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---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
638c81e1-f656-4d6a-be4d-d3ce4ed370d7 | En fait :
A.
Par ordonnance pénale du 27 septembre 2012, le Ministère public de l’arrondissement de La Côte a condamné S._, pour mise à disposition d’un véhicule à moteur sans assurance responsabilité-civile (art. 96 ch. 3 LCR [Loi fédérale sur la circulation routière ; RS 741.01]), à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 40 fr. le jour-amende (I), a révoqué le sursis octroyé à S._ le 23 janvier 2012 par le Ministère public du canton de Fribourg et a ordonné l’exécution de la peine y relative, soit 30 jours-amende à 50 fr. le jour amende, pour violation grave des règles de la circulation routière (II), et a mis les frais de la décision, par 200 fr., à la charge de S._.
Cette ordonnance a été notifiée par pli recommandé à l’adresse indiquée par le prévenu et a été réexpédiée au Ministère public de l’arrondissement de La Côte - réceptionné le 15 octobre 2012 - avec mention « retour - non réclamé ». Elle n’a pas été contestée par la voie de l’opposition et est entrée en force le 29 octobre 2012.
Il est reproché à S._ d’avoir, le 5 septembre 2012, à Chavannes-de-Bogis, mis à la disposition de l’un de ses employés une voiture alors qu’il n’était plus couvert par une assurance responsabilité-civile depuis le 8 mai 2012.
B.
Par acte du 30 octobre 2013, S._ a demandé à ce que « l’affaire soit rejugée avec les nouvelles pièces apportées au dossiers ». Le requérant a conclu ainsi implicitement à la révision de l’ordonnance pénale précitée en expliquant qu’il venait de prendre connaissance de cette décision du fait qu’à l’époque le pli recommandé n’avait pas été réclamé. | En droit :
1.
Selon l’art. 410 al. 1 let. a CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0), toute personne lésée par un jugement entré en force, une ordonnance pénale, une décision judiciaire ultérieure ou une décision rendue dans une procédure indépendante en matière de mesures, peut en demander la révision s’il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l’autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l’acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné. Cette disposition reprend la double exigence posée par l’art. 385 CP selon laquelle les faits ou moyens de preuve invoqués doivent être nouveaux et sérieux (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 II 1057 ss, spéc. 1303 ; TF 6B_310/2011 du 20 juin 2011 c. 1.2 et les références citées).
2.
Un moyen de preuve est nouveau, au sens de l'art. 385 CP, lorsque le juge de la condamnation n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'il ne lui a pas été soumis sous quelque forme que ce soit. Ce moyen de preuve est sérieux lorsqu’il est propre à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l’état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (TF 6B_310/2011 op. cit. c. 1.2 ; ATF 130 IV 72 c. 1).
Une demande de révision contre une ordonnance de condamnation doit être qualifiée d’abusive si elle repose sur des faits que le condamné connaissait initialement, qu’il n’avait aucune raison légitime de taire et qu’il aurait pu révéler dans une procédure ordinaire mise en œuvre par une simple opposition. En revanche, une révision peut entrer en considération à l’égard d’une ordonnance de condamnation pour des faits et des moyens de preuve importants que le condamné ne connaissait pas au moment du prononcé de l’ordonnance ou dont il ne pouvait pas se prévaloir ou n’avait pas de raison de se prévaloir à cette époque (ATF 130 IV 72 c. 2.2). Cette jurisprudence s’applique aussi à une procédure de révision régie par le CPP (TF 6B_310/2011 du 20 juin 2011).
3.
En l’espèce, l’ordonnance pénale, datée du 27 septembre 2012, a été notifiée valablement à l’adresse de S._, qui n’a toutefois pas retiré son pli dans le délai imparti. Le requérant n’a ainsi pas fait opposition à temps et l’ordonnance susmentionnée est entrée en force.
S._ doit ainsi se laisser opposer qu’il a renoncé à faire opposition sans raison valable. Par conséquent, la voie de la révision lui est fermée conformément à la jurisprudence précitée.
Au surplus, il convient de relever que le requérant n’invoque aucun élément nouveau de nature à motiver son acquittement, la problématique de la non-couverture des véhicules d’entreprise du requérant par l’assurance-accidents obligatoire ayant déjà été exposée lors de la procédure de première instance.
4.
En définitive, le moyen de révision invoqué par S._ est irrecevable. Il convient de prononcer un refus d’entrée en matière (art. 412 al. 2 CPP).
5.
La présente décision est rendue sans frais. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
63d51b56-c17d-426d-9742-016a6c6a8d75 | En fait :
A.
Par jugement du 17 juin 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté que F._ s'était rendu coupable de contrainte sexuelle, viol et infraction à la LEtr (loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers; RS 142.20) (I), condamné F._ à une peine privative de liberté de 36 mois sous déduction de 279 jours de détention avant jugement (II), ordonné le maintien en détention de F._ pour des motifs de sûreté (III), ordonné la confiscation et la destruction du tournevis séquestré sous fiche 56604 et le maintien au dossier à titre de pièces à conviction des DVD répertoriés sous fiche nos 56602 et 56603 (IV), arrêté l'indemnité d'office de l'avocat Loïc Parein à 8'257 fr. 50 (V), mis les frais, par 29'789 fr. 20, à la charge de F._, dont l'indemnité de son conseil d'office, et dit que cette indemnité ne serait exigible que si la situation de F._ le permettait (VI).
B.
Par annonce du 24 juin 2014 suivie d’une déclaration motivée du
11 juillet 2014, F._ a formé appel contre ce jugement, concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à ce qu'il soit libéré des chefs de prévention de contrainte sexuelle et de viol, une nouvelle peine étant fixée à dire de justice, et à ce que l'Etat de Vaud soit condamné à lui verser un montant de 2'100 fr. à titre de réparation du tort moral. Subsidiairement, il a conclu à ce que la peine de 36 mois à laquelle il avait été condamné soit assortie du sursis partiel, la partie à exécuter étant d'une année, et à ce que l'Etat de Vaud soit condamné à lui verser un montant de 2'100 fr. à titre de réparation du tort moral.
Au cours des débats de deuxième instance, F._ a indiqué être d'accord avec une réparation du tort moral résultant de sa détention en zone carcérale policière prenant la forme d'une réduction de peine. Le Ministère public a conclu à l'admission très partielle de l'appel en ce sens que F._ est condamné à la peine privative de liberté prononcée par le Tribunal correctionnel sous déduction de 11 jours supplémentaires.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
Le prévenu F._ est né le [...] 1985 au Kosovo. Il est le troisième d'une fratrie de quatre. Peu après sa naissance, son père est venu travailler en Suisse comme saisonnier. Il est pour sa part resté dans son pays avec sa mère, son oncle et sa grand-mère. Scolarisé jusqu’à l’âge de 14 ans environ, le prévenu a exercé plusieurs activités professionnelles dans son pays, notamment comme bûcheron, son père ayant une scierie. En 2011, le prévenu est venu en Suisse où il a occupé différents emplois, au noir. Il a expliqué avoir été contrôlé sur un chantier par un inspecteur du travail, ce qui aurait mis fin à son activité professionnelle. Depuis mai-juin 2012, il vit une relation intime avec [...]. Le couple s’est fiancé et des démarches en vue du mariage sont en cours auprès de l'état civil.
1.2
Le casier judiciaire du prévenu comporte les inscriptions suivantes :
- 02.09.2011, Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois, entrée illégale, séjour illégal, activité lucrative sans autorisation, 50 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant 2 ans, révoqué le 21 juin 2012 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne;
- 21.06.2012, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, séjour illégal, activité lucrative sans autorisation, 30 jours-amende à 20 francs.
Les autorités compétentes kosovares ont indiqué que le prévenu n’avait pas occupé la justice de son pays.
1.3
Pour les besoins de la présente cause, le prévenu est détenu depuis le 12 septembre 2013.
Par ordonnance en constatation des conditions de détention provisoire du 11 octobre 2013, le Tribunal des mesures de contrainte a constaté que 21 jours de la détention provisoire du prévenu s'étaient déroulés dans des conditions illicites.
2.
2.1
Le 19 avril 2013, le prévenu s'est vu notifier en mains propres une interdiction d'entrée en Suisse valable jusqu'au 2 octobre 2015. Au cours du mois d'août 2013, ainsi que le 10 ou le 11 septembre 2013, il a cependant pénétré illégalement sur le territoire suisse.
Ce faisant, il a séjourné sans droit dans la région lausannoise, d'abord dans l'intervalle entre son entrée au mois d'août 2013 et le 9 septembre 2013, puis du 10 ou 11 septembre 2013 au 12 septembre 2013, date à laquelle il a été arrêté dans le cadre de la présente cause.
2.2
2.2.1
Le 8 septembre 2013, vers 16h00, le prévenu, au volant d'une voiture, a abordé K._, ressortissante française de passage en Suisse, qui se trouvait au bord de la route. Ils ne se connaissaient pas. Le prévenu a convaincu K._ de monter dans sa voiture. Il s'est ensuite arrêté devant un immeuble et a convaincu K._ de l'accompagner dans l'appartement où il logeait.
Une fois à l'intérieur de l'appartement, K._ "sentant que quelque chose n'allait pas", a voulu s'en aller. Le prévenu l'a alors tirée en arrière par le bras gauche, puis l'a fortement attrapée par les avant-bras. Après lui avoir dit qu'elle avait intérêt à faire tout ce qu'il voulait, il l'a poussée violemment contre un mur et lui a demandé de se déshabiller. K._ a d'abord refusé, puis a obtempéré, par peur que le prévenu ne lui fasse du mal. Ce dernier a également ôté ses vêtements. Après avoir annoncé à sa victime que si elle faisait du bruit, il se servirait d'un tournevis qu'il lui a désigné, le prévenu a obtenu de K._ qu'elle lui fasse une fellation. Il lui a tenu la tête avec les mains et n'a pas mis de préservatif. Il a ensuite tourné sa victime et, après avoir accepté d'enfiler un préservatif à la demande de celle-ci, l'a pénétrée vaginalement en se plaçant derrière elle et en lui tenant très fortement l'intérieur des cuisses. Il a poursuivi cette relation vaginale après avoir demandé à K._ de se coucher sur le dos puis, se plaçant à califourchon sur elle, s'est masturbé jusqu’à éjaculation sur ses seins.
Le prévenu s'est ensuite rendu dans la salle de bain en demandant à sa victime de l’accompagner. A cet endroit, après s’être douché, il a empoigné K._ par les cheveux et l'a contrainte à lui faire une nouvelle fellation non protégée, puis a rejoint la pièce principale où il s'est couché sur le matelas en demandant à sa victime de poursuivre cet acte sexuel. Devant son refus, il lui a asséné un violent coup de pied au bas des côtes, côté gauche, provoquant la chute de sa victime. Cette dernière s'est alors exécutée. Entendant des éclats de voix en provenance de l’appartement voisin et remarquant une porte donnant sur le balcon, K._ a demandé au prévenu de lui donner un verre d’eau. Alors que ce dernier s'exécutait, K._ s'est précipitée sur ledit balcon. Attirant l’attention d'une personne présente sur le balcon voisin en criant "Il m'a violée", elle a enjambé la barrière de sécurité du balcon, longé celui-ci au dessus du vide, au quatrième étage, et rejoint le balcon voisin sans que le prévenu, sorti également nu sur le balcon à sa suite, ne parvienne à la retenir. Après avoir lancé les habits de sa victime sur le balcon des voisins, le prévenu a quitté les lieux à pied. Il s’est présenté aux forces de police le 12 septembre 2013, accompagné de son défenseur.
2.2.2
Un examen clinique de la victime effectué le 9 septembre 2013 par les médecins légistes du Centre universitaire romand de médecine légale a mis en lumière des ecchymoses au cou, au sein gauche, au dos ainsi qu’aux membres supérieurs et inférieurs, et deux dermabrasions de petite taille au cou et à la cuisse droite. Selon ce constat, les lésions constatées sont compatibles avec les déclarations de K._.
2.2.3
K._ a déposé plainte le 8 septembre 2013. Elle n’a pas pris de conclusions civiles. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et dans le délai légal par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel du prévenu est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves (TF 6B_78/2012 du 27 août 2012). L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Eugster, in : Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, Bâle 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP).
3.
3.1
L'appelant conteste en premier lieu sa condamnation pour contrainte sexuelle et viol. Il invoque une violation de la présomption d'innocence, en soulignant le fait qu'il n'a jamais pu être confronté à son accusatrice. Il soutient en bref que la plaignante serait en réalité une prostituée et que les actes sexuels, dont l'existence de principe n'est pas contestée, se seraient inscrits dans le contexte de rapports tarifés consentis. Il présente la fuite de la plaignante comme un "coup de folie".
3.2
3.2.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe de la présomption d'innocence est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s'agir de doutes importants irréductibles, qui s'imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Vianin, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2.2
Conformément à l'art. 6 par. 3 let. d CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales; RS 0.101), tout accusé a le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge. Ce droit ne s'applique pas seulement s'agissant de témoins au sens strict du terme, mais à l'encontre de toute personne qui fait des déclarations à charge. Il s'agit d'un des aspects du droit à un procès équitable institué à l'art. 6 par. 1 CEDH. Cette garantie exclut qu'un jugement pénal soit fondé sur les déclarations de témoins sans qu'une occasion appropriée et suffisante soit au moins une fois offerte au prévenu de mettre ces témoignages en doute et d'interroger les témoins (ATF 131 I 476 c. 2.2; ATF 129 I 151 c. 3.1 et les références citées; TF 6B_691/2010 du 30 mars 2011 c. 1). Ce droit n'est toutefois absolu que lorsque le témoignage litigieux est déterminant, savoir lorsqu'il constitue la seule preuve ou pour le moins une preuve essentielle (ATF 131 I 476 c. 2.2; ATF 129 I 151 c. 3.1; ATF 125 I 127 c. 6c/dd; TF 6B_691/2010 du
30 mars 2011 c. 1). Plus précisément, il peut être renoncé à l'exigence d'une confrontation du prévenu avec le témoin à charge ou à l'aménagement de la possibilité d'un interrogatoire complémentaire dans des circonstances particulières, par exemple lorsque le témoin est décédé dans l'intervalle ou qu'il demeure introuvable malgré des recherches appropriées (TF 6B_60/2011 du 27 juin 2011
c. 2.2). Dans de tels cas, les art. 6 ch. 1 et 3 let. d CEDH imposent que le prévenu puisse suffisamment se déterminer sur le témoignage concerné, que les déclarations soient soigneusement vérifiées et que le verdict ne repose pas uniquement sur celles-ci, soit qu'il n'accorde pas une importance déterminante au témoignage à charge en question, respectivement qu'il ne le fasse pas apparaître comme la preuve unique ou essentielle (ibidem; cf. ég. Schmid, Praxiskommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2
e
éd., Zurich/St-Gall 2013, n. 14 ad art. 147 CPP).
3.3
En l'espèce, pour fonder sa conviction et retenir, s'agissant des faits essentiels, la version de la plaignante, le Tribunal correctionnel a notamment tenu compte des circonstances de la fuite de celle-ci, en relevant que l'appelant était incapable d'expliquer pourquoi la plaignante avait enjambé, nue, le balcon du logement dans lequel s'étaient déroulés les faits litigieux pour se réfugier sur le balcon du logement voisin. Un occupant de ce dernier, entendu comme témoin, a ainsi vu la plaignante apparaître nue, tremblante et en état de choc, en criant "Il m'a violée". Un préservatif pendait entre ses jambes. Le témoin a aussi constaté que l'appelant, nu également, avait essayé de retenir la plaignante sur le balcon, avant de retourner mettre un sous-vêtement. Enfin, les lésions constatées par les médecins légistes n'étaient pas antérieures à l'agression, puisque les images du film d'un spectacle que la plaignante avait donné la veille des faits (pièce à conviction sous fiche no 56602) ne montraient aucun bleu, en particulier sur les bras.
En bref, le Tribunal correctionnel a retenu que la version de la plaignante était sur les points essentiels corroborée par un témoignage et des constats médico-légaux, tandis que celle du prévenu avait varié et était en contradiction avec les autres éléments de preuve.
3.4
L'appelant remet tout d'abord en cause la crédibilité de la plaignante en se prévalant de plusieurs contradictions que comporteraient ses déclarations.
Plusieurs éléments relevés par l'appelant apparaissent d'emblée sans pertinence s'agissant des faits de la cause à proprement parler et n'apportent pas d'éclairage particulier sur la crédibilité de la plaignante s'agissant de ceux-ci. Tel est notamment le cas de la date de l'arrivée de la plaignante en Suisse, de l'heure à laquelle elle s'est levée le jour des faits ou encore du fait qu'elle aurait auparavant eu des relations intimes avec d'autres hommes. Il en va de même s'agissant d'une légère incertitude concernant l'heure exacte des faits, la plaignante ayant déclaré que ceux-ci se seraient produits entre 17h00 et 18h00 (PV aud. 1, réponse 6, p. 3), tandis que l'une des personnes qui se trouvaient sur le balcon voisin a situé l'épisode de la fuite vers 17h00 (PV aud. 4, réponse 2).
Pour le reste, contrairement à ce que semble croire l'appelant, le fait qu'il est possible que la plaignante se prostitue n'est pas décisif. En premier lieu, des éléments tendent à infirmer le fait même qu'une relation tarifée ait initialement été envisagée. La plaignante n'a en effet pas été abordée dans une zone de prostitution (cf. PV aud. 5, réponse 11) et a été emmenée dans un lieu choisi par l'appelant, ce qui est inhabituel pour accomplir une passe. Ensuite, les circonstances de la fuite de la plaignante du logement démontrent que les faits qui s'y sont produits ne correspondaient pas à l'accomplissement ordinaire d'une relation tarifée. Enfin, les lésions constatées par les légistes contredisent également la thèse de l'appelant selon laquelle la plaignante lui aurait volontairement prodigué des prestations à caractère sexuel moyennant rétribution.
L'appelant fait également état de prétendues contradictions dans le déroulement des actes litigieux tel que rapporté par le plaignante. On ne voit cependant pas ce que l'appelant pourrait retenir en sa faveur du fait que des traces ADN de la plaignante ont été retrouvées sur l'emballage d'un préservatif (P. 33/1, p. 6; P. 33/2, p. 4) ou du fait qu'aucune trace de lutte n'a été découverte dans l'appartement, dans la mesure où la plaignante a clairement expliqué s'être soumise aux exigences de son agresseur, par peur d'être plus gravement violentée. Ne constitue pas non plus une contradiction significative le fait que la plaignante a indiqué qu'elle avait elle-même retiré le préservatif qui pendait entre ses jambes après qu'un voisin eut attiré son attention sur celui-ci (PV aud. 1, réponse 9) alors que le voisin a pour sa part déclaré avoir lui-même pris le préservatif qui pendait et l'avoir ensuite donné à la plaignante (PV aud. 4, réponse 5). De même, ni le fait que la plaignante ne s'est pas plainte de douleurs auprès du voisin après que celui-ci l'eut recueillie ni le fait qu'il n'a rien entendu quand les faits se sont déroulés (PV aud. 7, réponse 8) n'infirment la version de la plaignante, attendu que celle-ci n'a pas prétendu avoir appelé à l'aide avant sa fuite par le balcon, mais a au contraire indiqué avoir été réduite au silence par la menace du tournevis. On ne peut enfin rien déduire des déclarations de Q._, connaissance de la plaignante qui a été entendue comme témoin. Contrairement à ce que soutient l'appelant, le témoignage de celle-ci, qui a eu un contact téléphonique avec la plaignante le lendemain des faits, n'établit pas que cette dernière aurait alors évoqué un réseau de prostitution et des films pornographiques, mais non un viol ou un abus (cf. PV aud. 10, réponse 7). Q._ a en effet déclaré qu'en réalité, elle n'avait rien compris aux explications qui lui avaient été données (ibidem), de sorte qu'on ne peut rien tirer de probant de ses déclarations.
L'appelant soutient encore que le comportement de la plaignante en procédure, en particulier le fait qu'elle ne s'est présentée ni devant le Ministère public lorsque ce dernier l'a convoquée en vue de son audition ni aux débats de première instance, remettrait en question la crédibilité de ses déclarations. En réalité, rien dans l'attitude de la plaignante dans la procédure ne jette un discrédit sur ses déclarations, étant d'emblée relevé que son absence à certaines audiences peut s'expliquer par l'éloignement de son domicile français. La plaignante a en effet fait une longue déposition lors de son audition-plainte (cf. PV aud. 1) et s'est soumise à un examen clinique (cf. P. 13). Après l'arrestation de l'appelant, elle a, par écrit, donné suite à une requête de la police en identifiant l'appelant sur une planche photographique (P. 25/1 et 2). A l'inverse, la plaignante n'a jamais pris de conclusions civiles, si bien qu'elle n'agit manifestement pas pour des motifs financiers.
3.5
L'appelant conteste également les éléments de preuve résultant des constats médico-légaux et soutient que les lésions auraient pu être causées après le spectacle de la veille des faits, mais avant sa rencontre avec la plaignante. Il admet ainsi que les images du spectacle montrent que la plaignante n'était pas encore blessée à ce moment-là, ce que la Cour de céans a également constaté en visionnant le film au dossier (pièce à conviction sous fiche no 56602). Lors de sa première audition, l'appelant a pourtant déclaré que le plaignante lui aurait dit avoir eu "un accident de spectacle" pour expliquer les bleus qu'elle aurait eus aux bras (PV aud. 5, réponse 16), alors qu'il est établi par le film du spectacle que la plaignante n'a eu aucun accident de ce type. Il faut en déduire que la première version de l'appelant pour expliquer les lésions était mensongère.
3.6
L'appelant se prévaut encore du fait que la plaignante a déclaré qu'il avait filmé les scènes de contrainte à l'aide de son téléphone portable, alors que les mesures d'instruction n'ont pas abouti à la découverte d'images. Cependant, dès lors que l'appelant ne s'est rendu à la police que quelques jours après les faits, il a matériellement eu la possibilité d'effacer la mémoire de son appareil, de sorte qu'on ne peut rien déduire de l'absence de ces images.
3.7
L'appelant se prévaut enfin de l'absence de tout antécédent de violence physique ou sexuelle, ainsi que de son comportement après les faits, qui ne serait pas celui d'un criminel. Ces affirmations ne reposent que sur des suppositions au sujet du comportement ordinaire d'un coupable en de telles circonstances et ne font donc naître aucun doute face aux éléments probatoires contraires développés ci-dessus.
3.8
Il apparaît en définitive que c'est la version de l'appelant qui n'est pas crédible. Celui-ci tente de s'innocenter en faisant passer la victime pour une prostituée, alors que l'hypothèse de relations sexuelles consenties est battue en brèche par les circonstances de la fuite de la plaignante et par les constats médico-légaux. Au final, c'est sans violer le principe de présomption d'innocence que le Tribunal correctionnel a retenu la version de la plaignante s'agissant des faits essentiels, dans la mesure où il a non seulement soigneusement examiné les déclarations de celle-ci, mais a aussi fondé sa conviction sur les éléments objectifs à disposition, qui accréditent l'existence d'une agression sexuelle de l'appelant sur la plaignante.
3.9
La qualification juridique des faits en cause n'est pas contestée en tant que telle par l'appelant.
La Cour de céans peut se borner à confirmer que l'élément de contrainte que suppose la commission des infractions de contrainte sexuelle (art. 189 CP) et de viol (art. 190 CP) est réalisé en l'espèce. La contrainte, qui doit présenter une certaine intensité (cf. ATF 131 IV 167 c. 3.1), peut revêtir différentes formes, comme l'usage de menaces, par lesquelles l'auteur fait volontairement redouter à la victime la survenance d'un préjudice propre à la faire céder (ATF 122 IV 97 c. 2b) ou l'usage de la violence, l'auteur employant volontairement la force physique sur la personne de la victime pour la faire céder (ATF 125 IV 58 c. 3c). En l'espèce, l'appelant a d'abord recouru à une violence physique d'une intensité certaine, comme en témoignent les lésions subies par la victime, puis a menacé cette dernière d'employer des moyens plus cruels encore en désignant un tournevis. S'agissant du second épisode, après la douche, l'appelant a à nouveau recouru à la violence physique, en tenant sa victime par les cheveux, puis en la frappant d'un coup de pied pour briser sa résistance. De tels comportements atteignent manifestement le seuil d'intensité requis par la jurisprudence.
C'est également à juste titre que le Tribunal correctionnel a retenu un concours entre les articles 189 et 190 CP. On est en effet en présence d'un concours réel (sur cette notion, ATF 124 IV 145), s'agissant de deux agressions distinctes, l'une avant la douche, l'autre après (cf. ATF 122 IV 97 c. 2a). La première agression est constitutive de viol, tandis que la seconde agression, qui n'a pas comporté d'acte sexuel proprement dit, est un cas de contrainte sexuelle (ibidem).
4.
4.1
L'appelant ne conteste pas la quotité de la peine en tant que telle, mais soutient que dans l'hypothèse d'une condamnation, les conditions du sursis partiel seraient réunies.
4.2
Quant à la quotité et au genre de peine, ces points devant être examinés d'office, la Cour de céans considère que l'appréciation du Tribunal correctionnel est adéquate et la peine privative de liberté de 36 mois qui a été prononcée peut être confirmée.
4.3
Selon l’art. 43 al. 1 CP, le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine pécuniaire d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur. De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP (ATF 134 IV 1 c. 5.3.1; cf. aussi TF 6B_353/2008 du 30 mai 2008 c. 2.3; TF 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 c. 3.2.1). Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2).
4.4
En l'espèce, si les antécédents de l'appelant ne sont pas en eux-mêmes suffisants pour refuser le sursis, ils trahissent néanmoins une persistance du condamné à enfreindre la loi malgré les interventions successives de la justice et les sanctions pécuniaires prononcées. Dans la présente procédure, l'appelant n'a pas seulement contesté les infractions qui lui sont reprochées, mais a dénigré sa victime, ce qui trahit également une persistance à mépriser l'intégrité sexuelle ou morale de celle-ci. Ces éléments, associés à des renseignements généraux mitigés, l'appelant ayant toujours travaillé au noir sans que ses sources de revenus puissent clairement être définies, conduisent à poser un pronostic défavorable et la peine doit être ferme. On ne saurait accorder un poids déterminant au projet de mariage de l'appelant, les infractions ayant été commises alors qu'il vivait déjà une relation intime avec sa fiancée.
5.
5.1
L'appelant réclame également une indemnité pour détention illicite de 2'100 fr. pour 21 jours passés en zone carcérale policière à l'Hôtel de police de Lausanne.
5.2
Le Tribunal fédéral a posé le principe d’une indemnisation à raison d’un séjour dans des conditions de détention similaires à celles du cas d'espèce (TF 6B_17/2014 du 1
er
juillet 2014 c. 2.5.2). Il a considéré que le montant réclamé par jour, de 50 fr., n’était pas exagéré et a alloué, pour les 11 jours suivant les 48 premières heures (cf. art. 27 LVCPP [loi vaudoise du 19 mai 2009 d’introduction du code de procédure pénale suisse; RSV 312.01]), une indemnité pour tort moral de 550 francs (même référence, c. 2.6.1). Cette indemnité n'est pas compensable avec les frais de justice mis à la charge du prévenu (ibidem). Le Tribunal fédéral a précisé que la réclamation pécuniaire admise dans ce cas ne signifiait pas d’une manière générale qu’une autorité cantonale saisie d’une problématique similaire ne puisse envisager une autre forme de réparation, à l’instar de ce qui prévalait pour une violation du principe de la célérité, se référant à l'ATF 133 IV 158 (même référence, c. 2.6.2). La Cour de céans a déjà eu l'occasion d'admettre une réparation prenant la forme d'une réduction de peine, qui apparaît compatible avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (cf. CAPE 10 octobre 2014/300 c. 2.1 et les références citées).
5.3
En l'espèce, le Tribunal des mesures de contrainte a déjà constaté le caractère illicite des conditions dans lesquelles s'étaient déroulés 21 jours de la détention provisoire de l'appelant. Il y a dès lors matière à réparation, qui prendra la forme d'une réduction de peine, dans la mesure où la liberté a en principe une valeur plus importante qu'une quelconque somme d'argent (cf. CAPE 10 octobre 2014/300 c. 2.2). Interpellé sur ce point au cours des débats de deuxième instance, l'appelant a déclaré accepter cette forme de réparation.
S'agissant du rapport entre le temps passé en détention dans des conditions illicites et la réduction de la peine, il convient de rappeler que la détention n’était pas illicite en soi, seules les conditions de celle-ci l’étant. La détention a en effet été ordonnée dans les formes et aux conditions légales, par l’autorité compétente, en application des art. 224 ss CPP. Il y a dès lors lieu de réparer le tort subi en raison de la pénibilité accrue de la détention en tant qu’elle résulte de la différence des conditions de vie entre un séjour en établissement de détention avant jugement et un maintien au-delà de 48 heures dans une zone carcérale, mais non celui subi en raison de la pénibilité inhérente à toute détention.
Les irrégularités relevées en l'espèce par le Tribunal des mesures de contrainte – absence de fenêtre dans la cellule, lumière allumée en permanence dans la cellule, non-accès aux médias, impossibilité d'exercer une activité physique et entraves injustifiées aux relations avec l'extérieur – conduisent à considérer comme adéquate une réduction d'un jour de peine pour deux jours passés en détention dans des conditions illicites. Il conviendra par conséquent de prononcer une réduction de peine de 11 jours, qui correspond à la moitié, arrondie vers le haut, des 21 jours passés en détention provisoire dans des conditions illicites.
6.
En définitive, l'appel du prévenu doit être très partiellement admis. Le jugement entrepris doit être réformé dans le sens des considérants qui précèdent (cf. c. 5.3 supra) et confirmé pour le surplus.
L'indemnité de défenseur d'office allouée pour la procédure d'appel sera fixée à 2'062 fr. 80, débours et TVA compris, en tenant compte de neuf heures de travail effectif, de deux vacations et de débours par 50 francs.
Au vu du sort de la procédure d'appel, les frais de celle-ci, par 4'112 fr. 80, constitués de l'émolument de jugement (art. 422 al. 1 CPP), par 2'050 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1), et de l'indemnité allouée au défenseur d'office (art. 422 al. 1 et 2 let. a CPP), par 2'062 fr. 80, seront mis par cinq sixièmes, soit 3'427 fr. 30, à la charge de l'appelant (art. 428 al. 1 CPP), le solde étant laissé à la charge de l'Etat.
L'appelant ne sera tenu de rembourser à l’Etat la part mise à sa charge de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
63ee5456-fb1d-42b2-8afe-9ae59f57ed85 | En fait :
A.
Par jugement du 24 juin 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que D._ s’est rendu coupable de diffamation et d’injure (I), l’a condamné à une peine pécuniaire de 10 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 10 fr. (II), a suspendu l’exécution de la peine pécuniaire et fixé à D._ un délai d’épreuve de 2 ans (III), a dit que D._ est le débiteur et doit immédiat paiement à V._ de la somme de 200 fr., plus intérêts à 5% l’an dès le 17 septembre 2012 (IV), a refusé d’allouer des dépens pénaux à V._ (V), a mis une partie des frais de la cause par 1'075 fr. à la charge de D._ et laissé le solde à la charge de l’Etat (VI) et a dit que la part des frais laissée à la charge de l’Etat comprend l’indemnité servie au conseil (recte : défenseur) d’office, Me Jean-Pierre Bloch, par 1'867 fr. 10 (VII).
B.
Par annonce du 4 juillet 2014, puis par déclaration du 29 juillet suivant, V._ a formé appel contre ce jugement, concluant principalement à la modification de son chiffre V en ce sens que D._ est condamné à lui verser la somme de 3'000 fr. à titre de dépens. Subsidiairement, il a conclu à l’annulation du chiffre précité et au renvoi de la cause au premier juge pour nouvelle décision.
Par réponse du 26 août 2014, l’intimé a conclu au rejet de l’appel.
Dans le délai imparti, le Ministère public a déclaré renoncer à déposer des déterminations.
Le 3 septembre 2014, le Président de la Cour de céans a informé les parties que l'appel serait traité d'office en procédure écrite (art. 406 al. 1 let. b CPP).
Le défenseur d'office de l’intimé a produit une liste d'opérations en date du 2 octobre 2014.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
D._ est né le [...] 1976 à [...], au Portugal, pays dont il est ressortissant. Il a d’abord été scolarisé dans son pays d’origine jusqu’à l’âge de 6 ans, période à laquelle sa mère est venue rejoindre son père en Suisse. A son arrivée en Suisse, il a été placé dans des classes de développement où il a terminé sa scolarité obligatoire. Il a ensuite travaillé durant deux ans comme mécanicien, puis comme peintre sur voitures. Depuis environ fin 2012, il est au bénéfice d’une rente entière de l’assurance-invalidité (AI) en raison d’une schizophrénie paranoïde. Il perçoit actuellement 2'040 fr. de l’AI pour toutes choses, rentes complémentaires incluses. Il n’a aucune dette, ni aucune fortune. Il vit chez sa soeur à qui il verse environ 400 fr. de participation au loyer. Son assurance maladie est subsidiée. Actuellement, il ne paye pas d’impôt, son dossier étant en examen auprès de l’administration cantonale des impôts.
Son casier judiciaire suisse ne comporte aucune inscription.
2.
A Lausanne, le 16 septembre 2012, vers 20 heures, D._ a traité le Dr V._ « d’assassin » et de « fils de pute », en présence d’une assistante médicale. Il a également déclaré que le médecin avait traité sa soeur de « pute » et qu’il lui avait donné trop de médicaments.
V._ a déposé plainte le 5 novembre 2013. Il a pris des conclusions civiles à hauteur de 200 fr. à titre d’indemnité pour tort moral, avec intérêts à 5% l’an dès le 16 septembre 2012, et de 3'000 fr. à titre d’indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure, avec intérêts à 5% l’an dès le 25 juin 2014. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délai légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de V._ est recevable.
L’appel ne portant que sur la question des dépens pénaux de la partie plaignante, la procédure écrite est applicable (art. 406 al. 1 let. b CPP).
2.
L’appelant conteste le refus du premier juge de lui allouer des dépens pénaux. Il soutient qu’il y aurait droit en application de l’art. 433 CPP, ayant obtenu gain de cause et ayant consulté un avocat dont l’assistance n’était pas de pure convenance, comme l’a retenu le magistrat.
2.1
Aux termes de l’art. 433 al. 1 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu’elle obtient gain de cause (let. a) ou si le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l’art. 426 al. 2 (let. b). La partie plaignante adresse ses prétentions à l’autorité pénale et doit les chiffrer et les justifier (al. 2).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la partie plaignante a obtenu gain de cause au sens de cette norme lorsque le prévenu a été condamné et/ou si les prétentions civiles ont été admises. La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d’appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante, à l’exclusion de toutes démarches inutiles ou superflues (TF 6B_965/2013 du 3 décembre 2013 c. 3.1.1 ; TF 6B_159/2012 du 22 juin 2012 c. 2.2 et les références citées). Il s'agit en premier lieu des frais d'avocat de la partie plaignante. En d’autres termes, les démarches doivent apparaître nécessaires et adéquates pour la défense du point de vue de la partie plaignante raisonnable (TF 6B_495/2014 du 6 octobre 2014 c. 2.1 et les références citées).
L'indemnité visée par l'art. 433 al. 1 CPP doit correspondre au tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule et englober la totalité des coûts de défense, de sorte à couvrir l'entier des frais de défense usuels et raisonnables ; lorsqu'un tarif cantonal existe, il doit être pris en considération pour fixer le montant de l'indemnisation. Il sert de guide pour la détermination de ce qu'il faut entendre par frais de défense usuel (TF 6B_561/2014 du 11 septembre 2014 c. 2.2.1 ; TF 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 c. 2.3). Tel est le cas dans le canton de Vaud depuis le 1
er
avril 2014 par l’adoption d’un nouvel art. 26a TFIP (tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale ; RSV 312.03.1) qui énonce les principes applicables à la fixation des indemnités allouées selon les art. 429 ss CPP à raison de l'assistance d'un avocat dans la procédure pénale.
2.2
En l’espèce, le premier juge a considéré qu’aucune indemnité au sens de l’art. 433 CPP ne devait être allouée à V._. La cause était simple en fait au motif que le prévenu n’avait jamais contesté les infractions reprochées ; elle ne présentait en outre aucune difficulté en droit, en ce sens que la partie plaignante, au bénéfice d’une formation supérieure, était à même de faire valoir ses droits sans recourir à un mandataire professionnel.
Cette appréciation ne peut pas être suivie. Le plaignant a d’abord dû recourir, auprès de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal (CREP 17 juin 2013/373), contre l’ordonnance de classement rendue le 25 avril 2013 et pour ce seul motif déjà, l’assistance d’un conseil était nécessaire. En outre, l’intimé s’est vu désigner un défenseur d’office le 15 juillet 2013, de sorte qu’il paraît difficile de considérer, comme l’a fait le premier juge, que la cause était simple et ne présentait aucune difficulté juridique, même si les capacités respectives des parties à se défendre dans le cadre d’une procédure pénale n’étaient certainement pas identiques. En tout état de cause, on ne saurait retenir que la consultation et l’assistance d’un avocat étaient inutiles au sens de la jurisprudence rappelée ci-avant. Le principe de l’allocation de dépens doit admis, dès lors que l’appelant a chiffré ses prétentions à l’audience de jugement.
Compte tenu des opérations accomplies par l’avocat jusqu’à l’audience (cf. P. 26/2), dont certaines ne paraissent pas utiles, comme par exemple les innombrables courriels au client, il se justifie d’allouer une juste indemnité d’un montant de 2'700 fr. (8 heures à 300 fr. + 100 fr. de débours + 200 fr. de TVA). A cet égard, on précisera que le tarif horaire doit être fixé à 300 fr. (cf. art. 26a TFIP) s’agissant d’une cause de police ne présentant pas de difficultés particulières.
3.
En définitive, l’appel doit être admis et le chiffre V du dispositif modifié en ce sens qu’une indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure d’un montant de 2'700 est allouée à V._, à la charge de D._.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, par 1'569 fr. 20, doivent être mis à la charge de l’intimé qui a conclu au rejet de l'appel (art. 428 al. 1, 1
re
phr. CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 770 fr. (art. 21 al. 1 et 2), ces frais comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office.
Sur la base de la liste des opérations produite (cf. P. 39/1), une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 799 fr. 20, TVA et débours compris, est allouée à Me Jean-Pierre Bloch.
D._
ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP).
L’appelant a requis l’octroi d’une indemnité équitable pour la procédure d’appel. Il n’a toutefois ni chiffré ni justifié ses prétentions quant aux dépenses occasionnées par la procédure. Or, l’art. 433 CPP exclut qu’une telle indemnité soit allouée d'office (TF 1B_475/2011 c. 2.2 et les références citées ; Wehrenberg/ Bernhard, in : Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 12 ad art. 433 CPP ; Mizel/Rétornaz, in : Kuhn/ Jeanneret [éd.], op. cit., nn. 8 ss ad art. 433 CPP), de sorte qu’il ne lui sera pas accordé de dépens pénaux de seconde instance. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
63f45b5d-c01f-4298-9c25-8406f25cdf08 | En fait :
A.
Par jugement du 7 juin 2011, rectifié le 4 juillet 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Côte a libéré A.Z._ des infractions d'escroquerie qualifiée et gestion déloyale (I), a constaté qu'il s'est rendu coupable d'escroquerie et d'abus de confiance (II), l'a condamné à 18 mois de peine privative de liberté avec sursis pendant deux ans (III), a libéré A.A._ des infractions d'escroquerie qualifiée et gestion déloyale (IV), a constaté qu'il s'est rendu coupable d'escroquerie et d'abus de confiance (V), l'a condamné à 18 mois de peine privative de liberté avec sursis pendant deux ans (VI), a dit que A.Z._ et A.A._ sont solidairement débiteurs, à titre de dommages-intérêts, des sommes de
267'226 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 1
er
avril 2001 en faveur d'E.H._ et son fils, F.H._; 237'861 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 19 janvier 2001 en faveur de C._; 80'000 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 12 avril 1999 en faveur d'O._; 150'000 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le
7 décembre 1999 en faveur de D._ et N._; 165'000 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 19 juin 2000 en faveur d'U._ et a donné acte aux parties plaignantes de leurs réserves civiles pour le surplus (VII), a dit que A.Z._ est le débiteur de A.B._, V._ et K._, d'un montant de 70'000 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 1
er
janvier 2006, à titre de dommages-intérêts, et leur a donné acte de leurs réserves civiles pour le surplus (VIII), a alloué, à la charge de A.Z._ et A.A._ solidairement, des dépens pénaux à E.H._ et son fils, F.H._ par 20'000 fr.; C._ par 7'000 fr.; O._ par 4'000 fr.; D._ et N._ par 12'000 fr.; U._ par 3'000 fr. (IX), a alloué, à la charge de A.Z._ et A.A._ solidairement, des dépens pénaux par 1'000 fr. pour A.B._, V._ et K._ (X), a ordonné le séquestre et la confiscation de la somme de 400'000 fr. sur le compte bancaire n°[...] ouvert auprès de la Dresdner Bank à Zurich au nom de la société G._ SA et de la somme de 360'000 fr. sur le compte bancaire n°[...] ouvert auprès de l’UBS à Zurich au nom de A.Z._ et E.Z._, et a dit que ces montants seront attribués aux parties plaignantes en remboursement partiel de leurs préjudices retenus sous chiffres VII et VIII ci-dessus selon la répartition suivante : 209'000 fr. pour E.H._ et son fils, F.H._; 186'200 fr. pour C._; 63'080 fr. pour O._; 117'800 fr. pour D._ et N._; 129'200 fr. pour U._; 54'720 fr. pour A.B._, V._ et K._ (XI), a ordonné la levée des séquestres répertoriés sous fiche de séquestre n°2206 (dossier principal, P. 44), n°2207 (dossier principal, P. 45), n°2208 (dossier principal, P. 46) et a ordonné leur restitution à A.Z._ (XII), a ordonné la levée du séquestre répertorié sous fiche de séquestre n°2142 (dossier B, P. 65) et a ordonné la restitution des trois classeurs fédéraux constituant le solde du séquestre à A.A._ (XIII), a ordonné le maintien au dossier de l'ensemble de la documentation répertoriée sous fiches de séquestre n°2268 (dossier principal, P. 83) et n°2143 (dossier B, P. 42/1 et 66) (XIV), a fixé la participation aux frais de la cause de A.Z._ à 48'430.40 fr. et d'A.A._ à 9'165.50 fr., le solde étant laissé à la charge de l'Etat (XV) et a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité allouée au défenseur d'office, comprise dans les frais ci-dessus, à savoir, débours et TVA compris, CHF 39'264.90, pour Me David Moinat, conseil d’office de A.Z._, sera exigible pour autant que la situation économique de ce dernier se soit améliorée (XVI).
B.
Le 14 juin 2011, respectivement le 20 juin 2011, A.Z._ et A.A._ ont formé appel contre ce jugement.
Le 20 juin 2011, I._ a également formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 20 juillet 2011, A.Z._ a conclu à son acquittement et au rejet des conclusions civiles prises à son encontre. A titre de mesures d'instruction, il a requis l'assignation et l'audition de treize témoins et a demandé qu'une expertise financière soit ordonnée.
Par déclaration d'appel motivée du 21 juillet 2011, A.A._ a conclu, principalement, à son acquittement, au rejet des conclusions civiles prises à son encontre et à des dépens, subsidiairement, à l'annulation du jugement et au renvoi à l'autorité de première instance pour qu'il soit procédé à de nouveaux débats. A titre de mesures d'instruction, il a demandé la mise en œuvre d'une nouvelle expertise financière et l'audition de cinq témoins.
Par déclaration d'appel joint du 24 août 2011, I._ a conclu à la condamnation de A.Z._ et A.A._ pour les infractions d'escroquerie, escroquerie qualifiée, abus de confiance et gestion déloyale, à ce que les prévenus lui doivent paiement immédiat, solidairement entre eux, à titre de dommages et intérêts, de la somme de 72'000 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 11 février 2002 et à ce qu'il puisse participer à la distribution des sommes séquestrées proportionnellement aux autres créances admises à la répartition .
Par déclaration d'appel joint du 24 août 2011, E.H._ et F.H._ ont conclu à la modification du jugement en ce sens que A.Z._ et A.A._ sont reconnus coupables d'escroquerie, d'abus de confiance et de gestion déloyale qualifiée, qu'ils sont reconnus solidairement débiteurs, au titre de dommages-intérêts, de 1'011'226 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 1
er
avril 2011 (
recte
2001) et, au titre de tort moral, de 5'000 fr. en faveur de E.H._ et de 2'500 fr. en faveur de F.H._, avec intérêts à 5% l'an dès le jugement définitif et exécutoire et que la répartition des biens séquestrés est adaptée en faveur des recourants. Au surplus, ils ont conclu au paiement par A.Z._ et A.A._, solidairement entre eux, au titre de dépens, de 34'877 fr. 30, avec intérêts à 5% l'an dès le jugement définitif et exécutoire.
Le 12 mars 2012, G._ SA a formé appel contre le jugement rendu le 7 juin 2011 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Côte, concluant à l'annulation du chiffre VII de son dispositif et à ce qu'une expertise détaillée soit ordonnée afin d'établir la provenance des fonds sur le compte n°[...] auprès de la Dresdner Bank. Au surplus, elle a également demandé à ce qu'il soit procédé à l'audition de [...].
Par courrier du 26 mars 2012, C._, N._ et D._, par l'intermédiaire de Me Wavre, ont déclaré n'avoir aucune observation particulière en ce qui concerne la recevabilité de l'appel déposé par G._ SA et s'en remettre à l'appréciation du tribunal. Au surplus, ils se sont opposés à la requête d'expertise.
Par courrier du 10 avril 2012, le Ministère public central a déclaré qu'il n'entendait pas déposer une demande de non-entrée en matière sur l'appel déposé par G._ SA et qu'il adhérait à ce qu'elle soit considérée comme participant à la procédure au sens de l'art. 105 al. 1 let. f CPP.
Par courrier du 10 avril 2012, Me Viredaz, pour ses clients, a déclaré renoncer à déposer une demande de non-entrée en matière en ce qui concerne l'appel de G._ SA.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
A.Z._ est né le 22 novembre 1949 à Soleure. Il dispose d’une formation bancaire et a travaillé dans diverses banques ou sociétés financières en Suisse et à l'étranger, en particulier pour la [...] de 1970 à 1982. De 1984 à 1988, il a œuvré pour un groupe financier au Moyen Orient, puis pour la banque [...] à Genève, établissement bancaire qui lui donnait des mandats pour la gestion de patrimoines. Le 1
er
janvier 1990, le prévenu s'est mis à son compte comme consultant spécialisé dans les produits dérivés. Il a été actif pour diverses sociétés s'occupant notamment de « swap » sur l'or en Russie et en Roumanie. Il a poursuivi cette activité jusqu'à fin 2009. Pendant une période, il a disposé d’une place de travail chez [...] SA à Genève. Cette société le mandatait aussi pour des conseils sur des produits dérivés, qui étaient sa spécialité. Il a ensuite occupé une place de travail, comme administrateur et employé selon ses déclarations, chez G._ SA à Gland. Cette société traitait des affaires de devises et est aujourd’hui en liquidation. Suite à l'enquête, et dans la mesure où il ne pouvait reprendre pleinement ses activités, le prévenu s'est inscrit au chômage à partir de fin 2009. A l'heure actuelle, il dit être à la recherche d'un emploi et vivre de ses économies qu'il évalue à 300'000 fr. environ. Il a affirmé ne plus avoir de 2
ème
pilier car il aurait retiré ses avoirs de prévoyance lors du début de son activité indépendante, investis puis perdus dans le projet H._ SA dont il sera question ci-dessous. Du point de vue personnel, il est séparé de son épouse depuis 2006. Il vit seul et a un enfant âgé de 31 ans indépendant financièrement.
A.Z._ a encore précisé que sa situation financière était excellente avant la perte de ses capitaux dans le projet H._ SA : il indique ainsi qu'en 1993-1994, sa fortune s'élevait à environ 1 million de francs, sans compter ses biens immobiliers.
Le casier judiciaire du prévenu est vierge de toute inscription.
1.2
A.A._ est né le 30 juillet 1950 à Kasanda (Ouganda). Il a fait un apprentissage de commerce, puis a suivi une formation continue dans le domaine du transport et du commerce. Dans le secteur du transport, sa formation a porté tant sur le plan national qu'international. Dans le secteur commercial, il a suivi un enseignement privé auprès de la «City Universität» de Zurich. En 1979, le prévenu dit avoir fondé sa propre entreprise de fret en Suisse avec deux autres partenaires et s'être spécialisé dans les services pour l'Afrique Centrale. Dès 1995, il a travaillé dans une entreprise de transport, soit la société [...]. Il est devenu associé et administrateur de cette entreprise. Il a ensuite lancé deux projets en Afrique, à savoir une conserverie de poisson en Ouganda (Q._ Ltd, ci-après Q._ Ltd) dont il sera question ci-dessous, et une société P._, société de téléphonie mobile. Après la liquidation de la société Q._ Ltd, le prévenu s'est occupé d'affaires immobilières au Kenya, de 2004 à 2006. Il dit avoir séjourné en 2007 aux Etats-Unis puis être retourné en 2008 en Ouganda. Depuis 2009, il a dit travailler comme consultant indépendant et donner des conseils d'affaires à des avocats et/ou des clients en Suisse et percevoir pour cette activité un revenu moyen d'environ 100'000 fr. par année. Il a déclaré être sans activité lucrative depuis 2011, mais a expliqué mettre en place une affaire concernant un additif dans le biocarburant. Cette activité ne lui procurant aucun revenu pour l'instant, il a expliqué vivre grâce au salaire de son épouse et à des prêts d'amis.
A.A._ déclare avoir eu de sérieux problèmes de santé en 2009, savoir une paralysie faciale pour laquelle il serait toujours suivi médicalement.
Le prévenu est propriétaire d'une maison à Therwil (BL) dont il estime la valeur entre 2 et 2,2 millions de francs. Ce bien immobilier est grevé d'une hypothèque de 1
er
rang auprès de la Raiffeisen et d'une deuxième hypothèque avancée par un ami de la famille pour 685'000 francs. Le prévenu dit ne pas avoir d'autre fortune et des dettes pour 1,1 million de francs.
Du point de vue personnel, l'accusé est marié. Son épouse travaille comme enseignante pour un salaire de 4'000 fr. à 5'000 fr. pour une taux d'activité réduit à 50 %. Elle est également propriétaire d'un appartement à Gstaad hérité de ses parents qui lui procure un revenu locatif de 40'000 fr. par année. Le couple a deux enfants âgés de 31 ans et 27 ans, dont l'un vit encore au domicile parental.
Le casier judiciaire du prévenu est vierge de toute inscription.
2.
En 1994, A.Z._ a fait la connaissance d'A.A._ qui lui a parlé de différents projets commerciaux dans lesquels il était impliqué, en particulier du projet Q._ Ltd (Q._ Ltd). S’agissant de cette affaire, A.A._ a indiqué à A.Z._ qu’il cherchait des investisseurs pour financer son projet et les deux hommes se sont informellement associés à cette fin. Dans ce contexte, entre 1995 et 2003, A.Z._ a convaincu de nombreux investisseurs domiciliés essentiellement sur l’Arc lémanique de placer des fonds dans le projet d'A.A._, de la manière décrite sous chiffre 4 ci-dessous, le montant total des investissements s’élevant à près de 19'000'000 francs. Ces investisseurs avaient été présentés à A.Z._ par W._, alors employé de la fiduciaire [...] à Genève, qui les recrutait parmi ses propres clients.
En règle générale, A.Z._ se rendait chez les investisseurs potentiels ou les recevait dans les bureaux genevois de la société [...] SA, où il leur exposait que leurs placements devaient servir à financer un projet de conserverie de poisson sur les rives du Lac Victoria en Ouganda, parrainé par la Banque Mondiale, et dont le rendement variait entre 5 et 7%. Aucun contrat ou autre document fixant la volonté des parties n’était établi et signé par celles-ci. A.Z._ indiquait aux investisseurs les coordonnées d’un compte bancaire et, une fois les fonds virés, une attestation, habituellement établie à l’en-tête de la société d'A.A._, H._ SA, leur était remise.
En principe, A.Z._ communiquait aux investisseurs les coordonnées du compte bancaire ouvert auprès de l’UBS (anciennement SBS) au nom de la société H._ SA, sous la relation n°[...] (clôturée en juillet 2000), ou celles du compte ouvert auprès de la même banque sous la relation n°[...] (clôturée en février 2001) au nom d'A.A._. Ce dernier était l’ayant droit économique de ces deux comptes, sur lesquels ont été versés la plupart des investissements. A.Z._ a toutefois également indiqué à plusieurs reprises les coordonnées d’un compte intitulé [...], ouvert à son propre nom auprès de la First National Bank of Chicago à Londres (devenue Bank One Corp. puis JPMorgan Chase). Ce dernier compte, utilisé par A.Z._ pour des opérations sur devises pour ses propres clients, n’avait, aux dires des deux prévenus, aucun lien avec le projet de conserverie de poisson en Ouganda.
