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CONSTIT/CONSTEXT000042230897.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 2 juin 2020 par le Conseil d'État (décision n°436834 du 29 mai 2020), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Antonio O. par la SCP Hélène Didier et François Pinet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2020-853 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l'urbanisme ; - la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par la commune de Yèvre-la-Ville, partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, enregistrées le 11 juin 2020 ; - les observations présentées pour le requérant par Me Antoine Plateaux, avocat au barreau de Nantes, enregistrées le 12 juin 2020 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 15 juin 2020 ; - les secondes observations présentées pour le requérant par Me Plateaux, enregistrées le 29 juin 2020 ; - les secondes observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 30 juin 2020 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Wistan Plateaux, avocat au barreau de Nantes, pour le requérant, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 21 juillet 2020 ; Au vu des pièces suivantes : - la note en délibéré présentée par le Premier ministre, enregistrée le 28 juillet 2020 ; - la note en délibéré présentée pour le requérant par Me Antoine Plateaux, enregistrée le 29 juillet 2020 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 480-14 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi du 12 juillet 2010 mentionnée ci-dessus, prévoit :« La commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme peut saisir le tribunal de grande instance en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié ou installé sans l'autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l'article L. 421-8. L'action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l'achèvement des travaux ». 2. Le requérant soutient que ces dispositions porteraient une atteinte disproportionnée au droit de propriété consacré par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. En effet, il fait valoir qu'elles permettraient, pendant un délai de dix ans, la démolition de toute construction au seul motif qu'elle méconnaît une règle d'urbanisme, sans qu'il soit tenu compte de la bonne foi du propriétaire ou de la possibilité d'une régularisation. Selon le requérant, ces dispositions porteraient, pour les mêmes motifs et parce qu'elles peuvent conduire à la destruction d'un ouvrage constituant un domicile, une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « la démolition » figurant à la première phrase de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme. 4. La propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789. Aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ». En l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi. 5. Le livre IV du code de l'urbanisme soumet certains travaux, constructions, aménagements ou installations à un régime d'autorisation, par la délivrance de permis de construire ou d'aménager, ou à un régime de déclaration. L'article L. 421-8 du même code prévoit que les constructions, aménagements, installations et travaux dispensés d'autorisation ou de déclaration doivent néanmoins respecter les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et ne pas être incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. 6. En application de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme, les communes et établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d'urbanisme peuvent demander au tribunal qu'il ordonne la démolition ou la mise en conformité des ouvrages installés sans permis de construire ou d'aménager, ou sans déclaration préalable, en méconnaissance de ce permis ou en violation des règles de fond dont le respect s'impose sur le fondement de l'article L. 421-8 du même code. 7. En premier lieu, l'action en démolition prévue par les dispositions contestées ne constitue qu'une conséquence des restrictions apportées aux conditions d'exercice du droit de propriété par les règles d'urbanisme. Elle n'a pour objet que de rétablir les lieux dans leur situation antérieure à l'édification irrégulière de la construction concernée. Il en résulte que, si la démolition d'un tel ouvrage a pour effet de priver son propriétaire de la propriété de ce bien irrégulièrement bâti, elle n'entre pas dans le champ d'application de l'article 17 de la Déclaration de 1789. 8. En second lieu, d'une part, l'action en démolition est justifiée par l'intérêt général qui s'attache au respect des règles d'urbanisme, lesquelles permettent la maîtrise, par les collectivités publiques, de l'occupation des sols et du développement urbain. 9. D'autre part, cette action en démolition ne peut être introduite que par les autorités compétentes en matière de plan local d'urbanisme et dans un délai de dix ans qui commence à courir dès l'achèvement des travaux. Par ailleurs, la démolition ne peut être prononcée que par le juge judiciaire et à l'encontre d'un ouvrage édifié ou installé sans permis de construire ou d'aménager, ou sans déclaration préalable, en méconnaissance de ce permis ou en violation des règles de fond dont le respect s'impose sur le fondement de l'article L. 421-8 du code de l'urbanisme. Toutefois, les dispositions contestées ne sauraient, sans porter une atteinte excessive au droit de propriété, être interprétées comme autorisant la démolition d'un tel ouvrage lorsque le juge peut, en application de l'article L. 480-14, ordonner à la place sa mise en conformité et que celle-ci est acceptée par le propriétaire. 10. Il résulte de ce qui précède que les limitations apportées par les dispositions contestées à l'exercice du droit de propriété résultant de l'article 2 de la Déclaration de 1789 sont justifiées par un motif d'intérêt général et, sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, proportionnées à cet objectif. Le grief tiré de la méconnaissance de cet article doit donc, sous cette réserve, être écarté. 11. Les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus le droit au respect de la vie privée ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent sous la réserve énoncée au paragraphe 9, être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sous la réserve énoncée au paragraphe 9, les mots « la démolition » figurant à la première phrase de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 juillet 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 31 juillet 2020.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 30 juin 2020, par le Premier ministre, sous le n° 2020-802 DC, conformément au cinquième alinéa de l'article 46 et au premier alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi organique n° 83-499 du 17 juin 1983 relative à la représentation au Sénat des Français établis hors de France ; - le code électoral ; - la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France ; - la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ; - la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires ; Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 20 juillet 2020 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a été prise sur le fondement de l'article 25 de la Constitution. Elle a été adoptée dans le respect des règles de procédure prévues par les quatre premiers alinéas de son article 46. - Sur l'article 1er : 2. L'article 1er prolonge d'un an le mandat des six sénateurs représentant les Français établis hors de France élus en septembre 2014 et diminue d'autant celui de ceux qui seront élus en septembre 2021 pour les remplacer. 3. L'article 3 de la Constitution dispose : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. - Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice. - Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret … ». Aux termes des quatrième et cinquième alinéas de l'article 24 de la Constitution : « Le Sénat est élu au suffrage indirect … - Les Français établis hors de France sont représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat ». 4. Le législateur organique, compétent en vertu de l'article 25 de la Constitution pour fixer la durée des pouvoirs de chaque assemblée, peut modifier cette durée dans un but d'intérêt général et sous réserve du respect des règles et principes de valeur constitutionnelle, qui impliquent notamment que les électeurs soient appelés à exercer, selon une périodicité raisonnable, leur droit de suffrage. 5. Le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Il ne lui appartient donc pas de rechercher si l'objectif que s'est assigné le législateur pouvait être atteint par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à cet objectif. 6. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées que, dans la mesure où il assure la représentation des Français établis hors de France, le Sénat doit être élu par un corps électoral lui-même élu par ces derniers. Conformément à l'article 44 de la loi du 22 juillet 2013 mentionnée ci-dessus, les sénateurs représentant les Français établis hors de France sont élus par un collège électoral composé des députés élus par ces Français, des sénateurs qui les représentent, des conseillers des Français de l'étranger et des délégués consulaires. 7. Or, le législateur a, par l'article 13 de la loi du 22 juin 2020 mentionnée ci-dessus, reporté d'un an l'élection des conseillers des Français de l'étranger et des délégués consulaires, qui devait initialement intervenir en mai 2020. Ce report est justifié par les difficultés d'organisation de ce scrutin causées par l'épidémie mondiale de covid-19, auxquelles les modes de vote à distance applicables pour ces élections ne permettaient pas de remédier. 8. Par suite, le législateur organique a pu estimer que ce report devait également entraîner celui de l'élection des six sénateurs représentant les Français établis hors de France élus en septembre 2014 et qui devaient être renouvelés en septembre 2020, afin que ces sénateurs ne soient pas désignés par un collège en majeure partie composé d'élus exerçant leur mandat au-delà de son terme normal. 9. En second lieu, l'élection n'est reportée que d'une année. La prorogation des mandats sénatoriaux qui l'accompagne revêt un caractère exceptionnel et transitoire. Il en va de même de la réduction d'un an du mandat des six sénateurs qui seront élus en septembre 2021, qui est nécessaire pour conserver le rythme normal des renouvellements triennaux partiels du Sénat. Ainsi, les choix faits par le législateur organique ne sont pas manifestement inappropriés à l'objectif qu'il s'est fixé. 10. Dans ces conditions, l'article 1er n'est pas contraire à la Constitution. - Sur l'article 2 : 11. En premier lieu, le paragraphe I de l'article 2 dispose que toute déclaration qui devait être adressée, entre le 12 mars et le 23 juin 2020, au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique en application des trois premiers alinéas du paragraphe I de l'article L.O. 135-1 du code électoral est réputée avoir été faite à temps si elle a été adressée avant le 24 août 2020. 12. Aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions introduites en méconnaissance de cette règle de procédure. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles. 13. La loi organique déférée a pour origine le projet de loi organique déposé le 27 mai 2020 sur le bureau du Sénat, première assemblée saisie. Dans cette rédaction, ce projet de loi organique comportait trois articles. Son article 1er prolongeait d'un an, en raison des conditions sanitaires liées à l'épidémie de covid-19, le mandat des sénateurs en exercice de la série 2 et réduisait d'un an celui des sénateurs, de la même série, appelés à être élus en septembre 2021. Son article 2 excluait l'organisation d'élections législatives ou sénatoriales partielles jusqu'à ce que les conditions sanitaires permettent la tenue de nouvelles élections municipales. Son article 3 prévoyait son application sur l'ensemble du territoire de la République. 14. Introduites en première lecture, les dispositions du paragraphe I de l'article 2 de la loi déférée ont, d'une part, été prises sur le fondement de l'article 25 de la Constitution. D'autre part, elles visent à traiter certaines conséquences de l'épidémie de covid-19 sur le mandat parlementaire. Dès lors, elles ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi organique déposé sur le bureau du Sénat. 15. En second lieu, le paragraphe II de l'article 2 précise les conséquences de la prolongation du mandat des six sénateurs prévue à l'article 1er sur leurs obligations déclaratives auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Ces dispositions n'appellent aucune remarque de constitutionnalité. 16. L'article 2 n'est donc pas contraire à la Constitution. - Sur l'article 3 : 17. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 25 de la Constitution, une loi organique « fixe … les conditions dans lesquelles sont élues les personnes appelées à assurer, en cas de vacance du siège, le remplacement des députés ou des sénateurs jusqu'au renouvellement général ou partiel de l'assemblée à laquelle ils appartenaient ou leur remplacement temporaire en cas d'acceptation par eux de fonctions gouvernementales ». 18. Le premier alinéa de l'article L.O. 178 du code électoral prévoit l'organisation d'élections législatives partielles dans un délai de trois mois en cas d'annulation des opérations électorales d'une circonscription, dans certains cas de vacance d'un siège de député ou lorsque le remplacement par le suppléant ne peut plus être effectué. Le premier alinéa de l'article L.O. 322, rendu applicable aux sénateurs représentant les Français établis hors de France par l'article 3 de la loi organique du 17 juin 1983 mentionnée ci-dessus, fixe les règles d'organisation d'élections partielles pour les sénateurs. 19. L'article 3 de la loi organique prévoit que, par dérogation et compte tenu des risques liés à l'épidémie mondiale de covid-19, il ne sera procédé à aucune élection partielle pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France durant la période comprise entre l'entrée en vigueur de la présente loi organique et la date des prochaines élections consulaires, qui devront être organisées au mois de mai 2021 en application de l'article 21 de la loi du 23 mars 2020 mentionnée ci-dessus, dans sa rédaction résultant de la loi du 22 juin 2020. 20. L'article 3 n'appelle pas de remarque de constitutionnalité. Il est conforme à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 juillet 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 30 juillet 2020
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 10 juin 2020 par le Conseil d'État (décision n° 439457 du 9 juin 2020), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Beraha par Me Laurent Roustouil, avocat au barreau de Marseille. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2020-854 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe I de l'article 210 F du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 26 juin 2020 ; - les observations en intervention présentées pour la société ICA par Me Jean-Jacques Calderini, avocat au barreau de Bordeaux, enregistrées le même jour ; - les observations présentées pour la société requérante par Me Roustouil, enregistrées le 3 juillet 2020 ; - les secondes observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour la société intervenante par Me Calderini, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Augustin Tempo, avocat au barreau de Marseille, pour la société requérante, Me Calderini et Me Damien Barré, avocat au barreau de Bordeaux, pour la société intervenante, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 21 juillet 2020 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le paragraphe I de l'article 210 F du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2013 mentionnée ci-dessus, prévoit :« Les plus-values nettes dégagées lors de la cession d'un local à usage de bureau ou à usage commercial par une personne morale soumise à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun sont soumises à l'impôt sur les sociétés au taux mentionné au IV de l'article 219 lorsque la cession est réalisée au profit : « a) D'une personne morale soumise à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ; « b) D'une société dont les titres donnant obligatoirement accès au capital sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou offerts au public sur un système multilatéral de négociation, d'une société civile de placement immobilier dont les parts sociales ont été offertes au public, d'une filiale mentionnée au premier alinéa du II de l'article 208 C, d'une société mentionnée au III bis du même article 208 C ou d'une société agréée par l'Autorité des marchés financiers et ayant pour objet principal l'acquisition ou la construction d'immeubles en vue de la location, ou la détention directe ou indirecte de participations dans des personnes morales mentionnées à l'article 8 et aux 1, 2 et 3 de l'article 206 dont l'objet social est identique ; « c) D'un organisme d'habitations à loyer modéré, d'une société d'économie mixte gérant des logements sociaux, de l'association mentionnée à l'article L. 313-34 du code de la construction et de l'habitation, des sociétés civiles immobilières dont cette association détient la majorité des parts pour les logements mentionnés au 4° de l'article L. 351-2 du même code ou d'un organisme bénéficiant de l'agrément relatif à la maîtrise d'ouvrage prévu à l'article L. 365-2 dudit code. « Pour l'application du premier alinéa, les locaux à usage de bureaux s'entendent, d'une part, des bureaux proprement dits et de leurs dépendances immédiates et indispensables destinés à l'exercice d'une activité de quelque nature que ce soit et, d'autre part, des locaux professionnels destinés à l'exercice d'activités libérales ou utilisés par des associations ou organismes privés poursuivant ou non un but lucratif. Les locaux à usage commercial s'entendent des locaux destinés à l'exercice d'une activité de commerce de détail ou de gros et de prestations de services à caractère commercial ou artisanal. « Le présent I ne s'applique pas aux cessions réalisées entre un cédant et un cessionnaire qui ont entre eux des liens de dépendance, au sens du 12 de l'article 39 ». 2. La société requérante, rejointe par la société intervenante, reproche à ces dispositions de limiter de façon injustifiée le bénéfice du taux réduit d'impôt sur les sociétés sur la plus-value dégagée lors de la cession de locaux à usage de bureaux ou à usage commercial en vue de leur transformation en logements. En effet, lorsque le cessionnaire des locaux n'est pas au nombre des organismes mentionnés au b ou au c du paragraphe I de l'article 210 F du code général des impôts, le cédant ne peut bénéficier de ce taux réduit que si le cessionnaire est une personne morale soumise à l'impôt sur les sociétés. L'objectif du législateur étant de développer l'offre de logement, une telle condition, fondée sur le régime fiscal du cessionnaire, serait sans rapport avec la capacité de ce dernier à réaliser les travaux de transformation des locaux. Cette condition exclut ainsi du champ de l'avantage fiscal les plus-values de cessions réalisées au profit de personnes morales non soumises à l'impôt sur les sociétés, telles que, en particulier, les sociétés civiles de construction-vente, alors même que leur objet est de construire des immeubles en vue de la vente. Ce faisant, le législateur aurait retenu un critère qui ne serait ni objectif ni rationnel et institué une différence de traitement injustifiée entre les cédants, selon que le cessionnaire des locaux est ou non assujetti à l'impôt sur les sociétés. Il en résulterait une méconnaissance des principes d'égalité devant les charges publiques et devant la loi. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « soumise à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun » figurant au a du paragraphe I de l'article 210 F du code général des impôts. - Sur le fond : 4. Aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 5. Le paragraphe I de l'article 210 F du code général des impôts prévoit que la plus-value dégagée lors de la cession, par une personne morale soumise à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun, d'un local à usage de bureaux ou à usage commercial peut être soumise à l'impôt sur les sociétés au taux réduit de 19 %, mentionné au paragraphe IV de l'article 219 du même code, lorsque cette cession est réalisée au profit de certaines personnes morales. Parmi ces dernières figurent, aux termes des dispositions contestées, les personnes morales soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun. En application du paragraphe II de l'article 210 F, le bénéfice de cet avantage fiscal est subordonné à l'engagement pris par le cessionnaire de transformer le local acquis en local à usage d'habitation dans les trois ans qui suivent la date de clôture de l'exercice au cours duquel l'acquisition est intervenue. 6. En instituant un taux réduit d'imposition des plus-values de cession de locaux professionnels en vue de leur transformation en locaux à usage d'habitation, le législateur a entendu favoriser la création de logements. 7. Toutefois, les dispositions contestées font dépendre du régime fiscal du cessionnaire le bénéfice, par le cédant, de ce taux réduit d'imposition. Ainsi, par exemple, l'application de ce taux réduit est exclue lorsque la cession a été réalisée au profit d'une personne morale non soumise de plein droit à l'impôt sur les sociétés et qui n'est pas non plus autorisée à opter en faveur de son assujettissement à cet impôt. Tel est le cas notamment, en application des articles 239 et 239 ter du code général des impôts, des sociétés civiles de construction-vente, qui ont pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente. De même, l'application de ce taux réduit est exclue lorsque le cessionnaire est une société en nom collectif ou en commandite simple, dans lesquelles, en principe, chacun des associés est personnellement soumis à l'impôt, alors qu'un cessionnaire de même forme sociale mais ayant, quant à lui, opté pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés ouvre droit au bénéfice de ce taux réduit. 8. Or, il n'y a pas de lien entre le régime fiscal du cessionnaire et sa capacité à respecter son engagement de transformer en logements les locaux cédés. Par conséquent, en réservant l'application de l'avantage fiscal aux plus-values de cessions réalisées au profit d'une personne morale « soumise à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun », excluant ainsi d'autres personnes morales tout autant susceptibles de transformer les locaux cédés en locaux à usage d'habitation, en particulier les sociétés civiles de construction-vente, le législateur ne s'est pas fondé sur un critère objectif et rationnel en fonction du but de création de logements qu'il s'est proposé. 9. Dès lors, les dispositions contestées méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques. Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, elles doivent donc être déclarées contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 10. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 11. En premier lieu, les dispositions déclarées contraires à la Constitution, dans leur rédaction contestée résultant de la loi du 29 décembre 2013, ne sont plus en vigueur. 12. En second lieu, la déclaration d'inconstitutionnalité est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de publication de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « soumise à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun » figurant au a du paragraphe I de l'article 210 F du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013, sont contraires à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées aux paragraphes 11 et 12 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 juillet 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 31 juillet 2020.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 1er octobre 2021 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 27 septembre 2021), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de Mme Claire MARAIS-BEUIL, candidate aux élections qui se sont déroulées les 30 mai et 6 juin 2021 dans la 1ère circonscription du département de l'Oise en vue de la désignation d'un député. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-5732 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1 et L. 52-12 ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs, notamment le troisième alinéa de son article 9-1 ; Au vu des pièces suivantes : - les pièces du dossier desquelles il résulte que communication de la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a été donnée à Mme MARAIS-BEUIL, qui n'a pas produit d'observations ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il résulte de l'article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l'article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l'article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables, qui met le compte en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n'est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n'excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l'article L. 52-5 ou de l'article L. 52-6. 2. L'article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12. 3. Mme MARAIS-BEUIL a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés à l'issue du scrutin dont le premier tour s'est tenu le 30 mai 2021. À l'expiration du délai prévu à l'article L. 52-12 du code électoral, soit le 6 août 2021 à 18 heures, Mme MARAIS-BEUIL n'avait pas déposé son compte de campagne. Le 8 septembre 2021, antérieurement à la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, Mme MARAIS-BEUIL a produit son compte de campagne accompagné d'une attestation d'absence de dépense et de recette établie par son mandataire financier. 4. Toutefois, bien qu'elle ait été invitée à le faire par le Conseil constitutionnel, Mme MARAIS-BEUIL n'a pas produit les relevés du compte bancaire ouvert par son mandataire financier, confirmant qu'il n'a engagé aucune dépense et n'a perçu aucune recette. Par suite, Mme MARAIS-BEUIL n'a pas satisfait aux exigences de l'article L. 52-12 du code électoral. Compte tenu de la particulière gravité de ce manquement, il y a lieu de prononcer l'inéligibilité de Mme MARAIS-BEUIL à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Mme Claire MARAIS-BEUIL est déclarée inéligible en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d'un an à compter de la présente décision. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SENERS. Rendu public le 25 mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 4 octobre 2021 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 27 septembre 2021), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Jean-Damien de SINZOGAN, candidat aux élections qui se sont déroulées les 30 mai et 6 juin 2021, dans la 15ème circonscription de Paris, en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-5733 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1 et L. 52-4 ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2021-5726/5728 AN du 28 janvier 2022 ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par M. de SINZOGAN le 14 février 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il ressort de l'article L. 52-4 du code électoral qu'il appartient au mandataire financier désigné par le candidat de régler les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit font l'objet d'un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte bancaire ou postal. Si le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis, ce n'est qu'à la double condition que leur montant, tel qu'apprécié à la lumière de ces dispositions, c'est-à-dire prenant en compte non seulement les dépenses intervenues après la désignation du mandataire financier mais aussi celles réglées avant cette désignation et qui n'auraient pas fait l'objet d'un remboursement par le mandataire, soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées par l'article L. 52-11 du même code. 2. Le compte de campagne de M. de SINZOGAN a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 27 septembre 2021 au motif que le candidat a réglé directement la totalité des dépenses engagées en vue de l'élection. 3. Il résulte de l'instruction que les dépenses de campagne réglées directement par M. de SINZOGAN après la désignation de son mandataire financier se sont élevées à 100 % du montant total des dépenses engagées et à moins de 0,3 % du plafond des dépenses autorisées, lequel s'établissait dans la circonscription à 87 114 euros. Dès lors, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte de campagne. 4. L'article L.O. 136-1 du code électoral dispose qu'en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. 5. Compte tenu du faible montant des dépenses réglées directement et du plafond des dépenses autorisées, le manquement aux règles de financement des campagnes électorales commis par M. de SINZOGAN n'est pas de la nature de ceux visés à l'article L.O. 136-1 du code électoral. Par suite, il n'y a pas lieu de prononcer, en application de cet article, l'inéligibilité de M. de SINZOGAN, au demeurant déjà déclaré inéligible pour un autre motif par la décision du 28 janvier 2022 mentionnée ci-dessus pour une durée de trois ans sur le fondement des dispositions de l'article L.O. 136-3. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Il n'y a pas lieu de déclarer M. Jean-Damien de SINZOGAN inéligible en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SENERS. Rendu public le 25 mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 1er octobre 2021 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 27 septembre 2021), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Thomas JOLY, candidat aux élections qui se sont déroulées les 30 mai et 6 juin 2021 dans la 1ère circonscription du département de l'Oise en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-5731 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1 et L. 52-12 ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs, notamment le troisième alinéa de son article 9-1 ; Au vu des pièces suivantes : - la mesure d'instruction ordonnée le 5 mars 2022 par le Conseil constitutionnel ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il résulte de l'article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l'article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l'article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables, qui met le compte en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n'est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n'excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l'article L. 52-5 ou de l'article L. 52-6. 2. L'article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12. 3. M. JOLY a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés à l'issue du scrutin dont le premier tour s'est tenu le 30 mai 2021. Le délai pour déposer son compte de campagne expirait donc le 6 août 2021 à 18 heures. M. JOLY a déposé son compte de campagne le 17 août 2021, soit après l'expiration de ce délai. 4. Toutefois, M. JOLY a produit, devant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, une attestation d'absence de dépense et de recette établie par son mandataire financier accompagnée d'un extrait du relevé du compte bancaire ouvert par ce dernier confirmant que ce compte n'a connu aucun mouvement. 5. Par suite, le manquement commis ne justifie pas que M. JOLY soit déclaré inéligible en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Il n'y a pas lieu de déclarer M. Thomas JOLY inéligible en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SENERS. Rendu public le 25 mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 30 septembre 2021 d'une requête présentée par M. Jean-Damien de SINZOGAN candidat à l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France, tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé à cette fin le 26 septembre 2021. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-5730 SEN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le deuxième alinéa de son article 38 ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs, notamment le deuxième alinéa de son article 8 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Selon le deuxième alinéa de l'article 38 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, « le Conseil, sans instruction contradictoire préalable, peut rejeter, par décision motivée, les requêtes irrecevables ou ne contenant que des griefs qui manifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats de l'élection ». 2. Selon l'article 35 de la même ordonnance « Les requêtes doivent contenir... les moyens d'annulation invoqués. - Le requérant doit annexer à la requête les pièces produites au soutien de ses moyens ». 3. À l'appui de sa requête, M. Jean-Damien de SINZOGAN se borne à indiquer que des irrégularités se seraient produites lors du décompte des voix. Toutefois, ces allégations ne sont pas assorties des précisions et justifications permettant au juge de l'élection d'en apprécier la portée. Dès lors, sa requête doit être rejetée. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La requête de M. Jean-Damien de SINZOGAN est rejetée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SENERS. Rendu public le 25 mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 30 décembre 2021 par le Conseil d'État (décision n° 457203 du 29 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Eurelec trading par Me Olivier Laude, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-984 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe VII de l'article L. 470-2 du code de commerce. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de commerce ; - l'ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la société requérante par Me Laude, enregistrées le 21 janvier 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour la société ITM Alimentaire international par Me Yann Utzschneider, avocat au barreau de Paris, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour la société requérante par Me Laude, enregistrées le 7 février 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Laude, pour la société requérante, Me Utzschneider, pour la société intervenante, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 15 mars 2022 ; Au vu de la note en délibéré présentée pour la société requérante par Me Laude, enregistrée le 18 mars 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du paragraphe VII de l'article L. 470-2 du code de commerce dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 9 mars 2017 mentionnée ci-dessus. 2. Le paragraphe VII de l'article L. 470-2 du code de commerce, dans cette rédaction, prévoit :« Lorsque, à l'occasion d'une même procédure ou de procédures séparées, plusieurs sanctions administratives ont été prononcées à l'encontre d'un même auteur pour des manquements en concours, ces sanctions s'exécutent cumulativement ». 3. La société requérante, rejointe par la partie intervenante, reproche à ces dispositions de méconnaître le principe de proportionnalité des peines, dès lors qu'elles ne prévoient aucun plafond au cumul des sanctions administratives prononcées pour des manquements en concours. Elle soutient également que ces dispositions méconnaîtraient le principe de légalité des délits et des peines, faute de définir la notion de « manquements en concours ». La partie intervenante dénonce enfin, comme contraire au principe non bis in idem, le cumul de sanctions administratives permis par ces dispositions. 4. Selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes énoncés par cet article s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition. 5. L'article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité des dispositions législatives soumises à son examen aux droits et libertés que la Constitution garantit. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue. 6. En vertu de l'article L. 470-2 du code de commerce, l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut prononcer des amendes administratives en cas de non-respect des obligations en matière de transparence, de pratiques restrictives de concurrence, d'autres pratiques prohibées ou d'inexécution d'une mesure d'injonction notifiée à un professionnel soumis à ces règles. 7. Selon les dispositions contestées, lorsqu'un manquement à ces règles a été commis par une personne avant que celle-ci ait été définitivement sanctionnée pour un autre manquement, les sanctions administratives prononcées à son encontre s'exécutent cumulativement. 8. En premier lieu, aucune exigence constitutionnelle n'impose que des sanctions administratives prononcées pour des manquements distincts soient soumises à une règle de non-cumul. 9. En second lieu, d'une part, les dispositions contestées n'ont pas pour objet de déterminer le montant des sanctions encourues pour chacun des manquements réprimés. D'autre part, elles ne font pas obstacle à la prise en compte par l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de la nature des manquements, de leur gravité et de leur répétition pour déterminer le montant des sanctions, en particulier lorsqu'elles s'appliquent de manière cumulative. 10. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines doit donc être écarté. 11. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas les principes de légalité et de nécessité des délits et des peines, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le paragraphe VII de l'article L. 470-2 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, Michel PINAULT et François SENERS. Rendu public le 25 mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 10 février 2022 par le Conseil d'État (décision n° 458277 du 8 février 2022), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Roland B. par Me Éric Planchat, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-988 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des deux premiers alinéas de l'article 1732 du code général des impôts. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - le livre des procédures fiscales ; - l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités, ratifiée par l'article 138 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par Me Planchat, enregistrées le 17 février 2022 ; - les observations en intervention présentées pour la société Byck consulting par Me Laura Jaricot, avocate au barreau de Lyon, enregistrées le 2 mars 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 3 mars 2022 ; - les secondes observations présentées pour le requérant par Me Planchat, enregistrées le 16 mars 2022 ; - les secondes observations en intervention présentées pour la société Byck consulting par Me Jaricot, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Planchat, pour le requérant, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 29 mars 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi des deux premiers alinéas de l'article 1732 du code général des impôts dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 7 décembre 2005 mentionnée ci-dessus. 2. Les deux premiers alinéas de l'article 1732 du code général des impôts, dans cette rédaction, prévoient : « La mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : « a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'État ». 3. Le requérant, rejoint par la partie intervenante, reproche à ces dispositions de sanctionner par une majoration de droits l'opposition à contrôle fiscal alors que les dispositions de l'article 1746 du code général des impôts prévoient également une peine d'amende en cas d'entrave aux fonctions des agents de l'administration fiscale. Il en résulterait une méconnaissance du principe non bis in idem. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le deuxième alinéa de l'article 1732 du code général des impôts. 5. La société intervenante soutient par ailleurs que l'application automatique de la majoration prévue par ces dispositions méconnaîtrait le principe de proportionnalité des peines. 6. Selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition. 7. En premier lieu, il découle du principe de nécessité des délits et des peines qu'une même personne ne peut faire l'objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux. Si l'éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues. 8. En application de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsqu'un contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. Les dispositions contestées prévoient que, dans ce cas, cette évaluation d'office entraîne l'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés et aux créances fiscales devant être restituées à l'État. 9. L'article 1746 du code général des impôts punit d'une amende correctionnelle le fait de mettre les agents habilités à constater les infractions à la législation fiscale dans l'impossibilité d'accomplir leurs fonctions. Cette infraction est constituée en particulier lorsqu'un contribuable s'oppose à la mise en œuvre d'un contrôle fiscal. 10. Toutefois, la seule circonstance que plusieurs incriminations soient susceptibles de réprimer un même comportement ne peut caractériser une identité de faits au sens des exigences résultant de l'article 8 de la Déclaration de 1789 que si ces derniers sont qualifiés de manière identique. 11. Or, l'article 1746 du code général des impôts réprime le comportement de toute personne visant à faire obstacle à l'accomplissement par les agents de l'administration de leurs fonctions, indépendamment de la mise en œuvre d'un contrôle fiscal et du fait que des droits aient ou non été éludés. La majoration prévue par les dispositions contestées ne peut, quant à elle, s'appliquer qu'à un contribuable qui s'est opposé à un contrôle fiscal à la suite duquel l'administration établit qu'il a éludé des droits. 12. Dès lors, ces dispositions ne tendent pas à réprimer de mêmes faits, qualifiés de manière identique. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de nécessité des délits et des peines doit donc être écarté. 13. En second lieu, si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue. 14. D'une part, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu réprimer les comportements visant à faire obstacle au contrôle fiscal. Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale. 15. D'autre part, en prévoyant une majoration des droits éludés, le législateur a instauré une sanction dont l'assiette est en lien avec la nature de l'infraction. Le taux de cette majoration n'est pas manifestement disproportionné au regard de la particulière gravité du comportement réprimé. 16. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines doit donc être écarté. 17. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le deuxième alinéa de l'article 1732 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 avril 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Jacqueline GOURAULT, Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 8 avril 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 2 février 2022 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 173 du 1er février 2022), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Saïd Z. par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-987 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 230-1 à 230-5 et 706-102-1 du code de procédure pénale. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de la défense ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne ; - la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme ; - la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale ; - la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination ; - la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par la SCP Spinosi, enregistrées le 21 février 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour l'association des avocats pénalistes et l'association Ligue des droits de l'homme par la SCP Spinosi, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour l'association La Quadrature du net par Me Alexis Fitzjean Ó Cobhthaigh, avocat au barreau de Paris, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour le requérant par la SCP Spinosi, enregistrées le 8 mars 2022 ; - les secondes observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations en intervention présentées pour l'association La Quadrature du net par Me Fitzjean Ó Cobhthaigh, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et Me Robin Binsard, avocat au barreau de Paris, pour le requérant, l'association des avocats pénalistes et l'association Ligue des droits de l'homme, Me Fitzjean Ó Cobhthaigh, pour l'association La Quadrature du net, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 29 mars 2022 ; Au vu de la note en délibéré présentée pour le Premier ministre, enregistrée le 1er avril 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi de l'article 230-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 13 novembre 2014 mentionnée ci-dessus, de l'article 230-2 du même code dans sa rédaction résultant de la loi du 3 août 2018 mentionnée ci-dessus, de l'article 230-3 du même code dans sa rédaction résultant de la loi du 3 juin 2016 mentionnée ci-dessus, de l'article 230-4 du même code dans sa rédaction résultant de la loi du 13 novembre 2014, de l'article 230-5 du même code dans sa rédaction issue de la loi du 15 novembre 2001 mentionnée ci-dessus et de l'article 706-102-1 du même code dans sa rédaction résultant de la loi du 23 mars 2019 mentionnée ci-dessus. 2. L'article 230-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi du 13 novembre 2014, prévoit : « Sans préjudice des dispositions des articles 60, 77-1 et 156, lorsqu'il apparaît que des données saisies ou obtenues au cours de l'enquête ou de l'instruction ont fait l'objet d'opérations de transformation empêchant d'accéder aux informations en clair qu'elles contiennent ou de les comprendre, ou que ces données sont protégées par un mécanisme d'authentification, le procureur de la République, la juridiction d'instruction, l'officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, ou la juridiction de jugement saisie de l'affaire peut désigner toute personne physique ou morale qualifiée, en vue d'effectuer les opérations techniques permettant d'obtenir l'accès à ces informations, leur version en clair ainsi que, dans le cas où un moyen de cryptologie a été utilisé, la convention secrète de déchiffrement, si cela apparaît nécessaire. « Si la personne ainsi désignée est une personne morale, son représentant légal soumet à l'agrément du procureur de la République, de l'officier de police judiciaire ou de la juridiction saisie de l'affaire le nom de la ou des personnes physiques qui, au sein de celle-ci et en son nom, effectueront les opérations techniques mentionnées au premier alinéa. Sauf si elles sont inscrites sur une liste prévue à l'article 157, les personnes ainsi désignées prêtent, par écrit, le serment prévu au deuxième alinéa de l'article 60 et à l'article 160. « Si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d'emprisonnement et que les nécessités de l'enquête ou de l'instruction l'exigent, le procureur de la République, la juridiction d'instruction, l'officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, ou la juridiction de jugement saisie de l'affaire peut prescrire le recours aux moyens de l'État soumis au secret de la défense nationale selon les formes prévues au présent chapitre ». 3. L'article 230-2 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 3 août 2018, prévoit : « Lorsque le procureur de la République, la juridiction d'instruction, l'officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, ou la juridiction de jugement saisie de l'affaire décident d'avoir recours, pour les opérations mentionnées à l'article 230-1, aux moyens de l'État couverts par le secret de la défense nationale, la réquisition écrite doit être adressée à un organisme technique soumis au secret de la défense nationale, et désigné par décret, avec le support physique contenant les données à mettre au clair ou une copie de celui-ci. Cette réquisition fixe le délai dans lequel les opérations de mise au clair doivent être réalisées. Le délai peut être prorogé dans les mêmes conditions de forme. À tout moment, le procureur de la République, la juridiction d'instruction, l'officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, ou la juridiction de jugement saisie de l'affaire ou ayant requis l'organisme technique peut ordonner l'interruption des opérations prescrites. « Aux fins de réaliser les opérations de mise au clair, l'organisme technique mentionné au premier alinéa du présent article est habilité à procéder à l'ouverture ou à la réouverture des scellés et à confectionner de nouveaux scellés après avoir, le cas échéant, procédé au reconditionnement des supports physiques qu'il était chargé d'examiner. En cas de risque de destruction des données ou du support physique qui les contient, l'autorisation d'altérer le support physique doit être délivrée par le procureur de la République, la juridiction d'instruction ou la juridiction de jugement saisie de l'affaire. « Les données protégées au titre du secret de la défense nationale ne peuvent être communiquées que dans les conditions prévues aux articles L. 2312-4 à L. 2312-8 du code de la défense. « Lorsqu'il s'agit de données obtenues dans le cadre d'interceptions de communications électroniques, au sein du traitement mentionné au I de l'article 230-45, la réquisition est adressée directement à l'organisme technique désigné en application du premier alinéa du présent article ». 4. L'article 230-3 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 3 juin 2016, prévoit : « Dès l'achèvement des opérations ou dès qu'il apparaît que ces opérations sont techniquement impossibles ou à l'expiration du délai prescrit ou à la réception de l'ordre d'interruption émanant du procureur de la République, de la juridiction d'instruction, de l'officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, ou de la juridiction de jugement saisie de l'affaire, les résultats obtenus et les pièces reçues sont retournés par le responsable de l'organisme technique soit à l'auteur de la réquisition, soit au magistrat mandant dans le cas où la réquisition a été adressée directement. Sous réserve des obligations découlant du secret de la défense nationale, les résultats sont accompagnés des indications techniques utiles à la compréhension et à leur exploitation ainsi que d'une attestation visée par le responsable de l'organisme technique certifiant la sincérité des résultats transmis. « Les éléments ainsi obtenus font l'objet d'un procès-verbal de réception et sont versés au dossier de la procédure ». 5. L'article 230-4 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 13 novembre 2014, prévoit : « Les décisions prises en application du présent chapitre n'ont pas de caractère juridictionnel et ne sont susceptibles d'aucun recours ». 6. L'article 230-5 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 15 novembre 2001, prévoit : « Sans préjudice des obligations découlant du secret de la défense nationale, les agents requis en application des dispositions du présent chapitre sont tenus d'apporter leur concours à la justice ». 7. L'article 706-102-1 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 23 mars 2019, prévoit : « Il peut être recouru à la mise en place d'un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, d'accéder, en tous lieux, à des données informatiques, de les enregistrer, de les conserver et de les transmettre, telles qu'elles sont stockées dans un système informatique, telles qu'elles s'affichent sur un écran pour l'utilisateur d'un système de traitement automatisé de données, telles qu'il les y introduit par saisie de caractères ou telles qu'elles sont reçues et émises par des périphériques. « Le procureur de la République ou le juge d'instruction peut désigner toute personne physique ou morale habilitée et inscrite sur l'une des listes prévues à l'article 157, en vue d'effectuer les opérations techniques permettant la réalisation du dispositif technique mentionné au premier alinéa du présent article. Le procureur de la République ou le juge d'instruction peut également prescrire le recours aux moyens de l'État soumis au secret de la défense nationale selon les formes prévues au chapitre Ier du titre IV du livre Ier ». 8. Le requérant et les associations intervenantes reprochent à ces dispositions de permettre au procureur de la République de recourir discrétionnairement à des moyens couverts par le secret de la défense nationale, qui sont soustraits au débat contradictoire, pour procéder à la captation de certaines données informatiques. La personne mise en cause serait ainsi privée de la possibilité de contester la régularité de l'opération, en méconnaissance des droits de la défense, des principes de l'égalité des armes et du contradictoire et du droit à un recours juridictionnel effectif. Ces dispositions seraient, pour les mêmes motifs, entachées d'incompétence négative dans des conditions affectant ces exigences constitutionnelles. 9. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur la seconde phrase du second alinéa de l'article 706-102-1 du code de procédure pénale. 10. L'une des associations intervenantes soutient, pour les mêmes motifs, que ces dispositions méconnaîtraient également le droit au respect de la vie privée, le droit à la protection des données personnelles, le secret des correspondances et la liberté d'expression. 11. Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Sont garantis par cette disposition les droits de la défense et le principe du contradictoire qui en est le corollaire. 12. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, les droits de la défense et le principe du contradictoire et, d'autre part, l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, dont participe le secret de la défense nationale. 13. En application des articles 706-95-11 et suivants du code de procédure pénale, sont susceptibles d'être mises en œuvre des techniques spéciales d'investigation applicables à la criminalité et à la délinquance organisées, au nombre desquelles figure la captation de données informatiques. 14. Les dispositions contestées de l'article 706-102-1 du même code permettent au procureur de la République, au cours de l'enquête, et au juge d'instruction, au stade de l'instruction, de recourir aux moyens de l'État soumis au secret de la défense nationale pour réaliser les opérations techniques nécessaires à cette captation et à la mise au clair des données. Ces dispositions ont ainsi pour effet de soustraire au débat contradictoire les informations relatives à ces moyens. 15. En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre aux autorités en charge des investigations de bénéficier de moyens efficaces de captation et de mise au clair des données, sans pour autant fragiliser l'action des services de renseignement en divulguant les techniques qu'ils utilisent. Ce faisant, ces dispositions poursuivent l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et mettent en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation. 16. En deuxième lieu, il ne peut être recouru à ces moyens que pour la mise en œuvre d'une technique spéciale d'investigation qui doit être autorisée par le juge des libertés et de la détention ou par le juge d'instruction et justifiée par les nécessités d'une enquête ou d'une information judiciaire relatives à certains crimes et délits d'une particulière gravité et complexité. Cette technique est mise en œuvre sous l'autorité et le contrôle du magistrat qui l'a autorisée et qui peut ordonner à tout moment son interruption. Les données captées dans le cadre des investigations sont placées sous scellés en application de l'article 706-95-18 du code de procédure pénale. 17. En troisième lieu, si les dispositions contestées sont susceptibles de soustraire au contradictoire certaines informations techniques soumises au secret de la défense nationale, demeure obligatoirement versée au dossier de la procédure l'ordonnance écrite et motivée du juge qui autorise la mise en œuvre d'un dispositif de captation et mentionne, à peine de nullité, l'infraction qui motive le recours à ce dispositif, la localisation exacte ou la description détaillée des systèmes de traitement automatisé de données concernés, ainsi que la durée pendant laquelle cette opération est autorisée. Sont également versés au dossier le procès-verbal de mise en place du dispositif, qui mentionne notamment la date et l'heure auxquelles l'opération a commencé et s'est terminée, et celui décrivant ou transcrivant les données enregistrées jugées utiles à la manifestation de la vérité. Enfin, l'ensemble des éléments obtenus à l'issue des opérations de mise au clair font l'objet d'un procès-verbal de réception versé au dossier de la procédure et sont accompagnés d'une attestation visée par le responsable de l'organisme technique certifiant la sincérité des résultats transmis. 18. En dernier lieu, la juridiction peut demander la déclassification et la communication des informations soumises au secret de la défense nationale, dans les conditions prévues aux articles L. 2312-4 à L. 2312-8 du code de la défense. 19. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées procèdent à une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées. 20. Ces dispositions, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative et ne méconnaissent pas non plus le droit à un recours juridictionnel effectif, le droit au respect de la vie privée, la liberté d'expression, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent donc être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La seconde phrase du second alinéa de l'article 706-102-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 avril 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Jacqueline GOURAULT, Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 8 avril 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 4 octobre 2021 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 27 septembre 2021), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de Mme Sarah GARDENT, candidate aux élections qui se sont déroulées les 30 mai et 6 juin 2021 dans la 15ème circonscription de Paris en vue de la désignation d'un député. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-5734 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1 et L. 52-12 ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs, notamment le troisième alinéa de son article 9-1 ; Au vu des pièces suivantes : - les pièces du dossier desquelles il résulte que communication de la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a été donnée à Mme GARDENT, qui n'a pas produit d'observations ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il résulte de l'article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l'article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l'article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables, qui met le compte en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n'est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n'excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l'article L. 52-5 ou de l'article L. 52-6. 2. L'article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12. 3. Mme GARDENT a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés à l'issue du scrutin dont le premier tour s'est tenu le 30 mai 2021. À l'expiration du délai prévu à l'article L. 52-12 du code électoral, soit le 6 août 2021 à 18 heures, Mme GARDENT n'avait pas déposé son compte de campagne. Le 1er septembre 2021, antérieurement à la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, Mme GARDENT a produit son compte de campagne. 4. Il ne résulte pas de l'instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l'article L. 52-12. Dès lors, il y a lieu de prononcer l'inéligibilité de Mme GARDENT à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Mme Sarah GARDENT est déclarée inéligible en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d'un an à compter de la présente décision. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SENERS. Rendu public le 25 mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 1er février 2022 par le Conseil d'État (décision n° 455122 du 31 janvier 2022), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour l'association La Sphinx par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-986 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l'urbanisme ; - la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour l'association requérante par la SAS Hannotin avocats, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 15 février 2022 ; - les observations présentées pour la société TotalEnergies Paris-Saclay, partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 16 février 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées par l'association France nature environnement, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour l'association requérante par la SAS Hannotin avocats, enregistrées le 3 mars 2022 ; - les secondes observations présentées par l'association France nature environnement, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Guillaume Hannotin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'association requérante, Me Marie-Pierre Abiven, avocate au barreau d'Amiens, pour l'association intervenante, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 22 mars 2022 ; Au vu des pièces suivantes : - la note en délibéré présentée par le Premier ministre, enregistrée le 28 mars 2022 ; - la note en délibéré présentée pour l'association intervenante, enregistrée le 28 mars 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi du 23 novembre 2018 mentionnée ci-dessus, prévoit :« Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu au moins un an avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ». 2. L'association requérante, rejointe par la partie intervenante, reproche à ces dispositions de priver les associations dont les statuts ont été déposés depuis moins d'un an de toute possibilité d'agir en justice pour défendre leur objet social, alors même que leurs recours ne seraient ni dilatoires ni abusifs. Il en résulterait une atteinte substantielle au droit à un recours juridictionnel effectif. Pour les mêmes motifs, l'association requérante estime que ces dispositions méconnaîtraient la liberté d'association. 3. En outre, elles font valoir que ces dispositions introduisent une différence de traitement injustifiée entre les associations au motif que le critère temporel retenu par le législateur pour apprécier la recevabilité de leur recours serait sans lien avec leur intérêt à agir. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « au moins un an » figurant à l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme. 5. Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction. 6. L'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme détermine les conditions de recevabilité d'un recours formé par une association contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols. 7. Les dispositions contestées de cet article prévoient que ne sont recevables à former un tel recours que les associations ayant déposé leurs statuts au moins un an avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. 8. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a souhaité que les associations qui se créent aux seules fins de s'opposer à une décision individuelle d'occupation ou d'utilisation des sols ne puissent la contester. Il a ainsi entendu limiter les risques particuliers d'incertitude juridique qui pèsent sur ces décisions d'urbanisme et prévenir les recours abusifs et dilatoires. 9. En second lieu, d'une part, les dispositions contestées restreignent le droit au recours des seules associations dont les statuts sont déposés moins d'un an avant l'affichage de la demande du pétitionnaire sur laquelle porte la décision qu'elles entendent contester. D'autre part, cette restriction est limitée aux décisions individuelles relatives à l'occupation ou à l'utilisation des sols. 10. Par conséquent, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif. Ce grief doit donc être écarté. 11. Il résulte de ce qui précède que ces dispositions, qui ne méconnaissent pas non plus la liberté d'association et le principe d'égalité devant la loi, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « au moins un an » figurant à l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 31 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 1er avril 2022.
CONSTIT/CONSTEXT000045545222.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 28 janvier 2022 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 245 du 26 janvier 2022), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Concept immo et Mme Leila B. par Me Jérôme Rousseau et Me Guillaume Tapie, avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-985 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 609 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 58-1296 du 23 décembre 1958 modifiant et complétant le code de procédure pénale. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - l'ordonnance n° 58-1296 du 23 décembre 1958 modifiant et complétant le code de procédure pénale ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les requérantes par Mes Rousseau et Tapie, enregistrées le 15 février 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 16 février 2022 ; - les observations en intervention présentées pour l'association des avocats pénalistes et l'association Ligue des droits de l'homme par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Rousseau, pour les requérantes, Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour les parties intervenantes, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 22 mars 2022 ; Au vu des pièces suivantes : - la note en délibéré présentée par le Premier ministre, enregistrée le 28 mars 2022 ; - la note en délibéré présentée pour les parties intervenantes par la SCP Spinosi, enregistrée le 29 mars 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 609 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 23 décembre 1958 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Lorsque la Cour de cassation annule un arrêt ou un jugement rendu en matière correctionnelle ou de police, elle renvoie le procès et les parties devant une juridiction de même ordre et degré que celle qui a rendu la décision annulée ». 2. Les requérantes, rejointes par les parties intervenantes, reprochent à ces dispositions de permettre à la cour d'appel saisie sur renvoi après cassation d'aggraver la peine antérieurement prononcée, même dans le cas où la cassation est intervenue sur le seul pourvoi du prévenu. Elles auraient ainsi pour effet de dissuader ce dernier de former un pourvoi, en méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif. 3. Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction. 4. En application des dispositions contestées, telles qu'interprétées par une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la cour d'appel de renvoi, statuant sur les appels qui avaient été formés par le prévenu et le ministère public, peut aggraver la peine antérieurement prononcée, y compris lorsque la cassation est intervenue sur le seul pourvoi du prévenu. 5. En premier lieu, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de limiter la possibilité pour la personne condamnée de former un pourvoi en cassation et d'obtenir l'annulation de la décision attaquée. 6. En second lieu, dans le cas où elle obtient cette annulation, la personne condamnée est replacée, dans les limites du pourvoi et de la cassation, dans la situation où elle se trouvait avant le prononcé de la décision. Son affaire sera à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi. La circonstance que cette juridiction puisse aggraver la peine antérieurement prononcée dans le cas où le ministère public avait fait appel de la décision de première instance est ainsi sans incidence sur l'effectivité du pourvoi en cassation. 7. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit donc être écarté. 8. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - L'article 609 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 58-1296 du 23 décembre 1958 modifiant et complétant le code de procédure pénale, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 31 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 1er avril 2022.
CONSTIT/CONSTEXT000045545220.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 2 mars 2022 d'une requête présentée pour M. Thierry RENAUX par Me Diane Protat, avocate au barreau de Paris, tendant à l'annulation de l'article 1er du décret n° 2022-66 du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République. Cette requête a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-184 PDR. Il a été saisi le même jour, à l'occasion de cette requête, d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de certaines dispositions du deuxième alinéa du paragraphe I de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel. Le Conseil constitutionnel a également été saisi le 7 mars 2022 d'une requête présentée pour MM. Gildas VIEIRA et Bertrand ROBERT par Me Protat, tendant à l'annulation de l'article 1er du décret du 26 janvier 2022 mentionné ci-dessus et de la décision du Conseil constitutionnel n° 2022-185 PDR du 3 mars 2022. Cette requête a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-188 PDR. Il a été saisi le même jour, à l'occasion de cette requête, d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de certaines dispositions du deuxième alinéa du paragraphe I de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son protocole additionnel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2022-66 du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2022-185 PDR du 3 mars 2022 ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 10 mars 2022 ; - les mémoires complémentaires présentés pour M. Thierry RENAUX par Me Protat, enregistrés le 18 mars 2022 ; - les mémoires complémentaires présentés pour MM. Gildas VIEIRA et Bertrand ROBERT par Me Protat, enregistrés le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour y statuer par une seule décision. - Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du Conseil constitutionnel du 3 mars 2022 : 2. En application du deuxième alinéa du paragraphe I de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962, la liste des candidats à l'élection présidentielle est établie par le Conseil constitutionnel au vu des présentations qui lui sont adressées par au moins cinq cents citoyens habilités. Son dernier alinéa prévoit que, au fur et à mesure de la réception des présentations, il rend publics, au moins deux fois par semaine, le nom et la qualité de ces citoyens. 3. La décision du 3 mars 2022 mentionnée ci-dessus rend publics le nom et la qualité des citoyens qui, à cette date, avaient valablement présenté des candidats à l'élection présidentielle. 4. Les conclusions tendant à l'annulation de cette décision, qui ne sont assorties d'aucun moyen, sont irrecevables. - Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'article 1er du décret du 26 janvier 2022 : 5. En vertu de la mission générale de contrôle de la régularité de l'élection du Président de la République qui lui est conférée par l'article 58 de la Constitution, le Conseil constitutionnel peut exceptionnellement statuer sur les requêtes mettant en cause l'élection à venir, dans les cas où l'irrecevabilité qui serait opposée à ces requêtes risquerait de compromettre gravement l'efficacité de son contrôle de l'élection, vicierait le déroulement général des opérations électorales ou porterait atteinte au fonctionnement normal des pouvoirs publics. L'une au moins de ces conditions est remplie en ce qui concerne le décret du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs. . En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité : 6. Le deuxième alinéa du paragraphe I de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 prévoit notamment :« La liste des candidats est préalablement établie par le Conseil constitutionnel au vu des présentations qui lui sont adressées par au moins cinq cent citoyens ». 7. Les requérants reprochent à ces dispositions de n'autoriser un élu à présenter qu'une seule personne à l'élection du Président de la République. Il en résulterait une méconnaissance du second alinéa de l'article 1er de la Constitution, ainsi que, selon certains requérants, du pluralisme des opinions, de la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation, de l'égalité entre les candidats, du caractère démocratique de la République, de la souveraineté nationale, de la sincérité du scrutin et du droit à la liberté, à la propriété, à la sûreté et à la résistance à l'oppression. 8. Les dispositions contestées par la question prioritaire de constitutionnalité sont relatives aux présentations adressées au Conseil constitutionnel par au moins cinq cents citoyens habilités. Elles sont dénuées de lien avec les dispositions du décret de convocation des électeurs fixant la date de l'élection. Elles ne sont donc pas applicables au litige. Dès lors, la question soulevée doit être rejetée. . En ce qui concerne les autres moyens : 9. Aux termes du second alinéa de l'article 7 de la Constitution, relatif à l'élection du Président de la République : « Le scrutin est ouvert sur convocation du Gouvernement ». Aux termes du premier alinéa de son article 13 : « Le Président de la République signe les ordonnances et les décrets délibérés en conseil des ministres ». Aux termes de l'article 21 : « Le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement... Sous réserve des dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir réglementaire… ». 10. Le décret du 26 janvier 2022 ayant été délibéré en conseil des ministres, il devait être signé, comme il l'a été, par le Président de la République, quand bien même le premier alinéa de l'article 1er bis de la loi du 6 novembre 1962 ne l'exigeait pas. 11. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret du 26 janvier 2022 aurait été pris par une autorité incompétente. 12. Par ailleurs, l'article 1er de ce décret ne méconnaît pas l'article 3 du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 14 de cette convention. 13. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation de l'article 1er du décret du 26 janvier 2022 doivent être rejetées. 14. Il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de MM. Thierry RENAUX, Gildas VIEIRA et Bertrand ROBERT doivent être rejetées. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La question prioritaire de constitutionnalité est rejetée. Article 2. - Les requêtes présentées par MM. Thierry RENAUX, Gildas VIEIRA et Bertrand ROBERT sont rejetées. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SENERS. Rendu public le 24 mars 2022.
CONSTIT/CONSTEXT000045545221.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - la décision n° 2022-192 PDR du 17 mars 2022 portant nomination des délégués du Conseil constitutionnel chargés de suivre outre-mer les opérations relatives à l'élection du Président de la République ; - la lettre du vice-président du Conseil d'État en date du 31 mars 2022 ; Après avoir entendu le rapporteur ; Article 1er. - Monsieur Rémi KELLER est nommé délégué du Conseil constitutionnel chargé de suivre outre-mer les opérations relatives à l'élection du Président de la République des samedi 9 ou dimanche 10 avril 2022 et, s'il y a lieu à un second tour, des samedi 23 et dimanche 24 avril 2022, en remplacement de Monsieur Laurent CABRERA. Article 2. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 avril 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Jacqueline GOURAULT, Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 7 avril 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 30 ; - les articles 3 et 4 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - les articles du code électoral rendus applicables à l'élection du Président de la République, notamment ses articles L. 2, L. 6, L. 9, L. 45, L.O. 127, L.O. 129, L.O 135-1 et L. 199 ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - le décret n° 2022-66 du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision n° 2021-150 ORGA du 21 octobre 2021 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; - les décisions n° 2022-175 PDR du 1er février 2022, n° 2022-176 PDR du 3 février 2022, n° 2022-177 PDR du 8 février 2022, n° 2022-178 PDR du 10 février 2022, n° 2022-179 PDR du 15 février 2022, n° 2022-180 PDR du 17 février 2022, n° 2022-181 PDR du 22 février 2022, n° 2022-182 PDR du 24 février 2022, n° 2022-183 PDR du 1er mars 2022, n° 2022-185 PDR du 3 mars 2022 et n° 2022-186 PDR du 7 mars 2022 ayant arrêté les listes des citoyens habilités ayant présenté des candidats à l'élection du Président de la République ; Ayant examiné les formulaires de présentation qui lui ont été adressés à partir du 27 janvier 2022 et qui lui sont parvenus au plus tard le 4 mars 2022 à dix-huit heures, conformément à l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus et à l'article 2 du décret du 8 mars 2001 mentionné ci-dessus ; Après s'être assuré de la régularité des candidatures et du consentement des candidats, avoir constaté le dépôt, sous pli scellé, de leur déclaration d'intérêts et d'activités et de leur déclaration de situation patrimoniale et avoir reçu leur engagement, en cas d'élection, de déposer une nouvelle déclaration de situation patrimoniale six mois au plus tôt et cinq mois au plus tard avant l'expiration du mandat ou, en cas de démission, dans un délai d'un mois après celle-ci ; Article 1er. - La liste des candidats à l'élection du Président de la République, dont l'ordre a été établi par voie de tirage au sort, est arrêtée comme suit : - Mme Nathalie ARTHAUD, - M. Fabien ROUSSEL, - M. Emmanuel MACRON, - M. Jean LASSALLE, - Mme Marine LE PEN, - M. Éric ZEMMOUR, - M. Jean-Luc MÉLENCHON, - Mme Anne HIDALGO, - M. Yannick JADOT, - Mme Valérie PÉCRESSE, - M. Philippe POUTOU, - M. Nicolas DUPONT-AIGNAN. Article 2. - Cette liste sera publiée au Journal officiel et notifiée, par les soins du Gouvernement, aux représentants de l'État en Nouvelle-Calédonie et dans les départements et dans les départements et collectivités d'outre-mer et aux ambassadeurs et aux chefs de poste consulaires. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 7 mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 17 décembre 2021 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 809 du 16 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. X, l'association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers et l'association Groupe d'information et de soutien des immigrés par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-983 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, et de l'article L. 222-1 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile ; - la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les requérants par la SCP Spinosi, enregistrées le 10 janvier 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers, l'association Cimade, le Conseil national des barreaux, le syndicat des avocats de France et le syndicat de la magistrature par la SCP Spinosi, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour les requérants par la SCP Spinosi, enregistrées le 25 janvier 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour les parties requérantes et intervenantes, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 8 mars 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 juillet 2015 mentionnée ci-dessus, prévoit : « L'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français peut être maintenu dans une zone d'attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international figurant sur une liste définie par voie réglementaire, dans un port ou à proximité du lieu de débarquement ou dans un aéroport, pendant le temps strictement nécessaire à son départ. « Le présent titre s'applique également à l'étranger qui demande à entrer en France au titre de l'asile, le temps strictement nécessaire pour vérifier si l'examen de sa demande relève de la compétence d'un autre État en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, si sa demande n'est pas irrecevable ou si elle n'est pas manifestement infondée. « Lorsque l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans le cadre de l'examen tendant à déterminer si la demande d'asile n'est pas irrecevable ou manifestement infondée, considère que le demandeur d'asile, notamment en raison de sa minorité ou du fait qu'il a été victime de torture, de viol ou d'une autre forme grave de violence psychologique, physique ou sexuelle, nécessite des garanties procédurales particulières qui ne sont pas compatibles avec le maintien en zone d'attente, il est mis fin à ce maintien. L'étranger est alors muni d'un visa de régularisation de huit jours. Dans ce délai, l'autorité administrative compétente lui délivre, à sa demande, une attestation de demande d'asile lui permettant d'introduire cette demande auprès de l'office. « Le maintien en zone d'attente d'un mineur non accompagné, le temps strictement nécessaire à l'examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas irrecevable ou manifestement infondée, n'est possible que de manière exceptionnelle et seulement dans les cas prévus aux 1° et 2° du I, au 1° du II et au 5° du III de l'article L. 723-2. « Les dispositions du présent titre s'appliquent également à l'étranger qui se trouve en transit dans une gare, un port ou un aéroport si l'entreprise de transport qui devait l'acheminer dans le pays de destination ultérieure refuse de l'embarquer ou si les autorités du pays de destination lui ont refusé l'entrée et l'ont renvoyé en France. « Le présent titre s'applique également à l'étranger qui arrive en Guyane par la voie fluviale ou terrestre. « Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. Il précise les modalités de prise en compte de la vulnérabilité du demandeur d'asile et, le cas échéant, de ses besoins particuliers ». 2. L'article L. 222-1 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 7 mars 2016 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Le maintien en zone d'attente au-delà de quatre jours à compter de la décision initiale peut être autorisé, par le juge des libertés et de la détention statuant sur l'exercice effectif des droits reconnus à l'étranger, pour une durée qui ne peut être supérieure à huit jours ». 3. Les requérants, rejoints par les parties intervenantes, reprochent à ces dispositions de permettre le maintien en zone d'attente d'un étranger pendant un délai de quatre jours sans l'intervention d'un juge judiciaire et sans préciser les règles de computation de ce délai. Il en résulterait une méconnaissance de la liberté individuelle et du droit à un recours juridictionnel effectif. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « au-delà de quatre jours à compter de la décision initiale » figurant à l'article L. 222-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 5. Aux termes de l'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». Dans l'exercice de sa compétence, le législateur peut fixer des modalités d'intervention de l'autorité judiciaire différentes selon la nature et la portée des mesures affectant la liberté individuelle qu'il entend édicter. La liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible. 6. En application de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'administration peut décider de maintenir en zone d'attente l'étranger qui n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français ainsi que l'étranger qui demande à entrer en France au titre de l'asile. 7. Les dispositions contestées prévoient que, au-delà d'un délai de quatre jours à compter de la décision de maintien de l'étranger en zone d'attente, la prolongation de cette mesure doit être autorisée par le juge des libertés et de la détention. Elles ont ainsi pour effet de permettre de le priver de liberté durant ce délai sans l'intervention du juge judiciaire. 8. En premier lieu, le maintien en zone d'attente est destiné à permettre à l'administration d'organiser le départ de l'étranger qui ne satisfait pas aux conditions d'entrée en France ou, dans le cas d'un étranger qui demande à entrer en France au titre de l'asile, de vérifier si l'examen de sa demande relève de la compétence d'un autre État membre ou si elle n'est pas irrecevable ou manifestement infondée. L'étranger ne peut être maintenu en zone d'attente que pour le temps strictement nécessaire à l'accomplissement de ces diligences. 9. En second lieu, selon les dispositions contestées, le délai de quatre jours commence à courir dès le prononcé de la décision initiale de maintien en zone d'attente. Ces dispositions ne prévoient, par ailleurs, aucun motif de prorogation de ce délai. 10. Dès lors, en permettant à l'administration de maintenir en zone d'attente un étranger pendant un délai maximal de quatre jours sans l'intervention du juge judiciaire, les dispositions contestées ne méconnaissent pas l'article 66 de la Constitution. 11. Par conséquent, ces dispositions, qui ne méconnaissent pas non plus le droit à un recours juridictionnel effectif, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « au-delà de quatre jours à compter de la décision initiale » figurant à l'article L. 222-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, MM. Alain JUPPÉ, Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 17 mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 10 décembre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêts nos 1590 et 1591 du 7 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, de deux questions prioritaires de constitutionnalité. Ces questions ont été respectivement posées pour M. Habib A. et M. Samy B. par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elles ont été enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous les nos 2021-976 QPC et 2021-977 QPC. Elles sont relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des paragraphes II et III de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code des postes et des communications électroniques ; - la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les deux requérants par Me Bertrand Périer, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et Me Raphaël Chiche, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 3 janvier 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour M. Lazreg B. et autres par Mes Périer et Chiche, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour M. Pierre R. par Me Périer et Me Joanna Grauzam, avocate au barreau de Paris, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour l'association Ligue des droits de l'homme et l'association des avocats pénalistes par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour les associations La quadrature du net et Franciliens.net par Me Alexis Fitzjean Ó Cobhthaigh, avocat au barreau de Paris, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour les associations La quadrature du net et Franciliens.net par Me Fitzjean Ó Cobhthaigh, enregistrées le 18 janvier 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Chiche, pour les requérants et pour M. Lazreg B. et autres, Me Grauzam, pour M. Pierre R., Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'association Ligue des droits de l'homme et l'association des avocats pénalistes, Me Fitzjean Ó Cobhthaigh, pour les associations La quadrature du net et Franciliens.net, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 15 février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il y a lieu de joindre les deux questions prioritaires de constitutionnalité pour y statuer par une seule décision. 2. Le paragraphe II de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, dans sa rédaction résultant de la loi du 18 décembre 2013, prévoit : « Les opérateurs de communications électroniques, et notamment les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne, effacent ou rendent anonyme toute donnée relative au trafic, sous réserve des dispositions des III, IV, V et VI. « Les personnes qui fournissent au public des services de communications électroniques établissent, dans le respect des dispositions de l'alinéa précédent, des procédures internes permettant de répondre aux demandes des autorités compétentes. « Les personnes qui, au titre d'une activité professionnelle principale ou accessoire, offrent au public une connexion permettant une communication en ligne par l'intermédiaire d'un accès au réseau, y compris à titre gratuit, sont soumises au respect des dispositions applicables aux opérateurs de communications électroniques en vertu du présent article ». 3. Le paragraphe III de ce même article, dans la même rédaction, prévoit : « Pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales ou d'un manquement à l'obligation définie à l'article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle ou pour les besoins de la prévention des atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données prévues et réprimées par les articles 323-1 à 323-3-1 du code pénal, et dans le seul but de permettre, en tant que de besoin, la mise à disposition de l'autorité judiciaire ou de la haute autorité mentionnée à l'article L. 331-12 du code de la propriété intellectuelle ou de l'autorité nationale de sécurité des systèmes d'information mentionnée à l'article L. 2321-1 du code de la défense, il peut être différé pour une durée maximale d'un an aux opérations tendant à effacer ou à rendre anonymes certaines catégories de données techniques. Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine, dans les limites fixées par le VI, ces catégories de données et la durée de leur conservation, selon l'activité des opérateurs et la nature des communications ainsi que les modalités de compensation, le cas échéant, des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations assurées à ce titre, à la demande de l'État, par les opérateurs ». 4. Les requérants, rejoints par les parties intervenantes, reprochent à ces dispositions d'imposer aux opérateurs de communications électroniques la conservation générale et indifférenciée des données de connexion, sans la réserver à la recherche des infractions les plus graves ni la subordonner à l'autorisation ou au contrôle d'une juridiction ou d'une autorité indépendante. L'une des parties intervenantes ajoute qu'une telle conservation ne serait pas nécessaire en raison de l'existence d'autres moyens d'investigation. Il en résulterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée, ainsi qu'une méconnaissance du droit de l'Union européenne. 5. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales » et « de l'autorité judiciaire ou » figurant à la première phrase du paragraphe III de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques. - Sur le fond : 6. La liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 implique le droit au respect de la vie privée. 7. En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. Il lui incombe d'assurer la conciliation entre, d'une part, les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée. 8. L'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques est relatif au traitement des données à caractère personnel dans le cadre de la fourniture au public de services de communications électroniques. Son paragraphe II prévoit que les opérateurs de communications électroniques effacent ou rendent anonymes les données relatives au trafic enregistrées à l'occasion des communications électroniques dont ils assurent la transmission. 9. Par dérogation, les dispositions contestées du paragraphe III prévoient que ces opérateurs peuvent être tenus de conserver pendant un an certaines catégories de données de connexion, dont les données de trafic, pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, en vue de la mise à disposition de telles données à l'autorité judiciaire. 10. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a poursuivi les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions. 11. Toutefois, en premier lieu, les données de connexion conservées en application des dispositions contestées portent non seulement sur l'identification des utilisateurs des services de communications électroniques, mais aussi sur la localisation de leurs équipements terminaux de communication, les caractéristiques techniques, la date, l'horaire et la durée des communications ainsi que les données d'identification de leurs destinataires. Compte tenu de leur nature, de leur diversité et des traitements dont elles peuvent faire l'objet, ces données fournissent sur ces utilisateurs ainsi que, le cas échéant, sur des tiers, des informations nombreuses et précises, particulièrement attentatoires à leur vie privée. 12. En second lieu, d'une part, une telle conservation s'applique de façon générale à tous les utilisateurs des services de communications électroniques. D'autre part, l'obligation de conservation porte indifféremment sur toutes les données de connexion relatives à ces personnes, quelle qu'en soit la sensibilité et sans considération de la nature et de la gravité des infractions susceptibles d'être recherchées. 13. Il résulte de ce qui précède qu'en autorisant la conservation générale et indifférenciée des données de connexion, les dispositions contestées portent une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée. 14. Par conséquent, elles doivent être déclarées contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 15. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 16. D'une part, les dispositions déclarées contraires à la Constitution, dans leur rédaction contestée, ne sont plus en vigueur. 17. D'autre part, la remise en cause des mesures ayant été prises sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution méconnaîtrait les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions et aurait ainsi des conséquences manifestement excessives. Par suite, ces mesures ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales » et « de l'autorité judiciaire ou » figurant à la première phrase du paragraphe III de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, sont contraires à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées aux paragraphes 16 et 17 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 février 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 25 février 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 10 décembre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1560 du 7 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Roger C. par Me Marie-Emmanuelle Beloncle, avocate au barreau de Nantes. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-975 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit, d'une part, de l'article 77-1 du code de procédure pénale et, d'autre part, de l'article 706-112-2 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 30 décembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Manuela Grévy, avocate au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le requérant, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 15 février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi, pour celle des dispositions dont la rédaction n'a pas été précisée, de l'article 77-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 23 mars 2019 mentionnée ci-dessus. 2. L'article 77-1 du code de procédure pénale, dans cette rédaction, prévoit : « S'il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l'officier ou l'agent de police judiciaire, a recours à toutes personnes qualifiées. « Les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 60 sont applicables ». 3. L'article 706-112-2 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 23 mars 2019, prévoit : « Lorsque les éléments recueillis au cours d'une procédure concernant un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement font apparaître qu'une personne devant être entendue librement en application de l'article 61-1 fait l'objet d'une mesure de protection juridique, l'officier ou l'agent de police judiciaire en avise par tout moyen le curateur ou le tuteur, qui peut désigner un avocat ou demander qu'un avocat soit désigné par le bâtonnier pour assister la personne lors de son audition. Si le tuteur ou le curateur n'a pu être avisé et si la personne entendue n'a pas été assistée par un avocat, les déclarations de cette personne ne peuvent servir de seul fondement à sa condamnation ». 4. Le requérant reproche aux dispositions de l'article 77-1 du code de procédure pénale de ne pas prévoir que la personne mise en cause soit informée de son droit de garder le silence lorsqu'elle est entendue sur les faits qui lui sont reprochés par une personne qualifiée requise par le procureur de la République. Il en résulterait une méconnaissance du droit de se taire. 5. Il fait par ailleurs valoir que les dispositions de l'article 706-112-2 du même code ne prévoiraient pas que le tuteur ou le curateur, lorsqu'il est avisé de l'audition libre du majeur protégé, soit informé de la possibilité qu'il a de désigner ou de faire désigner un avocat pour l'assister. Elles seraient ainsi contraires aux droits de la défense et, pour les mêmes motifs, entachées d'incompétence négative. 6. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte, d'une part, sur les mots « a recours à toutes personnes qualifiées » figurant au premier alinéa de l'article 77-1 du code de procédure pénale et, d'autre part, sur la première phrase de l'article 706-112-2 du même code. - Sur les dispositions contestées de l'article 77-1 du code de procédure pénale : 7. Selon l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». Il en résulte le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire. 8. Les dispositions contestées permettent au procureur de la République d'avoir recours, dans le cadre d'une enquête préliminaire, à toutes personnes qualifiées pour procéder à des constatations ou examens techniques ou scientifiques. 9. En application de ces dispositions, il peut, en particulier, requérir une telle personne pour procéder à l'examen psychologique ou psychiatrique de la personne soupçonnée d'avoir commis une infraction afin, notamment, de s'assurer des conditions préalables à l'exercice des poursuites. 10. Au cours de cet examen, la personne requise a la faculté d'interroger la personne mise en cause sur les faits qui lui sont reprochés. Cette dernière peut ainsi être amenée, en réponse aux questions qui lui sont posées, à reconnaître sa culpabilité. 11. Or, le rapport établi à l'issue de cet examen, dans lequel sont consignées les déclarations de la personne mise en cause, est susceptible d'être porté à la connaissance de la juridiction de jugement. 12. Dès lors, en ne prévoyant pas que la personne soupçonnée d'avoir commis une infraction doit être informée de son droit de se taire lors d'un examen au cours duquel elle peut être interrogée sur les faits qui lui sont reprochés, les dispositions contestées de l'article 77-1 du code de procédure pénale méconnaissent les exigences de l'article 9 de la Déclaration de 1789. Par conséquent, elles doivent être déclarées contraires à la Constitution. - Sur les dispositions contestées de l'article 706-112-2 du code de procédure pénale : 13. Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Sont garantis par ces dispositions les droits de la défense. 14. En vertu de l'article 61-1 du code de procédure pénale, la personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement ne peut être entendue librement sur ces faits qu'après avoir été informée de ses droits, notamment de celui d'être assistée par un avocat choisi par elle ou, à sa demande, désigné d'office par le bâtonnier de l'ordre des avocats. 15. Les dispositions contestées prévoient que, lorsque les éléments recueillis au cours de la procédure font apparaître que la personne devant être entendue librement fait l'objet d'une mesure de protection juridique, l'officier ou l'agent de police judiciaire doit aviser par tout moyen son tuteur ou son curateur. Elles prévoient également que, dans ce cas, ce dernier peut désigner un avocat ou demander la désignation d'un avocat commis d'office afin d'assister le majeur protégé lors de son audition. 16. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu que le majeur protégé soit, au cours de son audition libre, assisté dans l'exercice de ses droits et, en particulier, dans l'exercice de son droit à l'assistance d'un avocat. 17. Ainsi, les dispositions contestées impliquent nécessairement que, lorsqu'il est avisé de l'audition libre du majeur protégé, le tuteur ou le curateur est informé par les enquêteurs de la possibilité qu'il a de désigner ou faire désigner un avocat pour assister ce dernier. 18. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance des droits de la défense ne peut qu'être écarté. 19. Par conséquent, les dispositions contestées de l'article 706-112-2 du code de procédure pénale, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative et qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 20. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 21. En l'espèce, d'une part, les dispositions de l'article 77-1 du code de procédure pénale déclarées contraires à la Constitution, dans leur rédaction contestée, ne sont plus en vigueur. 22. D'autre part, la remise en cause des mesures ayant été prises sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution méconnaîtrait les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions et aurait ainsi des conséquences manifestement excessives. Par suite, ces mesures ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « a recours à toutes personnes qualifiées » figurant au premier alinéa de l'article 77-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, sont contraires à la Constitution. Article 2. - La première phrase de l'article 706-112-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, est conforme à la Constitution. Article 3. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées aux paragraphes 21 et 22 de cette décision. Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 février 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 25 février 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 17 décembre 2021 par le Conseil d'État (décision n° 456741 du 14 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la commune de la Trinité par Mes Simon Daboussy et Aude de Prémare, avocats au barreau de Nice. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-982 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe IV de l'article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code général des impôts ; - la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 ; - la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la commune requérante par Mes Daboussy et de Prémare, enregistrées le 10 janvier 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour la commune d'Aspremont et autres par Me Thibault Pozzo di Borgo, avocat au barreau de Nice, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour la commune de Beaulieu-sur-Mer et autres par Me Martin Tissier, avocat au barreau de Paris, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour la commune requérante par Mes Daboussy et de Prémare, enregistrées le 20 janvier 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me de Prémare, pour la commune requérante, Me Tissier, pour la commune d'Aspremont et autres, Me Pozzo di Borgo, pour la commune de Beaulieu-sur-Mer et autres, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 8 mars 2022 ; Au vu des pièces suivantes : - la note en délibéré présentée par le Premier ministre, enregistrée le 11 mars 2022 ; - la note en délibéré présentée pour la commune requérante par Mes Daboussy et de Prémare, enregistrée le 14 mars 2022 ; - la note en délibéré présentée pour la commune de Beaulieu-sur-Mer et autres par Me Tissier, enregistrée le 15 mars 2022 ; - la note en délibéré présentée pour la commune d'Aspremont et autres par Me Pozzo di Borgo, enregistrée le 15 mars 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du paragraphe IV de l'article 16 de la loi du 28 décembre 2019 mentionnée ci-dessus dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2020 mentionnée ci-dessus. 2. Le paragraphe IV de l'article 16 de la loi du 28 décembre 2019, dans cette rédaction, prévoit : « A.- Pour chaque commune, est calculée la différence entre les deux termes suivants : « 1° La somme : « a) Du produit de la base d'imposition à la taxe d'habitation sur les locaux meublés affectés à l'habitation principale de la commune déterminée au titre de 2020 par le taux communal de taxe d'habitation appliqué en 2017 sur le territoire de la commune ; « b) Des compensations d'exonération de taxe d'habitation versées en 2020 à la commune ; « c) De la moyenne annuelle des rôles supplémentaires de taxe d'habitation sur les locaux meublés affectés à l'habitation principale émis en 2018, 2019 et 2020 au profit de la commune ; « 2° La somme : « a) Du produit net issu des rôles généraux de la taxe foncière sur les propriétés bâties émis en 2020 au profit du département sur le territoire de la commune ; « b) Des compensations d'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties versées en 2020 au département sur le territoire de la commune ; « c) De la moyenne annuelle des rôles supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties émis en 2018, 2019 et 2020 au profit du département sur le territoire de la commune. « B.- Pour chaque commune, est calculé un coefficient correcteur égal au rapport entre les termes suivants : « 1° La somme : « a) Du produit net issu des rôles généraux de la taxe foncière sur les propriétés bâties émis en 2020 au profit de la commune ; « b) Du produit net issu des rôles généraux de la taxe foncière sur les propriétés bâties émis en 2020 au profit du département sur le territoire de la commune ; « c) De la différence définie au A du présent IV ; « 2° La somme : « a) Du produit net issu des rôles généraux de la taxe foncière sur les propriétés bâties émis en 2020 au profit de la commune ; « b) Du produit net issu des rôles généraux de la taxe foncière sur les propriétés bâties émis en 2020 au profit du département sur le territoire de la commune. « C.- À compter de l'année 2021 : « 1° Pour chaque commune pour laquelle la somme mentionnée au 2° du A excède de plus de 10 000 € celle mentionnée au 1° du même A, le produit de taxe foncière sur les propriétés bâties versé à la commune est égal à la somme : « a) Du produit net issu des rôles généraux de la taxe foncière sur les propriétés bâties émis au profit de la commune au titre de l'année multiplié par : « - le rapport entre, d'une part, la somme des taux de taxe foncière sur les propriétés bâties communal et départemental appliqués sur le territoire de la commune en 2020 et, d'autre part, le taux de taxe foncière sur les propriétés bâties de la commune appliqué au titre de l'année ; « - et le coefficient correcteur défini au B ; « b) Du produit net issu des rôles généraux de la taxe foncière sur les propriétés bâties émis au profit de la commune au titre de l'année multiplié par le rapport entre : « - la différence entre le taux de taxe foncière sur les propriétés bâties de la commune appliqué au titre de l'année et la somme des taux de taxe foncière sur les propriétés bâties communal et départemental appliqués sur le territoire de la commune en 2020 ; « - et le taux de taxe foncière sur les propriétés bâties de la commune appliqué au titre de l'année. « c) De la compensation afférente à la taxe foncière sur les propriétés bâties prévue au 2 du A du III de l'article 29 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 multipliée par le coefficient correcteur défini au B du présent IV diminué de 1. « Lorsque la somme des montants obtenus aux b et c du présent 1° est négative, elle s'impute sur les attributions mentionnées à l'article L. 2332-2 du code général des collectivités territoriales ; « 2° Pour chaque commune pour laquelle la somme mentionnée au 1° du A excède celle mentionnée au 2° du même A, le produit de taxe foncière sur les propriétés bâties versé à la commune est majoré d'un complément. Ce complément est égal à la somme : « a) Du produit net issu des rôles généraux de la taxe foncière sur les propriétés bâties émis au profit de la commune au titre de l'année multiplié par : « - le rapport entre, d'une part, la somme des taux de taxe foncière sur les propriétés bâties communal et départemental appliqués sur le territoire de la commune en 2020 et, d'autre part, le taux de taxe foncière sur les propriétés bâties de la commune appliqué au titre de l'année ; « - et le coefficient correcteur défini au B diminué de 1 ; « b) De la compensation afférente à la taxe foncière sur les propriétés bâties prévue au 2 du A du III de l'article 29 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 multipliée par le coefficient correcteur défini au B du présent IV diminué de 1. « 3° La différence, au titre d'une année, entre le produit net issu des rôles généraux de la taxe foncière sur les propriétés bâties émis au profit d'une commune et le produit versé à cette commune en application du 1° du présent C est affectée au financement du complément prévu au 2° au titre de la même année. « D.- Pour l'application du 2° du A et des B et C aux communes situées sur le territoire de la métropole de Lyon : « 1° La référence au produit net issu des rôles généraux de la taxe foncière sur les propriétés bâties émis en 2020 au profit du département sur le territoire de la commune est remplacée par la référence au produit net issu des rôles généraux de la taxe foncière sur les propriétés bâties émis en 2020 au profit de la métropole de Lyon sur le territoire de la commune, multiplié par le rapport entre le taux de taxe foncière sur les propriétés bâties appliqué sur le territoire de la commune en 2014 au profit du département du Rhône et le taux de taxe foncière sur les propriétés bâties appliqué sur le territoire de la commune en 2020 au profit de la métropole ; « 2° Les références aux compensations versées aux départements et aux rôles supplémentaires émis au profit des départements sont remplacées par les références aux compensations versées à la métropole de Lyon et aux rôles supplémentaires émis au profit de la métropole, multipliés par le rapport entre le taux appliqué en 2014 au profit du département du Rhône et le taux de taxe foncière sur les propriétés bâties appliqué sur le territoire de la commune en 2020 au profit de la métropole de Lyon. « E.- Pour les communes issues de fusion ou de scission de commune, les coefficients mentionnés aux B et C sont déterminés, à compter de l'année au cours de laquelle la fusion ou la scission prend fiscalement effet, selon les modalités prévues au B. « F.- Les dispositions des A à E du présent IV ne s'appliquent pas à la Ville de Paris. « G.- Un abondement de l'État visant à équilibrer le dispositif prévu aux A à F est institué. Il est constitué : « 1° D'une fraction des produits des prélèvements résultant de l'application aux taxes additionnelles à la taxe foncière sur les propriétés bâties de l'article 1641 du code général des impôts ; « 2° D'une fraction des produits résiduels, après application de l'article 41 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, des prélèvements résultant de l'application à la cotisation foncière des entreprises du d du A du I et du II de l'article 1641 du code général des impôts ; « 3° D'une fraction des produits résiduels, après application de l'article 41 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 précitée, des prélèvements résultant de l'application à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises du XV de l'article 1647 du code général des impôts. « Pour constituer l'abondement, il est recouru à titre principal au produit mentionné au 1° du présent G et, à titre subsidiaire, aux produits mentionnés au 2° puis au 3°. « L'abondement est égal à la différence entre le montant total des compléments prévus au 2° du C et le montant total des différences calculées en application du 3° du même C. « H.- Une évaluation du dispositif de compensation prévu au présent IV est réalisée au cours du premier semestre de la troisième année suivant celle de son entrée en vigueur. « En vue de cette évaluation, le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er mars de cette même année, un rapport qui présente les effets du dispositif de compensation prévu au présent IV, notamment : « 1° Les conséquences sur les ressources financières des communes, en distinguant les communes surcompensées et sous-compensées, et sur leurs capacités d'investissement ; « 2° Les conséquences sur les ressources financières consacrées par les communes à la construction de logements sociaux ; « 3° L'impact sur l'évolution de la fiscalité directe locale et, le cas échéant, les conséquences de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation ; « 4° L'impact sur le budget de l'État ». 3. La commune requérante, rejointe par les parties intervenantes, reproche à ces dispositions de ne pas compenser intégralement la perte de ressources induite par la suppression de la taxe d'habitation, faute d'intégrer, au titre des ressources à compenser, le produit de la part de taxe d'habitation directement perçu par un syndicat de communes sur option de ses membres. 4. Il en résulterait une différence de traitement injustifiée entre les communes dont la contribution à un syndicat de communes prend la forme de l'affectation du produit d'une part de leur taxe d'habitation, et les autres communes, en méconnaissance du principe d'égalité devant la loi fiscale. 5. Il en résulterait également, au regard de la perte de ressources pour certaines communes, une méconnaissance du principe de libre administration des collectivités territoriales. 6. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le a du 1° du A du paragraphe IV de l'article 16 de la loi du 29 décembre 2019. 7. Les communes intervenantes font valoir, pour les mêmes motifs, que ces dispositions méconnaîtraient en outre le principe d'égalité devant les charges publiques. - Sur le fond : 8. Selon l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 9. En application de l'article L. 5212-20 du code général des collectivités territoriales, un syndicat de communes est financé par une contribution obligatoire versée sous la forme soit d'une dotation budgétaire de la commune associée, soit d'une contribution fiscalisée résultant de l'affectation d'une part du produit d'impôts locaux, dont celui de la taxe d'habitation. Dans ce dernier cas, le paragraphe III de l'article 1636 B octies du code général des impôts prévoit que le produit à recouvrer dans la commune est réparti entre ces impositions proportionnellement aux recettes que chacune procurerait à la commune en appliquant les taux de l'année précédente aux bases de l'année d'imposition. 10. L'article 16 de la loi du 29 décembre 2019 prévoit la suppression progressive de la taxe d'habitation due au titre de la résidence principale pour tous les contribuables à compter de 2023. Afin de compenser cette suppression pour les communes, il leur transfère la part de taxe foncière sur les propriétés bâties antérieurement perçue par les départements. Il institue également un mécanisme correcteur pour que le produit ainsi transféré corresponde au montant du produit de la taxe d'habitation perdu par chaque commune. 11. Les dispositions contestées prévoient que, pour déterminer ce montant, le mécanisme correcteur prend en compte le produit de la taxe d'habitation sur les résidences principales perçu par chaque commune, calculé en appliquant à la base imposable constatée en 2020 le taux communal de taxe d'habitation de 2017. 12. Il résulte des travaux parlementaires que, en instaurant ce mécanisme correcteur, le législateur a entendu compenser intégralement le produit de la taxe d'habitation perdu par les communes et assurer ainsi que la suppression de cette taxe ne se répercute pas sur d'autres impôts locaux au détriment du pouvoir d'achat des contribuables communaux que la réforme visait à améliorer par cette suppression. 13. Or, en prévoyant que le produit de la taxe d'habitation à compenser à une commune est déterminé par l'application de son taux communal à la base imposable, les dispositions contestées n'incluent pas le produit de la part de taxe affecté au syndicat de communes au titre de sa contribution lorsque la commune a choisi de financer le syndicat par une contribution fiscalisée. 14. Ainsi, ces dispositions ont pour effet de priver les seules communes qui affectaient une part de leur taxe d'habitation à un syndicat de communes du bénéfice d'une compensation intégrale de la taxe d'habitation levée sur leur territoire. Il en résulte que ces communes doivent contribuer au financement du syndicat soit au moyen d'une dotation budgétaire, soit par l'augmentation du montant des autres impositions acquittées par le contribuable local et affectées au syndicat, en méconnaissance pour ces communes et pour leurs contribuables de l'objectif poursuivi par le législateur. 15. Dès lors, compte tenu de cet objectif qu'il s'est assigné, le législateur a méconnu, par les dispositions contestées, le principe d'égalité devant les charges publiques. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, ces dispositions doivent donc être déclarées contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 16. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 17. D'une part, les dispositions déclarées contraires à la Constitution, dans leur rédaction contestée, ne sont plus en vigueur. 18. D'autre part, la déclaration d'inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances introduites à la date de publication de la présente décision et non jugées définitivement. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le a du 1° du A du paragraphe IV de l'article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, est contraire à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées aux paragraphes 17 et 18 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, MM. Alain JUPPÉ, Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 17 mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - le décret n° 2022-66 du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision n° 2021-150 ORGA du 21 octobre 2021 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; Après avoir procédé aux vérifications ; Et après avoir entendu le rapporteur ; Article 1er. - Figure en annexe de la présente décision la liste des citoyens qui, outre ceux mentionnés dans les décisions n° 2022-175 PDR du 1er février 2022, n° 2022-176 PDR du 3 février 2022, n° 2022-177 PDR du 8 février 2022, n° 2022-178 PDR du 10 février 2022, n° 2022-179 PDR du 15 février 2022, n° 2022-180 PDR du 17 février 2022, n° 2022-181 PDR du 22 février 2022, n° 2022-182 PDR du 24 février 2022, n° 2022-183 PDR du 1er mars 2022 et n° 2022-185 PDR du 3 mars 2022, ont, en tant qu'élus habilités, valablement présenté un candidat à l'élection du Président de la République. Article 2. - Cette liste sera publiée sur le site internet du Conseil constitutionnel. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 7 mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 54 et 61 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 56 ; - le décret n° 59-1292 du 13 novembre 1959 sur les obligations des membres du Conseil constitutionnel ; - le décret n° 59-1293 du 13 novembre 1959 relatif à l'organisation du secrétariat général du Conseil constitutionnel ; Chapitre 1er : Dépôt, présentation et enregistrement des saisines Article 1er. - Les saisines formées en application de l'article 54 ou de l'article 61 de la Constitution sont adressées au Conseil constitutionnel par lettre et par voie électronique. La lettre comprend les noms et prénoms, ainsi que la signature manuscrite du ou des auteurs de la saisine. La ou les lettres de transmission de la saisine formée par au moins soixante députés ou soixante sénateurs font apparaître l'identité du ou des parlementaires désignés pour recevoir en leur nom les communications de la procédure. Article 2. - Sauf dans les cas où le Conseil constitutionnel est saisi en application du premier alinéa de l'article 61 de la Constitution, la saisine mentionne les dispositions législatives ou les clauses de l'engagement international sur lesquelles il est invité à se prononcer, ainsi que les exigences constitutionnelles qu'elles sont susceptibles de méconnaître. Article 3. - Les saisines sont enregistrées dans l'ordre de leur arrivée au secrétariat général du Conseil constitutionnel. Celui-ci en avise immédiatement le Président de la République, le Premier ministre et les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Il est fait mention sans délai de l'enregistrement de la saisine sur le site internet du Conseil constitutionnel. Le texte de la saisine est également mis en ligne sur ce site. Chapitre 2 : Organisation de la procédure d'instruction Article 4. - Le président désigne un rapporteur parmi les membres du Conseil constitutionnel. Article 5. - Le Conseil constitutionnel peut décider de fixer une date de clôture de l'instruction. En ce cas, il la notifie aux auteurs de la ou des saisines, ainsi qu'aux autorités publiques mentionnées au deuxième alinéa de l'article 3, et la rend publique sur son site internet. Le Conseil constitutionnel peut rendre publique, sur son site internet, la date de lecture de sa décision. En ce cas, il la notifie aux auteurs de la ou des saisines et aux autorités publiques mentionnées ci-dessus. Article 6. - Au cours de l'instruction, les actes et pièces de procédure sont notifiés aux autorités publiques mentionnées au deuxième alinéa de l'article 3 et, en cas de saisine par au moins soixante députés ou soixante sénateurs, à celui ou ceux d'entre eux qu'ils ont désignés à cette fin. Il leur est loisible d'y répondre par voie écrite. Article 7. - Les notifications sont effectuées par voie électronique et font l'objet d'un avis de réception également adressé par voie électronique. En tant que de besoin, le secrétariat général du Conseil constitutionnel peut recourir à tout autre moyen de communication. Article 8. - L'accomplissement de tout acte de procédure ainsi que la réception de tout document et de toute pièce sont mentionnés au registre du secrétariat général du Conseil constitutionnel. Article 9. - À l'initiative du rapporteur, le Premier ministre est invité à produire des observations écrites qui sont notifiées dans les conditions prévues à l'article 6. Une audition des services compétents désignés par le Premier ministre parmi ceux placés sous son autorité peut être organisée. Article 10. - Sur la demande des députés ou sénateurs auteurs d'une saisine, peut être organisée l'audition de ceux d'entre eux qu'ils désignent pour les représenter. Il leur est loisible de produire à cette occasion des observations écrites qui sont notifiées dans les conditions prévues à l'article 6. Article 11 - Sur la demande de députés ou sénateurs autres que les auteurs de la saisine, le rapporteur peut recueillir de leur part des observations écrites. Ces observations sont notifiées dans les conditions prévues à l'article 6. Article 12. - À l'initiative du rapporteur, peuvent être consultées des personnes qualifiées, dont la production écrite est notifiée dans les conditions prévues à l'article 6. Article 13. - Toute personne peut adresser au Conseil constitutionnel une contribution. Cette contribution est déposée par voie électronique à l'adresse indiquée sur le site internet du Conseil constitutionnel. Elle comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, de ses nom et prénom. Cette contribution n'a pas le caractère d'une pièce de procédure. Elle est sans effet sur la saisine du Conseil constitutionnel, qui n'est pas tenu d'y répondre. Sauf lorsqu'elle comporte des propos injurieux, outrageants ou diffamatoires, cette contribution est rendue publique sur le site internet du Conseil constitutionnel le jour de la publication de la décision. Chapitre 3 : Jugement Article 14. - Tout membre du Conseil constitutionnel qui estime devoir s'abstenir de siéger en informe le président. Article 15. - Le ou les auteurs de la saisine ou l'une des autorités mentionnées au deuxième alinéa de l'article 3 peuvent demander la récusation d'un membre du Conseil constitutionnel par un écrit spécialement motivé accompagné des pièces propres à la justifier. La demande n'est recevable que si elle est enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel avant l'expiration du deuxième jour qui suit celui de la mention de l'enregistrement de la première saisine sur le site internet. La demande est communiquée au membre du Conseil constitutionnel qui en fait l'objet. Ce dernier fait connaître s'il acquiesce à la récusation. Dans le cas contraire, la demande est examinée sans la participation de celui des membres dont la récusation est demandée. Elle donne lieu à une décision du Conseil constitutionnel. Article 16. - Les décisions du Conseil constitutionnel comportent les noms, prénoms et qualités du ou des auteurs de la saisine, les visas des textes applicables et des observations communiquées, les motifs sur lesquels elles reposent et un dispositif. Elles mentionnent le nom des membres qui ont siégé à la séance au cours de laquelle elles ont été prises. Elles sont signées par le président, le rapporteur et le secrétaire général et sont publiées au Journal officiel de la République française. Elles sont notifiées au Président de la République, au Premier ministre, aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi que, le cas échéant, aux parlementaires désignés par les députés ou sénateurs auteurs de la saisine. Article 17. - Les décisions du Conseil constitutionnel ainsi que les observations de la procédure sont publiées sur son site internet. Article 18. - La présente décision prend effet à compter du 1er juillet 2022. Article 19. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 11 mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 7 mars 2022, d'une réclamation présentée par M. André KORNMANN, demeurant à Colmar (Haut-Rhin). Cette réclamation a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-189 PDR. Elle est relative à la liste des candidats à l'élection du Président de la République. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2022-66 du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2022-187 PDR du 7 mars 2022 arrêtant la liste des candidats à l'élection présidentielle ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Aux termes du premier alinéa de l'article 8 du décret du 8 mars 2001 mentionné ci-dessus : « Le droit de réclamation contre l'établissement de la liste des candidats est ouvert à toute personne ayant fait l'objet de présentation ». 2. M. André KORNMANN n'a fait l'objet d'aucune présentation. Par suite, il n'est pas recevable à contester l'établissement de la liste des candidats à l'élection du Président de la République. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La réclamation présentée par M. André KORNMANN contre la décision du Conseil constitutionnel n° 2022-187 PDR du 7 mars 2022 arrêtant la liste des candidats à l'élection présidentielle est rejetée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SENERS. Rendu public le 24 mars 2022.
CONSTIT/CONSTEXT000045410373.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 9 mars 2022, d'une réclamation présentée par M. Bernard LAW-WAI, demeurant à Les Trois-Bassins (La Réunion). Cette réclamation a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-190 PDR. Elle est relative à la liste des candidats à l'élection du Président de la République. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2022-66 du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2022-187 PDR du 7 mars 2022 arrêtant la liste des candidats à l'élection présidentielle ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Aux termes du premier alinéa de l'article 8 du décret du 8 mars 2001 mentionné ci-dessus : « Le droit de réclamation contre l'établissement de la liste des candidats est ouvert à toute personne ayant fait l'objet de présentation ». 2. M. Bernard LAW-WAI n'a fait l'objet d'aucune présentation. Par suite, il n'est pas recevable à contester l'établissement de la liste des candidats à l'élection du Président de la République. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La réclamation présentée par M. Bernard LAW-WAI contre la décision du Conseil constitutionnel n° 2022-187 PDR du 7 mars 2022 arrêtant la liste des candidats à l'élection présidentielle est rejetée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SENERS. Rendu public le 24 mars 2022.
CONSTIT/CONSTEXT000045410367.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - le décret n° 2022-66 du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision n° 2021-150 ORGA du 21 octobre 2021 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; Après avoir procédé aux vérifications ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Figure en annexe de la présente décision la liste des citoyens qui, outre ceux mentionnés dans les décisions n° 2022-175 PDR du 1er février 2022, n° 2022-176 PDR du 3 février 2022, n° 2022-177 PDR du 8 février 2022, n° 2022-178 PDR du 10 février 2022, n° 2022-179 PDR du 15 février 2022, n° 2022-180 PDR du 17 février 2022 et n° 2022-181 PDR du 22 février 2022, ont, en tant qu'élus habilités, valablement présenté un candidat à l'élection du Président de la République. Article 2. - Cette liste sera publiée sur le site internet du Conseil constitutionnel. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 février 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 24 février 2022.
CONSTIT/CONSTEXT000045410363.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 17 décembre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1599 du 14 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Jean-Mathieu F. par Me Jean-Sébastien de Casalta, avocat au barreau de Bastia. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-981 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa de l'article L. 172-13 du code de l'environnement, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l'environnement ; - la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par Me de Casalta, enregistrées le 10 janvier 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour le requérant par Me de Casalta, enregistrées le 19 janvier 2022 ; - les observations présentées pour M. Lucien P., partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par Me Cynthia Costa Sigrist, avocate au barreau de Bastia, enregistrées le 3 février 2022 ; - les observations présentées pour l'Office de l'environnement de la Corse, partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par Me Sébastien Mabile, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 4 février 2022 ; - les observations présentées pour M. Sylvain M., partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par Me Anne-Marie Antonetti, avocate au Barreau de Bastia, enregistrées le 10 février 2022 ; - les nouvelles observations présentées pour le requérant par Me de Casalta, enregistrées 14 février 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Lia Simoni, avocate au barreau de Bastia, pour le requérant, Me Mabile, pour l'Office de l'environnement de la Corse, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 8 mars 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le premier alinéa de l'article L. 172-13 du code de l'environnement, dans sa rédaction résultant de la loi du 8 août 2016 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Lorsqu'ils les ont saisis, les fonctionnaires et agents mentionnés à l'article L. 172-4 peuvent procéder ou faire procéder à la destruction des végétaux et des animaux morts ou non viables ». 2. Le requérant, rejoint par certaines parties au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, reproche à ces dispositions de permettre la destruction des animaux morts ou non viables saisis à la suite de la constatation d'une infraction au code de l'environnement sans prévoir que la personne mise en cause ou des témoins n'assistent à leur décompte. Il en résulterait une méconnaissance des droits de la défense et du principe du contradictoire. 3. Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Sont garantis par cette disposition les droits de la défense et le principe du contradictoire qui en est le corollaire. 4. Selon l'article L. 172-12 du code de l'environnement, les agents publics spécialement habilités et les inspecteurs de l'environnement, commissionnés et assermentés à cette fin, peuvent, dans le cadre de leur mission de recherche et de constatation des infractions au code de l'environnement, saisir notamment les animaux et végétaux qui sont l'objet d'une telle infraction. 5. Les dispositions contestées de l'article L. 172-13 du même code prévoient que, lorsque ces végétaux et animaux sont morts ou non viables, ces fonctionnaires et agents peuvent procéder ou faire procéder à leur destruction. 6. D'une part, tant la saisie des végétaux et animaux objet d'une infraction que la destruction de ceux qui seraient morts ou non viables sont constatées par procès-verbal versé au dossier de la procédure, en application respectivement du quatrième alinéa de l'article L. 172-12 et du dernier alinéa de l'article L. 172-13. 7. D'autre part, les dispositions contestées ne font pas obstacle à ce que la personne mise en cause puisse contester les procès-verbaux sur le fondement desquels elle est poursuivie, ceux-ci faisant foi jusqu'à preuve contraire qui peut être apportée par écrit ou par témoins. 8. Dès lors, la personne intéressée est mise en mesure de contester devant le juge les conditions dans lesquelles ont été recueillis les éléments de preuve qui fondent sa mise en cause. 9. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit donc être écarté. 10. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le premier alinéa de l'article L. 172-13 du code de l'environnement, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, MM. Alain JUPPÉ, Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 17 mars 2022.
