire à la Constitution ; 7. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; qu'en l'espèce, il y a lieu de déclarer que l'abrogation de l'article L. 3213-8, dans sa rédaction antérieure à la loi du 5 juillet 2011 précitée, est applicable à toutes les instances non définitivement jugées à la date de la publication de la présente décision, Article 1er.- L'article L. 3213-8 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, est contraire à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées au considérant 7. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 octobre 2011, où siégeaient : M. Jacques BARROT, exerçant les fonctions de Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 21 octobre 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 19 juillet 2011 par le Conseil d'État (décision n° 340539 du 18 juillet 2011) dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'association France Nature Environnement, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 511-2 du code de l'environnement dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2009-663 du 11 juin 2009 relative à l'enregistrement de certaines installations classées pour la protection de l'environnement. Il a également été saisi, le même jour, par le Conseil d'État (décision no 340551-340553 du 18 juillet 2011), dans les mêmes conditions, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la même association, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe III de l'article L. 512-7 du même code dans sa rédaction issue de la même ordonnance du 11 juin 2009. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l'environnement ; Vu l'ordonnance n° 2009-663 du 11 juin 2009 relative à l'enregistrement de certaines installations classées pour la protection de l'environnement ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par l'association requérante, enregistrées le 11 août et le 1er septembre 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 11 août et le 1er septembre 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Benoît Busson pour l'association requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 4 octobre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces deux questions prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 11 juin 2009 susvisée : « Les installations visées à l'article L. 511-1 sont définies dans la nomenclature des installations classées établie par décret en Conseil d'État, pris sur le rapport du ministre chargé des installations classées, après avis du Conseil supérieur des installations classées. Ce décret soumet les installations à autorisation, à enregistrement ou à déclaration suivant la gravité des dangers ou des inconvénients que peut présenter leur exploitation. » « Les projets de décrets de nomenclature concernant les installations enregistrées font l'objet d'une publication, éventuellement par voie électronique, avant transmission pour avis au Conseil supérieur des installations classées » ; 3. Considérant qu'en vertu du paragraphe I de l'article L. 512-7 du code de l'environnement, sont soumises à autorisation simplifiée, sous la dénomination d'enregistrement, les installations qui présentent des dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, lorsque ces dangers et inconvénients peuvent, en principe, eu égard aux caractéristiques des installations et de leur impact potentiel, être prévenus par le respect de prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées ; qu'aux termes du paragraphe III de cet article, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 11 juin 2009 : « Les projets de prescriptions générales font l'objet d'une publication, éventuellement par voie électronique, avant transmission pour avis au Conseil supérieur des installations classées. Après avis du Conseil supérieur des installations classées et consultation des ministres intéressés, ces prescriptions générales sont fixées par arrêté du ministre chargé des installations classées » ; 4. Considérant que, selon l'association requérante, les dispositions précitées méconnaissent les exigences constitutionnelles posées par les articles 1er et 7 de la Charte de l'environnement ; 5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; 6. Considérant que l'article 7 de la Charte de l'environnement dispose : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement » ; que ces dispositions figurent au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu'il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions ; 7. Considérant que le premier alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'environnement définit les installations classées comme « les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique » ; que, par suite, les décrets de nomenclature mentionnés à l'article L. 511-2 du code de l'environnement, qui déterminent le régime applicable aux installations classées, constituent des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ; qu'il en va de même des projets de prescriptions générales que doivent respecter, en vertu de l'article L. 512-7 du même code, les installations classées pour la protection de l'environnement soumises à enregistrement ; 8. Considérant que les dispositions contestées prévoient que les projets de décrets de nomenclature ainsi que les projets de prescriptions générales applicables aux installations enregistrées font l'objet d'une publication, éventuellement par voie électronique ; que, toutefois, dans sa rédaction soumise au Conseil constitutionnel, le second alinéa de l'article L. 511-2 ne prévoit pas la publication du projet de décret de nomenclature pour les installations autorisées ou déclarées ; qu'en outre, ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative n'assurent la mise en oeuvre du principe de participation du public à l'élaboration des décisions publiques en cause ; que, par suite, en adoptant les dispositions contestées sans prévoir la participation du public, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence ; 9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le second alinéa de l'article L. 511-2 du code de l'environnement et le paragraphe III de son article L. 512-7 sont contraires à la Constitution ; 10. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; que l'abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires à la Constitution aurait des conséquences manifestement excessives ; que, par suite, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2013 la date d'abrogation de ces dispositions ; 11. Considérant, pour le surplus, que le premier alinéa de l'article L. 511-2 du code de l'environnement n'est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'il doit être déclaré conforme à la Constitution, Article 1er.- Le second alinéa de l'article L. 511-2 du code de l'environnement et le paragraphe III de son article L. 512-7 sont contraires à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet le 1er janvier 2013 dans les conditions fixées au considérant 10. Article 3.- Le premier alinéa de l'article L. 511-2 du code de l'environnement est conforme à la Constitution. Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 octobre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 14 octobre 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 juin 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 3790 du 21 juin 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Samir A., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 146 et 186 du code de procédure pénale. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-62 QPC du 17 décembre 2010 ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 22 juillet et 4 août 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées 22 juillet 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Philippe Dehapiot et Me Hélène Farge, pour le requérant, ainsi que M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 13 septembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 146 du code de procédure pénale : " S'il apparaît, au cours de l'instruction, que la qualification criminelle ne peut être retenue, le juge d'instruction peut, après avoir communiqué le dossier au procureur de la République aux fins de réquisitions, soit saisir par ordonnance motivée le juge des libertés et de la détention aux fins du maintien en détention provisoire de la personne mise en examen, soit prescrire sa mise en liberté assortie ou non du contrôle judiciaire. " Le juge des libertés et de la détention statue dans le délai de trois jours à compter de la date de sa saisine par le juge d'instruction " ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article 186 du même code : " Le droit d'appel appartient à la personne mise en examen contre les ordonnances et décisions prévues par les articles 80-1-1, 87, 139, 140, 137-3, 142-6, 142-7 145-1, 145-2, 148, 167, quatrième alinéa, 179, troisième alinéa, et 181. " La partie civile peut interjeter appel des ordonnances de non-informer, de non-lieu et des ordonnances faisant grief à ses intérêts civils. Toutefois, son appel ne peut, en aucun cas, porter sur une ordonnance ou sur la disposition d'une ordonnance relative à la détention de la personne mise en examen ou au contrôle judiciaire. " Les parties peuvent aussi interjeter appel de l'ordonnance par laquelle le juge a, d'office ou sur déclinatoire, statué sur sa compétence. " L'appel des parties ainsi que la requête prévue par le cinquième alinéa de l'article 99 doivent être formés dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles 502 et 503, dans les dix jours qui suivent la notification ou la signification de la décision. " Le dossier de l'information ou sa copie établie conformément à l'article 81 est transmis, avec l'avis motivé du procureur de la République, au procureur général, qui procède ainsi qu'il est dit aux articles 194 et suivants. " Si le président de la chambre de l'instruction constate qu'il a été fait appel d'une ordonnance non visée aux alinéas 1 à 3 du présent article, il rend d'office une ordonnance de non-admission de l'appel qui n'est pas susceptible de voies de recours. Il en est de même lorsque l'appel a été formé après l'expiration du délai prévu au quatrième alinéa ou lorsque l'appel est devenu sans objet. Le président de la chambre de l'instruction est également compétent pour constater le désistement de l'appel formé par l'appelant " ; 3. Considérant que, selon le requérant, en permettant au juge des libertés et de la détention de prendre une décision sur la détention provisoire sans débat contradictoire préalable, l'article 146 du code de procédure pénale porte atteinte au caractère contradictoire de la procédure ; qu'en ne mentionnant pas les décisions prévues par cet article 146 dans la liste des décisions et ordonnances du juge d'instruction et du juge des libertés et de la détention dont la personne mise en examen peut faire appel, le premier alinéa de l'article 186 du même code méconnaîtrait le droit à un recours juridictionnel effectif ; - SUR L'ARTICLE 146 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE : 4. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution " ; que sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, ainsi que le principe du contradictoire ; qu'il appartient au législateur, compétent, en application de l'article 34 de la Constitution, pour fixer les règles concernant la procédure pénale, d'assurer la mise en œuvre de l'objectif constitutionnel de bonne administration de la justice sans méconnaître les exigences constitutionnelles précitées ; 5. Considérant que l'article 146 du code de procédure pénale prévoit que le juge d'instruction qui décide d'abandonner en cours d'instruction la qualification criminelle pour une qualification correctionnelle, peut, après avoir communiqué le dossier au procureur de la République aux fins de réquisitions, s'il ne prescrit pas la mise en liberté de la personne mise en examen et placée en détention provisoire en application de l'article 145-2 du code de procédure pénale, saisir par ordonnance motivée le juge des libertés et de la détention aux fins de maintien en détention provisoire selon le régime plus protecteur des droits de l'intéressé prévu par l'article 145-1 du même code ; 6. Considérant que si, en ce cas, le juge des libertés et de la détention statue sans recueillir les observations de la personne détenue sur les réquisitions du procureur de la République et l'ordonnance du juge d'instruction, cette personne peut, à tout moment, demander sa mise en liberté en application de l'article 148 du code de procédure pénale ; que selon ce texte, s'il ne donne pas une suite favorable à la demande, le juge d'instruction doit, dans les cinq jours suivant la communication au procureur de la République, la transmettre avec son avis motivé au juge des libertés et de la détention lequel statue, dans un délai de trois jours ouvrables, par une ordonnance comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision par référence aux dispositions de l'article 144 du même code ; que, dans sa décision du 17 décembre 2010 susvisée, le Conseil constitutionnel a jugé que, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article 148 du même code, le juge des libertés et de la détention ne peut rejeter la demande de mise en liberté sans que le demandeur ou son avocat ait pu avoir communication de l'avis du juge d'instruction et des réquisitions du ministère public ; que, dans ces conditions, la procédure prévue par l'article 146 du code de procédure pénale ne méconnaît pas les exigences qui résultent de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; 7. Considérant que l'article 146 du code de procédure pénale ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; - SUR L'ARTICLE 186 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE : 8. Considérant que le Conseil constitutionnel a déclaré l'article 186 du code de procédure pénale conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de sa décision du 13 juillet 2011 susvisée ; que, par suite, en l'absence de changement des circonstances, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de procéder à un nouvel examen de cet article, D É C I D E : Article 1er.- L'article 146 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution. Article 2.- Il n'y a pas lieu de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 186 du code de procédure pénale. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 septembre 2011, M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 30 septembre 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 juillet 2011 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêts nos 932, 933, 934 et 935 du 26 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mlle Fazia C., Mme Salimah L., épouse C., Mme Ouahiba L., épouse B., et M. Ali Si Mohamed B., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 6° du paragraphe II de l'article 20 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code civil ; Vu l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation ; Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, notamment son article 91 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 18 août 2011 ; Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 23 août 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Hélène Farge, pour les requérants, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 12 octobre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes du 6° du paragraphe II de l'article 20 de l'ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation : « Les dispositions de la présente ordonnance n'ont pas d'effet sur la nationalité des personnes majeures à la date de son entrée en vigueur » ; 2. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions privent les seuls enfants nés hors mariage qui avaient atteint l'âge de la majorité à la date du 1er juillet 2006, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 4 juillet 2005, de la possibilité d'obtenir la nationalité française en rapportant la preuve du lien de filiation qui les rattache à leur mère de nationalité française en se fondant sur la seule mention du nom de leur mère dans leur acte de naissance ; que, par suite, elles méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi. . . doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; 4. Considérant que l'ordonnance du 4 juillet 2005 susvisée a inséré dans le code civil un article 311-25 aux termes duquel : « La filiation est établie, à l'égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l'acte de naissance de l'enfant » ; qu'elle a ainsi étendu à tous les enfants une règle réservée auparavant aux enfants nés dans le mariage ; qu'en vertu du paragraphe I de l'article 20 de la même ordonnance, cette règle est en principe applicable aux enfants nés avant comme après le 1er juillet 2006, date de son entrée en vigueur ; que, toutefois, le paragraphe II du même article prévoit une liste d'exceptions parmi lesquelles figurent les dispositions contestées, issues de l'article 91 de la loi du 24 juillet 2006 susvisée ; qu'il en résulte que les enfants nés hors mariage et ayant atteint l'âge de la majorité avant le 2 juillet 2006 ne peuvent se prévaloir de la seule désignation de leur mère, de nationalité française, dans leur acte de naissance, pour obtenir la nationalité française ; qu'ainsi, les dispositions contestées maintiennent, en matière de nationalité, une différence de traitement entre, d'une part, ces enfants et, d'autre part, les enfants nés de parents mariés et ceux nés hors mariage et encore mineurs le 1er juillet 2006 ; 5. Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées limitent les effets sur la nationalité de l'application immédiate de l'article 311-25 du code civil ; que le législateur a entendu éviter un changement de nationalité des personnes majeures à la date d'entrée en vigueur de la nouvelle règle de filiation ; qu' ainsi, il a mis les dispositions transitoires de l'ordonnance du 4 juillet 2005 susvisée en cohérence avec celles des articles 17-1 et 20-1 du code civil qui disposent respectivement que « les lois nouvelles relatives à l'attribution de la nationalité d'origine s'appliquent aux personnes encore mineures à la date de leur entrée en vigueur » et que « la filiation de l'enfant n'a d'effet sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie durant sa minorité » ; que ces dispositions tendent à assurer la stabilité de la nationalité des personnes à la date de leur majorité ; 6. Considérant, en second lieu, que la différence de traitement qui résulte de la succession de deux régimes juridiques dans le temps n'est pas, en elle-même, contraire au principe d'égalité ; que la différence de traitement qui demeure entre les enfants selon qu'ils sont nés en ou hors mariage ne porte pas sur le lien de filiation mais sur les effets de ce lien sur la nationalité ; qu'elle présente un caractère résiduel ; qu'elle est en lien direct avec l'objectif d'intérêt général de stabilité des situations juridiques que le législateur s'est assigné ; que, dans ces conditions, le respect du principe d'égalité ne lui imposait pas de faire bénéficier les personnes majeures à la date d'entrée en vigueur de la réforme de la filiation des conséquences de cette réforme en matière de nationalité ; 7. Considérant que le 6° du paragraphe II de l'article 20 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation n'est contraire ni au principe d'égalité devant la loi ni à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Le 6° du paragraphe II de l'article 20 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 octobre 2011, où siégeaient : M. Jacques BARROT, exerçant les fonctions de Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 21 octobre 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 juin 2011 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt du 30 juin 2011, n° 1473) d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Odile B., épouse P., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 643-5 du code de la sécurité sociale. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de la sécurité sociale ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la requérante par la SCP Yves Richard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 20 juillet 2011 ; Vu les observations produites pour la Caisse Autonome de Retraite des médecins de France par Maître Dominique Foussard, enregistrées le 22 juillet 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22 juillet 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Richard pour la requérante, Me Foussard en représentation de la Caisse Autonome de Retraite des médecins de France et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 13 septembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 643-5 du code de la sécurité sociale : « L'inaptitude au travail s'apprécie en déterminant si, à la date de la demande ou à une date postérieure, le requérant, compte tenu de son âge, de son état de santé, de ses capacités physiques et mentales, de ses aptitudes ou de sa formation professionnelle, n'est plus en mesure d'exercer ou de participer en qualité de conjoint collaborateur à une activité professionnelle » ; 2. Considérant que, selon la requérante, en conditionnant, pour les membres des professions libérales, l'ouverture des droits à la retraite pour inaptitude au travail au constat d'une inaptitude totale alors que, pour les salariés et assimilés ainsi que les membres des professions artisanales, industrielles et commerciales, ce droit est ouvert dès lors que l'inaptitude atteint un taux fixé par décret, ces dispositions méconnaissent le principe de solidarité et le principe d'égalité devant la loi ; 3. Considérant, d'une part, qu'aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » ; 4. Considérant que l'exigence constitutionnelle résultant des dispositions précitées implique la mise en oeuvre d'une politique de solidarité nationale en faveur des travailleurs retraités ; qu'il appartient au législateur, pour satisfaire à cette exigence, de choisir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées ; qu'en particulier, il lui est à tout moment loisible, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l'article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; qu'il ne lui est pas moins loisible d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et qui peuvent comporter la modification ou la suppression de dispositions qu'il estime excessives ou inutiles ; que, cependant, l'exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; 5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; 6. Considérant, en premier lieu, qu'en instaurant un régime de retraite anticipée pour les professionnels libéraux reconnus inaptes au travail, le législateur a mis en oeuvre, sans les méconnaître, les exigences constitutionnelles précitées du onzième alinéa du Préambule de 1946 ; 7. Considérant, en second lieu, que les professionnels libéraux bénéficient d'un régime autonome de retraite ; que l'article L. 643-5 du code de la sécurité sociale, applicable à ce régime, retient une définition de l'inaptitude au travail analogue à celle figurant à l'article L. 351-7 du même code, applicable au régime général d'assurance vieillesse ; que le fait que, contrairement à cet article L. 351-7, les dispositions contestées ne renvoient pas à un décret en Conseil d'État le soin de fixer le taux de l'inaptitude ne crée pas, en lui-même, une différence de traitement contraire au principe d'égalité devant la loi ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ; 8. Considérant que l'article L. 643-5 du code de la sécurité sociale n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- L'article L. 643-5 du code de la sécurité sociale est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 23 septembre 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er juillet 2011 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt n° 1547 du 1er juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Michael C., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 6° de l'article 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Il a également été saisi le 12 juillet 2011 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 906 du 12 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Marie-Claude A. et relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 2° de ce même article 53. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris par Me Jean Castelain, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 22 juillet 2011 et le 5 août 2011 ; Vu les observations produites pour M. C., par la SCP Nicolas Boullez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 25 juillet 2011 et 9 août 2011 ; Vu les observations produites pour Mme Marie-Christine Ch., par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 25 juillet 2011 ; Vu les observations produites pour Mme A., par la SCP Jean-Alain Blanc et Jérôme Rousseau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et Me Jean-Patrick Saint-Adam, enregistrées le 30 août 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 25 juillet 2011 et 9 août 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour le Conseil National des Barreaux, par Me Thierry Wickers, avocat au barreau de Bordeaux, enregistrées les 18 juillet 2011 et 26 juillet 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Boullez pour M. C., Me Rousseau pour Mme A., Me Françoise Thouin-Palat pour Mme Ch., Me Castelain, pour le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris, Me Wickers pour le Conseil national des barreaux, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 20 septembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces deux questions prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ; 2. Considérant qu'en vertu du 2° et du 6° de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée, des décrets en Conseil d'État présentent, pour l'application du titre Ier de cette loi et dans le respect de l'indépendance de l'avocat, de l'autonomie des conseils de l'ordre et du caractère libéral de la profession : « les règles de déontologie ainsi que la procédure et les sanctions disciplinaires » et « la procédure de règlement des contestations concernant le paiement des frais et honoraires des avocats » ; 3. Considérant que, selon les requérants, en confiant au pouvoir réglementaire le soin d'établir les règles de déontologie et les sanctions disciplinaires applicables aux avocats ainsi que la procédure de règlement des contestations concernant le paiement des frais et honoraires d'avocat, le législateur a méconnu l'étendue de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution ; qu'il aurait ainsi porté atteinte aux principes d'égalité, de légalité et de nécessité des délits et des peines, d'indépendance et d'impartialité des juridictions, du respect des droits de la défense et du droit à un recours juridictionnel effectif ; 4. Considérant que, selon le deuxième alinéa de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; que son quatrième alinéa prévoit qu'elle fixe les règles concernant, la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables et la procédure pénale ; que ce même article dispose que la loi détermine les principes fondamentaux du régime des obligations civiles et commerciales ainsi que du droit du travail ; qu'aux termes de son article 37, alinéa 1er : « Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; - SUR LE 2° DE L'ARTICLE 53 DE LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1971 : 5. Considérant que la détermination des règles de déontologie, de la procédure et des sanctions disciplinaires applicables à une profession ne relève ni du droit pénal ni de la procédure pénale au sens de l'article 34 de la Constitution ; qu'il résulte des articles 34 et 37, alinéa 1er, de la Constitution, qu'elle relève de la compétence réglementaire dès lors que ne sont mis en cause aucune des règles ni aucun des principes fondamentaux placés par la Constitution dans le domaine de la loi ; 6. Considérant qu'il résulte de l'article 15 de la loi du 31 décembre 1971 que, pour l'exercice de leur profession, les avocats sont inscrits à un barreau ; que l'article 17 de la même loi prévoit que chaque barreau est administré par un conseil de l'ordre qui veille notamment à « l'observation des devoirs des avocats » et statue sur l'inscription au tableau des avocats ; qu'il résulte des articles 22 et 22-1 de la même loi que le conseil de discipline est composé des représentants des conseils de l'ordre du ressort de la cour d'appel et que le conseil de l'ordre du barreau de Paris siège comme conseil de discipline ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, le législateur a entendu, en l'espèce, que les fautes disciplinaires des avocats puissent faire l'objet de sanctions comprenant, le cas échéant, l'interdiction temporaire ou définitive d'exercer leur activité ; que, dès lors, en renvoyant au décret le soin de fixer les sanctions disciplinaires qui, par leur objet et leur nature, sont en rapport avec l'exercice de cette profession réglementée, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence ; qu'ainsi, le renvoi au décret opéré par le 2° de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée ne méconnaît pas l'article 34 de la Constitution ; qu'il n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; - SUR LE 6° DE L'ARTICLE 53 DE LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1971 : 7. Considérant que le 6° de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée se borne à confier à un décret en Conseil d'État le soin de déterminer la procédure de règlement des contestations concernant le paiement des frais et honoraires des avocats ; qu'il n'a pas pour objet de confier au pouvoir réglementaire l'édiction de règles que la Constitution a placées dans le domaine de la loi ; qu'ainsi, le grief tiré de la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence doit être rejeté ; qu'en lui-même, le renvoi au décret opéré par le 6° de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 ne porte atteinte à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- Les 2° et 6° de l'article 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 septembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 29 septembre 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 juillet 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 4306 du 20 juillet 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Bruno L. et la société HACHETTE FILIPACCHI ASSOCIÉS, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 475-1 et 800-2 du code de procédure pénale. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour les requérants par Me Christophe Bigot, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 30 août 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 31 août 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Bigot pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 12 octobre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 475-1 du code de procédure pénale : « Le tribunal condamne l'auteur de l'infraction à payer à la partie civile la somme qu'il détermine, au titre des frais non payés par l'État et exposés par celle-ci. Le tribunal tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. « Les dispositions du présent article sont également applicables aux organismes tiers payeurs intervenant à l'instance » ; 2. Considérant qu'aux termes de son article 800-2 : « À la demande de l'intéressé, toute juridiction prononçant un non-lieu, une relaxe ou un acquittement peut accorder à la personne poursuivie une indemnité qu'elle détermine au titre des frais non payés par l'État et exposés par celle-ci. « Cette indemnité est à la charge de l'État. La juridiction peut toutefois ordonner qu'elle soit mise à la charge de la partie civile lorsque l'action publique a été mise en mouvement par cette dernière. « Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article » ; 3. Considérant que, selon les requérants, il résulte de ces dispositions que les conditions dans lesquelles la personne poursuivie mais non condamnée peut obtenir le remboursement des frais exposés dans la procédure sont plus restrictives que celles qui permettent à la partie civile d'obtenir de la personne condamnée le remboursement de ces mêmes frais ; que, par suite, ces dispositions méconnaîtraient le droit à une procédure juste et équitable ; que les requérants dénoncent, en particulier, le déséquilibre des droits au profit de la partie civile, d'une part, en cas de nullité de la procédure ou d'irrecevabilité de la constitution de partie civile et, d'autre part, au regard de la situation de la personne civilement responsable ; qu'ils font valoir, en outre, qu'il incomberait au Conseil constitutionnel d'apprécier la constitutionnalité de l'article 800-2 du code de procédure pénale au regard des modalités fixées dans le décret pris pour son application ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi est « la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ; 5. Considérant qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose qu'une partie au procès puisse obtenir du perdant le remboursement des frais qu'elle a exposés en vue de l'instance ; que, toutefois, la faculté d'un tel remboursement affecte l'exercice du droit d'agir en justice et les droits de la défense ; 6. Considérant, d'une part, que l'article 475-1 du code de procédure pénale est applicable devant le tribunal correctionnel ainsi que devant la juridiction de proximité, le tribunal de police et la chambre des appels correctionnels ; qu'il se borne à prévoir que la partie civile peut obtenir de l'auteur de l'infraction une indemnité au titre des frais de procédure qu'elle a exposés pour sa défense ; qu'il ne méconnaît aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; 7. Considérant, d'autre part, en premier lieu, que l'article 800-2 du même code a pour objet de permettre à la juridiction d'instruction ou de jugement statuant par une décision mettant fin à l'action publique de faire supporter par l'État ou la partie civile une somme au titre des frais non pris en compte au titre des frais de justice que la personne poursuivie mais non condamnée a dû exposer pour sa défense ; qu'en prévoyant que cette somme est à la charge de l'État ou peut être mise à celle de la partie civile lorsque l'action publique a été mise en mouvement non par le ministère public mais par cette dernière, le législateur s'est fondé sur un critère objectif et rationnel en lien direct avec l'objet de la loi ; 8. Considérant, en deuxième lieu, qu'en renvoyant à un décret en Conseil d'État la détermination des conditions de son application, l'article 800-2 du code de procédure pénale ne méconnaît pas, en lui-même, le principe d'égalité ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel d'examiner les mesures réglementaires prises pour l'application de cet article ; 9. Considérant, en troisième lieu, que le ministère public n'est pas dans une situation identique à celle de la personne poursuivie ou de la partie civile ; qu'il en va ainsi, notamment, de la mise à la charge de l'État des frais de la procédure pénale ; que, par suite, en encadrant les conditions dans lesquelles l'État peut être condamné à verser à la personne poursuivie mais non condamnée une indemnité au titre des frais qu'elle a exposés, les dispositions de l'article 800-2 n'ont pas méconnu l'équilibre des droits des parties dans la procédure pénale ; 10. Considérant, en quatrième lieu, que, lorsque l'action publique a été mise en mouvement par la partie civile, les dispositions de l'article 800-2 réservent à la personne poursuivie qui a fait l'objet d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement la possibilité de demander une indemnité au titre des frais exposés pour sa défense ; qu'en revanche, elles privent de la faculté d'obtenir le remboursement de tels frais l'ensemble des parties appelées au procès pénal qui, pour un autre motif, n'ont fait l'objet d'aucune condamnation ; que, dans ces conditions, les dispositions de l'article 800-2 du code de procédure pénale portent atteinte à l'équilibre du droit des parties dans le procès pénal ; que, par suite, elles sont contraires à la Constitution ; 11. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; 12. Considérant que l'abrogation de l'article 800-2 du code de procédure pénale aura pour effet, en faisant disparaître l'inconstitutionnalité constatée, de supprimer les droits reconnus à la personne poursuivie qui a fait l'objet d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement ; que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement ; que, par suite, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2013 la date de l'abrogation de cet article afin de permettre au législateur d'apprécier les suites qu'il convient de donner à cette déclaration d'inconstitutionnalité, Article 1er.- L'article 800-2 du code de procédure pénale est contraire à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter du 1er janvier 2013 dans les conditions prévues au considérant 12. Article 3.- L'article 475-1 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution. Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 octobre 2011, où siégeaient : M. Jacques BARROT, exerçant les fonctions de Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 21 octobre 2011.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ; Vu l'ordonnance n° 58 1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 56 ; Vu la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ; Vu le règlement du 4 février 2010 modifié sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité, D É C I D E : Article 1er.- Le règlement sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité est ainsi modifié : I. - L'article 6 est complété par les alinéas suivants : « Lorsqu'une personne justifiant d'un intérêt spécial adresse des observations en intervention relatives à une question prioritaire de constitutionnalité dans un délai de trois semaines suivant la date de sa transmission au Conseil constitutionnel, mentionnée sur son site internet, celui-ci décide que l'ensemble des pièces de la procédure lui est adressé et que ces observations sont transmises aux parties et autorités mentionnées à l'article 1er. Il leur est imparti un délai pour y répondre. En cas d'urgence, le président du Conseil constitutionnel ordonne cette transmission. « Le délai de trois semaines n'est pas opposable à une partie qui a posé devant une juridiction relevant du Conseil d'État ou de la Cour de cassation, devant le Conseil d'État ou devant la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause une disposition législative dont le Conseil constitutionnel est déjà saisi lorsque, pour cette raison, cette question n'a pas été renvoyée ou transmise. « Si ces observations en intervention comprennent des griefs nouveaux, cette transmission tient lieu de communication au sens de l'article 7 du présent règlement. « Lorsque des observations en intervention ne sont pas admises par le Conseil constitutionnel, celui-ci en informe l'intéressé. » II. - Au second alinéa de l'article 10, les termes : « Les représentants des parties » sont remplacés par les termes : « Les représentants des parties et des personnes dont les observations en intervention ont été admises ». Article 2.- Les présentes modifications du règlement intérieur du 4 février 2011 sont applicables aux questions prioritaires de constitutionnalité renvoyées au Conseil constitutionnel à compter du 1er juillet 2011. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 avril 2011 par le Conseil d'État (décision n° 345838 du 6 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Fédération nationale des associations tutélaires, l'Union nationale des associations familiales et l'Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 471-5 du code de l'action sociale et des familles et de l'article 419 du code civil. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l'action sociale et des familles ; Vu le code civil ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour les associations requérantes par la SCP Jean-Alain Blanc et Jérôme Rousseau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 28 avril 2011 ; Vu les observations produites pour l'association « Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs », par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 29 avril 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 29 avril 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Jérôme Rousseau, pour les associations requérantes, Me François Molinié pour l'association « Chambre nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs » et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 26 mai 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 419 du code civil : « Les personnes autres que le mandataire judiciaire à la protection des majeurs exercent à titre gratuit les mesures judiciaires de protection. Toutefois, le juge des tutelles ou le conseil de famille s'il a été constitué peut autoriser, selon l'importance des biens gérés ou la difficulté d'exercer la mesure, le versement d'une indemnité à la personne chargée de la protection. Il en fixe le montant. Cette indemnité est à la charge de la personne protégée. « Si la mesure judiciaire de protection est exercée par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, son financement est à la charge totale ou partielle de la personne protégée en fonction de ses ressources et selon les modalités prévues par le code de l'action sociale et des familles. « Lorsque le financement de la mesure ne peut être intégralement assuré par la personne protégée, il est pris en charge par la collectivité publique, selon des modalités de calcul communes à tous les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et tenant compte des conditions de mise en oeuvre de la mesure, quelles que soient les sources de financement. Ces modalités sont fixées par décret. « À titre exceptionnel, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué peut, après avoir recueilli l'avis du procureur de la République, allouer au mandataire judiciaire à la protection des majeurs, pour l'accomplissement d'un acte ou d'une série d'actes requis par la mesure de protection et impliquant des diligences particulièrement longues ou complexes, une indemnité en complément des sommes perçues au titre des deux alinéas précédents lorsqu'elles s'avèrent manifestement insuffisantes. Cette indemnité est à la charge de la personne protégée. « Le mandat de protection future s'exerce à titre gratuit sauf stipulations contraires » ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 471-5 du code de l'action sociale et des familles : « Le coût des mesures exercées par les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et ordonnées par l'autorité judiciaire au titre du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d'accompagnement judiciaire est à la charge totale ou partielle de la personne protégée en fonction de ses ressources. Lorsqu'il n'est pas intégralement supporté par la personne protégée, il est pris en charge dans les conditions fixées par les articles L. 361-1, L. 472-3 et L. 472-9. « À titre exceptionnel, le juge peut, après avoir recueilli l'avis du procureur de la République, allouer au mandataire judiciaire à la protection des majeurs, pour l'accomplissement d'un acte ou d'une série d'actes requis par l'exercice de la mesure de protection et impliquant des diligences particulièrement longues ou complexes, une indemnité en complément des sommes perçues au titre du premier alinéa lorsqu'elles s'avèrent manifestement insuffisantes. Cette indemnité est à la charge de la personne et est fixée par le juge en application d'un barème national établi par décret » ; 3. Considérant que, selon les associations requérantes, le bénéfice de l'accomplissement d'actes impliquant des diligences exceptionnelles est réservé aux personnes protégées disposant de ressources suffisantes pour prendre en charge l'indemnité complémentaire que le juge peut allouer à cette fin au mandataire judiciaire à la protection des majeurs ; que, faute de prévoir un financement public subsidiaire pour la prise en charge de cette indemnité complémentaire lorsque les ressources du majeur protégé sont insuffisantes, ces dispositions porteraient atteinte au principe d'égalité ; que, pour les mêmes motifs, les requérantes soutiennent qu'un tel financement public est seul à même de permettre d'assurer la protection des intérêts patrimoniaux des personnes protégées, de leur vie familiale ou de leurs droits dans une procédure juridictionnelle ; qu'en omettant d'instaurer un tel financement public, les dispositions contestées porteraient atteinte, respectivement, au droit de propriété, au droit de mener une vie familiale normale et au droit à un recours juridictionnel effectif ; 4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; 5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » ; que les exigences constitutionnelles résultant de ces dispositions impliquent la mise en œuvre d'une politique de solidarité nationale en faveur des personnes défavorisées ; qu'il appartient au législateur, pour satisfaire à cette exigence, de choisir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées ; qu'en particulier, il lui est à tout moment loisible, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l'article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; qu'il ne lui est pas moins loisible d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et qui peuvent comporter la modification ou la suppression de dispositions qu'il estime excessives ou inutiles ; que, cependant, l'exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; 6. Considérant que l'article 419 du code civil fixe les modalités de financement des mesures judiciaires de protection des majeurs ; que les alinéas 2 à 4 de cet article ainsi que l'article L. 471-5 du code de l'action sociale et des familles définissent en particulier les règles du financement des mesures de protection confiées à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs ; qu'il résulte de ces dernières dispositions que la personne protégée assume le coût de sa protection en fonction de ses ressources ; que, si ces dernières sont insuffisantes, ce coût est pris en charge par la collectivité publique ; 7. Considérant que les mesures judiciaires de protection des majeurs sont constituées, d'une part, des mesures de protection juridique prévues par les articles 433 à 476 du code civil et, d'autre part, de la mesure d'accompagnement judiciaire prévue par ses articles 495 à 495-9 ; que les diligences accomplies par le mandataire judiciaire dans le cadre de la mesure d'accompagnement judiciaire sont précisément définies par l'article 495-7 ; que, dès lors, seule une mesure de protection juridique est de nature à justifier, si le juge le décide, l'octroi d'une indemnité complémentaire au mandataire judiciaire à la protection des majeurs à la charge de la personne protégée lorsque cette protection requiert des diligences particulièrement longues ou complexes ; 8. Considérant, d'une part, que, pour permettre à toute personne de bénéficier d'une mesure de protection juridique lorsqu'elle se trouve dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération de ses facultés, les articles 419 du code civil et L. 471-5 du code de l'action sociale et des familles ont prévu un financement public des mesures de protection lorsque la personne ne dispose pas des ressources pour en assumer le coût ; que, si l'existence d'un tel financement public met en œuvre le onzième alinéa du Préambule de 1946, cette exigence constitutionnelle n'impose pas que la collectivité publique prenne en charge, quel que soit leur coût, toutes les diligences susceptibles d'être accomplies au titre d'une mesure de protection juridique ; 9. Considérant, d'autre part, que, si, en règle générale, le principe d'égalité impose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il n'en résulte pas pour autant qu'il oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ; que les dispositions contestées, qui laissent à la charge de la personne protégée, dans tous les cas, le coût de l'indemnité en complément susceptible d'être allouée au mandataire judiciaire à la protection des majeurs, ne méconnaissent pas le principe d'égalité ; 10. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- L'article L. 471-5 du code de l'action sociale et des familles et l'article 419 du code civil sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 17 juin 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 avril 2011 par le Conseil d'État (décision n° 347071 du 29 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par le département des Landes, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 2224-11-5 du code général des collectivités territoriales. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code général des collectivités territoriales ; Vu la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E) par Me Laurent Richer, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 20 mai et 6 juin 2011 ; Vu les observations produites pour le département requérant par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation , enregistrées les 23 mai et 7 juin 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 23 mai 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Frédéric Thiriez pour le département requérant, Me Laurent Richer pour la FP2E et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 7 juillet 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2224-11-5 du code général des collectivités territoriales : « Les aides publiques aux communes et groupements de collectivités territoriales compétents en matière d'eau potable ou d'assainissement ne peuvent être modulées en fonction du mode de gestion du service » ; 2. Considérant que, selon le département requérant, cette disposition, en ce qu'elle ôte à une collectivité la liberté de décider des modalités selon lesquelles elle accorde ses subventions, porte atteinte au principe de la libre administration des collectivités territoriales ; qu'il soutient également que le législateur, en imposant à celles-ci « d'opérer un traitement identique de l'octroi de leurs deniers publics » à des situations juridiques différentes, a méconnu le principe de l'égalité devant les charges publiques qui est le corollaire du principe d'égalité devant la loi ; 3. Considérant que, si, en vertu des articles 72 et 72-2 de la Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus » et « bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement », chacune d'elles le fait « dans les conditions prévues par la loi » ; que l'article 34 réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ; 4. Considérant que, si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations, ou les soumettre à des interdictions, c'est à la condition, notamment, que les unes et les autres répondent à des fins d'intérêt général ; 5. Considérant que, par la disposition contestée, le législateur a entendu interdire aux collectivités territoriales, et notamment aux départements, de moduler les aides allouées aux communes et groupements de collectivités territoriales compétents en matière d'eau potable ou d'assainissement en fonction du mode de gestion du service en cause ; que cette interdiction de moduler les subventions, selon le mode de gestion du service d'eau potable et d'assainissement, restreint la libre administration des départements au point de méconnaître les articles 72 et 72-2 de la Constitution ; 6. Considérant qu'il s'ensuit que l'article L. 2224-11-5 du code général des collectivités territoriales est contraire à la Constitution ; que la déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles, D É C I D E : Article 1er.- L'article L. 2224-11-5 du code général des collectivités territoriales est contraire à la Constitution. Article 2.- Cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 6. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 juillet 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 8 juillet 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000024360416.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 avril 2011 par le Conseil d'État (décision n° 346227-347269 du 20 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les départements de l'Hérault et des Côtes-d'Armor, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 14-10-4, L. 14-10-5, L. 14-10-7 et L. 14-10-8 du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l'action sociale et des familles ; Vu le code de la sécurité sociale ; Vu la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites en intervention pour les départements du Cher et du Val-d'Oise par la SCP CGCB et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 13 mai et 7 juin 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour le département de Seine-Maritime par Bruno Kern Avocats SELAS, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 16 mai 2011 ; Vu les observations produites pour le département des Deux-Sèvres par la SELARL Boissonnet Rubi Raffin Giffo, avocat au barreau de Nantes, enregistrées le 18 mai 2011 ; Vu les observations produites pour le département de l'Hérault par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 19 mai 2011 ; Vu les observations produites pour les départements de l'Allier, de Meurthe-et-Moselle, du Nord, de l'Oise, de Vaucluse et de l'Essonne par la SCP Seban et Associés, enregistrées le 19 mai 2011 ; Vu les observations produites pour les départements des Côtes-d'Armor et de Seine-et-Marne par la SCP Bernard Peignot et Denis Garreau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et par la SCP Seban et Associés, enregistrées le 19 mai 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 19 mai 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour les départements de la Gironde, de Loire-Atlantique, du Lot, du Lot-et-Garonne, de la Nièvre, des Pyrénées-Atlantiques et de la Seine-Saint-Denis par la SCP Seban et Associés, enregistrées les 19 et 26 mai et 6 juin 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour les départements de l'Aude, des Bouches-du-Rhône, de la Charente, de la Creuse, de la Drôme, du Finistère, du Gard, de la Haute-Garonne, du Gers, des Landes, de la Meuse, des Hautes-Pyrénées et du Tarn par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, enregistrées les 24, 25, 26, 27 et 30 mai, 1er et 6 juin 2011 ; Vu les nouvelles observations produites pour les départements de l'Hérault, de la Dordogne, de l'Isère et des Pyrénées-Orientales par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, enregistrées les 24, 25 mai et 7 juin 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour le département de l'Ain par la SELARL Itinéraires Droit Public, avocat au barreau de Lyon, enregistrées le 26 mai 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour le département de l'Ariège par la SELARL Molas et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 30 mai 2011 ; Vu les nouvelles observations produites pour les départements de l'Allier, de Meurthe-et-Moselle, du Nord, de l'Oise, de Vaucluse et de l'Essonne par la SCP Seban et Associés, enregistrées le 6 juin 2011 ; Vu les nouvelles observations produites en intervention pour les départements de la Gironde, de Loire-Atlantique, du Lot, du Lot-et-Garonne, de la Nièvre et de la Seine-Saint-Denis par la SCP Seban et Associés, enregistrées le 6 juin 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Jean-François Boutet, Me Frédéric Thiriez, Me Didier Seban, Me Pierre Pintat, Me Bertrand Vendé, avocat au barreau de Nantes, Me Ferdinand de Soto, avocat au barreau de Paris, Me Bruno Kern, Me Marc Richer, avocat au barreau de Paris, Me Dominique Foussard et Me Denis Garreau pour les départements requérants et intervenants, M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 14 juin 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2005 susvisée : « Les produits affectés à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie sont constitués par : « 1° Une contribution au taux de 0,3 % due par les employeurs privés et publics. Cette contribution a la même assiette que les cotisations patronales d'assurance maladie affectées au financement des régimes de base de l'assurance maladie. Elle est recouvrée dans les mêmes conditions et sous les mêmes garanties que lesdites cotisations ; « 2° Une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale et une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-15 du même code. Ces contributions additionnelles sont assises, contrôlées, recouvrées et exigibles dans les mêmes conditions que celles applicables à ces prélèvements sociaux. Leur taux est fixé à 0,3 % ; « 3° Une fraction de 0,1 point du produit des contributions sociales mentionnées aux articles L. 136-1, L. 136-6, L. 136-7 et L. 136-7-1 du même code ; « 4° Une participation des régimes obligatoires de base de l'assurance vieillesse, représentative d'une fraction identique pour tous les régimes, déterminée par voie réglementaire, des sommes consacrées par chacun de ceux-ci en 2000 aux dépenses d'aide ménagère à domicile au bénéfice des personnes âgées dépendantes remplissant la condition de perte d'autonomie mentionnée à l'article L. 232-2 du code de l'action sociale et des familles ; cette fraction ne peut être inférieure à la moitié ni supérieure aux trois quarts des sommes en cause. Le montant de cette participation est revalorisé chaque année, par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, conformément à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation hors tabac prévue dans le rapport économique et financier annexé à la loi de finances pour l'année considérée. « 5° La contribution des régimes d'assurance maladie mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 314-3. Cette contribution est répartie entre les régimes au prorata des charges qui leur sont imputables au titre du I de l'article L. 14-10-5 » ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 14-10-5 du même code dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2005 susvisée : « La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie retrace ses ressources et ses charges en six sections distinctes selon les modalités suivantes : « I. Une section consacrée au financement des établissements ou services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article L. 314-3-1, qui est divisée en deux sous-sections. « 1. La première sous-section est relative aux établissements et services mentionnés au 1° de l'article L. 314-3-1 et à ceux du 2° du même article qui accueillent principalement des personnes handicapées. Elle retrace : « a) En ressources, une fraction au moins égale à 10 % et au plus égale à 14 % du produit des contributions visées aux 1° et 2° de l'article L. 14-10-4, ainsi que la part de la contribution des régimes d'assurance maladie, mentionnée au deuxième alinéa du I de l'article L. 314-3, qui est destinée au financement de ces établissements ou services ; « b) En charges, le remboursement aux régimes d'assurance maladie des charges afférentes à l'accueil de leurs affiliés dans ces établissements ou services. « 2. La deuxième sous-section est relative aux établissements et services mentionnés au 3° de l'article L. 314-3-1 et à ceux du 2° du même article qui accueillent principalement des personnes âgées. Elle retrace : « a) En ressources, 40 % du produit des contributions visées aux 1° et 2° de l'article L. 14-10-4, ainsi que la part de la contribution des régimes d'assurance maladie, mentionnée au deuxième alinéa du I de l'article L. 314-3, qui est destinée au financement de ces établissements ou services ; « b) En charges, le remboursement aux régimes d'assurance maladie des charges afférentes à l'accueil de leurs affiliés dans ces établissements ou services. « Les opérations comptables relatives aux produits et aux charges de la présente section sont effectuées simultanément à la clôture des comptes de l'exercice. « II. Une section consacrée à la prestation d'allocation personnalisée d'autonomie mentionnée à l'article L. 232-1. Elle retrace : « a) En ressources, 20 % du produit des contributions visées aux 1° et 2° de l'article L. 14-10-4, le produit mentionné au 4° du même article et le produit de la contribution sociale généralisée mentionné au 3° du même article, diminué du montant mentionné au IV du présent article ; « b) En charges, un concours versé aux départements dans la limite des ressources mentionnées au a, destiné à couvrir une partie du coût de l'allocation personnalisée d'autonomie. Le montant de ce concours est réparti selon les modalités prévues à l'article L. 14-10-6. « III. Une section consacrée à la prestation de compensation mentionnée à l'article L. 245-1. Elle retrace : « a) En ressources, une fraction au moins égale à 26 % et au plus égale à 30 % du produit des contributions visées aux 1° et 2° de l'article L. 14-10-4 ; « b) En charges, un concours versé aux départements dans la limite des ressources mentionnées au a, destiné à couvrir une partie du coût de la prestation de compensation et un concours versé pour l'installation ou le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées. Les montants de ces concours sont répartis selon les modalités prévues à l'article L. 14-10-7. « Avant imputation des contributions aux sections mentionnées aux V et VI, l'ensemble des ressources destinées aux personnes handicapées, soit au titre des établissements et services financés par la sous-section mentionnée au 1 du I, soit au titre de la présente section, doit totaliser 40 % du produit des contributions visées aux 1° et 2° de l'article L. 14-10-4. « IV. Une section consacrée à la promotion des actions innovantes et au renforcement de la professionnalisation des métiers de service en faveur des personnes âgées. Elle retrace : « a) En ressources, une fraction du produit visé au 3° de l'article L. 14-10-4, fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'action sociale, de la sécurité sociale et du budget, qui ne peut être inférieure à 5 % ni supérieure à 12 % de ce produit ; « b) En charges, le financement de dépenses de modernisation des services ou de professionnalisation des métiers qui apportent au domicile des personnes âgées dépendantes une assistance dans les actes quotidiens de la vie, ainsi que de dépenses de formation et de qualification des personnels soignants recrutés dans le cadre des mesures de médicalisation des établissements et services mentionnés au 3° de l'article L. 314-3-1. « Les projets financés par cette section doivent être agréés par l'autorité compétente de l'État, qui recueille le cas échéant, dans les cas et conditions fixés par voie réglementaire, l'avis préalable de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. « V. Une section consacrée au financement des autres dépenses en faveur des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes, qui retrace le financement des autres actions qui entrent dans le champ de compétence de la caisse, au titre desquelles notamment les dépenses d'animation et de prévention, et les frais d'études dans les domaines d'action de la caisse : « a) Pour les personnes âgées, ces charges sont retracées dans une sous-section spécifique abondée par une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés des personnes âgées et du budget, des ressources prévues au a du 2 du I ; « b) Pour les personnes handicapées, ces charges sont retracées dans une sous-section spécifique abondée par une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés des personnes handicapées et du budget, des ressources prévues au a du III. « VI. Une section consacrée aux frais de gestion de la caisse. Les charges de cette section sont financées par un prélèvement sur les ressources mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 14-10-4, réparti entre les sections précédentes au prorata du montant des ressources qui leur sont affectées. « Par dérogation au I de l'article L. 14-10-8, les reports de crédits peuvent être affectés, en tout ou partie, à d'autres sections, par arrêté des ministres chargés des personnes âgées, des personnes handicapées et du budget après avis du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie » ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 14-10-7 du même code dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2005 susvisée : « I. Les concours mentionnés au III de l'article L. 14-10-5 sont répartis entre les départements selon des modalités fixées par décrets en Conseil d'État pris après avis de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, en fonction de tout ou partie des critères suivants : « a) Le nombre de bénéficiaires dans le département, au titre de l'année écoulée, de la prestation de compensation mentionnée à l'article L. 245-1, corrigé, en cas de variation importante, par la valeur de ce nombre sur les années antérieures. Pour les années au cours desquelles cette prestation n'était pas ou pas exclusivement en vigueur, ce nombre est augmenté du nombre de bénéficiaires de l'allocation compensatrice mentionnée à l'article L. 245-1 dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ; « b) Les caractéristiques des bénéficiaires et des montants individuels de prestation de compensation qui ont été versés au titre de l'année écoulée, et notamment le nombre de bénéficiaires d'allocations de montant élevé ; « c) Le nombre de bénéficiaires des prestations prévues aux articles L. 341-1, L. 821-1 et L. 821-2 du code de la sécurité sociale ; « d) Le nombre de bénéficiaires de l'allocation prévue à l'article L. 541-1 du code de la sécurité sociale ; « e) La population adulte du département dont l'âge est inférieur à la limite fixée en application du I de l'article L. 245-1 du présent code ; « f) Le potentiel fiscal, déterminé selon les modalités définies à l'article L. 3334-6 du code général des collectivités territoriales. « Le versement du concours relatif à l'installation et au fonctionnement des maisons départementales s'effectue conformément à une convention entre la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et le département concerné, visant à définir des objectifs de qualité de service pour la maison départementale des personnes handicapées et à dresser le bilan de réalisation des objectifs antérieurs. « II. Le rapport entre, d'une part, les dépenses réalisées au titre de la prestation de compensation de chaque département après déduction du montant réparti conformément au I et, d'autre part, leur potentiel fiscal ne peut être supérieur à un taux fixé par voie réglementaire. Les dépenses correspondant à la fraction de ce rapport qui dépasse ce seuil sont prises en charge en totalité par la caisse. « L'attribution résultant de l'opération définie au I pour les départements autres que ceux ayant bénéficié d'un complément de dotation au titre de l'alinéa précédent est diminuée de la somme des montants ainsi calculés, au prorata de la répartition effectuée en application dudit alinéa entre ces seuls départements. « Les opérations décrites aux deux alinéas précédents sont renouvelées jusqu'à ce que les dépenses laissées à la charge de chaque département n'excèdent plus le seuil défini au premier alinéa du présent II » ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 14-10-8 du même code dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2005 susvisée : « I. Les crédits affectés, au titre d'un exercice, aux sections et sous-sections mentionnées à l'article L. 14-10-5, qui n'ont pas été consommés à la clôture de l'exercice, donnent lieu à report automatique sur les exercices suivants. « II. Les produits résultant du placement, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État, des disponibilités qui excèdent les besoins de trésorerie de la caisse sont affectés au financement des charges mentionnées aux II et III de l'article L. 14-10-5 » ; 5. Considérant que, selon les départements requérants, ces dispositions, qui fixent les modalités du concours de l'État aux départements pour le financement d'une partie des charges exposées par eux au titre de la prestation de compensation du handicap mentionnée à l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles, ne permettent de répondre, en l'absence de ressources suffisantes, ni à l'importance ni à la croissance de ces charges ; qu'ainsi, elles entraveraient la libre administration des collectivités territoriales en méconnaissance des articles 72 et 72-2 de la Constitution ; 6. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur l'article L. 14-10-4, le paragraphe III de l'article L. 14-10-5 et sur les articles L. 14-10-7 et L. 14-10-8 du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction issue de la loi du 11 février 2005 susvisée ; 7. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution : « Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi » ; que ces dispositions ne visent, en ce qui concerne les créations et extensions de compétences, que celles qui présentent un caractère obligatoire ; que, dans ce cas, il n'est fait obligation au législateur que d'accompagner ces créations ou extensions de compétences de ressources dont il lui appartient d'apprécier le niveau, sans toutefois dénaturer le principe de la libre administration des collectivités territoriales énoncé par l'article 72 de la Constitution ; que cette exigence constitutionnelle n'impose pas au législateur d'affecter une ressource particulière au financement d'un transfert, d'une création ou d'une extension de compétences, ni de maintenir dans le temps une telle affectation ; 8. Considérant que la prestation de compensation du handicap a été créée par la loi du 11 février 2005 susvisée ; qu'elle a remplacé, de manière progressive, à compter du 1er janvier 2006, l'allocation compensatrice pour tierce personne financée par les départements, afin d'élargir, d'une part, le champ des charges supportées par les personnes en raison de leur handicap qui sont couvertes par un financement public et, d'autre part, le champ des bénéficiaires ; qu'ainsi, elle constitue, pour les départements, une extension de leurs compétences ; 9. Considérant, en premier lieu, que, selon les dispositions contestées, cette extension de compétences s'est accompagnée de la mise en place d'un concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie au financement des charges exposées par les départements au titre de l'allocation de compensation du handicap ; que ce concours est financé par une fraction au moins égale à 26 % et au plus égale à 30 % du produit de la contribution de solidarité pour l'autonomie ; que cette dernière est constituée d'une contribution au taux de 0,3 % due par les employeurs privés et publics sur l'assiette des cotisations patronales d'assurance maladie affectées au financement des régimes de base de l'assurance maladie et d'une contribution additionnelle aux prélèvements sociaux sur les produits du capital et revenus du patrimoine mentionnés aux articles L. 245-14 et L. 245-15 du code de la sécurité sociale ; que le concours de la caisse nationale peut, en outre, être financé par une part des produits financiers attribués à ladite caisse nationale sur le fondement du paragraphe II de l'article L. 14-10-8 du code de l'action sociale et des familles ; 10. Considérant, en second lieu, que l'article L. 14-10-7 du même code, dans son paragraphe I, fixe avec précision les critères démographiques, sociaux et financiers qui permettent de répartir entre les départements le concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie au financement des charges résultant de la prestation de compensation du handicap ; que le même article, dans son paragraphe II, prévoit que les charges nettes résultant de la différence entre les dépenses exposées au titre de ladite prestation et le concours de la caisse nationale ne peuvent être supérieures à un pourcentage, fixé par voie réglementaire, du potentiel fiscal de chaque département ; qu'en cas de dépassement de ce pourcentage, les dépenses correspondant à la fraction de ce rapport qui dépasse ce seuil sont prises en charge en totalité par la caisse nationale ; 11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce pourcentage à un niveau qui permette, compte tenu de l'ensemble des ressources des départements, que le principe de la libre administration des collectivités territoriales ne soit pas dénaturé ; qu'en outre, si l'augmentation des charges nettes faisait obstacle à la réalisation de la garantie prévue par l'article L. 14-10-7 du code de l'action sociale et des familles, il appartiendrait aux pouvoirs publics de prendre les mesures correctrices appropriées ; 12. Considérant que, sous les réserves énoncées au considérant précédent, les dispositions contestées ne sont pas contraires à l'article 72-2 de la Constitution, ni à son article 72 ; 13. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Sous les réserves énoncées au considérant 11, l'article L. 14-10-4, le paragraphe III de l'article L. 14-10-5, les articles L. 14-10-7 et L. 14-10-8 du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 30 juin 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 avril 2011 par le Conseil d'État (décision n° 346204-346228 du 20 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les départements de la Seine-Saint-Denis et de l'Hérault relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit : - de l'article 4 de la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité ; - de l'article 59 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 ; - de l'article 2 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 ; - de l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, issu de l'article 3 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion ; - de l'article 7 de la même loi du 1er décembre 2008 ; - de l'article 51 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009. Le Conseil constitutionnel a été saisi le même jour par le Conseil d'État (décision n° 346460 du 20 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par le département de la Somme relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des mêmes dispositions et, en outre, de l'article L. 14-10-6 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version issue du paragraphe II de l'article 12 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes handicapées. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l'action sociale et des familles ; Vu la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité ; Vu la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 ; Vu la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ; Vu la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 ; Vu la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion ; Vu la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-487 DC du 18 décembre 2003 ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003 ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009 ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-143 QPC du 30 juin 2011 ; Vu 1°), en ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité n° 2011-142, les observations produites pour le département de la Seine-Saint-Denis et pour ceux de l'Aisne, de l'Allier, des Côtes-d'Armor, du Doubs, de l'Essonne, de l'Eure, de Gironde, de Haute-Vienne, d'Ille-et-Vilaine, de Meurthe-et-Moselle, du Nord, de l'Oise, du Pas-de-Calais, de Seine-et-Marne et de Vaucluse par la SCP Bernard Peignot et Denis Garreau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et la SCP Seban et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 19 mai 2011 ; Vu les observations produites pour le département de l'Hérault et pour ceux de la Dordogne et des Pyrénées-Orientales par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 19, 26 et 27 mai 2011 ; Vu les observations produites pour le département des Deux-Sèvres par la SELARL Boissonnet Rubi Raffin et Giffo, enregistrées le 18 mai 2011 ; Vu les observations produites pour le département du Territoire de Belfort par la SELARL Landot et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 18 mai 2011 ; Vu les observations produites pour les départements des Alpes de Haute-Provence et du Puy-de-Dôme par la SELARL Matharan Pintat Raymundie, avocat au barreau de Paris, et la SCP Coutard Mayer Munier-Apaire, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 19 mai 2011 ; Vu les observations produites pour le département de Saône-et-Loire par la SCP Jean-François Boutet, avocat au Conseil d'État et la Cour de cassation, enregistrées le 19 mai 2011 ; Vu les observations produites par le département du Val-de-Marne par Me Marc Richer, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 7 juin 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 19 mai 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour le département de Paris par Me Dominique Foussard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 2 mai 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour les départements du Cher et du Val-d'Oise par la SCP CGCB et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 13 mai et 7 juin 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour le département de Seine-Maritime par la SELAS Bruno Kern Avocats, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 16 mai 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour le département de la Haute-Saône et pour ceux de Loire-Atlantique, du Lot, du Lot-et-Garonne, de la Nièvre et des Pyrénées-Atlantiques par la SCP Bernard Peignot et Denis Garreau et la SCP Seban et Associés, enregistrées les 19 et 27 mai et 7 juin 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour le département de l'Aude et pour ceux des Bouches-du-Rhône, de la Charente, de la Creuse, de la Drôme, du Finistère, du Gard, du Gers, de la Haute-Garonne, de l'Isère, des Landes, de la Meuse, des Hautes-Pyrénées et du Tarn par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, enregistrées les 24, 25, 26, 27 et 30 mai 2011 et 1er et 6 juin 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour le département de l'Ain par la SELARL Itinéraires Droit Public, avocat au barreau de Lyon, enregistrées le 26 mai 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour le département de l'Ariège par la SELARL Molas et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 30 mai 2011 ; Vu les nouvelles observations produites pour le département de Seine-Saint-Denis et pour ceux de l'Aisne, de l'Allier, des Côtes-d'Armor, du Doubs, de l'Essonne, de l'Eure, de la Gironde, de l'Ille-et-Vilaine, de Loire-Atlantique, du Lot, du Lot-et-Garonne, de la Meurthe-et-Moselle, de l'Oise, de la Nièvre, du Nord, du Pas-de-Calais, de Haute-Saône, de Seine-et-Marne, de Vaucluse et de Haute-Vienne par la SCP Bernard Peignot et Denis Garreau et la SCP Seban et Associés, enregistrées le 7 juin 2011 ; Vu les nouvelles observations produites pour le département de l'Hérault par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, enregistrées le 7 juin 2011 ; Vu les nouvelles observations produites pour le département de la Saône-et-Loire par la SCP Jean-François Boutet, enregistrées le 7 juin 2011 ; Vu les nouvelles observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 7 juin 2011 ; Vu les demandes de récusation présentées pour le département de Saône-et-Loire, enregistrées le 17 mai 2011, réitérées le 9 juin 2011, et examinées par le Conseil constitutionnel le 26 mai 2011 ; Vu 2°), en ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité n° 2011-145, les observations produites pour le département de la Somme par la SCP Jean-François Boutet, enregistrées le 19 mai 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour le département de Seine-Maritime par la SELAS Bruno Kern Avocats, enregistrées le 16 mai 2011 ; Vu les observations produites en intervention par le département de l'Ain par la SELARL Itinéraires Droit Public, enregistrées le 26 mai 2011 ; Vu les observations produites en intervention par le département de l'Ariège par la SELARL Molas et Associés, enregistrées le 30 mai 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 19 mai 2011 ; Vu les nouvelles observations produites par le département de la Somme, enregistrées le 7 juin 2011 ; Vu les pièces produites et jointes aux dossiers ; Me Jean-François Boutet, Me Frédéric Thiriez, Me Didier Seban, Me Pierre Pintat, Me Bertrand Vendé, avocat au barreau de Nantes, Me Ferdinand de Soto, avocat au barreau de Paris, Me Bruno Kern, Me Marc Richer, Me Dominique Foussard et Me Denis Garreau pour les départements requérants et intervenants, M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 14 juin 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces questions prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ; - SUR LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES CONTESTÉES : 2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 18 décembre 2003 susvisée : « Les charges résultant, pour les départements, des transfert et création de compétences réalisés par la présente loi sont compensées par l'attribution de ressources constituées d'une partie du produit d'un impôt perçu par l'État dans les conditions fixées par la loi de finances. « Au titre de l'année 2004, la compensation prévue au premier alinéa est calculée sur la base des dépenses engendrées par le paiement du revenu minimum d'insertion en 2003. « Au titre des années suivantes, la compensation sera ajustée de manière définitive au vu des comptes administratifs des départements pour 2004 dans la loi de finances suivant l'établissement desdits comptes » ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 59 de la loi du 30 décembre 2003 susvisée : « I. Les ressources attribuées au titre des transferts de compétences prévus par la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité sont équivalentes au montant des dépenses exécutées par l'État en 2003 au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion et de l'allocation de revenu de solidarité prévu à l'article L. 522-14 du code de l'action sociale et des familles. « Ces ressources sont composées d'une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers. Cette part est obtenue, pour l'ensemble des départements, par application d'une fraction du tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers aux quantités de carburants vendues sur l'ensemble du territoire national. « La fraction de tarif mentionnée à l'alinéa précédent est calculée de sorte qu'appliquée aux quantités de carburants vendues sur l'ensemble du territoire en 2003, elle conduise à un produit égal au montant des dépenses exécutées par l'État en 2003 au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion et de l'allocation de revenu de solidarité. Jusqu'à la connaissance des montants définitifs des quantités et dépenses susmentionnées, cette fraction est fixée à : « 12,36 euros par hectolitre s'agissant des supercarburants sans plomb ; « 13,34 euros par hectolitre s'agissant du supercarburant sans plomb contenant un additif améliorant les caractéristiques antirécession de soupape ou tout autre additif reconnu de qualité équivalente dans un autre État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ; « 8,21 euros par hectolitre s'agissant du gazole présentant un point d'éclair inférieur à 120 °C. « Le niveau de cette fraction est modifié par une prochaine loi de finances afférente à l'année 2004._ Cette modification tient compte du coût supplémentaire résultant pour les départements, d'une part, de la création d'un revenu minimum d'activité, et, d'autre part, de l'augmentation du nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion résultant de la limitation de la durée de versement de l'allocation de solidarité spécifique. « Le niveau définitif de cette fraction est arrêté par la plus prochaine loi de finances après la connaissance des montants définitifs de dépenses exécutées par les départements en 2004 au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion et du revenu minimum d'activité. Il tient compte du coût supplémentaire résultant pour les départements, d'une part, de la création d'un revenu minimum d'activité, et, d'autre part, de l'augmentation du nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion résultant de la limitation de la durée de versement de l'allocation de solidarité spécifique. « Chaque département reçoit un pourcentage de la part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers mentionnée au deuxième alinéa. Ce pourcentage est égal, pour chaque département, au montant des dépenses exécutées par l'État en 2003 au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion et de l'allocation de revenu de solidarité dans ce département, rapporté au montant total de ces dépenses dans l'ensemble des départements. Ces pourcentages sont constatés par un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé du budget. Jusqu'à la connaissance des montants définitifs de dépenses exécutées par l'État en 2003 au titre de l'allocation de revenu minimum d'insertion, ces pourcentages sont fixés provisoirement par un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé du budget. « À compter de l'année 2006, le Gouvernement remet tous les trois ans au Parlement, au plus tard le