A.A._, quant à lui, n'a eu que peu ou pas de contact direct avec les investisseurs. Il a toutefois proposé à A.Z._ de trouver des investisseurs et il gérait H._ SA en sa qualité d'administrateur pendant la période des faits incriminés. Il avait la signature sur les principaux comptes bancaires et il signait les confirmations de réceptions de fonds, éléments essentiels et indispensables aux opérations.
3
3.1
Le projet Q._ Ltd a été créé en 1992, grâce notamment au soutien de quelques prestigieuses institutions que sont la Banque Mondiale, par l'intermédiaire de l'International Finance Corporation (ci-après: IFC), la Norwegian Agency for Development Cooperation (ci-après: NORAD), l'Export-Import Bank des Etats-Unis (ci-après: Exim), ainsi que la East African Development Bank. Assez rapidement, le fonctionnement de l'usine Q._ Ltd ainsi construite a été perturbé par des contingences locales, politiques, puis climatiques, qui ont conduit à un premier embargo européen sur l'exportation de poissons en décembre 1997. L'activité de Q._ Ltd et l'exploitation de l'usine de poisson n'ont jamais pu décoller. En mai 2000, les quatre banques susmentionnées ont mis Q._ Ltd en procédure de liquidation ("receivership"). Toutefois, avant la procédure de liquidation, l'activité de Q._ Ltd avait diminué considérablement, voire même cessé complètement, en raison de l'ouragan El Niño et du second embargo imposé par l'Europe du 30 mars 1999 au 4 août 2000. A cet égard, selon des recherches résumées dans un rapport de synthèse figurant au dossier (P. 8 onglet Rechtshilfe GE, n°6), le second embargo sur le poisson a eu pour conséquence qu'en juillet 1999 déjà, sur onze usines de poisson, trois ont dû fermer et les autres n'ont pu continuer à travailler qu'à 20% de leur capacité. L'entreprise n'a ainsi fait aucun profit net durant 1999, étant précisé que dans cette notion de bénéfice net, les intérêts des prêts ou des investissements ne sont pas compris dans les charges. Depuis 1999, l'entreprise Q._ Ltd n'a plus versé de fonds à la société H._ SA.
3.2
La structure destinée à recueillir les investissements et à financer la conserverie de poisson était constituée de trois sociétés, à savoir H._ SA, à Therwil (Bâle-Campagne), S._ Ltd, enregistrée aux Iles Vierges britanniques et Q._ Ltd, basée à Entebbe en Ouganda. H._ SA, inscrite au Registre du Commerce depuis 1991, avait pour but annoncé le commerce de toutes marchandises à l’étranger. Son administrateur unique A.A._ en détenait l’intégralité des actions à titre fiduciaire pour le compte de S._ Ltd. H._ SA, dépourvue d’employé et de bureau, avait pour fonction de recueillir en Suisse les fonds versés par les investisseurs helvétiques et de les verser à Q._ Ltd. Cette dernière, dont le directeur n’était autre qu'A.A._, exploitait quant à elle la conserverie de poisson susmentionnée. Enfin, la société S._ Ltd détenait par l’intermédiaire d'A.A._ la société H._ SA, laquelle détenait la majorité des actions de Q._ Ltd.
La situation financière de la société H._ SA en Suisse n'a jamais été des meilleures, étant précisé que cette société n'avait aucune autre fonction que de financer la poissonnerie Y._ Ltd en Ouganda.
Depuis 1997 déjà, la situation financière de H._ SA n'était pas bonne dans la mesure où les actifs circulant ne couvraient pas les dettes à court terme. La société ne disposait pas des liquidités qui auraient dû lui permettre de répondre à ses créanciers à court terme et n'importe lequel d'entre eux pouvait ainsi la mettre dans une position plus que difficile. Afin d'éviter le dépôt de bilan, A.A._ avait donc choisi de postposer la créance de la société S._ Ltd représentant les fonds confiés par les investisseurs. Il ressort de la comptabilité de Q._ Ltd pour 1997 et 1998 et de la comptabilité complète de H._ SA pour 1998, 1999 et 2000 que les comptes présentaient un fonds de roulement négatif, ce qui signifie que l'entreprise finançait une partie de ses immobilisations avec des dettes à court terme et que l'équilibre financier était rompu. De façon générale, une entreprise aura de la peine à obtenir des crédits tant qu'elle n'a pas reconstitué un fonds de roulement minimum. La règle d'or qui veut que l'on finance du long terme par du long terme n'était donc pas respectée par H._ SA. Un fonds de roulement négatif annonce surtout des difficultés de trésorerie et une incapacité de l'entreprise à respecter l'échéance de ses engagements (paiement des intérêts aux investisseurs par manque de liquidités). Pour H._ SA, la difficulté de trésorerie était encore accentuée car, d'une part, ses revenus d'exploitation étaient des écritures à long terme uniquement constituées des "management fees" et des intérêts facturés aux société sœurs (comme Q._ Ltd) qui ne pouvaient cependant pas les payer, et, d'autre part, l'importance de sa dette à long terme générait une charge d'intérêts qui obligeait la société à payer des intérêts régulièrement aux investisseurs qui ne souhaitaient pas les capitaliser. De plus, il fallait encore compter sur le fait que certains investisseurs demandaient le remboursement de leur capital. Ces considérations sont valables pour les années 1997 à 1999, la société ayant été ensuite "dormante" du point de vue comptable. En d'autres termes, il ressort des comptes de H._ SA dès l'exercice 1997 déjà, mais aussi par la suite, que les actifs ne couvraient pas les dettes à court terme, ce qui signifie que la société devait trouver de nouveaux investisseurs sous peine de manquer de liquidités.
3.3
Dans le courant de l’année 1999, A.A._ a informé A.Z._ qu’en raison de problèmes climatiques, l’Union Européenne avait interdit l’importation de poissons provenant de certains Etats Africains, dont l’Ouganda, et que l’exploitation de la conserverie de poisson s’en trouvait péjorée au point qu’elle ne dégageait plus aucun bénéfice. Cette interdiction, la troisième en trois ans, a été prononcée le 30 mars 1999. A.A._ a régulièrement renseigné A.Z._ sur la situation réelle de l'exploitation de sorte que ce dernier connaissait les difficultés auxquelles était confrontée l'usine. De plus, A.Z._ était parfaitement conscient que l'usine était exploitée dans un pays en voie de développement, ce qui est en soi une opération risquée, et il avait dû renoncer en 1998 à visiter les installations en raison d'émeutes.
3.4
Tant A.A._ que A.Z._ étaient au courant de l'interdiction d'importer du poisson en provenance du Lac Victoria décrétée par l'Union européenne en mars 1999. Ils ont toutefois continué à proposer des placements dans ce projet et à recueillir des fonds confiés par de nombreux investisseurs sans en avertir ces derniers, leur cachant ainsi des informations essentielles quant à leur décision d’investir dans le projet qui leur était présenté.
En outre, à plusieurs reprises entre 1998 et 2000, A.Z._ et A.A._ ont utilisé une partie des fonds confiés par certains investisseurs pour en rembourser d’autres ou pour leur servir des intérêts, ou encore pour alimenter le compte [...] ouvert au nom de A.Z._ auprès de la First National Bank of Chicago à Londres. Les prévenus ont utilisé les fonds qui leur avaient été confiés de manière contraire à l’affectation qui avait été convenue, à savoir le financement d'un projet soutenu par la Banque Mondiale. De fait, les fonds confiés ont permis de rembourser un investisseur qui réclamait le remboursement de son placement ou de servir l'intérêt promis contractuellement.
4.
4.1
A la fin de l'année 1996, [...] et E.H._ se sont adressés à l'administrateur de la fiduciaire [...], W._, pour lui demander conseil, disposant de sommes importantes provenant de la vente d'objets immobiliers en France et souhaitant les placer de manière avantageuse. W._ les a invités à s'adresser à A.Z._. En janvier 1997, ce dernier leur a proposé de verser leur argent à une société, H._ SA, en vue de cofinancer un projet d'élevage de poissons en Ouganda. Selon A.Z._, l'opération bénéficiait "du soutien de la Banque Mondiale (IFC), du gouvernement de Norvège (NORAD) et de l'Export Import Bank des Etats-Unis (Exim)".
Dans ce contexte, X.H._ et E.H._ ont placé, entre 1997 et 2000, pratiquement toutes leurs économies, soit au total environ 1'000'000 fr. de la façon suivante:
A la suite des instructions données par A.Z._, [...] a ordonné le transfert des sommes de 2'500'000 francs français (ci-après FF) le 25 janvier 1997 et de 100'000 marks allemands (ci-après : DM) le 27 janvier 1997 depuis son compte auprès du Crédit Suisse à Lausanne sur les comptes n°[...] et [...], sous-comptes de la relation dont A.Z._ était titulaire auprès de la First National Bank of Chicago à Londres sous l’intitulé [...]. Les montants de 86'000 fr. et de 638'000 fr. ont ensuite été transférés depuis le compte précité, respectivement les 4 et 10[...] ouvert au nom de H._ SA auprès de l’UBS. A.Z._ a adressé aux époux [...] et E.H._ deux quittances établies à
l’en-tête de H._ SA, intitulées « Funds Received Confirmation » et signées par A.A._, attestant du versement de 86'000 fr. et 638'000 fr. à cette société, datées respectivement du 4 et du 10 février 1997.
En mai 2000, [...] a encaissé un montant d'un peu plus de 1'000'000 FF en relation avec la vente d'un objet immobilier à Nice. Il n'a pas parlé à A.Z._ de cet encaissement mais ce dernier s'est rendu quelques jours plus tard auprès des époux [...] et E.H._
,
expliquant qu'il avait eu vent de l'encaissement en question et leur conseillant vivement de placer cet argent au même endroit que précédemment. Selon les plaignants, c'est probablement W._ qui aurait informé A.Z._ de cet encaissement. Le prévenu a d'ailleurs admis en cours d’instruction qu’il en avait été informé (Dossier B, PV audition 2, p. 4).
Le 30 juin 2000, [...] a ordonné le transfert de la somme de 1'000'000 FF sur le compte n°[...] auprès de la First National Bank of Chicago, devenue la Bank One, à Londres. Le 5 juillet 2000, une quittance a été établie à l’en-tête de S._ Ltd et signée par A.A._, attestant du versement des fonds précités, après conversion, à hauteur de 236'296 francs.
Le 17 août 2000, [...] a ordonné le transfert de la somme de 85'790.21 FF sur le compte susmentionné auprès de la Bank One à Londres. Le 7 septembre 2000, une quittance a été établie à l’en-tête de S._ Ltd et signée par l’accusé A.A._, attestant du versement, après conversion, à hauteur de 19'935 francs.
Dans le courant du mois d’octobre 1997, du mois de décembre 1999 et du mois de juillet 2000, E.H._ a investi les sommes de 20'000 fr., 10'000 fr. et 20'000 fr. respectivement, dont les versements ont été attestés par des quittances établies à l’en-tête de H._ SA ou S._ Ltd et signées par A.A._, respectivement le 31 octobre 1997 (P. 6/28), le 31 décembre 1999 (P. 6/31), et le 31 juillet 2000 (P. 6/33).
Les époux [...] et E.H._ avaient connaissance de l’usine de poisson en Ouganda. Il leur a été toutefois précisé que l’opération était " surveillée " par Q._ Ltd et bénéficiait du " soutien " de la Banque Mondiale (IFC), du gouvernement de Norvège (NORAD) et l'Export Import Bank des Etats-Unis (Exim)
(Dossier B, P. 6/2). E.H._ a précisé d’ailleurs que c’était surtout ce dernier point qui a mis en confiance son mari. L’argent a été versé au départ sur les comptes de la société suisse H._ SA. Durant la période d’investissement, personne n’a indiqué aux époux [...] et E.H._ que la société Q._ Ltd en Ouganda faisait face à de graves difficultés au moins dès mars 1999, avant de se trouver en procédure de liquidation depuis le mois de mai 2000. Aux débats, le fils du couple, F.H._, a été entendu : son père [...], qui était médecin, était de nature méfiante. La perte de son capital a vraisemblablement accéléré ses problèmes de santé jusqu’à son décès. Suite à cette affaire, E.H._ a dû solliciter l’aide sociale.
Malgré de nombreuses demandes de remboursement de leurs placements, dont la première date du 14 octobre 2000, les époux [...] et E.H._ n’ont pas récupéré leurs investissements, hormis un montant de 19'005 fr. le 21 mai 2001. Le paiement des intérêts a en outre cessé depuis le printemps 2001.
X.H._ et E.H._ ont déposé plainte le 28 février 2002. [...] est décédé le 11 décembre 2002. Son fils F.H._ s’est porté partie civile le 24 janvier 2003.
4.2
I._ donnait à remplir sa déclaration d’impôt à W._. En été 1997, lorsque ce dernier a eu connaissance d'un compte épargne du fils du plaignant qui avait un disponible de 100'000 fr., il a proposé d'investir cette somme dans la Banque Mondiale pour bénéficier d'un meilleur rendement avec une sûreté égale au compte d'épargne (Dossier F, P. 4). Il lui a donné les coordonnées de A.Z._. Après un entretien téléphonique avec ce dernier le 24 juin 1997, lors duquel celui-ci lui a confirmé les propos de W._ et lui a communiqué des coordonnées bancaires, I._ a ordonné à la SBS de transférer le montant de 100'000 fr. par le débit du compte d’épargne ouvert au nom de son épouse [...]
en faveur de la société H._ SA auprès de la même banque à Bâle, sous la relation n°[...] en date du 26 juin 1997.
I._ a indiqué qu’on ne lui avait jamais parlé d’une pêcherie en Afrique avant 2002. Il pensait que c'était toujours la Banque Mondiale qui était derrière un "pool" d’investisseurs, raison pour laquelle le versement avait dû être effectué en Suisse. Il ne savait pas exactement comment l'argent était placé, pensant que la Banque Mondiale investissait dans des projets. Le plaignant a expliqué qu’il connaissait personnellement W._, qui avait été aussi inspecteur des impôts pour l’administration vaudoise des contributions, et qu'un ami à lui connaissait également bien A.Z._.
Deux quittances ont été adressées à I._ attestant du versement de 100'000 fr. en faveur de H._ SA, l’une du 30 juin 1997 et l’autre du 23 juillet 1997. A sa demande, I._ a obtenu le remboursement d’un montant total de 28'000 fr. dans le courant de l’année 1999. Malgré de nombreuses requêtes, le solde de son investissement ne lui a pas été restitué.
I._ a déposé plainte le 7 décembre 1998.
4.3
Dans le courant de l’année 1998, à Genève, C._ a fait la connaissance de A.Z._ par l’intermédiaire de W._. A.Z._ lui a proposé d’investir dans un programme de développement sous forme d’un prêt accordé à la Banque Mondiale, par l’intermédiaire de la société H._ SA, et assurant un rendement de 5 à 7%. Il a expliqué qu'il s'agissait de fonds pour des programmes de développement. Il a encore indiqué que le placement était sans risque et qu’il avait lui-même investi plusieurs centaines de milliers de francs dans ce type de projet, sans toutefois préciser que le montant du prêt serait investi dans une conserverie de poisson en Ouganda. Selon A.Z._, H._ SA s'engageait à rembourser le montant intégral du prêt moyennent un délai de dénonciation d'un mois. C._ a accepté les conditions du prêt, le taux de rendement n'étant notamment ni inhabituel, ni déraisonnable.
Le 13 août 1998, C._ a fait transférer le montant de
300'000 fr. par le débit de son compte auprès de l’UBS en faveur de la société H._ SA, sur le compte UBS n°[...] dont A.Z._ lui avait indiqué les coordonnées. Une confirmation de réception de fonds a été établie à l’en-tête de H._ SA le 14 août 1998 et signée par A.A._. Les intérêts convenus ont été versés jusqu’au 19 janvier 2001.
C._ n'était pas au courant que son argent allait être investi dans la construction d'une poissonnerie en Ouganda. Il pensait investir dans des projets de développement de la Banque Mondiale. Il n'a appris qu'en janvier 2001, à la suite d'un courrier reçu de S._ Ltd, que les fonds avaient financé une pêcherie. Le plaignant a expliqué avoir été mis en confiance, d'une part, par le fait que A.Z._ avait investi personnellement plusieurs centaines de milliers de francs dans ce projet, d'autre part, par le fait qu’il avait à faire à un ancien responsable des contributions de l'Etat de Vaud, dirigeant d'une fiduciaire à Genève, et, enfin par le fait que A.Z._ se présentait comme étant un professionnel de la gestion de fortune.
C._ a formellement dénoncé le prêt par courrier du 14 juillet 2005, mais n’en a pas obtenu le remboursement. Il a déposé plainte le 28 mars 2007.
4.4
O._ a rencontré, début 1999 à Genève, A.Z._ qui lui avait été présenté par W._. Ce dernier lui avait proposé d'acquérir des parts d'un fonds dénommé [...] en vue d'investir dans la société Q._ Ltd, précisant que cette société bénéficiait du soutien de la Banque Mondiale entre autres institutions bancaires et étatiques. W._ s'occupait de la déclaration fiscale d'O._ depuis plusieurs années. Il s'était toujours présenté à lui comme un fonctionnaire de l'Etat, ce qui, pour le plaignant, était un gage de confiance. Il a vu qu’O._ disposait d'un certain montant en compte d'épargne. A ce moment, le plaignant hésitait, avec ce capital, entre rembourser une partie de son emprunt hypothécaire ou constituer un 3
ème
pilier. W._ lui a déconseillé ces deux formes de placement et l’a mis en contact avec A.Z._. Le prévenu a reçu O._ dans un immeuble à Genève au centre-ville dans une officine qui paraissait sérieuse. Le plaignant a expressément indiqué au prévenu qu’il cherchait un placement absolument sûr et qu’il hésitait entre le remboursement de l'hypothèque et un 3
ème
pilier. Le prévenu lui a alors parlé de la possibilité d'entrer dans un fonds qui était garanti par la Banque Mondiale : l’argent placé ne pouvait être perdu compte tenu de cette garantie. Il lui a également expliqué que les taux d'intérêts n'étaient pas très élevés, parce qu'il existait un pool de banques qui se portaient garantes de ce fonds. A partir de là, dans l’esprit du plaignant, ses fonds étaient investis de façon sûre à 100 %. L’existence d’une pêcherie en Afrique a été évoquée, mais selon le plaignant, l’Ouganda n’a pas été mentionné et cela ne lui a pas posé de problème dans la mesure où les fonds étaient garantis par un pool de banques. A.Z._ a également fait référence à l’Aga Khan, personnalité notoirement connue pour avoir mis sur pied l’un des plus importants réseaux de développement privé au monde dont la mission est d'améliorer les conditions de vie et contribuer au développement économique des pays les plus pauvres. Le prévenu
a passé sous silence le fait que la conserverie de poisson à laquelle l’investissement susmentionné était destiné rencontrait de graves difficultés financières liées à la décision de l’Union Européenne du mois de mars 1999.
Entre le 9 et le 12 avril 1999, convaincu du sérieux de l’opération, O._ a viré un montant total de 80'000 fr. sur le compte n°[...] auprès de l’UBS à Bâle. Une confirmation de réception de fonds a été établie à l’en-tête de H._ SA en date du 12 avril 1999, signée par A.A._.
Malgré plusieurs demandes de remboursement formulées dès 2002, O._ n’a jamais récupéré son placement, dont le montant s’élevait, au 9 juillet 2001, à 90'140 fr., intérêts portés en compte inclus, selon décompte signé par A.A._.
O._ a déposé plainte le 31 août 2007.
4.5
D._ et N._ ont rencontré A.Z._, en novembre 1999, dans les bureaux de la société [...] SA à Genève. Il leur avait été présenté par W._. Un projet leur a été présenté comme étant parrainé par la Banque Mondiale, avec un rendement qui s’élevait de 5.5% à 5.75%. A.Z._ a suggéré un placement décrit comme présentant une parfaite sécurité et des rendements intéressants. Il s'agissait, selon ses indications, d'un prêt à la Banque Mondiale dans le cadre du fond monétaire international (FMI). Le prévenu n'a pas indiqué que le montant de leur prêt était destiné à une conserverie de poisson en Ouganda.
Le 7 décembre 1999, D._ a ordonné le transfert de la somme de 150'000 fr., par le débit de son compte auprès de l’UBS à Genève, en faveur du compte UBS n°[...] dont les coordonnées lui avaient été communiquées par A.Z._. Dans le libellé de leur paiement, les plaignants ont mentionné la référence "BQUE mondiale". Une confirmation de ce versement datée du 9 décembre 1999 et signée par A.A._ a été remise à D._ et N._. La confirmation était établie à l'en-tête de S._ Ltd et les plaignants ne s'en sont pas méfiés dans la mesure où il s'agissait d'une Sàrl de droit anglo-saxon établie à Londres dont ils pensaient que le rôle était de servir d'intermédiaire à l'acheminement des fonds auprès de la Banque Mondiale. A cet égard, A.Z._ leur a expliqué que les fonds étaient regroupés dans la société S._ Ltd.
Les époux D._ et N._ ont appris l’existence d’une pêcherie bien plus tard, soit en 2002. Aux débats de première instance, les plaignants ont encore précisé que le placement a été présenté comme étant net d’impôt. A.Z._ leur a expressément affirmé que le capital investi serait de toute façon retourné, qu'il était garanti car il s'agissait d'un prêt à la Banque Mondiale. Les plaignants ont également demandé pourquoi ce fonds de placement n'était pas ouvert au public. On leur a répondu que c'était pour ne pas discréditer l'institution. Il s’agissait d’une possibilité exceptionnelle.
Les plaignants ont reçu en date du 9 juillet 2001 un dernier relevé des intérêts portés en compte de leur investissement, mentionnant un montant total de 163'551 fr., puis, le 3 octobre 2001, un courrier de A.Z._ leur indiquant que leur interlocuteur était désormais A.A._, à Therwil. Par courrier du 19 décembre 2001 à l’en-tête de S._ Ltd à Londres et signé par A.A._, D._ et N._ ont été avisés que le programme d’investissement était interrompu et que la prochaine échéance d’intérêts était arrêtée au 30 mars 2002. Par lettre du 21 juin 2004, les plaignants ont demandé le remboursement de leur investissement, intérêts compris, à hauteur de
163'551 francs. Ils n’ont rien pu récupérer de ce montant.
D._ et N._ ont déposé plainte le 23 novembre 2006.
4.6
Dans le courant de l’année 2000, sur incitation de W._, U._ a rencontré à Genève A.Z._, qui l’a convaincu d’investir dans la société S._ Ltd les fonds qu’il venait de recevoir de sa caisse de retraite. A.Z._ a expliqué à U._ qu’il s’agissait d’investissements sûrs, garantis par la Banque Mondiale et rémunérés au taux de 5.5 %. Le prévenu a évoqué le fait que les fonds devaient être investis dans une conserverie de poisson, mais il n’a pas indiqué que c'était en Ouganda, dans une usine qui rencontrait de graves difficultés financières liées à la décision de l’Union Européenne du mois de mars 1999 et qui se trouvait en liquidation depuis le mois de mai 2000. Le projet devait se dérouler sous l'égide de la Banque Mondiale et un retrait en capital était en principe toujours possible à n'importe quel moment.
Dans ce contexte, U._ a investi la somme totale de
165'000 fr. de la façon suivante:
Le 8 février 2000, sur instruction de A.Z._, il a fait virer la somme de 100'000 fr. sur le compte n°[...], sous-compte n°[...], ouvert auprès de l’UBS à Bâle. Une confirmation de ce virement a été établie sur un document à l’en-tête de S._ Ltd, daté du même jour et signé par B.A._, sur ordre de son époux A.A._.
Le 19 juin 2000, toujours sur instruction de A.Z._, U._ a fait virer la somme de 65'000 fr. sur le compte n°[...] au nom de la société GNI Ltd auprès de la First National Bank of Chicago à Londres. Une confirmation de ce paiement a été établie sur document à en-tête de S._ Ltd, daté du même jour et signé par A.A._.
Malgré plusieurs demandes de remboursement, dont une première en date du 12 octobre 2002, U._ n’a rien pu récupérer. Il a déposé plainte le 15 juin 2006.
4.7
Entre le 25 février 1992 et le 14 mai 2003, feu [...] a confié un montant total de 1'040'000 fr. à A.Z._, dont 865'000 fr. devaient être investis dans la société H._ SA. La part de ces investissements remise à A.Z._ après la décision de l’Union Européenne en début 1999 s’élève à 90'000 francs. A.Z._ n'a pas informé B.B._ des difficultés financières de l'usine en Ouganda dès mars 1999 et de la mise en liquidation de celle-ci dès mai 2000.
Ni feu [...] ni ses héritières n’ont pu obtenir le remboursement, même partiel, de ces placements. A.B._, K._ et V._, respectivement veuve et filles de feu [...] se sont portées parties civiles le 3 décembre 2003.
5.
En conclusion, les investisseurs cherchaient un placement sûr qui pouvait leur procurer un taux d’intérêt légèrement supérieur à celui du marché et ils souhaitaient tous préserver leur capital avec, cas échéant, une possibilité de le retirer à plus ou moins brève échéance. Aux yeux de ces derniers, le prêt ou l’investissement devait être géré par la Banque Mondiale ou dans un projet parrainé par celle-ci, voire affecté dans une société encore active, avec des perspectives de bénéfices et non à une compagnie se trouvant en état de surendettement, sans production et bientôt sous le coup d'une liquidation. Les investisseurs n’ont jamais reçu d'information complète sur la réalité du projet de poissonnerie ou sur la destination finale et effective des fonds, tant W._ que A.Z._ mettant en avant la sécurité institutionnelle de l’investissement. Aucun des investisseurs n’a donné son accord exprès ou tacite pour que ses fonds soient utilisés pour le remboursement d’autres investisseurs. La situation réelle du projet ou de la pêcherie a soigneusement été cachée aux investisseurs qui n’avaient aucune conscience en particulier du fait que Q._ Ltd était en difficulté majeure dès 1999 et en liquidation depuis 2000.
D.
Le 8 mars 2012, le Président de la Cour de céans a rejeté les requêtes de A.Z._ et A.A._ tendant à la mise en œuvre d'une nouvelle expertise financière. Le 2 mai 2012, il a informé les parties qu'il n'entendait pas revenir sur sa décision.
Aux débats d'appel, ni A.Z._, ni A.A._, ni G._ SA, qui avait dans l'intervalle aussi requis la mise en œuvre d'une expertise financière, n'ont réitéré leur requête. | En droit :
1.
1.1
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la notification du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit.
La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP). L'appel joint doit, quant à lui, être interjeté dans un délai de vingt jours dès la réception de la déclaration d'appel (art. 400 al. 3 CPP).
Aux termes de l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci. S'agissant plus particulièrement de la partie plaignante, sa qualité pour recourir n'existe pas uniquement par rapport à la question civile; au pénal, elle est cependant limitée, la partie plaignante ne pouvant pas recourir sur la question de la peine ou de la mesure (al. 2). La sanction prononcée relève en effet des prérogatives du seul ministère public et elle n'influe généralement pas sur le sort des prétentions civiles. La partie plaignante est ainsi admise à recourir contre un jugement pénal en particulier sur la culpabilité qui peut constituer, le cas échéant, un élément déterminant pour l'appréciation de ses prétentions civiles. La partie plaignante n'est en effet pas tenue de faire valoir ces dernières dans le procès pénal et peut agir dans un procès civil séparé; elle a dès lors un intérêt à pouvoir recourir, au pénal, sur la question de la faute (Calame, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 11 ad art. 382 CPP).
1.2
En l'espèce, interjetés
dans les formes et délais légaux par des parties ayant la qualité pour le faire (art. 381 al. 1 et 382 al. 1 CPP) et contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels d'A.A._, A.Z._ et G._ SA, ainsi que les appels joints d'I._, E.H._ et F.H._ sont recevables. Il convient d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
3. Appel d'A.A._
3.1
L'appelant estime qu'il ne s'est pas rendu coupable d'escroquerie et d'abus de confiance. Il soutient n'avoir joué aucun rôle prépondérant dans la récolte des fonds investis dans le projet Q._ Ltd, cette dernière étant du ressort de A.Z._ uniquement. Il nie l'existence d'un projet commun entre lui et son co-prévenu et avoir eu une quelconque intention délictuelle. Il soutient également que les plaignants n'ont pas pris les mesures élémentaires de prudence.
3.2
Selon la doctrine, l'auteur direct est celui qui réalise lui-même et en sa seule personne tous les éléments constitutifs de l'infraction (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 6 ad art. remarques préliminaires aux art. 24 à 27 CP et les références citées). Est un coauteur celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d'autres personnes à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux; il faut que, d'après les circonstances du cas concret, la contribution du coauteur apparaisse essentielle à l'exécution de l'infraction. La seule volonté quant à l'acte ne suffit pas; il n'est toutefois pas nécessaire que le coauteur ait effectivement participé à l'exécution de l'acte ou qu'il ait pu l'influencer. La coactivité suppose une décision commune, qui ne doit cependant pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d'actes concluants, le dol éventuel quant au résultat étant suffisant. Il n'est pas nécessaire que le coauteur participe à la conception du projet; il peut y adhérer ultérieurement. Il n'est pas non plus nécessaire que l'acte soit prémédité; le coauteur peut s'y associer en cours d'exécution. Ce qui est déterminant c'est que le coauteur se soit associé à la décision dont est issue l'infraction ou à la réalisation de cette dernière, dans des conditions ou dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal (ATF 130 IV 58 c. 9.2.1, JT 2004 I 486;
ATF 120 IV 136
c. 2b; ATF 120 IV 265 c. 2c/aa et les arrêts cités).
3.2.1
En l'espèce, il ressort du dossier un certain nombre d'éléments attestant que le rôle d'A.A._ a été bien plus important qu'il ne tente de le soutenir. Le prévenu a par exemple lui-même évoqué une forme d'association avec A.Z._ (jgt., p. 137, PV audition 8). Les prévenus avaient convenu de modalités en ce qui concerne le paiement des intérêts (jgt., p. 137, PV audition 8, p. 2). Le prévenu était présenté par A.Z._ comme étant son associé (jgt., p. 138, PV audition 4). Ensuite, c'est A.A._ qui a signé toutes les confirmations de réception de fonds, alors même que la société Q._ Ltd faisait face à des difficultés insurmontables et que H._ SA était dans une situation financière limite. En signant ces documents, il s'était engagé à verser un taux d'intérêts qu'il ne pouvait pas assumer, ce qu'il savait ou devait savoir à tout le moins au vu des comptes de ses sociétés qu'il était le seul à maîtriser. De plus, il savait également que des confirmations de comptes étaient établies aux investisseurs bien que les fonds desdits investisseurs ne soient en réalité jamais entrés sur un compte de la société S._ Ltd ou H._ SA (jgt., p. 138, PV audition du 22.12.2005, Q. 83). En sa qualité d'administrateur unique, le prévenu avait en outre seul le pouvoir matériel et juridique de disposer des fonds que les clients avaient transférés à sa société (jgt., p. 139). Enfin, il a caché l'existence de la liquidation de Q._ Ltd aux investisseurs qui demandaient le remboursement de leurs fonds et leur a promis une reprise des activités alors que la liquidation avait été prononcée (jgt., p. 140).
Dès lors, si A.A._ n'a effectivement pas eu ou peu eu de contacts directs avec les investisseurs, il a toutefois collaboré de façon essentielle à l'exécution des opérations financières. En effet, il était le titulaire des comptes bancaires sur lesquels l'argent était versé, il fixait les intérêts et il signait les confirmations de réception de fonds. Le jugement de première instance est complet et précis quant au rôle d'A.A._ (cf. jgt., pp. 135 à 141) et doit être confirmé sur ce point.
3.2.2
La décision commune découle, dans le cas d'espèce, d'actes concluants, soit de la manière dont les prévenus se sont associés et se sont organisés pour atteindre un but commun.
A.Z._ entrait en contact avec les investisseurs pour les convaincre de placer leur argent dans l'affaire; il indiquait les comptes bancaires sur lesquels l'argent devait être viré et c'est lui encore qui versait les intérêts. Quant à A.A._, il a proposé à A.Z._ de trouver des investisseurs et c'est lui qui gérait H._ SA en qualité d'administrateur à la période des faits incriminés. Il avait la signature sur les principaux comptes et il signait les confirmations de réception de fonds, éléments essentiels et indispensables aux opérations. Tant A.Z._ qu'A.A._ avaient connaissance de l'interdiction d'importer du poisson en provenance du Lac Victoria décrétée par l'Union européenne en mars 1999 et ils ont toutefois continué à proposer des placements dans ce projet en cachant la vérité aux investisseurs. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que les prévenus s'étaient associés dans le but d'obtenir un profit de l'exploitation de l'usine de poissons (jgt., p. 142).
3.2.3
La décision commune ressort également de la façon dont les prévenus ont géré l'affectation des fonds investis dans le projet Q._ Ltd.
De manière générale, les prévenus contestent que la façon dont ils ont affecté les fonds soit constitutive d'une infraction pénale. A cet égard, ils ont soutenu que le mode d'investissement employé n'était pas problématique dans la mesure où il convenait d'avoir une approche globale.
Ainsi, dans la conception des prévenus, les fonds versés par les plaignants n'ont pas été prélevés par les organes des sociétés à leur profit. Ils ont été investis directement dans Q._ Ltd, soit pour remplacer des investisseurs dont la contribution initiale avait été investie dans l'usine de poissons, soit pour payer des intérêts : l'entier des fonds versés aurait été donc économiquement affecté au projet industriel et commercial de Q._ Ltd. Selon A.A._, l'objectif était que H._ SA n'ait pas d'engagement supplémentaire : si un investisseur augmentait sa part d'investissement, il fallait que celui d'un autre investisseur diminue. Selon une approche globale de l'ensemble du projet ou dans le contexte de la gestion de l'ensemble du groupe industriel et commercial, si des investissements ont été affectés au service de la dette, ils l'ont été au bénéfice de Q._ Ltd. En cours d'instruction, A.A._ a déclaré : "
Je peux cependant confirmer que j'établissais
parfois des confirmations de compte à des investisseurs malgré que les fonds desdits investisseurs ne soient jamais réellement entrés sur un compte de la société S._ Ltd. Je le savais déjà, lorsque j'établissais les confirmations de compte aux investisseurs
correspondants.
Pour moi, A.Z._ était le gestionnaire de portefeuille avec de nombreux clients. Il me donnait les instructions. Dans mon esprit, les confirmations de compte que
j'établissais pour les investisseurs signifiaient que la société S._ Ltd
confirmait aux investisseurs qu'elle leur devait des fonds. À mon sens, mes
confirmations de compte avaient la fonction d'une reconnaissance de dette. Par cela, je ne voulais pas affirmer que des fonds arrivaient réellement sur un compte de la société
S._ Ltd." (jgt., pp. 143-144, P. 15, PV audition 22.12.2005).
Quant à lui, A.Z._ a indiqué, s'agissant des paiements effectués via ses comptes omnibus, qu'il payait en réalité lorsque H._ SA avait elle-même du retard dans ses paiements. Certains clients réclamaient immédiatement s'ils n'obtenaient par leurs intérêts dans le délai, ce qui l'a amené, parfois d'abord, et quasi systématiquement plus tard, à payer lui-même, pour son compte, les intérêts, voire des remboursements. L'utilisation du compte GNI évitait un aller et retour inutile d'argent. Selon ses déclarations, son propre investissement auprès de la société augmentait chaque mois des montants remboursés par ses soins qui n'étaient pas couverts par les versements d’A.A._: la différence entre ce qu'il versait aux clients et ce qui lui était remboursé par la société était donc considérée comme un investissement de sa part, l'idée étant de récupérer son capital et les intérêts plus tard. A.Z._ soutient ainsi qu'il ne s'est pas enrichi et qu'il a finalement beaucoup plus payé, et perdu d'argent que n'importe quel investisseur. A.Z._, comme A.A._, a accepté la pratique consistant à verser les investissements non directement à H._ SA. Ainsi, des investissements qui étaient arrivés sur le compte GNI étaient reconnus à titre d'investissements chez H._ SA et n'aboutissaient pas forcément dans les comptes de cette dernière, mais étaient utilisés pour rembourser des intérêts ou des prêts d'investisseurs.
Toutefois, tel que relevé par les premiers juges, le raisonnement des prévenus ne peut être suivi. En effet, les parties plaignantes ont confié leurs avoirs à A.Z._ et à A.A._ pour qu'ils soient investis dans un projet parrainé ou garanti par la Banque Mondiale et d'autres institutions prestigieuses. Par les contrats, oraux, passés avec ces investisseurs, les prévenus acceptaient de placer cet argent, moyennant remise d'un intérêt de 5 à 8%, ainsi que la promesse d'une restitution du capital moyennant préavis. Les fonds confiés aux prévenus étaient soit mélangés sur le compte omnibus GNI de A.Z._ aux avoirs propres de celui-ci, aux avoirs d'autres investisseurs tiers ou aux avoirs d'autres investisseurs Q._ Ltd, soit mélangés à ceux des autres investisseurs H._ SA sur les comptes de la société ou de S._ Ltd. Les prévenus ne tenaient aucune comptabilité séparée de l'évolution des investissements effectués pour les comptes des plaignants, ni de l'affectation précise attribuée à chaque versement. A.Z._ se limitait pour chaque investisseur à établir un relevé indiquant le montant des valeurs confiées et la quotité des intérêts dus en théorie à teneur de chaque contrat. En réalité, les sommes confiées ont été utilisées par les prévenus pour rembourser d'autres investisseurs, pour payer les intérêts promis à d'autres, mais ont également abouti sur des comptes privés des prévenus ou pour une partie, et avant 1999, affectées à des charges de l'usine Q._ Ltd (jgt., p. 145).
Ainsi, les prévenus ont bel et bien accepté des fonds et plutôt que d'indiquer qu'ils n'étaient pas en mesure de rembourser en raison de la situation de Q._ Ltd, ils ont choisi de se servir de fonds confiés par de nouveaux investisseurs pour rembourser les anciens. Il est évident qu'aucun des investisseurs en cause ou des parties plaignantes n'a donné son accord à une telle affectation : ils cherchaient un placement sûr, procurant un rendement légèrement supérieur à celui du marché
(jgt., p. 145). A.A._ l'a lui-même dit : "Comme les autres investisseurs, I._ a investi pour obtenir des bénéfices" (Dossier F, PV audition 4) ou "Je n'ai appris l'existence de cette pratique que lorsque j'ai vu à côté des décomptes que A.Z._ m'envoyait, des instructions selon lesquelles je devais verser certaines sommes à certains prêteurs. Je connaissais bien cette pratique mais à l'époque cela ne m'a pas choqué, notamment parce que tout allait bien. Pour vous répondre, il est vrai que les gens nous versaient l'argent pour que les fonds soient utilisés dans l'affaire de conserverie en Ouganda. Avec le recul je m'en rends compte, mais à l'époque je n'y ai pas pensé" (Dossier principal, PV audition 8). A.Z._ a aussi confirmé l'évidence et le processus : "au début c'était l'exploitation qui devait permettre le remboursement aux investisseurs. Cependant comme l'exploitation tournait mal, il est vrai que certains investissements ont servi à rembourser des investissements précédents" (PV audition du 7.12.2005, P. 8, onglet Pièces d’exécution CR, p. 12).
En définitive, les plaignants cherchaient un placement sûr, ce que les deux prévenus savaient. L'affectation était convenue : il s'agissait du financement d'un projet soutenu par la Banque Mondiale et non de permettre à H._ SA de "boucher les trous" que laissaient ceux qui ont eu l'inspiration de demander le remboursement de leurs biens avant que le système ne s'écroule quand les sommes procurées par les nouveaux entrants n'ont plus suffi à couvrir les rémunérations des autres.
3.2.4
Au vu de ce qui précède, A.A._ a joué un rôle de premier ordre dans le cadre de l'opération financière en cause et il s'est associé à A.Z._ dans une mesure qui le fait apparaître comme auteur au même titre que ce dernier. Pour forger leur conviction, les premiers juges ont tenu compte de tous les témoignages et tous les moyens de preuves au dossier et ont expliqué de façon complète et détaillée pourquoi ils ne pouvaient suivre la thèse du prévenu. Il convient de confirmer le jugement de première instance dans son intégralité en ce qui concerne le rôle tenu par l'appelant et l'association des prévenus (cf. jgt., pp. 135-142).
3.3
A.A._ conteste s'être rendu coupable d'une infraction pénale, faute d'intention délictuelle.
D'emblée, il faut relever que l'acte d'accusation distingue deux périodes, soit celle constituée des investissements effectués avant 1999, et celle constituée des investissements effectués après 1999. Durant la première période, une partie des fonds a été utilisée effectivement pour l'usine en Ouganda et a été affectée à son exploitation, une autre servant à rembourser d'autres investisseurs. Après l'interdiction d'importation de poissons décrétée par l'Union Européenne en mars 1999, tout argent investi a été détourné de son but, les prévenus ayant en outre dû user de tromperie pour recruter de nouveaux investisseurs.
3.3.1
Commet un abus de confiance celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, se sera approprié une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui avait été confiée (art. 138 ch. 1 al. 1 CP) ou celui qui, sans droit et dans le même dessein, aura employé à son profit ou au profit d'un tiers des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées (art. 138 ch. 1 al. 2 CP).
3.3.1.1
L'abus de confiance est une infraction intentionnelle et le dol éventuel suffit. L'intention fait défaut si l'auteur dispose des valeurs patrimoniales confiées à d'autres fins que celles convenues, mais qu'il est cependant capable et décidé de représenter l'équivalent des valeurs utilisées (ATF 126 IV 216; ATF 120 IV 276; B. Corboz., Les infractions en droit suisse, Volume 1, Berne 2010, n. 25 ad art. 138 CP). Cette volonté et cette capacité doivent toutefois être présentes en tout temps et elle ne saurait dépendre de l'intervention d'un tiers, ou encore moins d'un événement aléatoire (ATF 118IV 29; TF 6S.399/2004 du 24 mars 2005 c. 6.3; B. Corboz, op. cit, n. 25 ad art. 138 CP). L'auteur doit agir dans un dessein d'enrichissement illégitime, qui peut aussi être réalisé par dol éventuel (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 45 ad art. 138 CP et la jurisprudence citée).
3.3.1.2
En l'occurrence, les fonds confiés l'ont été pour une affectation convenue, soit le financement d'un projet soutenu par la Banque Mondiale. Or, contrairement à ce qui a été convenu, les prévenus ont utilisé tous les fonds investis dès mars 1999 et une partie des fonds investis avant cette date pour rembourser d'autres investisseurs ou pour verser des intérêts.
Subjectivement, la capacité ou la volonté de représenter l'équivalent des valeurs utilisées n'a jamais été réalisée. En effet, au moment où les prévenus ont disposé, sans droit, des montants confiés par les lésés, H._ SA et l'usine ougandaise étaient déjà dans des situations financières délicates. Comme l'a relevé l'analyste comptable aux débats de première instance et d'appel, elles ne disposaient plus, sur les divers comptes, des liquidités nécessaires à compenser l'utilisation indue des valeurs reçues de ses clients. Les prévenus n'ont par ailleurs jamais pu répondre aux demandes de remboursements des investisseurs et, par leur comportement, ils ont démontré qu'ils n'entendaient nullement le faire puisqu'ils ont encore recherché des fonds bien après la liquidation de la société pour poursuivre par exemple les procédures judiciaires entamées en Afrique (jgt., p. 164, PV d'audience p. 58 ou 63). Dès lors, comme relevé à juste titre par les premiers juges, les prévenus n'étaient ni capables, ni déterminés à représenter à tout moment – ou à tout le moins aux échéances convenues – la contre-valeur des montants dont ils avaient disposé sans droit. Le sachant et le voulant, les prévenus ont disposé sans droit des valeurs patrimoniales confiées en vue d'investissement pour acquitter des dettes contractées auprès des investisseurs précédents, de même que pour vraisemblablement assumer une part de dépenses personnelles. Et, même si les prévenus avaient sérieusement espéré que l'usine ougandaise prenne son essor économique, ce qui aurait pu permettre un jour de reconstituer le patrimoine confié par les divers investisseurs, ils ne pouvaient en avoir la certitude ni ignorer le risque que cet espoir ne se réalise pas (jgt., p. 164).
3.3.2
Aux termes de l'art. 146 CP, se rend coupable d'escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.
3.3.2.1
L'escroquerie consiste ainsi à tromper la dupe par des affirmations fallacieuses, par la dissimulation de faits vrais ou par un comportement qui la conforte dans son erreur. Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit cependant pas. Il faut qu'elle soit astucieuse. Le juge pénal n'a pas à accorder sa protection à celui qui est tombé dans un piège qu'un peu d'attention et de réflexion lui aurait permis d'éviter. Selon la jurisprudence, la tromperie est astucieuse lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manoeuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification est impossible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (
ATF 128 IV 18
c. 3a). Celui qui promet une prestation sans avoir l'intention de l'exécuter agit astucieusement parce qu'en promettant, il donne le change sur ses véritables intentions, ce que la dupe est dans l'impossibilité de vérifier (
ATF 118 IV 359
c. 2).
Du point de vue subjectif, l'escroquerie est une infraction intentionnelle, l'intention devant porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction. L'auteur doit donc avoir agi intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement illégitime, un résultat correspondant n'étant cependant pas une condition de l'infraction (ATF 122 IV 422; ATF 119 IV 210 c. 4b).
3.3.2.2
En l'espèce, dès mars 1999, les fonds investis n'ont jamais bénéficié à l'usine en Ouganda. Les prévenus savaient d'emblée que les valeurs investies recevraient une destination autre que celle convenue entre les parties et ont malgré tout continuer à chercher des fonds alors même que Q._ Ltd avait des problèmes de liquidités, avait réduit au minimum son exploitation, puis avait été mise en liquidation. Il existait une relation de confiance entre A.Z._ et les différents investisseurs. Le prévenu mettait en avant le caractère sérieux de l'investissement en indiquant que des institutions importantes y participaient. Des intérêts ont parfois été servis aux investisseurs les convainquant du sérieux de l'affaire. Les prévenus se sont bien gardés d'indiquer aux plaignants qu'en 1997 la situation financière de H._ SA et de l'usine Q._ Ltd était mauvaise. Dès 1999, la situation s'est aggravée et des fonds ont toutefois été recueillis sans informer les investisseurs de la réalité économique du projet. Quant à elles, les parties plaignantes ne connaissaient rien aux questions économiques et financières et avaient confiance en A.Z._. En trompant les investisseurs, les prévenus les ont amenés à accomplir des actes préjudiciables à leurs intérêts, dès lors que ceux-ci leur ont remis de l'argent en croyant qu'ils allaient le faire fructifier. Les prévenus n'ont jamais été en mesure de restituer ces fonds et les dupes ont bien subi un dommage (cf.jgt., pp. 152-158).
Subjectivement, les prévenus savaient ou devaient savoir que les investissements effectués l'étaient à perte pour les parties plaignantes et qu'ils ne seraient jamais en mesure de fournir la prestation promise. L'argent remis a servi à rembourser des dettes de la société et donc assainir sa situation financière. De plus, les prévenus ont oeuvré dans un dessein d'enrichissement illégitime, puisqu'ils ont utilisé l'argent obtenu frauduleusement en particulier pour éteindre les dettes de la société H._ SA et vraisemblablement aussi pour leur usage personnel. Les prévenus ont menti aux investisseurs pour les amener à entrer dans le projet et, par ce biais, investir dans une affaire en 1999 vouée à la perte (jgt., p. 158). Le système ne pouvait pas fonctionner sans bénéfice réel de l'usine; or celle-ci, ayant cessé toute activité, n'en produisait aucun.
De manière plus générale, les prévenus ne pouvaient ignorer que chaque investissement dans le projet Q._ Ltd ou H._ SA était une affaire risquée, hasardeuse et dangereuse du point de vue financier. Cela était vraisemblablement le cas dès les premiers troubles ou le premier embargo en 1997, cela a été indiscutablement le cas dès le 30 mars 1999 au moment où l'Europe a édicté une deuxième interdiction. Par ailleurs, le projet était par essence périlleux et risqué, l'Ouganda étant un pays qui a été soumis à une dictature sanguinaire jusqu'en 1979, suivi de guerres civiles, coups d'état et rebellions. Si un semblant de stabilité après la fin de la dictature a paru favoriser la venue d'investisseurs et de projets de développement, il n'en demeure pas moins que de telles opérations, dans un tel contexte géopolitique, représentent notoirement un risque majeur, ce que les prévenus, spécialistes en finance, ne pouvaient ignorer.
3.4
A.A._ soutient finalement que les plaignants n'ont pas fait preuve de la diligence suffisante.
3.4.1
L'astuce n'est pas réalisée si la victime pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait escroquerie, que la dupe ait fait preuve de la plus grande diligence et qu'elle ait recouru à toutes les mesures de prudence possibles. La question n'est donc pas de savoir si elle a fait tout ce qu'elle pouvait pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que lorsque la dupe est coresponsable du dommage parce qu'elle n'a pas observé les mesures de prudence élémentaires qui commandaient les circonstances (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, op. cit., n. 17 ad art. 146 CP et la jurisprudence citée). Pour apprécier si l'auteur a usé d'astuce ou si la dupe a omis de prendre des mesures de prudence élémentaires, il ne suffit pas de se demander comment une personne raisonnable et expérimentée aurait réagi à la tromperie; il faut, au contraire prendre en considération la situation particulière de la dupe, telle que l'auteur la connaît et l'exploite, par exemple une faiblesse d'esprit, l'inexpérience ou la sénilité, mais aussi un état de dépendance, d'infériorité ou de détresse faisant que la dupe n'est guère en mesure de se méfier de l'auteur. L'exploitation de semblables situations constitue précisément l'une des caractéristiques de l'astuce (ATF 120 IV 186 c. 1a).
Une tromperie portant sur la volonté d'exécuter un contrat est susceptible d'être astucieuse, dans la mesure où la vérification de la capacité et volonté d'exécution ne peut être exigée de la dupe. Si l'on ne peut certes exiger de la dupe une vérification de la volonté qui, par définition est interne, celle-ci doit néanmoins procéder à des vérifications quant à la capacité de l'auteur d'exécuter le contrat convenu, l'absence de volonté pouvant également être déduite du fait que, par le passé déjà, l'escroc, n'avait pas tenu ses engagements (Dupuis et al., op. cit., n. 15 ad art. 146 CP; ATF 118 IV 359, JT 1994 IV 172).
3.4.2
Les premiers juges ont considéré à juste titre que les plaignants n'avaient pas fait preuve de légèreté et qu'on ne saurait leur reprocher de ne pas avoir procédé à de plus amples vérifications. En effet, il existait un rapport de confiance entre les investisseurs et A.Z._ et le projet apparaissait comme une opération sérieuse et garantie par des entités importantes telle que la Banque Mondiale. Les plaignants n'avaient aucun moyen de contrôler l'état financier réel d'une usine en Afrique dont, pour certains, ils ignoraient jusqu'à l'existence. De plus, les prévenus avaient mis en place une structure financière opaque, comprenant la société H._ SA, société écran visant à donner confiance aux investisseurs suisses, dont la plupart des fonds étaient ensuite transférés sur le compte d'une société tierce, S._ Ltd, basée aux Iles Vierges. Les plaignants étaient par ailleurs inexpérimentés, pour certains âgés, et pas en mesure de se méfier de A.Z._ puisqu'il leur avait été présenté par W._, qui bénéficiait de toute la confiance qu'un travail de fiduciaire implique. Les prévenus ont caché la véritable affectation des fonds faite en violation des instructions et représentations des prêteurs. Ces derniers n'avaient aucun moyen de vérifier la volonté interne des prévenus, ni la possibilité de mieux s'assurer du respect des engagements contractuels des prévenus. Enfin, en attestant de la réception des fonds, en versant pendant un certain temps des intérêts grâce aux fonds d'autres investisseurs ou en les comptabilisant dans des relevés, les prévenus ont rendu leur véritable intention d'autant moins reconnaissable.
3.4.3
En conséquence, au regard de leur situation et des procédés utilisés par les prévenus, on n'est pas en mesure de reprocher aux plaignants de ne pas avoir procédé à de plus amples vérifications.
3.5
Compte tenu de ce qui précède, les conditions objectives et subjectives de punissabilité imposées par les art. 138 et 146 CP sont réalisées.
L'appel formé par A.A._, mal fondé, doit être rejeté.
4. Appel de A.Z._
4.1
L'appelant soutient qu'une nouvelle expertise financière aurait permis de démontrer qu'il n'était pas associé à A.A._ et qu'il ne s'est pas enrichi. Il estime ne s'être rendu coupable d'aucune infraction pénale et soutient que les plaignants ont agi avec légèreté en toute connaissance de l'investissement en question et de ses risques.
4.2
4.2.1
A.Z._ estime que l'expertise financière figurant au dossier part du postulat initial erroné que les deux prévenus formaient une sorte de société simple. Il convient d'emblée de relever que la confusion des rôles dont fait état l'appelant est établie par l'incrimination pénale et non pas par l'expertise, la coaction étant en effet une question de droit.
L'argument de l'appelant est infondé et doit être rejeté.