CONSTIT/CONSTEXT000045410377.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 24 janvier 2022, par le Premier ministre, dans les conditions prévues au second alinéa de l'article 37 de la Constitution, d'une demande enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-297 L. Le Premier ministre demande au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la nature juridique des mots « le ministre chargé des naturalisations » figurant au premier alinéa de l'article 26-1 du code civil. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 34 et 37 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 24, 25 et 26 ; - le code civil ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 34 de la Constitution dispose que « La loi fixe les règles concernant … la nationalité ». 2. L'article 26-1 du code civil prévoit que sont enregistrées par le ministre en charge des naturalisations les déclarations de nationalité souscrites en raison du mariage avec un conjoint français, de la qualité d'ascendant de Français ou de celle de frère ou sœur de Français. 3. Les dispositions dont le déclassement est demandé se bornent à désigner l'autorité administrative habilitée à procéder à l'enregistrement de certaines déclarations de nationalité. Elles ne mettent en cause ni les règles concernant la nationalité ni aucun des autres principes ou règles placés par la Constitution dans le domaine de la loi. Ces dispositions ont donc un caractère réglementaire. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « le ministre en charge des naturalisations » figurant au premier alinéa de l'article 26-1 du code civil ont un caractère réglementaire. Article 2. - Cette décision sera notifiée au Premier ministre et publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 février 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 24 février 2022.
CONSTIT/CONSTEXT000045410376.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - le décret n° 2022-66 du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision n° 2021-150 ORGA du 21 octobre 2021 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; - les décisions n° 2022-175 PDR du 1er février 2022, n° 2022-176 PDR du 3 février 2022, n° 2022-177 PDR du 8 février 2022, n° 2022-178 PDR du 10 février 2022, n° 2022-179 PDR du 15 février 2022, n° 2022-180 PDR du 17 février 2022, n° 2022-181 PDR du 22 février 2022, n° 2022-182 PDR du 24 février 2022, n° 2022-183 PDR du 1er mars 2022, n° 2022-185 PDR du 3 mars 2022 et n° 2022-186 PDR du 7 mars 2022 ayant arrêté les listes des citoyens habilités ayant présenté des candidats à l'élection du Président de la République ; Ayant examiné les formulaires de présentation qui lui ont été adressés à partir du 27 janvier 2022 et qui lui sont parvenus au plus tard le 4 mars 2022 à dix-huit heures, conformément à l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus et à l'article 2 du décret du 8 mars 2001 mentionné ci-dessus ; Après avoir procédé aux vérifications ; Et après avoir entendu le rapporteur ; Article 1er. - Figure en annexe de la présente décision la liste définitive des citoyens qui ont, en tant qu'élus habilités, valablement présenté un candidat à l'élection du Président de la République. Article 2. - Cette liste sera publiée sur le site internet du Conseil constitutionnel. Article 3. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SENERS. Rendu public le 24 mars 2022.
CONSTIT/CONSTEXT000045410362.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 16 décembre 2021 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 911 du 15 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société H. et autres par Me Romain Laffly, avocat au barreau de Lyon. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-980 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - le livre des procédures fiscales ; - la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 ; - l'arrêt de la Cour de cassation du 6 décembre 2016 (chambre commerciale, n° 15-14.554) ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les requérants par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 7 janvier 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour les requérants par la SCP Spinosi, enregistrées le 24 janvier 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Aurélie Carrara, avocate au barreau de Lyon, pour les requérants, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 22 février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2016 mentionnée ci-dessus, prévoit : « I. - Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. « II. - Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. « Lorsque ces lieux sont situés dans le ressort de plusieurs juridictions et qu'une visite simultanée doit être menée dans chacun d'eux, une ordonnance unique peut être délivrée par l'un des juges des libertés et de la détention territorialement compétents. « Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite. « L'ordonnance comporte : « a) L'adresse des lieux à visiter ; « b) Le nom et la qualité du fonctionnaire habilité qui a sollicité et obtenu l'autorisation de procéder aux opérations de visite ; « c) L'autorisation donnée au fonctionnaire qui procède aux opérations de visite de recueillir sur place, dans les conditions prévues au III bis, des renseignements et justifications auprès de l'occupant des lieux ou de son représentant et, s'il est présent, du contribuable mentionné au I, ainsi que l'autorisation de demander à ceux-ci de justifier pendant la visite de leur identité et de leur adresse, dans les mêmes conditions. « d) La mention de la faculté pour le contribuable de faire appel à un conseil de son choix. « L'exercice de cette faculté n'entraîne pas la suspension des opérations de visite et de saisie. « Le juge motive sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée. « Si, à l'occasion de la visite, les agents habilités découvrent l'existence d'un coffre dans un établissement de crédit ou une société de financement dont la personne occupant les lieux visités est titulaire et où des pièces et documents se rapportant aux agissements visés au I sont susceptibles de se trouver, ils peuvent, sur autorisation délivrée par tout moyen par le juge qui a pris l'ordonnance, procéder immédiatement à la visite de ce coffre. Mention de cette autorisation est portée au procès-verbal prévu au IV. « Si, à l'occasion de la visite, les agents habilités découvrent des éléments révélant l'existence en d'autres lieux de pièces et documents se rapportant aux agissements mentionnés au I, ils peuvent, en cas d'urgence, sur autorisation délivrée par tout moyen par le juge qui a pris l'ordonnance, procéder immédiatement à la visite de ces lieux aux fins de saisie de ces pièces et documents. Mention de cette autorisation est portée au procès-verbal prévu au IV. « La visite et la saisie de documents s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. À cette fin, il donne toutes instructions aux agents qui participent à ces opérations. « Il désigne le chef du service qui nomme l'officier de police judiciaire chargé d'assister à ces opérations et de le tenir informé de leur déroulement. « Lorsqu'elles ont lieu en dehors du ressort de son tribunal de grande instance, il délivre une commission rogatoire, pour exercer le contrôle mentionné au treizième alinéa du présent II, au juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel s'effectue la visite. « Le juge peut, s'il l'estime utile, se rendre dans les locaux pendant l'intervention. « À tout moment, il peut décider la suspension ou l'arrêt de la visite. « L'ordonnance est exécutoire au seul vu de la minute. « L'ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite, à l'occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal prévu au IV. En l'absence de l'occupant des lieux ou de son représentant, l'ordonnance est notifiée, après la visite, par lettre recommandée avec avis de réception. La notification est réputée faite à la date de réception figurant sur l'avis. « À défaut de réception, il est procédé à la signification de l'ordonnance par acte d'huissier de justice. « Le délai et la voie de recours sont mentionnés dans l'ordonnance. « L'ordonnance peut faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le juge a autorisé la mesure. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat. « Suivant les règles prévues par le code de procédure civile, cet appel doit être exclusivement formé par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou, à compter du 1er janvier 2009, par voie électronique, au greffe de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter soit de la remise, soit de la réception, soit de la signification de l'ordonnance. Cet appel n'est pas suspensif. « Le greffe du tribunal de grande instance transmet sans délai le dossier de l'affaire au greffe de la cour d'appel où les parties peuvent le consulter. « L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation, selon les règles prévues par le code de procédure civile. Le délai du pourvoi en cassation est de quinze jours. « III. - La visite, qui ne peut être commencée avant six heures ni après vingt et une heures, est effectuée en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant ; en cas d'impossibilité, l'officier de police judiciaire requiert deux témoins choisis en dehors des personnes relevant de son autorité ou de celle de l'administration des impôts. « Les agents de l'administration des impôts mentionnés au I peuvent être assistés d'autres agents des impôts habilités dans les mêmes conditions que les inspecteurs. « Les agents des impôts habilités, l'occupant des lieux ou son représentant et l'officier de police judiciaire peuvent seuls prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie. « L'officier de police judiciaire veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale ; l'article 58 de ce code est applicable. « III bis. - Au cours de la visite, les agents des impôts habilités peuvent recueillir, sur place, des renseignements et justifications concernant les agissements du contribuable mentionné au I auprès de l'occupant des lieux ou de son représentant et, s'il est présent, de ce contribuable, après les avoir informés que leur consentement est nécessaire. Ces renseignements et justifications sont consignés dans un compte rendu annexé au procès-verbal mentionné au IV et qui est établi par les agents des impôts et signé par ces agents, les personnes dont les renseignements et justifications ont été recueillis ainsi que l'officier de police judiciaire présent. « Les agents des impôts peuvent demander à l'occupant des lieux ou à son représentant et au contribuable, s'ils y consentent, de justifier de leur identité et de leur adresse. « Mention des consentements est portée au compte rendu ainsi que, le cas échéant, du refus de signer. « IV. - Un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur-le-champ par les agents de l'administration des impôts. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé s'il y a lieu. Le procès-verbal et l'inventaire sont signés par les agents de l'administration des impôts et par l'officier de police judiciaire ainsi que par les personnes mentionnées au premier alinéa du III ; en cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal. « Si l'inventaire sur place présente des difficultés, les pièces et documents saisis sont placés sous scellés. L'occupant des lieux ou son représentant est avisé qu'il peut assister à l'ouverture des scellés qui a lieu en présence de l'officier de police judiciaire ; l'inventaire est alors établi. « IV bis. - Lorsque l'occupant des lieux ou son représentant fait obstacle à l'accès aux pièces ou documents présents sur un support informatique, à leur lecture ou à leur saisie, mention en est portée au procès-verbal. « Les agents de l'administration des impôts peuvent alors procéder à la copie de ce support et saisir ce dernier, qui est placé sous scellés. Ils disposent de quinze jours à compter de la date de la visite pour accéder aux pièces ou documents présents sur le support informatique placé sous scellés, à leur lecture et à leur saisie, ainsi qu'à la restitution de ce dernier et de sa copie. Ce délai est prorogé sur autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention. « À la seule fin de permettre la lecture des pièces ou documents présents sur le support informatique placé sous scellés, les agents de l'administration des impôts procèdent aux opérations nécessaires à leur accès ou à leur mise au clair. Ces opérations sont réalisées sur la copie du support. « L'occupant des lieux ou son représentant est avisé qu'il peut assister à l'ouverture des scellés, à la lecture et à la saisie des pièces et documents présents sur ce support informatique, qui ont lieu en présence de l'officier de police judiciaire. « Un procès-verbal décrivant les opérations réalisées pour accéder à ces pièces et documents, à leur mise au clair et à leur lecture est dressé par les agents de l'administration des impôts. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé, s'il y a lieu. « Le procès-verbal et l'inventaire sont signés par les agents de l'administration des impôts et par l'officier de police judiciaire ainsi que par l'occupant des lieux ou son représentant ; en son absence ou en cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal. « Il est procédé concomitamment à la restitution du support informatique et de sa copie. En l'absence de l'occupant des lieux ou de son représentant, l'administration accomplit alors sans délai toutes diligences pour les restituer. « V. - Les originaux du procès-verbal et de l'inventaire sont, dès qu'ils ont été établis, adressés au juge qui a autorisé la visite ; une copie de ces mêmes documents est remise à l'occupant des lieux ou à son représentant. Une copie est également adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'auteur présumé des agissements mentionnés au I, nonobstant les dispositions de l'article L. 103. « Les pièces et documents saisis sont restitués à l'occupant des locaux dans les six mois de la visite ; toutefois, lorsque des poursuites pénales sont engagées, leur restitution est autorisée par l'autorité judiciaire compétente. « Le procès-verbal et l'inventaire mentionnent le délai et la voie de recours. « Le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le juge a autorisé la mesure connaît des recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat. « Suivant les règles prévues par le code de procédure civile, ce recours doit être exclusivement formé par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou, à compter du 1er janvier 2009, par voie électronique, au greffe de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter de la remise ou de la réception soit du procès-verbal, soit de l'inventaire, mentionnés au premier alinéa. Ce recours n'est pas suspensif. « L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure civile. Le délai du pourvoi en cassation est de quinze jours. « VI. - L'administration des impôts ne peut opposer au contribuable les informations recueillies, y compris celles qui procèdent des traitements mentionnés au troisième alinéa, qu'après restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction et mise en œuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 47. « Toutefois, si, à l'expiration d'un délai de trente jours suivant la notification d'une mise en demeure adressée au contribuable, à laquelle est annexé un récapitulatif des diligences accomplies par l'administration pour la restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction, ceux-ci n'ont pu être restitués du fait du contribuable, les informations recueillies sont opposables à ce dernier après mise en œuvre des procédures de contrôle mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 47 et dans les conditions prévues à l'article L. 76 C. « En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés saisie dans les conditions prévues au présent article, l'administration communique au contribuable, au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76, sous forme dématérialisée ou non au choix de ce dernier, la nature et le résultat des traitements informatiques réalisés sur cette saisie qui concourent à des rehaussements, sans que ces traitements ne constituent le début d'une procédure de vérification de comptabilité. Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui, et sous le contrôle desquels, les opérations sont réalisées ». 2. Les requérants reprochent à ces dispositions de permettre à l'administration fiscale de saisir toutes les données accessibles ou disponibles depuis les supports informatiques présents dans les lieux visités, y compris lorsque ces données sont stockées dans des lieux distincts de ceux dont la visite a été autorisée par le juge et appartiennent à des tiers à la procédure. Il en résulterait une méconnaissance du droit au respect de la vie privée et du principe de l'inviolabilité du domicile. 3. Ils reprochent également à ces dispositions de ne pas prévoir l'information des tiers à la procédure en cas de saisie d'un document informatique leur appartenant lors d'une visite domiciliaire, ce qui les priverait ainsi de la possibilité de contester utilement une telle opération. Il en résulterait une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif et des droits de la défense. 4. Pour les mêmes motifs, les requérants soutiennent que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant les exigences constitutionnelles précitées. 5. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « ou d'être accessibles ou disponibles » figurant au paragraphe I de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. - Sur le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée : 6. Selon l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression ». La liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de la vie privée. 7. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale et le droit au respect de la vie privée. 8. L'article L. 16 B du livre des procédures fiscales permet aux agents habilités de l'administration fiscale d'effectuer des visites en tous lieux, même privés, où sont susceptibles d'être détenus des pièces et documents se rapportant à des agissements frauduleux en matière d'impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de taxes sur le chiffre d'affaires. 9. En application des dispositions contestées, ces agents peuvent procéder à la saisie des documents accessibles ou disponibles depuis les locaux visités, notamment ceux présents sur un support informatique, quand bien même ces documents sont stockés sur des serveurs informatiques situés dans des lieux distincts. 10. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu adapter les prérogatives de l'administration fiscale à l'informatisation des données des contribuables et à leur stockage à distance sur des serveurs informatiques. Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale. 11. En deuxième lieu, d'une part, le droit de saisie reconnu aux agents habilités de l'administration des impôts ne peut être mis en œuvre qu'au titre d'une visite ayant pour objet la recherche de la preuve d'agissements de fraude fiscale, dans le cas où il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts. 12. D'autre part, si peuvent être saisis à cette occasion des documents n'appartenant pas aux personnes visées par ces présomptions, ce n'est qu'à la condition qu'ils se rapportent à de tels agissements. 13. En dernier lieu, d'une part, la saisie ne peut intervenir qu'à l'occasion d'une visite autorisée par le juge des libertés et de la détention, qui doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise comporte tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite. Sa décision doit être motivée par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée. 14. D'autre part, les opérations de visite et de saisie s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention, qui est tenu informé du déroulement de ces opérations et peut donner des instructions aux agents, se rendre dans les locaux durant l'intervention et décider à tout moment la suspension ou l'arrêt de la visite. 15. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées procèdent à une conciliation équilibrée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale et le droit au respect de la vie privée. - Sur le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif : 16. Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction. 17. L'article L. 16 B du livre des procédures fiscales prévoit que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la visite des agents de l'administration des impôts peut faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel dans un délai de quinze jours. Ce dernier connaît également des recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie. Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que ces recours peuvent être formés non seulement par la personne visée par l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et l'occupant des lieux visités, mais aussi par toute personne ayant qualité et intérêt à contester la régularité de la saisie d'un document. 18. Le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif doit donc être écarté. 19. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative et ne méconnaissent ni le principe d'inviolabilité du domicile ni les droits de la défense, non plus qu'aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « ou d'être accessibles ou disponibles » figurant au paragraphe I de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 11 mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 9 mars 2022, d'une réclamation présentée par M. Alexandre JUVING-BRUNET, demeurant à la Seyne-sur-Mer (Var). Cette réclamation a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-191 PDR. Elle est relative à la liste des candidats à l'élection du Président de la République. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2022-66 du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2022-187 PDR du 7 mars 2022 arrêtant la liste des candidats à l'élection présidentielle ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Aux termes du premier alinéa de l'article 8 du décret du 8 mars 2001 mentionné ci-dessus : « Le droit de réclamation contre l'établissement de la liste des candidats est ouvert à toute personne ayant fait l'objet de présentation ». Deux présentations de la candidature de M. Alexandre JUVING-BRUNET à l'élection du Président de la République ont été transmises au Conseil constitutionnel, de sorte qu'il est recevable à contester l'établissement de la liste des candidats à cette élection. 2. Il appartient au Conseil constitutionnel, lorsqu'il arrête, en application des dispositions du paragraphe I de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus, la liste des candidats à l'élection du Président de la République, de contrôler le nombre et la validité des présentations, de s'assurer de la régularité des candidatures et du consentement des candidats, de constater le dépôt du pli scellé exigé pour leur déclaration d'intérêts et d'activités, et leur déclaration de situation patrimoniale et de recevoir leur engagement de déposer, en cas d'élection, une nouvelle déclaration. À cette fin, il fait procéder à toute vérification qu'il juge utile, conformément à l'article 5 du décret du 8 mars 2001 mentionné ci-dessus. 3. M. Alexandre JUVING-BRUNET fait valoir que, faute de mentionner tous les prénoms de M. Emmanuel Macron, certains formulaires de présentation que le Conseil constitutionnel aurait déclarés valables ne permettaient pas d'établir avec certitude que le candidat ainsi présenté n'était pas un homonyme. 4. Or, le Conseil constitutionnel a procédé à toutes les vérifications qu'il a jugées utiles pour établir la liste des candidats à l'élection du Président de la République. Au demeurant, le requérant, qui se borne à soutenir qu'il existerait un homonyme de M. Emmanuel Macron, n'apporte aucun élément susceptible d'établir que les formulaires de présentation ne portaient pas sur le candidat déclaré par la décision du 7 mars 2022 mentionnée ci-dessus. 5. Il en résulte que sa réclamation doit être rejetée. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La réclamation présentée par M. Alexandre JUVING-BRUNET contre la décision du Conseil constitutionnel n° 2022-187 PDR du 7 mars 2022 arrêtant la liste des candidats à l'élection présidentielle est rejetée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SENERS. Rendu public le 24 mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 15 décembre 2021 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 892 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour Mme Pascale G. par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-978 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa de l'article L. 411-58 du code rural et de la pêche maritime. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code rural et de la pêche maritime ; - la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 6 janvier 2022 ; - les secondes observations présentées pour la requérante par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, enregistrées le 18 janvier 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Frédéric Rocheteau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la requérante, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 22 février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du troisième alinéa de l'article L. 411-58 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction résultant de la loi du 13 octobre 2014 mentionnée ci-dessus. 2. Le troisième alinéa de l'article L. 411-58 du code rural et de la pêche maritime, dans cette rédaction, prévoit : « Si le bailleur entend reprendre le bien loué à la fin de la période de prorogation, il doit donner de nouveau congé dans les conditions prévues à l'article L. 411-47 ». 3. La requérante reproche à ces dispositions de prévoir que le bailleur ayant valablement délivré un congé pour reprise, auquel le preneur s'est opposé en raison de son âge pour obtenir la prorogation du bail, doit délivrer un nouveau congé pour pouvoir reprendre son bien à l'issue de cette prorogation. Elle fait également valoir que, dans certains cas, le bailleur serait placé dans l'impossibilité de délivrer ce nouveau congé. Il en résulterait une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre. - Sur le fond : 4. Il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. 5. L'article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime prévoit que le bailleur qui entend refuser le renouvellement d'un bail rural aux fins de reprise de l'exploitation doit délivrer au preneur, dix-huit mois au moins avant l'expiration du bail, un congé présentant les motifs et les conditions de cette reprise. En application du deuxième alinéa de l'article L. 411-58 du même code, le preneur peut toutefois s'y opposer s'il se trouve à moins de cinq ans de l'âge de la retraite retenu pour les exploitants agricoles ou de l'âge lui permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein. Le bail est alors prorogé de plein droit pour une durée égale à celle lui permettant d'atteindre l'âge correspondant. 6. Les dispositions contestées imposent au bailleur qui souhaite reprendre son bien au terme de la période de prorogation de délivrer, au moins dix-huit mois avant son expiration, un nouveau congé au preneur. 7. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu garantir la continuité des exploitations agricoles en s'assurant qu'à l'issue de la période de prorogation, le bailleur souhaite toujours reprendre son bien en vue de l'exploiter et remplit les conditions pour ce faire. 8. Toutefois, il résulte des dispositions contestées que, dans le cas où le preneur s'oppose à la reprise moins de dix-huit mois avant l'expiration de la période de prorogation, le bailleur est placé dans l'impossibilité de notifier un nouveau congé, dans le délai imparti. 9. Dès lors, ces dispositions portent au droit de propriété une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi. Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, elles doivent donc être déclarées contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 10. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 11. En l'espèce, l'abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles entraînerait des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 31 décembre 2022 la date de l'abrogation de ces dispositions. 12. En revanche, afin de faire cesser l'inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il y a lieu de juger que, jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi ou jusqu'à la date de l'abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles, en cas d'opposition du preneur à la reprise du bail dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 411-58 du code rural et de la pêche maritime, le bailleur n'est pas tenu de délivrer un nouveau congé en application des dispositions déclarées inconstitutionnelles si la durée de la prorogation du bail résultant de cette opposition est inférieure à dix-huit mois. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le troisième alinéa de l'article L. 411-58 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, est contraire à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées aux paragraphes 11 et 12 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 11 mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 16 décembre 2021 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 910 du 15 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Prologue par la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-979 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code monétaire et financier ; - la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la société requérante par la SCP Melka-Prigent-Drusch, enregistrées le 5 janvier 2022 ; - les observations présentées pour l'Autorité des marchés financiers, partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par la SCP Ohl et Vexliard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 7 janvier 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour la société requérante par la SCP Melka-Prigent-Drusch, enregistrées le 20 janvier 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Marie-Paule Melka, avocate au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et Me Frank Martin-Laprade, avocat au barreau de Paris, pour la société requérante, Me Claude Ohl, avocate au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'Autorité des marchés financiers, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 22 février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le troisième alinéa de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de la loi du 30 décembre 2014 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Les décisions prononcées par la commission des sanctions peuvent faire l'objet d'un recours par les personnes sanctionnées et par le président de l'Autorité des marchés financiers, après accord du collège. En cas de recours d'une personne sanctionnée, le président de l'autorité peut, dans les mêmes conditions, former un recours ». 2. La société requérante reproche à ces dispositions de prévoir que, dans le cas où la personne sanctionnée forme un recours contre la décision de sanction, le président de l'Autorité des marchés financiers peut former un recours incident, sans ouvrir la même possibilité pour la personne sanctionnée lorsque ce dernier forme un recours contre la décision de sanction. Il en résulterait une méconnaissance du principe d'égalité devant la justice, du droit à un recours juridictionnel effectif et des droits de la défense. Ces dispositions seraient également entachées, pour les mêmes motifs, d'incompétence négative dans des conditions affectant ces exigences constitutionnelles. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier. 4. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties. 5. En application de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, les décisions prononcées par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers à l'encontre de personnes autres que celles soumises à sa régulation peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge judiciaire. Ce recours principal peut être formé par la personne sanctionnée et par le président de l'Autorité des marchés financiers. 6. Les dispositions contestées prévoient que, lorsque la personne sanctionnée a formé un recours contre la décision de sanction, le président de l'Autorité des marchés financiers peut former un recours incident. 7. D'une part, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu, par dérogation au principe général du droit selon lequel la situation de la personne sanctionnée ne peut être aggravée sur son seul recours, permettre à l'autorité de poursuite de solliciter l'aggravation de la sanction dans le cas où la personne sanctionnée forme un recours contre cette sanction. Dans ces conditions, ces dispositions ne procèdent pas à une distinction procédurale injustifiée. 8. D'autre part, les dispositions contestées n'ont, par elles-mêmes, ni pour objet ni pour effet de priver une personne sanctionnée, en cas de recours principal du président de l'Autorité des marchés financiers contre une décision de la commission des sanctions, de la possibilité de présenter des demandes reconventionnelles tendant à l'annulation ou à la réformation de la sanction prononcée. 9. Au demeurant, il appartient aux juridictions d'apprécier la recevabilité de telles demandes en garantissant le caractère juste et équitable de la procédure ainsi que l'équilibre des droits des parties. 10. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la justice doit être écarté. 11. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative et qui ne méconnaissent ni les droits de la défense, ni le droit à un recours juridictionnel effectif, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD et François PILLET. Rendu public le 11 mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - la décision n° 2022-174 PDR du 20 janvier 2022 relative à la nomination des délégués du Conseil constitutionnel chargés de suivre sur place les opérations relatives à l'élection du Président de la République ; Après avoir entendu le rapporteur ; Article 1er. - Sont désignés en qualité de délégués du Conseil constitutionnel chargés de suivre outre-mer les opérations relatives à l'élection du Président de la République des samedi 9 ou dimanche 10 avril 2022 et, s'il y a lieu à un second tour, des samedi 23 et dimanche 24 avril 2022 : MM. Claude BELLENGER, Damien BOTTEGHI et Laurent CABRERA, Mme Anne COURRÈGES, MM. Yves GOUNIN, Nicolas POLGE et Jean-Michel THORNARY. Article 2. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SENERS. Rendu public le 17 mars 2022.
CONSTIT/CONSTEXT000045410378.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 11 février 2022, par le Premier ministre, sous le n° 2022-836 DC, conformément au cinquième alinéa de l'article 46 et au premier alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code des juridictions financières ; - le code de la sécurité sociale ; Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 28 février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a été prise sur le fondement du dix-neuvième alinéa de l'article 34 de la Constitution, selon lequel « Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique », du premier alinéa de son article 47-1, qui dispose que « Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique », et du premier alinéa de son article 47-2, qui prévoit : « La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l'évaluation des politiques publiques. Par ses rapports publics, elle contribue à l'information des citoyens ». 2. Elle a été adoptée dans le respect des règles de procédure prévues par les trois premiers alinéas de l'article 46 de la Constitution. - Sur l'article 1er : 3. L'article 1er de la loi déférée réécrit la section 1 du chapitre Ier bis du titre Ier du livre Ier du code de la sécurité sociale. Il modifie l'article L.O. 111-3 du même code et reprend certaines de ses dispositions au sein des nouveaux articles L.O. 111-3-1 à L.O. 111-3-18. 4. L'article 1er modifie les dispositions de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale afin de reconnaître le caractère de loi de financement de la sécurité sociale à la « loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale ». Ces dispositions n'appellent aucune remarque de constitutionnalité. 5. L'article L.O. 111-3-1 du même code prévoit que la loi de financement de la sécurité sociale de l'année comprend désormais un article liminaire qui, en application de l'article L.O. 111-3-2, présente, pour l'exercice en cours et pour l'année à venir, l'état des prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale. L'article L.O. 111-3-13 prévoit que la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale comprend également un article liminaire qui présente les recettes, les dépenses et le solde des administrations de sécurité sociale relatifs à l'année à laquelle cette loi se rapporte. Ces dispositions n'appellent aucune remarque de constitutionnalité. 6. Les articles L.O. 111-3-6 et L.O. 111-3-8 sont relatifs aux dispositions facultatives de la loi de financement de la sécurité sociale de l'année. Ils prévoient respectivement que dans la partie de cette loi qui comprend les dispositions relatives à l'année en cours et dans celle qui comprend les dispositions relatives aux dépenses pour l'année à venir, peuvent figurer notamment, des dispositions ayant un effet sur la dette des établissements de santé relevant du service public hospitalier et des dispositions ayant un effet sur la dette des établissements médico-sociaux publics et privés à but non lucratif financés en tout ou partie par les régimes obligatoires de base de sécurité sociale et soumis à un objectif de dépenses, à la condition que ces dispositions aient pour effet de modifier les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale. L'habilitation que le législateur organique tient de la Constitution l'autorise à placer de telles mesures dans le champ facultatif des lois de financement de la sécurité sociale. Les articles L.O. 111-3-6 et L.O. 111-3-8 ne sont pas contraires à la Constitution. 7. L'article L.O. 111-3-16 du code de la sécurité sociale prévoit que seules des lois de financement de l'année ou rectificatives peuvent créer ou modifier des mesures de réduction ou d'exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base, à l'amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit lorsqu'elles sont établies pour une durée égale ou supérieure à trois ans et qu'elles ont un effet sur les recettes de ces régimes ou des organismes concourant à leur financement, à l'amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ou sur l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement de ces mêmes cotisations et contributions. L'habilitation que le législateur organique tient de la Constitution l'autorise à placer de telles mesures dans le domaine exclusif des lois de financement de la sécurité sociale. L'article L.O. 111-3-16 n'est pas contraire à la Constitution. 8. Il en est de même des autres dispositions de l'article 1er de la loi organique. - - Sur l'article 2 : 9. Le paragraphe I de l'article 2 réécrit notamment la section 2 du chapitre Ier bis du titre Ier du livre Ier du code de la sécurité sociale. 10. Les articles L.O. 111-4, L.O. 111-4-1, L.O. 111-4-2, L.O. 111-4-3 et L.O. 111-4-4 de cette section modifient la liste et le contenu des rapports et annexes devant être joints au projet de loi de financement de l'année, au projet de loi de financement rectificative et au projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale. 11. L'article L.O. 111-4, qui reprend certaines dispositions de son ancien paragraphe I définissant le contenu du rapport accompagnant le projet de loi de financement de l'année, prévoit en particulier que ce rapport présente, pour chacun des exercices de la loi de programmation des finances publiques en vigueur, les écarts cumulés entre, d'une part, les prévisions de dépenses des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement et, d'autre part, les objectifs de dépenses décrits dans ce rapport ainsi que, le cas échéant, les mesures prévues par le Gouvernement pour les réduire. Ces dispositions, qui visent à améliorer l'information du Parlement, ne portent pas atteinte aux prérogatives que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution. 12. Un éventuel retard dans la mise en distribution de tout ou partie des rapports et annexes devant être joints ne saurait faire obstacle à la mise en discussion d'un projet de loi de financement. La conformité de la loi de financement à la Constitution serait alors appréciée au regard tant des exigences de la continuité de la vie nationale que de l'impératif de sincérité qui s'attache à l'examen des lois de financement pendant toute la durée de celui-ci. Il en irait de même au cas où les circonstances ne permettraient pas le dépôt de tout ou partie d'un des documents précités. 13. Sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, les articles L.O. 111-4, L.O. 111-4-1, L.O. 111-4-2, L.O. 111-4-3 et L.O. 111-4-4 du code de la sécurité sociale ne sont pas contraires à la Constitution. 14. Les autres dispositions de l'article 2 de la loi organique ne sont pas contraires à la Constitution. - Sur l'article 3 : 15. Le 3° de l'article 3 réécrit l'article L.O. 111-6 du code de la sécurité sociale afin, d'une part, d'avancer au premier mardi du mois d'octobre la date limite de dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année, y compris le rapport et les annexes mentionnés aux articles L.O. 111-4 et L.O. 111-4-1 du même code. D'autre part, il prévoit que le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale, y compris les documents prévus à l'article L.O. 111-4-4, est déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale avant le 1er juin de l'année suivant celle de l'exercice auquel il se rapporte. Ces dispositions sont sans incidence sur les délais mentionnés à l'article 47-1 de la Constitution. 16. Sous la même réserve que celle énoncée au paragraphe 12, elles sont conformes à la Constitution. 17. Le 4° de l'article 3 modifie l'article L.O. 111-7-1 du même code relatif au vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année. Il réécrit notamment le premier alinéa de son paragraphe I afin de prévoir que le projet de loi de financement de l'année ne peut être mis en discussion devant une assemblée avant l'adoption de la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale afférente à l'année qui précède celle de la discussion du projet de loi de financement. 18. Ces dispositions ne sauraient, sans porter atteinte à l'article 34 de la Constitution, faire obstacle à la mise en discussion du projet de loi de financement de l'année dès lors que le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale a été examiné. 19. Sous la réserve mentionnée au paragraphe précédent, elles ne sont pas contraires à la Constitution. 20. Les autres dispositions de l'article 3 de la loi organique ne sont pas contraires à la Constitution. - Sur l'article 4 : 21. L'article 4 modifie le premier alinéa de l'article L.O. 111-9 du code de la sécurité sociale afin notamment d'ajouter les rapporteurs généraux des commissions des affaires sociales au nombre des membres de l'Assemblée nationale et du Sénat auxquels est confiée la mission de suivi et de contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale. 22. Ces dispositions n'appellent pas de remarque de constitutionnalité. - Sur l'article 5 : 23. L'article 5 réécrit l'article L.O. 111-9-2 du code de la sécurité sociale relatif à la procédure d'adoption des décrets de relèvement des limites dans lesquelles peuvent être couverts les besoins de trésorerie de certains organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base. 24. Il prévoit, d'une part, que, en cas d'urgence, le relèvement de ces limites est désormais décidé par un décret en Conseil d'État, pris après avis des commissions parlementaires saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale ou, à défaut, après un délai de sept jours à compter de la notification à ces commissions du projet de décret. Il prévoit, d'autre part, que, en cas d'urgence et de nécessité impérieuse d'intérêt national, les décrets de relèvement sont pris en conseil des ministres, après avis du Conseil d'État et information de ces commissions. La ratification des décrets de relèvement est demandée au Parlement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale suivant. 25. Ces dispositions, qui ne portent aucune atteinte aux prérogatives constitutionnelles du pouvoir exécutif, ne sont pas contraires à la Constitution. - Sur l'article 6 : 26. L'article 6 insère dans le code de la sécurité sociale un article L.O. 111-9-2-1 qui prévoit que, lorsque, en cours d'exercice, les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale déterminées en loi de financement de la sécurité sociale sont remises en cause, le Gouvernement adresse sans délai aux commissions parlementaires saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale un rapport présentant les raisons de la dégradation de la situation financière de la sécurité sociale, les modifications projetées des tableaux d'équilibre établis dans la précédente loi de financement ainsi que la révision projetée, le cas échéant, des objectifs de dépenses par branche et de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, de même que les mesures de redressement envisagées pour l'année en cours. Ces commissions font connaître leur avis au Premier ministre sur ces modifications et mesures. 27. Ces dispositions, qui ne portent pas atteinte aux prérogatives que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution, ne sont pas contraires à la Constitution. - Sur les articles 7 et 8 : 28. L'article 7 modifie notamment le premier alinéa de l'article L.O. 132-3 du code des juridictions financières afin de prévoir que le rapport établi chaque année par la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale est joint au dépôt du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale. 29. L'article 8 modifie l'article L.O. 132-3-1 du même code afin de fixer à huit mois le délai dans lequel la Cour des comptes doit communiquer les conclusions des enquêtes qu'elle réalise à la demande des commissions parlementaires saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale. 30. Ces dispositions ne sont pas contraires à la Constitution. Il en est de même des autres dispositions de l'article 7 de la loi organique. 31. Les autres dispositions de la loi n'appellent pas de remarque de constitutionnalité. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sous les réserves énoncées ci-dessous, sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes : - sous la réserve énoncée au paragraphe 12, les articles L.O. 111-4, L.O. 111-4-1, L.O. 111-4-2, L.O. 111-4-3 et L.O. 111-4-4 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction résultant de l'article 2 de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale ; - sous la réserve énoncée au paragraphe 16, l'article L.O. 111-6 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction résultant de l'article 3 de la même loi ; - sous la réserve énoncée au paragraphe 18, l'article L.O. 111-7-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de l'article 3 de la même loi. Article 2. - Les autres dispositions de la même loi organique sont conformes à la Constitution. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 10 mars 2022
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi relative aux lois de financement de la sécurité sociale, sous le n° 2022-837 DC, le 11 février 2022, par le Premier ministre. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le Premier ministre n'invoque aucun grief particulier à l'encontre de la loi déférée. 2. Cette loi a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution. Le Conseil constitutionnel n'a soulevé d'office aucune autre question de conformité à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La procédure d'adoption de la loi relative aux lois de financement de la sécurité sociale est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 10 mars 2022.
CONSTIT/CONSTEXT000045410381.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte, sous le n° 2022-839 DC, le 18 février 2022, par le Premier ministre. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 8 mars 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le Premier ministre n'invoque aucun grief particulier à l'encontre de la loi déférée. - Sur la place de certaines dispositions dans la loi déférée : 2. Aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions introduites en méconnaissance de cette règle de procédure. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles. 3. La loi déférée a pour origine la proposition de loi déposée le 21 juillet 2021 sur le bureau de l'Assemblée nationale, première assemblée saisie, qui comportait treize articles répartis en quatre titres. Le titre Ier comportait des dispositions ayant pour objet de préciser la définition de lanceur d'alerte et de protéger les personnes physiques ou morales liées à un lanceur d'alerte. Le titre II modifiait les règles relatives aux procédures de signalement. Le titre III prévoyait différentes mesures visant à renforcer la protection des lanceurs d'alerte. Le titre IV fixait notamment la date d'entrée en vigueur de la loi. 4. L'article 11 modifie l'article 392-1 du code de procédure pénale afin de permettre au tribunal correctionnel, en cas de relaxe, de condamner la partie civile à une amende civile lorsqu'il a été saisi à l'issue d'une information ouverte sur plainte avec constitution de partie civile et qu'il estime que cette plainte était abusive ou dilatoire. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles de l'article 5 de la proposition de loi initiale visant à renforcer la protection des lanceurs d'alerte contre des mesures de représailles. 5. Ces dispositions ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans la proposition de loi déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale. 6. Sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires. - Sur les autres dispositions : 7. Le Conseil constitutionnel n'a soulevé d'office aucune autre question de conformité à la Constitution et ne s'est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - L'article 11 de la loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte est contraire à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SENERS . Rendu public le 17 mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 10 décembre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1559 du 7 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Youcef Z. par Me Karim Morand-Lahouazi, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-974 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2021-952 QPC du 3 décembre 2021 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 30 décembre 2021 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 15 février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 77-1-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi du 24 décembre 2020 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l'officier ou l'agent de police judiciaire, peut, par tout moyen, requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des informations intéressant l'enquête, y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces informations, notamment sous forme numérique, le cas échéant selon des normes fixées par voie réglementaire, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel. Lorsque les réquisitions concernent des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-5, la remise des informations ne peut intervenir qu'avec leur accord. « En cas d'absence de réponse de la personne aux réquisitions, les dispositions du second alinéa de l'article 60-1 sont applicables. « Le dernier alinéa de l'article 60-1 est également applicable. « Le procureur de la République peut, par la voie d'instructions générales prises en application de l'article 39-3, autoriser les officiers ou agents de police judiciaire, pour des catégories d'infractions qu'il détermine, à requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique, de leur remettre des informations intéressant l'enquête qui sont issues d'un système de vidéoprotection. Le procureur est avisé sans délai de ces réquisitions. Ces instructions générales ont une durée qui ne peut excéder six mois. Elles peuvent être renouvelées ». 2. Le requérant reproche à ces dispositions de permettre au procureur de la République, sans contrôle préalable d'une juridiction indépendante, de requérir des données de connexion. Ce faisant, ces dispositions méconnaîtraient le droit au respect de la vie privée, ainsi que les droits de la défense et le droit à un recours juridictionnel effectif. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « , y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, » figurant à la première phrase du premier alinéa de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale. 4. Aux termes du troisième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». 5. L'autorité des décisions visées par cette disposition s'attache non seulement à leur dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et en constituent le fondement même. Elle fait obstacle à ce que le Conseil soit saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la même version d'une disposition déclarée contraire à la Constitution, sauf changement des circonstances. 6. Dans sa décision du 3 décembre 2021 mentionnée ci-dessus, le Conseil constitutionnel a déclaré les mots « , y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, » figurant à la première phrase du premier alinéa de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi du 24 décembre 2020, contraires à la Constitution et décidé de reporter leur abrogation au 31 décembre 2022. 7. Dès lors, en l'absence de changement des circonstances, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Il n'y a pas lieu de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les mots « , y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, » figurant à la première phrase du premier alinéa de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 février 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 25 février 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 18 février 2022, par le Premier ministre, sous le n° 2022-838 DC, conformément au cinquième alinéa de l'article 46 et au premier alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la directive 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union ; - la loi organique n° 2011‑333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits ; - la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ; Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 8 mars 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a été prise sur le fondement de l'article 71-1 de la Constitution. Elle a été adoptée dans le respect des règles de procédure prévues par les trois premiers alinéas de son article 46. - Sur l'article 1er : 2. Le 1° de l'article 1er de la loi déférée modifie l'article 4 de la loi organique du 29 mars 2011 mentionnée ci-dessus afin d'étendre la compétence du Défenseur des droits à l'égard des personnes signalant une alerte en le chargeant, d'une part, de les informer et de les conseiller et, d'autre part, de défendre leurs droits ainsi que ceux des personnes protégées dans le cadre d'une procédure d'alerte. 3. En premier lieu, en l'absence de mise en cause d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, le Conseil constitutionnel n'est pas compétent pour contrôler la conformité à la Constitution de dispositions législatives qui se bornent à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises d'une directive. 4. L'article 20 de la directive du 23 octobre 2019 mentionnée ci-dessus prévoit que les États membres veillent à ce que les personnes signalant certaines violations du droit de l'Union bénéficient d'informations et de conseils sur les procédures et les recours disponibles, d'une assistance effective de la part des autorités compétentes ainsi que d'une assistance juridique dans le cadre des procédures pénales et civiles transfrontières. Il prévoit que ces mesures de soutien peuvent être apportées par un centre d'information ou une autorité administrative indépendante unique et clairement identifiée. 5. Ainsi, cet article est relatif aux mesures de soutien apportées aux seules personnes qui signalent des violations du droit de l'Union et ne détermine pas l'autorité compétente pour mettre en œuvre ces mesures. 6. Dès lors, le Conseil constitutionnel est compétent pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des dispositions de l'article 1er de la loi organique en ce qu'elles chargent le Défenseur des droits d'informer et de conseiller les personnes signalant toute alerte ainsi que de défendre leurs droits et ceux des personnes protégées dans le cadre d'une procédure d'alerte. 7. En second lieu, les dispositions de l'article 71-1 de la Constitution permettent au Défenseur des droits d'aider toute personne s'estimant victime d'une discrimination à identifier les procédures adaptées à son cas. Il était donc loisible au législateur organique, qui a estimé que les lanceurs d'alerte et les personnes protégées dans le cadre d'une procédure d'alerte courent le risque d'être discriminés par l'organisme faisant l'objet du signalement, de charger le Défenseur des droits d'informer et de conseiller les personnes ayant signalé une alerte ainsi que de défendre leurs droits et ceux des personnes protégées dans le cadre d'une procédure d'alerte. 8. Les dispositions du 1° de l'article 1er de la loi organique sont conformes à la Constitution. Il en est de même des autres dispositions de cet article 1er. - Sur l'article 2 : 9. L'article 2 complète le paragraphe I de l'article 11 de la loi organique du 29 mars 2011 afin de prévoir qu'un adjoint chargé de l'accompagnement des lanceurs d'alerte est placé auprès du Défenseur des droits. 10. Cet adjoint, nommé sur proposition du Défenseur des droits et placé sous son autorité, peut recevoir certaines délégations dans son domaine de compétence. Ces délégations n'ont pas pour effet de dessaisir le Défenseur des droits de ses attributions. 11. En vertu du deuxième alinéa du paragraphe I de l'article 11, le Premier ministre nomme les adjoints du Défenseur des droits sur proposition de ce dernier. Ces dispositions assurent l'indépendance du Défenseur des droits. Cette indépendance implique que le Premier ministre mette fin aux fonctions de l'adjoint chargé de l'accompagnement des lanceurs d'alerte également sur la proposition du Défenseur des droits. 12. Sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, l'article 2 est conforme à la Constitution. - Sur l'article 3 : 13. L'article 3 de la loi déférée insère au sein de la loi organique du 29 mars 2011 un article 35-1 qui prévoit notamment que le Défenseur des droits peut être saisi par toute personne pour rendre un avis sur sa qualité de lanceur d'alerte au regard des conditions fixées aux articles 6 et 8 de la loi du 9 décembre 2016 mentionnée ci-dessus. 14. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au paragraphe 7, le législateur organique a pu donner mission au Défenseur des droits pour exercer cette compétence. 15. En second lieu, les dispositions de l'article 3 n'ont ni pour objet ni pour effet de limiter le pouvoir reconnu aux juridictions pour apprécier la qualité de lanceur d'alerte ni de priver une personne du droit de former un recours contre l'avis du Défenseur des droits dans le cas où il aurait des effets notables ou une influence significative sur sa situation. 16. L'article 3 de la loi organique est conforme à la Constitution. 17. Les autres dispositions de la loi organique sont conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sous la réserve énoncée au paragraphe 11, l'article 2 de la loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte déférée est conforme à la Constitution. Article 2. - Les autres dispositions de la loi organique déférée sont conformes à la Constitution. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SENERS . Rendu public le 17 mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - le décret n° 2022-66 du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision n° 2021-150 ORGA du 21 octobre 2021 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; Après avoir procédé aux vérifications ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Figure en annexe de la présente décision la liste des citoyens qui, outre ceux mentionnés dans les décisions n° 2022-175 PDR du 1er février 2022, n° 2022-176 PDR du 3 février 2022, n° 2022-177 PDR du 8 février 2022, n° 2022-178 PDR du 10 février 2022, n° 2022-179 PDR du 15 février 2022, n° 2022-180 PDR du 17 février 2022, n° 2022-181 PDR du 22 février 2022, n° 2022-182 PDR du 24 février 2022 et n° 2022-183 PDR du 1er mars 2022, ont, en tant qu'élus habilités, valablement présenté un candidat à l'élection du Président de la République. Article 2. - Cette liste sera publiée sur le site internet du Conseil constitutionnel. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 3 mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - le décret n° 2022-66 du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision n° 2021-150 ORGA du 21 octobre 2021 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; Après avoir procédé aux vérifications ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Figure en annexe de la présente décision la liste des citoyens qui, outre ceux mentionnés dans les décisions n° 2022-175 PDR du 1er février 2022, n° 2022-176 PDR du 3 février 2022, n° 2022-177 PDR du 8 février 2022, n° 2022-178 PDR du 10 février 2022, n° 2022-179 PDR du 15 février 2022, n° 2022-180 PDR du 17 février 2022, n° 2022-181 PDR du 22 février 2022 et n° 2022-182 PDR du 24 février 2022, ont, en tant qu'élus habilités, valablement présenté un candidat à l'élection du Président de la République. Article 2. - Cette liste sera publiée sur le site internet du Conseil constitutionnel. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 1er mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - le décret n° 2022-66 du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision n° 2021-150 ORGA du 21 octobre 2021 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; Après avoir procédé aux vérifications ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Figure en annexe de la présente décision la liste des citoyens qui, outre ceux mentionnés dans les décisions n° 2022-175 PDR du 1er février 2022, n° 2022-176 PDR du 3 février 2022 et n° 2022-177 PDR du 8 février 2022, ont, en tant qu'élus habilités, valablement présenté un candidat à l'élection du Président de la République. Article 2. - Cette liste sera publiée sur le site internet du Conseil constitutionnel. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 février 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 10 février 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - le décret n° 2022-66 du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision n° 2021-150 ORGA du 21 octobre 2021 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; Après avoir procédé aux vérifications ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Figure en annexe de la présente décision la liste des citoyens qui, outre ceux mentionnés dans les décisions n° 2022-175 PDR du 1er février 2022 et n° 2022-176 PDR du 3 février 2022, ont, en tant qu'élus habilités, valablement présenté un candidat à l'élection du Président de la République. Article 2. - Cette liste sera publiée sur le site internet du Conseil constitutionnel. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 février 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 8 février 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - le décret n° 2022-66 du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision n° 2021-150 ORGA du 21 octobre 2021 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; Après avoir procédé aux vérifications ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Figure en annexe de la présente décision la liste des citoyens qui, outre ceux mentionnés dans les décisions n° 2022-175 PDR du 1er février 2022, n° 2022-176 PDR du 3 février 2022, n° 2022-177 PDR du 8 février 2022 et n° 2022-178 PDR du 10 février 2022, ont, en tant qu'élus habilités, valablement présenté un candidat à l'élection du Président de la République. Article 2. - Cette liste sera publiée sur le site internet du Conseil constitutionnel. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 février 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 15 février 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - le décret n° 2022-66 du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision n° 2021-150 ORGA du 21 octobre 2021 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; Après avoir procédé aux vérifications ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Figure en annexe de la présente décision la liste des citoyens qui, outre ceux mentionnés dans les décisions n° 2022-175 PDR du 1er février 2022, n° 2022-176 PDR du 3 février 2022, n° 2022-177 PDR du 8 février 2022, n° 2022-178 PDR du 10 février 2022 et n° 2022-179 PDR du 15 février 2022, ont, en tant qu'élus habilités, valablement présenté un candidat à l'élection du Président de la République. Article 2. - Cette liste sera publiée sur le site internet du Conseil constitutionnel. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 février 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD et François PILLET. Rendu public le 17 février 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - le décret n° 2022-66 du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision n° 2021-150 ORGA du 21 octobre 2021 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; Après avoir procédé aux vérifications ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Figure en annexe de la présente décision la liste des citoyens qui, outre ceux mentionnés dans les décisions n° 2022-175 PDR du 1er février 2022, n° 2022-176 PDR du 3 février 2022, n° 2022-177 PDR du 8 février 2022, n° 2022-178 PDR du 10 février 2022, n° 2022-179 PDR du 15 février 2022 et n° 2022-180 PDR du 17 février 2022, ont, en tant qu'élus habilités, valablement présenté un candidat à l'élection du Président de la République. Article 2. - Cette liste sera publiée sur le site internet du Conseil constitutionnel. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 février 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 22 février 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, sous le n° 2022-835 DC, le 17 janvier 2022, par Mme Mathilde PANOT, MM. André CHASSAIGNE, Bertrand PANCHER, Alain BRUNEEL, Mme Marie-George BUFFET, MM. Pierre DHARRÉVILLE, Jean-Paul DUFRÈGNE, Mme Elsa FAUCILLON, MM. Sébastien JUMEL, Jean-Paul LECOQ, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Hubert WULFRANC, Jean-Philippe NILOR, Moetai BROTHERSON, Mmes Manuéla KÉCLARD-MONDÉSIR, Karine LEBON, Clémentine AUTAIN, MM. Ugo BERNALICIS, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Mme Caroline FIAT, MM. Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, Jean-Luc MÉLENCHON, Mme Danièle OBONO, MM. Loïc PRUD'HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean-Hugues RATENON, Mmes Muriel RESSIGUIER, Sabine RUBIN, M. François RUFFIN, Mme Bénédicte TAURINE, MM. Jean-Félix ACQUAVIVA, Jean-Michel CLÉMENT, Paul-André COLOMBANI, Charles de COURSON, Mme Frédérique DUMAS, MM. François-Michel LAMBERT, Jean LASSALLE, Paul MOLAC, Sébastien NADOT, Mme Jennifer De TEMMERMAN, MM. Michel ZUMKELLER, Pascal BRINDEAU, Grégory LABILLE, Mme Agnès THILL, MM. Jérôme LAMBERT, Guillaume CHICHE, Mmes Delphine BAGARRY, Émilie CARIOU, MM. Aurélien TACHÉ, Régis JUANICO, Hubert JULIEN-LAFERRIÈRE, Mme Albane GAILLOT, M. André VILLIERS, Mme Nicole SANQUER, MM. Olivier FALORNI, Michel CASTELLANI, Xavier BRETON, le 18 janvier 2022, par M. Pierre MOREL-À-L'HUISSIER et, le 19 janvier 2022, par Mme Martine WONNER, députés. Il a également été saisi, le même jour, par MM. Patrick KANNER, David ASSOULINE, Joël BIGOT, Hussein BOURGI, Mme Isabelle BRIQUET, M. Rémi CARDON, Mme Marie-Arlette CARLOTTI, MM. Yan CHANTREL, Gilbert-Luc DEVINAZ, Jérôme DURAIN, Vincent ÉBLÉ, Jean-Luc FICHET, Mme Martine FILLEUL, MM. Hervé GILLÉ, Jean-Michel HOULLEGATTE, Éric JEANSANNETAS, Bernard JOMIER, Éric KERROUCHE, Mme Annie LE HOUEROU, MM. Jean-Yves LECONTE, Jean-Jacques LOZACH, Didier MARIE, Serge MÉRILLOU, Mme Michelle MEUNIER, M. Jean-Jacques MICHAU, Mme Marie-Pierre MONIER, M. Sebastien PLA, Mme Angèle PRÉVILLE, MM. Christian REDON-SARRAZY, Lucien STANZIONE, Jean-Pierre SUEUR, Jean-Claude TISSOT, Mickaël VALLET, André VALLINI, Yannick VAUGRENARD, Maurice ANTISTE, Mmes Viviane ARTIGALAS, Florence BLATRIX CONTAT, Nicole BONNEFOY, M. Denis BOUAD, Mmes Catherine CONCONNE, Hélène CONWAY-MOURET, M. Thierry COZIC, Mmes Marie-Pierre de la GONTRIE, Frédérique ESPAGNAC, M. Rémi FÉRAUD, Mmes Corinne FÉRET, Laurence HARRIBEY, M. Olivier JACQUIN, Mme Victoire JASMIN, M. Patrice JOLY, Mmes Gisèle JOURDA, Monique LUBIN, MM. Victorin LUREL, Jacques-Bernard MAGNER, Franck MONTAUGÉ, Mme Émilienne POUMIROL, M. Claude RAYNAL, Mme Sylvie ROBERT, M. Gilbert ROGER, Mme Laurence ROSSIGNOL, MM. Rachid TEMAL, Jean-Marc TODESCHINI et Mme Sabine VAN HEGHE, sénateurs. Le 18 janvier 2022, le Premier ministre a demandé au Conseil constitutionnel de statuer selon la procédure d'urgence prévue au troisième alinéa de l'article 61 de la Constitution. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de la santé publique ; - la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions ; - la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire ; - le décret n° 2021-1828 du 27 décembre 2021 déclarant l'état d'urgence sanitaire dans certains territoires de la République ; - le décret n° 2022-9 du 5 janvier 2022 déclarant l'état d'urgence sanitaire dans certains territoires de la République ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2021-819 DC du 31 mai 2021 ; Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 18 janvier 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique. Ils contestent la conformité à la Constitution de certaines dispositions de son article 1er. Les députés requérants contestent également son article 16. - Sur certaines dispositions de l'article 1er : . En ce qui concerne les dispositions subordonnant l'accès à certains lieux, établissements, services ou événements à la présentation d'un « passe vaccinal » : 2. L'article 1er de la loi déférée modifie le A du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 mentionnée ci-dessus afin notamment de permettre au Premier ministre de subordonner l'accès à certains lieux à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, dit « passe vaccinal ». 3. En premier lieu, les députés et sénateurs requérants font valoir que ces dispositions méconnaîtraient la liberté d'aller et de venir, la liberté de se réunir et le droit d'expression collective des idées et des opinions. Les députés requérants soutiennent en outre qu'elles méconnaîtraient le droit au respect de la vie privée, le droit de mener une vie familiale normale, le droit à l'emploi ainsi que l'intérêt supérieur de l'enfant. 4. Au soutien de ces griefs, les députés requérants estiment que ces dispositions doivent être regardées comme instaurant une obligation vaccinale qui, au regard des effets et de l'état d'avancement des vaccins, ne serait ni nécessaire ni proportionnée. À cet égard, ils soutiennent en particulier que l'application de ces dispositions aux mineurs de plus de seize ans ne serait pas justifiée dès lors que ces derniers ne développeraient que rarement des formes graves de la maladie. Ils estiment également que le « motif impérieux d'ordre familial ou de santé » qui permet, par exception, d'accéder aux transports publics interrégionaux sans présenter un justificatif de statut vaccinal serait imprécis et trop restrictif, en particulier pour les déplacements de ces mineurs et les déplacements professionnels. 5. Au soutien de leurs griefs, les sénateurs requérants font valoir que ces dispositions conduiraient à exiger la présentation d'un justificatif vaccinal par des personnes qui ne sont pas en mesure de se faire vacciner pour avoir déjà contracté le virus ou présenter une contre-indication à la vaccination. 6. En second lieu, les députés requérants soutiennent que, en renvoyant au pouvoir réglementaire la détermination des cas dans lesquels un certificat de rétablissement ou un justificatif d'engagement dans un schéma vaccinal pourrait se substituer à la présentation d'un « passe vaccinal », ainsi que des cas dans lesquels il pourrait être exigé à la fois un justificatif de statut vaccinal et le résultat négatif d'un examen de dépistage virologique, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence. 7. Aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation « garantit à tous … la protection de la santé ». Il en découle un objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. 8. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre cet objectif de valeur constitutionnelle et le respect des droits et libertés constitutionnellement garantis. Parmi ces droits et libertés figurent la liberté d'aller et de venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le droit au respect de la vie privée garanti par cet article 2, ainsi que le droit d'expression collective des idées et des opinions résultant de l'article 11 de cette déclaration. 9. Les dispositions contestées prévoient que le Premier ministre peut subordonner à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 l'accès des personnes âgées d'au moins seize ans à certains lieux, établissements, services ou événements où sont exercées des activités de loisirs et des activités de restauration ou de débit de boissons ainsi qu'aux foires, séminaires et salons professionnels, aux transports publics interrégionaux pour des déplacements de longue distance et à certains grands magasins et centres commerciaux. 10. Ces dispositions, qui sont susceptibles de limiter l'accès à certains lieux, portent atteinte à la liberté d'aller et de venir et, en ce qu'elles sont de nature à restreindre la liberté de se réunir, au droit d'expression collective des idées et des opinions. 11. Toutefois, en premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures visant à lutter contre l'épidémie de covid-19 par le recours à la vaccination. Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. 12. D'une part, le législateur a estimé que, en l'état des connaissances scientifiques dont il disposait et qui sont notamment corroborées par les avis du comité de scientifiques du 24 décembre 2021 et du 13 janvier 2022, les personnes vaccinées présentent des risques de transmission du virus de la covid-19 et de développement d'une forme grave de la maladie bien plus faibles que les personnes non vaccinées. 13. D'autre part, les mesures permises par les dispositions contestées ne peuvent être prononcées que jusqu'au 31 juillet 2022, période durant laquelle le législateur a estimé, au regard de la dynamique de l'épidémie, du rythme prévisible de la campagne de vaccination et de l'apparition de nouveaux variants du virus plus contagieux, que persisterait un risque important de propagation de l'épidémie. 14. Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause l'appréciation par le législateur de ce risque ni de rechercher si l'objectif de protection de la santé aurait pu être atteint par d'autres voies, dès lors que, comme c'est le cas en l'espèce, ni cette appréciation ni les modalités retenues par la loi, qui impose de mettre fin aux mesures qu'elle permet dès qu'elles ne sont plus nécessaires, ne sont pas, en l'état des connaissances, manifestement inadéquates au regard de l'objectif poursuivi et de la situation présente. 15. En deuxième lieu, d'une part, en prévoyant l'application de ces mesures aux foires, séminaires et salons professionnels, aux déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux ainsi qu'aux grands magasins et centres commerciaux, le législateur a réservé leur application à des activités qui mettent en présence simultanément un nombre important de personnes en un même lieu et présentent ainsi un risque accru de propagation du virus. De même, en prévoyant l'application de ces mêmes mesures aux activités de loisirs, de restauration ou de débit de boissons à l'exception de la restauration collective, de la vente à emporter de plats préparés et de la restauration professionnelle routière et ferroviaire, le législateur a circonscrit leur application à des lieux dans lesquels l'activité exercée présente, par sa nature même, un risque particulier de diffusion du virus. 16. D'autre part, le législateur a entouré de plusieurs garanties l'application de ces mesures. S'agissant de leur application aux grands magasins et centres commerciaux, il a prévu qu'elles devaient garantir l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi qu'aux moyens de transport accessibles dans l'enceinte de ces magasins et centres. Il a prévu également qu'elles ne pouvaient être décidées qu'au-delà d'un certain seuil défini par décret et par une décision motivée du représentant de l'État dans le département lorsque les caractéristiques de ces lieux et la gravité des risques de contamination le justifient. S'agissant des déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux, le législateur a prévu que, en cas d'urgence faisant obstacle à l'obtention du justificatif requis, aucun document sanitaire n'est exigé et, par des dispositions qui ne sont pas imprécises, que l'exigence de présentation d'un « passe vaccinal » est remplacée par celle de présentation d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination à la covid-19 en cas de « motif impérieux d'ordre familial ou de santé ». Par ailleurs, comme le Conseil constitutionnel l'a jugé dans sa décision du 31 mai 2021 mentionnée ci-dessus, la notion « d'activité de loisirs » exclut notamment une activité politique, syndicale ou cultuelle. 17. En outre, les mesures contestées ne peuvent être prises que dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre l'épidémie de covid-19 et si la situation sanitaire le justifie au regard de la circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé, appréciées en tenant compte des indicateurs sanitaires tels que le taux de vaccination, le taux de positivité des tests de dépistage, le taux d'incidence ou le taux de saturation des lits de réanimation. Elles doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. 18. En troisième lieu, d'une part, si les dispositions contestées prévoient que l'accès du public à certains lieux peut être subordonné à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal, ces dispositions ne sauraient être regardées, eu égard à la nature des lieux et des activités qui y sont exercées, comme instaurant une obligation de vaccination. 19. D'autre part, le législateur a prévu qu'un décret, pris après avis de la Haute autorité de santé, déterminera les cas de contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination et permettant la délivrance aux personnes concernées d'un document pouvant être présenté dans les lieux, services ou établissements où sera exigée la présentation d'un « passe vaccinal ». En outre, le législateur a prévu qu'un décret déterminera les conditions dans lesquelles un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 pourra se substituer au justificatif de statut vaccinal. Ce faisant, il a exclu que puisse être exigée la présentation d'un justificatif de statut vaccinal par des personnes qui ne peuvent pas, pour des raisons médicales, être vaccinées. 20. Enfin, si le législateur a prévu que le Premier ministre pourrait dans certains cas prévoir que serait exigée la présentation cumulée d'un justificatif de statut vaccinal et du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, il n'a réservé une telle possibilité que pour les activités qui, par leur nature même, ne permettent pas de garantir la mise en œuvre des mesures de nature à prévenir les risques de propagation de la covid-19. Ces dispositions ne sauraient toutefois, sans méconnaître la liberté d'aller et de venir, s'appliquer aux déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux. 21. En quatrième lieu, le législateur a prévu qu'un décret déterminera les conditions dans lesquelles un justificatif d'engagement dans un schéma vaccinal vaudra, sous réserve de la présentation du résultat négatif d'un examen de dépistage virologique, justificatif de statut vaccinal. 22. En dernier lieu, le législateur a pu estimer, en l'état des connaissances scientifiques dont il disposait, que les mineurs de plus de seize ans sont, comme les majeurs, vecteurs de la diffusion du virus et prévoir en conséquence de leur appliquer l'obligation de présentation d'un « passe vaccinal » pour l'accès à certains lieux. 23. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative, opèrent, sous la réserve énoncée au paragraphe 20, une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées. 24. Par conséquent, les mots « Subordonner à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 l'accès des personnes âgées d'au moins seize ans à certains lieux, » figurant au premier alinéa du 2° du A du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, les mots « motif impérieux d'ordre familial ou de santé, sous réserve de présenter le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19. Le présent e n'est pas applicable en cas d'urgence faisant obstacle à l'obtention du justificatif requis » figurant au e du même 2°, le vingtième alinéa du A du paragraphe II du même article 1er ainsi que, sous la réserve énoncée au paragraphe 20, son dix-neuvième alinéa, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution. . En ce qui concerne les obligations imposées au titre du « passe vaccinal» à certains salariés et agents publics : 25. L'article 1er de la loi déférée modifie le A du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 afin notamment de permettre au Premier ministre de subordonner l'exercice de certaines activités à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19. 26. Les députés requérants soutiennent que ces dispositions instaureraient une obligation vaccinale qui méconnaîtrait le droit à l'emploi. 27. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés constitutionnellement garantis. Parmi ces droits et libertés figurent la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, et le droit pour chacun d'obtenir un emploi qui résulte du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. 28. Les dispositions contestées prévoient que le Premier ministre peut subordonner à la présentation d'un « passe vaccinal » l'accès des personnes qui travaillent dans les lieux où sont exercées des activités de loisirs ou de restauration commerciale, dans les foires, séminaires et salons professionnels, dans les transports publics interrégionaux ainsi que dans certains grands magasins et centres commerciaux. Dans ce cas, les personnes qui ne satisfont pas à cette obligation peuvent voir leur contrat de travail suspendu. 29. Eu égard à leurs conséquences pour les professionnels concernés, ces dispositions doivent être regardées comme les soumettant à une obligation ayant la même portée qu'une obligation de vaccination contre la covid-19. 30. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a, ainsi qu'il a été dit au paragraphe 11, poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. 31. En deuxième lieu, il a estimé, en l'état des connaissances scientifiques dont il disposait et qui sont notamment corroborées par les avis du comité de scientifiques du 24 décembre 2021 et du 13 janvier 2022, que les personnes vaccinées présentent des risques de transmission du virus de la covid-19 et de développement d'une forme grave de la maladie bien plus faibles que les personnes non vaccinées. 32. Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause, au regard de l'état des connaissances scientifiques, les dispositions prises par le législateur ni de rechercher si l'objectif de protection de la santé que s'est assigné le législateur aurait pu être atteint par d'autres voies, dès lors que, comme c'est le cas en l'espèce, les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé. 33. En troisième lieu, d'une part, les dispositions contestées ne s'appliquent, ainsi qu'il a été dit au paragraphe 15, qu'à des lieux où sont exercées des activités qui mettent en présence simultanément un nombre important de personnes en un même lieu et présentent ainsi un risque accru de propagation du virus ou qui présentent, par leur nature même, un risque particulier de diffusion du virus. 34. D'autre part, ces dispositions prévoient que l'exigence de présentation d'un « passe vaccinal » peut être prononcée par le Premier ministre à l'égard des personnes qui travaillent dans de tels lieux uniquement lorsque la gravité des risques de contamination en lien avec l'exercice de leur activité professionnelle le justifie, au regard notamment de la densité de population observée ou prévue. Le paragraphe IV de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 prévoit que cette exigence doit être strictement proportionnée aux risques sanitaires encourus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu. Il appartient ainsi au pouvoir réglementaire de restreindre l'application de ces dispositions aux seules personnes occupant des postes et fonctions qui se trouvent effectivement exposés à un risque particulier de contamination. 35. Enfin, au demeurant, le législateur a, ainsi qu'il a été dit au paragraphe 19, exclu que puisse être exigée la présentation d'un justificatif de statut vaccinal par des personnes qui ne peuvent pas, pour des raisons médicales, être vaccinées. 36. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées opèrent une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées. 37. Par conséquent, le dix-huitième alinéa du A du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution. . En ce qui concerne la production d'un document officiel lors du contrôle de la détention du « passe vaccinal » et du « passe sanitaire » : 38. Le paragraphe I de l'article 1er complète le B du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 afin de permettre aux personnes et services autorisés à contrôler la détention d'un « passe » vaccinal ou sanitaire de demander à son détenteur la production d'un document officiel comportant sa photographie lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que le document présenté ne se rattache pas à la personne qui le présente. 39. Les sénateurs et députés requérants soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient l'article 12 de la Déclaration de 1789 au motif qu'elles conduiraient à déléguer à des personnes privées des missions de police administrative. Les sénateurs requérants leur reprochent en outre de méconnaître le droit au respect de la vie privée en permettant à ces personnes d'accéder à des données personnelles. 40. En premier lieu, selon l'article 12 de la Déclaration de 1789 : « La garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ». Il en résulte l'interdiction de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l'exercice de la « force publique » nécessaire à la garantie des droits. 41. Les dispositions contestées se bornent à permettre à l'exploitant d'un lieu dont l'accès est soumis à la présentation d'un « passe » vaccinal ou sanitaire de demander à une personne qui souhaite y accéder de produire un document officiel comportant sa photographie, aux seules fins de vérifier la concordance entre les éléments d'identité mentionnés sur ces documents. Le refus de la personne de produire un tel document ne peut avoir pour autre conséquence que l'impossibilité pour elle d'accéder à ce lieu. 42. Dès lors, les dispositions contestées ne délèguent pas des compétences de police administrative générale inhérentes à l'exercice de la « force publique » nécessaire à la garantie des droits. Le grief tiré de la méconnaissance des exigences découlant de l'article 12 de la Déclaration de 1789 doit donc être écarté. 43. En deuxième lieu, d'une part, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu assurer l'effectivité de l'obligation de détention d'un « passe » vaccinal ou sanitaire pour l'accès à certains lieux. Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. 44. D'autre part, en application de ces dispositions, la personne contrôlée ne peut se voir inviter à produire qu'un document officiel comportant sa photographie et des éléments d'identité figurant également sur son « passe » vaccinal ou sanitaire. Il est fait interdiction aux personnes et services autorisés à demander la production d'un tel document de le conserver ou de le réutiliser ainsi que les informations qu'il contient, sous peine de sanctions pénales. 45. Le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée doit dès lors être écarté. 46. En dernier lieu, la mise en œuvre des dispositions contestées ne saurait, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi, s'opérer qu'en se fondant sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes. 47. Il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, le dernier alinéa du B du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution. . En ce qui concerne la répression des manquements aux obligations de contrôle de la détention d'un « passe vaccinal » ou d'un « passe sanitaire » : 48. Le paragraphe I de l'article 1er réécrit la dernière phrase du troisième alinéa du D du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 afin de réprimer, dès le premier manquement, le défaut de contrôle de la détention du « passe » vaccinal ou sanitaire par l'exploitant d'un lieu ou d'un établissement ou le professionnel responsable d'un événement soumis à cette obligation. 49. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de prévoir des peines disproportionnées au regard des manquements susceptibles d'être reprochés à ces professionnels. 50. Selon l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». 51. L'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue. 52. En application du troisième alinéa du D du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, l'exploitant d'un lieu ou d'un établissement ou le professionnel responsable d'un événement qui ne contrôle pas la détention d'un « passe sanitaire » par les personnes qui souhaitent y accéder est mis en demeure par l'autorité administrative, sauf en cas d'urgence ou d'événement ponctuel, de se conformer à cette obligation. La dernière phrase de cet alinéa prévoit que, lorsqu'un tel manquement est constaté à plus de trois reprises au cours d'une période de quarante-cinq jours, l'exploitant ou le professionnel peut être condamné à un an d'emprisonnement et à 9 000 euros d'amende. 53. Les dispositions contestées réécrivent cette dernière phrase afin de prévoir que le manquement aux obligations de contrôle de la détention du « passe » vaccinal ou sanitaire est sanctionné dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 3136-1 du code de la santé publique réprimant la violation des mesures de mise en quarantaine et de placement ou de maintien en isolement. Il s'ensuit qu'un tel manquement sera désormais puni, dès la première infraction, de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. 54. Au regard de la nature du comportement réprimé, les peines instituées par les dispositions contestées ne sont pas manifestement disproportionnées. 55. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines doit être écarté. 56. Par conséquent, le mot « troisième » figurant à la dernière phrase du troisième alinéa du D du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution. . En ce qui concerne la cause d'extinction de l'action publique applicable à certaines infractions relatives au défaut de détention régulière du « passe vaccinal » ou du « passe sanitaire » : 57. Le paragraphe I de l'article 1er insère un D bis au sein du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 afin de créer une cause d'extinction de l'action publique bénéficiant aux personnes qui, postérieurement à la commission d'une infraction relative au défaut de détention régulière d'un « passe » vaccinal ou sanitaire, justifient s'être fait administrer une dose de l'un des vaccins contre la covid-19. 58. Les sénateurs requérants reprochent à ces dispositions d'instituer un « droit de repentir » dans des conditions qui porteraient atteinte au principe d'égalité devant la loi pénale et au principe d'indépendance des juridictions protégé par l'article 16 de la Déclaration de 1789 et l'article 64 de la Constitution. 59. Il résulte des articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789 que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant aux conditions d'extinction de l'action publique. 60. Les dispositions contestées prévoient que l'action publique pour l'application des peines encourues en cas de méconnaissance de l'obligation de présentation d'un « passe » vaccinal ou sanitaire, de présentation d'un « passe » appartenant à autrui et d'usage ou de détention d'un faux « passe » en vue de son usage personnel est éteinte si, dans un délai de trente jours à compter de la date de l'infraction, la personne concernée justifie s'être fait administrer une dose de vaccin contre la covid‑19 prise en compte pour la délivrance du justificatif de statut vaccinal. 61. Ces dispositions s'appliquent à toute personne ayant commis l'une des infractions visées, quelle que soit la procédure susceptible d'être mise en œuvre à son encontre. Elles n'instaurent ainsi en elles-mêmes aucune distinction entre les justiciables. 62. Au demeurant, ces dispositions n'ont pas vocation à s'appliquer aux personnes présentant une contre-indication médicale à la vaccination contre la covid-19 et qui disposent d'un certificat médical de contre-indication vaccinale. 63. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la procédure pénale ne peut donc qu'être écarté. 64. Par conséquent, la première phrase du D bis du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, qui ne méconnaît pas non plus les principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution. . En ce qui concerne les dispositions permettant de subordonner l'accès à une réunion politique à la présentation d'un « passe sanitaire » : 65. Les quatrième et cinquième alinéas du g du 2° du paragraphe I de l'article 1er de la loi complètent le F du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 afin de permettre à la personne responsable de l'organisation d'une réunion politique d'en subordonner l'accès à la présentation d'un « passe sanitaire ». 66. Les députés auteurs du premier recours font valoir que ces dispositions méconnaîtraient, d'une part, le droit d'expression collective des idées et des opinions, dès lors qu'elles conduiraient à obliger les personnes non vaccinées à effectuer un test de dépistage payant pour se rendre à une réunion politique et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée au motif qu'elles obligeraient les personnes se rendant à une réunion politique à révéler leur identité. 67. Les sénateurs auteurs du second recours demandent au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité à la Constitution de ces dispositions, notamment au regard du droit d'expression collective des idées et des opinions ainsi que du principe du pluralisme des courants d'idées et d'opinions. 68. Aux termes de l'article 11 de la Déclaration de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». La liberté d'expression et de communication, dont découle le droit d'expression collective des idées et des opinions, est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés. Il s'ensuit que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté et de ce droit doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi. 69. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés constitutionnellement garantis. Parmi ces droits et libertés figurent le droit au respect de la vie privée garanti par l'article 2 de la Déclaration de 1789, ainsi que le droit d'expression collective des idées et des opinions résultant de l'article 11 de cette déclaration. 70. Les dispositions du F du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 prévoient que, hors les cas où le Premier ministre a subordonné l'accès de certains lieux à la présentation d'un « passe » vaccinal ou sanitaire, nul ne peut exiger la présentation d'un tel document pour l'accès à d'autres lieux. 71. Les dispositions contestées prévoient que, par dérogation, la personne responsable de l'organisation d'une réunion politique peut en subordonner l'accès à la présentation soit du résultat négatif d'un examen de dépistage virologique, soit d'un justificatif de statut vaccinal, soit d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination. 72. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu permettre que soit subordonné à la présentation d'un « passe sanitaire » l'accès à des réunions qui présentent un risque accru de propagation de l'épidémie du fait de la rencontre ponctuelle d'un nombre important de personnes susceptibles de venir de lieux éloignés. Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. 73. Toutefois, contrairement aux dispositions qui précisent les conditions dans lesquelles le Premier ministre peut subordonner l'accès de certains lieux à la présentation de documents sanitaires, les dispositions contestées n'ont soumis l'édiction de telles mesures par l'organisateur de la réunion politique ni à la condition qu'elles soient prises dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre l'épidémie de covid-19, ni à celle que la situation sanitaire les justifie au regard de la circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé, ni même à celle que ces mesures soient strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. 74. Dans ces conditions, les dispositions contestées n'opèrent pas une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées. 75. Par conséquent, les quatrième et cinquième alinéas du g du 2° du paragraphe I de l'article 1er de la loi déférée sont contraires à la Constitution. . En ce qui concerne la prorogation de l'état d'urgence sanitaire dans certains territoires d'outre-mer : 76. Le 4° du paragraphe I de l'article 1er de la loi réécrit l'article 3 de la loi du 31 mai 2021 afin notamment de proroger jusqu'au 31 mars 2022 l'état d'urgence sanitaire déclaré, d'une part, sur les territoires de la Martinique et de La Réunion par le décret du 27 décembre 2021 mentionné ci-dessus et, d'autre part, sur ceux de la Guadeloupe, de la Guyane, de Mayotte, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin par le décret du 5 janvier 2022 mentionné ci-dessus. 77. Selon les députés requérants, en prorogeant ce régime sur ces territoires, ces dispositions permettraient la mise en œuvre de mesures qui porteraient, au regard de leur durée et de la situation sanitaire sur ces territoires, une atteinte disproportionnée aux droits et libertés constitutionnellement garantis de leurs résidents. 78. La Constitution n'exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d'état d'urgence sanitaire. Il lui appartient, dans ce cadre, d'assurer la conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. 79. En premier lieu, l'état d'urgence sanitaire vise à permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures afin de faire face à une crise sanitaire grave. Le législateur a estimé, au regard des données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire des territoires de La Réunion, de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane, de Mayotte, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, que l'épidémie de covid-19 connaît une progression contribuant, compte tenu des capacités hospitalières de ces territoires et de la couverture vaccinale de leur population, à un état de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population. Il a par ailleurs considéré, au regard de la dynamique de l'épidémie, que cet état devrait perdurer au moins durant les deux mois à venir. Cette appréciation est corroborée par l'avis du 24 décembre 2021 du comité de scientifiques prévu par l'article L. 3131-19 du code de la santé publique. Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause l'appréciation par le législateur de l'existence d'une catastrophe sanitaire et du risque qu'elle persiste dans les deux prochains mois, dès lors que, comme c'est le cas en l'espèce, cette appréciation n'est pas, en l'état des connaissances, manifestement inadéquate au regard de la situation présente de ces territoires. 80. En deuxième lieu, en vertu du premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, les mesures prévues dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire ne peuvent en tout état de cause être prises qu'aux seules fins de garantir la santé publique. Selon le paragraphe III du même article, elles doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. Le juge est chargé de s'assurer que de telles mesures sont adaptées, nécessaires et proportionnées à la finalité qu'elles poursuivent. 81. En dernier lieu, quand la situation sanitaire le permet, il doit être mis fin à l'état d'urgence sanitaire par décret en conseil des ministres avant l'expiration du délai fixé par la loi le prorogeant. 82. Il résulte de ce qui précède que le législateur a pu, sans méconnaître aucune exigence constitutionnelle, proroger jusqu'au 31 mars 2022 l'état d'urgence sanitaire dans les territoires de La Réunion, de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane, de Mayotte, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. Par conséquent, le premier alinéa de l'article 3 de la loi du 31 mai 2021, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution. - Sur l'article 16 : 83. L'article 16 modifie les paragraphes II et III de l'article 11 de la loi du 11 mai 2020 mentionnée ci-dessus afin d'ajouter aux systèmes d'information mis en œuvre pour lutter contre l'épidémie de covid-19 une nouvelle finalité relative aux mesures de mise en quarantaine et d'isolement, et de permettre aux agents habilités des services préfectoraux d'accéder à certaines données. 84. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de méconnaître le droit au respect de la vie privée dès lors que la nouvelle finalité ainsi introduite poursuivrait principalement un objectif de contrôle de ces mesures et que ne seraient précisées ni la liste des agents des services préfectoraux spécialement habilités à accéder à ces données ni les conditions de leur transmission. 85. La liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration de 1789 implique le droit au respect de la vie privée. Par suite, la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif. Lorsque sont en cause des données à caractère personnel de nature médicale, une particulière vigilance doit être observée dans la conduite de ces opérations et la détermination de leurs modalités. 86. L'article 11 de la loi du 11 mai 2020 prévoit les conditions dans lesquelles les données relatives à la santé des personnes atteintes par le virus responsable de la covid-19 et des personnes en contact avec elles sont, le cas échéant sans leur consentement, traitées et partagées dans le cadre de systèmes d'information. 87. Les dispositions contestées prévoient que ces systèmes d'information pourront être utilisés aux fins d'adapter la durée des mesures de mise en quarantaine ou d'isolement pouvant être prescrites par le ministre de la santé. À cet effet, elles autorisent les agents spécialement habilités par les services préfectoraux à recevoir des données issues de ces systèmes d'information. 88. D'une part, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu améliorer le contrôle du respect des mesures de mise en quarantaine et d'isolement prises dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de covid-19. Ce faisant, il a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. 89. D'autre part, seuls les agents des services préfectoraux ayant à connaître des mesures de mises en quarantaine et d'isolement pourront être spécialement habilités à recevoir des données issues des systèmes d'information. Ils n'auront accès qu'à celles strictement nécessaires à l'adaptation de l'organisation des contrôles de ces mesures en fonction des dates et des résultats des examens de dépistages virologiques des personnes concernées. En outre, ces agents sont soumis au secret professionnel et encourent les sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal en cas de révélation d'une information issue de ces données. 90. Il résulte de ce qui précède que ces dispositions ne méconnaissent pas le droit au respect de la vie privée. 91. Par conséquent, le 6° du paragraphe II de l'article 11 de la loi du 11 mai 2020 ainsi que la troisième phrase du premier alinéa de son paragraphe III, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution. - Sur les autres dispositions : 92. Le Conseil constitutionnel n'a soulevé d'office aucune question de conformité à la Constitution et ne s'est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les quatrième et cinquième alinéas du g du 2° du paragraphe I de l'article 1er de la loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique sont contraires à la Constitution. Article 2. - Sous les réserves énoncées ci-dessous, sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes : - sous la réserve énoncée au paragraphe 20, le dix-neuvième alinéa du A du paragraphe II de l'article 1er de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa rédaction résultant de l'article 1er de la loi déférée ; - sous la réserve énoncée au paragraphe 46, le dernier alinéa du B du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, dans sa rédaction résultant de l'article 1er de la loi déférée. Article 3. - Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes : - les mots « Subordonner à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 l'accès des personnes âgées d'au moins seize ans à certains lieux, » figurant au premier alinéa du 2° du A du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, dans sa rédaction résultant de l'article 1er de la loi déférée ; - les mots « motif impérieux d'ordre familial ou de santé, sous réserve de présenter le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19. Le présent e n'est pas applicable en cas d'urgence faisant obstacle à l'obtention du justificatif requis » figurant au e du 2° du A du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, dans sa rédaction résultant de l'article 1er de la loi déférée ; - les dix-huitième et vingtième alinéas du A du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, dans sa rédaction résultant de l'article 1er de la loi déférée ; - le mot « troisième » figurant à la dernière phrase du troisième alinéa du D du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, dans sa rédaction résultant de l'article 1er de la loi déférée ; - la première phrase du D bis du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, dans sa rédaction résultant de l'article 1er de la loi déférée ; - le premier alinéa de l'article 3 de la loi du 31 mai 2021, dans sa rédaction résultant de l'article 1er de la loi déférée ; - le 6° du paragraphe II de l'article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions ainsi que la troisième phrase du premier alinéa de son paragraphe III, dans sa rédaction résultant de l'article 16 de la loi déférée. Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 janvier 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 21 janvier 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 18 novembre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1539 du 17 novembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Cédric L. par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et pour la société Sogeres, par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-966 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 2141-1 et L. 3123-1 du code de la commande publique, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession ; - la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE ; - le code de la commande publique ; - l'ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées le 7 décembre 2021 ; - les observations présentées pour la société requérante par Me Claire Waquet, avocate au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 8 décembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour le requérant par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées le 22 décembre 2021 ; - les secondes observations présentées pour la société requérante par la SCP Waquet, Farge, Hazan, enregistrées le 23 décembre 2021 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Marie Molinié, avocate au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le requérant, Me Waquet, pour la société requérante, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 18 janvier 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 2141-1 du code de la commande publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 26 novembre 2018 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Sont exclues de la procédure de passation des marchés les personnes qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive pour l'une des infractions prévues aux articles 222-34 à 222-40, 225-4-1, 225-4-7, 313-1, 313-3, 314-1, 324-1, 324-5, 324-6, 421-1 à 421-2-4, 421-5, 432-10, 432-11, 432-12 à 432-16, 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-3, 435-4, 435-9, 435-10, 441-1 à 441-7, 441-9, 445-1 à 445-2-1 ou 450-1 du code pénal, aux articles 1741 à 1743, 1746 ou 1747 du code général des impôts, ou pour recel de telles infractions, ainsi que pour les infractions équivalentes prévues par la législation d'un autre État membre de l'Union européenne. « La condamnation définitive pour l'une de ces infractions ou pour recel d'une de ces infractions d'un membre de l'organe de gestion, d'administration, de direction ou de surveillance ou d'une personne physique qui détient un pouvoir de représentation, de décision ou de contrôle d'une personne morale entraîne l'exclusion de la procédure de passation des marchés de cette personne morale, tant que cette personne physique exerce ces fonctions. « Sauf lorsque la peine d'exclusion des marchés a été prononcée pour une durée différente par une décision de justice définitive, l'exclusion de la procédure de passation des marchés au titre du présent article s'applique pour une durée de cinq ans à compter du prononcé de la condamnation ». 2. L'article L. 3123-1 du même code, dans la même rédaction, prévoit :« Sont exclues de la procédure de passation des contrats de concession les personnes qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive pour l'une des infractions prévues aux articles 222-34 à 222-40, 313-1, 313-3, 314-1, 324-1, 324-5, 324-6, 421-1 à 421-2-4, 421-5, 432-10, 432-11, 432-12 à 432-16, 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-3, 435-4, 435-9, 435-10, 441-1 à 441-7, 441-9, 445-1 à 445-2-1 ou 450-1 du code pénal, aux articles 1741 à 1743, 1746 ou 1747 du code général des impôts, et pour les contrats de concession qui ne sont pas des contrats de concession de défense ou de sécurité aux articles 225-4-1 et 225-4-7 du code pénal, ou pour recel de telles infractions, ainsi que pour les infractions équivalentes prévues par la législation d'un autre État membre de l'Union européenne. « La condamnation définitive pour l'une de ces infractions ou pour recel d'une de ces infractions d'un membre de l'organe de gestion, d'administration, de direction ou de surveillance ou d'une personne physique qui détient un pouvoir de représentation, de décision ou de contrôle d'une personne morale entraîne l'exclusion de la procédure de passation des contrats de concession de cette personne morale, tant que cette personne physique exerce ces fonctions. « L'exclusion de la procédure de passation des contrats de concession au titre du présent article s'applique pour une durée de cinq ans à compter du prononcé de la condamnation ». 3. Selon les requérants, en prévoyant l'exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession de toute personne ayant fait l'objet d'une condamnation prononcée par un jugement définitif pour certaines infractions, ces dispositions institueraient une peine. Or, elles ne prévoiraient ni que cette peine doit être prononcée par la juridiction de jugement, ni la possibilité pour cette juridiction de la moduler ou celle, pour la personne condamnée, d'en obtenir le relèvement. Il en résulterait une méconnaissance des principes de nécessité et d'individualisation des peines ainsi que du droit à un recours juridictionnel effectif. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « Sont exclues de la procédure de passation des marchés les personnes qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive » figurant au premier alinéa de l'article L. 2141-1 du code de la commande publique et sur les mots « Sont exclues de la procédure de passation des contrats de concession les personnes qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive » figurant au premier alinéa de l'article L. 3123-1 du même code. 5. Aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : « La République participe à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 ». La transposition d'une directive ou l'adaptation du droit interne à un règlement ne sauraient aller à l'encontre d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti. En l'absence de mise en cause d'une telle règle ou d'un tel principe, le Conseil constitutionnel n'est pas compétent pour contrôler la conformité à la Constitution de dispositions législatives qui se bornent à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises d'une directive ou des dispositions d'un règlement de l'Union européenne. Dans cette hypothèse, il n'appartient qu'au juge de l'Union européenne, saisi le cas échéant à titre préjudiciel, de contrôler le respect par cette directive ou ce règlement des droits fondamentaux garantis par l'article 6 du traité sur l'Union européenne. 6. En application de l'article 38 de la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 et de l'article 57 de la directive 2014/24/UE du même jour, les autorités adjudicatrices doivent exclure un opérateur économique des procédures de passation des concessions et des marchés lorsque cet opérateur a fait l'objet d'une condamnation définitive pour l'une des infractions que ces articles énumèrent. 7. Les dispositions contestées des articles L. 2141-1 et L. 3123-1 du code de la commande publique visent à assurer la transposition de ces directives en prévoyant que sont exclues respectivement de la procédure de passation des marchés et de la procédure de passation des contrats de concession les personnes ayant fait l'objet d'une condamnation définitive pour l'une des infractions que ces articles visent. 8. Ces dispositions se bornent ainsi à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises de ces directives. 9. Par conséquent, le Conseil constitutionnel n'est compétent pour contrôler la conformité des dispositions contestées aux droits et libertés que la Constitution garantit que dans la mesure où elles mettent en cause une règle ou un principe qui, ne trouvant pas de protection équivalente dans le droit de l'Union européenne, est inhérent à l'identité constitutionnelle de la France. 10. Or, en premier lieu, d'une part, les dispositions contestées, qui n'ont pas pour objet de punir les opérateurs économiques mais d'assurer l'efficacité de la commande publique et le bon usage des deniers publics, n'instituent pas une sanction ayant le caractère d'une punition. D'autre part, les principes de nécessité et d'individualisation des peines, qui sont protégés par le droit de l'Union européenne, ne constituent pas des règles ou principes inhérents à l'identité constitutionnelle de la France. 11. En second lieu, le droit à un recours juridictionnel effectif, qui est également protégé par le droit de l'Union européenne, ne constitue pas non plus une règle ou un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France. 12. Par suite, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les mots « Sont exclues de la procédure de passation des marchés les personnes qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive » figurant au premier alinéa de l'article L. 2141-1 du code de la commande publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique, et sur les mots « Sont exclues de la procédure de passation des contrats de concession les personnes qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive » figurant au premier alinéa de l'article L. 3123-1 du même code, dans la même rédaction. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 janvier 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 28 janvier 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 4 novembre 2021 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 869 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Novaxia développement et autres par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-965 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du f du paragraphe II et du c du paragraphe III de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code monétaire et financier ; - le code pénal ; - la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les sociétés requérantes par Me Jean-Philippe Pons-Henry, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 26 novembre 2021 ; - les observations présentées pour l'Autorité des marchés financiers, partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par la SCP Ohl et Vexliard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour les sociétés requérantes par Me Pons-Henry, enregistrées le 13 décembre 2021 ; - les secondes observations présentées pour l'Autorité des marchés financiers par la SCP Ohl et Vexliard, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Pons-Henry, pour les sociétés requérantes, Me Claude Ohl, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'Autorité des marchés financiers, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 18 janvier 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le f du paragraphe II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de la loi du 9 décembre 2016 mentionnée ci-dessus, prévoit que l'Autorité des marchés financiers peut prononcer une sanction à l'encontre de : « Toute personne qui, dans le cadre d'une enquête ou d'un contrôle effectués en application du I de l'article L. 621-9, sur demande des enquêteurs ou des contrôleurs et sous réserve de la préservation d'un secret légalement protégé et opposable à l'Autorité des marchés financiers, refuse de donner accès à un document, quel qu'en soit le support, et d'en fournir une copie, refuse de communiquer des informations ou de répondre à une convocation, ou refuse de donner accès à des locaux professionnels ». 2. Le c du paragraphe III du même article, dans la même rédaction, prévoit : « Pour les personnes autres que l'une des personnes mentionnées au II de l'article L. 621-9, auteurs des faits mentionnés aux c à h du II du présent article, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d'euros ou au décuple du montant de l'avantage retiré du manquement si celui-ci peut être déterminé ; les sommes sont versées au Trésor public ». 3. Les sociétés requérantes soutiennent que ces dispositions ne définiraient pas précisément le manquement qu'elles répriment et institueraient une sanction manifestement excessive. Il en résulterait une méconnaissance des principes de légalité des délits et des peines et de proportionnalité des peines. 4. Elles dénoncent également, comme contraire au principe de nécessité des délits et des peines, le cumul possible entre la sanction administrative prévue par ces dispositions et les sanctions pénales prévues à l'article L. 642-2 du code monétaire et financier en cas d'obstacle à une mission de contrôle ou d'enquête de l'Autorité des marchés financiers. 5. Elles soutiennent en outre que, en permettant à l'Autorité des marchés financiers de sanctionner des personnes qui ne sont pas soumises à des obligations qu'elle a pour mission de contrôler, ces dispositions lui octroieraient un pouvoir qui empiéterait sur celui de l'autorité judiciaire, en méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs. 6. Elles critiquent enfin l'absence de possibilité de s'opposer aux demandes de l'autorité alors même qu'elles conduiraient la personne sollicitée à révéler des éléments relevant de la vie privée ou qu'elles tendraient à l'obtention d'aveux. Il en résulterait une méconnaissance du droit au respect de la vie privée et du droit de ne pas s'auto-incriminer. - Sur le fond : . En ce qui concerne les griefs autres que celui tiré de la méconnaissance du principe de nécessité des délits et des peines : 7. L'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes énoncés par cet article s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition. En vertu du principe de légalité des délits et des peines, le législateur ou, dans son domaine de compétence, le pouvoir réglementaire, doivent fixer les sanctions ayant le caractère d'une punition en des termes suffisamment clairs et précis. 8. L'article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité des dispositions législatives soumises à son examen aux droits et libertés que la Constitution garantit. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue. 9. Les dispositions contestées punissent d'une sanction pécuniaire toute personne dont le comportement entrave le déroulement d'une enquête ou d'un contrôle diligenté par l'Autorité des marchés financiers. 10. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de ces dispositions que, sauf dans le cas d'un secret légalement protégé et opposable à l'Autorité des marchés financiers, peut être sanctionné le refus opposé par toute personne, après une demande en ce sens des enquêteurs ou contrôleurs, de donner accès à un document, quel qu'en soit le support, et d'en fournir une copie, de communiquer des informations ou de répondre à une convocation, ou de donner accès à des locaux professionnels. Ainsi, le législateur a précisément défini les éléments constitutifs du manquement ainsi que les personnes auxquelles il peut être reproché. 11. En second lieu, d'une part, en instituant une sanction pécuniaire destinée à assurer l'efficacité des enquêtes et contrôles de l'Autorité des marchés financiers, le législateur a poursuivi l'objectif de préservation de l'ordre public économique. Un tel objectif implique que le montant des sanctions fixées par la loi soit suffisamment dissuasif pour remplir la fonction de prévention des manquements assignée à la punition. 12. D'autre part, si l'amende peut atteindre cent millions d'euros ou le décuple de l'avantage retiré du manquement, ce montant ne constitue qu'un plafond et doit, en application du paragraphe III ter du même article L. 621-15, être modulé, sous le contrôle du juge, en fonction notamment de la gravité du manquement, de sa situation financière, des manquements commis précédemment et de toute circonstance propre à la personne en cause. Dès lors, ces dispositions n'instituent pas une peine manifestement disproportionnée au regard de la gravité des manquements réprimés. 13. Il résulte de ce qui précède que doivent être écartés les griefs tirés de la méconnaissance des principes de légalité des délits et des peines et de proportionnalité des peines. Il en va de même des griefs tirés de la violation du principe de la séparation des pouvoirs, du droit au respect de la vie privée et du principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser. . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe de nécessité des délits et des peines : 14. Il découle du principe de nécessité des délits et des peines qu'une même personne ne peut faire l'objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux. Si l'éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues. 15. En premier lieu, l'article L. 642-2 du code monétaire et financier punit de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 300 000 euros le fait, pour toute personne, de faire obstacle à une mission de contrôle ou d'enquête de l'Autorité des marchés financiers ou de lui communiquer des renseignements inexacts. 16. Les refus opposés aux demandes des enquêteurs et contrôleurs de l'Autorité des marchés financiers étant susceptibles de constituer également des obstacles à une mission de contrôle ou d'enquête, les dispositions contestées du f du paragraphe II de l'article L. 621-15 tendent ainsi à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique que ceux visés par l'article L. 642-2. 17. En deuxième lieu, la sanction administrative instaurée par les dispositions contestées vise, comme la sanction pénale prévue à l'article L. 642-2, à assurer l'efficacité des investigations conduites par l'Autorité des marchés financiers. Ces deux répressions protègent ainsi les mêmes intérêts sociaux. 18. En dernier lieu, le délit prévu à l'article L. 642-2 du code monétaire et financier est puni, lorsque sont en cause des personnes physiques, de deux ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende et, lorsque sont en cause des personnes morales, conformément aux règles énoncées par l'article 131-38 du code pénal, d'une amende de 1 500 000 euros. Ces sanctions ne sont pas d'une nature différente de celle de l'amende prévue par les dispositions contestées du c du paragraphe III de l'article L. 621-15, dont le montant maximal est fixé à cent millions d'euros ou au décuple du montant de l'avantage retiré du manquement. 19. Dès lors, la répression administrative du manquement d'entrave aux enquêtes et contrôles de l'Autorité des marchés financiers prévue par les dispositions contestées du f du paragraphe II de l'article L. 621-15 et la répression pénale organisée par l'article L. 642-2 du code monétaire et financier tendent à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux. 20. Il résulte de ce qui précède que, dans ces conditions, les dispositions du f du paragraphe II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, qui permettent de poursuivre les refus opposés aux demandes des enquêteurs et contrôleurs de l'Autorité des marchés financiers, méconnaissent le principe de nécessité des délits et des peines et doivent être déclarées contraires à la Constitution. 21. En revanche, le c du paragraphe III du même article, qui ne méconnaît pas le principe de nécessité des délits et des peines, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 22. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 23. D'une part, les dispositions déclarées contraires à la Constitution, dans leur rédaction contestée, ne sont plus en vigueur. 24. D'autre part, la déclaration d'inconstitutionnalité peut être invoquée dans les procédures en cours par la personne poursuivie en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution lorsqu'elle a préalablement fait l'objet de poursuites sur le fondement de l'article L. 642-2 du code monétaire et financier. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le f du paragraphe II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, est contraire à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées aux paragraphes 23 et 24 de cette décision. Article 3. - Le c du paragraphe III de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans la même rédaction, est conforme à la Constitution. Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 janvier 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD et François PILLET. Rendu public le 28 janvier 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - le décret n° 2022-66 du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision n° 2021-150 ORGA du 21 octobre 2021 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; Après avoir procédé aux vérifications ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Figure en annexe de la présente décision la liste des citoyens qui, en tant qu'élus habilités, ont valablement présenté un candidat à l'élection du Président de la République. Article 2. - Cette liste sera publiée sur le site internet du Conseil constitutionnel. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er février 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 1er février 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - le décret n° 2022-66 du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la décision n° 2021-150 ORGA du 21 octobre 2021 relative à la détermination par tirage au sort de l'ordre de la liste des candidats à l'élection du Président de la République et aux modalités de publication du nom et de la qualité des citoyens qui présentent des candidats à l'élection du Président de la République ; Après avoir procédé aux vérifications ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Figure en annexe de la présente décision la liste des citoyens qui, outre ceux mentionnés dans la décision n° 2022-175 PDR du 1er février 2022, ont, en tant qu'élus habilités, valablement présenté un candidat à l'élection du Président de la République. Article 2. - Cette liste sera publiée sur le site internet du Conseil constitutionnel. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 février 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD et François PILLET. Rendu public le 3 février 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 48 ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ; - le décret n° 2005-1613 du 22 décembre 2005 portant application de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 mentionnée ci-dessus ; - la décision n° 2021-149 ORGA du Conseil constitutionnel du 14 octobre 2021 portant nomination des rapporteurs adjoints auprès du Conseil constitutionnel ; - la lettre du garde des sceaux, ministre de la justice, en date du 22 décembre 2021 ; - la lettre du vice-président du Conseil d'État, en date du 1er décembre 2021 ; Après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- Sont désignés, en qualité de délégués du Conseil constitutionnel chargés de suivre sur place les opérations relatives à l'élection du Président de la République des samedi 9 ou dimanche 10 avril 2022 et, s'il y a lieu à un second tour, des samedi 23 ou dimanche 24 avril 2022 : - les rapporteurs adjoints auprès du Conseil constitutionnel ; - les premiers présidents des cours d'appel et le président du tribunal supérieur d'appel, ainsi que les magistrats qu'ils désigneront à cet effet ; - les présidents des tribunaux administratifs de Basse-Terre, de Cayenne, de Mamoudzou, de Mata-Utu, de Nouméa, de Papeete, de Saint-Denis, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre et de Schœlcher ainsi que les magistrats qu'ils désigneront à cet effet. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 janvier 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 20 janvier 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 13 octobre 2021 par le Conseil d'État (décision n° 455024 du 8 octobre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour l'association française des producteurs de cannabinoïdes par Me Frédéric Scanvic, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-960 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 5132-1, L. 5132-7 et L. 5132-8 du code de la santé publique. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de la santé publique ; - l'ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de la santé publique ; - l'ordonnance n° 2011-1922 du 22 décembre 2011 portant adaptation du code du travail, du code de la santé publique et du code de l'environnement au droit de l'Union européenne en ce qui concerne la mise sur le marché des produits chimiques ; - la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations en intervention présentées pour le syndicat professionnel du chanvre par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 2 novembre 2021 ; - les observations en intervention présentées pour l'association Auto-support et réduction des risques parmi les usagers et ex-usagers de drogues et autres par Me Nicolas Hachet, avocat au barreau de Bordeaux, enregistrées le 3 novembre 2021 ; - les observations en intervention présentées pour l'union des professionnels du CBD et autres par Me Xavier Pizarro, avocat au barreau de Marseille, enregistrées le même jour ; - les observations présentées pour l'association française des producteurs de cannabinoïdes par Me Scanvic, enregistrées le 4 novembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations en intervention présentées pour l'union des professionnels du CBD et autres par Me Pizarro, enregistrées le 17 novembre 2021 ; - les secondes observations en intervention présentées pour le syndicat professionnel du chanvre, par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, enregistrées le 18 novembre 2021 ; - les secondes observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 19 novembre 2021 ; - les secondes observations en intervention présentées pour l'association Auto-support et réduction des risques parmi les usagers et ex-usagers de drogues et autres par Me Hachet, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Scanvic, pour l'association française des producteurs de cannabinoïdes, Me Cédric Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le syndicat professionnel du chanvre, Me Hachet, pour l'association Auto-support et réduction des risques parmi les usagers et ex-usagers de drogues et autres, Me Pizarro, pour l'union des professionnels du CBD et autres, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 14 décembre 2021 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi de l'article L. 5132-1 du code de la santé publique dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 22 décembre 2011 mentionnée ci-dessus, de l'article L. 5132-7 du même code dans sa rédaction résultant de la loi du 7 décembre 2020 mentionnée ci-dessus et de l'article L. 5132-8 du même code dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 15 juin 2000 mentionnée ci-dessus. 2. L'article L. 5132-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 22 décembre 2011, prévoit :« Sont comprises comme substances vénéneuses : « 1° (Supprimé) ; « 2° Les substances stupéfiantes ; « 3° Les substances psychotropes ; « 4° Les substances inscrites sur la liste I et la liste II définies à l'article L. 5132-6. « Au sens de cette présente partie : « On entend par "substances" les éléments chimiques et leurs composés comme ils se présentent à l'état naturel ou tels qu'ils sont produits par l'industrie, contenant éventuellement tout additif nécessaire à leur mise sur le marché. « On entend par "préparations" les mélanges ou solutions composés de deux substances ou plus ». 3. L'article L. 5132-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi du 7 décembre 2020, prévoit :« Les plantes, substances ou préparations vénéneuses sont classées comme stupéfiants ou comme psychotropes ou sont inscrites sur les listes I et II par décision du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, sans préjudice des dispositions réglementaires applicables aux plantes, substances ou préparations vénéneuses inscrites sur les listes I et II mentionnées au 4° de l'article L. 5132-1 contenues dans des produits autres que les médicaments à usage humain ». 4. L. 5132-8 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 15 juin 2000, prévoit :« La production, la fabrication, le transport, l'importation, l'exportation, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition et l'emploi de plantes, de substances ou de préparations classées comme vénéneuses sont soumises à des conditions définies par décrets en Conseil d'État. « Ces décrets peuvent prohiber toute opération relative à ces plantes et substances ; ils peuvent notamment, après avis des Académies nationales de médecine et de pharmacie, interdire la prescription et l'incorporation dans des préparations de certaines de ces plantes et substances ou des spécialités qui en contiennent. « Les conditions de prescription et de délivrance de telles préparations sont fixées après avis des conseils nationaux de l'ordre des médecins et de l'ordre des pharmaciens ». 5. L'association requérante, rejointe par une partie intervenante, reproche à ces dispositions de ne pas définir la notion de « substance stupéfiante » et de renvoyer ainsi au pouvoir règlementaire la détermination du champ d'application de la police spéciale qui réglemente ces substances. Ce faisant, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant la liberté d'entreprendre. 6. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le 2° de l'article L. 5132-1 du code de la santé publique ainsi que sur le mot « stupéfiants » figurant à l'article L. 5132-7 du même code. 7. Certaines parties intervenantes soutiennent en outre que, dans la mesure où les dispositions pénales qui répriment le trafic et l'usage illicite de stupéfiants renvoient à l'article L. 5132-7 pour définir la notion de stupéfiants, il résulterait des dispositions contestées de cet article une méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines, du principe de nécessité et de proportionnalité des peines et du principe d'égalité devant la loi pénale. - Sur l'admission des interventions : 8. Selon le deuxième alinéa de l'article 6 du règlement intérieur du 4 février 2010 mentionné ci-dessus, seules les personnes justifiant d'un « intérêt spécial » sont admises à présenter une intervention. 9. Le Premier ministre conclut à l'irrecevabilité de l'intervention du syndicat professionnel du chanvre au motif que son mémoire ne développerait aucun grief à l'encontre des dispositions contestées. 10. Le syndicat professionnel du chanvre, qui rejoint l'association requérante au soutien du grief qu'elle soulève et conclut à ce qu'il y soit fait droit, justifie d'un intérêt spécial. Les conclusions aux fins d'irrecevabilité de son intervention doivent donc être rejetées. 11. L'association Auto-support et réduction des risques parmi les usagers et ex-usagers de drogues et autres, l'union des professionnels du CBD et autres et l'association française des producteurs de cannabinoïdes justifient également d'un intérêt spécial. Leurs interventions sont admises par le Conseil constitutionnel. - Sur le fond : 12. En premier lieu, la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit. 13. En vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant « les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques » et détermine les principes fondamentaux « du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ». Il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34. 14. La liberté d'entreprendre découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. 15. Les articles L. 5132-1 à L. 5132-10 du code de la santé publique soumettent les substances vénéneuses à une police administrative spéciale visant notamment à réglementer leur production, leur commerce et leur emploi. 16. Les dispositions contestées de l'article L. 5132-1 prévoient que les substances vénéneuses comprennent notamment les substances stupéfiantes. Les dispositions contestées de l'article L. 5132-7 prévoient, quant à elles, que les plantes, substances ou préparations vénéneuses sont classées comme stupéfiants par décision du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. 17. La notion de stupéfiants désigne des substances psychotropes qui se caractérisent par un risque de dépendance et des effets nocifs pour la santé. En incluant ces substances parmi les substances nocives pour la santé humaine, le législateur n'a pas adopté des dispositions imprécises. 18. En renvoyant à l'autorité administrative le pouvoir de classer certaines substances dans cette catégorie, il n'a pas non plus conféré au pouvoir réglementaire la compétence pour fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de procéder à ce classement en fonction de l'évolution de l'état des connaissances scientifiques et médicales. 19. Le grief tiré de la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant la liberté d'entreprendre doit donc être écarté. 20. En second lieu, les dispositions contestées n'instituent pas une sanction pénale. Les griefs tirés de la méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des peines ainsi que de l'égalité devant la loi pénale ne peuvent qu'être écartés comme inopérants. 21. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, sont conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le 2° de l'article L. 5132-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2011-1922 du 22 décembre 2011 portant adaptation du code du travail, du code de la santé publique et du code de l'environnement au droit de l'Union européenne en ce qui concerne la mise sur le marché des produits chimiques, ainsi que le mot « stupéfiants » figurant à l'article L. 5132-7 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 janvier 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 7 janvier 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 13 octobre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1254 du 6 octobre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Manuel R. par Mes Camille Friedrich et Jean-Baptiste de Gubernatis, avocats au barreau d'Aix-en-Provence. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-959 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du second alinéa de l'article 728-48 du code de procédure pénale et du deuxième alinéa de l'article 728-52 du même code, dans leur rédaction issue de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par Mes Friedrich et de Gubernatis, enregistrées le 4 novembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Mes Friedrich et de Gubernatis pour le requérant, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 14 décembre 2021 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 728-48 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 5 août 2013 mentionnée ci-dessus, détermine notamment les conditions dans lesquelles peut être contestée une décision du procureur de la République prise sur une demande de reconnaissance et d'exécution sur le territoire français d'une peine privative de liberté prononcée par une juridiction d'un autre État membre de l'Union européenne. Son second alinéa prévoit :« Toutefois, la personne condamnée n'est pas recevable à saisir la chambre des appels correctionnels en cas de refus d'exécution opposé dans le cas prévu au 3° de l'article 728-11 ». 2. Le deuxième alinéa de l'article 728-52 du même code, dans la même rédaction, prévoit :« Si la demande de reconnaissance et d'exécution présentée par l'autorité compétente de l'État de condamnation entre dans les prévisions du 3° de l'article 728-11 et si le procureur général déclare ne pas consentir à l'exécution, la chambre des appels correctionnels lui en donne acte et constate que la peine ou la mesure de sûreté privative de liberté ne peut être mise à exécution en France ». 3. Le requérant reproche à ces dispositions de priver une personne condamnée par une juridiction d'un autre État membre de toute possibilité de contester le refus du procureur de la République de consentir à l'exécution sur le territoire français de sa peine. Ces dispositions méconnaîtraient, d'une part, le droit à un recours juridictionnel effectif et, d'autre part, au regard des conséquences qu'emporte un tel refus sur la situation personnelle de la personne condamnée, le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale. 4. Il soutient également que ces dispositions priveraient les seules personnes de nationalité étrangère de la possibilité de saisir le juge de ce refus, en méconnaissance du principe d'égalité. - Sur le fond : 5. Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction. 6. Le procureur de la République est compétent pour se prononcer sur les demandes de reconnaissance et d'exécution sur le territoire français des décisions de condamnation à une peine privative de liberté prononcées par les juridictions des autres États membres. En application du 3° de l'article 728-11 du code de procédure pénale, une telle reconnaissance est subordonnée au consentement du procureur de la République lorsque la personne condamnée est de nationalité étrangère. 7. Selon l'article 728-43 du même code, le procureur de la République peut refuser de donner son consentement notamment s'il estime que l'exécution en France de la condamnation n'est pas de nature à favoriser la réinsertion sociale de la personne concernée. Dans ce cas, les dispositions contestées de l'article 728-48 prévoient que cette personne n'est pas recevable à saisir la chambre des appels correctionnels pour contester ce refus. 8. Les dispositions contestées de l'article 728-52 prévoient, quant à elles, que, lorsque la chambre des appels correctionnels est saisie d'un recours formé contre une décision de refus fondée sur un autre motif que celui prévu au 3° de l'article 728-11, le procureur général peut invoquer cette disposition pour refuser de consentir à l'exécution de la peine en France. La chambre des appels correctionnels doit alors lui en donner acte et constater que la peine privative de liberté ne peut être mise à exécution en France. 9. Il résulte ainsi des dispositions contestées que les personnes qui se voient opposer une décision de refus sur le fondement du 3° de l'article 728-11 ne peuvent pas la contester devant une juridiction. 10. Au regard des conséquences qu'est susceptible d'entraîner pour ces personnes une telle décision, l'absence de voie de droit permettant la remise en cause de cette décision méconnaît les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789. 11. Par conséquent, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, les dispositions contestées doivent être déclarées contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 12. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 13. En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. Elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le second alinéa de l'article 728-48 du code de procédure pénale et le deuxième alinéa de l'article 728-52 du même code, dans leur rédaction issue de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France, sont contraires à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 13 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 janvier 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 7 janvier 2022.