jour du dépôt du projet de loi de finances de l'année, un rapport relatif : « - à l'évolution annuelle, pour chaque département, d'un ratio harmonisé rapportant le nombre des allocataires du revenu minimum d'insertion, des allocataires du revenu de solidarité et des bénéficiaires du revenu minimum d'activité au montant de la dépense effectuée au titre de l'exercice des politiques publiques transférées par la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 précitée ; « - au bilan de la gestion administrative et financière de ces politiques publiques par chaque département, sous la forme d'indicateurs annuels de résultats harmonisés et renseignés par des informations transmises par les conseils généraux ; « - à l'analyse des variations annuelles selon les départements du nombre des allocataires du revenu minimum d'insertion, des allocataires du revenu de solidarité et des bénéficiaires du revenu minimum d'activité. « II. Après le troisième alinéa de l'article L. 351-10 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « Après un rapport d'évaluation et suivant des modalités fixées par décret, à l'échéance de la période de versement de l'allocation, le bénéficiaire peut saisir une commission de recours qui pourra prolonger le bénéfice de l'allocation à condition que l'intéressé se soit engagé dans une démarche active et encadrée de recherche d'emploi » ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 30 décembre 2005 susvisée : « I. Le I de l'article 59 de la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003) est ainsi modifié : « 1° Le premier alinéa est complété par les mots : " et au montant des dépenses exécutées par les départements en 2004 au titre de l'allocation de revenu minimum d'activité " ; « 2° Dans le troisième alinéa, après les mots : " de l'allocation de revenu de solidarité ", sont insérés les mots : " et au montant des dépenses exécutées par les départements en 2004 au titre de l'allocation de revenu minimum d'activité " ; « 3° Dans la deuxième phrase du huitième alinéa, après les mots : " dans ce département ", sont insérés les mots : " et au montant des dépenses exécutées par ce département en 2004 au titre de l'allocation de revenu minimum d'activité " ; « 4° Dans le quinzième alinéa, après les mots : " de l'allocation de revenu de solidarité ", sont insérés les mots : " et au montant des dépenses exécutées par les départements en 2004 au titre de l'allocation de revenu minimum d'activité ". « II. A. Le niveau définitif de la fraction de tarif mentionné au septième alinéa du I de l'article 59 de la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003) est fixé à : « 12,50 euros par hectolitre s'agissant des supercarburants sans plomb ; « 13,62 euros par hectolitre s'agissant du supercarburant sans plomb contenant un additif améliorant les caractéristiques antirécession de soupape ou tout autre additif reconnu de qualité équivalente dans un autre État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ; « 8,31 euros par hectolitre s'agissant du gazole présentant un point d'éclair inférieur à 120 °C. « B. Le tableau figurant au I du même article est ainsi rédigé : (tableau publié dans le Journal officiel n° 304 du 31 décembre 2005, texte numéro 2) « III. En 2005, un montant de 456 752 304 euros est attribué aux départements sur le produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers revenant à l'État. « À chaque département est attribué un montant égal à l'écart positif constaté entre la dépense exécutée en 2004 au titre du revenu minimum d'insertion et du revenu minimum d'activité et le droit à compensation de ce département, conformément au tableau suivant : (tableau publié dans le Journal officiel n° 304 du 31 décembre 2005, texte numéro 2) « IV. Le Gouvernement présentera au Parlement, avant le 1er juin 2007, un rapport procédant à l'évaluation de la performance de gestion du revenu minimum d'insertion et du revenu minimum d'activité par les départements et définissant les modalités de compensation financière correspondant à la différence entre les dépenses de revenu minimum d'insertion et de revenu minimum d'activité réellement effectuées par les départements et le droit à compensation prévu par la loi » ; 5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version issue de l'article 3 de la loi du 1er décembre 2008 susvisée : « I. Le revenu de solidarité active est financé par le fonds national des solidarités actives mentionné au II et les départements. « La contribution de chaque département est égale à la différence, établie pour chaque foyer relevant de sa compétence en application de l'article L. 262-13, entre le montant forfaitaire mentionné au 2° de l'article L. 262-2 applicable au foyer et les ressources de celui-ci. Par dérogation aux dispositions du chapitre II du titre II du livre Ier, le revenu de solidarité active est à la charge du département dans lequel le demandeur réside ou a élu domicile, dans les conditions prévues au chapitre IV du titre VI du présent livre. « Par exception au deuxième alinéa, lorsque, au sein du foyer, une personne bénéficiaire du revenu de solidarité active financé par le département a conclu la convention individuelle mentionnée à l'article L. 5134-19-1 du code du travail, l'allocation est, pendant la période mentionnée au 5° de l'article L. 262-3 du présent code, intégralement à la charge du fonds national des solidarités actives. « Le fonds national des solidarités actives finance la différence entre le total des sommes versées au titre de l'allocation de revenu de solidarité active par les organismes chargés de son service et la somme des contributions de chacun des départements. Il prend également en charge ses frais de fonctionnement ainsi qu'une partie des frais de gestion exposés par les organismes mentionnés à l'article L. 262-16. « II. Le fonds national des solidarités actives est administré par un conseil de gestion dont la composition, les modalités de désignation des membres et les modalités de fonctionnement sont fixées par décret. « Sa gestion est assurée par la Caisse des dépôts et consignations. « III. Les recettes du fonds national des solidarités actives sont, notamment, constituées par une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale et une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-15 du même code. Ces contributions additionnelles sont assises, contrôlées, recouvrées et exigibles dans les mêmes conditions et sont passibles des mêmes sanctions que celles applicables à ces prélèvements sociaux. Leur taux est fixé à 1,1 % et ne peut l'excéder. Ce taux sera diminué, au vu de l'effet du plafonnement institué par la loi de finances pour 2009, du montant cumulé de l'avantage en impôt pouvant être retiré par un contribuable de l'application de dépenses fiscales propres à l'impôt sur le revenu. « L'État assure l'équilibre du fonds national des solidarités actives en dépenses et en recettes. « IV. Le Gouvernement dépose annuellement au Parlement, avant le dépôt du projet de loi de finances afférent à l'exercice suivant, un rapport faisant état de la mise en œuvre du revenu de solidarité active, du produit des contributions définies au premier alinéa du III, du produit du plafonnement du montant cumulé de l'avantage en impôt pouvant être retiré par un contribuable de dépenses fiscales propres à l'impôt sur le revenu, et de l'équilibre du fonds national des solidarités actives pour le dernier exercice clos ainsi que de ses prévisions d'équilibre pour l'exercice en cours et l'exercice suivant. Ce rapport propose, le cas échéant, une diminution du taux des contributions définies au premier alinéa du III en fonction de ces prévisions d'équilibre » ; 6. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la même loi du 1er décembre 2008 : « I. S'agissant de la contribution des départements au financement du revenu de solidarité active, mentionnée à l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction issue de la présente loi, le maintien de la compétence transférée par la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation du revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité demeure compensé dans les conditions fixées à l'article 4 de cette loi. « À la date d'entrée en vigueur de la présente loi, l'allocation à la charge des départements mentionnée à l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de la présente loi, est calculée selon les mêmes modalités réglementaires que l'allocation prévue à l'article L. 262-3 du même code dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la présente loi. « II. En ce qui concerne l'extension de compétences réalisée par la présente loi, les charges supplémentaires qui en résultent pour les départements sont intégralement compensées par l'État dans les conditions fixées par la loi de finances. « À la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le montant forfaitaire majoré mentionné à l'article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de la présente loi, est calculé selon les mêmes modalités réglementaires que l'allocation prévue à l'article L. 524-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la présente loi. « La compensation financière mentionnée au premier alinéa s'opère, à titre principal, par l'attribution d'impositions de toute nature. « Si les recettes provenant des impositions attribuées en application de l'alinéa précédent diminuent, l'État compense cette perte dans des conditions fixées en loi de finances afin de garantir aux départements un niveau de ressources équivalant au montant du droit à compensation résultant de l'application du premier alinéa du présent II. Ces diminutions de recettes et les mesures de compensation prises au titre du présent alinéa font l'objet d'un rapport de la commission consultative sur l'évaluation des charges mentionnée à l'article L. 1211-4-1 du code général des collectivités territoriales. « Au titre de l'année 2009, cette compensation est calculée, pour les départements métropolitains, sur la base de la moitié des dépenses exposées par l'État en 2008 au titre de l'allocation de parent isolé, nettes des sommes exposées au titre de l'intéressement proportionnel et forfaitaire relevant de l'article L. 524-5 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la présente loi, constatées au 31 décembre 2008 par le ministre chargé de l'action sociale, et déduction faite du montant, constaté par le même ministre, de la moitié des dépenses ayant incombé aux départements en 2008 au titre de l'intéressement proportionnel et forfaitaire relevant de l'article L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente loi. « Cette compensation est ajustée au vu des dépenses constatées dans les comptes administratifs des départements pour l'année 2009 en faveur des bénéficiaires du montant forfaitaire majoré mentionné à l'article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction issue de la présente loi. Cet ajustement est inscrit dans la loi de finances suivant l'établissement de ces comptes. « Au titre des années suivantes, la compensation est ajustée de manière définitive au vu des dépenses constatées dans les comptes administratifs des départements pour 2010 en faveur des bénéficiaires du montant forfaitaire majoré mentionné à l'article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction issue de la présente loi. Cet ajustement est inscrit dans la loi de finances suivant l'établissement de ces comptes. « III. La commission consultative sur l'évaluation des charges prévue à l'article L. 1211-4-1 du code général des collectivités territoriales est consultée, dans les conditions prévues aux articles L. 1614-3 et L. 1614-3-1 du même code : « - en 2009, pour vérifier l'exactitude des calculs concernant les dépenses engagées par l'État au titre de l'allocation de parent isolé en 2008, et concernant le coût en 2008 des intéressements proportionnels et forfaitaires relevant des articles L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles et L. 524-5 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction antérieure à la promulgation de la présente loi ; « - en 2010, sur les modalités d'évaluation des charges résultant de l'extension de compétences visée au II du présent article ; « - en 2011, sur les modalités d'évaluation des charges résultant de l'extension de compétences visée au II et sur l'adéquation de la compensation définitive au montant des dépenses engagées par les conseils généraux » ; 7. Considérant qu'aux termes de l'article 51 de la loi du 27 décembre 2008 susvisée : « I. Les ressources attribuées aux départements métropolitains au titre de l'extension de compétence résultant de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion sont composées d'une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers. Cette part est obtenue, pour l'ensemble des départements, par application d'une fraction du tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers aux quantités de carburants vendues sur l'ensemble du territoire national. « La fraction de tarif mentionnée à l'alinéa précédent, calculée de sorte qu'appliquée aux quantités de carburants vendues sur l'ensemble du territoire en 2008 elle conduise à un produit égal au montant prévu par le deuxième alinéa du II de l'article 7 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 précitée, s'élève à : « 0,82 euros par hectolitre s'agissant des supercarburants sans plomb ; « 0,57 euros par hectolitre s'agissant du gazole présentant un point d'éclair inférieur à 120 °C. « Cette fraction est corrigée au vu des montants définitifs de dépenses exécutées en 2008 au titre de l'allocation de parent isolé, de l'intéressement proportionnel et forfaitaire prévu à l'article L. 524-5 du code de la sécurité sociale et de l'intéressement proportionnel et forfaitaire prévu à l'article L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 précitée. « Chaque département métropolitain reçoit un pourcentage de la part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers mentionnée au premier alinéa. Ce pourcentage est égal, pour chaque département, au montant des dépenses exécutées en 2008 par l'État dans ce département au titre de l'allocation de parent isolé, diminué des sommes exposées au titre de l'intéressement proportionnel et forfaitaire alors prévu à l'article L. 524-5 du code de la sécurité sociale ainsi que des dépenses ayant incombé au département en 2008 au titre de l'intéressement proportionnel et forfaitaire alors prévu à l'article L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 précitée, rapporté au montant total de ces dépenses dans l'ensemble des départements métropolitains, diminué dans les mêmes conditions. « À compter du 1er juillet 2009, ces pourcentages sont fixés comme suit : (tableau publié dans le Journal officiel n° 302 du 28 décembre 2008, texte numéro 1) « Si le produit affecté globalement aux départements en vertu des fractions de tarif qui leur sont attribuées par la loi de finances représente un montant annuel inférieur au montant du droit à compensation résultant de l'application du deuxième alinéa du II de l'article 7 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 précitée, la différence fait l'objet d'une attribution d'une part correspondante du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers revenant à l'État. « II. A. Le II de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 est ainsi modifié : « 1° Au sixième alinéa, après les mots : article 59 de la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003), sont insérés les mots : et du I de l'article 51 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 ; « 2° Au huitième alinéa, les mots : de l'allocation de revenu minimum d'insertion et de l'allocation de revenu de solidarité sont remplacés par les mots : de l'allocation de revenu de solidarité active dans les conditions prévues par la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion. « B. En 2009, les versements mensuels du compte de concours financiers régi par le II de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 au titre de la part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers affectée à chaque département en application du I du présent article sont effectués à compter du mois de juillet et à raison d'un sixième du droit à compensation du département au titre de cette année » ; 8. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 14-10-6 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version issue de l'article 12 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 : « II. À compter de l'année 2004, le montant du concours visé au premier alinéa du 3° du I est réparti annuellement entre les départements en fonction des critères suivants : « a) Le nombre de personnes âgées de plus de soixante-quinze ans ; « b) Le montant des dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie ; « c) Le potentiel fiscal, déterminé selon les modalités définies à l'article L. 3334-6 du code général des collectivités territoriales ; « d) Le nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion. « En aucun cas, le rapport entre, d'une part, les dépenses réalisées au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie de chaque département après déduction du montant ainsi réparti et, d'autre part, leur potentiel fiscal ne peut être supérieur à un taux fixé par voie réglementaire. Les dépenses correspondant à la fraction de ce rapport qui dépasse ce seuil sont prises en charge en totalité par la caisse. « L'attribution résultant de l'opération définie au premier alinéa du présent II pour les départements autres que ceux ayant bénéficié d'un complément de dotation au titre de l'alinéa précédent est diminuée de la somme des montants ainsi calculés, au prorata de la répartition effectuée en application dudit alinéa entre ces seuls départements. « Les opérations décrites aux deux alinéas précédents sont renouvelées jusqu'à ce que les dépenses laissées à la charge de chaque département n'excèdent pas le seuil défini au sixième alinéa du présent II. « Le concours de la caisse aux départements fait l'objet d'acomptes correspondant au minimum à 90 % des produits disponibles de la section visée au 3° du I, après prise en compte des charges mentionnées au 6° dudit I » ; 9. Considérant que ces dispositions sont relatives : - à la compensation par l'État du transfert aux départements de la gestion et du financement de l'allocation de revenu minimum d'insertion ; - aux charges résultant pour ces collectivités de la création du revenu minimum d'activité, de la réforme de l'allocation spécifique de solidarité et de la part de l'allocation de revenu de solidarité active correspondant à l'ancienne allocation de revenu minimum d'insertion ; - à l'intégration des bénéficiaires de l'allocation de parent isolé dans le champ de la prestation de revenu de solidarité active ; - aux modalités de la répartition du concours de l'État destiné à prendre en charge une partie du coût de l'allocation personnalisée d'autonomie ; 10. Considérant que les départements requérants soutiennent que ces dispositions ne permettent de répondre, en l'absence de ressources suffisantes, ni à l'importance ni à l'augmentation des charges précitées ; qu'elles méconnaîtraient le principe de compensation institué par le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution ; qu'elles entraveraient la libre administration des collectivités territoriales en violation de son article 72 ; - SUR LES NORMES CONSTITUTIONNELLES APPLICABLES : 11. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution : « Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi » ; 12. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il transfère aux collectivités territoriales des compétences auparavant exercées par l'État, le législateur est tenu de leur attribuer des ressources correspondant aux charges constatées à la date du transfert ; 13. Considérant, d'autre part, que ces dispositions ne visent, en ce qui concerne les créations et extensions de compétences, que celles qui présentent un caractère obligatoire ; que, dans cette hypothèse, il n'est fait obligation au législateur que d'accompagner ces créations ou extensions de compétences de ressources dont il lui appartient d'apprécier le niveau ; 14. Considérant, toutefois, que les règles fixées par la loi sur le fondement de ces dispositions ne sauraient avoir pour effet de restreindre les ressources des collectivités territoriales au point de dénaturer le principe de libre administration de ces collectivités, tel qu'il est défini par l'article 72 de la Constitution ; 15. Considérant, en outre, qu'il résulte des dispositions combinées du troisième alinéa de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée et du troisième alinéa de son article 23-5 que le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qui a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une de ses décisions, sauf changement des circonstances ; - SUR LE FINANCEMENT DU REVENU MINIMUM D'INSERTION ET DU REVENU MINIMUM D'ACTIVITÉ : 16. Considérant que, d'une part, le transfert aux départements, à compter du 1er janvier 2004, de la gestion des allocations dues au titre du revenu minimum d'insertion s'analyse, au sens du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, comme un transfert de compétences entre l'État et les départements, lequel doit être accompagné de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice en 2003 ; que, d'autre part, l'institution du revenu minimum d'activité constitue, au sens de la même disposition, une création ou extension de compétences qui, dès lors qu'elle revêt un caractère obligatoire et qu'elle a pour conséquence d'augmenter les dépenses des départements, doit être accompagnée de ressources déterminées par la loi ; que le revenu minimum d'insertion et le revenu minimum d'activité ont été remplacés le 1er juin 2009, en métropole, par le revenu de solidarité active ; . En ce qui concerne l'article 4 de la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité : 17. Considérant que, dans les considérants 10 à 15 de sa décision du 18 décembre 2003, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné l'article 4 de la loi du 18 décembre 2003 ; que l'article 1er du dispositif de cette décision a déclaré cet article 4 conforme à la Constitution ; qu'il n'existe aucun changement des circonstances de nature à permettre un nouvel examen de constitutionnalité de cette disposition dès lors que le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution exige seulement que le transfert de compétences s'accompagne de l'attribution de ressources « équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice » ou que la création ou l'extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales soit « accompagnée de ressources déterminées par la loi » ; qu'en outre, si les charges exposées par les départements au titre des allocations de revenu minimum d'insertion et de revenu minimum d'activité ont augmenté plus que les ressources qui étaient consacrées au revenu minimum d'insertion avant son transfert et que celles déterminées par la loi pour la création du revenu minimum d'activité, il n'en résulte aucun changement des circonstances de nature à permettre au Conseil constitutionnel de procéder à un nouvel examen de cette disposition ; . En ce qui concerne l'article 59 de la loi du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 : 18. Considérant que, dans les considérants 19 à 25 de sa décision du 29 décembre 2003, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné l'article 59 de la loi du 30 décembre 2003 ; que l'article 2 du dispositif de cette décision a déclaré cet article 59 conforme à la Constitution sous la réserve que « si les recettes départementales provenant de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers venaient à diminuer, il appartiendrait à l'État de maintenir un niveau de ressources équivalant à celui qu'il consacrait à l'exercice de cette compétence avant son transfert » ; qu'il est constant que cette réserve a été respectée ; que, par suite, en l'absence de changement des circonstances, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de procéder à un nouvel examen de cette disposition ; . En ce qui concerne l'article 2 de la loi du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 : 19. Considérant que le paragraphe I de l'article 2 de la loi du 30 décembre 2005 apporte des précisions sur la prise en charge par l'État des coûts liés à l'instauration du revenu minimum d'activité par les départements ; que son paragraphe II ajuste les fractions de tarifs fixées par la loi de finances pour 2004, afin de tenir compte des surcoûts liés à cette prestation ; que son paragraphe III prévoit le versement aux départements d'une somme de 456 752 304 euros correspondant aux dépenses supplémentaires réalisées par eux en 2003 ; que son paragraphe IV prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport « procédant à l'évaluation de la performance de gestion du revenu minimum d'insertion et du revenu minimum d'activité par les départements et définissant les modalités de compensation financière correspondant à la différence entre les dépenses de revenu minimum d'insertion et de revenu minimum d'activité réellement effectuées par les départements et le droit à compensation prévu par la loi » ; que ces dispositions, qui ont pour objet d'accroître les ressources des départements pour faire face aux dépenses qui sont mises à leur charge, ne méconnaissent pas le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution ; qu'elles n'ont pas eu pour effet, non plus, malgré l'évolution de ces dépenses, d'entraver la libre administration des départements ; - SUR LE FINANCEMENT DU REVENU DE SOLIDARITÉ ACTIVE : 20. Considérant que l'institution du revenu de solidarité active doit être regardée, au sens du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, d'une part, comme un transfert de compétences en tant qu'il remplace l'allocation de revenu minimum d'insertion et l'allocation de parent isolé et, d'autre part, comme une création ou extension de compétences en tant qu'il remplace le revenu minimum d'activité ; . En ce qui concerne l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles : 21. Considérant que l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de l'article 3 de la loi du 1er décembre 2008 susvisée, prévoit que les départements continuent à assumer la charge du financement de la part de l'allocation de revenu de solidarité active correspondant à l'ancienne allocation de revenu minimum d'insertion et prennent en charge la part correspondant à l'ancienne allocation de parent isolé ; que le supplément correspondant à la conservation d'une fraction des revenus de leur travail par les bénéficiaires est à la charge de l'État à travers le fonds national des solidarités actives ; 22. Considérant que, par les mêmes motifs que ceux énoncés dans le considérant 106 de sa décision du 29 décembre 2009 relatif à l'extension du revenu de solidarité aux jeunes actifs de moins de vingt-cinq ans, il y a lieu de déclarer cette disposition conforme à l'article 72-2 de la Constitution ; qu'au demeurant, cette disposition n'a pas pour effet de restreindre les ressources des collectivités territoriales ; . En ce qui concerne l'article 7 de la loi du 1er décembre 2008 susvisée : 23. Considérant que le paragraphe I de cet article 7 prévoit que, pour la fraction du revenu de solidarité active qui correspond au revenu minimum d'insertion, la compensation est réalisée dans les mêmes conditions ; qu'il précise, en outre, que les modalités réglementaires de calcul de la nouvelle allocation instituée pour les personnes dépourvues de ressources sont les mêmes que pour le revenu minimum d'insertion ; qu'il s'ensuit que la contribution des départements au financement du revenu de solidarité active n'est pas modifiée par rapport à leur contribution au financement du revenu minimum d'insertion ; 24. Considérant que le paragraphe II du même article 7 prévoit que les charges supplémentaires qui résultent pour les départements de « l'extension de leurs compétences » telle que prévue par la loi seront compensées par l'État dans les conditions fixées par la loi de finances ; que, toutefois, comme il a été dit, la prise en charge par les départements de la part du revenu de solidarité active correspondant à l'allocation de parent isolé, dont le coût était antérieurement assumé par l'État, ne saurait être interprété, au sens du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, que comme un transfert de compétences entre l'État et les départements, lequel doit être accompagné de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient antérieurement consacrées à leur exercice ; 25. Considérant que, sous la réserve énoncée au considérant précédent, l'article 7 de la loi du 1er décembre 2008 n'est contraire ni au quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution ni à son article 72 ; . En ce qui concerne l'article 51 de la loi du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 : 26. Considérant que l'article 51 de la loi du 27 décembre 2008 procède à l'affectation aux départements d'une fraction de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers pour la prise en charge du revenu de solidarité active dû à compter du 1er juin 2009 ; qu'il précise que cette fraction doit permettre d'affecter aux départements un montant égal à celui prévu par l'article 3 de la loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion ; qu'il prévoit que ces fractions seront modifiées une fois définitivement connus les montants de l'allocation de parent isolé, de l'intéressement lié à cette allocation et de l'intéressement lié au revenu minimum d'insertion pour l'année 2008 ; qu'il établit les modalités de répartition, entre les départements, du montant global de la compensation obtenu par application des fractions de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers ; 27. Considérant que ces dispositions maintiennent le versement aux départements du montant des ressources que l'État consacrait au revenu minimum d'insertion avant son transfert à ces collectivités ; qu'elles ont pour effet de prévoir également le versement aux départements d'une somme équivalant aux ressources consacrées par l'État à l'exercice des compétences transférées aux départements en matière d'allocation de parent isolé ; qu'ainsi, elles ne méconnaissent pas le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution ; qu'elles n'ont pas davantage pour effet de dénaturer le principe de libre administration des départements ; - SUR L'ALLOCATION PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE : 28. Considérant que, par décision n° 2011-143 QPC de ce jour, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article L. 14-10-6 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version issue du paragraphe II de l'article 12 de la loi du 30 juin 2004 susvisée, conforme à la Constitution sous la réserve énoncée au considérant 13 de cette décision ; que, par suite, il n'y a plus lieu d'examiner cette disposition ; 29. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Il n'y a pas lieu de statuer sur : - l'article 4 de la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité ; - l'article 59 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 ; - l'article L. 14-10-6 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version issue du paragraphe II de l'article 12 de la loi du 30 juin 2004 susvisée. Article 2.- Sous la réserve énoncée au considérant 24, l'article 7 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion est conforme à la Constitution. Article 3.- Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes : - l'article 2 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 ; - l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, issu de l'article 3 de la loi précitée du 1er décembre 2008 ; - l'article 51 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009. Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 30 juin 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 avril 2011 par le Conseil d'État (décision n° 346205-346239 du 20 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les départements de la Seine-Saint-Denis et de l'Hérault, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 11 et 12 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées et des articles L. 14 10 5 et L. 14 10 6 du code de l'action sociale et des familles dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l'action sociale et des familles ; Vu le code de la sécurité sociale ; Vu la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2001-447 DC du 18 juillet 2001 ; Vu la loi n° 2003-289 du 31 mars 2003 portant modification de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie ; Vu la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ; Vu la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites en intervention pour les départements du Cher et du Val-d'Oise par la SCP CGCB et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 13 mai et 7 juin 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour le département de Paris par Me Dominique Foussard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 16 mai 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour le département de Seine-Maritime par Bruno Kern Avocats SELAS, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 16 mai 2011 ; Vu les observations produites pour le département des Deux-Sèvres par la SELARL Boissonnet Rubi Raffin Giffo, avocat au barreau de Nantes, enregistrées le 18 mai 2011 ; Vu les observations produites pour le département du Territoire de Belfort par la SELARL Landot et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 18 mai 2011 ; Vu les observations produites pour le département de la Seine-Saint-Denis et pour ceux de l'Aisne, l'Allier, des Côtes-d'Armor, du Doubs, de l'Eure, de la Gironde, d'Ille-et-Vilaine, de Meurthe-et-Moselle, du Nord, de l'Oise, du Pas-de-Calais, de Seine-et-Marne, de Vaucluse, de Haute-Vienne et de l'Essonne par la SCP Bernard Peignot et Denis Garreau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et par la SCP Seban et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 19 mai 2011 ; Vu les observations produites pour le département de Saône-et-Loire par la SCP Jean François Boutet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 19 mai 2011 ; Vu les observations produites pour le département de l'Hérault par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 19 mai 2011 ; Vu les observations produites pour les départements des Alpes-de-Haute-Provence et du Puy-de-Dôme par la SCP Coutard Mayer Munier-Apaire, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et par la SELARL Matharan Pintat Raymundie, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 19 mai 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 19 mai et 7 juin 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour les départements de Loire-Atlantique, du Lot, du Lot-et-Garonne, de la Nièvre, des Pyrénées-Atlantiques et de la Haute-Saône, par la SCP Bernard Peignot et Denis Garreau et par la SCP Seban et Associés, enregistrées les 19 et 27 mai et 7 juin 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour le département de l'Ardèche par la SCP Jean-François Boutet, enregistrées le 19 mai 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour les départements de l'Aude, des Bouches-du-Rhône, de la Charente, de la Creuse, de la Drôme, du Finistère, de la Haute-Garonne, du Gers, des Landes, de la Meuse, des Hautes-Pyrénées et du Tarn par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, enregistrées les 24, 25, 27 et 31 mai, 1er et 6 juin 2011 ; Vu les nouvelles observations produites pour les départements de la Dordogne, du Gard, de l'Hérault, de l'Isère et des Pyrénées-Orientales par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, enregistrées les 24, 25, 26 et 27 mai et 7 juin 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour le département de l'Ain par la SELARL Itinéraires Droit Public, avocat au barreau de Lyon, enregistrées le 26 mai 2011 ; Vu les observations produites en intervention pour le département de l'Ariège par la SELARL Molas et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 30 mai 2011 ; Vu les nouvelles observations produites pour le département de Saône-et-Loire par la SCP Jean François Boutet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 7 juin 2011 ; Vu les demandes de récusation présentées pour le département de Saône-et-Loire, enregistrées le 17 mai 2011, réitérées le 9 juin 2011, et examinées par le Conseil constitutionnel le 26 mai 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Jean-François Boutet, Me Frédéric Thiriez, Me Didier Seban, Me Pierre Pintat, Me Bertrand Vendé, avocat au barreau de Nantes, Me Ferdinand de Soto, avocat au barreau de Paris, Me Bruno Kern, Me Marc Richer, avocat au barreau de Paris, Me Dominique Foussard et Me Denis Garreau pour les départements requérants et intervenants, M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 14 juin 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 30 juin 2004 susvisée : « Les produits affectés à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie sont constitués par : « 1° Une contribution au taux de 0,3 % due par les employeurs privés et publics. Cette contribution a la même assiette que les cotisations patronales d'assurance maladie affectées au financement des régimes de base de l'assurance maladie. Elle est recouvrée dans les mêmes conditions et sous les mêmes garanties que lesdites cotisations ; « 2° Une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale et une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-15 du même code. Ces contributions additionnelles sont assises, contrôlées, recouvrées et exigibles dans les mêmes conditions que celles applicables à ces prélèvements sociaux. Leur taux est fixé à 0,3 % ; « 3° Une fraction de 0,1 point du produit des contributions sociales mentionnées aux articles L. 136-1, L. 136-6, L. 136-7 et L. 136-7-1 du même code ; « 4° Une participation des régimes obligatoires de base de l'assurance vieillesse, représentative d'une fraction identique pour tous les régimes, déterminée par voie réglementaire, des sommes consacrées par chacun de ceux-ci en 2000 aux dépenses d'aide ménagère à domicile au bénéfice des personnes âgées dépendantes remplissant la condition de perte d'autonomie mentionnée à l'article L. 232 2 du code de l'action sociale et des familles ; cette fraction ne peut être inférieure à la moitié ni supérieure aux trois quarts des sommes en cause. Le montant de cette participation est revalorisé chaque année, par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, conformément à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation hors tabac prévue dans le rapport économique et financier annexé à la loi de finances pour l'année considérée » ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 30 juin 2004 : « I. Les charges de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie sont constituées, pour l'année 2004, par : « 1° Le remboursement du capital et des intérêts de l'emprunt prévu par l'article 5 de la loi n° 2003-289 du 31 mars 2003 portant modification de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie. « Cette charge est retracée dans une section spécifique abondée, à hauteur des besoins, par les produits des contributions visées aux 1° et 2° de l'article 11 ; « 2° Une contribution au financement par les régimes obligatoires de base de l'assurance maladie des établissements et services mentionnés au 6° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles pour les personnes âgées et au 2° de l'article L. 6111-2 du code de la santé publique. « Cette charge est retracée dans une section spécifique abondée par 30 % du solde des produits des contributions mentionnées aux 1° et 2° de l'article 11, disponible après application du 1° du présent I ; « 3° Un concours versé aux départements, destiné à prendre en charge une partie du coût de l'allocation personnalisée d'autonomie visée à l'article L. 232-1 du code de l'action sociale et des familles. « Le montant de ce concours est réparti selon les modalités prévues au II du présent article. « Cette charge est retracée dans une section spécifique abondée par : « a) Le produit de la contribution sociale généralisée mentionné au 3° de l'article 11, sous réserve des dispositions prévues au 4° du présent I ; « b) 70 % du solde disponible, après application du 1° du présent I, des produits des contributions visées aux 1° et 2° de l'article 11 ; « c) Le produit prévu au 4° de l'article 11 ; « 4° Les dépenses de modernisation des services ou de professionnalisation de tous les métiers qui apportent au domicile des personnes âgées dépendantes une assistance dans les actes quotidiens de la vie afin, notamment, de promouvoir des actions innovantes, de renforcer la professionnalisation et de développer la qualité des services ainsi que les dépenses de formation et de qualification des personnels soignants recrutés dans le cadre des mesures nouvelles de médicalisation des établissements et services mentionnés au 6° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles et au 2° de l'article L. 6111-2 du code de la santé publique. « Cette charge est retracée dans une section spécifique abondée par une fraction du produit de la contribution sociale généralisée mentionné au 3° de l'article 11. Cette fraction, fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, ne peut être inférieure à 5 % ni supérieure à 12 % des sommes en cause. « Les projets de modernisation de l'aide à domicile sont agréés par le ministre chargé des personnes âgées et financés par la caisse dans la limite des crédits disponibles ; « 5° Les dépenses d'animation et de prévention dans les domaines d'action de la caisse en ce qui concerne les personnes âgées. « Ces charges sont retracées dans une section spécifique abondée par une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, des ressources de la section mentionnée au 2° ; « 6° Les frais de gestion de la caisse. « La charge de ces frais est retracée dans une section spécifique, équilibrée par un prélèvement sur les ressources encaissées par la caisse réparti entre les sections mentionnées aux 2°, 3°, 4° et 5°, au prorata du montant des ressources qui leur sont affectées. « La caisse suit l'ensemble de ces opérations dans des comptes spécifiques ouverts au titre desdites sections. « II. À compter de l'année 2004, le montant du concours visé au premier alinéa du 3° du I est réparti annuellement entre les départements en fonction des critères suivants : « a) Le nombre de personnes âgées de plus de soixante-quinze ans ; « b) Le montant des dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie ; « c) Le potentiel fiscal, déterminé selon les modalités définies à l'article L. 3334-6 du code général des collectivités territoriales ; « d) Le nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion. « En aucun cas, le rapport entre, d'une part, les dépenses réalisées au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie de chaque département après déduction du montant ainsi réparti et, d'autre part, leur potentiel fiscal ne peut être supérieur à un taux fixé par voie réglementaire. Les dépenses correspondant à la fraction de ce rapport qui dépasse ce seuil sont prises en charge en totalité par la caisse. « L'attribution résultant de l'opération définie au premier alinéa du présent II pour les départements autres que ceux ayant bénéficié d'un complément de dotation au titre de l'alinéa précédent est diminuée de la somme des montants ainsi calculés, au prorata de la répartition effectuée en application dudit alinéa entre ces seuls départements. « Les opérations décrites aux deux alinéas précédents sont renouvelées jusqu'à ce que les dépenses laissées à la charge de chaque département n'excèdent pas le seuil défini au sixième alinéa du présent II. « Le concours de la caisse aux départements fait l'objet d'acomptes correspondant au minimum à 90 % des produits disponibles de la section visée au 3° du I, après prise en compte des charges mentionnées au 6° dudit I » ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 14-10-5 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2005 susvisée : « La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie retrace ses ressources et ses charges en six sections distinctes selon les modalités suivantes : « I. Une section consacrée au financement des établissements ou services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article L. 314-3 1, qui est divisée en deux sous-sections. « 1. La première sous-section est relative aux établissements et services mentionnés au 1° de l'article L. 314-3-1 et à ceux du 2° du même article qui accueillent principalement des personnes handicapées. Elle retrace : « a) En ressources, une fraction au moins égale à 10 % et au plus égale à 14 % du produit des contributions visées aux 1° et 2° de l'article L. 14-10-4, ainsi que la part de la contribution des régimes d'assurance maladie, mentionnée au deuxième alinéa du I de l'article L. 314-3, qui est destinée au financement de ces établissements ou services ; « b) En charges, le remboursement aux régimes d'assurance maladie des charges afférentes à l'accueil de leurs affiliés dans ces établissements ou services. « 2. La deuxième sous-section est relative aux établissements et services mentionnés au 3° de l'article L. 314-3-1 et à ceux du 2° du même article qui accueillent principalement des personnes âgées. Elle retrace : « a) En ressources, 40 % du produit des contributions visées aux 1° et 2° de l'article L. 14-10-4, ainsi que la part de la contribution des régimes d'assurance maladie, mentionnée au deuxième alinéa du I de l'article L. 314-3, qui est destinée au financement de ces établissements ou services ; « b) En charges, le remboursement aux régimes d'assurance maladie des charges afférentes à l'accueil de leurs affiliés dans ces établissements ou services. « Les opérations comptables relatives aux produits et aux charges de la présente section sont effectuées simultanément à la clôture des comptes de l'exercice. « II. Une section consacrée à la prestation d'allocation personnalisée d'autonomie mentionnée à l'article L. 232-1. Elle retrace : « a) En ressources, 20 % du produit des contributions visées aux 1° et 2° de l'article L. 14-10-4, le produit mentionné au 4° du même article et le produit de la contribution sociale généralisée mentionné au 3° du même article, diminué du montant mentionné au IV du présent article ; « b) En charges, un concours versé aux départements dans la limite des ressources mentionnées au a, destiné à couvrir une partie du coût de l'allocation personnalisée d'autonomie. Le montant de ce concours est réparti selon les modalités prévues à l'article L. 14-10-6. « III. Une section consacrée à la prestation de compensation mentionnée à l'article L. 245-1. Elle retrace : « a) En ressources, une fraction au moins égale à 26 % et au plus égale à 30 % du produit des contributions visées aux 1° et 2° de l'article L. 14-10-4 ; « b) En charges, un concours versé aux départements dans la limite des ressources mentionnées au a, destiné à couvrir une partie du coût de la prestation de compensation et un concours versé pour l'installation ou le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées. Les montants de ces concours sont répartis selon les modalités prévues à l'article L. 14-10-7. « Avant imputation des contributions aux sections mentionnées aux V et VI, l'ensemble des ressources destinées aux personnes handicapées, soit au titre des établissements et services financés par la sous-section mentionnée au 1 du I, soit au titre de la présente section, doit totaliser 40 % du produit des contributions visées aux 1° et 2° de l'article L. 14-10-4. « IV. Une section consacrée à la promotion des actions innovantes et au renforcement de la professionnalisation des métiers de service en faveur des personnes âgées. Elle retrace : « a) En ressources, une fraction du produit visé au 3° de l'article L. 14-10-4, fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'action sociale, de la sécurité sociale et du budget, qui ne peut être inférieure à 5 % ni supérieure à 12 % de ce produit ; « b) En charges, le financement de dépenses de modernisation des services ou de professionnalisation des métiers qui apportent au domicile des personnes âgées dépendantes une assistance dans les actes quotidiens de la vie, ainsi que de dépenses de formation et de qualification des personnels soignants recrutés dans le cadre des mesures de médicalisation des établissements et services mentionnés au 3° de l'article L. 314-3-1. « Les projets financés par cette section doivent être agréés par l'autorité compétente de l'État, qui recueille le cas échéant, dans les cas et conditions fixés par voie réglementaire, l'avis préalable de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. « V. Une section consacrée au financement des autres dépenses en faveur des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes, qui retrace le financement des autres actions qui entrent dans le champ de compétence de la caisse, au titre desquelles notamment les dépenses d'animation et de prévention, et les frais d'études dans les domaines d'action de la caisse : « a) Pour les personnes âgées, ces charges sont retracées dans une sous-section spécifique abondée par une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés des personnes âgées et du budget, des ressources prévues au a du 2 du I ; « b) Pour les personnes handicapées, ces charges sont retracées dans une sous-section spécifique abondée par une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés des personnes handicapées et du budget, des ressources prévues au a du III. « VI. Une section consacrée aux frais de gestion de la caisse. Les charges de cette section sont financées par un prélèvement sur les ressources mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 14-10-4, réparti entre les sections précédentes au prorata du montant des ressources qui leur sont affectées. « Par dérogation au I de l'article L. 14-10-8, les reports de crédits peuvent être affectés, en tout ou partie, à d'autres sections, par arrêté des ministres chargés des personnes âgées, des personnes handicapées et du budget après avis du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie » ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 14-10-6 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2005 susvisée : « Le montant du concours mentionné au II de l'article L. 14-10-5 est réparti annuellement entre les départements en fonction des critères suivants : « a) Le nombre de personnes âgées de plus de soixante-quinze ans ; « b) Le montant des dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie ; « c) Le potentiel fiscal, déterminé selon les modalités définies à l'article L. 3334-6 du code général des collectivités territoriales ; « d) Le nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion. « En aucun cas, le rapport entre, d'une part, les dépenses réalisées au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie de chaque département après déduction du montant ainsi réparti et, d'autre part, leur potentiel fiscal ne peut être supérieur à un taux fixé par voie réglementaire. Les dépenses correspondant à la fraction de ce rapport qui dépasse ce seuil sont prises en charge en totalité par la caisse. « L'attribution résultant de l'opération définie au premier alinéa du présent II pour les départements autres que ceux ayant bénéficié d'un complément de dotation au titre de l'alinéa précédent est diminuée de la somme des montants ainsi calculés, au prorata de la répartition effectuée en application dudit alinéa entre ces seuls départements. « Les opérations décrites aux deux alinéas précédents sont renouvelées jusqu'à ce que les dépenses laissées à la charge de chaque département n'excèdent pas le seuil défini au sixième alinéa. « Le concours de la caisse aux départements fait l'objet d'acomptes correspondant au minimum à 90 % des produits disponibles de la section visée au II de l'article L. 14-10-5, après prise en compte des charges mentionnées au VI du même article » ; 5. Considérant que, selon les départements requérants, ces dispositions, qui fixent les modalités du concours de l'État aux départements pour le financement d'une partie des charges exposées par eux au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie, ne permettent de répondre, en l'absence de ressources suffisantes, ni à l'importance ni à l'augmentation de ces charges ; qu'ainsi, elles entraveraient la libre administration des collectivités territoriales en méconnaissance des articles 72 et 72-2 de la Constitution ; 6. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les articles 11 et 12 de la loi du 30 juin 2004 susvisée ainsi que sur le paragraphe II de l'article L. 14-10-5 et l'article L. 14-10-6 du code de l'action sociale et des familles dans leur rédaction issue de la loi du 11 février 2005 susvisée ; 7. Considérant que, si, en vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus », chacune d'elles le fait « dans les conditions prévues par la loi » ; que son article 34 réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ; que, toutefois, les règles fixées par la loi sur le fondement de ces dispositions ne sauraient avoir pour effet de restreindre les ressources des collectivités territoriales au point d'entraver leur libre administration ; qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 72 2 de la Constitution : « Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi » ; qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose au législateur d'affecter une ressource particulière au financement d'un transfert, d'une création ou d'une extension de compétences, ni de maintenir dans le temps une telle affectation ; - SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 72-2 DE LA CONSTITUTION : 8. Considérant, en premier lieu, que l'allocation personnalisée d'autonomie, créée par la loi du 20 juillet 2001 susvisée, a remplacé, à compter du 1er janvier 2002, la prestation spécifique dépendance et élargi le champ de ses bénéficiaires ; que cette extension de compétences a été accompagnée par la création d'un concours de l'État versé aux départements par le « Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie » et financé par une participation des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse et par une fraction du produit de la « contribution sociale généralisée » ; que cette extension de compétences a également été accompagnée par un mécanisme de répartition dudit concours entre les bénéficiaires selon des critères démographiques, sociaux et financiers définis par le législateur et par un mécanisme de péréquation garantissant que le niveau de charges nettes assumé par chaque département ne dépasse pas un certain pourcentage, fixé par voie réglementaire, de son potentiel fiscal ; qu'elle a été spécialement examinée et déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans les considérants 12 à 31 et l'article 1er de sa décision du 18 juillet 2001 susvisée ; qu'elle est intervenue avant l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République qui a inséré, dans la Constitution, l'article 72-2 ; 9. Considérant, en second lieu, que, par les dispositions contestées de la loi du 30 juin 2004 et du code de l'action sociale et des familles dans leur rédaction issue de la loi du 11 février 2005, le législateur a entendu consolider, pour l'année 2004 et les années suivantes, le financement du concours de l'État versé aux départements aux fins de participer au financement des charges exposées par ces derniers au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie ; qu'ainsi, il n'a pas procédé à une création ou une extension de compétences ; 10. Considérant que, par suite, est inopérant le grief tiré de la violation des dispositions précitées de l'article 72-2 de la Constitution ; - SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 72 DE LA CONSTITUTION : 11. Considérant, en premier lieu, que le concours précité de l'État aux départements est versé par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie créée en remplacement du fonds de financement précité ; que, pour l'année 2004, selon le paragraphe I de l'article 12 de la loi du 30 juin 2004 susvisée, il est financé, d'abord, par une fraction de la « contribution sociale généralisée » ; qu'il est financé également par 70 % du solde disponible, après remboursement du capital et des intérêts de l'emprunt prévu par l'article 5 de la loi du 31 mars 2003 susvisée, du produit de la contribution de solidarité pour l'autonomie ; que cette dernière est constituée d'une contribution au taux de 0,3 % due par les employeurs privés et publics sur l'assiette des cotisations patronales d'assurance maladie affectées au financement des régimes de base de l'assurance maladie et d'une contribution additionnelle aux prélèvements sociaux sur les produits du capital et revenus du patrimoine mentionnés aux articles L. 245-14 et L. 245-15 du code de la sécurité sociale ; que le concours de la caisse nationale est financé, enfin, par la participation mentionnée au 4° de l'article 11 de la loi du 30 juin 2004 des régimes obligatoires de base de l'assurance vieillesse ; que, pour les années postérieures à 2004, selon le paragraphe II de l'article L. 14-10-5 du code de l'action sociale et des familles, le concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie est financé par 20 % du produit de la contribution de solidarité pour l'autonomie et par une fraction du produit de la « contribution sociale généralisée » ; qu'il peut, en outre, être financé par une part des produits financiers attribués à ladite caisse nationale sur le fondement du paragraphe II de l'article L. 14-10-8 du même code de l'action sociale et des familles ; 12. Considérant, en second lieu, que le paragraphe II de l'article 12 de la loi du 30 juin 2004 susvisée, pour l'année 2004, et l'article L. 14-10-6 du code précité, pour les années ultérieures, fixent avec précision les critères démographiques, sociaux et financiers qui permettent de répartir entre les départements le concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie au financement des charges résultant de l'allocation personnalisée d'autonomie ; que les mêmes articles prévoient que les charges nettes résultant de la différence entre les dépenses exposées au titre de ladite allocation et le concours de la caisse nationale ne peuvent être supérieures à un pourcentage, fixé par voie réglementaire, du potentiel fiscal de chaque département ; qu'en cas de dépassement de ce pourcentage, les dépenses correspondant à la fraction de ce rapport qui dépasse ce seuil sont prises en charge en totalité par la caisse nationale ; 13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce pourcentage à un niveau qui permette, compte tenu de l'ensemble des ressources des départements, que la libre administration des collectivités territoriales ne soit pas entravée ; qu'en outre, si l'augmentation des charges nettes faisait obstacle à la réalisation de la garantie prévue par l'article L. 14-10-6 du code de l'action sociale et des familles, il appartiendrait aux pouvoirs publics de prendre les mesures correctrices appropriées ; 14. Considérant que, sous les réserves énoncées au considérant précédent, les dispositions contestées ne sont pas contraires à l'article 72 de la Constitution ; 15. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er. - Sous les réserves énoncées au considérant 13, les articles 11 et 12 de la loi n° 2004 626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, le paragraphe II de l'article L. 14 10 5 et l'article L. 14 10 6 du code de l'action sociale et des familles dans leur rédaction issue de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées sont conformes à la Constitution. Article 2. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 juin 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 30 juin 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 mai 2011 par la Cour de cassation (arrêt n° 2411 du 27 avril 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Tarek J., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 251-3 et L. 251-4 du code de l'organisation judiciaire. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l'organisation judiciaire ; Vu la loi du 12 avril 1906 modifiant les articles 66, 67 du code pénal, 340 du code d'instruction criminelle et fixant la majorité pénale à l'âge de dix-huit ans ; Vu la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et adolescents et sur la liberté surveillée ; Vu l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 26 mai 2011 ; Vu la lettre du 9 juin 2011 par laquelle le Conseil constitutionnel a soumis aux parties un grief susceptible d'être soulevé d'office ; Vu les observations produites pour le requérant par Me Jean-Baptiste Gavignet, avocat au barreau de Dijon, enregistrées le 14 juin 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 15 juin 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Gavignet, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 21 juin 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 251-3 du code de l'organisation judiciaire : « Le tribunal pour enfants est composé d'un juge des enfants, président, et de plusieurs assesseurs » ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 251-4 du même code : « Les assesseurs titulaires et suppléants sont choisis parmi les personnes âgées de plus de trente ans, de nationalité française et qui se sont signalées par l'intérêt qu'elles portent aux questions de l'enfance et par leurs compétences. « Les assesseurs sont nommés pour quatre ans par le garde des sceaux, ministre de la justice. Leur renouvellement s'opère par moitié. Toutefois, en cas de création d'un tribunal pour enfants, d'augmentation ou de réduction du nombre des assesseurs dans ces juridictions, ou de remplacement d'un ou de plusieurs de ces assesseurs à une date autre que celle qui est prévue pour leur renouvellement, la désignation des intéressés peut intervenir pour une période inférieure à quatre années dans la limite de la durée requise pour permettre leur renouvellement par moitié » ; 3. Considérant que, selon le requérant, la présidence du tribunal pour enfants par un juge des enfants chargé des poursuites et la présence majoritaire d'assesseurs non magistrats au sein de ce tribunal, méconnaissent l'article 66 de la Constitution ; qu'en outre, le Conseil constitutionnel a soulevé d'office le grief tiré de ce que la présidence du tribunal pour enfants par le juge des enfants qui a instruit la procédure porterait atteinte au principe d'impartialité des juridictions ; - SUR LES ASSESSEURS DU TRIBUNAL POUR ENFANTS : 4. Considérant qu'aux termes de l'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; que, si ces dispositions s'opposent à ce que le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté soit confié à une juridiction qui ne serait composée que de juges non professionnels, elles n'interdisent pas, par elles-mêmes, que ce pouvoir soit exercé par une juridiction pénale de droit commun au sein de laquelle siègent de tels juges ; 5. Considérant, toutefois, qu'en ce cas, doivent être apportées des garanties appropriées permettant de satisfaire au principe d'indépendance, indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles, ainsi qu'aux exigences de capacité, qui découlent de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que, s'agissant des formations correctionnelles de droit commun, la proportion des juges non professionnels doit rester minoritaire ; 6. Considérant d'une part, qu'en vertu de l'article L. 251-1 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal pour enfants est une juridiction pénale spécialisée qui « connaît, dans les conditions définies par l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, des contraventions et des délits commis par les mineurs et des crimes commis par les mineurs de seize ans » ; que, dès lors, en prévoyant que siègent dans cette juridiction, en nombre majoritaire, des assesseurs non professionnels, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles précitées ; 7. Considérant, d'autre part, que l'article L. 251-4 prévoit que les assesseurs sont nommés pour quatre ans et « choisis parmi les personnes âgées de plus de trente ans, de nationalité française et qui se sont signalées par l'intérêt qu'elles portent aux questions de l'enfance et par leurs compétences » ; que l'article L. 251-5 précise qu'ils prêtent serment avant d'entrer en fonction ; que l'article L. 251-6 dispose que la cour d'appel peut déclarer démissionnaires les assesseurs qui « sans motif légitime, se sont abstenus de déférer à plusieurs convocations successives » et prononcer leur déchéance « en cas de faute grave entachant l'honneur ou la probité » ; que, dans ces conditions, s'agissant de ces fonctions d'assesseurs, les dispositions contestées ne méconnaissent ni le principe d'indépendance indissociable de l'exercice de fonctions judiciaires ni les exigences de capacité qui découlent de l'article 6 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite, l'article L. 251-4 du code de l'organisation judiciaire, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, est conforme à la Constitution ; - SUR LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL POUR ENFANTS : 8. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que le principe d'impartialité est indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles ; 9. Considérant, d'autre part, que l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle ; que ces principes trouvent notamment leur expression dans la loi du 12 avril 1906 sur la majorité pénale des mineurs, la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante ; que, toutefois, la législation républicaine antérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution de 1946 ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes ou les sanctions devraient toujours être évitées au profit de mesures purement éducatives ; qu'en particulier, les dispositions originelles de l'ordonnance du 2 février 1945 n'écartaient pas la responsabilité pénale des mineurs et n'excluaient pas, en cas de nécessité, que fussent prononcées à leur égard des mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue ou, pour les mineurs de plus de treize ans, la détention ; que telle est la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs ; 10. Considérant que l'ordonnance du 2 février 1945 susvisée, dont sont issues les dispositions contestées, a institué un juge des enfants, magistrat spécialisé, et un tribunal des enfants présidé par le juge des enfants ; que le juge des enfants est, selon l'article 7 de cette ordonnance, saisi par le procureur de la République près le tribunal dans le ressort duquel le tribunal des enfants a son siège et qui est seul chargé des poursuites ; qu'en vertu de l'article 8 de cette même ordonnance, le juge des enfants se livre à « toutes diligences et investigations utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et à la connaissance de la personnalité du mineur ainsi que des moyens appropriés à sa rééducation » ; que cet article dispose, en outre, qu'il peut « ensuite, par ordonnance, soit déclarer n'y avoir lieu à suivre et procéder comme il est dit à l'article 177 du code de procédure pénale, soit renvoyer le mineur devant le tribunal pour enfants » ; qu'aucune disposition de l'ordonnance du 2 février 1945 ou du code de procédure pénale ne fait obstacle à ce que le juge des enfants participe au jugement des affaires pénales qu'il a instruites ; 11. Considérant que le principe d'impartialité des juridictions ne s'oppose pas à ce que le juge des enfants qui a instruit la procédure puisse, à l'issue de cette instruction, prononcer des mesures d'assistance, de surveillance ou d'éducation ; que, toutefois, en permettant au juge des enfants qui a été chargé d'accomplir les diligences utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et qui a renvoyé le mineur devant le tribunal pour enfants de présider cette juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines, les dispositions contestées portent au principe d'impartialité des juridictions une atteinte contraire à la Constitution ; que, par suite, l'article L. 251-3 du code de l'organisation judiciaire est contraire à la Constitution ; 12. Considérant qu'en principe, une déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à la partie qui a présenté la question prioritaire de constitutionnalité ; que, toutefois, l'abrogation immédiate de l'article L. 251-3 du code de l'organisation judiciaire méconnaîtrait le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs et entraînerait des conséquences manifestement excessives ; que, par suite, afin de permettre au législateur de mettre fin à cette inconstitutionnalité, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2013 la date de cette abrogation, D É C I D E : Article 1er.- L'article L. 251-3 du code de l'organisation judiciaire est contraire à la Constitution. Article 2.- L'article L. 251-4 du même code est conforme à la Constitution. Article 3.- La déclaration d'inconstitutionnalité prévue par l'article 1er prend effet au 1er janvier 2013 dans les conditions fixées au considérant 12 de la présente décision. Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 juillet 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 8 juillet 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 12 octobre 2011 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 2231 du 12 octobre 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Patelise F, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article Lp. 311-2 du code du travail de Nouvelle-Calédonie, dans sa rédaction résultant de la loi du pays n° 2008-2 du 13 février 2008 relative au code du travail de Nouvelle-Calédonie. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ; Vu le code du travail de Nouvelle-Calédonie ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Waquet-Farge-Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 28 octobre 2011 ; Vu les observations produites par le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, enregistrées le 27 octobre 2011 ; Vu les observations produites par le président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, enregistrées le 9 novembre 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 18 novembre 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Claire Waquet pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 29 novembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article Lp. 311-2 du code du travail de Nouvelle-Calédonie : « Les dispositions du chapitre III du titre Ier du présent livre, relatives au droit d'expression des salariés, du chapitre III du titre II, relatives à l'exercice du droit syndical, du titre IV, relatives aux institutions représentatives du personnel et du titre V relatives aux dispositions spécifiques aux salariés protégés, ne sont pas applicables à l'État, à la Nouvelle-Calédonie, aux provinces, aux communes et aux établissements publics administratifs » ; 2. Considérant que le requérant fait valoir que ces dispositions instituent une différence de traitement sur le territoire de la Nouvelle Calédonie entre, d'une part, les agents de l'État, de la Nouvelle-Calédonie, des provinces, des communes et des établissements publics administratifs et, d'autre part, les salariés des entreprises privées et les agents des établissements publics industriels et commerciaux ; qu'ainsi, elles méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi ; qu'en outre, en privant les agents de ces administrations publiques du bénéfice de l'application des dispositions du code du travail de Nouvelle-Calédonie relatives au droit d'expression des salariés, à l'exercice du droit syndical, aux institutions représentatives du personnel et aux salariés protégés, les dispositions contestées porteraient atteinte à la liberté syndicale et au principe de participation des travailleurs à la détermination des conditions de travail ; 3. Considérant qu'en vertu de l'article 21 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, l'État est compétent en matière de fonction publique de l'État ; qu'en vertu de l'article 22 de la même loi organique, la Nouvelle-Calédonie est compétente en matière de fonction publique de la Nouvelle-Calédonie ainsi qu'en matière de droit du travail et droit syndical ; qu'en outre, aux termes de l'article 99 de la même loi organique : « Les lois du pays interviennent dans les matières suivantes correspondant aux compétences exercées par la Nouvelle-Calédonie ou à compter de la date de leur transfert par application de la présente loi : . . . 3° Principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et du droit de la sécurité sociale ; garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires de la Nouvelle-Calédonie et des communes » ; 4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi. . . doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; 5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du sixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix » ; que son huitième alinéa dispose : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises » ; 6. Considérant, en premier lieu, qu'il était loisible au législateur, pour mettre en oeuvre la liberté syndicale et le principe de participation, d'adopter des dispositions particulières applicables aux agents des administrations publiques salariés dans les conditions du droit privé s'agissant du droit d'expression des salariés, du droit syndical, des institutions représentatives du personnel et des salariés protégés ; 7. Considérant, en second lieu, que les dispositions contestées soustraient ces agents des administrations publiques du bénéfice des dispositions du code du travail de Nouvelle-Calédonie applicables aux relations collectives du travail ; que ni ces dispositions ni aucune loi du pays de Nouvelle-Calédonie n'assurent la mise en oeuvre, pour ces agents, de la liberté syndicale et du principe de participation des travailleurs ; que, par suite, les dispositions contestées portent une atteinte inconstitutionnelle aux exigences précitées du Préambule de 1946 ; qu'elles doivent être déclarées contraires à la Constitution ; 8. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; 9. Considérant que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir de même nature que celui du Congrès de Nouvelle-Calédonie ; qu'il ne lui appartient pas d'indiquer les modalités selon lesquelles il doit être remédié à l'inconstitutionnalité de l'article Lp. 311-2 du code du travail de Nouvelle-Calédonie ; que, par suite, afin de permettre qu'il y soit remédié, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2013 la date de cette abrogation ; que les contrats et les décisions pris avant cette date en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestés sur le fondement de cette inconstitutionnalité, Article 1er.- L'article Lp. 311-2 du code du travail de Nouvelle-Calédonie est contraire à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter du 1er janvier 2013 dans les conditions fixées au considérant 9. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 décembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 9 décembre 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 septembre 2011 par le Conseil d'État (décision n° 348858 du 28 septembre 2011) sur le fondement des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Lucienne Q., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 336, L. 337, L. 338, L. 339, L. 340 et L. 341 du code de la santé publique dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de la santé publique ; Vu la loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par la SCP G. Laugier et J-Ph. Caston, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 19 octobre 2011 ; Vu les observations produites pour le Centre hospitalier spécialisé Esquirol par Me Didier Le Prado, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 21 octobre 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 21 octobre 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; M. Xavier Pottier désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 22 novembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 336 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la loi du 27 juin 1990 susvisée : « Quinze jours après le placement d'une personne dans un établissement public ou privé, il sera adressé au préfet, conformément au dernier paragraphe de l'article L. 333, un nouveau certificat du médecin de l'établissement ; ce certificat confirmera ou rectifiera, s'il y a lieu, les observations contenues dans le premier certificat, en indiquant le retour plus ou moins fréquent des accès ou des actes de démence » ; 2. Considérant qu'aux termes de son article L. 337, dans la même rédaction : « Il y aura, dans chaque établissement, un registre coté et paraphé par le maire, sur lequel seront immédiatement inscrits les nom, profession, âge et domicile des personnes placées dans les établissements, la mention du jugement d'interdiction, s'il a été prononcé, et le nom de leur tuteur ; la date de leur placement, les nom, profession et demeure de la personne, parente ou non parente, qui l'aura demandé. Seront également transcrits sur ce registre : « 1° le certificat du médecin, joint à la demande d'admission ; « 2° ceux que le médecin de l'établissement devra adresser à l'autorité, conformément aux articles L. 333 et 336 ci-dessus. « Le médecin sera tenu de consigner sur ce registre, au moins tous les mois, les changements survenus dans l'état mental de chaque malade. Ce registre constatera également les sorties et les décès. « Ce registre sera soumis aux personnes qui, d'après l'article L. 332, ont le droit de visiter l'établissement lorsqu'elles se présenteront pour en faire la visite ; après l'avoir terminée, elles apposeront sur le registre leur visa, leur signature et leurs observations, s'il y a lieu » ; 3. Considérant qu'aux termes de son article L. 338 : « Toute personne placée dans un établissement d'aliénés cessera d'y être retenue aussitôt que les médecins de l'établissement auront déclaré, sur le registre énoncé en l'article précédent, que la guérison est obtenue. « S'il s'agit d'un mineur ou d'un interdit, il sera donné immédiatement avis de la déclaration des médecins aux personnes auxquelles il devra être remis, et au procureur de la République » ; 4. Considérant qu'aux termes de son article L. 339 : « Avant même que les médecins aient déclaré la guérison, toute personne placée dans un établissement d'aliénés cessera également d'y être retenue, dès que la sortie sera requise par l'une des personnes ci-après désignées, savoir : « 1° Le curateur nommé en exécution de l'article L. 353 ci-après ; « 2° L'époux ou l'épouse ; « 3° S'il n'y a pas d'époux ou d'épouse, les ascendants ; « 4° S'il n'y a pas d'ascendants, les descendants ; « 5° La personne qui aura signé la demande d'admission, à moins qu'un parent n'ait déclaré s'opposer à ce qu'elle use de cette faculté sans l'assentiment du conseil de famille ; « 6° Toute personne à ce autorisée par le conseil de famille. « S'il résulte d'une opposition notifiée au chef de l'établissement par un ayant droit qu'il y a dissentiment, soit entre les ascendants, soit entre les descendants, le conseil de famille prononcera. « Néanmoins, si le médecin de l'établissement est d'avis que l'état mental du malade pourrait compromettre l'ordre public ou la sûreté des personnes, il en sera donné préalablement connaissance au maire, qui pourra ordonner immédiatement un sursis provisoire à la sortie à la charge d'en référer, dans les vingt-quatre heures, au préfet. Ce sursis provisoire cessera de plein droit à l'expiration de la quinzaine, si le préfet n'a pas, dans ce délai, donné d'ordres contraires, conformément à l'article L. 346 ci-après. L'ordre du maire sera transcrit sur le registre tenu en exécution de l'article L. 337 ci-dessus. « En cas de minorité, la sortie ne pourra être requise par les père et mère qui ne se trouvent pas dans l'un des cas prévus à l'article 373 du code civil ; à leur défaut, elle le sera par le tuteur. S'il y a dissentiment entre les père et mère, le tribunal prononcera. S'ils sont divorcés ou séparés de corps, le droit de requérir la sortie est exercé par celui à qui la garde de l'enfant a été confiée » ; 5. Considérant qu'aux termes de son article L. 340 : « Dans les vingt-quatre heures de la sortie, les chefs, préposés ou directeurs en donneront avis, aux fonctionnaires désignés dans le dernier paragraphe de l'article L. 333, et leur feront connaître le nom et la résidence des personnes qui auront retiré le malade, son état mental au moment de la sortie, et, autant que possible, l'indication du lieu où il aura été conduit » ; 6. Considérant qu'aux termes de son article L. 341 : « Le préfet pourra toujours ordonner la sortie immédiate des personnes placées volontairement dans les établissements d'aliénés » ; 7. Considérant que, selon la requérante, ces dispositions méconnaissent le respect de la liberté individuelle garantie par l'article 66 de la Constitution ; -SUR LES NORMES DE CONSTITUTIONNALITÉ APPLICABLES : 8. Considérant que l'article 66 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. -L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; que, dans l'exercice de sa compétence, le législateur peut fixer des modalités d'intervention de l'autorité judiciaire différentes selon la nature et la portée des mesures affectant la liberté individuelle qu'il entend édicter ; 9. Considérant qu'en vertu du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation garantit à tous le droit à la protection de la santé ; que l'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ; 10. Considérant que l'hospitalisation sans son consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux doit respecter le principe, résultant de l'article 66 de la Constitution, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire ; qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la protection de la santé des personnes souffrant de troubles mentaux ainsi que la prévention des atteintes à l'ordre public nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent la liberté d'aller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que la liberté individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la protection à l'autorité judiciaire ; que les atteintes portées à l'exercice de ces libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis ; -SUR LES DISPOSITIONS CONTESTÉES : 11. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 336 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la loi du 27 juin 1990 susvisée, est relatif au « placement volontaire » décidé par le directeur d'un établissement psychiatrique à la demande de toute personne autre que celle visée par la mesure ; qu'il se borne à imposer, pour le maintien de cette mesure, l'examen de l'intéressé dans les quinze jours par un médecin de l'établissement qui transmet son certificat médical au représentant de l'État dans le département ; qu'en lui-même, cet article n'est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'il doit être déclaré conforme à la Constitution ; 12. Considérant, en deuxième lieu, que l'article L. 337 institue le registre des personnes « placées » dans l'établissement et énonce les mentions qui doivent y être portées périodiquement ; que l'article L. 338 prévoit la sortie des personnes dont les médecins de l'établissement ont déclaré que « la guérison est obtenue » ; que l'article L. 339 fixe la liste des personnes qui peuvent provoquer la sortie du malade et les conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut s'y opposer ; que l'article L. 340 impose que le directeur de l'établissement informe, selon le cas, le préfet, le sous-préfet ou le maire du nom des personnes qui ont requis la sortie d'un malade ainsi que de l'état mental de ce dernier et, « autant qu'il est possible », l'endroit où il a été conduit ; 13. Considérant que la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ; que les motifs médicaux et les finalités thérapeutiques qui justifient la privation de liberté des personnes atteintes de troubles mentaux hospitalisées sans leur consentement peuvent être pris en compte pour la fixation de ce délai ; que, pour les mêmes motifs que ceux retenus dans les décisions du 26 novembre 2010 et du 9 juin 2011 susvisées, les dispositions des articles L. 337 à L. 340 du code de la santé publique, qui permettaient que l'hospitalisation d'une personne atteinte de maladie mentale soit maintenue au-delà de quinze jours dans un établissement de soins sans intervention d'une juridiction de l'ordre judiciaire, méconnaissent les exigences de l'article 66 de la Constitution ; que, par suite, elles doivent être déclarées contraires à la Constitution ; 14. Considérant, en troisième lieu, que l'article L. 341 se borne à prévoir que le préfet peut toujours ordonner la sortie immédiate des personnes placées volontairement dans les établissements accueillant des personnes atteintes de maladie mentale ; qu'il n'est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'il doit être déclaré conforme à la Constitution ; -SUR LES EFFETS DE LA DÉCLARATION D'INCONSTITUTIONNALITÉ : 15. Considérant qu'en vertu de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution, il appartient au Conseil constitutionnel de déterminer les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition qu'il déclare inconstitutionnelle a produits sont susceptibles d'être remis en cause ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; 16. Considérant que la déclaration d'inconstitutionnalité des articles L. 337 à L. 340 du code de la santé publique prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle est applicable à toutes les instances non jugées définitivement à cette date, Article 1er.