4.2.2
L'appelant soutient encore qu'une nouvelle expertise financière permettrait de constater qu'il ne s'est pas enrichi. L'enrichissement est le fait de se procurer un avantage illicite pour soi-même ou pour un tiers. Cette définition est identique à l'art. 138 CP et à l'art. 146 CP. Dans le cas d'espèce, par des manœuvres astucieuses et, avant 1999 par le détournement de fonds confiés par les investisseurs, les prévenus se sont appropriés plusieurs centaines milliers de francs, pour mener à bien un projet qu'ils savaient être voué à l'échec. A cet égard, que A.Z._ se soit personnellement enrichi ou non n'est pas déterminant dès l'instant où il savait que les investissements pour l'usine de poissonnerie étaient à perte. Les premiers juges ont d'ailleurs relevé que les prévenus ne s'étaient vraisemblablement pas enrichis dans une mesure importante au vu du montant total du préjudice subi par les plaignants (jgt., p. 176).
L'argument de l'appelant, infondé, doit être rejeté.
4.3
A.Z._, comme A.A._, tente de minimiser son rôle et sa responsabilité, notamment en soutenant qu'il ne s'est pas associé à A.A._ et qu'il ne connaissait pas la situation réelle du projet puisqu'il n'était pas régulièrement renseigné à ce sujet.
4.3.1
En l'occurrence, A.A._ a toujours affirmé avoir régulièrement renseigné A.Z._ sur la situation réelle de l'exploitation (jgt., p. 117, P. 15,
PV audition du 29 décembre 2005, Q 34, PV d'audience p. 40). Le prévenu était un homme d'affaire avisé, qui avait toute l'expérience nécessaire en matière financière et en matière de placement. Ses déclarations en cours d'instruction permettent aussi de retenir que, dès mars 1999 à tout le moins, il était informé des difficultés de Q._ Ltd (cf. jgt., pp. 118-119 et les PV d'audition cités). En outre, A.Z._ était parfaitement conscient que l'usine était exploitée dans un pays en voie de développement, ce qui est en soi une opération risquée. A cet égard, il a dû renoncer en 1998 à visiter les installations en raison d'émeutes.
Les arguments avancés par l'appelant pour attester de sa bonne foi et du fait qu'il croyait au projet et qu'il n'était donc pas informé de ce qui se passait ne sont pas convaincants. En effet, A.Z._ a soutenu avoir versé un investissement de 250'000 USD en 2001 alors que ni l'instruction, ni les débats n'ont permis de déterminer le montant exact des fonds qu'il aurait investis réellement sur ses propres deniers (jgt., pp. 119-121). Il aurait également versé des intérêts après la cessation d'activité alors qu'on ignore ce qui, dans ses paiements, provient de fonds personnels, de fonds de sa clientèle privée ou de fonds d'investisseurs lésés affectés par le prévenu à H._ SA en échange d'une augmentation de sa participation (jgt., p. 121). Enfin, le prévenu a mis en avant un fax qu'A.A._ lui a adressé le 10 octobre 2001 (P. 184/3) dans lequel l'usine est présentée en des termes positifs. Il a soutenu que cela démontrait qu'à cette époque il n'était pas informé des difficultés et de la faillite. Or, tel que retenu à juste titre par les premiers juges, ce document est un projet manifestement destiné à rassurer un investisseur. Des textes similaires ont été retrouvés dans le dossier et une lettre d'A.A._ à A.Z._ en octobre 2002 permet de penser que les prévenus ont dû se préparer à faire face à des demandes d'explications (jgt., p. 121).
4.3.2
Au vu de ce qui précède, il ne fait aucun doute que le prévenu était parfaitement informé de la situation réelle de l'usine en Ouganda. Le raisonnement des premiers juges repose sur une saine appréciation des preuves et doit être confirmé (jgt., pp. 116-121).
4.4
A.Z._ soutient ne s'être jamais associé à A.A._ et n'avoir eu qu'un rôle secondaire, soit celui d'un simple conseiller financier.
4.4.1
Tel que relevé sous chiffre 3.2 ci-dessus auquel il convient de se référer intégralement, il ne fait aucun doute que les fonds récoltés l'ont été sur la base d'une décision commune. Les prévenus se sont associés dans des conditions ou dans une mesure qui les fait apparaître comme tous deux des auteurs.
4.4.2
Contrairement à ce que tente de soutenir A.Z._, son rôle n'a pas été celui d'un simple conseiller financier, voire même d'un intermédiaire
(cf. jgt., p. 122
in fine
). Il s'est défendu d'avoir entraîné les plaignants dans un investissement hasardeux et a soutenu que selon lui, dans son esprit, le projet était sûr et qu'il avait reçu des informations positives à ce sujet (jgt., p. 123). Il soutient également avoir toujours mentionné aux investisseurs que les fonds allaient être investis dans une poissonnerie en Ouganda.
Tel que retenu dans le jugement entrepris, les déclarations de chacun des plaignants contredisent la version du prévenu et sont convaincantes dans la mesure où elles ont été concordantes tout au long de la procédure. Les différents récits empreints de sincérité comportent de nombreux points communs. Ils décrivent les mêmes propositions, les mêmes descriptions, les mêmes bénéfices promis ou les mêmes garanties formulées par A.Z._ (jgt., p. 132). Il est vrai que certains investisseurs ont entendu parler de l'usine de poissons, mais comme étant le destinataire final d'un prêt dont le principal protagoniste et garant était la Banque Mondiale. Cette dernière était mise en avant par le prévenu comme un gage de sécurité et une caution. D'ailleurs, les plaignants D._ et N._ ont mentionné comme référence sur leur versement "BQUE MONDIALE" (Dossier C, P. 5/1/5), ce qui démontre bien l'erreur dans laquelle se trouvaient les investisseurs (jgt., p. 132), volontairement induite par les appelants.
Les premiers juges ont également mis en avant le profil des investisseurs. L'argent confié à A.A._ et A.Z._ était les économies d'une vie, un fond de retraite, le carnet d'épargne d'un enfant ou une somme destinée à un 3
ème
pilier. Les investisseurs qui ont déposé plainte n'étaient pas expérimentés en matière de finance et cherchaient un placement sûr. Il est évident que si elles avaient été informées de la vraie destination de l'investissement, de la situation économique du projet, des mesures restrictives imposées par l'Europe, ces personnes n'auraient jamais choisi d'investir. Les plaignants n'ont pas été suffisamment informés et n'ont pas choisi que leur argent serve à rembourser d'autres investisseurs. Cette affirmation est attestée par la présentation que faisait A.Z._ du projet (jgt., p. 133, Dossier B, PV audition 6, p. 2), mais aussi par le fait qu'un plaignant notamment a été informé de l'existence de la poissonnerie par un courrier de l'avocat d'A.A._ en 2002 seulement (jgt., p. 134, Dossier F, P. 4/12).
4.4.3
En procédant à une saine appréciation des preuves, les premiers juges ont retenu à juste titre que A.Z._ s'était associé à A.A._ sur la base d'une décision commune et qu'il était pleinement informé de la réelle situation économique du projet Q._ Ltd (jgt., p. 121).
Mal fondé, l'appel doit être rejeté sur ce point.
4.5
A.Z._ estime qu'il ne s'est rendu coupable d'aucune infraction pénale.
4.5.1
Il soutient que l'infraction d'abus de confiance ne serait pas réalisée au motif que les fonds confiés à H._ SA l'ont été pour être investis sous forme de prêt à Q._ Ltd et qu'ils étaient donc "interchangeables".
4.5.1.1
Commet un abus de confiance celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, se sera approprié une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui avait été confiée (art. 138 ch. a al. 1) ou celui qui, sans droit et dans le même dessein, aura employé à son profit ou au profit d'un tiers des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées (art. 138 ch. 1 al. 2).
Des valeurs patrimoniales sont confiées lorsque l'auteur les reçoit avec l'obligation d'en faire un usage déterminé. L'auteur acquiert un pouvoir de disposition sur ces valeurs, mais doit en faire un usage conforme à la convention conclue avec celui qui les lui a remises. Il y a utilisation "sans droit" aussitôt que l'auteur s'écarte de la destination fixée, soit lorsque l'auteur utilise les valeurs patrimoniales confiées à d'autres fins que celles pour lesquelles il les a reçues (ATF 129 IV 257 c. 2.2.1; ATF
121 IV 23
c. 1c; B. Corboz , op. cit, n. 20-23 ad art. 138 CP).
4.5.1.2
En l'espèce, seule l'hypothèse prévue par l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP est envisageable dans la mesure où les fonds investis ont été mélangés au patrimoine des sociétés H._ SA ou S._ Ltd. Les prévenus ont admis avoir affecté une partie des fonds confiés dans le cadre du projet en Ouganda pour rembourser d'autres investisseurs ou leur servir des intérêts. Il importe donc peu qu'il s'agisse de valeur "interchangeable" comme le soutient l'appelant puisqu'en confiant leur argent, les investisseurs ne le faisaient pas dans le but de "boucher les trous" que laissaient les investisseurs sortants, mais uniquement dans le but de financer un projet soutenu par la Banque Mondiale censé être un placement sûr. Dès le moment où les fonds confiés sont utilisés dans un autre but que celui convenu, le comportement des prévenus entre dans les prévisions de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP.
4.5.1.3
L'abus de confiance est une infraction intentionnelle. Cette condition subjective est réalisée dans le cas d'espèce et il convient de se référer intégralement au chiffre 3.3.2 ci-dessus.
4.5.2
A.Z._ soutient qu'il ne s'est pas rendu coupable d'escroquerie au motif que les plaignants ont été suffisamment informés et n'ont pas fait preuve de la diligence requise.
En l'occurrence, comme on l'a vu au chiffre 4.4.2 ci-dessus, la réalité des faits a été occultée par les prévenus. Les plaignants pensaient investir dans un projet sûr, géré ou parrainé par la Banque Mondiale, non pas dans une société surendettée et sur le point d'être liquidée. En ce qui concerne la diligence des plaignants, il convient de se référer intégralement au chiffre 3.4 ci-dessus et de rejeter l'argument de l'appelant.
4.6
Au vu de ce qui précède, A.Z._ s'est rendu coupable d'abus de confiance et d'escroquerie. Son appel, mal fondé, doit être rejeté.
5. Appel de G._ SA
5.1
L'appelante affirme que les fonds à son nom actuellement séquestrés auprès de la Dresdner Bank à Zurich ne proviennent pas de l'activité délictuelle d'A.A._ et A.Z._. Elle soutient en outre qu'elle a de toute manière acquis les fonds litigieux de bonne foi et qu'une contre-prestation a été fournie.
5.1.1
D'après l'art. 70 CP, le juge doit prononcer la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultats d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits (al. 1). La confiscation n'est pas prononcée lorsqu'un tiers a acquis les valeurs dans l'ignorance des faits qui l'auraient justifiée, et cela dans la mesure où il a fourni une contre-prestation adéquate ou si la confiscation se révèle d'une rigueur excessive (al. 2).
Constitue le produit d'une infraction toute valeur qui apparaît comme la conséquence directe et immédiate de ladite infraction (SJ 2001 I p. 330 c. 3a et 3b). Lorsque le produit original de l'infraction est constitué de valeurs propres à circuler, tels que des billets de banque, et qu'il a été transformé à plusieurs reprises, il reste confiscable aussi longtemps que "sa trace documentaire" (Papierspur, paper trail) peut être reconstituée de manière à établir son lien avec l'infraction (SJ 2001 I p. 330 c. 3b/bb et ATF 129 II 453 c. 4.1).
5.1.2
En l'espèce, l'enquête a démontré que les fonds séquestrés sur le compte auprès de la Dresdner Bank provenaient en partie d'un compte
n°[...] ouvert au nom de A.Z._ auprès de la Banque Cantonale Bâloise et alimenté principalement par des versements d’A.A._ et B.A._. Selon A.Z._, ce compte devait servir à payer des intérêts à l'un des investisseurs de H._ SA, soit M. [...]. Les fonds litigieux avaient ensuite transité par un compte dont A.Z._ est titulaire auprès de la banque précitée, n°[...], ouvert peu après la faillite de Q._ Ltd, également utilisé pour payer des investisseurs selon A.Z._, dont X.H._.
Compte tenu de ce qui précède, la confiscation au sens de l'art. 70 CP des fonds susmentionnés se justifie en raison de leur provenance de l'activité délictueuse des prévenus.
5.1.3
A.Z._ était l'administrateur de G._ SA jusqu'au 12 mai 2009, date de sa liquidation. Dès lors, cette dernière ne peut pas invoquer sa bonne foi pour s'opposer à la confiscation des fonds litigieux. La société ne formait en effet qu'un sur le plan de la connaissance des faits avec le prévenu.
En outre, G._ SA n'a jamais apporté la preuve de l'existence d'une contre-prestation en échange des deux virements de 200'000 fr. qui provenaient du compte bancaire de A.Z._. Pourtant, elle a déjà été interpellée en ce sens par le juge d'instruction en décembre 2009 (P. 9), mais n'a donné aucune suite à ce courrier. S'il est vrai que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation, les intéressés doivent toutefois collaborer dans la mesure où ils doivent au moins fournir les indications que l'on est légitimement en droit d'attendre de leur part afin de déterminer la contre-prestation (Dupuis et al., op. cit., n. 25 ad art. 70 CP). A cet égard, l'appelante pouvait, dans le cadre de son appel, fournir la preuve de l'existence d'une contre-prestation, ce qu'elle n'a pas fait malgré l'interpellation de la Cour de céans aux débats d'appel.
5.2
L'appelante, sans soulever de questions préjudicielles ou incidentes (art. 339 CPP), a requis la mise en œuvre d'une expertise financière afin de reconstituer l'ensemble des flux financiers effectués dans la sphère d'influence de A.Z._ et de démontrer que le montant séquestré auprès de la Dresdner Bank est exclusivement lié à des fonds remis par ses clients.
Dans la mesure où la connexité entre les montants séquestrés et l'infraction est établie, une nouvelle expertise financière apparaît injustifiée. De plus, l'appelante avait la possibilité de produire des documents attestant du contraire et de soulever formellement un incident, ce qu'elle n'a pas fait, démontrant ainsi qu'une nouvelle expertise n'était pas nécessaire à ses yeux.
5.3
Au vu de ce qui précède, il convient de confirmer le séquestre et la confiscation de la somme de 400'000 fr. sur le compte bancaire n°[...] ouvert auprès de la Dresdner Bank à Zurich au nom de la société G._ SA.
L'appel de G._ SA, mal fondé, doit être rejeté.
6. Appel joint d'I._
6.1
L'appelant joint a attaqué le jugement s'agissant de la culpabilité des prévenus, des prétentions civiles et de l'ordonnance de séquestre respectivement des levées des séquestres ordonnées.
6.2
I._ soutient que les prévenus se sont rendus coupable d'abus de confiance également à son égard.
6.2.1
D'après l'art. 398 al. 2 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement. Elle ne peut toutefois porter son examen que sur l'objet du procès déjà jugé par le tribunal de première instance. Elle ne peut ainsi élargir l'accusation à des nouvelles infractions découvertes après coup (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale, op. cit., n. 12 ad art. 398 CPP).
Selon l'art. 350 al. 1 CPP, le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation mais non par l'appréciation juridique qu'en fait le ministère public. A cet égard, le tribunal donne au ministère public la possibilité de modifier l'accusation lorsqu'il estime que les faits exposés dans l'acte d'accusation pourraient réunir les éléments constitutifs d'une autre infraction, mais que l'acte d'accusation ne répond pas aux exigences légales (art. 333 al. 1 CPP). Lorsque le tribunal entend s'écarter de l'appréciation juridique que porte le ministère public sur l'état de fait dans l'acte d'accusation, il en informe les parties présentes et les invite à se prononcer (art. 344 CPP).
6.2.2
En l'espèce, dans son acte d'accusation, le procureur n'avait pas retenu l'abus de confiance en lien avec le plaignant I._ – les conclusions de l'expertise financière ne le permettant pas, l'affectation de son argent n'ayant pu être déterminée. Il avait toutefois retenu, par défaut, la gestion déloyale. Aux débats de première instance, la procédure d'aggravation prévue par l'art. 333 CPP n'a pas été utilisée. Les premiers juges ont dès lors considéré qu'aucune infraction ne pouvait être reprochée aux prévenus en lien avec I._.
L'appelant joint soutient que le devoir d'information de l'art. 344 CPP a été respecté par le dépôt de sa déclaration d'appel joint et que l'infraction d'abus de confiance est réalisée. Or, conformément au principe de la bonne foi, une partie qui a été inactive en première instance ne peut se plaindre en deuxième instance d'un résultat dommageable qu'elle aurait pu prévenir à l'ouverture des premiers débats déjà. Enfin, la juridiction d'appel ne peut porter son examen que sur l'objet du procès déjà jugé par le tribunal de première instance.
6.2.3
En conséquence, lorsqu'il conclut à la condamnation des prévenus pour abus de confiance, l'appel joint d' I._ est irrecevable.
6.3
L'appelant joint estime qu'il a droit au paiement de la somme de
72'000 francs.
Selon l'art. 398 al. 5 CPP, si un appel ne porte que sur les conclusions civiles, la juridiction d'appel n'examine le jugement de première instance que dans la mesure où le droit de procédure civile applicable au for autoriserait l'appel. Cette disposition doit être lue en parallèle avec l'art. 126 CPP, plus particulièrement dans le cas d'espèce avec l'art. 126 al. 1 let. b CPP qui dispose que le tribunal statue également sur les conclusions civiles présentées lorsqu'il acquitte le prévenu et que l'état de fait est suffisamment établi.
Pour I._, le jugement attaqué équivaut à un acquittement des prévenus. Le tribunal a donné acte de ses réserves civiles à l'appelant joint "pour les motifs retenus ci-dessus" (jgt., p. 183), par quoi il faut comprendre l'abandon des poursuites pénales. Il faut donc déterminer si les prévenus ont commis un acte illicite. Pour les investissements antérieurs à mars 1999, l'expertise financière n'a pas permis de retenir un abus de confiance en lien avec ce plaignant, une partie de l'argent récolté par les prévenus ayant été utilisée conformément aux instructions des investisseurs et la destination exacte des fonds d'I._ n'ayant pu être déterminée. Par ailleurs, faute de position de gérant, les prévenus ne se sont pas rendus coupables de gestion déloyale (cf. jgt., pp. 165-167).
Pour le surplus, on pourrait envisager une inexécution fautive du contrat, mais l'état de fait n'est pas suffisamment établi pour statuer sur une faute civile et il n'appartient pas à la Cour de céans de le compléter sur ce point.
6.4
Au vu de ce qui précède, mal fondé, l'appel joint d'I._ doit être rejeté.
7. Appel joint d'E.H._ et de F.H._
7.1
Les appelants joints estiment que les prévenus se sont rendus coupables d'escroquerie, d'abus de confiance et de gestion déloyale et requièrent l'admission de l'entier de leurs conclusions civiles.
7.2
En l'espèce, tel que relevé plus haut, l'ordonnance de renvoi a distingué l'infraction d'escroquerie pour les investissements postérieurs à 1999 (sous chiffre 1.1.2 à 1.1.4 de l'ordonnance de renvoi) et l'accusation d'abus de confiance qui a été retenue lorsque c'était possible pour les faits antérieurs à 1999 (ch. 2 de l'ordonnance de renvoi). L'ordonnance de renvoi retient également l'accusation de gestion déloyale en référence à son chiffre 1, soit pour tous les investissements.
En ce qui concerne les investissements effectués avant 1999 (cf. ch. 1.1.1 et 2.1 de l'ordonnance de renvoi évoquant les mêmes montants investis ainsi que ch. 1.1.4 pour le montant investi en 1997), les appelants joints estiment que les prévenus se sont rendus coupables d'escroquerie, subsidiairement d'abus de confiance, plus subsidiairement de gestion déloyale.
7.2.1
L'infraction d'escroquerie n'étant pas envisagée par l'ordonnance de renvoi pour les investissements effectués en 1997 et l'accusation n'ayant pas été aggravée en ce sens (cf. chiffre 6.2.1 ci-dessus), il n'est pas nécessaire d'examiner si les prévenus se sont rendus coupables d'escroquerie pour ces faits.
Lorsqu'ils concluent à la condamnation des prévenus pour escroquerie pour les investissements effectués en 1997, l'appel joint d'E.H._ et F.H._ est irrecevable.
7.2.2
Les premiers juges ont à juste titre exclu l'application de l'infraction d'abus de confiance en raison du fait que l'affectation des fonds était conforme à la volonté de l'investisseur sans qu'il soit possible de démontrer un détournement de fonds (jgt., p. 168). En effet, en l'absence des pièces bancaires 1996 de H._ SA, il n'est pas exclu qu'une partie du solde négatif au 31 décembre 1996 soit le fait de versements à l'usine ougandaise et partant, à l'affectation convenue avec les investisseurs, qui pour ce cas avaient connaissance de l'existence de l'usine.
Au surplus, les appelants joints se trompent lorsqu'ils estiment que les premiers juges n'auraient pas dû accorder le bénéfice du doute aux prévenus qui n'ont pas produit les pièces comptables relatives à l'année 1996. En effet, la présomption d'innocence codifiée à l'art. 10 CPP implique que le prévenu est innocent jusqu'à la preuve du contraire, ladite preuve doit émaner de tiers. Le fardeau subjectif de la preuve incombe toujours à l'accusation, c'est-à-dire au Ministère public et aux éventuelles parties plaignantes (Verniory, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale, op. cit., n. 14 ad art. 10 CPP). Le fardeau objectif de la preuve découle quant à lui directement du principe
in dubio pro reo
impliquant que ce sont l'Etat – soit le Ministère public – ainsi que la ou les éventuelles parties plaignantes qui supportent les conséquences de ce que la preuve a été insuffisamment apportée (Verniory, op. cit., n. 16 ad art. 10 CPP).
7.2.3
A titre subsidiaire, les appelants joints soutiennent que les prévenus se sont rendus coupables de gestion déloyale en violant leur devoir de sauvegarde et en agissant dans un dessein d'enrichissement illégitime.
L'infraction de gestion déloyale suppose que l'auteur ait une position de gérant. D'après la jurisprudence, il s'agit d'une personne à qui incombe, de fait ou formellement, la responsabilité d'administrer pour le compte d'un tiers des intérêts pécuniaires. La qualité de gérant suppose en outre un degré d'indépendance suffisant et un pouvoir de disposition autonome sur les biens administrés (Dupuis et al., op. cit., n. 7 ad art. 158 CP et la jurisprudence citée). La qualité de gérant peut trouver ses fondements dans des rapports contractuels. En lien avec le mandat, le gérant de fortune caractérise d'ailleurs l'un des exemples types de gérant au sens de l'art. 158 ch. 1 CP (ATF 120 IV 190 c. 2b; Dupuis et al., op. cit., n. 14 ad art. 158 CP). Le gérant doit assumer des devoirs qui, par leur ampleur, leur nature et leur durée, s'étendent au-delà d'affaire particulières (Favre, Pellet, Stoudmann, Code pénal annoté, Lausanne 2011, n. 1.2 ad art. 158 CP).
En l'espèce, les premiers juges n'ont à juste titre pas assimilé les prévenus à des gérants. En effet, les fonds étaient confiés dans un but précis, à savoir l'affectation dans un projet parrainé par la Banque Mondiale. L'argent confié n'avait par ailleurs pas été remis aux prévenus pour qu'ils le gèrent. Les prévenus ne disposaient pas d'une capacité de prendre des décisions de façon autonome concernant les patrimoines qui leur avaient été confiés ou d'une indépendance totale sur ceux-ci.
7.2.4
En conséquence, que l'infraction soit envisagée sous l'angle de la gestion déloyale ou sous l'angle de l'abus de confiance, elle n'est pas réalisée pour ces plaignants.
7.3
Compte tenu de ce qui précède, les conclusions civiles allouées aux appelants joints par les premiers juges doivent être confirmées.
S'agissant des dépens pénaux, le montant de 20'000 fr. arrêté en équité par les premiers juges est adéquat compte tenu de la durée de l'instruction, de la complexité du dossier et du fait qu'il s'agit de dépens réduits, les appelants joints n'ayant pas obtenu l'intégralité de leurs prétentions.
7.4
Au vu de ce qui précède, l'appel joint, mal fondé, doit être rejeté.
8.
Les plaignants O._, D._ et N._ ont conclu, aux débats d'appel, à l'allocation de l'entier de leurs conclusions civiles prises en première instance. Faute de déclaration d'appel ou d'appel joint déposée dans le délai imparti, ces conclusions sont tardives et donc irrecevables.
9.
Les appels et appels joints étant tous rejetés, il appartient encore à la Cour de céans d'examiner la peine infligée en première instance (art. 404 al. 2 CPP).
9.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
9.2
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
9.3
En l'espèce, les premiers juges ont à juste titre considéré que la culpabilité des prévenus devait être mise sur pied d'égalité. En effet, si chaque prévenu a eu un rôle distinct et complémentaire, leurs motivations et leurs buts étaient bel et bien les mêmes, soit tirer des bénéfices de ce projet et des revenus. Les prévenus ont violé tous les devoirs élémentaires de correction en affaires, de respect du client, de devoir d'information, de transparence s'agissant des informations orales comme des informations écrites. Les infractions ont porté sur des montants très élevés et ont contribué à dilapider les économies de gens modestes, à qui on a fait croire à des possibilités de gain qui se sont transformées très vite en certitudes de pertes. Le mécanisme utilisé par les prévenus était indétectable et astucieux. S'ils ont paru être désolés de ce qui est arrivé, les prévenus se sont surtout présentés comme des victimes ayant également perdu beaucoup d'argent. Ils se sont vraisemblablement personnellement enrichis même si ce n'est pas dans une mesure très importante au vu du montant total du dommage subi par les plaignants. A décharge, il s'impose de constater que le comportement des prévenus trouve sa source dans des revers essuyés provenant de circonstances extérieures et qu'ils se sont trouvés face à des entraves qui ne leur sont pas imputables, mais qui sont néanmoins révélatrices d'un certain manque de prudence, ou d'une confiance excessive dans les résultats qu'ils pouvaient espérer de l'exploitation d'une usine de poissons en Afrique. Devant ces difficultés, ils ont choisi de se taire et de tout faire, A.A._ surtout, pour tenter de sauver l'affaire, sans y parvenir en fin de compte. Sous cette pression et dans ce but, ils ont indûment mobilisé les nouveaux investissements de clients, mais aussi vraisemblablement engagé leurs propres revenus dans une certaine mesure. Leurs mobiles ne peuvent pas être considérés comme purement égoïstes. Enfin, les faits sont anciens et la procédure a duré plus de douze ans.
En définitive, au regard des infractions commises, de la culpabilité d'A.A._ et de A.Z._, de leur situation personnelle et de l'écoulement du temps depuis les faits, la quotité et le type de peine retenus par les premiers juges sont adéquats et doivent être confirmés. L'octroi du sursis doit également être confirmé dans la mesure où les prévenus en remplissent les conditions.
10.
En conclusion, les appels d'A.A._, A.Z._ et G._ SA ainsi que les appels joints d'I._, E.H._ et F.H._, mal fondés, doivent être rejetés, le jugement de première instance étant intégralement confirmé.
10.1
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel sont mis à la charge d'A.A._ pour un tiers, de A.Z._ pour un tiers, d'I._ pour un sixième et d'E.H._ et F.H._ pour un sixième (art. 428 al. 1 CPP). Pour tenir compte de la violation, en première instance, du droit d'être entendu de G._ SA non citée aux débats, laquelle a été réparée en deuxième instance, cette dernière sera exemptée de participer aux frais d'appel.
10.2
Une indemnité de défenseur d'office doit être allouée à
Me David Moinat. La liste des opérations que ce dernier a produite aux débats d'appel est manifestement excessive, notamment en ce qui concerne les heures de préparation d'audience. En effet, l'avocat a déjà assisté A.Z._ durant l'instruction et aux débats de première instance et, pour ce travail, il a été gratifié d'une indemnité d'office d'un montant de 39'264 fr. 90 correspondant à plus de 200 heures de travail. En appel, il n'a déposé qu'une déclaration d'appel sommaire et non détaillée, il n'a effectué aucune nouvelle recherche juridique et il n'a invoqué aucun argument nouveau. Compte tenu de ce qui précède, une indemnité d'office d'un montant de 4'860 fr., TVA et débours compris, correspondant à 25 heures de travail paraît adéquate.
10.3
A titre de dépens de deuxième instance (art. 433 CPP), à charge d'A.A._ et A.Z._, solidairement entre eux, il convient d'allouer le montant de 4'158 fr. à C._, D._ et N._, solidairement entre eux, 3'780 fr. à O._ et 1'880 fr. 80 à U._. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6423d947-7d72-4507-a474-26c366c88b2d | En fait :
A.
Par jugement du 3 décembre 2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l'Est vaudois a condamné A.K._ pour infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants à une peine privative de liberté de quatre ans sous déduction de 85 jours de détention provisoire (I), a maintenu A.K._ en détention pour des motifs de sûretés (II), a ordonné la confiscation et la dévolution à l’Etat des objets séquestrés sous fiches n° 2117 et 2107 (III), a mis les frais de la cause, arrêtés à 29'827 fr. 60, à la charge de A.K._, dont l’indemnité due à Me Lionel Zeiter, défenseur d’office, par 11'307 fr. 60, TVA et débours compris (IV), a dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité de son défenseur d’office ne sera exigé que si la situation financière de A.K._ le permet (V).
B.
Le 5 décembre 2013, A.K._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel du 20 décembre 2013, il a conclu, sous suite de frais et dépens, à la modification du jugement attaqué en ce sens qu'une peine privative de liberté de dix-huit mois avec sursis durant quatre ans est prononcée à son encontre, la détention pour des motifs de sûreté étant levée. Il a en outre requis que le rapport établi par l'Institut de police scientifique de Lausanne soit versé au dossier.
Le 7 janvier 2014, le Ministère public a déposé un appel joint, concluant au prononcé d'une peine privative de liberté de cinq ans, sous déduction de la détention subie avant jugement.
Par arrêt du 22 janvier 2014, le Président de la Cour d'appel pénale a rejeté la requête de mise en liberté présentée par A.K._.
Par courrier du 10 février 2014, le Président a rejeté la réquisition de preuve formulée par l'appelant.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A.K._ est né le 5 mai 1983 en Gambie, pays dont il est ressortissant. Second d’une famille de neuf enfants, le prévenu a été élevé par ses parents en Gambie. Il a suivi une scolarité obligatoire jusqu’à l’âge de 17 ans. Il a ensuite travaillé dans le commerce de son père, avant d’émigrer en Suisse en 2004. Ses demandes d’asile, faites sous divers noms, ont été refusées. Le prévenu s’est marié en 2008 et est père de deux enfants, nés en 2008 et 2010. Le prévenu séjourne en Suisse au bénéfice d’un permis annuel B. La famille K._ est soutenue financièrement par les hospices de [...]. A sa sortie de prison, le prévenu compte demeurer en Suisse auprès de sa famille. Sur le plan professionnel, il espère pouvoir retrouver sa place de chauffeur de limousine ou de chauffeur-livreur.
A.K._ est connu sous diverses identités, dont celles de [...], né le 1
er
janvier 1987, [...], né le 1
er
janvier 1985, [...], né le 1
er
janvier 1987, [...], né le 1
er
janvier 1987 et [...], né le 1
er
janvier 1986.
Son casier judiciaire suisse comporte les inscriptions suivantes :
- 05.04.2006, Ministère public du canton de Genève, infractions à la LStup, 10 jours d’emprisonnement, avec sursis durant trois ans, révoqué ;
- 18.05.2006, Ministère public du canton de Genève, infractions à la LSEE, 15 jours d’emprisonnement, avec sursis durant trois ans, révoqué ;
- 05.09.2006, Juge d’instruction Genève, infractions à la LSEE et la LStup, 30 jours d’emprisonnement ;
- 23.01.2007, Juge d’instruction Genève, infractions à la LStup, 10 jours-amende, à 30 fr. le jour-amende, avec sursis durant deux ans ;
- 01.06.2007, Ministère public du canton de Genève, recel, 30 jours-amende, à 30 fr. le jour-amende, avec sursis durant trois ans ;
- 03.09.2013, Ministère public du canton de Genève, infractions à la LCR, 30 jours-amende, à 70 fr. le jour-amende, avec sursis durant trois ans.
Le prévenu a été placé en détention provisoire du 10 août 2011 au 2 novembre 2011. Il est détenu pour des motifs de sûreté depuis le 3 décembre 2013.
2.
En mai 2011, A.K._ a été informé par son ami I._, qui a fait l’objet d’une enquête distincte, qu’il détenait de la cocaïne. Il lui a demandé s’il connaissait des clients potentiels. A.K._ a alors contacté un de ses amis G._ qui réside à [...]. Ce dernier a donné suite à son offre. Finalement, A.K._, sous réserve des 170 grammes de cocaïne obtenus auprès d'E._, s’est toujours ravitaillé auprès d'I._.
2.1
A [...], aux environs du 12 juin 2011, A.K._ a livré 50 grammes de cocaïne à G._, au prix de 55 fr. le gramme.
2.2
Quelques jours plus tard, A.K._ est venu livrer 70 nouveaux grammes de cocaïne à G._, aux mêmes conditions que la livraison précédente.
2.3
Sur instruction de A.K._, G._ est allé récupérer 30 grammes de cocaïne chez E._.
2.4
A.K._ a livré à [...] 96 grammes de cocaïne à G._ qui lui avait passé une commande de 100 grammes.
2.5
A.K._ a effectué une nouvelle livraison de 110 grammes de cocaïne à G._ qui lui avait commandé 130 grammes.
2.6.
Aux environs du 10 juillet 2011, A.K._ a effectué une nouvelle livraison de 100 grammes de cocaïne à G._.
2.7
Le 6 juin 2011, A.K._ a commandé 70 grammes de cocaïne à E._ au prix de 55 fr. le gramme. U._, qui a fait l’objet d’une enquête distincte, est venu les livrer à [...].A.K._ a jeté 5 grammes qui étaient mouillés. Il a vendu 15 grammes de cette marchandise pour 900 fr., réalisant à cette occasion un bénéfice de 150 francs. La cocaïne étant de mauvaise qualité aux dires de ses clients, il a restitué les 50 grammes restants à son fournisseur.
2.8
A.K._ a reçu une commande de 100 grammes de cocaïne d’un client résidant à [...]. A [...], le 9 juin 2011, E._ lui a remis les 100 grammes commandés, marchandise provenant en partie de la restitution de la marchandise effectuée par A.K._. A la demande du fournisseur, U._ a accompagné A.K._ en [...] afin de surveiller la livraison. Le client, insatisfait de la qualité de la marchandise proposée, l’a refusée. A.K._, après discussion avec son fournisseur, l’a prise à [...] afin de tenter de la vendre. N’y étant pas arrivé, il est venu restituer 90 grammes à E._.
2.9
Afin d’honorer une commande de 40 grammes d'O._, A.K._ a obtenu 40 grammes de cocaïne d’I._ à 65 fr. le gramme. I._ a conduit A.K._ à [...] où la livraison a été effectuée. La marchandise étant de mauvaise qualité, ils sont allés la récupérer quelques jours plus tard. I._ l’a reprise.
3
3.1.
A mi juin 2011, A.K._ a informé E._ qu’il détenait de la cocaïne de bonne qualité. Il est venu à [...] lui livrer 90 grammes dont le prix avait été arrêté à 50 fr. l’unité. A.K._ a accepté de la laisser en consignation.
3.2
Quelques jours plus tard, A.K._ est venu livrer, à [...], 50 grammes de cocaïne de qualité différente que celle amenée précédemment à E._.
3.3
A [...], deux jours plus tard, A.K._ est venu livrer 30 nouveaux grammes de cocaïne à E._.
Seule une partie de la cocaïne livrée a été payée dans une mesure que l’enquête n’a pas permis d’établir.
A.K._ a commercialisé, au total, au moins 600 grammes de cocaïne d’une valeur de l’ordre de 34'000 francs. Son bénéfice n’a pas pu être établi.
4.
A [...], le 12 juillet 2011, I._ a été interpellé. A cette occasion, il était porteur de 3 boulettes de cocaïne dont le taux de pureté variait entre 39,9 et 53,2 %. La fouille de sa voiture a notamment permis de découvrir 3 boulettes de cocaïne dans une portière et une boule de 20 grammes de cocaïne dans une chaussette. La cocaïne découverte dans la chaussette avait un taux de pureté exceptionnel de 82,4 % et celle dans les boulettes entre 65,3 et 82,1 %.
A Vevey, lors de la perquisition effectuée le 12 juillet 2011 au domicile de G._, il a notamment été découvert un finger contenant 14 grammes de cocaïne, un sachet en plastique ouvert contenant 7 grammes de cocaïne, une boule de poudre blanche contenant 54 grammes brut, un sachet en plastique contenant 226 grammes de cocaïne sous forme de 12 fingers, une grosse boule et 31 boulettes. Une partie de cette drogue provenait des livraisons effectuées par A.K._. La drogue découverte chez G._ présentait des taux de pureté variant entre 20,5 et 35,7 %. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (al. 1). La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (al. 3).
Interjeté dans les forme et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel de A.K._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
L'appelant conteste en premier lieu le taux de pureté de la drogue retenu dans le jugement. Il reproche aux premiers juges d'avoir retenu un taux de 64,5 % s'agissant de la drogue acquise auprès d'I._. Il fait valoir qu'il coupait la drogue avant de la revendre et que la marchandise ainsi conditionnée présentait un taux de pureté de 28,1 % correspondant à la drogue saisie chez G._. A l’audience de ce jour, il a également contesté la livraison de 100 grammes de cocaïne faite aux environs du 10 juillet 2011 à G._.
En l’espèce, pour autant que la contestation faite à l'audience soit recevable, le grief ne figurant pas dans la déclaration d’appel, la Cour s'en tient aux aveux clairs intervenus en première instance, relativement au cas 1.6 du jugement attaqué (cf. cas 2.6 ci-dessus). C'est dès lors une quantité de drogue « brute » de 600 grammes qui a été en définitive vendue.
La Cour retient également que la cocaïne acquise auprès d'I._ était très pure, ce que l'appelant ne conteste d'ailleurs pas, comme il l'a admis aux débats de première instance (jgt., p. 3) et comme l'ont révélé les analyses faites sur la marchandise saisie sur ce fournisseur ou dans sa voiture (jgt., p. 17).
Toutefois, les éléments au dossier permettent de retenir que l'appelant a coupé cette drogue pour augmenter son bénéfice. En effet, la drogue apparaissait parfois comme étant de mauvaise qualité, ce que l'appelant a soutenu tout au long de la procédure (cf. cas 2.7, 2.8 et 2.9). Ainsi, à défaut de connaître la quantité de cocaïne acquise auprès d'I._, il faut admettre que la cocaïne n'avait pas un taux de pureté de 64,5 % pour les 430 grammes revendus et provenant d'I._, puisqu'ils ont été « coupés » après la livraison. Ce grief doit dès lors être admis.
Il faut retenir, dans la version la plus favorable à l'appelant, un taux de pureté de 30 % pour l'ensemble de la drogue écoulée. Certes, ce taux est légèrement supérieur au taux moyen de la cocaïne sur le marché de rue (jgt., p. 6), mais la drogue acquise auprès d'I._ était particulièrement pure et l'appelant a lui-même reconnu qu'il avait revendu 180 grammes de cocaïne pure (jgt., p. 3), ce qui correspond précisément à un taux de 30%.
4.
L’appelant conteste la quotité de la peine qu’il estime excessive.
Dans son appel joint, le Ministère public conteste également la quotité de la peine. Il soutient que la peine devrait être portée à cinq ans.
4.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
4.2
En matière de trafic de stupéfiants, il y a lieu de tenir compte de la quantité de drogue; même si elle ne joue pas un rôle prépondérant, la quantité constitue un élément essentiel, qui perd cependant de l'importance au fur et à mesure que s'éloigne la limite à partir de laquelle le cas est grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup. Le type et la nature du trafic en cause sont déterminants. Aussi l'appréciation sera différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. Dans ce dernier cas, la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation doivent être prises en compte. L'étendue géographique du trafic entre également en considération : l'importation en Suisse de drogue a des répercussions plus graves que le seul transport à l'intérieur des frontières. S'agissant d'apprécier les mobiles qui ont poussé l'auteur à agir, le juge doit distinguer le cas de celui qui est lui-même toxicomane et agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; TF 6B_265/2010 du 13 août 2010 c. 2.3; TF 6B_380/2008 du 4 août 2008 c. 6.1.2). Le comportement du délinquant lors de la procédure peut aussi jouer un rôle. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l'aveu ou de la bonne coopération de l'auteur de l'infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d'élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs (TF 6B_85/2013 ibid.; ATF 121 IV 202 c. 2d/aa; ATF 118 IV 342 c. 2d).
4.3
En l'espèce, il sied d'emblée de préciser que la modification de la quantité de drogue pure n'impose pas en soi une réduction de la peine. En effet, les transactions et profits illicites demeurent inchangés. Comme relevé ci-dessus, plus on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas est grave, plus la quantité de drogue perd son importance dans les critères de fixation de la peine. Dans le cas d’espèce, la quantité de drogue pure correspond à dix fois le cas grave et consacre ainsi des faits objectivement graves. En outre, le fait de vendre une drogue diluée a permis à l'appelant de réaliser des profits plus importants, ainsi qu'il l’a du reste admis aux débats de première instance (jgt., p. 3). La culpabilité ne s'en trouve donc pas atténuée.
A.K._ s'est rendu coupable d'infractions à la LStup. Sa culpabilité est très lourde. A charge, on retiendra que l'appelant n'est pas un toxicomane. Il ne consomme ni cocaïne ni tout autre substance pouvant engendrer de la dépendance. L'appelant faisait du trafic de drogue à côté de son travail pour gagner encore plus d'argent. Il apparaît ainsi comme un trafiquant mû exclusivement par l'appât du gain. Il a déjà été condamné à plusieurs reprises pour le même motif, sans que cela ne modifie en rien son comportement, qui s'est au contraire aggravé par un rôle de semi-grossiste que ses nombreuses relations en matière de trafic de stupéfiants tissées au fil du temps et des récidives lui ont permis d'assumer. Il n'y a pas l'esquisse de regrets et d'une prise de conscience, l'appelant s'étant encore rétracté à l'audience de ce jour. On ne discerne pas d’éléments à décharge. En particulier, la violation de principe de célérité, plaidée à l’audience, n’est aucunement réalisée. La cause a été instruite dans des délais usuels, d’autant qu’une procédure simplifiée a été initiée sans aboutir. Il n’y a en définitive aucun retard pris dans le déroulement de la procédure qui justifierait une réduction de peine.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, la peine prononcée par les premiers juges est adéquate et doit être confirmée. Au vu de la quotité de la peine, A.K._ ne peut pas être mis au bénéfice du sursis partiel (art. 43 CP).
Mal fondés, les moyens tirés d'une violation de l'art. 47 CP doivent donc être rejetés.
5.
En définitive, les appels de A.K._ et du Ministère public sont rejetés et le jugement rendu le 3 décembre 2013 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois est confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, par 2'360 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), doivent être mis par moitié à la charge de A.K._ (art. 428 al. 1 CPP), le solde étant laissé à la charge de l'Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
64c93713-3518-4fba-8419-3a9923ac19f4 | En fait :
A.
Par jugement du 23 avril 2015, le Tribunal criminel de l’arrondissement de Lausanne a condamné X._, alias X2._, pour entrée et séjour illicites en Suisse, infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants et blanchiment d’argent (I) à une peine privative de liberté de 6 (six) ans, sous déduction de 317 (trois cent dix-sept) jours de détention avant jugement (soit 166 jours de détention pour des motifs de sûreté et 151 jours à titre d’exécution anticipée de la peine), ainsi que 14 (quatorze) jours de détention supplémentaires au titre de réparation du tort moral encouru à l’occasion de 27 (vingt-sept) jours de détention dans des conditions illicites (II), a ordonné à toutes fins utiles le maintien de X._ en détention pour des motifs de sûreté, étant rappelé que celui-ci exécute depuis le 24 novembre 2014, de façon anticipée, la peine visée au ch. II. ci-dessus (III), a réglé le sort des séquestres (IV à VI), et a statué sur les frais et les dépens (VII à IX).
B.
Par annonce d’appel du 27 avril 2015, puis par déclaration motivée du 30 juin 2015, X._ a formé appel contre ce jugement, concluant à sa réforme en ce sens qu’il est condamné à une peine privative de liberté de quatre ans, sous les mêmes déductions que celles énoncées dans le dispositif du jugement de première instance.
Par courrier du 22 juin 2015, le Ministère public Strada a retiré l’appel annoncé le 28 avril 2015 (P. 58).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Le prévenu, X._, né le 1
er
janvier 1990, de nationalité nigériane, est également connu sous l’alias X2._, né le 1
er
janvier 1990, ressortissant du Kenya. Ses déclarations au sujet de son passé ont été fluctuantes. Il ressort toutefois du dossier et des déclarations du prévenu à l’audience d’appel qu’il serait né au Kenya. Aîné d’une fratrie de trois enfants, il aurait été élevé par sa mère. Il n’aurait pas été scolarisé, faute d’argent. Vers l’âge de 13-14 ans, il aurait quitté son pays avec sa mère pour se rendre en Algérie, où sa mère aurait vendu de la nourriture pour subvenir à leurs besoins. Il se serait ensuite rendu au Maroc, où il aurait vécu de la mendicité. En 2008, il aurait quitté le Maroc pour rejoindre l’enclave espagnole de Mellila, où il aurait séjourné jusqu’en 2011 avant d’être transféré à Séville, selon ses dires sans y formuler de demande d’asile. Ensuite, il aurait rejoint notre pays. Le 24 avril 2011, il aurait déposé une demande d’asile sous le nom de X2._, laquelle aurait été rejetée le 15 mai 2013. Il aurait alors bénéficié d’une aide du SPOP pour repartir en Espagne, à Malaga, où il serait resté seulement un mois avant de revenir dans notre pays, prétendument pour y récupérer ses affaires. Il n’aurait pas quitté la Suisse depuis lors, dormant parfois à Montelly, Crissier, ou encore Lausanne, au gré des opportunités. Il aurait vécu de la générosité d’autrui, notamment de sa logeuse, et d’économies réalisées sur le pécule remis par l’EVAM. Il a également admis avoir vendu de la drogue, selon lui en petite quantité, pour subsister (PV aud. 3, R. 6).
Le casier judiciaire suisse du prévenu ne comporte aucune inscription.
Pour les besoins de la présente cause, X._ a été détenu avant jugement du 11 juin au 23 novembre 2014, soit pendant 166 jours, dont 29 jours (du 11 juin au 10 juillet 2014) à l’Hôtel de police de Lausanne, soit 27 jours dans des conditions de détention réputées illicites. Depuis le 24 novembre 2014, le prévenu a obtenu l’autorisation d’exécuter de façon anticipée la peine à intervenir. Au jour du jugement de première instance, il avait donc purgé au total 317 jours de détention.
2.
2.1
Du 15 mai 2013 au 11 juin 2014, X._, requérant d’asile débouté depuis le 15 mai 2013, a séjourné en Suisse illégalement. Au cours de cette période, dans le courant de l’hiver 2013-2014, il a quitté la Suisse pour y revenir un mois plus tard.
2.2
Entre le début de l’année 2013 et le 11 juin 2014, X._ s’est livré à un important trafic de cocaïne. L’activité délictuelle qui lui est reprochée peut être reconstituée de la manière suivante :
-
450 grammes de cocaïne brute ont été acquis auprès de son fournisseur en Espagne, dénommé S._, au début du mois de juin 2014, dont 428,3 grammes nets ont été saisis lors de son interpellation le 11 juin 2014 et le solde a été vendu.
-
En additionnant l’argent saisi lors de la perquisition (au total 5'362 fr. 70, soit 2'940 fr., 1'705 euros et 400 dollars qui ont été retrouvés à son domicile), ainsi que l’argent envoyé à K._ (3'500 fr.), l’argent remis à O._ (1'000 fr.) et l’argent remis à titre de caution et de loyer à J._ (700.- + 550.- = 1'250 fr.), on parvient à un total de 11'112 fr. 70 équivalant, compte tenu d’un bénéfice moyen de 20 fr. par gramme usuel sur le marché, à une quantité de 555,63 grammes de cocaïne – dont il faut déduire une vingtaine de grammes (21,7) correspondant à la drogue qui venait d’être vendue par le prévenu lors de son interpellation, de sorte que dans ce contexte, il y a en définitive lieu de retenir environ 535 grammes de cocaïne brute.
-
Entre le début de l’année 2013 et le début juin 2014, X._ a rencontré W._ à 9 reprises à Lausanne. A chaque fois, il lui a remis une somme d’argent comprise entre 2'500 fr. et 4'000 fr., soit en moyenne 3'250 fr., pour un total de 29'250 fr. (9 x 3'250) en guise de paiement de la marchandise illicite acquise auprès de S._ en Espagne. En partant de l’idée que cet argent ne constitue pas du bénéfice mais, dans l’hypothèse la plus favorable au prévenu, la contrepartie d’achats de cocaïne, sur la base d’un prix de 40'000 fr. le kilo de cocaïne usuel sur le marché en fonction du genre de quantité, X._ a également trafiqué une quantité supplémentaire de cocaïne brute de 731,25 grammes.
Au vu des éléments qui précèdent, l’activité criminelle de X._ en matière de stupéfiants a porté sur un total de 1'716,25 grammes (450 + 535 + 731,25) de cocaïne brute.
Selon les analyses de l’Ecole de Sciences Criminelles (P. 21), la drogue saisie comportait un taux de pureté variable en fonction de son conditionnement. Au total, la saisie du 11 juin 2014 (450 grammes bruts) a porté sur une masse de cocaïne pure de 217 grammes, tandis que le solde, soit 1’266,25 grammes de drogue brute (535 + 731,25), correspond à 691 grammes de drogue pure.
En définitive, on retiendra que l’activité criminelle de X._ a porté sur 908 grammes de cocaïne pure.
2.3
A une date indéterminée, X._ a envoyé à sa mère, K._, en Afrique, 3'500 fr., et a remis 1'000 fr. à O._ dans le courant du mois de mai 2014. Cet argent provenait de son trafic de stupéfiants. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0), l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves (TF 6B_78/2012 du 27 août 2012). L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Eugster, in : Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, 2
e
éd., Bâle 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP).
3.
A juste titre, l’appelant ne remet pas en question les faits retenus à sa charge, ni même leur qualification juridique. Au vu des faits retenus sous lettres C.2.2 et C.2.3 ci-dessus, il doit donc être reconnu coupable d’entrée et de séjour illicites en Suisse, d’infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants, ainsi que de blanchiment d’argent.
Le recourant conteste en revanche la quotité de la peine prononcée à son encontre, qu’il juge excessive.
3.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Les règles générales régissant la fixation de la peine ont été rappelées dans les arrêts publiés aux ATF 136 IV 55 et ATF 134 IV 17 (c. 2.1 et les références citées), auxquels il peut être renvoyé.
Dans le domaine spécifique des infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup du 3 octobre 1951 ; RS 812.121), le Tribunal fédéral a, en outre, dégagé les principes suivants. Même si la quantité de la drogue ne joue pas un rôle prépondérant, elle constitue sans conteste un élément important. Elle perd cependant de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 al. 2 let. a LStup (cf. ancien art. 19 ch. 2 let. a LStup ; ATF 138 IV 100 c. 3.2; TF 6B_632/2014 du 27 octobre 2014 c. 1.2 et les références citées). Il en va de même lorsque plusieurs des circonstances aggravantes prévues à l'art. 19 al. 2 LStup sont réalisées. Le type de drogue et sa pureté doivent aussi être pris en considération. Si l'auteur sait que la drogue est particulièrement pure, sa culpabilité sera plus grande. En revanche, sa culpabilité sera moindre s'il sait que la drogue est diluée plus que normalement (ATF 122 IV 299 c. 2c; ATF 121 IV 193 c. 2b/aa; TF 6B_632/2014 précité c. 1.2). Le type et la nature du trafic en cause sont aussi déterminants. L'appréciation est différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. Dans ce dernier cas, il importera de déterminer la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation. Un simple passeur sera ainsi moins coupable que celui qui joue un rôle décisif dans la mise sur pied des opérations et qui participe de manière importante au bénéfice illicite (ATF 121 IV 202 c. 2d/cc p. 206). L'étendue du trafic entrera également en considération. Un trafic purement local sera en règle générale considéré comme moins grave qu'un trafic avec des ramifications internationales. Le délinquant qui traverse les frontières (qui sont surveillées) doit en effet déployer une énergie criminelle plus grande que celui qui transporte des drogues à l'intérieur du pays et qui limite son risque à une arrestation fortuite lors d'un contrôle. À cela s'ajoute que l'importation en Suisse de drogues a des répercussions plus graves que le seul transport à l'intérieur des frontières. Enfin, le nombre d'opérations constitue un indice pour mesurer l'intensité du comportement délictueux. Celui qui écoule une fois un kilo d'héroïne sera en principe moins sévèrement puni que celui qui vend cent grammes à dix reprises. Outre les éléments qui portent sur l'acte lui-même, le juge doit prendre en considération la situation personnelle du délinquant, à savoir sa vulnérabilité face à la peine, ses obligations familiales, sa situation professionnelle, les risques de récidive, etc. Les mobiles, c'est-à-dire les raisons qui ont poussé l'auteur à agir, ont aussi une influence sur la détermination de la peine. Il conviendra ainsi de distinguer le cas de l'auteur qui est lui-même toxicomane et qui agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain (TF 6B_632/2014 précité c. 1.2; TF 6B_107/2013 du 15 mai 2013 c. 2.1.1 et les références citées). Il faudra encore tenir compte des antécédents, qui comprennent aussi bien les condamnations antérieures que les circonstances de la vie passée. Enfin, le comportement du délinquant lors de la procédure peut aussi jouer un rôle. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l'aveu ou de la bonne coopération de l'auteur de l'infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d'élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs (ATF 121 IV 202 c. 2d/aa ; ATF 118 IV 342 c. 2d ; TF 6B_567/2012 du 18 décembre 2012 c. 3.2 et les références citées).