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LE PRÉSIDENT DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son titre VII ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la décision n° 2021-149 ORGA du 14 octobre 2021 portant nomination de rapporteurs adjoints auprès du Conseil constitutionnel pour la période octobre 2021 - octobre 2022 ; Vu la lettre du vice-président du Conseil d'État en date du 3 février 2022 ; En application de la délibération du Conseil constitutionnel en date du 17 février 2022, D É C I D E : Article 1er. - Monsieur Laurent CYTERMANN, maître des requêtes au Conseil d'État, est nommé rapporteur adjoint auprès du Conseil constitutionnel, en remplacement de Madame Sophie ROUSSEL. Article 2. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Fait à Paris, le 17 février 2022 Laurent FABIUS
CONSTIT/CONSTEXT000045243080.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 9 juin 2021 d'une requête présentée par M. Pascal FANTON, inscrit sur les listes électorales de la 15ème circonscription de Paris, tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 30 mai et 6 juin 2021 en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-5726 AN. Il a également été saisi le 15 juin 2021 d'une requête tendant aux mêmes fins, présentée par Me Philippe Petit, avocat au barreau de Lyon, pour M. François-Marie DIDIER, en qualité de candidat à cette même élection. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-5728 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - les mémoires en défense présentés pour Mme Lamia EL AARAJE, députée, par Me Philippe Bluteau, avocat au barreau de Paris, enregistrés le 14 septembre 2021 ; - le mémoire en réplique présenté par M. FANTON, enregistré le 5 octobre 2021 ; - les pièces du dossier desquelles il ressort que communication des requêtes a été donnée à M. Jean-Damien de SINZOGAN, qui n'a pas produit d'observations ; - les pièces desquelles il ressort que M. Jean-Damien de SINZOGAN a été informé de ce que le Conseil constitutionnel était susceptible de faire application de l'article L.O. 136-3 du code électoral et n'a pas produit d'observations ; - les autres pièces produites et jointes aux dossiers ; Après avoir entendu les parties et leurs conseils ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Les requêtes mentionnées ci-dessus sont dirigées contre la même élection. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision. - Sur l'annulation des opérations électorales : 2. À l'appui de leurs requêtes dirigées contre les opérations électorales organisées les 30 mai et 6 juin 2021 dans la 15ème circonscription de Paris en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale, les requérants soutiennent que l'apposition par M. Jean-Damien de SINZOGAN, candidat à cette élection ayant obtenu au premier tour 449 voix, du nom du parti « La République en marche » sur ses bulletins de vote, alors qu'il ne bénéficiait pas de l'investiture de ce parti, et l'utilisation sur ces mêmes bulletins du nom « Jean de BOURBON », ont constitué des manœuvres ayant altéré la sincérité du scrutin. 3. M. DIDIER fait également valoir que le suppléant de M. de SINZOGAN n'aurait pas donné son accord pour figurer en qualité de remplaçant de ce dernier et que les bulletins de ce même candidat seraient irréguliers. 4. Il appartient au juge de l'élection de vérifier si des manœuvres ont été susceptibles de tromper les électeurs sur la réalité de l'investiture des candidats par les partis politiques. 5. Il résulte de l'instruction que M. Jean-Damien de SINZOGAN, dont il est constant qu'il n'a pas été investi par le parti « La République en marche » dans la 15ème circonscription de Paris et ne bénéficiait pas du soutien de ce parti, a porté sur ses bulletins de vote, en gros caractères et dans un bandeau de couleur, la mention « La République En Marche ! ». Cette mention, qui a eu pour objet de créer l'apparence d'un soutien de ce parti et ainsi d'induire chez les électeurs une confusion en leur faisant croire que ce candidat était investi par « La République en marche », a été constitutive d'une manœuvre. À cette confusion délibérée sur l'existence d'un soutien du candidat par ce parti politique, s'est ajoutée celle créée sur l'identité même de ce candidat, en raison de l'utilisation par M. Jean-Damien de SINZOGAN du nom « Jean de BOURBON » sur ses bulletins de vote. 6. Or, le démenti apporté, la veille du premier tour de scrutin en fin de journée, par le parti « La République en marche » sur le réseau social « Twitter » n'a pas, compte tenu de la tardiveté et de la diffusion limitée de ce message, permis de donner à l'absence d'investiture de ce candidat par le parti une publicité suffisante avant la tenue du scrutin pour prévenir une telle confusion. 7. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, la manœuvre commise par M. de SINZOGAN a, compte tenu des 449 suffrages qu'il a obtenus et du faible écart de 266 voix ayant séparé M. DIDIER de Mme Danielle SIMONNET, candidate arrivée en deuxième position au premier tour, été de nature à altérer la sincérité du scrutin. 8. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs soulevés par les requêtes, qu'il y a lieu d'annuler les opérations électorales contestées. - Sur l'inéligibilité de M. de SINZOGAN : 9. Aux termes de l'article L.O. 136-3 du code électoral : « Saisi d'une contestation contre l'élection, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible, pour une durée maximale de trois ans, le candidat qui a accompli des manœuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin ». Il résulte de ces dispositions que, régulièrement saisi d'un grief tiré de l'existence de manœuvres, le Conseil constitutionnel peut, le cas échéant d'office, déclarer inéligible, pour une durée maximale de trois ans, un candidat, si les manœuvres constatées présentent un caractère frauduleux et s'il est établi qu'elles ont été accomplies par le candidat concerné et ont eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin. Le caractère frauduleux des manœuvres s'apprécie eu égard, notamment, à leur nature et à leur ampleur. 10. Les agissements décrits au paragraphe 5, accomplis personnellement par M. de SINZOGAN, présentent le caractère de manœuvres frauduleuses. Ainsi qu'il a été dit au paragraphe 7, ces manœuvres ont eu pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de déclarer M. de SINZOGAN inéligible pour une durée de trois ans à compter de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les opérations électorales qui ont eu lieu les 30 mai et 6 juin 2021 dans la 15ème circonscription de Paris sont annulées. Article 2. - M. Jean-Damien de SINZOGAN est déclaré inéligible en application de l'article L.O. 136-3 du code électoral pour une durée de trois ans à compter de la présente décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 janvier 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 28 janvier 2022
CONSTIT/CONSTEXT000045243094.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 6 décembre 2021 par le Conseil d'État (décision nos 456524, 456525, 456528 et 456529 du 3 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée par l'association France nature environnement. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-971 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 142-7, L. 142-8 et L. 142-9 du code minier et de la seconde phrase de l'article L. 144-4 du même code, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code minier ; - l'ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier, ratifiée par l'article 1er de la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement ; - la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par l'association requérante, enregistrées le 17 décembre 2021 ; - les observations en intervention présentées pour la société Compagnie minière Montagne d'or par Me Malik Memlouk, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 23 décembre 2021 ; - les observations en intervention présentées par l'association Guyane nature environnement, enregistrées le 27 décembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 28 décembre 2021 ; - les observations en intervention présentées pour l'association Fédération des opérateurs miniers de Guyane par Mes Frédéric Scanvic et Corentin Chevallier, avocats au barreau de Paris, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées par l'association requérante, enregistrées le 6 janvier 2022 ; - les secondes observations en intervention présentées pour la société Compagnie minière Montagne d'or par Me Memlouk, enregistrées le 12 janvier 2022 ; - les secondes observations en intervention présentées pour l'association Fédération des opérateurs miniers de Guyane par Mes Scanvic et Chevallier, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Jeanne Bonacina Lhommet, avocate au barreau de Paris, pour l'association requérante, Me Memlouk, pour la société Compagnie minière Montagne d'or, Me Alexandre Faro, avocat au barreau de Paris, pour l'association Guyane nature environnement, Me Scanvic, pour l'association Fédération des opérateurs miniers de Guyane, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 8 février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 142-7 du code minier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 20 janvier 2011 mentionnée ci-dessus, prévoit : « La durée d'une concession de mines peut faire l'objet de prolongations successives, chacune d'une durée inférieure ou égale à vingt-cinq ans ». 2. L'article L. 142-8 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « La prolongation d'une concession est accordée par décret en Conseil d'État ». 3. L'article L. 142-9 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « Au cas où, à la date d'expiration de la période de validité en cours, il n'a pas été statué sur la demande de prolongation, le titulaire de la concession reste seul autorisé, jusqu'à l'intervention d'une décision de l'autorité administrative, à poursuivre ses travaux dans les limites du ou des périmètres sur lesquels porte la demande de prolongation ». 4. L'article L. 144-4 du code minier, dans la même rédaction, prévoit que les anciennes concessions minières perpétuelles expirent le 31 décembre 2018. Sa seconde phrase prévoit : « La prolongation des concessions correspondant à des gisements exploités à cette date est accordée de droit dans les conditions prévues à la sous-section 2 de la section 1 du chapitre 2 du présent titre ». 5. L'association requérante, rejointe par l'une des parties intervenantes, soutient que ces dispositions permettraient la prolongation de certaines concessions minières sans que l'autorité administrative n'ait à prendre en compte les effets sur l'environnement d'une telle décision. Il en résulterait une méconnaissance des exigences découlant des articles 1er, 2 et 3 de la Charte de l'environnement. 6. Elle estime, en outre, qu'un tel régime de prolongation priverait d'effet utile la participation du public à l'élaboration de cette décision, en méconnaissance de l'article 7 de la Charte de l'environnement. 7. L'association requérante reproche enfin à ces dispositions d'instituer une différence de traitement injustifiée entre les exploitants de concessions minières puisque seuls ceux qui exploitent une ancienne concession perpétuelle bénéficient de ce régime de prolongation. 8. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur la seconde phrase de l'article L. 144-4 du code minier. - Sur le fond : 9. Selon l'article 1er de la Charte de l'environnement : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Son article 3 dispose : « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences ». Il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés par cet article, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions. 10. En application de l'article L. 144-4 du code minier, les concessions minières initialement instituées pour une durée illimitée devaient expirer le 31 décembre 2018. Les dispositions contestées prévoient que ces concessions sont prolongées de droit lorsque les gisements sur lesquels elles portent sont encore exploités à cette date. 11. En premier lieu, la décision de prolongation d'une concession minière détermine notamment le cadre général et le périmètre des travaux miniers. Au regard de son objet et de ses effets, elle est ainsi susceptible de porter atteinte à l'environnement. 12. En second lieu, avant l'entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021 mentionnée ci-dessus, les dispositions contestées ne soumettaient la prolongation de la concession à aucune autre condition que celle de l'exploitation du gisement au 31 décembre 2018. Ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ne prévoyaient que l'administration prenne en compte les conséquences environnementales d'une telle prolongation avant de se prononcer. À cet égard, est indifférente la circonstance que certaines de ces conséquences pouvaient être, le cas échéant, prises en considération ultérieurement à l'occasion des autorisations de recherches et de travaux devant se dérouler sur le périmètre de la concession. 13. Par conséquent, le législateur a méconnu, pendant cette période, les articles 1er et 3 de la Charte de l'environnement. 14. Toutefois, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021, l'article L. 114-3 nouveau du code minier prévoit à son paragraphe II notamment que la demande de prolongation d'une concession est refusée si l'administration émet un doute sérieux sur la possibilité de procéder à l'exploitation du gisement sans porter une atteinte grave aux intérêts environnementaux mentionnés à l'article L. 161-1 du même code. Le paragraphe III de l'article L. 114-3 précise, en outre, que l'administration peut imposer à l'exploitant de respecter un cahier des charges, annexé à l'acte octroyant le titre minier, pouvant notamment prévoir l'interdiction de certaines techniques de recherche ou d'exploitation. En application de l'article 67 de la même loi, ces dispositions s'appliquent à toutes les demandes en cours d'instruction à cette date. 15. Dès lors, depuis l'entrée en vigueur de cette loi, le fait que les dispositions contestées prévoient que la prolongation des anciennes concessions perpétuelles est de droit ne saurait être interprété comme faisant obstacle à la prise en compte des conséquences sur l'environnement de la décision de prolongation de ces concessions. 16. Par conséquent, depuis cette date et sous cette réserve, ces dispositions ne méconnaissent plus les articles 1er et 3 de la Charte de l'environnement. Elles ne méconnaissent pas non plus les articles 2 ou 7 de la Charte de l'environnement, ni le principe d'égalité, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit. 17. Il résulte de tout ce qui précède que ces dispositions doivent être déclarées contraires à la Constitution avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021 et, sous la réserve énoncée au paragraphe 15, conformes à celle-ci à compter de cette date. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 18. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 19. D'une part, l'entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021 a mis fin à l'inconstitutionnalité constatée. Il n'y a donc pas lieu de prononcer l'abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles. 20. D'autre part, aucun motif ne justifie de reporter la prise d'effet de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. Elle est applicable aux instances introduites à cette date et non jugées définitivement. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La seconde phrase de l'article L. 144-4 du code minier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier, est contraire à la Constitution avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Article 2. - Sous la réserve énoncée au paragraphe 15, la seconde phrase de l'article L. 144-4 du code minier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier, est conforme à la Constitution à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Article 3. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 20 de cette décision. Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 février 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD et François PILLET. Rendu public le 18 février 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 6 décembre 2021 par le Conseil d'État (décision nos 448305, 454144 et 455519 du 3 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour les associations Avocats pour la défense des droits des étrangers et Informations sur les mineurs isolés étrangers par la SCP Zribi et Texier, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et pour l'association Gisti, le syndicat des avocats de France et le Conseil national des barreaux par Me Vincent Lassalle-Byhet, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-972 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe II de l'article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour l'association Gisti, le syndicat des avocats de France et le Conseil national des barreaux par Me Lassalle-Byhet, enregistrées le 24 décembre 2021 ; - les observations présentées pour les associations Avocats pour la défense des droits des étrangers et Informations sur les mineurs isolés étrangers par la SCP Zribi et Texier, enregistrées le 27 décembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 28 décembre 2021 ; - les secondes observations présentées pour l'association Gisti, le syndicat des avocats de France et le Conseil national des barreaux par Me Lassalle-Byhet, enregistrées le 12 janvier 2022 ; - les secondes observations présentées pour les associations Avocats pour la défense des droits des étrangers et Informations sur les mineurs isolés étrangers par la SCP Zribi et Texier, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Isabelle Zribi, avocate au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour les associations Avocats pour la défense des droits des étrangers et Informations sur les mineurs isolés étrangers, Me Lassalle-Byhet, pour l'association Gisti, le syndicat des avocats de France et le Conseil national des barreaux, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 8 février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le paragraphe II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019 mentionnée ci-dessus prévoit : « Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet. « La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. « Un décret en Conseil d'État précise les actes publics concernés par le présent II et fixe les modalités de la légalisation ». 2. Les parties requérantes reprochent d'abord à ces dispositions d'imposer à une personne la légalisation d'un acte public étranger dont elle entend se prévaloir en France, sans garantir que l'examen de sa demande intervienne dans un délai utile, ni prévoir de recours en cas de refus de légalisation par l'autorité compétente. Il en résulterait une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif, des droits de la défense et d'un « droit à la preuve » qui découlerait également de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Elles font enfin valoir qu'en déléguant au pouvoir réglementaire la détermination des modalités de la légalisation de tels actes, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant les droits précités. 3. Certaines parties requérantes soutiennent également que, au regard des conséquences de l'absence de légalisation sur une demande de titre de séjour, ces dispositions seraient contraires au droit de mener une vie familiale normale, au droit d'asile ainsi qu'à un droit à l'identité. Selon elles, ces dispositions méconnaîtraient en outre l'exigence constitutionnelle de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant, dès lors qu'elles priveraient les mineurs étrangers de la possibilité de prouver leur minorité. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les premier et troisième alinéas du paragraphe II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019. - Sur le fond : 5. La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit. 6. En vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant « la nationalité, l'état et la capacité des personnes ». Il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34. 7. Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction. 8. Aux termes du paragraphe II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019, la légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. 9. En application des dispositions contestées de ce même paragraphe, sauf engagement international contraire, toute personne qui entend faire produire des effets en France à un acte public établi par une autorité étrangère doit en obtenir la légalisation. 10. Toutefois, d'une part, il résulte de la jurisprudence du Conseil d'État, telle qu'elle ressort notamment de la décision de renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité, que le juge administratif ne se reconnaît pas compétent pour apprécier la légalité d'une décision de refus de légalisation d'un acte de l'état civil. D'autre part, ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative ne permettent aux personnes intéressées de contester une telle décision devant le juge judiciaire. 11. Au regard des conséquences qu'est susceptible d'entraîner cette décision, il appartenait au législateur d'instaurer une voie de recours. 12. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées sont entachées d'incompétence négative dans des conditions qui portent atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif. 13. Par conséquent, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, les premier et troisième alinéas du paragraphe II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019 doivent être déclarés contraires à la Constitution. 14. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 15. En l'espèce, l'abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles entraînerait des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 31 décembre 2022 la date de leur abrogation. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les premier et troisième alinéas du paragraphe II de l'article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice sont contraires à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 15 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 février 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD et François PILLET. Rendu public le 18 février 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, sous le n° 2021-834 DC, le 20 décembre 2021, par Mmes Valérie RABAULT, Mathilde PANOT, MM. André CHASSAIGNE, Joël AVIRAGNET, Mmes Marie-Noëlle BATTISTEL, Gisèle BIÉMOURET, MM. Jean-Louis BRICOUT, Alain DAVID, Mmes Laurence DUMONT, Lamia EL AARAJE, MM. Olivier FAURE, Guillaume GAROT, Christian HUTIN, Mme Chantal JOURDAN, M. Régis JUANICO, Mme Marietta KARAMANLI, M. Gérard LESEUL, Mme Josette MANIN, M. Philippe NAILLET, Mme Christine PIRES BEAUNE, M. Dominique POTIER, Mmes Claudia ROUAUX, Isabelle SANTIAGO, M. Hervé SAULIGNAC, Mmes Sylvie TOLMONT, Hélène VAINQUEUR-CHRISTOPHE, M. Boris VALLAUD, Mmes Michèle VICTORY, Cécile UNTERMAIER, Clémentine AUTAIN, MM. Ugo BERNALICIS, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Mme Caroline FIAT, MM. Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, Jean-Luc MÉLENCHON, Mme Danièle OBONO, MM. Loïc PRUD'HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean-Hugues RATENON, Mmes Muriel RESSIGUIER, Sabine RUBIN, M. François RUFFIN, Mme Bénédicte TAURINE, M. Alain BRUNEEL, Mme Marie-George BUFFET, MM. Pierre DHARRÉVILLE, Jean-Paul DUFRÈGNE, Mme Elsa FAUCILLON, MM. Sébastien JUMEL, Jean-Paul LECOQ, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Hubert WULFRANC, Moetai BROTHERSON, Mme Karine LEBON, MM. Jean-Philippe NILOR, Jean-Félix ACQUAVIVA, Michel CASTELLANI, Jean-Michel CLÉMENT, Paul-André COLOMBANI, Charles de COURSON, Mme Frédérique DUMAS, MM. François-Michel LAMBERT, Jean LASSALLE, Paul MOLAC, Sébastien NADOT, Bertrand PANCHER, Mmes Sylvia PINEL et Jennifer de TEMMERMAN, députés. Il a également été saisi le 23 décembre 2021, par M. Patrick KANNER, Mme Éliane ASSASSI, MM. Guillaume GONTARD, David ASSOULINE, Joël BIGOT, Mme Florence BLATRIX CONTAT, MM. Denis BOUAD, Hussein BOURGI, Mme Isabelle BRIQUET, M. Rémi CARDON, Mme Marie-Arlette CARLOTTI, M. Yan CHANTREL, Mmes Catherine CONCONNE, Hélène CONWAY-MOURET, M. Thierry COZIC, Mme Marie-Pierre de la GONTRIE, MM. Gilbert-Luc DEVINAZ, Jérôme DURAIN, Vincent ÉBLÉ, Mme Frédérique ESPAGNAC, MM. Rémi FÉRAUD, Jean-Luc FICHET, Mme Martine FILLEUL, M. Hervé GILLÉ, Mme Laurence HARRIBEY, MM. Jean-Michel HOULLEGATTE, Olivier JACQUIN, Mme Victoire JASMIN, MM. Éric JEANSANNETAS, Patrice JOLY, Bernard JOMIER, Éric KERROUCHE, Mme Annie LE HOUEROU, MM. Jean-Yves LECONTE, Jean-Jacques LOZACH, Mme Monique LUBIN, MM. Victorin LUREL, Jacques-Bernard MAGNER, Didier MARIE, Serge MÉRILLOU, Mme Michelle MEUNIER, M. Jean-Jacques MICHAU, Mme Marie-Pierre MONIER, MM. Franck MONTAUGÉ, Sébastien PLA, Mme Angèle PRÉVILLE, MM. Claude RAYNAL, Christian REDON-SARRAZY, Mme Sylvie ROBERT, M. Gilbert ROGER, Mme Laurence ROSSIGNOL, MM. Lucien STANZIONE, Jean-Pierre SUEUR, Jean-Claude TISSOT, Mickaël VALLET, André VALLINI, Mme Sabine VAN HEGHE, MM. Yannick VAUGRENARD, Guy BENARROCHE, Ronan DANTEC, Thomas DOSSUS, Jacques FERNIQUE, Joël LABBE, Mme Monique de MARCO, M. Paul Toussaint PARIGI, Mme Raymonde PONCET MONGE, M. Daniel SALMON, Mmes Sophie TAILLÉ-POLIAN, Mélanie VOGEL, Cathy APOURCEAU-POLY, MM. Jérémy BACCHI, Éric BOCQUET, Mmes Céline BRULIN, Laurence COHEN, Cécile CUKIERMAN, M. Fabien GAY, Mme Michelle GRÉAUME, MM. Gérard LAHELLEC, Pierre LAURENT, Mme Marie-Noëlle LIENEMANN, MM. Pierre OUZOULIAS, Pascal SAVOLDELLI et Mme Marie-Claude VARAILLAS, sénateurs. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de la défense ; - le code de procédure pénale ; - le code de la sécurité intérieure ; Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 12 janvier 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. Ils contestent la conformité à la Constitution de certaines dispositions de son article 15 et l'article 16. Les sénateurs contestent en outre ses articles 13 et 17. - Sur l'article 13 : 2. L'article 13 de la loi déférée insère cinq nouveaux articles L. 256-1 à L. 256-5 au sein du code de la sécurité intérieure afin d'autoriser, sous certaines conditions et pour certaines finalités, le placement sous vidéosurveillance des personnes placées en garde à vue ou en retenue douanière. 3. Les sénateurs requérants reprochent à ces dispositions de porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée au motif que cette mesure n'aurait pas un caractère exceptionnel et pourrait être décidée par le chef du service responsable quelle que soit la gravité des faits reprochés à la personne concernée et pour des finalités trop larges. En outre, le législateur n'aurait pas prévu les conditions de conservation des enregistrements lorsqu'ils sont utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire. 4. Ils soutiennent en outre que, en raison de son caractère particulièrement intrusif, ce placement sous vidéosurveillance s'assimilerait à une mesure privative de liberté. Ce faisant, faute pour le législateur d'en avoir confié la décision à l'autorité judiciaire, il en résulterait une méconnaissance de l'article 66 de la Constitution. 5. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et le droit au respect de la vie privée protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. 6. En premier lieu, les dispositions contestées permettent de placer sous vidéosurveillance une personne placée en garde à vue ou en retenue douanière pour prévenir les risques d'évasion et les menaces qu'elle pourrait présenter pour elle-même ou pour autrui. Ce faisant, le législateur a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public. 7. En deuxième lieu, la mise en œuvre de cette mesure ne peut être décidée que par le chef du service responsable de la sécurité des lieux et dans le seul cas où il existe des raisons sérieuses de penser qu'un tel risque ou une telle menace pourrait se produire. En subordonnant à de tels motifs le placement sous vidéosurveillance, le législateur a exclu son usage généralisé et discrétionnaire. 8. En troisième lieu, d'une part, cette décision de placement sous vidéosurveillance est prise pour une durée qui doit être strictement nécessaire au regard du comportement de la personne concernée et il doit y être mis fin dès que les motifs qui l'ont justifiée ne sont plus réunis. Cette mesure ne peut être décidée que pour une durée maximale de vingt-quatre heures par le chef du service, qui en informe sans délai l'autorité judiciaire, laquelle peut y mettre fin à tout moment. La mesure ne peut être prolongée qu'avec l'autorisation de cette dernière pour une durée ne pouvant excéder, en tout état de cause, celle de la garde à vue ou de la retenue douanière. 9. D'autre part, la personne concernée est informée de son placement sous vidéosurveillance et de son droit de demander à tout moment à l'autorité judiciaire qu'il y soit mis fin. À cet égard, afin de tenir compte de la vulnérabilité particulière des mineurs et des majeurs bénéficiant d'une mesure de protection juridique, le législateur a prévu que leurs avocats ainsi que, respectivement, leurs représentants légaux et leurs tuteurs ou curateurs sont également informés sans délai de la décision de placement sous vidéosurveillance ainsi que, le cas échéant, de son renouvellement. 10. En quatrième lieu, si le placement sous vidéosurveillance permet un contrôle en temps réel de la personne, d'une part, le législateur a prévu qu'un pare-vue préserve l'intimité de celle-ci et que l'emplacement des caméras est visible. D'autre part, aucun dispositif biométrique ou de captation du son ne peut être couplé avec ces traitements et aucun rapprochement, interconnexion ou mise en relation automatisé avec d'autres traitements de données à caractère personnel ne peut être réalisé. 11. En cinquième lieu, d'une part, les images ne peuvent être consultées en temps réel que par le chef de service ou par son représentant individuellement désigné et spécialement habilité par lui, pour les seules finalités autorisées. D'autre part, à l'issue de la garde à vue ou de la retenue douanière, les enregistrements sont conservés sous la responsabilité du chef de service. Nul ne peut y avoir accès, sauf pour les besoins d'un signalement à l'autorité judiciaire dans les conditions prévues à l'article 40 du code de procédure pénale. Leur conservation est limitée à une durée de quarante-huit heures, portée à sept jours à compter du lendemain de la levée de la garde à vue ou de la retenue douanière lorsque la personne ayant fait l'objet de la mesure le demande. S'il est dérogé à ces dispositions dans le cas où les enregistrements sont utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, il est nécessairement procédé à leur destruction au terme de cette procédure. 12. En dernier lieu, d'une part, l'autorité responsable tient un registre des systèmes de vidéosurveillance qui précise l'identité des personnes qui ont fait l'objet d'une telle mesure, la durée des enregistrements réalisés ainsi que les personnes ayant visionné les images, y compris en temps réel. D'autre part, la sécurité des enregistrements et la traçabilité des accès aux images sont garanties par la mise en œuvre de mesures techniques précisées par décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Il appartient au pouvoir réglementaire de s'assurer que soient garanties, jusqu'à leur effacement, l'intégrité des enregistrements réalisés ainsi que la traçabilité de toutes leurs consultations, y compris lorsqu'ils sont conservés dans le cadre d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire. 13. Dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le droit au respect de la vie privée. 14. Par ailleurs, le placement sous vidéosurveillance d'une personne placée en garde à vue ou en retenue douanière ne constituant pas une mesure privative de liberté, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 66 de la Constitution ne peut qu'être écarté. 15. Les articles L. 256-1 à L. 256-5 du code de la sécurité intérieure, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution. - Sur certaines dispositions de l'article 15 et l'article 16 : 16. L'article 15 modifie notamment les articles L. 242-1 et L. 242-4 du code de la sécurité intérieure et insère au sein du même code les articles L. 242-2, L. 242-5 et L. 242-7, afin de prévoir les conditions dans lesquelles certains services de l'État et les services de police municipale peuvent mettre en œuvre, dans le cadre de l'exercice de leurs missions de police administrative, des traitements d'images issues de caméras installées sur des aéronefs, y compris sans personne à bord. 17. L'article 16 insère sept nouveaux articles 230-47 à 230-53 au sein du code de procédure pénale afin de permettre le recours à ces mêmes dispositifs aéroportés dans le cadre d'opérations de police judiciaire. 18. Selon les députés et sénateurs requérants, ces dispositions porteraient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée. À l'appui de ce grief, ils reprochent tout d'abord au législateur d'avoir prévu, tant en matière de police administrative que de police judiciaire, des finalités trop larges pour justifier le recours à ces dispositifs et de ne pas avoir prévu expressément son caractère subsidiaire. Ils font ensuite valoir que, en matière de police administrative, le législateur n'aurait fixé aucune durée maximale à l'autorisation délivrée par le préfet et que, en matière de police judiciaire, la durée maximale de deux ans prévue en cas d'autorisation délivrée par un juge d'instruction serait excessive. Les députés requérants font en outre valoir que la limitation du périmètre de la surveillance serait laissée à la discrétion de l'autorité compétente pour autoriser le recours à ces dispositifs. 19. En matière de police administrative, les députés et sénateurs considèrent en particulier que la possibilité de mettre en œuvre de tels dispositifs sans l'autorisation préalable du préfet en cas d'urgence serait insuffisamment encadrée. Par ailleurs, selon eux, l'article 15 n'interdirait pas, de manière générale, que les images captées par ces dispositifs puissent faire l'objet d'un traitement automatisé de reconnaissance faciale. Les députés requérants estiment en outre que les garanties édictées en cas de captation d'images de l'intérieur des domiciles ou de leurs entrées seraient insuffisantes et que le nombre maximal de caméras pouvant être utilisées simultanément serait laissé à la discrétion du préfet. 20. Pour les mêmes motifs, les députés requérants soutiennent également que les dispositions contestées méconnaîtraient la liberté de manifester. 21. Pour répondre aux objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions, le législateur peut autoriser la captation, l'enregistrement et la transmission d'images par des aéronefs circulant sans personne à bord aux fins de recherche, de constatation ou de poursuite des infractions pénales ou aux fins de maintien de l'ordre et de la sécurité publics. Toutefois, eu égard à leur mobilité et à la hauteur à laquelle ils peuvent évoluer, ces appareils sont susceptibles de capter, en tout lieu et sans que leur présence soit détectée, des images d'un nombre très important de personnes et de suivre leurs déplacements dans un vaste périmètre. Dès lors, la mise en œuvre de tels systèmes de surveillance doit être assortie de garanties particulières de nature à sauvegarder le droit au respect de la vie privée. . En ce qui concerne certaines dispositions de l'article 15 : S'agissant des dispositions relatives à certains services de l'État : 22. En application des paragraphes I et II de l'article L. 242-5 nouveau du code de la sécurité intérieure, peuvent être autorisés à procéder à la captation, à l'enregistrement et à la transmission d'images au moyen de caméras installées sur des aéronefs, dans l'exercice de leurs missions de prévention des atteintes à l'ordre public et de protection de la sécurité des personnes et des biens, les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale ainsi que les militaires des armées déployés sur le territoire national dans le cadre de l'article L. 1321-1 du code de la défense, et, dans l'exercice de leurs missions de prévention des mouvements transfrontaliers de marchandises prohibées, les agents des douanes. 23. Les dispositions contestées permettent ainsi le recours à des aéronefs circulant sans personne à bord qui sont susceptibles de capter et transmettre des images concernant un nombre très important de personnes, y compris en suivant leurs déplacements, dans de nombreux lieux et, le cas échéant, sans qu'elles en soient informées. Elles portent donc atteinte au droit au respect de la vie privée. 24. En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public. 25. En deuxième lieu, d'une part, les services de police nationale et de gendarmerie nationale ainsi que les militaires déployés sur le territoire national ne peuvent être autorisés à faire usage de ces dispositifs qu'aux fins d'assurer la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques de commission de certaines infractions, la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords immédiats particulièrement exposés à des risques d'intrusion ou de dégradation, la sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public lorsque ces rassemblements sont susceptibles d'entraîner des troubles graves à l'ordre public, la prévention d'actes de terrorisme, la régulation des flux de transport aux seules fins du maintien de l'ordre et de la sécurité publics, la surveillance des frontières et le secours aux personnes. D'autre part, les agents des douanes ne peuvent être autorisés à recourir à de tels dispositifs qu'afin de prévenir les mouvements transfrontaliers de marchandises prohibées. Ce faisant, le législateur a précisément circonscrit les finalités justifiant le recours à ces dispositifs. 26. En troisième lieu, le recours à ces dispositifs ne peut être autorisé par le préfet que s'il est proportionné au regard de la finalité poursuivie. À cet égard, la demande des services compétents doit préciser cette finalité et justifier, au regard de celle-ci, la nécessité de recourir aux dispositifs aéroportés. 27. D'une part, l'autorisation du préfet détermine cette finalité et le périmètre strictement nécessaire pour l'atteindre ainsi que le nombre maximal de caméras pouvant être utilisées simultanément, au regard des autorisations déjà délivrées dans le même périmètre géographique. En outre, le nombre maximal de caméras pouvant être simultanément utilisées dans chaque département est fixé par arrêté du ministre de l'intérieur. Une telle autorisation ne saurait cependant, sans méconnaître le droit au respect de la vie privée, être accordée qu'après que le préfet s'est assuré que le service ne peut employer d'autres moyens moins intrusifs au regard de ce droit ou que l'utilisation de ces autres moyens serait susceptible d'entraîner des menaces graves pour l'intégrité physique des agents. 28. D'autre part, l'autorisation accordée par le préfet n'est pas permanente. Elle ne peut être délivrée, lorsqu'il s'agit d'assurer la sécurité d'un rassemblement public, que pour la durée de ce dernier et, pour les autres finalités, que pour une durée maximale de trois mois. Le préfet, qui reçoit chaque semaine le registre tenu par l'autorité responsable des traitements faisant apparaître le détail de chaque intervention, y met fin dès que ces conditions ne sont plus réunies. Cette autorisation ne peut être renouvelée que si les conditions de sa délivrance continuent d'être réunies. Toutefois, un tel renouvellement ne saurait, sans méconnaître le droit au respect de la vie privée, être décidé par le préfet sans qu'il soit établi que le recours à ces dispositifs aéroportés demeure le seul moyen d'atteindre la finalité poursuivie. 29. En quatrième lieu, les dispositifs aéroportés sans personne à bord sont employés de sorte à ne recueillir ni les images de l'intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées. Ces dispositions prévoient en outre que, dans le cas où ces lieux seraient néanmoins visualisés, l'enregistrement doit être immédiatement interrompu et que, lorsqu'une telle interruption n'a pu avoir lieu compte tenu des circonstances de l'intervention, les images enregistrées sont supprimées dans un délai qui ne peut excéder quarante-huit heures à compter de la fin du déploiement du dispositif, sauf dans le cas de la transmission, dans ce délai, d'un signalement à l'autorité judiciaire. 30. En dernier lieu, en application du deuxième alinéa de l'article L. 242-4 du code de la sécurité intérieure, les dispositifs aéroportés ne peuvent procéder à la captation du son, ni comporter de traitements automatisés de reconnaissance faciale. Ces dispositifs aéroportés ne peuvent procéder à aucun rapprochement, interconnexion ou mise en relation automatisé avec d'autres traitements de données à caractère personnel. Toutefois, ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître le droit au respect de la vie privée, être interprétées comme autorisant les services compétents à procéder à l'analyse des images au moyen d'autres systèmes automatisés de reconnaissance faciale qui ne seraient pas placés sur ces dispositifs aéroportés. 31. En revanche, les dispositions contestées prévoient que, en cas d'urgence résultant d'« une exposition particulière et imprévisible à un risque d'atteinte caractérisée aux personnes ou aux biens », ces mêmes services peuvent recourir immédiatement à ces dispositifs aéroportés, pour une durée pouvant atteindre quatre heures et à la seule condition d'en avoir préalablement informé le préfet. Ainsi, ces dispositions permettent le déploiement de caméras aéroportées, pendant une telle durée, sans autorisation du préfet, sans le réserver à des cas précis et d'une particulière gravité, et sans définir les informations qui doivent être portées à la connaissance de ce dernier. Dès lors, elles n'assurent pas une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées. Par conséquent, le vingt-cinquième alinéa du 6° de l'article 15 est contraire à la Constitution. 32. Il résulte de ce qui précède que, sous les réserves énoncées aux paragraphes 27 et 30, les deux premières phrases du premier alinéa et le deuxième alinéa de l'article L. 242-4 du code de la sécurité intérieure ainsi que, sous la réserve énoncée au paragraphe 28, les paragraphes I à IV, VI et VII de l'article L. 242-5 du même code ne méconnaissent pas le droit au respect de la vie privée. 33. Ces dispositions qui ne méconnaissent pas non plus le droit d'expression collective des idées et des opinions ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution. S'agissant des dispositions relatives aux services de police municipale : 34. L'article L. 242-7 nouveau du code de la sécurité intérieure prévoit que, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la loi déférée, dans l'exercice de leurs missions de prévention des atteintes à l'ordre public et de protection de la sécurité des personnes et des biens, les services de police municipale peuvent être autorisés à procéder, au moyen de caméras installées sur des aéronefs, y compris sans personne à bord, à la captation, à l'enregistrement et à la transmission d'images. 35. Or, en premier lieu, le législateur a permis à ces services de recourir à ces dispositifs aéroportés aux fins non seulement d'assurer la régulation des flux de transport et les mesures d'assistance et de secours aux personnes, mais également la sécurité des manifestations sportives, récréatives ou culturelles, sans limiter cette dernière finalité aux manifestations particulièrement exposées à des risques de troubles graves à l'ordre public. 36. En deuxième lieu, si le législateur a prévu que le recours à ces dispositifs aéroportés devait être autorisé par le préfet, il n'a pas prévu que ce dernier puisse y mettre fin à tout moment, dès lors qu'il constate que les conditions ayant justifié sa délivrance ne sont plus réunies. 37. En dernier lieu, les dispositions contestées prévoient que, en cas d'urgence résultant d'« une exposition particulière et imprévisible à un risque d'atteinte caractérisée aux personnes ou aux biens », ces mêmes services peuvent recourir immédiatement à ces dispositifs aéroportés, pour une durée pouvant atteindre quatre heures et à la seule condition d'en avoir préalablement informé le préfet. Ainsi, ces dispositions permettent le déploiement de caméras aéroportées, pendant une telle durée, sans autorisation du préfet, sans le réserver à des cas précis et d'une particulière gravité, et sans définir les informations qui doivent être portées à la connaissance de ce dernier. 38. Dès lors, ces dispositions n'assurent pas une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées. Par conséquent, le 8° de l'article 15 méconnaît le droit au respect de la vie privée. Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, il est donc contraire à la Constitution. 39. Il en est de même, par voie de conséquence, des mots « et L. 242-7 » figurant au second alinéa du 2° et au a du 5° de ce même article. . En ce qui concerne l'article 16 : 40. Les dispositions contestées prévoient que, dans le cadre d'une enquête ou d'une instruction, l'autorité judiciaire peut autoriser le recours à des dispositifs aéroportés, y compris sans personne à bord, ayant pour objet la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement sans leur consentement de l'image d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu public. 41. Ces dispositions permettent ainsi le recours à des aéronefs circulant sans personne à bord qui sont susceptibles de capter et transmettre des images concernant non seulement une ou des personnes déterminées, en suivant leurs déplacements dans des lieux publics, mais également celles d'un nombre très important de personnes sans lien avec la procédure judiciaire en cause. Elles portent donc atteinte au droit au respect de la vie privée. 42. En premier lieu, le recours à un tel moyen de surveillance ne peut être autorisé que lorsque l'exigent les nécessités d'une enquête ou d'une instruction portant sur un crime ou un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement, d'une procédure d'enquête ou d'instruction de recherche des causes de la mort ou de la disparition prévue aux articles 74, 74-1 et 80-4 du code de procédure pénale ou d'une procédure de recherche d'une personne en fuite prévue à l'article 74-2 du même code. 43. En deuxième lieu, d'une part, les opérations de captation, de fixation, de transmission et d'enregistrement se déroulent sous l'autorité et le contrôle du magistrat de l'ordre judiciaire qui les a autorisées, qui peut à tout moment ordonner leur interruption. Dans le cadre d'une enquête de flagrance, d'une enquête préliminaire ou d'une procédure de recherche, le procureur de la République ne peut autoriser le recours à ces dispositifs techniques que pour une durée maximale d'un mois, renouvelable une fois. Dans le cadre d'une instruction ou d'une information pour recherche des causes de la mort ou de la disparition, le juge d'instruction peut l'autoriser pour une durée maximale de quatre mois renouvelable, sans que la durée totale des opérations puisse excéder deux ans. 44. D'autre part, la décision d'autorisation, qui est mentionnée ou versée au dossier de la procédure, doit comporter tous les éléments permettant d'identifier les lieux concernés et préciser sa durée. Les opérations ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que celui pour lequel elles ont été autorisées. 45. En dernier lieu, aucune séquence relative à la vie privée étrangère à l'objet pour lequel ces opérations ont été autorisées ne peut être conservée dans le dossier de la procédure. 46. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées ne méconnaissent pas le droit au respect de la vie privée. 47. Par conséquent, les articles 230-47 à 230-53 du code de procédure pénale, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution. - Sur l'article 17 : 48. L'article 17 insère au sein du code de la sécurité intérieure cinq nouveaux articles L. 243-1 à L. 243-5 afin de permettre à certains services de sécurité et de secours de procéder à un enregistrement de leurs interventions au moyen de caméras embarquées dans leurs moyens de transport. 49. Les sénateurs requérants font valoir que ces dispositions méconnaîtraient le droit au respect de la vie privée au motif qu'elles laisseraient à la discrétion des agents la décision de déclencher ces caméras embarquées et qu'elles ne limiteraient ni la durée ni le périmètre géographique des enregistrements. Ils font également valoir que ces dispositions ne prévoiraient pas une information suffisante des personnes filmées et qu'elles n'encadreraient pas les conditions dans lesquelles les enregistrements peuvent être consultés. . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée : 50. Les dispositions contestées permettent aux agents de la police nationale, aux agents des douanes, aux militaires de la gendarmerie nationale, aux sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des services d'incendie et de secours ainsi qu'aux personnels des services de l'État et aux militaires des unités investis à titre permanent de missions de sécurité civile de procéder, au moyen de caméras embarquées dans leurs véhicules, embarcations et autres moyens de transport fournis par le service, à un enregistrement de leurs interventions. Ces dispositions prévoient que les images ainsi captées et enregistrées peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné et aux personnels impliqués dans la conduite et l'exécution de l'intervention. 51. En premier lieu, l'usage de caméras embarquées ne peut avoir pour seule finalité que d'assurer la sécurité des interventions de ces services. Ainsi, le législateur, qui a entendu prévenir la commission d'agressions sur les agents impliqués dans une opération de police ou de secours et permettre l'envoi éventuel de renforts, a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public. 52. En deuxième lieu, l'enregistrement ne peut être déclenché que lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l'intervention ou au comportement des personnes concernées et que cet enregistrement ne peut se prolonger au-delà de cette intervention. En subordonnant à de tels motifs le recours à ces caméras embarquées, le législateur en a exclu un usage généralisé et discrétionnaire et a encadré la durée des enregistrements. 53. En troisième lieu, les dispositions contestées prévoient, d'une part, que ne peuvent être enregistrées que des images de lieux publics et que les caméras embarquées sont employées de telle sorte qu'elles ne visent pas à recueillir les images de l'intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées. Elles prévoient également que lorsque l'emploi de ces caméras conduit toutefois à visualiser de tels lieux, l'enregistrement est immédiatement interrompu et que, si cette interruption n'a pu avoir lieu, les images enregistrées sont supprimées dans un délai de quarante-huit heures à compter de la fin du déploiement du dispositif, sauf transmission dans ce délai dans le cadre d'un signalement à l'autorité judiciaire. 54. D'autre part, les caméras embarquées ne peuvent pas comporter de traitements automatisés de reconnaissance faciale et il ne peut être procédé à aucun rapprochement, interconnexion ou mise en relation automatisé avec d'autres traitements de données à caractère personnel. Toutefois, ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître le droit au respect de la vie privée, être interprétées comme autorisant les services compétents à procéder à l'analyse des images au moyen d'autres systèmes automatisés de reconnaissance faciale qui ne seraient pas installés sur les caméras. 55. En quatrième lieu, une information générale du public sur l'emploi des caméras embarquées est organisée par le ministre de l'intérieur et une information par une signalétique spécifique est apposée sur le moyen de transport, indiquant que celui-ci est équipé d'une caméra. Si les dispositions contestées prévoient qu'une telle signalétique n'est pas apposée sur certains véhicules, elles n'ont réservé cette possibilité qu'aux véhicules banalisés affectés à des missions nécessitant l'absence d'identification. En outre, un signal visuel ou sonore spécifique indique si un enregistrement est en cours sauf lorsque les circonstances de l'intervention l'interdisent. 56. En dernier lieu, si le législateur a autorisé la transmission en temps réel des images captées et enregistrées, il n'a prévu cette transmission qu'aux agents du poste de commandement et aux personnels impliqués dans la conduite et l'exécution de l'intervention, dans le seul cas où la sécurité de ces personnels est menacée. En outre, la consultation des enregistrements est réservée au cas où elle est nécessaire à un signalement à l'autorité judiciaire ou, pour les personnels ayant participé à l'intervention, à l'établissement fidèle des faits lors de comptes rendus d'intervention. 57. Il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe 54, le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée doit être écarté. . En ce qui concerne la conformité aux droits de la défense et au droit à un procès équitable : 58. Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Sont garantis par cette disposition les droits de la défense et le droit à un procès équitable. 59. En premier lieu, le législateur a limitativement fixé les conditions du déclenchement des caméras embarquées, qui ne peut dès lors résulter d'un choix purement discrétionnaire des agents. 60. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, les personnes filmées en sont informées, sauf si les circonstances l'interdisent. 61. En dernier lieu, d'une part, les agents participant à l'intervention ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements que pour faciliter l'établissement fidèle des faits lors des comptes rendus d'intervention et permettre un signalement à l'autorité judiciaire. 62. D'autre part, le législateur a expressément imposé que les caméras soient munies de dispositifs techniques garantissant l'intégrité des enregistrements et la traçabilité des consultations lorsqu'il y est procédé dans le cadre d'une intervention. Toutefois, ces dispositions ne sauraient s'interpréter, sauf à méconnaître les droits de la défense et le droit à un procès équitable, que comme impliquant que soient garanties, jusqu'à leur effacement, l'intégrité des enregistrements réalisés ainsi que la traçabilité de toutes leurs consultations. 63. Dès lors, il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, les dispositions contestées ne méconnaissent ni les droits de la défense ni le droit à un procès équitable. 64. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont, sous les réserves énoncées aux paragraphes 54 et 62, conformes à la Constitution. - Sur les autres dispositions : 65. Le Conseil constitutionnel n'a soulevé d'office aucune question de conformité à la Constitution et ne s'est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « et L. 242-7 » figurant au second alinéa du 2° et au a du 5° de l'article 15 de la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure ainsi que le vingt-cinquième alinéa de son 6° et le 8° du même article sont contraires à la Constitution. Article 2. - Sous les réserves énoncées ci-dessous, sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes : - sous les réserves énoncées aux paragraphes 27 et 30, les deux premières phrases du premier alinéa et le deuxième alinéa de l'article L. 242-4 ainsi que, sous la réserve énoncée au paragraphe 28, les paragraphes I à IV, VI et VII de l'article L. 242-5, dans leur rédaction résultant de l'article 15 de la loi déférée ; - sous les réserves énoncées aux paragraphes 54 et 62, l'article L. 243-3 du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction issue de l'article 17 de la loi déférée. Article 3. - Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la même loi : - les articles L. 256-1 à L. 256-5 du code de la sécurité intérieure, dans leur rédaction issue de l'article 13 de la loi déférée ; - les articles 230-47 à 230-53 du code de procédure pénale, dans leur rédaction issue de l'article 16 de la loi déférée ; - les articles L. 243-1 et L. 243-2 ainsi que les articles L. 243-4 et L. 243-5 du code de la sécurité intérieure, dans leur rédaction issue de l'article 17 de la loi déférée. Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 janvier 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 20 janvier 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 18 octobre 2021 par le Conseil d'État (décision n° 452773 du 13 octobre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour les époux B. par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-962 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe I de l'article 150-0 A du code général des impôts. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code civil ; - le code général des impôts ; - la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 9 novembre 2021 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 6 janvier 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du paragraphe I de l'article 150-0 A du code général des impôts dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2013 mentionnée ci-dessus. 2. Le paragraphe I de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans cette rédaction, prévoit : « 1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu. « 2. Le complément de prix reçu par le cédant en exécution de la clause du contrat de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux par laquelle le cessionnaire s'engage à verser au cédant un complément de prix exclusivement déterminé en fonction d'une indexation en relation directe avec l'activité de la société dont les titres sont l'objet du contrat, est imposable au titre de l'année au cours de laquelle il est reçu. « Le gain retiré de la cession ou de l'apport d'une créance qui trouve son origine dans une clause contractuelle de complément de prix visée au premier alinéa est imposé dans les mêmes conditions au titre de l'année de la cession ou de l'apport. « 3. (abrogé) « 4. Les sommes ou valeurs attribuées en contrepartie de titres pour lesquels l'option pour l'imputation des pertes a été exercée dans les conditions du deuxième alinéa du 12 de l'article 150-0 D sont imposables au titre de l'année au cours de laquelle elles sont reçues, à hauteur de la perte imputée ou reportée ». 3. Les requérants reprochent à ces dispositions de ne pas prévoir la possibilité pour le contribuable d'obtenir la réduction de l'imposition acquittée sur une plus-value de cession de valeurs mobilières lorsqu'une partie du prix de cette cession n'a pas été effectivement versée par le cessionnaire, notamment dans le cadre d'un crédit-vendeur. Or, selon eux, les capacités contributives du contribuable ne peuvent s'apprécier qu'au regard des sommes qu'il a effectivement encaissées. Il en résulterait une méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « les gains nets retirés des cessions à titre onéreux » figurant au 1 du paragraphe I de l'article 150-0 A du code général des impôts. 5. Selon l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 6. L'exigence de prise en compte des facultés contributives, qui résulte du principe d'égalité devant les charges publiques, implique qu'en principe, lorsque la perception d'un revenu ou d'une ressource est soumise à une imposition, celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource. S'il peut être dérogé à cette règle, notamment pour des motifs de lutte contre la fraude ou l'évasion fiscales, de telles dérogations doivent être adaptées et proportionnées à la poursuite de ces objectifs. 7. L'article 12 du code général des impôts prévoit que l'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. 8. Les dispositions contestées prévoient que sont soumises à l'impôt sur le revenu les plus-values de cession à titre onéreux de valeurs mobilières, de droits sociaux et de titres assimilés. Il résulte d'une jurisprudence constante du Conseil d'État que la date à laquelle la cession doit être regardée comme réalisée est celle à laquelle s'opère le transfert de propriété, indépendamment des modalités de paiement et des événements postérieurs à ce fait générateur. 9. En premier lieu, en application de l'article 1583 du code civil, la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ». Ainsi, à la date de la vente, le contribuable a acquis une créance certaine dont il peut disposer librement. 10. En second lieu, d'une part, le fait qu'une partie du prix de cession doive être versée de manière différée par le cessionnaire au contribuable, le cas échéant par le biais d'un crédit-vendeur, relève de la forme contractuelle qu'ils ont librement choisie. D'autre part, la circonstance que des événements postérieurs affectent le montant du prix effectivement versé au contribuable est sans incidence sur l'appréciation de ses capacités contributives au titre de l'année d'imposition. 11. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant les charges publiques. 12. Par conséquent, ces dispositions, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « les gains nets retirés des cessions à titre onéreux » figurant au 1 du paragraphe I de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 janvier 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 14 janvier 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 novembre 2021 par le Conseil d'État (décision n° 456187 du 26 novembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la fédération nationale des activités de dépollution par Me Frédéric Scanvic, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-968 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 541-30-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l'environnement ; - la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la fédération requérante par Me Scanvic, enregistrées le 21 décembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Scanvic, pour la fédération requérante, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 1er février 2022 ; Au vu des pièces suivantes : - la note en délibéré présentée par le Premier ministre, enregistrée le 4 février 2022 ; - la note en délibéré présentée pour la fédération requérante par Me Scanvic, enregistrée le 9 février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 541-30-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 10 février 2020 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Tout exploitant d'une installation de stockage de déchets non dangereux non inertes est tenu d'y réceptionner les déchets produits par les activités mentionnées aux a, b et c du 2° du II de l'article L. 541-1 ainsi que les résidus de tri qui en sont issus, lorsqu'elles traitent des déchets issus d'une collecte séparée et satisfont à des critères de performance définis par arrêté du ministre chargé des installations classées. « L'obligation définie au premier alinéa du présent article est soumise aux conditions suivantes : « 1° Le producteur ou le détenteur des déchets a informé l'exploitant de l'installation de stockage de la nature et de la quantité des déchets à réceptionner avant le 31 décembre de l'année précédente et au moins six mois avant leur réception effective ; « 2° La réception des déchets dans l'installation de stockage est, au regard de leur nature, de leur volume et de leur origine, conforme à l'autorisation prévue au 2° de l'article L. 181-1 ; « 3° La quantité de déchets à réceptionner, répondant aux critères prévus au premier alinéa du présent article, est justifiée par le producteur ou le détenteur des déchets au moyen de données chiffrées en prenant notamment en compte la capacité autorisée et la performance de son installation. « Le producteur ou détenteur des déchets est redevable du prix de traitement des déchets pour les quantités réservées. « L'exploitant de l'installation de stockage ne peut facturer au producteur des déchets un prix hors taxes supérieur au prix habituellement facturé pour des déchets de même nature, selon des modalités définies par décret. « La mise en œuvre de l'obligation définie au premier alinéa n'ouvre droit à aucune indemnisation ni de l'exploitant de l'installation de stockage soumis aux dispositions du présent article, ni des producteurs ou détenteurs dont le contrat avec cet exploitant n'aurait pu être exécuté en tout ou partie pour permettre l'admission de déchets répondant aux critères et aux conditions posés, respectivement, au même premier alinéa ainsi qu'aux 1° et 2°, quelle que soit la date de conclusion du contrat ». 2. La fédération requérante reproche à ces dispositions d'obliger les exploitants d'installations de stockage de déchets à réceptionner certains déchets à un prix déterminé. Il en résulterait une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre. 3. Elle fait également valoir que, en ne précisant pas suffisamment les conditions dans lesquelles les exploitants sont tenus de réceptionner ces déchets, ni les modalités de détermination du prix de leur traitement, ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative dans des conditions affectant les exigences constitutionnelles précitées. 4. En outre, elle soutient que, dans un contexte de saturation des capacités de stockage des installations existantes, l'obligation de réception mise à la charge des exploitants pourrait les conduire à refuser le traitement d'autres déchets, en méconnaissance des contrats préalablement conclus avec leurs apporteurs. Les dispositions renvoyées seraient ainsi contraires au droit au maintien des conventions légalement conclues. 5. La fédération requérante dénonce enfin la rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques qui résulterait, en application des dispositions renvoyées, de l'exclusion de toute indemnisation des préjudices subis par les exploitants et les apporteurs de déchets. - Sur le fond : 6. Le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. 7. Les dispositions contestées imposent aux exploitants des installations de stockage de déchets non dangereux et non inertes de réceptionner les déchets ultimes produits par les filières industrielles de réemploi, de recyclage et de valorisation des déchets dès lors qu'elles satisfont à certains critères de performance. Les producteurs ou détenteurs de déchets de ces filières sont redevables du prix de traitement des déchets qu'ils apportent, qui ne peut être facturé par l'exploitant de l'installation de stockage à un montant supérieur à celui habituellement facturé pour des déchets de même nature. 8. En obligeant les exploitants à réceptionner, par priorité, certains déchets ultimes, les dispositions contestées sont susceptibles de faire obstacle à l'exécution des contrats qu'ils ont préalablement conclus avec les apporteurs d'autres déchets. Elles portent donc atteinte au droit au maintien des conventions légalement conclues. 9. Il ressort des travaux préparatoires que, dans un contexte de raréfaction des capacités de stockage, le législateur a entendu garantir un exutoire aux déchets ultimes de certaines installations de valorisation et favoriser ainsi une gestion plus vertueuse des déchets. Ce faisant, il a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement. 10. Toutefois, en premier lieu, les dispositions contestées obligent l'exploitant à réceptionner tous les déchets ultimes qui lui sont apportés par certaines filières industrielles, quand bien même elles ne rencontreraient pas de difficultés pour procéder à leur traitement. 11. En deuxième lieu, les dispositions contestées prévoient que l'exploitant doit être informé de la nature et de la quantité des déchets ultimes qu'il est tenu de prendre en charge au plus tard le 31 décembre de l'année précédant leur réception et au moins six mois avant celle-ci. Néanmoins, ce délai n'est pas de nature à garantir qu'il sera en mesure, à la date de réception de ces déchets, d'exécuter les contrats préalablement conclus avec les apporteurs d'autres déchets, dès lors que les dispositions contestées ne prévoient aucune exception à son obligation de réception. 12. En dernier lieu, les apporteurs de déchets dont le contrat avec un exploitant n'aura pu être exécuté, en tout ou partie, du fait des dispositions contestées, sont privés, quelle que soit la date de conclusion de leur contrat, de la possibilité de demander réparation des conséquences de cette inexécution. 13. Dès lors, si pour mettre en œuvre l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement, il est loisible au législateur d'instituer une obligation pour les installations de stockage de réceptionner certains déchets ultimes, les dispositions contestées portent une atteinte manifestement disproportionnée au droit au maintien des conventions légalement conclues. 14. Par conséquent, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs, ces dispositions doivent être déclarées contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 15. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 16. En l'espèce, d'une part, aucun motif ne justifie de reporter la prise d'effet de cette déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. 17. D'autre part, la déclaration d'inconstitutionnalité ne peut pas être invoquée lorsque le producteur ou le détenteur de déchets a régulièrement informé, avant cette même date, l'exploitant d'une installation de stockage de déchets non dangereux et non inertes de la nature et de la quantité de déchets à réceptionner en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - L'article L. 541-30-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, est contraire à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées aux paragraphes 16 et 17 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel 11de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 février 2022, où siégeaient : M. Alain JUPPÉ exerçant les fonctions de Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 11 février 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 26 novembre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1570 du 24 novembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Nicolas F. par la SCP Krivine et Viaud, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-967 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 222-41 du code pénal et de l'article L. 5132-7 du code de la santé publique. Il a également été saisi le 9 décembre 2021 par le Conseil d'État (décision n° 456556 du 8 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Anthony D. par Me Nicolas Hachet, avocat au barreau de Bordeaux. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-973 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 5132-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code pénal ; - le code de la santé publique ; - la loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes ; - la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé ; - la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour M. Nicolas F. par Me Hachet, enregistrées le 15 décembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour le syndicat professionnel du chanvre par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour l'union des professionnels du CBD et autres par Me Xavier Pizarro, avocat au barreau de Marseille, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour le syndicat professionnel du chanvre par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, enregistrées le 24 décembre 2021 ; - les observations présentées pour M. Anthony D., partie requérante, et pour l'association Groupe de recherche et d'études cliniques sur les cannabinoïdes, partie à l'instance à l'occasion de laquelle la seconde question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par Me Hachet, enregistrées le 29 décembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour l'association Auto-support et réduction des risques parmi les usagers et ex-usagers de drogues et autres par Me Hachet, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour l'union des professionnels du CBD et autres par Me Pizarro, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour M. Nicolas F. par Me Hachet, enregistrées le 30 décembre 2021 ; - les secondes observations en intervention présentées pour l'union des professionnels du CBD et autres par Me Pizarro, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour M. Anthony D. et pour l'association Groupe de recherche et d'études cliniques sur les cannabinoïdes par Me Hachet, enregistrées le 13 janvier 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Hachet, pour les requérants, pour l'association Groupe de recherche et d'étude cliniques sur les cannabinoïdes et pour l'association Auto-support et réduction des risques parmi les usagers et ex-usagers de drogues et autres, Me Pizarro, pour l'union des professionnels du CBD et autres, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 1er février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il y a lieu de joindre les deux questions prioritaires de constitutionnalité pour y statuer par une seule décision. 2. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi, pour celles des dispositions dont la rédaction n'a pas été précisée, de l'article 222-41 du code pénal dans sa rédaction issue de la loi du 22 juillet 1992 mentionnée ci-dessus et de l'article L. 5132-7 du code de la santé publique dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2011 mentionnée ci-dessus. 3. L'article 222-41 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi du 22 juillet 1992, prévoit : « Constituent des stupéfiants au sens des dispositions de la présente section les substances ou plantes classées comme stupéfiants en application de l'article L. 5132-7 du code de la santé publique ». 4. L'article L. 5132-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2011, prévoit : « Les plantes, substances ou préparations vénéneuses sont classées comme stupéfiants ou comme psychotropes ou sont inscrites sur les listes I et II par arrêté du ministre chargé de la santé pris sur proposition du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ». 5. L'article L. 5132-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi du 7 décembre 2020 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Les plantes, substances ou préparations vénéneuses sont classées comme stupéfiants ou comme psychotropes ou sont inscrites sur les listes I et II par décision du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, sans préjudice des dispositions réglementaires applicables aux plantes, substances ou préparations vénéneuses inscrites sur les listes I et II mentionnées au 4° de l'article L. 5132-1 contenues dans des produits autres que les médicaments à usage humain ». 6. Les requérants, rejoints par les parties intervenantes, reprochent à ces dispositions de ne pas définir la notion de « stupéfiants » et ainsi de renvoyer au pouvoir réglementaire la détermination du champ d'application des infractions relevant du trafic de stupéfiants. Ce faisant, le législateur aurait méconnu le principe de légalité des délits et des peines. Pour les mêmes motifs, et au regard des peines prévues pour de telles infractions, ils reprochent également à ces dispositions de méconnaître les principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines ainsi que le principe d'égalité devant la loi pénale. 7. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur l'article 222-41 du code pénal ainsi que sur les mots « par arrêté du ministre chargé de la santé » figurant à l'article L. 5132-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2011, et sur les mots « par décision du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé » figurant au même article, dans sa rédaction résultant de la loi du 7 décembre 2020. 8. En premier lieu, l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose : « nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant ... la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ». Le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration de 1789, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire. 9. Les articles 222-34 à 222-40 du code pénal répriment les crimes et délits relevant du trafic de stupéfiants. 10. L'article 222-41 du même code prévoit que constituent des stupéfiants, au sens de ces dispositions, les substances ou plantes classées comme telles en application de l'article L. 5132-7 du code de la santé publique. 11. Les dispositions contestées de l'article L. 5132-7, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2011, prévoient que les plantes, substances ou préparations vénéneuses sont classées comme stupéfiants par décision du ministre de la santé. Les dispositions contestées de cet article, dans sa rédaction résultant de la loi du 7 décembre 2020, prévoient que ce classement est effectué par décision du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. 12. La notion de stupéfiants, qui désigne des substances psychotropes se caractérisant par un risque de dépendance et des effets nocifs pour la santé, est suffisamment claire et précise pour garantir contre le risque d'arbitraire. 13. Ainsi, en renvoyant à l'autorité administrative le pouvoir de classer certaines substances comme stupéfiants, le législateur n'a pas conféré au pouvoir réglementaire la compétence pour déterminer les éléments constitutifs des infractions qui s'y réfèrent. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de procéder à ce classement en fonction de l'évolution de l'état des connaissances scientifiques et médicales. 14. Dès lors, en faisant de la notion de stupéfiants un élément dont dépend le champ d'application de certaines infractions pénales, le législateur n'a pas méconnu le principe de légalité des délits et des peines. 15. En second lieu, les dispositions contestées n'instituent, par elles-mêmes, aucune incrimination. Les griefs tirés de la méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines, ainsi que du principe d'égalité devant la loi pénale, ne peuvent qu'être écartés. 16. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sont conformes à la Constitution : - l'article 222-41 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes ; - les mots « par arrêté du ministre chargé de la santé » figurant à l'article L. 5132-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé ; - les mots « par décision du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé » figurant à l'article L. 5132-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 février 2022, où siégeaient : M. Alain JUPPÉ exerçant les fonctions de Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 11 février 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 18 octobre 2021 par le Conseil d'État (décision nos 454719, 454775, 455105 et 455150 du 12 octobre 2021) dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée par l'union syndicale des magistrats administratifs, pour le syndicat de la juridiction administrative par la SCP Delamarre et Jéhannin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'association des anciens élèves de l'École nationale d'administration et autres par la SCP Foussard-Froger, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et pour l'association des magistrats de la Cour des comptes par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-961 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit : - de l'article 6 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État ; - des articles L. 133-12-3 et L. 133-12-4 du code de justice administrative, dans leur rédaction issue de la même ordonnance ; - des articles L. 122-9 et L. 122-10 du code des juridictions financières, dans la même rédaction. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code des juridictions financières ; - le code de justice administrative ; - la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique ; - la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ; - l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État, prise sur le fondement de l'habilitation prévue à l'article 59 de la loi du 6 août 2019 mentionnée ci-dessus, dont le délai, prolongé par l'article 14 de la loi du 23 mars 2020 mentionnée ci-dessus, est expiré ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour l'association des anciens élèves de l'École nationale d'administration et autres par la SCP Foussard-Froger, enregistrées le 8 novembre 2021 ; - les observations présentées pour l'association des magistrats de la Cour des comptes par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées le même jour ; - les observations présentées par l'union syndicale des magistrats administratifs, enregistrées le même jour ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 9 novembre 2021 ; - les observations en intervention présentées par M. Renaud F., enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées par l'union syndicale des magistrats administratifs, enregistrées le 23 novembre 2021 ; - les secondes observations présentées pour l'association des anciens élèves de l'École nationale d'administration et autres par la SCP Foussard-Froger, enregistrées le 24 novembre 2021 ; - les secondes observations présentées pour l'association des magistrats de la Cour des comptes par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations en intervention présentées par M. Renaud F., enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Anthony Baudiffier, avocat au barreau de Paris, pour l'union syndicale des magistrats administratifs, Me Manuel Delamarre, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le syndicat de la juridiction administrative, Me Régis Froger, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'association des anciens élèves de l'École nationale d'administration et autres, Me Emmanuel Piwnica, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'association des magistrats de la Cour des comptes, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 6 janvier 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 6 de l'ordonnance du 2 juin 2021 mentionnée ci-dessus prévoit : « Les nominations, parcours de carrière et mobilités au sein des services d'inspection générale dont les missions le justifient et dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État sont régis par les dispositions qui suivent. « Les chefs de ces services sont nommés par décret en conseil des ministres pour une durée renouvelable. Il ne peut être mis fin à leurs fonctions avant le terme de cette durée qu'à leur demande ou en cas d'empêchement ou de manquement à leurs obligations déontologiques, après avis d'une commission dont la composition est fixée par décret en Conseil d'État. Le sens de cet avis est rendu public avec la décision mettant fin aux fonctions. « Les agents exerçant des fonctions d'inspection générale au sein des mêmes services sont recrutés, nommés et affectés dans des conditions garantissant leur capacité à exercer leurs missions avec indépendance et impartialité. « Lorsqu'ils ne sont pas régis par les statuts particuliers des corps d'inspection et de contrôle, ces agents sont nommés pour une durée renouvelable. Pendant cette durée, il ne peut être mis fin à leurs fonctions qu'à leur demande ou, sur proposition du chef du service de l'inspection générale concernée, en cas d'empêchement ou de manquement à leurs obligations déontologiques. « Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article ». 2. L'article L. 133-12-3 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue de la même ordonnance, prévoit : « La commission d'intégration comprend : « 1° Le vice-président du Conseil d'État, ou son représentant ; « 2° Un membre du Conseil d'État en exercice ayant au moins le grade de conseiller d'État et un membre du Conseil d'État en exercice ayant le grade de maître des requêtes, nommés par le vice-président du Conseil d'État ; « 3° Une personne particulièrement qualifiée en raison de ses compétences dans le domaine des ressources humaines, nommée par le Président de la République ; « 4° Une personne particulièrement qualifiée en raison de ses compétences dans le domaine de l'action publique, nommée par le président de l'Assemblée nationale ; « 5° Une personne particulièrement qualifiée en raison de ses compétences dans le domaine du droit, nommée par le président du Sénat ; « Le mandat des membres de la commission, à l'exception de celui du vice-président est de quatre ans. Il n'est pas renouvelable immédiatement. « Les cinq membres de la commission mentionnés aux 2° à 5° comprennent au moins deux personnes de chaque sexe. Un décret en Conseil d'État précise les modalités permettant d'assurer le respect de cette règle. « Les membres de la commission doivent présenter des garanties d'indépendance et d'impartialité propres à prévenir toute interférence des autorités législatives ou exécutives dans les délibérations de la commission ou tout conflit d'intérêts ». 3. L'article L. 133-12-4 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « La commission d'intégration propose la nomination au grade de maître des requêtes des auditeurs et des maîtres des requêtes en service extraordinaire après audition des candidats. Elle procède de manière distincte pour les auditeurs, pour les maîtres des requêtes en service extraordinaire mentionnés aux articles L. 133-9 et L. 133-12 et pour les maîtres des requêtes en service extraordinaire relevant de l'article 9 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État et des règles de recrutement et de mobilité des membres des juridictions administratives et financières. « Elle prend en compte, au vu notamment de l'expérience résultant de la période d'activité au sein du Conseil d'État, l'aptitude des candidats à exercer les fonctions consultatives et contentieuses et à participer à des délibérations collégiales, leur compréhension des exigences déontologiques attachées à ces fonctions ainsi que leur sens de l'action publique. Elle rend publiques les lignes directrices guidant son évaluation des candidats. « À l'issue des auditions, la commission arrête la liste des candidats retenus par ordre de mérite dans la limite du nombre fixé par le vice-président. « Sur demande du candidat, elle lui communique les motifs pour lesquels elle a refusé de proposer son intégration. « Les nominations sont prononcées dans l'ordre établi par la commission ». 4. L'article L. 122-9 du code des juridictions financières, dans la même rédaction, prévoit : « La commission d'intégration comprend : « 1° Le premier président de la Cour des comptes, ou son représentant ; « 2° Un magistrat de la Cour des comptes en exercice ayant au moins le grade de conseiller maître et un magistrat de la Cour des comptes en exercice ayant le grade de conseiller référendaire, nommés par le premier président de la Cour des comptes ; « 3° Deux personnes particulièrement qualifiées en raison de leurs compétences dans le domaine des finances publiques et de l'évaluation des politiques publiques, nommées par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ; « 4° Une personne particulièrement qualifiée en raison de ses compétences dans le domaine des ressources humaines, nommée par le Président de la République. « Le mandat des membres de la commission, à l'exception de celui du premier président est de quatre ans. Il n'est pas renouvelable immédiatement. « Les cinq membres de la commission mentionnés aux 2° à 4° comprennent au moins deux personnes de chaque sexe. Un décret en Conseil d'État précise les modalités permettant d'assurer le respect de cette règle. « Les membres de la commission doivent présenter des garanties d'indépendance et d'impartialité propres à prévenir toute interférence des autorités législatives ou exécutives dans les délibérations de la commission ou tout conflit d'intérêts ». 5. L'article L. 122-10 du code des juridictions financières, dans la même rédaction, prévoit : « La commission d'intégration décide de la nomination au grade de conseiller référendaire des auditeurs et des conseillers référendaires en service extraordinaire. Elle procède de manière distincte pour les auditeurs, pour les conseillers référendaires en service extraordinaire mentionnés à l'article L. 112-7 et pour les conseillers référendaires en service extraordinaire relevant de l'article 9 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État et des règles de recrutement et de mobilité des membres des juridictions administratives et financières. « Elle prend en compte, au vu notamment de l'expérience résultant de la période d'activité au sein de la Cour des comptes, l'aptitude des candidats à exercer les fonctions de magistrat et à participer à des délibérations collégiales, leur compréhension des exigences déontologiques attachées à ces fonctions ainsi que leur sens de l'action publique. Elle rend publiques les lignes directrices guidant son évaluation des candidats. « À l'issue des auditions, la commission arrête la liste des candidats par ordre de mérite dans la limite du nombre fixé par le Premier président. « Sur demande du candidat, elle lui communique les motifs pour lesquels elle a refusé de proposer son intégration. « Les nominations sont prononcées dans l'ordre établi par la commission. « Les modalités d'application du présent article sont précisées par un décret en Conseil d'État ». 6. Certains requérants reprochent aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 2 juin 2021 de ne pas viser les services d'inspection générale relevant de leur champ d'application et de ne pas entourer de garanties suffisantes les conditions d'exercice des fonctions de leurs agents et de leurs chefs de service. Ces dispositions seraient dès lors entachées d'incompétence négative dans une mesure affectant le principe constitutionnel d'indépendance des membres des services d'inspection générale de l'État, qu'ils demandent au Conseil constitutionnel de reconnaître sur le fondement de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi que, le cas échéant, de son article 16. Ils dénoncent également, pour les mêmes motifs, la méconnaissance directe, par ces dispositions, de ce même principe. 7. Les parties requérantes critiquent les autres dispositions renvoyées en ce qu'elles prévoient que les commissions chargées de proposer la nomination aux grades de maître des requêtes au Conseil d'État et de conseiller référendaire à la Cour des comptes sont composées pour moitié de personnalités nommées par le Président de la République et les présidents des assemblées parlementaires, sans prévoir de règle de départage des voix. Il en résulterait une méconnaissance des principes d'indépendance et d'impartialité des fonctions juridictionnelles ainsi que de la séparation des pouvoirs, protégés par l'article 16 de la Déclaration de 1789, en raison du risque d'immixtion des pouvoirs législatif et exécutif dans l'exercice des missions juridictionnelles et de blocage de l'activité des commissions. Pour les mêmes motifs, ils reprochent à ces dispositions d'être entachées d'incompétence négative dans une mesure affectant ces mêmes principes. 8. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur l'article 6 de l'ordonnance du 2 juin 2021, sur l'article L. 133-12-3 du code de justice administrative et sur l'article L. 122-9 du code des juridictions financières. - Sur l'intervention : 9. Selon le deuxième alinéa de l'article 6 du règlement intérieur du 4 février 2010 mentionné ci-dessus, seules les personnes justifiant d'un « intérêt spécial » sont admises à présenter une intervention. 10. La seule qualité d'inspecteur général de l'administration n'est pas de nature à conférer à M. Renaud F. un intérêt spécial à intervenir dans la procédure. Par conséquent, son intervention n'est pas admise. - Sur l'article 6 de l'ordonnance du 2 juin 2021 : 11. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ». Le Conseil constitutionnel ne peut être saisi dans les conditions prévues par cet article que de dispositions de nature législative. 12. Si les dispositions d'une ordonnance adoptée selon la procédure prévue à l'article 38 de la Constitution acquièrent valeur législative à compter de sa signature lorsqu'elles ont été ratifiées par le législateur, elles doivent être regardées, dès l'expiration du délai de l'habilitation, comme des dispositions législatives au sens de l'article 61-1 de la Constitution dans les matières qui sont du domaine législatif. 13. D'une part, aucune exigence constitutionnelle n'impose que soit garantie l'indépendance des services d'inspection générale de l'État. 14. D'autre part, en vertu de l'article 34 de la Constitution, « La loi fixe les règles concernant ... les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'État ». 15. L'article 6 de l'ordonnance du 2 juin 2021, qui se borne à définir les conditions d'affectation à des emplois au sein de services d'inspection générale de l'État, ne met pas en cause des règles concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires de l'État. Par conséquent, ces dispositions ne peuvent être regardées comme des dispositions législatives au sens de l'article 61-1 de la Constitution. 16. Il n'y a donc pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur leur conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution. - Sur les autres dispositions contestées : 17. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Les principes d'indépendance et d'impartialité sont indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles. 18. L'article L. 133-12-3 du code de justice administrative fixe la composition de la commission d'intégration chargée de proposer la nomination au grade de maître des requêtes au Conseil d'État des auditeurs et des maîtres des requêtes en service extraordinaire. Cette commission est composée de trois membres du Conseil d'État et de trois personnalités qualifiées nommées respectivement par le Président de la République et les présidents des assemblées parlementaires. 19. L'article L. 122-9 du code des juridictions financières fixe quant à lui la composition de la commission d'intégration chargée de décider de la nomination au grade de conseiller référendaire à la Cour des comptes des auditeurs et des conseillers référendaires en service extraordinaire. Cette commission est composée de trois magistrats de la Cour des comptes et de trois personnalités qualifiées nommées respectivement par le Président de la République et les présidents des assemblées parlementaires. 20. En premier lieu, il résulte des termes mêmes des dispositions contestées que les personnalités qualifiées membres de ces commissions sont désignées en raison de leurs compétences dans un domaine précis et doivent présenter des garanties d'indépendance et d'impartialité propres à prévenir toute interférence des autorités législatives ou exécutives dans les délibérations de la commission ou tout conflit d'intérêts. 21. En deuxième lieu, les articles L. 133-12-4 du code de justice administrative et L. 122-10 du code des juridictions financières précisent que la commission prend en compte l'aptitude des candidats à exercer les fonctions auxquelles ils se destinent et, en particulier, leur compréhension des exigences déontologiques attachées à ces fonctions ainsi que leur sens de l'action publique. 22. En dernier lieu, l'absence de règle de départage des voix au sein des commissions d'intégration, qui conduit à ce que ne peuvent être proposés à la nomination que des candidats pour lesquels une majorité s'est dégagée, est sans incidence sur l'indépendance et l'impartialité des juridictions. 23. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit être écarté. 24. Les articles L. 133-12-3 du code de justice administrative et L. 122-9 du code des juridictions financières, qui ne sont pas entachés d'incompétence négative et qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent donc être déclarés conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Il n'y a pas lieu de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 6 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État. Article 2. - L'article L. 133-12-3 du code de justice administrative et l'article L. 122-9 du code des juridictions financières, dans leur rédaction issue de la même ordonnance, sont conformes à la Constitution. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 janvier 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 14 janvier 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 3 décembre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1582 du 1er décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour Mme B. et les sociétés Beralto, Crystal, Pralong et Jaze irrevocable trust par Me Hervé Temime, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-969 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 713-36, 713-38, 713-39 et 713-41 du code de procédure pénale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, et des articles 713-37 et 713-40 du même code. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale ; - la loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 de programmation relative à l'exécution des peines ; - la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les requérantes par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 27 décembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour les requérantes par la SCP Spinosi, enregistrées le 11 janvier 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour les requérantes, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 1er février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi, pour celles des dispositions dont la rédaction n'a pas été précisée, de l'article 713-37 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 27 janvier 2017 mentionnée ci-dessus et de l'article 713-40 du même code dans sa rédaction résultant de la loi du 27 mars 2012 mentionnée ci-dessus. 2. L'article 713-36 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 9 juillet 2010 mentionnée ci-dessus, prévoit : « En l'absence de convention internationale en disposant autrement, les articles 713-37 à 713-40 sont applicables à l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères, tendant à la confiscation des biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, ayant servi ou qui étaient destinés à commettre l'infraction ou qui paraissent en être le produit direct ou indirect ainsi que de tout bien dont la valeur correspond au produit de cette infraction ». 3. L'article 713-37 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 27 janvier 2017, prévoit : « Sans préjudice de l'application de l'article 694-4, l'exécution de la confiscation est refusée : « 1° Si les faits à l'origine de la demande ne sont pas constitutifs d'une infraction selon la loi française ; « 2° Si les biens sur lesquels elle porte ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une confiscation selon la loi française ; « 3° Si la décision étrangère a été prononcée dans des conditions n'offrant pas de garanties suffisantes au regard de la protection des libertés individuelles et des droits de la défense ; « 4° S'il est établi que la décision étrangère a été émise dans le but de poursuivre ou de condamner une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle ou identité de genre ; « 5° Si le ministère public français avait décidé de ne pas engager de poursuites pour les faits à raison desquels la confiscation a été prononcée par la juridiction étrangère ou si ces faits ont déjà été jugés définitivement par les autorités judiciaires françaises ou par celles d'un État autre que l'État demandeur, à condition, en cas de condamnation, que la peine ait été exécutée, soit en cours d'exécution ou ne puisse plus être ramenée à exécution selon les lois de l'État de condamnation ; « 6° Si elle porte sur une infraction politique ». 4. L'article 713-38 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 9 juillet 2010, prévoit : « L'exécution de la confiscation ordonnée par une autorité judiciaire étrangère en application de l'article 713-36 est autorisée par le tribunal correctionnel, sur requête du procureur de la République. « L'exécution est autorisée à la condition que la décision étrangère soit définitive et exécutoire selon la loi de l'État requérant. « L'autorisation d'exécution ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits licitement constitués au profit des tiers, en application de la loi française, sur les biens dont la confiscation a été prononcée par la décision étrangère. Toutefois, si cette décision contient des dispositions relatives aux droits des tiers, elle s'impose aux juridictions françaises à moins que les tiers n'aient pas été mis à même de faire valoir leurs droits devant la juridiction étrangère dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française. « Le refus d'autoriser l'exécution de la décision de confiscation prononcée par la juridiction étrangère emporte de plein droit mainlevée de la saisie. Il en est de même lorsque les poursuites engagées à l'étranger ont pris fin ou n'ont pas conduit à la confiscation des biens saisis ». 5. L'article 713-39 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « S'il l'estime utile, le tribunal correctionnel entend, le cas échéant par commission rogatoire, le propriétaire du bien saisi, la personne condamnée ainsi que toute personne ayant des droits sur les biens qui ont fait l'objet de la décision étrangère de confiscation. « Les personnes mentionnées à l'alinéa précédent peuvent se faire représenter par un avocat. « Le tribunal correctionnel est lié par les constatations de fait de la décision étrangère. Si ces constatations sont insuffisantes, il peut demander par commission rogatoire à l'autorité étrangère ayant rendu la décision, la fourniture, dans un délai qu'il fixe, des informations complémentaires nécessaires ». 6. L'article 713-40 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 27 mars 2012, prévoit : « L'exécution sur le territoire de la République d'une décision de confiscation émanant d'une juridiction étrangère entraîne transfert à l'État français de la propriété des biens confisqués, sauf s'il en est convenu autrement avec l'État requérant. « Les biens ainsi confisqués peuvent être vendus selon les dispositions du code du domaine de l'État. « Les frais d'exécution de la décision de confiscation sont imputés sur le total des montants recouvrés. « Les sommes d'argent recouvrées et le produit de la vente des biens confisqués, déduction faite des frais d'exécution, sont dévolus à l'État français lorsque ce montant est inférieur à 10 000 € et dévolus pour moitié à l'État français et pour moitié à l'État requérant dans les autres cas. « Si la décision étrangère prévoit la confiscation en valeur, la décision autorisant son exécution rend l'État français créancier de l'obligation de payer la somme d'argent correspondante. À défaut de paiement, l'État fait recouvrer sa créance sur tout bien disponible à cette fin. Le montant recouvré, déduction faite de tous les frais, est partagé selon les règles prévues au présent article ». 7. L'article 713-41 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 9 juillet 2010, prévoit : « Pour l'application de la présente section, le tribunal correctionnel compétent est celui du lieu de l'un des biens objet de la demande ou, à défaut, le tribunal correctionnel de Paris ». 8. Les requérantes soutiennent, tout d'abord, que ces dispositions méconnaîtraient les droits de la défense, le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit de propriété. À l'appui de ces griefs, elles font valoir que les dispositions renvoyées n'imposeraient ni la tenue d'un débat contradictoire devant le tribunal correctionnel, ni la notification de la décision prise par cette juridiction, ni la possibilité de la contester. Elles reprochent en outre à ces dispositions de ne pas déterminer les pièces produites par le procureur de la République et celles communiquées aux personnes concernées. 9. Elles font valoir, ensuite, qu'en ne prévoyant pas les cas dans lesquels les personnes sont entendues par le tribunal correctionnel et les conditions dans lesquelles les pièces leur sont communiquées, ces dispositions seraient contraires aux principes d'égalité devant la loi et devant la justice. 10. Enfin, pour les mêmes motifs, les dispositions renvoyées seraient entachées d'incompétence négative dans des conditions affectant les droits précités et méconnaîtraient le principe de clarté de la loi. 11. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le premier alinéa des articles 713-38 et 713-39 du code de procédure pénale. 12. Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ainsi que le respect des droits de la défense. 13. Les dispositions des articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale prévoient les conditions dans lesquelles les juridictions françaises compétentes peuvent autoriser ou refuser l'exécution sur le territoire national d'une décision de confiscation prononcée par une autorité judiciaire étrangère. 14. En application des dispositions contestées, le tribunal correctionnel peut, sur requête du procureur de la République, autoriser l'exécution d'une telle décision sans être tenu d'entendre préalablement les personnes intéressées. 15. En premier lieu, d'une part, le tribunal correctionnel ne se prononce que sur l'exécution en France de la décision de confiscation prononcée par une autorité judiciaire étrangère, ayant un caractère définitif et exécutoire selon la loi de l'État requérant. Il ne lui appartient donc pas de se prononcer sur le bien-fondé de la décision de confiscation. D'autre part, les dispositions contestées permettent au tribunal correctionnel d'entendre, s'il estime utile, l'ensemble des personnes intéressées. 16. En second lieu, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, telle qu'elle ressort de la décision de renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité, que les personnes intéressées bénéficient, selon les conditions de droit commun, d'un droit d'appel contre la décision du tribunal correctionnel autorisant l'exécution de la décision étrangère de confiscation. Le droit d'exercer un tel recours implique nécessairement que cette décision soit portée à leur connaissance. 17. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit être écarté. 18. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative et qui ne méconnaissent pas non plus les principes d'égalité devant la loi et devant la justice ou le droit de propriété, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le premier alinéa de l'article 713-38 du code de procédure pénale et le premier alinéa de l'article 713-39 du même code, dans leur rédaction issue de la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 février 2022, où siégeaient : M. Alain JUPPÉ exerçant les fonctions de Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 11 février 2022 .
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 20 octobre 2021 par le Conseil d'État (décision n° 454722 du 15 octobre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la fédération nationale des chasseurs par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-963 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa de l'article L. 421-5 du code de l'environnement, ainsi que de l'article L. 426-3 et des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 426-5 du même code. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l'environnement ; - la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt ; - la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations en intervention présentées pour la fédération départementale des chasseurs du Gard par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 5 novembre 2021 ; - les observations en intervention présentées pour la fédération départementale des chasseurs du Gers par Me Antoine Tugas, avocat au barreau de Bayonne, enregistrées le 8 novembre 2021 ; - les observations en intervention présentées pour la fédération départementale des chasseurs des Landes par Me Tugas, enregistrées le même jour ; - les observations présentées pour la fédération requérante par la SCP Spinosi, enregistrées le 10 novembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations en intervention présentées pour la fédération départementale des chasseurs du Gard par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, enregistrées le 25 novembre 2021 ; - les secondes observations présentées pour la fédération requérante par la SCP Spinosi, enregistrées le 26 novembre 2021 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la fédération requérante, Me Cédric Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la fédération départementale des chasseurs du Gard, Me Tugas, pour les fédérations départementales des chasseurs du Gers et des Landes, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 11 janvier 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du troisième alinéa de l'article L. 421-5 du code de l'environnement et des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 426-5 du même code dans leur rédaction résultant de la loi du 24 juillet 2019 mentionnée ci-dessus, ainsi que de l'article L. 426-3 du même code dans sa rédaction résultant de la loi du 13 octobre 2014 mentionnée ci-dessus. 2. L'article L. 421-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction résultant de la loi du 24 juillet 2019, est relatif aux fédérations départementales des chasseurs. Son troisième alinéa prévoit : « Elles conduisent des actions de prévention des dégâts de gibier et assurent l'indemnisation des dégâts de grand gibier dans les conditions prévues par les articles L. 426-1 et L. 426-5 ». 3. L'article L. 426-3 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 13 octobre 2014, prévoit : « L'indemnisation mentionnée à l'article L. 426-1 pour une parcelle culturale n'est due que lorsque les dégâts sont supérieurs à un seuil minimal. Un seuil spécifique, inférieur à ce seuil minimal, peut être fixé pour une parcelle culturale de prairie. S'il est établi que les dégâts constatés n'atteignent pas ces seuils, les frais d'estimation des dommages sont à la charge financière du réclamant. « En tout état de cause, l'indemnité fait l'objet d'un abattement proportionnel. « En outre, cette indemnité peut être réduite s'il est constaté que la victime des dégâts a une part de responsabilité dans la commission des dégâts. La Commission nationale d'indemnisation des dégâts de gibier, visée à l'article L. 426-5, détermine les principales règles à appliquer en la matière. « Dans le cas où les quantités déclarées détruites par l'exploitant sont excessives par rapport à la réalité des dommages, tout ou partie des frais d'estimation sont à la charge financière du réclamant. « Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État ». 4. Les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 426-5 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 24 juillet 2019, prévoient : « Dans le cadre du plan de chasse mentionné à l'article L. 425-6, il est institué, à la charge des chasseurs de cerfs, daims, mouflons, chevreuils et sangliers, mâles et femelles, jeunes et adultes, une contribution par animal à tirer destinée à financer l'indemnisation et la prévention des dégâts de grand gibier. Le montant de ces contributions est fixé par l'assemblée générale de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs sur proposition du conseil d'administration. « La fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs prend à sa charge les dépenses liées à l'indemnisation et à la prévention des dégâts de grand gibier. Elle en répartit le montant entre ses adhérents ou certaines catégories d'adhérents. Elle exige une participation des territoires de chasse ; elle peut en complément exiger notamment une participation personnelle des chasseurs de grand gibier, y compris de sanglier, une participation pour chaque dispositif de marquage ou une combinaison de ces différents types de participation. Ces participations peuvent être modulées en fonction des espèces de gibier, du sexe, des catégories d'âge, des territoires de chasse ou unités de gestion ». 5. La fédération requérante, rejointe par les parties intervenantes, reproche à ces dispositions de méconnaître le principe d'égalité devant les charges publiques, au motif qu'elles font peser sur les seules fédérations départementales des chasseurs la charge de l'indemnisation des dégâts de grand gibier, alors que son montant a augmenté en raison de la prolifération de certaines espèces et que les chasseurs ne sont pas responsables de ces dégâts. Pour les mêmes motifs, il en résulterait également une méconnaissance du droit de propriété. 6. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « et assurent l'indemnisation des dégâts de grand gibier dans les conditions prévues par les articles L. 426-1 et L. 426-5 » figurant au troisième alinéa de l'article L. 421-5 du code de l'environnement et sur les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 426-5 du même code. 7. Selon l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Si cet article n'interdit pas de faire supporter, pour un motif d'intérêt général, à certaines catégories de personnes des charges particulières, il ne doit pas en résulter de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 8. Les dispositions contestées de l'article L. 421-5 du code de l'environnement prévoient que les fédérations départementales des chasseurs assurent l'indemnisation des dégâts causés par le grand gibier dont, en application des dispositions contestées de l'article L. 426-5 du même code, le financement est réparti entre leurs adhérents. 9. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu assurer le financement de l'indemnisation des dégâts causés par le grand gibier aux cultures et récoltes agricoles. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d'intérêt général. 10. En deuxième lieu, il résulte de l'article L. 421-5 du code de l'environnement que les fédérations départementales des chasseurs sont chargées de participer à la gestion de la faune sauvage, de coordonner l'action des associations communales et intercommunales de chasse agréées, de conduire des actions de prévention des dégâts de gibier et d'élaborer un schéma départemental de gestion cynégétique, dans lequel figurent notamment les plans de chasse et les plans de gestion. Ainsi, la prise en charge par ces fédérations de l'indemnisation des dégâts causés par le grand gibier est directement liée aux missions de service public qui leur sont confiées. 11. En dernier lieu, d'une part, seuls les dégâts causés aux cultures, aux inter-bandes des cultures pérennes, aux filets de récoltes agricoles ou aux récoltes agricoles peuvent donner lieu à indemnisation. En outre, l'indemnisation, dont le montant est déterminé sur la base de barèmes fixés par la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage, n'est due que lorsque les dégâts sont supérieurs à un seuil minimal et fait l'objet d'un abattement proportionnel. D'autre part, l'indemnité peut être réduite s'il est établi que l'exploitant a une part de responsabilité dans la survenance des dégâts et aucune indemnité n'est due si les dommages ont été causés par des gibiers provenant de son propre fonds. Par ailleurs, la fédération départementale des chasseurs a toujours la possibilité de demander elle-même au responsable de lui verser le montant de l'indemnité qu'elle a accordée à l'exploitant. 12. Il résulte de tout ce qui précède que, compte tenu de la charge financière que représente en l'état l'indemnisation des dégâts causés par le grand gibier, les dispositions contestées n'entraînent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 13 de la Déclaration de 1789 doit dès lors être écarté. 13. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus le droit de propriété ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « et assurent l'indemnisation des dégâts de grand gibier dans les conditions prévues par les articles L. 426-1 et L. 426-5 » figurant au troisième alinéa de l'article L. 421-5 du code de l'environnement ainsi que les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 426-5 du même code, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 janvier 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 20 janvier 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 28 octobre 2021 par le Conseil d'État (décision n° 455017 du 27 octobre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société civile immobilière et agricole du Mesnil par Mes Hélène Thouy et Olivier Vidal, avocats au barreau de Bordeaux. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-964 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 425-5-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-325 du 7 mars 2012 portant diverses dispositions d'ordre cynégétique. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l'environnement ; - la loi n° 2012-325 du 7 mars 2012 portant diverses dispositions d'ordre cynégétique ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 18 novembre 2021 ; - les observations en intervention présentées pour la fédération nationale des chasseurs par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour la société requérante par Mes Thouy et Vidal, enregistrées le 3 décembre 2021 ; - les secondes observations en intervention présentées pour la fédération nationale des chasseurs par la SCP Spinosi, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Thouy, pour la société requérante, Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la partie intervenante, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 11 janvier 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 425-5-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2012 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Lorsque le détenteur du droit de chasse d'un territoire ne procède pas ou ne fait pas procéder à la régulation des espèces présentes sur son fonds et qui causent des dégâts de gibier, il peut voir sa responsabilité financière engagée pour la prise en charge de tout ou partie des frais liés à l'indemnisation mentionnée à l'article L. 426-1 et la prévention des dégâts de gibier mentionnée à l'article L. 421-5. « Lorsque l'équilibre agro-sylvo-cynégétique est fortement perturbé autour de ce territoire, le représentant de l'État dans le département, sur proposition de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs ou de la chambre départementale ou interdépartementale d'agriculture, après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage réunie dans sa formation spécialisée pour l'indemnisation des dégâts de gibier aux cultures et aux récoltes agricoles, peut notifier à ce détenteur du droit de chasse un nombre d'animaux à prélever dans un délai donné servant de référence à la mise en œuvre de la responsabilité financière mentionnée au premier alinéa ». 2. La société requérante reproche à ces dispositions de permettre au préfet d'imposer à une personne que soient abattus des animaux sur sa propriété, à l'encontre de ses convictions personnelles. Il en résulterait une méconnaissance de la liberté de conscience. Elle dénonce également la violation de l'article 2 de la Charte de l'environnement qui résulterait de cette obligation. 3. Elle soutient en outre que, lorsque la personne ne procède pas à ce prélèvement et que des dommages sont causés par le grand gibier provenant de son fonds, le juge judiciaire serait tenu de retenir sa responsabilité financière en considération de l'arrêté préfectoral. Il en résulterait une méconnaissance du principe de la séparation des pouvoirs et du droit à un recours juridictionnel effectif, protégés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « peut notifier à ce détenteur du droit de chasse un nombre d'animaux à prélever dans un délai donné servant de référence à la mise en œuvre de la responsabilité financière mentionnée au premier alinéa » figurant au second alinéa de l'article L. 425-5-1 du code de l'environnement. 5. Aux termes de l'article 10 de la Déclaration de 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». Il en résulte la liberté de conscience. 6. Les dispositions contestées prévoient que le préfet peut notifier au détenteur du droit de chasse d'un territoire un nombre d'animaux à prélever dans un délai donné, servant le cas échéant de référence à la mise en œuvre de sa responsabilité financière en cas de dommages causés par le grand gibier provenant de son fonds. 7. En premier lieu, le détenteur du droit de chasse ne peut se voir notifier un nombre d'animaux à prélever que lorsque l'équilibre agro-sylvo-cynégétique est fortement perturbé autour de son territoire. En autorisant le préfet à prendre une telle mesure, ces dispositions tendent à sauvegarder l'équilibre entre la présence durable d'une faune sauvage et les activités agricoles et sylvicoles en prévenant les dégâts de gibier. 8. En second lieu, les dispositions contestées ne remettent pas en cause le droit du détenteur du droit de chasse d'interdire, au nom de ses convictions personnelles, la pratique de la chasse sur son territoire. Au demeurant, sa responsabilité financière ne peut être engagée qu'en cas de dégâts causés par le grand gibier provenant de son fonds. 9. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées ne portent pas une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté de conscience. 10. Par ailleurs, les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de limiter le pouvoir d'appréciation reconnu à la juridiction judiciaire pour la mise en œuvre de la responsabilité financière du détenteur du droit de chasse en cas de dommages causés par le gibier provenant de son fonds. Le grief tiré de la méconnaissance des exigences résultant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ne peut donc, en tout état de cause, qu'être écarté. 11. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus l'article 2 de la Charte de l'environnement, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « peut notifier à ce détenteur du droit de chasse un nombre d'animaux à prélever dans un délai donné servant de référence à la mise en œuvre de la responsabilité financière mentionnée au premier alinéa » figurant au second alinéa de l'article L. 425-5-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-325 du 7 mars 2012 portant diverses dispositions d'ordre cynégétique, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 janvier 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 20 janvier 2022.