- Les articles L. 337, L. 338, L. 339 et L. 340 du code de la santé publique, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation, sont contraires à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions prévues au considérant 16. Article 3.- Les articles L. 336 et L. 341 du même code, dans la même rédaction, sont conformes à la Constitution. Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er décembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 2 décembre 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 septembre 2011 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 1236 du 28 septembre 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Christiane V. épouse D. et MM. Jean-Pierre et Christophe D., relative aux articles 4 et 5 de l'édit du 16 décembre 1607, devenus les articles L. 112-1 et L. 112-2 du code de la voirie routière. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de la voirie routière ; Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Monod-Colin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 20 octobre et 4 novembre 2011 ; Vu les observations produites pour la commune de Salers par la SCP Vincent-Ohl, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 19 octobre 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 20 octobre 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Alain Monod, pour les requérants, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 22 novembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 112-1 du code de la voirie routière, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement : « L'alignement est la détermination par l'autorité administrative de la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines. Il est fixé soit par un plan d'alignement, soit par un alignement individuel. « Le plan d'alignement, auquel est joint un plan parcellaire, détermine après enquête publique la limite entre voie publique et propriétés riveraines. « L'alignement individuel est délivré au propriétaire conformément au plan d'alignement s'il en existe un. En l'absence d'un tel plan, il constate la limite de la voie publique au droit de la propriété riveraine » ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 112-2 du code de la voirie routière : « La publication d'un plan d'alignement attribue de plein droit à la collectivité propriétaire de la voie publique le sol des propriétés non bâties dans les limites qu'il détermine. « Le sol des propriétés bâties à la date de publication du plan d'alignement est attribué à la collectivité propriétaire de la voie dès la destruction du bâtiment. « Lors du transfert de propriété, l'indemnité est, à défaut d'accord amiable, fixée et payée comme en matière d'expropriation » ; 3. Considérant que, selon les requérants, d'une part, en permettant à l'administration de bénéficier d'une cession forcée de propriété privée par la publication d'un plan d'alignement établi unilatéralement, sans que soit constatée sa nécessité publique ni qu'il soit fait droit à une indemnisation préalable, les articles L. 112-1 et L. 112-2 du code de la voirie routière portent atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que, d'autre part, en ne prévoyant pas de recours effectif, les articles L. 112-1 et L. 112-2 du code de la voirie routière porteraient atteinte au respect des droits de la défense et au droit à un recours juridictionnel effectif résultant de l'article 16 de la même Déclaration ; - SUR LE DROIT DE PROPRIÉTÉ : 4. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; 5. Considérant, d'une part, qu'il résulte de la jurisprudence constante du Conseil d'État sur les dispositions contestées que le plan d'alignement n'attribue à la collectivité publique le sol des propriétés qu'il délimite que dans le cadre de rectifications mineures du tracé de la voie publique ; qu'il ne permet ni d'importants élargissements ni a fortiori l'ouverture de voies nouvelles ; qu'il ne peut en résulter une atteinte importante à l'immeuble ; que, par suite, l'alignement n'entre pas dans le champ d'application de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; 6. Considérant, d'autre part, que le plan d'alignement vise à améliorer la sécurité routière et à faciliter les conditions de circulation ; qu'ainsi, il répond à un motif d'intérêt général ; 7. Considérant qu'il ressort des dispositions contestées que le plan d'alignement est fixé après enquête publique ; qu'il ressort du troisième alinéa de l'article L. 112-2 que, lors du transfert de propriété, l'indemnité est, à défaut d'accord amiable, fixée et payée comme en matière d'expropriation ; que, par suite, l'article L. 13-13 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui dispose que l'indemnité doit couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, est applicable à la fixation de l'indemnisation des transferts de propriété résultant de l'alignement ; 8. Considérant que, toutefois, il ressort du deuxième alinéa de l'article L. 112-2 du code de la voirie routière que, lorsque le plan d'alignement inclut des terrains bâtis, le transfert de propriété résulte de la destruction du bâtiment ; que, tant que ce transfert n'est pas intervenu, les terrains sont soumis à la servitude de reculement, prévue par l'article L. 112-6 du code de la voirie routière, qui interdit, en principe, tout travail confortatif ; que la servitude impose ainsi au propriétaire de supporter la dégradation progressive de l'immeuble bâti pendant une durée indéterminée ; que la jouissance de l'immeuble bâti par le propriétaire est limitée par cette interdiction ; que, dans ces conditions, l'atteinte aux conditions d'exercice du droit de propriété serait disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi si l'indemnité due à l'occasion du transfert de propriété ne réparait également le préjudice subi du fait de la servitude de reculement ; que, sous cette réserve, les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 112-2 du code de la voirie routière sont conformes à l'article 2 de la Déclaration de 1789 ; 9. Considérant que, pour le surplus, les articles L. 112-1 et L. 112-2 du code de la voirie routière ne portent pas aux conditions d'exercice du droit de propriété une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi ; - SUR LE DROIT À UN RECOURS JURIDICTIONNEL EFFECTIF : 10. Considérant que les dispositions contestées ne portent aucune atteinte au droit du propriétaire de contester le plan d'alignement ou la servitude de reculement ; que le grief tiré d'une violation de l'article 16 de la Déclaration de 1789 manque en fait ; 11. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 8, les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 112-2 du code de la voirie routière sont conformes à la Constitution. Article 2.- L'article L. 112-1 du code de la voirie routière, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, et le surplus de l'article L. 112-2 du même code sont conformes à la Constitution. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er décembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 2 décembre 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000024965242.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 octobre 2011 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1019 du 4 octobre 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Wathik M., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 389 du code des douanes. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code des douanes ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 26 octobre et 10 novembre 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 22 novembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 389 du code des douanes : « 1. En cas de saisie de moyens de transport dont la remise sous caution aura été offerte par procès-verbal et n'aura pas été acceptée par la partie ainsi qu'en cas de saisie d'objets qui ne pourront être conservés sans courir le risque de détérioration, il sera, à la diligence de l'administration des douanes et en vertu de la permission du juge d'instance le plus voisin ou du juge d'instruction, procédé à la vente par enchère des objets saisis. « 2. L'ordonnance portant permis de vendre sera notifiée dans le jour à la partie adverse, conformément aux dispositions de l'article 362-2 ci-dessus, avec déclaration qu'il sera immédiatement procédé à la vente, tant en l'absence qu'en sa présence, attendu le péril en la demeure. « 3. L'ordonnance du juge d'instance ou du juge d'instruction sera exécutée nonobstant opposition ou appel. « 4. Le produit de la vente sera déposé dans la caisse de la douane pour en être disposé ainsi qu'il sera statué en définitive par le tribunal chargé de se prononcer sur la saisie » ; 2. Considérant que, selon le requérant, d'une part, en permettant à l'administration des douanes de demander au juge la permission de vendre, avant jugement de condamnation, les moyens de transport et objets périssables saisis par elle, l'article 389 du code des douanes méconnaît le droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que, d'autre part, en prévoyant que l'ordonnance du juge autorisant l'aliénation sera exécutée nonobstant opposition ou appel, le troisième alinéa de l'article 389 du même code porterait atteinte aux droits de la défense et au droit à un recours juridictionnel effectif résultant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; - SUR LE DROIT DE PROPRIÉTÉ : 3. Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; 4. Considérant que les dispositions contestées permettent l'aliénation, en cours de procédure, par l'administration des douanes, sur autorisation d'un juge, des véhicules et objets périssables saisis ; que cette aliénation, qui ne constitue pas une peine de confiscation prononcée à l'encontre des propriétaires des biens saisis, entraîne une privation du droit de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; 5. Considérant, d'une part, que la privation de propriété opérée par l'article 389 du code des douanes n'est applicable qu'aux moyens de transport et aux objets saisis « qui ne pourront être conservés sans courir le risque de détérioration » ; que leur aliénation est destinée à éviter leur dépréciation en cours de procédure et à limiter les frais de stockage et de garde ; qu'elle a un objet conservatoire, dans l'intérêt tant de la partie poursuivante que du propriétaire des biens saisis ; qu'elle poursuit, en outre, l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice et de bon emploi des deniers publics ; que, par suite, elle répond à un motif de nécessité publique ; 6. Considérant, d'autre part, qu'en premier lieu, l'aliénation des biens saisis avant qu'ils ne se déprécient est destinée à ce que, selon l'issue de la procédure, le produit de la vente correspondant à la valeur des biens saisis puisse, soit être affecté au paiement des condamnations prononcées contre leur propriétaire, soit être restitué à ce dernier ; qu'ainsi, elle ne méconnaît pas l'exigence d'une indemnisation juste de la privation de propriété ; 7. Considérant qu'en second lieu, l'exigence d'un versement préalable de l'indemnité ne saurait faire obstacle à ce que celle-ci soit retenue à titre conservatoire en vue du paiement des amendes pénales ou douanières auxquelles la personne mise en cause pourrait être condamnée ; que, par suite, en rendant indisponibles, pendant la procédure, les sommes provenant de l'aliénation des biens saisis, l'article 389 du code des douanes ne méconnaît pas l'exigence d'une indemnisation préalable de la privation de propriété ; 8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la privation du droit de propriété opérée par les dispositions contestées ne méconnaît pas les exigences de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; - SUR LE DROIT À UN RECOURS JURIDICTIONNEL EFFECTIF : 9. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; 10. Considérant que le caractère non suspensif d'une voie de recours ne méconnaît pas, en lui-même, le droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; 11. Considérant, toutefois, que, d'une part, la demande d'aliénation, formée par l'administration en application de l'article 389 du code des douanes est examinée par le juge sans que le propriétaire intéressé ait été entendu ou appelé ; que, d'autre part, l'exécution de la mesure d'aliénation revêt, en fait, un caractère définitif, le bien aliéné sortant définitivement du patrimoine de la personne mise en cause ; 12. Considérant qu'au regard des conséquences qui résultent de l'exécution de la mesure d'aliénation, la combinaison de l'absence de caractère contradictoire de la procédure et du caractère non suspensif du recours contre la décision du juge conduisent à ce que la procédure applicable méconnaisse les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite, l'article 389 du code des douanes doit être déclaré contraire à la Constitution ; 13. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; 14. Considérant que l'abrogation immédiate de l'article 389 du code des douanes aurait des conséquences manifestement excessives ; que, par suite, la présente déclaration d'inconstitutionnalité est applicable à compter du 1er janvier 2013, Article 1er.- L'article 389 du code des douanes est contraire à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter du 1er janvier 2013 dans les conditions fixées au considérant 14. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er décembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 2 décembre 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 octobre 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt du 5 octobre 2011, n° 5447), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jérémy M., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 235-1 du code de la route. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de la route ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Retali-Genisseux, enregistrées le 4 novembre 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 28 octobre 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 29 novembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa, du paragraphe I de l'article L. 235-1 du code de la route : « Toute personne qui conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur alors qu'il résulte d'une analyse sanguine qu'elle a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants est punie de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende » ; 2. Considérant que, selon le requérant, en ne prévoyant ni taux de substance illicite détectable dans le sang ni durée entre la prise de stupéfiants et la conduite, ces dispositions portent atteinte au principe de légalité des délits et des peines ainsi qu'au principe de nécessité des peines ; 3. Considérant, d'une part, que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ; 4. Considérant, d'autre part, que l'article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires. . . » ; que l'article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité des dispositions législatives soumises à son examen aux droits et libertés que la Constitution garantit ; que, si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue ; 5. Considérant, en premier lieu, que, d'une part, il était loisible au législateur d'instituer une qualification pénale particulière pour réprimer la conduite lorsque le conducteur a fait usage de stupéfiants ; qu'à cette fin, il a précisé que l'infraction est constituée dès lors que l'usage de produits ou de plantes classés comme stupéfiants est établi par une analyse sanguine ; que, d'autre part, il appartient au pouvoir réglementaire, sous le contrôle du juge compétent, de fixer, en l'état des connaissances scientifiques, médicales et techniques, les seuils minima de détection témoignant de l'usage de stupéfiants ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le législateur aurait méconnu le principe de légalité des délits en omettant de préciser la quantité de produits stupéfiants présents dans le sang pour que l'infraction soit constituée doit être écarté ; 6. Considérant, en second lieu, que la disposition contestée réprime d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende le fait de conduire un véhicule alors qu'une analyse sanguine révèle que le conducteur a fait usage de stupéfiants ; que, compte tenu des risques induits par le comportement réprimé, les peines encourues ne sont pas manifestement disproportionnées ; 7. Considérant que le premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 235-1 du code de la route n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Le premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 235-1 du code de la route est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 décembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 9 décembre 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 23 août 2011 par le Conseil d'État (décision n° 349752 du 23 août 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mmes Élise A., Alexandra B. et Véronica C., MM. Benjamin C., Fabrice E. Grégoire É. et Mathieu H., Mme Julia K., MM. Pierre R. et Martin R., Mme Peggy S. et M. Georges S., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 62 et 63-4-1 à 63-4-5 du code de procédure pénale (n° 2011-191 QPC). Il a également été saisi le 9 septembre 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêts nos 4684 à 4687 du 6 septembre 2011) dans les mêmes conditions : - d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-François M. relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du deuxième alinéa de l'article 62 du code de procédure pénale ainsi que de ses articles 63-4-1 à 63-4-5 du même code (n° 2011-194 QPC) ; - de deux questions prioritaires de constitutionnalité posées par MM. Undriks K. et Mabrouk T., relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa de l'article 63-3-1 du code de procédure pénale, du deuxième alinéa de son article 63-4 et de ses articles 63-4-1 à 63-4-3 (n° 2011-195 QPC et n° 2011 196 QPC) ; - d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par MM. Mohamed A. et Khalifa Z., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 63-4-1 du code de procédure pénale (n° 2011-197 QPC). LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 ; Vu le code de procédure pénale ; Vu la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour Mmes A., B. et C., MM. C., E. et H., Mme K., MM. R. et R., Mme S. et M. S., par Me Grégoire Étrillard, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 29 septembre 2011 ; Vu les observations en intervention du Syndicat des avocats de France dans la procédure n° 2011-195 QPC par Me Maxime Cessieux, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées le 27 septembre 2011 ; Vu les observations en intervention dans les procédures n° 2011-194 QPC et n° 2011-195 QPC, produites par l'association Fédération nationale des unions des jeunes avocats, par Me Laëtitia Marchand, avocat au barreau de Paris, et Me Jean-Baptiste Gavignet, avocat au barreau de Dijon, enregistrées les 30 septembre et 18 octobre 2011 ; Vu les observations produites pour M. K. ainsi que pour M. T. par Me Eymeric Molin, avocat au barreau de Lyon, enregistrées le 3 octobre 2011 ; Vu les observations produites pour MM. A. et Z. par Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 3 et 18 octobre 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 14 septembre ainsi que les 3 et 18 octobre 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Étrillard, Me Molin, Me Bernard Sayn, avocat au barreau de Lyon, pour M. T., Me Spinosi, Me Marchand, Me Gavignet, Me Didier Ligier, avocat au barreau de Versailles, pour le syndicat intervenant, et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus lors de l'audience publique du 8 novembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces questions prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article 62 du code de procédure pénale : « Les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent être retenues que le temps strictement nécessaire à leur audition, sans que cette durée ne puisse excéder quatre heures. « S'il apparaît, au cours de l'audition de la personne, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement, elle ne peut être maintenue sous la contrainte à la disposition des enquêteurs que sous le régime de la garde à vue. Son placement en garde à vue lui est alors notifié dans les conditions prévues à l'article 63 » ; 3. Considérant que l'article 63-3-1 du même code est relatif au droit d'une personne gardée à vue d'être assistée par un avocat ; qu'aux termes du troisième alinéa de cet article : « L'avocat peut également être désigné par la ou les personnes prévenues en application du premier alinéa de l'article 63-2. Cette désignation doit toutefois être confirmée par la personne » ; 4. Considérant que l'article 63-4 du même code est relatif à l'entretien de la personne gardée à vue avec son avocat ; qu'aux termes du deuxième alinéa de cet article : « La durée de l'entretien ne peut excéder trente minutes » ; 5. Considérant qu'aux termes de son article 63-4-1 : « À sa demande, l'avocat peut consulter le procès-verbal établi en application du dernier alinéa de l'article 63-1 constatant la notification du placement en garde à vue et des droits y étant attachés, le certificat médical établi en application de l'article 63-3, ainsi que les procès-verbaux d'audition de la personne qu'il assiste. Il ne peut en demander ou en réaliser une copie. Il peut toutefois prendre des notes » ; 6. Considérant qu'aux termes de son article 63-4-2 : « La personne gardée à vue peut demander que l'avocat assiste à ses auditions et confrontations. Dans ce cas, la première audition, sauf si elle porte uniquement sur les éléments d'identité, ne peut débuter sans la présence de l'avocat choisi ou commis d'office avant l'expiration d'un délai de deux heures suivant l'avis adressé dans les conditions prévues à l'article 63-3-1 de la demande formulée par la personne gardée à vue d'être assistée par un avocat. Au cours des auditions ou confrontations, l'avocat peut prendre des notes. « Si l'avocat se présente après l'expiration du délai prévu au premier alinéa alors qu'une audition ou une confrontation est en cours, celle-ci est interrompue à la demande de la personne gardée à vue afin de lui permettre de s'entretenir avec son avocat dans les conditions prévues à l'article 63-4 et que celui-ci prenne connaissance des documents prévus à l'article 63-4-1. Si la personne gardée à vue ne demande pas à s'entretenir avec son avocat, celui-ci peut assister à l'audition en cours dès son arrivée dans les locaux du service de police judiciaire ou à la confrontation. « Lorsque les nécessités de l'enquête exigent une audition immédiate de la personne, le procureur de la République peut autoriser, par décision écrite et motivée, sur demande de l'officier de police judiciaire, que l'audition débute sans attendre l'expiration du délai prévu au premier alinéa. « À titre exceptionnel, sur demande de l'officier de police judiciaire, le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention, selon les distinctions prévues par l'alinéa suivant, peut autoriser, par décision écrite et motivée, le report de présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations, si cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête, soit pour permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes. « Le procureur de la République ne peut différer la présence de l'avocat que pendant une durée maximale de douze heures. Lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans, le juge des libertés et de la détention peut, sur requête du procureur de la République, autoriser à différer la présence de l'avocat, au-delà de la douzième heure, jusqu'à la vingt-quatrième heure. Les autorisations du procureur de la République et du juge des libertés et de la détention sont écrites et motivées par référence aux conditions prévues à l'alinéa précédent au regard des éléments précis et circonstanciés résultant des faits de l'espèce. « Lorsque, conformément aux dispositions des deux alinéas qui précèdent, le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention a autorisé à différer la présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations, il peut également, dans les conditions et selon les modalités prévues par ces mêmes alinéas, décider que l'avocat ne peut, pour une durée identique, consulter les procès-verbaux d'audition de la personne gardée à vue » ; 7. Considérant qu'aux termes de son article 63-4-3 : « L'audition ou la confrontation est menée sous la direction de l'officier ou de l'agent de police judiciaire qui peut à tout moment, en cas de difficulté, y mettre un terme et en aviser immédiatement le procureur de la République qui informe, s'il y a lieu, le bâtonnier aux fins de désignation d'un autre avocat. « À l'issue de chaque audition ou confrontation à laquelle il assiste, l'avocat peut poser des questions. L'officier ou l'agent de police judiciaire ne peut s'opposer aux questions que si celles-ci sont de nature à nuire au bon déroulement de l'enquête. Mention de ce refus est portée au procès-verbal. « À l'issue de chaque entretien avec la personne gardée à vue et de chaque audition ou confrontation à laquelle il a assisté, l'avocat peut présenter des observations écrites dans lesquelles il peut consigner les questions refusées en application du deuxième alinéa. Celles-ci sont jointes à la procédure. L'avocat peut adresser ses observations, ou copie de celles-ci, au procureur de la République pendant la durée de la garde à vue » ; 8. Considérant qu'aux termes de son article 63-4-4 : « Sans préjudice de l'exercice des droits de la défense, l'avocat ne peut faire état auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue ni des entretiens avec la personne qu'il assiste, ni des informations qu'il a recueillies en consultant les procès-verbaux et en assistant aux auditions et aux confrontations » ; 9. Considérant qu'aux termes de son article 63-4-5 : « Si la victime est confrontée avec une personne gardée à vue, elle peut demander à être également assistée par un avocat choisi par elle ou par son représentant légal si elle est mineure ou, à sa demande, désigné par le bâtonnier. « La victime est informée de ce droit avant qu'il soit procédé à la confrontation. « À sa demande, l'avocat peut consulter les procès-verbaux d'audition de la personne qu'il assiste. « L'article 63-4-3 est applicable » ; 10. Considérant que les requérants soutiennent que ces dispositions méconnaissent les droits de la défense, le droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties, le principe de rigueur nécessaire des mesures de contrainte mises en oeuvre au cours de la procédure pénale, ainsi que la compétence de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle ; qu'ils critiquent, d'une part, les dispositions de l'article 62 du code de procédure pénale en tant qu'elles permettent l'audition sans avocat d'une personne suspectée qui n'a pas été placée en garde à vue et, d'autre part, les dispositions relatives aux conditions dans lesquelles une personne gardée à vue est assistée par un avocat ; - SUR LES NORMES DE CONSTITUTIONNALITÉ APPLICABLES : 11. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance » ; qu'aux termes de son article 9 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; 12. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant la procédure pénale ; qu'aux termes de son article 66 : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; 13. Considérant que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale ; que, s'agissant de la procédure pénale, cette exigence s'impose notamment pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions ; 14. Considérant, en outre, qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des droits et libertés constitutionnellement garantis ; qu'au nombre de ceux-ci figurent le respect des droits de la défense, qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789, et la liberté individuelle que l'article 66 de la Constitution place sous la protection de l'autorité judiciaire ; - SUR L'ARTICLE 62 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE : 15. Considérant que les requérants font valoir qu'en faisant dépendre le droit à l'assistance d'un avocat de l'existence d'une mesure de contrainte et non de la suspicion qui pèse sur la personne interrogée, l'article 62 du code de procédure pénale permet qu'une personne suspectée soit interrogée sans bénéficier de l'assistance d'un avocat ; que, par suite, il méconnaîtrait le respect des droits de la défense ; 16. Considérant que le premier alinéa de l'article 62 limite à une durée maximale de quatre heures la possibilité de retenir, pour qu'elles soient entendues, les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ; qu'il est applicable aux seuls témoins et, par suite, ne méconnaît pas les droits de la défense ; 17. Considérant que le second alinéa de cet article prévoit que s'il apparaît, au cours de l'audition de la personne, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement, elle ne peut être maintenue sous la contrainte à la disposition des enquêteurs pour être entendue que sous le régime de la garde à vue ; 18. Considérant qu'il résulte nécessairement de ces dispositions qu'une personne à l'encontre de laquelle il apparaît qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction peut être entendue par les enquêteurs en dehors du régime de la garde à vue dès lors qu'elle n'est pas maintenue à leur disposition sous la contrainte ; 19. Considérant que, si le respect des droits de la défense impose, en principe, qu'une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction ne peut être entendue, alors qu'elle est retenue contre sa volonté, sans bénéficier de l'assistance effective d'un avocat, cette exigence constitutionnelle n'impose pas une telle assistance dès lors que la personne soupçonnée ne fait l'objet d'aucune mesure de contrainte et consent à être entendue librement ; 20. Considérant que, toutefois, le respect des droits de la défense exige qu'une personne à l'encontre de laquelle il apparaît, avant son audition ou au cours de celle-ci, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction pour laquelle elle pourrait être placée en garde à vue, ne puisse être entendue ou continuer à être entendue librement par les enquêteurs que si elle a été informée de la nature et de la date de l'infraction qu'on la soupçonne d'avoir commise et de son droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie ; que, sous cette réserve applicable aux auditions réalisées postérieurement à la publication de la présente décision, les dispositions du second alinéa de l'article 62 du code de procédure pénale ne méconnaissent pas les droits de la défense ; 21. Considérant que les dispositions de l'article 62 du code de procédure pénale ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; - SUR LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA GARDE À VUE : 22. Considérant que les requérants font valoir que les restrictions apportées à l'assistance par un avocat de la personne gardée à vue ou de la victime méconnaissent le respect des droits de la défense, le droit à une procédure juste et équitable et le principe du contradictoire ; qu'ils dénoncent, en particulier, l'absence de droit pour l'avocat de consulter les pièces de la procédure avant l'audition ou la confrontation et d'en obtenir la copie, la possibilité laissée aux enquêteurs de commencer l'audition de la personne gardée à vue sans que l'avocat ait eu le temps de se rendre dans les locaux de la police ou de la gendarmerie, la limitation à trente minutes de l'entretien de la personne gardée à vue avec l'avocat, la restriction de l'assistance de l'avocat pour les seuls actes d'audition et de confrontation, ainsi que l'exclusion de cette assistance au cours des autres actes d'investigation, telles les perquisitions ; 23. Considérant que les requérants mettent également en cause le pouvoir reconnu à l'officier de police judiciaire, d'une part, de s'opposer aux questions posées par l'avocat au cours de l'audition de la personne gardée à vue et, d'autre part, de décider de mettre fin à une audition ou une confrontation, en cas de difficulté, pour demander au procureur de la République de saisir le bâtonnier aux fins de désignation d'un autre avocat ; 24. Considérant que l'association intervenante fait valoir, en outre, que la faculté donnée au procureur de la République ou au juge des libertés et de la détention de reporter la présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations porte atteinte aux droits de la défense ; 25. Considérant qu'à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, la loi du 14 avril 2011 susvisée a eu pour objet de remédier à l'inconstitutionnalité des dispositions du code de procédure pénale relatives à la garde à vue ; qu'à cette fin, notamment, l'article préliminaire du code de procédure pénale a été complété par un alinéa aux termes duquel : « En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu'elle a faites sans avoir pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par lui » ; que l'article 63-1 dispose que la personne placée en garde à vue est immédiatement informée de son droit « lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire » ; que l'article 63 4-2 prévoit que la personne gardée à vue peut demander que l'avocat assiste à ses auditions et confrontations et organise les conditions de cette assistance ; 26. Considérant, en premier lieu, que le troisième alinéa de l'article 63-3-1 prévoit que, lorsque l'avocat de la personne gardée à vue est désigné par la personne prévenue en application de l'article 63-2, la personne gardée à vue doit confirmer cette désignation ; que cette disposition, qui tend à garantir la liberté de la personne gardée à vue de choisir son avocat, ne méconnaît aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; 27. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l'article 63-4-1 prévoient que l'avocat de la personne gardée à vue ne peut consulter que le procès-verbal de placement en garde à vue et de notification des droits établi en application de l'article 63-1, le certificat médical établi en application de l'article 63-3 et les procès-verbaux d'audition de la personne qu'il assiste ; 28. Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 14 du code de procédure pénale, la police judiciaire est chargée « de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs » ; que la garde à vue est une mesure de contrainte nécessaire à certaines opérations de police judiciaire ; que, comme le Conseil constitutionnel l'a jugé dans sa décision du 30 juillet 2010 susvisée, les évolutions de la procédure pénale qui ont renforcé l'importance de la phase d'enquête policière dans la constitution des éléments sur le fondement desquels une personne mise en cause est jugée doivent être accompagnées des garanties appropriées encadrant le recours à la garde à vue ainsi que son déroulement et assurant la protection des droits de la défense ; que les dispositions contestées n'ont pas pour objet de permettre la discussion de la légalité des actes d'enquête ou du bien-fondé des éléments de preuve rassemblés par les enquêteurs, qui n'ont pas donné lieu à une décision de poursuite de l'autorité judiciaire et qui ont vocation, le cas échéant, à être discutés devant les juridictions d'instruction ou de jugement ; qu'elles n'ont pas davantage pour objet de permettre la discussion du bien-fondé de la mesure de garde à vue enfermée par la loi dans un délai de vingt-quatre heures renouvelable une fois ; que, par suite, les griefs tirés de ce que les dispositions contestées relatives à la garde à vue n'assureraient pas l'équilibre des droits des parties et le caractère contradictoire de cette phase de la procédure pénale sont inopérants ; 29. Considérant, d'autre part, que le 2° de l'article 63-1 dispose que la personne gardée à vue est immédiatement informée de la nature et de la date présumée de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre ; que, compte tenu des délais dans lesquels la garde à vue est encadrée, les dispositions de l'article 63-4-1 qui limitent l'accès de l'avocat aux seules pièces relatives à la procédure de garde à vue et aux auditions antérieures de la personne gardée à vue assurent, entre le respect des droits de la défense et l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée ; que, par suite, l'article 63-4-1 n'est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; 30. Considérant, en troisième lieu, qu'en prévoyant que la personne gardée à vue peut s'entretenir avec son avocat pendant trente minutes, qu'elle peut demander que l'avocat assiste à ses auditions et confrontations et que la première audition de la personne gardée à vue ne peut avoir lieu moins de deux heures après que l'avocat a été avisé, le deuxième alinéa de l'article 63-4 et l'article 63-4-2 instituent des garanties de nature à assurer que la personne gardée à vue bénéficie de l'assistance effective d'un avocat ; qu'il appartient en tout état de cause à l'autorité judiciaire de veiller au respect du principe de loyauté dans l'administration de la preuve et d'apprécier la valeur probante des déclarations faites, le cas échéant, par une personne gardée à vue hors la présence de son avocat ; que, par suite, en n'imposant pas un délai avant chacune des éventuelles auditions suivantes de la personne gardée à vue et en permettant que, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, l'audition puisse commencer avant l'expiration du délai de deux heures lorsque les nécessités de l'enquête exigent une audition immédiate de la personne, le législateur a assuré, entre le droit de la personne gardée à vue à bénéficier de l'assistance d'un avocat et l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée ; 31. Considérant, en quatrième lieu, que les trois derniers alinéas de l'article 63-4-2 permettent le report de la présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations ainsi que celui de la consultation des procès-verbaux d'audition de la personne gardée à vue ; que ces dispositions n'ont pas pour effet de permettre le report de l'entretien de trente minutes de l'avocat avec la personne gardée à vue ; qu'un tel report n'est possible que sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, pour une durée de douze heures ; que cette durée peut être portée à vingt-quatre heures sur autorisation du juge des libertés et de la détention, lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans ; que la possibilité d'un tel report n'est prévue qu'à titre exceptionnel, lorsque cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête, soit pour permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes ; que la restriction ainsi apportée au principe selon lequel la personne gardée à vue ne peut être entendue sans avoir pu bénéficier de l'assistance effective d'un avocat est placée sous le contrôle des juridictions pénales saisies des poursuites ; que, par suite, eu égard aux cas et aux conditions dans lesquels elle peut être mise en œuvre, la faculté d'un tel report assure, entre le respect des droits de la défense et l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée ; 32. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions du deuxième alinéa de l'article 63-4 et celles de l'article 63-4-2 ne méconnaissent ni le respect des droits de la défense ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; 33. Considérant, en cinquième lieu, que le premier alinéa de l'article 63-4-3 dispose que l'audition ou la confrontation est menée sous la direction de l'officier ou de l'agent de police judiciaire et prévoit que ce dernier peut à tout moment, en cas de difficulté, y mettre un terme et en aviser le procureur de la République qui informe, s'il y a lieu, le bâtonnier aux fins de désignation d'un autre avocat ; 34. Considérant, que le deuxième alinéa de cet article prévoit que l'avocat peut poser des questions à l'issue de chaque audition ou confrontation et que l'officier ou l'agent de police judiciaire ne peut s'opposer aux questions que si celles-ci sont de nature à nuire au bon déroulement de l'enquête ; que son dernier alinéa permet à l'avocat de présenter des observations écrites dans lesquelles il peut consigner les questions refusées ; que l'avocat peut également adresser ses observations écrites directement au procureur de la République pendant la durée de la garde à vue ; 35. Considérant que ces dispositions ne méconnaissent ni les droits de la défense ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; 36. Considérant, en sixième lieu, que l'article 63-4-4 soumet l'avocat au secret de l'enquête en lui interdisant de faire état auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue des entretiens avec la personne qu'il assiste et des informations qu'il a recueillies en consultant les procès-verbaux et en assistant aux auditions et aux confrontations ; qu'il ressort des termes mêmes de cet article que cette interdiction s'applique « sans préjudice de l'exercice des droits de la défense » ; qu'elle ne saurait, par suite, porter atteinte à ces droits ; que cet article n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; 37. Considérant, en septième lieu, que l'article 63-4-5 reconnaît également à la victime confrontée avec une personne gardée à vue le droit de demander à être assistée par un avocat ; qu'il n'est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; 38. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le second alinéa de l'article 62 du code de procédure pénale doit être déclaré conforme à la Constitution sous la réserve énoncée au considérant 20 ; que les autres dispositions contestées doivent être déclarées conformes à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 20, le second alinéa de l'article 62 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution. Article 2.