3.2
En l’espèce, la culpabilité de l’appelant doit être qualifiée de lourde. En effet, en quelque dix-huit mois, le trafic du prévenu a porté sur non moins de 908 grammes de cocaïne pure. Certes, cette quantité est inférieure à celle retenue dans l’acte d’accusation (1'350 grammes). Toutefois, contrairement à ce que soutient le recourant, il n’y a pas lieu d’appliquer une règle de trois entre la quantité de drogue retenue et la peine prononcée dès lors que, comme l’a à maintes reprises rappelé la jurisprudence, la quantité de drogue concernée perd de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 al. 2 let. a LStup. En l’occurrence, la quantité de drogue concernée représente plus de cinquante fois le cas grave. Cet élément doit donc est pris en compte dans la fixation de la peine, mais ne saurait impliquer une réduction de la peine aussi conséquente que celle demandée par le recourant.
S’agissant du type et de la nature du trafic, il y a lieu de relever que le recourant avait coupé – ou avait l’intention de le faire – la drogue qu’il revendait, et que les quantités ainsi concernées étaient de nature à alimenter de façon conséquente le marché lausannois de la cocaïne. X._ n’était pas un simple vendeur de rue, puisqu’il disposait des contacts et de l’argent nécessaires à l’acquisition de drogue en quantité non négligeable, d’une pureté relativement élevée et venant de fournisseurs étrangers. Même s’il ne saurait être considéré comme un trafiquant d’envergure internationale, dès lors qu’il s’est contenté d’écouler sa marchandise sur le marché lausannois, il n’en reste pas moins que X._ acquérait la drogue en grande quantité de l’étranger via un tiers et faisait passer ses bénéfices à l’étranger via un autre tiers. La Cour de céans retiendra également que X._ n’est pas toxicomane et qu’il a donc agi par pur appât du gain. Malgré son absence d’activité lucrative dans notre pays, le produit de son activité délictueuse, qui constituait dès lors son seul revenu, lui a permis d’assumer le loyer et la caution de son appartement, ainsi que d’envoyer des sommes d’argent à l’étranger. A cet égard, le fait que son activité illicite ait pu profiter à d’autres membres de sa famille n’excuse pas les actes mais est susceptible d’atténuer quelque peu la faute. A charge encore, il y a lieu de retenir l’attitude de déni adoptée par le prévenu, illustrant une absence de prise de conscience de la gravité des infractions commises. Enfin, le recourant est resté en Suisse dans l’unique but de s’adonner à son trafic alors que sa demande d’asile avait été rejetée ; plus encore, il y est même revenu alors qu’il avait bénéficié d’une aide pour repartir en Espagne.
A décharge, il convient de tenir compte du jeune âge du prévenu, de son absence d’antécédents, du fait qu’il n’a disposé que d’une éducation rudimentaire et d’aucune formation professionnelle et qu’il n’a pas disposé autour de lui de personnes de référence susceptibles de lui transmettre des valeurs morales, ni des compétences qui auraient pu plus aisément l’acheminer vers un travail honnête.
Enfin, le recourant, dans sa déclaration d’appel, procède à une comparaison avec d'autres affaires, soutenant qu’au regard de ces comparaisons il se justifierait de diminuer sa peine privative de liberté. Selon une jurisprudence bien établie, eu égard aux nombreux paramètres qui interviennent dans la fixation de la peine, une comparaison avec des affaires concernant d'autres accusés et des faits différents est d'emblée délicate car il existe presque toujours des différences entre les circonstances objectives et subjectives, que le juge doit prendre en considération dans chacun des cas (ATF 135 IV 191 c. 3.1). En tant qu'elle se résume à mettre en relation des quantités de stupéfiants et la durée des sanctions prononcées, la comparaison exposée par le recourant, qui méconnaît que ces quantités ne constituent qu'un élément de fixation de la peine est vaine.
Tout bien considéré, la peine privative de liberté de six ans prononcée par les premiers juges est adéquate et doit être confirmée. La détention avant jugement sera déduite, de même que quatorze jours de détention à titre de réparation du tort moral causé par les 27 jours de détention subie dans des conditions illicites.
4.
En conclusion, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de X._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument d’arrêt par 1’610 fr., ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office, par 2'224 fr. 80, TVA et débours compris, selon la liste d’opérations produite (P. 69).
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d'office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a et 426 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
652965ba-0c12-46d1-9b33-be5a2023c33e | En fait :
A.
Par jugement du 24 mars 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a constaté que H._ s’est rendu coupable de violation simple des règles de la circulation routière (I), l’a condamné à une amende de 100 fr. et dit qu’à défaut de paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera d’un jour (II), a arrêté l’indemnité de Me Pritam Singh, défenseur d’office, à 1'401 fr. 60, TVA et débours compris (III), a mis les frais de la cause, par 1'801 fr. 60, à la charge de H._ (IV) et a dit que l’indemnité arrêtée sous chiffre III ne sera exigible que pour autant que la situation de H._ s’améliore (V).
B.
H._ a annoncé faire appel de ce jugement le 25 mars 2014. Il a déposé une déclaration d’appel le 17 avril 2014, suivie d’une déclaration d’appel motivée le 30 mai 2014, concluant, avec suite de frais et dépens, à l’annulation du jugement, principalement avec suite d’acquittement, subsidiairement avec renvoi de la cause à l’autorité intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants de l’arrêt à intervenir. Il a produit diverses pièces.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. Le prévenu H._, né en 1950, est actuellement sans emploi et ne dispose d’aucune source de revenus. Admettant être « régulièrement convoqué par l’Office des poursuites » (jugement, p. 3), il dit cependant ignorer le montant de ses dettes, dont il admet toutefois qu’elles existent.
Son casier judiciaire mentionne trois condamnations, à savoir :
- une peine d’emprisonnement de dix jours, avec sursis pendant quatre ans, prononcée le 5 mai 2004 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal, pour calomnie et injure;
- une peine d’arrêts de sept jours, avec sursis pendant quatre ans, prononcée le 5 octobre 2005 par le Tribunal d’arrondissement de Lausanne, pour diffamation et injure;
- une peine de travail d’intérêt général de 160 heures, avec sursis pendant cinq ans, et une amende de 500 fr., prononcée le 19 juin 2009 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal, pour conducteur se trouvant dans l’incapacité de conduire et opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l’incapacité de conduire.
2. Le 1
er
mai 2013, à 16 h, le prévenu a circulé au volant de sa voiture à la rue Juste-Olivier, à Nyon, sur le tronçon reliant l’avenue Viollier à la rue des Marchandises. La voie en question comporte un signal d’interdiction générale de circuler.
Sans contester les faits incriminés, soit d’avoir circulé sur un tronçon interdit à la circulation, le prévenu a fait valoir, devant le préfet et le tribunal de police, que la signalisation sur les lieux n’était pas conforme à la loi et qu’il était dès lors autorisé à ne pas la respecter. Il a invoqué diverses irrégularités qui seront examinées ci-après.
3. Appréciant les faits de la cause, le tribunal de police de police a considéré que le prévenu, qui ne fait pas valoir qu’il n’avait pas vu ou compris le signal d’interdiction générale de circuler, devait respecter la signalisation, dès lors qu’en circulant sur une zone piétonne, il pouvait mettre en danger les piétons qui se seraient fiés à la mention « Zone piétonne ». Les éléments constitutifs de l’infraction de violation simple des règles de la circulation routière ont ainsi été tenus pour réunis. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable. L’appel relève de la procédure écrite, dès lors qu’il ne porte que sur une contravention (art. 406 al. 1 let. c CPP). Par identité de motif, il ressortit à la compétence du juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP).
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). Toutefois, lorsque seules des contraventions ont fait l'objet de la procédure de première instance, l'appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné ou que l'état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit; aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite (art. 398 al. 4 CPP).
Il s’ensuit que les nouvelles pièces produites en procédure d’appel sont irrecevables.
3.
3.1
L’appelant fait valoir que la signalisation routière qu’il était censé respecter n’est pas conforme à diverses prescriptions légales, de sorte qu’il n’était pas tenu en définitive de la respecter. Reprenant son argumentation soulevée en première instance, il invoque ainsi quatre irrégularités : d’abord, l’absence de signalisations complémentaires selon les art. 18 al. 2 et 3 OSR, l’excès d’indications d’un signal de zone au sens de l’art. 2a al. 4 OSR, l’emplacement non conforme de l’information complémentaire au sens de l’art. 107 al. 1 in fine OSR et, enfin, le non-respect d’au moins deux prescriptions d’une directive du 4 juin 2010 du Service des routes. Ces moyens recouvrent le grief que le jugement est juridiquement erroné au sens de l’art. 398 al. 4 CPP.
3.2
Même s'ils n'ont pas été apposés de manière régulière, les signaux ou les marques doivent être observés dans la mesure où ils créent pour les autres usagers de la route une apparence juridique digne d'être protégée. Leur nullité ne peut être admise que dans des cas tout à fait exceptionnels (ATF
128 IV 184 c. 4, JT 2002 I 612). La jurisprudence du Tribunal fédéral exige donc, dans l’intérêt de la sécurité du trafic, que les signaux ou marques soient observés même s’ils n’ont pas été apposés de façon conforme. Ce devoir découle du principe de la confiance en matière de circulation routière consacré par l’art. 26 al. 1 LCR. Cette obligation ne vaut naturellement que pour les signaux susceptibles de créer une apparence digne de protection pour les autres usagers de la route. Elle ne concerne par contre pas les injonctions dont la violation n’entraîne aucune mise en danger concrète d’autres usagers de la route, comme c’est fréquemment le cas pour les interdictions de stationner (ATF 103 IV 190, JT 1978 I 386; ATF 98 IV 262, JT 1973 IV 425). Le caractère obligatoire des signaux routiers susceptibles de créer une apparence digne de protection trouve cependant sa limite lorsque l’injonction est nulle, parce que le vice dont elle est entachée est particulièrement grave, est manifeste ou du moins facilement reconnaissable, dans la mesure où la sécurité routière ne fait pas obstacle à la contestation de la nullité (ATF 122 I 97 c. 3a/aa, JT 1997 I 32).
3.3
Il faut constater en premier lieu que la signalisation incriminée par l’appelant est destinée à assurer la sécurité des usagers, soit des piétons, dans la mesure où elle régule l’accès des véhicules dans une zone piétonne. Elle crée donc, pour les usagers, une apparence juridique digne d'être protégée. La coexistence de piétons et de véhicules, selon des horaires définis et dont l’accès est limité aux ayants droit, constitue en effet une règle de sécurité, et non pas simplement une prescription d’ordre. La violation de l’interdiction de circuler est donc de nature à causer une mise en danger concrète d’autres usagers de la route.
Cette interdiction devait donc être respectée par l’appelant. Pour ce qui est de l’exception ménagée par la jurisprudence fédérale, la question des effets de la non-conformité de cette signalisation peut au surplus être laissée ouverte en l’espèce. En effet, les vices invoqués par le recourant n’ont aucun caractère de gravité particulier, s’agissant de normes formelles de détail portant sur la présentation de la signalisation. En particulier, l’une des normes invoquée, soit la directive du Service des routes, n’a aucun caractère contraignant. D’ailleurs, l’absence de signalisation complémentaire invoquée par l’appelant n’affecte pas en soi la validité de celle qui n’a pas été respectée. Le vice entachant la signalisation ne saurait donc être tenu pour particulièrement grave au sens de la jurisprudence. Qui plus est, la sécurité routière fait obstacle à la contestation de la nullité.
Pour le surplus, la quotité de la peine n’est pas contestée.
4.
L’appel doit dès lors être rejeté.
Vu l'issue de l’appel, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge du prévenu, qui succombe entièrement (art. 428 al. 1, 1
re
phrase, CPP). Outre l'émolument, les frais d’appel comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office du prévenu, pour les opérations liées à la procédure d'appel (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFIP).
L'indemnité allouée au défenseur d'office du prévenu doit être fixée en tenant compte d'une durée d'activité utile de six heures d’avocat breveté, au tarif horaire de 180 fr., plus 50 fr. de débours, TVA en sus (art. 135 al. 1 CPP), à 1’220 fr. 40. En effet, le temps nécessaire à la rédaction du mémoire d’appel, annoncé huit heures, doit être réduit à cinq heures, compte tenu du fait qu’il s’agissait de présenter une argumentation conforme en tous points à celle présentée en première instance.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6540ae07-4881-46bf-baed-a96886e18e96 | En fait :
A.
Par jugement du 10 février 2011, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a constaté que N._ s'était rendu coupable de lésions corporelles simples et de séquestration (I), l'a condamné à une peine pécuniaire de quarante-cinq jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr. (II), a suspendu l'exécution de la peine et fixé à N._ un délai d'épreuve de deux ans (III), a libéré R._ du chef d'accusation de lésions corporelles simples (IV), a constaté qu'il s'était rendu coupable de séquestration (V), l'a condamné à une peine pécuniaire de trente jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr. (VI), a suspendu l'exécution de la peine et fixé à R._ un délai d'épreuve de deux ans (VII), a constaté que T._ s'était rendu coupable de séquestration (VIII), l'a condamné à une peine pécuniaire de soixante jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 45 fr. (IX), a suspendu l'exécution de la peine et fixé à T._ un délai d'épreuve de deux ans (X), a donné acte à A._ de ses réserves civiles à l'encontre de N._, R._ et T._ (XI), a dit que ces trois derniers étaient les débiteurs, solidairement entre eux, d'A._ du montant de 7'000 fr., valeur échue, à titre de dépens pénaux (XII), a ordonné le maintien au dossier à titre de pièce à conviction du CD de vidéosurveillance séquestré sous fiche n° 42878 (XIII), a mis une partie des frais de la cause, par 2'018 fr. 65, à la charge de N._ (XIV) et par 7'658 fr. 40, y compris l'indemnité allouée à son défenseur d'office, par 5'639 fr. 75, TVA comprise, à la charge de R._ (XV), a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité allouée au chiffre XV ci-dessus ne sera exigible que pour autant que la situation économique de R._ se soit améliorée (XVI) et a mis une partie des frais de la cause, par 1'518 fr. 70, à la charge de T._ (XVII).
B.
R._, N._ et T._ ont chacun formé appel contre ce jugement, respectivement les 11, 14 et 18 février 2011.
Par déclarations d'appel motivées du 23 mars 2011, les trois prévenus ont chacun conclu à leur acquittement. T._ a conclu subsidiairement à l'annulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause au tribunal de première instance pour nouvelle instruction et nouveau jugement et a requis l'audition comme témoin de P._.
Le 15 avril 2011, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne a annoncé qu’il renonçait à présenter une demande de non-entrée en matière et à déclarer un appel joint. L'intimé A._ ne s'est, quant à lui, pas déterminé.
Par décision du 29 avril 2011, la Présidente de la cour de céans a ordonné l'audition du témoin P._.
A l'audience du 9 juin 2011, la Présidente a confirmé que la cour avait préalablement visionné les différentes séquences filmées par les caméras de surveillance. Les parties, ainsi que ledit témoin, ont en outre été entendus. Les appelants ont chacun confirmé les conclusions prises dans leurs écritures. Les intimés ont conclu au rejet des appels, A._ confirmant ses conclusions de première instance et requérant l'allocation de dépens d'appel à hauteur de 3'000 fr., solidairement entre les appelants. Le procureur a produit une pièce (n° 99).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Le prévenu N._, né en 1985, à Belgrade, en Serbie, Etat dont il est ressortissant, a effectué toute sa scolarité obligatoire dans notre pays et un apprentissage de mécanicien sur automobiles au terme duquel il a obtenu un CFC. Après avoir travaillé dans son métier pendant une année, il a été engagé en qualité d'auxiliaire par une entreprise valaisanne active dans le domaine de la sécurité. En 2007, il a suivi des cours de formation dans une entreprise de sécurité de Montreux et a obtenu sa carte d'agent de sécurité. Il est devenu responsable de la planification au sein de cette entreprise. Au moment des événements litigieux, il était employé d'une société de sécurité externe qui louait ses services au magasin V._. Après que sa carte d'agent de sécurité lui eut été retirée pour les faits incriminés, il a travaillé comme opérateur vidéo au [...] entre décembre 2010 et le 20 janvier 2011, date à laquelle il a donné sa démission pour des raisons médicales. Il est à la recherche d'un emploi. Il touche des indemnités de chômage de l'ordre de 3'000 fr. brut par mois. Il vit chez ses parents et leur verse une pension mensuelle de 800 à 1'000 fr. pour son loyer et sa nourriture. Il paie en outre 170 fr. par mois d'assurance-maladie. Il n'a ni dettes, ni fortune. Son casier judiciaire est vierge.
2.
R._, né en 1978, de nationalité suisse, titulaire d'un CFC de vendeur, a travaillé en cette qualité durant quatre ans et demi. Il a suivi en parallèle, pendant deux ans, une formation d'auxiliaire de sécurité auprès de l'entreprise [...], se spécialisant dans la lutte contre le vol à l'étalage et la protection rapprochée. Il a œuvré dans deux entreprises actives dans le domaine de la sécurité, avant d'être engagé comme agent de sécurité par l'entreprise V._ le 1
er
juillet 2007. Il a été licencié pour le 31 août 2010. Il a retrouvé un emploi comme surveillant à l'[...] depuis le 16 mai 2011. Il touche un salaire mensuel brut de 5'148 francs. Il paie par mois 1'570 fr. de loyer, frais de chauffage de 2'500 fr. par an en sus, et 208 fr. d'assurance-maladie. Il a des dettes pour 8'614 fr. 05 et fait l'objet d'actes de défaut de biens à hauteur de 41'526 fr. 05. Il n'a aucune fortune. Son casier judiciaire est vierge.
3.
T._, né en 1965, divorcé, au bénéfice d'un CFC de gestionnaire de vente, a toujours travaillé dans sa profession. A l'époque des faits, il était chef de rayon TV (team leader) et remplaçant du directeur chez V._, société auprès de laquelle il a œuvré pendant treize ans, avant d'être licencié et d'être engagé en qualité de responsable des flottes par le garage de l'[...], à Renens, à partir du 1
er
mars 2010. Il réalise un salaire mensuel net de 6'800 fr. par mois, versé douze fois l'an. Sa situation personnelle a évolué depuis le 10 février 2011 en ce sens qu'il s'est remarié, son épouse travaillant à 100%.
4.
4.1
Le 25 octobre 2006, A._ a acquis une télévision auprès de V._, à [...], pour le prix de 1'489 francs. Ce téléviseur bénéficiait d'une garantie de deux ans. En décembre 2007, le plaignant l'a remis au magasin pour réparation. Le 14 janvier 2008, il a eu un contact téléphonique avec le service après-vente de V._ qui lui a indiqué que son téléviseur n'était pas réparable et qu'il devait dès lors se rendre au magasin avec la preuve de son achat afin que l'on puisse lui établir un bon d'échange. C'est ainsi ce qu'ont fait A._ et son amie le 15 janvier 2008.
A l'époque des faits, lorsqu'un appareil n'était pas réparable, le service après-vente de V._ remettait au client, sur présentation du bon de réparation et de la preuve de l'achat, une fiche de couleur bleue. Sur celle-ci, ce service indiquait sa décision. Lorsqu'il s'agissait d'un bon d'échange, le client pouvait obtenir soit le même appareil, soit un appareil équivalent. Un tel bon, d'usage interne, était à valoir le jour même dans le magasin. Si tel n'était pas le cas, cela posait un problème technique de gestion de stock. En effet, les chefs de rayon recevaient des fiches blanches équivalentes qu'ils devaient traiter tous les jours en les comparant aux fiches bleues. Si toutefois le client décidait de ne pas faire usage de son bon le jour même, il n'existait aucune directive de V._ de l'empêcher de partir avec. Dès lors, si un vendeur laissait repartir un client avec un tel bon, il ne s'agissait pas d'une faute professionnelle. Le chef de rayon avait de son côté la possibilité, s'il l'estimait nécessaire, de modifier le bon d'échange en bon d'achat valable plus longtemps. Dans de rares cas, un remboursement en espèces pouvait également être décidé par ce responsable.
Une fois en possession de sa fiche bleue, le client devait se rendre au rayon concerné pour le faire valoir. Le service après-vente de V._ étant localisé à l'extérieur de la surface de vente, après les caisses, le client devait ainsi pénétrer dans le magasin.
La procédure décrite ci-dessus a été modifiée depuis lors; aujourd'hui, le service après-vente règle l'entier des problèmes, sans que le client ne doive entrer dans le magasin.
Le 15 janvier 2008, A._ a donc obtenu un bon d'échange bleu d'une valeur de 1'489 fr. auprès du service après-vente de V._. Pendant qu'il attendait d'être servi par ce service, son amie a acheté un CD qu'elle a payé et remis à l'accueil pour pouvoir ensuite retourner avec lui dans le magasin. Ils se sont tous deux rendus au rayon télévisions où A._ a eu une première discussion avec un vendeur. En effet, comme il n'avait pas d'achats à effectuer ce jour-là, ayant déjà acquis un nouveau téléviseur, il ne voulait pas utiliser son bon d'échange mais souhaitait idéalement être remboursé en espèces. Une telle décision n'étant pas du ressort du vendeur, celui-ci a appelé le responsable du rayon, soit le prévenu T._. Une discussion animée s'est alors engagée entre A._ et T._, celui-ci refusant d'accéder à la demande de remboursement de l'intimé. La situation a ensuite dégénéré. A._ a indiqué au chef de rayon qu'il contacterait son assurance de protection juridique puis s'est dirigé vers la sortie. T._ lui a dit qu'il ne devait pas quitter le magasin avec le bon et lui a demandé de le lui rendre. Comme le plaignant se dirigeait tout de même vers la sortie, le prévenu s'est placé devant lui et l'a stoppé en posant sa main sur son torse pour continuer la discussion.
A._ et son amie ont continué en direction de l'accueil par une allée du magasin; ils souhaitaient récupérer le CD acheté précédemment et partir. T._ les a précédés en empruntant une autre allée. Pendant ce trajet, il a appelé la sécurité et demandé au prévenu R._ de le rejoindre sur les lieux. Il lui a expliqué au téléphone qu'il avait un problème avec un client agité.
Arrivé à l'accueil, T._ s'est positionné devant le portillon de sortie et a empêché A._ de reprendre son CD. Alors que la discussion continuait, R._ est arrivé à l'accueil. Ce dernier a tenté, dans un premier temps, de comprendre le problème, puis T._ lui a expliqué qu'il avait fait l'objet de menaces et a précisé qu'A._, qui pendant ce temps parlait avec l'hôtesse de l'accueil, ne devait pas sortir du magasin avec ce bon bleu. R._ a compris que le plaignant voulait s'en aller et a cherché à s'expliquer avec lui, mais sans succès. Il a alors appelé en renfort son collègue N._, qui se trouvait derrière les caméras du local de sécurité et surveillait la scène à sa demande.
A un moment donné, R._ a posé sa main sur le bras droit d'A._ pour le calmer. Il ne s'agissait pas d'un geste violent, mais le plaignant, excédé, a alors dit : "Le prochain qui me touche, je lui casse la gueule". Pendant cet épisode, l'agent de sécurité a fait signe à l'hôtesse de ne pas restituer le CD à l'intimé et de rester en attente. C'est là que N._ est arrivé. Alors qu'A._ était sur le point de prendre le sachet que lui tendait la réceptionniste, R._ a posé sa main sur le bras droit du plaignant et N._ a mis la sienne sur son poignet gauche. Le plaignant a fait un mouvement vers l'arrière avec son bras droit pour tenter de se dégager; les agents de sécurité l'ont saisi plus fermement, R._ par le biceps droit et N._ par le biceps et le poignet gauches. L'attitude de l'intimé n'a été à aucun instant violente ou agressive, bien qu'il était très énervé et gesticulait.
Les deux agents ont emmené le plaignant en direction du local de sécurité. Au cours de ce trajet, comme celui-ci, agité, se débattait, ils ont tous les trois involontairement chuté dans l'allée du magasin. Alors qu'A._ se trouvait face à terre, N._ lui a fait une clé de bras en lui tordant le bras et le poignet gauches. La victime a continué à se débattre en disant aux agents de sécurité : "Lâchez-moi, vous me faites mal, je vous bute". Après que ceux-ci l'eurent relevé, le plaignant a demandé à son amie d'appeler la police, ce qu'elle n'a toutefois pas fait, et les agents l'ont amené dans le local de sécurité; il était 15h52. Le plaignant a été maintenu dans ce local pendant un peu moins de 10 minutes, jusqu'à ce que la police arrive à 16h01, finalement alertée par T._ sur demande de R._ à un moment situé entre la chute des trois hommes et leur arrivée dans le local précité.
Dans le local, A._, toujours agité et excité, a d'abord échangé des propos avec R._ et N._, avant de continuer la discussion virulente avec T._, lorsque ce dernier les a rejoints peu après. N._, qui est resté en permanence dans la pièce, a assisté à l'entier de la conversation entre le chef de rayon et le client. Ce dernier, qui voulait sortir du bureau, en a été empêché à deux reprises au moins par N._. R._ est sorti pour aller chercher un verre d'eau pour le plaignant. Après le départ de la police, il a donné ses coordonnées à A._ en vue d'une éventuelle plainte de la part de ce dernier.
A._ a déposé plainte "contre inconnus" le 1
er
février 2008.
4.2
Il ressort d'un certificat médical établi par l'Hôpital de Morges le 15 janvier 2008 qu'A._ a souffert de contusions multiples et de dermabrasions. Une attestation du Centre d'Imagerie de Morges du 24 janvier 2008 a révélé, suite à des radiographies du poignet gauche, un aspect discrètement tuméfié des parties molles ligamentaires dorsales sur le profil compatible avec une lésion ligamentaire. Un examen arthro-IRM a mis en évidence une déchirure transfixante du ligament scapho-lunaire gauche et une déchirure partielle du ligament luno-pyramidal sur son versant dorsal, de même qu'une déchirure du réticulanum du tendon de l'ECU avec subluxation latérale, mais sans évidence de tendinopathie du poignet gauche. Le plaignant a subi, le 13 septembre 2010, une première opération consistant en une réinsertion ligamentaire. Celle-ci n'ayant pas atteint le but escompté, une greffe du tendon a été pratiquée le 16 mai 2011 afin de remplacer le ligament.
Par courrier du 2 février 2011, le Dr [...] a précisé qu'un risque de limitation résiduelle tant de la mobilité que de la force du poignet gauche ne pouvait pas être exclu et que l'on pouvait admettre une certaine fragilisation du poignet suite au traumatisme dont A._ avait été victime. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjetés dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels sont recevables. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
On examinera tout d’abord l'appel de N._ (ch. 4), puis celui de R._ (ch. 5) et finalement celui de T._ (ch. 6).
4.
N._ affirme avoir cru, jusqu'à l'arrivée de la police, que le plaignant s'était rendu coupable de vol. Il fait valoir qu'il aurait dû être jugé sur la base de cette appréciation erronée des faits, conformément à l'art. 13 CP. Or, retenir un voleur par la force serait légitime – ou du moins l'aurait-il cru à tort, commettant ainsi une deuxième erreur, sur l'illicéité (art. 21 CP).
4.1
Aux termes de l'art. 13 al. 1 CP, quiconque agit sous l'influence d'une appréciation erronée des faits est jugé d'après cette appréciation si elle lui est plus favorable. Selon l'art. 21 CP, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d'agir que son comportement est illicite n'agit pas de manière coupable; encore faut-il que cette erreur n'ait pas été évitable.
La jurisprudence n'admet que très restrictivement l'erreur sur l'illicéité, qui correspond à l'erreur de droit sous l'ancien code. Dans un arrêt publié aux ATF 128 IV 201 (SJ 2002 I 441), le Tribunal fédéral a rappelé ce qui suit : "Pour retenir une erreur de droit, il faut que l'auteur ait agi en se croyant de bonne foi légitimé à le faire, ignorant que le comportement adopté était illicite ou poursuivable. (...) L'ignorance du caractère illicite d'un comportement déterminé est indispensable, mais pas suffisante pour être mis au bénéfice d'une erreur de droit. Il faut encore que l'auteur ait eu des "raisons suffisantes" pour croire qu'il agissait légalement. En d'autres termes, l'auteur ne doit pas avoir failli à l'obligation, dictée par les circonstances et par sa situation personnelle, de s'assurer qu'il était en droit d'agir comme il l'a fait. (...) Une erreur ne peut donc être retenue lorsque l'auteur avait un doute, ou aurait dû avoir un doute sur la licéité de son comportement et qu'il s'est malgré tout abstenu de prendre les précautions nécessaires."
L'appréciation erronée de la situation ne doit pas être admise à la légère par le juge et il appartient à celui qui se prévaut de cette appréciation de prouver les circonstances de fait qui l'expliquent (ATF 93 IV 81).
L'erreur sur les faits peut porter non seulement sur un élément constitutif objectif de l'infraction, mais également sur un fait justificatif ou une circonstance exerçant une influence sur la peine.
La différence entre l'erreur sur les faits et l'erreur sur l'illicéité a été examinée dans l'ATF 129 IV 238 (JT 2005 IV 87). Le Tribunal fédéral a relevé que la délimitation entre erreur sur les faits et erreur de droit ne dépend pas du fait que l'appréciation erronée concerne une question de droit ou des faits illicites. Il s'agit de qualifier d'erreur sur les faits, et non d'erreur de droit, non seulement l'erreur sur les éléments descriptifs, mais également l'appréciation erronée des éléments normatifs. Celui qui, par exemple, en raison d'une appréciation erronée, ignore que la chose acquise sous réserve de propriété reste une chose appartenant à autrui, ne peut pas avoir l'intention de commettre un abus de confiance. Ainsi, celui qui apprécie de façon erronée un élément constitutif d'une infraction pénale agit également sous l'emprise d'une erreur sur les faits et donc sans intention. Il faut ainsi retenir que les erreurs sur tous les éléments constitutifs d'une infraction qui impliquent des conceptions juridiques entrent dans le cadre de l'erreur sur les faits, indépendamment de la matière juridique concernée. Par conséquent, l'application de l'art. 19 aCP, qui définit l'erreur sur les faits, ne peut pas être d'emblée exclue au motif que le recourant s'est trompé sur une question d'ordre pénal.
Une erreur de droit au sens de l'art. 20 aCP pourra être retenue tant que l'auteur croit, en raison d'une appréciation juridique erronée, que son acte n'est pas illicite, par exemple s'il agit en vertu d'une représentation incorrecte de la notion juridique de pornographie. En d'autres termes, peut se prévaloir d'une erreur de droit celui qui ayant connaissance de tous les éléments constitutifs de l'infraction agit intentionnellement, mais en croyant par erreur agir de façon licite. L'erreur concerne dans ce cas la conscience de l'illicéité de l'acte, laquelle est un élément de la culpabilité dissocié de l'intention.
4.2
On ne saurait suivre le raisonnement de N._. Comme le tribunal l'a à juste titre indiqué (jugt, pp. 31 et 38), il résulte clairement de la vidéo qu'entre l'arrivée des agents de sécurité et du plaignant dans le local, à 15h52, et celle de la police, à 16h01, soit durant neuf minutes, le prénommé n'est jamais sorti de la pièce, que l'un ou l'autre des coprévenus était également présent et que la discussion virulente entre le plaignant et T._ s'est poursuivie dans le local en sa présence. Or, il ne fait aucun doute que cette conversation portait sur autre chose qu'un vol.
Il sied par ailleurs de relever qu'au cours des débats de première instance, N._ a affirmé dans un premier temps qu'il n'avait pas empêché A._ de sortir du local de sécurité et que celui-ci n'avait pas cherché à le faire, avant de revenir sur ses propos après avoir visionné les images vidéo; un tel comportement est symptomatique d'une mauvaise conscience. En effet, on ne voit pas pourquoi N._, qui venait de dire que les agents de sécurité pouvaient retenir une personne dans le local en question uniquement en cas de vol (jugt, p. 8), a ensuite précisé qu'il n'avait pas empêché le plaignant de s'en aller. Dès lors, de deux choses l'une : soit il était convaincu, comme il le prétend, que l'intimé avait volé de la marchandise et alors il n'avait aucune raison de nier qu'il l'avait empêché de partir, soit il savait qu'il ne s'agissait pas d'un vol et qu'il n'était pas autorisé à procéder de la sorte.
Le fait que T._ ait déclaré n'avoir pas expliqué à N._ quel était le problème avec A._ (jugt, p. 10) ne signifie pas qu'il n'a jamais évoqué le problème en sa présence, contrairement à l'interprétation qu'en fait l'appelant (recours, p. 13). Le fait que T._ ait ajouté à l'audience de ce jour qu'il n'avait pas "le souvenir d'avoir évoqué le problème de fond" (p. 5
supra
) n'y change rien. Il y a lieu d'accueillir cette déclaration avec une certaine réserve : T._ tente ici de faire valoir sa propre version des faits selon laquelle il n'aurait "rien avoir à faire avec ce qui s'est passé dans le local" (jugt, p. 10).
Si, comme le fait valoir N._ tant dans son mémoire d'appel (p. 14) qu'en plaidoirie, le tribunal a mis de nombreuses heures pour comprendre le fonctionnement de la fiche bleue, celui-ci n'a toutefois pas prétendu que le prénommé avait saisi la portée exacte du problème. Les premiers juges se sont en effet limités à retenir que peu après l'arrivée dans le local de sécurité, N._ avait compris qu'il ne s'agissait pas d'un problème de vol (jugt, p. 38), ce qui, compte tenu des éléments susmentionnés, n'est pas critiquable.
L'appelant s'en prend au raisonnement du tribunal, selon lequel personne n'a demandé à l'intimé de vider ses poches, ce qui constituerait la procédure normale dans un cas de vol. Or, il est spécieux de soutenir, comme le fait N._, que rien ne permet d'affirmer qu'il n'a pas invité la victime à vider ses poches, puisque le prénommé n'a lui-même jamais prétendu l'avoir fait. Quant aux autres prévenus, ils n'avaient pas de raison de le faire, puisqu'ils savaient que ce n'était pas une histoire de vol et N._, qui suivait la scène derrière les écrans de surveillance, n'invoque d'ailleurs pas le contraire.
Au surplus, la Cour de céans a acquis la conviction qu'avant même le déplacement vers le local de sécurité, le prévenu savait qu'il ne s'agissait pas d'un cas de vol. En effet, tout d'abord, lorsque N._ se trouvait dans le local de vidéo et surveillait la scène, rien dans les images de la caméra ne pouvait lui faire croire, sans l'ombre d'un doute, qu'il s'agissait d'un vol. Ensuite, quand il est arrivé au service d'accueil, si le client en question avait effectivement dérobé un CD, il devait apparaître quelque peu insolite que l'hôtesse de l'accueil tende le bras pour remettre au prétendu voleur ledit CD. Enfin, l'interpellation du plaignant ayant eu lieu avant le portillon de sortie, l'hypothèse du vol était exclue. L'instruction effectuée en appel a en effet révélé que, selon l'usage, un voleur pris en flagrant délit n'est jamais interpellé avant mais toujours après les caisses, pour que l'infraction soit évidente. Au surplus, une erreur sur les faits suppose une conviction erronée. En l'espèce, vu les circonstances, l'appelant a tout au plus pu envisager le vol comme une possibilité.
En définitive, c'est à juste titre que le tribunal n'a pas mis N._ au bénéfice d'une erreur sur les faits.
Mal fondé, le moyen doit donc être rejeté.
4.3
S'agissant ensuite de l'erreur sur l'illicéité au sens de l'art. 21 CP, N._ fait valoir qu'il avait cru par erreur être en droit d'appréhender et de maintenir A._ jusqu'à l'arrivée de la police, puisqu'il avait compris que celui-ci avait été surpris en flagrant délit de vol. Invoquant "les actes commis sous l'égide de l'art. 14 CP, (...) en particulier le fait d'appréhender un individu en 'flagrant délit' sous l'égide de l'art. 58 aCPP-VD" (Code de procédure pénale vaudoise du 12 septembre 1967, abrogé et remplacé par le CPP), il se prévaut d'un motif justificatif qui ôterait à son comportement son caractère illicite. Il aurait ainsi cru agir "dans le respect d'un motif justificatif qui n'exist[ait] pas" (recours, p. 16).
L'art. 58 aCPP permettait certes à chacun d'appréhender la personne prise en flagrant délit de vol. Cela étant, même autorisé par la loi (art. 14 CP), l'acte doit être proportionné au but recherché. Selon la jurisprudence, le respect de l'exigence de la proportionnalité s'apprécie non d'après l'état de fait retenu par le juge, mais d'après celui qui apparaissait à l'auteur au moment où il a agi. Il faut également tenir compte des moyens et du temps dont celui-ci disposait (
Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3
e
édition, Lausanne 2007, n. 1.7 ad art. 14 CP et les arrêts cités).
Ainsi, en cas de vol, l'intervention devait être proportionnée à son but, en l'occurrence empêcher le voleur de s'en aller. Une interpellation physique n'était envisageable qu'en cas de fuite. Or, en l'occurrence, si le plaignant voulait partir, aucun des prévenus n'a soutenu qu'il avait cherché à fuir. Son départ pouvait être empêché autrement qu'en attentant à son intégrité physique et à sa liberté personnelle. Les agents pouvaient en effet rester avec le client au service accueil et se limiter à lui barrer le passage par leur seule présence physique collective, en attendant la police; d'ailleurs,
lorsque N._ est arrivé au SAV, si T._ s'était déjà positionné devant le portillon de sortie, c'était bel et bien dans le but d'empêcher l'intimé de s'en aller. Empoigner le plaignant ne se justifiait pas, même s'il gesticulait, dès lors qu'il ne constituait pas une menace. L'appelant, au bénéfice d'une formation d'agent de sécurité, ne pouvait ignorer cela.
Ainsi, il sied de constater que ce dernier
ne pouvait se croire en droit d'agir comme il l'a fait et ce, même dans l'hypothèse où, comme il le soutient, il aurait cru par erreur qu'A._ avait été surpris en flagrant délit de vol.
4.4
Enfin, N._ soutient qu'il n'est pas établi que les lésions corporelles subies par A._ sont la conséquence de la clé de bras qu'il a pratiquée. Selon lui, elles pourraient être dues à la chute accidentelle.
Cet argument tombe à faux. Le certificat médical établi le jour même des événements litigieux fait notamment état de contusions multiples, de dermabrasions ainsi que d'une mobilité réduite du poignet (pièce 4/3). L'attestation du Centre d'Imagerie de Morges du 24 janvier 2008 précise qu'il s'agit du poignet gauche (pièce 44/2) et les courriers des 12 janvier 2010, 12 mars 2010 et 2 février 2011 du Dr [...] indiquent que la victime a ensuite présenté des complications au niveau de ce poignet (pièce 82). Or, au moment où le plaignant a été empoigné par les agents de sécurité, c'est N._ qui se trouvait du côté gauche et qui l'a saisi par le biceps et le poignet gauches.
Que les lésions subies par la victime soient dues à la clé de bras ou à la chute est indifférent : en empoignant sans droit le plaignant, le prévenu a provoqué ce résultat.
L'appelant savait, de par sa formation, que son comportement contraignant était susceptible de provoquer des blessures et il a accepté cette éventualité comme possible.
4.5
En définitive, l'appel de N._ doit être rejeté.
5.
R._ invoque aussi l'erreur sur les faits, ainsi qu'un état de nécessité licite (art. 17 CP).
5.1
Le prénommé soutient tout d'abord qu'au moment des faits, il ne comprenait pas ce qui se passait, ignorant la nature et l'objet du litige entre T._ et A._.
R._ a admis (jugt, p. 6) que lorsqu'il était arrivé à l'accueil du magasin, il avait assisté à une partie de la discussion entre le client et le chef de rayon, puis ce dernier lui avait expliqué qu'il avait fait l'objet de menaces et indiqué qu'A._ ne devait pas sortir avec ce bon. R._ a fait signe à l'hôtesse de ne pas restituer le CD au plaignant. Au vu du contexte, on discerne que ce que R._ n'avait pas compris, c'était plutôt la raison pour laquelle le client ne pouvait pas sortir avec le bon. L'affirmation figurant sur le blog de la victime selon laquelle l'agent de sécurité en question "ne comprenait pas la situation", dont il se prévaut, n'a aucune force probante et constitue une simple appréciation. Si R._ ne comprenait pas les détails du litige, il en savait assez pour se rendre compte qu'il s'agissait uniquement d'un problème de nature commerciale. Comme le tribunal l'a indiqué à juste titre (jugt, p. 29, par. 2), l'appelant s'est au moins rendu compte qu'A._ n'avait commis aucune infraction, hormis une éventuelle menace à l'encontre de T._ qui aurait au demeurant eu lieu en son absence et qui n'aurait plus été réitérée (jugt, p. 6, par. 3 et pp. 37 et 38, par. 3).
5.2
R._ estime qu'il se trouvait en état de nécessité. Il explique avoir cru en l'existence d'un danger, au vu de l'état de surexcitation dans lequel se trouvait A._ et de l'échange virulent entre celui-ci et T._.
Le nouveau droit distingue l'état de nécessité licite (art. 17 CP) de l'état de nécessité excusable (art. 18 CP). L'auteur qui se trouve en état de nécessité licite sauvegarde un bien d'une valeur supérieure au bien lésé et agit de manière licite. En cas d'état de nécessité excusable, les biens en conflit sont de valeur égale; l'acte reste illicite, mais la faute de l'auteur est exclue ou, à tout le moins, atténuée. Que l'état de nécessité soit licite ou excusable, l'auteur doit commettre l'acte punissable pour se préserver d'un danger imminent et impossible à détourner autrement (cf. TF 6B_720/2007 du 29 mars 2008). Il suppose donc l'existence d'un danger imminent qui ne peut être détourné autrement. La subsidiarité est absolue. Elle constitue une condition à laquelle aucune exception ne peut être faite (TF 6S.529/2006 du 8 février 2007 c. 4; K. Seelmann, Basler Kommentar, Strafrecht I, 2ème éd., Bâle 2007, art. 17 n° 7 et art. 18 n° 2).
Celui qui se croit en situation de danger doit établir que les circonstances ont pu lui faire croire qu'il se trouvait en état de nécessité; la simple impression qu'un danger soit possible ne suffit pas à admettre l'état de nécessité putatif (CCASS, 2 septembre 1992).
En l'espèce, rien ne permet de considérer que les gesticulations et les éclats de voix du plaignant constituaient un danger pour R._, pour le chef de rayon ou pour l'hôtesse de l'accueil, et encore moins pour les clients ou le matériel exposé, comme le prétend le prénommé, A._ ne s'étant jamais montré agressif, violent ou physiquement menaçant. L'appelant savait qu'A._ voulait partir; le laisser faire aurait été moins dangereux que l'empoigner, étant précisé que même si le plaignant s'en allait, rien n'empêchait R._ d'appeler la police à titre préventif, l'identité du client étant connue de l'établissement. C'est en vain que R._ prétend qu'il n'avait d'autre choix que d'empoigner et d'isoler le client pour faire face à une situation qu'il qualifie, à tort, d'extrême.
Au vu des considérations qui précèdent, il convient de constater que R._ ne se trouvait pas en état de nécessité, réel ou putatif, au moment des faits litigieux, de sorte que le moyen soulevé est mal fondé et qu'il doit être rejeté.
5.3
R._ prétend aussi avoir agi licitement, ou avoir cru le faire.
5.3.1
Il soutient tout d'abord avoir agi conformément à la Directive de la Commission concordataire du 28 mai 2009 concernant le concordat du 18 octobre 1996 sur les entreprises de sécurité (ci-après : la Directive), laquelle dispose, à son art. 1.1.2, que "le fait de rester dans un local dans le but de le garder constitue une activité soumise au concordat" (cf. pièce 99). Selon lui, les agents de sécurité externes jouissent donc d'une base légale pour garder une personne contre sa volonté dans un lieu isolé.
Cet argument tombe à faux. Premièrement, comme le rappelle à juste titre l'appelant, celui-ci n'était soumis, au moment des faits litigieux, ni au concordat, ni à la directive (cf. art. 5 al. 1 du Concordat, RSV 935.91), de sorte qu'il ne peut se prévaloir des dispositions de l'ou ou l'autre de ces textes. Deuxièmement, à supposer que l'art. 1.1.2 de la Directive lui ait été applicable, son argumentation procède d'une mauvaise lecture dudit article, puisque non seulement celui-ci ne concerne que le champ d'application matériel de la législation en cause (cf. art. 1.1 de la Directive), mais encore et surtout, il vise la surveillance non pas d'une personne, mais d'un "lieu (...)" (cf. art. 1.1.2
in fine
de la Directive ), ou "la surveillance ou la garde de biens mobiliers ou immobiliers" (cf. art. 4 du Concordat auquel se réfère l'art. 1.1.2 de la Directive). Troisièmement, la Directive ne constitue pas une base légale autorisant l'acte en question, qui demeure soumis aux conditions de la loi (cf. art. 28 du Concordat qui énumère les tâches de la Commission concordataire). Du reste, le Concordat précise, à son art. 15, que les entreprises de sécurité et leur personnel doivent exercer leur activité dans le respect de la législation (al. 1), qu'en particulier, le recours à la force doit être limité à la légitime défense et à l'état de nécessité au sens du Code pénal suisse (al. 2) et que toute personne soumise au Concordat a l'interdiction d'accepter des missions dont l'exécution l'expose à enfreindre la législation (al. 3).
5.3.2
R._ fait ensuite valoir qu'il était sous les ordres de T._, lequel l'aurait enjoint à plusieurs reprises d'amener le plaignant dans le local d'isolement. Que ce soit le cas ou non, agent de sécurité expérimenté, R._
ne pouvait se retrancher derrière un ordre pour commettre un acte dont il devait se rendre compte qu'il était injustifié. Un ordre de T._ ne devait pas empêcher R._ de chercher, dans un premier temps, à comprendre la situation et à s'expliquer avec le client, comme il l'a fait (jugt, p. 6). Dès lors, rien ne justifiait l'attitude subséquente de R._ consistant à empoigner et emmener de force la victime dans le local de sécurité. Il ne pouvait échapper à R._ qu'une telle intervention était en réalité illicite.
Au demeurant, R._ admet lui-même que la situation à laquelle il a dû faire face "l'a amené à se demander s'il pouvait être fondé d'agir comme il l'a fait" (appel, p. 9
in fine
). On rappellera à cet égard que selon la jurisprudence, l'erreur sur l'illicéité ne peut être retenue lorsque l'auteur avait un doute sur la licéité de son comportement.
Il s'ensuit que R._ ne peut se prévaloir de l'art. 21 CP.
5.4
Celui-ci invoque enfin une violation du principe de l'indivisibilité de la plainte prévu à l'art. 32 CP. Il ressortirait de la plainte pénale qu'A._, parfaitement conscient de la responsabilité du magasin V._, aurait voulu épargner ce dernier en limitant volontairement sa plainte à certains participants de l'infraction. Il s'ensuivrait que la plainte devrait être déclarée non valable et que le non-lieu s'imposerait pour tous.
Aux termes de l'art. 32 CP, si un ayant droit a porté plainte contre un des participants à l'infraction, tous les participants doivent être poursuivis.
Une plainte pénale déposée volontairement contre certains seulement des participants d'une infraction contient en soi une contradiction au regard du principe de l'indivisibilité et des conséquences de la violation de celui-ci. Dans une telle hypothèse, l'autorité doit informer le plaignant de ce que, conformément à la loi, tous les participants doivent être poursuivis ou aucun, et elle doit déterminer quelles sont ses intentions. Lorsqu'il est patent que le plaignant entend épargner ceux qui ne sont pas désignés dans la plainte, celle-ci doit être déclarée non valable (Favre et alii, op. cit. n. 1.1 ad art. 32 CP et les arrêts cités).
En l'espèce, il apparaît à la lecture de la plainte du 1
er
février 2008 (pièce 4/1) qu'A._ se plaint concrètement du comportement de divers membres du personnel du magasin V._, à savoir T._, R._, tous deux nommément désignés, et "un second agent de sécurité". Il a formellement dirigé sa plainte contre inconnus. Il n'a donc nullement cherché à restreindre la portée de sa plainte à certaines personnes.
Le fait que les autorités pénales auraient pu ou dû poursuivre d'autres personnes sur la base de cette plainte ne signifie pas que celle-ci n'était pas valable.
Mal fondé, le grief tiré de la violation de l'art. 32 CP doit donc être rejeté et, avec lui, l'appel de R._.
6.1
T._ invoque la constatation erronée des faits (art. 398 al. 3 let. b CPP).
6.1.1
Le prénommé conteste tout d'abord avoir refusé de rembourser le plaignant. Il précise qu'une telle possibilité n'existait pas et que même si elle existait, on ne saurait lui reprocher de ne pas l'avoir fait.
On ne voit pas ce que l'appelant entend tirer de cet argument. Le tribunal a indiqué que dans de rares cas, le chef de rayon pouvait décider d'un remboursement en espèces (jugt, p. 27) et qu'en l'occurrence, T._ avait refusé d'y procéder (jugt, p. 28). Ces considérations sont conformes aux explications du directeur W._, qui a clairement exposé que "c'est à l'appréciation du chef de rayon de décider s'il remet le même appareil, s'il procède à un remboursement ou s'il remet un bon-cadeau" (jugt, p. 17). Au surplus, l'indication du tribunal selon laquelle T._ a refusé de rembourser A._ est conforme aux propos tenus par le prévenu lui-même, qui a reconnu avoir dit au plaignant qu'un remboursement en espèces n'était pas possible (jugt, p. 4); en effet, on peut tout à fait considérer que si l'appelant a refusé de faire droit à la requête du client, c'est parce que cela n'était pas possible à ses yeux. Quoi qu'il en soit, il s'agit là d'une simple constatation qui n'a aucune incidence sur le jugement de la cause.
6.1.2
T._ soutient ensuite que le tribunal a retenu à tort qu'il avait fait appel à la sécurité dans le seul but d'empêcher A._ de sortir du magasin avec le bon. Il insiste sur le fait que le plaignant l'avait menacé et que c'est pour cette raison qu'il a averti la sécurité. L'appelant estime qu'au bénéfice du doute, on doit admettre la réalité de ces menaces. A ce propos, il ne faudrait pas confondre la notion de menaces au sens du Code pénal et le sentiment de menace ressenti par le prévenu et qui autorisait celui-ci à appeler les agents de sécurité.
A l'audience d'appel, le témoin P._, connaissance de l'appelant venu le voir ce jour-là, a indiqué qu'il attendait à l'écart la fin de la discussion entre T._ et le plaignant au rayon TV. Il affirme avoir entendu des menaces mais n'avoir pas jugé nécessaire d'intervenir, les protagonistes n'en étant pas venus aux mains. La Cour d'appel n'accordera aucun crédit à ce témoignage, le prévenu lui-même n'ayant jamais, avant la procédure d'appel, fait état de menaces à ce stade des événements. Dans l'ensemble donc, les menaces alléguées ne sont pas établies. Quoi qu'il en soit, si l'on admettait l'existence de menaces au bénéfice du doute pour le prévenu, ou un simple "sentiment de danger", force est de constater que ses craintes ne l'ont pas dissuadé de suivre le plaignant, de se positionner devant le portillon de sortie et de continuer de discuter avec lui. Le prévenu savait que la seule intention d'A._ était de quitter le magasin; le laisser faire aurait été en effet moins dangereux que lui barrer le chemin. Il est également pertinent de relever que lorsque T._ a appelé R._, il n'a pas fait état de menaces, mais s'est limité à lui expliquer qu'il avait un problème avec un client agité. Certes, arrivé à l'accueil, il a dit à l'agent de sécurité en question qu'il avait été menacé, mais il a immédiatement ajouté que le plaignant ne devait pas sortir avec ce bon (jugt, pp. 6 et 29); c'est dire si T._ se préoccupait du bon plutôt que de son intégrité. Compte tenu de ces éléments, on peut conclure que les craintes de l'appelant n'étaient pas importantes. D'ailleurs, celui-ci a clairement admis à l'audience : "si je suis intervenu malgré ma peur, c'est parce que je craignais aussi une réprimande du directeur pour avoir laissé sortir le bon" (p. 6
supra
).
Cela étant, il importe peu de savoir pourquoi le prévenu a fait appel aux agents. En effet, il ne lui est pas reproché d'avoir alerté la sécurité, ce qui est compréhensible face à un client agité et verbalement menaçant, mais d'avoir participé à la séquestration du plaignant, alors que celui-ci n'avait rien volé, n'avait esquissé aucun geste menaçant et souhaitait uniquement s'en aller.
6.1.3
T._ conteste avoir empêché A._ de reprendre le CD acheté par son amie.
Les premiers juges ont admis qu'"arrivé à l'accueil où il voulait récupérer l'achat effectué précédemment par son amie, A._ en a été empêché par T._" (jugt, p. 29, par. 2
in initio
). Cette constatation n'est pas contraire aux éléments du dossier. Le plaignant a déclaré que le prévenu avait donné cet ordre. Le prévenu lui-même n'a pas nié avoir ordonné à l'employée de ne pas restituer le CD au client, mais a affirmé ne pas s'en souvenir (jugt, p. 5, par. 4). On peut donc ajouter foi aux propos du plaignant.