CONSTIT/CONSTEXT000045243093.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 3 décembre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1583 du 1er décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Patrick S. par la SCP Nicolaÿ - de Lanouvelle - Hannotin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-970 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du deuxième alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par Me François Mazon, avocat au barreau de Marseille, enregistrées le 27 décembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Mazon, pour le requérant, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 8 février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du deuxième alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 23 mars 2019 mentionnée ci-dessus. 2. Le deuxième alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale, dans cette rédaction, est relatif à la restitution des objets placés sous main de justice. Il prévoit : « Il n'y a pas lieu à restitution lorsque celle-ci est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, lorsque le bien saisi est l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction ou lorsqu'une disposition particulière prévoit la destruction des objets placés sous main de justice ; la décision de non-restitution prise pour l'un de ces motifs ou pour tout autre motif, même d'office, par le procureur de la République ou le procureur général peut être déférée par l'intéressé au président de la chambre de l'instruction ou à la chambre de l'instruction, dans le délai d'un mois suivant sa notification, par déclaration au greffe du tribunal ou de la cour ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; ce recours est suspensif ». 3. Le requérant fait valoir que, faute de prévoir que la notification de la décision de refus de restitution d'un bien placé sous main de justice doive comporter l'indication des voies et délais de recours, ces dispositions priveraient la personne intéressée de la possibilité de contester en temps utile cette décision. Il en résulterait une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif ainsi que du droit de propriété. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « dans le délai d'un mois suivant sa notification » figurant au deuxième alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale. 5. Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction. 6. L'article 41-4 du code de procédure pénale donne compétence au procureur de la République ou au procureur général pour statuer, d'office ou sur requête de toute personne intéressée, sur la restitution des objets placés sous main de justice au cours de l'enquête, lorsqu'aucune juridiction n'a été saisie ou que la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans statuer sur le sort de ces objets. 7. La décision de refus de restitution peut faire l'objet d'un recours suspensif de la personne intéressée devant le président de la chambre de l'instruction ou la chambre de l'instruction. 8. D'une part, en application des dispositions contestées, la personne intéressée dispose d'un délai d'un mois pour former un tel recours par déclaration au greffe du tribunal ou de la cour ou par lettre recommandée avec avis de réception. 9. D'autre part, ces dispositions prévoient que ce délai ne commence à courir qu'à compter du jour où la décision de refus de restitution a été effectivement portée à sa connaissance. 10. Dans ces conditions, la personne est mise à même d'exercer un recours contre la décision de refus de restitution d'un objet placé sous main de justice. Par conséquent, en ne prévoyant pas que la notification de cette décision doit faire mention des voies et délais de recours, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le droit à un recours juridictionnel effectif. 11. Il résulte de ce qui précède que ces dispositions, qui ne méconnaissent pas non plus le droit de propriété ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « dans le délai d'un mois suivant sa notification » figurant au deuxième alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 février 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD et François PILLET. Rendu public le 18 février 2022.
CONSTIT/CONSTEXT000028500011.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, le 19 décembre 2013, par MM. Christian JACOB, Damien ABAD, Élie ABOUD, Bernard ACCOYER, Yves ALBARELLO, Mme Nicole AMELINE, MM. Julien AUBERT, Olivier AUDIBERT-TROIN, Jean-Pierre BARBIER, Jacques-Alain BÉNISTI, Sylvain BERRIOS, Xavier BERTRAND, Étienne BLANC, Mme Valérie BOYER, MM. Dominique BUSSEREAU, Olivier CARRÉ, Gilles CARREZ, Yves CENSI, Alain CHRÉTIEN, Dino CINIERI, Éric CIOTTI, Jean-François COPÉ, Jean Louis COSTES, Édouard COURTIAL, Mme Marie-Christine DALLOZ, MM. Gérald DARMANIN, Bernard DEFLESSELLES, Lucien DEGAUCHY, Patrick DEVEDJIAN, Nicolas DHUICQ, Jean Pierre DOOR, Dominique DORD, David DOUILLET, Daniel FASQUELLE, François FILLON, Yves FOULON, Marc FRANCINA, Yves FROMION, Claude de GANAY, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Hervé GAYMARD, Mme Annie GENEVARD, MM. Bernard GÉRARD, Alain GEST, Georges GINESTA, Charles-Ange GINESY, Jean-Pierre GIRAN, Claude GOASGUEN, Jean Pierre GORGES, Philippe GOSSELIN, Mme Françoise GUÉGOT, MM. Christophe GUILLOTEAU, Michel HEINRICH, Antoine HERTH, Patrick HETZEL, Guénhaël HUET, Sébastien HUYGHE, Denis JACQUAT, Christian KERT, Mme Valérie LACROUTE, M. Jacques LAMBLIN, Mme Laure de LA RAUDIÈRE, MM. Guillaume LARRIVÉ, Charles de LA VERPILLIÈRE, Mme Isabelle LE CALLENNEC, MM. Marc LE FUR, Bruno LE MAIRE, Pierre LEQUILLER, Mmes Geneviève LEVY, Véronique LOUWAGIE, MM. Lionnel LUCA, Gilles LURTON, Jean-François MANCEL, Thierry MARIANI, Hervé MARITON, Olivier MARLEIX, Alain MARTY, Jean-Claude MATHIS, Damien MESLOT, Pierre MOREL-A-L'HUISSIER, Jean-Luc MOUDENC, Alain MOYNE-BRESSAND, Mme Dominique NACHURY, MM. Yves NICOLIN, Jacques PÉLISSARD, Bernard PERRUT, Jean-Frédéric POISSON, Mme Bérangère POLETTI, MM. Didier QUENTIN, Frédéric REISS, Arnaud ROBINET, Camille de ROCCA-SERRA, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Martial SADDIER, Paul SALEN, François SCELLIER, André SCHNEIDER, Jean-Marie SERMIER, Fernand SIRÉ, Thierry SOLÈRE, Lionel TARDY, Guy TEISSIER, Michel TERROT, Dominique TIAN, François VANNSON, Mme Catherine VAUTRIN, MM. Patrice VERCHÈRE, Jean-Sébastien VIALATTE, Jean-Pierre VIGIER, Philippe VITEL, Éric WOERTH et Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, députés. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ; Vu la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ; Vu le code de la sécurité sociale ; Vu le code du travail ; Vu la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites ; Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 9 janvier 2014 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites ; qu'ils contestent la procédure d'adoption de cette loi, la sincérité et l'équilibre du financement de la réforme résultant de cette loi et la conformité à la Constitution de ses articles 7 et 10 ainsi que de certaines dispositions de son article 48 ; - SUR LA PROCÉDURE D'ADOPTION DE LA LOI : 2. Considérant que les requérants font valoir que l'étude d'impact jointe au projet de loi n'a pas permis d'éclairer suffisamment les parlementaires sur la portée du texte qui leur a été soumis ; qu'en particulier, cette étude d'impact aurait omis d'indiquer les conséquences des dispositions figurant dans le projet de loi de finances pour 2014 et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 qui seraient des « mesures centrales de financement de la réforme des retraites » ; 3. Considérant qu'aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article 39 de la Constitution : « La présentation des projets de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique. - Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l'ordre du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. En cas de désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement, le président de l'assemblée intéressée ou le Premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours » ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 susvisée : « Les projets de loi font l'objet d'une étude d'impact. Les documents rendant compte de cette étude d'impact sont joints aux projets de loi dès leur transmission au Conseil d'État. Ils sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent » ; que, selon le premier alinéa de l'article 9 de la même loi organique, la Conférence des présidents de l'assemblée sur le bureau de laquelle le projet de loi a été déposé dispose d'un délai de dix jours suivant le dépôt pour constater que les règles relatives aux études d'impact sont méconnues ; 4. Considérant que le projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites a été déposé le 18 septembre 2013 sur le bureau de l'Assemblée nationale ; que la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale, saisie le 24 septembre 2013 d'une demande tendant à constater que les règles relatives aux études d'impact étaient méconnues, s'est réunie le 30 septembre 2013 et n'y a pas donné suite ; 5. Considérant que l'étude d'impact jointe au projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites n'était pas tenue de faire figurer des éléments d'évaluation relatifs à des dispositions figurant dans le projet de loi de finances pour 2014 et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ; 6. Considérant qu'au regard du contenu de l'étude d'impact, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 doit être écarté ; - SUR LE GRIEF TIRÉ DE L'INSINCÉRITÉ DE LA LOI : 7. Considérant que, selon les requérants, la loi déférée, en particulier ses articles 2, 5 et 10, n'apporte pas de solution durable au déficit du système de retraites et, en particulier, « ne finance que 8 des 21 milliards d'euros de déficit attendu d'ici 2020 » ; qu'il en résulterait une méconnaissance des exigences de l'article 47-2 de la Constitution qui impose que les comptes des administrations publiques soient réguliers et sincères ; 8. Considérant que la loi déférée n'est ni une loi de finances ni une loi de financement de la sécurité sociale ; que ses dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de déroger aux exigences qui résultent de la première phrase du second alinéa de l'article 47-2 de la Constitution ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de ces exigences doit être écarté ; - SUR LES ARTICLES 7 ET 10 : 9. Considérant que le paragraphe I de l'article 7 complète le livre Ier de la quatrième partie du code du travail par un titre VI intitulé : « Dispositions particulières à certains facteurs de risques professionnels et à la pénibilité » ; 10. Considérant que le paragraphe II du même article insère dans ce titre VI un chapitre Ier intitulé « Fiche de prévention des expositions » comprenant l'article L. 4121-3-1 qui devient l'article L. 4161-1 ; que cette disposition, qui avait été insérée dans le code du travail par l'article 60 de la loi du 9 novembre 2010 susvisée, impose aux employeurs de consigner dans une fiche individuelle « les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé » ; que l'article L. 4161-1 est modifié, notamment pour prévoir que seuls les risques professionnels allant « au-delà de certains seuils, après application des mesures de protection collective et individuelle, » sont pris en compte dans la fiche de prévention des expositions, que « les facteurs de risques professionnels et les seuils d'exposition, ainsi que les modalités et la périodicité selon lesquelles la fiche individuelle est renseignée par l'employeur, sont déterminés par décret » et que la fiche individuelle est tenue à la disposition du travailleur à tout moment ; que le paragraphe II ajoute à cet article un alinéa en vertu duquel les entreprises recourant au travail temporaire transmettent à l'entreprise de travail temporaire les informations nécessaires à l'établissement de cette fiche individuelle ; que ces mêmes dispositions prévoient qu'un décret en Conseil d'État définit les conditions dans lesquelles les entreprises utilisatrices transmettent ces informations et les modalités selon lesquelles l'entreprise de travail temporaire établit cette fiche ; 11. Considérant que le paragraphe III de l'article 7 insère dans le chapitre Ier du titre VI l'article L. 4112-2 qui prévoit que l'accord collectif de branche étendu mentionné à l'article L. 4163-4 « peut caractériser l'exposition des travailleurs à un ou plusieurs des facteurs de risques professionnels au-delà des seuils mentionnés à l'article L. 4161-1 par des situations types d'exposition, faisant notamment référence aux postes occupés et aux mesures de protection collective et individuelle appliquées » ; que ce même article renvoie à un décret le soin de préciser les conditions dans lesquelles, « sans préjudice des dispositions mentionnées au même article L. 4161-1, ces situations types peuvent être prises en compte par l'employeur pour établir la fiche mentionnée audit article » ; 12. Considérant que l'article 10 complète le titre VI du livre Ier de la quatrième partie du code du travail par un chapitre II intitulé « Compte personnel de prévention de la pénibilité » qui comprend les articles L. 4162-1 à L. 4162-22 ; 13. Considérant que l'article L. 4162-1 prévoit que, sauf exceptions, les salariés des employeurs de droit privé ainsi que le personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé peuvent acquérir des droits au titre d'un compte personnel de prévention de la pénibilité ; 14. Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 4162-2, le compte personnel de prévention de la pénibilité est ouvert dès lors qu'un salarié a acquis des droits dans les conditions définies par le chapitre II ; que les droits constitués sur le compte restent acquis jusqu'à leur liquidation ou à l'admission du salarié à la retraite ; qu'en vertu du deuxième alinéa du même article, l'exposition des travailleurs à un ou plusieurs des facteurs de risques professionnels mentionnés à l'article L. 4161-1 au-delà des seuils d'exposition définis par décret, consignée dans la fiche individuelle prévue au même article, ouvre droit à l'acquisition de points sur le compte personnel de prévention de la pénibilité ; que le troisième alinéa prévoit qu'un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'inscription des points sur le compte, précise le nombre maximal de points pouvant être acquis par un salarié au cours de sa carrière et définit le nombre de points auquel ouvrent droit les expositions simultanées à plusieurs facteurs de risques professionnels ; 15. Considérant que l'article L. 4162-3 prévoit que les points sont attribués au vu des expositions du salarié déclarées par l'employeur, sur la base de la fiche de prévention des expositions, auprès, selon le cas, de la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés ou de la Caisse de mutualité sociale agricole ; que, chaque année, l'employeur transmet une copie de cette fiche au salarié ainsi qu'à l'une des caisses précédemment mentionnées ; 16. Considérant que le paragraphe I de l'article L. 4162-4 précise que le titulaire du compte personnel de prévention de la pénibilité peut décider d'utiliser en tout ou partie les points inscrits sur son compte pour une action de formation professionnelle, pour le passage à temps partiel ou pour la retraite ; que les paragraphes II, III et IV du même article ainsi que les articles L. 4162-5 à L. 4162-10 sont relatifs aux conditions de la demande d'utilisation des points ainsi qu'aux diverses utilisations possibles du compte personnel de prévention de la pénibilité ; 17. Considérant que les articles L. 4162-11 à L. 4162-16 portent sur la gestion du compte personnel de prévention de la pénibilité, assurée par la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés et le réseau des organismes régionaux chargés du service des prestations d'assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale, ainsi que sur le contrôle et les réclamations ; 18. Considérant que les articles L. 4162-17 à L. 4162-21, relatifs au financement, prévoient en particulier qu'un fonds, établissement public de l'État, est chargé du financement des droits liés au compte personnel de prévention de la pénibilité ; que l'article L. 4162-22 renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de déterminer, sauf dispositions contraires, les modalités d'application de ce chapitre II du titre VI du livre Ier de la quatrième partie du code du travail ; 19. Considérant que, selon les députés requérants, les dispositions des articles 7 et 10 de la loi déférée en ce qu'elles manquent de précision, « violent les objectifs constitutionnels d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi » ; qu'ils font également valoir qu'en réservant la fiche de prévention de la pénibilité et le compte personnel aux salariés de droit privé ainsi qu'au personnel des personnes publiques employé dans les conditions de droit privé, ces articles ne permettent pas « de couvrir l'ensemble des individus qui travaillent » ; que serait ainsi méconnu le principe d'égalité devant la loi ; 20. Considérant, en premier lieu, qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que le plein exercice de cette compétence, ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ; 21. Considérant qu'aux termes du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises » ; qu'il est loisible au législateur, dans le cadre des compétences qu'il tient de l'article 34 de la Constitution, de renvoyer au décret ou de confier à la négociation collective le soin de préciser, en matière de détermination collective des conditions de travail, les modalités d'application des règles qu'il a fixées ; 22. Considérant que les dispositions de l'article 7 relatives à la « fiche de prévention des expositions » précisent et complètent un dispositif existant et prévoient qu'un décret doit définir des facteurs de risques professionnels ainsi que des seuils d'exposition aux risques professionnels ; que, pour la mise en oeuvre de ces dispositions, il est fait référence aux conditions de pénibilité résultant des facteurs de risques professionnels auxquels le travailleur est exposé, à la période au cours de laquelle cette exposition est survenue ainsi qu'aux mesures de prévention mises en oeuvre par l'employeur pour faire disparaître ou réduire l'exposition à ces facteurs durant cette période ; que les dispositions de l'article 7 prévoient également qu'un accord collectif étendu peut caractériser l'exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels au-delà des seuils mentionnés à l'article L. 4161-1 ; que le législateur, en adoptant ces dispositions qui ne sont ni imprécises ni inintelligibles, n'a pas méconnu sa compétence ; que ne sont pas davantage imprécises ou inintelligibles les dispositions de l'article 10 relatif au « compte personnel de prévention de la pénibilité » qui renvoient à la fiche mentionnée ci-dessus ; que le grief tiré de la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi doit être écarté ; 23. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi : « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; 24. Considérant que les salariés liés par un contrat de travail de droit privé relèvent, au regard de la législation sur les retraites, de régimes juridiques différents de celui, respectivement, des agents de droit public, des travailleurs indépendants et des non salariés agricoles ; que les dispositions des articles 7 et 10 sont applicables aux salariés des employeurs de droit privé ainsi qu'au personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé ; que, parmi les salariés de droit privé, sont seuls exclus de ce dispositif ceux qui sont affiliés à un régime spécial de retraite comportant un dispositif spécifique de reconnaissance et de compensation de la pénibilité ; que, par suite, le législateur n'a pas traité différemment des personnes placées dans une situation identique ; que le grief tiré de la violation du principe d'égalité doit être écarté ; 25. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions des articles 7 et 10, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ; - SUR CERTAINES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 48 : 26. Considérant que l'article 48 est relatif à l'organisation et aux missions de la Caisse nationale et des sections professionnelles du régime d'assurance vieillesse des professions libérales ; qu'en particulier, le 2° du paragraphe I de l'article 48 insère un nouvel article L. 641-3-1 dans le chapitre Ier du titre IV du livre VI du code de la sécurité sociale relatif à la nomination et aux compétences du directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales ainsi qu'à la nomination de l'agent comptable de cette caisse ; qu'il prévoit que le directeur est nommé par décret, pour une durée de cinq ans renouvelable, sur proposition du conseil d'administration, à partir d'une liste de trois noms établie par le ministre chargé de la sécurité sociale ; 27. Considérant que les requérants soutiennent que les dispositions du nouvel article L. 641-3-1 du code de la sécurité sociale prévoient une nomination du directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales par l'État et portent ainsi atteinte à la liberté d'entreprendre et à la liberté des professions sans être justifiées par un motif d'intérêt général ; 28. Considérant que la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales est un organisme des régimes d'assurance vieillesse de la sécurité sociale ; qu'en prévoyant une nomination du directeur d'une telle caisse par décret, sur proposition du conseil d'administration de la caisse à partir d'une liste de noms restreinte établie par le ministre chargé de la sécurité sociale, le législateur n'a porté atteinte ni à la liberté d'entreprendre ni à aucune autre exigence constitutionnelle ; que le 2° du paragraphe I de l'article 48 doit être déclaré conforme à la Constitution ; 29. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- Les articles 7 et 10 de la loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, ainsi que le 2° du paragraphe I de son article 48, sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 janvier 2014 où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI. Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés d'un recours dirigé contre la loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites. Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes. I. Sur la procédure d'adoption de la loi A/ Les députés auteurs du recours considèrent que l'étude d'impact jointe au projet de loi est insuffisante. B/ Le Gouvernement souhaite d'abord relever que le quatrième alinéa de l'article 39 de la Constitution donne pouvoir à la Conférence des présidents de la première assemblée saisie de constater que les règles fixées par la loi organique prévue au troisième alinéa du même article sont méconnues. En cas de désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement, le président de l'assemblée intéressée ou le Premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel, qui statue dans un délai de huit jours. En l'espèce, comme l'indiquent les députés auteurs du recours, la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale a été saisie d'une contestation mettant en cause la qualité de l'étude d'impact et n'a pas jugé utile de mettre en œuvre la procédure prévue au quatrième alinéa de l'article 39 de la Constitution et à l'article 9 de la loi organique du 15 avril 2009. Le caractère suffisant de l'étude d'impact ne saurait donc être utilement contesté dans le cadre du recours contre la loi déférée. C/ En tout état de cause, l'étude d'impact n'avait pas, contrairement à ce que soutiennent les requérants, à procéder à une évaluation des conséquences économiques et sociales de dispositions qui ne figuraient pas dans le projet de loi. L'article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 prévoit que l'étude d'impact définit les objectifs poursuivis par le projet de loi, recense les options possibles en dehors de l'intervention de règles de droit nouvelles et expose les motifs du recours à une nouvelle législation. Il indique également que l'étude d'impact doit comporter une évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales des dispositions envisagées. En l'espèce, l'étude d'impact, après avoir dressé un diagnostic de la situation actuelle du système de retraite français, a présenté les objectifs de la réforme des retraites entreprise par le Gouvernement. Afin de présenter l'impact financier global de la réforme, l'étude d'impact a tenu compte des incidences sur l'équilibre financier du régime des retraites de mesures ne figurant pas dans le projet de loi. Tel est le cas de la suppression de l'exonération d'impôt sur le revenu des majorations de pensions des retraités ayant élevé trois enfants ou plus, qui a fait l'objet de l'article 5 de la loi de finances pour 2014. Tel est également le cas de la hausse des cotisations d'assurance vieillesse qui relève du domaine réglementaire. Ces dispositions, qui ne figuraient pas dans le projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, ne devaient pas, en application des dispositions précitées de l'article 8 de la loi organique du 15 avril 2009, faire l'objet d'une évaluation de leurs conséquences économiques ou sociales dans le cadre de l'étude d'impact jointe à ce projet. On notera ainsi que la suppression de l'exonération d'impôt sur le revenu des majorations de pensions pour charge de famille a fait l'objet d'une évaluation préalable dans le cadre de la présentation du projet de loi de finances pour 2014, conformément aux dispositions 51 et 53 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Le grief tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact ne pourra qu'être écarté. II. Sur la méconnaissance du principe de sincérité des comptes des administrations publiques A/ Les députés auteurs du recours considèrent que la loi déférée méconnaîtrait l'article 47-2 de la Constitution qui prévoit que « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères ». B/ Le Gouvernement estime que la méconnaissance du principe de sincérité des comptes des administrations publiques ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la loi déférée. Le principe de sincérité s'applique aux lois financières comme l'a jugé le Conseil constitutionnel pour les lois de finances (décision n° 93-320 DC du 21 juin 1993) et pour les lois de financement de la sécurité sociale (décision n° 99-422 DC du 21 décembre 1999). Ce principe a été repris par les dispositions organiques relatives aux lois financières (articles 27, 31 et 32 de la loi organique relative aux lois des finances et article LO 113-1 du code de la sécurité sociale). L'article 47-2 de la Constitution, issu de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, a consacré le principe de sincérité des comptes publics. Il impose en effet que les comptes des administrations publiques, et pas seulement de l'Etat, donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière. Le Conseil constitutionnel fait application de ce principe pour examiner l'exactitude des comptes présentés en loi de règlement (décision n°2009-585 DC du 6 août 2009). Mais la méconnaissance du principe de sincérité ne peut être invoquée à l'encontre d'une loi qui, à la différence des lois financières, n'a pas pour objet de présenter les comptes des administrations publiques. Tel est le cas en l'espèce. La loi déférée vise à garantir la pérennité du système de retraites et à en corriger les inégalités afin de le rendre plus juste. Elle n'a pas pour objet de présenter les comptes de la sécurité sociale. Une telle présentation relève de la loi de financement de la sécurité sociale et c'est dans ce cadre que doit être assuré le respect du principe de sincérité des comptes. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a d'ailleurs pris en compte, dans le rapport décrivant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses des régimes obligatoires de base et du régime général, présenté à l'annexe B, l'incidence de l'ensemble des mesures de redressement entreprises sur le déficit de la caisse nationale d'assurance-vieillesse et du fonds de solidarité vieillesse. C/ En tout état de cause, les griefs des requérants ne portent pas sur la sincérité des données financières présentées dans le cadre de l'étude d'impact jointe au projet de loi mais sur les choix faits par le législateur pour garantir l'avenir et la justice du système de retraites. Les députés auteurs du recours ne remettent ainsi pas en cause les besoins de financement du système de retraites retracés dans l'étude d'impact qui sont issus des travaux du conseil d'orientation des retraites. Ils contestent le choix fait par le législateur de résorber en priorité, par la loi déférée, le déficit du régime général, du fonds de solidarité vieillesse et des régimes de base non équilibrés par subvention. Mais les autres sources du besoin de financement du système de retraites, constitué par les régimes complémentaires ARRCO-AGIRC et par les régimes de retraite des fonctionnaires et les régimes spéciaux équilibrés par subvention, sont également présentés dans les tableaux financiers de l'étude d'impact, en particulier au point III.5 intitulé Trajectoire financière globale. Cette présentation est cohérente avec le fait que les mesures de redressement de court terme (notamment l'augmentation du taux de cotisation d'assurance vieillesse ou le décalage de six mois de la date de revalorisation des pensions) comme de long terme (notamment l'augmentation à 43 annuités de la durée d'assurance requise pour bénéficier d'une pension sans décote) sont applicables au régime général comme aux autres régimes de base, y compris les régimes de la fonction publique et les autres régimes spéciaux. De la même manière, les auteurs du recours ne remettent pas en cause l'évaluation du coût du dispositif de compte personnel de prévention de la pénibilité mis en place par la loi déférée. Ils critiquent le choix fait par le législateur de ne pas prévoir, dès le vote de cette loi, des recettes équivalentes au coût estimé de la mesure à horizon 2040. Le principe de sincérité des comptes publics ne saurait être utilement invoqué pour remettre en cause le pouvoir d'appréciation et de décision du législateur sur les mesures à prendre pour assurer le financement et l'équité du système des retraites. Ce grief devra donc être écarté. III. Sur les articles 7 et 10 A/ L'article 7 de la loi déférée modifie la fiche individuelle de prévention des expositions aux facteurs de risques professionnels. L'article 10 crée un compte personnel de prévention de la pénibilité. Les députés auteurs du recours estiment que ces articles méconnaissent l'exigence à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi et le principe d'égalité devant la loi. B/ Ces griefs ne pourront qu'être écartés. 1/ Les dispositions des articles 7 et 10 ne souffrent d'aucune imprécision qui empêcherait leur application. La loi déférée ne modifie pas la notion de facteurs de risques, déjà présente dans l'article L. 4121-3-1 du code du travail introduit par la loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010 qui prévoit l'établissement d'une fiche individuelle de prévention pour chaque travailleur « exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels déterminés par décret et liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur sa santé ». L'article D. 4121-5 du code du travail énonce précisément ces facteurs de risques. La loi déférée prévoit, en revanche, que la fiche de prévention des expositions devra tenir compte de seuils d'exposition à ces facteurs de risques professionnels qui devront être définis par décret. Ces seuils d'exposition sont déjà encadrés pour certains facteurs de pénibilité par des valeurs limites d'exposition. Pour d'autres facteurs de risques, comme les postures pénibles, ils devront faire l'objet d'une définition à partir des études et rapports existants dans le domaine de la pénibilité du travail et des travaux d'organismes experts. Une concertation a été lancée avec les partenaires sociaux pour assurer une définition cohérente de ces seuils au niveau réglementaire. Les critères retenus par la loi sont donc suffisamment précis et ne méconnaissent pas le principe d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. 2/ Les articles 7 et 10 ne méconnaissent pas davantage le principe d'égalité devant la loi. Le législateur a entendu mettre en place un compte personnel de prévention de la pénibilité pour les salariés de droit privé non affiliés à un régime spécial, qu'ils soient employés par des personnes de droit privé ou des personnes de droit public. Le compte personnel de prévention de la pénibilité permettra, au vu des expositions du salarié déclarées sur la base de la fiche de prévention des expositions, de prendre en charge des actions de formation professionnelle pour accéder à un emploi non exposé ou moins exposé à des facteurs de pénibilité, de financer un complément de rémunération en cas de réduction de la durée de travail en fin de carrière ou d'acquérir des trimestres venant majorer la durée d'assurance et permettant ainsi d'abaisser l'âge de départ à la retraite. Ce dispositif sera principalement financé par les employeurs exposant leurs salariés à la pénibilité. Il concourt ainsi à l'objectif de promotion de la prévention des risques professionnels par l'employeur. Au regard des objectifs du législateur, les salariés se trouvent dans une situation différente des travailleurs indépendants. Les régimes de retraite des salariés et des travailleurs indépendants sont différents. Les travailleurs indépendants et les salariés sont également dans une situation différente au regard de la législation sur le temps de travail, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision sur l'instauration de la journée de solidarité (décision n°2011-148/154 QPC du 22 juillet 2011, cons. 21). Les travailleurs indépendants ne sont pas non plus soumis à l'autorité hiérarchique d'un employeur, ce qui empêche la poursuite de l'objectif de prévention de la pénibilité par l'employeur. Les agents de la fonction publique, qu'ils soient fonctionnaires ou agents non titulaires de droit public, relèvent également de règles juridiques différentes de celles qui s'appliquent aux salariés de droit privé en matière de conditions de travail, de formation professionnelle ou de temps de travail. Cette différence de situation justifie le choix du législateur de ne prévoir la mise en place du compte personnel de prévention de la pénibilité que pour les salariés de droit privé. En instituant un dispositif de compte personnel de prévention de la pénibilité pour les seuls salariés de droit privé non affiliés à un régime spécial, les articles contestés ne méconnaissent donc pas le principe d'égalité devant la loi. IV. Sur l'article 48 A/ L'article 48 de la loi déférée précise les missions et l'organisation de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL). Il prévoit notamment que le directeur de cette caisse est nommé par décret, pour une durée de cinq ans, sur proposition du conseil d'administration à partir d'une liste de trois noms établie par le ministre chargé de la sécurité sociale. Les députés auteurs du recours estiment que ces dernières dispositions méconnaissent la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. B/ Le Gouvernement n'est pas de cet avis. La Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) est un organisme de droit privé sui generis qui assure une mission de service public puisqu'elle a pour rôle d'assurer la gestion du régime d'assurance vieillesse de base des professionnels libéraux et la gestion des réserves de ce régime. A ce titre, il coordonne et anime les sections professionnelles chargées d'assurer, pour les différentes professions libérales concernées par ce régime, le service des prestations de retraite. Au regard des missions de cet organisme, les dispositions relatives à la désignation de son directeur ne concernent pas la liberté d'entreprendre. Elles n'ont pas plus pour effet de remettre en cause l'organisation des différentes professions libérales. En tout état de cause, le directeur sera nommé sur proposition du conseil d'administration, dans lequel siègent les présidents des sections professionnelles, à partir d'une liste établie par l'administration. Ces modalités concilient ainsi le rôle des sections professionnelles et le rôle de tutelle de l'Etat vis-à-vis de cette caisse chargée de gérer un régime obligatoire de retraite. Ces modalités de désignation, qui correspondent aux préconisations de différentes missions de la Cour des comptes et de l'inspection générale des affaires sociales, sont de nature à favoriser une organisation efficiente de cette caisse et contribuent ainsi à la mise en œuvre du principe de solidarité nationale résultant du onzième alinéa du Préambule de 1946. Le grief devra donc être écarté. Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans la saisine ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, Nous avons l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, le projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, adopté définitivement par l'Assemblée nationale le 18 décembre 2013. Le législateur dispose, en matière de retraites, d'un pouvoir d'appréciation dans le respect des prescriptions constitutionnelles que votre jurisprudence a eu l'occasion de formuler. En particulier, vous avez jugé qu'il ne saurait y avoir d' « intangibilité des droits à retraite liquidés" »(1) et ne vous opposez pas à ce que le législateur « règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit. »(2) Dans ces conditions, et au regard de votre jurisprudence, il apparaît aux saisissants que cinq moyens d'inconstitutionnalité doivent être soulevés après lecture attentive de la loi déférée, à savoir l'indigence de l'étude d'impact annexée au projet de loi déféré, ainsi que le non-respect des principes de sincérité budgétaire, d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, d'égalité devant la loi et de liberté d'entreprendre. I- Nous souhaitons en premier lieu invoquer l'insuffisance de l'étude d'impact annexée au projet de loi déféré. La révision constitutionnelle de 2008 a prévu la possibilité pour la Conférence des présidents de contester la conformité de l'étude d'impact, dont fait l'objet un projet de loi inscrit à l'ordre du jour, avec les prescriptions définies dans la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution. Ayant relevé plusieurs motifs de non-conformité de l'étude d'impact accompagnant la loi déférée avec la loi organique précitée, le Président du Groupe UMP de l'Assemblée nationale a saisi la conférence des Présidents par un courrier en date du 24 septembre 2013. La Conférence, qui s'est réunie le lundi 30 septembre, n'a pas donné suite à cette saisine. Pour des raisons politiques évidentes, l'opposition étant par nature minoritaire au sein de la Conférence des présidents, cette dernière n'a jamais exercé sa prérogative de suspension de l'ordre de jour en cas d'insuffisance constatée depuis que ce droit existe. C'est pourquoi nous nous permettons de soulever, à l'occasion de ce recours, plusieurs motifs d'insuffisance de l'étude d'impact annexée au projet de loi déféré, suivant ainsi l'injonction de l'article 39 alinéa 3 de la Constitution selon lequel « la présentation des projets de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique ». La loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution mentionne bien que l'étude d'impact évalue « les conséquences (. . .) sociales, ainsi que les coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie (. . .) personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue. ». Cette prescription n'est pas respectée. En effet, deux mesures centrales de financement de la réforme des retraites - la fiscalisation des bonus pour trois enfants examinée dans le projet de loi de finances et les hausses de cotisations vieillesse salariés et employeurs examinées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale - ne sont pas évaluées dans l'étude d'impact du projet de loi déféré, au motif, précisément, qu'elles sont inscrites dans deux autres projets de loi. Faire valoir que ces mesures sont examinées dans des textes financiers n'est pas recevable, non seulement parce que la réforme des retraites doit être évaluée comme un tout, mais aussi parce que le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne font précisément pas l'objet d'une étude d'impact. La mesure de fiscalisation des bonus de retraite pour 3 enfants examinée dans le projet de loi de finances est mentionnée brièvement pages 16, 26 et 30 de l'étude d'impact. Or, cette mesure mérite une évaluation poussée parce qu'elle risque de faire basculer dans l'impôt sur le revenu de nombreux ménages avec un effet d'entrainement vers d'autres taxes (habitation, CSG. . .). La hausse des cotisations salariés et employeurs de 0,3 point examinée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale est mentionnée aux mêmes pages de l'étude d'impact, de manière aussi peu exhaustive. De même, cette mesure mérite une évaluation de son impact sur le niveau de vie des ménages concernés et sur la compétitivité des entreprises françaises, au regard notamment de l'ensemble des hausses de cotisations votées antérieurement ou simultanément. II- En deuxième lieu, nous souhaitons poser la question de la sincérité du financement des réformes contenues dans la loi déférée et en particulier de ses articles 2, 5 et 10 au regard de l'article 47-2 alinéa 2 de la Constitution établissant que « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. ». 1-1 Le gouvernement présente son projet de loi comme un texte nécessaire compte-tenu des projections financières établies par le Conseil d'orientation des retraites (COR), qui chiffre à 21 milliards d'euros les besoins de financement de l'ensemble des régimes d'ici 2020. Ce déficit prévisionnel ne peut que s'aggraver en raison des réalités macro-économiques que nous connaissons, et qui sont largement plus pessimistes que le scénario B sur lequel le COR a fondé ses hypothèses de travail. Toutefois, le gouvernement présente une réforme qui ne finance que 8 des 21 milliards d'euros de déficit attendu d'ici 2020. Ces 8 milliards doivent être financés par le report de la revalorisation des pensions au 1er octobre (article 6 de la loi déférée), la fiscalisation des majorations de pensions pour 3 enfants (inscrite dans le projet de loi de finances), les hausses de cotisations de 0,3 point pour les salariés et les employeurs (inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale) ainsi que par des économies de gestion. En revanche, l'allongement de la durée d'assurance à 172 trimestres pour le taux plein (article 2) ne s'appliquera qu'à partir de 2020, avec un gain estimé de 5,4 milliards d'euros en 2030. Selon les chiffres du gouvernement (Cf. le tableau d'impact de la réforme des retraites sur l'ensemble des régimes page 28 de l'étude d'impact), ce sont donc 13 milliards qui seront financés par la dette en 2020. Et même en 2030, les mesures de redressement du gouvernement, qui s'élèveront alors à 15 milliards d'euros, auxquels il faut soustraire les 2,7 milliards d'euros de coût estimé des « mesures de justice » inscrites dans la loi, seront très loin de financer le déficit estimé de l'ensemble du système, qui dépassera largement à cette date les 21 milliards. Nous estimons donc que ce projet de loi est largement irresponsable à double titre : non seulement il n'apporte aucune solution durable au déficit de notre système de retraites, étant a fortiori loin d'en garantir « l'avenir » comme l'indique pourtant son titre, mais les mesures de financement apportées, bien qu'insuffisantes, sont largement injustes. Plutôt que de prendre les mesures d'âge qui s'imposent, le gouvernement baisse les pensions, le pouvoir d'achat des salariés et la compétitivité des entreprises. Il est à noter qu'au sein de ce déficit, les deux plus gros déséquilibres sont constitués par le financement des retraites complémentaires (AGIRC-ARRCO) et par le financement des retraites des fonctionnaires. Si les partenaires sociaux ont trouvé un accord pour réduire de moitié le déficit prévu de l'AGIRC-ARRCO à l'horizon 2020, l'Etat ne prend aucune mesure de convergence supplémentaire entre les retraites du secteur privé et les retraites du secteur public. Il entretient même le maintien de différentes modalités de recouvrement des cotisations puisque la montée en charge des hausses de cotisations vieillesse inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale sera appliquée aux agents de l'Etat à un rythme plus lent qu'aux salariés du secteur privé. Il semble donc que les modalités retenues par la réforme prise dans son ensemble, qui ne financent pas l'ensemble du déficit prévisionnel tous régimes, créent de nouvelles dépenses (les dépenses de justice précédemment évoquées) et de moindres recettes (avec une montée en charge plus lente des hausses de cotisations des fonctionnaires) sont manifestement inappropriées, en contradiction avec l'exigence que vous avez posée dans le Considérant n° 10 de votre décision 99-416 du 23 juillet 1999. 1-2 On retrouve la même insincérité dans les projections de financement du dispositif relatif à la pénibilité inscrit à l'article 10 de ce projet de loi. En effet, le compte personnel de pénibilité a un coût estimé de 500 millions d'euros en 2020, qui sera couvert par sa seule source de financement, à savoir une double cotisation à la charge des employeurs, dont le rendement est également estimé à 500 millions d'euros à la même date. En revanche, à l'horizon 2040, le coût du compte pénibilité s'élève à 2,7 milliards d'euros, pour un rendement estimé de la double cotisation des employeurs de seulement 800 millions d'euros. La fragilité financière de ce texte, son absence d'anticipation et le mensonge sur lequel il se fonde remettent en cause la préservation de notre régime de retraites par répartition ainsi que l'ensemble des mesures de justice qu'il contient et par voie de conséquence, la garantie, par la Nation, « à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs », inscrite au 11ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. III- En troisième lieu, nous estimons que les articles 7 et 10, relatifs au système de fiche de prévention de la pénibilité et à la création du compte personnel de pénibilité, violent les objectifs constitutionnels d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. L'article 7, qui modifie la nature de la fiche de prévention de la pénibilité, pour en faire non plus un instrument de prévention mais un instrument de mesure des risques encourus, souffre d'un manque de précision de la loi. En effet, les notions de « facteurs de risques professionnels » et de « seuils d'exposition », qui déterminent l'établissement de la fiche, pourraient aussi bien concerner les postes de travail que les individus assignés à ces postes. Or, si ces appréciations doivent être comprises dans le sens de l'expression d' « exposition effective à des facteurs de risques » mentionnée à l'article 6, et qui s'apprécie comme l'exposition effective d'un individu sur un poste donné, il existe un risque d'inapplicabilité d'établissement de la fiche. En effet, comment suivre le salarié tout au long de la journée pour consigner la durée de sa présence sur le poste et évaluer les périodes d'exposition à des facteurs de risques ? Cette indétermination du texte est d'autant moins acceptable que la fiche de prévention de la pénibilité est le socle de l'ensemble du dispositif de prévention de la pénibilité prévu par le projet de loi déféré et dont le non-respect est lourdement puni. De même, les imprécisions relatives à la mise en place du compte pénibilité prévue à l'article 10 semblent remettre en cause son applicabilité et risquent d'en faire un objet source de nombreuses inégalités. Par nature, la pénibilité au travail est très difficile à objectiver. C'est pourquoi le législateur avait choisi, dans la loi du 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, de fonder la création de son dispositif pénibilité sur la notion d'incapacité constatée. En effet, depuis le 1er juillet 2011, un droit à la retraite anticipée est ouvert, sous conditions, aux assurés présentant un taux d'incapacité permanente au moins égal à 10 %. Le principal reproche qui a été formulé au cours des débats à l'encontre de ce dispositif constitue en réalité sa principale force, à savoir un degré d'objectivité maximal grâce à une appréciation fondée sur un constat médical. En soi, tout travail peut être pénible. L'espérance de vie à la retraite n'est pas un facteur suffisant et pertinent pour mesurer cette pénibilité. Bien d'autres facteurs que la pénibilité au travail expliquent en effet les écarts d'espérance de vie entre les catégories socioprofessionnelles. Un dispositif de pénibilité existe depuis la loi du 9 juin 1853 dans le régime de retraite de la fonction publique. Les fonctionnaires sont ainsi classés en catégorie « active » (retraite dès 52 ou 57 ans) ou « sédentaire » (retraite à 62 ans). Les emplois « actifs » sont censés présenter « des risques particuliers ou des fatigues exceptionnelles » (loi du 31 mars 1932). Or, la Cour des comptes est très critique sur ce dispositif et sur son applicabilité : « L'exigence de pénibilité ou de fatigues exceptionnelles posée par la loi du 31 mars 1932 n'a jamais réussi à être objectivée et à être appliquée de manière fine, c'est-à-dire réellement ciblée sur certains emplois, et évolutive, c'est-à-dire réversible dans le temps. Cela démontre tout à la fois la difficulté de cerner objectivement la notion de pénibilité et le caractère inadapté que constitue la réponse à celle-ci sous forme de classement d'un emploi ouvrant droit à un départ en retraite anticipé »(3). Peut-on, dans ces conditions, étendre ce type de dispositif, de manière encore plus complexe, aux travailleurs du secteur privé ? Au-delà des inégalités qu'un compte pénibilité engendrera forcément, se trouve posé le problème de sa mise en œuvre effective et efficace. Rappelons, que le professeur Flückiger, dans son dossier publié dans les Cahiers du Conseil constitutionnel, interprète le principe de clarté de la loi et les objectifs d'intelligibilité et d'accessibilité comme se rapportant à « l'aspect de la “concrétisabilité ” du texte normatif ».(4) IV- En quatrième lieu, ces mêmes articles 7 et 10 comportent une rupture d'égalité. Réserver la fiche de prévention de la pénibilité et le compte personnel de pénibilité aux «salariés de droit privé » ainsi qu'au « personnel des personnes publiques employé dans les conditions de droit privé » ne permet pas de couvrir l'ensemble des individus qui travaillent, même si l'on prend en compte que les « salariés affiliés à un régime spécial de retraites » disposent par ailleurs d'un système de reconnaissance et de compensation de la pénibilité. Entre ces différentes populations, il existe des personnes qui, au travail, risquent de n'être couvertes par aucun dispositif de compensation de la pénibilité. En effet, ce n'est pas le travail salarié qui détermine la pénibilité mais le travail en soi. Ainsi, deux infirmières travaillant de nuit, dont l'une serait fonctionnaire et l'autre salariée, auront des conditions de travail égales, et donc des conditions de travail pénible égales. Pourtant, elles se trouveront dans une situation différente au regard de leur accès à la fiche de prévention de la pénibilité ainsi qu'au compte personnel de pénibilité. Le choix de limiter l'accès à ces deux outils au seul lien salarial et non à l'ensemble des postes de travail, en élimine de facto les fonctionnaires, les artisans et les exploitants agricoles. Ces différences de traitement ne peuvent se justifier par des situations juridiques différentes puisque le législateur crée dans le texte déféré un nouveau droit, qui se fonde sur les situations individuelles de chacun au travail : à risques comparables, les droits liés à la pénibilité doivent être similaires, indépendamment des statuts juridiques de chacun. V- Enfin, en dernier lieu, à l'appui du présent recours et relativement à l'article 48, il est nécessaire d'invoquer une méconnaissance du principe constitutionnel de liberté d'entreprendre dont découle un principe constitutionnel de liberté d'organisation pour les professions, et en l'espèce, pour les professions libérales. A cet égard, nous invitons votre haute juridiction à s'inspirer des exemples issus du droit constitutionnel comparé, et notamment du droit allemand, qui garantit une pleine valeur constitutionnelle à la liberté professionnelle, celle-ci couvrant le droit pour les professions de s'auto-organiser avec un haut degré de liberté. Or, il résulte des dispositions de l'article 48, qu'en substituant à l'élection du président de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales par les administrateurs eux-mêmes élus, une procédure de nomination directe par l'Etat, le législateur porte atteinte à ce droit à la liberté d'organisation professionnelle qui est une conséquence directe de la liberté d'entreprendre que votre jurisprudence a pleinement garantie. Selon votre jurisprudence, il est loisible au législateur « d'apporter à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, les limitations justifiées par l'intérêt général ou liées à des exigences constitutionnelles, à la condition que lesdites limitations n'aient pas pour conséquence d'en dénaturer la portée » (décision 98-401 du 10 juin 1998). Or, dans le cas prévu par la loi déférée, l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre et à la liberté des professions que constitue une nomination du directeur de la caisse nationale par l'Etat n'est pas justifiée par un motif d'intérêt général. Souhaitant que ces questions soient tranchées en droit, les députés auteurs de la présente saisine demandent donc au Conseil Constitutionnel de se prononcer sur ces points et tous ceux qu'il estimera pertinents eu égard à la compétence et la fonction que lui confère la Constitution. (1) CC, décision n° 94-348 DC du 3 août 1994, JO du 6 août 1994, p. 11482 et décision n° 2011-180 QPC du 13 octobre 2011, JO du 15 octobre 2011, p. 17463. (2) CC, décision n° 96-387 DC du 21 janvier 1997, JO du 25 janvier 1997, p. 1285 et décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010, JO du 10 novembre 2010, p. 20056. (3) Cour des comptes, Les pensions des fonctionnaires civils de l'Etat, juin 2003, p. 90 (4) Alexandre Flückiger, « Le principe de clarté de la loi ou l'ambiguïté d'un idéal », Cahier du Conseil constitutionnel n° 21, janvier 2007, p. 2.
CONSTIT/CONSTEXT000028500012.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 janvier 2014, par le Premier ministre, dans les conditions prévues par le second alinéa de l'article 37 de la Constitution, d'une demande tendant à ce qu'il se prononce sur la nature juridique du cinquième alinéa de l'article L. 621-5 du code rural et de la pêche maritime. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution, notamment ses articles 34 et 37 ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 24, 25 et 26 ; Vu le code rural et de la pêche maritime ; Vu l'article 2 de l'ordonnance n° 2009-325 du 25 mars 2009 relative à la création de l'Agence de services et de paiement et de l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer ; Vu l'article 81 de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que l'article L. 621-5 du code rural et de la pêche maritime est relatif à la composition des organes d'administration de l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer ; que son cinquième alinéa dispose : « Les membres du conseil d'administration et des conseils spécialisés sont nommés par arrêté du ministre chargé de l'agriculture et de la pêche » ; que ces dispositions ne mettent en cause ni les règles concernant « la création de catégories d'établissement publics » qui relèvent de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution ni aucun autre principe ou règle placés par la Constitution dans le domaine de la loi ; qu'elles ont, dès lors, le caractère réglementaire, D É C I D E : Article 1er.- Le cinquième alinéa de l'article L. 621-5 du code rural et de la pêche maritime a le caractère réglementaire. Article 2.- La présente décision sera notifiée au Premier ministre et publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 janvier 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
CONSTIT/CONSTEXT000028572926.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 novembre 2013 par le Conseil d'État (décision n° 371189 du 6 novembre 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société TF1 SA, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du c) du 1° de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code du cinéma et de l'image animée ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la société requérante par le cabinet HPML, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 22 novembre et 10 décembre 2013 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 28 novembre 2013 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Philippe Rolland, avocat au barreau de Paris, pour la société requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 28 janvier 2014 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que le 1° de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée est relatif à la taxe due par les éditeurs de services de télévision exploitant un service de télévision reçu en France métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer ; qu'aux termes du c) de ce 1°, cette taxe est assise sur le montant hors taxe sur la valeur ajoutée « des sommes versées directement ou indirectement par les opérateurs de communications électroniques aux redevables concernés, ou aux personnes en assurant l'encaissement, à raison des appels téléphoniques à revenus partagés, des connexions à des services télématiques et des envois de minimessages qui sont liés à la diffusion de leurs programmes, à l'exception des programmes servant une grande cause nationale ou d'intérêt général » ; 2. Considérant que, selon la société requérante, le c) du 1° de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée porte atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques, en ce que l'assiette de la taxe sur les éditeurs de services de télévision inclut des sommes perçues par des tiers, et méconnaît à ce titre l'exigence de prise en compte des facultés contributives des contribuables ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; 4. Considérant que l'exigence de prise en compte des facultés contributives, qui résulte du principe d'égalité devant les charges publiques, implique qu'en principe, lorsque la perception d'un revenu ou d'une ressource est soumise à une imposition, celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource ; que s'il peut être dérogé à cette règle, notamment pour des motifs de lutte contre la fraude ou l'évasion fiscales, de telles dérogations doivent être adaptées et proportionnées à la poursuite de ces objectifs ; 5. Considérant que les dispositions contestées incluent dans l'assiette de la taxe dont sont redevables les éditeurs de services de télévision les recettes tirées des appels téléphoniques à revenus partagés, des connexions à des services télématiques et des envois de minimessages, que ces recettes soient perçues par les éditeurs de services de télévision ou par un tiers qui les encaisse pour son propre compte ; que, dans ce dernier cas, ces dispositions ont pour effet d'assujettir un contribuable à une imposition dont l'assiette inclut des revenus dont il ne dispose pas ; 6. Considérant qu'en posant le principe de l'assujettissement, dans tous les cas, des éditeurs de services de télévision, quelles que soient les circonstances, au paiement d'une taxe assise sur des sommes dont ils ne disposent pas, le législateur a méconnu les exigences précitées ; que par suite, au c) du 1° de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée, les termes « ou aux personnes en assurant l'encaissement, » doivent être déclarés contraires à la Constitution ; 7. Considérant que, pour le surplus, le c) du 1° de l'article L. 115-7, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution ; 8. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; 9. Considérant que la déclaration d'inconstitutionnalité des termes « ou aux personnes en assurant l'encaissement, » du c) du 1° de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée prend effet à compter de la publication de la présente décision ; que, toutefois, elle ne peut être invoquée à l'encontre des impositions définitivement acquittées et qui n'ont pas été contestées avant cette date, D É C I D E : Article 1er.- Les termes « , ou aux personnes en assurant l'encaissement, » figurant au c) du 1° de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée sont contraires à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions prévues au considérant 9. Article 3.- Le surplus du c) du 1° de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée est conforme à la Constitution. Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 février 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 14 novembre 2013 par le Conseil d'État (décision n° 371785 du 14 novembre 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. et Mme Jean-Claude et Fabienne M., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 80 quinquies du code général des impôts. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code général des impôts ; Vu le code rural et de la pêche maritime ; Vu le code de la sécurité sociale ; Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ; Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 6 décembre 2013 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l'audience publique du 28 janvier 2014 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 80 quinquies du code général des impôts : « Les indemnités journalières versées par les organismes de sécurité sociale et de la mutualité sociale agricole ou pour leur compte, sont soumises à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires, à l'exclusion de la fraction des indemnités allouées aux victimes d'accidents du travail exonérée en application du 8° de l'article 81 et des indemnités qui sont allouées à des personnes atteintes d'une affection comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse » ; 2. Considérant que, selon les requérants, en prévoyant une exonération des indemnités journalières de sécurité sociale qui sont allouées à des personnes atteintes d'une affection comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse au seul profit des salariés du secteur privé à l'exclusion des fonctionnaires, les dispositions contestées méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et les charges publiques ; 3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « et des indemnités qui sont allouées à des personnes atteintes d'une affection comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse » figurant à l'article 80 quinquies du code général des impôts ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; 5. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être assujettis les contribuables ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; 6. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale prévoit que « sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat » ; que le premier alinéa de l'article L. 323-4 du même code dispose que « l'indemnité journalière est égale à une fraction du gain journalier de base » ; qu'il ressort du 5° de l'article L. 321-1 du même code que « l'assurance maladie comporte. . . l'octroi d'indemnités journalières à l'assuré qui se trouve dans l'incapacité physique constatée par le médecin traitant. . . de continuer ou de reprendre le travail » ; que le premier alinéa de l'article L. 742-3 du code rural et de la pêche maritime dispose que « les caisses de mutualité sociale agricole servent aux salariés agricoles et à leurs ayants droit en cas de maladie. . . les prestations prévues par le code de la sécurité sociale » ; que les non-salariés agricoles peuvent également percevoir des indemnités journalières en vertu des dispositions de l'article L. 732-4 du même code ; qu'il en va de même pour les personnes relevant de certains régimes de sécurité sociale des travailleurs non salariés, en application de l'article L. 613-20 du code de la sécurité sociale ; qu'en vertu de l'article 80 quinquies du code général des impôts, les indemnités journalières de sécurité sociale versées par les organismes de sécurité sociale et de la mutualité sociale agricole ou pour leur compte aux assurés atteints de l'une des affections comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse sont exclues de l'assiette de l'impôt sur le revenu ; 7. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, à la fonction publique territoriale et à la fonction publique hospitalière prévues par les lois des 11 janvier 1984, 26 janvier 1984 et 9 janvier 1986 susvisées que les fonctionnaires en congé de maladie ne perçoivent pas d'indemnités journalières en vertu de leur régime de sécurité sociale ; que, lorsqu'ils sont dans l'impossibilité d'exercer leurs fonctions en cas de maladie dûment constatée, ils conservent l'intégralité de leur traitement pendant une durée de trois mois puis la moitié de celui-ci pendant les neuf mois suivants ; que, dans les cas où il est constaté que la maladie rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée, les fonctionnaires conservent l'intégralité de leur traitement pendant un an puis la moitié de celui-ci pendant les deux années suivantes ; qu'en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, les fonctionnaires conservent leur plein traitement pendant trois ans puis la moitié de celui-ci pendant les deux années suivantes ; que l'article 79 du code général des impôts prévoit que « les traitements. . . concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu » ; 8. Considérant que les fonctionnaires en congé de maladie sont dans une situation différente de celle des personnes qui perçoivent des indemnités journalières versées par les organismes de sécurité sociale et de la mutualité sociale agricole ou pour leur compte ; que les régimes respectifs des congés de maladie conduisent à des versements de nature, de montant et de durée différents ; qu'en réservant aux personnes qui bénéficient d'indemnités journalières le bénéfice de l'exonération prévue par les dispositions contestées lorsque ces personnes sont atteintes de l'une des affections comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse, le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité devant la loi ; qu'il n'a pas traité différemment des personnes placées dans une situation identique ; que les critères de l'exonération retenus par les dispositions contestées de l'article 80 quinquies n'instituent ni des différences de traitement injustifiées ni une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et les charges publiques doit être écarté ; 9. Considérant que les mots « et des indemnités qui sont allouées à des personnes atteintes d'une affection comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse » figurant à l'article 80 quinquies du code général des impôts, qui ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- Les mots « et des indemnités qui sont allouées à des personnes atteintes d'une affection comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse » figurant à l'article 80 quinquies du code général des impôts sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 février 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 janvier 2014, par le Premier ministre, dans les conditions prévues par le second alinéa de l'article 37 de la Constitution, d'une demande tendant à ce qu'il se prononce sur la nature juridique des dispositions de l'article 3 et du deuxième alinéa de l'article 10 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution, notamment ses articles 34 et 37 ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 24, 25 et 26 ; Vu la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ; Vu l'ordonnance n° 2005-654 du 8 juin 2005 portant allègement des procédures d'adoption et de révision des schémas de services collectifs et suppression des schémas multimodaux de services collectifs de transport ; Vu la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les dispositions de l'article 3 de la loi du 4 février 1995 susvisée créent un Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire présidé par le Premier ministre ou, en son absence, le ministre chargé de l'aménagement du territoire, composé pour moitié au moins de membres des assemblées parlementaires et de représentants élus des collectivités territoriales ou de leurs groupements, ainsi que de représentants des activités économiques, sociales, familiales, culturelles et associatives et de personnalités qualifiées ; que ce Conseil, en vertu des dispositions de cet article, formule des avis et des suggestions sur les orientations et les conditions de mise en oeuvre de la politique d'aménagement et de développement durable du territoire par l'État, les collectivités territoriales et l'Union européenne ; qu'il est consulté sur les projets de lois de programmation prévus à l'article 32 de la loi du 4 février 1995 et peut se saisir de toute question relative à l'aménagement et au développement durable du territoire ; qu'il est périodiquement informé des décisions d'attribution des crédits prises par le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire et transmet chaque année au Parlement un rapport sur la mise en oeuvre de la politique d'aménagement et de développement durable du territoire ; 2. Considérant que les dispositions du deuxième alinéa de l'article 10 de la même loi prévoient que, préalablement à leur adoption, les projets de schémas de services collectifs sont soumis pour avis au Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire et que ces avis sont réputés favorables s'ils n'ont pas été rendus dans un délai de trois mois ; 3. Considérant que ces dispositions ne mettent en cause aucun des principes ou règles que la Constitution a placés dans le domaine de la loi ; que, par suite, elles ont le caractère réglementaire, D É C I D E : Article 1er.- Les dispositions de l'article 3 et du deuxième alinéa de l'article 10 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ont le caractère réglementaire. Article 2.- La présente décision sera notifiée au Premier ministre et publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 février 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 décembre 2013 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1251 du 17 décembre 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Madag, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des deux premiers alinéas de l'article L. 233-14 du code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi n° 2007-1774 du 17 décembre 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de commerce ; Vu la loi n° 2007-1774 du 17 décembre 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la société requérante par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 9 et 24 janvier 2014 ; Vu les observations produites pour la société Domia Group, partie en défense, par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 9 janvier 2014; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 9 janvier 2014 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Franck Martin Laprade, avocat au barreau de Paris, pour la société requérante, Me François Boucard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et Me Aline Poncelet, avocat au barreau de Paris, pour la partie en défense, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 11 février 2014 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 233-14 du code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi du 17 décembre 2007 susvisée : « À défaut d'avoir été régulièrement déclarées dans les conditions prévues aux I et II de l'article L. 233-7, les actions excédant la fraction qui aurait dû être déclarée, lorsqu'elles sont admises aux négociations sur un marché réglementé d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou sur un marché d'instruments financiers admettant aux négociations des actions pouvant être inscrites en compte chez un intermédiaire habilité dans les conditions prévues à l'article L. 211-4 du code monétaire et financier, sont privées du droit de vote pour toute assemblée d'actionnaires qui se tiendrait jusqu'à l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date de régularisation de la notification. « Dans les mêmes conditions, les droits de vote attachés à ces actions et qui n'ont pas été régulièrement déclarés ne peuvent être exercés ou délégués par l'actionnaire défaillant » ; 2. Considérant que, selon la société requérante, en privant de ses droits de vote de manière automatique et pendant deux ans l'actionnaire qui n'a pas déclaré un franchissement de seuil à la hausse, les dispositions contestées méconnaissent les principes de nécessité et d'individualisation des peines et portent atteinte au droit de propriété ; 3. Considérant que le paragraphe I de l'article L. 233-7 du code de commerce est applicable aux sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou un marché d'instruments financiers admettant aux négociations des actions pouvant être inscrites en compte chez un intermédiaire financier ; qu'il fait obligation à toute personne, agissant seule ou de concert, qui vient à posséder un nombre d'actions représentant plus du vingtième, du dixième, des trois vingtièmes, du cinquième, du quart, des trois dixièmes, du tiers, de la moitié, des deux tiers, des dix-huit vingtièmes ou des dix-neuf vingtièmes du capital ou des droits de vote d'une telle société de l'informer, dans un délai fixé par décret, du nombre total d'actions ou de droits de vote qu'elle possède ; que la même information doit être donnée en cas de franchissement à la baisse de l'un de ces seuils ; que le paragraphe II de ce même article impose également à la personne intéressée d'informer l'Autorité des marchés financiers, « lorsque les actions de la société sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un marché d'instruments financiers autre qu'un marché réglementé, à la demande de la personne qui gère ce marché d'instruments financiers » ; 4. Considérant que le paragraphe III de ce même article permet aux statuts de la société de prévoir une obligation supplémentaire d'information portant sur la détention de fractions du capital ou des droits de vote inférieures à celle du vingtième, sans que chacune de ces fractions ne puisse être inférieure à 0,5 % du capital ou des droits de vote ; que son paragraphe VI dispose qu'en cas de non-respect de cette obligation d'information, les statuts de la société peuvent prévoir des modalités particulières de mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 233-14 ; 5. Considérant que les dispositions contestées prévoient que l'actionnaire qui n'a pas déclaré un franchissement de seuil à la hausse dans le délai prévu est privé, pendant les deux ans qui suivent la régularisation de sa déclaration, des droits de vote aux assemblées générales de la société pour les actions excédant la fraction qui aurait dû être déclarée ; 6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; qu'il s'ensuit que ces principes ne s'appliquent qu'aux peines et aux sanctions ayant le caractère d'une punition ; 7. Considérant que la suspension temporaire des droits de vote instituée par les dispositions contestées est constatée par le bureau de l'assemblée générale de la société intéressée ; que ses effets sont limités aux rapports entre les actionnaires et la société ; que cette suspension, qui consiste à priver de certains de ses effets, pendant une durée limitée, une augmentation non déclarée de la participation d'un actionnaire, permet à la société, pendant ce délai, de tirer les conséquences de cette situation ; que cette privation temporaire des droits de vote ne constitue pas une sanction ayant le caractère d'une punition ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 est inopérant ; 8. Considérant, en second lieu, que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; 9. Considérant que la suspension des droits de vote instituée par les dispositions contestées a pour objet de faire obstacle aux prises de participation occultes dans les sociétés cotées afin de renforcer, d'une part, le respect des règles assurant la loyauté dans les relations entre la société et ses membres, ainsi qu'entre ses membres et, d'autre part, la transparence des marchés ; qu'ainsi, ces dispositions poursuivent un but d'intérêt général ; 10. Considérant que l'actionnaire détenteur des actions soumises aux dispositions contestées en demeure le seul propriétaire ; qu'il conserve notamment son droit au partage des bénéfices sociaux et, éventuellement, les droits qui naîtraient pour lui de l'émission de bons de souscription d'actions ou de la liquidation de la société ; qu'il peut librement céder ces actions sans que cette cession ait pour effet de transférer au cessionnaire la suspension temporaire des droits de vote ; que la privation des droits de vote cesse deux ans après la régularisation par l'actionnaire de sa déclaration ; qu'elle ne porte que sur la fraction des actions détenues par l'actionnaire intéressé qui dépasse le seuil non déclaré ; que l'actionnaire dispose d'un recours juridictionnel pour contester la décision le privant de ses droits de vote ; 11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, les atteintes au droit de propriété qui peuvent résulter de l'application des dispositions contestées n'entraînent pas de privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; que, d'autre part, compte tenu de l'encadrement dans le temps et de la portée limitée de cette privation des droits de vote, l'atteinte à l'exercice du droit de propriété de l'actionnaire qui résulte des dispositions contestées ne revêt pas un caractère disproportionné au regard du but poursuivi, ; que, par suite, les griefs tirés de l'atteinte au droit de propriété doivent être écartés ; 12. Considérant que les dispositions contestées, qui ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- Les deux premiers alinéas de l'article L. 233-14 du code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi n° 2007-1774 du 17 décembre 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier, sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance 27 février 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI. Rendu public le 28 février 2014.
CONSTIT/CONSTEXT000028679396.xml
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 19 décembre 2013 par le Conseil d'État (décision n° 368208 du 19 décembre 2013) d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par M. Marc S. et Mme Sara D., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 134-1 à L. 134-8 du code de la propriété intellectuelle, issus de l'article 1er de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle ; Vu le code de la propriété intellectuelle ; Vu l'arrêt de la Cour de cassation (première chambre civile) n° 11-22031 et 11-22522 du 11 décembre 2013 ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la Société française des intérêts des auteurs de l'écrit (SOFIA), partie en défense, par Me Christophe Caron, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 9 et 27 janvier 2014 ; Vu les observations produites pour les requérants par Me Franck Macrez, avocat au barreau de Nancy, enregistrées les 13 et 27 janvier 2014 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 13 janvier 2014 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Macrez pour les requérants, Me Caron pour la partie en défense, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 11 février 2014 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que l'article 1er de la loi du 1er mars 2012 a inséré dans le code de la propriété intellectuelle les articles L. 134-1 à L. 134-9 ; que l'article L. 134-1 dispose : « On entend par livre indisponible au sens du présent chapitre un livre publié en France avant le 1er janvier 2001 qui ne fait plus l'objet d'une diffusion commerciale par un éditeur et qui ne fait pas actuellement l'objet d'une publication sous une forme imprimée ou numérique » ; 2. Considérant que l'article L. 134-2 dispose : « Il est créé une base de données publique, mise à disposition en accès libre et gratuit par un service de communication au public en ligne, qui répertorie les livres indisponibles. La Bibliothèque nationale de France veille à sa mise en oeuvre, à son actualisation et à l'inscription des mentions prévues aux articles L. 134-4, L. 134-5 et L. 134-6. « Toute personne peut demander à la Bibliothèque nationale de France l'inscription d'un livre indisponible dans la base de données. « L'inscription d'un livre dans la base de données ne préjuge pas de l'application des articles L. 132-12 et L. 132-17 » ; 3. Considérant que l'article L. 134-3 dispose : « I. - Lorsqu'un livre est inscrit dans la base de données mentionnée à l'article L. 134-2 depuis plus de six mois, le droit d'autoriser sa reproduction et sa représentation sous une forme numérique est exercé par une société de perception et de répartition des droits régie par le titre II du livre III de la présente partie, agréée à cet effet par le ministre chargé de la culture. « Sauf dans le cas prévu au troisième alinéa de l'article L. 134-5, la reproduction et la représentation du livre sous une forme numérique sont autorisées, moyennant une rémunération, à titre non exclusif et pour une durée limitée à cinq ans, renouvelable. « II. - Les sociétés agréées ont qualité pour ester en justice pour la défense des droits dont elles ont la charge. « III. - L'agrément prévu au I est délivré en considération : « 1° De la diversité des associés de la société ; « 2° De la représentation paritaire des auteurs et des éditeurs parmi les associés et au sein des organes dirigeants ; « 3° De la qualification professionnelle des dirigeants de la société ; « 4° Des moyens que la société propose de mettre en oeuvre pour assurer la perception des droits et leur répartition ; « 5° Du caractère équitable des règles de répartition des sommes perçues entre les ayants droit, qu'ils soient ou non parties au contrat d'édition. Le montant des sommes perçues par le ou les auteurs du livre ne peut être inférieur au montant des sommes perçues par l'éditeur ; « 6° Des moyens probants que la société propose de mettre en oeuvre afin d'identifier et de retrouver les titulaires de droits aux fins de répartir les sommes perçues ; « 7° Des moyens que la société propose de mettre en oeuvre pour développer des relations contractuelles permettant d'assurer la plus grande disponibilité possible des oeuvres ; « 8° Des moyens que la société propose de mettre en oeuvre pour veiller à la défense des intérêts légitimes des ayants droit non parties au contrat d'édition. « IV. - Les sociétés agréées remettent chaque année à la commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits mentionnée à l'article L. 321-13 un rapport rendant compte des moyens mis en oeuvre et des résultats obtenus dans la recherche des titulaires de droits, qu'ils soient ou non parties au contrat d'édition. « La commission peut formuler toute observation ou recommandation d'amélioration des moyens mis en oeuvre afin d'identifier et de retrouver les titulaires de droits. « La commission est tenue informée, dans le délai qu'elle fixe, des suites données à ses observations et recommandations. « La commission rend compte annuellement au Parlement, au Gouvernement et à l'assemblée générale des sociétés agréées, selon des modalités qu'elle détermine, des observations et recommandations qu'elle a formulées et des suites qui leur ont été données » ; 4. Considérant que l'article L. 134-4 dispose : « I. - L'auteur d'un livre indisponible ou l'éditeur disposant du droit de reproduction sous une forme imprimée de ce livre peut s'opposer à l'exercice du droit d'autorisation mentionné au premier alinéa du I de l'article L. 134-3 par une société de perception et de répartition des droits agréée. Cette opposition est notifiée par écrit à l'organisme mentionné au premier alinéa de l'article L. 134-2 au plus tard six mois après l'inscription du livre concerné dans la base de données mentionnée au même alinéa. « Mention de cette opposition est faite dans la base de données mentionnée au même article L. 134-2. « Après l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent I, l'auteur d'un livre indisponible peut s'opposer à l'exercice du droit de reproduction ou de représentation de ce livre s'il juge que la reproduction ou la représentation de ce livre est susceptible de nuire à son honneur ou à sa réputation. Ce droit est exercé sans indemnisation. « II. - L'éditeur ayant notifié son opposition dans les conditions prévues au premier alinéa du I du présent article est tenu d'exploiter dans les deux ans suivant cette notification le livre indisponible concerné. Il doit apporter par tout moyen la preuve de l'exploitation effective du livre à la société agréée en application de l'article L. 134-3. À défaut d'exploitation du livre dans le délai imparti, la mention de l'opposition est supprimée dans la base de données mentionnée à l'article L. 134-2 et le droit d'autoriser sa reproduction et sa représentation sous une forme numérique est exercé dans les conditions prévues au second alinéa du I de l'article L. 134-3. « La preuve de l'exploitation effective du livre, apportée par l'éditeur dans les conditions prévues au premier alinéa du présent II, ne préjuge pas de l'application des articles L. 132-12 et L. 132-17 » ; 5. Considérant que l'article L. 134-5 dispose : « À défaut d'opposition notifiée par l'auteur ou l'éditeur à l'expiration du délai prévu au I de l'article L. 134-4, la société de perception et de répartition des droits propose une autorisation de reproduction et de représentation sous une forme numérique d'un livre indisponible à l'éditeur disposant du droit de reproduction de ce livre sous une forme imprimée. « Cette proposition est formulée par écrit. Elle est réputée avoir été refusée si l'éditeur n'a pas notifié sa décision par écrit dans un délai de deux mois à la société de perception et de répartition des droits. « L'autorisation d'exploitation mentionnée au premier alinéa est délivrée par la société de perception et de répartition des droits à titre exclusif pour une durée de dix ans tacitement renouvelable, sauf dans le cas mentionné à l'article L. 134-8. « Mention de l'acceptation de l'éditeur est faite dans la base de données mentionnée à l'article L. 134-2. « À défaut d'opposition de l'auteur apportant par tout moyen la preuve que cet éditeur ne dispose pas du droit de reproduction d'un livre sous une forme imprimée, l'éditeur ayant notifié sa décision d'acceptation est tenu d'exploiter, dans les trois ans suivant cette notification, le livre indisponible concerné. Il doit apporter à cette société, par tout moyen, la preuve de l'exploitation effective du livre. « À défaut d'acceptation de la proposition mentionnée au premier alinéa ou d'exploitation de l'oeuvre dans le délai prévu au cinquième alinéa du présent article, la reproduction et la représentation du livre sous une forme numérique sont autorisées par la société de perception et de répartition des droits dans les conditions prévues au second alinéa du I de l'article L. 134-3. « L'utilisateur auquel une société de perception et de répartition des droits a accordé une autorisation d'exploitation dans les conditions prévues au même second alinéa est considéré comme éditeur de livre numérique au sens de l'article 2 de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique. « L'exploitation de l'oeuvre dans les conditions prévues au présent article ne préjuge pas de l'application des articles L. 132-12 et L. 132-17 » ; 6. Considérant que l'article L. 134-6 dispose : « L'auteur et l'éditeur disposant du droit de reproduction sous une forme imprimée d'un livre indisponible notifient conjointement à tout moment à la société de perception et de répartition des droits mentionnée à l'article L. 134-3 leur décision de lui retirer le droit d'autoriser la reproduction et la représentation dudit livre sous forme numérique. « L'auteur d'un livre indisponible peut décider à tout moment de retirer à la société de perception et de répartition des droits mentionnée au même article L. 134-3 le droit d'autoriser la reproduction et la représentation du livre sous une forme numérique s'il apporte la preuve qu'il est le seul titulaire des droits définis audit article L. 134-3. Il lui notifie cette décision. « Mention des notifications prévues aux deux premiers alinéas du présent article est faite dans la base de données mentionnée à l'article L. 134-2. « L'éditeur ayant notifié sa décision dans les conditions prévues au premier alinéa est tenu d'exploiter le livre concerné dans les dix-huit mois suivant cette notification. Il doit apporter à la société de perception et de répartition des droits, par tout moyen, la preuve de l'exploitation effective du livre. « La société informe tous les utilisateurs auxquels elle a accordé une autorisation d'exploitation du livre concerné des décisions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article. Les ayants droit ne peuvent s'opposer à la poursuite de l'exploitation dudit livre engagée avant la notification pendant la durée restant à courir de l'autorisation mentionnée au second alinéa du I de l'article L. 134-3 ou au troisième alinéa de l'article L. 134-5, à concurrence de cinq ans maximum et à titre non exclusif » ; 7. Considérant que l'article L. 134-7 dispose : « Les modalités d'application du présent chapitre, notamment les modalités d'accès à la base de données prévue à l'article L. 134-2, la nature ainsi que le format des données collectées et les mesures de publicité les plus appropriées pour garantir la meilleure information possible des ayants droit, les conditions de délivrance et de retrait de l'agrément des sociétés de perception et de répartition des droits prévu à l'article L. 134-3, sont précisées par décret en Conseil d'État » ; 8. Considérant que l'article L. 134-8 dispose : « Sauf refus motivé, la société de perception et de répartition des droits mentionnée à l'article L. 134-3 autorise gratuitement les bibliothèques accessibles au public à reproduire et à diffuser sous forme numérique à leurs abonnés les livres indisponibles conservés dans leurs fonds dont aucun titulaire du droit de reproduction sous une forme imprimée n'a pu être trouvé dans un délai de dix ans à compter de la première autorisation d'exploitation. « L'autorisation mentionnée au premier alinéa est délivrée sous réserve que l'institution bénéficiaire ne recherche aucun avantage économique ou commercial. « Un titulaire du droit de reproduction du livre sous une forme imprimée obtient à tout moment de la société de perception et de répartition des droits le retrait immédiat de l'autorisation gratuite » ; 9. Considérant que, selon les requérants, la procédure parlementaire ayant conduit au vote de la loi du 1er mars 2012 susvisée n'a pas respecté le principe de clarté et de sincérité des débats ; qu'ils soutiennent également que cette loi méconnaît l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ; qu'enfin le système de gestion collective des droits d'auteur institué par ces dispositions porterait atteinte au droit de propriété des auteurs ; qu'il en irait en particulier ainsi des limitations apportées par l'article L. 134-6 au droit de retrait de l'auteur ; 10. Considérant que les dispositions contestées ont pour objet de rendre disponibles sous forme numérique des « livres indisponibles » ; qu'à cette fin, il est créé une base de données publique des « livres indisponibles » mise en oeuvre par la Bibliothèque nationale de France ; qu'en vertu de l'article L. 134-3, une société de perception et de répartition des droits agréée par le ministre de la culture exerce le droit d'autoriser la reproduction et la représentation sous une forme numérique de tout livre inscrit dans cette base de données depuis plus de six mois et assure la répartition des sommes perçues en raison de cette exploitation entre les ayants droit ; que les sociétés de perception et de répartition des droits sont soumises au contrôle d'une commission permanente et à celui du ministère de la culture destinataire des comptes annuels de ces sociétés et des rapports de vérification de cette commission de contrôle ; que l'article L. 134-4 définit les conditions dans lesquelles l'auteur et l'éditeur d'un « livre indisponible » peuvent s'opposer à l'exercice de ce droit d'autorisation par la société de perception et de répartition des droits ; que, lorsque l'opposition émane de l'éditeur, ce dernier est tenu d'exploiter le livre dans un certain délai ; que l'article L. 134-5 prévoit les conditions dans lesquelles, à défaut d'opposition, la société de perception et de répartition des droits autorise la reproduction et la représentation du « livre indisponible » ; que l'article L. 134-6 prévoit les conditions dans lesquelles l'auteur et l'éditeur disposant du droit de reproduction sous une forme imprimée d'un « livre indisponible » peuvent retirer le droit d'autoriser la reproduction et la représentation du livre ; que l'article L. 134-8 fixe les conditions dans lesquelles les bibliothèques accessibles au public peuvent être autorisées gratuitement à reproduire et à diffuser sous forme numérique à leurs abonnés les « livres indisponibles » conservés dans leur fond ; 11. Considérant que le grief tiré de la méconnaissance de la procédure d'adoption d'une loi ne peut être invoqué à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ; 12. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; 13. Considérant que les finalités et les conditions d'exercice du droit de propriété ont connu depuis 1789 une évolution caractérisée par une extension de son champ d'application à des domaines nouveaux et, notamment, à la propriété intellectuelle ; que celle-ci comprend le droit, pour les titulaires du droit d'auteur et de droits voisins, de jouir de leurs droits de propriété intellectuelle et de les protéger dans le cadre défini par la loi et les engagements internationaux de la France ; 14. Considérant que les dispositions contestées ont pour objet de permettre la conservation et la mise à disposition du public, sous forme numérique, des ouvrages indisponibles publiés en France avant le 1er janvier 2001 qui ne sont pas encore tombés dans le domaine public, au moyen d'une offre légale qui assure la rémunération des ayants droit ; qu'ainsi, ces dispositions poursuivent un but d'intérêt général ; 15. Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées n'affectent ni le droit de l'auteur au respect de son nom, ni son droit de divulgation, lequel, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, s'épuise par le premier usage qu'il en fait ; qu'elles sont également dépourvues d'effet sur le droit de l'auteur d'exploiter son oeuvre sous d'autres formes que numérique ; 16. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions contestées ne s'appliquent qu'aux ouvrages qui ne font plus l'objet d'une diffusion commerciale par un éditeur et qui ne font « pas actuellement l'objet d'une publication sous forme imprimée ou numérique » ; que la mise en gestion collective du droit d'autoriser la reproduction et la représentation du livre est subordonnée à l'absence d'opposition, dans un délai de six mois suivant la publication de l'inscription du livre sur la base de données publique susmentionnée, par l'auteur ou par l'éditeur disposant d'un droit de reproduction sous une forme imprimée ; que, passé ce délai, l'éditeur titulaire du droit de reproduction du livre sous une forme imprimée jouit d'un droit de priorité pour assurer la reproduction et la représentation du livre sous une forme numérique ; qu'aux termes du 5° du paragraphe III de l'article L. 134-3, la société de perception et de répartition des droits est tenue de garantir le « caractère équitable des règles de répartition des sommes perçues entre les ayants droit, qu'ils soient ou non parties au contrat d'édition » ; que ce même 5° dispose : « Le montant des sommes perçues par le ou les auteurs du livre ne peut être inférieur au montant des sommes perçues par l'éditeur » ; 17. Considérant, en troisième lieu, qu'après l'expiration du délai d'opposition précité et tant que l'ouvrage n'est pas tombé dans le domaine public, l'article L. 134-6 prévoit un droit de retrait au bénéfice soit de l'auteur et de l'éditeur agissant conjointement, soit du seul auteur à la condition qu'il apporte la preuve qu'il est le seul titulaire des droits d'exploitation numérique ; qu'en outre, le troisième alinéa de l'article L. 134-4 reconnaît à l'auteur, à tout moment et sans indemnisation, le pouvoir de s'opposer à l'exercice du droit de reproduction ou de représentation d'un livre s'il juge que sa reproduction ou sa représentation est susceptible de nuire à son honneur ou à sa réputation ; 18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, le régime de gestion collective applicable au droit de reproduction et de représentation sous forme numérique des "livres indisponibles" n'entraîne pas de privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; que, d'autre part, l'encadrement des conditions dans lesquelles les titulaires de droits d'auteur jouissent de leurs droits de propriété intellectuelle sur ces ouvrages ne porte pas à ces droits une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ; que, par suite, les griefs tirés de l'atteinte au droit de propriété doivent être écartés ; 19. Considérant que les dispositions contestées, qui ne sont en tout état de cause pas entachées d'inintelligibilité, ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées conformes à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- Les articles L. 134-1 à L. 134-8 du code de la propriété intellectuelle, issus de l'article 1er de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle, sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance 27 février 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI. Rendu public le 28 février 2014.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 février 2014, par le Premier ministre, dans les conditions prévues par le second alinéa de l'article 37 de la Constitution, d'une demande tendant à ce qu'il se prononce sur la nature juridique des dispositions de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 43 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution, notamment ses articles 34 et 37 ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 24, 25 et 26 ; Vu la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les dispositions de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 43 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 susvisée prévoient que le secrétariat général du Conseil national de la mer et des littoraux est assuré par le délégué interministériel au développement durable, conjointement avec le délégué interministériel à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale et le secrétaire général à la mer ; que ces dispositions ne mettent en cause aucun des principes ou règles que la Constitution a placés dans le domaine de la loi ; que, par suite, elles ont le caractère réglementaire, D É C I D E : Article 1er.- Les dispositions de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 43 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral ont le caractère réglementaire. Article 2.- La présente décision sera notifiée au Premier ministre et publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 février 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI. Rendu public le 28 février 2014.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 5 mars 2014 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 466 du 5 mars 2014), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Casuca, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 671 et 672 du code civil. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code civil ; Vu le code l'urbanisme ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la société requérante par Me Didier Le Prado, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 27 mars 2014 ; Vu les observations produites pour M. Alain P., partie en défense, par la SCP Garreau Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 27 mars 2014 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 27 mars 2014 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Le Prado pour la société requérante, Me Olivia Feschotte-Desbois, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la partie en défense, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 22 avril 2014 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 671 du code civil : « Il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations. « Les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l'on soit tenu d'observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur. « Si le mur n'est pas mitoyen, le propriétaire seul a le droit d'y appuyer les espaliers » ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article 672 du même code : « Le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire. « Si les arbres meurent ou s'ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu'en observant les distances légales » ; 3. Considérant que, selon la société requérante, les dispositions contestées, qui permettent au voisin d'exiger du propriétaire l'arrachage ou la réduction des arbres, arbustes et arbrisseaux plantés en bordure de son fonds sans qu'il ait à justifier d'un préjudice, méconnaissent le Préambule de la Charte de l'environnement, ses articles 1er à 4 ainsi que son article 6 ; qu'en outre, elles porteraient atteinte au droit de propriété ; - SUR LES GRIEFS TIRÉS DE LA MÉCONNAISSANCE DE LA CHARTE DE L'ENVIRONNEMENT : 4. Considérant, en premier lieu, que les dix articles de la Charte de l'environnement sont précédés de sept alinéas qui disposent : « Que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l'émergence de l'humanité ; « Que l'avenir et l'existence même de l'humanité sont indissociables de son milieu naturel ; « Que l'environnement est le patrimoine commun des êtres humains ; « Que l'homme exerce une influence croissante sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution ; « Que la diversité biologique, l'épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l'exploitation excessive des ressources naturelles ; « Que la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ; « Qu'afin d'assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins » ; 5. Considérant que, si ces alinéas ont valeur constitutionnelle, aucun d'eux n'institue un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; qu'ils ne peuvent être invoqués à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ; 6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la Charte de l'environnement : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social » ; que cette disposition n'institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; que sa méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ; 7. Considérant, en troisième lieu, que les articles 1er à 4 de la Charte de l'environnement disposent : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement. « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences. « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi » ; 8. Considérant que les dispositions contestées établissent une servitude légale de voisinage qui interdit aux propriétaires de fonds voisins d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine à la distance inférieure à celle prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, à la distance de deux mètres de la ligne séparative pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations ; que le voisin peut, sans avoir à justifier d'un préjudice ou à invoquer un motif particulier, exiger l'arrachage ou la réduction des arbres, arbustes et arbrisseaux plantés en violation de ces distances ; 9. Considérant que ces dispositions sont relatives aux règles de distance et de hauteur de végétaux plantés à proximité de la limite de fonds voisins ; que leur application peut conduire à ce que des végétaux plantés en méconnaissance de ces règles de distance soient arrachés ou réduits; que ces dispositions s'appliquent sans préjudice du respect des règles particulières relatives à la protection de l'environnement, notamment l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme ; qu'eu égard à l'objet et à la portée des dispositions contestées, l'arrachage de végétaux qu'elles prévoient est insusceptible d'avoir des conséquences sur l'environnement ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de la Charte de l'environnement est inopérant ; - SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DU DROIT DE PROPRIÉTÉ : 10. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; 11. Considérant qu'il appartient au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour fixer les principes fondamentaux de la propriété et des droits réels, de définir les modalités selon lesquelles les droits des propriétaires de fonds voisins doivent être conciliés ; que les servitudes de voisinage sont au nombre des mesures qui tendent à assurer cette conciliation ; 12. Considérant, en premier lieu, que la servitude établie par les dispositions contestées n'entraîne pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; 13. Considérant, en second lieu, que, d'une part, en imposant le respect de certaines distances pour les plantations en limite de la propriété voisine, le législateur a entendu assurer des relations de bon voisinage et prévenir les litiges ; que les dispositions contestées poursuivent donc un but d'intérêt général ; 14. Considérant que, d'autre part, les dispositions contestées ne s'appliquent qu'aux plantations situées en limite de la propriété voisine ; qu'en présence d'un mur séparatif, des arbres, arbrisseaux et arbustes de toute espèce peuvent être plantés en espalier « sans que l'on soit tenu d'observer aucune distance » ; que l'option entre l'arrachage et la réduction appartient au propriétaire ; que celui-ci a en outre le droit de s'y opposer en invoquant l'existence d'un titre, « la destination du père de famille » ou la prescription trentenaire ; que l'atteinte portée par les dispositions contestées à l'exercice du droit de propriété ne revêt donc pas un caractère disproportionné au regard du but poursuivi ; que, par suite, les griefs tirés de l'atteinte au droit de propriété doivent être écartés ; 15. Considérant que les dispositions contestées, qui ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- Les articles 671 et 672 du code civil sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance 7 mai 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI. Rendu public le 7 mai 2014.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 10 mars 2014 par le Conseil d'État (décision n° 374288 du 7 mars 2014), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les associations « Fédération environnement durable », « Fédération nationale des associations de sauvegarde des sites », « Ligue urbaine et rurale », « Société pour la protection des paysages et l'esthétique de la France », « Association de défense de l'environnement et de la région d'Egreville », « Vent de colère en Visandre », « Vent de force 77 », et « Vent de vérité », relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 222-1 à L. 222-3 du code de l'environnement, dans leur rédaction issue des articles 68 et 90 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l'environnement ; Vu le code des transports ; Vu la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement ; Vu la loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012 relative à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations en intervention produites par l'association « France Nature Environnement », enregistrées les 31 mars et 14 avril 2014 ; Vu les observations produites pour les associations requérantes par Me Francis Monamy, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 1er et 16 avril 2014 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 1er avril 2014 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Monamy, pour les associations requérantes, Me Mathieu Victoria, avocat au barreau d'Aix-en-Provence, pour l'association intervenante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 22 avril 2014 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 222-1 du code de l'environnement : « I. - Le préfet de région et le président du conseil régional élaborent conjointement le projet de schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie, après consultation des collectivités territoriales concernées et de leurs groupements. « Ce schéma fixe, à l'échelon du territoire régional et à l'horizon 2020 et 2050 : « 1° Les orientations permettant d'atténuer les effets du changement climatique et de s'y adapter, conformément à l'engagement pris par la France, à l'article 2 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050, et conformément aux engagements pris dans le cadre européen. À ce titre, il définit notamment les objectifs régionaux en matière de maîtrise de l'énergie ; « 2° Les orientations permettant, pour atteindre les normes de qualité de l'air mentionnées à l'article L. 221-1, de prévenir ou de réduire la pollution atmosphérique ou d'en atténuer les effets. À ce titre, il définit des normes de qualité de l'air propres à certaines zones lorsque les nécessités de leur protection le justifient ; « 3° Par zones géographiques, les objectifs qualitatifs et quantitatifs à atteindre en matière de valorisation du potentiel énergétique terrestre, renouvelable et de récupération et en matière de mise en oeuvre de techniques performantes d'efficacité énergétique telles que les unités de cogénération, notamment alimentées à partir de biomasse, conformément aux objectifs issus de la législation européenne relative à l'énergie et au climat. À ce titre, le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie vaut schéma régional des énergies renouvelables au sens du III de l'article 19 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement. Un schéma régional éolien qui constitue un volet annexé à ce document définit, en cohérence avec les objectifs issus de la législation européenne relative à l'énergie et au climat, les parties du territoire favorables au développement de l'énergie éolienne. « II. - À ces fins, le projet de schéma s'appuie sur un inventaire des émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre, un bilan énergétique, une évaluation du potentiel énergétique, renouvelable et de récupération, une évaluation des améliorations possibles en matière d'efficacité énergétique ainsi que sur une évaluation de la qualité de l'air et de ses effets sur la santé publique et l'environnement menés à l'échelon de la région et prenant en compte les aspects économiques ainsi que sociaux. « III. - En Corse, le projet de schéma est élaboré par le président du conseil exécutif. Les services de l'État sont associés à son élaboration » ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 222-2 du même code : « Après avoir été mis pendant une durée minimale d'un mois à la disposition du public sous des formes, notamment électroniques, de nature à permettre sa participation, le projet de schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie est soumis à l'approbation de l'organe délibérant du conseil régional. Le schéma est ensuite arrêté par le préfet de région. « En Corse, le schéma est adopté par délibération de l'Assemblée de Corse sur proposition du président du conseil exécutif et après avis du représentant de l'État. « Les régions peuvent intégrer au schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie le plan climat-énergie territorial défini par l'article L. 229-26 du présent code. Dans ce cas, elles font état de ce schéma dans le rapport prévu par l'article L. 4310-1 du code général des collectivités territoriales. « Au terme d'une période de cinq ans, le schéma fait l'objet d'une évaluation et peut être révisé, à l'initiative conjointe du préfet de région et du président du conseil régional ou, en Corse, à l'initiative du président du conseil exécutif, en fonction des résultats obtenus dans l'atteinte des objectifs fixés et, en particulier, du respect des normes de qualité de l'air » ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 222-3 du même code : « Chaque région se dote d'un schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement. « Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application de la présente section et détermine, notamment, les collectivités territoriales, les groupements de collectivités territoriales, les instances et les organismes consultés sur le projet de schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie soit lors de son élaboration, soit préalablement à son adoption, ainsi que les modalités de leur consultation. Pour la Corse, le décret en Conseil d'État fixe, en outre, les conditions dans lesquelles le représentant de l'État arrête le schéma, lorsque l'Assemblée de Corse, après y avoir été invitée, n'a pas procédé à son adoption dans un délai de deux ans » ; 4. Considérant que, selon les associations requérantes et l'association intervenante, en ne prévoyant pas des modalités suffisantes de participation du public lors de l'élaboration des schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie et des schémas régionaux éoliens, ces dispositions méconnaissent le droit de toute personne « de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement » ; qu'en outre, les associations requérantes font valoir qu'en ne fixant pas les critères à partir desquels sont délimitées les parties du territoire favorables au développement de l'énergie éolienne, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence ainsi que l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ; que la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence et de cet objectif de valeur constitutionnelle affecterait par elle-même l'exercice du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé et le droit de voir les autorités administratives prévenir les atteintes qui pourraient être portées à l'environnement ; 5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; - SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DE L'ARTICLE 7 DE LA CHARTE DE L'ENVIRONNEMENT : 6. Considérant que l'article 7 de la Charte de l'environnement dispose : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement » ; que ces dispositions figurent au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu'il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la mise en oeuvre de ces dispositions ; 7. Considérant, en premier lieu, que, d'une part, en vertu du deuxième alinéa du paragraphe I de l'article L. 222-1 du code de l'environnement, le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie doit fixer des orientations et objectifs destinés à préserver l'environnement « à l'échelon du territoire régional et à l'horizon 2020 et 2050 » ; qu'en particulier, le schéma définit les orientations permettant d'atténuer les effets du changement climatique et de s'y adapter et de prévenir ou de réduire la pollution atmosphérique ou d'en atténuer les effets ; qu'il définit également, par zones géographiques, les objectifs qualitatifs et quantitatifs à atteindre en matière de valorisation du potentiel énergétique terrestre, renouvelable et de récupération et en matière de mise en œuvre de techniques performantes d'efficacité énergétique telles que les unités de cogénération, notamment alimentées à partir de biomasse, conformément aux objectifs issus de la législation européenne relative à l'énergie et au climat ; qu'en vertu de la dernière phrase du 3° du même paragraphe, « un schéma régional éolien qui constitue un volet annexé à ce document définit, en cohérence avec les objectifs issus de la législation européenne relative à l'énergie et au climat, les parties du territoire favorables au développement de l'énergie éolienne » ; qu'ainsi, le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie et le schéma régional éolien ont pour objet de fixer des objectifs et des orientations en matière de préservation de l'environnement ; 8. Considérant, d'autre part, que selon le premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 222-4, le paragraphe VI de l'article L. 229-26 du même code, ainsi que l'article L. 1214-7 du code des transports, le « plan de protection de l'atmosphère », le « plan climat-énergie territorial » et le « plan de déplacements urbains » doivent être compatibles avec le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie ; 9. Considérant que, par suite, le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie et le schéma régional éolien qui en constitue une annexe sont des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement au sens de l'article 7 de la Charte de l'environnement ; 10. Considérant, en second lieu, que les dispositions du premier alinéa de l'article L. 222-2 du code de l'environnement prévoient que le projet de schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie fait l'objet, pendant une durée minimale d'un mois, d'une mise à la disposition du public sous des formes, notamment électroniques, de nature à permettre sa participation ; qu'en vertu du second alinéa de l'article L. 222-3, les modalités d'application de ces dispositions sont fixées par un décret en Conseil d'État ; 11. Considérant qu'en fixant la durée minimale pendant laquelle ce schéma est mis à la disposition du public et en déterminant la forme de cette mise à disposition, qui doit être faite notamment par voie électronique, le législateur s'est borné à prévoir le principe de la participation du public sans préciser « les conditions et les limites » dans lesquelles doit s'exercer le droit de toute personne de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ; qu'il a renvoyé à un décret en Conseil d'État le soin de fixer ces « conditions et limites » ; que ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative n'assurent la mise en œuvre du principe de participation du public à l'élaboration des décisions publiques en cause ; qu'en adoptant les dispositions contestées sans fixer les conditions et limites du principe de la participation du public, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence ; que, par suite, la première phrase du premier alinéa de l'article L. 222-2 du code de l'environnement doit être déclarée contraire à la Constitution ; - SUR LES GRIEFS TIRÉS DE LA MÉCONNAISSANCE DE L'ARTICLE 34 DE LA CONSTITUTION : 12. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les principes généraux « de la préservation de l'environnement » ; 13. Considérant qu'en prévoyant que le schéma régional éolien définit, en cohérence avec les objectifs issus de la législation européenne relative à l'énergie et au climat, les parties du territoire favorables au développement de l'énergie éolienne, sans fixer les critères de détermination de ces parties du territoire, le législateur n'a pas habilité l'autorité administrative à fixer des règles qui mettent en cause les principes fondamentaux de la préservation de l'environnement ; que, par suite, le grief tiré de ce qu'en adoptant la dernière phrase du 3° de l'article L. 222-1 du code de l'environnement, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence doit en tout état de cause être écarté ; 14. Considérant que les articles L. 222-1 et L. 222-3 du code de l'environnement, ainsi que le surplus de son article L. 222-2, qui ne sont en tout état de cause pas entachés d'inintelligibilité, ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'ils doivent être déclarés conformes à la Constitution ; - SUR LES EFFETS DE LA DÉCLARATION D'INCONSTITUTIONNALITÉ : 15. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; 16. Considérant que, d'une part, la remise en cause des effets produits par les dispositions déclarées contraires à la Constitution aurait des conséquences manifestement excessives ; que, d'autre part, le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement ; que, dès lors, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2015 la date de l'abrogation des dispositions déclarées contraires à la Constitution afin de permettre au législateur d'apprécier les suites qu'il convient de donner à cette déclaration d'inconstitutionnalité ; que les mesures prises avant cette date sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité, D É C I D E : Article 1er.- La première phrase du premier alinéa de l'article L. 222-2 du code de l'environnement est contraire à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet au 1er janvier 2015 dans les conditions fixées au considérant 16. Article 3.- Les articles L. 222-1 et L. 222-3 du code de l'environnement, ainsi que le surplus de son article L. 222-2 sont conformes à la Constitution. Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 mai 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI. Rendu public le 7 mai 2014.