- Le premier alinéa de l'article 62 du code de procédure pénale, le troisième alinéa de son article 63-3-1, le deuxième alinéa de son article 63 4 et ses articles 63-4-1 à 63-4-5 sont conformes à la Constitution. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 novembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 18 novembre 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 septembre 2011 par le Conseil d'État (décision n° 350371 du 21 septembre 2011) sur le fondement des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Albin R., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 1° du paragraphe I de l'article 74 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par Me Pierre-Étienne Rosenstiehl, avocat au barreau de Strasbourg, et la SCP Hélène Masse-Dessen et Gilles Thouvenin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 13 octobre 2011 ; Vu les observations en intervention produites pour le Syndicat des avocats de France, par la SCP Hélène Masse-Dessen et Gilles Thouvenin, enregistrées le 14 octobre 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 14 octobre 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Rosenstiehl pour le requérant, Me Masse-Dessen pour le requérant et le Syndicat des avocats de France et M. Xavier Pottier désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 15 novembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes du 1° du paragraphe I de l'article 74 de la loi du 29 décembre 2010 susvisée, l'aide juridictionnelle concerne tous les frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels elle a été accordée, « à la seule exception des droits de plaidoirie » ; 2. Considérant que, selon le requérant et l'intervenant, cette disposition méconnaît le droit au recours juridictionnel effectif et, en conséquence, le principe d'égalité devant la justice et le principe de prévisibilité de la loi ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction ; 4. Considérant que l'aide juridictionnelle allouée par l'État peut être demandée par tout justiciable et lui est accordée s'il satisfait aux conditions de son attribution ; que les dispositions contestées qui excluent les droits de plaidoirie du champ de cette aide ne méconnaissent pas, eu égard à leur faible montant, le droit au recours effectif devant une juridiction ; qu'en tout état de cause, il appartient au pouvoir réglementaire, compétent pour fixer le montant de ces droits, de le faire dans une mesure compatible avec l'exigence constitutionnelle rappelée ci-dessus ; 5. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Le 1° du paragraphe I de l'article 74 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 novembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 25 novembre 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 23 septembre 2011 par le Conseil d'État (décision n° 336839 du 23 septembre 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Banque Populaire Côte d'Azur, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa de l'article L. 613-1, des articles L. 613-4, L. 613-6, L. 613-21 et du paragraphe I de l'article L. 613-23 du code monétaire et financier, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de l'assurance. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code monétaire et financier ; Vu l'ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de l'assurance ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 17 octobre 2011 ; Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Defrénois et Levis, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 2 novembre 2011 ; Vu les observations produites pour l'Autorité de contrôle prudentiel, venant aux droits de la Commission bancaire, par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 7 novembre 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Marc Levis, pour les requérants, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 22 novembre 2011 ; Vu la note en délibéré produite pour l'Autorité de contrôle prudentiel, enregistrée le 28 novembre 2011 ; Vu le mémoire en réponse à la note en délibéré, produit pour la société requérante, enregistré le 29 novembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 613-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 21 janvier 2010 susvisée : « La commission bancaire est chargée de contrôler le respect par les établissements de crédit des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables et de sanctionner les manquements constatés » ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 613-4 du même code : « La commission bancaire délibère valablement lorsque la majorité absolue des membres qui la composent sont présents ou représentés. Sauf s'il y a urgence, elle ne délibère valablement en qualité de juridiction administrative que lorsque la totalité de ses membres sont présents ou représentés » ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 613-6 du même code : « Le secrétariat général de la commission bancaire, sur instruction de la commission bancaire, effectue des contrôles sur pièces et sur place. La commission délibère périodiquement du programme des contrôles sur place. « Le secrétariat général de la Commission bancaire peut convoquer et entendre toute personne pour en obtenir des informations » ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 613-21 du même code : « I. Si un établissement de crédit, un établissement de paiement, ou une des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 613-2 a enfreint une disposition législative ou réglementaire afférente à son activité, n'a pas répondu à une recommandation ou n'a pas tenu compte d'une mise en garde ou encore n'a pas respecté les conditions particulières posées ou les engagements pris à l'occasion d'une demande d'agrément ou d'une autorisation ou dérogation prévue par les dispositions législatives ou réglementaires applicables aux établissements de crédit, aux établissements de paiement et aux entreprises d'investissement, la commission bancaire, sous réserve des compétences de l'Autorité des marchés financiers, peut prononcer l'une des sanctions disciplinaires suivantes : « 1. L'avertissement ; « 2. Le blâme ; « 3. L'interdiction, à titre temporaire ou définitif, d'effectuer certaines opérations et toutes autres limitations dans l'exercice de l'activité ; « 4. La suspension temporaire de l'une ou de plusieurs des personnes mentionnées à l'article L. 511-13, au huitième alinéa du II de l'article L. 522-6 et à l'article L. 532-2 avec ou sans nomination d'administrateur provisoire ; « 5. La démission d'office de l'une ou de plusieurs de ces mêmes personnes avec ou sans nomination d'administrateur provisoire ; « 6. La radiation de l'établissement de crédit, de l'établissement de paiement ou de l'entreprise d'investissement de la liste des établissements de crédit, des établissements de paiement ou des entreprises d'investissement agréés avec ou sans nomination d'un liquidateur. La radiation d'un établissement de paiement peut notamment être prononcée s'il représente une menace pour la stabilité des systèmes de paiement. « La commission bancaire, sous réserve des compétences de l'Autorité des marchés financiers, peut également prononcer les sanctions disciplinaires mentionnées ci-dessus s'il n'a pas été déféré à l'injonction prévue à l'article L. 613-16. « En outre, la commission bancaire peut prononcer, soit à la place, soit en sus de ces sanctions, une sanction pécuniaire au plus égale au décuple du montant du capital minimum auquel est astreinte la personne morale sanctionnée. Les sommes correspondantes sont recouvrées par le Trésor public et versées au budget de l'État. « II. La commission bancaire peut également décider, soit à la place, soit en sus de ces sanctions, d'interdire ou de limiter la distribution d'un dividende aux actionnaires ou d'une rémunération des parts sociales aux sociétaires des personnes mentionnées au I. « Lorsqu'elle prononce une des sanctions disciplinaires ci-dessus énumérées à l'encontre d'un prestataire de services d'investissement, la commission bancaire en informe l'Autorité des marchés financiers. « III. La commission bancaire peut décider que les sanctions prises dans le cadre du présent article feront l'objet d'une publication aux frais de la personne morale sanctionnée dans les journaux ou publications que la commission désigne, à moins que cette publication ne risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause » ; 5. Considérant qu'aux termes du paragraphe I de l'article L. 613-23 du même code : « Lorsque la commission bancaire statue en application de l'article L. 613-21, elle est une juridiction administrative » ; 6. Considérant que, selon la société requérante, en ne prévoyant pas de séparation des pouvoirs de poursuite et de sanction au sein de la commission bancaire, ces dispositions méconnaissent les principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions qui découlent de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; 7. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que les principes d'indépendance et d'impartialité sont indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles ; 8. Considérant que les dispositions contestées, en organisant la Commission bancaire sans séparer en son sein, d'une part, les fonctions de poursuite des éventuels manquements des établissements de crédit aux dispositions législatives et réglementaires qui les régissent et, d'autre part, les fonctions de jugement des mêmes manquements, qui peuvent faire l'objet de sanctions disciplinaires, méconnaissent le principe d'impartialité des juridictions et, par suite, doivent être déclarées contraires à la Constitution ; 9. Considérant qu'en vertu de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution, il appartient au Conseil constitutionnel de déterminer les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition qu'il déclare inconstitutionnelle a produits sont susceptibles d'être remis en cause ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; que la présente déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle est applicable à toutes les instances non définitivement jugées à cette date, Article 1er.- Le premier alinéa de l'article L. 613-1, les articles L. 613-4, L. 613-6, L. 613-21 et le paragraphe I de l'article L. 613-23 du code monétaire et financier, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de l'assurance, sont contraires à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 9. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er décembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 2 décembre 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 septembre 2011 par le Conseil d'État (décision numéros 350385, 350386, 350387 du 21 septembre 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Michel GOURMELON et relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions des articles L. 242-6, L. 242-7 et L. 242-8 du code rural et de la pêche maritime. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code rural et de la pêche maritime ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par Me Thomas Crochet, enregistrées les 14 et 29 octobre 2011 et 8 novembre 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 14 et 31 octobre 2011 ; Vu la lettre du 3 novembre 2011 par laquelle le Conseil constitutionnel a soumis aux parties un grief susceptible d'être soulevé par lui ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Thomas Crochet pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 16 novembre 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 242-6 du code rural et de la pêche maritime : « La chambre de discipline réprime tous les manquements des vétérinaires et docteurs vétérinaires aux devoirs de leur profession » ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 242-7 du même code : « La chambre de discipline peut appliquer les peines disciplinaires suivantes : « 1° L'avertissement ; « 2° La réprimande, accompagnée ou non de l'interdiction de faire partie d'un conseil de l'ordre pendant un délai qui ne peut excéder dix ans ; « 3° La suspension temporaire du droit d'exercer la profession pour une durée maximum de dix ans dans un périmètre qui ne pourra excéder le ressort de la chambre régionale qui a prononcé la suspension. Cette sanction entraîne l'inéligibilité de l'intéressé à un conseil de l'ordre pendant toute la durée de la suspension ; « 4° La suspension temporaire du droit d'exercer la profession pour une durée maximum de dix ans sur tout le territoire des départements métropolitains et d'outre-mer. Cette sanction comporte l'interdiction définitive de faire partie d'un conseil de l'ordre. « L'exercice de la profession en période de suspension est passible des peines applicables à l'exercice illégal de la médecine et de la chirurgie des animaux. « Lorsqu'une période égale à la moitié de la durée de la suspension se sera écoulée, le vétérinaire ou docteur vétérinaire frappé peut être relevé de l'incapacité d'exercer par une décision de la chambre de discipline qui a prononcé la condamnation. La demande est formée par une requête adressée au président du conseil régional de l'ordre qui a prononcé la suspension ; celui-ci devra statuer dans un délai de trois mois à dater du jour du dépôt de la requête. « Toute décision de rejet pourra être transférée au conseil supérieur de l'ordre. « Les peines disciplinaires prévues au présent article devront être notifiées au conseil supérieur de l'ordre dans un délai maximum d'un mois » ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 242-8 du même code : « Appel des décisions des chambres régionales de discipline peut être porté devant la chambre supérieure de discipline. Elle est composée des membres du conseil supérieur de l'ordre et d'un conseiller honoraire à la Cour de cassation, ou à défaut d'un conseiller en activité, exerçant la présidence et désigné par le premier président de la Cour de cassation. « La chambre supérieure de discipline peut être saisie, dans le délai de deux mois à dater du jour de la notification, de la décision de la chambre régionale de discipline par l'intéressé ou les auteurs de la plainte. « L'appel a un effet suspensif » ; 4. Considérant que, selon le requérant, en ne fixant pas de prescription des poursuites pour les fautes disciplinaires des vétérinaires, les dispositions contestées portent atteinte au principe fondamental reconnu par les lois de la République imposant qu'une règle de prescription soit prévue en matière disciplinaire ; qu'en outre, en prévoyant que la chambre supérieure de discipline comprend, à l'exception de son président, des membres du conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires, les règles de composition de l'instance disciplinaire méconnaîtraient les principes d'impartialité et d'indépendance des juridictions ; - SUR LES GRIEFS TIRÉS DE LA MÉCONNAISSANCE DES EXIGENCES CONSTITUTIONNELLES APPLICABLES AUX POURSUITES ET SANCTIONS DISCIPLINAIRES ; 5. Considérant qu'aucune loi de la République antérieure à la Constitution de 1946 n'a fixé le principe selon lequel les poursuites disciplinaires sont nécessairement soumises à une règle de prescription ; que, dès lors, le grief tiré de ce que les dispositions contestées méconnaîtraient un principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de prescription des poursuites disciplinaires doit être écarté ; 6. Considérant que l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition ; 7. Considérant que, d'une part, appliquée en dehors du droit pénal, l'exigence d'une définition des manquements sanctionnés se trouve satisfaite, en matière disciplinaire, dès lors que les textes applicables font référence aux obligations auxquelles les intéressés sont soumis en raison de l'activité qu'ils exercent, de la profession à laquelle ils appartiennent ou de l'institution dont ils relèvent ; 8. Considérant que, d'autre part, l'article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité des dispositions législatives soumises à son examen aux droits et libertés que la Constitution garantit ; que, si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer, en matière disciplinaire, de l'absence d'inadéquation manifeste entre les peines disciplinaires encourues et les obligations dont elles tendent à réprimer la méconnaissance ; 9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'article L. 247-7 du code susvisé que les sanctions disciplinaires applicables aux vétérinaires ou docteurs vétérinaires en cas de manquement aux devoirs de la profession sont l'avertissement, la réprimande, la suspension temporaire du droit d'exercer la profession pour une durée maximum de dix ans, soit dans un périmètre qui ne peut excéder le ressort de la chambre régionale qui a prononcé la suspension, soit sur tout le territoire des départements métropolitains et d'outre-mer ; que, pour la suspension temporaire, lorsqu'une période égale à la moitié de la durée de la suspension est écoulée, le vétérinaire ou docteur vétérinaire sanctionné peut être relevé de l'incapacité d'exercer par une décision de la chambre de discipline qui a prononcé la condamnation ; que les sanctions disciplinaires prononcées, à l'exception de l'avertissement, peuvent, le cas échéant, être accompagnées d'une inéligibilité, temporaire ou définitive, à un ou tous les conseils de l'ordre des vétérinaires ; que les sanctions disciplinaires ainsi instituées ne méconnaissent pas les exigences de l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; 10. Considérant, en second lieu, que, si le principe de proportionnalité des peines implique que le temps écoulé entre la faute et la condamnation puisse être pris en compte dans la détermination de la sanction, il appartient à l'autorité disciplinaire compétente de veiller au respect de cette exigence dans l'application des dispositions contestées ; que, dans ces conditions, ces dispositions ne sont pas contraires à l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; - SUR LES GRIEFS TIRÉS DE LA MÉCONNAISSANCE DES PRINCIPES D'INDÉPENDANCE ET D'IMPARTIALITÉ DES JURIDICTIONS : 11. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que sont garantis par ces dispositions les principes d'indépendance et d'impartialité, indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles, ainsi que le respect des droits de la défense lorsqu'est en cause une sanction ayant le caractère d'une punition ; 12. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 242-8 du code susvisé dispose que la chambre supérieure de discipline « est composée des membres du conseil supérieur de l'ordre et d'un conseiller honoraire à la Cour de cassation, ou à défaut d'un conseiller en activité, exerçant la présidence et désigné par le premier président de la Cour de cassation » ; que la circonstance selon laquelle les membres de l'organe disciplinaire sont, à l'exception d'un magistrat judiciaire, également membres en exercice du conseil de l'ordre, n'a pas pour effet, en elle-même, de porter atteinte aux exigences d'indépendance et d'impartialité de cet organe ; 13. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions contestées n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de permettre qu'un membre du conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires qui aurait engagé les poursuites disciplinaires ou accompli des actes d'instruction siège au sein de la chambre supérieure de discipline ; 14. Considérant, en troisième lieu, que la procédure disciplinaire applicable aux vétérinaires et docteurs vétérinaires, soumise aux exigences précitées, ne relève pas du domaine de la loi mais, sous le contrôle du juge compétent, du domaine réglementaire ; que, par suite, le grief tiré de ce que les dispositions législatives contestées n'institueraient pas les règles de procédure garantissant le respect de ces exigences doit être écarté ; 15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au considérant 13, le grief tiré de la méconnaissance des principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions doit être rejeté ; 16. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 13, l'article L. 242-8 du code rural et de la pêche maritime est conforme à la Constitution. Article 2.- Les articles L. 242-6 et L. 242-7 du même code sont conformes à la Constitution. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 novembre 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 25 novembre 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, le 14 avril 2011, par M. Jean-Pierre BEL, Mme Michèle ANDRÉ, MM. Alain ANZIANI, David ASSOULINE, Bertrand AUBAN, Claude BÉRIT-DÉBAT, Mmes Marie-Christine BLANDIN, Maryvonne BLONDIN, M. Yannick BODIN, Mme Nicole BONNEFOY, MM. Yannick BOTREL, Didier BOULAUD, Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, M. Martial BOURQUIN, Mme Bernadette BOURZAI, M. Michel BOUTANT, Mme Nicole BRICQ, MM. Jean-Pierre CAFFET, Jean-Louis CARRÈRE, Mme Françoise CARTRON, M. Bernard CAZEAU, Mme Monique CERISIER-ben GUIGUA, MM. Yves CHASTAN, Roland COURTEAU, Yves DAUDIGNY, Jean-Pierre DEMERLIAT, Mme Christiane DEMONTÈS, MM. Jean DESESSARD, Claude DOMEIZEL, Mme Josette DURRIEU, MM. Bernard FRIMAT, Charles GAUTIER, Serge GODARD, Didier GUILLAUME, Edmond HERVÉ, Ronan KERDRAON, Mme Bariza KHIARI, MM. Yves KRATTINGER, Serge LAGAUCHE, Jacky LE MENN, Mmes Raymonde LE TEXIER, Claudine LEPAGE, MM. Jean-Jacques LOZACH, Roger MADEC, Marc MASSION, Rachel MAZUIR, Jean-Pierre MICHEL, Gérard MIQUEL, Jean-Jacques MIRASSOU, Mme Renée NICOUX, MM. Bernard PIRAS, Mme Gisèle PRINTZ, MM. Daniel RAOUL, François REBSAMEN, Daniel REINER, Thierry REPENTIN, Michel SERGENT, René-Pierre SIGNÉ, Jean-Pierre SUEUR, Simon SUTOUR, Mme Catherine TASCA, MM. Michel TESTON, René TEULADE et Richard YUNG, sénateurs, et, le 15 avril 2011, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mmes Sylvie ANDRIEUX, Marie-Noëlle BATTISTEL, MM. Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Daniel BOISSERIE, Mmes Marie-Odile BOUILLÉ, Monique BOULESTIN, MM. Pierre BOURGUIGNON, François BROTTES, Guy CHAMBEFORT, Jean-Michel CLÉMENT, Gilles COCQUEMPOT, Pierre COHEN, Mme Pascale CROZON, MM. Frédéric CUVILLIER, Pascal DEGUILHEM, François DELUGA, Bernard DEROSIER, Michel DESTOT, René DOSIÈRE, Julien DRAY, Tony DREYFUS, Jean-Pierre DUFAU, Mme Laurence DUMONT, MM. Jean-Paul DUPRÉ, Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Hervé FÉRON, Pierre FORGUES, Mme Valérie FOURNEYRON, M. Jean-Louis GAGNAIRE, Mme Geneviève GAILLARD, MM. Jean-Patrick GILLE, Joël GIRAUD, Jean GLAVANY, Daniel GOLDBERG, Marc GOUA, Mme Élisabeth GUIGOU, M. David HABIB, Mmes Danièle HOFFMAN-RISPAL, Sandrine HUREL, Françoise IMBERT, MM. Serge JANQUIN, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Jack LANG, Mme Colette LANGLADE, M. Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Mme Annick LE LOCH, M. Bruno LE ROUX, Mme Annick LEPETIT, MM. Bernard LESTERLIN, Albert LIKUVALU, François LONCLE, Jean MALLOT, Mmes Jeanny MARC, Marie-Lou MARCEL, MM. Jean-René MARSAC, Philippe MARTIN, Mme Frédérique MASSAT, M. Didier MATHUS, Mme Sandrine MAZETIER, MM. Jean MICHEL, Pierre-Alain MUET, Philippe NAUCHE, Henri NAYROU, Alain NÉRI, Mme George PAU-LANGEVIN, MM. Germinal PEIRO, Jean-Luc PÉRAT, Mmes Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, Martine PINVILLE, M. François PUPPONI, Mme Catherine QUÉRÉ, MM. Jean-Jack QUEYRANNE, Dominique RAIMBOURG, Simon RENUCCI, René ROUQUET, Alain ROUSSET, Michel SAPIN, Jean-Louis TOURAINE, Philippe TOURTELIER, André VALLINI, Manuel VALLS, Michel VAUZELLE, Michel VERGNIER, André VÉZINHET et Alain VIDALIES, députés. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de justice administrative ; Vu le code du travail ; Vu la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 et son avenant n° 2002-02 du 25 mars 2002 ; Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 3 mai 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les sénateurs et députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit ; que les députés requérants mettent en cause l'intelligibilité et l'accessibilité de la loi et notamment celle de ses articles 46, 65, 98 à 122, 156 et 197 à 199, ainsi que la sincérité et la clarté des débats parlementaires ayant conduit à son adoption ; que les sénateurs requérants contestent la conformité à la Constitution de ses articles 93, 187 et 188 ; - SUR L'ENSEMBLE DE LA LOI : 2. Considérant que la proposition de loi dont est issue la loi déférée au Conseil constitutionnel comprenait initialement sept chapitres ; que le chapitre Ier, intitulé « Dispositions tendant à améliorer la qualité des normes et des relations des citoyens avec les administrations », comprenait six sections comportant des dispositions relatives aux particuliers et aux entreprises, à la protection et à la preuve de l'identité des personnes physiques, à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à la gouvernance des entreprises, au fonctionnement des collectivités territoriales et des services de l'État et à des dispositifs fiscaux ; que le chapitre II était consacré au statut des groupements d'intérêt public et le chapitre III à des dispositions de simplification en matière d'urbanisme ; que le chapitre IV énonçait des dispositions tendant à tirer les conséquences du défaut d'adoption des textes d'application prévus par certaines dispositions législatives et le chapitre V des mesures de simplification et clarification de dispositions pénales ; que le chapitre VI comportait des dispositions d'amélioration de la qualité formelle du droit dans les secteurs sanitaire, social et médico-social ; que le chapitre VII était intitulé « Compensation financière » ; 3. Considérant que la loi adoptée a, dans le chapitre Ier, inséré une nouvelle section relative aux actes de décès des personnes mortes en déportation ; que la loi a été complétée par un chapitre VIII relatif à l'habilitation donnée au Gouvernement de procéder par ordonnances à l'amélioration du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, à la transposition d'une directive sur la médiation transfrontalière ainsi qu'à la réforme des tribunaux maritimes commerciaux et à l'actualisation des dispositions législatives du code disciplinaire et pénal de la marine marchande ; qu'elle a été également complétée par un chapitre IX relatif à l'application outre-mer de certaines de ses dispositions ; 4. Considérant que les députés requérants font valoir, d'une part, que la loi déférée, par la complexité de ses dispositions et leur caractère hétérogène, porte atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ; que, d'autre part, aurait été méconnue l'exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité des débats parlementaires ; 5. Considérant qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, impose au législateur d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ; 6. Considérant qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose que les dispositions d'un projet ou d'une proposition de loi présentent un objet analogue ; que la complexité de la loi et l'hétérogénéité de ses dispositions ne sauraient, à elles seules, porter atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ; qu'aucune des dispositions de la loi ne méconnaît par elle-même cet objectif ; que la procédure d'adoption de la loi n'a pas eu pour effet d'altérer la clarté et la sincérité du débat parlementaire ; - SUR L'ARTICLE 65 : 7. Considérant que le 5° de l'article 65 de la loi déférée complète l'article L. 331-23 du code de la propriété intellectuelle par un alinéa selon lequel la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet est autorisée à « engager toute action de sensibilisation des consommateurs et des acteurs économiques dans les domaines énumérés aux alinéas précédents et apporter son soutien à des projets innovants de recherche et d'expérimentation conduits par des personnes publiques ou privées et dont la réalisation concourt à la mise en oeuvre de la mission qui lui a été assignée au 1° de l'article L. 331 13 » ; 8. Considérant que, selon les députés requérants, cette disposition méconnaît l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ; 9. Considérant qu'il ressort de l'économie de l'article 45 de la Constitution et notamment de son premier alinéa aux termes duquel : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique », que les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion ; que, toutefois, ne sont pas soumis à cette dernière obligation les amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle ; 10. Considérant, en l'espèce, que l'amendement dont sont issues les dispositions susmentionnées a été introduit en deuxième lecture par l'Assemblée nationale ; que cette adjonction n'était pas, à ce stade de la procédure, en relation directe avec une disposition restant en discussion ; qu'elle n'était pas non plus destinée à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle ; qu'il s'ensuit que le 5° de l'article 65 de la loi déférée a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner le grief précité, il doit être déclaré contraire à cette dernière ; - SUR L'ARTICLE 93 : 11. Considérant que l'article 93 donne une nouvelle rédaction de l'article L. 8222-6 du code du travail relatif aux obligations des personnes morales de droit public lorsque les personnes ou les entreprises avec lesquelles elles contractent méconnaissent leurs obligations en matière de travail dissimulé ; qu'aux termes de cet article : « Tout contrat écrit conclu par une personne morale de droit public doit comporter une clause stipulant que des pénalités peuvent être infligées au cocontractant s'il ne s'acquitte pas des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 à L. 8221-5. Le montant des pénalités est, au plus, égal à 10 % du montant du contrat et ne peut excéder celui des amendes encourues en application des articles L. 8224-1, L. 8224-2 et L. 8224-5. « Toute personne morale de droit public ayant contracté avec une entreprise, informée par écrit par un agent de contrôle de la situation irrégulière de cette dernière au regard des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5, l'enjoint aussitôt de faire cesser cette situation. L'entreprise ainsi mise en demeure apporte à la personne morale de droit public la preuve qu'elle a mis fin à la situation délictuelle. « La personne morale de droit public transmet, sans délai, à l'agent auteur du signalement les éléments de réponse communiqués par l'entreprise ou l'informe d'une absence de réponse. « À défaut de correction des irrégularités signalées dans un délai fixé par décret en Conseil d'État, la personne morale de droit public en informe l'agent auteur du signalement et peut appliquer les pénalités prévues par le contrat ou rompre le contrat, sans indemnité, aux frais et risques de l'entrepreneur. « À défaut de respecter les obligations qui découlent du deuxième, troisième ou quatrième alinéa du présent article, la personne morale de droit public est tenue solidairement responsable des sommes dues au titre des 1° et 3° de l'article L. 8222-2, dans les conditions prévues à l'article L. 8222 3 » ; 12. Considérant que, selon les sénateurs requérants, en instituant un dispositif de pénalités contractuelles applicable en cas de méconnaissance, par le contractant d'une personne morale de droit public, de ses obligations en matière de travail dissimulé, les dispositions de l'article 93 permettent une contractualisation de la responsabilité pénale et méconnaissent l'exigence selon laquelle nul ne saurait être exonéré de toute responsabilité personnelle ; 13. Considérant que les dispositions contestées tendent à responsabiliser les personnes morales de droit public quant au respect, par leurs contractants, de l'interdiction du travail dissimulé ; qu'aucune exigence constitutionnelle ne s'oppose à ce que les contrats conclus par une personne morale de droit public assortissent de pénalités contractuelles la méconnaissance, par le contractant, de ses obligations légales en matière de travail dissimulé ; que les dispositions contestées sont sans incidence sur la mise en jeu de la responsabilité pénale des contractants ; que, dès lors, le grief doit être écarté ; 14. Considérant que l'article 93 de la loi déférée n'est pas contraire à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 187 : 15. Considérant que l'article 187 modifie la rédaction de l'article L. 133-6 du code de justice administrative ; que, selon cet article, les auditeurs de deuxième classe du Conseil d'État « sont nommés parmi des anciens élèves de l'École nationale d'administration, conformément aux dispositions du décret relatif aux conditions d'accès et au régime de formation de cette école » ; 16. Considérant que, selon les sénateurs requérants, en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les conditions dans lesquelles les auditeurs de deuxième classe du Conseil d'État sont choisis parmi les anciens élèves de l'École nationale d'administration, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence ; qu'il aurait également méconnu les garanties légales des principes d'indépendance des membres de cette juridiction et d'égal accès aux emplois publics ; 17. Considérant qu'aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis » ; 18. Considérant que les dispositions de l'article 187, insérées dans la proposition de loi par un amendement adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, ne présentent pas de lien même indirect avec celles qui figuraient dans la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit ; qu'elles ont été adoptées selon une procédure contraire à l'article 45 de la Constitution ; qu'il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin d'examiner les griefs précités, l'article 187 doit être déclaré contraire à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 188 : 19. Considérant que l'article 188 a pour objet principal d'insérer dans le code de justice administrative un article L. 732-1 aux termes duquel : « Dans des matières énumérées par décret en Conseil d'État, le président de la formation de jugement peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer à l'audience ses conclusions sur une requête, eu égard à la nature des questions à juger » ; 20. Considérant que, selon les sénateurs requérants, la disposition précitée méconnaît l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi en ce qu'elle ne précise pas si le rapporteur public est dispensé de la rédaction de conclusions ou seulement de leur exposé ; qu'elle serait contraire au principe d'égalité devant la justice en ce qu'elle conférerait au rapporteur public et au président de la formation de jugement un pouvoir discrétionnaire pour décider, au cas par cas, d'une telle dispense ; 21. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 7 du code de justice administrative : « Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent » ; que les dispositions contestées permettent que l'affaire soit jugée sans conclusions du rapporteur public ; qu'elles ne sont ni obscures ni ambiguës ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi doit être écarté ; 22. Considérant, en second lieu que, d'une part, la disposition contestée, qui permet la dispense des conclusions du rapporteur public, dans certaines matières, n'habilite pas le pouvoir réglementaire à déterminer ces matières sans se fonder sur des critères objectifs ; que, d'autre part, en autorisant, dans ces matières, le président de la formation de jugement, sur la proposition du rapporteur public, à dispenser ce dernier d'exposer à l'audience ses conclusions en raison de « la nature des questions à juger », le législateur a entendu qu'une telle dispense puisse être décidée lorsque la solution de l'affaire paraît s'imposer ou ne soulève aucune question de droit nouvelle ; que, dans ces conditions, la disposition contestée ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la justice ; 23. Considérant que l'article 188 de la loi déférée n'est pas contraire à la Constitution ; - SUR LA PLACE D'AUTRES DISPOSITIONS DANS LA LOI DÉFÉRÉE : . En ce qui concerne les dispositions introduites en première lecture : 24. Considérant que l'article 190, introduit au Sénat en première lecture, valide les reclassements intervenus en application de la rénovation de la convention collective nationale du 31 octobre 1951 susvisée ; que cette disposition ne présente pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans la proposition de loi ; que, par suite, elle a été adoptée selon une procédure contraire à l'article 45 de la Constitution ; . En ce qui concerne les dispositions introduites en deuxième lecture : 25. Considérant que le 7° du paragraphe I de l'article 55 insère, dans le code de commerce, un article L. 233-17-1 ; que cette disposition transpose l'article 2 de la directive 2009/49/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009, qui simplifie les obligations comptables des sociétés présentant des comptes consolidés au sens de l'article L. 233-16 du code de commerce ; 26. Considérant que les paragraphes III et IV de l'article 62 modifient les articles L. 626 32, L. 628 1 et L. 628 5 du même code ; qu'ils prévoient la prise en compte des accords de subordination entre créanciers dans le projet de plan de sauvegarde ou de redressement soumis à l'assemblée unique des obligataires ; qu'ils prévoient également que l'éligibilité à la sauvegarde financière accélérée tenant à l'importance du chiffre d'affaires et du nombre de salariés est appréciée, pour les sociétés qui établissent des comptes consolidés, en considération du total de bilan ; qu'ils modifient enfin les dispositions législatives relatives à la déclaration des créances dans le cadre d'une sauvegarde financière accélérée ; 27. Considérant que le paragraphe I de l'article 127 complète l'article L. 253 2 du code de la construction et de l'habitation ; qu'aux termes de cette disposition : « Lorsque l'usufruitier est un bailleur social appartenant aux premier et deuxième secteurs locatifs fixés par l'article 41 ter de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière, il peut, en qualité de mandataire des nus-propriétaires et par exception à l'article 22 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, recevoir plus de trois délégations de vote » ; 28. Considérant, en l'espèce, que les amendements dont sont issues les dispositions susmentionnées ont été introduits en deuxième lecture par l'Assemblée nationale ou le Sénat ; que ces adjonctions n'étaient pas, à ce stade de la procédure, en relation directe avec une disposition restant en discussion ; qu'elles n'étaient pas non plus destinées à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle ; qu'il s'ensuit que le 7° du paragraphe I de l'article 55, les paragraphes III et IV de l'article 62 et le paragraphe I de l'article 127 ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution ; 29. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit : - le 7° du paragraphe I de l'article 55 ; - les paragraphes III et IV de l'article 62 ; - le 5° de l'article 65 ; - le paragraphe I de l'article 127 ; - l'article 187 ; - l'article 190. Article 2.- Sont déclarées conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la même loi : - l'article 93 ; - l'article 188. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 mai 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours dirigés contre la loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes. I/ SUR LA PROCEDURE D'ADOPTION DE LA LOI DANS SON ENSEMBLE A/ Les députés requérants soutiennent que la procédure d'adoption de la loi déférée a méconnu les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, au motif que le temps consacré à son examen par l'Assemblée nationale, tant en commission qu'en séance publique, n'aurait pas permis aux parlementaires de prendre toute la mesure des dispositions qu'elle contient. B/ Le Gouvernement ne partage pas ce point de vue. D'une part, en effet, le seul constat du temps consacré à l'examen d'un texte en commission ou en séance publique ne saurait, par lui-même, fonder un grief d'inconstitutionnalité, dès lors qu'il n'est pas établi, ni même soutenu, que cette situation résulterait de la violation d'une règle de la procédure parlementaire destinée à garantir la clarté et la sincérité des débats, ou de l'application d'une telle règle de façon contraire à ces mêmes exigences constitutionnelles. D'autre part, et en tout état de cause, le temps consacré à l'examen de la loi déférée par l'Assemblée nationale, en commission et en séance publique, a été suffisant pour permettre aux parlementaires, contrairement à ce qui est soutenu, de se déterminer en toute connaissance de cause. Ainsi, en première lecture, la commission des lois de l'Assemblée nationale s'est réunie à quatre reprises, pour une durée d'environ sept heures, étant souligné que ses membres ont pu bénéficier de l'éclairage donné par l'avis rendu par le Conseil d'Etat sur la proposition de loi, pour la première fois, en application des dispositions de l'article 39 de la Constitution. L'examen du texte en séance publique a, quant à lui, duré environ dix heures. En deuxième lecture, ensuite, l'examen en commission a duré environ une heure et demie, et la discussion en séance publique cinq heures. Enfin, une commission mixte paritaire a été réunie, et ses conclusions ont fait l'objet d'une adoption définitive par les deux assemblées. De telles modalités d'examen étaient adaptées à l'objet et au contenu de la loi déférée. Dans ces conditions, le Conseil constitutionnel ne pourra qu'écarter le grief tiré de la méconnaissance, par la procédure d'adoption de cette loi, des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire. II/ SUR LA MECONNAISSANCE ALLEGUEE DE L'OBJECTIF DE VALEUR CONSTITUTIONNELLE D'ACCESSIBILITE ET D'INTELLIGIBILITE DE LA LOI A/ Les députés requérants soutiennent que le contenu de articles 46, 65, 98 à 122, 156 et 197 à 199 de la loi déférée excède, compte tenu de l'ampleur des réformes auxquelles procèdent ces articles, l'objet de la loi déférée, en contrariété avec l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. B/ Ce grief ne pourra être retenu par le Conseil constitutionnel. En effet, alors même que les réformes opérées par les articles contestés iraient au-delà de l'objet mentionné dans l'intitulé de la loi, il n'en résulterait pas pour autant, quant à la portée des dispositions de ces articles, une ambiguïté de nature à les faire regarder comme méconnaissant l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Au demeurant, les réformes en cause concourent incontestablement à l'objectif de simplification et d'amélioration de la qualité du droit poursuivi par la loi déférée et, par là-même, loin d'y porter atteinte, contribuent à améliorer l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi. Il en va ainsi, d'abord, de la modernisation du régime de contrôle des publications destinées à la jeunesse auquel procède l'article 46. Ainsi, par exemple, le nombre des membres de la commission de surveillance de ces publications est réduit (art. 46, I, 3°), de même que le nombre des exemplaires que le directeur ou l'éditeur de toute publication entrant dans le champ d'application de la loi est tenu de déposer gratuitement auprès de la commission, formalité qui pourra désormais être effectuée par voie électronique (art. 46, I, 6°, b). De même, la définition des contenus que ne peuvent comporter les publications destinées à la jeunesse est modernisée, ce qui contribue à l'intelligibilité de cette prohibition et à la prévisibilité des sanctions dont elle est assortie (art. 46, I, 2°). Il en est de même, ensuite, de la précision qu'apporte l'article 65 aux modalités d'exercice, par la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), de sa mission d'encouragement au développement de l'offre légale et d'observation de l'utilisation licite et illicite des œuvres et des objets auxquels est attaché un droit d'auteur ou un droit voisin sur les réseaux de communications électroniques utilisés pour la fourniture de services de communication au public en ligne. Les articles 98 à 122 de la loi déférée, qui harmonisent le statut des groupements d'intérêt public (GIP), viennent remédier, quant à eux, au relatif désordre législatif qui prévaut actuellement dans cette matière, caractérisée par la multiplication des catégories de groupements sans souci de cohérence globale, et aux nombreuses incertitudes qui affectent l'état du droit, qu'il s'agisse de l'organisation ou du fonctionnement de ces personnes morales de droit public. Avec l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, le régime juridique des GIP sera donc plus accessible et offrira à ses usagers, notamment aux personnels des groupements, une meilleure sécurité juridique. L'article 156 rassemble des modifications du code de procédure pénale qui, contrairement à ce qui est suggéré par les députés requérants, sont d'une portée limitée et correspondent parfaitement à l'objectif de simplification et d'amélioration de la qualité de la loi que s'est assigné le législateur : certaines dispositions suppriment en effet des mentions inutiles ou sans objet ou procèdent à des coordinations oubliées (1°, 4°, 5°, 8° et 10°), d'autres sont des mesures de simplification (2°, 3°, 6°, 7°, 9°, 11°, 12°, 13°, 16° et 18°), d'autres encore procèdent à des clarifications du droit existant (14°, 15° et 17°). Enfin, les habilitations du Gouvernement à légiférer par ordonnances qui figurent aux articles 197, 198 et 199 de la loi déférée poursuivent des objectifs de même nature. En effet, l'article 197 autorise le Gouvernement à procéder à une « recodification » du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique qui est de nature à contribuer à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, ainsi que le Conseil constitutionnel l'a reconnu par sa décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999. L'article 198, quant à lui, a pour objet la transposition de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, et permettra ainsi, outre de satisfaire à l'exigence constitutionnelle de transposition des directives, de favoriser les modes alternatifs de règlement des litiges, en plein accord avec l'objectif d'allègement des procédures poursuivi par de nombreux articles de la loi déférée. Enfin, l'article 199 habilite le Gouvernement à entreprendre par voie d'ordonnances la réforme du code disciplinaire et pénal de la marine marchande, qui comporte des règles souvent obsolètes dont la contrariété avec les exigences inhérentes à la hiérarchie des normes, pour certaines d'entre elles, a notamment été mise en lumière par la décision n° 2010-10 QPC du 2 juillet 2010. Dans ces conditions, à supposer même opérants les griefs des députés requérants, ils ne pourraient qu'être écartés par le Conseil constitutionnel comme non fondés. III/ SUR L'ARTICLE 93 A/ Les sénateurs requérants estiment que cet article, qui oblige les personnes morales de droit public à inclure dans leurs contrats écrits une clause stipulant que des pénalités peuvent être infligées au cocontractant s'il ne s'acquitte pas des formalités prévues par les articles L. 8221-3 à L. 8221-5 du code du travail en matière de lutte contre le travail dissimulé, est susceptible de favoriser une forme de « contractualisation de la responsabilité pénale » des parties à ces contrats, en méconnaissance du principe constitutionnel selon lequel nul ne saurait, par une disposition générale de la loi, être exonéré de toute responsabilité personnelle quelle que soit la nature ou la gravité de l'acte qui lui est imputé. B/ Le Gouvernement estime que les griefs formulés par les sénateurs requérants ne sont pas fondés. En effet, l'article 93 de la loi déférée met en place un mécanisme de pénalités contractuelles qui s'ajoute, sans s'y substituer en aucune manière, aux sanctions pénales applicables en matière de travail dissimulé, prévues aux articles L. 8224-1 et suivants du code du travail. Actuellement, l'article L. 8222-6 du même code permet seulement à la personne publique informée que son cocontractant a recours au travail dissimulé de résilier le contrat : or cette faculté est rarement mise en œuvre, dans la mesure où, en pratique, la résiliation du contrat est au moins aussi pénalisante pour la personne publique que pour son cocontractant. Les dispositions contestées, qui ouvrent une alternative à la résiliation pure et simple, devraient donc contribuer à renforcer, en pratique, l'effectivité de la lutte contre le travail dissimulé. En revanche, elles n'exonèrent en rien de leur responsabilité pénale les cocontractants des personnes morales de droit public qui violeraient leurs obligations en la matière. Elles ne sauraient donc être regardées comme méconnaissant le principe, rappelé dans la décision n° 2011-626 DC du 29 mars 2011, selon lequel nul ne saurait, par une disposition générale de la loi, être exonéré de toute responsabilité personnelle quelle que soit la nature ou la gravité de l'acte qui lui est imputé. IV/ SUR L'ARTICLE 187 A/ Les sénateurs requérants estiment que cet article, qui modifie l'article L. 133-6 du code de justice administrative, est entaché d'incompétence négative, en ce qu'il renvoie à un décret le soin de déterminer les conditions dans lesquelles les élèves de l'Ecole nationale d'administration pourront, à l'issue de leur scolarité, être nommés auditeurs de 2e classe au Conseil d'Etat. Ils estiment également qu'en supprimant, à l'article L. 133-6, la référence au classement de sortie de l'Ecole nationale d'administration, le législateur a privé de garanties légales les exigences constitutionnelles relatives à l'indépendance des membres du Conseil d'Etat et à l'égal accès aux emplois publics. B/ Le Gouvernement est d'avis que le Conseil constitutionnel devra écarter ces deux griefs. 1/ En ce qui concerne l'étendue de la compétence du législateur, il importe de souligner d'emblée que, à la différence des magistrats judiciaires, qui sont soumis à un statut spécial entièrement déterminé par la loi organique en vertu de l'article 64 de la Constitution, les membres de la juridiction administrative, et notamment du Conseil d'Etat, sont des fonctionnaires de l'Etat au sens de l'article 34, qui confie seulement à la loi le soin de fixer les garanties fondamentales qui leur sont accordées. C'est ce que traduit l'article L. 131-1 du code de justice administrative, selon lequel : « Le statut des membres du Conseil d'Etat est régi par le présent livre et, pour autant qu'elles n'y sont pas contraires, par les dispositions statutaires de la fonction publique de l'Etat. » Le Conseil d'Etat a certes précisé que la compétence du législateur s'étend, en outre, à la fixation des règles garantissant l'indépendance des membres de la juridiction administrative, qui, selon la décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980, est constitutionnellement garantie par un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Or figurent au nombre de ces règles celles qui régissent le recrutement des membres de la juridiction administrative (Conseil d'Etat, 29 décembre 1993, Syndicat de la juridiction administrative, n° 67922). Toutefois, il résulte d'une jurisprudence concordante du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat que la compétence du législateur, en matière de recrutement des membres de la juridiction administrative, se limite à la détermination des « règles générales » de ce recrutement, par opposition aux « modalités d'organisation » de celui-ci (Conseil d'Etat, 5 novembre 2003, Syndicat de la juridiction administrative, n° 253515 et 254069). Ainsi, c'est assurément au législateur qu'il appartient de déterminer, dans son principe, le mode de recrutement des membres de la juridiction administrative, ce qu'il a fait, par exemple, en posant le principe du concours pour le recrutement complémentaire des membres du corps des tribunaux administratif et des cours administratives d'appel et en fixant la « nature des conditions » exigées pour se présenter au concours (décision n° 91-165 L du 15 mars 1991 ; v. aussi, s'agissant du principe du recrutement de membres du corps des chambres régionales des comptes par le biais d'une inscription sur des listes d'aptitude établies par ordre de mérite par un jury, la décision n° 89-160 L du 26 juillet 1989). Mais c'est au pouvoir réglementaire qu'il revient de fixer les « éléments des conditions » d'admission à concourir, telles que l'âge minimum et le nombre maximum de fois où une personne est autorisée à se présenter. Il en va de même, par exemple, des règles relatives aux modalités de classement dans le corps d'accueil (Conseil d'Etat, 5 novembre 2003, Syndicat de la juridiction administrative, préc.). Or, au cas d'espèce, en renvoyant à un décret le soin de déterminer les conditions dans lesquelles les élèves de l'Ecole nationale d'administration pourront, à l'issue de leur scolarité, être nommés auditeurs de 2e classe au Conseil d'Etat, le législateur n'a en aucune manière remis en cause le principe de leur recrutement par concours, l'accès à l'école étant, en vertu des dispositions du statut général de la fonction publique, subordonné à la réussite à un tel concours. Il ne s'est pas davantage abstenu, en maintenant la référence à un recrutement par la voie de l'Ecole nationale d'administration, de fixer, au-delà de ce seul principe, les « règles générales » de recrutement. Il pouvait en revanche, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, laisser au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les modalités d'affectation des élèves, à l'issue de leur scolarité, dans les corps d'accueil, notamment celui des membres du Conseil d'Etat. 2/ En ce qui concerne ensuite le respect, par la procédure d'affectation des élèves à l'issue de leur scolarité, de l'indépendance des membres du Conseil d'Etat et du principe d'égal accès aux emplois publics, il n'est pas contestable que l'établissement d'un classement par ordre de mérite constitue à cet égard une garantie appropriée, ainsi que cela ressort notamment de la décision n° 82-153 DC du 14 janvier 1983. Mais il n'est pas davantage contestable que d'autres modalités d'affectation, qu'il appartiendra au décret pris pour l'application de l'article 187 de la loi déférée de déterminer, sous le contrôle du juge administratif, seraient propres à assurer le respect de ces exigences constitutionnelles, tout en remédiant à certaines rigidités inhérentes au mécanisme du classement. La procédure d'affectation qui est envisagée par le Gouvernement permet d'assurer le respect des exigences constitutionnelles en cause, en prévenant notamment le « risque d'une cooptation fondée sur des critères subjectifs et non plus objectifs », mis en avant par les sénateurs requérants. Cette procédure repose en effet sur les principes suivants : - en premier lieu, l'appariement entre le choix opéré par l'employeur et les vœux de l'élève résultera d'une procédure clairement précisée qui permettra d'assurer la nomination dans les corps après qu'auront été rapprochés, d'une part, les besoins des administrations exprimés sous la forme de fiches d'emploi élaborées en précisant les compétences recherchées et les critères de sélection mis en œuvre et, d'autre part, les vœux des élèves figurant, pour chacun d'entre eux, dans un dossier d'aptitude comportant des éléments d'évaluation et d'appréciation sur les enseignements suivis, les travaux réalisés et les stages effectués : cette procédure permettra donc bien d'apprécier les aptitudes et qualités des candidats ; - en deuxième lieu, en début de procédure, le dossier d'aptitude sera transmis de manière anonyme aux employeurs, ce qui garantira l'impartialité de leur choix des élèves à auditionner. En outre, afin que ce principe d'anonymat ne puisse être contourné, il est prévu que chaque employeur ne puisse auditionner qu'un nombre limité d'élèves (trois à cinq par poste à pourvoir) ; - en troisième lieu, les auditions devront être collégiales et organisées selon les mêmes modalités par tous les employeurs. Les suites qui leur seront données devront tenir compte de la valeur des candidatures et de leur adéquation entre celles-ci et le poste à pourvoir. Ainsi, un employeur ne pourra retenir un candidat qui ne correspondrait pas aux critères exposés par lui en début de procédure ; - en quatrième lieu, enfin, une commission de professionnalisation composée de huit membres, hauts fonctionnaires et personnalités reconnues pour leurs compétences en matière de recrutement de cadres, nommés par arrêté du ministre chargé de la fonction publique, assurera la régularité et le bon déroulement de ce processus. Elle pourra ainsi s'adresser à un employeur qui aurait retenu un ou plusieurs candidats dont le dossier d'aptitude révèlerait qu'ils ne correspondent pas aux critères, en termes de compétences, exposés par cet employeur. C'est également cette commission qui sera chargée, en fin de procédure, d'arrêter les propositions de nomination dans les corps qu'elle transmettra au ministre chargé de la fonction publique. Pour l'ensemble de ces raisons, l'article 187 de la loi déférée n'apparaît pas contraire aux règles et principes à valeur constitutionnelle invoqués par les requérants. V/ SUR L'ARTICLE 188 A/ Les sénateurs requérants font grief à cet article de méconnaître l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, en ce qu'il ne précise pas si le rapporteur public, dans les cas qu'il définit, sera dispensé purement et simplement d'élaborer des conclusions, ou seulement de les exposer à l'audience. Ils soulignent que, si la seconde interprétation devait prévaloir, c'est-à-dire si l'article 188 devait être lu comme autorisant le rapporteur public à ne faire connaître ses conclusions qu'à la formation de jugement, et non aux justiciables, cet article serait nécessairement contraire au principe du respect des droits de la défense. Ils soutiennent également que l'article 188 méconnaît le principe d'égalité devant la justice, dans la mesure où il se borne à renvoyer à un décret en Conseil d'Etat, sans autre précision, le soin d'énumérer les matières dans lesquelles la dispense de conclusions du rapporteur sera possible, et confère au rapporteur public et au président de la formation un pouvoir discrétionnaire pour décider, au cas par cas, une telle dispense. B/ Le Gouvernement ne partage pas, sur les deux questions en débat, le point de vue des requérants. 1/ En ce qui concerne d'abord la portée de l'article L. 732-1 inséré dans le code de justice administrative par l'article 188 de la loi déférée, il n'existe, contrairement à ce qui est soutenu, aucune ambiguïté, sans même qu'il soit besoin de se référer aux travaux préparatoires de cette disposition. D'après l'article L. 7 du code de justice administrative, en effet, le rapporteur public « expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent ». Même si, en pratique, le rapporteur public a généralement recours à un support écrit, les conclusions n'ont d'existence juridique que sous une forme orale, lorsqu'elles sont prononcées à l'audience. Il suit de là que la dispense du prononcé des conclusions à l'audience ne peut s'entendre que comme la dispense pure et simple de l'élaboration des conclusions, et induit nécessairement l'absence même de ces dernières. Ainsi, la crainte exprimée par les sénateurs requérants d'une communication à la seule formation de jugement d'un « avis » du rapporteur public, en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, est dénuée de fondement. Si le rapporteur public est, sur sa proposition, dispensé de conclure sur un dossier, aucun avis autre que la décision même de dispense ne sera donné à la formation de jugement et ne figurera au dossier. Les règles applicables à la procédure devant les juridictions administratives excluent en tout état de cause que le rapporteur public intervienne dans le jugement de l'affaire autrement qu'en prononçant des conclusions publiques. Les dispositions réglementaires qui seront prises pour l'application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative prévoiront naturellement que les parties seront informées de la décision de dispense, et ce avant l'audience. 2/ En ce qui concerne ensuite le principe d'égalité devant la justice, le Gouvernement entend souligner d'emblée que la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne s'oppose pas à l'adoption, par le législateur, de dispositions permettant de différencier le traitement procédural des litiges soumis aux juridictions, dans un souci de bonne administration de la justice, dès lors que la différence de traitement entre justiciables qui en résulte repose sur des critères objectifs. Ainsi, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article L. 222-1 du code de justice administrative, le Conseil constitutionnel a estimé que cette disposition, qui pose le principe de la collégialité des formations de jugement des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, tout en laissant au pouvoir réglementaire le soin de préciser les exceptions à ce principe « tenant à l'objet du litige ou à la nature des questions à juger », ne méconnaissait pas le principe d'égalité dès lors qu'elle n'habilitait pas le pouvoir réglementaire à « fixer des catégories de matières ou de questions à juger qui ne reposeraient pas sur des critères objectifs » (décision n° 2010-54 QPC du 14 octobre 2010). Les sénateurs requérants font valoir que, au contraire des dispositions de l'article L. 222-1 du code de justice administrative, celles de l'article L. 732-1 créé par la loi déférée ne définissent pas les critères selon lesquels une dispense de conclusions pourra être proposée et décidée et laissent au rapporteur public et au président de la formation de jugement, à cet égard, un pouvoir discrétionnaire. En réalité, il n'en est rien. En effet, il résulte des termes mêmes de la disposition contestée qu'une affaire ne pourra être jugée sans conclusions du rapporteur public que lorsque deux conditions objectives seront satisfaites. En premier lieu, le litige devra ressortir à l'une des « matières » limitativement définies par décret en Conseil d'Etat, selon des critères qui ne pourront être qu'objectifs et en rapport avec l'objet de l'article L. 732-1. Le pouvoir réglementaire devra s'attacher, à cet égard, à circonscrire les contentieux dits « de masse » qui - une fois que les questions de droit récurrentes ont été tranchées - posent essentiellement, si ce n'est exclusivement, des questions d'appréciation de fait. Dans ces matières, en effet, le rapporteur public n'est plus, sauf exception, dans son « cœur de métier », qui consiste dans la présentation construite d'un raisonnement juridique à la formation de jugement comme aux parties, et la charge de travail qui lui sera ainsi épargnée lui permettra de consacrer davantage de temps à des affaires pour lesquelles son intervention apparaît mieux justifiée. En second lieu, même dans les matières ainsi préalablement définies, il ne pourra y avoir de dispense de conclusions que si la « nature des questions à juger » ne requiert pas l'intervention du rapporteur public. Ainsi, il est clair que la dispense ne pourra être proposée et admise lorsque l'affaire soulèvera une question de droit nouvelle ou une difficulté particulière de qualification juridique des faits. La décision, au demeurant, ne pourra être prise individuellement par le rapporteur public ou le président de la formation de jugement, mais, compte tenu du pouvoir de proposition reconnu au rapporteur public, nécessitera l'accord de ces deux magistrats. Les dispositions de l'article 188 de la loi déférée n'apparaissent donc en rien contraires au principe d'égalité devant la justice. Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans les saisines ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, Nous avons l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. D'une manière générale, les députés auteurs de la présente saisine entendent appeler l'attention du Conseil sur le caractère absolument contreproductif du texte déféré au regard de l'objectif qu'il prétend poursuivre à savoir la « simplification » et l' « amélioration de la qualité du droit ». Cette critique est au demeurant émise par de nombreux auteurs de la doctrine constatant que les démarches de simplification du droit sont des remèdes pire que le mal (1). Le texte qui vous est présentement déféré en constitue une parfaite illustration. Particulièrement attentif à la question de la qualité des lois, le Conseil constitutionnel pourra constater non seulement que ce texte porte à l'évidence une atteinte caractérisée à l'objectif constitutionnel d'intelligibilité et d'accessibilité du droit mais encore et conséquemment qu'il a été adopté au mépris de l'exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité des débats parlementaires. Sur l'atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi Depuis votre décision 99-421 DC vous considérez de manière constante qu'« il appartient au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie l'article 34 de la Constitution ; qu'à cet égard, le principe de clarté de la loi, qui découle du même article de la Constitution, et l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ». (Décision 99-421 DC, 16 décembre 1999. Loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes. Recueil, p. 136). L'intelligibilité d'un texte vise avant toute autre chose à protéger les citoyens contre l'insécurité juridique générée par un système producteur d'une quantité de normes impossible à absorber et au demeurant souvent complexes. Lorsqu'un texte législatif apparait parfaitement inintelligible c'est le principe d'égalité entre les citoyens qui se trouve in fine méconnu. En effet, ainsi que l'explique le Pr Mallaurie : « l'obscurité des lois rend le droit imprévisible, en fait un instrument de l'arbitraire, indulgent envers les habiles et les puissants, impitoyable envers les faibles et les maladroits, une source permanente de conflits, de verbalismes, de procédures judiciaires interminables ; elle est un des moyens de mettre fin à l'état de droit, le plus pitoyable parce que c'est l'inintelligence qui le fait disparaître : une loi inintelligible est une mascarade juridique » (2). Le Conseil d'Etat développe une analyse comparable dans son rapport public de 1991 : « mais si l'on n'y prend garde, il y aura demain deux catégories de citoyens : ceux qui auront les moyens de s'offrir les services des experts pour détourner ces subtilités à leur profit, et les autres, éternels égarés du labyrinthe juridique, laissés pour compte de l'État de droit » (3). C'est enfin le principe même de la démocratie qui est mis à mal en cas d'inintelligibilité manifeste de la loi. En effet, « la législation qui, sans nécessité, est incompréhensible est une dérogation au droit démocratique du citoyen à connaître la loi qui le gouverne » (4). Or, l'inintelligibilité du texte présentement déféré est manifeste. Quel citoyen peut en effet appréhender un texte de 46 pages composé de près de 200 articles et modifiant pas moins de 48 codes ? Ce n'est pas seulement la complexité de certaines dispositions qui est ici visée mais de manière plus fondamentale, au regard de l'exigence constitutionnelle précitée, le caractère inaccessible de ce texte dont certains articles tels que l'article 175 modifie pas moins de 39 dispositions issues d'une multitude de textes aussi divers que la loi de 1881 sur la liberté de la presse, la loi du 4 mars 1930 tendant à la répression du délit d'entrave à la navigation sur les voies de navigation intérieure ou encore le code général des impôts. Au demeurant, l'hétérogénéité de ce texte a constitué le prétexte idéal pour y introduire des dispositions sans que celles-ci visent de près ou de loin l'objectif affiché de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. A cet égard, les lois de simplification sont ainsi venues remplacer les lois portant diverses mesures économiques et sociales comme véhicule législatif fourre-tout. Il vous appartient ainsi de censurer les dispositions introduites dans ce texte qui ne correspondent aucunement à l'objet de la loi et méconnaissent de ce fait l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi. Ainsi par exemple de l'article 46 de la loi qui porte réforme de la loi n°49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse. Ainsi encore des articles 98 à 122 qui réforment en profondeur les dispositions applicables aux groupements d'intérêt public ou de l'article 156 qui modifie de manière substantielle le code de procédure pénale. Ainsi enfin de l'article 65, inséré par le Gouvernement en seconde lecture, qui ne vise nullement à simplifier le droit mais à confèrer de nouveaux pouvoirs à la Hadopi qui pourra désormais « engager toute action de sensibilisation des consommateurs et des acteurs économiques dans les domaines énumérés aux alinéas précédents et apporter son soutien à des projets innovants de recherche et d'expérimentation conduits par des personnes publiques ou privées et dont la réalisation concourt à la mise en œuvre de la mission qui lui a été assignée au 1° de l'article L. 331-13 ». Compte tenu de leur ampleur ces réformes ne pouvaient, sauf à méconnaitre l'objet de la loi, figurer dans le texte qui vous est déféré. Comble de la démarche de simplification par voie de proposition de loi, les articles 197, 198 et 199 autorisent le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin modifier le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, de procéder à la transposition de directives européennes ou encore de réformer les compétences des tribunaux maritimes commerciaux. Il vous appartient à cet d'égard d'apprécier si compte tenu de son volume et des sujets hétérogènes abordés ce texte répond aux exigences résultant de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi. Au regard de cette finalité, ce texte encourt votre censure. Sur l'atteinte à l'exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité des débats parlementaires Mais au-delà l'inintelligibilité affecte les parlementaires dans le cadre de leur travail législatif et aboutit à une méconnaissance – en l'occurrence manifeste – de l'exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité des débats parlementaires. Ainsi lors de l'examen du texte en première lecture, la Commission des lois de l'Assemblée nationale réunie le 24 novembre a été conduite à examiner plus de 400 amendements et à adopter plus de 150 articles, certains articles tels que l'article 83 modifiant pas moins de 3 chapitres du code de l'urbanisme, le tout en 3 heures de temps (voir la séance du Mardi 24 novembre 2009, 10 h, Compte rendu n° 20). Le même constat peut être dressé s'agissant de la seconde lecture où l'examen en commission, pas plus que la discussion en séance publique, n'aura permis une discussion raisonnablement éclairée d'un texte tel que celui-ci. Combien de parlementaires ont pu dans ces conditions cerner l'impact des modifications introduites par ce texte ? Si vous considérez ne pas disposer d'un pouvoir d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement, il vous appartient néanmoins de condamner ce type de méthode d'élaboration des lois qui méconnait de manière manifeste les exigences constitutionnelles précédemment rappelées. Pour toutes ces raisons, les députés auteurs de la présente saisine, demandent qu'il plaise au Conseil de censurer l'ensemble du texte déféré comme portant atteinte à l'objectif d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi et à l'exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité des débats parlementaires. (1) Voir notamment à cet égard M. GAST-MEYER, « La simplification du droit », RRJ, 2005-3 ; Nicolas MOLFESSIS, « Simplification du droit et déclin de la loi », RTDC, 2004, ou encore du même auteur « Combattre l'insécurité juridique ou la lutte du système contre lui-même », EDCE n°57, 2006. (2) P.MALAURIE, « L'intelligibilité des lois », Pouvoirs, n°114, La loi, 2005, p.131. (3) Rapport du Conseil d'État, ECDE, 1991. (4) Lord SIMON of GLAISDALE, cité par A.VIANDIER, Recherche de légistique comparée, Springer-Verlag, 1988, p.4. Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, Nous avons l'honneur de vous déférer, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. Les sénateurs socialistes souhaitent attirer votre particulière attention sur trois dispositions de la loi, la première relative à l'introduction de clauses pénales dans les contrats passés par les personnes morales de droit public (I), la deuxième relative au recrutement des conseillers d'Etat (II), et la troisième relative à la participation des rapporteurs publics aux audiences des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel (III). I. SUR L'ARTICLE 54 L'article 54 prévoit une nouvelle rédaction de l'article L. 8222-6 du code du travail imposant que « tout contrat écrit conclu par une personne morale de droit public doit comporter une clause stipulant que des pénalités peuvent être infligées au cocontractant s'il ne s'acquitte » de ses obligations en matière de travail dissimulé. Le montant des pénalités est, au plus, égal à 10 % du montant du contrat et ne peut excéder celui des amendes encourues en application des articles L. 8224-1, L. 8224-2 et L. 8224-5 du même code. Le présent article introduit donc un dispositif de pénalités contractuelles, la personne publique pouvant désormais choisir entre la rupture du contrat ou l'application de pénalités dans la limite de 10 % du contrat. Comme l'indique l'avis du Conseil d'Etat sur le texte cité dans le rapport de la Commission des Lois de l'Assemblée nationale, cet « article 54 modifie en profondeur les relations entre les donneurs d'ordre et leurs co-contractants dans la lutte contre le travail illégal » (n° 2095 du 24 novembre 2009). Cette seule considération suffirait à justifier qu'en soit vérifiée la constitutionnalité. Mais surtout, toujours selon le rapport de l'Assemblée et les promoteurs du nouveau dispositif, ce nouveau dispositif tendrait « à renforcer l'efficacité du dispositif de responsabilisation du donneur d'ordres en matière de lutte contre le travail dissimulé ». Or c'est précisément ce dont doutent les requérants, comme ils l'ont fait savoir en séance publique, aussi bien sur les bancs du Sénat que de l'Assemblée. A leurs yeux en effet, ce mélange des genres entre responsabilité délictuelle et contractuelle ne prévient pas suffisamment contre le risque d'une contractualisation de la responsabilité pénale des co-contractants. En d'autres termes, selon les auteurs de la saisine, il n'est pas exclu que cette disposition permette à ces co-contractants de s'affranchir mutuellement de leurs obligations légales en matière de travail dissimulé, en échange du seul versement de la pénalité. Si vous estimiez que c'était effectivement le cas, alors il vous appartiendrait de censurer ce nouveau dispositif sur le fondement du principe constitutionnel de la responsabilité, qui implique que « que nul ne saurait, par une disposition générale de la loi, être exonéré de toute responsabilité personnelle quelle que soit la nature ou la gravité de l'acte qui lui est imputé » (2011-626 DC du 29 mars 2011, cons. 6). II. SUR L'ARTICLE 146 bis Cette disposition tend à donner une nouvelle rédaction à l'article L. 133-6 du code de justice administrative au terme de laquelle : « Les auditeurs de 2e classe sont nommés parmi des anciens élèves de l'École nationale d'administration, conformément aux dispositions du décret relatif aux conditions d'accès et au régime de formation de cette école. » L'actuel article L. 133-6 dispose pour sa part que : « Les auditeurs de 2e classe sont nommés parmi les anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration selon les règles propres au classement des élèves de cette école. » Cette nouvelle disposition, issue d'un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, modifie donc les conditions de recrutement des auditeurs du conseil d'Etat, afin de prendre en compte la suppression annoncée du classement à la sortie de l'Ecole nationale d'administration (ENA). En adoptant cette nouvelle disposition, les sénateurs socialistes considèrent que le législateur est resté en deçà de sa compétence (A), et ainsi méconnu les exigences constitutionnelles liées à l'indépendance des magistrats et à l'égalité d'accès aux emplois publics (B). A. Quant à l'incompétence négative Les sénateurs requérants rappellent que le principe de séparation des pouvoirs impose à la fois l'indépendance des juridictions judiciaires que des juridictions administratives. Comme vous l'avez ainsi indiqué, « il résulte des dispositions de l'article 64 de la Constitution en ce qui concerne l'autorité judiciaire et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en ce qui concerne, depuis la loi du 24 mai 1872, la juridiction administrative, que l'indépendance des juridictions est garantie ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le Gouvernement » (80-119 DC du 22 juillet 1980, cons. 6). Par ailleurs, et conformément à l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de fixer les règles concernant « le statut des magistrats », et « les garanties fondamentales accordées fonctionnaires civils et militaires ». S'agissant du conseil d'Etat – dont les requérants ne mettent nullement en cause l'impartialité et l'indépendance – il ressort que l'indépendance des ses membres est moins lié à leur statut législatif, qu'à la pratique. Comme l'a relevé la Cour européenne des droits de l'homme, « l'inamovibilité des membres du Conseil d'Etat n'est pas prévue par les textes mais se trouve garantie en pratique tout comme est assurée leur indépendance par des usages anciens tels que la gestion de l'institution par le bureau du Conseil d'Etat, sans ingérences extérieures, (pas de soumission hiérarchique au ministre de la justice à la différence des magistrats du parquet) ou l'avancement à l'ancienneté, garant de l'autonomie tant à l'égard des autorités politiques qu'à l'égard des autorités du Conseil d'Etat elles-mêmes » (Sacilor Lormines c. France du 9 février 2007, no 65411/01, cons. 65). Il ne fait pourtant là aucun doute que le Cour a fait preuve d'une bienveillante tolérance à l'égard de notre tradition républicaine. Or les requérants considèrent que, sinon le détail du recrutement des futurs conseillers d'Etat, du moins la définition des principes devant y présider, devraient être déterminés par le législateur, et non laissés au seul pouvoir réglementaire, responsable uniquement de leur mise en œuvre. Cela serait conforme à votre jurisprudence selon laquelle les règles concernant les garanties fondamentales accordées fonctionnaires civils relèvent du domaine de la loi (2005-198 L du 03 mars 2005, cons. 4), tandis que « la mise en œuvre des garanties déterminées par le législateur relève du pouvoir exécutif » (2009-580 DC du 10 juin 2009, cons. 33). Cela serait également conforme à l'article 6 de la Déclaration des droits de 1789 qui proclame le principe de l'égal accès aux emplois publics et dont la mise en œuvre « ne saurait conduire, dans la généralité des cas, à remettre au seul gouvernement l'appréciation des aptitudes et des qualités des candidats à la titularisation dans un corps de fonctionnaires » (85-204 DC du 16 janvier 1986, cons. 9). Or, en supprimant la référence au « classement » pour le recrutement des auditeurs de 2ème classe, qui compte au nombre des garanties de mise en œuvre du principe d'égal accès aux emplois publics (82-153 DC du 14 janvier 1984, cons. 9), et en renvoyant au seul décret les conditions d'accès au Conseil d'Etat, il est manifeste que le législateur a omis « d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 » (2004-500 DC du 29 juillet 2004, cons. 13). B. Quant à l'indépendance des magistrats et à l'égalité d'accès aux emplois publics Les dispositions de l'article 6 de la Déclaration de 1789 relatives à l'égalité d'accès aux emplois publics revêtent un caractère tout particulier lorsqu'il s'agit d'exercer les fonctions de magistrat, judiciaire ou administratif. Qu'en effet, il « découle de ces dispositions, s'agissant des magistrats, en premier lieu qu'il ne soit tenu compte que des capacités, des vertus et des talents » et « en deuxième lieu, que les capacités, vertus et talents ainsi pris en compte soient en relation avec les fonctions de magistrats et garantissant l'égalité des citoyens devant la justice » (98-396 DC du 19 février 1998, cons. 3). Que s'il n'existe « aucune règle ou principe de valeur constitutionnelle » qui impose le recours systématique au concours pour le recrutement aux emplois publics (84-178 DC du 30 août 1984, cons. 10), il ressort néanmoins de votre jurisprudence que le concours participe du « respect tant du principe d'égalité devant la justice que de l'indépendance, dans l'exercice de leurs fonctions, des magistrats » (2001-445 DC du 19 juin 2001, cons. 41). Ainsi par deux fois avez-vous jugé que les mesures réglementaires d'application de la loi relative au recrutement des magistrats « devront prévoir des épreuves de concours de nature à permettre de vérifier les connaissances juridiques des intéressés » (98-396 DC, cons. 9 et 2001-445 DC, cons. 42) et ce, et c'est là le principe fondamental, « afin de garantir l'objectivité qui doit présider aux règles de nomination » des magistrats (98-396 DC, cons. 21). Or c'est précisément ce que la suppression du classement à la sortie de l'ENA vient mettre en cause, quand bien même le concours d'entrée ne serait pas, lui, supprimé : l'objectivité du recrutement des futurs hauts fonctionnaires, et plus spécifiquement ici des futurs conseillers d'Etat. Selon les auteurs de la saisine, quelles que soient les garanties offertes par le futur décret dont il est fait état dans le rapport de la Commission des Lois du Sénat (n° 20 (2010-2011), elles ne sauraient prévenir contre le risque d'une cooptation fondée sur des critères subjectifs et non plus objectifs. Le classement fait pourtant partie selon votre propre jurisprudence des garanties du respect de l'égal accès aux emplois publics. Ainsi, si vous aviez rejeté l'argument selon lequel la faculté pour le ministre de la fonction publique d'établir la liste des personnes admises à concourir n'était pas contraire à l'article 6 de la Déclaration de 1789, c'est parce que « la nomination des candidats admis au concours dans les corps auxquels ils ont accès est précédée d'une formation par l'Ecole nationale d'administration », et que c'est « l'établissement, à l'issue de cette formation, d'une liste de classement par ordre de mérite » qui « commande le choix des corps par les intéressés » (82-153 DC, cons. 9). Aussi, le législateur ne pouvait-il supprimer la référence au classement à l'article L. 133-6 du code de justice administrative, sans priver de « garanties légales des exigences constitutionnelles » relatives à l'indépendance des magistrats et à l'égal accès aux emplois publics, sinon à encourir votre censure (2010-71 QPC du 26 novembre 2010, cons. 15). III. SUR L'ARTICLE 146 ter L'article 146 ter tend à insérer dans le code de justice administrative un article L. 732-1 applicable aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d'appel selon lequel : « Dans des matières énumérées par décret en Conseil d'État, le président de la formation de jugement peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer à l'audience ses conclusions sur une requête, eu égard à la nature des questions à juger. » La conformité de cette disposition avec le principe d'intelligibilité de la loi susceptible de nuire aux droits de la défense (A), et celui de l'égalité devant la justice (B) est sujette à caution. A. Quant à l'intelligibilité de la disposition en cause Les requérants font ici grief à cette disposition de ne pas respecter le principe de légalité tel qu'inscrit à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, par son manque de clarté et de précision quant à sa portée exacte. Qu'en effet, l'« objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi » impose au législateur « d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques » (2004-509 DC du 13 janvier 2005, cons. 25). L'équivoque résulte ici de ce que l'article prévoit que le rapporteur public puisse être dispensé « d'exposer à l'audience ses conclusions sur une requête ». Or des dispositions déjà existantes – toutes législatives soit dit en passant – qui autorisent que soit dérogé à l'article L. 7 du code de justice administrative (1), aucune n'est rédigée en ces termes. Vous pourrez vous référer utilement à cet égard aux articles L. 522-1 du code de justice administrative, L. 213-9 et L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou encore à l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, qui tous indiquent que l'audience « se déroule sans conclusions du rapporteur public ». Il ressort ainsi clairement de ces différents articles que les procédures concernées ne donnent pas lieu à conclusions du rapporteur public. A l'inverse ici, il n'est pas dit que la procédure ne donne pas lieu à des conclusions, mais seulement que ces conclusions ne sont pas exposées à l'audience, ce qui ne revient pas tout à fait au même. Ainsi un certain nombre de questions demeurent en suspens : le rapporteur public devra-t-il, dans tous les cas, rédiger des conclusions ? La dispense ne portera-t-elle que sur la lecture des conclusions ? Ou le rapporteur public sera-t-il dispensé de regarder le dossier ? Ou émettra-t-il, dans tous les cas, un avis destiné à la seule formation de jugement ? Dans ce cas, devra-t-il en donner le sens avant l'audience aux parties ? Les sénateurs socialistes n'ignorent pas qu'il ressort a priori des travaux préparatoires de cet article 146 ter qu'il vise à dispenser la nécessité même de rédiger des conclusions. Néanmoins, eu égard aux conséquences sur le respect des droits de la défense qu'aurait une interprétation autre, ce que dira votre haute juridiction sera de la plus haute importance. Qu'en effet, si vous avez pu juger dans votre décision n° 2010-54 QPC du 14 octobre 2010 que « les modalités de composition des formations de jugement sont sans effet sur l'obligation de respecter les droits de la défense » (cons. 5), il n'en va pas de même s'agissant des conclusions du rapporteur public qui ont bien un effet sur le respect du contradictoire et du principe d'égalité des armes dont doivent bénéficier les justiciables (89-268 DC du 29 décembre 1989, cons. 58, 2005-520 DC du 22 juillet 2005 et 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010), dès lors que, comme l'indique le Président de l'Union syndical des magistrats administratifs, il est unanimement admis que le rapporteur public est « un acteur central du contradictoire » (2). Or, si l'article 146 ter était interprété comme autorisant le rapporteur public à ne faire connaître ses conclusions qu'à la formation de jugement, et non au justiciable concerné, il encourait alors votre censure, car comme l'a relevé la Cour européenne des droits de l'homme, « la notion de procès équitable implique aussi en principe le droit pour les parties à un procès de prendre connaissance de toute pièce ou observation soumise au juge, fût-ce par un magistrat indépendant, en vue d'influencer sa décision, et de la discuter » (Kress c. France du 7 juin 2001, no 39594/98, B. Quant à l'égalité devant la justice Vous avez jugé conforme à la Constitution dans votre décision n° 2010-54 QPC précitée qu'il était loisible au législateur de renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de déterminer le champ des exceptions au principe selon lequel les tribunaux administratifs et le cours administratives d'appel siègent en formation collégiale. La disposition alors en cause inscrite à l'article L. 222-1 du code de justice administrative prévoyait que : « Les jugements des tribunaux administratifs et les arrêts des cours administratives d'appel sont rendus par des formations collégiales, sous réserve des exceptions tenant à l'objet du litige ou à la nature des questions à juger ». Comme l'indique le commentaire aux Cahiers de votre décision, les requérants invoquaient notamment la violation du principe d'égalité devant la justice, en s'appuyant sur votre décision n° 75-56 DC du 23 juillet 1975, dans laquelle vous aviez jugé qu'il faisait « obstacle à ce que des citoyens se trouvant dans des conditions semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés par des juridictions composées selon des règles différentes » (cons. 5). Or vous avez rejeté leurs prétentions au regard de deux considérations que l'on ne retrouve pas en l'espèce. D'abord que la loi n'habilitait « pas à fixer des catégories de matières ou de questions qui ne reposeraient pas sur des critères objectifs » (cons. 5). L'inverse eut néanmoins été étonnant. Mais tout au moins l'article L. 222-1 prévoyait-il que les exceptions devraient tenir compte de « l'objet du litige » ou de « la nature des questions à juger ». Or rien de tel en l'espèce puisque l'article 146 ter se contente d'une référence aux « matières énumérées par décret en Conseil d'État » sans plus de plus de précisions, sans référence à de quelconques critères objectifs. Par ailleurs, le commentaire aux Cahiers indique que la référence à votre décision n° 75-56 DC n'était pas pertinente, car si vous aviez alors jugé que la disposition laissant au président du tribunal de grande instance la faculté de décider si l'affaire devait être jugée par trois magistrats selon le droit commun ou par un seul méconnaissait l'égalité devant la justice, c'est parce qu'il pouvait le faire « en toutes matières », et de manière totalement « discrétionnaire ». Or l'article L. 222-1 au contraire ne conférait aucun pouvoir discrétionnaire aux présidents des tribunaux et cours. Une fois la liste de matières définies par le pouvoir réglementaire, la formation, collégiale ou unique, était connue. A l'inverse, la disposition ici disputée, si elle prévoit effectivement l'établissement d'une liste d'exceptions – dont on a néanmoins vu qu'elle ne contenait pas de critères objectifs – réintroduit une part de pouvoir discrétionnaire puisque, selon l'idée que le rapporteur public et le président de la formation de jugement se feront de « la nature des questions à juger », il y aura oui ou non intervention dudit rapporteur à l'audience. La différence de traitement qui résultera de l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire, entre des justiciables qui se trouvent pourtant dans des situations semblables, est dès lors constitutive d'une rupture d'égalité devant la justice qui appelle votre censure. (1) Selon lequel : « Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent ». (2) Axel BARLERIN, « Rapporteur public : chronique d'une controverse annoncée », AJDA, 6 septembre 2010, p. 1576.