6.1.4
T._ conteste également que les agents de sécurité soient intervenus sur ses ordres, car il n'était pas légitimé à leur en donner. Tant R._ que N._ auraient agi de leur propre mouvement, en raison de l'agitation du plaignant. L'appelant soutient qu'il ne s'est pas opposé aux agents de sécurité pour le simple motif qu'il n'était pas en mesure de prendre le contrôle de la situation, ni d'influencer les intéressés.
T._ se trompe lorsqu'il affirme que le tribunal a admis qu'il avait ordonné aux agents de sécurité d'isoler la victime (recours, p. 13, par. 4). Les premiers juges n'ont en effet pas retenu l'existence d'un ordre, mais d'un souhait exprimé par l'appelant (jugt, pp. 35 et 39). Peu importe donc ce qu'ont dit les deux autres prévenus pour reporter sur leur collègue la responsabilité de leur intervention.
Au service accueil, T._ a essayé d'obtenir du plaignant la restitution du fameux bon, comme il l'a indiqué (p. 6
supra
; jugt, p. 5). N'y étant pas parvenu, il "lui a proposé de parler dans une pièce séparée car il s'adressait aux clients", comme il l'a lui-même admis (jugt, p. 5); cela ressort d'ailleurs clairement des images vidéo, où l'on discerne à deux reprises un geste du bras de la part de T._ en direction de l'arrière du magasin, et ce, en présence de R._.
Il est donc faux de dire qu'il n'a joué aucun rôle dans le choix d'isoler et de maintenir A._ dans le local de sécurité. Sur ce dernier point, la cour de céans fait sienne l'appréciation du tribunal exposé en pages 35 et 39 de sa décision selon laquelle T._ a eu un comportement actif qui a favorisé la réalisation de l'infraction de séquestration. Si, comme le prétend l'appelant, il n'était pas en mesure de "prendre le contrôle de la situation" (recours, p. 14, par. 3), il n'en reste pas moins qu'il a encouragé les agents à isoler le plaignant et a participé à la séquestration en étant présent dans le bureau et en y poursuivant la discussion houleuse avec le client. De surcroît, non seulement T._ ne s'est pas opposé à ses collègues lorsqu'ils ont saisi la victime, mais encore, ainsi que cela ressort clairement du dossier et en particulier des images vidéo, il n'a pas tenté d'expliquer aux agents que leur comportement était incorrect et qu'ils risquaient des ennuis; au contraire, il les a suivis en direction du local et a pris la peine de fermer la porte du bureau (cf. images de la camera 03).
6.1.5
Le jugement ne contient dès lors aucune constatation erronée des faits. Le moyen est mal fondé et doit donc être rejeté.
6.2
T._ reproche au tribunal de lui avoir infligé une peine supérieure à celle prononcée à l'encontre de N._, condamné pour séquestration et lésions corporelles simples.
On rappellera que l
e principe de l'égalité de traitement doit être respecté par le juge pénal également, notamment lorsqu'on compare la peine en cause avec la peine infligée à un coaccusé (Favre et alii, op. cit., n. 1.12 ad art. 47 CP; ATF 121 IV 202 c. 2d; 117 IV 112 c. 2b; 116 IV 292 c. 2, JT 1992 IV 104). Selon la jurisprudence, la comparaison est délicate lorsqu'elle porte sur des affaires et des accusés différents (ATF 116 IV 292). Ainsi, si la prise en compte d'une inégalité de traitement est en principe adéquate, elle ne sera opérante qu'exceptionnellement, la comparaison avec les peines prononcées contre d'autres délinquants étant généralement stérile dans la mesure où il existe presque toujours des circonstances objectives ou subjectives dont le juge doit tenir compte dans chaque cas et qui le conduisent à individualiser la peine (ATF 116 IV 292 précité).
En l'espèce, la lecture du jugement démontre que le tribunal a soigneusement apprécié la situation qui lui était soumise et qu'il a pris en considération les circonstances propres à chaque intéressé. La différence entre la peine infligée à N._ et celle prononcée contre T._ s'explique par le fait que celui-ci "a été l'instigateur de l'ensemble des événements puisque, s'il avait laissé partir A._ comme ce dernier le souhaitait, il est fort probable qu'aucune infraction n'aurait été commise", comme le tribunal l'a à juste titre relevé (jugt, p. 42). A cela s'ajoute que T._ a agi en qualité de chef de vente expérimenté et même de suppléant du directeur (
ibidem
). Quant à N._, il tombe certes sous la circonstance aggravante du concours d'infractions. Il convient toutefois de tenir compte, à titre d'élément en sa faveur, du fait que, plus jeune et moins expérimenté, il a terminé sa formation et obtenu sa carte d'agent de sécurité moins d'une année avant les faits litigieux (jugt, p. 23), n'ayant auparavant travaillé que quelque temps comme auxiliaire. Ensuite, si T._ avait dès le début l'intention d'empêcher le plaignant de sortir du magasin, N._ n'a en revanche compris l'entier de la situation qu'après son arrivée dans le local de sécurité.
Partant, au vu de la situation personnelle, de la motivation, du but et de la liberté de décision de chacun (Favre et alii, op. cit, n. 1.2 ad art. 47 CP), c'est à bon droit que le tribunal a infligé à T._ une peine supérieure à celle prononcée contre N._.
Mal fondé, le moyen doit donc être rejeté et, avec lui, l'appel de T._.
7.
En définitive, c'est à juste titre que les premiers juges ont reconnu chacun des trois prévenus coupable de séquestration et condamné en outre N._ pour lésions corporelles simples, les éléments constitutifs de ces infractions étant réunis.
8
En conclusion, les appels doivent être rejetés et le jugement attaqué intégralement confirmé.
8.1
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis, conformément à l'art. 428 al. 1 1
ère
phrase CPP, par un tiers, soit 1'150 fr. (mille cent cinquante francs), à la charge de N._, par un tiers, plus l'indemnité allouée à son défenseur d'office par
2'350 fr., soit 3'500 fr. (trois mille cinq cents francs), à la charge de R._ et par un tiers, plus les frais liés à l'audition d'un témoin par 25 fr., soit 1'175 fr. (mille cent septante-cinq francs), à la charge de T._.
8.2
Le conseil de R._, Me Astyanax Peca, a produit une liste détaillée des opérations effectuées en deuxième instance, pour un montant total de 13.89 heures, justifiant avoir dû consacrer 3.39 heures aux téléphones et à la correspondance, 7.5 heures à la préparation et à la rédaction du mémoire d'appel et 3 heures à la préparation de l'audience d'appel.
Or, il sied de relever que le total de 13.89 heures est à l'évidence trop élevé. Il est en effet injustifié de se réclamer de 13.89 heures pour la période postérieure au jugement, correspondant à 2'500 fr. 20 d'indemnité, alors que c'est une indemnité de
5'639 fr. 75, TVA comprise, qui a été allouée à Me Peca en première instance. Plus particulièrement, les opérations dont celui-ci se prévaut ne nécessitaient nullement les dix-sept correspondances dont fait état la liste susmentionnée. De même, il paraît exagéré de se
prévaloir d'avoir consacré
7 heures 30 à la préparation et à la rédaction du mémoire d'appel et encore 3 heures à la préparation à l'audience d'appel, alors que pratiquement tous les arguments exposés ont déjà été plaidés et examinés en première instance et que dans son écriture, Me Peca se limite à rediscuter les faits litigieux et à en critiquer l'appréciation par le tribunal, sans mentionner, excepté à la page 13 paragraphe 5 du mémoire, aucune doctrine ou jurisprudence à l'appui de ses affirmations.
En conséquence, les opérations effectuées postérieurement au jugement entrepris n'impliquaient nullement une activité de près de quatorze heures. Tout bien considéré, c'est un montant de 2'350 fr., TVA et débours compris, qui doit être alloué à titre d'indemnité au défenseur d'office de R._ pour la procédure d'appel.
L'appelant R._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son conseil d’office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP).
8.3
Le plaignant A._, qui a procédé avec l'assistance d'un conseil professionnel, a droit à des dépens d'appel, conformément à l'art. 433 al. 1 let. a CPP. Vu l'ampleur et la complexité de la cause, les dépens, mis à la charge solidaire des appelants, doivent être arrêtés à 3'000 francs.
La Cour d’appel pénale,
en application pour N._ des articles 30, 34, 42, 44, 47, 49 al. 1, 50, 123 ch. 1, 183 ch. 1 al. 1 CP; 398 ss CPP,
en application pour R._ des articles 34, 42, 44, 47, 50, 123 ch. 1, 183 ch. 1 al. 1 CP; 398 ss CPP,
en application pour T._ des articles 34, 42, 44, 47, 50, 183 ch. 1 al. 1 CP; 398 ss CPP,
p r o n o n c e :
I.
Les appels formés le 23 mars 2011 par N._, R._ et T._ contre le jugement rendu le 10 février 2011 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne sont rejetés.
II.
Le jugement est confirmé selon le dispositif suivant :
"
I. Constate que N._ s'est rendu coupable de lésions corporelles simples et de séquestration.
II. Condamne N._ à une peine pécuniaire de 45 (quarante-cinq) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr. (trente francs).
III. Suspend l'exécution de la peine et fixe à N._ un délai d'épreuve de 2 (deux) ans.
IV. Libère R._ du chef d'accusation de lésions corporelles simples.
V. Constate que R._ s'est rendu coupable de séquestration.
VI. Condamne R._ à une peine pécuniaire de 30 (trente) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr. (trente francs).
VII. Suspend l'exécution de la peine et fixe à R._ un délai d'épreuve de 2 (deux) ans.
VIII. Constate que T._ s'est rendu coupable de séquestration.
IX. Condamne T._ à une peine pécuniaire de 60 (soixante) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 45 fr. (quarante-cinq francs).
X. Suspend l'exécution de la peine et fixe à T._ un délai d'épreuve de 2 (deux) ans.
XI. Donne acte à A._ de ses réserves civiles à l'encontre de N._, R._ et T._.
XII. Dit que N._, R._ et T._ sont les débiteurs, solidairement entre eux, d'A._ du montant de 7'000 fr. (sept mille francs), valeur échue, à titre de dépens pénaux.
XIII. Ordonne le maintien au dossier à titre de pièce à conviction du CD de vidéosurveillance séquestré sous fiche n° 42878.
XIV. Met une partie des frais de la cause, par 2'018 fr. 65, à la charge de N._.
XV. Met une partie des frais de la cause, par 7'658 fr. 40, y compris l'indemnité allouée à son défenseur d'office, par 5'639 fr. 75, TVA comprise, à la charge de R._.
XVI. Dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité allouée au chiffre XV ci-dessus ne sera exigible que pour autant que la situation économique de R._ se soit améliorée.
XVII. Met une partie des frais de la cause, par 1'518 fr. 70, à la charge de T._.
"
III.
L'indemnité de défenseur d'office allouée à Me Astyanax Peca pour la procédure d'appel est fixée à 2'350 fr. (deux mille trois cent cinquante francs).
IV.
Les frais de la procédure d'appel sont mis à la charge des appelants.
V.
R._ ne sera tenu de rembourser à l'Etat le montant de l'indemnité en faveur de son conseil d'office prévue au ch. III ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra.
VI.
Les appelants, solidairement entre eux, doivent à l'intimé A._ la somme de 3'000 fr. (trois mille francs) à titre de dépens d'appel.
VII.
Le jugement est exécutoire. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6582475e-c367-4d0f-8619-52ff4615c5a1 | En fait :
A.
Par jugement du 8 juillet 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a libéré N._ des accusations de vol et d’abus de confiance (I), l’a condamnée pour faux dans les titres à 12 (douze) mois de privation de liberté dont 6 (six) mois à titre ferme et 6 (six) mois avec sursis pendant 5 (cinq) ans, le sursis étant subordonné à la condition que N._ rembourse ponctuellement chaque mois le montant de 50 fr. (cinquante francs) à A._, en application de la convention passée entre ces parties au procès-verbal de l’audience du 3 juillet 2015 (II), a arrêté à 648 fr. (six cent quarante-huit francs) l’indemnité due à Me Claudio Venturelli à titre de conseil d’office de A._, à charge de l’Etat (III), a dit que N._ est débitrice de A._ de 3'000 fr. (trois mille francs) à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (IV), a rejeté toutes autres ou plus amples conclusions (V), a mis les frais par 7'114 fr. 30 (sept mille cent quatorze francs et septante centimes) à la charge de N._, montant incluant l’indemnité du défenseur d’office par 4'944 fr. 80 (quatre mille neuf cent quarante-quatre francs et huitante centimes), le remboursement à l’Etat de dite indemnité étant exigible que si la situation financière de la débitrice le permet (VI).
B.
Par actes du 13 juillet 2015, A._ et N._ ont déposé une annonce d’appel.
Par lettre du 10 août 2015, A._ a retiré son appel.
Par déclaration d’appel motivée du 24 juillet 2015, N._ a conclu, avec suite de frais et dépens, à la réforme du chiffre II du jugement précité en ce sens qu’elle est condamnée pour faux dans les titres à 8 mois de privation de liberté avec sursis pendant 3 ans, le sursis étant subordonné à la condition qu’elle rembourse ponctuellement chaque mois le montant de 50 fr. à A._ en application de la convention passée à l’audience du 3 juillet 2015, un retard non-fautif ne rendant pas l’entier de la somme exigible et ne justifiant pas la révocation du sursis.
Par lettre du 30 septembre 2015, le Ministère public a déclaré renoncer à comparaître à l’audience du 5 novembre 2015 et a conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Née le 24 juin 1972, N._ est domiciliée à [...]. Mère de deux enfants, âgés de 10 et 12 ans, elle perçoit une rente AI depuis plusieurs années de 1'540 fr. par mois, ainsi qu’une rente de 1'610 fr. pour un de ses enfants. Elle est mariée à [...], qui travaille et réalise un salaire irrégulier selon ses dires. Elle a indiqué faire l’objet d’une saisie de la part de l’Office des poursuites. Le couple a environ 47'000 fr. de dettes, objets de poursuites. N._ est sous curatelle depuis le mois de juin 2011.
Son casier judiciaire comporte une condamnation prononcée le 20 décembre 1999 par la Cour de cassation pénale vaudoise pour délit manqué d’assassinat, lésions corporelles graves, brigandage, obtention frauduleuse d’une prestation, à 8 ans de réclusion, libération conditionnelle accordée le 13 avril 2004 avec un délai d’épreuve de cinq ans.
2.
Ressortissant portugais, né le 12 septembre 1938 à [...] au Portugal, A._, retraité, est domicilié à [...]. Il avait confié la gestion de ses affaires à son fils et à sa belle-fille, en raison notamment du fait qu’il ne savait pas bien lire (PV aud. 3).
3.
3.1
N._ a fait la connaissance de A._ en 2007 ou 2008. Les intéressés ont noué un lien d’amitié et de confiance. Ils se rencontraient régulièrement dans des établissements publics, puis au domicile de A._. Lors de leurs rencontres, A._ remettait occasionnellement 20 fr. ou 40 fr. à N._, à la demande de cette dernière.
3.2
Entre le 22 mai 2013 et le 18 août 2013, N._ a prélevé à la BCV de Lausanne et Bussigny-près-Lausanne, à 18 reprises, sur les comptes bancaires de A._, alors âgé de 75 ans, un montant total de CHF 46'500.-, en rédigeant préalablement des autorisations de retrait en sa faveur, au nom de l’intéressé et en imitant sa signature, sans y avoir été autorisée par ce dernier. La prévenue ne bénéficiait pas de procuration sur le compte du lésé. L’argent a servi à assurer à la prévenue un train de vie nettement supérieur à celui qui était le sien jusqu’alors (achat de mobilier, voyages et sorties).
3.3
A._ a déposé plainte le 23 août 2013.
3.4
La BCV a versé 30'000 fr. sur le compte de A._. | En droit :
1.
Interjeté dans les forme et délai légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant qualité à recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 consid. 3.1).
3.
L’appelante fait valoir que la diminution de responsabilité qui lui a été accordée par le premier juge est insuffisante et que la peine aurait dû en conséquence être fixée à 8 mois, compte tenu d’un facteur de réduction de 50%.
3.1
3.1.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale
(ATF 134 IV 17 consid. 2.1; ATF 129 IV 6 consid. 6.1).
3.1.2
Conformément à l'art. 19 al. 2 CP, le juge atténue la peine si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation.
Le Tribunal fédéral a jugé que la réduction purement mathématique d'une peine hypothétique, comme le permettait l'ancienne jurisprudence, était contraire au système, qu'elle restreignait de manière inadmissible le pouvoir d'appréciation du juge et conduisait à accorder un poids trop important à la diminution de la capacité cognitive ou volitive telle qu'elle a été constatée par l'expert (ATF 136 IV 55). Pour fixer la peine en cas de diminution de la responsabilité pénale, le juge doit partir de la gravité objective de l'acte (objektive Tatschwere), et apprécier la faute subjective (subjektives Tatverschulden). Il doit mentionner, dans le jugement, les éléments qui augmentent ou diminuent la faute dans le cas concret et qui permettent d'apprécier la faute en relation avec l'acte. Le législateur mentionne plusieurs critères qui jouent un rôle important pour apprécier la faute et peuvent même conduire à diminuer celle-ci de telle manière qu'il convient de prononcer une peine inférieure au cadre légal ordinaire de la peine. Parmi ceux-ci, figure notamment la diminution de la responsabilité au sens de l'art. 19 CP. Dans ce cas, contrairement à la lettre de la disposition et en modification de la jurisprudence antérieure (ATF 134 IV 132 consid. 6.1), il s'agit de diminuer la faute et non la peine; la réduction de la peine n'est que la conséquence de la faute plus légère (ATF 136 IV 55 consid. 5.5).
Le juge dispose également d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’il détermine l’effet de la diminution de la responsabilité sur la faute (subjective) au vu de l’ensemble des circonstances. II peut appliquer l’échelle habituelle : une faute (objective) très grave peut être réduite à une faute grave en raison d’une diminution légère de la responsabilité. La réduction pour une telle faute (objective) très grave peut conduire à retenir une faute moyenne à grave en cas d’une diminution moyenne et à une faute légère à moyenne en cas de diminution grave. Sur la base de cette appréciation, le juge doit prononcer la peine en tenant compte des autres critères de fixation de la peine. Un tel procédé permet de tenir compte de la diminution de la responsabilité, sans lui attribuer une signification trop vaste (ATF 136 IV 55 consid. 5.6).
En bref, le juge doit procéder comme suit en cas de diminution de la responsabilité pénale : dans un premier temps, il doit décider, sur la base des constatations de fait de l’expertise, dans quelle mesure la responsabilité pénale de l’auteur doit être restreinte sur le plan juridique et comment cette diminution de la responsabilité se répercute sur l’appréciation de la faute. La faute globale doit être qualifiée et, au regard de l’art. 50 CP, le juge doit expressément mentionner le degré de gravité à prendre en compte. Dans un second temps, il lui incombe de déterminer la peine hypothétique, qui correspond à cette faute. La peine ainsi fixée peut ensuite être, le cas échéant, modifiée en raison, notamment, de facteurs liés à l’auteur (ATF 136 IV 55 consid. 5.7).
3.2
En l’espèce, c’est en vain que l’appelante se réfère à la diminution de la responsabilité telle qu’opérée par la Cour de cassation pénale lors de sa précédente condamnation. En effet, cette jurisprudence, appliquée alors, prévoyait une corrélation directe entre le degré de diminution de responsabilité et la fixation de la peine. Cette jurisprudence n’a plus cours depuis l’arrêt rappelé et développé au considérant précédent. Il appartient désormais au juge de qualifier l’importance de la faute, compte tenu de la diminution de responsabilité et d’en tirer ensuite les conséquences pour la fixation de la peine. Il résulte de l’expertise psychiatrique, ordonnée dans la précédente procédure et prise en considération dans la présente affaire, que la faculté de N._ de se déterminer d’après une appréciation conservée du caractère illicite de l’acte était légèrement à moyennement diminuée. Le premier juge a également indiqué que la seule circonstance ayant changé depuis cette expertise était que la prévenue ne consommait plus de substances psychoactives. Comme les troubles mentaux étaient également en relation avec cette consommation, il était loisible au tribunal de première instance de considérer que la diminution de responsabilité pour les nouveaux faits délictueux était légère. Le comportement de l’appelante ayant été jugé lourdement fautif et la responsabilité étant légèrement diminuée, on peut donc retenir une faute moyenne à grave, correspondant à la sanction prononcée. L’appréciation du premier juge ne prête en définitive pas le flanc à la critique. Il n’y a ainsi pas de violation de l’art. 19 al. 2 CP.
4.
4.1
N._ soutient qu’elle mérite d’être mise au bénéfice d’un sursis complet, au motif que ses antécédents, qui remontent à 16 ans, ne sauraient être suffisants pour poser un pronostic défavorable. Elle invoque sa volonté de vouloir réparer le dommage, après avoir remis la somme de 1'000 fr. au lésé lors de l’audience de première instance et le fait de s’être engagée par convention à le rembourser intégralement en effectuant un versement mensuel de 50 francs, autant de circonstances qui permettraient de fonder un pronostic favorable.
4.2
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Sur le plan subjectif,
le juge doit poser un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. Il suffit qu'il n'y ait pas de pronostic défavorable ; le sursis est la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable (ATF 134 IV l consid. 4. 2.2). Pour émettre ce pronostic, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 134 IV 1 consid. 4.2.1).
L'art. 43 al. 1 CP prévoit que le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur. Les conditions subjectives permettant l'octroi du sursis (art. 42 CP), à savoir les perspectives d'amendement, valent également pour le sursis partiel prévu à l'art. 43 CP. Un pronostic défavorable exclut le sursis partiel (TF 6B_812/2009 du 18 février 2010 consid. 2.1 et les références citées).
Aux termes de l'art. 44 al. 1 CP, si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans. Dans le cadre ainsi fixé par la loi, la durée du délai d'épreuve est à déterminer en fonction des circonstances du cas, en particulier selon la personnalité et le caractère du condamné, ainsi que du risque de récidive. Plus celui-ci est important plus longs doivent être le délai d'épreuve et la pression qu'il exerce sur le condamné pour qu'il renonce à commettre de nouvelles infractions (ATF 95 IV 121 consid. 1). La durée doit être déterminée de manière à offrir la plus grande probabilité que le condamné ne récidivera pas (Schneider/Garré, in : Basler Kommentar, Strafrecht I, 2
e
éd., Bâle 2007, n. 4 ad art. 44 CP p. 790 et les références citées).
4.3
Le premier juge n’a pas ignoré l’ancienneté de la précédente condamnation, qu’il a relevée, mais a considéré qu’il ne pouvait formuler un pronostic favorable, N._ ayant adopté de façon répétée des comportements frauduleux dans le but de s’enrichir au mépris d’une victime faible. Même si aucune infraction contre le patrimoine n’a été retenue, faute d’aggravation de l’accusation aux débats, il faut tenir compte, dans le cadre du pronostic à formuler, d’une propension de la prévenue à commettre des infractions malgré une lourde condamnation qui aurait dû la dissuader d’agir comme elle l’a fait. Dans l’établissement du pronostic, il faut également souligner l’analogie avec la précédente condamnation, en ce sens que le mobile du comportement délictueux repose à nouveau sur l’appât du gain. L’argent subtilisé à A._, soit la somme non négligeable de 46'500 fr., a par ailleurs été utilisé en l’espace d’à peine trois mois pour des achats superflus, tels que du mobilier, des sorties et des voyages, mais aucunement pour éponger des dettes personnelles. Les engagements financiers de la prévenue, de même que sa situation familiale, ne présentent pas de garantie suffisante pour éviter une récidive. Rapportée aux montants détournés, la somme de 1'000 fr. versée à l’audience est insignifiante. Quant au remboursement de 50 fr. par mois, il représente le minimum de ce que la prévenue pouvait consentir et ne permettra le remboursement du capital que dans de nombreuses années. Enfin, la prévenue était déjà mère de famille lorsqu’elle a commis ses infractions. En résumé, la propension de l’accusée à commettre des infractions graves par appât du gain, son désœuvrement et l’absence d’étayage suffisant du cadre familial rendent le pronostic mitigé. La solution du sursis partiel adopté par le premier juge doit être confirmée.
Ainsi, la peine prononcée de 12 mois de privation de liberté, dont 6 mois ferme et 6 mois avec sursis, est adéquate. La durée du délai d'épreuve de 5 ans ne prête pas le flanc à la critique, au vu des circonstances particulières de l’affaire et de la propension de la prévenue à commettre des infractions malgré ses lourds antécédents. Pour ce qui est de la règle de conduite subordonnant le sursis partiel au remboursement ponctuel mensuel de 50 fr., celle-ci est adéquate et doit être maintenue également.
5.
5.1
L’appelante demande que le dispositif du jugement soit complété par la mention que le sursis n’est pas révoqué en cas de retard non-fautif du remboursement du montant dont elle s’est reconnue débitrice envers le plaignant.
5.2
Le juge peut ordonner une assistance de probation et imposer des règles de conduite pour la durée du délai d'épreuve (art. 44 al. 2 CP). L'art. 46 al. 4 CP règle la question du condamné qui se soustrait à l’assistance de probation ou viole une règle de conduite. Le choix et le contenu des règles de conduite doivent être adaptés au but du sursis, qui est l'amendement durable du condamné. Le but principal de la règle de conduite, et notamment de l'obligation de réparer le dommage, n'est pas de porter préjudice au condamné ou de protéger les tiers contre lui. En effet, la règle de conduite doit être conçue en premier lieu dans l'intérêt du condamné de manière qu'il puisse la respecter. Elle doit avoir un effet éducatif qui limitera le danger de récidive (TF 6B_626/2008 du 11 novembre 2008 consid. 6.1 ; ATF 130 IV 1 consid. 2.1 ; ATF 108 IV 152 consid. 3a ; ATF 106 IV 325 consid. 1 ; ATF 105 IV 234 consid. 2c). Ainsi, les règles de conduite accompagnant un sursis, qui doivent répondre aux buts de prévention spéciale et de réintégration sociale caractérisant le sursis, se distinguent fondamentalement de l'indemnité allouée au lésé directement et destinée à réparer son dommage. S'agissant dès lors de mesures à caractère pénal, instaurées par le droit fédéral en matière pénale, les règles de conduite doivent pouvoir être appliquées par tout juge pénal compétent, et cela indépendamment de ses compétences sur le plan civil ou de la position qu'a pu prendre le lésé sur le plan civil (ATF 105 IV 234 consid. 2c et les références citées).
5.3
L’appelante a signé une convention avec la partie plaignante aux termes de laquelle un retard de plus de 2 mois dans les paiements mensuels rend l’entier de la somme exigible. L’appelante n’invoque pas de vice du consentement concernant la conclusion de cet accord, dont le contenu n’a pas à être modifié en procédure d’appel. S’agissant d’une éventuelle révocation du sursis, le juge pénal statuera le cas échéant selon des critères distincts de la convention civile, de sorte que la demande de l’appelante est en réalité sans objet.
6.
En définitive, l’appel doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, constitués de l’émolument de jugement, par 1'830 fr. (art. 21 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), de l'indemnité allouée au conseil d'office de A._ et de l’indemnité allouée au défenseur d’office de N._, doivent être mis à la charge de cette dernière, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).
7.
7.1
Aux termes de l’art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d’office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès.
Selon la jurisprudence, le défenseur d'office a droit au remboursement intégral de ses débours ainsi qu'à une indemnité s'apparentant aux honoraires perçus par le mandataire plaidant aux frais de son client; pour fixer cette indemnité, l’autorité doit tenir compte de la nature et de l’importance de la cause, des difficultés particulières qu’elle peut présenter en fait et en droit, du temps que le défenseur d’office y a consacré et de la qualité de son travail, du nombre de conférences, d’audiences et d’instances auxquelles il a pris part, du résultat obtenu et, enfin, de la responsabilité qu’il a assumée (TF 6B_745/2009 du 12 novembre 2009 consid. 10.1 et les réf. citées).
Lorsque le juge fixe le montant des dépens sur la base d'une liste de frais et qu’il entend s'en écarter, il doit alors au moins brièvement indiquer les raisons pour lesquelles il tient certaines prétentions pour injustifiées, afin que son destinataire puisse attaquer la décision en connaissance de cause (TF 5D_45/2009 du 26 juin 2009 consid. 3.1; TF 1P.85/2005 du 15 mars 2005 consid. 2 et les réf. cit.). L’autorité chargée de fixer la rémunération du défenseur d’office peut se prononcer sur le caractère excessif du temps que celui-ci allègue avoir consacré à sa mission et ne rétribuer que l’activité qui s’inscrit raisonnablement dans le cadre de l’accomplissement de la tâche du défenseur, à l’exclusion des démarches inutiles ou superflues ou des tâches relevant d’un simple soutien moral ou d’une aide sociale sans rapport avec la conduite du procès pénal; l’avocat doit toutefois bénéficier d’une marge d’appréciation suffisante pour déterminer l’importance du travail qu’exige l’affaire (ATF 109 Ia 107 consid. 3b).
7.2
Dans sa liste des opérations produite à l’audience d’appel, Me Véronique Fontana a indiqué avoir consacré plus de 9 heures à l’exercice de son mandat, ceci ne comprenant cependant pas le temps consacré à l’audience d’appel. Cette durée est excessive dès lors que la déclaration d’appel est succincte, composée uniquement de deux pages, et que seule la peine était contestée. Il convient de relever en particulier que le temps annoncé de 2 heures à la préparation des débats est exagéré puisque le défenseur d’office, qui était déjà conseil en première instance, connaissait le dossier. L’audience d’appel ayant duré 25 minutes, c’est en définitive une durée de 6 heures qui doit être admise à laquelle il faut ajouter une vacation forfaitaire de 120 fr., ainsi que des débours de 13 francs. L’indemnité allouée à Me Véronique Fontana pour la procédure d’appel sera dès lors arrêtée à 1'310 fr. 05, TVA et débours inclus.
8.
Pour ce qui est de l’indemnité du conseil d’office de A._, celle-ci sera arrêtée, conformément à la liste des opérations produite aux débats d’appel, soit 4 heures 15 consacrées par l’avocate-stagiaire au tarif horaire usuel de 110 fr., d’une vacation au tarif forfaitaire de 80 fr., plus la TVA à 43 fr. 80, soit un total de 591 fr. 30.
N._ ne sera tenue de rembourser à l’Etat le montant des indemnités en faveur de son défenseur d'office et du conseil d’office de la partie plaignante prévues ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a et 426 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
659d1080-d468-4c8a-a38c-7ca7131bba95 | En fait :
A.
Par jugement du 5 décembre 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté que A.J._ s’est rendu coupable d’escroquerie par métier, de fausses communications aux autorités chargées du registre du commerce, de faux dans les titres et de faux dans les certificats (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 4 (quatre) ans, sous déduction de 182 (cent huitante deux) jours de détention avant jugement, peine entièrement additionnelle à celles prononcées par le Ministère public du canton de Genève le 25 mai 2012, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne le 27 septembre 2012 et le 27 mars 2013 et le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois le 2 juillet 2014 (II), a dit qu’il sera interdit à A.J._ d’exercer une activité en relation avec le commerce de matières premières en qualité d’indépendant, en tant qu’organe d’une personne morale ou d’une société commerciale, au titre de mandataire ou de représentant d’un tiers, ou de toute autre manière en qualité d’ayant droit économique et ce durant une période de quatre ans (III), a renoncé à condamner A.J._ au paiement d’une créance compensatrice (IV), a dit que A.J._ est le débiteur de L._ SA des sommes de 298'500 fr., 2’566'000 EUR et 220'000 USD le tout avec intérêt à 5% l’an dès le 15 mai 2011 (intérêt moyen) (V), a alloué à L._ SA des dépens à hauteur de 50'000 fr. (VI), a ordonné la confiscation et la dévolution à l’Etat en couverture de ses frais de justice au sens de l’art. 442 al. 4 CPP des montants déposés sur les comptes BCV [...], [...] et [...], des montants actuellement versés sur le compte du Ministère public central [...], ainsi que les bijoux séquestrés sous fiche [...] et les objets séquestrés sous fiche [...] (VII), a ordonné le maintien au dossier à titre de pièces à conviction des objets, CD, DVD, disque dur externe, clés USB et documents répertoriés sous fiches [...], [...] et [...], à l’exception des cartes SIM qui seront confisquées et détruites ainsi que le maintien au dossier à titre de pièces à conviction des objets séquestrés dans la Mercedes Benz VD [...] (VIII), a ordonné le maintien au dossier à titre de pièces à conviction des objets et CD répertoriés sous fiche [...], à l’exception des cartes SIM qui seront confisquées et détruites
(IX), a ordonné le maintien au dossier à titre de pièces à conviction les divers documents séquestrés au domicile de B.J._ (pièce [...]) et les documents et classeurs séquestrés dans les locaux de V._ Sàrl (pièce [...]), ainsi que les objets, documents et DVD répertoriés sous fiches [...] et [...] (X), a ordonné la confiscation et la destruction d’un brouilleur d’ondes CDMA/GSM, 3G et DCS avec un chargeur (pièce [...]) (XI), a arrêté à 18'676 fr. 20 TTC l’indemnité allouée à Me Véronique Fontana, défenseur d’office de A.J._ (XII), a mis les frais de la présente cause, par 84'152 fr., à la charge de A.J._, y compris les indemnités allouées à ses conseils d’office successifs et a dit que les indemnités d’office ne seront exigibles de A.J._ que pour autant que sa situation financière le permette (XIII).
B.
Par annonce du 8 décembre 2014, puis déclaration du
29 janvier 2015, A.J._ a formé appel contre ce jugement en concluant à sa réforme en ce sens qu’il est constaté qu’il s’est rendu coupable de fausses communications aux autorités chargées du Registre du commerce, de faux dans les titres et de faux dans les certificats, qu’il est condamné à une peine assortie du sursis et à ce qu’une indemnité de 36'400 fr. fondée sur l’art. 429 CPP représentant 182 jours de détention préventive à 200 fr. le jour lui est allouée.
Dans ses déterminations du 23 février 2015, L._ SA a conclu au rejet de l’appel formé par A.J._ et à la confirmation du jugement entrepris.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Originaire de Grône en Valais, A.J._ est né le 13 décembre 1972 à Douala au Cameroun. Benjamin d’une fratrie de sept enfants, il est arrivé en Suisse à l’âge de 18 ans avec une tante. Parti en France pour effectuer des études de droit, il y a obtenu une maîtrise universitaire, avant d’effectuer environ deux semestres de formation d’économie politique à l’Université de Cologne sans toutefois obtenir de diplôme. En 1999, il est revenu s’établir en Suisse. Après avoir obtenu une maturité fédérale, il a rejoint la faculté de droit de l’Université de Lausanne en 2002. Il y a suivi un cursus accéléré grâce à ses titres antérieurs et a achevé ses études en 2009 en obtenant un Master général en droit suisse.
A.J._ a déclaré avoir renoncé à sa nationalité camerounaise en devenant citoyen suisse. Il n’est effectivement pas enregistré auprès de la représentation diplomatique camerounaise en Suisse d’après les indications données par l’Ambassade du Cameroun au Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne.
L’appelant vit à Pully avec son épouse, qui est paraplégique, ainsi que leurs deux enfants âgés de 5 et 7 ans dont il s’occupe à plein temps. Sa femme perçoit une rente Al. Depuis janvier 2015, A.J._ travaille pour la maison de champagne [...] en qualité d’« ambassadeur de la marque ». Il est rémunéré par commissions. Il a également commencé une thèse à l’Université de [...].
Selon ses dires, il ne possèderait aucune fortune ni en Suisse ni au Cameroun. Les biens-fonds dont il aurait hérité de son père auraient été acquis par une forme « d’usucapion » par des membres de sa famille.
Le casier judiciaire suisse du prévenu comporte les inscriptions suivantes :
- 23 décembre 2008 : Préfecture de Nyon, violation des règles de la circulation routière, violation grave des règles de la circulation routière, peine pécuniaire de 6 jours-amende à 50 fr., sursis à l’exécution de la peine et délai d’épreuve de 2 ans, amende de 300 fr., sursis révoqué le 7 septembre 2010 par le Juge d’instruction du Nord vaudois ;
- 7 septembre 2010 : Juge d’instruction du Nord vaudois, conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait (véhicule automobile), peine pécuniaire de 30 jours-amende à 40 fr., sursis à l’exécution de la peine et délai d’épreuve de 5 ans, amende de 600 fr., sursis révoqué le 29 mai 2012 par le Ministère public du canton de Genève ;
- 29 mai 2012, Ministère public du canton de Genève, conduite d’un véhicule automobile sans permis de conduire, peine pécuniaire de 40 jours-amende à 40 francs ;
- 27 septembre 2012, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, lésions corporelles simples, contrainte, peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 francs ;
- 27 mars 2013, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, lésions corporelles simples, peine pécuniaire de 20 jours-amende à 20 fr., peine complémentaire au jugement du 29 mai 2012 du Ministère public du canton de Genève ;
- 2 juillet 2014, Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois, conduite d’un véhicule automobile malgré le refus, le retrait ou l’interdiction de l’usage du permis, peine pécuniaire de 40 jours-amende à 30 francs.
Pour les besoins de la présente cause, A.J._ a été détenu provisoirement du 19 janvier au 18 juillet 2012, soit durant 182 jours.
2.
A.J._ a fondé le 18 août 2009 la société V._ Sàrl (ci-après V._) dont il est l’associé-gérant avec signature individuelle. Domiciliée à Lausanne et ayant un capital de 20'000 fr., le but de cette société est le commerce de pierres et de métaux précieux. Au cours des années 2009 et 2010, selon les comptes de Bilan et de Résultat, V._ n’a réalisé aucun chiffre d’affaires (P. 34/10). Pour les années 2011 et 2012, selon les propres déclarations du prévenu, la société n’a enregistré aucun encaissement (PV aud. 5, p. 3).
2.1
Le 15 mars 2010, sur réquisition de A.J._, le Registre du commerce du canton de [...] a procédé à l’inscription de l’entreprise individuelle « Cabinet de conseils juridiques, A.J._ » domiciliée Rue [...] à Lausanne.
Le 10 juin 2011, cette même autorité — toujours sur réquisition de l’appelant — a procédé à la modification de la raison de commerce mentionnée ci- dessus en « Etude d’avocats, A.J._ », entreprise individuelle dont le but était l’exploitation d’une étude d’avocats. L’intéressé y apparaissait comme titulaire unique avec signature individuelle alors que l’enquête a démontré que ce dernier n’a jamais été titulaire du brevet d’avocat. Par ailleurs, aucun avocat n’a jamais intégré « l’Etude d’avocats, A.J._ ».
2.2
Au cours du premier trimestre 2010, A.J._ a fait des démarches pour être admis au sein de l’Association romande des intermédiaires financiers (ci-après ARIF). Dans ce contexte, il a fait la connaissance de G.T._, avec qui il a évoqué des possibilités de commerce de métaux précieux avec l’Afrique.
Le 10 juin 2010, ensuite d’un séminaire à l’ARIF, G.T._ a présenté A.J._ à son père, F.T._, administrateur président de L._ SA. Ces derniers ont parlé affaires et c’est ainsi que l’appelant a présenté à F.T._ une opération concernant 50 kg d’or provenant de Guinée pour laquelle il était à la recherche d’un financement.
F.T._ et A.J._ se sont par la suite rencontrés à plusieurs reprises afin de mettre en place un réseau d’acheteurs potentiels intéressés par l’acquisition de quantités d’or. Lors de ces discussions, les possibilités de faire du commerce de cuivre et de pétrole notamment ont aussi été abordées. L’intérêt de L._ SA et de ses clients était d’obtenir de l’or à un prix 10 à 15% inférieur à la valeur du marché. Toutefois, lors de leur première opération, L._ SA n’avait pas l’intention d’investir des fonds de ses clients mais les siens propres uniquement.
Durant cette même période, A.J._ a transmis à F.T._ une copie d’un contrat non signé intitulé « Buy/Seller Agrement » daté du 7 juin 2010 et portant sur la vente de 50 kg d’or par un dénommé Z._, citoyen guinéen, à V._. Ce document mentionnait à son article 11 les coordonnées bancaires auprès de la Banque [...] d’un prénommé G._, qui allait également participer à l’opération.
Le 6 juillet 2010, A.J._ a confirmé par courriel à F.T._ que le montant total de 60'000 fr. permettrait de finaliser la transaction des 50 kg d’or et que la répartition des bénéfices se ferait à hauteur d’un tiers pour L._, un tiers pour V._ et un tiers pour G._ (P. 4/2/5).
Fort des premières discussions évoquées ci-dessus et de la confiance qu’il avait progressivement accordée à l’appelant, F.T._ a entrepris à la fin du mois de juin 2010 des démarches auprès du [...] SA pour ouvrir un compte de dépôt « or » commun à L._ SA, V._ et G._ (4/2/6).
Le 15 juillet 2010, L._ SA a procédé au versement de 10'000 fr. sur le compte postal de V._ (P. 20/1/3). Ce montant a été versé pour couvrir les frais engendrés par A.J._ en Afrique dans le cadre de l’opération censée porter sur les 50 kg d’or provenant de Guinée.
Le 15 octobre 2010, L._ SA a retiré 3'500 fr. de son compte à la Banque [...] (ci-après [...]) et les a remis à A.J._ à titre de prêt ; ce dernier a signé l’avis de débit en précisant qu’il reconnaissait devoir cette somme à titre de prêt temporaire (P. 20/1/4). Le prévenu avait alors expliqué avoir besoin de cet argent pour couvrir des frais de déplacement à Zurich dans le cadre d’une autre affaire impliquant une expertise de pierres précieuses.
Le 4 novembre 2010, L._ SA a retiré 40'000 fr. de son compte à la [...] et les a remis à A.J._ (P. 20/1/5). Ce montant devait permettre de finaliser ladite opération, en payant des commissions non prévues à différentes personnes ainsi que l’extraction de l’or (P. 20/1/5).
F.T._, n’ayant pas réceptionné les 50 kg d’or promis par le prévenu, a exigé le remboursement des montants avancés, soit 53'500 francs. Par courriel du 21 décembre 2010, A.J._ a reconnu lui devoir ce montant, mais lui a expliqué qu’il avait utilisé l’argent pour conclure une autre affaire à Zurich (P. 103).
2.3
Dans le courant du mois d’avril 2011, A.J._ a interpellé F.T._ au sujet d’une nouvelle opération portant sur l’acquisition de 118 kg d’or brut auprès du Gouvernement de Zambie et a réussi à la convaincre qu’il s’agissait d’une opération sûre pouvant lui permettre de récupérer ses fonds investis lors de la première opération.
Le 21 avril 2011, L._ SA a retiré 40'000 fr. de son compte à la [...] et les a remis à A.J._ pour réserver sa participation à l’opération portant sur l’acquisition de 118 kg d’or zambien (P. 4/2/12). En outre, le prévenu et L._ SA ont signé un document intitulé « Avances de fonds et Répartition de bénéfice » par lequel A.J._ reconnaissait avoir perçu 40'000 fr. pour « finaliser l’opération d’or en cours », en référence au 40'000 fr. remis le 4 novembre 2010. (P. 93/7/2.31).
Le 10 mai 2011, F.T._ et A.J._ ont tenu une séance en vue d’organiser la nouvelle opération portant sur l’acquisition des 118 kg d’or zambien. A cette occasion, ils ont déterminé le prix d’extraction de l’or, les frais inhérents à celle-ci, les commissions, le coût des transports aériens, les coûts liés à la fonte ainsi qu’à la sécurité et enfin le prix d’achat. Ce budget était de 3'500'000 francs. L._ SA devait avancer les fonds. L’opération devait permettre aux clients de L._ SA d’acquérir de l’or avec un rabais de 10-15 % par rapport au prix du marché et de laisser un bénéfice net pour L._ SA, à titre de commission, de l’ordre de 100'000 francs.
Le 11 mai 2011, L._ SA a fait virer un montant de 160'000 Euros sur le compte de V._ (P. 20/1/7). Ce montant devait permettre au prévenu de régler les frais de transport aérien des 118 kg d’or zambien en Suisse.
Le 5 juillet 2011, L._ SA a retiré 5'000 fr. de son compte à la [...] et les a remis à A.J._ (P. 20/1/8) à titre de prêt pour couvrir les frais de voyage de ce dernier en Afrique.
Le 6 juillet 2011, la W._ a émis une quittance pour la vente de 118,897 kg d’or au prix de 4’066'000 USD à la N._ appartenant à K._ et à V._ (P. 30/3.4). Le même jour, le Ministère des mines zambien a émis un certificat attestant la qualité de cet or (P. 30/3.6).
Le 8 juillet 2011, L._ SA a fait virer les montants de 184'360 fr. (220'000 USD) et 100'000 Euros sur le compte de V._ (P. 20/1/9 et P. 20/1/10). Ces montants devaient permettre au prévenu de procéder à l’achat de la matière première, à savoir l’or non raffiné.
Le 26 juillet 2011, L._ SA a encore transféré un montant de 200'000 fr. sur le compte de V._ (P. 20/1/11), qui devait permettre au prévenu, en complément des montants versés le 8 juillet 2011, de procéder à l’achat de l’or.
Le 8 août 2011, L._ SA a fait virer un montant de 1’350'000 Euros au lieu des 1’500'000 fr. demandés par le prévenu sur le compte de V._ (P. 20/1/1 2) afin que A.J._ puisse procéder au paiement des 118 kg d’or.
A.J._ a produit à F.T._ un document de la fonderie S._ AG du 8 août 2011 qui expliquait qu’elle refusait de fondre l’or, car l’opération avait été jugée trop risquée par la commission externe chargée de vérifier la conformité des requêtes avec la réglementation en la matière émise par la FINMA (P. 30/20 et 21). Le prévenu lui a alors présenté un rapport de raffinage daté du 14 août 2011 de la fonderie F._ à Dubaï concernant 98,31 kg d’or pur résultant de la fonte des 118 kg d’or (P. 4/2/24). Il lui a en outre remis plusieurs rapports d’analyse de l’or émanant du laboratoire d’analyse E._, lequel avait certifié les valeurs en carats dudit or (P. 4/2/23). Ces documents ont été remis à F.T._ par le prévenu aux fins de lui prouver la réalité de cet or et de son existence.
Dans le courant du mois d’août 2011, F.T._ et A.J._ ont convenu que l’or serait livré en Suisse le 20 août 2011 (P. 4/2/25). Le 23 août 2011, L._ SA a alors viré un montant de 350’000 Euros depuis un compte de l’un de ses clients auprès de la R._ (compte n° [...]) sur le compte de V._ (P. 20/1/1 3).
Le 15 septembre 2011, L._ SA a encore fait virer un montant de 350’000 Euros sur le compte de V._ (P. 20/1/14). Ce montant devait permettre au prévenu de régler les frais de transport de l’or de Dubaï à Genève afin d’être livré à la Banque [...].
Du 24 septembre au 7 novembre 2011, F.T._ a en vain et à maintes reprises exigé de A.J._ l’exécution du contrat. (P. 224/1 sms du 24.09.2011 à 8h34 ; P. 4/2/25 ; P. 4/2/26 ; P. 224/1 sms du 31.10.2011 à 17h50 ; P. 224/1 sms du 07.11.2011 à 16h27).
Par email du 4 décembre 2011 (P. 4/2/27), A.J._ a demandé à F.T._ de payer 900’000 Euros supplémentaires pour couvrir les frais induis par les dernières « opérations et la finalisation de celles-ci » à savoir :
Transports Avions Accra – Dubaï – Genève EUR 200’00
Transports voiture / location EUR 40’000
Administration / accompagnement EUR 30’000
Interprète / intermédiaire EUR 30’000
Frais de sécurité / escorte spécialisée EUR 170’000
Assurance / risque EUR 100’000
Taxe de douane EUR 80’000
Intermédiaires spéciaux EUR 250’000
Devant le refus de F.T._ d’effectuer une nouvelle avance de fonds, le prévenu a signé une reconnaissance de dette envers ce dernier et/ou L._ SA pour un montant de 4'112'271 francs. En substance, ce document confirmait que le prévenu prenait l’engagement de livrer au plaignant 92 kg d’or en lingots de 1 kilos (pureté 0,9999) à la date du 19 décembre 2011 en compensation de la valeur des avances faites totalisant ledit montant.
Le 8 décembre 2011, sur les 900’000 Euros demandés le 4 décembre 2011, L._ SA a viré un montant de 250’000 Euros sur le compte de V._ en précisant que ce montant ne devait être attribué qu’au paiement des frais relatifs à la livraison des 118 kg d’or (P. 20/1/15).
Le 16 décembre 2011, depuis le Portugal où il se trouvait depuis deux jours, A.J._ a chargé un ami, O._, de transmettre à F.T._ un message dont les instructions étaient : « je suis hospitalisé au Bénin très malade. Je t’ai chargé de suivre le dossier. Tu lui diras que je t’avais informé qu’il allait envoyer l’argent pour lui livrer l’or qui est à Dubaï mais qu’il a accepté d’envoyer une partie et rien pour le transport. Il faut lui dire que c’est important de t’écouter car on a tout sous contrôle. Il doit faire ce qu’on lui dit et non comme il pense » (P. 224/11 p. 4: SMS du 14.12.2011 à 15h26, SMS du 16.12.2011 à 00h22).
Le 3 janvier 2012, A.J._ a envoyé un email à F.T._ lui demandant de virer 200'000 Euros sur le compte postal de V._ afin de lui permettre, une fois de retour en Suisse, de lui remettre « les documents attendus ».
Le 18 janvier 2012, L._ SA, représentée par F.T._, a déposé plainte pénale contre A.J._ et s’est constituée partie civile (P. 4).
Après vérification et conversion des dollars et euros en francs suisse, L._ SA a effectué des versements en faveur de V._ pour un montant total de 3'408'601 francs.
2.4
Le 18 janvier 2012, peu avant son arrestation, A.J._ a fait l’objet d’une intervention de la Police de la sécurité internationale à l’aéroport de Genève alors qu’il cherchait à embarquer sur un vol à destination de Porto en raison d’une altercation avec une employée de l’aéroport. A cette occasion, il s’est légitimé au moyen d’une carte d’agent de sécurité de l’ONU et d’un badge censé lui faire bénéficier d’un statut diplomatique alors qu’il est inconnu de cette organisation internationale et ne figure sur aucune liste diplomatique (P. 9, p. 3).
2.5
Avant le 23 août 2011, A.J._ a établi une fausse attestation d’augmentation du capital-actions de V._ à hauteur de 1'000'000 fr. alors qu’une telle augmentation n’a jamais eu lieu (P. 93/232). Cette attestation a été fournie à [...] afin que ce dernier la transmette à la Banque [...] à Monaco, laquelle avait accepté d’entrer en matière quant à la fonte d’une quantité de 110 kg d’or environ (P. 224, p. 4 ; P. 224/6, p. 3, sms du 23.08.2011 à 15h19).
2.6
Le 20 janvier 2012, lors de la perquisition des locaux de V._ sis Rue [...] à Lausanne, divers documents falsifiés ont été trouvés :
- un certificat médical établi au nom de A.J._ signé du Dr [...] dont trois dates ont été recouvertes de correcteur liquide et réinscrites par-dessus (P. 40, n°36). Ce même certificat falsifié a été scanné puis enregistré dans un des ordinateurs de la société dans le but d’être utilisé si le besoin s’en serait fait sentir pour le prévenu dans le cadre de ses relations avec la Caisse de chômage. En effet, aux dates incriminées, soit du 8 au 22 août 2011, A.J._ était au bénéfice d’allocations de chômage à savoir depuis fin 2010 jusqu’au jour de son interpellation, le 19 janvier 2012 ;
- une demande de location adressée à la Régie [...] pour un bien immobilier dont le loyer mensuel s’élevait à 3'040 fr. charges comprises datée du 14 juillet 2011 et signée par A.J._ mentionnant sous « Profession: Avocat », ainsi que trois fiches de salaire fictives établies en son nom à l’entête « Etude d’avocats » attestant du versement pour les mois d’avril à juin 2011 des montants mensuels nets de 18'618 fr. 25, 15’683 fr. 50 et 17'652 fr. 70 et un extrait de l’Office des poursuites de l’Ouest lausannois (P. 191/6). Ces documents ont été confectionnés par le prévenu dans le but d’obtenir un appartement ;
- une lettre adressée à la Régie [...] datée du 25 août 2011 et signée par [...], gérant de la société [...] - Alimentation du [...], avec en annexes trois fiches de salaire fictives établies au nom de A.J._ à l’entête « Etude d’avocats » attestant du versement pour les mois de mai à juillet 2011 des montants mensuels nets de 17'652 fr. 70, 15'683 fr. 50 et 18'618 fr. 25, ainsi qu’un extrait falsifié de l’Office des poursuites de l’Ouest lausannois (P. 40 n° 32). Ces documents ont été confectionnés par le prévenu dans le but d’obtenir un appartement ;
- une lettre adressée à la régie [...] datée du 20 septembre 2011 et signée par B.J._, épouse du prévenu, avec en annexes trois fiches de salaire fictives établies au nom de cette dernière à l’entête de V._ attestant du versement pour les mois de juin à août 2011 d’un montant mensuel net de 8'140 fr. 45. Ces documents ont été confectionnés par le prévenu dans le but d’obtenir un appartement ;
- deux fiches de salaire fictives établies au nom de B.J._ à l’entête de V._ attestant du versement pour les mois de décembre 2010 et janvier 2011 d’un montant mensuel net de 8’140 fr. 45 (P. 191/9) alors que cette dernière n’a jamais travaillé pour V._. Ces documents ont été confectionnés par le prévenu notamment dans le but d’obtenir un appartement ;
- trois fiches de salaire fictives établies au nom de A.J._ à l’entête « Etude d’avocats » attestant du versement pour les mois de juillet à septembre 2011 des montants mensuels nets de 17’652 fr. 70, 15'683 fr. 50 et 18'618 fr. 25 (P. 42, n° 54).