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 7 octobre 2013 par le Conseil d'État (décision nos 353724, 353725, 353726 du 7 octobre 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les sociétés Sud Radio Services et Sud Radio Plus, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 42 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ; Vu la loi n° 89-25 du 17 janvier 1989 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 ; Vu la loi n° 94-88 du 1er février 1994 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ; Vu la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ; Vu la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle ; Vu la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision ; Vu la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, partie en défense, enregistrées le 30 octobre 2013 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 30 octobre 2013 ; Vu les observations produites pour les sociétés requérantes par Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 14 novembre 2013 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Spinosi, pour les sociétés requérantes, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 26 novembre 2013 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée dans sa rédaction issue de la loi du 9 juillet 2010 susvisée : « Les éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle et les opérateurs de réseaux satellitaires peuvent être mis en demeure de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis aux articles 1er et 3-1. » « Le Conseil supérieur de l'audiovisuel rend publiques ces mises en demeure. » « Les organisations professionnelles et syndicales représentatives du secteur de la communication audiovisuelle, le Conseil national des langues et cultures régionales, les associations familiales et les associations de défense des droits des femmes ainsi que les associations ayant dans leur objet social la défense des intérêts des téléspectateurs peuvent demander au Conseil supérieur de l'audiovisuel d'engager la procédure de mise en demeure prévue au premier alinéa du présent article » ; 2. Considérant que, selon les sociétés requérantes, en ne garantissant pas la séparation des pouvoirs de poursuite et d'instruction et des pouvoirs de sanction au sein du Conseil supérieur de l'audiovisuel, les dispositions contestées portent atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité ainsi qu'aux droits de la défense qui découlent de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle, ne fait obstacle à ce qu'une autorité administrative indépendante, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de sa mission, dès lors que l'exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis ; qu'en particulier, doivent être respectés le principe de la légalité des délits et des peines ainsi que les droits de la défense, principes applicables à toute sanction ayant le caractère d'une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle ; que doivent également être respectés les principes d'indépendance et d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; 4. Considérant que les dispositions contestées ont pour origine l'article 19 de la loi du 17 janvier 1989 susvisée ; que le Conseil constitutionnel a spécialement examiné l'ensemble des dispositions de cet article dans les considérants 20 à 42 de la décision du 17 janvier 1989 susvisée et les a déclarées conformes à la Constitution ; que, postérieurement à cette déclaration de conformité à la Constitution, l'ensemble des modifications introduites dans l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 par l'article 5 de la loi du 1er février 1994 susvisée, par l'article 71 de la loi du 1er août 2000 susvisée, par les articles 37 et 78 de la loi du 9 juillet 2004 susvisée, par l'article 57 de la loi du 5 mars 2009 susvisée et par l'article 27 de la loi du 9 juillet 2010, ont eu pour objet d'étendre le champ tant des personnes soumises à la procédure de mise en demeure par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, que de celles qui peuvent le saisir d'une demande d'engager la procédure de mise en demeure et de modifier la référence aux principes législatifs dont le respect s'impose ; que la question prioritaire de constitutionnalité est donc recevable ; 5. Considérant que les dispositions contestées se bornent à confier au Conseil supérieur de l'audiovisuel le pouvoir de mettre en demeure les éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle et les opérateurs de réseaux satellitaires de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis aux articles 1er et 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 ; que cette compétence est exercée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, soit à son initiative, soit à la demande des organisations et associations énumérées par les dispositions contestées ; 6. Considérant que l'éditeur, le distributeur ou l'opérateur qui ne se conforme pas à une mise en demeure prononcée en application de l'article 42 peut faire l'objet de l'une des sanctions prononcées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel en vertu de l'article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986, qui n'est pas renvoyé au Conseil constitutionnel ; que ces sanctions sont la suspension de l'édition, de la diffusion ou de la distribution du ou des services d'une catégorie de programme, d'une partie du programme ou d'une ou plusieurs séquences publicitaires pour un mois au plus, la réduction de la durée de l'autorisation ou de la convention dans la limite d'une année, une sanction pécuniaire assortie éventuellement d'une suspension de l'édition ou de la distribution du ou des services ou d'une partie du programme, le retrait de l'autorisation ou la résiliation unilatérale de la convention ; qu'ainsi qu'il résulte de la décision du Conseil constitutionnel du 17 janvier 1989, « les pouvoirs de sanction dévolus au Conseil supérieur de l'audiovisuel ne sont susceptibles de s'exercer. . . qu'après mise en demeure des titulaires d'autorisation » ; que la mise en demeure ne peut être regardée, dans ces conditions, comme l'ouverture de la procédure de sanction prévue à l'article 42-1 mais comme son préalable ; que, dès lors, la mise en demeure par le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne constitue pas une sanction ayant le caractère d'une punition ; que, par suite, les griefs tirés de la méconnaissance des exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 sont inopérants ; que les dispositions contestées, qui ne sont contraires à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- L'article 42 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 décembre 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI. Rendu public le 13 décembre 2013.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la décision n° 2013-156 PDR du 4 juillet 2013 sur un recours de M. Nicolas SARKOZY dirigé contre la décision du 19 décembre 2012 de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ; Vu la Constitution, notamment son article 58 ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que le tableau de l'article 2 de la décision susvisée comporte une erreur matérielle relative à l'alignement des intitulés avec les montants des recettes perçues par le mandataire financier ; qu'il y a lieu de procéder d'office à la rectification de cette erreur matérielle, D É C I D E : Article 1er.- Les sept premières lignes des trois dernières colonnes du tableau de l'article 2 de la décision n° 2013-156 PDR du 4 juillet 2013 sont remplacées par les sept lignes suivantes : [Vous pouvez consulter le tableau dans le JO n° 218 du 19/09/2013 Page 15708, ou sur le site internet du Conseil constitutionnel] Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée à M. Nicolas SARKOZY, à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 septembre 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI. Rendu public le 13 septembre 2013.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 juillet 2013 par le Conseil d'État (décision n° 368107 du 3 juillet 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Smaïn Q. et Mme Carolina L., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code général de la propriété des personnes publiques ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour les requérants par Me Yannick Normand, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 26 juillet et 30 août 2013 ; Vu les observations produites pour l'établissement public Voies navigables de France, partie en défense, par Me Jean-Christophe Balat, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 24 juillet 2013 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 26 juillet 2013 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Normand, pour les requérants, Me Balat, pour la partie en défense et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 12 septembre 2013 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques : « Sans préjudice de la répression au titre des contraventions de grande voirie, le stationnement sans autorisation d'un bateau, navire, engin flottant ou établissement flottant sur le domaine public fluvial donne lieu au paiement d'une indemnité d'occupation égale à la redevance, majorée de 100 %, qui aurait été due pour un stationnement régulier à l'emplacement considéré ou à un emplacement similaire, sans application d'éventuels abattements » ; 2. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions portent atteinte au principe de nécessité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi qu'aux droits de la défense ; - SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA VIOLATION DU PRINCIPE DE NÉCESSITÉ DES PEINES : 3. Considérant que les requérants font valoir que la majoration de 100 % instituée par les dispositions contestées, qui s'ajoute à la sanction que le juge administratif peut prononcer dans le cadre de la procédure de contravention de grande voirie, revêt un caractère manifestement disproportionné et méconnaît le principe de nécessité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que les principes énoncés par cet article s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition ; 5. Considérant que l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques prévoit que le stationnement sans autorisation d'un bateau, navire, engin flottant ou établissement flottant sur le domaine public fluvial donne lieu au paiement d'une indemnité d'occupation égale à la redevance, majorée de 100 %, qui aurait été due pour un stationnement régulier à l'emplacement considéré ou à un emplacement similaire, sans application d'éventuels abattements ; qu'en instituant cette majoration, le législateur a entendu dissuader toute personne d'occuper sans autorisation le domaine public fluvial et réprimer les éventuels manquements à cette interdiction ; que, par suite, une telle majoration constitue une sanction ayant le caractère d'une punition au sens de l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; 6. Considérant, d'une part, que l'article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité des dispositions législatives soumises à son examen aux droits et libertés que la Constitution garantit ; que, si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue ; 7. Considérant que l'article L. 2125-8 fixe la majoration de la redevance applicable à 100 % du montant de la redevance due pour un stationnement régulier à l'emplacement considéré ou à un emplacement similaire, sans application d'éventuels abattements ; qu'en édictant cette majoration proportionnelle, égale au montant de la redevance due, l'article L. 2125-8 institue une sanction qui ne revêt pas, en elle-même, un caractère manifestement disproportionné ; 8. Considérant, d'autre part, que la majoration de la redevance prévue par l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques s'applique « sans préjudice de la répression au titre des contraventions de grande voirie » ; qu'en particulier, outre le paiement de la majoration de 100 % de la redevance due pour un stationnement régulier, l'occupant sans droit ni titre du domaine public fluvial s'expose aux sanctions prévues par l'article L. 2132-9 du même code ; que le principe d'un tel cumul de sanctions n'est pas, en lui-même, contraire au principe de proportionnalité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; que, toutefois, lorsque deux sanctions prononcées pour un même fait sont susceptibles de se cumuler, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues ; qu'il appartient donc aux autorités administratives compétentes de veiller au respect de cette exigence ; que, sous cette réserve, le grief tiré de la violation du principe de nécessité des peines doit être écarté ; - SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA VIOLATION DES DROITS DE LA DÉFENSE : 9. Considérant que, selon les requérants, en prévoyant que le gestionnaire du domaine public fluvial décide seul de l'application de la majoration de 100 % de la redevance, les dispositions contestées méconnaissent les droits de la défense ; qu'en outre, ils font grief aux dispositions contestées de s'appliquer automatiquement sans aucune décision juridictionnelle préalable ; 10. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle, ne fait obstacle à ce qu'une autorité administrative, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de sa mission, dès lors que l'exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis ; qu'en particulier, doivent être respectés le principe de la légalité des délits et des peines ainsi que les droits de la défense, principes applicables à toute sanction ayant le caractère d'une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle ; 11. Considérant que la décision prononçant la majoration de 100 % prévue par l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques peut être contestée devant la juridiction administrative ; qu'à ce titre, la juridiction saisie d'une demande à cette fin peut suspendre l'exécution du titre exécutoire pris sur le fondement des dispositions contestées ou en prononcer l'annulation ; qu'en confiant à l'autorité administrative gestionnaire du domaine public fluvial le pouvoir de prononcer cette majoration, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles précitées ; que, par suite, le grief tiré de la violation des droits de la défense doit être écarté ; 12. Considérant que les dispositions contestées ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; que, sous la réserve énoncée au considérant 8, elles doivent être déclarées conformes à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 8, l'article L. 2125-8 du code général de la propriété des personnes publiques est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 septembre 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI. Rendu public le 27 septembre 2013.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la requête, présentée pour M. Nicolas SARKOZY, domicilié à Paris, enregistrée le 10 janvier 2013 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à l'annulation de la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en date du 19 décembre 2012 ayant rejeté son compte de campagne, ordonné la restitution de l'avance forfaitaire de 153 000 euros et le versement au Trésor public d'une somme de 363 615 euros ; Vu la décision attaquée ; Vu les mémoires en défense, enregistrés comme ci-dessus les 21 février, 9 et 30 avril, 29 mai, 4 et 11 juin 2013, présentés par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ; Vu les mémoires en réplique présentés pour M. Nicolas SARKOZY par Me Philippe Blanchetier, avocat au barreau de Paris enregistrés comme ci-dessus les 20 mars, 19 avril, 24 mai, 4, 27 et 28 juin 2013 ; Vu la demande d'intervention présentée par M. Raymond Avrillier, enregistrée comme ci-dessus le 2 janvier 2013 ; Vu la demande d'intervention présentée par M. René Hoffer, enregistrée comme ci-dessus le 24 janvier 2013 ; Vu la lettre de M. Christian Frémont, ancien directeur du cabinet du Président de la République, en réponse à une mesure d'instruction du Conseil constitutionnel, enregistrée le 13 mai 2013 ; Vu la lettre de Mme Sylvie Hubac, directrice du cabinet du Président de la République, en réponse à une mesure d'instruction du Conseil constitutionnel, enregistrée le 13 mai 2013 ; Vu la lettre de M. Bernard Carayon, maire de Lavaur, en réponse à une mesure d'instruction du Conseil constitutionnel, enregistrée le 14 mai 2013 ; Vu les lettres de M. Jean-François Copé, président de l'Union pour un mouvement populaire, en réponse aux mesures d'instruction du Conseil constitutionnel, enregistrées les 14 et 23 mai 2013 ; Vu la lettre de M. Henri Proglio, président directeur général d'EDF, en réponse à une mesure d'instruction du Conseil constitutionnel, enregistrée le 15 mai 2013 ; Vu la lettre de M. Dominique Duhamel, président du directoire de la société Parc du Futuroscope, en réponse à une mesure d'instruction du Conseil constitutionnel, enregistrée le 15 mai 2013 ; Vu la lettre de M. Hubert Falco, maire de Toulon, en réponse à une mesure d'instruction du Conseil constitutionnel, enregistrée le 16 mai 2013 ; Vu la lettre de M. Pierre Giacometti, président de la SAS Giacometti-Péron, en réponse à une mesure d'instruction du Conseil constitutionnel, enregistrée le 23 mai 2013 ; Vu la lettre de M. Patrick Buisson, président de la SARL Publi-Opinion, en réponse à une mesure d'instruction du Conseil constitutionnel, enregistrée le 23 mai 2013 ; Vu la lettre du Premier ministre en réponse à une mesure d'instruction du Conseil constitutionnel, enregistrée le 3 juin 2013 ; Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, modifié en dernier lieu par la loi organique n° 2012-272 du 28 février 2012 ; Vu le code électoral ; Vu le décret n° 2009-1730 du 30 décembre 2009 portant majoration du plafond des dépenses électorales ; Me Blanchetier pour M. SARKOZY ayant été entendu à l'audience du 18 juin 2013 ; Les rapporteurs ayant été entendus ; 1. Considérant que M. René Hoffer et M. Raymond Avrillier ont demandé à intervenir dans la présente instance ; qu'ils ne justifient toutefois pas d'un intérêt leur donnant qualité pour intervenir ; que, dès lors, ces demandes doivent, en tout état de cause, être rejetées ; 2. Considérant qu'aux termes des cinquième et sixième alinéas du paragraphe II de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 : « La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve, rejette ou réforme, après procédure contradictoire, les comptes de campagne et arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu au V du présent article. . . Dans tous les cas où un dépassement du plafond des dépenses électorales est constaté, la commission fixe une somme, égale au montant du dépassement, que le candidat est tenu de verser au Trésor public. . . » ; qu'aux termes du troisième alinéa du paragraphe III du même article : « Les décisions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques mentionnées au II du présent article peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant le Conseil constitutionnel par le candidat concerné, dans le mois suivant leur notification. . . » ; qu'aux termes de l'avant-dernier alinéa du paragraphe V du même article : « Le remboursement total ou partiel des dépenses retracées dans le compte de campagne n'est possible qu'après l'approbation définitive de ce compte. Le remboursement forfaitaire n'est pas versé aux candidats qui ne se sont pas conformés aux prescriptions du deuxième alinéa du II du présent article, qui n'ont pas déposé leur compte de campagne au plus tard à 18 heures le onzième vendredi suivant le premier tour de scrutin ou dont le compte de campagne est rejeté pour d'autres motifs. Dans les cas où les irrégularités commises ne conduisent pas au rejet du compte, la décision concernant ce dernier peut réduire le montant du remboursement forfaitaire en fonction du nombre et de la gravité de ces irrégularités » ; que le plafond des dépenses électorales est, en application des dispositions combinées du deuxième alinéa du paragraphe II du même article et du décret du 30 décembre 2009 susvisé, fixé à 22 509 000 euros pour chacun des candidats présents au second tour ; 3. Considérant que le compte de campagne déposé par M. SARKOZY comporte un montant de dépenses de 21 339 664 euros et un montant de recettes de 21 459 931 euros ; que, sur le fondement des dispositions précitées, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a, par une décision du 19 décembre 2012, réformé ce compte, en arrêtant le total des dépenses à 22 872 615 euros et le total des recettes à 22 896 007 euros ; qu'elle a rejeté le compte, faisant ainsi obstacle au remboursement forfaitaire des dépenses électorales de M. SARKOZY et imposant la restitution de l'avance forfaitaire de 153 000 euros dont il avait bénéficié en tant que candidat à l'élection du Président de la République ; que la commission a fixé à 363 615 euros la somme, égale au montant du dépassement du plafond des dépenses électorales qu'elle avait constaté, que M. SARKOZY est tenu de verser au Trésor public ; que M. SARKOZY demande au Conseil constitutionnel la réformation de cette décision ; - SUR LES DÉPENSES ENGAGÉES EN VUE DE L'ÉLECTION : 4. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 52-12 et L. 52-4 du code électoral, rendus applicables à l'élection présidentielle par le paragraphe II de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962, le compte de campagne retrace l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection par le candidat ou pour son compte pendant l'année précédant le premier jour du mois de l'élection ; que la date à laquelle le candidat a déclaré sa candidature n'est pas de nature à priver de leur éventuel caractère électoral les dépenses intervenues antérieurement à cette déclaration ; . En ce qui concerne les réunions tenues par M. Guaino : 5. Considérant que la commission a réintégré au compte de campagne le coût afférent à l'organisation de huit réunions publiques tenues par M. Henri Guaino entre le 22 octobre 2011 et le 10 février 2012, pour un montant de 17 752 euros ; 6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que ces réunions ont eu pour objet principal de présenter des éléments de bilan du mandat de M. SARKOZY, d'appeler à la candidature de M. SARKOZY et de promouvoir celle-ci ; que, compte tenu des fonctions exercées alors par M. Guaino à la Présidence de la République et de la publicité donnée à ces réunions, elles n'ont pu avoir lieu sans l'assentiment du futur candidat ; que, par suite, la commission était fondée à procéder, en raison de leur caractère électoral, à la réintégration des sommes dont il s'agit ; . En ce qui concerne le tirage exceptionnel du numéro spécial du « magazine de l'Union » : 7. Considérant que « Le magazine de l'Union » est un organe de presse destiné à l'information des adhérents de l'Union pour un mouvement populaire (UMP) ; qu'au premier trimestre 2012, un numéro spécial de ce magazine, intitulé « 5 ans d'action au service des Français » et consacré au bilan du mandat du chef de l'État, a fait l'objet, outre le tirage habituel, d'une impression exceptionnelle de 500 000 exemplaires ; que le surcoût de cette impression a été réintégré au compte de campagne par la commission pour un montant de 71 957 euros ; 8. Considérant que le coût de réalisation d'une publication bénéficiant du régime des organes de presse ne doit pas, en principe, figurer au compte de campagne d'un candidat ; que les dépenses d'un parti politique, durant l'année précédant l'élection du Président de la République, ne doivent être intégrées dans le compte de campagne du candidat qu'il soutient que si elles ont pour objet même de promouvoir sa candidature en vue de cette élection ; que la parution exceptionnelle en cause du « magazine de l'Union » avait pour seul objet de mettre en valeur le bilan de M. SARKOZY à la Présidence de la République ; que cette parution doit, eu égard à son contenu et aux conditions de sa diffusion, être regardée comme ayant été réalisée en vue de l'élection présidentielle ; qu'ainsi la commission était en l'espèce fondée à procéder à la réintégration contestée ; . En ce qui concerne les frais d'impression de tracts : 9. Considérant que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a ajouté au compte de campagne, pour un montant de 36 005 euros, les dépenses afférentes à quatre tracts diffusés par l'Union pour un mouvement populaire à partir de novembre 2011, dont elle a estimé le contenu manifestement électoral ; que si M. SARKOZY admet la réintégration au compte des dépenses engagées au titre du tract intitulé « ce que le PS pense de François Hollande », il soutient que les trois autres étaient relatifs à la campagne des élections législatives ; qu'il en va ainsi, eu égard à son contenu, du tract intitulé « le marchandage PS - Vert sur le nucléaire » ; qu'il y a lieu, dès lors, de fixer à 28 745 euros le montant des dépenses devant être réintégrées à ce titre ; que le requérant est fondé à demander que la décision de la commission soit réformée dans cette mesure ; . En ce qui concerne les prestations des cabinets Giacometti-Péron et Publi-Opinion : 10. Considérant que l'Union pour un mouvement populaire a conclu avec les cabinets Giacometti-Péron et Publi-Opinion, pour la période allant du 15 février au 30 juin 2012, deux contrats d'un montant respectif de 142 623 euros et 95 067 euros ayant pour objet des prestations portant sur l'analyse de l'opinion et le conseil stratégique en vue de la préparation des élections présidentielle et législatives ; que le candidat a inscrit sur son compte de campagne une somme égale au tiers du montant du contrat conclu avec le cabinet Giacometti-Péron, soit 47 541 euros, et aux deux tiers du montant de celui conclu avec le cabinet Publi-Opinion, soit 63 378 euros, au motif que ces ratios correspondraient à la part des prestations consacrées à l'élection présidentielle, le reste étant destiné à la préparation des élections législatives ; que la commission a estimé que la totalité des dépenses afférentes à ces deux contrats devait être imputée à l'élection présidentielle ; 11. Considérant, d'une part, qu'eu égard aux éléments produits par le candidat et par le cabinet Publi-Opinion au cours de l'instruction devant le Conseil constitutionnel, les prestations de ce cabinet portent, comme le soutient le requérant, pour 11/19èmes sur la période antérieure à l'élection présidentielle et, pour 8/19èmes sur la période postérieure à cette date et relative aux élections législatives ; que, dès lors, il convient de retenir le montant de 63 378 euros inscrit par le candidat à son compte en ce qui concerne le contrat conclu avec le cabinet Publi-Opinion ; 12. Considérant, d'autre part, qu'aucun des éléments produits par le candidat ou par le cabinet Giacometti-Péron sur les soixante-trois réunions antérieures au second tour de l'élection présidentielle, tenues avec ce cabinet, n'établit qu'elles ont porté sur les élections législatives ; que, dès lors, les dépenses afférentes à ces réunions doivent être intégrées dans le compte du candidat ; qu'il ne peut en revanche en aller de même pour les dépenses afférentes aux sept réunions tenues postérieurement à cette date qui ne pouvaient qu'avoir trait aux élections législatives ; que ces dernières réunions correspondent à 10 % de l'ensemble des réunions ; qu'ainsi seules 90 % des dépenses du contrat avec le cabinet Giacometti-Péron, soit 128 360 euros, doivent être inscrits dans le compte ; que le candidat ayant seulement inscrit la somme de 47 541 euros, il convient d'ajouter la somme de 80 819 euros ; . En ce qui concerne la réunion publique organisée à Villepinte : 13. Considérant que les dépenses engagées à l'occasion de la réunion publique organisée à Villepinte le 11 mars 2012 se sont élevées à un total de 3 042 355 euros ; que le candidat a inscrit à son compte de campagne une somme de 1 538 037 euros, correspondant à 50,4 % de ce montant, en invoquant la tenue, dans la matinée, d'un « conseil national extraordinaire » de l'Union pour un mouvement populaire consacré à la préparation des élections législatives ; que la commission a estimé qu'il convenait d'imputer au compte de campagne 80 % des dépenses relatives à l'organisation de cette manifestation et 95 % des dépenses de transport, soit un total de 2 601 902 euros ; qu'elle a, par suite, réintégré au compte de campagne une somme de 1 063 865 euros ; 14. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, si un conseil national extraordinaire de l'Union pour un mouvement populaire s'est effectivement tenu le 11 mars 2012 au matin, sa durée n'a pas excédé une heure et qu'il a réuni, au maximum, 5 000 personnes, alors que la réunion ouverte au public qui l'a suivi a rassemblé au moins 50 000 personnes ; que ni le candidat ni l'Union pour un mouvement populaire n'ont, dans le cadre des mesures d'instruction décidées par le Conseil constitutionnel, produit de document relatif à ce conseil national extraordinaire établissant que les thèmes abordés et les interventions avaient alors trait aux élections législatives et non à l'élection présidentielle ; qu'ils n'ont pas davantage justifié de dépenses propres à ce conseil national extraordinaire ; que, si M. SARKOZY fait valoir que le coût moyen d'organisation d'un conseil national de l'UMP serait de l'ordre de 800 000 euros, cette allégation ne permet pas à elle seule, eu égard à l'importance respective des deux manifestations organisées le 11 mars 2012, de remettre en cause le partage retenu par la commission ; qu'ainsi la commission était fondée à procéder à la réintégration contestée ; . En ce qui concerne le site internet du candidat : 15. Considérant que le développement du site internet du candidat a fait l'objet d'un contrat conclu entre l'Union pour un mouvement populaire et un prestataire de services informatiques pour un montant de 1 050 088 euros, réparti en six postes distincts ; que le candidat a appliqué à chacun de ces postes un coefficient, afin de tenir compte du fait que le site devait être utilisé, après l'élection, au bénéfice de ce parti politique ; qu'il a fixé à 20 % le coefficient du poste relatif à la réalisation proprement dite du site ; que la commission a fixé ce coefficient à 50 % et réintégré en conséquence la somme de 175 453 euros dans le compte ; 16. Considérant que, pour contester la décision sur ce point, le requérant se borne à soutenir qu'un taux de 20 % a été admis pour un autre poste, relatif aux applications pour téléphone portable ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le ratio retenu par la commission pour le poste relatif à la réalisation du site serait, compte tenu de l'importance de la prestation exécutée pour la campagne du candidat, surévalué ; que, par suite, la commission était fondée à procéder à la réintégration contestée ; . En ce qui concerne les dépenses relatives aux manifestations publiques auxquelles a participé M. SARKOZY : 17. Considérant que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a estimé que les dépenses afférentes à huit manifestations publiques auxquelles M. SARKOZY a participé antérieurement à sa déclaration de candidature, dont elle ne s'est pas estimée en mesure d'établir le coût, auraient dû figurer pour partie au compte de campagne compte tenu du caractère électoral que ces manifestations avaient revêtu ; 18. Considérant que la législation relative au financement des campagnes électorales n'a ni pour objet ni pour effet de limiter les déplacements du Président de la République non plus que sa participation à des manifestations publiques s'inscrivant dans l'exercice de sa charge ; que les dépenses relatives aux manifestations auxquelles il participe n'ont à figurer au compte de campagne que s'il apparaît que celles-ci ont revêtu un caractère manifestement électoral ; 19. Considérant que, parmi les huit manifestations en cause, la réunion à l'Élysée pour le troisième anniversaire du Fonds stratégique d'investissement le 17 novembre 2011, l'inauguration du salon des entrepreneurs à Paris le 1er février 2012, les cérémonies des voeux à Chasseneuil-du-Poitou le 5 janvier 2012 et à Lyon le 19 janvier 2012, les interventions au Tricastin le 25 novembre 2011 et à Fessenheim le 9 février 2012 sur le thème de la filière nucléaire ainsi que l'intervention à Lavaur le 7 février 2012 sur la politique familiale, peuvent être regardées comme se rapportant à l'exercice du mandat présidentiel ; qu'en revanche, il n'en va manifestement pas de même de la réunion publique organisée à Toulon le 1er décembre 2011 compte tenu de l'implication de l'Union pour un mouvement populaire dans cette manifestation, de l'ampleur du public convié, comprenant notamment des adhérents et sympathisants de l'UMP, des modalités d'aménagement des locaux et des moyens de communication déployés ; 20. Considérant que, du fait du caractère électoral de cette réunion publique à Toulon, il y a lieu de réintégrer au compte de campagne les dépenses afférentes à cette réunion, déduction faite des frais de protection et de transport attachés à l'exercice du mandat du Président de la République ; qu'il résulte des mesures d'instruction auxquelles a procédé le Conseil constitutionnel que les dépenses propres à la réunion elle-même s'établissent à 155 715 euros ; 21. Considérant qu'il n'y a pas lieu de réformer les montants non contestés de dépenses et recettes retenus par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ; - SUR LES CONSÉQUENCES À TIRER DES IRRÉGULARITÉS CONSTATÉES : 22. Considérant qu'au vu des réformations opérées par la présente décision, le compte de campagne de M. SARKOZY s'établit en dépenses, à 22 975 118 euros et, par voie de conséquence, en recettes, à 23 094 932 euros ; 23. Considérant qu'en premier lieu, les montants ainsi arrêtés résultent de la réintégration à hauteur de 1 669 930 euros de dépenses que le candidat n'avait pas ou avait insuffisamment fait figurer dans son compte de campagne, soit 7,8 % de plus que le montant des dépenses qu'il a déclarées et 7,4 % du plafond de dépenses autorisées ; qu'en deuxième lieu, parmi les dépenses qui auraient dû figurer au compte de campagne du fait de leur caractère électoral, celles relatives à la réunion publique tenue à Toulon par M. SARKOZY antérieurement à sa déclaration de candidature n'ont fait l'objet d'aucune refacturation par l'État ; qu'elles ont ainsi été financées irrégulièrement, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral, applicable à l'élection présidentielle en vertu du paragraphe II de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962, qui prohibe, sous quelque forme que ce soit, la participation des personnes morales autres que les partis ou groupements politiques au financement de la campagne électorale d'un candidat ; qu'en troisième lieu, le montant arrêté des dépenses électorales de M. SARKOZY excède de 466 118 euros, soit 2,1 %, le plafond autorisé ; 24. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de M. SARKOZY ; qu'en application des dispositions précitées de la loi du 6 novembre 1962, dès lors que le compte de M. SARKOZY est rejeté, celui-ci n'a pas droit au remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1 du code électoral et doit en conséquence restituer au Trésor public l'avance forfaitaire de 153 000 euros qui lui a été versée ; que, s'il résulte des mêmes dispositions que, dans tous les cas où un dépassement du plafond des dépenses électorales est constaté, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques fixe une somme égale au montant du dépassement que le candidat est tenu de verser au Trésor public, le montant de ce versement, qui présente le caractère d'une sanction, ne saurait être augmenté à la suite du recours du candidat contre la décision de la commission ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de modifier le montant arrêté par la commission dans sa décision, D E C I D E : Article 1er : Les demandes de MM. René Hoffer et Raymond Avrillier sont rejetées. Article 2 : Après réformation, le compte de campagne de M. Nicolas SARKOZY s'établit en dépenses à 22 975 118 euros et en recettes à 23 094 932 euros. Il est arrêté comme suit : <HSP::INCLUDE::137572> Article 3 : La décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est réformée en ce qu'elle a de contraire à l'article 2. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. SARKOZY est rejeté. Article 5 : La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée à M. Nicolas SARKOZY, à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 juillet 2013 où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 juillet 2013 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 980 du 9 juillet 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Claude L. et Mme Micheline G. épouse L., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du deuxième alinéa de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code rural et de la pêche maritime ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour MM. François et Benoît G., parties en défense, par Me Pierre Dupeux, avocat au barreau de Compiègne, enregistrées le 22 juillet 2013 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 31 juillet 2013 ; Vu les observations produites pour les requérants par Me Thierry Courant, avocat au barreau du Val-de-Marne, enregistrées le 15 août 2013 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Vu la lettre du 12 septembre 2013 par laquelle le Conseil constitutionnel a soumis aux parties un grief susceptible d'être soulevé d'office ; Me Thierry Courant pour les requérants, Me Pierre Dupeux pour les parties en défense, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 17 septembre 2013 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que le premier alinéa de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, applicable en matière de baux ruraux, punit notamment tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l'occasion d'un changement d'exploitant, soit obtenu une remise d'argent ou de valeurs non justifiée, soit imposé la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci ; qu'aux termes du deuxième alinéa de cet article : « Les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition. Elles sont majorées d'un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme » ; 2. Considérant que, selon les requérants, en se référant au taux d'intérêt fixé par un établissement bancaire déterminé, susceptible de varier selon la situation géographique des parties, les dispositions précitées portent atteinte au principe d'égalité ; qu'en outre, en application de l'article 7 du règlement du 4 février 2010 susvisé, le Conseil constitutionnel a soulevé d'office le grief tiré de ce que, en s'abstenant de fixer ou d'habiliter le pouvoir réglementaire à fixer les modalités selon lesquelles le taux prévu par les dispositions contestées est déterminé et rendu public, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions qui affectent le droit de propriété ; 3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « et égal au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme », figurant à la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ; 4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; 5. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales ; 6. Considérant qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur s'est borné à prévoir que la créance de restitution des sommes indûment versées à l'occasion de la conclusion d'un bail rural produisait intérêt « au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme » ; qu'indépendamment des différences de taux pratiqués par les différentes caisses régionales, les taux d'intérêt pratiqués par ces établissements peuvent varier selon qu'il s'agit de prêts aux entreprises ou aux particuliers, de prêts à taux normal ou à taux bonifié ; qu'ils peuvent également varier selon la durée du prêt, selon les montants en cause et selon que le prêt est conclu à taux fixe ou à taux variable ; qu'en s'abstenant de fixer ou d'habiliter le pouvoir réglementaire à fixer les modalités selon lesquelles le taux prévu par les dispositions contestées est déterminé et rendu public, le législateur a méconnu l'étendue de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution ; 7. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que l'absence de détermination des modalités de calcul du taux d'intérêt applicable à une créance affecte par elle-même le montant des sommes allouées et, par suite, le droit de propriété tant du créancier que du débiteur ; qu'en conséquence, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, les mots « et égal au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme » figurant à la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime doivent être déclarés contraires à la Constitution ; 8. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'in ervention de cette déclaration ; 9. Considérant qu'afin de permettre au législateur de tirer les conséquences de la déclaration d'inconstitutionnalité des dispositions contestées, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2014 la date de leur abrogation ; qu'afin de préserver l'effet utile de la présente décision à la solution des instances actuellement en cours, il appartient, d'une part, aux juridictions de surseoir à statuer jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi ou, au plus tard, jusqu'au 1er janvier 2014 dans les instances dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles et, d'autre part, au législateur de prévoir une application des nouvelles dispositions à ces instances en cours à la date de la présente décision, D É C I D E : Article 1er.- Les mots « et égal au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme » figurant à la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime sont contraires à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet le 1er janvier 2014 dans les conditions prévues au considérant 9. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 septembre 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI. Rendu public le 27 septembre 2013.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 juillet 2013 par le Conseil d'État (décision n° 367664 du 11 juillet 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société SCOR SE, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 431-9 du code des assurances. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ; Vu la loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles ; Vu le code des assurances ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la société requérante par Me Nicolas Baverez et Me Maïwenn Béas, avocats au barreau de Paris, enregistrées les 1er et 30 août 2013 ; Vu les observations produites pour la caisse centrale de réassurance, partie en défense, par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 1er et 29 août 2013 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 2 août 2013 ; Vu les observations en intervention produites par le Groupement des Entreprises Mutuelles d'Assurance (GEMA), enregistrées le 24 juillet 2013, pour la Fédération française des sociétés d'assurance mutuelles par Me François Sureau, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 31 juillet 2013, par la société SOGESSUR, enregistrées le 1er août 2013 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Baverez pour la société requérante, Me Emmanuel Piwnica pour la caisse centrale de réassurance, Me Sureau pour la Fédération française des sociétés d'assurance mutuelles et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 17 septembre 2013 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 431-9 du code des assurances : « La caisse centrale de réassurance est habilitée à pratiquer les opérations de réassurance des risques résultant de catastrophes naturelles, avec la garantie de l'État, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État » ; 2. Considérant que, selon la société requérante, en ce qu'elles accordent la garantie de l'État à la seule caisse centrale de réassurance, les dispositions contestées portent atteinte au principe d'égalité devant la loi ainsi qu'à la liberté d'entreprendre et à la liberté du commerce et de l'industrie ; qu'en outre, l'absence de plafonnement en loi de finances de cette garantie méconnaîtrait le 5° du paragraphe II de l'article 34 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée ; 3. Considérant qu'aux termes du douzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation proclame la solidarité et l'égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales » ; que, pour assurer la mise en oeuvre de ces dispositions, il est loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par la Constitution, d'adopter des modalités dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; 4. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ; ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi » ; qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ; 5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; 6. Considérant, en premier lieu, que, par la loi susvisée du 13 juillet 1982, le législateur a mis en place un régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles qui prévoit l'obligation d'insérer dans tous les contrats d'assurance de dommages aux biens et pertes d'exploitation une garantie contre les dommages résultant des effets des catastrophes naturelles ; qu'afin de se garantir contre de tels dommages, les assurés acquittent une prime ou cotisation additionnelle dont le taux unique, appliqué au montant de la prime ou de la cotisation principale ou au montant des capitaux assurés, est défini par arrêté pour chaque catégorie de contrat ; que la couverture dont bénéficient les assurés ne comporte pas de plafond de garantie ; 7. Considérant que sont regardés comme les effets des catastrophes naturelles, aux termes du troisième alinéa de l'article L. 125-1 du code des assurances, « les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises » ; que le quatrième alinéa du même article prévoit en particulier que l'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa ; 8. Considérant que la caisse centrale de réassurance est, en vertu des dispositions contestées, habilitée à pratiquer les opérations de réassurance des risques résultant de catastrophes naturelles dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État ; qu'eu égard à la nature particulière des risques assurés et à l'absence de tout plafond de garantie de la couverture dont bénéficient les assurés, en choisissant d'accorder la garantie de l'État à la seule caisse centrale de réassurance, tenue de réassurer tous les assureurs qui le demandent dès lors qu'ils remplissent les conditions légales et réglementaires, le législateur n'a méconnu ni le principe d'égalité ni la liberté d'entreprendre ; 9. Considérant, en second lieu, qu'en vertu du 5° du paragraphe II de l'article 34 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée, la loi de finances de l'année, dans la seconde partie, « autorise l'octroi des garanties de l'État et fixe leur régime » ; que ces dispositions n'instituent pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; que leur méconnaissance ne peut donc être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ; 10. Considérant que les dispositions contestées, qui ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- Les dispositions de l'article L. 431-9 du code des assurances sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 septembre 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI. Rendu public le 27 septembre 2013.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 juillet 2013 par la Cour de cassation (chambre sociale, arrêt n° 1553 du 11 juillet 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par le Syndicat national Groupe Air France CFTC, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 2142-6 du code du travail. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code du travail ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la société Air France, partie en défense par Me Didier Le Prado, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 2 août 2013 ; Vu les observations produites pour le syndicat requérant par Me François Pinatel, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 5 août 2013 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 5 août 2013 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Éric Slupowski, avocat au barreau de Paris, pour le demandeur, Me Didier Le Prado, pour la partie en défense et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 17 septembre 2013 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2142-6 du code du travail : « Un accord d'entreprise peut autoriser la mise à disposition des publications et tracts de nature syndicale, soit sur un site syndical mis en place sur l'intranet de l'entreprise, soit par diffusion sur la messagerie électronique de l'entreprise. Dans ce dernier cas, cette diffusion doit être compatible avec les exigences de bon fonctionnement du réseau informatique de l'entreprise et ne doit pas entraver l'accomplissement du travail » ; « L'accord d'entreprise définit les modalités de cette mise à disposition ou de ce mode de diffusion, en précisant notamment les conditions d'accès des organisations syndicales et les règles techniques visant à préserver la liberté de choix des salariés d'accepter ou de refuser un message » ; 2. Considérant que, selon le syndicat requérant, en soumettant à l'accord de l'employeur le droit des syndicats à communiquer avec les salariés soit sur un site syndical mis en place sur l'intranet de l'entreprise, soit par diffusion sur la messagerie électronique de l'entreprise, ces dispositions portent une atteinte inconstitutionnelle à la liberté d'expression des syndicats ; 3. Considérant qu'aux termes du sixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix » ; que le huitième alinéa de ce Préambule dispose : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises » ; qu'aux termes de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi » ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par la Constitution, d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; 4. Considérant, en premier lieu, qu'en renvoyant à un accord d'entreprise la définition des conditions dans lesquelles des publications et tracts de nature syndicale peuvent être mis à disposition soit sur un site syndical mis en place sur l'intranet de l'entreprise, soit par diffusion sur la messagerie électronique de l'entreprise, le législateur a entendu, dans le cadre de la mise en oeuvre du principe de participation énoncé au huitième alinéa du Préambule de 1946, permettre que les modalités de la communication syndicale par la voie électronique puissent être adaptées à chaque entreprise et, en particulier, à l'organisation du travail et à l'état du développement de ses moyens de communication ; 5. Considérant, en deuxième lieu, qu'en prévoyant, d'une part, que la diffusion de l'information syndicale par la voie électronique doit être compatible avec les exigences de bon fonctionnement du réseau informatique de l'entreprise et ne doit pas entraver l'accomplissement du travail et, d'autre part, que les modalités de cette diffusion doivent préserver la liberté de choix des salariés d'accepter ou de refuser un message, le législateur a adopté des mesures pour assurer le respect des libertés tant de l'employeur que des salariés ; 6. Considérant, en troisième lieu, qu'en l'absence d'accord d'entreprise relatif à l'utilisation de l'intranet ou de la messagerie électronique de l'entreprise, les syndicats peuvent, outre l'application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 2142-3 du code du travail et de son article L. 2142-4, librement diffuser des publications et tracts sur les réseaux de communication au public en ligne ; que les salariés peuvent également librement y accéder sur ces réseaux ; qu'ils peuvent s'inscrire sur des listes de diffusion afin de recevoir par voie électronique les publications et tracts syndicaux ; que, dans ces conditions, la liberté de communication des syndicats n'est pas méconnue; 7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, par les dispositions contestées, le législateur n'a pas opéré une conciliation manifestement déséquilibrée entre, d'une part, la liberté de communication des syndicats et, d'autre part, la liberté tant de l'employeur que des salariés ; que les dispositions de l'article L. 2142-6 du code du travail, qui ne méconnaissent ni la liberté d'expression garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- L'article L. 2142-6 du code du travail est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 septembre 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI. Rendu public le 27 septembre 2013.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 octobre 2013 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 1226 du 9 octobre 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Jalila K., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de « l'article 87 de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945 et de l'article 9 de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945 issu de la loi n° 54-395 du 9 avril 1954 ». LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code civil ; Vu la loi du 26 juin 1889 sur la nationalité ; Vu l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945 portant code de la nationalité française ; Vu la loi n° 54-395 du 9 avril 1954 modifiant l'article 9 de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945 portant code de la nationalité française ; Vu la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973 complétant et modifiant le code de la nationalité et relative à certaines dispositions concernant la nationalité française ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la requérante par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 31 octobre 2013 ; Vu les observations en intervention produites pour l'association « SOS soutien ô sans papiers » par Mes Henri Braun, avocat au barreau de Paris, et Me Nawel Gafsia, avocate au Barreau du Val-de-Marne, enregistrées le 31 octobre 2013 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 31 octobre 2013 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Thomas Lyon-Caen, pour la requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 26 novembre 2013 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 87 du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945 susvisée : « Perd la nationalité française le Français majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère » ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de cette même ordonnance, dans sa rédaction résultant de la loi du 9 avril 1954 susvisée : « Jusqu'à une date qui sera fixée par décret, l'acquisition d'une nationalité étrangère par un Français du sexe masculin ne lui fait perdre la nationalité française qu'avec l'autorisation du Gouvernement français. « Cette autorisation est de droit lorsque le demandeur a acquis une nationalité étrangère après l'âge de cinquante ans. « Les Français du sexe masculin qui ont acquis une nationalité étrangère entre le 1er juin 1951 et la date d'entrée en vigueur de la présente loi, seront réputés n'avoir pas perdu la nationalité française nonobstant les termes de l'article 88 du code de la nationalité. Ils devront, s'ils désirent perdre la nationalité française, en demander l'autorisation au Gouvernement français, conformément aux dispositions de l'article 91 dudit code. Cette autorisation est de droit » ; 3. Considérant que, selon la requérante, en prévoyant que la perte de la nationalité française résultant de l'acquisition volontaire de la nationalité étrangère s'opère de plein droit pour les femmes alors que, pour les hommes, elle est subordonnée à une demande de leur part aux fins d'abandon de la nationalité française, ces dispositions portent atteinte au principe d'égalité entre les femmes et les hommes ; - SUR LE FOND : 4. Considérant que, d'une part, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi. . . doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; 5. Considérant que, d'autre part, le troisième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme » ; 6. Considérant que, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 19 octobre 1945, l'article 87 du code de la nationalité a repris une règle selon laquelle un Français majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère perd en principe la nationalité française ; qu'en adoptant une telle règle, le législateur a entendu notamment éviter les doubles nationalités ; que la perte de la nationalité française qui résulte de l'article 87 du code de la nationalité s'opère de plein droit ; 7. Considérant qu'afin d'empêcher que l'acquisition d'une nationalité étrangère ne constitue un moyen d'échapper à la conscription, la loi du 26 juin 1889 susvisée avait prévu que la perte de la nationalité française résultant de l'acquisition volontaire d'une autre nationalité serait subordonnée à une autorisation du Gouvernement durant la période pendant laquelle un Français est « encore soumis aux obligations du service militaire pour l'armée active » ; que la définition de cette période a été modifiée à plusieurs reprises entre cette loi et la loi du 9 avril 1954 ; que cette dernière a donné une nouvelle rédaction de l'article 9 de l'ordonnance du 19 octobre 1945 susvisée ; qu'elle a prévu, d'une part, que, pour tous les Français du sexe masculin, la perte de la nationalité française résultant de l'acquisition volontaire d'une nationalité étrangère est subordonnée à une autorisation du Gouvernement et, d'autre part, que cette autorisation ne peut être refusée en cas d'acquisition d'une nationalité étrangère après l'âge de cinquante ans ; que le législateur a alors entendu non seulement maintenir la règle empêchant les Français du sexe masculin d'échapper aux obligations du service militaire en acquérant une nationalité étrangère, mais également permettre à tous les Français du sexe masculin ayant acquis une nationalité étrangère pour exercer une activité économique, sociale ou culturelle à l'étranger de conserver la nationalité française ; 8. Considérant que, dans le but de faire obstacle à l'utilisation des règles relatives à la nationalité pour échapper aux obligations du service militaire, le législateur pouvait, sans méconnaître le principe d'égalité, prévoir que le Gouvernement peut s'opposer à la perte de la nationalité française en cas d'acquisition volontaire d'une nationalité étrangère pour les seuls Français du sexe masculin soumis aux obligations du service militaire ; que, toutefois, en réservant aux Français du sexe masculin, quelle que soit leur situation au regard des obligations militaires, le droit de choisir de conserver la nationalité française lors de l'acquisition volontaire d'une nationalité étrangère, les dispositions contestées instituent entre les femmes et les hommes une différence de traitement sans rapport avec l'objectif poursuivi et qui ne peut être regardée comme justifiée ; que cette différence méconnaît les exigences résultant de l'article 6 de la Déclaration de 1789 et du troisième alinéa du Préambule de 1946 ; que, par suite, aux premier et troisième alinéas de l'article 9 de l'ordonnance du 19 octobre 1945, dans sa rédaction résultant de la loi du 9 avril 1954, les mots « du sexe masculin » doivent être déclarés contraires à la Constitution ; 9. Considérant que, pour le surplus, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution ; - SUR LA DÉCLARATION D'INCONSTITUTIONNALITÉ : 10. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; 11. Considérant que, d'une part, le 1° de l'article 28 de la loi du 9 janvier 1973 susvisée a abrogé l'article 9 de l'ordonnance du 19 octobre 1945 ; que cette même loi a également donné une nouvelle rédaction de l'article 87 du code de la nationalité en subordonnant la perte de la nationalité française à une déclaration émanant de la personne qui acquiert une nationalité étrangère ; que, d'autre part, la remise en cause des situations juridiques résultant de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles aurait des conséquences excessives si cette inconstitutionnalité pouvait être invoquée par tous les descendants des personnes qui ont perdu la nationalité en application de ces dispositions ; 12. Considérant que, par suite, il y a lieu de prévoir que la déclaration d'inconstitutionnalité des mots « du sexe masculin » figurant aux premier et troisième alinéas de l'article 9 de l'ordonnance du 19 octobre 1945, dans sa rédaction résultant de la loi du 9 avril 1954, prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle peut être invoquée par les seules femmes qui ont perdu la nationalité française par l'application des dispositions de l'article 87 du code de la nationalité, entre le 1er juin 1951 et l'entrée en vigueur de la loi du 9 janvier 1973 ; que les descendants de ces femmes peuvent également se prévaloir des décisions reconnaissant, compte tenu de cette inconstitutionnalité, que ces femmes ont conservé la nationalité française ; que cette déclaration d'inconstitutionnalité est applicable aux affaires nouvelles ainsi qu'aux affaires non jugées définitivement à la date de publication de la décision du Conseil constitutionnel, D É C I D E : Article 1er.- Sont contraires à la Constitution les mots « du sexe masculin », figurant aux premier et troisième alinéas de l'article 9 de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945 portant code de la nationalité française, dans sa rédaction résultant de la loi n° 54-395 du 9 avril 1954 modifiant l'article 9 de l'ordonnance n° 45 2441 du 19 octobre 1945 portant code de la nationalité française. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions prévues au considérant 12. Article 3.- Sont conformes à la Constitution : - l'article 87 du code de la nationalité, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945 ; - le surplus de l'article 9 de cette même ordonnance, dans sa rédaction résultant de la loi n° 54-395 du 9 avril 1954. Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 janvier 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 octobre 2013, par le Premier ministre, dans les conditions prévues par le second alinéa de l'article 37 de la Constitution, d'une demande, rectifiée le 22 octobre 2013, tendant à ce qu'il se prononce sur la nature juridique des dispositions suivantes : - les articles L. 2312-2 et L. 2312-3 du code de la santé publique ; - l'article 16 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, les mots « après avis du conseil supérieur des transports terrestres et de l'intermodalité » de l'article 38 et le troisième alinéa de l'article 48 de la même loi, maintenus en vigueur par l'article 9 de l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports et modifiés, à compter du 13 janvier 2011, par l'article 251 de la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement ; - le d) et le t) du 27° de l'article 9 de l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports, ratifiée par la loi n° 2012-375 du 19 mars 2012, en tant que ces dispositions maintiennent en vigueur jusqu'à l'adoption de la partie réglementaire du code des transports, les dispositions relatives au conseil supérieur des transports terrestres et de l'intermodalité ; - l'article 69 de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution, notamment ses articles 34 et 37 ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 24, 25 et 26 ; Vu le code de la santé publique ; Vu la loi n° 73-639 du 11 juillet 1973 portant création d'un conseil supérieur de l'information sexuelle, de la régulation des naissances et de l'éducation familiale ; Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ; Vu la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole ; Vu la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement ; Vu l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports ; Vu la loi n° 2012-375 du 19 mars 2012 relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports ; Le rapporteur ayant été entendu ; - SUR LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'INFORMATION SEXUELLE, DE LA RÉGULATION DES NAISSANCES ET DE L'ÉDUCATION SEXUELLE : 1. Considérant que le conseil supérieur de l'information sexuelle, de la régulation des naissances et de l'éducation sexuelle a été créé par la loi du 11 juillet 1973 susvisée ; que les dispositions de cette loi codifiées aux articles L. 2312-2 et L. 2312-3 du code de la santé publique fixent ses attributions et prévoient que le financement de son fonctionnement et de ses missions sont à la charge de l'État ; que ce conseil assure « la liaison entre les associations et organismes contribuant à ces missions d'information et d'éducation », effectue ou fait effectuer des études, propose aux pouvoirs publics des mesures à prendre ; que les dispositions des articles L. 2312-2 et L. 2312-3 du code de la santé publique ne mettent en cause aucun principe ou règle que la Constitution place dans le domaine de la loi ; qu'elles ont, dès lors, le caractère réglementaire ; - SUR LE CONSEIL SUPÉRIEUR DES TRANSPORTS TERRESTRES ET DE L'INTERMODALITÉ : 2. Considérant que l'article 16 de la loi du 30 décembre 1982 susvisée, modifié par la loi du 12 juillet 2010 susvisée, institue un conseil supérieur des transports terrestres et de l'intermodalité qui peut être consulté par les autorités de l'État sur « les questions relatives aux politiques des transports terrestres et d'intermodalité » ainsi qu'aux politiques européennes des transports terrestres et prévoit qu'il est composé de cinq collèges ; que l'article 38 de la même loi renvoie à un décret en Conseil d'État, pris après avis de ce conseil, le soin de déterminer les conditions et modalités selon lesquelles les groupements professionnels qui participent à la réglementation des transports routiers de marchandises sont soumis au contrôle financier de l'État ; que le troisième alinéa de l'article 48 de la même loi prévoit que les attributions consultatives de ce conseil sont, pour le transport maritime, exercées par le conseil supérieur de la marine marchande en liaison avec le conseil supérieur des transports terrestres et de l'intermodalité ; 3. Considérant que ces dispositions ainsi que celles du d) et du t) du 27° de l'article 9 de l'ordonnance du 28 octobre 2010 susvisée, ratifiée par la loi du 19 mars 2012 susvisée, qui maintiennent en vigueur, jusqu'à l'adoption de la partie réglementaire du code des transports, les dispositions relatives au conseil supérieur des transports terrestres et de l'intermodalité, ne mettent en cause aucun principe ou règle placés par la Constitution dans le domaine de la loi ; qu'elles ont, dès lors, le caractère réglementaire ; - SUR LE CONSEIL DE MODÉRATION ET DE PRÉVENTION : 4. Considérant que l'article 69 de la loi du 5 janvier 2006 susvisée prévoit la création d'un conseil de modération et de prévention « qui assiste et conseille les pouvoirs publics dans l'élaboration et la mise en place des politiques de prévention en matière de consommation d'alcool » ; que le même article prévoit que ce conseil est composé, à parts égales, de parlementaires, de représentants des ministères et des organismes publics, de représentants d'associations et d'organismes intervenant notamment dans le domaine de la santé, de la prévention de l'alcoolisme et de la sécurité routière, et des professionnels des filières concernées, notamment des filières vitivinicoles ; que ces dispositions ne mettent en cause aucun principe ou règle placés par la Constitution dans le domaine de la loi ; qu'elles ont, dès lors, le caractère réglementaire, D É C I D E : Article 1er.- Ont le caractère réglementaire : - les articles L. 2312-2 et L. 2312-3 du code de la santé publique ; - l'article 16 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ainsi que les mots « après avis du conseil supérieur des transports terrestres et de l'intermodalité » figurant à l'article 38, et le troisième alinéa de l'article 48 de la même loi ; - le d) et le t) du 27° de l'article 9 de l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports ; - l'article 69 de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole. Article 2.- La présente décision sera notifiée au Premier ministre et publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 novembre 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er octobre 2013 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 1023 du 1er octobre 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Wesgate Charters Ltd, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 62 et 63 du code des douanes. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le décret n° 48-1985 du 8 décembre 1948 portant refonte du code des douanes, annexé à la loi n° 48-1973 du 31 décembre 1948 de finances pour 1949 ; Vu le code des douanes ; Vu les arrêts de la Cour de cassation du 11 janvier 2006 (chambre criminelle n° 05-85779) et du 19 mars 2013 (chambre commerciale, n° 11-19076) ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la société requérante par Me Didier Le Prado, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 23 octobre 2013 et le 7 novembre 2013 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 23 octobre 2013 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Didier Le Prado pour la société requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 19 novembre 2013 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes de l'article 62 du code des douanes : « Les agents des douanes peuvent visiter tout navire se trouvant dans la zone maritime du rayon des douanes et dans la zone définie à l'article 44 bis dans les conditions prévues à cet article » ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article 63 du code des douanes : « 1. Les agents des douanes peuvent aller à bord de tous les bâtiments, y compris les navires de guerre, qui se trouvent dans les ports ou rades ou qui montent ou descendent les rivières et canaux. Ils peuvent y demeurer jusqu'à leur déchargement ou sortie. « 2. Les capitaines et commandants doivent recevoir les agents des douanes, les accompagner et, s'ils le demandent, faire ouvrir les écoutilles, les chambres et armoires de leur bâtiment, ainsi que les colis désignés pour la visite. En cas de refus, les agents peuvent demander l'assistance d'un juge (ou, s'il n'y en a pas sur le lieu, d'un officier municipal dudit lieu ou d'un officier de police judiciaire), qui est tenu de faire ouvrir les écoutilles, chambres, armoires et colis ; il est dressé procès-verbal de cette ouverture et des constatations, faites aux frais des capitaines ou commandants. « 3. Les agents chargés de la vérification des bâtiments et cargaisons peuvent, au coucher du soleil, fermer les écoutilles, qui ne pourront être ouvertes qu'en leur présence. « 4. Sur les navires de guerre, les visites ne peuvent être faites après le coucher du soleil » ; 3. Considérant que, selon la société requérante, en permettant aux agents de l'administration des douanes de visiter tous les navires, et notamment leurs parties à usage de domicile, les articles 62 et 63 du code des douanes portent atteinte à la protection constitutionnelle de la liberté individuelle et de l'inviolabilité du domicile ; qu'elles porteraient également atteinte aux droits de la défense et au droit au recours juridictionnel effectif, en ce qu'elles ne prévoient pas l'assistance d'un avocat ni les voies de recours à l'encontre des opérations de visites douanières ; qu'enfin, en créant un droit de visite particulier pour les navires, elles porteraient atteinte au principe d'égalité ; 4. Considérant que les articles 62 et 63 du code des douanes autorisent les agents des douanes à visiter tous les navires situés dans la zone maritime du rayon des douanes et dans la zone définie à l'article 44 bis du même code ; que, selon cet article, la mise en œuvre de ce pouvoir est destinée à leur permettre d'exercer les contrôles nécessaires en vue de « prévenir les infractions aux lois et règlements que l'administration des douanes est chargée d'appliquer sur le territoire douanier » et de « poursuivre les infractions à ces mêmes lois et règlements commises sur le territoire douanier » ; qu'il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que les opérations de visite de navire en application de ces dispositions peuvent, sans être autorisées par le juge des libertés et de la détention, porter sur les parties des navires à usage privé et, le cas échéant, celles qui sont affectées à l'usage de domicile ou d'habitation ; 5. Considérant, en premier lieu, que l'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ainsi que la procédure pénale ; qu'il incombe au législateur, dans le cadre de sa compétence, d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, le respect des autres droits et libertés constitutionnellement protégés ; que, dans l'exercice de son pouvoir, le législateur ne saurait priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; 6. Considérant, en second lieu, que la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 implique le droit au respect de la vie privée et, en particulier, de l'inviolabilité du domicile ; 7. Considérant que la lutte contre la fraude en matière douanière justifie que les agents des douanes soient habilités à visiter les navires y compris dans leurs parties affectées à un usage privé ou de domicile ; qu'en permettant que de telles visites puissent avoir lieu sans avoir été préalablement autorisées par un juge, les dispositions contestées prennent en compte, pour la poursuite de cet objectif, la mobilité des navires et les difficultés de procéder au contrôle des navires en mer ; 8. Considérant, toutefois, que les dispositions contestées permettent, en toutes circonstances, la visite par les agents des douanes de tout navire qu'il se trouve en mer, dans un port ou en rade ou le long des rivières et canaux ; que ces visites sont permises y compris la nuit ; qu'indépendamment du contrôle exercé par la juridiction saisie, le cas échéant, dans le cadre des poursuites pénales ou douanières, des voies de recours appropriées ne sont pas prévues afin que soit contrôlée la mise en œuvre, dans les conditions et selon les modalités prévues par la loi, de ces mesures ; que la seule référence à l'intervention d'un juge en cas de refus du capitaine ou du commandant du navire, prévue par le 2. de l'article 63 du code des douanes en des termes qui ne permettent pas d'apprécier le sens et la portée de cette intervention, ne peut constituer une garantie suffisante ; que, dans ces conditions, les dispositions contestées privent de garanties légales les exigences qui résultent de l'article 2 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, les dispositions contestées doivent être déclarées contraires à la Constitution ; 9. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; 10. Considérant que l'abrogation immédiate des dispositions contestées méconnaîtrait les objectifs de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions et entraînerait des conséquences manifestement excessives ; qu'il y a lieu, dès lors, de reporter au 1er janvier 2015 la date de cette abrogation afin de permettre au législateur de remédier à cette inconstitutionnalité ; que les mesures prises avant cette date en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité, D É C I D E : Article 1er.- Les articles 62 et 63 du code des douanes sont contraires à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter du 1er janvier 2015 dans les conditions prévues au considérant 10. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 novembre 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI. Rendu public le 29 novembre 2013.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 octobre 2013 par le Conseil d'État (décision n° 369971 du 4 octobre 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Azdine A., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ; Vu la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations en intervention produites pour l'association « SOS Soutien ô sans papiers » par Me Henri Braun, avocat au barreau de Paris et Me Nawel Gafsia, avocat au barreau du Val-de-Marne et pour l'association « la Cimade » par Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 25 octobre 2013 ; Vu les observations produites pour le requérant par Me Saïd Hassane Saïd Mohamed, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 28 octobre 2013 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 28 octobre 2013 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Saïd Mohamed pour le requérant, Me Gafsia et Me Spinosi pour les associations intervenantes et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 19 novembre 2013 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" » ; 2. Considérant que, selon le requérant, en réservant le bénéfice de ces dispositions au renouvellement de la carte de séjour de l'étranger marié avec un ressortissant français sans les étendre au renouvellement de la carte de séjour de l'étranger lié par un pacte civil de solidarité avec un ressortissant français ou vivant en concubinage avec lui, le deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile porte atteinte au principe d'égalité devant la loi ; 3. Considérant que les dispositions contestées portent sur le renouvellement de la carte de séjour temporaire délivrée sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les dispositions de ce 4° prévoient la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », sous réserve que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public, « à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français » ; que le renouvellement de cette carte est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé ; que, toutefois, le préfet peut accorder le renouvellement du titre de séjour lorsque la cessation de la communauté de vie est due aux violences conjugales subies de la part du conjoint ; 4. Considérant que, par ailleurs, aux termes de l'article 12 de la loi du 15 novembre 1999 susvisée, « la conclusion d'un pacte civil de solidarité constitue l'un des éléments d'appréciation des liens personnels en France, au sens du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance n° 45 2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, pour l'obtention d'un titre de séjour » ; que cet article 12 bis a été codifié dans l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en vertu du 7° de ce dernier article, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit « à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ; qu'en vertu de l'article L. 313-1 du même code, l'étranger doit quitter la France à l'expiration de la durée de validité de sa carte à moins qu'il n'en obtienne le renouvellement ou qu'il ne lui soit délivré une carte de résident ; qu'il ressort de ces dispositions que les conditions de renouvellement de la carte de séjour d'un étranger lié par un pacte civil de solidarité avec un ressortissant français ou vivant en concubinage avec lui sont fixées par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; 5. Considérant que la question de la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions de l'article 12 de la loi du 15 novembre 1999 susvisée n'a pas été renvoyée au Conseil constitutionnel par le Conseil d'État ; que n'ont pas davantage été renvoyées celle des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni celle des dispositions de l'article L. 313-1 du même code ; que le grief fondé sur la situation particulière des personnes liées par un pacte civil de solidarité, ou vivant en concubinage, dirigé contre le deuxième alinéa de l'article L. 313 12 du même code est, par suite, inopérant ; 6. Considérant que les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, en particulier, permettent au préfet d'accorder à un étranger marié avec un ressortissant français le renouvellement d'une carte de séjour mention « vie privée et familiale », nonobstant la cessation de la communauté de vie, lorsque cette cessation est due aux violences conjugales subies de la part du conjoint, ne méconnaissent aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées conformes à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- Les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23 11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 novembre 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI. Rendu public le 29 novembre 2013.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 septembre 2013 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 4345 du 25 septembre 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Christophe D., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de la dernière « proposition » de la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 9 et de la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 20 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 21 octobre et 6 novembre 2013 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22 octobre 2013 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Spinosi pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 19 novembre 2013 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que la dernière phrase de l'avant dernier aliéna de l'article 9 de l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante est relative aux mineurs accusés de crime ; qu'elle dispose : « les mineurs âgés de moins de seize ans seront renvoyés devant le tribunal pour enfants, sauf s'ils sont également accusés d'un crime commis après seize ans formant avec les faits commis avant seize ans un ensemble connexe ou indivisible et que le juge d'instruction décide, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de les renvoyer devant la cour d'assises des mineurs » ; 2. Considérant que l'article 20 de cette même ordonnance prévoit que le mineur âgé de seize ans au moins, accusé de crime sera jugé par la cour d'assises des mineurs ; qu'aux termes de la seconde phrase du premier alinéa de cet article : « La cour d'assises des mineurs peut également connaître des crimes et délits commis par le mineur avant d'avoir atteint l'âge de seize ans révolus lorsqu'ils forment avec le crime principalement poursuivi un ensemble connexe ou indivisible » ; 3. Considérant que, selon le requérant, en conférant au juge d'instruction le pouvoir discrétionnaire de renvoyer le mineur mis en examen pour des faits constituant un ensemble connexe ou indivisible commis avant et après l'âge de seize ans, soit devant le tribunal pour enfants pour les faits commis avant l'âge de seize ans et devant la cour d'assises des mineurs pour les crimes commis à partir de cet âge, soit uniquement devant cette juridiction pour l'ensemble des infractions, ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant la justice, l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, le droit à un procès équitable, le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs et la présomption d'innocence ; - SUR LES GRIEFS TIRÉS DE L'ATTEINTE AU PRINCIPE D'ÉGALITÉ DEVANT LA JUSTICE ET DE LA MÉCONNAISSANCE DE L'OBJECTIF DE VALEUR CONSTITUTIONNELLE DE BONNE ADMINISTRATION DE LA JUSTICE : 4. Considérant que, d'une part, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ; 5. Considérant que, d'autre part, la bonne administration de la justice constitue un objectif de valeur constitutionnelle qui résulte des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration de 1789 ; 6. Considérant que, lorsqu'un mineur est accusé d'avoir commis des faits constituant un crime commis après seize ans et formant un ensemble connexe ou indivisible avec d'autres faits commis avant cet âge constituant un crime ou un délit, les dispositions contestées permettent au juge d'instruction de décider, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de renvoyer les crimes et délits que ce mineur est accusé d'avoir commis avant l'âge de seize ans soit devant la cour d'assises des mineurs en même temps que les crimes qu'il est accusé d'avoir commis à partir de cet âge, soit, distinctement, devant le tribunal pour enfants ; 7. Considérant qu'en adoptant ces dispositions le législateur a entendu éviter que dans le cas où un ensemble de faits connexes ou indivisibles reprochés à un mineur ont été commis avant et après l'âge de seize ans, ils donnent lieu à deux procès successifs d'une part, devant le tribunal pour enfants, d'autre part, devant la cour d'assises des mineurs ; qu'il a ainsi visé un objectif de bonne administration de la justice ; 8. Considérant que selon la Cour de cassation, l'indivisibilité suppose que les faits soient rattachés entre eux par un lien tel que l'existence des uns ne se comprendrait pas sans l'existence des autres ; que la connexité est définie par l'article 203 du code de procédure pénale aux termes duquel : « Les infractions sont connexes soit lorsqu'elles ont été commises en même temps par plusieurs personnes réunies, soit lorsqu'elles ont été commises par différentes personnes, même en différents temps et en divers lieux, mais par suite d'un concert formé à l'avance entre elles, soit lorsque les coupables ont commis les unes pour se procurer les moyens de commettre les autres, pour en faciliter, pour en consommer l'exécution ou pour en assurer l'impunité, soit lorsque des choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit ont été, en tout ou partie, recelées » ; que selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, la connexité est également reconnue lorsqu'il existe entre les diverses infractions des rapports étroits analogues à ceux que la loi a spécialement prévus ; 9. Considérant en premier lieu, que le choix par le juge d'instruction de procéder ou non au renvoi du mineur devant la cour d'assises des mineurs pour les faits qu'il lui est reproché d'avoir commis avant l'âge de seize ans en même temps que pour les faits commis après cet âge dépend de considérations objectives propres à chaque espèce et notamment de la nature des faits, de leur nombre, de la date de leur commission, de leurs circonstances, du nombre et de la situation des victimes, de l'existence et de l'âge de co-accusés qui caractérisent un lien d'indivisibilité ou de connexité et permettent d'apprécier l'intérêt d'une bonne administration de la justice ; 10. Considérant, en deuxième lieu, que l'ordonnance de règlement par laquelle le juge d'instruction renvoie le mineur devant la cour d'assises des mineurs ou le tribunal pour enfants est prise après réquisitions du ministère public et observations des parties selon les modalités prévues par l'article 175 du code de procédure pénale ; que l'article 184 du même code impose que cette ordonnance soit motivée ; que l'ordonnance de renvoi devant la cour d'assises est susceptible d'appel ; que la chambre de l'instruction se prononce tant sur le caractère connexe ou indivisible des infractions reprochées au mineur constaté par le juge d'instruction, que sur l'intérêt d'une bonne administration de la justice apprécié par ce juge ; que l'arrêt de la chambre de l'instruction statuant sur ces ordonnances de règlement et notamment sur la prorogation de compétence de la cour d'assises des mineurs peut être frappé de pourvoi en cassation ; 11. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions contestées sont sans effet sur l'obligation, pour les juridictions de jugement saisies, de respecter les droits de la défense et sur les peines, les mesures de surveillance et les mesures éducatives qui peuvent être prononcées ; 12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées sont conformes aux articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789 ; que la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ; - SUR LES AUTRES GRIEFS : 13. Considérant, d'une part, que l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle ; que ces principes trouvent notamment leur expression dans la loi du 12 avril 1906 sur la majorité pénale des mineurs, la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante ; que, toutefois, la législation républicaine antérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution de 1946 ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes ou les sanctions devraient toujours être évitées au profit de mesures purement éducatives ; qu'en particulier, les dispositions originelles de l'ordonnance du 2 février 1945 n'écartaient pas la responsabilité pénale des mineurs et n'excluaient pas, en cas de nécessité, que fussent prononcées à leur égard des mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue ou, pour les mineurs de plus de treize ans, la détention ; que telle est la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs ; 14. Considérant que les dispositions contestées fixent des règles relatives à la répartition des poursuites entre le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs à l'issue de la procédure d'instruction ; que ces dispositions ne peuvent conduire à ce qu'un mineur soit jugé par une juridiction autre que celles qui sont spécialement instituées pour connaître de la délinquance des mineurs ; que les dérogations qu'elles prévoient à la compétence du tribunal pour enfants et à la cour d'assises des mineurs sont limitées et justifiées par l'intérêt d'une bonne administration de la justice ; que, par suite, le grief tiré d'une atteinte au principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs doit être écarté ; 15. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'article 9 de la Déclaration de 1789 que le principe de la présomption d'innocence doit être respecté à l'égard des mineurs comme des majeurs ; que, toutefois, la possibilité que des faits connexes ou indivisibles soient jugés successivement par des juridictions différentes n'a pas pour effet d'entraîner un renversement de la charge de la preuve des faits soumis à l'examen de la juridiction appelée à statuer après que la première juridiction s'est prononcée ; que, par suite, les dispositions contestées ne méconnaissent pas la présomption d'innocence ; 16. Considérant que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- La dernière phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 9 et la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 20 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance 28 novembre 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI. Rendu public le 29 novembre 2013.
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LE PRÉSIDENT DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son titre VII ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 36, alinéa 2 ; Vu la lettre du Vice-Président du Conseil d'État en date du 30 septembre 2013 ; Vu la lettre du Premier président de la Cour des comptes en date du 26 novembre 2013 ; En application de la délibération du Conseil constitutionnel en date du 28 novembre 2013, D É C I D E : Article 1er.- Sont nommés rapporteurs adjoints auprès du conseil constitutionnel pour la période octobre 2013-octobre 2014 : Madame Béatrice BOURGEOIS-MACHUREAU, Monsieur Bertrand DACOSTA, Mesdames Gaëlle DUMORTIER, Nathalie ESCAUT et Claire LEGRAS, maîtres des requêtes au Conseil d'État, ainsi que Messieurs Frédéric ANGERMANN et Hervé BOULLANGER, Mesdames Valérie BROS et Loguivy ROCHE et Monsieur Jean-Louis SCIACALUGA, conseillers référendaires à la Cour des comptes. Article 2- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Fait à Paris, le 29 novembre 2013 Jean-Louis DEBRÉ
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Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 31 octobre 2013, par le Premier ministre, conformément aux articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1er, de la Constitution, de la loi organique portant actualisation de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'accord sur la Nouvelle-Calédonie, signé à Nouméa le 5 mai 1998 ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ; Vu le code général des collectivités territoriales ; Vu le code des juridictions financières ; Vu la loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, adoptée définitivement par le Parlement le 31 octobre 2013 ; Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 12 novembre 2013 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que la loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a été prise sur le fondement de l'article 77 de la Constitution ; 2. Considérant qu'aux termes des six premiers alinéas de cet article : « Après approbation de l'accord lors de la consultation prévue à l'article 76, la loi organique, prise après avis de l'assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie, détermine, pour assurer l'évolution de la Nouvelle-Calédonie dans le respect des orientations définies par cet accord et selon les modalités nécessaires à sa mise en oeuvre : « - les compétences de l'État qui seront transférées, de façon définitive, aux institutions de la Nouvelle-Calédonie, l'échelonnement et les modalités de ces transferts, ainsi que la répartition des charges résultant de ceux-ci ; « - les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la Nouvelle-Calédonie et notamment les conditions dans lesquelles certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie pourront être soumises avant publication au contrôle du Conseil constitutionnel ; « - les règles relatives à la citoyenneté, au régime électoral, à l'emploi et au statut civil coutumier ; « - les conditions et les délais dans lesquels les populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie seront amenées à se prononcer sur l'accession à la pleine souveraineté. « Les autres mesures nécessaires à la mise en oeuvre de l'accord mentionné à l'article 76 sont définies par la loi » ; 3. Considérant, qu'en outre, aux termes du premier alinéa de l'article 76 de la Constitution : « Les populations de la Nouvelle-Calédonie sont appelées à se prononcer avant le 31 décembre 1998 sur les dispositions de l'accord signé à Nouméa le 5 mai 1998 et publié le 27 mai 1998 au Journal officiel de la République française » ; - SUR LA PROCÉDURE : 4. Considérant que la loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a pour objet de modifier la loi organique du 19 mars 1999 susvisée prise en application de l'article 77 de la Constitution à la suite de l'approbation par les populations consultées de l'accord signé à Nouméa le 5 mai 1998 ; que le projet dont sont issues les dispositions de cette loi organique a fait l'objet, dans les conditions prévues à l'article 90 de la loi organique du 19 mars 1999, d'une consultation du congrès de la Nouvelle-Calédonie avant que le Conseil d'État ne rende son avis ; qu'il a été délibéré en conseil des ministres et déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat ; qu'il a été soumis à la délibération et au vote du Parlement dans les conditions prévues à l'article 46 de la Constitution ; qu'ainsi, les dispositions de la loi organique ont été adoptées dans les conditions prévues par la Constitution ; - SUR LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE L'ÉTAT, LA NOUVELLE-CALÉDONIE ET LES PROVINCES : 5. Considérant, en premier lieu, que le paragraphe I de l'article 1er insère un article 27-1 dans la loi organique du 19 mars 1999 afin de conférer à la Nouvelle-Calédonie, dans les domaines relevant de la compétence de la loi du pays, la faculté de créer des autorités administratives indépendantes aux fins d'exercer des missions de régulation et de leur attribuer les pouvoirs de prendre les décisions, même réglementaires, de prononcer les sanctions administratives, de procéder aux investigations et de régler des différends, nécessaires à l'accomplissement de leurs missions ; 6. Considérant que la création d'autorités administratives indépendantes en Nouvelle-Calédonie relève de la compétence de la loi du pays, en vertu du 13° introduit dans l'article 99 de la loi organique du 19 mars 1999 par le paragraphe III de l'article 1er ; que la création de telles autorités est limitée aux missions de régulation dans un domaine relevant des compétences de la loi du pays ; qu'en prévoyant une compétence du législateur du pays pour en décider, les dispositions de l'article 1er ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle ; 7. Considérant que le troisième alinéa de l'article 27-1 prévoit en particulier que les missions de ces autorités administratives indépendantes s'exercent « sans préjudice des compétences dévolues à l'État par les 1° et 2° du I de l'article 21 » de la loi organique du 19 mars 1999, qui comprennent notamment la matière des « garantie des libertés publiques » et celle de la « justice » ; que, dans ces conditions, l'habilitation du législateur du pays de la Nouvelle-Calédonie à créer des autorités administratives indépendantes respecte l'accord de Nouméa qui, dans son point 3.3, stipule que la justice et l'ordre public restent de la compétence de l'État jusqu'à la nouvelle organisation politique résultant de la consultation des populations intéressées prévue au cours du mandat du congrès de la Nouvelle-Calédonie commençant en 2014 ; 8. Considérant que le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle, ne fait obstacle à ce qu'une autorité administrative indépendante, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de sa mission, dès lors que l'exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis ; qu'en particulier, doivent être respectés le principe de la légalité des délits et des peines ainsi que les droits de la défense, principes applicables à toute sanction ayant le caractère d'une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle ; que doivent également être respectés les principes d'indépendance et d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; 9. Considérant que les dispositions du deuxième alinéa de l'article 27-1 inséré dans la loi organique du 19 mars 1999 par le paragraphe I de l'article 1er prévoient que la composition et les modalités de désignation des membres d'une autorité administrative indépendante de la Nouvelle-Calédonie doivent être de nature à assurer l'indépendance de cette autorité ; qu'elles instaurent des incompatibilités et fixent les conditions dans lesquelles l'autorité peut mettre fin au mandat d'un de ses membres ; que les dispositions du quatrième alinéa de l'article 27-1 prévoient des règles d'autonomie budgétaire et de contrôle des comptes de ces autorités ; que l'article 93-1 inséré dans la loi organique du 19 mars 1999 par le paragraphe II de l'article 1er détermine les conditions de nomination des membres de ces autorités et subordonne cette nomination à une audition publique du candidat proposé par le gouvernement et à une approbation du congrès par un avis adopté à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés ; que ces dispositions, qui ont pour objet de contribuer à assurer le respect des principes d'indépendance et d'impartialité par des autorités de nature non juridictionnelle auxquelles la loi du pays peut attribuer le pouvoir de prononcer des sanctions ayant le caractère d'une punition, ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle ; 10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'article 1er est conforme à la Constitution ; 11. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 4 étend, au 11° de l'article 22 de la loi organique du 19 mars 1999, la compétence de la Nouvelle-Calédonie à la réglementation relative aux « éléments des terres rares » ; que cette règlementation est adoptée après avis du comité consultatif des mines ainsi que du conseil des mines, en vertu de l'article 41 et du paragraphe II de l'article 42 de la loi organique du 19 mars 1999 ; que la compétence du congrès de la Nouvelle-Calédonie s'exerce par des lois du pays, conformément au 6° de l'article 99 de la loi organique du 19 mars 1999 ; que cette clarification apportée à la répartition des compétences entre la Nouvelle-Calédonie et les provinces n'est pas contraire à la Constitution ; 12. Considérant, en troisième lieu, que le paragraphe I de l'article 5 précise au 4° du paragraphe III de l'article 21 de la loi organique du 19 mars 1999 que l'État est compétent en matière de droit civil, sous réserve des compétences des provinces en matière de chasse et d'environnement, tandis que le paragraphe II du même article précise, au 21° de l'article 22 de la loi organique du 19 mars 1999, que la Nouvelle-Calédonie est compétente en matière de principes directeurs du droit de l'urbanisme, sous réserve des compétences des provinces en matière d'environnement ; que ces clarifications apportées à la répartition des compétences entre l'État, la Nouvelle-Calédonie et les provinces ne sont pas contraires à la Constitution ; - SUR LES RÈGLES D'ORGANISATION ET DE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE : 13. Considérant que l'article 2 de la loi organique modifie l'article 134 de la loi organique du 19 mars 1999 pour attribuer au président du gouvernement des pouvoirs de police administrative et de réquisition dans les matières relevant de la compétence de la Nouvelle-Calédonie ; qu'il permet aux secrétaire général, secrétaires généraux adjoints, directeurs et directeurs adjoints, chefs de service, chefs de service adjoints et agents publics exerçant des fonctions au moins équivalentes de donner, aux agents placés sous leur autorité, des délégations pour signer tous les actes relatifs aux affaires pour lesquelles ils ont eux-mêmes reçu délégation du président du gouvernement, à l'exception de ceux dont la liste est déterminée par décret ; qu'il permet également au gouvernement de prendre, sur habilitation du congrès ou de sa commission permanente, les arrêtés non réglementaires, nécessaires à la mise en oeuvre des actes de ces autorités ; 14. Considérant que l'article 3 modifie l'article 173 de la loi organique du 19 mars 1999 en vertu duquel le président de l'assemblée de province gère le domaine de la province, en lui attribuant les pouvoirs de police sur ce domaine ; 15. Considérant que le paragraphe I de l'article 6 actualise la dénomination du conseil économique et social de la Nouvelle-Calédonie par l'insertion du qualificatif « environnemental » ; que le paragraphe II porte de trente-neuf à quarante et un le nombre de membres de ce conseil fixé par l'article 153 de la loi organique du 19 mars 1999, en y ajoutant deux membres désignés par le comité consultatif de l'environnement en son sein, et prend en compte la qualification en matière de protection de l'environnement pour la désignation des neuf personnalités représentatives désignées par le gouvernement ; que le paragraphe III étend, à l'article 155 de la même loi, la consultation du conseil économique, social et environnemental aux textes à caractère environnemental ; que le paragraphe IV fixe l'entrée en vigueur de ces modifications à l'occasion du prochain renouvellement des membres du conseil économique et social de la Nouvelle-Calédonie ; 16. Considérant que les articles 7 à 10 portent sur le statut de l'élu ; 17. Considérant que l'article 7 fixe, aux articles 125 et 163 de la loi organique du 19 mars 1999, la limite maximale du montant des indemnités mensuelles des membres du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et des assemblées de province ; que l'article 8, complétant les articles 78 et 163 de la même loi, permet le versement d'indemnités de fonctions au président de la commission permanente du congrès de la Nouvelle-Calédonie et aux vice-présidents des assemblées de province ; 18. Considérant que l'article 9 introduit à l'article 138-1 de la loi organique du 19 mars 1999 qui prévoit que le mandat de membre du sénat coutumier est incompatible avec la qualité de membre du conseil économique et social, une exception pour les deux sénateurs désignés en son sein par le sénat coutumier en application de l'article 153 de la même loi ; 19. Considérant que l'article 10 insère dans la loi organique du 19 mars 1999 les articles 78-1, 125-1 et 163-1 précisant les conditions auxquelles des véhicules ou tout autre avantage en nature sont attribués aux membres et agents du congrès du gouvernement ou de l'assemblée de province ; 20. Considérant que les articles 11 à 15 portent sur l'amélioration du fonctionnement des institutions ; 21. Considérant que l'article 11 insère dans les articles 76, 136 et 169 de la loi organique du 19 mars 1999 une disposition permettant aux présidents du congrès, du gouvernement et de l'assemblée de province, d'adresser, « le cas échéant par voie électronique », les documents préparatoires aux séances respectivement aux membres du congrès et à ceux de l'assemblée de province ; 22. Considérant que l'article 12 complète la loi organique du 19 mars 1999 par les articles 177-1 et 177 2 ; que l'article 177-1 prévoit que le président de l'assemblée de province, par délégation de l'assemblée, peut être chargé pour la durée de son mandat de prendre toute décision concernant les marchés, à charge de rendre compte de l'exercice de cette compétence à la plus proche réunion utile de l'assemblée de province ; qu'en vertu de l'article 177-2, lorsqu'il n'est pas fait application de l'article 177 1, la délibération de l'assemblée de province chargeant son président de souscrire un marché déterminé peut être prise avant l'engagement de la procédure de passation de ce marché et doit en ce cas comporter la définition de l'étendue du besoin à satisfaire et le montant prévisionnel du marché ; 23. Considérant que l'article 13 complète l'article 128 de la loi organique du 19 mars 1999 en prévoyant qu'un règlement intérieur fixe les modalités d'organisation et de fonctionnement du gouvernement ; que l'article 14 précise, à l'article 166 de la même loi, que le droit à l'information des élus porte sur l'ensemble des affaires de la province faisant l'objet d'une délibération ; que l'article 15 complète le paragraphe I de l'article 204 de la même loi pour permettre la publication par voie électronique au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie des actes énumérés dans le paragraphe II de cet article ; 24. Considérant que les articles 16 à 24 comprennent des dispositions financières et comptables ; 25. Considérant que l'article 16 étend les dérogations à l'obligation, pour la Nouvelle Calédonie et ses établissements, de déposer toutes leurs disponibilités auprès de l'État ; 26. Considérant que les articles 17, 18 et 19 de la loi organique ainsi que le paragraphe I de son article 20 insèrent dans la loi organique du 19 mars 1999, respectivement, les articles 53-1, 84-4 et 183-4, 209-16-1 et 209-26 ; qu'ils reprennent pour la Nouvelle-Calédonie et ses provinces, avec certaines adaptations, des règles analogues à celles de l'article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales relatif à la création des sociétés publiques locales, de l'article L. 1611-4 du même code relatif au contrôle des bénéficiaires de subventions publiques, de l'article L. 2311 5 du même code relatif aux modalités d'affectation du résultat avant l'adoption du compte administratif et de l'article L. 2224-2 du même code relatif aux règles de prise en charge par les collectivités de dépenses afférentes à leurs services publics à caractère industriel et commercial ; 27. Considérant que les paragraphes II et III de l'article 20 et l'article 21 modifient, d'une part, les articles 84 et 183 de la loi organique du 19 mars 1999 et, d'autre part, ses articles 84-1 et 183-1 ; qu'ils reprennent pour la Nouvelle-Calédonie et ses provinces, avec certaines adaptations, des règles analogues à celles, d'une part, des articles L. 3311 1, L. 3321-1, L. 3312-2, L. 3332-2 et L. 3332-3 du code général des collectivités territoriales relatifs au vote en équilibre réel du budget ainsi qu'aux dépenses obligatoires et, d'autre part, de l'article L. 1612 1 du même code relatif à l'engagement par anticipation des dépenses d'investissement ; 28. Considérant que l'article 22 modifie les articles 84-2 et 183 2 de la loi organique du 19 mars 1999 afin de réduire les délais séparant le débat d'orientation budgétaire de l'examen du budget au congrès de la Nouvelle-Calédonie et à l'assemblée de province ; 29. Considérant que l'article 23 modifie l'article 209-25 de la loi organique du 19 mars 1999 afin d'habiliter le décret en Conseil d'État à fixer des règles d'organisation financière et comptable auxquelles sont soumis les établissements publics d'enseignement du second degré de la Nouvelle Calédonie ; 30. Considérant que l'article 24 introduit une modification de coordination dans l'intitulé du chapitre III du titre VII de la loi organique du 19 mars 1999 ; 31. Considérant que les articles 26 à 28 comprennent des dispositions relatives aux juridictions financières ; 32. Considérant que l'article 26 complète l'article L.O. 262-2 du code des juridictions financières afin d'étendre la compétence de la chambre territoriale des comptes à l'examen de la gestion des établissements ou organismes, quel que soit leur statut, auxquels le territoire, les provinces et leurs établissements apportent un concours financier supérieur à 1500 euros ou qu'ils contrôlent ; 33. Considérant que l'article 27 insère dans la loi organique du 19 mars 1999 un article 134-1 qui prévoit la suspension des fonctions de l'ordonnateur de la Nouvelle-Calédonie déclaré comptable de fait ; qu'il reprend, avec certaines adaptations, des règles analogues à celles des articles L. 2342-3, L. 3221-3-1 et L. 5211-9-1 du code général des collectivités territoriales ; 34. Considérant que l'article 28 modifie l'article 208-3 de la loi organique du 19 mars 1999 afin d'étendre au comptable public concerné ou à toute personne y ayant intérêt la faculté de saisir la chambre territoriale des comptes pour faire constater qu'une dépense obligatoire n'a pas été inscrite ou a été inscrite pour une somme insuffisante au budget de la Nouvelle-Calédonie ; 35. Considérant que l'ensemble de ces dispositions, qui sont organiques par elles-mêmes ou du fait de leur inséparabilité de dispositions organiques, sont conformes à la Constitution ; - SUR LE STATUT CIVIL COUTUMIER : 36. Considérant que l'article 25 complète l'article 19 de la loi organique du 19 mars 1999 pour permettre à la juridiction pénale de droit commun saisie d'une demande de dommages et intérêts, après s'être prononcée sur l'action publique concernant des faits de nature pénale commis par une personne de statut civil coutumier à l'encontre d'une personne de même statut, de statuer sur les intérêts civils dans les conditions prévues par la loi ; qu'il prévoit toutefois, qu'en cas de demande contraire de l'une des parties de statut civil coutumier, la juridiction pénale ordonne le renvoi devant la juridiction civile de droit commun assistée d'assesseurs coutumiers, aux fins de statuer sur les intérêts civils, cette décision n'étant pas susceptible de recours ; 37. Considérant qu'en vertu de l'article 75 de la Constitution : « Les citoyens de la République qui n'ont pas le statut civil de droit commun, seul visé à l'article 34, conservent leur statut personnel tant qu'ils n'y ont pas renoncé » ; que l'article 7 de la loi organique du 19 mars 1999 dispose : « Les personnes dont le statut personnel, au sens de l'article 75 de la Constitution, est le statut civil coutumier kanak décrit par la présente loi sont régies en matière de droit civil par leurs coutumes » ; que les dispositions de cet article mettent en œuvre, conformément à l'article 77 de la Constitution, les stipulations du point 1.1 de l'accord de Nouméa ; que l'instauration de la faculté pour la juridiction pénale de droit commun de statuer sur les intérêts civils dans des instances concernant exclusivement des personnes de statut civil coutumier kanak, lorsqu'aucune de ces personnes ne s'y oppose, n'a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de permettre à la juridiction pénale de droit commun de ne pas faire application de la coutume lorsqu'elle statue sur les intérêts civils ; qu'en toute hypothèse, la juridiction pénale peut décider de recourir à une expertise pour l'évaluation du préjudice selon le droit coutumier et que l'alinéa 2 du paragraphe I de l'article 150 de la loi organique du 19 mars 1999 permet à toute juridiction de consulter le conseil coutumier sur l'interprétation des règles coutumières ; que, sous cette réserve, l'article 25 est conforme à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- L'article 25 de la loi organique portant actualisation de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est conforme à la Constitution sous la réserve énoncée au considérant 37. Article 2.- Les autres dispositions de la même loi organique sont conformes à la Constitution. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 novembre 2013, où siégeaient: M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI. Pouvoir de la juridiction pénale pour statuer sur les intérêts civils à l'occasion d'une procédure pénale concernant uniquement des personnes de statut civil coutumier Selon l'article 19 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : "La juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des litiges et requêtes relatifs au statut civil coutumier ou aux terres coutumières. Elle est alors complétée par des assesseurs coutumiers dans les conditions prévues par la loi." Dans un avis du 15 janvier 2007, la Cour de cassation a estimé que la juridiction pénale était incompétente pour statuer sur les intérêts civils lorsque toutes les parties sont de statut civil coutumier. Afin d'éviter que les victimes soient confrontées à une nouvelle procédure, l'article 25 de la loi organique portant actualisation de la loi n°99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie prévoit que « Par dérogation au premier alinéa (de l'article 19 de la LO n° 99-209) et sauf demande contraire de l'une des parties, après s'être prononcée sur l'action publique concernant des faits de nature pénale commis par une personne de statut civil coutumier à l'encontre d'une personne de même statut civil coutumier, la juridiction pénale de droit commun, saisie d'une demande de dommages et intérêts, statue sur les intérêts civils dans les conditions prévues par la loi ». Cette dérogation est de nature purement procédurale, et concerne uniquement la possibilité pour le juge pénal de droit commun, sans adjonction d'assesseurs, de statuer sur les intérêts civils. Les dispositions du premier des deux alinéas que la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel prévoit d'ajouter à l'article 19 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie sont sans incidence sur les règles de fond applicables. La juridiction pénale devra donc appliquer le droit coutumier. Ni les travaux préparatoire, ni le texte des dispositions en cause ne permettent en effet d'interpréter la loi comme ayant entendu soustraire les actions en dommages et intérêts intentées par une personne de statut civil coutumier contre une personne de même statut à l'application du droit coutumier. Les dispositions du nouveau deuxième alinéa de l'article 19 de la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie se bornent à déterminer la juridiction compétente pour statuer sur l'action civile de la victime. Seules des dispositions expresses, telles que celles qui sont prévues, pour Mayotte, par l'article 1er de l'ordonnance n° 2010-590 du 3 juin 2010, aux termes duquel : « Les personnes relevant du statut civil de droit local peuvent soumettre au droit civil commun tout rapport juridique relevant du statut civil de droit local », pourraient avoir pour effet de déroger à l'application du droit coutumier. En l'absence de toute mention expresse en ce sens, les dispositions de l'alinéa ajouté à l'article 19 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ne peuvent être interprétées comme modifiant le droit applicable au litige. Monsieur le Président, Conformément aux dispositions des articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous transmettre la loi organique portant actualisation de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie. Je vous prie de bien vouloir demander au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité de ce texte à la Constitution. Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de ma haute considération. Pour le Premier ministre et par délégation, Le Directeur, adjoint au Secrétaire général du Gouvernement,