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 mars 2011 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 490 du 24 mars 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Ion C., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 3336-2 et L. 3336-3 du code de la santé publique. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de la santé publique ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 15 avril 2011 ; Vu les observations produites pour M. Jacques P. par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 15 avril 2011 ; Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 29 avril 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Louis Boré, pour le requérant, Me François Molinié pour M. P. et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 10 mai 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3336-2 du code de la santé publique : « Ne peuvent exploiter des débits de boissons à consommer sur place : « 1° Les personnes condamnées pour crime de droit commun ou l'un des délits prévus aux articles 225-5, 225-6, 225-7 et 225-10 du code pénal ; « 2° Ceux qui ont été condamnés à un mois au moins d'emprisonnement pour vol, escroquerie, abus de confiance, recel, filouterie, recel de malfaiteurs, outrage public à la pudeur, tenue d'une maison de jeux, prise de paris clandestins sur les courses de chevaux, vente de marchandises falsifiées ou nuisibles à la santé, infraction aux dispositions législatives ou réglementaires en matière de stupéfiants ou pour récidive de coups et blessures et d'ivresse publique. « L'incapacité est perpétuelle à l'égard de toutes les personnes mentionnées au 1°. Elle cesse cinq ans après leur condamnation à l'égard de ceux mentionnés au 2°, si pendant ces cinq années elles n'ont encouru aucune condamnation correctionnelle à l'emprisonnement. L'incapacité cesse en cas de réhabilitation. « L'incapacité prévue au présent article peut être prononcée contre les personnes condamnées pour le délit prévu à l'article 227-22 du code pénal » ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3336-3 du même code : « Les mêmes condamnations, lorsqu'elles sont prononcées contre un débitant de boissons à consommer sur place, entraînent de plein droit contre lui et pendant le même délai, l'interdiction d'exploiter un débit, à partir du jour où lesdites condamnations sont devenues définitives. Ce débitant ne peut être employé, à quelque titre que ce soit, dans l'établissement qu'il exploitait, comme au service de celui auquel il a vendu ou loué, ou par qui il fait gérer ledit établissement, ni dans l'établissement qui est exploité par son conjoint même séparé » ; 3. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions instituent des sanctions attachées de plein droit à des condamnations pénales, sans que la juridiction ait à les prononcer expressément ; que, par suite, elles porteraient atteinte aux principes de nécessité et d'individualisation des peines ; qu'elles méconnaîtraient également la liberté d'entreprendre ; 4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; qu'il s'ensuit que ces principes ne s'appliquent qu'aux peines et aux sanctions ayant le caractère d'une punition ; 5. Considérant, d'autre part, qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ; 6. Considérant que, parmi les conditions exigées pour l'exploitation d'un débit de boissons, les articles L. 3336-2 et L. 3336-3 du code de la santé publique instituent une incapacité et une interdiction professionnelles ; que cette interdiction et cette incapacité sont applicables à toute personne condamnée pour un crime ou pour le délit de proxénétisme ou un délit assimilé, ainsi qu'à toute personne condamnée à une peine d'au moins un mois d'emprisonnement pour certains délits ; que ces dispositions ont pour objet d'empêcher que l'exploitation d'un débit de boissons soit confiée à des personnes qui ne présentent pas les garanties de moralité suffisantes requises pour exercer cette profession ; qu'elles n'instituent pas des sanctions ayant le caractère d'une punition ; 7. Considérant, par suite, que, d'une part, les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 sont inopérants ; que, d'autre part, eu égard aux objectifs qu'il s'est assignés, le législateur a adopté des mesures propres à assurer une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre le principe de la liberté d''entreprendre et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public ; 8. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- Les articles L. 3336-2 et L. 3336-3 du code de la santé publique sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 mai 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 20 mai 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000024062332.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 mars 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1707 du 15 mars 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Térésa C. et M. Maurice D., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du cinquième alinéa de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, modifiée notamment par l'ordonnance du 6 mai 1944 relative à la répression des délits de presse ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Normand et Associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 15 avril 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 15 avril 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Christophe Bigot, avocat au barreau de Paris, pour Mme C., Me Renaud Le Gunehec, pour M. D. et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 10 mai 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'en vertu du cinquième alinéa de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 susvisée, la vérité des faits diffamatoires peut toujours être prouvée, sauf « lorsque l'imputation se réfère à des faits qui remontent à plus de dix ans » ; 2. Considérant que, selon le requérant, l'impossibilité pour la personne prévenue de diffamation, de rapporter la preuve de la vérité des faits diffamatoires de plus de dix ans porte atteinte à la liberté d'expression et aux droits de la défense ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » ; que la liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés ; que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi ; 4. Considérant que l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 susvisée définit les cas dans lesquels une personne poursuivie pour diffamation peut s'exonérer de toute responsabilité en établissant la preuve du fait diffamatoire ; que les alinéas 3 à 6 de cet article disposent en particulier que la vérité des faits diffamatoires peut toujours être prouvée sauf lorsque l'imputation concerne la vie privée de la personne et lorsqu'elle se réfère à des faits qui remontent à plus de dix années ou à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision ; 5. Considérant qu'en interdisant de rapporter la preuve des faits diffamatoires lorsque l'imputation se réfère à des faits qui remontent à plus de dix ans, le cinquième alinéa de l'article 35 a pour objet d'éviter que la liberté d'expression ne conduise à rappeler des faits anciens portant atteinte à l'honneur et à la considération des personnes qu'elles visent ; que la restriction à la liberté d'expression qui en résulte poursuit un objectif d'intérêt général de recherche de la paix sociale ; 6. Considérant, toutefois, que cette interdiction vise sans distinction, dès lors qu'ils se réfèrent à des faits qui remontent à plus de dix ans, tous les propos ou écrits résultant de travaux historiques ou scientifiques ainsi que les imputations se référant à des événements dont le rappel ou le commentaire s'inscrivent dans un débat public d'intérêt général ; que, par son caractère général et absolu, cette interdiction porte à la liberté d'expression une atteinte qui n'est pas proportionnée au but poursuivi ; qu'ainsi, elle méconnaît l'article 11 de la Déclaration de 1789 ; 7. Considérant que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, le cinquième alinéa de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 susvisée doit être déclaré contraire à la Constitution ; que cette déclaration d'inconstitutionnalité est applicable à toutes les imputations diffamatoires non jugées définitivement au jour de la publication de la présente décision, D É C I D E : Article 1er.- Le cinquième alinéa de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est déclaré contraire à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 7. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 mai 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 20 mai 2011.
CONSTIT/CONSTEXT000024062331.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 mars 2011 par le Conseil d'État (décision n° 345193 du 21 mars 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Cécile L., Mme Cécile C., l'Association pour le bilinguisme franco-allemand en Moselle, l'association Culture et bilinguisme de Lorraine - Zweisprachig, unsere Zukunft et l'association Comité fédéral des associations pour la langue et la culture régionales d'Alsace « Fer unsri Zukunft », relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions de l'article L. 312-10 du code de l'éducation. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l'éducation ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour les requérantes par Me Pierre-Étienne Rosenstiehl, avocat au barreau de Strasbourg, enregistrées le 11 avril 2011 et le 27 avril 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 12 avril 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Rosensthiel pour les requérantes et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 10 mai 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-10 du code de l'éducation : « Un enseignement de langues et cultures régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l'État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage. « Le Conseil supérieur de l'éducation est consulté, conformément aux attributions qui lui sont conférées par l'article L. 231-1, sur les moyens de favoriser l'étude des langues et cultures régionales dans les régions où ces langues sont en usage » ; 2. Considérant que, selon les requérantes, ces dispositions ne garantissent pas une protection efficace et effective de l'enseignement des langues régionales ; qu'ainsi, elles méconnaîtraient l'article 75-1 de la Constitution ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 75-1 de la Constitution : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France » ; que cet article n'institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; que sa méconnaissance ne peut donc être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ; que, dès lors, le grief est inopérant ; 4. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- L'article L. 312-10 du code de l'éducation est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 mai 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 20 mai 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 12 mai 2011 par le Conseil d’État (décision n° 346994 du 12 mai 2011), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par le département de Haute-Savoie, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 313-5 du code de l’éducation. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l’éducation ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Jean Barthélemy, Olivier Matuchansky et Claire Vexliard, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 6 juin 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 6 juin 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Jean Barthélemy, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 28 juin 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 313-5 du code de l’éducation : « Les centres publics d’orientation scolaire et professionnelle peuvent être transformés en services d’État. Lorsqu’il est procédé à la transformation de ces centres, les dépenses de fonctionnement et d’investissement de ceux-ci, précédemment à la charge du département ou de la commune à la demande desquels ils ont été constitués, sont prises en charge par l’État. « Cette mesure ne peut entraîner de changement dans l’affectation, au centre transformé, de locaux n’appartenant pas à l’État. L’usage de ces locaux par le service nouveau donne lieu à versement d’un loyer » ; 2. Considérant que le département requérant fait valoir que ces dispositions contraignent les collectivités territoriales à financer les dépenses de fonctionnement et d’investissement relatives aux centres d’information et d’orientation qui ont été créés à leur demande, tant que ceux-ci n’ont pas été, soit transformés en service d’État, soit supprimés, alors que la création, la gestion et la suppression de ces centres relèvent de la compétence de l’État ; qu’ainsi, elles méconnaîtraient tant le principe de la libre administration des collectivités territoriales que celui de la libre disposition de leurs ressources ; 3. Considérant que si, en vertu du troisième alinéa de l’article 72 et du premier alinéa de l’article 72-2 de la Constitution, les collectivités territoriales « s’administrent librement par des conseils élus » et « bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement », chacune d’elles le fait dans les conditions prévues par la loi ; qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux. . . de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources » ; 4. Considérant que, si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations, c’est à la condition notamment que celles-ci concourent à une fin d’intérêt général ; 5. Considérant, d’une part, que, selon l’article L. 313-1 du code de l’éducation, « le droit au conseil en orientation et à l’information sur les enseignements, sur l’obtention d’une qualification professionnelle sanctionnée dans les conditions définies à l’article L. 6211 1 du code du travail, sur les professions ainsi que sur les débouchés et les perspectives professionnels fait partie du droit à l’éducation » ; que ce même article prévoit que les collectivités territoriales contribuent à l’élaboration par les élèves de « leur projet d’orientation scolaire et professionnelle avec l’aide des parents, des enseignants, des personnels d’orientation et des autres professionnels compétents » ; qu’ainsi, la contribution d’une collectivité territoriale au financement d’un centre public d’information et d’orientation répond à une fin d’intérêt général ; 6. Considérant, d’autre part, que l’article L. 313-4 du code de l’éducation impose l’organisation d’un centre public d’orientation scolaire et professionnelle dans chaque département ; qu’en dehors de cette exigence légale, un ou plusieurs centres supplémentaires peuvent être créés par l’État à la demande d’une collectivité territoriale ; que, si cette collectivité demande à ne plus assumer la charge correspondant à l’entretien d’un centre supplémentaire dont l’État n’a pas décidé la transformation en service d’État, l’article L. 313-5 a pour conséquence nécessaire d’obliger la collectivité et l’État à organiser sa fermeture ; 7. Considérant qu’il s’ensuit que, sous la réserve énoncée au considérant précédent, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les articles 72 et 72-2 de la Constitution ; qu’elles ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 6, l’article L. 313-5 du code de l’éducation est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 juillet 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 13 juillet 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 mai 2011 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 583 du 13 mai 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée pour la SAS VESTEL France et M. Onur T., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 2° du paragraphe IV de l'article 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ; Vu le code des douanes ; Vu le livre des procédures fiscales ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 7 juin 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Hélène Farge, avocate au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et Me Fabien Foucault, avocat au barreau de Paris, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 28 juin 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes du 2° du paragraphe IV de l'article 164 de la loi : « Pour les procédures de visite et de saisie prévues au 2 de l'article L. 38 du livre des procédures fiscales et de l'article 64 du code des douanes réalisées durant les trois années qui précèdent la date de publication de la présente loi, un appel contre l'ordonnance mentionnée au 2 des mêmes articles, alors même que cette ordonnance a fait l'objet d'un pourvoi ayant donné lieu à cette date à une décision de rejet du juge de cassation, ou un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie peut, dans les délais et selon les modalités précisés au 3 du présent IV, être formé devant le premier président de la cour d'appel lorsque la procédure de visite et de saisie est restée sans suite ou a donné lieu à une notification d'infraction pour laquelle une transaction, au sens de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales ou de l'article 350 du code des douanes, ou une décision de justice définitive n'est pas encore intervenue à la date d'entrée en vigueur de la présente loi » ; 2. Considérant que, selon les requérants, en réservant le bénéfice des nouvelles procédures d'appel et de recours en matière de visite ou de saisie fiscale ou douanière aux personnes ayant fait l'objet de telles opérations pendant les trois années qui précèdent la date de publication de la loi du 4 août 2008 susvisée, ces dispositions portent atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif des personnes ayant fait l'objet d'une telle procédure antérieurement à cette date et méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et la justice ; 3. Considérant qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; 4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi. . . doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; 5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'est garanti par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ; 6. Considérant que l'article 164 de la loi du 4 août 2008 susvisée a réformé le régime des visites et saisies réalisées par certains agents de l'administration sur autorisation d'un juge ; que les paragraphes II et III de cet article ont modifié respectivement les articles L. 38 du livre des procédures fiscales et 64 du code des douanes applicables aux visites et saisies réalisées en matière de droits indirects et de douane ; qu'ils ont introduit dans la procédure prévue par ces articles des garanties supplémentaires pour les personnes soumises à ces visites en leur ouvrant la faculté de saisir le premier président de la cour d'appel d'un appel de l'ordonnance autorisant la visite des agents de l'administration ainsi que d'un recours contre le déroulement de ces opérations ; que le 2° du paragraphe IV de cet article 164 reconnaît le même droit d'appel ou de recours aux personnes ayant fait l'objet de visites et saisies avant l'entrée en vigueur de cette loi ; qu'il fait ainsi bénéficier rétroactivement ces personnes des nouvelles voies de recours ainsi instituées ; que, toutefois, le bénéfice de ces dispositions n'est ouvert que pour les visites et saisies réalisées durant les trois années qui précèdent la date de publication de la loi, soit à compter du 5 août 2005 ; 7. Considérant, en premier lieu, que la différence de traitement entre les personnes selon la date de réalisation des opérations de visite ou de saisie découle nécessairement de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ; qu'en elle-même, elle ne méconnaît pas le principe d'égalité ; 8. Considérant, en second lieu, que le droit à un recours juridictionnel effectif n'imposait pas au législateur de faire bénéficier rétroactivement de voies de recours les personnes ayant fait l'objet, plus de trois ans avant le 5 août 2008, date de la publication de la loi, d'opérations de visite et de saisie demeurées sans suite ou ayant donné lieu à une notification d'infraction pour laquelle une transaction ou une décision de justice définitive était intervenue avant cette date ; que, dans les autres cas, les dispositions contestées n'ont pas eu pour effet de priver les personnes ayant fait l'objet d'une notification d'infraction à la suite des opérations de visite et de saisie réalisées avant le 5 août 2005 du droit de contester la régularité de ces opérations devant les juridictions appelées à statuer sur les poursuites engagées sur leur fondement ; 9. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Le 2° du paragraphe IV de l'article 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 juillet 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 13 juillet 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 mai 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt du 24 mai 2011, n° 3035) dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Stéphane P., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du deuxième alinéa de l'article 43 du code de procédure pénale. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par Me André Chamy, avocat au barreau de Mulhouse, enregistrées le 30 mai et le 27 juin 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22 juin 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 19 juillet 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 43 du code de procédure pénale : « Lorsque le procureur de la République est saisi de faits mettant en cause, comme auteur ou comme victime, un magistrat, un avocat, un officier public ou ministériel, un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, des douanes ou de l'administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public qui est habituellement, de par ses fonctions ou sa mission, en relation avec les magistrats ou fonctionnaires de la juridiction, le procureur général peut, d'office, sur proposition du procureur de la République et à la demande de l'intéressé, transmettre la procédure au procureur de la République auprès du tribunal de grande instance le plus proche du ressort de la cour d'appel. Cette juridiction est alors territorialement compétente pour connaître l'affaire, par dérogation aux dispositions des articles 52, 382 et 522. La décision du procureur général constitue une mesure d'administration judiciaire qui n'est susceptible d'aucun recours » ; 2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions sont contraires au principe d'égalité devant la loi en ce qu'elle réservent à certaines personnes intéressées par une procédure pénale la possibilité de demander sa transmission au procureur de la République d'une juridiction limitrophe ; qu'elles porteraient également atteinte au droit au procès équitable ainsi qu'aux droits de la défense en tant qu'elles créeraient un privilège de juridiction au bénéfice des seules personnes qu'elles désignent ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi est « la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ; 4. Considérant que, d'une part, lorsque le procureur de la République est saisi de faits mettant en cause une personne désignée par les dispositions contestées, qui est habituellement en relation avec les magistrats ou les fonctionnaires de sa juridiction, ces dernières prévoient que le procureur général peut d'office transmettre cette procédure au procureur de la République d'une autre juridiction du ressort de la même cour d'appel ; que, d'autre part, cette décision du procureur général est une mesure d'administration judiciaire qui n'est susceptible d'aucun recours ; que les dispositions contestées n'empêchent pas toute personne intéressée de porter à la connaissance du procureur de la République ou du procureur général le motif qui pourrait justifier la transmission de la procédure ; que, dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance du principe d'égalité ainsi que de la violation du droit au procès équitable manquent en fait ; 5. Considérant que le deuxième alinéa de l'article 43 du code de procédure pénale n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, D É C I D E : Article 1er.- Le deuxième alinéa de l'article 43 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juillet 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 22 juillet 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 24 mai 2011 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 3032 du 18 mai 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Samir A., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 186 du code de procédure pénale. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 15 et 30 juin 2011 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 15 et 30 juin 2011 ; Vu la lettre du 22 juin 2011 par laquelle le Conseil constitutionnel a soumis aux parties un grief susceptible d'être soulevé d'office ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Hélène Farge et Me Philippe Dehapiot, avocat au barreau de Paris, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 5 juillet 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 186 du code de procédure pénale : « Le droit d'appel appartient à la personne mise en examen contre les ordonnances et décisions prévues par les articles 80-1-1, 87, 139, 140, 137-3, 142-6, 142-7 145-1, 145-2, 148, 167, quatrième alinéa, 179, troisième alinéa, et 181. « La partie civile peut interjeter appel des ordonnances de non-informer, de non-lieu et des ordonnances faisant grief à ses intérêts civils. Toutefois, son appel ne peut, en aucun cas, porter sur une ordonnance ou sur la disposition d'une ordonnance relative à la détention de la personne mise en examen ou au contrôle judiciaire. « Les parties peuvent aussi interjeter appel de l'ordonnance par laquelle le juge a, d'office ou sur déclinatoire, statué sur sa compétence. « L'appel des parties ainsi que la requête prévue par le cinquième alinéa de l'article 99 doivent être formés dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles 502 et 503, dans les dix jours qui suivent la notification ou la signification de la décision. « Le dossier de l'information ou sa copie établie conformément à l'article 81 est transmis, avec l'avis motivé du procureur de la République, au procureur général, qui procède ainsi qu'il est dit aux articles 194 et suivants. « Si le président de la chambre de l'instruction constate qu'il a été fait appel d'une ordonnance non visée aux alinéas 1 à 3 du présent article, il rend d'office une ordonnance de non-admission de l'appel qui n'est pas susceptible de voies de recours. Il en est de même lorsque l'appel a été formé après l'expiration du délai prévu au quatrième alinéa ou lorsque l'appel est devenu sans objet. Le président de la chambre de l'instruction est également compétent pour constater le désistement de l'appel formé par l'appelant » ; 2. Considérant que, selon le requérant, en ne mentionnant pas l'article 146 du code de procédure pénale dans la liste des ordonnances du juge d'instruction dont la personne mise en examen peut faire appel, le premier alinéa de l'article 186 méconnaît le droit à un recours juridictionnel effectif ; qu'en outre, le Conseil constitutionnel a soulevé d'office le grief tiré de ce que l'article 186 du code de procédure pénale porterait atteinte à l'équilibre des droits des parties dans la procédure en ce que seul le droit d'appel de la personne mise en examen est limité et exceptionnel ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ; 4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 185 du code de procédure pénale : « Le procureur de la République a le droit d'interjeter appel devant la chambre de l'instruction de toute ordonnance du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention » ; que le deuxième alinéa de l'article 186 fixe le principe selon lequel « la partie civile peut interjeter appel des ordonnances de non-informer, de non-lieu et des ordonnances faisant grief à ses intérêts civils » et énonce des exceptions à ce principe ; que, s'agissant de la personne mise en examen, la liste des ordonnances du juge d'instruction dont elle peut interjeter appel est limitativement énumérée par les articles 186, 186-1 et 186-3 du code de procédure pénale ; 5. Considérant que la personne mise en examen n'est pas dans une situation identique à celle de la partie civile ou à celle du ministère public ; que, par suite, les différences de traitement résultant de l'application de règles de procédure propres à chacune des parties privées et au ministère public ne sauraient, en elles-mêmes, méconnaître l'équilibre des droits des parties dans la procédure ; qu'en outre, il est loisible au législateur, afin d'éviter, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, les recours dilatoires provoquant l'encombrement des juridictions et l'allongement des délais de jugement des auteurs d'infraction, d'exclure la possibilité d'un appel par la personne mise en examen des ordonnances du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention qui feraient grief à ses droits lorsqu'existent d'autres moyens de procédure lui permettant de contester utilement et dans des délais appropriés les dispositions qu'elles contiennent ; 6. Considérant qu'aux termes de l'article 146 du code de procédure pénale : « S'il apparaît, au cours de l'instruction, que la qualification criminelle ne peut être retenue, le juge d'instruction peut, après avoir communiqué le dossier au procureur de la République aux fins de réquisitions, soit saisir par ordonnance motivée le juge des libertés et de la détention aux fins du maintien en détention provisoire de la personne mise en examen, soit prescrire sa mise en liberté assortie ou non du contrôle judiciaire. – Le juge des libertés et de la détention statue dans le délai de trois jours à compter de la date de sa saisine par le juge d'instruction » ; que la Cour de cassation a jugé, par interprétation du premier alinéa de l'article 186 du code de procédure pénale, que l'appel formé contre l'ordonnance prévue par cet article était irrecevable ; que, quel que soit le régime de la détention à laquelle la personne mise en examen est soumise, celle-ci peut, à tout moment, demander sa mise en liberté en application de l'article 148 du code de procédure pénale et, en cas de refus, faire appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention devant la chambre de l'instruction qui statue dans les plus brefs délais ; que, par suite, en ne mentionnant pas l'ordonnance prévue par l'article 146 du code de procédure pénale au nombre de celles contre lesquelles un droit d'appel appartient à la personne mise en examen, l'article 186 du code de procédure pénale ne méconnaît pas les exigences constitutionnelles précitées ; 7. Considérant que, toutefois, les dispositions de l'article 186 du code de procédure pénale ne sauraient, sans apporter une restriction injustifiée aux droits de la défense, être interprétées comme excluant le droit de la personne mise en examen de former appel d'une ordonnance du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention faisant grief à ses droits et dont il ne pourrait utilement remettre en cause les dispositions ni dans les formes prévues par les articles 186 à 186-3 du code de procédure pénale ni dans la suite de la procédure, notamment devant la juridiction de jugement ; que, sous cette réserve, l'article 186 du code de procédure pénale ne méconnaît pas les articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789 ; 8. Considérant que les dispositions contestées ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 7, l'article 186 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 juillet 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 13 juillet 2011.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 mai 2011 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 552 du 17 mai 2011), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-Jacques C., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 2° de l'article 274 du code civil. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code civil ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 8 juin 2011 ; Vu les observations produites pour le requérant par la SCP Jean-Alain Blanc et Jérôme Rousseau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et par Me Muriel Gestas, avocat au barreau de Draguignan, enregistrées le 23 juin 2011 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Jérôme Rousseau, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 28 juin 2011 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que l'article 274 du code civil détermine les modalités selon lesquelles le juge aux affaires familiales peut décider que la prestation compensatoire en capital s'exécutera ; que son 2° prévoit une « attribution de biens en propriété ou d'un droit temporaire ou viager d'usage, d'habitation ou d'usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier. Toutefois, l'accord de l'époux débiteur est exigé pour l'attribution en propriété de biens qu'il a reçus par succession ou donation » ; 2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions portent atteinte à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce qu'elles permettent au juge d'attribuer de manière forcée un bien, propriété d'un débiteur condamné à payer une prestation compensatoire ; 3. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; 4. Considérant qu'il appartient au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales, de définir les modalités selon lesquelles, pour permettre le paiement des obligations civiles et commerciales, les droits patrimoniaux des créanciers et des débiteurs doivent être conciliés ; que l'exécution forcée sur les biens du débiteur est au nombre des mesures qui tendent à assurer cette conciliation ; 5. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 270 du code civil, la prestation compensatoire est « destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives » ; que l'article 271 prévoit que cette prestation est fixée par le juge selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre ; que l'attribution, décidée par le juge du divorce, d'un bien dont un époux est propriétaire a pour objet d'assurer le paiement de la dette dont il est débiteur au profit de son conjoint au titre de la prestation compensatoire ; qu'elle constitue une modalité de paiement d'une obligation judiciairement constatée ; qu'il en résulte que, si l'attribution forcée d'un bien à titre de prestation compensatoire conduit à ce que l'époux débiteur soit privé de la propriété de ce bien, elle n'entre pas dans le champ d'application de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; 6. Considérant, en second lieu, que, d'une part, en permettant l'attribution forcée prévue par le 2° de l'article 274, le législateur a entendu faciliter la constitution d'un capital, afin de régler les effets pécuniaires du divorce au moment de son prononcé ; que le législateur a également entendu assurer le versement de la prestation compensatoire ; que l'objectif poursuivi de garantir la protection du conjoint dont la situation économique est la moins favorisée et de limiter, autant que possible, les difficultés et les contentieux postérieurs au prononcé du divorce constitue un motif d'intérêt général ; 7. Considérant que, d'autre part, l'attribution forcée est ordonnée par le juge qui fixe le montant de la prestation compensatoire ; que les parties ont la possibilité de débattre contradictoirement devant ce juge de la valeur du bien attribué ; qu'en vertu de la seconde phrase du 2° de l'article 274 du code civil, l'accord de l'époux débiteur est exigé pour l'attribution en propriété de biens qu'il a reçus par succession ou donation ; 8. Considérant, toutefois, que le 1° de l'article 274 du code civil prévoit également que la prestation compensatoire en capital peut être exécutée sous forme de versement d'une somme d'argent, le prononcé du divorce pouvant être subordonné à la constitution de garanties ; que l'atteinte au droit de propriété qui résulte de l'attribution forcée prévue par le 2° de cet article ne peut être regardée comme une mesure proportionnée au but d'intérêt général poursuivi que si elle constitue une modalité subsidiaire d'exécution de la prestation compensatoire en capital ; que, par conséquent, elle ne saurait être ordonnée par le juge que dans le cas où, au regard des circonstances de l'espèce, les modalités prévues au 1° n'apparaissent pas suffisantes pour garantir le versement de cette prestation ; que, sous cette réserve, l'attribution forcée d'un bien à titre de prestation compensatoire ne méconnaît pas l'article 2 de la Déclaration de 1789 ; 9. Considérant que le 2° de l'article 274 du code civil n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 8, le 2° de l'article 274 du code civil est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 juillet 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ. Rendu public le 13 juillet 2011.