Ces documents ont été confectionnés par le prévenu notamment dans le but d’obtenir un appartement ;
- un avis de débit falsifié du compte « EURO » ouvert au nom de V._ auprès de la Banque [...] attestant du versement d’un montant de 4'100’000 USD le 3 juin 2011 en faveur de A.J._ a été saisi (P. 115/9 ; P. 115, p. 2). Ce document a été confectionné par le prévenu notamment dans le cadre de ses relations avec [...] SA concernant l’achat des 118 kg d’or ;
- un document falsifié attestant de l’état des avoirs de V._ à hauteur de 10'000’000 Euros détenus auprès de la Banque [...] (P. 115/10 ; P. 115, p. 2). Ce document a été confectionné pour favoriser les projets du prévenu relatifs à un commerce de riz. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel de A.J._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
A l’audience d’appel, l’appelant a contesté sa condamnation pour fausses communications aux autorités chargées du registre du commerce (art. 153 CP). Il a fait valoir qu’il aurait simplement annoncé au registre du commerce l’ouverture d’une étude d’avocats, mais qu’il n’aurait déployé aucune activité dans les locaux, ni même offert de conseils en tant qu’avocat.
3.1
En vertu de l'art. 399 al. 4 CPP, quiconque attaque seulement certaines parties du jugement est tenu d'indiquer dans la déclaration d'appel, de manière définitive, sur quelles parties porte l'appel, à savoir (a) la question de la culpabilité, le cas échéant en rapport avec chacun des actes; (b) la quotité de la peine; (c) les mesures qui ont été ordonnées; (d) les prétentions civiles ou certaines d'entre elles; (e) les conséquences accessoires du jugement; (f) les frais, les indemnités et la réparation du tort moral; (g) les décisions judiciaires ultérieures.
La déclaration d'appel fixe de manière définitive l'objet de l'appel, en ce sens que l'appelant ne peut plus élargir sa déclaration d'appel à d'autres points au-delà du délai de vingt jours pour déposer la déclaration d'appel (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 21 ad art. 399 CPP).
3.2
En l’espèce, l'appelant n'a pas soutenu, dans le délai de vingt jours qui lui était imparti pour déposer sa déclaration d'appel, que l'infraction de fausses communications aux autorités chargées du registre du commerce n'était pas réalisée. Tout au contraire, il a conclu à la confirmation du jugement entrepris concernant cette infraction. Pour le surplus, A.J._ a reconnu devant les premiers juges avoir utilisé le titre d’avocat alors qu’il n’en avait pas le droit (jgt., p. 5). L’infraction est ainsi réalisée. Dès lors, ce grief est irrecevable et doit être écarté. Fût-il recevable, il aurait été rejeté.
4.
A.J._ se plaint d’une constatation erronée des faits sur certains points.
4.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
4.2
4.2.1
L’appelant soutient qu’il aurait livré en plusieurs fois 50 kg d’or à L._ SA et qu’il aurait fait acheminer cet or illégalement en Suisse en le ramenant par demi kilo dans ses valises lors de ses nombreux voyages en Afrique.
En l’espèce, aucune pièce au dossier ne corrobore une quelconque allégation de l’appelant sur le fait qu’il aurait remis 50 kg d’or en pré-lingots à L._ SA. L’intéressé explique l’absence de pièces par le fait qu’il voulait développer cette activité avec F.T._, qu’il existait un rapport de confiance entre eux et que lorsqu’il lui remettait de l’or il ne lui faisait rien signer (PV aud 1., p. 6, lignes 217-219). Au vu des sommes d’argent en jeu, ces explications ne sont pas crédibles. En outre, aucun témoin ne vient confirmer cette thèse. Il prétend au demeurant que chaque fois qu’il aurait remis de l’or à F.T._ dans ses bureaux, il n’y avait pas de témoin. Son ami C._ prétend pour sa part l’avoir vu ramener de la poudre d’or dans les locaux de L._ SA (jgt., p. 20). Cependant, comme l’ont expliqué les premiers juges (jgt., p. 47), c’est un ami proche du prévenu, il parle de poudre d’or alors que l’intéressé parle de pré-lingots, le prévenu contredit ainsi lui-même cette affirmation.
Concernant le fait qu’il aurait lui-même acheminé l’or dans ses valises, l’instruction n’a, une fois encore, pas permis de découvrir la moindre trace de tous ces voyages dans les registres des compagnies aériennes qu’il a dit avoir utilisées (P. 225 à 227). Seul un voyage en Afrique a pu être établi, ce qui ne correspond pas aux déclarations de l’appelant. En outre, il prétend qu’il aurait ainsi transporté et remis les 50 kg d’or de L._ SA entre mai 2010 et début 2011, alors même qu’il ne connaissait pas F.T._ en mai 2010.
4.2.2
L’appelant fait valoir
que toutes les sommes d’argent que L._ SA lui a versées seraient liées directement et indirectement à la livraison des 50 kg d’or uniquement, cette dernière ayant refusé de participer à l’acquisition des 118 kg d’or provenant de Zambie.
En l’espèce, les explications du prévenu selon lesquelles ces sommes seraient liées à une livraison de 50 kg d’or déjà effectuée n’ont aucune consistance. Diverses pièces établissent en outre le lien entre les sommes versées et le projet portant sur l’acquisition de 118 kg d’or de Zambie, soit une livraison que le prévenu attendait. La pièce 20/1/6 du 21 avril 2011 mentionne 40’000 fr. « pour finaliser l’opération d’or en cours ». En outre, le plaignant avait en sa possession les documents attestant de l’arrivée de cet or à Genève, ainsi que les pièces attestant de son raffinage à Dubaï. II est établi que les parties avaient convenu d’une livraison le 20 août 2011 et qu’en septembre 2011 F.T._ a commencé à s’impatienter. Des sms et des pièces attestent du fait que F.T._ a exigé à maintes reprises l’exécution du contrat et ceci jusqu’au 19 décembre 2011 (P. 4/2/25 ss). Une somme de 350’000 Euros a encore été versée le 15 septembre 2011 pour régler les frais de transport de l’or de Dubaï à Genève. Au vu de tous ces éléments, il est clairement établi que la plaignante a versé des sommes importantes en échange de 118 kg d’or qu’elle n’a jamais reçus.
4.2.3
Au vu de ce qui précède, la constatation des faits telle que retenue par le Tribunal correctionnel ne prête pas le flanc à la critique.
5.
L’appelant conteste s’être rendu coupable d’escroquerie.
5.1
En vertu de l’art. 146 CP, se rend coupable d’escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers.
Sur le plan objectif, l’escroquerie suppose d’abord une tromperie, qui peut consister soit à induire la victime en erreur, par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, soit à conforter la victime dans son erreur, en lui montrant, par des paroles ou par des actes, qu’elle est dans le vrai, alors qu’en réalité elle se trompe. Il faut en outre que la tromperie ait été astucieuse.
L’astuce est réalisée non seulement lorsque l’auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manoeuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu’il se borne à donner de fausses informations dont la vérification n’est pas possible, ne l’est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l’auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu’elle renoncera à le faire, par exemple en raison d’un rapport de confiance particulier (ATF 133 IV 256 c. 4.4.3 ; ATF 128 IV 18 c. 3a). Tel est notamment le cas si l’auteur conclut un contrat en ayant d’emblée l’intention de ne pas fournir sa prestation alors que son intention n’était pas décelable (ATF 118 IV 359 c. 2), s’il exploite un rapport de confiance préexistant qui dissuade la dupe de vérifier (ATF 122 IV 246 c. 3a) ou encore si la dupe, en raison de sa situation personnelle (faiblesse d’esprit, inexpérience, grand âge ou maladie), n’est pas en mesure de procéder à une vérification et que l’auteur exploite cette situation (ATF 120 IV 186 c. 1a). L’astuce n’est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d’attention ou éviter l’erreur avec le minimum de prudence que l’on pouvait attendre d’elle. Il n’est pas nécessaire, pour qu’il y ait escroquerie, que la dupe ait fait preuve de la plus grande diligence et qu’elle ait recouru à toutes les mesures de prudence possibles. La question n’est donc pas de savoir si elle a fait tout ce qu’elle pouvait pour éviter d’être trompée. L’astuce n’est exclue que lorsque la dupe est coresponsable du dommage parce qu’elle n’a pas observé les mesures de prudence élémentaires qui s’imposaient (ATF 128 IV 18 c. 3a).
Du point de vue subjectif, l’auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d’enrichissement illégitime. Cet enrichissement, de l’auteur lui-même ou d’un tiers, est en général le pendant de l’appauvrissement de la victime et peut donc aussi être déduit de l’intention de causer un préjudice à la victime (ATF 119 IV 210 c. 4b).
5.2
5.2.1
En l’espèce,
F.T._, en sa qualité d’administrateur d’une fiduciaire et gérant de fortune, était plus à même que le commun des mortels de débusquer la tromperie du prévenu. Toutefois, la rencontre entre les deux hommes s’est déroulée dans un contexte particulier. En effet, le prévenu, titulaire d’un master en droit de l’Université de Lausanne, a rencontré le fils de F.T._ à I’ARIF, association à laquelle il était affilié. Ce dernier a organisé la rencontre entre son père et le prévenu le 10 juin 2010. A.J._ menait en outre grand train de vie.
Le prévenu a d’abord proposé une affaire assez modeste à F.T._ pour mieux l’appâter. L._ SA s’est en effet engagée à participer à une transaction portant sur de l’or guinéen en avançant les fonds destinés à fondre l’or, soit un montant de 60’000 francs. Le 6 juillet 2010, le prévenu a confirmé par email à F.T._ que ce montant permettrait de finaliser la transaction et que la répartition des bénéfices se ferait à hauteur d’un tiers par intervenant, soit un tiers pour L._ SA, un tiers pour V._ et un tiers pour G._ (P. 4/2/5). Cette affaire existait bel et bien. Toutefois le prévenu n’avait aucune maîtrise sur celle-ci, malgré ce qu’il a fait croire à la plaignante. En effet, il lui a en particulier remis un contrat « Buy/Seller Agreement » (P. 4/2/3) entre Z._ et V._, par l’intermédiaire de [...], portant sur 50 kg d’or. Ce contrat mentionnait les coordonnées bancaires de G._ à la Banque [...]. Il est d’ailleurs ressorti des déclarations de ce dernier qu’il n’avait jamais eu connaissance de ce contrat, qu’il n’avait jamais été question pour lui de faire financer cette opération par des fonds extérieurs et qu’il s’agissait de sa propre affaire à laquelle le prévenu n’était pas associé (jgt., p. 15). F.T._, fort des affirmation du prévenu, s’est même adressé le 24 juin 2010 au Crédit suisse pour ouvrir un compte dépôt « or » (P. 4/2/6) : il indiquait dans cet email attendre les documents sur l’identité de la mine guinéenne et y énumérait divers documents qu’il avait reçus et qui prouvaient la réalité de l’affaire. Cependant, cette affaire guinéenne ne s’est jamais faite. F.T._ a versé au total 53’500 fr. à A.J._. Ce dernier a reconnu devoir cet argent le 21 décembre 2010 (P. 103), mais ne l’a pas remboursé.
Pour cette affaire, les conditions de l’escroquerie sont ainsi remplies. Le prévenu a faussement fait croire à la plaignante qu’il était partie prenante à cette transaction et qu’il pouvait l’associer à celle-ci. Il a mis sur pied tout un édifice de mensonges pour convaincre F.T._ de son professionnalisme dans le commerce d’or. Le procédé a été astucieux dès lors qu’il y a eu notamment utilisation de faux documents, édifice de mensonges et même reconnaissance de dettes.
5.2.2
Par la suite, en avril 2011, A.J._ a proposé à F.T._ une opération portant sur 118 kg d’or brut provenant de Zambie. Il a convaincu K._ de s’associer pour l’achat de cet or, mais il s’est désisté une semaine avant la date du paiement. Cet or a été acheté par K._ qui l’a transporté de Zambie à Genève. A.J._ a alors proposé de faire raffiner l’or. Il en a pris possession et l’a amené chez S._ AG qui a refusé de le raffiner. A.J._ a dès lors restitué l’or à K._ qui l’a amené à Dubaï où il l’a vendu. L’appelant n’a ainsi jamais été propriétaire de cet or et n’a jamais eu le moindre pouvoir de disposition sur celui-ci. Il a cependant trompé la plaignante en lui faisant croire que tel était le cas et lui a réclamé des sommes d’argent importantes, soit environ 2,5 millions de francs, alors qu’il savait que jamais il en serait propriétaire. Une fois encore, l’astuce est ici réalisée par le fait que le prévenu a mis sur pied un édifice de mensonges et a notamment fourni à F.T._ des pièces parfois authentiques, attestant de l’existence de cet or et de la prétendue maîtrise qu’il avait sur celui-ci. Il n’a cessé d’endormir la méfiance de la plaignante en allant jusqu’à établir un budget détaillé prévoyant l’extraction de l’or jusqu’à son dépôt à la Banque [...]. Il a utilisé ses propres relations d’affaires comme par exemple K._, qui existe bien et qui est à la tête d’une entreprise de jets privés, pour conforter la dupe dans son erreur. Alors que l’or avait été raffiné à Dubaï le 15 août 2011 et que K._ en était seul propriétaire, il a encore exigé de F.T._ 900’000 Euros pour récupérer cet or (P. 4/2/27) . Il lui a en outre fait croire qu’il était à l’étranger, soit au Ghana pendant plusieurs mois, alors qu’il n’en était rien ; puis il a prétendu être hospitalisé au Bénin pour demander encore, le 3 janvier 2012, 200’000 Euros prétextant que cette somme permettrait à la plaignante d’avoir les documents attendus (P. 4/2/35).
5.3
Au vu de tous ces éléments, A.J._ doit être reconnu coupable d’escroquerie, toutes les conditions de l’art. 146 CP étant réalisées.
6.
L’appelant conteste également avoir agi par métier.
6.1
L’auteur agit par métier lorsqu’il résulte du temps et des moyens qu’il consacre à ses agissements délictueux, de la fréquence des actes pendant une période déterminée, ainsi que des revenus envisagés ou obtenus, qu’il exerce son activité coupable à la manière d’une profession, même accessoire. Il faut que l’auteur aspire à obtenir des revenus relativement réguliers représentant un apport notable au financement de son genre de vie et qu’il se soit ainsi, d’une certaine façon, installé dans la délinquance (ATF 129 IV 253, c. 2.1 ; ATF 123 IV 113 c. 2c p. 116). Il faut ainsi qu’il y ait la commission de plusieurs escroqueries ; que l’objectif est d’en tirer un revenu et que l’auteur soit disposé à commettre à l’avenir un nombre indéterminé d’infractions du même genre. Il peut y avoir infraction commise par métier, même si l’acte répété ne vise qu’une seule et même personne, mais à condition que l’on ne puisse conclure en raison de circonstances particulières, que l’auteur ne voulait s’en prendre précisément qu’à cette seule personne et qu’il n’aurait pas agi à l’égard d’un nombre indéterminé de personnes ou à chaque fois que se présente une occasion qui justifie la peine aggravée (ATF 86 IV 206, JT 1961 IV 79 ; TF 6B_1153/2014 du 16 mars 2015).
6.2
En l’espèce, le prévenu a agi à l’encontre de L._ SA, respectivement de F.T._. Il savait toutefois que la plaignante n’engageait pas que ses fonds propres, mais à travers elle ceux de nombreux de ses clients de auxquels elle avait proposé l’affaire. Même si une seule personnalité juridique est touchée, ce sont de nombreuses personnes physiques qui ont engagé des fonds dans cette opération et celles-ci les ont perdus, de sorte que de facto le prévenu s’en est pris à un nombre indéterminé de personnes. Le commerce d’or constituait son activité principale, l’instruction n’ayant pas démontré que le prévenu bénéficiait d’autres sources de revenus mise à part la rente AI de son épouse. A.J._ a agi pendant un an et demi commettant une première escroquerie relative à la fonte de 50 kg d’or de Guinée, puis une seconde portant sur 118 kg d’or de Zambie. Il a commis d’innombrables actes pour arriver à ses fins, se faisant passer pour un avocat et un spécialiste du commerce d’or qui menait un grand train de vie, en utilisant ses propres relations d’affaires et ainsi percevoir un peu plus de 3'000'000 francs. Il a fait preuve d’un très grand professionnalisme et n’a pas hésité à mettre des stratagèmes sur pied pour tromper F.T._, lui faisant croire, par exemple, qu’il était malade au Bénin alors qu’il se trouvait au Portugal pour lui soutirer encore de l’argent. C’est la plaignante, devenue méfiante, qui a mis fin à l’activité délictueuse du prévenu que rien d’autre n’aurait pu arrêter.
Le chef d’accusation d’escroquerie par métier retenu par les premiers juges doit donc être confirmé.
7.
L’appelant conclut à ce qu’il soit condamné à une peine assortie du sursis.
7.1
7.1.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 ; 129 IV 6 c. 6.1).
7.1.2
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2).
7.2
En l’espèce, comme l’ont retenu les premiers juges, la culpabilité de A.J._ est lourde. Il n’a pas hésité à tromper son entourage allant jusqu’à créer de multiples faux documents pour arriver à ses fins et créer un préjudice de plus de trois millions de francs. Il n’y a aucun élément à décharge, le prévenu n’ayant cessé de présenter des déclarations contradictoires lors de l’instruction et des débats de première instance ne faisant ainsi preuve d’aucune prise de conscience. Le pronostic à poser quant au comportement futur de A.J._ est clairement défavorable. C’est donc à juste titre que le Tribunal correctionnel ne lui a pas infligé une peine compatible avec un sursis. Partant, la quotité de la peine réprimant adéquatement le comportement de l’appelant doit être confirmée.
8.
L'appelant a en outre pris des conclusions tendant à l'allocation d'une indemnité de 36’400 fr. fondée sur l'art. 429 CPP représentant 182 jours de détention préventive à 200 fr. par jour.
8.1
Selon l'art. 429 al. 1 CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a), à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b) et à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c).
8.2
La condamnation de l'appelant étant confirmée, il n'y a pas lieu de lui allouer une indemnité fondée sur cette disposition.
9.
En définitive, l’appel de A.J._ doit être rejeté et le jugement entrepris intégralement confirmé.
9.1
Me Véronique Fontana a produit une liste des opérations faisant état de 13h49 d’activité, 20 fr. de débours et 120 fr. de vacation (P. 416). Compte tenu de la connaissance du dossier acquise en première instance et des opérations accomplies pour la défense des intérêts de son client, le temps consacré à la présente procédure est un peu trop élevé. Tout bien considéré, c’est une indemnité de 2'484 fr. correspondant à 12 heures d’activité à 180 fr., une vacation à 120 fr. et 20 fr. de débours, plus la TVA, qui doit être allouée au défenseur d’office de A.J._ pour la procédure d’appel.
9.2
Vu l’issue de la cause, les frais de la présente procédure, constitués de l’émolument de jugement, par 3’340 fr., doivent être mis à la charge de A.J._ (art. 428 al. 1 CPP), qui supportera également l’indemnité allouée à son défenseur d'office, par 2'484 francs.
A.J._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant des indemnités en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
65bca8eb-d6b8-4308-b6bb-daa7ddd1efcb | En fait :
A.
Par jugement du 25 mars 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré A.I._ de l’infraction de diminution effective de l’actif au préjudice des créanciers (I), a déclaré qu’elle s’est rendue coupable de banqueroute frauduleuse et fraude dans la saisie (II), l’a condamnée à une peine pécuniaire de 270 jours-amende, le jour-amende étant fixé à 30 fr., ainsi qu’à une amende de 1'500 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif étant de 50 jours (III), a suspendu la peine pécuniaire prononcée sous chiffre III ci-dessus et fixé la durée du délai d’épreuve à 2 ans (IV), a déclaré E.I._ coupable de banqueroute frauduleuse et fraude dans la saisie, diminution effective de l’actif au préjudice des créanciers et violation de l’obligation de tenir une comptabilité (V), l’a condamné à une peine pécuniaire de 300 jours-amende, le jour-amende étant fixé à 30 fr., ainsi qu’à une amende de 2'100 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif étant de 70 jours, peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 19 novembre 2010 par le Juge d’instruction de Lausanne (VI), a suspendu la peine pécuniaire prononcée sous chiffre VI ci-dessus et fixé la durée du délai d’épreuve à 4 ans (VII), a statué sur les prétentions civiles de K._ (VIII et IX), a fixé l’indemnité d’office allouée à Me Tony Donnet-Monay (X) et a statué sur les frais de la cause (XI).
B.
Le 26 mars 2015, A.I._ et E.I._ ont annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 6 mai 2015, ils ont conclu, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’ils sont libérés de toutes infractions, les frais de la cause étant laissés à la charge de l’Etat, y compris l’indemnité de leur défenseur d’office. Ils ont en outre sollicité l’audition d'un témoin.
Par courrier du 19 juin 2015, le Président de céans a rejeté la réquisition de preuve formulée par les appelants.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
A.I._ est née le [...] 1968 à Casablanca, au Maroc. Elle y a suivi sa scolarité jusqu’à l’âge de dix-huit ans et a ensuite fait un stage de modéliste pendant deux ans. Elle a rejoint ses frères à Paris en 1990, puis est venue s’établir en Suisse où elle s’est mariée, a eu une fille, née en 1992, puis a divorcé en 1994. Elle a rencontré E.I._ en 1995 et l’a épousé en 1998. Deux enfants sont issus de cette union, C.I._, né en 2001, et D.I._, né en 2002. Le couple s’est séparé en mars 2013.
La prévenue a obtenu la patente de cafetier-restaurateur en 1998 et a travaillé en qualité de serveuse dans différents établissements publics. Après la remise du restaurant T._ à la fin de l’année 2010, elle s'est retrouvée sans emploi et a bénéficié du revenu d’insertion. Depuis le mois d'août 2014, elle travaille dans une station-service à Genève environ 20 heures par semaine et perçoit un revenu mensuel compris entre 1'200 et 1'500 francs. Sa prime d'assurance-maladie est couverte par un subside ainsi que son loyer qui s'élève à 2'490 francs. Elle fait l'objet de poursuites à hauteur d'environ 250'000 francs.
Son casier judiciaire est vierge.
1.2
E.I._ est né le 2 juin 1962 à Bagdad, en Irak. Il est arrivé en Suisse au début des années 1980 comme réfugié. Avant d'épouser A.I._, il a été marié une première fois à une ressortissante suisse, obtenant ainsi la nationalité suisse, puis a divorcé au début des années 1990. Il a travaillé comme chauffeur de taxi. Après avoir vendu le restaurant T._, il s’est retrouvé sans emploi et a bénéficié du revenu d'insertion jusqu'en 2013. Depuis le mois d'avril 2014, il travaille à nouveau en qualité de chauffeur de taxi à Genève où il est domicilié. Il perçoit un revenu de 4'000 fr. par mois. Il paie une redevance taxi de 2'100 fr. par mois. Son loyer s'élève à 1'700 fr. et sa prime d'assurance-maladie à 460 francs. Il a des dettes.
Son casier judiciaire comporte l'inscription suivante:
- 19 novembre 2010 : Juge d'instruction de Lausanne, incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégal, emploi d'étrangers sans autorisation, violation des règles de la circulation routière, conducteurs se trouvant dans l'incapacité de conduire, peine pécuniaire de 50 jours-amende à 40 fr., amende de 320 francs.
Le dossier fait en outre état d'une condamnation le 5 décembre 2003 par le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne pour opposition à une prise de sang et injure à une amende de 1'500 francs.
2.
2.1
Les prévenus A.I._ et E.I._ se sont mariés en 1998, sans conclure de contrat de mariage. Peu après leur mariage et après l'obtention par A.I._ de sa patente de cafetier-restaurateur, les époux ont acquis et exploité en société simple la Brasserie F._, sise à [...], chaque époux ayant une part d'une demie dans la société.
Par jugement du 14 novembre 2007, la Cour civile du Tribunal cantonal a notamment rejeté l'action en libération de dette intentée par A.I._ à l'encontre de K._, a condamné A.I._ à payer à K._ la somme de 140'000 fr., due ensuite de la reprise d'un établissement public à [...], avec intérêts à 5% l'an dès le 1
er
décembre 2007 et a prononcé la mainlevée définitive à l'opposition formée par A.I._ au commandement de payer qui lui a été notifié dans la poursuite n° [...] de l'Office des poursuites de l'arrondissement de Montreux. Par arrêt du 18 novembre 2008, ce jugement a été confirmé par le Tribunal fédéral.
Par acte authentique du 21 novembre 2008, A.I._ et E.I._ ont conclu un contrat de mariage, de liquidation de régime matrimonial et de liquidation de société simple. Dans son préambule, l'acte notarié précisait que les époux avaient acquis en société simple la Brasserie F._ après leur mariage et que la part de chacun d'eux dans cette société était d'une demie. Les époux ont convenu que A.I._ quittait la société et que la Brasserie F._ serait entièrement gérée et administrée par E.I._, sans contrepartie de celle-ci au vu de la situation financière péjorée de la société alléguée par les parties. Finalement, les époux ont convenu que le contrat de mariage prendrait effet rétroactivement au 1
er
janvier 2008.
Par convention de remise de commerce du 15 septembre 2008, E.I._, devenu seul propriétaire de la Brasserie F._ par le truchement du contrat de mariage du 21 novembre 2008 prenant effet au 1
er
janvier 2008, a vendu cet établissement à H._ pour la somme de 400'000 francs. Le prix de vente a été payé de la manière suivante : un acompte de 50'000 fr. a été payé cash le 12 septembre 2008 en mains d'E.I._, un versement de 50'000 fr. a été effectué le 16 septembre 2008 sur le compte UBS [...] d'E.I._, un versement de 100'000 fr. a été effectué le 16 septembre 2008 sur le compte UBS [...] de l'enfant D.I._ et un versement de 100'000 fr. a été effectué sur le compte UBS [...] de l'enfant C.I._. Le solde de 100'000 fr. a été payé par l'acheteur en dix mensualités de 10'000 fr. sur le compte UBS [...] d'E.I._, ainsi que sur le compte BCV [...] ouvert à son nom.
Alors que la vente de la Brasserie F._ avait déjà eu lieu le 15 septembre 2008 pour une valeur de 400'000 fr., A.I._ et E.I._ ont donc sous-évalué l'actif de la société lors de l'établissement de leur contrat de mariage le 21 novembre 2008, puisque celui-ci a été estimé à 93'132 fr., soit sans rapport avec le prix de vente réel de l'établissement, permettant de faire apparaître la société comme déficitaire et d'éviter le paiement d'une soulte en faveur de l'un ou l'autre des conjoints.
Par convention de vente du 21 janvier 2009, E.I._ a acheté à la société [...], le restaurant T._, sis à [...], pour la somme de 250'000 francs. Cet établissement a en partie été payé par un prélèvement de 110'000 fr. du compte UBS [...] de D.I._, par un prélèvement de 110'000 fr. du compte UBS [...] de C.I._ et par un prélèvement de 20'000 fr. du compte UBS [...] d'E.I._. Ces montants provenaient exclusivement de la vente de la Brasserie F._, sur laquelle A.I._ a renoncé à toute part au bénéfice.
Finalement, ensuite du jugement du 14 novembre 2007, confirmé le 18 novembre 2008 par le Tribunal fédéral, levant définitivement l'opposition formée par A.I._ au commandement de payer qui lui a été notifié par l'Office des poursuites de l'arrondissement de Montreux, K._ s'est vu délivrer deux actes de défaut de biens après saisie par l'Office des poursuites du district de Lausanne Ouest, les 26 février et 16 décembre 2009, pour la somme de 221'725 fr. 60 en capital, intérêts et frais.
2.2
Après l'acquisition du restaurant T._ par convention de vente du 21 janvier 2009, E.I._ a créé, le 1
er
mai 2009, la société R._SA, dont le but était l'exploitation et la gestion de cafés-restaurants notamment. Cette société, qui est devenue propriétaire du fonds de commerce du restaurant T._, a été inscrite au registre du commerce le 2 juin 2009. E.I._ en était l'administrateur unique, avec signature individuelle.
Dès l'automne 2009, E.I._ a été confronté à des difficultés économiques dans le cadre de l'exploitation du restaurant et a entrepris des démarches pour le remettre.
Par convention de vente du 20 octobre 2010, R._SA a vendu le restaurant T._ pour la somme de 290'000 fr., dont 15'000 fr. de frais de courtage ont été déduits. La faillite de la société R._SA a été prononcée le 26 janvier 2012. Sur le montant de 275'000 fr. encaissé de la vente du restaurant T._, seule la somme de 132'177 fr. 14 a été utilisée pour désintéresser les créanciers de la société faillie, E.I._ ayant affecté le solde au paiement de factures privées.
Par ailleurs, E.I._ n'a plus fait établir de comptabilité de la société R._SA depuis le mois de janvier 2011. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de A.I._ et E.I._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L’appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d’appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L’appel tend à la répétition de l’examen des faits et au prononcé d’un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L’immédiateté des preuves ne s’impose toutefois pas en instance d’appel. Selon l’art. 389 al. 1 CPP, la procédure d’appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d’appel administre, d’office ou à la demande d’une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
Les appelants contestent leur condamnation pour banqueroute frauduleuse et fraude dans la saisie. Ils affirment que le contrat de mariage conclu le 21 novembre 2008 n’avait pas pour but de soustraire un actif aux créanciers de A.I._, la Brasserie F._ n’ayant en réalité été exploitée que par E.I._, cet établissement public lui appartenant entièrement. Le contrat de séparation de biens n’aurait eu pour but que « de formalisé (sic) le fait que cet établissement appartenait à l’appelant ». Ce seraient les problèmes de santé du notaire qui a instrumenté l’acte qui auraient retardé ce projet, prévu depuis longtemps. Enfin, la modification du régime matrimonial des époux n’aurait eu, selon l’office des poursuites, aucune incidence sur la procédure d’exécution forcée et son représentant n’aurait pas demandé quel était le régime matrimonial lors de l’interrogatoire de la débitrice.
3.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966; RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950; RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
3.2
En l’espèce, à teneur de l’acte notarié invoqué par les appelants (P. 25), les époux ont acquis en société simple la Brasserie F._ (P. 25, préambule ch. 3). La sortie d’un des deux associés de cet établissement le 21 novembre 2008 a eu pour effet de dissoudre la société (P. 25, préambule ch. 6), les comparants convenant dès lors que la société simple est liquidée (P. 25, préambule let. a), E.I._ reprenant entièrement la gestion et l’administration de l’établissement, ainsi que la dette fiscale (P. 25, ch. 2 let. a). La version selon laquelle l’appelant aurait été dès le début de l’exploitation de l’établissement son unique propriétaire est donc en contradiction flagrante avec les déclarations faites devant le notaire et les clauses prévues pour la liquidation de la société simple. Elle n’est donc pas crédible. Pour le reste, l’avis exprimé par le préposé de l’Office des poursuites sur les conséquences du contrat de mariage dans la procédure d’exécution forcée est sans pertinence, puisqu’il appartient au juge pénal de déterminer si les éléments objectifs de l’art. 163 CP sont réalisés.
C’est donc à juste titre que le premier juge a retenu que la prévenue avait cédé à son mari sa part dans la Brasserie F._ sans contrepartie. En outre, comme l’a relevé le tribunal de première instance, se fondant sur les auditions des prévenus durant l’enquête (jgt., p. 17), ces derniers avaient repris ensemble l’exploitation de la brasserie en 1998, peu après l’obtention d’une patente de cafetier-restaurateur par la prévenue, versant un acompte initial puis des mensualités de 4'000 fr. jusqu’à concurrence du solde de la dette. La prévenue avait donc bien droit dans la liquidation de la société simple formée par les époux à la moitié de la valeur de la liquidation, comme le prévoit du reste expressément le contrat du 21 novembre 2008 (P. 25, préambule ch. 7).
Les premiers juges n'ont dès lors procédé à aucune appréciation erronée des faits.
4.
Les appelants font valoir ensuite que le premier juge aurait retenu à tort que la prévenue avait dissimulé à l’Office le montant de 200’000 fr. provenant de la liquidation de la société simple auquel elle avait droit en déclarant à l’office qu’elle ne disposait d’aucune créance contre des tiers et qu’elle n’avait pas d’intérêt dans une société simple. En réalité, selon eux, elle n’aurait rien caché quant aux circonstances de la vente de la brasserie et il appartenait le cas échéant à l’office des poursuites de prendre des renseignements supplémentaires. Il n’y aurait donc eu aucune volonté de dissimulation de leur part.
Pour retenir les faits contestés par les appelants, le premier juge s’est fondé sur la chronologie des événements, constatant que le contrat de remise du commerce de la Brasserie F._ avait été conclu le 15 septembre 2008 pour la somme de 400’000 fr. et que le contrat de mariage était postérieur, puisque conclu le 21 novembre suivant. Il a donc retenu logiquement que la somme de 200’000 fr. devait revenir à la prévenue, celle-ci ayant même reconnu qu’elle avait procédé avec son mari au changement de régime matrimonial pour que le créancier plaignant n’obtienne rien (PV aud 4, Iignes 56 à 59 ; jgt., p. 18). En outre, entendue par l’office des poursuites le 17 février 2009 et rendue attentive à son obligation d’indiquer tous ses biens conformément à l’art. 91 LP, elle n’a pas fait état de sa créance résultant de la liquidation de la société simple (P. 55 ; jgt., p. 18). A cet égard, le fait d’indiquer « vit des dernières économies de son époux », comme cela apparaît au procès-verbal, non seulement ne répond manifestement pas aux obligations prévues à l’art. 91 LP, mais est en outre trompeur, compte tenu du fait qu’il s’agissait en réalité des économies du couple. La prévenue a donc bien dissimulé à l’office le montant de 200’000 fr. qui lui revenait et qui résultait de la vente du commerce et de la liquidation de la société simple.
C’est donc à juste titre que les faits contestés en appel ont été retenus par le premier juge.
5.
Les appelants contestent en toute hypothèse qu’il y ait eu diminution fictive d’un actif au préjudice du plaignant au sens de l’art. 163 CP.
5.1
Cette disposition punit, s’il a été déclaré en faillite ou si un acte de défaut de biens a été dressé contre lui, d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire, le débiteur qui, de manière à causer un dommage à ses créanciers, aura diminué fictivement son actif, notamment en distrayant ou en dissimulant des valeurs patrimoniales, en invoquant des dettes supposées, en reconnaissant des créances fictives ou en incitant un tiers à les produire (ch. 1).
Les art. 163 à 167 CP posent tous comme condition une déclaration de faillite ou la délivrance d’un acte de défaut de biens, Il s’agit d’une condition objective de punissabilité (ATF 109 lb 317, JdT 1985 IV 32), ce qui signifie notamment que l’élément subjectif de punissabilité ne doit pas porter sur cette condition; il n’est en outre pas nécessaire qu’il y ait un lien de causalité entre le comportement fautif et la survenance de la faillite ou la délivrance de l’acte de défaut de biens (Dupuis et alii, Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 7 ad Rém. prél. aux art. 163 à 171
bis
CP et la doctrine citée).
Le comportement sanctionné par cette disposition doit être distingué de celui visé par l’art. 164 CP. Alors que l’art. 164 CP s’applique au débiteur qui diminue effectivement son actif à l’occasion d’une procédure de faillite ou de poursuite pour dettes, par exemple en détruisant des biens ou en procédant à des libéralités, l’art. 163 CP vise le débiteur qui diminue fictivement le patrimoine pour désintéresser les créanciers par la voie de la poursuite pour dettes (TF 6B_575/2009 du 14 janvier 2010 c. 1.1).
5.2
En l'espèce, il est manifeste que les appelants, en procédant comme ils l’ont fait par un contrat de séparation de biens, ont fictivement diminué les actifs de la débitrice. Comme l’a considéré le premier juge, la valeur de liquidation de 93’132 fr. figurant dans l’acte notarié du 21 novembre 2008 était manifestement fictive, puisque la vente du commerce venait d’avoir lieu le 15 septembre 2008 pour 400’000 francs. La valeur de liquidation devait donc correspondre à la valeur de cession et c’est en vain que les appelants se réfèrent à d’autres valeurs comptables, en particulier à l’estimation des actifs au 31 décembre 2007, alors qu’ils n’exploitaient plus leur commerce au moment de la liquidation de la société simple.
En outre, l’appelant a activement participé au transfert de la part de la société simple de son épouse à son profit et à la sous-estimation de la valeur de liquidation. Il a ainsi agi comme tiers punissable au sens de l’art. 163 ch. 2 CP.
Les condamnations pour banqueroute frauduleuse et fraude dans la saisie doivent dès lors être confirmées.
6.
L’appelant conteste ensuite sa condamnation pour diminution effective de l’actif au préjudice de créanciers. Il fait valoir que le dossier ne permet pas de déterminer le nombre des créanciers et les montants des créances produites dans la faillite. En outre, le premier juge n’aurait pas retenu la créance dont il s’est prévalu à l’encontre de la société faillie.
6.1
L’art. 164 ch. 1 CP sanctionne la diminution effective par le débiteur de son actif au préjudice des créanciers.
Cette disposition envisage trois hypothèses : premièrement la détérioration, la destruction, la dépréciation ou la mise hors d’usage de valeurs patrimoniales (al. 2), deuxièmement leur cession à titre gratuit ou contre une prestation de valeur manifestement inférieure (al. 3) et troisièmement le refus sans raison valable de droits qui reviennent au débiteur ou la renonciation gratuite à de tels droits (al. 4). L’art. 164 ch. 1 CP n’est applicable que si le débiteur a été déclaré en faillite ou si un acte de défaut de biens a été dressé contre lui.
6.2
En l'espèce, l'appelant ne conteste pas avoir utilisé à des fins privées le montant de 142’822 fr. revenant à la société faillie. Il est indifférent de connaître le montant exact des productions des créanciers, dès lors que la condition de punissabilité réside dans la faillite. De toute manière, le montant distrait par l’appelant apparaît bien au dossier (dossier B, P. 4/4/3) et s’élève à 157’822 fr., selon les indications fournies par l’Office des faillites de l’arrondissement de Lausanne.
C’est également en vain que l’appelant invoque une créance à l’encontre de la société faillie. En tant qu’unique actionnaire de la société anonyme faillie, il ne peut réclamer le remboursement de ses créances tant que tous les autres créanciers n’ont pas été désintéressés (art. 680 al. 2 CO; ATF 123 III 473).
C’est donc à juste titre que l’infraction à l’art. 164 CP a été retenue à l’encontre de l’appelant, ses prélèvements indus constituant une diminution de l’actif social au préjudice des créanciers.
7.
L’appelant conteste enfin sa condamnation pour violation de l’obligation de tenir une comptabilité. Il prétend qu’il n’avait pas à le faire, dès lors que la société n’avait plus d’activité en 2011.
7.1
Selon l’art. 166 CP, le débiteur qui aura contrevenu à l’obligation légale de tenir régulièrement ou de conserver ses livres de comptabilité, ou de dresser un bilan, de façon qu’il est devenu impossible d’établir sa situation ou de l’établir complètement, sera, s’il a été déclaré en faillite ou si un acte de défaut de biens a été dressé contre lui à la suite d’une saisie pratiquée en vertu de l’art. 43 LP, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. L’art. 29 CP reporte la qualité pour répondre des infractions commises par une personne morale sur les organes de celle-ci ou sur leurs membres.
Du point de vue objectif, il y a violation de l’obligation de tenir une comptabilité lorsque les livres ne sont pas tenus de manière qu’ils révèlent à la fois la situation financière de l’entreprise, l’état des dettes et des créances se rapportant à l’exploitation, de même que les résultats des exercices annuels (ATF 72 IV 17 c. 4, JT 1946 IV 118).
Du point de vue subjectif, il faut que l’auteur ait non seulement l’intention de ne pas tenir les livres prescrits ou de ne pas les tenir de manière régulière, mais encore qu’il sache et veuille par-là qu’il devienne impossible d’établir complètement sa situation financière. A défaut d’une telle intention, l’acte est punissable en vertu de l’art. 325 CP, qui prévoit que celui qui, intentionnellement ou par négligence, aura contrevenu à l’obligation légale de tenir une comptabilité régulière sera puni de l’amende (ATF 72 IV 17 précité). La violation de l’obligation de tenir une comptabilité au sens de l’art. 166 CP suppose que l’auteur ait su que les livres qu’il devait tenir étaient insuffisants et qu’ils ne donnaient pas une image exacte ou complète de la situation financière de son entreprise. Le dol éventuel est suffisant (ATF 117 IV 449 c. 5b, JT 1993 IV 108 ; ATF 117 IV 163 c. 2b, JT 1993 IV 107). Il n’est en revanche pas nécessaire que l’auteur ait eu l’intention de masquer la situation réelle ou de rendre le contrôle plus difficile (Favre, Pellet et Stoudmann, Code pénal annoté, n. 1.2 ad art. 166 CP et les réf. cit. ; CCASS du 12 juillet 2005/301).
7.2
En l'espèce, contrairement à ce que soutient l’appelant, il n’a nullement été possible de reconstituer les comptes de la société. D’abord, il résulte des déclarations du représentant de la fiduciaire ayant fonctionné comme organe de révision que la situation financière de la société durant l'année 2011 n’a pas pu être déterminée de manière fiable, en particulier s’agissant des prélèvements privés de l’actionnaire dans la caisse (dossier B, PV aud. 2, Iignes 108 à 111 et Iignes 171 et 172) et de l’existence d’autres factures que celles produites à l’office des faillites (ibidem, Iignes 132 à 134). lI apparaît au contraire que l’appelant a renoncé à tenir une comptabilité de manière à retarder le constat de surendettement de la société, qui existait déjà vraisemblablement au milieu de l’année 2010 (ibidem, Iigne 68), de manière à dissimuler la valeur réelle de la société au moment de sa vente et rendre à tout le moins difficile la détermination de l’utilisation des fonds versés par l’acheteur.
Il est donc établi que le prévenu a objectivement empêché une présentation exacte et complète de l’entreprise et subjectivement qu’il a recherché ce résultat pour parvenir à ses fins illicites, soit faire usage à son profit personnel des actifs sociaux.
C'est donc à juste titre que l’appelant a été condamné pour violation de l’obligation de tenir une comptabilité.
8.
A.I._, qui concluait à son acquittement, ne conteste pas la peine en tant que telle. Examinée d’office par la Cour d’appel selon son propre pouvoir d’appréciation, la peine pécuniaire de 270 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, a été fixée en application de critères adéquats à charge et à décharge et conformément à la culpabilité de l’appelante. Elle doit dès lors être confirmée.
Il en va de même de la peine prononcée à l’encontre d'E.I._. Eu égard aux éléments à charge et à décharge retenus par le Tribunal correctionnel, la peine pécuniaire de 300 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant 4 ans, infligée à l'appelant est conforme aux exigences de l’art. 47 CP et réprime adéquatement ses agissements. Elle doit donc être confirmée, de même que l'amende de 2'100 fr., dont le montant est adéquat.
9.
En définitive, les appels de A.I._ et E.I._ doivent être rejetés et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Les frais d'appel, constitués de l’émolument d’arrêt, par 2’160 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]) ainsi que de l’indemnité allouée au défenseur d'office des appelants, par 3'002 fr. 40, TVA et débours inclus, doivent être mis par moitié à la charge de A.I._ et par moitié à la charge d'E.I._ (art. 428 al. 1 CPP).
A.I._ et E.I._ ne seront tenus de rembourser à l’Etat la moitié chacun de l’indemnité en faveur de leur défenseur d’office que lorsque leur situation financière le permettra.
L’intimé K._ demande l’allocation de dépens pour la procédure d’appel. Il n’a toutefois ni chiffré ni motivé ses prétentions (art. 433 al. 2 CPP). Or, l’art. 433 CPP exclut qu’une telle indemnité soit allouée dans ces conditions, de sorte que des dépens pénaux de seconde instance ne sauraient lui être alloués. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
65e163c4-0bfe-45e2-b60f-e139b1a0d3b9 | En fait :
A.
Par jugement du 10 mars 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a notamment libéré W._ des chefs d'accusation de vol, dommages à la propriété et violation de domicile (I) et dit que les frais de la cause d'W._ sont laissés à la charge de l'Etat, y compris l'indemnité de son conseil d'office par 3'100 fr. (trois mille cent francs) (X).
B.
Le 21 mars 2011, W._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 12 avril 2011, W._ a conclu, principalement, à ce que le jugement précité soit complété en ce sens qu'une indemnité et une réparation du tort moral de 13'800 fr., plus intérêts à 5 % l'an dès le 16 février 2009, lui soient allouées, subsidiairement, au renvoi de la cause devant le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de La Côte afin qu'il rende une décision au sujet de l'indemnité et de la réparation du tort moral, un délai lui étant octroyé pour compléter sa requête et pour produire des moyens de preuves complémentaires. A ce titre, W._ a requis l'octroi d'un délai pour produire des pièces lui permettant de fonder ses conclusions ainsi que pour compléter celles-ci. Il a demandé que M. J._ soit entendu comme témoin au sujet de ses relations contractuelles avec lui-même.
Le Ministère public n'a pas déposé d'appel joint mais de simples déterminations le 9 mai 2011, concluant principalement au rejet de l'appel formé par W._, subsidiairement à la fixation d'une indemnité à titre de réparation du tort moral d'un montant de 2'600 fr., valeur échue à la date du jugement querellé.
Par courrier du 6 juin 2011, le président de cour a demandé à J._, témoin cité à comparaître à l'audience du 14 juin 2011, de produire à cette occasion le contrat de travail [...] conclu en janvier 2009 avec l'appelant, de même que tout échange de correspondance à ce sujet.
C.
Les faits, tels qu’ils ressortent de la procédure d’instruction, ainsi que des débats de première et de deuxième instance, sont les suivants :
1.
W._, né le 13 mai 1990, ressortissant du Kosovo, est au bénéfice d'un permis C. Depuis le mois d'août 2010, il est apprenti dans le domaine de la construction métallique. Son revenu s'élève à 750 fr. par mois. Il exerce également une activité accessoire de livreur de pizzas depuis cette période et gagne environ 1'100 fr. par mois pour cette seconde activité.
Son casier judiciaire suisse comporte les inscriptions suivantes :
- 06.07.10, Juge d'instruction de Lausanne, peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr. le jour avec sursis pendant 2 ans pour dommages à la propriété ;
- 24.08.10, Juge d'instruction de La Côte, peine pécuniaire de 45 jours-amende à 40 fr. le jour avec sursis pendant 2 ans pour émeute et violence ou menace contre autorités et fonctionnaires, peine complémentaire.
2.
W._ et un
comparse ont été renvoyés devant le Tribunal de police pour avoir pénétré, le 22 janvier 2009, vers 00h50, dans les locaux du tea-room [...] en forçant la serrure de la porte, et fouillé les lieux sans rien emporter.
W._ a été détenu préventivement du 22 janvier au 16 février 2009, soit pendant 26 jours.
[...], qui avait déposé une plainte pénale, a retiré cette dernière lors de l'audience du 10 mars 2011.
Aux débats, le Ministère public a abandonné l'accusation contre W._, mais a requis qu'une part des frais de justice soient mis à sa charge. Le prévenu a alors été libéré par le tribunal des charges retenues contre lui, frais à l'Etat, considérant "qu'aucun comportement civilement répréhensible et fautif ne lui est imputable" (jgt, p. 19). | En droit :
1.
L’appel doit être annoncé dans les 10 jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Code de procédure pénale suisse, Commentaire romand, Bâle 2011, n° 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les forme et délai légaux par une partie ayant la qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP), l'appel d'W._, suffisamment motivé au sens de l’art. 399 al. 3 et 4 CPP, est recevable. Il convient donc d'entrer en matière sur le fond.
2.
L'appelant soutient que, acquitté sans frais, il a droit à une indemnité de 13'800 fr. dont 5'000 fr. pour les 26 jours de détention préventive injustifiée effectuée, soit 26 jours à 200 fr. le jour, et 8'800 fr. pour 11 semaines de gain perdu à 800 fr. la semaine. Il expose avoir été engagé le 14 janvier 2009 par la station service [...] pour une durée de trois mois et avoir perdu cet emploi suite à son incarcération du 22 janvier 2009.
2.1.
Aux termes de l'art. 429 al. 1 CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a), à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b) et à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c).
A partir du moment où le prévenu remplit les conditions posées à l'art. 429 al. 1
er
CPP et qu'aucun motif de réduction ou de refus au sens de l'art. 430 CPP ne peut lui être imputé, l'indemnité doit lui être accordée. Il s'agit d'une obligation et non d'une possibilité, ainsi que cela ressort du texte légal même.
L'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu. Elle peut enjoindre à celui-ci de les chiffrer et de les justifier (art. 429 al. 2 CPP). Le prévenu doit ainsi être invité, au moment de l'abandon de la procédure pénale, à faire valoir ses prétentions (Kuhn / Jeanneret [éd.] Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, ad art. 429 CPP, note 56, p. 1880).
2.2.
En l'espèce, le prévenu qui avait pourtant conclu à l'acquittement n'a pas pris de conclusions en réparation du dommage causé. En outre, à aucun moment, le Tribunal de police n'a invité le prévenu à faire valoir ses prétentions. Il en résulte qu'aucun montant n'a été alloué par le premier juge au prévenu libéré. Le Tribunal de police ayant acquitté ce dernier, sans frais, estimant
"qu'aucun comportement civilement répréhensible et fautif ne lui est imputable"
(jgt, p. 19)
et
le Ministère public n'ayant pas fait appel sur la question des frais, le chiffre X du dispositif laissant les frais de justice d'W._ à la charge de l'Etat a force de chose jugée (art. 402 CPP). Le Ministère public ne peut dès lors soutenir que l'appelant n'a pas droit à une indemnité ou n'a droit qu'à une indemnité réduite.
L'appel doit donc être admis sur le principe.
3.
Il convient dès lors d'examiner les prétentions émises par l'appelant qui sollicite une indemnité pour tort moral (détention) et pour dommage économique (perte de son emploi auprès de la station service [...]).
3.1.1.
Selon le Tribunal fédéral, le droit à l'indemnisation est donné pour tout préjudice résultant de la détention ou d'autres acte d'instruction. L'atteinte et le dommage doivent, pour être indemnisés, être d'une certaine intensité. En matière de détention injustifiée, la jurisprudence a confirmé que le montant de l'indemnité doit être fixé en fonction de la gravité de l'atteinte portée à la personnalité (ATF 113 IV 93 c. 3a p. 98). Il faut tenir compte de toutes les circonstances, notamment des effets négatifs de la détention sur l'intégrité physique, psychique ou encore sur la réputation (ATF 112 Ib 446 c. 5b/aa p. 458). L'activité professionnelle du lésé doit également être prise en compte dans cette appréciation. Il appartient au demandeur d'invoquer et de prouver les atteintes subies (ATF 117 IV 209 c. 4b p. 218).
Le Tribunal fédéral considère en principe qu'un montant de 200 fr. par jour en cas de détention injustifiée de courte durée constitue une indemnité appropriée, dans la mesure où il n'existe pas de circonstances particulières qui pourraient fonder le versement d'un montant inférieur ou supérieur (ATF 8G.12/2001 du 19 septembre 2001 consid. 6b/bb ; TF 6B_745/2009 du 12 novembre 2009).
3.1.2.
En l'espèce, W._ a été détenu préventivement durant 26 jours. La demande de l'appelant tendant à l'octroi d'une indemnité pour tort moral de 5'000 fr., équivalant à 26 jours à 200 fr. (soit 5'200 fr. arrondis à 5'000 fr) n'est pas critiquable, ce dans la mesure où elle est conforme à la jurisprudence décrite au consid. 3.1.1.
3.2.1.
L'appelant fait également valoir des prétentions économiques pour la perte de son emploi à hauteur de 8'800 fr., équivalant à 11 semaines à 800 francs.
L'évaluation du dommage économique au sens de l'art. 429 al. 1
er
let. b CPP se fait au moyen des règles suivies d'ordinaire en matière de responsabilité civile. La preuve du lien de causalité entre la procédure pénale et le dommage économique ne doit pas être soumise à des exigences trop élevées. Elle se limitera dont à la haute vraisemblance. Même si on ne peut jamais être totalement certain que le prévenu n'aurait pas été licencié pour une autre raison durant la période concernée, force est d'admettre, en l'absence d'autres éléments, que la détention est de nature à entraîner le licenciement du prévenu (Mizel/Rétornaz, in : Kuhn/Jeanneret, Code de procédure pénale suisse, Commentaire romand, op. cit, nos 41 et 43).