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Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 31 octobre 2013, par le Premier ministre, conformément aux articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1er, de la Constitution, de la loi organique relative à l' indépendance de l' audiovisuel public. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi organique n° 2009-257 du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-576 DC du 3 mars 2009 ; Vu la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-577 DC du 3 mars 2009 ; Vu la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ; Vu la loi relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, définitivement adoptée par le Parlement le 31 octobre 2013 ; Vu les observations présentées par soixante-treize sénateurs, enregistrées respectivement le 31 octobre et le 13 novembre 2013 ; Vu les observations du Gouvernement, enregistrées les 12 et 13 novembre 2013 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que la loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a été prise sur le fondement de l'article 13 de la Constitution ; - SUR LA PROCÉDURE : 2. Considérant que le projet de loi organique relatif à l'indépendance de l'audiovisuel public a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 5 juin 2013 ; que le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce projet de loi organique le 8 juillet 2013 ; qu' après l' adoption de ce projet par l' Assemblée nationale, le 24 juillet 2013, puis par le Sénat le 1er octobre 2013, le Gouvernement a provoqué la réunion d' une commission mixte paritaire qui a établi un texte sur les dispositions restant en discussion le 15 octobre 2013 ; que les conclusions de cette commission mixte paritaire ont été adoptées par le Sénat le 17 octobre 2013 et par l' Assemblée nationale le 31 octobre 2013 ; 3. Considérant que les conclusions de cette commission mixte paritaire, que le Gouvernement a souhaité soumettre à l' approbation des assemblées en application du troisième alinéa de l' article 45 de la Constitution, ont été inscrites par la Conférence des présidents à l' ordre du jour de la séance du 17 octobre 2013 au Sénat, au cours d' une semaine « réservée par priorité et dans l' ordre fixé par chaque assemblée au contrôle de l' action du Gouvernement et à l' évaluation des politiques publiques » en vertu du quatrième alinéa de l' article 48 de la Constitution ; 4. Considérant qu'en vertu du quatrième alinéa de l'article 48 de la Constitution, si chaque assemblée est tenue de réserver une semaine de séance sur quatre par priorité au contrôle de l' action du Gouvernement et à l' évaluation des politiques publiques, le constituant n a pas pour autant entendu lui imposer que ladite semaine de séance leur fût entièrement consacrée ; qu'en outre, ainsi qu' il résulte du troisième alinéa du même article 48, le Gouvernement peut faire inscrire à l'ordre du jour de cette semaine de séance, par priorité, l'examen des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale ; qu'en application des dispositions du même alinéa, il peut également, dès lors que cette semaine de séance est aussi consacrée au contrôle de l' action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques dans l' ordre fixé par l' assemblée, faire inscrire au même ordre du jour, par priorité, des textes transmis par l' autre assemblée depuis six semaines au moins, des projets relatifs aux états de crise et des demandes d' autorisation visées à l' article 35 de la Constitution ; 5. Considérant qu' au cours de la semaine du 13 au 19 octobre 2013 au Sénat, ont été inscrits à l' ordre du jour des séances des 15 et 16 octobre quatre débats portant sur le contrôle de l' action du Gouvernement et l'évaluation des politiques publiques ainsi que l' examen d' une proposition de résolution européenne ; qu'ont été inscrits à l' ordre du jour de la séance du 17 octobre 2013 non seulement l'examen de plusieurs textes législatifs mais également deux débats ; que l'inscription des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif à l'indépendance de l' audiovisuel public à l'ordre du jour de la séance du 17 octobre 2013 n'a ainsi méconnu aucune exigence constitutionnelle ; 6. Considérant que la procédure d'examen de la loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, qui a été adoptée conformément aux exigences des trois premiers alinéas de l'article 46 de la Constitution, n' est donc pas contraire à la Constitution ; - SUR LE FOND : 7. Considérant qu'aux termes du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution : « Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés » ; 8. Considérant, en premier lieu, que l'article unique de la loi organique du 5 mars 2009 susvisée avait prévu que le pouvoir de nomination par le Président de la République des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l' audiovisuel extérieur de la France s' exerce dans les conditions prévues par le cinquième alinéa de l' article 13 de la Constitution, après que la commission permanente compétente de chaque assemblée a entendu publiquement la personnalité dont la nomination lui est proposée ; que le tableau annexé à la loi organique du 23 juillet 2010 susvisée, qui fixe la liste des emplois et fonctions pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce dans les conditions prévues par ce cinquième alinéa de l article 13, comportait la mention des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France ; 9. Considérant que l'article 1er de la loi organique soumise à l' examen du Conseil constitutionnel abroge la loi organique du 5 mars 2009 ; que son article 2 supprime du tableau précité la mention des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l' audiovisuel extérieur de la France ; que l' article 12 de la loi relative à l' indépendance de l' audiovisuel public susvisée prévoit que les présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l' audiovisuel extérieur de la France seront nommés non plus par le Président de la République mais par le Conseil supérieur de l' audiovisuel à la majorité des membres qui le composent ; qu' il résulte de cette disposition qu'en soustrayant la nomination à ces fonctions de la procédure prévue par le cinquième alinéa de l' article 13 de la Constitution, le législateur n' a méconnu ni les exigences de ce cinquième alinéa ni aucune autre exigence constitutionnelle ; que les articles 1er et 2 de la loi organique sont conformes à la Constitution ; 10. Considérant, en second lieu, que l' article 3 de la loi organique soumet à l' avis de la commission compétente de chaque assemblée la nomination, par le Président de la République, du président de l' Institut national de l'audiovisuel ; que cette fonction n' entre pas dans le champ d' application du dernier alinéa de l' article 13 de la Constitution ; que l'article 3 de la loi organique est donc contraire à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- L'article 3 de la loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public est contraire à la Constitution. Article 2.- Les autres dispositions de la même loi organique sont conformes à la Constitution. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 novembre 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d' ESTAING, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI. Dans leurs observations en réplique, les sénateurs intervenants affirment que : « au cours de la semaine sénatoriale de contrôle du 3 juin dernier, le Sénat a finalement consacré la totalité de ses travaux à l'examen du projet de loi relatif à l'affirmation des métropoles. » Bien que ceci soit sans incidence sur la constitutionnalité de la loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, le Gouvernement tient à préciser que cette affirmation est inexacte puisque la Conférence des présidents du Sénat qui s'est réunie le 17 avril 2013 a décidé d'intervertir la semaine de contrôle initialement programmée du 3 au 7 juin et la semaine dite « d'initiative », dont l'ordre du jour est fixé par le Sénat lui-même, initialement programmée du 10 au 14 juin. La semaine de contrôle initialement prévue du 3 au 7 juin 2013 s'est donc déroulée du 10 au 14 juin tandis que le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dont l'examen avait commencé le jeudi 30 mai sur une semaine d'initiative gouvernementale, a été inscrit par le Sénat à l'ordre du jour de la semaine du 3 juin dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article 48 de la Constitution. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, Nous souhaitons, par la présente lettre, maintenir notre position selon laquelle la loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public a été adoptée selon une procédure contraire à la Constitution, et entendons apporter les compléments suivants, en réplique au mémoire que vous a adressé le Gouvernement, le 12 novembre 2013. La Constitution garantit les expressions pluralistes des opinions (article 4) et entend conférer aux groupes parlementaires d'opposition des droits spécifiques (article 51-1). Elle confie à la conférence des présidents de chaque chambre le soin de fixer son ordre du jour, dont deux semaines sur quatre sont réservées par priorité à un ordre du jour fixé par le Gouvernement et une semaine est réservée par priorité au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques (article 48). Elle fixe en outre strictement les conditions de convocation des commissions mixtes paritaires et d'inscription à l'ordre du jour parlementaire des conclusions élaborées par celles-ci (article 45). Comme nous l'avons précisé dans notre lettre d'observation, nous n'avons jamais prétendu que l'article 48 prévoyait que l'ordre du jour des semaines de contrôle soit réservé exclusivement à des travaux de contrôle. Cependant, il convient de constater que depuis le mois d'avril dernier, pas une seule demande du groupe UMP n'a été retenue dans l'ordre du jour proposé par la conférence des présidents pour les semaines de contrôle, malgré ses demandes réitérées. Depuis cette date ont toujours été retenues les demandes formulées par les commissions ou délégations (dans neuf cas) ou par le groupe majoritaire et les groupes minoritaires (dans six cas). Ainsi, nous considérons que nos demandes d'inscription à l'ordre du jour de travaux de contrôle auraient dû prévaloir sur l'inscription de travaux d'ordre législatifs. Si l'article 48 de la Constitution n'impose aucune exclusivité, encore faudrait-il que les demandes d'inscription de débats de contrôle soient épuisées et que les droits des groupes d'opposition soient respectés. Le Gouvernement considère en outre qu'il suffirait qu'une « part significative » de l'ordre du jour des semaines prévues par l'article 48 alinéa 4 de la Constitution soit consacrée au contrôle de l'action du Gouvernement pour que le Sénat puisse décider d'inscrire des projets ou propositions de lois de son choix. A ce titre, nous nous interrogeons sur la manière d'appréhender cette notion. Le Gouvernement considère, pour justifier la régularité de la procédure d'adoption de la loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, que l'inscription d'une proposition de résolution et la tenue de cinq débats de contrôle au cours de cette semaine sont de nature à constituer « une part significative » de l'ordre du jour réservé au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques. A titre d'illustration, au cours de la semaine sénatoriale de contrôle du 3 juin dernier, le Sénat a finalement consacré la totalité de ses travaux à l'examen du projet de loi relatif à l'affirmation des métropoles. Le Gouvernement considère-t-il de la même manière que l'examen de ce seul projet de loi en semaine de contrôle constitue une « part significative » de l'ordre du jour réservé au contrôle, de nature à rendre la procédure d'adoption de cette loi conforme à la Constitution ? Les exemples d'empiètement du Gouvernement sur l'ordre du jour réservé au Parlement se multiplient alors même que l'article 48 de la Constitution confie la programmation de l'ordre du jour à chaque assemblée en énumérant un certain nombre de priorités liées soit à la nature des textes, soit à une période considérée, soit au délai qui s'est écoulé depuis la transmission d'un texte par une assemblée à l'autre. Nous estimons que cette pratique d'empiètement, conformément à l'intention du Constituant, devrait être l'objet d'un usage modéré et ne devrait pas pouvoir s'imposer aux chambres sous la seule contrainte conjointe d'un gouvernement et de sa majorité. Cette pratique dommageable et contraire à l'esprit de la Constitution révisée en 2008 conduit à la fabrication d'un ordre du jour d'initiative ou de contrôle parlementaires totalement artificiels. L'exemple de l'inscription des conclusions de la commission mixte paritaire sur la loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public le 17 octobre, mais également de deux autres lectures de conclusions de commissions mixtes paritaires le même jour, illustrent ce point, le Gouvernement n'osant pas assumer ses empiètements réitérés et préférant le déguiser en « demande sénatoriale », ce qui constitue, en l'espèce, une erreur manifeste de procédure. En 2008, le Constituant a décidé d'étendre les prérogatives du Parlement en prévoyant, dans l'article 45, alinéa 2 de la Constitution, que, concurremment à la prérogative donnée au Premier ministre pour l'ensemble des textes, les Présidents des assemblées parlementaires pourraient, conjointement, décider de convoquer une commission mixte paritaire sur une proposition de loi. Pour autant, le troisième alinéa de cet article précise sans ambiguïté que c'est le Gouvernement, et lui seul, qui peut décider de soumettre, pour approbation aux deux assemblées, le texte élaboré par une commission mixte paritaire : « Le texte élaboré par la commission mixte peut être soumis par le Gouvernement pour approbation aux deux Assemblées. Aucun amendement n'est recevable sauf accord du Gouvernement. ». C'est donc bien que le Constituant a entendu réserver cette faculté au seul pouvoir exécutif, qui s'explique d'ailleurs parfaitement par le fait que l'étape de la réunion de commission mixte est la seule de la procédure législative à laquelle le Gouvernement n'a pas la possibilité de participer. Il peut donc parfaitement décider de ne pas soumettre à l'approbation des assemblées les conclusions d'une commission mixte paritaire. Ainsi, contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement dans les observations qu'il vous a transmises, la conférence des Présidents du Sénat n'était absolument pas fondée à inscrire à l'ordre du jour du Sénat « sur proposition du président du Groupe socialiste » un certain nombre de lectures de conclusions de commissions mixtes paritaires dans l'espace précédemment laissé libre le jeudi 17 octobre 2013 au soir. Elle n'était pas davantage habilitée à faire apparaître ce point, ni même l'auteur de la demande dans ses conclusions publiées et lues en séance publique le 9 octobre. Une telle prérogative n'appartenait pas plus au président du groupe socialiste, mais devait émaner du seul Gouvernement. Cette compétence lui appartient en effet exclusivement. Il ne peut, sans méconnaître la Constitution, se démettre de ses propres prérogatives. A suivre d'ailleurs l'argumentaire développé par le Gouvernement, celui-ci aurait été parfaitement fondé à proposer lui-même l'inscription desdites conclusions de commission mixte paritaire à la Conférence des Présidents. En pensant rendre valable cette inscription en semaine de contrôle par le biais d'une demande émanant du groupe socialiste, le Sénat a méconnu l'étendue de ses propres pouvoirs. Le mémoire en défense du Gouvernement se fonde donc sur un argumentaire parfaitement erroné en justifiant la procédure d'inscription de ce texte, puisque lui seul pouvait en faire la demande. La lecture combinée de l'article 45 de la Constitution et de son article 48 interdisaient donc formellement la conférence des présidents de « retenir la suggestion » formulée par le groupe socialiste pour que soit soumis au Sénat les conclusions de cette commission mixte paritaire. Nous confirmons donc notre position et vous invitons à juger que la loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public a été adoptée selon une procédure irrégulière. Des observations, signées par plus de soixante sénateurs, ont été adressées au Conseil constitutionnel en vue de faire juger que les conditions d'adoption de la loi auraient été irrégulières. Les auteurs des observations soutiennent que les conclusions de la commission mixte paritaire ne pouvaient être mises en discussion lors d'une semaine réservée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques, en application du quatrième alinéa de l'article 48 de la Constitution, alors que certaines demandes des groupes parlementaires et des commissions en matière de contrôle et d'évaluation n'auraient pas été satisfaites. Le Gouvernement estime que la procédure d'adoption de la loi a été régulière. La loi organique dont le Conseil constitutionnel est saisi a été discutée au Sénat lors d'une semaine consacrée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques. La Conférence des Présidents du 10 septembre 2013 a organisé la semaine de contrôle commençant le 14 octobre 2013 en prévoyant 5 débats de contrôle, un débat préalable au Conseil européen et l'examen d'une proposition de résolution. Cette proposition d'ordre du jour a été soumise au Sénat au cours de la séance du 10 septembre sans qu'aucune observation ne soit faite. La Conférence des Président s'est à nouveau réunie le 9 octobre et, à cette occasion, le président du groupe socialiste a proposé que, sur l'espace précédemment laissé libre du jeudi soir, soient inscrites un certain nombre de lectures de conclusions de commissions mixtes paritaires sur le point de se réunir. La Conférence des Présidents a retenu cette suggestion et cette proposition d'ordre du jour a été soumise au Sénat au cours de la séance du 9 octobre, sans qu'aucune contestation n'intervienne. Ces conditions d'inscription n'ont pas méconnu l'article 48 de la Constitution. Le Gouvernement considère en effet qu'il est possible d'inscrire la discussion de projets ou de propositions de loi à l'ordre du jour d'une semaine réservée en priorité au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques en application du quatrième alinéa de l'article 48 de la Constitution. Cette possibilité est évidemment ouverte, en application du troisième alinéa de l'article 48 de la Constitution, pour les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale dont le Gouvernement peut toujours demander l'inscription par priorité à l'ordre du jour, y compris lors des semaines normalement réservées au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques. Cette priorité gouvernementale est évidemment nécessaire pour assurer le respect des délais stricts fixés par les articles 47 et 47-1 de la Constitution pour l'examen de ces textes. Mais il est également possible d'inscrire la discussion de projets et de propositions de loi autres que des projets de loi financiers à l'ordre du jour d'une semaine réservée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques. Si chaque assemblée est tenue, en dehors des périodes où l'examen des projets de loi financiers l'interdit, d'organiser, toutes les quatre semaines, une semaine réservée par priorité au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques, le Constituant n'a pas entendu que cette semaine soit exclusivement consacrée à cette activité de contrôle et d'évaluation. Les travaux préparatoires de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République le montrent clairement. Dans sa présentation de l'amendement à l'origine du quatrième alinéa de l'article 48, le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, M. Jean-Luc Warsmann, expliquait qu'il serait le cas échéant possible à la Conférence des présidents, « de consacrer tout ou partie de cet ordre du jour réservé à l'examen de projets ou de propositions de loi ». Il précisait qu'un tel choix « serait notamment pertinent lorsque le projet ou la proposition de loi est la traduction législative des conclusions d'une mission de contrôle ou d'évaluation ». Au cours de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, un amendement (n° 498) prévoyant qu'une semaine de séance sur quatre serait consacrée « exclusivement aux fonctions de contrôle du Parlement » fut rejeté. C'est en se fondant sur la souplesse des dispositions proposées par l'Assemblée nationale que le président de la commission des lois du Sénat, M. Jean-Jacques Hyest, a accepté, en deuxième lecture, de s'y rallier. Il soulignait ainsi dans son rapport que la priorité reconnue au contrôle n'impliquait pas l'exclusivité et que l'ordre du jour de la semaine réservée par priorité au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques pourrait être complété par des initiatives législatives. Dès lors qu'une part significative de l'ordre du jour de cette semaine est consacrée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques, les dispositions du quatrième alinéa de l'article 48 laissent à la conférence des présidents la possibilité d'inscrire à l'ordre du jour la discussion d'un projet ou d'une proposition de loi. La circonstance que certaines demandes des groupes parlementaires et des commissions en matière de contrôle et d'évaluation n'auraient pas été satisfaites n'est pas de nature à supprimer cette possibilité. A défaut, la priorité serait de fait transformée en exclusivité et la conférence des présidents se verrait privée d'une bonne part de son pouvoir d'organisation de l'ordre du jour. Sous réserve que l'ordre du jour de la semaine réservée par priorité au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques laisse une place significative à l'exercice de cette fonction de contrôle, le Gouvernement estime qu'il lui est également possible de demander l'inscription prioritaire à l'ordre du jour de l'un des jours de cette semaine, d'un texte « transmis par l'autre assemblée depuis six semaines au moins », conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 48. Les mots « sous réserve des dispositions de l'alinéa suivant », qui figurent à ce troisième alinéa, doivent en effet être interprétés comme permettant une telle inscription dès lors que celle-ci n'a pas pour effet, en tenant compte de la possibilité qu'ont les assemblées de siéger également les lundis et les vendredis, d'empêcher qu'une part significative de l'ordre du jour de la semaine soit consacrée au contrôle. Le Gouvernement constate qu'en l'espèce, une part significative de l'ordre du jour de la semaine considérée a été réservée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques, puisqu'une proposition de résolution a été examinée et que cinq débats de contrôle se sont tenus ainsi qu'un débat préalable au Conseil européen. La conférence des présidents pouvait donc valablement décider d'inscrire à l'ordre du jour le projet de loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public. Pour ces raisons, le Gouvernement invite le Conseil constitutionnel à juger que la loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public a été adoptée selon une procédure régulière. Monsieur le Président, Conformément aux dispositions des articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous transmettre la loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public. Je vous prie de bien vouloir demander au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité de ce texte à la Constitution. Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de ma haute considération. Pour le Premier ministre et par délégation, Le Directeur, adjoint au Secrétaire général du Gouvernement, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, Alors que le Parlement vient d'adopter définitivement la loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, je me permets de vous adresser, avec 72 de mes collègues, quelques observations relatives aux conditions d'adoption de ce texte, dont vous allez contrôler la conformité à la Constitution. En effet, cette loi organique vient d'être adoptée à l'issue d'une procédure qui nous amène à vous interroger sur son bienfondé, au regard des principes constitutionnels. Le gouvernement, après engagement de la procédure accélérée sur ce texte et discussion dans les deux chambres, a convoqué la réunion d'une commission mixte paritaire qui a permis d'élaborer un texte de la commission, dont les conclusions ont été mises en discussion le jeudi 17 octobre, dans le cadre d'une semaine sénatoriale de contrôle. C'est à dire qu'à la demande du groupe socialiste, la conférence des présidents a inscrit à l'ordre du jour d'une semaine de contrôle du Sénat une série de conclusions de commissions mixtes paritaires de projets de loi gouvernementaux, dont la loi organique précitée. Lors de cette conférence des présidents, le groupe UMP a d'ailleurs fait part de son étonnement sur ces inscriptions. En effet, selon nous, cette démarche entrave les droits du parlement tels que la révision constitutionnelle de 2008 les a définis à l'alinéa 4 de l'article 48 de la Constitution qui énonce que « Une semaine de séance sur quatre est réservée par priorité et dans l'ordre fixé par chaque assemblée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques». Comme l'avait d'ailleurs exprimé le rapporteur du texte au Sénat (1), le Président de la commission des lois Jean-Jacques Hyest, «le principe selon lequel une des deux semaines réservées au Parlement est consacrée au contrôle peut apparaître rigide. Toutefois, la priorité reconnue au contrôle n'implique pas l'exclusivité et la Conférence des présidents pourrait également décider de compléter l'ordre du jour par des initiatives législatives. La nouvelle formulation de l'article 48 ne prendra toute sa portée que si le Gouvernement s'autodiscipline pour faire un usage mesuré des prérogatives qui lui permettent d'inscrire certains textes à l'ordre du jour réservé par principe au Parlement. A défaut -c'est-à-dire s'il débordait systématiquement de sa moitié de l'ordre du jour- l'exposé des motifs selon lequel «l'autre moitié (est) à la libre disposition des assemblées» n'aurait été qu'un trompe-l'oeil. » Ainsi le rapporteur du texte au Sénat avait pris la précaution de montrer la limite de la portée de cette disposition de l'article 48 de la Constitution si le Gouvernement venait entraver l'exercice de cette prérogative reconnue constitutionnellement au Parlement, comme nous le relevons en l'espèce. Les assemblées parlementaires ont souhaité développer de nouveaux outils pour contrôler l'application par l'exécutif de son programme, mais aussi le fonctionnement au jour le jour des différents services de son administration. Cette fonction de contrôle au Sénat est d'autant plus importante que le Gouvernement n'est pas responsable devant lui sous la Vème République. C'est d'ailleurs l'un des apports les plus importants de la révision constitutionnelle de 2008 que d'avoir placé la fonction de contrôle au même niveau que la fonction législative, que l'alinéa 1er de l'article 24 de la Constitution précise : « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques ». L'importance reconnue désormais à la fonction de contrôle se traduit donc par la place qui lui est accordée dans la fixation de l'ordre du jour, à moins, que comme le relevait le rapporteur de la révision constitutionnelle de 2008, ces dispositions ne soient qu'un « trompe l'oeil». Par ailleurs, la conférence des Présidents du Sénat, du 9 octobre 2013, a décidé d'inscrire en discussion la semaine du 18 novembre 2013, toujours en semaine de contrôle, le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne pour la réalisation et l'exploitation d'une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin de loi sur le traité. Le Président du groupe écologiste l'a d'ailleurs fait remarquer à l'occasion de cette conférence des Présidents. Cette inscription, au surplus de la série de commissions mixtes paritaires précédemment énoncée, est faite selon nous en méconnaissance des droits constitutionnels reconnus au Parlement : ainsi le Gouvernement n'a pas fait un usage mesuré de sa prérogative reconnue à l'article 48 de la Constitution. Enfin, nous estimons que la démarche d'inscrire dans des semaines de contrôle la discussion de conclusions de commissions mixtes paritaires et de projet de lois est d'autant plus contraire aux principes constitutionnels, que plusieurs demandes d'inscriptions à l'ordre du jour de débats de contrôle de l'action du Gouvernement ont été demandées, notamment par les groupes minoritaires et d'opposition, et sont toujours insatisfaites à ce jour. Il est en ainsi de plusieurs débats sollicités par le groupe UMP sur la politique énergétique le 6 décembre 2013 (demande renouvelée à 2 reprises), sur la sécurité sociale des étudiants le 18 juillet 2013, sur l'avenir des infrastructures de transport le 17 juillet 2013, sur la politique d'accueil des gens du voyage le 17 juillet 2013. Tout comme il en est : - d'un débat sollicité par la commission des lois sur le rapport d'information n°130, relatif au droit d'asile de messieurs Leconte et Frassa, déposé le 14 novembre 2012 ; -d'un débat sollicité par la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois sur le rapport d'information no856 relatif à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français de madame Bouchoux et monsieur Lenoir, déposé le 18 septembre 2013 ; -d'un débat sollicité par la mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe sur son rapport rendu le 17 juillet 2013 ; Au regard de ces éléments, nous vous interrogeons donc sur l'opportunité constitutionnelle d'avoir inscrit à l'ordre du jour d'une semaine de contrôle la discussion d'une série de conclusions de commissions mixtes paritaires de divers projets de loi et de projets de loi, alors que les demandes des groupes parlementaires et des commissions, en matière de contrôle, ne sont pas satisfaites. 1 Rapport n°463 (2007-2008)
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 septembre 2013 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 993 du 18 septembre 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Mara Télécom et M. Julien S., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 621-2 et L. 622-1 du code de commerce, « dans leur rédaction applicable en Polynésie française ». LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ; Vu le code de commerce, notamment ses livres VI et IX ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour les requérants par la SELARL Latournerie Wolfrom et associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 11 octobre 2013 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 11 octobre 2013; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Julien de Michele, avocat au barreau de Paris, pour les parties requérantes, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 5 novembre 2013 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'en vertu de la loi organique du 27 février 2004 susvisée, le droit des procédures collectives applicables à la Polynésie française résulte des dispositions législatives du livre VI du code de commerce dans sa version en vigueur à la date de la publication de cette loi organique le 2 mars 2004 ; 2. Considérant que l'article L. 621-2 du code de commerce, dans sa version applicable à la Polynésie française, est relatif à la procédure de redressement judiciaire ; qu'aux termes de cet article : « La procédure peut également être ouverte sur l'assignation d'un créancier, quelle que soit la nature de sa créance. Toutefois, sous réserve des articles L. 621-14 et L. 621-15, la procédure ne peut être ouverte à l'encontre d'une exploitation agricole qui n'est pas constituée sous la forme d'une société commerciale que si le président du tribunal de première instance a été préalablement saisi d'une demande tendant à la désignation d'un conciliateur présentée en application de l'article L. 351-2 du code rural. « En outre, le tribunal peut se saisir d'office ou être saisi par le procureur de la République. « Le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel peuvent communiquer au président du tribunal ou au procureur de la République tout fait révélant la cessation des paiements de l'entreprise » ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 622-1 du code de commerce, dans sa version applicable à la Polynésie française : « La procédure de liquidation judiciaire est ouverte sans période d'observation à l'égard de toute entreprise mentionnée au premier alinéa de l'article L. 620-2 en état de cessation des paiements, dont l'activité a cessé ou dont le redressement est manifestement impossible. « Elle est engagée selon les modalités prévues au second alinéa de l'article L. 621-1 et aux articles L. 621-2 à L. 621-5 ainsi que L. 621-14 et L. 621-15. « La date de cessation des paiements est fixée conformément à l'article L. 621-7 » ; 4. Considérant que, selon les requérants, les dispositions contestées, en ce qu'elles prévoient la saisine d'office du tribunal de commerce dans la procédure de liquidation judiciaire, sont contraires au principe d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; 5. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « se saisir d'office ou » figurant au deuxième alinéa de l'article L. 621-2 du code de commerce, dans sa version applicable à la Polynésie française ; que ces dispositions ont pour effet d'autoriser le tribunal à se saisir d'office pour l'ouverture tant d'une procédure de redressement judiciaire que d'une procédure de liquidation judiciaire ; 6. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que le principe d'impartialité est indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles ; qu'il en résulte qu'en principe une juridiction ne saurait disposer de la faculté d'introduire spontanément une instance au terme de laquelle elle prononce une décision revêtue de l'autorité de chose jugée ; que, si la Constitution ne confère pas à cette interdiction un caractère général et absolu, la saisine d'office d'une juridiction ne peut trouver de justification, lorsque la procédure n'a pas pour objet le prononcé de sanctions ayant le caractère d'une punition, qu'à la condition qu'elle soit fondée sur un motif d'intérêt général et que soient instituées par la loi des garanties propres à assurer le respect du principe d'impartialité ; 7. Considérant, d'une part, que la procédure de redressement judiciaire est ouverte à toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu'à toute personne morale de droit privé, qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements ; que cette procédure est destinée à permettre la poursuite de l'activité du débiteur, le maintien de l'emploi dans l'entreprise et l'apurement du passif ; 8. Considérant, d'autre part, que la procédure de liquidation judiciaire est ouverte à tout débiteur qui, ne pouvant faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible ; que cette procédure est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession de ses droits et biens ; 9. Considérant que les dispositions contestées confient au tribunal la faculté de se saisir d'office aux fins d'ouverture tant de la procédure de redressement judiciaire que de la procédure de liquidation judiciaire ; que ces dispositions permettent que, lorsque les conditions de son ouverture paraissent réunies, une procédure de redressement judiciaire ou une procédure de liquidation judiciaire ne soit pas retardée afin de tenir compte de la situation des salariés, des créanciers et des tiers ; que, par suite, le législateur a poursuivi un motif d'intérêt général ; 10. Considérant, toutefois, que ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition ne fixent les garanties légales ayant pour objet d'assurer qu'en se saisissant d'office le tribunal ne préjuge pas sa position lorsque, à l'issue de la procédure contradictoire, il sera appelé à statuer sur le fond du dossier au vu de l'ensemble des éléments versés au débat par les parties ; que, par suite, les dispositions contestées confiant au tribunal la faculté de se saisir d'office aux fins d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de la procédure de liquidation judiciaire méconnaissent les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; que, dès lors, les mots « se saisir d'office ou » figurant au deuxième alinéa de l'article L. 621-2 du code de commerce dans sa version applicable à la Polynésie française doivent être déclarés contraires à la Constitution ; 11. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; 12. Considérant que la déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la date de la publication de la présente décision ; qu'elle est applicable à tous les jugements d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou d'une procédure de liquidation judiciaire rendus postérieurement à cette date, D É C I D E : Article 1er.- Au deuxième alinéa de l'article L. 621-2 du code de commerce, dans sa version applicable à la Polynésie française, les mots : « se saisir d'office ou » sont contraires à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 12. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 novembre 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI. Rendu public le 15 novembre 2013.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 janvier 2014 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 163 du 22 janvier 2014), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Joël M., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 3 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour le requérant par la SCP BGBJ, avocat au barreau d'Épinal, enregistrées les 13 et 28 février 2014 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 13 février 2014 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Alain Bégel, avocat au barreau d'Épinal, pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 18 mars 2014 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que l'article 3 de l'ordonnance du 28 juin 1945 susvisée est relatif à la discipline des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires ; qu'aux termes de cet article : « Les peines disciplinaires sont : « 1° Le rappel à l'ordre ; « 2° La censure simple ; « 3° La censure devant la chambre assemblée ; « 4° La défense de récidiver ; « 5° L'interdiction temporaire ; « 6° La destitution » ; 2. Considérant que, selon le requérant, en ne prévoyant pas de durée maximale pour la peine d'interdiction temporaire, les dispositions contestées méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines, ainsi que les principes de nécessité et de proportionnalité des peines ; 3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le 5° de l'article 3 de l'ordonnance du 28 juin 1945 susvisée ; 4. Considérant que l'article 2 de l'ordonnance du 28 juin 1945 susvisée dispose : « Toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout fait contraire à la probité, à l'honneur ou à la délicatesse commis par un officier public ou ministériel, même se rapportant à des faits extraprofessionnels, donne lieu à sanction disciplinaire » ; que l'action disciplinaire peut être engagée devant la chambre de discipline du conseil régional de l'ordre ou devant le tribunal de grande instance ; que seul le tribunal de grande instance peut prononcer l'interdiction temporaire ; 5. Considérant que l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition ; que tel est le cas des peines disciplinaires instituées par l'article 3 de l'ordonnance du 28 juin 1945 susvisée ; 6. Considérant, en premier lieu, que le principe de légalité des peines impose au législateur de fixer les sanctions disciplinaires en des termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire ; 7. Considérant que la peine disciplinaire d'interdiction temporaire s'inscrit dans une échelle de peines disciplinaires énumérées par les dispositions de l'article 3 de l'ordonnance du 28 juin 1945 susvisée et dont la peine la plus élevée est la destitution qui implique, pour la personne condamnée, l'interdiction définitive d'exercer ; que, dès lors, le législateur pouvait, sans méconnaître le principe de légalité des peines, ne pas fixer de limite à la durée de l'interdiction temporaire ; 8. Considérant, en second lieu, que l'article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité des dispositions législatives soumises à son examen aux droits et libertés que la Constitution garantit ; que, si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer, en matière disciplinaire, de l'absence d'inadéquation manifeste entre les peines disciplinaires encourues et les obligations dont elles tendent à réprimer la méconnaissance ; 9. Considérant qu'aux termes de l'article 23 de l'ordonnance du 28 juin 1945 : « Les officiers publics ou ministériels interdits ne peuvent, pendant la durée de cette interdiction, exercer aucune activité dans leur office ou pour le compte de celui-ci » ; que, selon l'article 26, « l'officier public ou ministériel interdit ou destitué doit, dès l'époque où le jugement est devenu exécutoire s'abstenir de tout acte professionnel » ; qu'il ne peut notamment ni donner des consultations, ni rédiger des projets d'actes ni faire état dans sa correspondance de sa qualité d'officier public ou ministériel ; que l'article 20 prévoit la nomination d'un administrateur pour remplacer l'officier public ou ministériel interdit ; que l'administrateur perçoit à son profit les émoluments et autres rémunérations relatifs aux actes qu'il a accomplis et paie, à concurrence des produits de l'office, les charges afférentes au fonctionnement de celui-ci ; que l'officier public ou ministériel interdit conserve son droit de présentation ainsi que le droit d'exercer une autre activité professionnelle ; 10. Considérant qu'en prévoyant qu'un officier public ou ministériel qui a manqué aux devoirs de son état puisse être condamné à titre disciplinaire à une interdiction temporaire dans ces conditions, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe de nécessité des peines ; 11. Considérant qu'en outre, en confiant à une juridiction disciplinaire le soin de fixer la durée de l'interdiction temporaire en fonction de la gravité des manquements réprimés, ces dispositions ne méconnaissent pas le principe d'individualisation des peines ; 12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences résultant de l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; que les dispositions contestées, qui ne ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- Le 5° de l'article 3 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance 27 mars 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC et Mme Nicole MAESTRACCI. Rendu public le 28 mars 2014.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 janvier 2014 par la Cour de cassation (chambre criminelle, dix arrêts du 14 janvier 2014), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 943-4 et L. 943-5 du code rural et de la pêche maritime et posée par : - M. Bertrand L. (arrêt n° 7164 - QPC n° 2014-375) ; - M. Ludovic B. (arrêt n° 7165 - QPC n° 2014-376) ; - M. Franck Y., (arrêt n° 7166 - QPC n° 2014-377) ; - M. Luc L. (arrêt n° 7167 QPC n° 2014-378) ; - M. Ludovic L. (arrêt n° 7168 - QPC n° 2014-384) ; - M. Cyril P. et la Société P. et Fils (arrêt n° 7169 QPC n° 2014-380) ; - MM. Jérémy S. et Pascal M. (arrêt n° 7170 QPC n° 2014-379) ; - MM. Wilfried R. et Philippe M. (arrêt n° 7171 QPC n° 2014-382) ; - MM. Pascal M. et Bruno G. (arrêt n° 7172 QPC n° 2014 381) ; - MM. Claude et Maxime M. (arrêt n° 7173 - QPC n° 2014-383). LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code rural et de la pêche maritime ; Vu le code de procédure pénale ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 10 février 2014 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 10 février 2014 ; Vu les observations complémentaires produites par le Premier ministre à la demande du Conseil constitutionnel pour les besoins de l'instruction, enregistrées le 10 mars 2014 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Louis Boré, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour les requérants et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 11 mars 2014 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces questions prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 943-4 du code rural et de la pêche maritime, en cas de saisie conservatoire opérée dans le cadre de la pêche maritime : « Dans un délai qui ne peut excéder trois jours ouvrés à compter de la saisie, l'autorité compétente adresse au juge des libertés et de la détention du lieu de la saisie une requête accompagnée du procès-verbal de saisie afin que celui-ci confirme, par ordonnance prononcée dans un délai qui ne peut excéder trois jours, la saisie du navire, de l'engin flottant ou du véhicule ou décide de sa remise en libre circulation. « En tout état de cause, l'ordonnance doit être rendue dans un délai qui ne peut excéder six jours à compter de l'appréhension prévue à l'article L. 943-1 ou à compter de la saisie. « Toutefois, le délai de trois jours ouvrés prévu à l'article L. 943 1 pour la remise des biens appréhendés à l'autorité compétente pour les saisir peut être dépassé en cas de force majeure ou à la demande expresse du contrevenant. Dans ce cas, le délai de six jours entre l'appréhension du navire ou de l'engin flottant ou du véhicule et l'ordonnance de confirmation de la saisie prononcée par le juge des libertés et de la détention peut être dépassé de la même durée » ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 943-5 du code rural et de la pêche maritime : « La mainlevée de la saisie du navire, de l'engin flottant ou du véhicule est décidée par le juge des libertés et de la détention du lieu de la saisie contre le dépôt d'un cautionnement dont il fixe le montant et les modalités de versement dans les conditions fixées à l'article 142 du code de procédure pénale. « À défaut de versement du cautionnement au jour où il statue au fond, le tribunal peut prononcer la confiscation du navire, de l'engin flottant ou du véhicule s'il a été conservé en l'état et ordonner qu'il sera détruit, vendu, remis à un service de l'État ou à une institution spécialisée de l'enseignement maritime. En cas de vente, il statue sur la destination du produit de la vente. « En l'absence de saisine d'une juridiction pour statuer au fond et à défaut de versement du cautionnement, le procureur de la République saisit le juge des libertés et de la détention du lieu de la saisie pour qu'il statue sur le sort du bien saisi » ; 4. Considérant que les requérants font valoir que ces dispositions ne prévoient aucun recours juridictionnel permettant aux personnes dont le bien a fait l'objet d'une saisie confirmée par le juge des libertés et de la détention, et maintenue à défaut de versement d'un cautionnement fixé par ce magistrat, de contester, sans attendre le classement de l'affaire ou la saisine de la juridiction de jugement, la légalité et la proportionnalité de la saisie et du cautionnement ordonnés en dehors de tout débat contradictoire ; qu'en cela, elles méconnaîtraient le droit à un recours juridictionnel effectif, le droit de propriété, la liberté d'entreprendre et le droit au travail ; 5. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée n'a point de Constitution » ; que sont garantis par cette disposition, le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, ainsi que le principe du contradictoire ; 6. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; 7. Considérant que la liberté d'entreprendre découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789 ; qu'il est loisible au législateur d'apporter à cette liberté des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ; 8. Considérant qu'en vertu de l'article L. 943-1 du code rural et de la pêche maritime, les agents dont la liste est fixée à l'article L. 942-1 du même code sont habilités à rechercher et constater les infractions en matière de pêche maritime ; qu'ils peuvent à cet effet prendre des mesures conservatoires et notamment procéder à l'appréhension, en vue de les remettre à l'autorité compétente pour qu'elle ordonne leur saisie, des filets, des engins, des matériels, des équipements utilisés en plongée ou en pêche sous-marines, de tous instruments utilisés à des fins de pêche, des véhicules, des navires ou engins flottants ayant servi à pêcher ou à transporter des produits obtenus en infraction ainsi que des produits qui sont susceptibles de saisie ou des sommes reçues en paiement de ces produits et, plus généralement, de tout objet ayant servi à commettre l'infraction ou destiné à la commettre ; que la remise des biens appréhendés à l'autorité compétente doit intervenir dans un délai qui ne peut excéder trois jours ouvrés à compter de l'appréhension ; que cette autorité dispose d'un délai de trois jours pour ordonner la saisie ou la restitution des biens appréhendés ; qu'en vertu de l'article L. 943-3 du même code, les navires et engins flottants sont déroutés jusqu'au port désigné par l'autorité compétente et consignés entre les mains du service territorialement compétent ; 9. Considérant qu'en vertu de l'article L. 943-4 contesté, l'autorité doit adresser au juge des libertés et de la détention dans un délai de trois jours ouvrés à compter de la saisie, une requête accompagnée du procès-verbal de saisie afin que le magistrat confirme celle-ci ou décide la remise en circulation du navire, le juge devant alors statuer dans un délai de trois jours ; 10. Considérant qu'en vertu de l'article L. 943-5 contesté, en cas de confirmation de la saisie, le magistrat fixe le montant et les modalités de versement du cautionnement qui emportera la mainlevée de celle-ci ; qu'à défaut de ce versement, le tribunal peut, au jour où il statue au fond, prononcer la confiscation du navire, de l'engin flottant ou du véhicule s'il a été conservé en l'état et ordonner qu'il sera détruit, vendu, remis à un service de l'État ou à une institution spécialisée de l'enseignement maritime ; 11. Considérant, en premier lieu, que, d'une part, lorsque le tribunal correctionnel est saisi, l'article 478 du code de procédure pénale prévoit que le prévenu, la partie civile ou la personne civilement responsable, peut réclamer au tribunal la restitution des objets placés sous main de justice ; que le tribunal peut ordonner d'office cette restitution, mais aussi réduire le montant du cautionnement ; que, d'autre part, en vertu des deux premiers alinéas de l'article 41-4 du code de procédure pénale, lorsque la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution des objets, le procureur de la République ou le procureur général est compétent pour décider, d'office ou sur requête, de la restitution de ces objets lorsque la propriété n'en est pas sérieusement contestée, cette décision pouvant faire l'objet d'un recours devant la juridiction de jugement ; que, toutefois, les dispositions des articles 41-4 et 478 du code de procédure pénale ne trouvent à s'appliquer qu'après que la juridiction du fond a été saisie ; 12. Considérant, en second lieu, qu'en vertu des dispositions contestées, le juge des libertés et de la détention confirme la saisie, au terme d'une procédure qui n'est pas contradictoire, par une décision qui n'est pas susceptible de recours ; qu'ainsi, pendant toute la durée de l'enquête, la personne dont le navire est saisi ne dispose d'aucune voie de droit lui permettant de contester la légalité ou le bien-fondé de la mesure ainsi que le montant du cautionnement ; qu'elle ne peut davantage demander la mainlevée de la saisie ou du cautionnement ; que lorsque la juridiction n'est pas saisie de poursuites, le dernier alinéa de l'article L. 943-5 du code rural et de la pêche maritime prévoit, par dérogation aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article 41-4 du code de procédure pénale précité, que seul le procureur de la République peut saisir le juge compétent pour statuer sur le sort du bien saisi ; 13. Considérant, au surplus, qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article L. 943-5 précité, le seul fait de ne pas s'être acquitté du montant du cautionnement fixé par le juge des libertés et de la détention permet au tribunal d'ordonner la confiscation du navire lorsqu'il statue au fond ; qu'aucune disposition ne réserve par ailleurs les droits des propriétaires de bonne foi ; 14. Considérant qu'au regard des conséquences qui résultent de l'exécution de la mesure de saisie, la combinaison du caractère non contradictoire de la procédure et de l'absence de voie de droit permettant la remise en cause de la décision du juge autorisant la saisie et fixant le cautionnement conduit à ce que la procédure prévue par les articles L. 943-4 et L. 943-5 méconnaisse les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 et prive de garanties légales la protection constitutionnelle de la liberté d'entreprendre et du droit de propriété ; 15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, les articles L. 943-4 et L. 943-5 du code rural et de la pêche maritime doivent être déclarés contraires à la Constitution ; 16. Considérant que la déclaration d'inconstitutionnalité des articles L. 943-4 et L. 943-5 du code rural et de la pêche maritime prend effet à compter de la date de la publication de la présente décision ; qu'elle est applicable aux affaires nouvelles ainsi qu'aux affaires non jugées définitivement à cette date, D É C I D E : Article 1er.- Les articles L. 943-4 et L. 943-5 du code rural et de la pêche maritime sont contraires à la Constitution. Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 16. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 mars 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC et Mme Nicole MAESTRACCI. Rendu public le 21 mars 2014.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 mars 2014, par le Premier ministre, dans les conditions prévues par le second alinéa de l'article 37 de la Constitution, d'une demande tendant à ce qu'il se prononce sur la nature juridique des dispositions de l'article L. 723-23 du code rural et de la pêche maritime. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution, notamment ses articles 34 et 37 ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 24, 25 et 26 ; Vu le code rural et de la pêche maritime ; Vu le code électoral ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que la section 2 du chapitre III du titre II du livre VII du code rural et de la pêche maritime, intitulé « Assemblées générales et conseils d'administration des caisses de mutualité sociale agricole », comprend les articles L. 723-14 à L. 723-40 ; que l'article L. 723-14 dispose : « Les caisses de mutualité sociale agricole et la caisse centrale de la mutualité sociale agricole sont administrées par les conseils d'administration de la mutualité sociale agricole élus par les assemblées générales de la mutualité sociale agricole, élues elles-mêmes dans les conditions fixées à la présente section » ; que les dispositions de l'article L. 723-23 sont relatives à l'élection des délégués cantonaux qui forment l'assemblée générale départementale de la mutualité sociale agricole ; que le premier alinéa prévoit que les trois collèges qui composent le corps électoral votent le même jour ; que le deuxième alinéa dispose que le vote a lieu par correspondance sous pli fermé ; que le troisième alinéa confie à une commission présidée par le représentant de l'État dans la région la compétence pour proclamer les résultats ; 2. Considérant que l'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les principes fondamentaux de la sécurité sociale ; que figure au nombre de ces principes celui de l'administration des caisses de sécurité sociale par des représentants élus des personnes qui sont assujetties aux régimes gérés par ces caisses ; que les dispositions de l'article L. 723-23 fixent certaines modalités d'organisation de l'élection ; qu'elles ne mettent en cause ni le principe de l'élection des représentants aux assemblées générales de la mutualité sociale agricole ni aucun autre règle ou principe placés par la Constitution dans le domaine de la loi ; que, par suite, elles ont le caractère réglementaire, D É C I D E : Article 1er.- Les dispositions de l'article L. 723-23 du code rural et de la pêche maritime ont le caractère réglementaire. Article 2.- La présente décision sera notifiée au Premier ministre et publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 mars 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC et Mme Nicole MAESTRACCI.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 janvier 2014 par le Conseil d'État (décision n° 373237 du 27 janvier 2014), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la collectivité de Saint-Barthélemy, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 3° du paragraphe II de l'article 104 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007, dans sa rédaction issue de l'article 6 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2007-547 DC du 15 février 2007 ; Vu la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 ; Vu la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 ; Vu le code général des collectivités territoriales ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations produites pour la collectivité requérante par la SCP de Chaisemartin-Courjon, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et le CMS Bureau Francis Lefebvre, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées le 17 février 2014 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 5 mars 2014 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Arnaud de Chaisemartin et Me Stéphane Austry pour la collectivité requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 18 mars 2014 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que le paragraphe II de l'article 104 de la loi du 25 décembre 2007 susvisée définit les modalités de calcul de la dotation globale de compensation de Saint-Barthélemy visée à l'article L.O. 6371-5 du code général des collectivités territoriales ; qu'aux termes du 3° de ce paragraphe II, dans sa rédaction issue de l'article 6 de la loi du 30 décembre 2008 susvisée : « 3° La dotation globale de compensation visée au 1° est abondée : « - d'un montant correspondant à la différence entre la fiscalité émise et la fiscalité perçue par l'État sur le territoire de la collectivité ; « - d'un montant correspondant à la différence entre la fiscalité émise au profit de la région de la Guadeloupe sur le territoire de la collectivité et la fiscalité recouvrée par l'État à ce titre ; « - d'un montant correspondant à la différence entre la fiscalité émise au profit du département de la Guadeloupe sur le territoire de la collectivité et la fiscalité recouvrée par l'État à ce titre ; « - d'un montant correspondant à la différence entre la fiscalité émise au profit de la commune de Saint-Barthélemy et la fiscalité recouvrée par l'État à ce titre ; « - d'un montant correspondant à la moyenne annuelle du produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation routière reversé par l'État à la commune de Saint-Barthélemy au titre des exercices 1998 à 2007 inclus, conformément aux dispositions des articles L. 2334-24 et L. 2334-25 du code général des collectivités territoriales ; « - du montant correspondant à la moyenne annuelle des crédits de paiement de la dotation globale d'équipement des communes versés à la commune de Saint-Barthélemy au titre des exercices 1998 à 2007 inclus, en application des articles L. 2334-32 à L. 2334-34 du même code ; « - du montant cumulé de dotation globale de fonctionnement, calculé au profit de la collectivité de Saint-Barthélemy en 2008, en application de l'article L. 6264-3 du même code ; « - et du montant de dotation globale de construction et d'équipement scolaire, calculé au profit de la collectivité de Saint-Barthélemy en 2008, en application de l'article L. 6264-5 du même code. « Le montant de la dotation globale de compensation, après abondements, fait l'objet d'un titre de perception émis chaque année par le préfet de la région Guadeloupe durant le mois de janvier de l'année considérée, pour paiement au plus tard six mois après son émission. Par exception, pour la récupération du trop-versé en 2008, il est émis deux titres de perception, l'un en 2009, l'autre en 2010, portant chacun sur un montant de 2 814 129 EUR » ; 2. Considérant que la collectivité requérante soutient qu'en permettant à l'État « la récupération du trop-versé », lorsque le calcul de la dotation globale de compensation fait apparaître un excédent des ressources de la collectivité de Saint-Barthélemy sur les charges transférées, ces dispositions méconnaissent les exigences qui résultent des articles 72, 72-2 et 74 de la Constitution et portent atteinte au droit au respect des situations légalement acquises ; 3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le dernier alinéa du 3° du paragraphe II de l'article 104 de la loi du 25 décembre 2007 susvisée, dans sa rédaction issue de l'article 6 de la loi du 30 décembre 2008 susvisée ; - SUR LES GRIEFS TIRÉS DE LA MÉCONNAISSANCE DES EXIGENCES QUI RÉSULTENT DES ARTICLES 72, 72-2 ET 74 DE LA CONSTITUTION : 4. Considérant que la collectivité requérante fait valoir que les dispositions contestées empiètent sur le domaine de compétence du législateur organique pour fixer les règles en matière de répartition des compétences et des ressources entre l'État et une collectivité territoriale régie par l'article 74 de la Constitution ; 5. Considérant que, selon la collectivité requérante, en autorisant l'État à émettre un titre de perception à son encontre lorsque le calcul de la dotation globale de compensation fait apparaître un solde négatif, les dispositions contestées méconnaissent le principe de libre administration des collectivités territoriales ; qu'en outre, la collectivité requérante soutient que ces dispositions portent atteinte au statut d'autonomie qui a été conféré à Saint-Barthélemy en application de l'article 74 en permettant que les ressources fiscales transférées à cette collectivité puissent faire l'objet d'un prélèvement au profit de l'État ; 6. Considérant que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ; que, si, en vertu des articles 72 et 72-2 de la Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus » et « bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement », chacune d'elles le fait « dans les conditions prévues par la loi » ; qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 72-2 : « Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi » ; 7. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 74 de la Constitution : « Les collectivités d'outre-mer régies par le présent article ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République » ; qu'aux termes du deuxième alinéa du même article : « ce statut est défini par une loi organique, adoptée après avis de l'assemblée délibérante. . . » ; . En ce qui concerne l'atteinte au domaine réservé par la Constitution à la loi organique : 8. Considérant que la méconnaissance, par le législateur, du domaine que la Constitution a réservé à la loi organique, ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ; que, par suite, le grief doit, en tout état de cause, être écarté ; . En ce qui concerne la méconnaissance des principes de la libre administration et de l'autonomie des collectivités régies par l'article 74 de la Constitution : 9. Considérant qu'il résulte de l'article L.O. 6214-1 du code général des collectivités territoriales, issu de la loi organique du 21 février 2007 susvisée, que le législateur organique a confié à la collectivité de Saint-Barthélemy régie par l'article 74 de la Constitution l'exercice des « compétences dévolues par les lois et règlements en vigueur aux communes, ainsi que celles dévolues au département de la Guadeloupe et à la région de la Guadeloupe » ; qu'en vertu de l'article L.O. 6214-3 du même code, la collectivité est habilitée à fixer les règles applicables dans certaines matières, notamment en matière d'« impôts, droits et taxes dans les conditions prévues à l'article L.O. 6214-4 » ; qu'aux termes de l'article L.O. 6271-4 du même code : « Tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétences effectués entre l'État, la région ou le département de la Guadeloupe ou la commune de Saint-Barthélemy et la collectivité de Saint-Barthélemy est accompagné du transfert concomitant à la collectivité de Saint-Barthélemy des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences » ; que, selon le premier alinéa de l'article L.O. 6271-5 du même code, « les charges mentionnées à l'article L.O. 6271-4 sont compensées par le transfert d'impôts, la dotation globale de fonctionnement instituée par l'article L. 6264-3, la dotation globale de construction et d'équipement scolaire instituée par l'article L. 6264-5 et, pour le solde, par l'attribution d'une dotation globale de compensation inscrite au budget de l'État. La loi de finances précise chaque année le montant de cette dotation » ; que, selon le deuxième alinéa du même article, pour l'évaluation du produit des impositions transférées, « est retenu le montant total des produits fiscaux recouvrés au titre d'impositions établies sur le territoire de la commune de Saint-Barthélemy, au profit de la commune, du département, de la région et de l'État, la pénultième année précédant celle de l'entrée en vigueur de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 » ; qu'ainsi qu'il résulte de la réserve d'interprétation formulée au considérant 25 de la décision du Conseil constitutionnel du 15 février 2007 susvisée, le calcul de la compensation résultant des transferts de compétences doit nécessairement prendre en compte le montant des recettes qu'aurait dû percevoir l'État la pénultième année précédant celle de l'entrée en vigueur de la loi organique ; 10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions organiques relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy que, d'une part, les charges transférées à cette collectivité lors de sa création sont compensées par le transfert, à titre principal, de ressources fiscales et à titre subsidiaire, de dotations et que, d'autre part, le solde de cette compensation est assuré par la dotation globale de compensation ; que les dispositions contestées, qui précisent les modalités de mise en oeuvre de l'ajustement de la compensation financière au moyen de la dotation globale de compensation, ont pour seul objet d'assurer l'équilibre financier de la compensation des transferts de compétences à la collectivité de Saint-Barthélemy ; que ces dispositions, ne portent, en elles-mêmes, aucune atteinte à la libre administration de cette collectivité ; 11. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions contestées sont prises en application des dispositions organiques relatives à la compensation financière des compétences transférées à la collectivité de Saint-Barthélemy ; que, pour le calcul de cette compensation, les ressources fiscales transférées sont prises en compte pour leur produit potentiel en 2005, et que l'évolution ultérieure de ces ressources est sans incidence sur le calcul de cette compensation et sur le montant de la dotation globale de compensation ; que, par suite, les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de modifier l'étendue de la compétence de la collectivité de Saint-Barthélemy en matière de fiscalité ; qu'elles n'ont pas non plus pour effet de réduire les ressources propres de cette collectivité dans des proportions telles que serait méconnue son autonomie financière ; 12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance des principes de la libre administration et de l'autonomie financière des collectivités territoriales régies par l'article 74 de la Constitution doivent être écartés ; - SUR LE GRIEF TIRÉ DE L'ATTEINTE À UNE SITUATION LÉGALEMENT ACQUISE : 13. Considérant que la collectivité requérante soutient qu'il résultait des dispositions législatives organiques et ordinaires en vigueur au 31 décembre 2008 qu'elle pouvait légitimement attendre des effets de ces dispositions que le transfert de compétences résultant de la loi organique du 21 février 2007 susvisée ne ferait naître aucune créance au profit de l'État ; que, par conséquent, les dispositions contestées méconnaîtraient les exigences de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; 14. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; 15. Considérant qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; qu'en particulier, il ne saurait, sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations ; 16. Considérant que les dispositions des articles L.O. 6271-4 et L.O. 6271-5 du code général des collectivités territoriales ont défini les conditions dans lesquelles doit être assurée la compensation financière des charges transférées à la collectivité de Saint-Barthélemy ; que le 3° du paragraphe II de l'article 104 de la loi du 25 décembre 2007 susvisée a précisé les conditions de calcul de la dotation globale de compensation destinée à ajuster les ressources transférées aux charges transférées ; que ces dispositions n'avaient ni pour objet ni pour effet de garantir que la dotation globale de compensation assurant le « solde » de la compensation financière du transfert de compétences ne puisse être mise à la charge de la collectivité de Saint-Barthélemy ; que, par suite, le dernier alinéa du 3° du paragraphe II de l'article 104 de la loi du 25 décembre 2007 susvisée, dans sa rédaction issue de l'article 6 de la loi du 30 décembre 2008 susvisée, qui précise les modalités de versement de cette dotation globale de compensation par la collectivité de Saint-Barthélemy à l'État, ne porte pas atteinte à une situation légalement acquise et ne remet pas en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus d'une telle situation ; que, par suite, le grief tiré de l'atteinte aux exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ; 17. Considérant que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution ; D É C I D E : Article 1er.- Le dernier alinéa du 3° du paragraphe II de l'article 104 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007, dans sa rédaction issue de l'article 6 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, est conforme à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 mars 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC et Mme Nicole MAESTRACCI. Rendu public le 28 mars 2014.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à la géolocalisation, le 27 février 2014, par MM. Bruno LE ROUX, Avi ASSOULY, Alexis BACHELAY, Jean-Paul BACQUET, Dominique BAERT, Gérard BAPT, Serge BARDY, Christian BATAILLE, Mme Kheria BOUZIANE, MM. Jean-Louis BRICOUT, Jean-Jacques BRIDEY, Alain CALMETTE, Mme Colette CAPDEVIELLE, M. Christophe CARESCHE, Mme Fanélie CARREY-CONTE, M. Christophe CASTANER, Mme Marie-Anne CHAPDELAINE, M. Alain CLAEYS, Mmes Marie-Françoise CLERGEAU, Carole DELGA, Françoise DESCAMPS-CROSNIER, MM. Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Mme Laurence DUMONT, MM. Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Matthias FEKL, Jean Pierre FOUGERAT, Mme Michèle FOURNIER-ARMAND, MM. Christian FRANQUEVILLE, Jean-Marc GERMAIN, Jean-Patrick GILLE, Marc GOUA, Mme Chantal GUITTET, M. Régis JUANICO, Mme Chaynesse KHIROUNI, M. Jean-Marie LE GUEN, Mme Annie LE HOUEROU, M. Michel LEFAIT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, MM. François LONCLE, Jean Philippe MALLÉ, Mme Jacqueline MAQUET, M. Jean-René MARSAC, Mme Sandrine MAZETIER, MM. Michel MÉNARD, Kléber MESQUIDA, Pierre-Alain MUET, Philippe NAUCHE, Mme Ségolène NEUVILLE, M. Philippe PLISSON, Mme Émilienne POUMIROL, MM. Michel POUZOL, Denys ROBILIARD, Mme Odile SAUGUES, MM. Gilbert SAUVAN, Christophe SIRUGUE, Mme Julie SOMMARUGA, M. Gérard TERRIER, Mme Sylvie TOLMONT, MM. Jean-Louis TOURAINE et Jean-Jacques URVOAS, députés. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code de procédure pénale ; Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 18 mars 2014 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la géolocalisation ; qu'ils demandent au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité aux droits de la défense de l'article 230-40 du code de procédure pénale tel qu'il résulte de l'article 1er ; - SUR L'ARTICLE 1er : 2. Considérant que l'article 1er de la loi complète le titre IV du livre Ier du code de procédure pénale par un chapitre V intitulé « De la géolocalisation » et comprenant les articles 230-32 à 230-44 ; 3. Considérant que l'article 230-32 définit la géolocalisation comme « tout moyen technique destiné à la localisation en temps réel, sur l'ensemble du territoire national, d'une personne, à l'insu de celle-ci, d'un véhicule ou de tout autre objet, sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur » ; que les articles 230-32 et 230-33 définissent les cas dans lesquels le recours à cette technique de surveillance peut être autorisé ainsi que les modalités et la durée de cette autorisation ; 4. Considérant que l'article 230-34 définit les conditions dans lesquelles le procureur de la République, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention, selon le type d'enquête ou d'instruction et l'incrimination des faits, peuvent, lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction l'exigent, autoriser l'introduction dans certains lieux privés ou dans un véhicule aux fins de mettre en place ou de retirer le moyen technique permettant la géolocalisation ; 5. Considérant que l'article 230-35 prévoit qu'en cas d'urgence résultant d'un risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes ou aux biens, les opérations de géolocalisation peuvent être mises en place ou prescrites par un officier de police judiciaire qui en informe immédiatement le procureur de la République ou le juge d'instruction, lequel peut en ordonner la mainlevée ; 6. Considérant que les articles 230-38 et 230-39 prévoient que l'officier de police judiciaire dresse procès-verbal des opérations de mise en place du moyen technique de géolocalisation, des opérations d'enregistrement des données de localisation et des données enregistrées qui sont utiles à la manifestation de la vérité ; que l'article 230-43 prévoit la destruction des enregistrements des données de localisation à l'expiration du délai de prescription de l'action publique ; 7. Considérant que les articles 230-40 à 230-42 fixent les conditions dans lesquelles le juge des libertés et de la détention peut autoriser que certaines informations relatives à l'installation ou au retrait du moyen technique de géolocalisation ou l'enregistrement des données de localisation et les éléments permettant d'identifier une personne ayant concouru à l'installation ou au retrait du moyen technique n'apparaissent pas dans le dossier de la procédure d'instruction ; 8. Considérant que l'article 230-44 prévoit que les dispositions du chapitre V précité ne sont pas applicables lorsque les opérations de géolocalisation ont pour objet la localisation d'un équipement terminal de communication électronique, d'un véhicule ou de tout autre objet dont le propriétaire ou le possesseur légitime est la victime de l'infraction sur laquelle porte l'enquête ou l'instruction ou la personne disparue, dès lors que ces opérations ont pour objet de retrouver la victime, l'objet qui lui a été dérobé ou la personne disparue ; . En ce qui concerne la mise en oeuvre de la géolocalisation : 9. Considérant que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale ; que, s'agissant de la procédure pénale, cette exigence s'impose notamment pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions ; 10. Considérant qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des droits et des libertés constitutionnellement garantis ; qu'au nombre de celles-ci figurent la liberté d'aller et venir, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et le droit au respect de la vie privée, l'inviolabilité du domicile et le secret des correspondances, protégés par son article 2 ; 11. Considérant qu'il résulte de l'article 66 de la Constitution que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire ; 12. Considérant que si le législateur peut prévoir des mesures d'investigation spéciales en vue de constater des crimes et délits d'une gravité et d'une complexité particulières, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, c'est sous réserve, d'une part, que les restrictions qu'elles apportent aux droits constitutionnellement garantis soient proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et n'introduisent pas de discriminations injustifiées et, d'autre part, que ces mesures soient conduites dans le respect des prérogatives de l'autorité judiciaire à qui il incombe en particulier de garantir que leur mise en oeuvre soit nécessaire à la manifestation de la vérité ; - Quant au droit au respect de la vie privée : 13. Considérant que la géolocalisation est une mesure de police judiciaire consistant à surveiller une personne au moyen de procédés techniques en suivant, en temps réel, la position géographique d'un véhicule que cette personne est supposée utiliser ou de tout autre objet, notamment un téléphone, qu'elle est supposée détenir ; que la mise en oeuvre de ce procédé n'implique pas d'acte de contrainte sur la personne visée ni d'atteinte à son intégrité corporelle, de saisie, d'interception de correspondance ou d'enregistrement d'image ou de son ; que l'atteinte à la vie privée qui résulte de la mise en oeuvre de ce dispositif consiste dans la surveillance par localisation continue et en temps réel d'une personne, le suivi de ses déplacements dans tous lieux publics ou privés ainsi que dans l'enregistrement et le traitement des données ainsi obtenues ; 14. Considérant que le recours à la géolocalisation ne peut avoir lieu que lorsque l'exigent les nécessités de l'enquête ou de l'instruction concernant un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'au moins trois ans, s'agissant d'atteinte aux personnes, d'aide à l'auteur ou au complice d'un acte de terrorisme ou d'évasion, ou d'au moins cinq ans d'emprisonnement, s'agissant de toute autre infraction, ainsi qu'à des enquêtes ou instructions portant sur la recherche des causes de la mort, des causes de la disparition d'une personne ou des procédures de recherche d'une personne en fuite ; 15. Considérant que le recours à la géolocalisation est placé sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire ; que, dans les cas prévus par le 1° de l'article 230-33, le procureur de la République ne peut l'autoriser que pour une durée maximale de 15 jours consécutifs ; qu'à l'issue de ce délai, elle est autorisée par le juge des libertés et de la détention pour une durée maximale d'un mois renouvelable ; que, dans les cas prévus au 2° du même article, le juge d'instruction peut l'autoriser pour une durée maximale de quatre mois renouvelable ; que, lorsqu'en cas d'urgence elle est mise en place ou prescrite par un officier de police judiciaire, le procureur de la République ou le juge d'instruction, immédiatement informé, peut en prescrire la mainlevée ; - Quant à l'inviolabilité du domicile : 16. Considérant que, lorsque la mise en place ou le retrait du moyen technique permettant la géolocalisation rend nécessaire l'introduction, y compris de nuit, dans un lieu privé, celle-ci doit être autorisée par décision écrite, selon le cas, du procureur de la République, du juge d'instruction ou du juge de la liberté et de la détention, au regard de la gravité et de la complexité des faits et des nécessités de l'enquête ou de l'instruction ; qu'en cas d'urgence défini à l'article 230-35, l'opération peut être mise en place par l'officier de police judiciaire qui en informe immédiatement le magistrat qui dispose de vingt quatre heures pour prescrire par décision écrite la poursuite des opérations ; que, si l'introduction dans un lieu d'habitation est nécessaire, l'opération ne peut, en tout état de cause, être mise en place sans l'autorisation préalable du juge compétent donnée par tout moyen ; que l'introduction dans des lieux privés à usage d'entrepôt ou dans un véhicule sur la voie publique ou dans de tels lieux n'est possible que si l'opération est exigée pour les nécessités d'une enquête ou d'une instruction relative à un crime ou un délit contre les personnes ou pour des délits particuliers, punis d'un emprisonnement d'au moins trois ans ; que, s'il s'agit d'un autre lieu privé, l'introduction n'est possible que lorsque l'enquête ou l'instruction est relative à un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement ou dans le cas d'une procédure ou d'une instruction pour recherche des causes de la mort ou de la disparition, ou d'une procédure de recherche d'une personne en fuite ; que le cinquième alinéa de l'article 230-34 interdit la mise en place d'un moyen technique de géolocalisation dans l'un des lieux mentionnés aux articles 56-1 à 56-4 du code de procédure pénale et dans le bureau ou le domicile des personnes mentionnées à son article 100-7 ; 17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le législateur a entouré la mise en oeuvre de la géolocalisation de mesures de nature à garantir que, placées sous l'autorisation et le contrôle de l'autorité judiciaire, les restrictions apportées aux droits constitutionnellement garantis soient nécessaires à la manifestation de la vérité et ne revêtent pas un caractère disproportionné au regard de la gravité et de la complexité des infractions commises ; que, par ces dispositions, le législateur n'a pas opéré entre les droits et libertés en cause une conciliation déséquilibrée ; . En ce qui concerne le dossier de la procédure : 18. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ainsi que le respect des droits de la défense qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ; 19. Considérant que l'officier de police judiciaire ou l'agent de police judiciaire agissant sous sa responsabilité dresse procès-verbal de chacune des opérations de mise en place du moyen de géolocalisation et des opérations d'enregistrement des données de localisation, qui mentionne la date et l'heure auxquelles l'opération a commencé et celles auxquelles elle s'est terminée ; qu'il décrit ou transcrit, dans un procès-verbal versé au dossier, les données enregistrées utiles à la manifestation de la vérité ; que, toutefois, les dispositions de l'article 230-40 permettent que les informations relatives à la date, l'heure et le lieu où le moyen technique de géolocalisation a été installé ou retiré, ainsi que l'enregistrement des données de localisation et les éléments permettant d'identifier une personne ayant concouru à l'installation ou au retrait de ce moyen, n'apparaissent pas dans le dossier de la procédure mais soient inscrits dans un procès-verbal versé dans un dossier distinct de la procédure auquel les parties n'ont pas accès et dans lequel figure également la requête du juge d'instruction aux fins de mise en œuvre de cette procédure ; que ces informations sont inscrites sur un registre coté et paraphé ouvert à cet effet au tribunal de grande instance ; - Quant aux articles 230-40 et 230-41 : 20. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 230-40, cette possibilité n'est ouverte que dans le cadre d'une information judiciaire portant sur des crimes et délits relevant de la criminalité ou la délinquance organisées entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 du code de procédure pénale ; qu'elle n'est permise que lorsque, d'une part, « la connaissance de ces informations est susceptible de mettre gravement en danger la vie ou l'intégrité physique d'une personne, des membres de sa famille ou de ses proches » et, d'autre part, lorsque cette connaissance « n'est ni utile à la manifestation de la vérité ni indispensable à l'exercice des droits de la défense » ; que l'autorisation d'y recourir est prise par décision motivée du juge des libertés et de la détention saisi par requête motivée du juge d'instruction ; 21. Considérant, en deuxième lieu, que, si la procédure prévue à l'article 230-40 est mise en œuvre, sont néanmoins versées à la procédure la décision écrite du magistrat autorisant la géolocalisation en application de l'article 230-33, la décision du magistrat autorisant, le cas échéant, l'introduction dans un lieu privé en application de l'article 230-34, la décision du juge des libertés et de la détention autorisant le recours à la procédure prévue à l'article 230-40 ainsi que les opérations d'enregistrement des données de localisation qui ne permettent pas d'identifier une personne ayant concouru à l'installation ou au retrait du moyen technique de géolocalisation ; 22. Considérant, en troisième lieu, que l'article 230-41 dispose que la personne mise en examen ou le témoin assisté peut contester devant le président de la chambre de l'instruction le recours à la procédure prévue par l'article 230-40 ; que ce magistrat peut annuler la géolocalisation s'il estime que les opérations de géolocalisation n'ont pas été réalisées de façon régulière, que les conditions prévues par l'article 230-40 ne sont pas réunies ou que les informations qui n'ont pas été versées à la procédure sont indispensables à l'exercice des droits de la défense ; qu'il peut également ordonner le versement de ces informations au dossier de la procédure s'il estime que leur connaissance n'est pas ou n'est plus susceptible de mettre gravement en danger la vie ou l'intégrité physique d'une personne, des membres de sa famille ou de ses proches ; 23. Considérant que, toutefois, le délai de dix jours dans lequel la personne mise en examen ou le témoin assisté peut contester le recours à la procédure prévue par l'article 230-40 court « à compter de la date à laquelle il lui a été donné connaissance du contenu des opérations de géolocalisation réalisées dans le cadre prévu » à cet article ; qu'eu égard à la complexité des investigations en matière de criminalité et de délinquance organisées, ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître les droits de la défense, être interprétées comme permettant que le délai de dix jours commence à courir avant que la décision du juge des libertés et de la détention rendue en application de l'article 230-40 ne soit formellement portée à la connaissance de la personne mise en examen ou du témoin assisté ; qu'en outre, les droits de la défense seraient également méconnus si la chambre de l'instruction, saisie dans les conditions prévues par les articles 170 et suivants du code de procédure pénale, aux fins d'annulation des actes relatifs aux autorisations d'installation du dispositif technique de géolocalisation et à leur enregistrement, ne pouvait également exercer le contrôle et prendre les décisions prévus par l'article 230-41 dudit code ; 24. Considérant que, sous les réserves énoncées au considérant précédent, les dispositions des articles 230-40 et 230-41 ne sont pas contraires à l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; - Quant à l'article 230-42 : 25. Considérant que le principe du contradictoire et le respect des droits de la défense impliquent en particulier qu'une personne mise en cause devant une juridiction répressive ait été mise en mesure, par elle-même ou par son avocat, de contester les conditions dans lesquelles ont été recueillis les éléments de preuve qui fondent sa mise en cause ; 26. Considérant que l'article 230-42 prévoit qu'aucune condamnation ne peut être prononcée « sur le seul fondement » des éléments recueillis dans les conditions prévues à l'article 230 40, sauf si la requête et le procès-verbal mentionnés au dernier alinéa de ce même article ont été versés au dossier en application de l'article 230-41 ; qu'en permettant ainsi qu'une condamnation puisse être prononcée sur le fondement d'éléments de preuve alors que la personne mise en cause n'a pas été mise à même de contester les conditions dans lesquelles ils ont été recueillis, ces dispositions méconnaissent les exigences constitutionnelles qui résultent de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite, à l'article 230-42, le mot « seul » doit être déclaré contraire à la Constitution ; que, par voie de conséquence, sauf si la requête et le procès-verbal mentionnés au dernier alinéa de l'article 230-40 ont été versés au dossier en application de l'article 230-41, il appartiendra à la juridiction d'instruction d'ordonner que les éléments recueillis dans les conditions prévues à l'article 230-40 soient retirés du dossier de l'information avant la saisine de la juridiction de jugement ; que, pour le surplus et sous cette réserve, l'article 230-42 ne méconnaît pas l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; 27. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sous les réserves énoncées aux considérants 23 et 26, le surplus de l'article 1er de la loi, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, doit être déclaré conforme à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 3 : 28. Considérant qu'aux termes de la seconde phrase du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis » ; 29. Considérant que l'article 3 modifie l'article 706-161 du code de procédure pénale pour modifier les compétences de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués ; que cet article, introduit par voie d'amendement au Sénat en première lecture, ne présente pas de lien avec les dispositions qui figuraient dans le projet de loi ; que, par suite, il a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution ; 30. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de constitutionnalité, D É C I D E : Article 1er.- Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative à la géolocalisation : - à l'article 1er, le mot « seul » figurant à l'article 230-42 du code de procédure pénale ; - l'article 3. Article 2.- Sous les réserves énoncées aux considérants 23 et 26, le surplus de l'article 1er de la même loi est conforme à la Constitution. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 25 mars 2014 où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC et Mme Nicole MAESTRACCI.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, le 24 février 2014, par MM. Jean-Claude GAUDIN, Pierre ANDRÉ, Gérard BAILLY, Philippe BAS, René BEAUMONT, Michel BÉCOT, Jean BIZET, Mme Françoise BOOG, MM. Pierre BORDIER, Joël BOURDIN, Mme Marie-Thérèse BRUGUIÈRE, MM. François-Noël BUFFET, Christian CAMBON, Jean Pierre CANTEGRIT, Jean-Noël CARDOUX, Jean-Claude CARLE, Mme Caroline CAYEUX, MM. Gérard CÉSAR, Pierre CHARON, Alain CHATILLON, Jean-Pierre CHAUVEAU, Christian COINTAT, Gérard CORNU, Raymond COUDERC, Jean-Patrick COURTOIS, Philippe DALLIER, Serge DASSAULT, Mme Isabelle DEBRÉ, MM. Francis DELATTRE, Robert DEL PICCHIA, Gérard DÉRIOT, Mmes Catherine DEROCHE, Marie Hélène DES ESGAULX, MM. Éric DOLIGÉ, Michel DOUBLET, Mme Marie-Annick DUCHÊNE, MM. Alain DUFAUT, André DULAIT, Ambroise DUPONT, Louis DUVERNOIS, Jean-Paul EMORINE, André FERRAND, Bernard FOURNIER, Yann GAILLARD, René GARREC, Mme Joëlle GARRIAUD MAYLAM, MM. Jacques GAUTIER, Patrice GÉLARD, Bruno GILLES, Alain GOURNAC, Francis GRIGNON, Charles GUENÉ, Pierre HÉRISSON, Michel HOUEL, Jean François IMBERT, Benoît HURÉ, Jean-François HUSSON, Jean Jacques HYEST, Roger KAROUTCHI, Mme Elisabeth LAMURE, MM. Robert LAUFOAULU, Daniel LAURENT, Jean-René LECERF, Antoine LEFÈVRE, Jacques LEGENDRE, Dominique de LEGGE, Jean Pierre LELEUX, Jean-Claude LENOIR, Philippe LEROY, Roland du LUART, Michel MAGRAS, Pierre MARTIN, Jean-François MAYET, Mme Colette MÉLOT, MM. Alain MILON, Albéric de MONTGOLFIER, Philippe NACHBARD, Philippe PAUL, Jackie PIERRE, François PILLET, Xavier PINTAT, Rémy POINTEREAU, Ladislas PONIATOWSKI, Mmes Sophie PRIMAS, Catherine PROCACCIA, MM. Jean-Pierre RAFFARIN, Henri de RAINCOURT, André REICHARDT, Bruno RETAILLEAU, Charles REVET, Bernard SAUGEY, René-Paul SAVARY, Bruno SIDO, Mme Esther SITTLER, M. André TRILLARD, Mme Catherine TROENDLE, MM. François TRUCY et Jean-Pierre VIAL, et le 26 février 2014, par MM. Jean-Paul FOURNIER et Michel SAVIN, sénateurs ; Et le 24 février 2014, par MM. Christian JACOB, Damien ABAD, Elie ABOUD, Yves ALBARELLO, Benoist APPARU, Jean-Pierre BARBIER, Sylvain BERRIOS, Philippe BRIAND, Dominique BUSSEREAU, Gilles CARREZ, Yves CENSI, Guillaume CHEVROLLIER, Éric CIOTTI, François CORNUT-GENTILLE, Jean-Louis COSTES, Mme Marie-Christine DALLOZ, MM. Gérald DARMANIN, Olivier DASSAULT, Bernard DEFLESSELLES, Jean-Pierre DOOR, Mmes Marianne DUBOIS, Virginie DUBY-MULLER, MM. Christian ESTROSI, Daniel FASQUELLE, Georges FENECH, Mme Marie-Louise FORT, MM. Marc FRANCINA, Laurent FURST, Claude de GANAY, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Hervé GAYMARD, Mme Annie GENEVARD, MM. Guy GEOFFROY, Bernard GÉRARD, Claude GOASGUEN, Philippe GOSSELIN, Philippe GOUJON, Mmes Anne GROMMERCH, Arlette GROSSKOST, MM. Christophe GUILLOTEAU, Antoine HERTH, Patrick HETZEL, Denis JACQUAT, Christian KERT, Jacques KOSSOWSKI, Mme Valérie LACROUTE, MM. Marc LAFFINEUR, Jacques LAMBLIN, Jean-François LAMOUR, Mme Laure de LA RAUDIÈRE, M. Guillaume LARRIVÉ, Mme Isabelle LE CALLENNEC, MM. Frédéric LEFEBVRE, Marc LE FUR, Pierre LELLOUCHE, Dominique LE MÈNER, Pierre LEQUILLER, Mme Véronique LOUWAGIE, MM. Alain MARC, Hervé MARITON, Alain MARSAUD, Alain MARTY, Philippe MEUNIER, Pierre MORANGE, Yannick MOREAU, Pierre MOREL-A-l'HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Mme Dominique NACHURY, MM. Yves NICOLIN, Jean-Frédéric POISSON, Mmes Bérengère POLETTI, Josette PONS, MM. Franck RIESTER, François SCELLIER, André SCHNEIDER, Fernand SIRÉ, Éric STRAUMANN, Claude STURNI, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Jean-Marie TETART, Dominique TIAN, François VANNSON, Jean-Pierre VIGIER, Philippe VITEL, Éric WOERTH et Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, députés. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ; Vu le code de la construction et de l'habitation ; Vu le code civil ; Vu le code général des impôts ; Vu la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ; Vu la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce ; Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ; Vu la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ; Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 11 mars 2014 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové ; qu'ils mettent en cause la conformité à la Constitution de son article 16 et de certaines dispositions de son article 6 ; que les députés contestent également la procédure d'adoption de son article 23 et la conformité à la Constitution de ses articles 19 et 92 ainsi que de certaines dispositions de ses articles 1er et 5 ; que les sénateurs requérants contestent la conformité à la Constitution de l'article 153 et de certaines dispositions de l'article 24 ; - SUR LES DISPOSITIONS CONTESTÉES DE L'ARTICLE 1er : 2. Considérant que l'article 1er de la loi déférée modifie diverses dispositions de la loi du 6 juillet 1989 susvisée applicables en particulier à la location de locaux à usage d'habitation ou à usage mixte professionnel et d'habitation qui constituent la résidence principale du preneur ; 3. Considérant, en premier lieu, que l'article 3 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que le contrat de location doit être établi par écrit et fixe notamment la liste des mentions et clauses qui doivent y figurer ; que le 3° du paragraphe I de l'article 1er de la loi déférée donne une nouvelle rédaction de cet article 3 ; que, d'une part, en vertu de cette disposition, le contrat de location « respecte un contrat type défini par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de concertation » ; que, d'autre part, parmi les mentions et clauses qui doivent figurer dans le contrat, sont ajoutées : « 7° Le loyer de référence et le loyer de référence majoré, correspondant à la catégorie de logement et définis par le représentant de l'État dans le département dans les zones où s'applique l'arrêté mentionné au I de l'article 17 ; - 8° Le montant et la date de versement du dernier loyer acquitté par le précédent locataire, dès lors que ce dernier a quitté le logement moins de dix-huit mois avant la signature du bail ; - 9° La nature et le montant des travaux effectués dans le logement depuis la fin du dernier contrat de location ou depuis le dernier renouvellement du bail » ; que, le cas échéant, le renoncement au bénéfice de la garantie universelle des loyers doit également être mentionné dans le contrat ; 4. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 4 de la loi du 6 juillet 1989 fixe la liste des clauses du contrat de location qui sont réputées non écrites ; que le 7° du paragraphe I de l'article 1er de la loi déférée modifie cet article 4 ; que le a) de ce 7° modifie le i) de cet article 4 relatif à l'interdiction des clauses qui autorisent le bailleur à percevoir « des amendes » en cas d'infraction aux clauses d'un contrat de location ou d'un règlement intérieur à l'immeuble pour étendre cette interdiction aux clauses qui instituent « des pénalités » ; que le b) de ce 7° modifie le r) de cet article 4, relatif à la clause « qui interdit au locataire de demander une indemnité au bailleur lorsque ce dernier réalise des travaux d'une durée supérieure à quarante jours », afin d'abaisser cette dernière à vingt-et-un jours ; que le c) de ce 7° ajoute parmi les clauses réputées non écrites la clause « qui impose au locataire, en surplus du paiement du loyer pour occupation du logement, de souscrire un contrat pour la location d'équipements » ; 5. Considérant, en troisième lieu, que l'article 5 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que la rémunération des personnes qui se livrent ou prêtent leur concours à l'établissement d'un acte de location d'un immeuble appartenant à autrui est partagée par moitié entre le bailleur et le locataire ; qu'en outre, la seconde phrase du neuvième alinéa de l'article 3 de la même loi prévoit que, pour l'établissement de l'état des lieux « en cas d'intervention d'un tiers, les honoraires négociés ne sont laissés ni directement, ni indirectement à la charge du locataire » ; que le 8° du paragraphe I de l'article 1er de la loi déférée donne une nouvelle rédaction de l'article 5 de la loi du 6 juillet 1989 ; que cette rédaction prévoit, en son paragraphe I : « La rémunération des personnes mandatées pour se livrer ou prêter leur concours à l'entremise ou à la négociation d'une mise en location d'un logement, tel que défini aux articles 2 et 25-3, est à la charge exclusive du bailleur, à l'exception des honoraires liés aux prestations mentionnées aux deuxième et troisième alinéas du présent I. « Les honoraires des personnes mandatées pour effectuer la visite du preneur, constituer son dossier et rédiger un bail sont partagés entre le bailleur et le preneur. Le montant toutes taxes comprises imputé au preneur pour ces prestations ne peut excéder celui imputé au bailleur et demeure inférieur ou égal à un plafond par mètre carré de surface habitable de la chose louée fixé par voie réglementaire et révisable chaque année, dans des conditions définies par décret. Ces honoraires sont dus à la signature du bail. « Les honoraires des personnes mandatées pour réaliser un état des lieux sont partagés entre le bailleur et le preneur. Le montant toutes taxes comprises imputé au locataire pour cette prestation ne peut excéder celui imputé au bailleur et demeure inférieur ou égal à un plafond par mètre carré de surface habitable de la chose louée fixé par voie réglementaire et révisable chaque année, dans des conditions définies par décret. Ces honoraires sont dus à compter de la réalisation de la prestation. « Les trois premiers alinéas du présent I ainsi que les montants des plafonds qui y sont définis sont reproduits, à peine de nullité, dans le contrat de bail lorsque celui-ci est conclu avec le concours d'une personne mandatée et rémunérée à cette fin » ; 6. Considérant que, selon les députés requérants, ces dispositions portent une atteinte disproportionnée aux conditions d'exercice du droit de propriété et à la liberté contractuelle ; qu'elles méconnaîtraient également l'égalité des parties dans les relations contractuelles ; 7. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et à la liberté contractuelle, qui découle de son article 4, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ; 8. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'en outre, si le principe d'égalité devant les charges publiques, qui résulte de l'article 13 de la Déclaration de 1789, n'interdit pas au législateur de mettre à la charge de certaines catégories de personnes des charges particulières en vue d'améliorer les conditions de vie d'autres catégories de personnes, il ne doit pas en résulter de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; 9. Considérant qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur a modifié les règles d'ordre public applicables aux relations entre les propriétaires bailleurs et les personnes locataires de leur résidence principale afin d'améliorer l'information de ces dernières au moment de la conclusion du bail et leur protection lors de l'exécution de celui-ci ; qu'il a également entendu renforcer la sécurité juridique des relations contractuelles et faire obstacle à des pratiques abusives ; qu'il a ainsi poursuivi des objectifs d'intérêt général ; 10. Considérant que les dispositions contestées de l'article 1er sont en adéquation avec ces objectifs ; que les atteintes qui en résultent à l'exercice du droit de propriété et à la liberté contractuelle ne revêtent pas un caractère disproportionné au regard de ces objectifs ; que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur adopte, dans le respect des autres exigences constitutionnelles, des mesures destinées à assurer la protection des locataires dans leurs relations contractuelles avec les bailleurs ; que, par suite, les dispositions contestées de l'article 1er, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ; - SUR LES DISPOSITIONS CONTESTÉES DE L'ARTICLE 5 : 11. Considérant que l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 est relatif au congé qui peut être donné par le bailleur en raison soit de sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit pour un motif légitime et sérieux, tenant notamment à l'inexécution par le locataire de l'une des obligations qui lui incombent ; que le paragraphe III de cet article 15 dispose que le bailleur ne peut s'opposer au renouvellement du contrat en donnant congé dans ces conditions « à l'égard de tout locataire âgé de plus de soixante-dix ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance, sans qu'un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités lui soit offert dans les limites géographiques prévues à l'article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 » ; que le deuxième alinéa de ce paragraphe III prévoit, par exception, que ces dispositions ne sont pas applicables « lorsque le bailleur est une personne physique âgée de plus de soixante ans ou si ses ressources annuelles sont inférieures à une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance » ; 12. Considérant que le e) du 5° du paragraphe I de l'article 5 de la loi déférée modifie le premier alinéa du paragraphe III de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 ; qu'il abaisse de soixante-dix à soixante-cinq ans l'âge du locataire faisant obstacle à la possibilité pour le bailleur de donner congé ; que, s'agissant du plafond des ressources du locataire, il substitue à la référence à « une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance » une référence à « un plafond de ressources en vigueur pour l'attribution des logements locatifs conventionnés fixé par arrêté du ministre chargé du logement » ; qu'il complète également ce premier alinéa afin de le rendre applicable au cas dans lequel le locataire a à sa charge une personne vivant habituellement dans le logement et remplissant les mêmes conditions ; que le g) de ce 5° tire les conséquences de cette modification ; 13. Considérant que le f) de ce même 5° modifie le deuxième alinéa de ce paragraphe III ; qu'il relève de soixante à soixante-cinq ans l'âge à partir duquel le propriétaire peut s'opposer au renouvellement du contrat ; qu'il détermine un plafond de ressources identique à celui qui s'applique au locataire pour faire obstacle à ce même droit ; 14. Considérant que, selon les députés requérants, la restriction des conditions dans lesquelles le bailleur peut donner congé au locataire porte une atteinte excessive à l'exercice du droit de propriété et à la liberté contractuelle et méconnaît le principe d'égalité ; 15. Considérant, d'une part, que les deux premiers alinéas du e) et le f) du 5° du paragraphe III de l'article 15 ont pour objet d'apporter aux personnes âgées locataires disposant de faibles ressources une protection contre le risque de devoir quitter leur résidence principale et trouver à se reloger en l'absence de reconduction du bail ; que le législateur a toutefois prévu d'écarter cette protection en raison soit de l'âge du bailleur soit de la modicité des ressources de celui-ci ; que, par les dispositions contestées, le législateur a retenu un âge identique de soixante-cinq ans pour le locataire et le bailleur ; que ces dispositions, qui ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ; 16. Considérant, d'autre part, qu'en adoptant les troisième et quatrième alinéas du e) du 5° du paragraphe I de l'article 5, ainsi que le g) de ce 5°, le législateur a permis que le locataire bénéficie de la protection instituée par le premier alinéa du paragraphe III de l'article 15 lorsqu'il a à sa charge une personne qui vit habituellement dans le logement et remplit les conditions d'âge et de ressources qui y sont fixées ; qu'une telle protection est instituée quelles que soient les ressources du locataire et sans que soit pris en compte le montant cumulé des ressources du locataire et de celles de la personne qui est à sa charge ; qu'en étendant le bénéfice de la protection instituée par le premier alinéa du paragraphe III de l'article 15 précité sans modifier les conditions de prise en compte des ressources des personnes qui en bénéficient, le législateur a permis que, dans certains cas, le propriétaire supporte une charge disproportionnée à l'objectif poursuivi ; que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques ; qu'ainsi, les troisième et quatrième alinéas du e) du 5° du paragraphe I de l'article 5, ainsi que le g) de ce 5° doivent être déclarés contraires à la Constitution ; - SUR LES DISPOSITIONS CONTESTÉES DE L'ARTICLE 6 : 17. Considérant que l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989 est relatif au loyer des logements ; qu'il dispose que le montant du loyer est « fixé librement entre les parties » et prévoit les limitations ainsi que les exceptions à ce principe ; 18. Considérant que le 2° du paragraphe I de l'article 6 de la loi déférée donne une nouvelle rédaction de cet article 17 afin d'instaurer un encadrement des prix des loyers dans les « zones d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d'acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d'emménagements annuels dans le parc locatif social » ; qu'aux termes du deuxième alinéa du paragraphe I de cet article 17 ainsi modifié : « Dans ces zones, le représentant de l'État dans le département fixe chaque année, par arrêté, un loyer de référence, un loyer de référence majoré et un loyer de référence minoré, exprimés par un prix au mètre carré de surface habitable, par catégorie de logement et par secteur géographique » ; 19. Considérant que le premier alinéa du A du paragraphe II de ce même article prévoit que le loyer de base des logements mis en location est fixé librement entre les parties lors de la conclusion du bail, dans la limite du loyer de référence majoré ; qu'il permet également au locataire d'engager une action en diminution de loyer si le loyer de base prévu dans le bail est supérieur au loyer de référence majoré en vigueur à la date de signature du contrat ; 20. Considérant que le B de ce même paragraphe II permet qu'un complément de loyer exceptionnel soit appliqué au loyer de base « pour des logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort exceptionnelles par leur nature et leur ampleur par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique » ; qu'il fixe les conditions et les modalités selon lesquelles ce complément de loyer peut être appliqué et, le cas échéant, contesté par le locataire ; 21. Considérant que, selon les requérants, ce dispositif porte une atteinte disproportionnée aux conditions d'exercice du droit de propriété et à la liberté contractuelle ; qu'il serait en outre impropre à atteindre l'objectif poursuivi de baisse des loyers ; que les sénateurs font valoir en outre que la complexité du dispositif ne permettra pas de suivre précisément les évolutions du marché locatif de sorte que ce dispositif d'encadrement aura pour seul effet de « rigidifier » ce marché ; qu'ils soutiennent également que l'application immédiate de ce dispositif aux contrats de location en cours porte atteinte au droit au maintien des conventions légalement conclues ; 22. Considérant, d'une part, qu'en instaurant un mécanisme d'encadrement des loyers applicable à certaines zones urbanisées marquées par un déséquilibre de l'offre et de la demande de logements entraînant une hausse des loyers, le législateur a entendu lutter contre les difficultés d'accès au logement qui résultent d'un tel déséquilibre ; qu'il a ainsi poursuivi un but d'intérêt général ; 23. Considérant, d'autre part, que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu'il ne lui appartient donc pas de rechercher si le but que s'est assigné le législateur pouvait être atteint par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à cet objectif ; 24. Considérant que le dispositif résultant des dispositions contestées ne peut être mis en oeuvre que dans certaines zones urbaines qui se caractérisent par un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements entraînant, compte tenu de son effet sur le montant des loyers, des difficultés sérieuses d'accès au logement ; que le législateur a défini ces zones en des termes identiques à ceux qui définissent les zones dans lesquelles, en application de l'article 232 du code général des impôts, la taxe sur les logements vacants peut être instituée ; 25. Considérant que le loyer de référence, exprimé par un prix au mètre carré de surface habitable, sera fixé par catégorie de logement et par secteur géographique ; qu'en application du troisième alinéa de l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989, les catégories de logement et les secteurs géographiques sont déterminés « en fonction de la structuration du marché locatif constatée par l'observatoire local des loyers » prévu à l'article 16 de cette même loi ; qu'il appartiendra à l'autorité administrative de définir, sous le contrôle de la juridiction compétente, les catégories de logement et les secteurs géographiques avec une précision suffisante pour permettre que la définition du loyer de référence soit en adéquation avec l'ensemble des caractéristiques qui déterminent habituellement la fixation du montant du loyer ; 26. Considérant qu'un complément de loyer « exceptionnel » peut être appliqué au loyer de base pour des logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort « exceptionnelles par leur nature et leur ampleur » par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique ; que, toutefois, en réservant la faculté d'un complément de loyer à des caractéristiques « exceptionnelles », le législateur a entendu interdire qu'un tel complément de loyer puisse être appliqué du seul fait que le logement présente des caractéristiques déterminantes pour la fixation du loyer qui ne sont pas prises en compte par la définition précitée des catégories de logements et des secteurs géographiques ; qu'il a ainsi porté à l'exercice du droit de propriété et à la liberté contractuelle une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi ; que, par suite, aux premier à cinquième alinéas, ainsi qu'aux septième et huitième alinéas du B du paragraphe II de l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction résultant de l'article 6, le mot « exceptionnel » doit être déclaré contraire à la Constitution ; qu'il en va de même des mots « exceptionnelles par leur nature et leur ampleur », figurant aux premier et sixième alinéas de ce même B ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, de la référence au caractère exceptionnel du complément de loyer figurant à l'article 25-9 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa rédaction résultant de l'article 8 ; 27. Considérant en outre, que le cinquième alinéa du paragraphe I de l'article 17 dispose que chaque loyer de référence majoré et chaque loyer de référence minoré est fixé par majoration et par minoration du loyer de référence « en fonction de la dispersion des niveaux de loyers observés » ; qu'ainsi, ces dispositions permettent que la marge de liberté pour la fixation du montant du loyer soit plus ou moins grande selon que les loyers constatés pour la même catégorie de logements dans un même secteur géographique sont plus ou moins dispersés ; qu'en permettant que les conditions d'exercice de la liberté contractuelle varient sur le territoire national en fonction d'un tel critère, indépendant de celui des catégories de logement et des secteurs géographiques, le législateur a méconnu le principe d'égalité ; que, par suite, au cinquième alinéa du paragraphe I de l'article 17, les mots « en fonction de la dispersion des niveaux de loyers observés par l'observatoire local des loyers » doivent être déclarés contraires à la Constitution ; que, par voie de conséquence, au septième alinéa, les mots : « ne peut être fixé » et, au huitième alinéa, les mots « ne peut être fixé à un montant supérieur » doivent être remplacés par les mots « est égal » ; 28. Considérant que, pour le surplus, il résulte de ce qui précède que le dispositif d'encadrement instauré par les dispositions contestées de l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989 issues de l'article 6 de la loi déférée ne porte pas au droit de propriété et à la liberté contractuelle une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi ; 29. Considérant, enfin, qu'il ressort de l'article 14 de la loi déférée que les dispositions contestées de l'article 6 ne s'appliqueront pas aux baux conclus avant l'entrée en vigueur de la loi, y compris s'ils ont fait l'objet d'une reconduction tacite après cette entrée en vigueur ; que, par suite, manque en fait le grief tiré de ce que les conditions d'entrée en vigueur de la nouvelle rédaction de l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989 porteraient atteinte aux conventions légalement conclues ; 30. Considérant que, pour le surplus, l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction résultant de l'article 6, ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle ; qu'il doit être déclaré conforme à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 16 : 31. Considérant qu'afin de limiter la transformation de locaux d'habitation en locaux à usage de bureaux ou en locaux meublés touristiques, le législateur a institué, dans les communes visées aux articles L. 631-7 et L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation, un régime d'autorisation de changement d'usage ; qu'il a confié au maire de la commune dans laquelle est situé l'immeuble le soin de délivrer cette autorisation qui peut être subordonnée, en vertu de l'article L. 631-7-1 du même code, à une « compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage » ; qu'en vertu des mêmes dispositions, l'autorisation de changement d'usage est accordée à titre personnel et cesse de produire effet lorsqu'il est mis fin, à titre définitif, à l'exercice professionnel du bénéficiaire ; que toutefois lorsqu'elle est subordonnée à une compensation, le titre est attaché au local et non à la personne ; qu'il appartient au conseil municipal ou, si la commune est membre d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme, à l'organe délibérant de cet établissement de fixer les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations ; qu'il leur appartient également de déterminer « les compensations par quartier et, le cas échéant, par arrondissement, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements » ; que l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation prévoit que « toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende de 25 000 euros » ; que le produit de cette amende est intégralement versé à l'agence nationale de l'habitat ; 32. Considérant que l'article 16 de la loi déférée modifie la section 2 du chapitre Ier du titre III du livre VI du code de la construction et de l'habitation intitulée « Changements d'usage et usages mixtes des locaux d'habitation » ; que le 1° de l'article 16 complète l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation par un alinéa aux termes duquel « le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article » ; qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 631-7, les dispositions de la section 2 sont applicables aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ; qu'en vertu du 3° de l'article 16 qui donne une nouvelle rédaction du premier alinéa de l'article L. 631-9 du même code, les dispositions de l'article L. 631-7 « peuvent être rendues applicables par décision de l'autorité administrative sur proposition du maire ou, pour les communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants définie à l'article 232 du code général des impôts, par une délibération de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme ou, à défaut, du conseil municipal » ; 33. Considérant que le 2° de l'article 16 insère après l'article L. 631-7 un article L. 631-7-1 A relatif au « régime d'autorisation temporaire de changement d'usage permettant à une personne physique de louer pour de courtes durées des locaux destinés à l'habitation à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile » ; que le législateur confie au conseil municipal ou, si la commune est membre d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme, à l'organe délibérant de cet établissement, le soin de définir les conditions de délivrance de cette autorisation temporaire par le maire ; que la délibération détermine aussi « les critères de cette autorisation temporaire, qui peuvent porter sur la durée des contrats de location, sur les caractéristiques physiques du local ainsi que sur sa localisation en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements » ; que « ces critères peuvent être modulés en fonction du nombre d'autorisations accordées à un même propriétaire » ; 34. Considérant que, selon les sénateurs requérants, l'article 16, tant par l'application du régime d'autorisation préalable de changement d'usage à la location de meublés de courte durée que par la mise en place d'un régime d'autorisation temporaire pour ce type de location, fait peser sur les propriétaires une contrainte excessive et disproportionnée au regard des motifs d'intérêt général poursuivis ; qu'ils soutiennent également qu'en ne prévoyant pas de dispositif transitoire approprié, le législateur porte atteinte à l'exigence de garantie des droits posée à l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; qu'enfin, en ne précisant pas dans quelles conditions l'autorisation temporaire cesse de produire ses effets, l'article 16 de la loi serait contraire à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ; que les députés requérants soutiennent que cet article porte, en outre, atteinte à la liberté contractuelle ; 35. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789, et à la liberté contractuelle, qui découle de son article 4, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ; 36. Considérant que, par les dispositions contestées qui complètent l'article L. 631-7, le législateur a soumis au régime de l'autorisation préalable de changement d'usage le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation, dès lors que cette location est faite de manière répétée, pour de courtes durées, à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile ; que la location d'un local meublé destiné à l'habitation qui ne répond pas à l'une de ces conditions, notamment lorsque le logement est loué dans les conditions fixées par l'article L. 632-1 du code de la construction et de l'habitation, n'entre donc pas dans le champ d'application du régime de l'autorisation de changement d'usage institué par ces dispositions ; 37. Considérant que l'article L. 631-7-1 A, inséré dans le code de la construction et de l'habitation par l'article 16 de la loi, prévoit « un régime d'autorisation temporaire de changement d'usage permettant à une personne physique de louer pour de courtes durées des locaux destinés à l'habitation à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile » ; qu'il appartient au conseil municipal ou à l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme de définir les modalités de délivrance de cette autorisation, ainsi que les critères de celle-ci ; qu'il lui appartient également de préciser les conditions dans lesquelles cette autorisation temporaire cesse de produire effet ; qu'une telle autorisation, à la différence de celle prévue à l'article L. 631-7, ne peut voir sa délivrance subordonnée à « une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage » ; 38. Considérant, en outre, que le législateur a prévu que, lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, celui-ci ne doit pas solliciter d'autorisation de changement d'usage prévue soit à l'article L. 631-7 soit à l'article L. 631-7-1 A pour le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile ; 39. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, par les dispositions contestées, le législateur a entendu préciser le champ d'application d'un dispositif de lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et définir certaines exceptions en faveur des bailleurs ; qu'il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général ; 40. Considérant que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu'il ne lui appartient donc pas de rechercher si le but que s'est assigné le législateur pouvait être atteint par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à cet objectif ; 41. Considérant que les dispositions de l'article 16 de la loi sont en adéquation avec l'objectif poursuivi ; que les atteintes qui en résultent à l'exercice du droit de propriété ne revêtent pas un caractère disproportionné au regard de cet objectif ; 42. Considérant qu'en l'absence de délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent pour la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 631-7-1 A définissant un régime d'autorisation temporaire de changement d'usage, les locations pour de courtes durées à une clientèle de passage entrent dans le champ d'application des dispositions de droit commun des articles L. 631-7 et L. 631-7-1 ; qu'en ne prévoyant pas de dispositif transitoire, le législateur, contrairement à ce que soutiennent les sénateurs requérants, n'a méconnu aucune exigence constitutionnelle ; 43. Considérant que, par suite, les dispositions de l'article 16 qui ne sont entachées d'aucune inintelligibilité et ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 19 : 44. Considérant que l'article 19 de la loi insère dans le code de la construction et de l'habitation un article L. 631-7-1 B qui permet à l'assemblée générale des copropriétaires d'un immeuble relevant du statut de la copropriété de décider, à la majorité définie à l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965 susvisée, de soumettre à son accord préalable, à la majorité définie à l'article 24 de cette loi, « toute demande d'autorisation de changement d'usage d'un local destiné à l'habitation faisant partie de la copropriété par un copropriétaire aux fins de le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage » ; que ces dispositions ne sont toutefois pas applicables à l'autorisation temporaire mentionnée à l'article L. 631-7-1 A ; 45. Considérant que les députés requérants soutiennent que l'article 19 porte atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle ; 46. Considérant qu'il appartient au législateur compétent, en application de l'article 34 de la Constitution, pour fixer les principes fondamentaux de la propriété et des droits réels, de définir les droits de la copropriété d'un immeuble bâti sans porter d'atteinte injustifiée aux droits des copropriétaires ; 47. Considérant que le législateur, afin de lutter contre la pénurie de logements destinés à la location, a permis à l'assemblée générale des copropriétaires d'un immeuble de décider, à la majorité des voix de tous les copropriétaires, de soumettre discrétionnairement à son accord préalable, et sans préjudice des pouvoirs conférés à l'autorité administrative par les articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation, « toute demande d'autorisation de changement d'usage d'un local destiné à l'habitation faisant partie de la copropriété par un copropriétaire aux fins de le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage » ; qu'il a ainsi, dans des conditions contraires à l'article 2 de la Déclaration de 1789, permis à l'assemblée générale des copropriétaires de porter une atteinte disproportionnée aux droits de chacun des copropriétaires ; 48. Considérant, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, que l'article 19 de la loi doit être déclaré contraire à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 23 : 49. Considérant que les députés requérants contestent la procédure d'adoption de l'article 23 de la loi déférée ; qu'ils font valoir qu'en ayant modifié de façon substantielle le dispositif de cet article lors de la deuxième lecture du projet de loi à l'Assemblée nationale, sans étude d'impact, le législateur aurait méconnu les exigences de l'article 39 de la Constitution relatives à la présentation d'une étude d'impact ainsi que les principes de clarté et de sincérité des débats parlementaires ; 50. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 39 de la Constitution : « La présentation des projets de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique » ; qu'aux termes de l'article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 susvisée : « Les projets de loi font l'objet d'une étude d'impact. Les documents rendant compte de cette étude d'impact sont joints aux projets de loi dès leur transmission au Conseil d'État. Ils sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent » ; 51. Considérant qu'aux termes de la première phrase du premier alinéa de l'article 44 de la Constitution : « Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d'amendement » ; 52. Considérant que le projet de loi comportait lors de son dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale, première assemblée saisie, un article 8 relatif à la création d'une agence de la garantie universelle des loyers ; 53. Considérant, d'une part, que l'amendement introduit en deuxième lecture à l'Assemblée nationale qui a procédé à la réécriture de l'article 8 du projet de loi pour prévoir le nouveau régime juridique de « garantie universelle des loyers » a été déposé par le Gouvernement dans l'exercice du droit d'amendement qu'il tient du premier alinéa de l'article 44 de la Constitution ; que, dès lors, est inopérant le grief tiré de la méconnaissance des exigences relatives aux conditions de présentation des projets de loi ; 54. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des travaux parlementaires que la procédure d'adoption de l'article 8, devenu l'article 23, n'a pas eu pour effet d'altérer la clarté et la sincérité des débats et n'a porté atteinte à aucune autre exigence de valeur constitutionnelle ; que le grief tiré de la méconnaissance des exigences de clarté et de sincérité des débats doit être rejeté ; 55. Considérant que, par suite, l'article 23 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution ; - SUR CERTAINES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 24 : 56. Considérant que l'article 24 est relatif aux conditions d'exercice des activités d'entremise et de gestion immobilières régies par la loi du 2 janvier 1970 susvisée ; que les dispositions du d) du 8° du paragraphe I de l'article 24 imposent une clause d'exclusivité d'une durée limitée dans la convention conclue entre la personne se livrant à la vente de listes ou de fichiers relatifs à l'achat, la vente, la location ou sous-location en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis et le propriétaire du bien inscrit sur la liste ou le fichier ou le titulaire de droits sur ce bien ; 57. Considérant que les sénateurs requérants contestent les dispositions du d) du 8° du paragraphe I de l'article 24 ; qu'ils font valoir qu'en imposant une clause d'exclusivité pour les « vendeurs de listes immobilières », ces dispositions portent atteinte à la liberté contractuelle ainsi qu'à la liberté d'entreprendre ; qu'en imposant un traitement différent de ces professionnels immobiliers et des autres professionnels immobiliers, elles porteraient également atteinte à l'égalité devant la loi ; 58. Considérant, en premier lieu, que le paragraphe VI de l'article 24 prévoit que les dispositions de son paragraphe I ne s'appliquent qu'aux contrats conclus à compter de l'entrée en vigueur de la loi ; que, par suite, les dispositions contestées ne portent pas d'atteinte aux contrats légalement conclus entre les « vendeurs de listes immobilières » et les propriétaires avant la date de l'entrée en vigueur de la loi ; 59. Considérant, en deuxième lieu, que ces dispositions ont uniquement pour objet de prévoir de nouvelles obligations lors de la conclusion de telles conventions, sans restreindre la possibilité pour les parties de conclure ces conventions ; que les griefs tirés de l'atteinte au principe de la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle doivent être écartés ; 60. Considérant, en troisième lieu, que les « vendeurs de listes immobilières » exercent une activité distincte de celle des autres professionnels immobiliers ; qu'en réservant l'application des dispositions contestées à ces seuls « vendeurs de listes immobilières », le législateur n'a pas traité différemment des personnes placées dans la même situation ; que le grief tiré de l'atteinte au principe d'égalité doit être écarté ; 61. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions du d) du 8° du paragraphe I de l'article 24 doivent être déclarées conformes à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 92 : 62. Considérant que l'article 92 de la loi complète le titre III du livre VI du code de la construction et de l'habitation par un chapitre V intitulé « Autorisation préalable de mise en location » qui comprend les articles L. 635-1 à L. 635-11 ; 63. Considérant que le paragraphe I de l'article L. 635-1 du code de la construction et de l'habitation permet à l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat ou, à défaut, au conseil municipal de « délimiter des zones soumises à autorisation préalable de mise en location sur les territoires présentant une proportion importante d'habitat dégradé » ; qu'en vertu du paragraphe II de l'article L. 635-1, pour chacune des zones qu'elle délimite, la délibération peut fixer les catégories et les caractéristiques des logements soumis à autorisation préalable ; 64. Considérant que l'article L. 635-3 du code de la construction et de l'habitation subordonne à la délivrance d'une autorisation par le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat, ou à défaut par le maire de la commune, la mise en location d'un logement situé dans les zones soumises à autorisation préalable de mise en location ; 65. Considérant que l'article L. 635-4 du même code prévoit les modalités de présentation de la demande d'autorisation et de délivrance de celle-ci ; qu'en particulier, il précise que le silence gardé par l'autorité compétente vaut autorisation de mise en location, « à défaut de notification d'une décision expresse dans un délai d'un mois à compter du dépôt de la demande d'autorisation » ; qu'aux termes du dernier alinéa, « l'autorisation préalable de mise en location doit être renouvelée à chaque nouvelle mise en location » ; 66. Considérant que l'article L. 635-7 du même code prévoit que des amendes peuvent être infligées en cas de non-respect des dispositions relatives à la demande d'autorisation de mise en location ; qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 635-7, le représentant de l'État dans le département peut « ordonner le paiement d'une amende au plus égale à 5 000 euros » lorsqu'une personne met en location un logement sans en avoir demandé l'autorisation ; que le montant maximal de cette amende est porté à 15 000 euros en cas de nouveau manquement dans les trois ans ; que le représentant de l'État dans le département peut également « ordonner le paiement d'une amende au plus égale à 15 000 euros » lorsqu'une personne met un logement en location en méconnaissance d'un rejet de sa demande d'autorisation de mise en location ; que, dans chaque cas, l'intéressé est informé de la possibilité de présenter des observations dans un délai déterminé ; 67. Considérant que les députés requérants soutiennent que l'article 92 porte atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle ; 68. Considérant qu'aux termes du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ; qu'aux termes du onzième alinéa de ce Préambule, la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » ; qu'il résulte de ces principes que la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent est un objectif de valeur constitutionnelle ; 69. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789, et à la liberté contractuelle, qui découle de son article 4, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ; 70. Considérant que les zones dans lesquelles l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat ou, à défaut, le conseil municipal peut instituer une autorisation préalable de mise en location sont « délimitées au regard de l'objectif de lutte contre l'habitat indigne et en cohérence avec le programme local de l'habitat en vigueur et le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées » ; que ces zones peuvent concerner un ou plusieurs ensembles immobiliers sur un territoire « présentant une proportion importante d'habitat dégradé » ; qu'il ressort des débats parlementaires qu'en prévoyant cette procédure d'autorisation préalable de mise en location dans ces zones ainsi délimitées, le législateur a entendu permettre aux autorités locales compétentes de prévenir la location de biens susceptibles de porter atteinte à la salubrité publique ainsi qu'à la sécurité des occupants de ces biens ; 71. Considérant que, dans ces zones, l'autorité locale compétente ne peut refuser l'autorisation de mise en location ou la soumettre à condition que lorsque le logement est susceptible de porter atteinte à la sécurité de ses occupants et à la salubrité publique ; que la décision rejetant la demande d'autorisation doit alors préciser la nature des travaux ou aménagements prescrits pour satisfaire aux exigences de sécurité et de salubrité ; qu'en l'absence de décision expresse dans le délai d'un mois à compter du dépôt de la demande d'autorisation, le silence gardé par l'autorité compétente vaut autorisation de mise en location ; que le défaut de demande d'autorisation avant la mise en location, ainsi que la mise en location en méconnaissance du rejet de la demande d'autorisation sont punis d'une amende proportionnée à la gravité des manquements constatés ; 72. Considérant que, par les dispositions contestées, qui contribuent à mettre en oeuvre l'objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent, le législateur n'a pas porté aux conditions d'exercice du droit de propriété une atteinte disproportionnée au regard du but recherché ; qu'il n'a pas davantage méconnu les exigences constitutionnelles découlant de l'article 4 de la Déclaration de 1789 dont résulte la liberté contractuelle ; 73. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions de l'article 92 doivent être déclarées conformes à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 153 : 74. Considérant que l'article 153 complète l'article 1861 du code civil pour imposer que la cession de la majorité des parts sociales d'une société civile immobilière remplissant certaines conditions soit constatée par un acte reçu en la forme authentique ou par un acte sous seing privé contresigné par un avocat ou par un professionnel de l'expertise comptable ; 75. Considérant que, selon les sénateurs requérants, ces dispositions, en confondant l'acte sous seing privé contresigné par un avocat et celui contresigné par un professionnel de l'expertise comptable, méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi et portent atteinte à la sécurité juridique ; qu'en renvoyant aux conditions prévues au chapitre Ier bis du titre II de la loi du 31 décembre 1971, applicable aux avocats, pour définir l'acte sous seing privé contresigné par un professionnel de l'expertise comptable, le législateur aurait également méconnu l'étendue de sa compétence ; 76. Considérant que l'article 153 a été introduit par amendement en première lecture à l'Assemblée nationale ; qu'il modifie des dispositions relatives aux actes qui doivent être accomplis par des officiers publics ou des membres des professions réglementées ; que ces dispositions ne présentent pas de lien avec les dispositions du projet de loi initial ; qu'elles ont donc été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les griefs soulevés par les sénateurs requérants, l'article 153 doit être déclaré contraire à la Constitution ; 77. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de constitutionnalité, D É C I D E : Article 1er.- Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové: - les troisième et quatrième alinéas du e) et le g) du 5° du paragraphe I de l'article 5 ; - au 2° du paragraphe I de l'article 6, les mots : « en fonction de la dispersion des niveaux de loyers observés par l'observatoire local des loyers » figurant au cinquième alinéa du paragraphe I de l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ; en conséquence, au septième alinéa du paragraphe I de ce même article 17, les mots : « ne peut être fixé » et, au huitième alinéa, les mots : « ne peut être fixé à un montant supérieur » doivent être remplacés par les mots : « est égal » ; - à l'article 6, le mot : « exceptionnel » figurant aux premier à cinquième alinéas, aux septième et huitième alinéas du B du paragraphe II de l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989 précitée ainsi qu'au premier alinéa du paragraphe I de l'article 17-2 de cette même loi ; - au 2° du paragraphe I de l'article 6, les mots : « exceptionnelles par leur nature et leur ampleur », figurant aux premier et sixième alinéas du B du paragraphe II de l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989 précitée ; - à l'article 8, le mot : « exceptionnel » figurant au troisième alinéa du paragraphe I de l'article 25-9 de la loi du 6 juillet 1989 précitée ; - l'article 19 ; - l'article 153. Article 2.- Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové : - au 3° du paragraphe I de l'article 1er, l'article 3 de la loi du 6 juillet 1989 précitée ; - aux 7° et 8° du paragraphe I de l'article 1er, les modifications apportées aux articles 4 et 5 de la loi du 6 juillet 1989 précitée ; - aux e) et f) du 5° du paragraphe I de l'article 5, le surplus des modifications apportées à l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 précitée ; - au 2° du paragraphe I de l'article 6, le surplus de l'article 17 de la loi du 6 juillet 1989 précitée ; - l'article 16 ; - au d) du 8° du paragraphe I de l'article 24, les modifications apportées au paragraphe I de l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce ; - l'article 92. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 mars 2014 où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d' ESTAING et Mme Nicole MAESTRACCI. Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs de recours dirigés contre la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes. I- SUR L'ARTICLE 1er A- L'article 1er de la loi déférée modifie et complète le cadre juridique des rapports locatifs. Il prévoit notamment que le contrat de location doit respecter un contrat type défini par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de concertation. Il inclut dans la liste des clauses réputées non écrites toute clause qui autorise le bailleur à percevoir des pénalités en cas d'infraction aux clauses d'un contrat de location ou d'un règlement intérieur à l'immeuble. Il prévoit que les honoraires des intermédiaires mandatés liés à la mise en location d'un logement sont à la charge du bailleur mais que les honoraires liés à la visite du preneur, à la constitution de son dossier, à la rédaction du bail et à la réalisation de l'état des lieux sont partagés entre le bailleur et le preneur sans que le montant des honoraires à la charge du preneur ne puisse excéder un plafond par mètre carré de surface habitable de la chose louée fixé par voie réglementaire. Les députés auteurs du recours estiment que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité et portent atteinte à la liberté contractuelle. B- Ces griefs ne pourront qu'être écartés. 1- Sur l'atteinte à la liberté contractuelle. Le Conseil constitutionnel juge qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté contractuelle des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi (décision 2012-242 QPC, cons. 6). Dans le souci d'assurer des relations équilibrées et sécurisées entre locataires et bailleurs, les lois du 23 décembre 1986 et du 6 juillet 1989 ont prévu que des mentions obligatoires devraient figurer dans les contrats de baux à usage de logement. La loi du 6 juillet 1989, dont l'équilibre initial a été remis en cause par des modifications successives, ne répond plus aux attentes de l'ensemble des acteurs et ne prend pas en compte les profondes évolutions que connaît le secteur locatif depuis vingt ans. Ce secteur est en effet marqué par une réelle asymétrie d'information entre bailleur et locataire et par une forte conflictualité. La loi déférée modernise en conséquence la loi du 6 juillet 1989 pour contribuer à améliorer la transparence et la sécurité juridique des contrats de baux à usage de logement, notamment lors des moments essentiels de la relation entre bailleurs et locataires (recherche du logement, entrée dans les lieux, conditions d'occupation, sortie du logement). Ces modifications doivent permettre d'assainir et d'apaiser les rapports locatifs. Le nouvel article 3 de la loi du 6 juillet 1989 est dédié exclusivement au contrat de bail. Il ajoute aux mentions obligatoires déjà existantes de nouvelles mentions obligatoires, telles que le nom du locataire, les équipements, le montant et la description des travaux effectués depuis la fin du dernier contrat ou du dernier renouvellement, les références de loyers dans les zones tendues et le montant du dernier loyer acquitté par le dernier locataire. L'ensemble de ces mentions est de nature à améliorer l'information du locataire au moment de la conclusion du bail, et donc à garantir son consentement éclairé, tout en sécurisant le contrat de location en évitant des conflits ultérieurs. Dans un même souci de sécurité juridique, cet article prévoit que les contrats de location devront respecter un contrat type défini par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de concertation. La pratique a montré que certaines mesures prévues par la loi du 6 juillet 1989 n'étaient pas suffisamment intelligibles pour les bailleurs qui sont à 96% des personnes physiques. La mise en place d'un bail-type enrichi d'informations importantes et utiles pour les cocontractants permettra de présenter sous une forme accessible l'ensemble des obligations posées par la loi. Les bailleurs et les locataires resteront libres de compléter le contrat de location par des clauses arrêtées d'un commun accord dès lors qu'elles ne méconnaissent pas les obligations posées par la loi. On ne saurait donc soutenir que la mise en place d'un bail-type porte une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle du bailleur et du locataire. C'est également dans un souci de sécurité juridique que le législateur a souhaité interdire l'introduction, dans les contrats de bail à usage de logement, de clauses prévoyant des pénalités en cas d'infraction aux clauses d'un contrat de location ou d'un règlement intérieur à l'immeuble en prévoyant que de telles clauses devaient être regardées comme non écrites. L'article 4 de la loi du 6 juillet 1989 prohibe déjà l'introduction de clauses autorisant le bailleur à percevoir une amende en cas d'infraction aux clauses du contrat ou du règlement intérieur pour éviter que le bailleur ne dispose d'un pouvoir de police vis-à-vis du locataire. La Cour de cassation juge que cette interdiction ne s'applique pas aux sommes dues en vertu d'une clause pénale qui, juridiquement, ne revêt pas le caractère d'une amende (Civ. 3e, 8 janvier 1997, n°95-10.339). Si la clause pénale a pour vocation de réparer un préjudice, à la différence de l'amende, il n'en demeure pas moins qu'elle permet à un bailleur d'imposer au locataire de verser une somme forfaitaire en cas d'inexécution pour un montant qui peut être très supérieur au montant du préjudice réellement subi. Le législateur a souhaité étendre la prohibition des clauses prévoyant des amendes aux clauses prévoyant des pénalités pour éviter que le contrat de location ne comporte des clauses disproportionnées qu'un bailleur pourrait imposer à un locataire compte tenu de la relation par essence déséquilibrée qu'induisent, dans bien des situations, les tensions existant sur le marché locatif. Ces dispositions ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle au regard de l'objectif de sécurisation des relations entre les bailleurs et les locataires poursuivi par le législateur. Ce grief ne pourra donc qu'être écarté. 2- Sur la méconnaissance du principe d'égalité. La loi déférée prévoit que la rémunération des personnes mandatées par le bailleur pour assurer la mise en location d'un logement sera à la charge exclusive de celui-ci. Seuls les honoraires des prestations qui bénéficient aussi bien au preneur qu'au bailleur pourront être partagés entre ces derniers. Pour prévenir les abus actuellement constatés, tout particulièrement dans certaines zones marquées par une tension du marché locatif, le législateur a souhaité que la part de ces honoraires incombant au preneur soit plafonnée. Contrairement à ce que soutiennent les députés auteurs du recours, cette distinction ne méconnaît pas le principe d'égalité. Le bailleur qui donne mandat à une agence immobilière pour assurer la mise en location d'un logement se trouve dans une situation différente du locataire qui s'adresse à cette agence pour visiter des logements. Il est logique que les frais liés à la mise en location soient à la charge du bailleur qui a choisi l'intermédiaire et a contracté avec lui en lui confiant la mission de rechercher un locataire. Il convient de relever, à cet égard, que la loi n'a ni pour objet ni pour effet de mettre à la charge du bailleur les honoraires liés à un mandat de recherche d'appartement qui serait passé exclusivement par le preneur avec un intermédiaire sans qu'aucun mandat ne soit passé par le bailleur. Un tel mandat ne pourrait, en effet, être regardé comme un mandat relatif à la mise en location d'un logement entrant dans le champ d'application du premier alinéa du I de l'article 5 de la loi du 6 juillet 1989. De même, le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité en prévoyant que les frais des prestations qui bénéficient au preneur soient plafonnés. En effet, à la différence du bailleur qui peut discuter du montant de ces frais en confiant son mandat à un agent immobilier, le preneur ne possède aucun pouvoir de négociation pour la détermination des honoraires qui doivent être partagés entre le bailleur et le locataire. Celui-ci, s'il désire occuper le logement, n'a d'autre choix que d'accepter le tarif exigé, qui peut largement excéder le service rendu. Le plafonnement des frais sera ainsi de nature à prévenir certains abus actuellement constatés. Il convient par ailleurs de préciser que les honoraires globaux de l'agent immobilier restent libres, seule la partie qui peut être mise à la charge du locataire se trouvant plafonnée par le nouveau régime instauré par la loi. Le grief tiré de ce que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité ne peut donc qu'être écarté. II - SUR L'ARTICLE 5 A- L'article 5 de la loi déférée modifie notamment l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989. Il abaisse de 70 à 65 ans l'âge à partir duquel un locataire ne peut se voir signifier un congé par un bailleur pour reprendre ou vendre un logement. Elle augmente de 60 à 65 ans l'âge du bailleur conduisant à ce que cette règle ne soit pas applicable. Il prévoit également que ces règles s'appliquent lorsque le locataire a à sa charge une personne vivant habituellement dans le logement et remplissant lesdites conditions. Les députés auteurs du recours estiment que cette disposition porte atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle et constitue une rupture d'égalité entre les parties. B- Le Gouvernement n'est pas de cet avis. Il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété, protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et à la liberté contractuelle, qui découle de son article 4, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi (décision 2012-660 DC, cons. 5). Le législateur, dans un souci d'assurer la protection des personnes âgées en situation de fragilité sociale, a souhaité harmoniser les dispositions protectrices du locataire et du bailleur en appliquant un âge unique de soixante cinq ans pour déterminer les cas dans lesquels un congé peut être donné pour reprendre ou vendre un logement. Ainsi, un bailleur ne pourra signifier son congé à un locataire de plus de soixante cinq ans dont les ressources sont inférieures au plafond de ressources en vigueur pour l'attribution des logements locatifs conventionnés que s'il a plus de soixante cinq ans lui-même et bénéficie également de ressources inférieures à ce plafond. En prévoyant cette règle uniforme afin de mieux protéger les personnes âgées et assurer le respect de l'objectif à valeur constitutionnelle de droit à un logement décent, le législateur n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté contractuelle. De même, la possibilité de contester la décision de congé devant le juge sur le fondement de ces dispositions ne saurait les faire regarder comme méconnaissant le principe d'égalité. Le législateur a souhaité étendre cette protection aux personnes âgées de plus de soixante cinq ans qui sont hébergées à la charge du locataire. Dans un tel cas de figure, le Gouvernement estime que la condition de ressources fixée par la loi devra nécessairement s'apprécier au regard de l'ensemble des revenus perçus par le locataire et cette personne à charge. Ces dispositions sont donc conformes à la Constitution. III- SUR L'ARTICLE 6 A- L'article 6 de la loi déférée crée un mécanisme de nature à encadrer les loyers dans les zones marquées par de fortes tensions du marché locatif pour prévenir la fixation de loyers excessifs. Les députés et les sénateurs auteurs des recours estiment que cet article porte atteinte au droit de propriété. Les députés requérants considèrent également que cet article porte atteinte aux contrats en cours. B- Ces griefs ne pourront qu'être écartés. 1- La loi prévoit un mécanisme d'encadrement des loyers dans les zones d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérise par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d'acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d'emménagements annuels dans le parc locatif social. Cette définition, complète et fondée sur des critères objectifs et rationnels, est identique à celle retenue pour élargir la taxe sur les logements vacants prévue à l'article 232 du code général des impôts, déjà validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012. Le dispositif d'encadrement des loyers sera donc mis en place uniquement dans des territoires où le déséquilibre entre l'offre et la demande de logements locatifs induit un rapport de force déséquilibré entre le bailleur et le candidat à la location. Ces zones seront découpées en secteurs géographiques caractérisés par une homogénéité des loyers. Dans chacun de ces secteurs géographiques, et pour chaque catégorie de logement, un loyer de référence sera déterminé. Il sera égal au loyer médian calculé à partir des niveaux de loyer constatés par un observatoire local des loyers pour cette catégorie de logement au sein de ce secteur géographique. Le loyer de référence sera exprimé par un prix au mètre carré de surface habitable. A partir de ce loyer de référence, le préfet arrêtera un loyer de référence majoré qui ne pourra être supérieur de 20% au loyer de référence. Pour un logement relevant de cette catégorie de logement et situé dans ce secteur géographique, la fixation du loyer restera entièrement libre s'il n'est pas supérieur au loyer de référence majoré ainsi défini. Le propriétaire pourra en outre appliquer un complément de loyer pour des logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort exceptionnelles par leur nature et leur ampleur par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique. Ce mécanisme est de nature, dans les zones tendues, à prévenir les abus qui permettent à certains propriétaires de profiter du déficit d'offre caractéristique d'un marché locatif de pénurie, pour exiger de locataires captifs des loyers excessifs au regard de la qualité du logement proposé. Il contribue ainsi à assurer l'équilibre entre le respect du droit de propriété et celui de l'objectif à valeur constitutionnelle visant à garantir la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent. Par ailleurs, contrairement à ce qu'indiquent les sénateurs requérants, le dispositif prévu par le législateur est entouré de garanties suffisantes pour éviter l'arbitraire et assurer sa pleine application. Il s'appuie sur les résultats issus de la constitution de dix-neuf observatoires pilotes d'ores et déjà répartis sur l'ensemble du territoire. A l'occasion du déploiement de ces observatoires, une méthodologie de recueil et de traitement des données pour obtenir des résultats fiables sur les loyers a été développée et soumise à l'avis d'un comité scientifique composé d'experts indépendants. Ces travaux ont permis de montrer que la définition et le périmètre des secteurs géographiques doivent tenir compte de la structure du marché locatif local, le loyer d'un logement dépendant fortement de sa localisation. Ainsi qu'évoqué par le Gouvernement lors des débats parlementaires, le quadrillage retenu par les observatoires sera fixé pour correspondre aux caractéristiques des marchés locatifs en cause : son niveau de précision pourra être restreint à un ensemble de rues, un quartier ou un secteur urbain déterminé en fonction des circonstances pertinentes sur le plan local, la méthodologie de recueil statistique des données d'observation étant, pour sa part, validée par le comité scientifique. Les travaux menés ont également permis de définir le choix des variables qui doivent impérativement être collectées pour définir la catégorie de logement pour laquelle, dans un secteur géographique donné, un loyer de référence doit être défini. Le comité scientifique a estimé que les facteurs déterminant le niveau du loyer d'un logement étaient principalement les suivants : - le type de bien : logement individuel (maison) ou collectif (appartement) ; - la période de construction (par grande période : avant 1946, 1946-1970, 1971-1990, 1991-2005, après 2005) ; - le nombre de pièces ; - la nature de la location : nue ou meublée. Les loyers médians seront donc mesurés par secteur géographique pertinent en tenant compte de ces quatre critères : à titre d'exemple, pour un secteur géographique donné, sera déterminé le loyer médian des appartements de deux pièces en location nue construits entre 1946 et 1970. Ces exigences sont de nature à garantir une homogénéité des logements observés au sein de secteurs géographiques pertinents et à assurer un régime de fixation précis et objectif des niveaux de loyers médians. Un tel dispositif, limité dans son principe comme dans son champ géographique, ne peut être regardé comme portant une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté contractuelle. 2- Ce dispositif ne remettra pas en cause les contrats de bail conclus avant l'entrée en vigueur de la loi. Il ne s'appliquera qu'aux nouveaux contrats et aux contrats qui font l'objet d'un renouvellement, ce qui implique la conclusion d'un nouvel acte après accord exprès des deux parties. En revanche, il ne s'appliquera pas aux contrats de bail déjà conclus qui font l'objet d'une tacite reconduction. Le grief tiré de ce que l'article 6 porterait atteinte aux contrats légalement conclus manque donc en fait. IV- SUR L'ARTICLE 16 A- L'article 16 met en œuvre un régime d'autorisation temporaire pour la location de courte durée de locaux meublés par des particuliers. Les députés et les sénateurs auteurs des recours estiment que ces dispositions portent atteinte au droit de propriété. Les députés requérants considèrent également que cet article porte atteinte à la liberté contractuelle. Les sénateurs auteurs du recours soutiennent que cet article porte atteinte à la garantie des droits prévue par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et méconnaît l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi. B- Le Gouvernement n'est pas de cet avis. 1- L'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation prévoit que le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable. Ce régime est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. L'article L. 631-7-1 du même code prévoit que cette autorisation préalable peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage. Il prévoit également qu'une délibération du conseil municipal fixe les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations et déterminées les compensations au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements. Ce régime d'autorisation préalable poursuit un objectif d'intérêt général en préservant le maintien de locaux d'habitation dans des zones où une pénurie est constatée. Le Conseil d'Etat a estimé que les dispositions prévoyant l'édiction des règles de délivrance des autorisations, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, ne méconnaissaient pas les exigences constitutionnelles s'attachant à la garantie du droit de propriété (CE, 8 juin 2012, Cabinet d'avocats Cotty Vivant Marchisio & Lauzeral, n° 357797). 2- La cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 24 mai 2011, a jugé qu'un particulier qui souhaite louer un appartement en local meublé pour une durée de moins d'un an doit y être autorisé lorsqu'un régime d'autorisation préalable des changements d'usage des logements a été mis en place. En effet, les logements donnés en location en meublé ne sont regardés comme demeurant des locaux d'habitation, au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, que si le bail répond aux conditions de l'article L. 632-1 de ce même code, à savoir la location pour une durée d'une année à titre de résidence principale. L'application des dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation aux locations meublées de courte durée répond indéniablement à l'objectif poursuivi par le régime d'autorisation préalable. En effet, la multiplication d'appartements loués pour des périodes très limitées à une clientèle principalement touristique a pour effet d'accentuer la pénurie d'offre locative pour les ménages cherchant à se loger. La modification de l'article L. 631-7 ne crée pas un régime d'autorisation préalable de changement d'usage pour les locations de meublés de courte durée mais ne fait que transposer dans le droit positif la jurisprudence. 3- L'application de ces règles aux personnes physiques paraît néanmoins excessivement rigoureuse dans certaines situations, par exemple pour des personnes qui n'occupent que de manière occasionnelle leur logement en raison d'une affectation temporaire à l'étranger ou dans une partie éloignée du territoire national. Ces personnes peuvent légitimement désirer louer leur logement pour de courtes durées sans que cette location ne témoigne d'un changement d'usage de leur habitation. C'est la raison pour laquelle le législateur a souhaité créer un régime d'autorisation temporaire permettant à ces personnes physiques de louer pour des courtes durées leur appartement à une clientèle de passage, sans avoir à fournir de compensation comme dans le régime de droit commun du changement d'usage. Enfin, la loi déférée prévoit expressément que ces dispositions ne s'appliquent pas pour la location de courte durée d'une résidence principale qui reste totalement libre. Ainsi, loin de porter atteinte au droit de propriété de ces personnes, l'article 16 est de nature à limiter les effets de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation tout en assurant le respect de l'objectif de lutte contre la pénurie de logement. Contrairement à ce que soutiennent les sénateurs requérants, le dispositif prévu par le législateur ne saurait être regardé comme étant de nature à entraîner une insécurité juridique. En l'absence de délibération fixant, pour l'application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations de changement d'usage, un particulier reste libre de modifier l'usage des locaux qu'il possède. Dans ces communes, quand une telle délibération existe, une personne physique ne peut, à l'heure actuelle, légalement louer pour de courtes durées son appartement à une clientèle de passage sans obtenir une autorisation. Le nouveau régime d'autorisation temporaire, dont le périmètre d'application est le même que celui de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, permettra à la collectivité, si elle le souhaite, d'assouplir ce régime en prévoyant une autorisation temporaire. Les effets juridiques des deux régimes n'ont donc pas vocation à se cumuler. Par ailleurs, l'instauration du nouveau régime est dépourvue d'effet sur les locaux d'habitation ayant déjà changé d'usage antérieurement à son entrée en vigueur. Les sénateurs requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que la loi déférée remettrait en cause des situations légalement constituées. Enfin, on ne saurait reprocher au législateur de ne pas avoir prévu les conditions dans lesquelles l'autorisation temporaire de changement d'usage cesse de produire ses effets. Compte tenu de l'objectif poursuivi par le régime d'autorisation de changement d'usage, le législateur a souhaité laisser aux collectivités territoriales le soin de définir les critères de cette autorisation temporaire en tenant compte des caractéristiques des marchés de locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements. Ces critères pourront porter sur la durée des contrats de location, les caractéristiques physiques du local ainsi que sur la localisation de ce dernier. Le législateur a ainsi soumis l'acte réglementaire en cause au respect de considérations objectives, en rapport avec l'objet de la loi et de nature à prémunir les intéressés contre tout arbitraire dans l'appréciation de la situation propre à chaque commune ou groupement de communes. Ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi. Le Gouvernement estime donc que l'article 16 est conforme à la Constitution. V- SUR L'ARTICLE 19 A- L'article 19 de la loi déférée prévoit la possibilité pour l'assemblée générale des copropriétaires de soumettre à son accord préalable la demande d'autorisation, par un copropriétaire, de changement d'usage d'un local destiné à l'habitation faisant partie de la copropriété aux fins de le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage. Les députés auteurs du recours estiment que ces dispositions portent atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle. B- Ces griefs sont infondés. La location répétée d'un appartement à une clientèle touristique pour une courte durée peut impliquer une utilisation accrue des parties communes et ainsi engendrer une augmentation des charges de la copropriété ainsi que des troubles de voisinage liés, par exemple, à la méconnaissance des modalités d'utilisation des équipements ou parties communes. La possibilité pour l'assemblée générale des copropriétaires de soumettre la demande d'un tel changement d'usage à son accord est ainsi de nature à prévenir un usage abusif du changement d'utilisation de son logement par un propriétaire. Cette possibilité devra être décidée à la majorité des voix de tous les copropriétaires. Ces dispositions ne peuvent donc être regardées comme portant une atteinte disproportionnée au droit de propriété ou à la liberté contractuelle. VI- SUR L'ARTICLE 23 Les députés auteurs du recours estiment que l'article 23, qui crée une garantie universelle des loyers, a été adopté à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance de l'exigence de clarté et de sincérité des débats. Ils considèrent que l'article finalement adopté est très différent de celui sur lequel ont porté les débats parlementaires en première lecture et qu'il a ainsi pu échapper à l'obligation de présentation d'une étude d'impact qui s'applique aux projets de loi. Le Conseil constitutionnel juge que les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées à un texte après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion à l'exception des amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle (décision n°2005-532, cons. 26). En l'espèce, comme le reconnaissent les auteurs du recours, le projet de loi déposé par le Gouvernement comportait un article 8 créant une garantie universelle des loyers et cet article restait en discussion à l'issue de la première lecture. Il était donc parfaitement loisible au Gouvernement et aux parlementaires de proposer des amendements modifiant ces dispositions, y compris de manière substantielle. Comme le juge en effet le Conseil constitutionnel, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de ce qu'un amendement, par son ampleur, excèderait des limites inhérentes au droit d'amendement (décision n°2001-450 DC, cons. 30). Le Conseil constitutionnel juge également que le grief tiré de la méconnaissance des exigences relatives à la présentation des projets de loi sont inopérants à l'encontre d'articles introduits sur amendement (Décision n°2010-618 DC, cons. 8). Les députés auteurs du recours ne sauraient donc utilement reprocher à l'amendement du Gouvernement présenté en deuxième lecture de ne pas avoir été accompagné d'une étude d'impact. Les griefs articulés contre l'article 23 ne pourront qu'être écartés. VII- SUR L'ARTICLE 24 A- Le 8° de l'article 24 de la loi déférée prévoit une clause d'exclusivité en cas d'inscription d'un bien immobilier sur une liste proposée par un marchand de listes. Les sénateurs auteurs du recours considèrent que ces dispositions portent atteinte à la liberté d'entreprendre. B- Un tel grief ne pourra qu'être écarté. L'activité de marchand de listes est une activité réglementée par l'article 1er de la loi du 2 janvier 1970. Elle consiste à proposer des listes de biens immobiliers pour l'achat ou la location en contrepartie d'un paiement forfaitaire. Elle se distingue des activités normalement exercées par les agents immobiliers qui incluent d'autres prestations d'intermédiation et notamment la signature du bail. L'agent immobilier étant rémunéré lorsque le propriétaire et le locataire ont effectivement signé le bail, il n'a aucun intérêt à proposer des biens qui ne seraient pas disponibles à la date de leur présentation. Les marchands de listes perçoivent, pour leur part, leur rémunération à la fourniture de la liste. La réglementation actuelle ne permet toutefois pas de garantir la disponibilité des biens figurant sur les listes. Il en résulte des dérives qui aboutissent à la vente de listes comportant des biens non disponibles par des professionnels peu scrupuleux. Afin de protéger le consommateur contre de telles dérives, le législateur a souhaité instaurer une clause d'exclusivité permettant à un marchand de listes de garantir que les biens figurant sur la liste qu'il commercialise sont effectivement disponibles. Cette clause d'exclusivité sera d'une durée limitée. Dans ces conditions, l'article 24 ne saurait être regardé comme portant une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre. VIII- SUR L'ARTICLE 92 A- L'article 92 permet de délimiter des zones soumises à autorisation préalable de mise en location sur les territoires présentant une proportion importante d'habitat dégradé. Les députés auteurs du recours estiment que ces dispositions portent atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle. B- Ces griefs ne pourront qu'être écartés. Dans une décision rendue le 19 janvier 1995, le Conseil constitutionnel a considéré que « le droit pout toute personne de disposer d'un logement décent constitue un objectif constitutionnel qui prolonge le principe de la dignité de la personne humaine et le renforce ». L'autorisation préalable de mise en location des logements dans les territoires présentant une proportion importante d'habitat dégradé est de nature à prévenir la location de biens susceptibles de porter atteinte à la sécurité des occupants et à la salubrité publique dans les zones où ces risques sont particulièrement avérés. Ces zones seront délimitées de manière objective en cohérence avec le programme local de l'habitat en vigueur et le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées, qui définit les mesures destinées à permettre aux personnes ou familles éprouvant des difficultés d'accéder à un logement décent et indépendant ou de s'y maintenir et de disposer de la fourniture d'eau, d'énergie et de services téléphoniques. La décision de refus d'autorisation préalable de mise en location devra être motivée et fondée sur le fait que le logement est susceptible de porter atteinte à la sécurité des occupants et à la salubrité publique. Elle précisera la nature des travaux ou aménagements prescrits pour satisfaire aux exigences de sécurité et de salubrité précitées. L'autorisation préalable à la mise en location permettra d'éviter la mise en location de logements insalubres. A cette fin, l'autorisation devra être jointe au contrat de bail à chaque nouvelle mise en location ou relocation. Le législateur a néanmoins prévu que la mise en location de locaux à usage d'habitation par un bailleur, sans autorisation préalable, serait sans effet sur le bail dont bénéficie le locataire. Dans ces conditions, l'atteinte portée au droit de propriété ne peut être regardée comme disproportionnée à l'objectif à valeur constitutionnelle poursuivi par le législateur. De même, on ne peut considérer que le législateur aurait porté une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle. L'article 92 est donc conforme à la Constitution. IX- SUR L'ARTICLE 153 A- L'article 153 de la loi déférée prévoit que les cessions de parts d'une société civile sont soumises aux formalités de publicité foncière qu'implique le recours à l'acte authentique sous contrôle d'un notaire ou à un acte sous seing privé contresigné par un avocat ou un professionnel de l'expertise comptable. Les sénateurs auteurs de la saisine considèrent que le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence et l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi en permettant aux experts comptables de contresigner des actes dans les conditions prévues au chapitre Ier bis du titre II de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971. B- Le Gouvernement n'est pas de cet avis. La disposition s'inscrit dans l'objectif de sécuriser l'exercice du droit de préemption lorsque celui-ci est exercé sur des cessions de parts de SCI. Le législateur a souhaité, dans le cadre du débat parlementaire, introduire l'obligation de recourir à un notaire, un avocat ou un expert comptable pour réaliser la cession de la majorité des parts de SCI, portant sur une unité foncière ou immobilière, soumises au droit de préemption urbain. Pour assurer le renforcement des modalités de publicité foncière de ces opérations, l'article 153 a prévu d'ouvrir aux experts-comptables, dans ce champ restrictivement limité, la possibilité ouverte aux avocats de contresigner des actes sous seing privé en application de la loi du 31 décembre 1971. Le renvoi aux modalités prévues par la loi du 31 décembre 1971 précitée permettra d'harmoniser les responsabilités des professionnels chargés de la rédaction d'un même type d'acte (en l'espèce, un acte de cession portant sur la majorité des parts de SCI soumises au droit de préemption urbain). Il n'aura, en revanche, contrairement à ce que soutiennent les auteurs de la saisine, ni pour objet ni pour effet d'assimiler le professionnel de l'expertise comptable à un avocat et de créer ainsi une incertitude juridique de nature à rendre inintelligible la disposition contestée. Ce renvoi n'étend pas les compétences des experts comptables, ceux-ci n'intervenant en matière de rédaction d'actes juridiques que dans les limites fixées par l'ordonnance n°45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable. En effet, les travaux juridiques effectués par un expert-comptable doivent être directement liés aux travaux comptables dont ils sont chargés et revêtir un caractère accessoire. Par ailleurs, les conditions dans lesquelles seront contresignés ces actes sont dépourvues d'ambiguïté. L'article 3 de la loi n°2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines professions réglementées a inséré au sein du titre II de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques un nouveau chapitre Ier bis intitulé « le contreseing de l'avocat ». Selon l'article 66-3-1 de la loi du 31 décembre 1971, en contresignant un acte sous seing privé l'avocat atteste avoir pleinement éclairé la ou les parties qu'il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte. L'acte contresigné par avocat demeure un acte sous seing privé et n'a, par conséquent, ni date certaine, ni force exécutoire. Seule sa force probante est renforcée puisqu'il fait pleine foi de l'écriture et de la signature des parties, tant à leur égard qu'à celui de leurs héritiers ou ayants cause (article 66-3-2 de la même loi). Ces personnes ne peuvent donc plus dénier ou ne pas reconnaître la signature ou les signatures figurant sur l'acte. Elles ne pourront recourir à la procédure de vérification d'écriture (articles 287 à 298 du code de procédure civile). Le même article 66-3-2 dispose, par ailleurs, que la procédure de faux prévue par le code de procédure civile lui est applicable. Les parties peuvent contester le contenu de l'acte qu'on leur oppose, si elles estiment notamment qu'il a été falsifié. Elles devront alors utiliser la procédure de faux (articles 299 à 302 du code de procédure civile) qui est distincte de la procédure d'inscription de faux réservée aux actes authentiques (articles 303 à 316 du code de procédure civile). Enfin, l'article 66-3-3 de la même loi prévoit que l'acte contresigné par avocat est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi. Dès lors, en permettant que l'acte sous seing privé relatif à la cession de la majorité des parts sociales d'une SCI puisse être contresigné par un professionnel de l'expertise comptable « dans les conditions prévues au chapitre Ier bis du titre II de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 » le législateur a entendu que le bénéfice des dispositions sus-évoquées soit, mutatis mutandis, étendu à ce professionnel. Au total, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence en transposant un dispositif juridique à un professionnel se trouvant dans une situation comparable à celui pour lequel il a été institué. Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans la saisine ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, Les Sénateurs soussignés ont l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, les articles 3, 6ter, 9 et 70 quater de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové qui contreviennent à plusieurs principes constitutionnels et à valeur constitutionnelle. I. S'agissant de l'article 3 : Les requérants estiment que l'article 3 contrevient au principe constitutionnel du droit de propriété énoncé aux articles 2 et 17 de la Déclaration des Droits de l'homme et du Citoyen de 1789. Ces articles disposent en effet que : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression », et que « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ». Cependant, ce n'est qu'à partir de la décision du 16 janvier 1982 sur la loi de nationalisation, que votre Conseil a rattaché le principe constitutionnel de droit de propriété à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Dans cette même décision, votre Conseil a relevé l'évolution notable de ce principe, mais a également explicité la manière dont il entend mener ce contrôle de constitutionnalité : « les finalités et les conditions d'exercice du droit de propriété ont subi une évolution caractérisée à la fois par une notable extension de son champ d'application à des domaines individuels nouveaux et par des limitations exigées par l'intérêt général » (1). Il ressort de cette jurisprudence mainte fois renouvelée, que le droit de propriété est un principe constitutionnel au caractère élémentaire, mais que toutefois des limitations peuvent être introduites par la poursuite de l'intérêt général. Cette précision n'est cependant pas propre au principe de propriété privée puisque bon nombre d'atteintes à des principes constitutionnels doivent s'apprécier à l'aune de la proportionnalité avec l'objectif recherché, et donc avec l'intérêt général. La jurisprudence de votre Conseil peut cependant être analysée plus finement comme le fait Jean-François de Montgolfier dans les cahiers du Conseil Constitutionnel où celui-ci explique que le Conseil Constitutionnel assure une protection différenciée du principe de propriété selon que l'atteinte constitue une privation du droit de propriété ou une limitation des conditions de son exercice, dans ce dernier cas : « le Conseil examine si l'atteinte portée aux conditions d'exercice du droit de propriété est justifiée par des motifs d'intérêt général ». Or, les requérants considèrent que l'article 3 du projet de loi déféré, porte une atteinte au droit de la propriété qui ne peut être regardé comme justifié par l'intérêt général. En effet, l'article 3 vise à introduire un système d'encadrement des loyers dans les zones définies à l'alinéa 10 du même article, à savoir « les zones d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant ». En effet, ces zones seront dotées d'un observatoire local des loyers, dont les travaux serviront de base pour le représentant de l'État dans le département qui fixera chaque année un loyer de référence, un loyer de référence majoré et un loyer de référence minoré. Les alinéas 16 et 17 précisent ensuite dans quelles fourchettes peuvent évoluer les loyers de référence majoré et minoré précités. Ainsi, le loyer de référence majoré ne peut être fixé à un montant supérieur de 20 % au loyer de référence, et le loyer de référence minoré ne peut être fixé à un montant supérieur au loyer de référence diminué de 30 %. Par ailleurs, l'article 3 prévoit aux alinéas 19 à 27, les modalités d'application du complément de loyer exceptionnel « pour des logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort exceptionnelles par leur nature et leur ampleur par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique ». Dans ce cas, si contestation de la part du locataire il y a, l'alinéa 24 dispose que : « il appartient au bailleur de démontrer que le logement présente des caractéristiques de localisation ou de confort exceptionnelles par leur nature et leur ampleur par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique ». Il ressort de ces dispositions présentes à l'article 3 que le propriétaire d'un bien immobilier présent dans les zones mentionnées à l'alinéa 10 du même article ne sera pas libre d'établir le loyer qui lui convient le mieux ou qu'il estime nécessaire à la pérennisation de sa situation financière puisque la perception des loyers est pour la plupart des propriétaires un complément de revenu indispensable. Face à l'atteinte manifeste au droit de la propriété que génère cet article 3, il peut être répondu que le droit du propriétaire à demander le loyer qu'il désire est déjà limité par la loi. Effectivement, il existe des limites à la détermination par le propriétaire du loyer du bien qu'il met en location, mais ces limitations se réduisent à des dispositifs de défiscalisation comme les dispositifs « Scellier » ou « Borloo » qui prévoient des plafonds de loyer en échange d'une réduction d'impôt, ou aux limitations qui concernent les habitations déjà occupées. Mais dans ces deux cas, la limitation des conditions d'exercice du droit de propriété est soit consécutive d'une décision du propriétaire, soit consécutive de l'occupation du bien immobilier, et dans ce dernier cas, le propriétaire reste libre de demander le loyer qui lui convient. En d'autres termes, les requérants estiment que l'atteinte au droit de propriété, et plus particulièrement aux conditions d'exercice de ce droit, est, dans le cadre de cet article 3, sans commune mesure avec les dispositions précédemment invoquées. (3) Bien-sûr, l'atteinte au droit de la propriété à l'article 3 relève de la limitation des conditions de son exercice et non d'une privation du droit de propriété. Cependant, la limitation des conditions d'exercice du droit de propriété présent à l'article 3, par la privation du droit du propriétaire à demander le loyer qu'il souhaite doit être étudiée à l'aune de l'objectif poursuivi par la loi et donc à l'aune de l'intérêt général. Encore une fois, la limitation des conditions d'exercice du droit de propriété est envisageable si elle proportionnée à l'objectif poursuivi par la loi et motivée par l'intérêt général. De ce fait, il convient de s'interroger sur les raisons qui ont conduit le législateur à introduire une telle disposition. L'exposé des motifs présent dans la version initiale du texte ne fait que présenter techniquement les dispositions de l'article 3, sans les justifier. L'étude d'impact apporte pour seules justifications que : « Ce mécanisme d'encadrement des loyers doit à court terme permettre de contenir la progression des loyers et à long terme favoriser une baisse du montant du loyer ». Cependant, la discussion générale en première lecture au Sénat a permis à la Ministre de l'Egalité des territoires et du Logement d'apporter davantage de précisions : « Cette mesure repose avant tout sur un constat unanime : dans certaines zones, les loyers ont augmenté deux fois plus vite que l'indice des prix, ce qui a provoqué un véritable décrochage avec le niveau de revenu. Les locataires du parc locatif privé supportent les taux d'effort les plus élevés. Il faut noter que, en 2010, ils dépensaient en moyenne plus de 26 % de leurs revenus pour se loger ; les dépenses de logement de certains d'entre eux représentaient jusqu'à 40 % ou même 50 % de leurs revenus. Cette situation n'est pas soutenable. Elle n'est pas non plus acceptable ». En d'autres termes, l'encadrement des loyers à l'article 3 est motivé par une volonté d'arrêter la hausse continue des loyers de ces dernières années, et de participer à une baisse des loyers à plus long terme. En effet, comme le précise la documentation du Conseil Général de l'Environnement et du Développement durable : « Au cours des quarante dernières années, l'indice des loyers de l'INSEE a augmenté comme le revenu moyen de l'ensemble des ménages mais le poids du loyer dans le revenu des locataires a doublé » (2). Il ressort de cette réalité que la hausse des loyers devient insupportable pour nombre de nos concitoyens. Cependant, l'analyse du marché immobilier de ces dernières années aurait dû inciter le législateur a davantage de patience puisque comme le montre les études de l'INSEE sur l'évolution des valeurs de l'indice de référence des loyers, la variation annuelle en % de l'indice de référence des loyers a été pour les 3ème et 4ème trimestres de 2013 respectivement de 0,90% et de 0,69%3. De fait, depuis 2006 les loyers de marché augmentent moins vite que l'inflation comme l'explique Michel Mouillart, Professeur d'Economie à l'Université Paris Ouest. (4) Par conséquent, les requérants rejettent la justification apportée à cette limitation des conditions d'exercice du droit de propriété selon laquelle il s'agirait de contenir la progression des loyers, puisque la progression des loyers s'est justement arrêtée. Plus inquiétant encore, la justification apportée à cette limitation des conditions d'exercice du droit de propriété selon laquelle il s'agirait d'encourager une baisse des loyers. En effet, encadrer les loyers va revenir à geler le marché locatif. La réévaluation annuelle des loyers de référence n'apporte aucune garantie sur la capacité du dispositif à traduire la réalité du marché locatif, et donc à traduire une éventuelle baisse des loyers. Le législateur ne peut pas garantir que le Préfet dans le département, sur la base des travaux des observatoires locaux des loyers, sera en mesure de suivre très précisément les évolutions du marché locatif pour chaque « catégorie de logement et par secteur géographique » comme cela est prévu à l'alinéa 11. Il ressort de cette difficulté que l'encadrement des loyers est contraire à l'objectif poursuivi par le législateur qui est de participer à la baisse des loyers. De plus, il ressort de l'analyse du marché locatif qu'en premier lieu, celui-ci n'a jamais été aussi élevé, et qu'en second lieu, les prix du marché ne peuvent plus que descendre désormais, ce qu'ils ont déjà commencé à faire dans certaines villes. Ainsi, le dispositif proposé à l'article 3 va se traduire par le gel des loyers au moment où ils ont atteint leur niveau historiquement le plus élevé et s'avèrera être un obstacle à une diminution future des loyers. Par conséquent, les requérants considèrent que l'encadrement des loyers prévu à l'article 3 entraine une limitation des conditions d'exercice du droit de propriété qui ne peut être regardé comme proportionné à l'objectif poursuivi par la loi et qui ne peut être regardé comme conforme à l'intérêt général. Pour ces raisons, les requérants estiment que l'article 3 est contraire au principe constitutionnel du droit de propriété et doit donc être regardé comme contraire à la Constitution. II. S'agissant de l'article 6 ter : Cet article prévoit l'application du régime d'autorisation préalable de changement d'usage à la location de meublés de courte durée et la mise en place d'un régime d'autorisation temporaire pour ce type de location. II.1 Or, selon les requérants, le dispositif fait peser sur les propriétaires une contrainte excessive et disproportionnée en regard des motifs d'intérêt général poursuivis. En effet l'article 6 ter impose aux particuliers ayant un pied à terre ou une résidence secondaire meublé de procéder à un changement d'usage pour louer leur bien à titre occasionnel. Le législateur, qui poursuit l'objectif de limiter les effets spéculatifs liés à des investissements démultipliés dans l'immobilier destinés aux seules locations temporaires, restreint ainsi l'exercice du droit de propriété de manière totalement disproportionnée. 5 Le droit de propriété de ces détenteurs immobiliers est, au mieux amputé, au pire dénaturé. Il en va de même lorsque l'exercice de ce droit est subordonné à l'existence d'une autorisation administrative préalable. La disproportion est manifeste, le droit constitutionnel de propriété est bafoué, au regard des articles 2 et 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Comme votre Conseil l'a d'ailleurs jugé à plusieurs reprises, même en l'absence de privation de la propriété, le législateur ne peut réglementer l'usage des biens qu'en respectant un impératif de mesure (5). II.2 De plus, selon les requérants, le dispositif envisagé par cet article fait peser sur les propriétaires une contrainte irrationnelle au regard des motifs d'intérêt général poursuivis. Comme votre Conseil l'a précisé, encore dernièrement dans sa décision n°365 QPC du 6 février 2014 (6), le législateur contrevient au principe d'égalité lorsqu'il choisit un moyen rationnellement inadapté aux finalités qu'il prétend poursuivre. En l'espèce, au nom de la subsidiarité, le législateur permet aux collectivités locales d'autoriser la location temporaire des résidences secondaires ou des pieds à terre. Encore faut-il que, dans les communes visées de plus de 200 000 habitants, les délibérations des municipalités adoptées dans le cadre de l'application de la loi ALUR interviennent pour autoriser explicitement ces locations temporaires. Dans l'intervalle, elles restent interdites. Plusieurs mois vont donc s'écouler entre la promulgation de la loi et la publication de ces délibérations. Cela signifie - une fois passées les prochaines élections municipales - que, les propriétaires, qui tirent de la location temporaire de ces biens un revenu de complément, vont en être privés, et ce durant plusieurs mois. Ils seront, au surplus, suspendus à l'incertitude relative au contenu de délibérations municipales à venir. Les objectifs poursuivis par le législateur ne justifient aucunement l'ouverture d'une telle période de latence, ni a fortiori la genèse d'une telle insécurité juridique. On ne voit pas comment ni pourquoi la volonté de lutter contre les effets spéculatifs des acquisitions menées aux seules fins de pratiquer des locations temporaires pourrait justifier que l'on congèle ainsi, sine die l'exercice normal du droit de propriété. On ne voit surtout pas comment ils pourraient posséder cet effet sur des personnes qui sont déjà propriétaires des biens dont il s'agit. II.3 Enfin, les requérants estiment que l'application dans le temps du dispositif retenu porte à l'exigence de garantie des droits posée à l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, et ce pour trois raisons. V Le législateur aurait dû mettre en place un système de droit transitoire qui évite de manière effective aux propriétaires de subir les dommages excessifs que leur causerait l'application immédiate d'un dispositif aussi contraignant. En ne le faisant pas, il a manqué à l'exigence de sécurité juridique. De plus, l'absence d'un dispositif transitoire approprié manque aussi à l'impératif de garantie des droits en ce qu'il expose les propriétaires à commettre des infractions, réprimées par une amende. Pourtant, votre Conseil juge que l'infliction d'une amende, parce que « punitive », fait entrer le dispositif dans le registre pénal (7). Or on ne saurait imaginer que le législateur puisse lui-même contribuer aussi gravement à fragiliser la condition juridique des citoyens. En effet, le dispositif de cet article aboutit à ce que, dès la promulgation de la loi, le propriétaire d'une résidence secondaire dont une location temporaire est en cours, se trouve passible d'une amende de 25000 euros. Enfin, considérant ce qui précède, les requérants estiment que, du fait de cette absence de dispositif transitoire approprié, certains propriétaires de résidences secondaires actuellement louées de façon temporaire seraient contraints, lors de l'entrée en vigueur de la loi, de remettre en cause des contrats déjà souscrits. Or il n'est aucunement démontré que le motif d'intérêt général retenu par le législateur soit « suffisant » pour justifier sans disproportion une telle atteinte aux contrats en cours et aux situations légalement constituées. II.4 Les requérants estiment enfin que l'article 6 ter est contraire à l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité de la loi. Cet objectif est lui-même issu du principe constitutionnel de garantie des droits requis par l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen comme le précise François Luchaire dans sa contribution sur la sécurité juridique en droit constitutionnel français (8). Ce-dernier donne en complément un des sens que doit prendre l'intelligibilité de la loi : « Pour satisfaire l'exigence d'intelligibilité, la loi doit être claire ». V Or, il ressort de l'analyse des dispositions sur le nouveau régime d'autorisation temporaire de changement d'usage, défini au 5ème alinéa de l'article 6 ter, que celles-ci sont contraires à ce principe d'intelligibilité. En effet, si l'alinéa 6 du même article fixe « les conditions de délivrance de cette autorisation temporaire », l'article 6 ignore les conditions dans lesquelles ce régime d'autorisation temporaire de changement d'usage cesse de produire ses effets. Cet oubli est d'autant plus dommageable, que le régime actuel de l'autorisation de changement d'usage est complété au deuxième alinéa de l'article L. 631-7-1 du Code de la construction et de l'habitation par une précision sur les conditions dans lesquelles ce régime cesse de produire effet. Par ailleurs, l'alinéa 8 dispose que : « Le local à usage d'habitation bénéficiant de cette autorisation temporaire ne change pas de destination ». En d'autres termes, cette autorisation temporaire de changement d'usage doit être dissociée de la procédure existante de changement d'usage, et ne pourrait, selon les requérants, se voir appliquer les mêmes règles en ce qui concerne la cessation des effets que celles existantes au 2ème alinéa de l'article L. 631-7-1 du Code de la construction et de l'habitation. Ainsi, les bénéficiaires de ce nouveau régime d'autorisation temporaire de changement d'usage défini au 5ème alinéa de l'article 6 ter ne sont pas informés sur la procédure qui doit leur permettre de quitter ce statut d'autorisation temporaire de changement d'usage. III. S'agissant de l'article 9 : Les requérants estiment que les alinéas 54 et 55 de l'article 9 contreviennent au principe constitutionnel de liberté d'entreprendre énoncé à l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Ce principe constitutionnel peut se décliner sous de nombreuses formes parmi lesquelles le principe de libre concurrence. Bien que ce principe de libre concurrence ne soit pas un principe constitutionnel à part entière, comme l'explique Guylain Clamour, Docteur en droit à l'université Montpellier I, dans la documentation du Conseil Constitutionnel : « la jurisprudence constitutionnelle montre avec une certaine équivoque que le juge de la loi comprend pourtant le versant objectif de la concurrence à l'occasion de l'examen des objectifs du législateur » (9). Selon le même auteur, il existe bel et bien un intérêt général concurrentiel que certaines décisions sont venues étayées, comme la décision du 15 janvier 1992 sur la loi renforçant la protection des consommateurs (10), ou la décision du 20 janvier 1993 sur la loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques (11). Mais c'est surtout la décision du 11 juillet 2001 sur la loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel qui fait émerger une exigence constitutionnelle relative à la libre concurrence : « il appartiendra tant aux autorités de contrôle qu'au juge compétent saisi par toute personne intéressée de veiller au respect du principe d'égalité qui, en l'espèce, implique la libre concurrence » (12). Bien-sûr, le respect de ce principe ne saurait ignorer l'équilibre nécessaire que le législateur doit trouver entre les différents objectifs constitutionnels ou entre un de ces principes et l'intérêt général. Il convient donc de s'interroger pour savoir si les alinéas 54 et 55 de l'article 9 portent atteinte à la libre concurrence et donc à la liberté d'entreprendre, et si tel est le cas, si cette atteinte est justifiée. Or l'alinéa 55 dispose que dans le cadre d'une convention conclue entre une agence de liste (puisque l'alinéa 55 évoque : « la personne qui se livre à l'activité mentionnée au 7° de l'article 1er ») et le bailleur, celle-ci : « comporte une clause d'exclusivité d'une durée limitée aux termes de laquelle ce dernier s'engage, d'une part, à ne pas confier la location ou la vente de son bien à une autre personne exerçant une activité mentionnée à l'article 1er et, d'autre part, à ne pas publier d'annonce par voie de presse ». Cette disposition vise donc à créer une obligation d'exclusivité entre les teneurs de biens et lesdites agences de liste. En d'autres termes, le bailleur ne pourra avoir recours à aucun autre professionnel issu des agences immobilières traditionnelles, et n'aura pas le droit non plus de publier concomitamment d'annonces par voie de presse. Or, l'alinéa 55 prévoit que cette disposition ne s'applique qu'aux agences de listes mentionnées au 7° de l'article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, et non à l'ensemble des agents économiques qui se proposent de réaliser la location ou la vente du bien du bailleur. Il ressort donc de la lecture de l'alinéa 55, que celui-ci introduit une atteinte à la libre concurrence entre les agences mentionnées à l'article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce. Il convient alors de s'interroger sur l'objectif de la disposition contestée, et donc sur la justification qui pourrait être apportée à cette limitation de la liberté d'entreprendre. L'exposé des motifs nous indique alors que ces alinéas visent à apporter : « un encadrement de la convention qui lie les marchands de listes aux propriétaires des biens inscrits sur les listes ». Les requérants estiment alors que le législateur n'a pas seulement encadré ladite convention, mais a surtout limité l'exercice d'une activité économique. Limitation de l'activité des agences qui ne pourront plus proposer la vente ou la location de biens dont les propriétaires auront déjà confié la location ou la vente à une autre personne exerçant une activité mentionnée à l'article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970. Et limitation contractuelle pour les propriétaires qui ont déjà confié la location ou la vente de leur bien à une autre personne exerçant une activité mentionnée à l'article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, d'avoir recours à une agence de liste. Outre le fait que le législateur va bien au-delà d'un simple encadrement de la convention qui lie les marchands de listes aux propriétaires des biens inscrits sur les listes, il convient de déterminer si cette limitation de la liberté d'entreprendre (tant sur la libre concurrence que sur la liberté contractuelle), peut être justifiée par la poursuite de l'intérêt général. Il faut alors rappeler que les agences de location dites « agences de listes » font partie d'une profession réglementée par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dite loi « Hoguet ». Par ailleurs, ces agences se sont spécialisées dans la location entre particuliers depuis plus de 40 ans avec un modèle économique qui a permis la pérennisation de la profession, en faisant se rencontrer des centaines de milliers de propriétaires et de locataires. Ce modèle économique, à savoir un service gratuit pour le propriétaire et peu couteux pour le locataire, est le service optimal pour de nombreux propriétaires et locataires, lorsque d'autres se tourneront vers les agences traditionnelles. En d'autres termes, l'atteinte à la liberté d'entreprendre présente aux alinéas 54 et 55 de l'article 9 de la loi déférée ne peut pas être justifiée par la poursuite de l'intérêt général, de telle manière que les alinéas 54 et 55 doivent être déclarés contraires à la Constitution. IV. S'agissant de l'article 70 quater Cet article entend confier la rédaction des cessions de parts de sociétés civiles immobilières aux notaires, par acte authentique, aux avocats, par acte contresigné, mais également aux professionnels de l'expertise comptable, sous la forme « d'un acte sous seing privé contresigné (...) dans les conditions prévues au chapitre Ier bis du titre II de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 (...) ». IV.1 Les requérants considèrent que cet article contrevient au principe d'intelligibilité de la loi et, ainsi, à la sécurité juridique de la loi déférée. Il convient de rappeler, comme l'a exposé d'Olivier Dutheillet de Lamothe, alors membre de votre Conseil en 2005, « que l'exigence de sécurité juridique apparaît comme une référence implicite majeure du contrôle de constitutionnalité des lois aujourd'hui. Le Conseil constitutionnel se réfère implicitement à cette notion, qu'il a rattachée à l'article 16 de la Déclaration de 1789, dans de très nombreuses décisions. De façon plus précise, le Conseil Constitutionnel (...) utilise cette exigence pour tenter de sauvegarder la qualité de la loi. » La clarté de la loi est un élément fondamental de la sécurité juridique des dispositions législatives votées par le Parlement. Pourtant, force est de constater que l'article 8 de la loi déférée crée un nouvel acte juridique à disposition des experts comptables, en violation de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 qui définit le principe de séparation du chiffre et du droit. En effet, la loi du 31 décembre 1971 a marqué une première étape dans l'évolution des missions de l'avocat et dans la précision des principes de séparation des professions du chiffre et du droit. Puis, la loi du 31 décembre 1990 a franchi une deuxième étape en fusionnant les professions d'avocat et de conseil juridique. Une nouvelle profession a donc émergé au sein de laquelle coexistent deux métiers différents, d'une part, la défense en justice, d'autre part, le conseil. Depuis lors, l'avocat a vocation à remplir des fonctions extra-juridictionnelles et n'est plus engagé sur le seul terrain judiciaire. On rappellera brièvement qu'à côté de l'exercice du droit extrajudiciaire réservé, à titre principal, à certaines professions juridiques, la réforme de 1990 a également reconnu, à titre accessoire, sous certaines conditions, à certains professionnels n'appartenant pas aux professions judiciaires ou juridiques réglementées, le droit de donner des consultations ou de rédiger des actes juridiques. La réglementation posée par la loi de 1990 repose ainsi sur la distinction entre l'exercice du droit extrajudiciaire à titre principal et à titre accessoire. Cette distinction, entre professions du droit à titre principal et professions du chiffre, pouvant exercer une activité de droit à titre accessoire, a ressurgi lors de la discussion de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 relative à la modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées. Le législateur, à l'époque, a volontairement exclu l'expert-comptable du dispositif de la loi du 28 mars 2011 pour réserver aux seuls actes contresignés par les avocats une reconnaissance particulière, considérant ainsi que seuls les avocats apportent la garantie de compétence juridique nécessaire. L'Autorité de la concurrence avait d'ailleurs, dans son avis du 27 mai 2010, validé l'exclusion des experts comptables de ce dispositif précisant que « le choix de réserver le contreseing aux avocats pourrait, en tout état de cause, se réclamer de justifications objectives ». Ainsi l'Autorité de la concurrence rappelait que « l'introduction du contreseing d'avocat des actes sous seing privé visait à renforcer la sécurité juridique des actes des entreprises et à prévenir les contentieux. L'objectif de sécurité juridique accrue attribué au contreseing pourrait justifier que ce dernier soit réservé à des professionnels du droit, dont la matière juridique constitue l'activité principale et la formation initiale et continue, à l'exclusion d'opérateurs qui n'exercent des activités juridiques qu'à titre accessoire, à l'instar des experts comptables ». Cet avis se situe dans la lignée de la jurisprudence de votre Conseil qui ne considère pas que constitue une rupture du principe d'égalité le fait de traiter différemment des personnes placées dans une situation différente, pourvu que cette différence de traitement soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'institue (13). Or la situation particulière des avocats et les obligations auxquelles ils répondent justifient que la faculté d'apposer leur contreseing leur soit réservée. La rédaction d'acte sous seing privé est certes une activité commune à plusieurs professions juridiques. Cependant, la compétence reconnue aux avocats en la matière se distingue de celle des autres praticiens en ce qu'elle est générale. Ils exercent cette activité à titre principal non seulement d'un point de vue juridique, mais aussi d'un point de vue économique. Les avocats sont ainsi soumis à des exigences particulières tenant à leur indépendance, à la prévention des conflits d'intérêts, à l'obligation d'assurer le plein effet de l'acte selon l'ensemble des prévisions des parties et de veiller à l'équilibre des intérêts des parties, ainsi qu'à celle de les conseiller. En outre, ces professionnels sont soumis à une formation initiale en droit et à une obligation de formation continue strictement encadrée, qui en font des spécialistes du droit. Ainsi, les avocats semblent, selon les requérants, plus particulièrement en mesure de participer au renforcement de la sécurité juridique que doit permettre de réaliser l'acte contresigné. Le législateur a donc dans la loi déférée remis en cause la place même du droit et a nié les spécificités des professions réglementées. IV.2 Les requérants estiment, par ailleurs, que le législateur n'a pas pleinement utilisé les pouvoirs que la Constitution lui confère pour définir le nouvel acte juridique ainsi mentionné à l'article 70 quater contesté. Alors que l'acte sous seing privé contresigné, défini par la loi du 28 mars 2011 précitée, donne une nouvelle compétence juridique à un avocat de contresigner un acte sous seing privé et de lui conférer ainsi, entre les parties, une force probante renforcée, qui ne serait cependant pas celle d'un acte authentique (puisque cet acte contresigné demeure, juridiquement, un acte sous seing privé), l'article 70 quater que nous soumettons au contrôle de votre Conseil, « l'acte sous seing privé contresigné par un avocat ou par un professionnel de l'expertise comptable » n'est pas défini au regard de la loi du 28 mars 2011 l'instituant. C'est pourquoi, au regard du principe d'incompétence négative développé à plusieurs reprises par votre Conseil14, les requérants considèrent que ce nouvel acte juridique ouvert aux professionnels de l'expertise comptable doit être invalidé. (1) Décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982 sur la loi de nationalisation, considérant 16. (2) http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/prix-immobilier-evolution-1200-a1048.html Prix immobilier, Evolution 1200 2014, février 2014. (3) http://www.insee.fr/fr/themes/conjoncture/indice_loyer.asp Historique de l'indice de référence des loyers. (4) http://www.clameur.fr/lmsp.htm La conjoncture du marché locatif privé : les loyers de marché à fin août 2013 (5) « Considérant, [...] que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de l'article 17, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ». (Considérant de principe ; en tout dernier lieu, la décision n° 2013-682 DC du 19 décembre 2013, LFSS pour 2014, cons. N° 79.) (6) Le principe d'égalité ne s'oppose pas « à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit » (Considérant de principe répété à maintes reprises, en tout dernier lieu, la décision n° 365 QPC du 6 février 2014, indemnités journalières de sécurité sociale, cons. N° 4). Le législateur doit impérativement « fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose » (cf. dernièrement, parmi de nombreuses autres, la décision n° 2013-666 DC du 11 avril 2013, transition énergétique, cons. N° 9). (7) Décision n° 85 QPC du 13 janvier 2011, Ets Darty et fils. (8) François LUCHAIRE, La sécurité juridique en droit constitutionnel français, page 2. (9) La « Concurrence » dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, Guylain Clamour, page 3. (10) Décision n° 91-303 DC du 15 janvier 1992 sur la loi renforçant la protection des consommateurs. (11) Décision n° 92-316 DC du 20 janvier 1993 sur la loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques. (12) Décision n° 2001-450 DC du 11 juillet 2001 sur la loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, considérant n°10. (13) Décision DC 2001-456 du 27 décembre 2001 (14) Depuis la décision n° 67-31 DC du 26 janvier 1967 portant sur la loi organique modifiant l'ordonnance du 22 décembre 1958. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les conseillers, Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové telle qu'elle a été définitivement adoptée par le Parlement le 20 février 2014. Les députés auteurs de la présente saisine estiment que la loi déférée porte atteinte à plusieurs principes constitutionnels. Sur l'absence de clarté et de sincérité du débat lors de l'examen de l'article 23 qui met en place une garantie universelle des loyers (GUL) Le projet de loi initial, dans son article 8 (devenu article 23 de la loi), créait « pour les contrats de location conclus à compter du 1er janvier 2016, une garantie universelle des loyers ayant pour objet de couvrir les bailleurs personnes physiques ou morales contre les risques d'impayés de loyer et de favoriser l'accès au logement ». Un établissement public administratif de l'État devait ainsi préfigurer et mettre en place cette garantie selon un cahier des charges défini par le projet de loi. En première lecture, en commission des affaires économiques à l'Assemblée nationale, un amendement du Gouvernement (n° CE 1077) a réécrit les dispositions de cet article, en excluant les logements du parc public et en renvoyant à un décret le soin de préciser toutes les modalités d'application de la GUL. Les débats ont alors permis d'avoir des précisions sur la GUL, son champ d'application et son financement. Il était alors notamment question de l'instauration d'une taxe sur les bailleurs et les locataires (1). Ceci étant, comme l'a relevé le Rapporteur de la commission des affaires économiques du Sénat, « le présent article, dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, ne constitue qu'une déclaration de principe, sans préciser l'ensemble des aspects opérationnels de la garantie universelle des loyers » (2). Le Sénat a alors mis en place un groupe de travail pour réfléchir au contenu et aux modalités de ce que pourrait être une garantie universelle des loyers. En seconde lecture, en commission des affaires économiques à l'Assemblée nationale, un amendement du Gouvernement a, de nouveau, entièrement réécrit les dispositions de cet article. Cet amendement n° CE 624 comportait huit pages (sept pages de dispositif et une page d'exposé sommaire). Il détermine le champ de la GUL, les conditions pour en bénéficier (conditions portant sur la situation du bailleur, sur la situation du locataire, sur les conditions d'enregistrement du bail). Il prévoit les modalités de versement des aides au titre de la garantie (notamment le calcul du montant), les sanctions éventuelles à l'encontre du bailleur et du locataire. Il établit les missions et les modalités de gouvernance de l'Agence de la GUL. L'article 8 a fait l'objet, par la suite, de nombreux amendements du Gouvernement ou des Rapporteurs : en séance publique à l'Assemblée nationale (8 amendements), au Sénat en commission des affaires économiques (28 amendements du Rapporteur dont 20 de précision ou rédactionnels), puis en séance publique (11 amendements dont 4 du Gouvernement et 9 du Rapporteur). L'article 23 tel qu'adopté définitivement par le Parlement est donc très différent de celui sur lequel ont porté les débats parlementaires de la première lecture. La seconde lecture de ce texte ne s'est donc pas bornée à améliorer ou à préciser un dispositif existant. L'amendement du Gouvernement présenté en seconde lecture a ainsi échappé à l'obligation d'être accompagné d'une étude d'impact, ce qui, de par l'ampleur de cet amendement, constitue un détournement de l'esprit de l'article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 selon lequel l'étude d'impact doit exposer « l'évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d'administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue ». C'est la raison pour laquelle, les députés requérants estiment que les conditions d'adoption de l'article 23 méconnaissent l'exigence de clarté et de sincérité du débat, et donc la qualité de la loi. Sur l'atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle Le droit de propriété est garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 : - « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression.» - « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. » Le Conseil constitutionnel a admis la faculté pour le législateur de pouvoir apporter certaines limitations au droit de propriété, mais « une telle limitation, alors même qu'elle répond à un objectif de valeur constitutionnelle, ne saurait revêtir un caractère de gravité tel qu'elle dénature le sens et la portée du droit de propriété » (décision n°98-403 DC du 29 juillet 1998, Loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, Cons. 31). De même, s'il est « loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et à la liberté contractuelle, qui découle de son article 4, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi » (décision n° 2012-660 DC du 17 janvier 2013, Loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, Cons. 5). Les députés requérants estiment que plusieurs articles de la loi portent une atteinte anormale au droit fondamental à valeur constitutionnelle que constitue le droit de propriété dans l'un de ses attributs essentiels qui est la libre disposition de son bien par le propriétaire. - L'article 6 de la loi déférée instaure un mécanisme général et obligatoire d'encadrement des loyers dans les zones tendues. Des observatoires des loyers seront mis en place dans les zones dites « tendues » (3) pour collecter toutes les données relatives aux loyers pratiqués. Sur la base de leurs travaux, le Préfet devra fixer un loyer de référence (loyer médian calculé à partir des niveaux de loyers constatés), un loyer de référence majoré (d'un niveau maximal de plus de 20% par rapport au loyer médian de référence) et un loyer de référence minoré (d'un niveau maximal de moins de 30% du loyer médian de référence), exprimés par un prix au mètre carré de surface habitable, par catégorie de logement et par secteur géographique. Le loyer de tout logement du parc privé mis en location dans ces zones devra être compris entre le loyer de référence minoré et le loyer de référence majoré. Dans le cas contraire, une action en réévaluation de loyer peut être engagée par l'une des parties au bail. Si le Conseil admet des limitations au droit de propriété, celles-ci doivent demeurer proportionnées à l'objectif poursuivi. Or, les députés auteurs de la présente saisine estiment que le principe d'un encadrement des loyers, général et obligatoire, porte atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle d'une manière disproportionnée. Il ressort des débats parlementaires que le législateur a entendu, par ce dispositif, limiter l'évolution des montants des loyers pratiqués dans les zones tendues. Selon l'étude d'impact (page 42-43), dans l'agglomération parisienne, seulement « 26,5% des logements reloués en 2012 avaient un loyer supérieur au seuil maximum (seuil égal à la médiane augmentée de 20%, calculée par nombre de pièce et par zone géographique) ». Autrement dit, la baisse des loyers consécutive à la mise en place du dispositif n'impacterait que 26,5% des logements reloués. En revanche, pour les 73,5% restants, les loyers pourraient augmenter pour atteindre le niveau maximal autorisé. En conséquence, le mécanisme retenu pour l'encadrement des loyers ne répond pas à l'objectif poursuivi, voire est même contre-productif. L'atteinte portée au droit de propriété est donc disproportionnée. Dès lors, l'article 6 doit être déclaré inconstitutionnel. Il porte non seulement atteinte au droit de propriété mais également à la liberté contractuelle puisqu'il impose aux parties de déterminer le montant du loyer au regard d'une « fourchette » établie par l'autorité administrative. En outre, le dispositif d'encadrement des loyers tel que prévu par l'article 6 s'applique aux renouvellements du bail, ce qui porte atteinte à l'économie des contrats en cours. Le Conseil considère en effet « que, s'il est loisible au législateur d'apporter, pour des motifs d'intérêt général, des modifications à des contrats en cours d'exécution, il ne saurait porter à l'économie de contrats légalement conclus une atteinte d'une gravité telle qu'elle méconnaisse manifestement la liberté découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen » (décision n°2000-436 DC du 7 décembre 2000, Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, cons. 50). - La loi déférée comporte d'autres articles qui portent atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle. Ainsi, plusieurs dispositions relatives aux locations de meublés de courte durée destinés à une clientèle de passage ont été introduites par voie d'amendements lors de la première lecture du texte. L'article 16 permet aux conseils municipaux ou aux EPCI de définir un régime d'autorisation temporaire de changement d'usage pour ce type de location. L'article 19 permet, quant à lui, à l'assemblée générale des copropriétaires de donner un accord préalable avant toute demande d'autorisation de changement d'usage d'un local destiné à l'habitation faisant partie de la copropriété par un copropriétaire aux fins de le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage (4). Cela signifie qu'en cas de refus de l'assemblée générale des copropriétaires, un propriétaire ne pourrait pas disposer de son bien comme il l'entend puisqu'il n'aurait pas le droit de le proposer à la location pour de courtes durées. L'objectif poursuivi par le législateur serait de limiter les effets spéculatifs liés à des investissements dans l'immobilier destinés aux seules locations temporaires. Or, en imposant au propriétaire une autorisation préalable avant la mise en location de son bien, dans des conditions qu'il a déterminées pour des raisons personnelles (courtes durées plutôt que bail de 3 ans tacitement renouvelable), ces deux articles portent une atteinte disproportionnée au droit de propriété. L'article 92 confère à la commune ou à l'EPCI compétent en matière d'habitat la faculté de délimiter des zones soumises à autorisation préalable de mise en location sur les territoires présentant une proportion importante d'habitat dégradé. Dans ces zones, la mise en location d'un logement est donc subordonnée à la délivrance d'une autorisation et doit être renouvelée à chaque nouvelle mise en location. Cet article vise, de fait, à créer un « permis de louer », ce qui va bien au-delà d'une déclaration de mise en location (prévue par l'article 93) pour lutter contre l'habitat indigne. D'ailleurs, un amendement du Rapporteur au Sénat, en première lecture, en commission, avait supprimé cet article, estimant que le dispositif proposé « génèrera de l'insécurité juridique et du contentieux pour des effets somme toute assez limités en termes d'efficacité de la lutte contre l'habitat indigne » (5). Eu égard à la jurisprudence du Conseil constitutionnel (6), les députés requérants estiment que ces articles doivent être déclarés inconstitutionnels. Enfin, les dispositions de l'article 5 peuvent constituer une atteinte excessive au droit de propriété et à la liberté contractuelle. L'article 5 modifie l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs qui vise les modalités du congé donné par le propriétaire au locataire. En effet, le propriétaire ne peut donner congé à son locataire que pour reprendre ou pour vendre le logement, ou pour un motif légitime et sérieux. Cependant, un tel congé ne peut être donné si le locataire est âgé de plus de 70 ans et si ces ressources sont inférieures à un certain plafond. En tout état de cause, cette interdiction du congé ne s'applique pas lorsque le propriétaire est lui-même âgé de plus de 60 ans ou si ses ressources sont inférieures au plafond de ressources mentionné précédemment. La loi déférée rend plus difficile les conditions d'application du congé à l'initiative du propriétaire. D'une part, elle assouplit les conditions d'âge relatives au locataire pour qu'il reste dans les lieux (65 ans au lieu de 70 ans) mais durcit celles relatives au propriétaire pour qu'il ait le droit de reprendre son bien (65 ans au lieu de 60 ans). D'autre part, la loi déférée ajoute que le congé ne peut pas être donné si le locataire a à sa charge une personne remplissant les mêmes conditions (âgé de 65 ans, conditions de ressources). Enfin, l'instauration d'une procédure de contestation qui suspend la possibilité pour le propriétaire de donner congé rend plus difficile l'exercice de ses droits. Ces modifications de la législation actuelle portent une atteinte excessive au droit de propriété mais constituent également une rupture d'égalité entre les parties. Sur l'inconstitutionnalité de certaines dispositions de l'article 1er L'article 1er modifie significativement la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. - L'article 1er crée une rupture d'égalité entre propriétaire et locataire. Le principe d'égalité est garanti par l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. L'article 1er porte atteinte au principe d'égalité en ce qu'il crée un déséquilibre entre les propriétaires bailleurs et les locataires. Ce déséquilibre se manifeste notamment dans le cadre de la rémunération des intermédiaires qui interviennent pour l'entremise ou la négociation d'une mise en location d'un logement. En effet, la rémunération de ces personnes « est à la charge exclusive du bailleur ». Les honoraires des intermédiaires pour, d'une part, « effectuer la visite du preneur, constituer son dossier et rédiger un bail » et, d'autre part, « réaliser un état de lieux » sont certes partagés entre le bailleur et le preneur, mais la part du locataire doit être inférieure à celle du bailleur et sera plafonnée par voie règlementaire. De telles dispositions constituent une rupture d'égalité qui n'est pas justifiée par des motifs d'intérêt général étant donné que le service rendu par les intermédiaires vise aussi bien les propriétaires que les locataires. - L'article 1er porte atteinte à la liberté contractuelle. La liberté contractuelle découle de l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. L'article 1er modifie l'article 3 de la loi du 6 juillet 1989 relatif au contrat de location. Il est ainsi prévu que le contrat de location doit respecter un « contrat-type défini par décret en Conseil d'Etat » (I, 3°). Diverses mentions obligatoires sont également précisées par la loi. Le respect d'un contrat de bail-type va bien au-delà du respect de certaines mentions obligatoires que doivent comporter les contrats. Or, le bail est un acte négocié entre deux parties, libres d'en arrêter le contenu. L'existence d'un bail type est donc incompatible avec la liberté contractuelle. Par ailleurs, l'article 1er inclut dans la liste des clauses réputées non écrites toute clause qui autorise le bailleur à percevoir des pénalités en cas d'infraction aux clauses d'un contrat de location ou d'un règlement intérieur à l'immeuble (I, 7°). Une telle interdiction porte atteinte à la liberté contractuelle. Eu égard aux moyens soulevés, l'article 1er devrait être déclaré in constitutionnel. Souhaitant que ces questions soient tranchées en droit, les députés auteurs de la présente saisine demandent donc au Conseil Constitutionnel de se prononcer sur ces points et tous ceux qu'il estimera pertinents eu égard à la compétence et la fonction que lui confère la Constitution. (1) Rapport Assemblée nationale, commission des affaires économiques, n°1329, p. 183 et suivantes (2) Rapport Sénat, Commission des affaires économiques, n°65, p. 111 (3) « Zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d'acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d'emménagements annuels dans le parc locatif social » (4) Cette faculté ne concerne pas les autorisations temporaires prévues par l’article 6 ter. (5) Rapport Sénat, Commission des affaires économiques, n°65, page 336 (6) Cf notamment décision n°2000-436 DC, Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, cons.20 : « (...) en soumettant à une autorisation administrative tout changement de destination d'un local commercial ou artisanal entraînant une modification de la nature de l'activité, le législateur a apporté, en l'espèce, tant au droit de propriété qu'à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi »
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Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à la consommation, le 17 février 2014, par MM. Christian JACOB, Damien ABAD, Élie ABOUD, Bernard ACCOYER, Yves ALBARELLO, Benoist APPARU, Jean-Pierre BARBIER, Sylvain BERRIOS, Philippe BRIAND, Dominique BUSSEREAU, Guillaume CHEVROLLIER, Éric CIOTTI, François CORNUT-GENTILLE, Jean-Louis COSTES, Gérald DARMANIN, Olivier DASSAULT, Bernard DEFLESSELLES, Jean-Pierre DOOR, Mme Virginie DUBY-MULLER, MM. Christian ESTROSI, Daniel FASQUELLE, Mme Marie-Louise FORT, MM. Marc FRANCINA, Laurent FURST, Claude de GANAY, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Hervé GAYMARD, Mme Annie GENEVARD, MM. Guy GEOFFROY, Bernard GÉRARD, Claude GOASGUEN, Philippe GOSSELIN, Christophe GUILLOTEAU, Antoine HERTH, Patrick HETZEL, Denis JACQUAT, Christian KERT, Jacques KOSSOWSKI, Mme Valérie LACROUTE, MM. Marc LAFFINEUR, Jacques LAMBLIN, Mme Laure de LA RAUDIÈRE, MM. Marc LE FUR, Pierre LELLOUCHE, Dominique LE MÈNER, Pierre LEQUILLER, Mme Véronique LOUWAGIE, MM. Hervé MARITON, Alain MARTY, Philippe MEUNIER, Pierre MORANGE, Yannick MOREAU, Pierre MOREL-A-L'HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Mme Dominique NACHURY, MM. Yves NICOLIN, Jean-Frédéric POISSON, Mme Josette PONS, MM. Franck RIESTER, François SCELLIER, Fernand SIRÉ, Éric STRAUMANN, Claude STURNI, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Jean-Marie TETART, Dominique TIAN, François VANNSON, Mme Catherine VAUTRIN, MM. Jean-Pierre VIGIER, Philippe VITEL, Éric WOERTH et Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, députés ; Et le même jour par MM. Jean-Claude GAUDIN, Gérard BAILLY, Philippe BAS, René BEAUMONT, Michel BÉCOT, Jean BIZET, Mme Françoise BOOG, MM. Pierre BORDIER, Joël BOURDIN, Mme Marie-Thérèse BRUGUIÈRE, MM. François-Noël BUFFET, Jean-Pierre CANTEGRIT, Jean-Noël CARDOUX, Jean-Claude CARLE, Mme Caroline CAYEUX, MM. Gérard CÉSAR, Pierre CHARON, Alain CHATILLON, Jean-Pierre CHAUVEAU, Raymond COUDERC, Jean-Patrick COURTOIS, Philippe DALLIER, Serge DASSAULT, Mme Isabelle DEBRÉ, MM. Francis DELATTRE, Robert del PICCHIA, Gérard DÉRIOT, Mme Marie-Hélène DES ESGAULX, MM. Éric DOLIGÉ, Michel DOUBLET, Mme Marie-Annick DUCHÊNE, MM. Alain DUFAUT, André DULAIT, Ambroise DUPONT, Louis DUVERNOIS, Jean-Paul EMORINE, André FERRAND, René GARREC, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Jacques GAUTIER, Patrice GÉLARD, Mme Colette GIUDICELLI, MM. Alain GOURNAC, Charles GUENÉ, Pierre HÉRISSON, Michel HOUEL, Jean-François HIMBERT, Benoît HURÉ, Jean-François HUSSON, Jean-Jacques HYEST, Roger KAROUTCHI, Mme Elisabeth LAMURE, MM. Gérard LARCHER, Robert LAUFOAULU, Daniel LAURENT, Antoine LEFÈVRE, Jacques LEGENDRE, Dominique de LEGGE, Jean-Pierre LELEUX, Jean-Claude LENOIR, Philippe LEROY, Gérard LONGUET, Roland du LUART, Michel MAGRAS, Philippe MARINI, Pierre MARTIN, Mme Hélène MASSON-MARET, M. Jean-François MAYET, Mme Colette MÉLOT, MM. Alain MILON, Albéric de MONTGOLFIER, Louis NÈGRE, Philippe PAUL, Jackie PIERRE, Rémy POINTEREAU, Ladislas PONIATOWSKI, Hugues PORTELLI, Jean-Pierre RAFFARIN, Henri de RAINCOURT, André REICHARDT, Bruno RETAILLEAU, Charles REVET, Bernard SAUGEY, René-Paul SAVARY, Bruno SIDO, Mme Esther SITTLER, M. André TRILLARD, Mme Catherine TROENDLÉ, MM. François TRUCY et Jean-Pierre VIAL, sénateurs. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ; Vu la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ; Vu le code des assurances ; Vu le code de commerce ; Vu le code de la consommation ; Vu le code des procédures civiles d'exécution ; Vu le code de la mutualité ; Vu le code de l'organisation judiciaire ; Vu le code pénal ; Vu le code de la santé publique ; Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ; Vu la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires ; Vu la directive n° 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs ; Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 4 mars 2014 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la consommation ; que les députés contestent la procédure d'adoption de ses articles 37, 39, 54 et 67 et mettent en cause la conformité à la Constitution de ses articles 1er, 2, 67, 76, 113, 121, 123, 125 et 130 ; que les sénateurs mettent en cause la conformité à la Constitution des articles 1er, 9 et 67 ; - SUR LES ARTICLES 1er et 2 : 2. Considérant que les articles 1er et 2 de la loi sont relatifs à l'action de groupe ; que l'article 1er complète le titre II du livre IV du code de la consommation par un chapitre III intitulé « Action de groupe », comprenant les articles L. 423-1 à L. 423-26 ; que l'article 2 complète notamment le code de l'organisation judiciaire pour confier aux tribunaux de grande instance la compétence pour connaître de ces actions ; 3. Considérant que, selon l'article L. 423-1 du code de la consommation, l'action de groupe a pour objet de permettre la réparation des préjudices patrimoniaux individuels résultant des dommages matériels « subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d'un ou des mêmes professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles », soit à l'occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services, soit lorsque ces préjudices résultent de certaines pratiques anticoncurrentielles ; 4. Considérant que les dispositions contestées instituent une procédure qui comprend trois étapes ; que la première étape est prévue par les articles L. 423-3 à L. 423-9 ainsi que, s'agissant de la procédure d'action de groupe simplifiée, par l'article L. 423-10 ; qu'elle permet à une association de consommateurs agréée d'agir devant une juridiction civile pour mettre en cause la responsabilité d'un professionnel ; que si, à l'issue de cette première étape, il a été jugé que la responsabilité du professionnel est engagée, la deuxième étape de la procédure, régie par l'article L. 423-11 et le deuxième alinéa de l'article L. 423-10, s'ouvre par une information des consommateurs afin de leur permettre d'adhérer au groupe et d'obtenir la réparation de leur préjudice ; que, s'agissant de la procédure simplifiée, cette information est donnée individuellement par le professionnel aux consommateurs intéressés afin de leur permettre d'accepter d'être indemnisés dans les termes de la décision ; que la troisième étape, prévue par les articles L. 423-12 à L. 423-14, est destinée à trancher les difficultés qui s'élèvent à l'occasion de la mise en oeuvre du jugement et à statuer sur les demandes d'indemnisation des consommateurs qui ont adhéré au groupe, ou s'agissant de la procédure simplifiée qui ont accepté l'indemnisation et auxquelles le professionnel n'a pas fait droit ; 5. Considérant que l'article L. 423-1 réserve le droit d'agir aux associations agréées de défense des consommateurs représentatives au niveau national ; que l'article L. 423-3 prévoit que, saisi par une telle association, le juge « statue sur la responsabilité du professionnel, au vu des cas individuels présentés », qu'il « définit le groupe des consommateurs à l'égard duquel la responsabilité du professionnel est engagée et en fixe les critères de rattachement », qu'il « détermine les préjudices susceptibles d'être réparés pour chaque consommateur ou chacune des catégories de consommateurs constituant le groupe qu'il a défini, ainsi que leur montant ou tous les éléments permettant l'évaluation de ces préjudices » ; que les articles L. 423-4 et L. 423-5 précisent que lorsqu'il décide que la responsabilité du professionnel est engagée, le juge ordonne les mesures adaptées pour en informer les consommateurs susceptibles d'adhérer au groupe ; 6. Considérant que l'article L. 423-10 prévoit une procédure d'action de groupe simplifiée applicable « lorsque l'identité et le nombre des consommateurs lésés sont connus et lorsque ces consommateurs ont subi un préjudice d'un même montant, d'un montant identique par prestation rendue ou d'un montant identique par référence à une période ou à une durée » ; que, dans ce cas, après avoir statué sur la responsabilité du professionnel, le juge « peut condamner ce dernier à les indemniser directement et individuellement, dans un délai et selon des modalités qu'il fixe » ; que les consommateurs intéressés sont individuellement informés de la procédure afin de leur permettre d'accepter d'être indemnisés dans les termes de la décision ; 7. Considérant que les articles L. 423-11 à L. 423-14 sont relatifs à la mise en oeuvre du jugement, à l'indemnisation individuelle des préjudices et à l'exécution du jugement ; que, dans le délai fixé par le juge en application des articles L. 423-5 et L. 423-10, les consommateurs adhèrent au groupe afin que le professionnel procède à leur indemnisation dans les conditions, limites et délais fixés par le jugement rendu à l'issue de la première étape ; qu'en vertu de l'article L. 423-12, le juge statue sur les difficultés de mise en oeuvre du jugement ainsi que sur toutes les demandes d'indemnisation auxquelles le professionnel n'a pas fait droit ; que l'article L. 423-13 dispose que l'association précitée représente les consommateurs membres du groupe qui n'ont pas été indemnisés par le professionnel dans les délais fixés aux fins de l'exécution forcée du jugement rendu à cette occasion ; 8. Considérant que les articles L. 423-15 et L. 423-16 sont relatifs à la médiation et prévoient que seule l'association ayant agi dans le cadre de la première phase de la procédure peut y participer et que les accords doivent être homologués par le juge ; 9. Considérant que les articles L. 423-17 à L. 423-19 sont relatifs aux modalités spécifiques à l'action de groupe intervenant dans le domaine de la concurrence ; que l'article L. 423-17 prévoit que la responsabilité du professionnel ne peut être « prononcée. . . que sur le fondement d'une décision prononcée à l'encontre du professionnel par les autorités ou juridictions nationales ou de l'Union européenne compétentes, qui constate les manquements et qui n'est plus susceptible de recours pour la partie relative à l'établissement des manquements » ; que, dans ce cas, dans la procédure d'action de groupe, ces manquements « sont réputés établis de manière irréfragable » ; 10. Considérant que les articles L. 423-20 à L. 423-26 sont relatifs à diverses dispositions de la procédure d'action de groupe et à l'application de cette procédure outre-mer ; que l'article L. 423-20 prévoit que l'action de groupe suspend la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices correspondants ; que l'article L. 423-21 dispose que les décisions statuant sur la responsabilité du professionnel et celles homologuant un accord de médiation ont autorité de la chose jugée à l'égard de chacun des membres du groupe dont le préjudice a été réparé au terme de la procédure ; que l'article L. 423-22 dispose que l'adhésion au groupe ne fait pas obstacle au droit d'agir selon les voies de droit commun pour obtenir la réparation des préjudices n'entrant pas dans le champ défini par la décision du juge statuant sur la responsabilité du professionnel ou par un accord de médiation homologué ; 11. Considérant que les requérants mettent en cause la conformité à la Constitution de l'ensemble de la procédure d'action de groupe et d'action de groupe simplifiée ; qu'ils contestent, en outre, les dispositions particulières relatives à la procédure intervenant dans le domaine de la concurrence et, enfin, les modalités d'entrée en vigueur de la loi ; . En ce qui concerne l'action de groupe : 12. Considérant que, selon les requérants, la procédure instituée par les dispositions contestées ne garantit pas que chaque consommateur sera mis à même de donner son assentiment en pleine connaissance de cause à l'action engagée pour son compte par l'association agréée ; que les députés soutiennent qu'il en résulte une atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif des consommateurs ; que, selon les sénateurs, qui mettent en cause en particulier la procédure d'action de groupe simplifiée, ces dispositions portent atteinte à la liberté personnelle des consommateurs ; 13. Considérant que les députés requérants font également valoir que la procédure d'action de groupe conduit à ce que la responsabilité du professionnel soit judiciairement constatée avant que le groupe soit constitué ; que la responsabilité du professionnel serait ainsi judiciairement déclarée à l'issue d'une procédure dans laquelle celui-ci ne connaît ni le nombre ni l'identité des personnes susceptibles de lui demander réparation ; que les dispositions contestées ne préserveraient pas la faculté du professionnel de faire valoir, après que le jugement statuant sur sa responsabilité a été rendu, les exceptions et moyens de défense tendant à exclure ou à minorer sa responsabilité à l'égard de tel ou tel consommateur ; qu'il en résulterait une atteinte au droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ; 14. Considérant que les sénateurs requérants formulent les mêmes griefs à l'encontre de la seule procédure d'action de groupe simplifiée ; qu'il font valoir que, dans une telle procédure, le professionnel ne peut contester que sa seule responsabilité et ne dispose pas de la possibilité de contester la qualité de chaque consommateur pour demander individuellement la réparation de son préjudice ; qu'en particulier, le professionnel ne disposerait pas d'une voie de recours pour contester, sur ce point, le jugement statuant sur sa responsabilité ; 15. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ainsi que le respect des droits de la défense qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ; 16. Considérant, en premier lieu, que, dans le cadre de la procédure d'action de groupe prévue par l'article L. 423-3, comme dans le cadre de la procédure d'action de groupe simplifiée prévue par l'article L. 423-10, les consommateurs, lors de la première étape de la procédure, ne sont pas partie à l'instance opposant l'association de consommateurs au professionnel mis en cause ; qu'il ressort du premier alinéa de l'article L. 423-4 et du deuxième alinéa de l'article L. 423-10 que, si le jugement rendu à l'issue de cette première étape constate que la responsabilité du professionnel est engagée, des mesures de publicité ou d'information à destination des consommateurs doivent être mises en oeuvre afin de leur permettre de choisir s'ils entendent ou non obtenir la réparation de leur préjudice dans les termes de ce jugement ; qu'enfin, l'article L. 423-21 dispose que les décisions prévues aux articles L. 423-3 et L. 423 10 n'ont autorité de la chose jugée à l'égard de chacun des membres du groupe qu'à l'issue de la procédure et à la condition que leur préjudice ait été réparé ; que, par suite, manque en fait le grief tiré de ce que les dispositions contestées auraient pour effet d'attraire des consommateurs à une procédure sans qu'ils aient été en mesure d'y consentir en pleine connaissance de cause ; 17. Considérant, en second lieu, que, d'une part, dans le cadre de l'action de groupe prévue par l'article L. 423-3, le professionnel défendeur à l'instance peut, lors de la première étape de la procédure, faire valoir, outre les exceptions relatives à la recevabilité de cette action, tous les moyens de défense relatifs à la mise en cause de sa responsabilité, à la définition du groupe des consommateurs à l'égard desquels celle-ci est engagée, aux critères de rattachement à ce groupe, aux préjudices susceptibles d'être réparés, ainsi qu'à leur montant ou aux éléments permettant l'évaluation des préjudices ; qu'après que les consommateurs ont adhéré au groupe, il peut, lors de la troisième étape de la procédure, faire valoir devant le juge saisi en application des dispositions de l'article L. 423-12, tous les autres moyens de défense relatifs à l'indemnisation individuelle des consommateurs intéressés ; 18. Considérant que, d'autre part, dans le cadre de l'action de groupe simplifiée prévue par l'article L. 423-10, l'identité et le nombre des consommateurs lésés sont connus du professionnel dès la première étape de la procédure ; que la proposition d'indemnisation dans les termes du jugement rendu en application de l'article L. 423-10 ne sera adressée qu'aux seuls consommateurs ainsi identifiés ; que le professionnel peut, lors de la première étape de la procédure, soulever tous les moyens de défense tendant à démontrer que les conditions prévues par cet article ne sont pas remplies et que sa responsabilité n'est pas engagée à l'égard des consommateurs identifiés ; qu'après que les consommateurs ont accepté d'être indemnisés, le professionnel peut, lors de la troisième étape de la procédure, faire valoir devant le juge saisi en application des dispositions de l'article L. 423-12, tous les autres moyens de défense relatifs à l'indemnisation individuelle des consommateurs intéressés ; qu'aucune des dispositions contestées ne limite le droit des parties à l'instance d'exercer les voies de recours selon les règles de la procédure civile ; 19. Considérant que, dans ces conditions, les dispositions des articles L. 423-3 et L. 423-10, en vertu desquelles la première étape de la procédure se déroule sans qu'aient été déterminés au préalable le nombre et l'identité des consommateurs qui demanderont effectivement à être indemnisés dans les termes du jugement rendu à l'issue de cette étape, ne méconnaissent pas les droits de la défense ; . En ce qui concerne les modalités spécifiques à l'action de groupe intervenant dans le domaine de la concurrence : 20. Considérant que les députés requérants mettent en cause les dispositions de l'article L. 423-17 du code de la consommation relatives à la procédure d'action de groupe intervenant dans le domaine de la concurrence ; qu'ils soutiennent qu'en prévoyant que la responsabilité du professionnel ne peut être « prononcée » dans le cadre de l'action de groupe qu'après que la décision des autorités ou juridictions nationales ou de l'Union européenne compétentes n'est plus susceptible de recours, ces dispositions permettent, a contrario, qu'une action de groupe soit « engagée » sur ce fondement alors que la procédure devant la juridiction ou autorité compétente en matière de concurrence n'est pas définitive ; qu'une telle faculté aurait pour objet de permettre que des mesures d'instruction soient ordonnées par le juge dans le cadre de la procédure d'action de groupe ; que de telles mesures d'instruction seraient inutiles et attentatoires aux droits des professionnels dès lors que, pour le constat des manquements qui peuvent fonder l'engagement de la responsabilité du professionnel dans le cadre de l'action de groupe, le juge est lié par la décision de l'autorité ou de la juridiction compétente en matière de concurrence ; 21. Considérant que les sénateurs mettent en cause les dispositions de l'article L. 423-19 applicables à l'action de groupe dans le domaine de la concurrence ; qu'ils soutiennent que la faculté pour le juge d'ordonner l'exécution provisoire du jugement statuant sur la responsabilité pour ce qui concerne les mesures de publicité porte atteinte au droit au respect de la présomption d'innocence ; 22. Considérant, en premier lieu, que, si les dispositions de l'article L. 423-17 ne font pas obstacle à ce qu'une action de groupe dans le domaine de la concurrence soit engagée sur le fondement de manquements qui n'ont pas été constatés par une décision non susceptible de recours d'une autorité ou juridiction nationale ou de l'Union européenne compétentes, le juge, saisi de l'action de groupe dans cette circonstance, ne peut apprécier lui-même les manquements dénoncés et doit surseoir à statuer dans l'attente que la décision qui constate les manquements ne soit plus susceptible de recours ; que ces dispositions ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle ; 23. Considérant, en second lieu, que la publicité ordonnée en application de l'article L. 423-19 est destinée à permettre aux consommateurs de se déclarer dans le délai imparti ; qu'elle ne constitue pas une sanction ayant le caractère d'une punition ; que, par suite, le grief tiré de l'atteinte à la présomption d'innocence est inopérant ; 24. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de ce que la procédure d'action de groupe méconnaîtrait les exigences tirées de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doivent être écartés ; . En ce qui concerne l'entrée en vigueur des articles 1er et 2 : 25. Considérant que les députés requérants soutiennent qu'en permettant l'application immédiate de la nouvelle procédure à des faits antérieurs à la promulgation de la loi, les dispositions des articles 1er et 2 revêtent un caractère rétroactif contraire à la Constitution ; 26. Considérant, toutefois, que les dispositions contestées sont relatives à la procédure par laquelle la responsabilité d'un professionnel à l'égard de consommateurs peut être judiciairement constatée ; qu'elles ne modifient pas les règles de fond qui définissent les conditions de cette responsabilité ; que, par suite, l'application immédiate de ces dispositions ne leur confère pas un caractère rétroactif ; que le grief doit être écarté ; 27. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les articles 1er et 2 de la loi, qui ne méconnaissent ni la liberté personnelle ni aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarés conformes à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 9 : 28. Considérant que l'article 9 a pour objet, notamment, de transposer des dispositions de la directive du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs ; qu'il donne une nouvelle rédaction de la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation, intitulée « Contrats conclus à distance et hors établissement », qui comprend les articles L. 121-16 à L. 121-24 ; 29. Considérant que les sénateurs requérants contestent plus particulièrement l'article L. 121-21-4 relatif au droit de rétractation applicable aux contrats conclus à distance et hors établissement ; qu'ils soutiennent que le deuxième alinéa de cet article méconnaît l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi en ce que les termes employés créent « une incertitude sur la date de remboursement maximale à laquelle doit se plier le professionnel » ; 30. Considérant que le premier alinéa de l'article L. 121-21-4 dans sa rédaction résultant de l'article 9 de la loi déférée prévoit que « lorsque le droit de rétractation est exercé, le professionnel est tenu de rembourser le consommateur de la totalité des sommes versées, y compris les frais de livraison, sans retard injustifié et au plus tard dans les quatorze jours à compter de la date à laquelle il est informé de la décision du consommateur de se rétracter » ; qu'aux termes du deuxième alinéa : « Pour les contrats de vente de biens, à moins qu'il ne propose de récupérer lui-même les biens, le professionnel peut différer le remboursement jusqu'à récupération des biens ou jusqu'à ce que le consommateur ait fourni une preuve de l'expédition de ces biens, la date retenue étant celle du premier de ces faits » ; que le troisième alinéa fixe les taux d'intérêt applicables aux sommes dues par le professionnel lorsque le remboursement survient au-delà des dates prévues par l'alinéa précédent ; 31. Considérant qu'aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : « La République participe à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 » ; qu'en l'absence de mise en cause d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, le Conseil constitutionnel n'est pas compétent pour contrôler la conformité à la Constitution de dispositions législatives qui se bornent à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises d'une directive de l'Union européenne ; qu'en ce cas, il n'appartient qu'au juge de l'Union européenne, saisi le cas échéant à titre préjudiciel, de contrôler le respect par cette directive des droits fondamentaux garantis par l'article 6 du traité sur l'Union européenne ; 32. Considérant que les dispositions contestées sont la reprise exacte des dispositions inconditionnelles et précises du 3 de l'article 13 de la directive du 25 octobre 2011 susvisée ; que, par suite, il n'y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel d'examiner ces dispositions ; - SUR LES ARTICLES 37 ET 39 : 33. Considérant que, selon les députés requérants, les dispositions des articles 37 et 39 auraient été introduites par voie d'amendement selon une procédure contraire à la Constitution ; 34. Considérant qu'aux termes de la seconde phrase du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis » ; 35. Considérant que le projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale comportait un chapitre II consacré à l'amélioration de l'information et au renforcement des droits contractuels des consommateurs et comprenant notamment des dispositions relatives à la vente en ligne ; que les articles 37 et 39 ont été insérés par amendement en première lecture au Sénat ; que l'article 37 supprime le monopole des pharmaciens et des opticiens-lunetiers pour la vente de produits destinés à l'entretien ou à l'application des lentilles oculaires de contact ; que l'article 39 modifie les conditions de délivrance de verres correcteurs d'amétropie et de lentilles de contact oculaire correctrices, notamment lors de leur vente en ligne ; qu'il prévoit également, pour rendre matériellement possibles les nouvelles conditions de délivrance de ces produits, de nouvelles règles en matière de prescription médicale de verres correcteurs ; que ces dispositions qui ont notamment pour objectif de faire baisser les prix et de faciliter l'accès des consommateurs à ces produits présentent un lien indirect avec les dispositions du projet de loi initial ; qu'elles ont donc été adoptées selon une procédure conforme à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 54 : 36. Considérant que, selon les députés requérants, les dispositions introduites par voie d'amendement en première lecture du projet de loi à l'Assemblée nationale à l'article 19 octies ont servi de support pour l'adoption, en deuxième lecture, d'une rédaction entièrement nouvelle qui s'est substituée au dispositif introduit en première lecture ; qu'ainsi, les dispositions de l'article 19 octies, devenu 54, auraient été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution ; 37. Considérant qu'il ressort de l'économie de l'article 45 de la Constitution, et notamment de son premier alinéa, que les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées à un projet ou une proposition de loi, après la première lecture, par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion, c'est-à-dire qui n'a pas été adoptée dans les mêmes termes par l'une et l'autre assemblées ; que, toutefois, ne sont pas soumis à cette dernière obligation les amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle ; 38. Considérant que l'amendement insérant en première lecture à l'Assemblée nationale l'article 19 octies dans le projet de loi comportait un paragraphe I relatif à la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement, et un paragraphe II qui introduisait dans le code de la consommation un nouvel article L. 312-9-1 relatif à la faculté pour l'emprunteur de substituer un autre contrat d'assurance à celui donné en garantie dès lors que les clauses du contrat de prêt immobilier ne s'y opposent pas ; qu'en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, l'article 19 octies, devenu l'article 54, a fait l'objet d'une réécriture ; que les dispositions alors introduites, qui modifient l'article L. 312-9 du code de la consommation et l'article L. 221-10 du code de la mutualité et créent un nouvel article L. 113-12-2 du code des assurances, instaurent un droit de résiliation unilatérale sans frais du contrat d'assurance donné en garantie d'un emprunt immobilier et prévoient de nouvelles règles en matière de résiliation du contrat d'assurance par l'assureur ; que la modification introduite au paragraphe II de l'article 60 de la loi du 26 juillet 2013 susvisée reporte de janvier 2014 à juillet 2014 l'entrée en vigueur des dispositions de cet article 60, relatives à l'information des personnes sollicitant une assurance en couverture d'un crédit immobilier et à l'acceptation en garantie d'un contrat d'assurance par le prêteur ; qu'en deuxième lecture au Sénat, les dispositions introduites en deuxième lecture à l'Assemblée nationale ont été complétées par l'introduction dans le code de commerce d'un nouvel article L. 312-32-1 qui punit d'une amende l'absence de respect des nouvelles obligations introduites à l'article L. 312-9 de ce code ; que les adjonctions introduites à l'Assemblée nationale et au Sénat en deuxième lecture étaient, au stade de la procédure où elles ont été introduites, en relation directe avec une disposition restant en discussion ; que, par suite, les griefs tirés de la méconnaissance de la procédure d'adoption de l'article 54 doivent être écartés ; - SUR L'ARTICLE 67 : 39. Considérant que l'article 67 est relatif à la création d'un registre national recensant les crédits à la consommation accordés aux personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels, dénommé « registre national des crédits aux particuliers » ; qu'en particulier, le paragraphe III de l'article 67 insère dans le code de la consommation une nouvelle section, comprenant les articles L. 333-6 à L. 333-21, consacrée à ce traitement de données à caractère personnel ; que les paragraphes I, II et IV à X du même article procèdent à diverses coordinations rendues nécessaires ; 40. Considérant que l'article L. 333-6 institue le registre national des crédits aux particuliers ; que l'article L. 333-7 prévoit que ce registre « a pour finalité de prévenir les situations de surendettement des personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels » ; que les articles L. 333-8 à L. 333-13 sont relatifs aux informations devant figurer dans ce registre ainsi qu'à leurs conditions de consultation et de conservation ; que l'article L. 333-14 fixe les obligations de secret professionnel auxquelles seront tenues les personnes et institutions participant à la gestion du registre ; que les articles L. 333-15 à L. 333-18 sont relatifs aux sanctions encourues en l'absence de respect des obligations instituées ; que les articles L. 333-19 et L. 333-20 sont relatifs aux modalités de consultation du registre par les établissements et organismes financiers ; que l'article L. 333-21 précise la portée des dispositions des articles L. 333-6 à L. 333 20 ; 41. Considérant que les requérants soutiennent que la création d'un registre national des crédits aux particuliers porte, en raison de l'ampleur du registre, du caractère sensible des informations qu'il contient et de ses modalités de consultation, une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée, qui n'est pas justifiée au regard de l'objectif poursuivi par le législateur ; que, par suite, les dispositions de l'article 67 seraient contraires à la Constitution ; qu'il en va de même, selon les députés requérants, des dispositions des articles 68 à 72, qui en sont indissociables ; 42. Considérant que les députés requérants font également valoir que, alors que le projet de loi initial ne contenait aucune disposition relative à la lutte contre le surendettement, l'introduction d'une telle réforme des dispositifs de lutte contre le surendettement, sans étude d'impact, constitue une méconnaissance des exigences de l'article 39 de la Constitution relatives à la présentation d'une étude d'impact ainsi que des principes de clarté et de sincérité des débats parlementaires ; . En ce qui concerne la procédure d'adoption de l'article 67 : 43. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 39 de la Constitution : « La présentation des projets de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique » ; qu'aux termes de l'article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 susvisée : « Les projets de loi font l'objet d'une étude d'impact. Les documents rendant compte de cette étude d'impact sont joints aux projets de loi dès leur transmission au Conseil d'État. Ils sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent » ; 44. Considérant qu'aux termes de la seconde phrase du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis » ; 45. Considérant que le projet de loi comportait lors de son dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale, première assemblée saisie, un chapitre III consacré au crédit et à l'assurance ; 46. Considérant qu'a été introduit en première lecture à l'Assemblée nationale par amendement du Gouvernement un nouvel article 22 bis, devenu l'article 67, relatif à la création d'un registre recensant les crédits à la consommation accordés aux personnes physiques non professionnelles ; 47. Considérant, en premier lieu, que cet article présentait un lien indirect avec les dispositions qui figuraient dans le projet de loi relatif à la consommation ; 48. Considérant, en deuxième lieu, que, s'agissant d'une disposition introduite par voie d'amendement, est inopérant le grief tiré de la méconnaissance des exigences relatives à la présentation des projets de loi ; 49. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des travaux parlementaires que la procédure d'adoption de cet article n'a pas eu pour effet d'altérer la clarté et la sincérité des débats et n'a porté atteinte à aucune autre exigence de valeur constitutionnelle ; que le grief tiré de la méconnaissance des exigences de clarté et de sincérité des débats doit être rejeté ; 50. Considérant que, par suite, l'article 67 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution ; . En ce qui concerne le grief tiré de l'atteinte au droit au respect de la vie privée : 51. Considérant que la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration de 1789 implique le droit au respect de la vie privée ; que, par suite, la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en oeuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif ; 52. Considérant que la création d'un traitement de données à caractère personnel destiné à recenser les crédits à la consommation contractés par les personnes physiques pour leurs besoins non professionnels, les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits souscrits par ces personnes ainsi que les informations relatives aux situations de surendettement et aux liquidations judiciaires vise à prévenir plus efficacement et plus précocement les situations de surendettement en fournissant aux établissements et organismes financiers des éléments leur permettant d'apprécier, au moment de l'octroi du prêt, la solvabilité des personnes physiques qui sollicitent un crédit ou se portent caution et en conséquence de mieux évaluer le risque ; que, par la création du registre national des crédits aux particuliers, le législateur a poursuivi un motif d'intérêt général de prévention des situations de surendettement ; 53. Considérant que les informations enregistrées dans le registre national des crédits aux particuliers sont énumérées par le paragraphe IV de l'article L. 333-10 du code de la consommation ; qu'y figureront des informations relatives à l'état civil de la personne qui a souscrit le crédit, à l'identification de l'établissement ou de l'organisme à l'origine de la déclaration, à l'identification, à la catégorie et aux caractéristiques du crédit, aux incidents de paiement caractérisés, aux situations de surendettement et aux liquidations judiciaires prononcées, à la date de mise à jour des données et au motif et à la date des consultations effectuées ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 333-11, les informations relatives aux crédits seront conservées pendant la durée d'exécution du contrat de crédit ; que celles relatives aux incidents de paiement seront conservées jusqu'au paiement intégral des sommes dues, sans que la durée de conservation de ces informations puisse excéder cinq ans à compter de la date d'enregistrement de l'incident de paiement ; que celles relatives aux situations de surendettement seront conservées pendant la durée de l'exécution du plan ou des mesures, sans que la durée de conservation des informations puisse excéder sept ans ; que celles relatives à la procédure de rétablissement personnel, à la procédure de liquidation judiciaire ou à un effacement partiel de dettes seront conservées jusqu'à l'expiration d'une période de cinq ans à compter de la date d'homologation ou de clôture de la procédure ; que le traitement de données à caractère personnel qui est créé est ainsi destiné à recueillir et à conserver pendant plusieurs années des données précises et détaillées relatives à un grand nombre de personnes physiques débitrices ; 54. Considérant que les dispositions de l'article L. 333-8 du code de la consommation prévoient une consultation obligatoire de ce registre par les établissements et organismes financiers « avant toute décision effective d'octroyer un crédit à la consommation » ainsi qu'« avant de proposer à l'emprunteur de reconduire un contrat de crédit renouvelable et dans le cadre de la vérification triennale de solvabilité de l'emprunteur » ; qu'elles autorisent une consultation de ce registre par les caisses de crédit municipal avant toute décision effective d'octroi d'un prêt sur gage corporel ainsi que par les établissements ou organismes financiers pour les personnes qui se portent caution à l'occasion de l'octroi d'un crédit à la consommation ; qu'elles autorisent également une consultation des seules informations de ce registre relatives aux incidents de paiement caractérisés, aux situations de surendettement et aux liquidations judiciaires par les établissements et organismes financiers « avant qu’ils ne formulent une offre » de prêt immobilier ou de prêt viager hypothécaire et qu'elles prévoient que ces informations peuvent également « être prises en compte par ces mêmes établissements et organismes dans leurs décisions d'attribution des moyens de paiement, ainsi que pour la gestion des risques liés aux crédits souscrits par leurs clients » ; qu'elles interdisent enfin que les informations contenues dans le registre puissent être consultées ou utilisées à d'autres fins que celles expressément prévues, sous peine des sanctions de l'article 226-21 du code pénal ; que la consultation du registre est par ailleurs ouverte, en vertu de l'article L. 333-9, aux commissions de surendettement dans l'exercice de leur mission de traitement des situations de surendettement ainsi qu'aux greffes des tribunaux compétents dans le cadre de la procédure de traitement des situations de surendettement ; que le registre peut ainsi être consulté à de très nombreuses reprises et dans des circonstances très diverses ; 55. Considérant que l'article L. 333-19 autorise les établissements et organismes financiers à utiliser les informations collectées lors de la consultation du registre dans des systèmes de traitement automatisé de données ; 56. Considérant que l'article L. 333-20 subordonne à une autorisation individuelle et une habilitation, selon des procédures spécifiques internes aux établissements et organismes financiers, la consultation du registre par les personnels des établissements et organismes financiers ; qu'en renvoyant à un décret en Conseil d'État les modalités d'application de cette autorisation, le législateur n'a pas limité le nombre de personnes employées par ces établissements et organismes susceptibles d'être autorisées à consulter le registre ; 57. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'eu égard à la nature des données enregistrées, à l'ampleur du traitement, à la fréquence de son utilisation, au grand nombre de personnes susceptibles d'y avoir accès et à l'insuffisance des garanties relatives à l'accès au registre, les dispositions contestées portent au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi ; que, par suite, les dispositions de l'article 67 doivent être déclarées contraires à la Constitution ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, des dispositions des articles 68 à 72, qui en sont inséparables ; - SUR CERTAINES DISPOSITIONS DES ARTICLES 76, 113, 121, 123 et 125 : 58. Considérant que l'article 76, qui figure dans le chapitre V de la loi déférée intitulé « Modernisation des moyens de contrôle de l'autorité administrative chargée de la protection des consommateurs et adaptation du régime de sanctions », modifie l'article L. 141-1 du code de la consommation ; qu'en particulier, il élargit le champ de compétence de l'administration chargée de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, lui permet de relever des infractions ou des manquements à diverses dispositions relatives à la protection des consommateurs et de prononcer des sanctions administratives ; 59. Considérant que, notamment, l'article 76 ajoute à l'article L. 141-1 un paragraphe VII dont le premier alinéa reprend des dispositions antérieures en vertu desquelles les agents habilités à constater les infractions ou manquements aux dispositions mentionnées aux paragraphes I à III peuvent enjoindre à tout professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable, de se conformer à ces dispositions, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ; que ce même alinéa précise que l'injonction au professionnel n'intervient qu'après une procédure contradictoire ; que le deuxième alinéa du paragraphe VII prévoit que lorsque le professionnel n'a pas déféré à cette injonction dans le délai imparti, l'autorité administrative peut prononcer à son encontre, dans les conditions prévues à l'article L. 141-1-2, une amende administrative dont le montant ne peut excéder 1 500 euros pour une personne physique et 7 500 euros pour une personne morale lorsque l'infraction ou le manquement ayant justifié la mesure d'injonction est sanctionné par une amende au plus égale à celle prévue pour une contravention de la cinquième classe ou par une amende administrative dont le montant est au plus égal à 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale ; que le montant maximal de l'amende administrative est porté à 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale lorsque l'infraction ou le manquement ayant justifié la mesure d'injonction est sanctionné par une peine délictuelle ou une amende dont le montant excède 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale ; 60. Considérant que l'article 113 de la loi insère dans le code de la consommation un article L. 141-1-2 qui fixe des règles relatives au régime des amendes administratives sanctionnant les manquements aux paragraphes I à III de l'article L. 141-1 ainsi que l'inexécution des mesures d'injonction prévues au paragraphe VII du même article ; qu'en particulier, le paragraphe IV de l'article L. 141-1-2 prévoit qu'« avant toute décision, l'administration informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée à son encontre, en lui indiquant qu'elle peut prendre connaissance des pièces du dossier et se faire assister par le conseil de son choix et en l'invitant à présenter, dans le délai de soixante jours, ses observations écrites et, le cas échéant, ses observations orales » et que, « passé ce délai, l'autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l'amende » ; qu'en outre, le paragraphe VI dispose que « lorsqu'une amende administrative est susceptible de se cumuler avec une amende pénale infligée à raison des mêmes faits à l'auteur du manquement, le montant global des amendes prononcées ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé » ; qu'aux termes du paragraphe VII du même article « lorsque, à l'occasion d'une même procédure ou de procédures séparées, plusieurs sanctions administratives ont été prononcées à l'encontre du même auteur pour des manquements en concours passibles d'amendes dont le montant maximal excède 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale, ces sanctions s'exécutent cumulativement, dans la limite du maximum légal le plus élevé » ; 61. Considérant que l'article 121 de la loi insère, après le titre VI du livre IV du code de commerce un titre VI bis intitulé « Des injonctions et sanctions administratives » qui comprend les articles L. 465-1 et L. 465 2 ; que le paragraphe I de l'article L. 465-1 porte sur les agents habilités, dans les conditions prévues au paragraphe II de l'article L. 450-1 du code de commerce, à rechercher et constater les infractions ou manquements aux obligations prévues au titre IV du livre IV du même code relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et autres pratiques prohibées ; que ces agents peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à tout professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable, de se conformer à ses obligations, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ; qu'en vertu du paragraphe II de l'article L. 465-1, lorsque le professionnel n'a pas déféré dans le délai imparti à une injonction qui lui a été notifiée à raison d'une infraction ou d'un manquement passible d'une amende administrative, l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut prononcer à son encontre une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale ; que l'article L. 465-2 fixe des règles relatives au régime des amendes administratives réprimant les manquements mentionnés au titre IV du livre IV du code de commerce ainsi que l'inexécution des mesures d'injonction prévues à l'article L. 465-1 ; qu'en particulier le paragraphe IV de l'article L. 465-2 prévoit qu'« avant toute décision, l'administration informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée à son encontre, en lui indiquant qu'elle peut prendre connaissance des pièces du dossier et se faire assister par le conseil de son choix et en l'invitant à présenter, dans le délai de soixante jours, ses observations écrites et, le cas échéant, ses observations orales » et que, « passé ce délai, l'autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l'amende » ; que le paragraphe VI du même article dispose que « lorsqu'une amende administrative est susceptible de se cumuler avec une amende pénale infligée à raison des mêmes faits à l'auteur du manquement, le montant global des amendes prononcées ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé » ; que son paragraphe VII prévoit que « lorsque, à l'occasion d'une même procédure ou de procédures séparées, plusieurs sanctions administratives ont été prononcées à l'encontre du même auteur pour des manquements en concours, ces sanctions s'exécutent cumulativement, dans la limite du maximum légal le plus élevé » ; 62. Considérant que l'article 123 de la loi modifie l'article L. 441-6 du code de commerce qui impose à tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle ; qu'en particulier, l'article 123 complète cet article par un paragraphe VI qui prévoit que « sont passibles d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale le fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés aux huitième, neuvième et onzième alinéas du I du présent article, le fait de ne pas indiquer dans les conditions de règlement les mentions figurant à la première phrase du douzième alinéa du même I, le fait de fixer un taux ou des conditions d'exigibilité des pénalités de retard selon des modalités non conformes à ce même alinéa ainsi que le fait de ne pas respecter les modalités de computation des délais de paiement convenues entre les parties conformément au neuvième alinéa dudit I. L'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 465-2. Le montant de l'amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive » ; que ce même paragraphe VI précise que « sous les mêmes sanctions, sont interdites toutes clauses ou pratiques ayant pour effet de retarder abusivement le point de départ des délais de paiement mentionnés au présent article » ; 63. Considérant que l'article 123 modifie également l'article L. 443-1 du code de commerce sur les délais de paiement dans les domaines de la vente de produits alimentaires périssables, congelés ou surgelés, des achats de bétail sur pied et viandes fraîches dérivées et de boissons alcooliques ; que le dernier alinéa de l'article L. 443-1 dans sa rédaction résultant de l'article 123 prévoit que sont punis d'une amende dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale les manquements aux dispositions de l'article L. 443-1 ainsi qu'à celles relatives aux délais de paiement des accords interprofessionnels prévus au b) du 4° du même article ; qu'il précise également que « l'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 465-2 du présent code » et que « le montant de l'amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive » ; 64. Considérant que l'article 125 de la loi modifie l'article L. 441-7 du code de commerce qui impose qu'une convention écrite conclue entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services indique les obligations auxquelles se sont engagées les parties en vue de fixer le prix à l'issue de la négociation commerciale ; que le paragraphe II de l'article L. 441-7, dans sa rédaction issue de l'article 125, prévoit que le fait de ne pouvoir justifier avoir conclu une telle convention dans les délais prévus est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale ; qu'il précise également que « l'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 465-2 » et que « le maximum de l'amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive »; 65. Considérant que l'article 125 insère également dans le code de commerce un article L. 441-8, en vertu duquel les contrats d'une durée d'exécution supérieure à trois mois portant sur la vente de produits figurant sur la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 442-9 dont les prix de production sont significativement affectés par des fluctuations de prix des matières premières agricoles et alimentaires comportent une clause relative aux modalités de renégociation du prix permettant de prendre en compte ces fluctuations à la hausse comme à la baisse ; que l'avant-dernier alinéa de l'article L. 441-8 prévoit que sont passibles d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale le fait de ne pas prévoir de clause de renégociation conforme aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 441-8, le fait de ne pas respecter le délai fixé au troisième alinéa du même article, de ne pas établir le compte rendu prévu au même troisième alinéa ou encore le fait de porter atteinte au cours de la renégociation aux secrets de fabrication ou au secret des affaires ; que l'avant-dernier alinéa de l'article L. 441-8 prévoit également que « l'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 465-2 » et que « le maximum de l'amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive »; 66. Considérant que, selon les députés requérants, les dispositions de l'article 76 combinées avec celles des articles 113, 121, 123, 125 qui, notamment, augmentent le montant des sanctions pouvant être prononcées par l'administration chargée de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes portent atteinte aux droits de la défense ; qu'ils soutiennent également que ces amendes, par leur caractère disproportionné, pourraient mettre en péril l'activité des entreprises et la liberté d'entreprendre ; . En ce qui concerne les pouvoirs de l'autorité administrative : 67. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle, ne fait obstacle à ce qu'une autorité administrative, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de sa mission, dès lors que l'exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis ; qu'en particulier, doivent être respectés le principe de la légalité des délits et des peines ainsi que les droits de la défense, principes applicables à toute sanction ayant le caractère d'une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle ; 68. Considérant que, selon l'exposé des motifs du projet de loi, le législateur a entendu, par les dispositions contestées, instaurer « des sanctions administratives comme alternative aux sanctions pénales et civiles en cas de non-respect de certaines dispositions du droit de la consommation » et du droit de la concurrence ; qu'au nombre de celles-ci, énumérées par l'article L. 141-1 du code de la consommation modifié par l'article 76, figurent notamment des dispositions relatives aux pratiques commerciales déloyales et à certaines pratiques commerciales illicites, au crédit à la consommation, au crédit immobilier, et en particulier au taux d'usure, aux obligations d'information des consommateurs et à la formation des contrats, des dispositions relatives à la vente forcée par correspondance, aux droits des voyageurs ferroviaires ou des passagers voyageant par mer, voie de navigation intérieure, par car ou autobus et des dispositions relatives au dossier de diagnostic technique en cas de vente d'un immeuble bâti ; que l'article 121 de la loi déférée met également en place un régime de sanctions administratives en cas de manquements aux règles prohibant les pratiques commerciales restrictives de concurrence ; 69. Considérant qu'en vertu des articles 76, 113 et 121 de la loi, l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation est compétente, d'une part, pour constater les infractions et manquements aux obligations posées par ces diverses dispositions, enjoindre au professionnel de se conformer à celles-ci, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite et, d'autre part, pour prononcer les amendes administratives sanctionnant les manquements relevés ainsi que l'inexécution des mesures d'injonction ; que, conformément au principe du respect des droits de la défense, dans chaque cas, l'injonction adressée au professionnel de se conformer à ses obligations ou de cesser tout comportement illicite survient après une procédure contradictoire ; que l'administration, avant de prononcer une sanction, informe le professionnel mis en cause de la sanction envisagée à son encontre, en lui indiquant qu'il peut prendre connaissance des pièces du dossier et se faire assister par le conseil de son choix ; que l'administration doit également inviter le professionnel dans un délai de soixante jours à présenter ses observations écrites et le cas échéant ses observations orales ; qu'au terme du délai, l'autorité administrative peut prononcer l'amende par une décision motivée ; qu'il appartiendra au juge administratif, compétent pour connaître du contentieux de ces sanctions administratives, de veiller au respect de la procédure prévue par le législateur ; qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur n'a pas méconnu les exigences constitutionnelles précitées ; . En ce qui concerne le montant des amendes : 70. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que les principes énoncés par cet article s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition ; 71. Considérant que l'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen ; que, si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue ; 72. Considérant que les amendes prévues au paragraphe VII de l'article L. 141-1 du code de la consommation dans sa rédaction résultant de l'article 76 de la loi déférée et au paragraphe II de l'article L. 465-1 du code de commerce dans sa rédaction résultant de l'article 121 de la loi déférée ne peuvent excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale ; que ces amendes qui répriment des manquements aux dispositions mentionnées aux paragraphes I à III de l'article L. 141-1 du code de la consommation et aux dispositions du titre IV du livre IV du code de commerce ne revêtent pas, en elles-mêmes, un caractère manifestement disproportionné ; 73. Considérant que les amendes administratives prévues au paragraphe VI de l'article L. 441-6 du code de commerce et au 4° de l'article L. 443-1 du même code dans leur rédaction résultant de l'article 123 de la loi, ainsi qu'au paragraphe II de l'article L. 441-7 du même code dans sa rédaction résultant de l'article 125 de la loi et au quatrième alinéa de l'article L. 441-8, inséré dans le code de commerce par l'article 125, ne peuvent excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale, sauf en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive ; qu'en ce cas, le montant de l'amende encourue est doublé ; que ces amendes qui répriment des manquements aux dispositions mentionnées au paragraphe I de l'article L. 441-6, à l'article L. 443-1, au paragraphe I de l'article L. 441-7, et à l'article L. 441-8 du code de commerce ne revêtent pas, en elles-mêmes, un caractère manifestement disproportionné ; 74. Considérant, toutefois, que l'article 123 de la loi déférée n'a pas modifié le dernier alinéa du paragraphe I de l'article L. 441-6 du code de commerce aux termes duquel « est puni d'une amende de 15 000 euros le fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés aux huitième et onzième alinéas, le fait de ne pas indiquer dans les conditions de règlement les mentions figurant à la première phrase du douzième alinéa ainsi que le fait de fixer un taux ou des conditions d'exigibilité des pénalités de retard selon des modalités non conformes aux dispositions du même alinéa » ; que le paragraphe VI de l'article L. 441-6 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de l'article 123 de la loi déférée, punit ces mêmes faits d'une amende administrative de 75 000 euros pour une personne physique ou 375 000 euros pour une personne morale ; qu'ainsi, des faits qualifiés par la loi de façon identique peuvent, selon le texte d'incrimination sur lequel se fondent les autorités de poursuite, faire encourir à leur auteur soit une amende de 15 000 euros, soit une amende de 75 000 euros pour une personne physique ou 375 000 euros pour une personne morale ; que cette différence de traitement n'est justifiée par aucune différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi ; qu'eu égard à son importance, la différence entre les peines encourues méconnaît le principe d'égalité devant la loi ; 75. Considérant que, par suite, dans le paragraphe VI de l'article L. 441-6 du code de commerce dans sa rédaction résultant de l'article 123 de la loi déférée, le mot : « huitième », les mots : « et onzième » et les mots : « le fait de ne pas indiquer dans les conditions de règlement les mentions figurant à la première phrase du douzième alinéa du même I, le fait de fixer un taux ou des conditions d'exigibilité des pénalités de retard selon des modalités non conformes à ce même alinéa » doivent être déclarés contraires à la Constitution ; 76. Considérant que le surplus du paragraphe VI de l'article L. 441-6 et le dernier alinéa de l'article L. 443-1 du code de commerce, dans leur rédaction résultant de l'article 123 de la loi sont conformes à la Constitution ; que sont également conformes à la Constitution, le paragraphe VII de l'article L. 141-1 du code de la consommation dans sa rédaction résultant de l'article 76 de la loi, l'article L. 141-1-2 du même code dans sa rédaction résultant de l'article 113 de la loi, les articles L. 465-1 et L. 465-2 du code de commerce, dans leur rédaction résultant de l'article 121 de la loi, le paragraphe II de l'article L. 441-7 du code de commerce, ainsi que le quatrième alinéa de l'article L. 441-8 du même code dans leur rédaction résultant de l'article 125 de la loi ; - SUR L'ARTICLE 130 : 77. Considérant que l'article 130 de la loi déférée modifie plusieurs articles du code de la consommation, notamment en alourdissant les sanctions pénales qu'ils prévoient ; 78. Considérant qu'en vertu du 1° du paragraphe I de l'article 130, est porté de 37 500 à 300 000 euros le montant de l'amende fixé par le premier alinéa des articles L. 115-20 du code de la consommation relatif à la délivrance ou à l'utilisation d'un label rouge, L. 115-22 relatif à la délivrance ou à l'utilisation d'une appellation d'origine protégée, d'une indication géographique protégée, d'une spécialité traditionnelle garantie, L. 115-24 relatif à la délivrance ou à l'utilisation d'une mention « agriculture biologique », L. 115-26 relatif à la délivrance ou à l'utilisation d'un certificat de conformité de produits agricoles et de denrées alimentaires, L. 115-30 sur le fait de délivrer un titre, un certificat ou tout autre document attestant qu'un produit ou un service présente des caractéristiques ayant fait l'objet d'une certification ou d'utiliser tout moyen de nature à faire croire qu'un organisme a la possibilité de délivrer une telle certification ; 79. Considérant que le paragraphe III de l'article 130 de la loi porte de 37 500 à 300 000 euros le montant de l'amende prévue par l'article L. 121-6 du code de la consommation réprimant les pratiques commerciales trompeuses et prévoit que « le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant le délit » ; 80. Considérant que le paragraphe IV de l'article 130 porte de 15 000 à 150 000 euros le montant de l'amende prévue par l'article L. 121 79-2 du code de la consommation qui réprime le fait pour tout professionnel de soumettre un consommateur à une offre tendant à la conclusion de contrats d'utilisation de biens à temps partagé, de produit de vacances à long terme, de revente et d'échange non conforme aux articles L. 121-63 à L. 121-65 ; que le même paragraphe modifie l'article L. 121-79-3 pour porter de 30 000 à 300 000 euros le montant de l'amende qui réprime le fait pour tout professionnel d'exiger ou de recevoir du consommateur, directement ou indirectement, tout versement ou engagement de versement à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, avant l'expiration des délais de rétractation prévus aux articles L. 121-69, L. 121-70 et L. 121-71 ; 81. Considérant que le paragraphe VI de l'article 130 porte de 4 500 à 300 000 euros le montant de l'amende prévue par l'article L. 122-7 du code de la consommation punissant l'infraction aux règles relatives aux ventes ou prestations « à la boule de neige » et prévoit que « le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits » ; 82. Considérant que le paragraphe VII de l'article 130 porte de 9 000 à 375 000 euros le montant de l'amende prévue par l'article L. 122-8 du code de la consommation punissant l'infraction d'abus de faiblesse et précise que « le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits » ; 83. Considérant que le paragraphe IX de l'article 130 porte de 150 000 à 300 000 euros le montant de l'amende prévue par l'article L. 122-12 du code de la consommation punissant le fait de mettre en oeuvre une pratique commerciale agressive et prévoit que le montant de cette amende « peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits » ; 84. Considérant que, selon les députés requérants, ces sanctions, par leur caractère disproportionné, peuvent mettre en péril l'activité des entreprises et porter atteinte à la liberté d'entreprendre ; 85. Considérant que l'article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires... » ; qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant... la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables » ; que l'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; que, si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue ; 86. Considérant que, par les dispositions contestées, le législateur a institué diverses sanctions pénales, dont certaines exprimées en pourcentage du chiffre d'affaires de l'entreprise présentent un lien avec les manquements constatés ; qu'en elles-mêmes, ces sanctions pénales ne revêtent pas un caractère manifestement disproportionné ; que, toutefois, lorsqu'une sanction administrative est susceptible de se cumuler avec une sanction pénale, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues ; qu'il appartiendra donc aux autorités administratives et judiciaires compétentes de veiller au respect de cette exigence ; 87. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sous la réserve énoncée au considérant précédent, les dispositions du 1° du paragraphe I de l'article 130, les deux premiers alinéas de l'article L. 121-6 du code de la consommation dans leur rédaction résultant du paragraphe III de l'article 130, les 1° et 2° du paragraphe IV de l'article 130, les deux premiers alinéas de l'article L. 122-7 du même code dans leur rédaction résultant du paragraphe VI de l'article 130, les deux premiers alinéas de l'article L. 122-8 du même code dans leur rédaction résultant du paragraphe VII de l'article 130, et l'article L. 122-12 du même code dans sa rédaction résultant du paragraphe IX de l'article 130 sont conformes à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 149 : 88. Considérant que l'article 149 insère la fonction de président de l'Autorité de régulation des jeux en ligne dans le tableau annexé à la loi du 23 juillet 2010 susvisée et déterminant les commissions permanentes des assemblées parlementaires compétentes pour donner leur avis sur les nominations aux emplois ou fonctions tels que fixés par la loi organique du 23 juillet 2010 susvisée sur le fondement du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ; 89. Considérant que la loi déférée a été définitivement adoptée le 13 février 2014 ; qu'à cette date, la proposition de loi organique relative à la nomination du président de l'Autorité de régulation des jeux en ligne était en cours d'examen devant le Parlement et susceptible d'être substantiellement modifiée ou de n'être pas définitivement adoptée ; que, dès lors, le législateur ne pouvait faire figurer dans la liste des nominations pour lesquelles l'avis des commissions permanentes des assemblées parlementaires est recueilli en application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution celle du président de l'Autorité de régulation des jeux en ligne ; que, dès lors, l'article 149 doit être déclaré contraire à la Constitution ; 90. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de constitutionnalité, D É C I D E : Article 1er.- Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative à la consommation : - les articles 67 à 72 ; - au paragraphe III de l'article 123, le mot : « huitième », les mots : « et onzième » et les mots : « le fait de ne pas indiquer dans les conditions de règlement les mentions figurant à la première phrase du douzième alinéa du même I, le fait de fixer un taux ou des conditions d'exigibilité des pénalités de retard selon des modalités non conformes à ce même alinéa », figurant dans le paragraphe VI de l'article L. 441-6 du code de commerce ; - l'article 149. Article 2.- Sous la réserve énoncée au considérant 86, sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes de l'article 130 : - au 1° du paragraphe I, les modifications apportées aux articles L. 115-20, L. 115-22, L. 115-24, L. 115-26 et L. 115-30 du code de la consommation ; - au paragraphe III, les deux premiers alinéas de l'article L. 121-6 du code de la consommation ; - aux 1° et 2° du paragraphe IV, les modifications apportées aux articles L. 121-79-2 et L. 121-79-3 du code de la consommation ; - au paragraphe VI, les modifications apportées aux deux premiers alinéas de l'article L. 122-7 du code de la consommation ; - au paragraphe VII, les modifications apportées aux deux premiers alinéas de l'article L. 122-8 du code de la consommation ; - au paragraphe IX, les modifications apportées à l'article L. 122-12 du code de la consommation. Article 3.- Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes de cette même loi : - les articles 1er et 2 ; - au 5° du paragraphe I de l'article 76, le paragraphe VII de l'article L. 141-1 du code de la consommation ; - à l'article 113, l'article L. 141-1-2 du code de la consommation ; - à l'article 121, les articles L. 465-1 et L. 465-2 du code de commerce ; - au paragraphe III de l'article 123, le surplus du paragraphe VI de l'article L. 441-6 du code de commerce ; - au 3° du paragraphe VI de l'article 123, le dernier alinéa de l'article L. 443-1 du code de commerce ; - au 2° du paragraphe I de l'article 125, le paragraphe II de l'article L. 441-7 du code de commerce ; - au paragraphe II de l'article 125, le quatrième alinéa de l'article L. 441-8 du code de commerce. Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 mars 2014 où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC et Mme Nicole MAESTRACCI.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi de finances rectificative pour 2013, le 19 décembre 2013, par MM. Christian JACOB, Damien ABAD, Élie ABOUD, Yves ALBARELLO, Benoist APPARU, Mme Nicole AMELINE, MM. Benoist APPARU, Julien AUBERT, Jean-Pierre BARBIER, Sylvain BERRIOS, Xavier BERTRAND, Étienne BLANC, Marcel BONNOT, Mme Valérie BOYER, MM. Dominique BUSSEREAU, Yves CENSI, Guillaume CHEVROLLIER, Jean-Louis CHRIST, Éric CIOTTI, Jean-François COPÉ, François CORNUT-GENTILLE, Jean-Louis COSTES, Olivier DASSAULT, Bernard DEBRÉ, Bernard DEFLESSELLES, Lucien DEGAUCHY, Rémi DELATTE, Patrick DEVEDJIAN, Jean Pierre DOOR, David DOUILLET, Mme Virginie DUBY-MULLER, MM. Georges FENECH, François FILLON, Yves FOULON, Marc FRANCINA, Laurent FURST, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Mme Annie GENEVARD, MM. Guy GEOFFROY, Bernard GÉRARD, Alain GEST, Claude GOASGUEN, Mmes Claude GREFF, Arlette GROSSKOST, Françoise GUÉGOT, MM. Michel HERBILLON, Antoine HERTH, Patrick HETZEL, Guénhaël HUET, Christian KERT, Jacques KOSSOWSKI, Mme Valérie LACROUTE, MM. Jacques LAMBLIN, Mme Laure de LA RAUDIÈRE, MM. Guillaume LARRIVÉ, Charles de LA VERPILLIÈRE, Mme Isabelle LE CALLENNEC, MM. Pierre LELLOUCHE, Bruno LE MAIRE, Jean LEONETTI, Pierre LEQUILLER, Philippe LE RAY, Mme Véronique LOUWAGIE, MM. Alain MARC, Hervé MARITON, Alain MARLEIX, Alain MARTY, Jean-Claude MATHIS, Philippe MEUNIER, Pierre MOREL-A-L'HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Mme Dominique NACHURY, MM. Patrick OLLIER, Jacques PÉLISSARD, Bernard PERRUT, Jean-Frédéric POISSON, Didier QUENTIN, Franck RIESTER, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Martial SADDIER, François SCELLIER, André SCHNEIDER, Thierry SOLÈRE, Éric STRAUMANN, Claude STURNI, Lionel TARDY, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Jean-Marie TETARD, Dominique TIAN, Mme Catherine VAUTRIN, MM. Patrice VERCHÈRE, Jean-Pierre VIGIER, Éric WOERTH, Charles de COURSON, Yves JÉGO, Jean-Christophe LAGARDE et Philippe VIGIER, députés ; Et le 20 décembre 2013, par MM. Jean-Claude GAUDIN, François ZOCCHETTO, Jean ARTHUIS, Gérard BAILLY, Philippe BAS, René BEAUMONT, Michel BÉCOT, Jean BIZET, Jean-Marie BOCKEL, Mme Françoise BOOG, MM. Pierre BORDIER, Joël BOURDIN, Jean BOYER, François-Noël BUFFET, François CALVET, Vincent CAPO-CANELLAS, Jean-Noël CARDOUX, Jean-Claude CARLE, Mme Caroline CAYEUX, MM. Gérard CÉSAR, Pierre CHARON, Alain CHATILLON, Gérard CORNU, Jean-Patrick COURTOIS, Philippe DALLIER, Serge DASSAULT, Vincent DELAHAYE, Francis DELATTRE, Robert Del PICCHIA, Gérard DÉRIOT, Mme Marie-Hélène DES ESGAULX, M. Yves DÉTRAIGNE, Mme Muguette DINI, MM. Éric DOLIGÉ, Philippe DOMINATI, Daniel DUBOIS, Mme Marie-Annick DUCHÊNE, MM. Alain DUFAUT, Ambroise DUPONT, Jean-Léonce DUPONT, Louis DUVERNOIS, Mme Françoise FÉRAT, MM. André FERRAND, Bernard FOURNIER, René GARREC, Jacques GAUTIER, Patrice GÉLARD, Mme Colette GIUDICELLI, MM. Alain GOURNAC, Francis GRIGNON, François GROSDIDIER, Charles GUENÉ, Pierre HÉRISSON, Michel HOUEL, Jean-Jacques HYEST, Mme Chantal JOUANNO, MM. Gérard LARCHER, Jean-Jacques LASSERRE, Antoine LEFÈVRE, Dominique de LEGGE, Jean-Pierre LELEUX, Jean-Claude LENOIR, Philippe LEROY, Mme Valérie LÉTARD, MM. Roland du LUART, Michel MAGRAS, Philippe MARINI, Hervé MARSEILLE, Mme Hélène MASSON-MARET, M. Hervé MAUREY, Mme Colette MÉLOT, MM. Michel MERCIER, Aymeri de MONTESQUIOU, Albéric de MONTGOLFIER, Mme Catherine MORIN-DESAILLY, MM. Philippe PAUL, Louis PINTON, Ladislas PONIATOWSKI, Hugues PORTELLI, Yves POZZO di BORGO, Mme Sophie PRIMAS, MM. Jean-Pierre RAFFARIN, André REICHARDT, Bruno RETAILLEAU, Gérard ROCHE, Bernard SAUGEY, René-Paul SAVARY, Henri TANDONNET, André TRILLARD, Mme Catherine TROENDLE et M. Jean-Marie VANLERENBERGHE, sénateurs. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001 ; Vu le code de l'action sociale et des familles ; Vu le code des assurances ; Vu le code du cinéma et de l'image animée ; Vu le code général des impôts ; Vu le livre des procédures fiscales ; Vu le code de la mutualité ; Vu le code de la sécurité sociale ; Vu le code du travail ; Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ; Vu les observations du Gouvernement, enregistrées les 24 et 26 décembre 2013 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances rectificative pour 2013 ; qu'ils contestent la conformité à la Constitution de son article 10 ; que les sénateurs requérants contestent en outre la conformité à la Constitution de son article 39 ainsi que la procédure d'adoption de son article 60 ; - SUR L'ARTICLE 10 : 2. Considérant que le 2° du paragraphe I de l'article 10 rétablit dans le code général des impôts l'article 1649 ter ; que, par coordination, le 1° du même paragraphe modifie la fin du paragraphe IV de l'article 806 du même code ; 3. Considérant que le paragraphe I du nouvel article 1649 ter dispose que les entreprises d'assurance, les institutions de prévoyance et les unions mentionnées au paragraphe I de l'article L. 132-9-3 du code des assurances, ainsi que les mutuelles ou unions mentionnées à l'article L. 223-10-2 du code de la mutualité et les organismes assimilés, établis en France « déclarent la souscription et le dénouement des contrats de capitalisation ou des placements de même nature, notamment des contrats d'assurance-vie » ; 4. Considérant qu'en vertu du paragraphe II de l'article 1649 ter, les entreprises, personnes morales, institutions et organismes mentionnés au paragraphe I déclarent également chaque année au titre de ces contrats, « pour les contrats d'assurance-vie non rachetables souscrits depuis le 20 novembre 1991, le montant cumulé des primes versées entre le soixante-dixième anniversaire du souscripteur et le 1er janvier de l'année de la déclaration, lorsque ce montant est supérieur ou égal à 7 500 euros » et « pour les autres contrats, quelle que soit leur date de souscription, le montant cumulé des primes versées au 1er janvier de l'année de la déclaration et la valeur de rachat ou le montant du capital garanti, y compris sous forme de rente, à la même date, lorsque ce montant ou cette valeur est supérieur ou égal à 7 500 euros » ; 5. Considérant que le paragraphe III de l'article 1649 ter renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les conditions et les délais dans lesquels s'effectuent les déclarations prévues aux paragraphes I et II ; 6. Considérant que le 3° du paragraphe I de l'article 10 modifie la première phrase du premier alinéa de l'article 1649 AA du code général des impôts ; qu'aux termes de ces dispositions : « Lorsque des contrats de capitalisation ou des placements de même nature, notamment des contrats d'assurance-vie, sont souscrits auprès d'organismes mentionnés au I de l'article 1649 ter qui sont établis hors de France, les souscripteurs sont tenus de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus, les références des contrats ou placements concernés, la date d'effet et la durée de ces contrats ou placements, les opérations de remboursement et de versement des primes effectuées au cours de l'année précédente et, le cas échéant, la valeur de rachat ou le montant du capital garanti, y compris sous forme de rente, au 1er janvier de l'année de la déclaration » ; 7. Considérant que le 4° du paragraphe I de l'article 10 insère après le paragraphe VI de l'article 1736 du code général des impôts relatif aux infractions commises par les tiers déclarants, un paragraphe VI bis ; que ces dispositions prévoient que les infractions à l'article 1649 ter sont passibles d'une amende de 1 500 euros par absence de dépôt de déclaration et, dans la limite de 10 000 euros par déclaration, de 150 euros par omission ou inexactitude déclarative ; 8. Considérant que le paragraphe II de l'article 10 est relatif à l'entrée en vigueur de cet article ; qu'il précise que le paragraphe I s'applique à compter du 1er janvier 2016, que les contrats souscrits avant cette date et non dénoués à cette date doivent être déclarés conformément aux paragraphes I et III de l'article 1649 ter du code général des impôts au plus tard le 15 juin 2016 et que le paragraphe II de ce dernier article leur est applicable à compter du 1er janvier 2016 ; 9. Considérant que, selon les requérants, la création d'un fichier dans le domaine des contrats d'assurance-vie ne répond à aucun motif d'intérêt général ; que les dispositions de l'article 10, en prévoyant des obligations de déclaration aussi larges en matière d'assurance-vie, porteraient atteinte au respect de la vie privée ; que le législateur, en ne prévoyant aucune garantie permettant d'assurer que ce fichier sera soumis au contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, aurait méconnu l'étendue de sa compétence ; 10. Considérant, en premier lieu, que l'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; qu'il incombe au législateur, dans le cadre de sa compétence, d'assurer la conciliation entre, d'une part, la lutte contre la fraude fiscale, qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, le respect des autres droits et libertés constitutionnellement protégés, au nombre desquels figure le droit au respect de la vie privée qui découle de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que, dans l'exercice de son pouvoir, le législateur ne saurait priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ; 11. Considérant qu'il ressort des débats parlementaires qu'en renforçant les obligations déclaratives en matière d'assurance-vie et en permettant que soit mis en place un fichier national des contrats d'assurance-vie, le législateur a entendu favoriser la connaissance par l'administration de ces contrats afin de mieux prendre en compte la matière imposable et de faciliter la lutte contre la fraude fiscale ; qu'il a poursuivi un but d'intérêt général ; 12. Considérant que les dispositions de l'article 10 ont notamment pour objet de renforcer, en particulier en matière d'assurance-vie, les obligations déclaratives des organismes d'assurance ; que ceux-ci seront ainsi tenus de déclarer à l'administration fiscale la souscription et le dénouement des contrats de capitalisation et autres contrats de même nature, en particulier des contrats d'assurance-vie, et chaque année, leur encours au 1er janvier de l'année de la déclaration ainsi que leur valeur de rachat ou le montant du capital garanti, y compris sous forme de rente, à cette date ; que sont exclus du champ des obligations annuelles de déclaration les contrats dont la valeur est inférieure à 7 500 euros ; que les déclarations s'effectueront dans les conditions et les délais fixés par un décret en Conseil d'État ; que les sanctions prévues à l'article 1736 du code général des impôts s'appliqueront aux organismes d'assurance qui méconnaîtraient leurs obligations déclaratives ; que les informations transmises sont à la seule destination de l'administration fiscale qui est tenue à l'obligation de secret dans les conditions prévues à l'article L. 103 du livre des procédures fiscales ; 13. Considérant, enfin, que si la mise en oeuvre des dispositions de l'article 10 doit conduire à la création d'un traitement de données à caractère personnel des informations ainsi recueillies, il ressort des débats parlementaires, qu'en adoptant ces dispositions, le législateur n'a pas entendu déroger aux garanties apportées par la loi du 6 janvier 1978 susvisée relatives notamment aux pouvoirs de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui s'appliqueront aux traitements en cause ; que, par suite, il appartiendra aux autorités compétentes, dans le respect de ces garanties et sous le contrôle de la juridiction compétente, de s'assurer que la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation, la communication, la contestation et la rectification des données de ce fichier des contrats d'assurance-vie seront mis en oeuvre de manière adéquate et proportionnée à l'objectif poursuivi ; 14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi, les dispositions de l'article 10 ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée ; que ces dispositions, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 39 : 15. Considérant que l'article 39 complète le 1° de l'article L. 3324-1 du code du travail, relatif à la formule de calcul de la réserve spéciale de participation des salariés, laquelle est le résultat d'un rapport entre le bénéfice net de l'entreprise et la proportion des salaires versés dans la valeur ajoutée de l'entreprise ; que le montant de la réserve spéciale de participation est affecté dans les conditions prévues par l'accord de participation, en application de l'article L. 3323-2 du même code ou, à défaut d'un tel accord, en application de l'article L. 3323-5 du même code ; que les dispositions contestées prévoient que le montant de l'impôt sur les sociétés à déduire du bénéfice net utilisé pour la formule de calcul de la réserve spéciale de participation « est diminué du montant des crédits d'impôt, imputés ou restitués, et des réductions d'impôt imputées afférents aux revenus inclus dans le bénéfice imposable au taux de droit commun », à l'exception du crédit d'impôt imputé ou restitué en application de l'article 244 quater C du code général des impôts ; 16. Considérant que les sénateurs requérants font grief à ces dispositions de ne pas ressortir au domaine que la loi organique réserve aux lois de finances ; qu'elles méconnaîtraient également le principe d'intelligibilité de la loi ; qu'enfin, en réinstaurant une règle de calcul prévue par une instruction et un rescrit qui avaient été annulés par la juridiction administrative, elles auraient une portée rétroactive et méconnaîtraient les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; 17. Considérant que les dispositions de l'article 39 se bornent à déterminer les modalités de calcul de la réserve spéciale de participation ; qu'en elles-mêmes, elles ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l'État ; qu'elles n'ont pas trait à des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l'État ; qu'elles n'ont pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d'approuver des conventions financières ; qu'elles ne sont pas relatives au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ; qu'ainsi, elles sont étrangères au domaine des lois de finances tel qu'il résulte de la loi organique du 1er août 2001 susvisée ; qu'il suit de là que l'article 39 a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, l'article 39 doit être déclaré contraire à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 60 : 18. Considérant que le A du paragraphe I de l'article 60 rétablit au chapitre Ier du titre II bis de la deuxième partie du livre Ier du code général des impôts un paragraphe II intitulé « Taxe d'apprentissage » et comprenant les articles 1599 ter A à 1599 ter M ; qu'il procède à une intégration de la contribution au développement de la taxe d'apprentissage dans la taxe d'apprentissage réformée ; que le C du paragraphe I modifie, à l'article 1647 du même code, le taux et l'assiette du prélèvement au profit de l'État au titre des frais d'assiette, de recouvrement, de dégrèvements et de non-valeurs afférents à cette taxe ; que le paragraphe II modifie des dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre II de la sixième partie du code du travail ; qu'il prévoit en particulier de nouvelles règles d'affectation du produit de la taxe d'apprentissage ; que le paragraphe III instaure une garantie de seuil pour la part de ce produit affectée aux régions ; que les B, D et E du paragraphe I et les paragraphes IV à VI procèdent aux coordinations rendues nécessaires par ces modifications ; que le paragraphe VIII prévoit la remise d'un rapport au Parlement ; que le paragraphe IX modifie à compter du 1er janvier 2015 l'affectation des recettes provenant de la contribution supplémentaire à l'apprentissage ; que le paragraphe VII prévoit une application des dispositions de l'article 60 aux contributions et taxes dues au titres des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2014 ; 19. Considérant que les sénateurs requérants contestent la procédure d'adoption de l'article 60 ; qu'ils font valoir qu'en adoptant des dispositions sur l'architecture financière d'une réforme générale de la formation professionnelle qui n'a pas encore été présentée publiquement et alors que les négociations entre les partenaires sociaux relatives à cette réforme ne sont pas encore achevées, le législateur a « méconnu les obligations légales qu'il tient de l'article L. 2 du code du travail », qui prévoit que le Gouvernement soumet les projets de textes élaborés notamment dans le champ de la formation professionnelle au Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie au vu des résultats de la procédure de concertation et de négociation avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ; qu'il aurait ainsi également « méconnu la protection des droits acquis et l'exigence de régulation temporelle de l'action législative » ; que l'introduction de nombreuses modifications au cours de l'examen des dispositions au Parlement, sans études d'impact renseignant leurs conséquences, aurait également méconnu l'exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité des débats parlementaires ; 20. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 2 du code du travail ont valeur législative ; que ni les dispositions du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ni aucune autre règle de valeur constitutionnelle, et notamment l'article 39 de la Constitution, n'obligent le Premier ministre à faire précéder d'une négociation entre les partenaires sociaux la présentation au Conseil d'État, au Conseil des ministres et au Parlement d'un projet de loi comportant des dispositions touchant aux principes fondamentaux du droit du travail ; 21. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi est l'expression de la volonté générale. . . » ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 3 de la Constitution : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants. . . » ; que ces dispositions imposent le respect des exigences de clarté et de sincérité des débats parlementaires ; 22. Considérant qu'il ressort des travaux préparatoires que les dispositions initiales de l'article 60 relatives à la réforme de la taxe d'apprentissage ont fait l'objet d'une évaluation préalable, conformément aux dispositions du 4° de l'article 53 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée ; qu'au cours de l'examen à l'Assemblée nationale, des modifications ont été apportées aux dispositions de l'article 60 sans que les exigences de clarté et de sincérité des débats soient méconnues ; 23. Considérant, en troisième lieu, qu'en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, un amendement a introduit un paragraphe VIII relatif à la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport d'étude, commandé à une mission d'inspection, sur la qualité et sur la fiabilité des circuits de collecte de la taxe d'apprentissage ; que cette adjonction n'était pas, à ce stade de la procédure, en relation directe avec une disposition restant en discussion ; qu'elle n'était pas non plus destinée à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle ; qu'il s'ensuit que les dispositions du paragraphe VIII de l'article 60 ont été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution ; que, pour le surplus, les dispositions de l'article 60 ont été adoptées selon une procédure conforme à la Constitution ; 24. Considérant, en quatrième lieu, que, pour l'affectation du produit de la taxe d'apprentissage réformée par l'article 1599 ter A du code général des impôts, le 2° du paragraphe II de l'article 60 de la loi déférée modifie l'article L. 6241-2 du code du travail ; que cet article L. 6241-2 prévoit qu'une première fraction du produit de la taxe d'apprentissage, dénommée « fraction régionale de l'apprentissage », attribuée aux régions, à la collectivité territoriale de Corse et au département de Mayotte, verra son montant « fixé par décret en Conseil d'État » ; que, toutefois, ce montant sera « au moins égal à 55 % du produit de la taxe due, sans qu'il puisse être inférieur au montant des ressources actuellement perçues par les régions auxquelles la nouvelle taxe d'apprentissage vient se substituer » ; que l'article L. 6241-2 prévoit également qu'une deuxième fraction du produit de la taxe d'apprentissage, dénommée « quota », attribuée aux centres de formation d'apprentis et aux sections d'apprentissage, verra son montant « déterminé par décret en Conseil d'État » ; que le 7° du paragraphe II de l'article 60 rétablit les articles L. 6241-8 et L. 6241-9 du code du travail, relatifs à l'affectation de la part de la taxe d'apprentissage qui n'est pas attribuée en vertu des dispositions réglementaires d'application de l'article L. 6241-2 du code du travail ; 25. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 2 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée : « Les impositions de toute nature ne peuvent être directement affectées à un tiers qu'à raison des missions de service public confiées à lui et sous les réserves prévues par les articles 34, 36 et 51 » ; que, dans sa décision du 25 juillet 2001 susvisée, le Conseil constitutionnel a analysé ces dispositions en jugeant que « la loi ne peut affecter directement à un tiers des impositions de toutes natures "qu'à raison des missions de service public confiées à lui", sous la triple condition que la perception de ces impositions soit autorisée par la loi de finances de l'année, que, lorsque l'imposition concernée a été établie au profit de l'Etat, ce soit une loi de finances qui procède à cette affectation et qu'enfin le projet de loi de finances de l'année soit accompagné d'une annexe explicative concernant la liste et l'évaluation de ces impositions » ; 26. Considérant que la taxe d'apprentissage relève de la catégorie des impositions de toutes natures au sens de l'article 34 de la Constitution ; que le législateur ne pouvait, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de fixer les critères d'affectation d'une partie des recettes provenant de cette imposition ; qu'en ne prévoyant aucun encadrement de la détermination par le pouvoir réglementaire de la fraction du produit de la taxe d'apprentissage affectée aux centres de formation d'apprentis et aux sections d'apprentissage, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence ; que, par suite, les dispositions du 2° du paragraphe II de l'article 60 doivent être déclarées contraires à la Constitution ; que, par coordination, doivent également être déclarés contraires à la Constitution les 3° à 8° du même paragraphe II ainsi que les paragraphes III à VI de l'article 60 ; - SUR CERTAINES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 30 : 27. Considérant que le 1° du paragraphe I de l'article 30 modifie l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée relatif à la taxe sur les éditeurs de télévision ; qu'il étend l'assiette de cette taxe, d'une part, aux sommes versées par les annonceurs et les parrains pour la diffusion de leurs messages publicitaires et de parrainage « y compris sur les services de télévision de rattrapage » et, d'autre part, aux sommes versées par les annonceurs et les parrains « à toute personne en assurant l'encaissement » ; 28. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; 29. Considérant que l'exigence de prise en compte des facultés contributives, qui résulte du principe d'égalité devant les charges publiques, implique qu'en principe, lorsque la perception d'un revenu ou d'une ressource est soumise à une imposition, celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource ; que s'il peut être dérogé à cette règle, notamment pour des motifs de lutte contre la fraude ou l'évasion fiscale, de telles dérogations doivent être adaptées et proportionnées à la poursuite de ces objectifs ; 30. Considérant qu'en posant le principe de l'assujettissement des éditeurs de télévision, quelles que soient les circonstances, au paiement d'une taxe assise sur des sommes dont ils ne disposent pas, le législateur a méconnu les exigences précitées ; que par suite, à la fin du 1° du paragraphe I de l'article 30, le membre de phrase : « et les mots : "ou aux régisseurs de messages publicitaires et de parrainage" sont remplacés par les mots : ", aux régisseurs de messages publicitaires et de parrainage ou à toute personne en assurant l'encaissement" » doit être déclaré contraire à la Constitution ; - SUR CERTAINES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 43 : 31. Considérant que l'article 43 modifie les articles 35, 92, 96 A, 120, 150 ter, 155, 156, 158 et 1736 du code général des impôts, crée l'article 242 ter E du même code et abroge les articles 150 quater à 150 undecies et 1649 bis C du même code ; qu'il modifie également l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale et rétablit l'article L. 96 CA du livre des procédures fiscales ; que cet article 43 a pour objet de réformer le régime d'imposition à l'impôt sur le revenu des profits réalisés par les personnes physiques fiscalement domiciliées en France sur les instruments financiers à terme, en prévoyant un assujettissement à l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues au 2. de l'article 200 A du code général des impôts, sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ; 32. Considérant que, dans le cadre de cette réforme, le 2° du A, le 2° du B et le D du paragraphe I de l'article 43, le 3. de l'article 150 ter du code général des impôts dans sa rédaction résultant du 2° du E du même paragraphe I et le 2° du G du même paragraphe I instituent un régime dérogatoire d'imposition des profits réalisés par les personnes physiques fiscalement domiciliées en France sur les instruments financiers à terme « lorsque le teneur de compte ou, à défaut, le cocontractant a son domicile fiscal ou est établi dans un État ou un territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A » du code général des impôts ; que, d'une part, dès lors que le contribuable ne démontre pas que les opérations auxquelles correspondent ces bénéfices ont principalement un objet et un effet autres que de permettre la localisation desdits bénéfices dans un État ou un territoire non coopératif, les bénéfices nets des opérations sur des instruments financiers à terme sont imposés au taux forfaitaire de 75 % au titre de l'impôt sur le revenu en vertu du 3. de l'article 150 ter du code général des impôts ; que, d'autre part, en cas de perte relative à de telles opérations, celle-ci est imputable exclusivement sur les profits de même nature réalisés dans les mêmes conditions au cours de la même année ou des six années suivantes ; 33. Considérant que les bénéfices nets ainsi assujettis à l'impôt sur le revenu à un taux forfaitaire de 75 % sont par ailleurs assujettis aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine prévus par l'article 15 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 susvisée, par l'article L. 14 10-4 du code de l'action sociale et des familles, par l'article 1600-0 F bis du code général des impôts et par les articles L. 136-6 et L. 245-14 du code de la sécurité sociale ; que l'instauration du taux forfaitaire de 75 % a pour effet de porter le taux d'imposition sur les bénéfices résultant de ces opérations à 90,5 % ; que, par suite, cette modification fait peser sur les personnes fiscalement domiciliées en France qui effectuent des opérations sur des instruments financiers à terme au moyen d'un compte dont le teneur ou, à défaut, le cocontractant, est domicilié dans un État ou un territoire non coopératif une charge excessive au regard de leur capacité contributive et est contraire au principe d'égalité devant les charges publiques ; que, dès lors, au paragraphe I de l'article 43, le 2° du A, le 2° du B, le D, le 3. de l'article 150 ter du code général des impôts dans sa rédaction résultant du 2° du E et le 2° du G doivent être déclarés contraires à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 66 : 34. Considérant que l'article 302 bis ZE du code général des impôts institue « une contribution sur la cession à un éditeur ou un distributeur de services de télévision » des « droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives » ; que cette contribution est due par les associations sportives, les sociétés sportives, les sociétés d'économie mixte sportives locales, les fédérations sportives ou toute personne physique ou morale qui organise une manifestation sportive dans les conditions prévues par l'article L. 331-5 du code du sport, ainsi que par toute personne agissant directement ou indirectement pour leur compte ; que cette contribution est assise sur les sommes hors taxes sur la valeur ajoutée perçues au titre de la cession des droits de diffusion ; que son taux est fixé à 5 % du montant des encaissements ; 35. Considérant que l'article 66 insère, après le troisième alinéa de cet article, deux alinéas aux termes desquels : « Lorsque les cessions mentionnées aux deux premiers alinéas sont réalisées par une personne qui n'est pas établie en France et concernent des manifestations ou compétitions sportives qui se déroulent au moins en partie sur le territoire national, la contribution est due par le cessionnaire établi en France. « Pour les cessions mentionnées au quatrième alinéa, l'assiette de la contribution est déterminée par le produit entre, d'une part, le montant du contrat de cession des droits et, d'autre part, le nombre d'épreuves se déroulant en France sur le nombre total d'épreuves que comporte la manifestation ou la compétition sportive » ; 36. Considérant qu'en adoptant les dispositions de l'article 66, le législateur a entendu que la cession des droits de diffusion de compétitions sportives organisées en France n'échappe pas à la contribution instituée par l'article 302 bis ZE du code général des impôts du seul fait que le titulaire des droits cédés est établi à l'étranger ; 37. Considérant que le seul fait que la personne établie à l'étranger aurait été redevable d'une imposition si elle avait été établie en France ne saurait suffire à constituer un motif objectif et rationnel justifiant de désigner un autre redevable de cette même imposition ; qu'en prévoyant que, selon que le détenteur des droits de diffusion des manifestations ou compétitions sportives est établi en France ou à l'étranger, la taxe sur la cession de ces droits serait acquittée soit par celui qui les cède soit par celui qui les acquiert, le législateur a instauré une différence de traitement qui méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques ; que, par suite l'article 66 doit être déclaré contraire à la Constitution ; - SUR LA PLACE D'AUTRES DISPOSITIONS DANS LA LOI DÉFÉRÉE : 38. Considérant que la dernière phrase de l'article 77 prévoit la remise d'un rapport d'évaluation du Gouvernement au Parlement relatif aux opérations de réassurance des entreprises habilitées à pratiquer en France des opérations d'assurance-crédit ; que le paragraphe III de l'article 85 prévoit la remise d'un rapport par le Gouvernement au Parlement précisant les modalités et le contenu de la concertation stratégique en vue de garantir la continuité des activités de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines ainsi que les droits des mineurs et le financement du régime pour la même période ; 39. Considérant que les amendements dont sont issues les dispositions susmentionnées ont été introduits en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale ; que ces adjonctions n'étaient pas, à ce stade de la procédure, en relation directe avec une disposition restant en discussion ; qu'elles n'étaient pas non plus destinées à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle ; qu'il s'ensuit que la dernière phrase de l'article 77 et le paragraphe III de l'article 85 ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution ; qu'ils doivent être déclarés contraires à cette dernière ; 40. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi de finances rectificative pour 2013 : - à la fin du 1° du paragraphe I de l'article 30, le membre de phrase : « et les mots : "ou aux régisseurs de messages publicitaires et de parrainage" sont remplacés par les mots : ", aux régisseurs de messages publicitaires et de parrainage ou à toute personne en assurant l'encaissement" » ; - l'article 39 ; - au paragraphe I de l'article 43, le 2° du A, le 2° du B, le D, le 3. de l'article 150 ter du code général des impôts dans sa rédaction résultant du 2° du E et le 2° du G ; - à l'article 60, les 2° à 8° du paragraphe II, les paragraphes III à VI et le paragraphe VIII ; - l'article 66 ; - la dernière phrase de l'article 77 ; - le paragraphe III de l'article 85. Article 2.- L'article 10 de la même loi est conforme à la Constitution. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 décembre 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI. Rendu public le 29 décembre 2013. Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs de recours dirigés contre la loi de finances rectificative pour 2013. Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes. I/ SUR L'ARTICLE 10 A/ L'article 10 de la loi déférée renforce les obligations déclaratives des souscripteurs de contrats d'assurance-vie et des entreprises d'assurance, institutions de prévoyance et mutuelles. Les députés et les sénateurs requérants estiment que cet article conduit à mettre en place un fichier portant une atteinte disproportionnée à la vie privée. B/ Le Gouvernement n'est pas de cet avis. 1/ Les encours placés par des résidents français sur des contrats d'assurance-vie représentent 1 450 milliards d'euros. La détention de ces contrats et leur transmission ainsi que le versement des produits qui leur sont attachés constituent le fait générateur de nombreux impôts (impôt de solidarité sur la fortune, impôt sur le revenu et prélèvements sociaux, droits de mutation à titre gratuit et prélèvement spécifique de l'article 990 I du code général des impôts). L'administration fiscale ne dispose que de moyens limités pour recouper les informations figurant dans les déclarations souscrites par les contribuables au titre de ces impôts. Elle ne dispose notamment pas des éléments d'information sur le montant cumulé des primes versées sur ces contrats qui constitue un élément de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune. L'article 10 a pour objet de pallier cette lacune du contrôle fiscal. Il répond ainsi à l'objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et contre l'évasion fiscale. 2/ Les dispositions contestées se bornent à fixer les obligations déclaratives imposées aux particuliers et aux organismes gestionnaires de l'assurance-vie. Ces obligations sont proportionnées à l'objectif poursuivi par le législateur. Les souscripteurs devront indiquer en même temps que leur déclaration de revenus la date d'effet et la durée des contrats, les opérations de remboursement et de versement des primes effectuées au cours de l'année précédente et, le cas échéant, la valeur de rachat et le montant du capital garanti. La connaissance de ces informations permettra d'améliorer l'efficacité du contrôle fiscal. Les obligations déclaratives exigées des organismes gestionnaires de l'assurance-vie sont également proportionnées aux besoins du contrôle fiscal. Ainsi, le législateur a prévu que l'obligation de déclaration annuelle du montant cumulé des primes versées et de la valeur de rachat ou du montant du capital garanti ne s'appliquerait pas aux contrats d'assurance-vie lorsque ce montant ou cette valeur est inférieure à 7 500 euros. De la même manière, le législateur a prévu que les contrats non rachetables sur lesquels le montant cumulé des primes versées entre le soixante-dixième anniversaire du souscripteur et le 1er janvier de la déclaration est inférieur à 7 500 euros n'auront pas à être déclarés. La mise en place de tels seuils permettra de cibler le contrôle sur les contrats présentant un enjeu au regard de la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales. Elle impliquera ainsi qu'environ 50% des contrats d'assurance-vie seront exclus de l'obligation de déclaration. 3/ La loi n'a pas pour objet de créer directement un fichier pour assurer le traitement des informations communiquées par les organismes d'assurance. Le législateur n'a pas entendu déroger aux dispositions protectrices de la liberté individuelle et de la vie privée établies par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. La constitution de ces traitements devra donc être soumise à la commission nationale de l'informatique et des libertés. La commission sera pleinement compétente pour exercer son pouvoir de contrôle sur l'utilisation de ce traitement. Il convient également de rappeler que les informations transmises par les organismes d'assurance seront à destination exclusive de l'administration fiscale. Les informations ainsi recueillies seront soumises à l'obligation de secret professionnel prévue à l'article L. 103 du livre des procédures fiscales. Compte tenu du champ des informations qui devront être communiquées et des garanties qui s'appliqueront au fichier qui devra en assurer le traitement, les obligations déclaratives instaurées par l'article 10 ne peuvent être regardées comme portant une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée au regard de l'objectif de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales poursuivi par le législateur. Dans ces conditions, les griefs soulevés par les auteurs des saisines ne pourront qu'être écartés. II/ SUR L'ARTICLE 39 A/ L'article 39 de la loi déférée modifie les modalités de calcul des sommes qui doivent être affectées à la réserve de participation des salariés pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés. Les sénateurs auteurs de la saisine estiment que cet article n'a pas sa place en loi de finances et méconnaît l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Ils estiment également que cette disposition a une portée rétroactive qui méconnaît la garantie des droits protégée par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. B/ Ces griefs ne sont pas fondés. 1/ Cet article trouve sa place en loi de finances. L'article L. 3324-1 du code du travail prévoit que les sommes affectées à la réserve spéciale de participation doivent être calculées à partir du bénéfice net, c'est-à-dire du bénéfice de l'entreprise diminué de l'impôt qu'elle doit. L'article 39 de la loi déférée précise que, pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, le montant de l'impôt dû doit être diminué du montant des crédits d'impôt et des réductions d'impôt à l'exception du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. La disposition a ainsi un effet direct sur la détermination des sommes qui doivent être portées à la réserve de participation. Or ces sommes sont déductibles de l'impôt sur les sociétés en application de l'article 237 bis A du code général des impôts. Le grief tiré de ce que l'article 39 n'aurait pas sa place en loi de finances ne peut donc qu'être écarté. 2/ Cet article ne méconnaît pas l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité de la loi. Il définit précisément les modalités de calcul du montant d'impôt à retenir pour déterminer les sommes qui doivent être affectées à la réserve spéciale de participation. En particulier, en indiquant qu'il convient de réduire l'impôt dû des crédits d'impôts afférents aux revenus inclus dans le bénéfice imposable, le législateur a nécessairement inclus le crédit d'impôt pour les dépenses de recherche prévu à l'article 244 quater B. 3/ Sur la rétroactivité Comme indiqué précédemment, la précision apportée par l'article 39 porte sur la détermination du montant de l'impôt qui doit être utilisé pour calculer les sommes affectées à la réserve spéciale de participation. Ces sommes sont arrêtées à la clôture des exercices comptables par les sociétés. Les règles de calcul fixées par ces dispositions trouveront donc à s'appliquer de manière normale pour les entreprises qui clôtureront leurs comptes au 31 décembre 2013. Le fait que ces dispositions reprennent des dispositions d'une doctrine de l'administration fiscale annulées par le Conseil d'Etat ne saurait leur conférer une portée rétroactive contrairement à ce que soutiennent les sénateurs auteurs de la saisine. Ainsi l'article 39 est conforme à la Constitution. III/ SUR L'ARTICLE 60 A/ L'article 60 de la loi déférée réforme la taxe d'apprentissage. Les sénateurs requérants considèrent que le législateur ne pouvait arrêter les principes d'une réforme de la taxe d'apprentissage avant qu'un accord ne soit intervenu avec les partenaires sociaux en application des articles L. 1 et L. 2 du code du travail. Ils considèrent également que le Parlement ne pouvait être saisi du seul volet fiscal de la réforme de l'apprentissage dans le cadre de la loi de finances rectificative sans avoir une vue d'ensemble de cette réforme. B/ Le Gouvernement considère que ces griefs ne pourront qu'être écartés. D'un strict point de vue constitutionnel, les griefs articulés par les saisines sont inopérants. Le Conseil constitutionnel estime que « ni les dispositions du huitième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 (. . .), ni aucune autre règle de valeur constitutionnelle n'obligent le Gouvernement à faire précéder la présentation au Parlement d'un projet de loi comportant des dispositions touchant aux principes fondamentaux du droit du travail d'une négociation entre les partenaires sociaux » (décision n°98-401 du 10 juin 1998, cons. 6). Une telle obligation ne saurait s'imposer, a fortiori, aux dispositions fiscales arrêtées par le législateur en loi de finances. De même, on ne saurait interdire au législateur de modifier en loi de finances des dispositions relatives à des impositions en lui imposant de prendre ces dispositions dans un projet de loi global. Les dispositions fiscales relatives à l'apprentissage ne peuvent être regardées comme entrant dans le champ de la négociation nationale et interprofessionnelle régi par l'article L1 du code du travail. Mais, plus fondamentalement, les dispositions de l'article 60 de la loi de finances rectificative pour 2013, qui constituent le volet fiscal de la réforme de l'apprentissage, ont bien été soumises à une vaste concertation. Cette réforme a ainsi fait l'objet d'échanges dès le début de l'année 2013 avec l'ensemble des parties prenantes (partenaires sociaux mais aussi régions, réseaux consulaires, représentants des établissements d'enseignement professionnel et d'enseignement supérieurs, branches professionnelles). Conformément aux engagements de la grande conférence sociale des 20 et 21 juin 2013, un document de cadrage a été adressé le 29 août 2013 aux acteurs de la politique en faveur de l'apprentissage. Dès le 23 octobre, le Gouvernement a indiqué que certaines de ses propositions avaient vocation à trouver leur place dans le volet apprentissage du projet de loi relatif à la formation professionnelle tandis que d'autres, d'ordre fiscal, relevaient de la loi de finances rectificative pour 2013. Il est donc inexact d'affirmer que la concertation n'a pas été conduite à son terme. Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans les saisines ne sont pas de nature à conduire à la censure de la loi déférée. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, Les Sénateurs soussignés (1) ont l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi de finances rectificative pour 2013 aux fins de déclarer contraires à la Constitution certaines de ses dispositions (2). I - S'agissant de l'article 7 bis Introduit par voie d'amendement, cet article a pour objet de modifier l'article 1649 AA du code général des impôts en imposant aux souscripteurs des contrats de capitalisation ou des placements de même nature : « de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus, les références des contrats ou placements concernés, la date d'effet et la durée de ces contrats ou placements, les opérations de remboursement et de versement des primes effectuées au cours de l'année précédente et, le cas échéant, la valeur de rachat ou le montant du capital garanti, y compris sous forme de rente, au 1er janvier de l'année de la déclaration ». Les Sénateurs requérants estiment que l'article 7 bis de la présente loi est contraire au principe constitutionnel de respect de la vie privée. Ce principe constitutionnel tire son origine de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 à travers « les droits naturels et imprescriptibles de l'homme ». Votre Conseil, à travers une jurisprudence constante, a signalé la nécessité de protéger la vie privée, tout en admettant que cette protection pouvait connaitre des limites pour un motif d'intérêt général. Le contrôle de constitutionnalité afférant à la vie privée a donc été rationalisé au fil des décisions, notamment en utilisant deux prismes: la justification de cette atteinte à la vie privée par un motif d'intérêt général et la proportionnalité des dispositions contestées à l'objectif qui leur est assigné. Cette démarche fut renouvelée dans une jurisprudence récente du 22 mars 2012 sur la loi relative à la protection de l'identité, où votre Conseil a été amené à se prononcer sur la création d'un fichier biométrique de la population française. Dans un de ses considérants, votre Conseil précise que : « Eu égard à la nature des données enregistrées, à l'ampleur de ce traitement, à ses caractéristiques techniques et aux conditions de sa consultation, les dispositions de l'article 5 portent au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi » (3). Cette approche de votre Conseil est très proche des préconisations de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) en matière de respect des principes en matière de constitution de fichiers. En effet, l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés dispose que les données « sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes ». Ce même article dispose ensuite que les données doivent être : « adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées ». En d'autres termes, un fichier chargé de collecter des données personnelles, doit, à la vue du corpus constitutionnel et législatif, avoir une finalité précise et ne pas être excessif. Au cas présent, les requérants estiment que les informations collectées à l'article 7 bis ne sont pas justifiées et excessives au regard du but poursuivi. Parce qu'adoptées par voie d'amendement, les dispositions de l'article 7 bis n'ont fait l'objet d'aucune évaluation préalable, ni d'aucune justification. L'exposé sommaire de l'amendement qui a introduit cet article ne révèle rien sur le but poursuivi par ces dispositions puisqu'il y est écrit : « Les moyens de l'administration fiscale pour connaître l'encours des contrats d'assurance-vie sont limités. En l'absence de versement de revenus, il n'existe aucun moyen de recoupement fondé sur des déclarations de tiers. Afin de renforcer la capacité de contrôle de l'administration sur ce type de placement, il est proposé d'instituer de nouvelles obligations déclaratives à la charge de l'assureur ou du souscripteur, si le contrat est souscrit auprès d'un organisme établi hors de France ». Ainsi, le législateur reste muet en ce qui concerne l'utilisation de ces informations personnelles. En effet, il ressort de l'analyse de ces dispositions et des justifications qui leur sont apportées, que ces contrôles supplémentaires en prise directe avec la vie privée ne peuvent pas être justifiés par un motif d'intérêt général. Outre l'absence de justification, les dispositions contestées obligeront les souscripteurs des contrats de capitalisation ou des placements de même nature à donner des informations non seulement sur leurs avoirs mais aussi sur leur personne, avec des caractéristiques nominatives et patrimoniales touchant à la vie privée. L'atteinte à la vie privée est donc manifeste. De plus, parce que ce type de contrat est très répandu, environ 50 millions de contrats, une très grande partie de la population française se verra contrainte de fournir de telles informations. Plus grave encore, la procédure d'adoption, par amendement, sans étude d'impact, et les dispositions elles-mêmes, ne fournissent aucune garantie en ce qui concerne la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de ces données à caractère personnel. De telles dispositions doivent être mise en oeuvre dans le respect des principes de finalité et de proportionnalité exigés par la CNIL et la Cour européenne des droits de l'homme. L'article 7 bis se caractérise donc par l'absence d'intervention de la CNIL en ce qui concerne le contrôle du fichier, préalablement à son entrée en vigueur et au cours de son utilisation. Or, ce devoir de sécurisation des informations personnelles relève de la compétence du législateur en vertu de l'article 34 de la constitution puisqu'il appartient au législateur de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. Puisque ces garanties sont absentes du présent article, le législateur a méconnu la compétence qu'il tient de la Constitution et s'est rendu coupable d'incompétence négative. Pour ces raisons, les requérants estiment que l'article 7 bis de la loi de finances rectificative pour 2013 est contraire au principe constitutionnel de respect de la vie privée et doit donc être déclaré contraire à la Constitution. II - S'agissant de l'article 27 L'article 27 intègre un ensemble de dispositions afférentes au financement de l'apprentissage. Dans cette optique, il établit la fusion de la contribution au développement de l'apprentissage et de la taxe d'apprentissage et prévoit, en conséquence, de refonder les modalités de répartition de la taxe d'apprentissage. De cette manière, les ressources perçues par les régions seront garanties sur la base d'un plancher fixé par le projet d'article à hauteur de 55 % de la taxe d'apprentissage. Les requérants estiment que les dispositions précitées sont contraires au principe de qualité de la loi et de sécurité juridique. 1. Sur le non-respect de l'exigence constitutionnelle de la qualité de la loi La notion de sécurité juridique est présente dans le contrôle de constitutionnalité comme le souligne dans son exposé du 20 septembre 2005, M. Olivier Dutheillet de Lamothe : « L'exigence de sécurité juridique apparaît, comme l'a souligné une doctrine abondante, comme une référence implicite majeure du contrôle de constitutionnalité des lois aujourd'hui » (4). Cette notion se rattache, par ailleurs, à deux notions consacrées par la doctrine constitutionnelle : la notion de « sûreté », telle que présente dans les articles 2 et 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et la notion de « garantie des droits » inscrite à l'article 16 de la dite déclaration. Ce principe de sécurité juridique peut se décliner de deux manières différentes qui sont autant de principes constitutionnels abondamment utilisés dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel à savoir : la non rétroactivité de la loi et la qualité de la loi. Dans le cas soumis à votre Conseil, les requérants estiment que les dispositions contestées sont contraires au principe de qualité de la loi. Celui-ci se décline en plusieurs sous catégories dont la régulation temporelle de l'action législative qui conduit à la protection des droits acquis. Les requérants considèrent que les droits acquis par l'adoption de la loi n°2007-130 du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social n'ont pas été respectés. En effet, la loi précitée prévoit en son article 1er que « Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l'ouverture éventuelle d'une telle négociation ». L'article 1er précise ensuite la marche à suivre pour le législateur en disposant que : « Le Gouvernement soumet les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés dans le champ défini par l'article L. 101-1, au vu des résultats de la procédure de concertation et de négociation ». Or, les dispositions de l'article 27 de la loi soumise à l'examen de votre Conseil se proposent de refonder l'architecture du financement de l'apprentissage alors même qu'une large concertation sur l'apprentissage a débuté au début du mois de septembre avec une trentaine d'acteurs majeurs de l'apprentissage, au premier rang desquels les partenaires sociaux, les régions et les chambres consulaires. Cette concertation prévoyait effectivement un certain nombre de dispositions relatives au financement de l'apprentissage comme l'augmentation des ressources dédiées au financement de l'apprentissage ou la simplification du système de collecte de la taxe d'apprentissage. Mais, cette négociation n'a pas encore donné lieu à un accord: le document établi fin octobre contenant les propositions du Gouvernement correspond au document d'orientation évoqué à l'article L. 101-1 du code du travail et ne peut être considéré comme le résultat final de la procédure de concertation et de négociation, résultat sur lequel doit se baser le législateur lorsqu'il soumet un projet de texte législatif. Ainsi, s'il est loisible au législateur de traduire législativement des propositions émises lors de la phase de concertation, le législateur doit, conformément à l'article L. 101-2 du code du travail, le faire dans le respect des résultats de la procédure de concertation ou de négociation. Les requérants estiment ainsi que le législateur a méconnu les obligations légales qu'il tient de l'article L. 101-2 du code du travail, d'autant que la concertation sur l'apprentissage précitée doit aboutir à un « projet de loi relatif à la formation professionnelle et la démocratie sociale qui sera présenté en conseil des ministres début 2014 », comme le souligne un communiqué de presse qui émane du Ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social (5). Ainsi, parce que le législateur n'a pas respecté la chronologie établie à l'article L. 101-2 du code du travail en matière de dialogue social, il a méconnu la protection des droits acquis et l'exigence de régulation temporelle de l'action législative. Pour ces raisons, l'article 27 contrevient aux principes de qualité de la loi et de sécurité juridique et doit donc être déclaré contraire à la Constitution. 2. Sur le non-respect de l'exigence de clarté et de sincérité des débats parlementaires Les requérants estiment, par ailleurs, que l'article 27 est contraire à l'exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité des débats parlementaires. Cette exigence constitutionnelle est une conséquence de la lecture combinée des articles 34 de la Constitution et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à partir desquels votre Conseil a consacré l'exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité des débats parlementaires, exigence qui implique la sincérité et la cohérence des votes émis par le Parlement. Adossé à cette exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité des débats parlementaires, se trouve l'exigence de transparence de la loi, mais aussi l'exigence de loyauté. Ces exigences trouvent à s'appliquer de manières forts diverses. Parmi ces possibilités qui s'offrent à votre Conseil, se trouve la compréhension des textes législatifs comme le note Alexandre Flückiger dans les cahiers du Conseil Constitutionnel : « L'exigence de clarté de la loi est également un précepte de légistique formelle, c'est-à-dire la branche de la légistique axée autour des principes tendant à améliorer la communication et la compréhension des textes législatifs » (6). Or, les dispositions soumises à l'appréciation de votre Conseil se proposent de refonder l'architecture du financement de l'apprentissage ; elles font partie, comme le précise le Gouvernement dans un communiqué de presse : « D'une réforme d'ampleur de l'apprentissage » (7). Dans ce même communiqué, le Gouvernement précise que : « Les autres volets de la réforme, qui n'ont pas de caractère fiscal, trouveront leur place dans le projet de loi relatif à la formation professionnelle et la démocratie sociale qui sera présenté en conseil des ministres début 2014 ». Par conséquent, le législateur a adopté des dispositions sur l'architecture financière d'une réforme qui ne sera formellement présentée publiquement et débattue que dans quelques mois. A ce titre, il faut signaler que les parlementaires ne disposent d'aucune information sur le prochain projet de loi relatif à la formation professionnelle et la démocratie sociale, projet de loi dont dépend la pertinence des dispositions financières de cet article 27. En outre, de nombreuses dispositions de cet article ont été introduites par voie d'amendements, de telle sorte que le Parlement ne disposait pas des informations nécessaires à un examen attentif. Sans étude d'impact, il est en effet difficile pour celui-ci de se prononcer sur le bien-fondé tant de la nouvelle architecture globale du financement de la politique d'apprentissage que de dispositions plus spécifiques, comme le remplacement de l'aide dite « bonus » versée aux entreprises de 250 salariés et plus par une réduction d'impôt de même montant. Ainsi, la division en deux parties distinctes de dispositions qui sont indissociables puisque partie prenante de la même politique publique ne peut être acceptée car elle contrevient à la bonne communication et à la compréhension des textes législatifs par le Parlement. Pour cette raison, les dispositions de l'article 27 de la présente loi doivent être déclarées contraires à l'exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité des débats parlementaires. Pour ces raisons, il appartient à votre Conseil de censurer cet article. III - S'agissant de l'article 39 L'article 39 vise à modifier les modalités de calcul de la participation des salariés en prévoyant que les crédits d'impôt doivent venir minorer l'impôt sur les sociétés pris en compte pour le calcul de la participation. Les Sénateurs requérants estiment que ces dispositions contreviennent à l'article 45 de la Constitution car elles constituent un cavalier législatif. Elles sont également contraires aux articles 13 et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du fait qu'elles constituent une invalidation rétroactive d'une décision juridictionnelle et compte tenu de l'imprécision de leur rédaction qui porte atteinte aux les principes de clarté et d'intelligibilité de la loi. 1- Sur la contrariété à l'article 45 de la Constitution L'article 39 vise à modifier l'article L3324-1 du code du travail précisant les modalités de calcul de la participation des salariés. Cette mesure ne présente donc pas de lien même indirect avec les dispositions figurant dans un projet de loi de finances. Les dispositions de l'article 39 ont donc été adoptées selon une procédure contraire à l'article 45 de la Constitution. 2- Sur la l'intelligibilité de la loi L'article 39 prévoit que l'impôt est diminué du montant des « crédits d'impôt [. . .] afférents aux revenus inclus dans le bénéfice imposable aux taux de droit commun ». Les auteurs de l'amendement précisent que doit être visé l'ensemble des crédits d'impôt et plus spécifiquement le crédit d'impôt recherche. Or, compte tenu de la rédaction de ces dispositions, celles-ci ne peuvent être lues que comme n'incluant pas le crédit d'impôt recherche. En effet, soit, par les termes « crédits d'impôt [. . .] afférents aux revenus inclus dans le bénéfice imposable » il s'agit de faire référence à l'assiette du crédit d'impôt et s'agissant du crédit d'impôt recherche, celle-ci est uniquement composée de charges (salaires, amortissements. . .). Soit, la notion de « revenus inclus dans le bénéfice imposable » fait référence au crédit d'impôt recherche lui-même et force est de constater que la créance de crédit d'impôt recherche n'est pas imposable et ne peut donc être considérée comme incluse dans le résultat imposable. Une telle rédaction est, en revanche, tout à fait compréhensible s'agissant d'autres crédits d'impôt comme ceux attachés aux revenus provenant de l'étranger en contrepartie de la retenue à la source subie dans l'autre Etat. Dans cette situation, en effet, le revenu (une redevance par exemple) ainsi que le crédit d'impôt sont bien compris dans le résultat imposable et pourront alors donner lieu à une déduction de l'impôt sur les sociétés pour le calcul de la participation en application de l'article 39. Cette contrariété entre la rédaction de l'article 39 et l'objectif poursuivi par les auteurs du texte doit entrainer, afin d'assurer l'intelligibilité de la loi, soit l'annulation de la disposition, soit une réserve d'interprétation de votre part. 3- Sur l'invalidation rétroactive La mesure s'applique aux exercices clos à compter du 31 décembre 2013 : les entreprises dont l'exercice coïncide avec l'année civile devront donc constater une provision dans leurs comptes clos au 31 décembre qui respecte les modalités prévues par cette disposition remettant en cause une décision du Conseil d'Etat en date du mois de mars de cette année interprétant la loi actuellement en vigueur. Il est à noter qu'il ne s'agit pas ici de ce que l'on appelle traditionnellement la petite rétroactivité fiscale liée au fait générateur de l'impôt sur les sociétés mais d'une modification du code du travail qui n'a pas d'impact en matière fiscale. Or, il résulte de votre jurisprudence que « si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'en outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie » (8). Au cas d'espèce, il s'agit de valider rétroactivement une doctrine administrative invalidée par le Conseil d'Etat. Pour mémoire, les paragraphes de la documentation administrative 4 N-1121 relative au calcul de la réserve spéciale de participation ainsi que la décision de rescrit n°2010/23 du 13 avril 2010 relative à l'impact du crédit d'impôt recherche sur le montant de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise, repris au BOFiP, considéraient que l'impôt à retenir pour le calcul de la réserve spéciale de participation devait être minoré du montant des crédits d'impôt. Cette doctrine administrative a fait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir au terme duquel le Conseil d'Etat a annulé ces commentaires considérant « qu'en énonçant que l'impôt à retenir pour le calcul de la réserve spéciale de participation devait être minoré du montant des crédits d'impôt, notamment du crédit d'impôt recherche prévu par l'article 244 quater B du CGI, la documentation administrative 4 N-1121 et la décision de rescrit du 13 avril 2010 ne se sont pas bornées à interpréter les articles précités du code du travail mais ont fixé des règles nouvelles non prévues par la loi ». Le présent article a pour objet de légaliser la doctrine de manière rétroactive rendant totalement ineffective l'autorité de la force jugée et doit en conséquence être censuré par votre Conseil. Les Sénateurs soussignés complèteront, le cas échéant, cette demande dans des délais raisonnables. (1) Cf. Liste jointe (2) La numérotation des articles correspond à la numérotation provisoire (3) Décision n° 2012-652 DC du 22 mars 2012, Loi relative à la protection de l'identité, considérant n°11. (4) Olivier Dutheillet de Lamothe, « La sécurité juridique Le point de vue du juge constitutionnel », exposé à l'occasion de l'accueil de hauts magistrats brésiliens, septembre 2005, page 1 (5) http://travail-emploi.gouv.fr/actualite-presse,42/communiques,2138/reforme-de-l-apprentissage,17180.html (6) Alexandre FLÜCKIGER, Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 21 Dossier : La normativité, janvier 2007. (7) http://travail-emploi.gouv.fr/actualite-presse,42/communiques,2138/reforme-de-l-apprentissage,17180.html (8) Décision n° 2008-571 DC du 11 décembre 2008, considérant 11 Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les conseillers, Nous avons l'honneur, en application des dispositions de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution de déférer au Conseil Constitutionnel le projet de loi de finances rectificative pour 2013 adopté par l'Assemblée nationale le 19 décembre 2013, et plus particulièrement les dispositions de l'article 10. Ce projet de loi qui est déféré à la censure du Conseil Constitutionnel est contraire aux principes constitutionnels du Droit Français. A l'appui de cette saisine, nous développons les griefs suivants. L'article 10 résulte de l'introduction par voie d'amendement d'une disposition instituant la création d'un fichier central des contrats d'assurance-vie et de capitalisation (FICOVI). Les requérants souhaitent attirer l'attention du Conseil sur leurs fortes réserves du point de vue de la constitutionnalité de cette disposition. Il leur apparait en effet que le fichier « assurances-vie » porte atteinte à la vie privée, garantie de valeur constitutionnelle. L'article 10 de la présente loi de finances rectificative pour 2013 crée un fichier « assurances-vie » qui conduit à définir des obligations de déclaration extrêmement larges. D'abord pour les entreprises d'assurance, les institutions de prévoyance, les unions (régies par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale) les mutuelles et les organismes assimilés, c'est-à-dire pour l'ensemble du secteur assurantiel qui propose des assurances-vie. En particulier, ces entreprises doivent déclarer : « 1° Pour les contrats d'assurance-vie non rachetables souscrits depuis le 20 novembre 1991, le montant cumulé des primes versées entre le soixante-dixième anniversaire du souscripteur et le 1erjanvier de l'année de la déclaration ; « 2° Pour les autres contrats, quelle que soit leur date de souscription, le montant cumulé des primes versées au 1er janvier de l'année de la déclaration et la valeur de rachat ou le montant du capital garanti, y compris sous forme de rente, à la même date ». Ensuite, les souscripteurs de contrats de capitalisation ou de placements de même nature, notamment des contrats d'assurance-vie auprès d'organismes établis hors de France, « sont tenus de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus, les références des contrats ou placements concernés, la date d'effet et la durée de ces contrats ou placements, les opérations de remboursement et de versement des primes effectuées au cours de l'année précédente et, le cas échéant, la valeur de rachat ou le montant du capital garanti, y compris sous forme de rente, au 1er janvier de l'année de la déclaration ». La création de ce fichier « assurances-vie » va conduire tant les entreprises et organismes d'assurance que les particuliers à faire connaître à l'administration fiscale des éléments essentiels de leur patrimoine : nature et montant des placements, durée et date d'effet de ces contrats, versement des primes, valeur de rachat, montant du capital garanti. Tous ces éléments relèvent de la vie privée des souscripteurs comme du secret des affaires. Ils dépassent de loin le système déclaratif utilisé pour l'imposition et constituent une véritable intrusion dans la vie privée et le patrimoine des Français. Ce fichier, s'il était créé, comporterait ainsi des informations sur les personnes et non seulement sur leurs avoirs, avec des caractéristiques nominatives et patrimoniales touchant à la vie privée. De ce seul point de vue, cet article ne comporte aucune garantie permettant de s'assurer de la confidentialité de ces fichiers, ni de leur contrôle par une autorité indépendante. La Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL), en particulier, n'est pas citée comme pouvant exercer un contrôle sur ces fichiers, tant dans leur système de déclaration que dans leur utilisation et leur conservation. La création de ce fichier « assurances-vie » n'a pas fait l'objet de consultation préalable de la CNIL, ni d'ailleurs d'étude d'impact législative qui aurait permis de connaître l'impact d'un tel fichier sur la confidentialité des informations nominatives des Français concernés. Aucune des garanties inscrites dans la loi du 6 janvier 1978 modifiée, relative à l'informatique et aux libertés, n'est donc prise en considération par cet article. L'absence de ces garanties constitue, du point de vue constitutionnel, une atteinte grave à la vie privée des citoyens français. En effet, la Constitution et la jurisprudence du Conseil constitutionnel rappellent que le respect de la vie privée est un élément de la liberté individuelle protégée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Votre Conseil énonce depuis longtemps la nécessité de protéger la vie privée, élément constitutif de la liberté individuelle (C. const., n° 94-352 DC, 18 janvier 1995, cons. 3 Rec. 170). Il souligne ensuite que « aux termes de l'article 2 de la Déclaration de 1789 : "Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression". La liberté proclamée par cet article implique le respect de la vie privée » (C. const., n° 99-416 DC, 23 juillet 1999, cons. 45 Rec. 100). La défense de la vie privée, en tant que liberté constitutionnelle, est rappelée par le Conseil constitutionnel à de multiples reprises (1). La garantie de protection de la vie privée doit être assurée dans le cadre d'une législation protectrice des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, ainsi que l'énonce l'article 34 de la Constitution, en conciliant sauvegarde de l'ordre public et respect de la vie privée. Il rappelle ainsi que « la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 implique le respect de la vie privée. Il appartient au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. Il lui appartient notamment d'assurer la conciliation entre, d'une part, la sauvegarde de l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la protection de principes et de droits de valeur constitutionnelle et, d'autre part, le respect de la vie privée et des autres droits et libertés constitutionnellement protégés » (C. const., n° 2004-492 DC, 2 mars 2004, cons. 75 et 76, Rec. 66). Votre Conseil rappelle également que cette conciliation doit être faite au regard de la protection du droit de propriété (C. const., n° 2009-580 DC, 10 juin 2009, cons. 22 et 23, Rec. 107), ou encore du principe de dignité de la personne humaine, ainsi que de la liberté individuelle que l'article 66 place sous la protection de l'autorité judiciaire (C. const., n° 2010-25 QPC, 16 septembre 2010, cons. 11, Rec. 220). A l'occasion de la loi n° 2012-410 du 27 mars 2012 relative à la protection de l'identité, votre Conseil s'est prononcé sur la constitutionnalité la création d'un fichier biométrique de la population française, dont le très large spectre est assez comparable par son étendue au projet de fichier « assurances-vie » créé par le présent article. Dans sa décision du 22 mars 2012, le Conseil constitutionnel a précisé la règle générale de respect de la vie privée, exigence constitutionnelle, et fortement encadré l'action du législateur : « La liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 implique le droit au respect de la vie privée. Par suite, la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif », (C. const., n° 2012-652 DC, 22 mars 2012, Loi relative à la protection de l'identité, cons. 8, Rec. 158). Le Conseil admet certes qu'un motif d'intérêt général puisse justifier l'établissement de fichiers en déclarant que « la création d'un traitement de données à caractère personnel destiné à préserver l'intégrité des données nécessaires à la délivrance des titres d'identité et de voyage permet de sécuriser la délivrance de ces titres et d'améliorer l'efficacité de la lutte contre la fraude ; qu'elle est ainsi justifiée par un motif d'intérêt général » (cons. 9). Mais, analysant plus précisément la nature de ce fichier, le Conseil constate que, « compte tenu de son objet, ce traitement de données à caractère personnel est destiné à recueillir les données relatives à la quasi-totalité de la population de nationalité française ». De plus, « les caractéristiques techniques de ce fichier définies par les dispositions contestées permettent son interrogation à d'autres fins que la vérification de l'identité d'une personne », en particulier à d'autres fins de police administrative ou judiciaire que le contrôle de l'identité. Le Conseil conclut « qu'eu égard à la nature des données enregistrées, à l'ampleur de ce traitement, à ses caractéristiques techniques et aux conditions de sa consultation, les dispositions de l'article 5 [de la loi] portent au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi. Par suite, les articles 5 et 10 de la loi relative à la protection de l'identité doivent être déclarés contraires à la Constitution » (C. const., n° 2012-652 DC, 22 mars 2012, cons. 8 à 11, Rec. 158). Plus récemment encore, en octobre 2013, le Conseil constitutionnel a d'ailleurs suivi le même raisonnement à propos des déclarations d'intérêts et d'activités ainsi que des déclarations patrimoniales des hommes et femmes politiques, en contrôlant la loi relative à la transparence de la vie politique : « aux termes de l'article 2 de la Déclaration de 1789 : "Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression". La liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de la vie privée. Le dépôt de déclarations d'intérêts et d'activités ainsi que de déclarations de situation patrimoniale contenant des données à caractère personnel relevant de la vie privée, ainsi que la publicité dont peuvent faire l'objet de telles déclarations, portent atteinte au respect de la vie privée. Pour être conformes à la Constitution, ces atteintes doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et mises en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif » (C. const., n° 2013-675 DC, 9 octobre 2013, Loi sur la transparence de la vie politique, cons. 26). Cette jurisprudence du Conseil constitutionnel est cohérente avec celle du Conseil d'État qui avait été conduit à contrôler la légalité de fichiers, en particulier liés au passeport électronique, institués par le Décret n° 2008-426 du 30 avril 2008 modifiant le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 relatif aux passeports électroniques. A l'occasion d'un recours contentieux contre ce décret, le Conseil d'État a en effet utilisé le même raisonnement, influencé par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Le Conseil d'État a ainsi jugé, dans un arrêt d'Assemblée du 26 octobre 2011, « Association pour la promotion de l'image et autres » (2) : - En premier lieu, il était soutenu que les mesures de collecte et de traitement des données personnelles constituaient une atteinte disproportionnée à la vie privée notamment protégée par la CEDH. Le Conseil d'État a rappelé que l'ingérence dans l'exercice du droit de toute personne au respect de sa vie privée que constituent la collecte, la conservation et le traitement, par une autorité publique, d'informations personnelles nominatives ne peut être légalement autorisée que si elle répond à des finalités légitimes et si le choix, la collecte et le traitement des données sont effectués de manière adéquate et proportionnée au regard de ces objectifs. - En deuxième lieu, le Conseil d'État a jugé que, compte tenu de ses effets (facilitation des démarches pour les usagers, renforcement de l'efficacité de la lutte contre la fraude documentaire, meilleure protection des données recueillies), et des restrictions et précautions prévues par le décret (utilisation des données strictement limitée et précisément encadrée, durée de conservation restreinte), le système centralisé TES était en adéquation avec les finalités légitimes du traitement institué et ne portait pas au droit des individus au respect de leur vie privée une atteinte disproportionnée aux buts de protection de l'ordre public en vue desquels il avait été créé (3). Ces jurisprudences sont également en cohérence avec les préconisations de la CNIL, concernant le respect des principes en matière de constitution de fichiers, qui rappelait, à propos des fichiers biométriques que deux principes fondateurs du droit à la protection des données à caractère personnel doivent être impérativement respectés : « - le principe de finalité : les traitements de données doivent poursuivre des finalités "déterminées, explicites et légitimes" (article 6-2° de la loi "informatique et libertés") et les données concernées ne doivent pas être utilisées à d'autres fins que celles qui ont été définies; « - le principe de proportionnalité : les dispositifs envisagés doivent être strictement proportionnés au regard des objectifs du traitement. Plus précisément, les données traitées doivent être "adéquates, pertinentes et non excessives" au regard des finalités attribuées au traitement (article 6-3°), leur durée de conservation dans le traitement ne doit pas excéder la durée nécessaire à ces finalités (article 6-5°) et elles ne doivent être rendues accessibles qu'aux destinataires ayant un intérêt légitime à en connaître. « Le respect de ces principes est d'autant plus impérieux lorsque les données biométriques sont collectées dans le cadre des procédures de délivrance de titres d'identité ou de voyage qui sont détenus par la quasi-totalité de la population française (. . .). Plusieurs principes qui découlent des conclusions de ces jurisprudences peuvent donc être mis en avant : - Un motif d'intérêt général peut certes justifier la création de fichiers, mais ce motif doit être concilié avec les exigences de valeur constitutionnelle. - La collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif, ce qui met en œuvre les principes de finalité et de proportionnalité exigés par la CNIL et la Cour européenne des droits de l'homme. - Le droit à la vie privée, qui découle de la liberté individuelle inscrite à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, a bien valeur constitutionnelle et doit être mis en œuvre par le législateur. Il appartient, en effet, au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. Au vu de cette analyse de jurisprudence, les requérants font donc valoir que le fichier « assurances-vie » prévu par cet article ne comporte pas les garanties exigées par la Constitution et le Conseil constitutionnel. 1. On ne saisit pas clairement le motif d'intérêt général nouveau qui justifierait la création de ce nouveau fichier « assurances-vie ». 2. On ne trouve dans cet article aucune garantie permettant de s'assurer que ce fichier sera contrôlé par la CNIL, préalablement à son entrée en vigueur et au cours de l'utilisation de celui-ci. Cette absence d'intervention de la CNIL, qui devrait être explicitement inscrit dans la loi, révèle l'absence de souhait de se conformer à la législation sur l'informatique et les libertés. 3. Les exigences constitutionnelles, notamment issues de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon lesquelles le législateur doit fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques sont niées par cet article. 4. Ce fichier porte atteinte à la vie privée et au droit de propriété d'un nombre considérable de citoyens français. Sa mise en œuvre porte ainsi atteinte à la vie privée de façon inadéquate et disproportionnée. Il rassemble des données considérables en matière d'assurance-vie, sans nécessité d'intérêt général démontrée et avec un effet disproportionné sur la connaissance de la vie privée d'un nombre considérable d'assurés. Pour ces raisons, les requérants demandent la censure de l'article ainsi déféré. Souhaitant que cette question soit tranchée en droit, les députés auteurs de la présente saisine demandent donc au Conseil constitutionnel de se prononcer sur ces points et tous ceux qu'il estimera pertinents eu égard à la fonction de contrôle de constitutionnalité de la loi que lui confère la Constitution. (1) C. const., n° 99-419 DC, 9 novembre 1999, cons. 73, Rec. 116 ; n° 2003-467 DC, 13 mars 2003, cons. 19, Rec. 211 ; n° 2003-484 DC, 20 novembre 2003, cons. 22, Rec. 438 ; n° 2004-499 DC, 29 juillet 2004, cons. 2, Rec. 126 ; n° 2004-504 DC, 12 août 2004, cons. 5, Rec. 153 ; n° 2005-532 DC, 19 janvier 2006, cons. 9, Rec. 31 ; n° 2007-557 DC, 15 novembre 2007, cons. 17, Rec. 360 ; n° 2009-580 DC, 10 juin 2009, cons. 22, Rec. 107. (2) Conseil d'État, Assemblée, 26 octobre 2011, Association pour la promotion de l'image et autres, n° 317827, conclusions Julien Boucher. (3) Cf. commentaire de la décision du Conseil constitutionnel du 22 mars 2012, cf. www.conseil-constitutionnel.fr.