En l'espèce, l'instruction aux débats a établi que l'appelant avait été engagé par la station [...] de Morges pour une durée de trois mois à partir du 14 janvier 2009, pour un salaire de 3'200 fr. par mois. Incarcéré le 22 janvier 2009, l'appelant a été dans l'impossibilité de se présenter à son travail de sorte que son employeur a engagé quelqu'un d'autre à sa place. Il a reçu 800 fr. pour la semaine de travail effectuée. L'incarcération de l'appelant est donc bien la cause de la perte de son emploi. Le dommage s'élève dès lors à 8'800 fr. représentant trois mois à 3'200 fr., sous déduction de 800 francs.
4.
En définitive, l'appel doit être admis, ce qui entraîne la modification du jugement du Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte par l'ajout d'un chiffre XI nouveau, allouant à W._, une indemnité de 13'800 fr., plus intérêts à 5 % l'an dès le jour de sa mise en liberté, soit le 16 février 2009.
5.
Vu l'issue de la cause, les frais de procédure d'appel, arrêtés en application de l'art. 21 TFJP et comprenant l’indemnité allouée au défenseur d'office de l'appelant par 1'360 fr. (cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP ; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP), seront laissés à la charge de l'Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6607d2b5-78c5-43aa-bfc2-35502b20963b | En fait :
A.
Par jugement du 1
er
septembre 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que P._ s'est rendu coupable d'infraction à la Loi fédérale sur les étrangers (I), condamné P._ à une peine pécuniaire de 40 (quarante) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 15 fr. (quinze francs), sous déduction de 5 (cinq) jours de détention avant jugement (II), mis à la charge de P._ les frais de justice arrêtés à 1'192 fr. 50 et laissé le solde à la charge de l'Etat (III).
B.
Par annonce et déclaration d'appel des 6 et 26 septembre 2011, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a fait appel de ce jugement. Il a conclu après mesures d'instruction et aggravation de l'accusation à la condamnation de P._ à une peine privative de liberté de 110 jours, sous déduction de 5 jours de détention préventive.
Le 20 octobre 2011, P._ a renoncé à présenter une demande de non-entrée en matière ou à déclarer un appel joint. Il a, en outre, conclu au rejet de l'appel et de la requête d'aggravation.
Par pli du 1
er
novembre 2011, les parties ont été informées de la composition de la cour et citées à comparaître.
Le 8 novembre 2011, le dossier du Service de la population (ci-après : SPOP) a été produit.
Le 25 novembre 2011, P._ a requis l'audition d'un témoin amené.
Une audience s'est tenue le 7 décembre 2011, au cours de laquelle P._ a été entendu, de même que sa soeur F._, témoin amené. Par décision incidente rendue en cours d'audience, la requête d'aggravation de l'accusation déposée par le Ministère public a été rejetée (procès-verbal, p. 3).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
P._, ressortissant équatorien, né en 1978, est venu en Suisse pour rejoindre sa sœur, F._.
Il ressort du dossier du SPOP, que le prénommé est arrivé dans notre pays la première fois le 14 octobre 2001, en provenance de la France, pour y demeurer, selon ses dires, comme touriste. Séjournant sans visa de tourisme, ni autorisation de séjour valable, il a été interpellé par la police le 25 octobre 2001 et a fait l'objet d'une interdiction d'entrée délivrée le 21 novembre suivant. Après un séjour en Espagne, P._ est revenu dans notre pays en octobre 2003. Interrogé à nouveau par la police en février 2004, il a reconnu qu'il séjournait et travaillait clandestinement sur le territoire suisse. Une nouvelle interdiction d'entrée a été prononcée contre lui, valable du 1
er
avril 2004 au 14 mars 2007. A nouveau interpellé, l'intéressé a déclaré à la police, le 4 octobre 2004, qu'il était revenu en Suisse un mois auparavant et qu'il y travaillait deux à trois jours par semaine, pour un salaire journalier 150 francs. Une troisième interdiction d'entrée en Suisse valable du 1
er
mars 2005 au 1
er
novembre 2009 a été adressée à P._ Malgré ladite interdiction, ce dernier n'a pas quitté notre territoire et persisté à y travailler sans droit. Pour ces faits, il a été condamné par le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne une première fois le 26 janvier 2007, puis une seconde fois le 10 novembre 2008, et incarcéré. Sorti de prison en juillet 2010, l'intéressé est resté en Suisse et n'a plus quitté notre territoire. Il a adressé au SPOP, le 13 août 2010, une demande de régularisation. Les pièces produites à l'appui de cette requête montrent que P._ est affilié à une caisse-maladie, paie des cotisations AVS et ne fait pas l'objet de poursuites. L'intéressé n'a en outre jamais bénéficié de prestations sociales. Le SPOP a rendu à l'encontre de P._ une décision de renvoi du 14 octobre 2011, qu'il a rapportée le 31 octobre suivant, après avoir considéré que la demande de régularisation dont il avait été saisi en août 2010 était toujours à l'examen.
2.
Le casier judiciaire suisse de P._ fait état des condamnations suivantes :
- 26 janvier 2007, Juge d'instruction de Lausanne, délit contre la LF sur le séjour et l'établissement des étrangers, contravention à la LF sur le séjour et l'établissement des étrangers, emprisonnement 15 jours, sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 2 ans.
- 10 novembre 2008, Juge d'instruction de Lausanne, entrée illégale, séjour illégal, activité lucrative sans autorisation, peine privative de liberté 40 jours, peine d'ensemble avec la condamnation prononcée le 26 janvier 2007 par le Juge d'instruction de Lausanne, le sursis précédent étant révoqué.
3.
Par ordonnance du 17 septembre 2010, le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne a condamné, avec suite de frais, le prévenu à une peine privative de liberté de 60 jours pour avoir, durant l'été 2009, ainsi qu'entre le mois de mai et le 28 juin 2010, séjourné et travaillé en Suisse alors qu'il ne bénéficiait pas des autorisations nécessaires.
Le prévenu a formé opposition à temps, ce qui a entraîné son renvoi devant le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne. Aux débats du 1
er
septembre 2011, il a admis avoir travaillé en 2009-2010, comme carreleur, pour un salaire horaire de 25 francs.
Devant l'autorité de céans, la sœur du prévenu, P._ a déclaré "[...] cela fait huit ans que mon frère est en Suisse[...]" (procès-verbal, p. 5). | En droit :
1.
1.1
Déposé en temps utile et contenant des conclusions conformes à l'art. 399 al. 3 CPP, l'appel est recevable (art. 399 al. 1 et 3 CP; Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0).
1.2
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète des faits et pour inopportunité.
2.
Pour le Ministère public, seule une peine privative de liberté devrait être infligée à P._, "[...] parce qu'en imposant une peine pécuniaire ferme à une personne résolument décidée à rester illégalement en Suisse, il (le tribunal) l'instigue à commettre un autre délit, celui de travailler illicitement pour pouvoir s'en acquitter [...]".
2.1
La question du genre de peine doit être examinée à la lumière des art. 41 et 47 CP. Aux termes de l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). Ces critères correspondent à ceux développés par la jurisprudence relative à l'art. 63 aCP, à laquelle on peut se référer. Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans la fixation de la peine (ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19).
D'après l'art. 41 al. 1 CP, le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l'exécution de la peine (art. 42 CP) ne sont pas réunies et s'il y a lieu d'admettre que ni une peine pécuniaire, ni un travail d'intérêt général ne peuvent être exécutés. A titre de sanctions, le nouveau droit fait de la peine pécuniaire (art. 34 CP) et du travail d'intérêt général (art. 37 CP) la règle dans le domaine de la petite criminalité, respectivement de la peine pécuniaire et de la peine privative de liberté la règle pour la criminalité moyenne. Dans la conception de la nouvelle partie générale du Code pénal, la peine pécuniaire constitue la sanction principale. Les peines privatives de liberté ne doivent être prononcées que lorsque l'Etat ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Quant au travail d'intérêt général, il suppose l'accord de l'auteur. En vertu du principe de la proportionnalité, il y a en règle générale lieu, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute, de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement qui le touche le moins durement. La peine pécuniaire et le travail d'intérêt général représentent des atteintes moins importantes et constituent ainsi des peines plus clémentes. Cela résulte également de l'intention essentielle, qui était au coeur de la révision de la partie générale du Code pénal en matière de sanction, d'éviter les courtes peines de prison ou d'arrêt, qui font obstacle à la socialisation de l'auteur, et de leur substituer d'autres sanctions. Pour choisir la nature de la peine, le juge doit prendre en considération l'opportunité de la sanction déterminée, ses effets sur l'auteur et son milieu social, ainsi que son efficacité préventive (ATF 134 IV 97 c. 4; arrêt 6B_234/2010 du 4 janvier 2011 c. 4.1.1).
En l'espèce, il convient préalablement de déterminer si les conditions du sursis sont réunies ou non, point déterminant au regard de l'art. 41 al. 1 CP. Cette question s'examine selon les critères posés par l'art. 42 CP, qui ont été rappelés dans l'arrêt publié aux ATF 135 IV 180 c. 2.1. Il y est renvoyé. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (cf. ATF 134 IV 5 c. 4.2.2).
2.2.
Dans le cas présent, le prévenu a déjà été condamné à deux reprises par le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne à des peines privatives de liberté. Ainsi, le 26 janvier 2007, il s'est vu infliger 15 jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans pour violation de la Loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers. Le 10 novembre 2008, il a derechef été condamné à 40 jours d'emprisonnement (peine d'ensemble avec la condamnation du 26 janvier 2007), pour entrée illégale, séjour illégal et activité lucrative sans autorisation. Le sursis accordé le 26 janvier 2007 a été révoqué. Ces peines ne l'ont pas empêché de récidiver. En effet, comme il l'admet lui-même devant le premier juge (procès-verbal, p. 3), P._ a poursuivi son activité délictueuse en 2009 et 2010, ce qui est à l'origine de la présente procédure. Cela ne peut que conduire à un pronostic défavorable (TF du 14 juin 2011, 6B_128/2011, c. 3.2), ce qui n'est d'ailleurs contesté par aucune des parties. Le fait que l'intimé a déposé en août 2010 une demande de régularisation et que le SPOP a rapporté sa décision de P._ n'a jamais respecté les décisions de renvoi.
Dès lors que le pronostic est défavorable et que, par conséquent, un sursis est exclu, la première condition de l'art. 41 al. 1 CP est réalisée. Il convient ensuite d'examiner la seconde condition de la disposition précitée, soit de déterminer si une peine pécuniaire peut être exécutée; un travail d'intérêt général n'entre pas considération.
En soi, le prononcé d'une peine pécuniaire n'est pas exclu, comme l'affirme l'appelant, en raison du caractère illicite des gains de l'intimé. Dans un arrêt récent (TF du 22 août 2011, 6B_1000/2010), notre Haute Cour a précisé que les revenus d'une activité lucrative illégale ne doivent pas être considérés comme le résultat d'une infraction et ne sont pas confiscables selon l'art. 70 CP. Son analyse est fondée sur les normes régissant le contrat de travail des travailleurs au noir, selon la loi sur le travail au noir (LTN, RS 822.41). Ainsi on ne peut pas considérer qu'une peine privative de liberté s'impose du fait que le condamné travaille au noir.
P._ a persisté dans sa délinquance, malgré deux peines de prison. La condamnation prononcée en 2008 était ferme et a été exécutée. Les condamnations antérieures à des peines de prison n'ont donc eu aucun effet dissuasif sur ce prévenu, qui a aussi ignoré les trois interdictions d'entrée en Suisse dont il a fait l'objet. Si une peine privative de liberté n'a eu aucun effet sur l'intéressé, une peine pécuniaire apparaît
a fortiori
dénuée de toute efficacité. Une telle peine peut ainsi être exclue pour des motifs de prévention spéciale s'agissant d'un condamné qui présente une insensibilité à toutes les formes de sanction et doit savoir que ses récidives sont sanctionnées par des peines privatives de liberté (TF du 14 juin 2011 6B_128/2011, c. 3.4)
Les conditions d'application de l'art. 41 CP sont donc remplies.
2.3
En définitive, c’est bien une peine privative de liberté qui doit être infligée à P._ Sur ce point, l'appel apparaît donc bien fondé, même s'il l'est pour d'autres motifs que ceux invoqués par l'appelant.
3.
Le Ministère public requiert une peine privative de liberté de 110 jours, sous déduction de 5 jours de détention préventive (ch. III de ses conclusions).
S'agissant de la quotité de cette peine, le premier juge l'a fixée à 40 jours, ce qui est adéquat au regard des infractions commises et de la culpabilité de P._. Cette peine doit être confirmée dès lors qu'elle ne relève ni d’un abus ni d’un excès du pouvoir d’appréciation, qu'elle respecte les critères déterminants consacrés à l’art. 47 CP et que la requête d’aggravation du Ministère public n'a pas été admise.
4.
En conclusion, l'appel doit être partiellement admis et le jugement attaqué réformé en ce sens que P._ est condamné à une peine privative de liberté de 40 jours.
5.
Vu le sort de l'appel et de la requête d'aggravation, les frais de la procédure de seconde instance doivent être mis par moitié à la charge de l’intimé (art. 428 al. 1 CPP), l'autre moitié étant laissée à la charge de l'Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6614cde0-1703-4f11-a8ba-b148514a1a02 | En fait :
A.
Par jugement du 7 avril 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Côte a constaté qu'K._ s’était rendu coupable d’homicide par négligence (I), l’a condamné à une peine pécuniaire de 45 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 100 fr., a suspendu l’exécution de la peine et a fixé au condamné un délai d’épreuve de cinq ans (II), l’a condamné à une amende de 2'500 fr. à titre de sanction immédiate et a dit qu’à défaut du paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 25 jours (III), a renoncé à révoquer le sursis octroyé à K._ le 18 mars 2008 par le Préfet du distinct de Lavaux-Oron (IV), a donné acte de leurs réserves civiles contre K._ à [...], [...], [...] et [...] (V), a donné acte de leurs réserves civiles contre K._ à A.D._, B.D._, C.D._ et D.D._ (VI), a dit qu'K._ devait payer à [...], [...], [...] et [...], solidairement entre eux, la somme de 14'155 fr. 60 à titre de dépens pénaux (VII), a dit qu'K._ devait payer à A.D._, B.D._, C.D._ et D.D._, solidairement entre eux, la somme de 8'000 fr. à titre de dépens pénaux (VIII) et a mis les frais de la cause à la charge du condamné (IX).
B.
En temps utile, A.D._, B.D._, C.D._ et D.D._ ont déposé une annonce, puis une déclaration d’appel. Ils ont conclu à la réforme du chiffre VI du dispositif du jugement précité en ce sens qu'K._ leur doit, solidairement entre eux, la somme de 6'229 fr. 30, avec intérêts à 5 % l’an dès le 2 août 2009, à titre de dommages et intérêts, la somme de 4'320 fr., à titre de frais de traduction et que, pour le surplus, il leur est donné acte de leurs réserves civiles. Ils ont également demandé la modification du chiffre VIII en ce sens qu'K._ leur doit, solidairement entre eux, la somme de 16'000 fr. à titre de dépens pénaux.
En temps utile, le Ministère public a déposé une annonce, puis une déclaration d’appel. Il a conclu à ce qu’une peine pécuniaire de 90 jours-amende à 100 fr. par jour soit infligée à K._ et à ce que le sursis accordé à ce dernier le 18 mars 2008 soit révoqué.
Les parties appelantes ont confirmé leurs conclusions respectives à l'audience d'appel. L'intimé K._ a conclu au rejet de chacun des appels.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu K._, né en 1959, marié, a toujours travaillé dans le domaine de l'imprimerie, hormis une période de chômage depuis 2009. A compter du début du mois de mai 2010, il a retrouvé un emploi à 60 %, taux porté à 100 % dès le début de l'année 2011. Il est titulaire du permis de conduire depuis 1978. A raison des faits relatés ci-dessous, son permis lui a été retiré du 27 juin au 16 octobre 2010.
Son casier judiciaire comporte les deux inscriptions suivantes : 26 novembre 2001, Juge d’instruction de La Côte, conducteur pris de boisson, aLCR 91/1, emprisonnement 14 jours, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de deux ans, amende 700 fr.; 18 mars 2008, Préfecture du district de Lavaux-Oron, violation grave des règles de la circulation routière, peine pécuniaire 10 jours-amende à 70 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de deux ans.
1.2 Le 2 août 2009, le prévenu, accompagné de son épouse, passagère avant, se rendait au volant de sa voiture à une manifestation se déroulant à La Chaux. Il venait de Châlon-sur-Saône (France). Vers 15 h 10, après qu'il eut parcouru près de 250 km, il s'est engagé sur la présélection de gauche pour accéder à la place de parc de la manifestation. Il circulait alors à une allure de 60 à 70 km/h. Il a enclenché ses indicateurs de sélection. Ensuite, vraisemblablement sans marquer de temps d'arrêt, ni remarquer le motocycle de E.D._ qui arrivait en sens inverse et se trouvait à une distance de 35 à 41 mètres, il a obliqué vers la gauche, coupant la priorité au motard. Ce dernier, qui circulait entre 59 et 71 km/h, a effectué un freinage d'urgence. Lors de cette manœuvre, sa machine s'est renversée sur le côté gauche et a passé entre l'automobile du prévenu et celle d'un tiers, qui était normalement immobilisée. En glissant, le deux-roues a quitté la chaussée pour s'immobilier à quelques mètres d'un poteaux supportant des signaux routiers. E.D._ et sa passagère [...] ont été projetés contre l'angle avant gauche du véhicule du prévenu, qu'ils ont heurté avec violence. Ils sont tous les deux décédés sur place des suites de la collision.
Le prévenu a admis les faits. Les expertises des deux véhicules impliqués dans l'accident n'ont révélé aucune défectuosité technique susceptible d'être à l'origine de l'accident.
1.3 Un rapport d'expertise déposé le 15 février 2010 a établi que le motocycle avait frotté ou heurté le véhicule du prévenu à une vitesse de collision comprise entre 42 et 52 km/h, alors que celle de la voiture se situait entre 0 et 5 km/h lors du choc. Cette appréciation concorde avec un témoignage selon lequel le véhicule était arrêté lors du choc. Le freinage du motocycliste a débuté une quinzaine de mètres avant le point de choc. Pour sa part, le prévenu avait entamé sa manœuvre alors que le motocycle se trouvait entre 35 et 41 mètres du point de choc, alors que ce véhicule-ci roulait à une vitesse comprise entre 59 et 71 km/h. La collision s'est produite quasiment au centre de la voie de circulation occupée par le motocycle. En raison de la brièveté de la menace (2,26 à 2,36 secondes), la victime ne pouvait pas éviter la collision. L'enquête n'a pas mis en évidence une faute concomitante du motocycliste.
2. Appréciant les faits de la cause, le tribunal correctionnel a considéré que le prévenu avait effectué sa manœuvre sans voir le motocycliste qui arrivait en sens inverse, à courte distance, et que l'automobiliste n'avait pu accorder la priorité au motard. | En droit, il a retenu que le prévenu avait enfreint les art. 36 al. 3 LCR et 13 al. 1 et 3 al. 1 OCR, que sa faute était exclusive, que, par son comportement, il avait provoqué le décès de deux personnes et qu'il s'était ainsi rendu coupable d'homicide par négligence.
En droit :
1.
L’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (art. 399 al. 1 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjetés dans les formes et délais légaux contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3. Appel du Ministère public
Le Parquet considère qu’au regard de la gravité de la faute commise et des antécédents du prévenu, la peine infligée de 45 jours-amendes est trop clémente. Il considère comme adéquate une peine pécuniaire de 90 jours-amendes à 100 fr. le jour-amende. Il requiert également la révocation du sursis qui avait été accordé le 18 mars 2008 au prévenu par Préfecture du district de Lavaux-Oron.
3.1.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Les critères, énumérés de manière non exhaustive par cette disposition, correspondent à ceux fixés par l'art. 63 aCP et la jurisprudence élaborée en application de cette disposition, qui conserve donc toute sa valeur (ATF 134 IV 17 c. 2.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1; 129 IV 6 c. 6.1 et les réf. citées).
3.1.2
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. Il suffit qu'il n'y ait pas de pronostic défavorable. Le sursis est la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable (ATF 134 IV 1 c. 4.2.2 p. 5 s.). Pour émettre ce pronostic, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d'autres qui sont pertinents. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s’écarter qu’en présence d’un pronostic défavorable; il prime en cas d’incertitude (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1 p. 5).
Selon l'art. 42 al. 4 CP, le juge peut prononcer, en plus d'une peine assortie du sursis, une peine pécuniaire sans sursis ou une amende selon l'art. 106 CP. Cette combinaison se justifie lorsque le sursis peut être octroyé, mais que, pour des motifs de prévention spéciale, une sanction ferme accompagnant la sanction avec sursis paraît mieux à même d'amener l'auteur à s'amender. Elle doit contribuer, dans l'optique de la prévention tant générale que spéciale, à renforcer le potentiel coercitif de la peine avec sursis. Cette forme d'admonestation adressée au condamné doit attirer son attention (et celle de tous) sur le sérieux de la situation en le sensibilisant à ce qui l'attend s'il ne s'amende pas (ATF 134 IV 60 c. 7.3.1 p. 75). La combinaison prévue à l'art. 42 al. 4 CP constitue un "sursis qualitativement partiel" (ATF 134 IV 1 c. 4.5.2 p. 8).
La peine prononcée avec sursis reste prépondérante, alors que la peine pécuniaire sans sursis ou l'amende est d'importance secondaire. Cette combinaison de peines ne doit pas conduire à une aggravation de la peine globale ou permettre une peine supplémentaire. Elle permet uniquement, dans le cadre de la peine adaptée à la culpabilité, une sanction correspondant à la gravité des faits et à la personnalité de l'auteur. Les peines combinées, dans leur somme totale, doivent être adaptées à la faute (ATF 134 IV 1 c. 4.5.2 p. 8; 134 IV 60 c. 7.3.2 p. 75). Pour tenir compte du caractère accessoire des peines cumulées, il se justifie en principe d'en fixer la limite supérieure à un cinquième, soit à 20 %, de la peine principale; des exceptions sont possibles en cas de peines de faible importance pour éviter que la peine cumulée n'ait qu'une portée symbolique (ATF 135 IV 188 c. 3.4.4 p. 191).
3.1.3
Selon l'art. 46 CP, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. Il peut modifier le genre de la peine révoquée pour fixer, avec la nouvelle peine, une peine d'ensemble conformément à l'art. 49. Il ne peut toutefois prononcer une peine privative de liberté ferme que si la peine d'ensemble atteint une durée de six mois au moins ou si les conditions prévues à l'art. 41 CP sont remplies (al. 1). S'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation. Il peut adresser au condamné un avertissement et prolonger le délai d'épreuve de la moitié au plus de la durée fixée dans le jugement. Il peut ordonner une assistance de probation et imposer des règles de conduite pour le délai d'épreuve ainsi prolongé. Si la prolongation intervient après l'expiration du délai d'épreuve, elle court dès le jour où elle est ordonnée (al. 2).
La commission d'un crime ou d'un délit durant le délai d'épreuve n'entraîne pas nécessairement une révocation du sursis. Seul un pronostic défavorable peut justifier la révocation. A défaut d'un tel pronostic, le juge doit renoncer à celle-ci. Autrement dit, la révocation ne peut être prononcée que si la nouvelle infraction laisse entrevoir une réduction sensible des perspectives de succès de la mise à l'épreuve (ATF 134 IV 140 c. 4.2 et 4.3 p. 142 s.).
Lors de l'examen de l'éventuelle révocation du sursis pour une peine privative de liberté, il y a également lieu de tenir compte du fait que la nouvelle peine est prononcée avec ou sans sursis. Le juge peut notamment renoncer à révoquer le sursis si une peine ferme est prononcée et, à l'inverse, lorsque le sursis est révoqué, compte tenu de l'exécution de la peine, cela peut conduire à nier un pronostic défavorable. L'effet préventif de la peine à exécuter doit ainsi être pris en compte (ATF 134 IV 140 c. 4.5 p. 144).
Un critère déterminant pour juger du risque de réitération et, partant, pour poser le pronostic prévu par la loi est celui de l'effet de choc et d'avertissement (
Warnungswirkung
) issu de la condamnation précédente, y compris en ce qui concerne l'aménagement ultérieur de la vie de l'intéressé; s'il est avéré, un tel effet constitue un facteur favorable – même s'il n'est pas déterminant à lui seul – dans l'examen du pronostic (ATF 134 IV 140 c. 5.3).
3.2
Il convient tout d’abord d’examiner la peine prononcée.
En l'espèce, le prévenu s'est rendu coupable d'homicide par négligence. Il a commis une faute grave. En effet, il s'est engagé dans la voie de présélection sans voir le motocycliste qui arrivait en sens inverse, à courte distance, lui coupant ainsi la priorité. Cette faute commise, qui est exclusive, a provoqué le décès de deux personnes. Par ailleurs, le prévenu aurait dû redoubler d’attention, dès lors qu’il arrivait aux abords d’une manifestation publique. Cela est d’autant plus vrai qu’il est un conducteur expérimenté titulaire du permis de conduire depuis 1978. Enfin, toujours à charge, ses antécédents en matière de circulation routière ne sont pas favorables. Ainsi, il a déjà été condamné à deux reprises, soit en 2001 et 2008, pour des infractions à la LCR. Le second de ces antécédents peut être qualifié de récent. En revanche, le conducteur n’était pas particulièrement fatigué, ni sous l’influence de l’alcool. Le prévenu reconnaît et assume sa faute. Son comportement à la suite de l’accident le jour en question a été exemplaire. Aujourd’hui encore, il est manifestement très affecté par ces événements. La prise de conscience de sa propre faute semble réelle et sincère, même s’il n’a pas pris spontanément contact avec les familles des victimes, peut-être par pudeur.
Au regard de ces éléments à charge et à décharge, les premiers juges ont prononcé une peine pécuniaire de 45 jours-amendes cumulée avec une amende de 2'500 fr. Cette peine est certes modérée, mais ne saurait être considérée comme exagérément clémente. Toutefois, par son montant, cette dernière sanction ne constitue plus une peine accessoire. Dans le cas particulier, pour des motifs de prévention spéciale (cf. 3.1.4 ci-dessus), il est vrai qu’il se justifie de prononcer une peine ferme sous la forme d’une amende, qui doit correspondre à un cinquième de la peine principale (cf. ATF 135 IV 188 c. 3.4.4 p. 191, précité). Les premiers juges ont méconnu ce principe en fixant une peine d'amende d'une quotité excessive par rapport à la peine pécuniaire. Cela étant, il y a lieu de statuer d'office sur les deux peines à prononcer, la peine accessoire d'amende devant être en adéquation avec la peine principale.
Au regard de l'ensemble des éléments précités, le prévenu doit être condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende et à une amende de 1'000 fr. Pour le reste, le montant du jour-amende n'est pas contesté.
3.3
Il convient ensuite d’examiner la question du sursis et de la révocation du précédent sursis accordé par le prononcé préfectoral du 18 mars 2008.
Le fait que le prévenu a déjà été condamné à deux reprises pour des infractions à la LCR constitue un élément défavorable. Il n'en reste cependant pas moins qu’en cours de procédure, l'intimé a reconnu sa faute et sa responsabilité. Il a admis qu’il n’avait ni vu, ni entendu le motocycle arriver; de même, il a précisé ne pas avoir marqué un temps d’arrêt ferme avant de tourner. Son comportement à la suite de l’accident le jour en question a été exemplaire. Par ailleurs, il est encore manifestement très affecté par ces événements. Au regard de ses déclarations au cours des débats de première instance, la prise de conscience du prévenu de sa propre faute semble réelle et sincère, même s’il n’a pas pris spontanément contact avec les familles des victimes peut-être par pudeur. Aucun élément contraire n'est ressorti de l'audience d'appel.
Au regard de ces facteurs, on doit admettre que la combinaison d'une amende (à titre de sanction immédiate) au sens de l'art. 42 al. 4 CP avec le sursis ainsi que la durée maximale du délai d’épreuve qui lui a été imposée sont suffisants, sous l'angle de la prévention spéciale, pour pouvoir poser un pronostic favorable. Il convient par conséquent d'assortir du sursis la peine principale. Par identité de motifs, il n’y a pas non plus lieu de révoquer le précédent sursis.
4.
En conclusion, le recours du Parquet doit être partiellement admis en ce sens que la peine doit ainsi être fixée à 60 jours-amende et à une amende de 1'000 fr.
5. Appel d'A.D._, B.D._, C.D._ et D.D._
Faisant d'abord grief aux premiers juges de ne pas avoir statué sur leurs conclusions civiles, les appelants invoquent une violation de l’art. 126 al. 3 CPP.
5.1.
Aux termes de l’art. 126 CPP, le tribunal statue également sur les conclusions civiles présentées lorsqu’il rend un verdict de culpabilité à l’encontre du prévenu (al. 1 let. b). Il renvoie la partie plaignante à agir par la voie civile lorsque la partie plaignante n’a pas chiffré ses conclusions de manière suffisamment précise ou ne les a pas suffisamment motivées (al. 2 let. b). Dans le cas où le jugement complet des conclusions civiles exigerait un travail disproportionné, le tribunal peut traiter celles-ci seulement dans leur principe et, pour le surplus, renvoyer la partie plaignante à agir par la voie civile. Les prétentions de faible valeur sont, dans la mesure du possible, jugées par le tribunal lui-même (al. 3).
Cette disposition a la même teneur que le texte abrogé de l’art. 38 al. 1 à 3 LAVI. Selon la jurisprudence relative à cette dernière disposition, le renvoi devant les tribunaux civils ne se justifie que dans les cas où la détermination du préjudice exige des recherches importantes et difficiles. Ce genre de complications justifie, dans l'intérêt de la victime, de n'adjuger l'action civile que dans son principe. Il ne faut toutefois pas recourir trop facilement à cette solution. Il ne suffirait notamment pas de dépenses supplémentaires susceptibles de modifier le montant du dommage. Il faut que le jugement exige un travail disproportionné par quoi il faut entendre des recherches compliquées propres à retarder considérablement le jugement. L'importante exception au principe que constitue le renvoi au juge civil impose en effet de n'en faire qu'une application restrictive. Lorsqu'il s'agit uniquement de fixer un montant et que, par exemple, un certificat médical ou une expertise fait défaut, il convient alors de ne statuer que sur la question pénale et de traiter ultérieurement les prétentions civiles, après l'obtention des pièces requises. Si malgré la production des pièces requises, le jugement des prétentions civiles, dans un second temps, exigerait un travail disproportionné, les premiers juges pourraient toujours se limiter à adjuger l'action civile dans son principe et renvoyer la victime pour le reste devant les tribunaux civils (cf. ATF 123 IV 78 c. 2). Cette jurisprudence s'applique également par analogie quant à l'interprétation du nouvel art. 126 CPP.
5.2
Les appelants requièrent le versement de 6'229 fr. 30 à titre de frais de rapatriement, ce poste du dommage ayant clairement été documenté par pièce et par la déposition du témoin [...], entendue lors de l’audience du 7 avril 2011.
Selon les faits retenus, qui ne sont pas contestés par les appelants, les frais de rapatriement ont été réglés par [...], sans que l’on sache pour autant à quel titre cette amie du défunt a procédé à ce paiement, en particulier si cet argent a été avancé et prêté ou donné à la famille. Lors des débats de première instance, ce témoin, qui a partagé la vie du défunt de 2006 à 2008, a notamment fait les déclarations suivantes : «... Il est exact que je me suis occupée de plusieurs aspects administratifs suite au décès. J’ai continué à payer pendant un certain temps le loyer de l’appartement qu’il occupait. J’ai financé encore le rapatriement du corps du défunt. J’ai dû payer environ 6'000 fr. Il était exclu, vu leur situation financière, que la famille paye. La famille du défunt en Iran vit moyennement. Ils ne sont pas dans la misère, mais vivent chichement. (...)».
Il résulte des faits précités que les appelants n’ont subi aucun dommage en relation avec les frais de rapatriement du défunt. En effet, comme ils l’admettent eux-mêmes et conformément aux déclarations du témoin [...], ces frais ont été pris en charge par cette dernière. Par ailleurs, au regard du témoignage énoncé, celle-ci n’a manifestement pas l’intention de demander le remboursement de la somme relative aux frais susmentionnés. Par ailleurs, les appelants ne soutiennent pas, à plus forte raison ne démontrent d’aucune manière que [...] aurait requis quelque dédommagement que ce soit à ce titre. Le grief est donc rejeté.
5.3
Les appelants requièrent ensuite l'allocation du montant de 4'320 fr. à titre de frais de traduction.
Les premiers juges ont considéré que les frais de traduction n’étaient pas suffisamment documentés. Cette appréciation ne porte pas le flanc à la critique. En effet, dans le cadre de leurs conclusions civiles, les appelants ont uniquement produit une facture pour un total de 4'320 fr. et portant sur la traduction en français de 16 cartes postales, 15 factures de téléphones, quatre cartes d’identité, dix documents divers et 51 pages de correspondances (cf. pièce n° 63 du dossier). Le document produit ne permet toutefois pas de déterminer si les traductions sollicitées ont précisément porté sur des éléments utiles et pertinents à la défense de leurs droits dans la présente procédure. Ainsi, le document produit est notamment insuffisant pour établir un lien de causalité entre les dépenses de traduction et la procédure pénale. Par ailleurs, les appelants, dans leurs écritures, n’allèguent ni ne démontrent d’aucune manière, qu’il s’agirait à cet égard de dépenses obligatoires occasionnées par la procédure. En conclusion, la critique doit être rejetée.
5.4
En définitive, s'agissant des conclusions civiles, c'est conformément à l'art. 126 al. 2 let. b et al. 3, 1
ère
phrase, CPP que les premiers juges les ont, au regard de la complexité présentée par les autres conclusions en réparation des parties civiles et compte tenu du fait que certaines conclusions sont insuffisamment motivées, renvoyées à agir devant le juge civil en leur donnant acte de leurs réserves civiles contre l'intimé.
6.
Les appelants requièrent enfin un montant de 16'000 fr. à titre de dépens pénaux.
6.1
Selon l’art. 433 al. 1 CPP, dans les cas suivants, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure : elle obtient gain de cause (let. a), le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l’art. 426 al. 2 (let. b). L’art. 433 al. 2 CPP précise que la partie plaignante adresse ses prétentions à l’autorité pénale; elle doit les chiffrer et les justifier. Si elle ne s’acquitte pas de cette obligation, l’autorité pénale n’entre pas en matière sur la demande.
Les victimes LAVI devraient obtenir dans le cadre de la procédure pénale la condamnation de l'auteur au paiement de l'intégralité des honoraires d'avocat, sous réserve de leur proportionnalité
(ATF 133 II 361 c. 5.4).
6.2
Les appelants ont produit une note d’honoraires faisant état de 15 heures effectuées par l’avocat et de 44 heures par les stagiaires, sans toutefois indiquer de tarif horaire.
Au regard des difficultés de la cause - étant relevé cependant que le prévenu a admis les faits - de l’éloignement géographique des parties civiles, du travail accompli au regard du dossier, et des conclusions prises par les victimes et admises que très partiellement par les autorités, on doit admettre que l’indemnité allouée, par 8'000 fr., est proportionnée et adéquate.
7.
En conclusion, l’appel des parties civiles doit être rejeté. Au regard de la situation économique des appelants (cf. c. 5.2 ci-dessus), les frais de la cause afférents à leur appel sont laissés à la charge de l’Etat (cf. l'art. 425, seconde phrase, CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6646d462-9a8b-46d7-a85e-15dbcb3bcc9a | En fait :
A.
Par jugement du 5 août 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a condamné Q._ pour opposition aux actes de l’autorité, dommages à la propriété et contravention LStup à 90 heures de travail d’intérêt général (TIG), peine partiellement complémentaire à celles infligées le 22 juin 2011 par le Tribunal de police de la Gruyère et le 14 février 2012 par le Tribunal de police de Lausanne, et au paiement des frais par 2'025 fr., le solde demeurant à l’Etat (I), a ordonné la confiscation et le cas échéant la destruction des objets séquestrés sous n° 54150 (II) et a donné acte de leurs réserves civiles aux L._ et à la Commune de Lausanne (III).
B.
Le 20 août 2013, le Ministère public a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d’appel du 10 septembre 2013, il a conclu principalement à sa réforme en ce sens que Q._ est condamné, pour opposition aux actes de l’autorité, dommages à la propriété et contravention LStup, à 160 jours-amende, la valeur du jour-amende étant fixée à 30 fr., peine partiellement complémentaire au jugement rendu le 22 juin 2011 par le Juge de Police de la Gruyère et à celui rendu le 14 février 2012 par le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne, et à 300 fr. d’amende, convertible en dix jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif dans le délai qui sera imparti, les frais étant mis à la charge du prévenu. Il a conclu subsidiairement à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause pour nouvelle instruction et nouveau jugement. Il n’a pas requis l’administration de preuves.
L’intimé a déclaré renoncer à présenter une demande de non-entrée en matière et à déposer un appel joint. Au surplus, il a conclu au rejet de l’appel.
L’audience d’appel s’est tenue le 9 janvier 2014, au cours de laquelle chacune des parties a confirmé ses conclusions.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né le 16 mai 1985 à Neuchâtel, Q._ est originaire de Prévonloup, dans le canton de Vaud. Célibataire, il est étudiant à l’ [...], au bénéfice d’une bourse. Il a des dettes pour plusieurs milliers de francs, et notamment des frais de justice. Il habite chez son grand-père, à Cully, pour un modeste loyer de 350 fr. par mois.
Son casier judiciaire fait état de six condamnations prononcées dans les cantons de Fribourg, Berne et Vaud entre le 22 novembre 2005 et le 14 février 2012 à une peine d’emprisonnement de trois mois – dont le sursis a été révoqué, après avertissement –, à deux peines pécuniaires de 15 jours-amende à 60 fr. et 10 jours-amende à 20 fr., à des travaux d’intérêt général de 60 et 80 heures et à une amende de 400 fr. avec sursis. Une de ces condamnations concernait une opposition aux actes de l’autorité en concours avec une contravention à la LStup. Les cinq autres condamnations venaient sanctionner des dommages à la propriété – dont à une reprise des dommages considérables – commis deux fois en concours avec une contravention à la LStup et une fois en concours avec une contravention à l’Ordonnance sur les règles de la circulation routière.
2.
Par ordonnance du 21 mars 2013, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne a condamné Q._ à 160 jours-amende à 30 fr. le jour et à 300 fr. d’amende, convertible en 10 jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement, peine partiellement complémentaire à celles infligées le 22 juin 2011 par le Juge de police de la Gruyère et le 14 février 2012 par le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne, pour dommages à la propriété, opposition aux actes de l’autorité et contravention à la LStup. Il lui est reproché d’avoir, entre le 1
er
janvier 2010 et le 6 août 2012, endommagé de nombreux immeubles et véhicules en les souillant avec de la peinture et d’avoir été retrouvé à deux reprises en possession de marijuana. L’ordonnance pénale a détaillé son activité délictueuse de la manière suivante :
"1) Entre le 1
er
janvier 2010 et mars 2011, à la Rue [...], à Lausanne, Q._ a souillé les murs de peinture, au préjudice de la société [...] AG, laquelle a déposé plainte par l’intermédiaire de [...]t le 23 mai 2011;
2) le 30 décembre 2010, à Lausanne, Q._ a souillé un train avec de la peinture en inscrivant BISCUIT sur la carrosserie, au préjudice des L._. Ces derniers, par l’intermédiaire de [...], ont déposé plainte le 27 janvier 2011 et pris des conclusions civiles à hauteur de 5500 fr. à titre de dommages et intérêts;
3) entre le 18 et le 21 février2011, à la Place de la Gare, à Lausanne, Q._ a souillé plusieurs murs de peinture en y inscrivant « LVMH ». La Commune de Lausanne, par l’intermédiaire de [...], a déposé plainte le 16 janvier 2012 et pris des conclusions civiles à hauteur de 620 fr. 25 à titre de réparation du dommage causé;
4) entre le 18 et le 21 février 2011, à la Place de la Gare [...], à Lausanne, Q._ a souillé plusieurs murs de peinture en y inscrivant « LVMH ». [...] SA, par l’intermédiaire de [...], a déposé plainte le 5 janvier2012;
5) le 6 mars 2011, à l’avenue de [...], à Lausanne, Q._ à souillé l’abris de bus de peinture en y inscrivant « LVMH ». La Commune de Lausanne, par l’intermédiaire de [...], a déposé plainte le 29 mars 2011. 7 bonbonnes de spray de couleur ainsi qu’un gant ont été séquestrés sous fiche de séquestré n° 54150;
6) entre le 19 et le 21 mars 2011, à la rue [...], à Renens, Q._ a souillé plusieurs containers de peinture en y inscrivant « LVMH ». Les L._, par l’intermédiaire de [...], ont déposé plainte le 30 mars 2011 et pris de conclusions civiles à hauteur de 10'000 francs;
7) le 13 mai 2011, à la Gare de Renens, Q._ a souillé plusieurs containers de peinture en y inscrivant « LVMH ». Les L._, par l’intermédiaire de [...], ont déposé plainte le 27 juin 2011 et pris des conclusions civiles à hauteur de 14’100 francs;
8) entre le 23 décembre 2011 et le 1
er
janvier 2012, à la rue [...], à Lausanne, Q._ a souillé les murs de peinture en y inscrivant « LVMH ». La Gérance [...] SA, par l’intermédiaire de [...], a déposé plainte le 5 janvier 2012;
9) le 15 juin 2012, vers 02h45, à la Rue [...], à Lausanne, Q._ a endommagé un véhicule de police en effectuant un tag « LVMH » sur la carrosserie et un cercle entourant le mot POLICE de couleur rouge alors que le véhicule était stationné. La Commune de Lausanne, par l’intermédiaire de [...], a déposé plainte le 29 juin 2012 et a pris des conclusions civiles à hauteur de 273 fr. 10 à titre de réparation du dommage. Lors de son interpellation, le prévenu a été retrouvé en possession d’un joint de marijuana entamé. Par ailleurs, il a refusé de suivre les agents près du véhicule de service. Il a donc dû être acheminé dans ledit véhicule par la force et a tenté d’en sortir à plusieurs reprises. Arrivé dans les locaux de la police, il a cette fois refusé de sortir du véhicule;
10) entre le 3 et le 6 août 2012, au chemin de [...], à Cully, Q._ a souillé la façade du dépôt du Fontainier avec de la peinture. La Commune de Bourg-en-Lavaux, par l’intermédiaire d’ [...], a déposé plainte le 9 août 2012;
11) le 26 décembre 2012, à Lausanne, Q._ a été trouvé porteur d’un sachet de 0,4 g net de marijuana".
Contestant les faits reprochés, le prévenu a formé opposition à cette ordonnance par courrier du 3 avril 2013. Le Ministère public a décidé de maintenir son ordonnance et a transmis le dossier de la cause à l’autorité de première instance en vue des débats.
Le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne n’a retenu que les cas admis par le prévenu à l’audience, soit les cas n° 7, 9 et 11 de l’ordonnance pénale, et a donné acte de leurs réserves civiles aux L._ et à la Commune de Lausanne. Il n’a pas discuté les autres cas, pas plus qu’il n’a statué sur l’action pénale en relation avec eux. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Le Ministère public a, de droit, la qualité pour faire appel, en application de l'art. 381 al. 1 CPP.
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
L’appelant déclare attaquer le jugement du Tribunal de police dans son ensemble. Invoquant les moyens tirés de l’art. 398 al. 3 let. a et b CPP, il considère que ce jugement est lacunaire, dans la mesure où le premier juge n’indique finalement pas quels sont les faits qu’il écarte, ni pourquoi il ne les retiendrait pas, alors qu’un faisceau d’indices probants permettrait de retenir contre le prévenu l’intégralité des actes pour lesquels il a été renvoyé.
3.1
L’obligation de motiver le jugement est l’un des composants du droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) ainsi qu’une exigence naturelle et fondamentale d’une saine administration de la justice puisqu’elle impose aux juges de justifier leurs décisions. Le but de la motivation est de permettre au justiciable de comprendre les raisons qui ont conduit le tribunal à prendre cette décision et lui permettre de décider éventuellement d’interjeter ou non un recours contre cette décision; l’autorité de recours peut également, grâce à la motivation, exercer son contrôle (Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire, Code de procédure pénale, Bâle 2013, n. 2 ad art. 82 CPP).
On doit pouvoir comprendre quels sont les moyens de preuve qui ont fondé la décision du tribunal. Une brève motivation suffit : un court exposé des faits, des règles de droit déterminantes et des raisons de leur application au cas jugé est généralement suffisant, cet exposé pouvant même être fait de vive voix si la décision peut être communiquée oralement (Piquerez/Macaluso, Procédure pénale suisse, 3
e
éd., Genève/Zurich/Bâle 2011, n° 1844). Il y a cependant violation du droit d'être entendu si l'autorité ne satisfait pas à son devoir minimum d'examiner et de traiter les problèmes pertinents
(ATF 130 II 530 c. 4.3 p. 540;
ATF 129 I 232
c. 3.2 p. 236;
ATF 122 IV 8 c. 2c p. 15). Le juge doit indiquer les faits desquels découle la preuve de l'infraction, puis qualifier ces faits par rapport à la loi dont il fait application (Piquerez/Macaluso, op. cit., n° 1842 et 1843).
Pour déterminer l’étendue de la motivation, il ne convient pas de prendre en considération les seuls passages consacrés au verdict de culpabilité, mais le jugement dans son entier (TF 6P.49/2003 du 30 mai 2003 c. 2 et les références citées).
Par exception au principe de la nature formelle du droit d'être entendu, une violation de ce dernier est considérée comme réparée lorsque l'irrégularité n'est pas particulièrement grave et pour autant que la partie concernée ait la possibilité de s'exprimer et de recevoir une décision motivée de la part de l'autorité de recours disposant d'un pouvoir d'examen complet en fait et en droit. Une réparation du vice procédural est également possible lorsque le renvoi à l'autorité inférieure constitue une vaine formalité, provoquant un allongement inutile de la procédure, incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (TF 1B_40/
2013 du 26 février 2013 c. 3.1
;
ATF 137 I 195
c. 2.3.2 p. 197).
3.2
En l’espèce, après avoir reproduit l’intégralité des faits exposés dans l’ordonnance pénale du 21 mars 2013, le premier juge a motivé sa décision de la manière suivante :
"Aux débats, le prévenu peine à admettre les faits, mais sur un autre ton que ce qui résulte de la seule lecture du dossier. Il craint d’être impliqué pour davantage que ce qu’il a commis. Il ne veut pas prendre à sa charge tous les frais résultant de différents épisodes de tags, en indiquant en substance qu’il a pu être présent certaines fois, mais qu’il n’était de loin pas le seul. Le prévenu donne cependant le sentiment d’avoir évolué et de vouloir passer à autre chose, ainsi qu’il l’avait d’ailleurs expliqué au Procureur. On croit le sentir pris entre ce souhait d’une certaine évolution et une espèce de solidarité du monde du tag; le prévenu peut entendre qu’il s’agit d’une solidarité de ce qui reste de la délinquance. Ainsi, finalement, le prévenu a-t-il admis les cas n° 7 et 9, sans contester le cas n° 11 pour la contravention LStup. Il est conscient qu’il y a opposition aux actes de l’autorité, mais estime avoir été traité trop brutalement par les policiers, dont il faut bien constater qu’ils avaient été pris à partie par toute une foule vindicative cette nuit-là. Ainsi et finalement, il y a dommages à la propriété, opposition aux actes de l’autorité et contravention LStup".
Cette motivation n’est pas de nature à exposer objectivement sur quoi le premier juge a fondé sa conviction. Le premier juge se borne à faire état des aveux du prévenu, qui admet finalement trois cas (n° 7, 9 et 11), sans discuter les autres cas et sans expliquer, même succinctement, ce qu’il en fait. La seule indication dont on dispose à cet égard résulte de la page de garde du jugement, sur laquelle figure, en face des termes "Date des infractions", la mention "du 13.05.2011 au 26.12.2012". Dans la mesure où ces deux dates correspondent respectivement aux cas n° 7 et 11, il y a lieu de comprendre cette indication dans le sens que les cas n° 1 à 6, antérieurs au 13 mai 2011, n’ont pas été retenus et que seuls l’ont été les trois cas admis en audience, ce qui explique la modicité de la peine prononcée de 90 heures de TIG, correspondant à 22,5 jours (art. 39 al. 2 CP).
Le premier juge ne dit pas pour quelles raisons il a écarté les cas contestés, pas plus qu’il n’a statué sur l’action pénale en relation avec eux. Or, la découverte, dans le sac du prévenu, lors de son interpellation du 6 mars 2011, de sept bonbonnes de spray (P. 24), le fait que la plupart des cas qui lui sont reprochés aient été commis avant ses deux précédentes condamnation des 22 juin 2011 (cas n° 1 à 7) et 14 février 2012 (cas n° 1 à 8) pour des faits similaires (PV aud. 6, R. 3), soit à une époque où l’intéressé était "actif dans le domaine des tags et des graffitis" (PV aud. 7, ligne 65), selon le même mode opératoire et comportant la même signature « LVMH » (cas n° 3 à 9), la proximité dans le temps des cas n° 3 à 6, qui ont eu lieu entre février et mars 2011, les deux photographies sur lesquelles l’intimé a posé devant les graffitis (PV aud. 4, R. 13 et 15
et annexe, pp. 7 et 9), ses dénégations face à l’évidence (PV aud. 6, R. 7) et ses aveux tardifs (jugt, p. 4) sont autant d’indices de l’implication de Q._ dans d’autres cas que ceux finalement admis. On citera à titre d’exemple le cas n° 5, pour lequel le premier juge pouvait retenir comme indices sérieux de culpabilité du prénommé sa mise en cause par deux personnes (PV aud. 1, R. 7; pièce 7/1, p. 7) et le fait qu’une des bonbonnes de peinture retrouvées au moment de son interpellation était de même couleur que le tag « LVMH ». D’ailleurs, le fait que l’intimé invoque, en appel, une confusion dans le numéro des cas et qu’il reconnaisse finalement être impliqué dans le cas n° 5 au lieu du cas n° 7 précédemment admis (p. 3
supra
) démontre
a fortiori
que le tribunal s’est fondé à tort sur ses seuls aveux pour fonder sa culpabilité. Les déclarations de Q._ concernant les cas contestés paraissent encore moins crédibles, si l’on tient compte du fait que celui-ci a affirmé, lors de son arrestation du 15 juin 2012, qu’il avait cessé toute consommation de drogue (PV aud. 6, R. 9), alors qu’à peine six mois plus tard, il a à nouveau été interpellé en possession de marijuana, comme il l’a lui-même reconnu (cas n° 11; jugt, p. 4). Cette attitude est liée au mode de fonctionnement de l’intéressé, qui nie dans un premier temps les faits qui lui sont reprochés, avant d’admettre ceux pour lesquels des éléments de preuve difficilement discutables ont été apportés.
C’est donc dire que le premier juge devait se livrer à un examen complet des éléments du dossier, et exposer les motifs pour lesquels il rejetait tel ou tel cas, ce qu’il n’a pas fait. Il s’est limité à dire que le prévenu "a[vait] pu être présent certaines fois, mais qu’il n’était de loin pas seul" (jugt, p. 7); une telle motivation paraît nettement insuffisante et pourrait même laisser supposer que l’intimé ait agi comme co-auteur ou tout au moins comme complice.
On relèvera encore que, sans aucune motivation, le premier juge a décidé de donner acte de leurs réserves civiles aux L._ et à la Commune de Lausanne (ch. III du dispositif), alors que ces parties civiles, d’ailleurs concernées par les cas admis (n° 7 et 9), avaient pris des conclusions civiles chiffrées, pièces à l’appui (pièce 35). Là aussi, le jugement présente donc des vices importants.
4.
4.1
Il reste à se demander s'il peut être remédié à ces vices de motivation devant l'autorité de céans et, dès lors, s'il peut être procédé à l'examen de la cause au fond.
L'art. 409 CPP prévoit que si la procédure de première instance présente des vices importants auxquels il est impossible de remédier en procédure d’appel, la juridiction d’appel annule le jugement attaqué et renvoie la cause au tribunal de première instance pour qu’il soit procédé à de nouveaux débats et pour qu’un nouveau jugement soit rendu.
La doctrine précise que si la procédure de première instance présente des vices importants, les juges d'appel ne pourront pas y remédier sans porter atteinte aux droits de l'appelant. En effet, les parties doivent bénéficier de deux instances qui, toutes deux, doivent se prononcer régulièrement. Si la juridiction d'appel statue sur le fond malgré des vices importants de procédure, cela revient à supprimer pour la partie concernée le bénéfice des deux instances (Kistler Vianin, Code de procédure pénale suisse, Commentaire romand, Bâle 2011, n. 1 et 5 ad. art. 409 CPP).
4.2
En l’occurrence, au vu des vices du jugement de première instance, la Cour d’appel ne saurait se prononcer elle-même sur l’ampleur de la culpabilité, sur la fixation de la peine et sur les conclusions civiles sans priver le prévenu de la garantie de la double instance.
Il apparaît donc que le jugement attaqué est entaché de vices auxquels il ne peut pas être remédié en procédure d'appel (art. 409 CPP).
Il s'ensuit que l'appel doit être admis, que le jugement rendu le 5 août 2013 par le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne doit être annulé et que la cause doit être renvoyée à cette autorité pour qu'elle procède à une nouvelle instruction sur les cas encore contestés (p. 3
supra
), fixe une nouvelle peine en genre et en quotité en tenant compte de la culpabilité du prévenu et motive sa décision sur le sort des conclusions civiles.
5.
L’appelant obtenant gain de cause et le jugement devant être annulé, les frais de la procédure d'appel
comprenant l'indemnité allouée au défenseur d'office du prévenu, arrêtée à 1'665 fr. 35, TVA et débours compris, selon liste d’opérations (pièce 50),
doivent être laissés à la charge de l’Etat (art. 428 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
66541a2d-df67-4b93-a604-32988497acac | En fait :
A.
Par jugement du 1
er
juin 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a libéré Z._ de l'accusation de lésions corporelles simples (I), constaté que B.M._ s'était rendue coupable de voies de fait, d'injure et de faux dans les titres (II), a condamné cette dernière à une peine pécuniaire de trente jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 20 fr., et à une amende de 400 fr., peine complémentaire à celle prononcée contre elle le 19 mars 2010 par le Tribunal de police de Lausanne (III), a suspendu l'exécution de la peine pécuniaire et fixé à B.M._ un délai d'épreuve de quatre ans (IV), dit qu'à défaut de paiement de l'amende, la peine privative de liberté de substitution serait de quatre jours (V), constaté que A.M._ s'était rendu coupable de dommages à la propriété et d'injure (VI), l'a condamné à une peine pécuniaire de dix jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 50 fr., et à une amende de 200 fr. (VII), a suspendu l'exécution de la peine et fixé à A.M._ un délai d'épreuve de trois ans (VIII), dit qu'à défaut de paiement de l'amende, la peine privative de liberté de substitution serait de deux jours (IX), constaté que Z._ s'était rendu coupable de voies de fait (X), l'a condamné à une amende de 200 fr. (XI), a dit qu'à défaut de paiement de l'amende, la peine privative de liberté de substitution serait de deux jours (XII), dit que A.M._ était le débiteur de Z._ de la somme de 1'000 fr., en réparation de son dommage effectif, et de la somme de 500 fr., en participation à ses frais d'intervention pénale (XIII), donné acte à B.M._ de ses réserves civiles contre Z._ (XIV), rejeté toutes autres conclusions prises par les parties (XV), mis une part des frais de justice par 3'050 fr. 65 à la charge de B.M._, dont 1'875 fr. 65 d'indemnité de son conseil d'office, une autre part arrêtée à 705 fr. à la charge de A.M._, le solde, par 470 fr., étant à la charge de Z._ (XVI) et dit que B.M._ ne sera tenue de rembourser l'indemnité servie à son conseil d'office que dans la mesure où sa situation financière le permettra (XVII).
B.
Le 10 juin 2011, Z._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 26 juillet 2011, il a conclu à son acquittement. Il n'a pas requis l'administration de preuves.
Le 29 juillet 2011, le Ministère public a annoncé qu’il renonçait à présenter une demande de non-entrée en matière et à déclarer un appel joint. Ni A.M._, ni B.M._ n'ont déposé de déterminations.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Le prévenu Z._, né en 1947, de nationalité suisse, originaire de Lugano, a accompli un apprentissage de dessinateur en bâtiment et a ensuite suivi une formation de contremaître. Il s'est alors établi dans la région lausannoise où il a travaillé dans un bureau d'architecture, avant de se mettre à son compte. Il a pris sa retraite en 2008. Il est marié et père d'une fille, aujourd'hui majeure. Il perçoit 1'800 fr. par mois d'AVS et son épouse 7'000 fr. nets. Le couple n'a ni dettes, ni économies.
2.
Le 28 mai 2009, vers 17h15, sur le parking du "Casino de Montbenon" sis à l'allée Ernest-Ansermet, à Lausanne, une altercation verbale et physique a éclaté entre B.M._ et Z._, suite au jugement rendu par le Tribunal de l'arrondissement de Lausanne dans le cadre d'une autre affaire pénale les concernant.
Alors que Z._ se dirigeait vers son véhicule afin de regagner son domicile, B.M._, insatisfaite de la décision libératoire prononcée en faveur de l'appelant, s'est approchée de celui-ci pour s'entretenir avec lui. Devant le refus de ce dernier, elle s'est emportée et, alors que l'intéressé était assis sur le siège conducteur de sa voiture et qu'il s'apprêtait à démarrer, elle a ouvert la portière et lui a asséné une gifle sous l'œil gauche, lui occasionnant un hématome. Z._ a riposté en lui donnant un coup de pied sur la cuisse. L'appelant a ensuite entrepris une marche arrière pour s'en aller. Lors de cette manœuvre, le mari de B.M._, A.M._, également présent sur les lieux, a alors donné un coup de pied dans la portière arrière gauche du véhicule en question, endommageant la carrosserie.
Lors de ce différend, les époux M._ ont injurié l'appelant, en le traitant notamment de "voleur" et d'"escroc".
B.M._ et Z._ ont chacun déposé plainte et se sont constitués parties civiles. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
2.1
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné ou que l’état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, op. cit., n. 22 et 23 ad art. 398 CPP).
2.2
En l’espèce, dès lors que seule une contravention a finalement été retenue à l'encontre de Z._ et fait donc encore l'objet de la procédure, le prénommé ayant été libéré du chef d'accusation de lésions corporelles simples, et que l'appel ne porte que sur la question de la culpabilité, un membre de la Cour d'appel pénale statue comme juge unique, conformément à l'art. 14 al. 3 LVCPP (Loi d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009, RSV 312.01).
3.
L'appelant conteste s'être rendu coupable de voies de fait.
3.1
3.1.1
Le tribunal a qualifié à juste titre de "mouvement de défense excessif" le comportement de Z._ (jugt, p. 9). En effet, celui-ci aurait pu refermer la portière de sa voiture et s'en aller, ce qu'il avait d'ailleurs prévu de faire, plutôt que donner un coup de pied à la cuisse de B.M._.
Plus loin, dans l'appréciation de la peine, le premier juge, après avoir admis que le contexte pouvait expliquer le geste de l'appelant, a précisé que ce geste n'était pas excusable (jugt, p. 10
in fine
).
3.1.2
Si l'auteur d'une infraction, en repoussant une attaque, a excédé les limites de la légitime défense au sens de l'art. 15 CP alors que cet excès provient d'un état excusable d'excitation ou de saisissement causé par l'attaque, il n'agit pas de manière coupable (art. 16 al. 2 CP).
Selon la jurisprudence, ce n'est que si l'attaque est la seule cause ou la cause prépondérante de l'excitation ou du saisissement que celui qui se défend n'encourt aucune peine et pour autant que la nature et les circonstances de l'attaque rendent excusable cette excitation ou ce saisissement. C'est l'état d'excitation ou de saisissement qui doit être excusable, non pas l'acte par lequel l'attaque est repoussée.
Il ne peut s'agir de vengeance ou de sentiments de vengeance. Cette disposition peut être interprétée de manière restrictive, bien qu'elle entraîne obligatoirement la non-punissabilité. Selon le Tribunal fédéral, l'appréciation du juge doit se faire de cas en cas; il doit exiger une émotion d'autant plus forte que la riposte de l'auteur aura été plus nocive ou dangereuse.
La loi ne précise pas plus avant le degré d'émotion nécessaire; il ne doit pas forcément atteindre celui d'une émotion violente au sens de l'art. 113 CP, mais doit revêtir une certaine importance.
Celui qui a lui-même provoqué par un comportement délictueux l'attaque qu'il a ensuite repoussée de manière excessive ne peut pas se prévaloir de l'art. 16 al. 2 CP, même si l'agression dont il a été l'objet l'a pris au dépourvu
(TF 6B_65/2011 du 8 septembre 2011 c. 3.1; Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3
ème
éd., Lausanne 2007, n. 2.2 ad art. 16 CP et les références citées;
Dupuis/Geller/Monnier/Moreillon/Piguet, Code pénal I, Partie générale – art. 1-110 DPMin, Petit commentaire, Bâle 2008, n. 7 et 8 ad art. 16 CP, pp. 347 s. et les références citées
).
Il appartient au juge d'apprécier si ce degré d'émotion était suffisamment marquant et de déterminer si la nature et les circonstances de l'attaque le rendaient excusable. Plus la réaction de celui qui se défend aura atteint ou menacé l'agresseur, plus le juge se montrera exigeant quant au degré d'excitation ou de saisissement nécessaire (TF 6B_65/2011 précité c. 3.1 et la référence citée).
3.2
En l'espèce, il résulte de l'état de fait, non contesté, du jugement que Z._ a asséné un coup de pied à la cuisse de B.M._. Avec le tribunal, on relèvera que, bien que violent, ce geste de la part du prévenu, dont ont ne peut exclure qu'il ait été fait pour éloigner la prénommée qui l'avait attaqué de façon inattendue, est resté essentiellement défensif et n'a causé qu'une "simple douleur à la palpation (...), sans lésions cutanées" (jugt, p. 9). Il n'y a dès lors pas à faire preuve d'une exigence particulière quant au degré d'excitation ou de saisissement nécessaire. Dès lors que l'appelant avait clairement signifié à B.M._, qui s'approchait de lui, qu'il ne voulait pas discuter avec elle et dans la mesure où il s'était assis au volant de son véhicule, avait déjà fermé la portière et s'apprêtait à démarrer, il pouvait être surpris par le comportement de la prénommée qui a soudainement ouvert la porte et lui a asséné une gifle. Il pouvait d'autant plus l'être qu'ils venaient de sortir d'une audience du tribunal de police au terme de laquelle il avait été acquitté et B.M._ s'était vu donner acte de ses réserves civiles à son encontre (pièce 6). Ces éléments permettent de retenir que les circonstances étaient de nature à provoquer chez le prévenu un état d'excitation excusable au sens de l'art. 16 al. 2 CP. En outre, le simple fait que chacune des parties était encore tendue à l'issue de l'audience (jugt, p. 8) ne suffit pas à exclure que l'intéressé puisse s'être trouvé dans l'état précité, compte tenu de l'attitude véhémente de l'intimée.
Ainsi, compte tenu de la nature et des circonstances du cas d'espèce, force est de constater que l'appelant a agi dans un état d'excitation excusable au moment où il a excédé les limites de la légitime défense. Il y a donc lieu de le libérer, en application de l'art. 16 al. 2 CP, des fins de la poursuite pénale.
4.
En conclusion, l'appel de Z._ est admis.
5.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure de première instance qui ont été mis à sa charge doivent être supportés par l'Etat. En effet, le comportement du prévenu, qui n'a ni donné lieu à l'ouverture de l'action pénale, ni compliqué l'instruction, n'apparaît pas civilement répréhensible et ne réalise donc pas les conditions définies par la jurisprudence pour permettre la mise des frais de la cause à la charge d'un prévenu acquitté
(cf. art. 426 al. 2 CPP).
Il en va de même des frais d'appel, qui doivent donc être laissés à la charge de l'Etat (art. 428 CPP).
6.
Acquitté, l'appelant a en outre droit à une indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, bien qu'il n'ait pris aucune conclusion en ce sens, la Cour d'appel pénale pouvant statuer d'office sur ce point (art. 429 al. 2 CPP). Cette indemnité, qui vient compléter les sommes de 1'000 fr. et de 500 fr. qui lui ont été allouées en première instance (art. 430 al. 1 let. b CPP) et qui couvre ses frais de deuxième instance, y compris ses frais de défense, doit être arrêtée à 900 francs. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
666c2f75-132d-46c8-8ed8-c123a4601738 | En fait :
A.
Par prononcé préfectoral du 10 novembre 2008, le Préfet du district de Lausanne a constaté que R._ s'était rendue coupable d'infraction à l'impôt cantonal sur les chiens (I), l'a condamné à une amende de 100 fr. (II), a dit qu'à défaut de paiement de l'amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 1 jour (III) et a mis les frais, par 220 fr., à la charge de cette dernière (IV).
Par courrier du 5 décembre 2008, la requérante s'est opposée à ce prononcé, en faisant valoir être au bénéfice d'une rente AI à 100 %. Il n'a pas été statué sur cette demande de réexamen.
B.
Par ordonnance pénale du 15 septembre 2011, le Préfet du district de Lausanne a ordonné la conversion de l'amende de 100 fr. en 1 jour de peine privative de liberté de substitution conformément à l'ordonnance du 10 novembre 2008 (I) et mis les frais, par 250 fr., à la charge de R._ (II).
Par lettre du 21 septembre 2011, la requérante a formé opposition contre l'ordonnance précitée, alléguant qu'elle était à l'AI à 100 % depuis 1996, qu'elle était exemptée depuis des années de l'impôt sur les chiens et qu'elle n'avait jamais rien payé à ce titre. La Préfecture lui a répondu que l'amende étant exécutoire, seule la voie de la révision était ouverte.
C.
Par courrier du 10 octobre 2011, la requérante a formellement adressé une demande de révision de la décision litigieuse à la Cour d'appel pénale.
Dans le délai imparti par la Cour d'appel pénale (art. 412 al. 4 CPP), le Préfet du district de Lausanne a produit son dossier et fait valoir que la requérante n'avait, jusqu'à ce jour, jamais apporté la preuve qu'elle était exemptée de l'impôt sur les chiens.
A la demande de la Cour d'appel pénale, R._ a, le 18 octobre 2011, produit des pièces établissant qu'elle était à l'AI en 2007 et qu'elle était notamment cette année-là, au bénéfice des prestations complémentaires. | En droit :
1.
La requête de révision a été déposée le 10 octobre 2011 contre une ordonnance pénale rendue la même année. Partant, c’est le Code de procédure pénale entré en vigueur le 1
er
janvier 2011 qui s’applique tant à la procédure qu’aux motifs de la révision (TF 6B_310/2011 du 20 juin 2011 c. 1.1).
2.
L'art. 410 al. 1 let. a CPP permet à toute personne lésée par un jugement entré en force d'en demander la révision s'il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l'autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné. Cette disposition reprend la double exigence posée par l'art. 385 CP selon laquelle les faits ou moyens de preuve invoqués doivent être nouveaux et sérieux (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 II 1057 ss, spéc. 1303 ad. art. 417 [actuel art. 410 CPP] ; TF 6B_235/2011 du 30 mai 2011 c. 1.2 et les références citées).
Les faits ou moyens de preuve sont nouveaux lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit. Ils sont sérieux lorsqu'ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l'état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (TF 6B_310/2011 du 20 juin 2011 c. 1.2; ATF 130 IV 72 c. 1).
3.
La requérante établit, par la production des décisions de prestations complémentaires, qu'elle n'est pas astreinte à payer l'impôt sur les chiens et qu'elle ne l'était pas non plus en 2007 (art. 4 RICC [Règlement du 6 juillet 2005 concernant la perception de l'impôt cantonal sur les chiens, RSV 652.31.1]).
En l'espèce, le prononcé préfectoral du 10 novembre 2008 a été rendu sans citation si bien que l'autorité qui a prononcé la condamnation ne connaissait manifestement pas les documents produits par la requérante.
Dans la mesure où ces derniers constituent des preuves sérieuses et nouvelles, il convient d'admettre que les conditions d'une révision sont réunies. Au demeurant, on ne saurait reprocher à la requérante de ne pas avoir fait valoir ses moyens à temps, dès lors qu'elle n'a ni été entendue, ni été citée. Il n'est pas non plus établi que le prononcé préfectoral a été rendu valablement moins de dix jours avant l'opposition, le courrier du 15 décembre 2008 de la Préfecture du district de Lausanne démontrant bien plutôt que cette autorité a bien considéré l'opposition de la requérante comme une demande de réexamen. Il apparaît finalement que la requérante n'a jamais modifié sa version des faits et qu'elle a toujours soutenu être au bénéfice d'une rente AI à 100 %, puis de prestations complémentaires.
4.
Au vu de ces éléments, il convient en définitive d'admettre la demande de révision, d'annuler le prononcé préfectoral du 10 novembre 2008 et l'ordonnance pénale de conversion du 15 septembre 2011 et de libérer R._ des fins de la poursuite pénale. Il n'est pas perçu de frais pour la présente procédure. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
667e4517-c5d7-41a4-b0ba-5bf2aa896e6a | En fait :
A.
Par jugement du 25 juin 2009, le Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte a acquitté N._ de l'infraction prévue à l'art. 57b al. 1 LCR (Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière ; RS 741.01) et laissé les frais à la charge de l'Etat.
Statuant sur recours du Ministère public, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a, par arrêt du 26 octobre 2009, admis le recours et réformé le jugement en ce sens que N._ a été reconnu coupable de contravention à la LCR et condamné à une peine d'amende de 600 fr., les frais de la procédure étant mis à sa charge (CCass, 443/2009).
Statuant sur recours de N._, le Tribunal fédéral a, par arrêt du 24 septembre 2010, partiellement admis le recours, annulé l'arrêt cantonal et renvoyé la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement (TF 6B_139/2010).
Par arrêt du 8 novembre 2010, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal a admis le recours, annulé le jugement et renvoyé la cause au Tribunal de police de l'Est vaudois pour nouvelle instruction quant au rôle effectif joué par N._ dans la société E._ (CCass, 438/2010).
Par jugement du 27 septembre 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a libéré N._ du chef d'accusation de contravention à la loi sur la circulation routière (I), laissé les frais de la cause, par 2'175 fr., à la charge de l'Etat (II) et refusé d'allouer à N._ une indemnité fondée sur l'art. 429 CPP (III).
B.
Par annonce d'appel du 5 octobre 2012, puis déclaration d'appel motivée du 29 octobre suivant, N._ s'est opposé à ce jugement. Il a conclu à sa réforme en ce sens qu'il lui est alloué une indemnité de 21'600 fr., à titre de dépens, mis à la charge de l'Etat, les frais de la procédure d'appel, y compris les dépens, par 1'500 fr., étant laissés à la charge de l'Etat.
Le 21 novembre 2012, le Ministère public central, division affaires spéciales, contrôle et mineurs a conclut au rejet de l’appel et a déposé un appel joint. Il a conclu à la mise des frais de la cause, par 2'175 fr., ainsi que des frais de la procédure d'appel, à la charge de N._.
Par courrier du 23 novembre 2012, N._ s'en est remis à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel joint du Ministère public et a conclu à son rejet.
Le 17 décembre 2012, la Présidente de la Cour d'appel pénale a informé les parties que leurs appels seraient traités en procédure écrite, leur laissant un délai pour déposer un mémoire motivé ainsi que des déterminations écrites.
Dans le délai prolongé, N._ a transmis ses déterminations écrites s'agissant de l'appel joint du Ministère public. Il a conclu à son rejet, les frais et dépens étant laissés à la charge de l'Etat.
Le Ministère public n'a pas déposé de déterminations dans le délai imparti à cet effet.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1
N._ est né le 9 décembre 1958 à Zürich. Au bénéfice d'un diplôme fédéral de comptabilité, il travaille en qualité de consultant dans le domaine fiduciaire et assume des mandats d'administrateur auprès de diverses sociétés, dont notamment la société E._.
Son casier judiciaire est vierge.
1.2
La société E._, dont le siège social est à Morges, a été créée en 2006. Elle a pour but l’exploitation d’un service de diffusion d’informations au moyen de technologies intégrant et respectant la mobilité des destinataires, notamment la téléphonie sans fil, ainsi que toutes activités dans le domaine des médias, en particulier la télécommunication et l’Internet.
2.
a)
Le 31 août 2007, N._ a passé un contrat de fiducie avec les cinq actionnaires de la société E._ pour en devenir l’administrateur. L’art. 3 de ce contrat prévoyait notamment que les actionnaires s’engageaient à indemniser N._ pour tout débours ou honoraires d’avocats ou autres frais auxquels il serait exposé en sa qualité de gérant dans une procédure judiciaire (P. 15/2). Sans connaissance particulière en matière de téléphonie, son activité consistait à tenir la comptabilité de la société, assurer le paiement des factures et des salaires ainsi qu’à tenir les procès verbaux de séances.
b)
Fondée sur deux avis de droit, respectivement datés du
23 décembre 2004 et du 7 février 2007 (P. 15/2), la société E._ a, en décembre 2007, mis sur le marché un système d’informations des différents contrôles routiers lié à la position de l’automobiliste. Les informations étaient géo localisées et l’utilisateur recevait, par synthèse vocale via le haut-parleur de son téléphone mobile, les alertes concernant la zone dans laquelle il se déplaçait. De cette manière, l’automobiliste pouvait réagir à un contrôle général de vitesse ou de police, pratiquement en temps réel et avec une grande précision géographique, ce procédé entrant dès lors dans la catégorie des dispositifs susceptibles de perturber le contrôle officiel du trafic routier, prohibé par l’art. 57b al. 1 LCR.
L’Office fédéral des routes (ci-après : l’OFROU) a dénoncé la société E._ en date du 4 avril 2008. A la suite de cette dénonciation, le système d’informations incriminé a été retiré du marché par la société concernée. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les formes et délai légaux contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
Conformément à l'art. 406 al. 1 let. d CPP, l'appel est traité en procédure écrite étant donné que seuls les frais et les indemnités sont
litigieux en l'espèce.
4.
N._ requiert l’indemnisation des activités assumées par son avocat entre le 23 octobre 2008 et le 27 septembre 2012, soit en partie sous l’égide du droit cantonal de procédure pénale et en partie sous l’empire du CPP suisse entré en vigueur le 1
er
janvier 2011.
4.1
Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'indemnisation des frais de défense est directement régie par l'art. 429 al. 1 let. a CPP, même si
les actes de procédure se sont déroulés en partie avant le 1
er
janvier 2011 (ATF
137 IV 352 c. 1.2 ; TF 6B_668/2012 du 11 avril 2013 destiné à la publication ;
TF 6B_77/2013 du 4 mars 2013 consid. 2.2 ; TF 6B_690/2012 du 14 février 2013 consid. 1.2).
Il convient en conséquence d’appliquer le CPP, ce que l’appelant ne conteste au demeurant pas.
4.2
Selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement, il a notamment droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. Cette indemnité concerne les dépenses du prévenu pour un avocat de choix (ATF 138 IV 205). L'autorité pénale examine d’office les prétentions du prévenu. Elle peut enjoindre à celui-ci de les chiffrer et de les justifier (al. 2).
La base légale fondant un droit à des dommages et intérêts et à une réparation du tort moral a été créée dans le sens d'une responsabilité causale. L'Etat doit réparer la totalité du dommage qui présente un lien de causalité avec la procédure pénale au sens du droit de la responsabilité civile (Message du Conseil fédéral relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 II 1057 ss, spéc. 1313). Les dépenses à rembourser au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP sont essentiellement les frais de défense. Cette disposition transpose la jurisprudence selon laquelle l'Etat ne prend en charge ces frais que si l'assistance était nécessaire compte tenu de la complexité de l'affaire en fait ou en droit et que le volume de travail et donc les honoraires de l'avocat étaient ainsi justifiés (ibidem).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’allocation d’une indemnité pour frais de défense selon l’art. 429 al. 1 let. a CPP n’est pas limitée aux cas de défense obligatoire visés à l’art. 130 CPP. Elle peut être accordée dans les cas où le recours à un avocat apparaît tout simplement raisonnable. Il faut garder à l’esprit que le droit pénal matériel et le droit de procédure sont complexes et représentent, pour des personnes qui ne sont pas habituées à procéder, une source de difficulté. Celui qui se défend seul est susceptible d’être moins bien loti. Cela ne dépend pas forcément de la gravité de l’infraction en cause. On ne peut pas partir du principe qu’en matière de contravention, le prévenu doit supporter en général seul ses frais de défense. Autrement dit, dans le cadre de l’examen du caractère raisonnable du recours à un avocat, il doit être tenu compte, outre de la gravité de l’infraction et de la complexité de l’affaire en fait ou en droit, de la durée de la procédure et de son impact sur la vie personnelle et professionnelle du prévenu (ATF 138 IV 197 c. 2.3.5).
Le Tribunal fédéral a rappelé que le refus d’une indemnité étatique de frais de défense au prévenu libéré au motif qu’il bénéficie d’une assurance protection juridique est arbitraire, que ce soit dans le cadre d’une procédure civile, administrative ou pénale (TF 6B_312/2010 du 13 août 2010).
4.3
En l’occurrence, même si l’affaire concerne une contravention à la LCR, elle présentait une complexité juridique au vu des incertitudes qui régnaient alors sur la licéité des procédés mis en vente par la société E._ notamment, de sorte que le recours à un avocat était raisonnable.
Le premier juge a dénié à l’appelant le droit à une indemnité au motif que ce dernier ne supportait pas lui-même les frais liés à la procédure dès lors que le contrat de fiducie du 31 août 2007 prévoit notamment qu’il sera indemnisé de tous dommages et intérêts auxquels il pourrait être tenu envers la société ou des tiers en sa qualité de gérant, ainsi qu’il sera remboursé de tous débours, dépens, honoraires d’avocat et autres frais auxquels il serait exposé en sa qualité de gérant dans une procédure judiciaire (art. 3 du contrat de fiducie). Cette analyse ne peut toutefois être suivie, dans la mesure où l’appelant a bel et bien subi un dommage du fait de la procédure ; il a certes une créance contre la société E._ qui s’est engagée à prendre en charge ses honoraires d’avocat, mais il a dû consulter un mandataire professionnel et il est débiteur des honoraires de celui-ci.
Compte tenu de ce qui précède, une indemnité doit être allouée à l’appelant.
5.
L’appelant conclut à l’allocation d’un montant de 21'600 fr., correspondant à 72 heures à 300 fr., au titre d’indemnité au sens de l’art. 429 CPP.
Le Ministère public, requiert quant à lui dans son appel joint, la mise des frais de la procédure de première instance, par 2'175 fr., à la charge de N._. Il considère en effet que ce dernier aurait rendu plus difficile la conduite de la procédure en laissant penser au Juge d’instruction en charge de l’enquête qu’il était le dirigeant de la société E._. Il conclut en outre au rejet de l’appel.
5.1
L’art. 430 a. 1 let. a CPP dispose que l’autorité peut réduire ou refuser l'indemnité si le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure.
Cette disposition est le pendant de l’art. 426 al. 2 CPP en matière de frais, cette dernière disposition permettant de mettre tout ou partie des frais à la charge du prévenu acquitté s’il a de manière illicite et fautive provoqué l’ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci. Il est dès lors adéquat de se référer à la jurisprudence rendue en matière de condamnation aux frais du prévenu acquitté (TF 6B_77/2013 du 4 mars 2013).
La condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais, respectivement le refus de lui allouer une indemnisation à raison du préjudice subi par la procédure pénale, doit respecter la présomption d'innocence, consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH. Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais, respectivement un refus d'indemnisation, n'est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. A cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique entre en ligne de compte (TF 6B_331/2012 du 22 octobre 2012 consid. 2.3).
Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais ou le refus d'une indemnité, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO (ATF 119 la 332 c. 1 b ; ATF 116 la 162
c. 2c). Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement (ATF 119 la 332 c. 1 b ; ATF 116 la 162 c. 2d).
5.2
En l’occurrence, l’appelant était inscrit au Registre du commerce en qualité d’associé gérant avec signature individuelle (P. 60). Au regard des tiers il était responsable de la marche de la société de sorte que l’enquête s’est dirigée contre lui. Entendu par le Juge d’instruction le 26 juin 2008, il s’est prononcé sur le produit vendu par l’entreprise E._, donnant des explications techniques. Il a alors donné clairement et volontairement l’apparence qu’il était le dirigeant effectif de la société (PV aud. 1). Toutefois, dès le 17 décembre 2008 (P. 15/1), il a exposé au Juge d’instruction qu’il s’occupait de questions financières et de comptabilité et qu’il ne s’est jamais occupé de l’aspect technique du produit et qu’il n’a aucune connaissance en la matière. Le 9 avril 2009, il a requis l’audition des témoins G._ et H._ afin qu’ils exposent quel était son rôle au sein de la société E._, soit de faire de la comptabilité et de gérer les factures. Il n’a eu de cesse tout au long de la procédure de répéter qu’il n’était pas un dirigeant de cette société.
Compte tenu de ce qui précède, on ne saurait retenir que N._ a provoqué la procédure ou qu’il l’a rendue plus difficile dès lors qu’il a participé de manière active à l’enquête exposant quelles étaient les caractéristiques, selon la société, du procédé mis en vente, que le produit litigieux a été retiré du marché dès le dépôt de la dénonciation et qu’il a très vite déclaré ne pas être un dirigeant de la société E._. Aucune faute civile ne peut lui être reprochée. En outre, il appartenait aux autorités de poursuite d’instruire tous les faits pertinents, y compris les faits non contestés (Roth, in Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 12 ad art. 6 CPP), de sorte qu’on ne peut reprocher à l’appelant de n’avoir pas spontanément dès son premier interrogatoire exposé quelles étaient ses fonctions dans la société. Le premier juge a, dès lors à juste titre, laissé les frais de la procédure à la charge de l’Etat. N._ a, en outre, droit à une pleine indemnité au sens de l’art. 429 CPP. L’appel joint du Ministère public doit en conséquence être rejeté.
6.
6.1
S'agissant de la quotité de l'indemnité à allouer, la pratique de l'ancien Tribunal d'accusation vaudois, pour les causes antérieures à l'entrée en vigueur du CPP, se fondait sur un tarif horaire de 250 fr., lequel avait été jugé adéquat par le Tribunal fédéral (TF 6B_668/2009 du 5 mars 2010 c. 3.2.2 et les références citées). Ce même tarif a été, sauf dans de très rares exceptions, repris et appliqué par la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal et la cour de céans depuis l'entrée en vigueur du CPP, sans qu'il ne soit remis en cause. De son côté, le Tribunal pénal fédéral dispose d'un règlement fixant le tarif horaire à 200 fr. au minimum et à 300 fr. au maximum (art. 12 al. 1
er
du Règlement du Tribunal pénal fédéral sur les frais, émoluments, dépens et indemnités de la procédure pénale fédérale du 31 août 2010, RS 173.713.162, RFPPF) et applique usuellement un tarif horaire de 220 fr. (TF BH.2011.8 du 10 janvier 2012 c. 3) lequel s'applique également à l'indemnité de l'art. 429 CPP (cf. art. 10 RFPPF). Ainsi, à tout le moins dans les causes qui ne sont pas d'une ampleur particulière, comme tel est le cas en l'espèce, il convient d'appliquer le tarif usuel de 250 fr. et d'allouer, pour tenir compte de la TVA, une indemnité horaire de 270 francs.
6.2
Devant le Tribunal de police, l’appelant a produit une liste des opérations faisant état de 614 fr. 70 et 193 fr. 90 de frais extrajudiciaires, 826 fr. 30
et 194 fr., de frais judiciaires, 11'250 fr. d’honoraires extrajudiciaires et 6'000 fr. d’honoraires judiciaires, plus un total, selon une mention manuscrite de 18h50,
qui devrait correspondre à 5'600 francs. Ces montants additionnés équivalent à
24'678 fr. 90.
Le montant de l’indemnité auquel l’appelant peut prétendre doit être arrêté en ne tenant compte que des seules heures nécessaires passées effectivement et à bon escient à la préparation de la défense. A cet égard, il convient de préciser qu’on ne saurait indemniser les nombreuses demandes de prolongation de délai du conseil de l’appelant pour des motifs de commodités personnelles du client, ni les déplacements de l’avocat du Valais à Morges pour des rencontres avec son client et qu’il convient de tenir compte des dépens octroyés, à hauteur de
1'500 fr., par le Tribunal fédéral. Les frais de téléphone, photocopie, timbres, etc. doivent également être indemnisés à titre de débours, à un tarif raisonnable, dès lors que l’usage veut en effet que les frais de timbres et de photocopies fassent partie des frais généraux de l’avocat, sauf photocopie d’un gros dossier, ce qui n’est en l’occurrence pas le cas.
L’activité de Me Sakkas a consisté à assister N._ aux audiences du Tribunal de police des 25 juin 2009, 9 février 2012, 6 et 27 septembre 2012, aux deux audiences de la Cour de cassation pénale des 26 octobre 2009 et
8 novembre 2010 et enfin à rédiger un recours au Tribunal fédéral. Certaines de ces audiences ont été particulièrement courtes, celle du 6 septembre 2012 n’a duré que 30 minutes.
Compte tenu de l’ampleur modeste du dossier, de la complexité des questions de fait et de droit, il y a lieu en l’espèce de compter 16 heures pour la première procédure au Tribunal de police, 10 heures pour la procédure devant la Cour de cassation, 5 heures pour le recours au Tribunal fédéral compte tenu de l’indemnité déjà reçue qui constitue une participation aux frais, 4 heures pour la seconde audience auprès de la Cour de cassation, 8 heures pour l’audience du Tribunal de police du 9 février 2012, 2 heures pour celle du 6 septembre 2012 et enfin 5 heures pour celle du 27 septembre 2012, soit un total de 50 heures. Ce montant, très supérieur aux indemnités allouées aux conseils d’office, tient compte notamment des heures de conférences avec le client, des lettres et déterminations aux autorités judiciaires et du fait que le dossier a dû être examiné à réitérées reprises. Par application par analogie de la jurisprudence relative aux avocats d’office (arrêt CREP 151/2013 du 25 février 2013, consid. 3 et les références citées), les six déplacements pour assister son client au tribunal peuvent être indemnisés au tarif forfaitaire de 120 fr. par déplacement, soit un montant total de 720 francs.
S’agissant des frais, ils doivent être indemnisés globalement à hauteur de 200 fr., soit 50 fr., pour la procédure devant le Tribunal de police en 2009, 100 fr., pour les procédures devant le Tribunal cantonal en 2009 et 2010 et enfin 50 fr., pour la procédure du Tribunal de police en 2012.
N._ a dès lors droit à une indemnité globale de
14'420 fr. (13'500 + 720 + 200).
7.
En définitive, l’appel de N._ est partiellement admis, dans le sens des considérants qui précèdent.
L’appel joint du Ministère public est rejeté.
L’appelant a requis une indemnité de 2'000 fr., pour la procédure d’appel. Obtenant partiellement gain de cause, il convient de lui allouer des dépens réduits de 1'500 fr. à la charge de l’Etat.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel par 990 fr., doivent être mis par un quart, soit 247 fr. 50, à la charge de N._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
66a88d75-88e4-4d06-bd66-9688731a9abe | En fait :
A.
Par jugement du 16 novembre 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré K._ des accusations de voies de fait et de menaces (I), l'a reconnu coupable de lésions corporelles simples, d'injure, de contrainte, de séquestration et enlèvement, de contrainte sexuelle et de viol (II), a condamné K._ à une peine privative de liberté de vingt-quatre (24) mois, sous déduction de vingt (20) jours de détention avant jugement (III), a suspendu l'exécution de la peine privative de liberté pour une durée de cinq (5) ans, suspension conditionnée au paiement régulier d'acomptes mensuels de 1'000 fr. (mille), au moins, en remboursement à T._ des prétentions civiles reconnues dans le présent jugement (IV), a ordonné en faveur de K._ une psychothérapie de soutien sous forme ambulatoire, qui durera aussi longtemps que les experts le détermineront (V), a alloué partiellement ses conclusions à T._, en ce sens que K._ est reconnu son débiteur de la somme de 12'000 fr. (douze mille) à titre de réparation de son tort moral, l'intéressée étant renvoyée à agir devant le juge civil pour le solde de ses prétentions (VI), a mis les frais de la cause, arrêtés à 17'125 fr. 75, y compris l’indemnité allouée à Me Samuel Pahud, conseil d’office de T._, par 7'020 fr. TVA incluse, à la charge de K._ (VII).
B.
Le 18 novembre 2011, K._ a formé appel contre ce jugement. Dans sa déclaration d'appel motivée du 12 décembre 2011, il a conclu à sa libération des accusations de contrainte sexuelle et viol, à sa condamnation à une peine privative de liberté d'au maximum douze mois, assortie du sursis pendant un délai d'épreuve de deux ans, suspension conditionnée au paiement régulier d'acomptes mensuels de 1'000 fr. au moins, en remboursement à T._ des prétentions civiles qui lui seront allouées.
T._ a conclu au rejet de l'appel de K._. Elle a également déposé un appel joint motivé en date du 23 décembre 2011, concluant principalement à ce que K._ est condamné à lui payer 18'286 fr 80 à titre de réparation du dommage (dont les dépens propres à hauteur de 4'816 fr. 30 TVA incluse), l'Etat étant subrogé à concurrence de l'indemnité d'office servie au conseil juridique gratuit de 7'020 fr., TVA incluse. Subsidiairement, elle a requis que le prévenu soit condamné à lui verser à titre de réparation du dommage (dont les dépens propres) une somme fixée à dire de justice ainsi que le montant de 12'000 fr. à titre de réparation de son tort moral, elle-même étant renvoyée à agir devant le juge civil pour le surplus. Elle réclame en outre une indemnité au sens de l'art. 433 CPP pour la procédure d'appel, dépassant l'indemnité allouée à son conseil d'office.
Le Ministère public n'a présenté ni demande de non-entrée en matière ni appel joint. Il a conclu au rejet de l'appel principal et s'en est remis à justice s'agissant de l'appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
K._ est né le 14 novembre 1983 à Genève. Dès son adolescence, il a présenté des troubles d’ordre psychiatrique et a été suivi en particulier par le Pr. F._, médecin-chef au SUPEA, depuis 2004. A l'issue de sa scolarité obligatoire, il a obtenu un CFC d'employé de commerce puis une maturité fédérale. Il a quitté son dernier emploi de secrétaire juridique à Genève, à l'issue du temps d'essai et a entrepris des démarches pour s'inscrire à l'assurance-chômage. Il vit actuellement en collocation avec un ami à Château-d'Oex et recherche un emploi d'employé de commerce ou dans le secteur du tourisme.
Le casier judiciaire de K._ est vierge de toute inscription.
1.2
T._ est née en 1972. Elle est à l’AI depuis plusieurs années en raison d’un état psychique déficient. Elle a en particulier pâti de deux périodes de grave décompensation, l’une à l’époque de son baccalauréat et l’autre à la naissance de sa fille. Elle a été décrite par sa mère comme une personne qui a toujours été fragile et influençable.
2.
Dans le cadre de la présente procédure, K._ a fait l'objet d'une expertise psychiatrique. Dans leur rapport du 14 janvier 2009, les experts ont posé le diagnostic de trouble de la personnalité de type narcissique. En résumé, ils ont relevé que dans sa relation à l’autre, l'expertisé semblait avoir tendance à se soumettre en apparence à la volonté d’autrui pour ne pas être l’objet d’un jugement négatif trop blessant narcissiquement et qui réveille des pulsions agressives qu’il gère mal. Enfin, les experts ont relevé le peu d’empathie pour l’autre et le fait que les atteintes à son narcissisme sont sources de pulsions agressives. Ils ont indiqué que la capacité d’apprécier le caractère illicite de son acte était pleinement conservée, mais la capacité de se déterminer d’après cette appréciation était très légèrement restreinte du fait de son trouble de la personnalité. Ils ont indiqué en particulier qu’il ressort de leurs entretiens avec K._ des fantasmes d’une grande violence accompagnés de sentiments de haine très prononcés lorsqu’il se sent atteint dans sa fierté, son narcissisme. K._ n’exprime pas non plus de regrets, ce qui dénote une absence de capacité d’empathie. De ce fait, il existe un risque non négligeable qu’il commette à nouveau des actes hétéroagressifs, en réponse à une blessure narcissique. Un traitement psychothérapeutique est indiqué, s’il est investi par le sujet. Selon les experts, il n’y a pas lieu à un traitement des addictions, ni à une mesure applicable aux jeunes adultes.
K._ a été détenu avant jugement du 1
er
au 20 août 2008, soit durant vingt jours.
3.
Vers le début de l'année 2007, l'appelant a fait la connaissance de la plaignante. Ils ont noué une liaison, dont les premiers mois ont été heureux. Il y a ensuite eu des hauts et des bas et au printemps 2008, la plaignante a annoncé à K._ qu'elle voulait mettre un terme à leur relation. Celui-ci a tenté de la reconquérir durant plusieurs mois. Durant cette période, T._ a entretenu une brève relation avec un tiers et l'a avoué à K._. Ce dernier, touché dans son orgueil, a émis l'exigence qu'elle accepte "un plan à trois" avec une autre partenaire féminine pour se faire pardonner. Le 30 juillet 2008, T._ a retrouvé K._ à la gare de Lausanne et lui a demandé de reprendre les affaires qu'il avait laissées dans son appartement. A cet endroit, tous deux ont décidé de passer la soirée en ville. Ils ont bu un peu de whisky avant de sortir, T._ confiant au prévenu ses clés, son téléphone portable et sa carte de crédit pour éviter de se charger d'un sac. Au cours de la soirée, les parties ont continué à boire de l'alcool. Une altercation verbale a eu lieu, car la plaignante a refusé le "plan à trois" proposé par le prévenu, ce qui a attisé la colère de ce dernier. T._ a décidé de rentrer chez elle et a vainement demandé au prévenu de lui rendre ses affaires. Elle a tenté d'attirer l'attention des videurs de l'établissement où ils se trouvaient, le [...], clamant que le prévenu essayait de la voler et de la forcer à entretenir une relation sexuelle à trois. Les déclarations des parties divergent sur la suite des évènements. Il est toutefois établi que les deux protagonistes sont finalement retournés à l'appartement de la plaignante. Le prévenu a verrouillé la porte derrière eux et a mis la clef dans son porte-monnaie, avant d'injurier et de gifler la plaignante, lui mettant la main sur la bouche pour l'empêcher de crier et lui donnant un coup de pied dans les côtes alors qu'elle était à terre. T._ ayant une crise de panique, elle a demandé à prendre un Temesta; alors que les protagonistes sont allés à la cuisine pour que la plaignante y prenne le médicament, le prévenu lui a lancé un verre d'eau puis un verre de cola au visage avant de lui ordonner de boire l'eau et de manger les croquettes du chat. Craignant d'être à nouveau frappée, la plaignante a bu l'eau du chat mais a refusé de manger les croquettes. Elle a dit au prévenu que ce qu'il faisait était mal et qu'il le regretterait, puis elle est allée se recroqueviller sur le canapé. Après cet épisode, le prévenu a voulu avoir un dernier rapport sexuel avec la plaignante. Nonobstant le refus exprimé par la plaignante, le prévenu l'a emmenée dans la chambre, a mis un préservatif et a pénétré cette dernière analement et vaginalement. Après cette relation, le prévenu a menacé la plaignante de lui faire perdre la garde de sa fille pour qu'elle lui indique le nom de son amant, ce qu'elle a fait. Le prévenu s'est alors énervé et a frappé la plaignante à la tête. Cette dernière se souvenant qu'un double de la clef de l'appartement se trouvait dans un tiroir, a prétexté un besoin d'aller aux toilettes pour fuir, pieds nus. T._ s'est immédiatement rendue au CHUV et y a appelé la police, déposant plainte contre K._.
K._ admet les actes de violence et d'humiliation qu'il a infligés à la plaignante. Il conteste en revanche l'avoir contrainte sexuellement, soutenant qu'il s'agissait d'un rapport uniquement vaginal et consenti. | En droit :
1.1
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler/Vianin, in : Kuhn/Jeanneret, Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
1.2
Interjetés dans les formes et délais légaux par des parties ayant la qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP), les appels de K._ et de T._ sont recevables. Il convient donc d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
I. Appel de K._
3.
K._ conteste les accusations de viol et de contrainte sexuelle. Il estime que les premiers juges ont fondé leur conviction sur les seules déclarations de la plaignante et sans motiver leur position, alors que – selon lui - l'état psychique altéré de la plaignante ajouté à sa consommation de médicaments psychotropes et d'alcool le soir des faits ne permettait pas de donner du crédit aux affirmations de T._.
3.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, qui est garantie par l'art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.; RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme règle d'appréciation des preuves, elle est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 précité c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a).
3.2
Dans le cas d'espèce, et contrairement à ce que soutient le prévenu, les premiers juges n'ont pas exclusivement fondé leur conviction sur les déclarations de la victime, mais bien sur la base d'un faisceau d'indices. C'est ainsi qu'ils ont retenu le témoignage du barman de l'établissement le [...], qui a déclaré que le prévenu était particulièrement excité et que la plaignante avait l'air en détresse et terrorisée (jgt., p. 17, PV aud. 6). Ils ont également tenu compte du rapport officiel établi par le CHUV, relevant une fissure anale et une contusion thoracique (P. 21) et du fait que les accusations correspondent aux traits de caractère du prévenu, tels qu'ils sont décrits dans l'expertise (jgt., p. 32 et 33).
La cour de céans constate en outre que la plaignante s'est immédiatement rendue au CHUV, d'où elle a appelé la police; dans un premier temps, elle n'a signalé que des violences, puis le viol deux heures plus tard. Ni les médecins ni les policiers qui l'ont entendue n'ont signalé de délire ou de propos incohérents. Le rapport du CHUV, qui est une formule officielle dont la valeur probante est avérée, signale une fissure anale à 9h et 3h, et conclut à une "modification morphologique spécifique pour abus sexuel", posant le diagnostic de "viol par pénétration vaginale et anale" (P. 21). Si, comme le prévenu le soutient, cette blessure était ancienne, on peut admettre que le rapport du CHUV l'aurait signalé. Cette lésion n'est pas une preuve de contrainte sexuelle en soit mais elle prouve une pénétration faite avec une certaine violence. Enfin, le prévenu admet avoir eu des comportements violents et humiliants à l'égard de la plaignante qui a fait changer sa serrure dès le lendemain.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, ni l'état de santé de la plaignante, ni son alcoolisation ou sa consommation de médicaments ne justifie qu'on mette en doute sa crédibilité. Les petites contradictions émaillant les auditions de la plaignante ne sont pas plus importantes que celles que l'on trouve dans les propos du prévenu et elles démontrent qu'il ne s'agit pas d'un discours préparé et appris. On relève également que les versions des deux parties sont très proches, ce qui démontre que la victime n'était pas confuse. Les déclarations de la victime sont corroborées par un certain nombre d'indices qui suffisent à fonder une conviction. Le grief, mal fondé, doit être rejeté.
4.
K._ fait ensuite valoir que même si on retenait au final la version de la victime, il n'était pas établi qu'il avait eu conscience du refus de celle-ci d'entretenir une relation sexuelle le soir en question. Il argue du fait qu'étant sous l'effet de l'alcool et des médicaments, elle n'aurait pu, selon lui, manifester un refus clair et intelligible.
4.1
Aux termes de l'art. 189 al. 1 CPP, celui qui, notamment en usant de menace ou de violence envers une personne, en exerçant sur elle des pressions d’ordre psychique ou en la mettant hors d’état de résister l’aura contrainte à subir un acte analogue à l’acte sexuel ou un autre acte d’ordre sexuel, sera puni d’une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
En application de l'art. 190 al. 1 CP, celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel, sera puni d'une peine privative de liberté de un à dix ans.
Les infractions de contrainte sexuelle et de viol sont intentionnelles. En matière de viol, le dol éventuel suffit. L'auteur doit savoir que la victime n'est pas consentante ou en accepter l'éventualité. Il doit vouloir accepter que la victime soit contrainte par le moyen qu'il met en œuvre ou la situation qu'il exploite. Il doit enfin vouloir ou accepter le caractère sexuel de son acte, ce qui généralement va de soi (Corboz, Les infractions en droit suisse, 3
ème
édition, Berne 2010, nn. 23-24 ad art. 189 CP et n. 11 ad art. 190 CP).
L'art. 189 CP vise à réprimer de manière générale la contrainte en matière sexuelle. Le viol (art. 190 CP) constitue une lex specialis pour le cas où la victime est une femme et qu'il lui est imposé l'acte sexuel proprement dit. Un concours réel est cependant concevable si l'acte sexuel et les autres actes d'ordre sexuel sont indépendants les uns des autres, en particulier lorsqu'ils ont été commis à des moments différents (ATF 122 IV 97 c. 2a).
Les éléments constitutifs de la contrainte sexuelle sont considérés comme des infractions avec violence et doivent ainsi être considérés en principe comme des actes d'agression physique. Il va par conséquent de soi que toute pression, tout comportement conduisant à un acte sexuel non souhaité, à un acte analogue à l'acte sexuel ou à un autre acte d'ordre sexuel ne saurait être qualifié de contrainte sexuelle (Esther Omlin, Intersubjektiver Zwang und Willensfreiheit, Thèse Bâle 2002, p. 96). Pour déterminer si l'on se trouve en présence d'une contrainte sexuelle, il faut procéder à une appréciation globale des circonstances concrètes déterminantes. Une appréciation individualisée est nécessaire, laquelle doit reposer sur des éléments suffisamment typiques (ATF 128 IV 106 c. 3a/bb).
L'auteur fait usage de violence lorsqu'il emploie volontairement la force physique sur la victime afin de la faire céder. Les pressions d'ordre psychique visent les cas où l'auteur provoque chez la victime des effets d'ordre psychique, tels que la surprise, la frayeur ou le sentiment d'une situation sans espoir, propres à la faire céder (ATF 128 IV 106, précité, c. 3a/bb; 122 IV 97 c. 2b).
La pression psychique (créée par un état de contrainte engendré par l'auteur) visée par les art. 189 et 190 CP doit être d'une certaine intensité. Certes, la loi n'exige pas que la victime soit totalement hors d'état de résister. L'effet produit sur la victime doit toutefois être grave (ATF 128 IV 97 c. 2b/aa, JT 2004 IV 123;
ATF 131 IV 107 c. 2.4) et atteindre l'intensité d'un acte de violence ou d'une menace (ATF 128 IV 97, précité, c. 3a). La pression psychique a certainement l'intensité requise lors de comportements laissant craindre des actes de violence à l'encontre de la victime ou de tiers (Trechsel, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Kurzkommentar, 2ème éd. 1997, n. 6 ad art. 189 CP). On pense notamment à des menaces de violence contre des proches ou, dans des relations de couple, à des situations d'intimidation qui se perpétuent en raison d'expériences de violence antérieures, de tyrannie permanente ou de perpétuelle psycho-terreur, situations dans lesquelles il n'est point besoin de nouvelles menaces ou de nouveaux actes de violence pour soumettre la victime (ATF 131 IV 167, JT 2007 IV 101, p. 104 et les références citées).
4.2
En l'occurrence, la plaignante a toujours affirmé avoir déclaré qu'elle ne voulait pas avoir de relation intime avec le prévenu. Elle soutient lui avoir dit à plusieurs reprises que ce qu'il faisait n'était pas bien et qu'il allait le regretter. Pour les motifs rappelés plus haut (consid. 3), il n'y a pas de raison de douter de la véracité de ses déclarations. Le prévenu a d'ailleurs reconnu au cours de sa première audition que "au début, elle n'était pas tant d'accord" et qu'il avait insisté (Pv aud. 2 R. 26).
La demande du prévenu suivait un épisode de violences et d'humiliation au cours duquel la victime, souffrant de troubles psychiques, avait eu une crise de panique et avait pris des médicaments pour se calmer. Elle s'est ensuite recroquevillée dans le canapé, attitude qui ne traduit à tout le moins pas un consentement clair s'agissant d'avoir une relation intime avec son agresseur. L'appelant n'est dès lors pas crédible lorsqu'il affirme ne pas s'être rendu compte du fait que sa victime n'était pas consentante. A tout le moins en a-t-il accepté la possibilité vu l'état physique et mental de la plaignante.
Enfin, l'appelant ne peut pas prétendre qu'il ne voulait pas de mal à la plaignante, compte tenu des autres actes de violence et d'humiliation qu'il lui avait fait subir dans la soirée. L'expert entendu aux débats de première instance a d'ailleurs relevé que la sodomie pourrait parfaitement correspondre à un acte de vengeance, le prévenu se sentant extraordinairement blessé dans son orgueil par l'aventure de la plaignante (jgt., p. 11). Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la condition subjective de la contrainte sexuelle (189 al. 1 CP) et du viol (art. 190 al. 1 CP) est réalisée. Le grief, mal fondé, doit être rejeté.
5.
K._ considère que la quotité de la peine arrêtée par les premiers juges est excessive et que le délai d'épreuve du sursis ne saurait excéder deux ans.
5.1.1
Aux termes de l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier, ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Ce dernier doit exposer quels éléments il a pris en compte pour fixer la peine, de manière à ce que l'on puisse vérifier que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens atténuant ou aggravant. Il lui appartiendra, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, de déterminer
dans quelle mesure il y a lieu de tenir compte des divers facteurs de la peine
(JT 2010 IV 127). Le juge ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1 et les réf. citées).
Conformément à l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
5.1.2
Lorsqu’il accorde le sursis, le juge fixe un délai d’épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).
Les critères de fixation de ce délai ne sont pas précisés par la loi. La durée du délai d'épreuve ne saurait être fixée uniquement d'après la durée de la peine ou la gravité de l'infraction. Bien plus, le critère déterminant est le risque de récidive, qui se détermine d’après le caractère du condamné (Favre, Pellet et Stoudmann, op. cit., n. 1.2 ad art. 44 CP; Roth et Moreillon [éd.], Commentaire romand, Bâle 2009, n. 7 ad art. 44 CP). Le juge doit tenir compte des circonstances du cas d’espèce, en particulier de la personnalité et du caractère du condamné ainsi que du risque de récidive; plus ce risque est sérieux et plus le délai d’épreuve sera long (Favre, Pellet et Stoudmann, op. cit., n. 2 ad art. 44 CP). Dans la mesure où la décision est fondée sur tous les éléments pertinents pour le pronostic futur, le juge jouit en la matière d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 128 IV 193; ATF 118 IV 97, JT 1992 I 783 c. 2a; ATF 116 IV 279 c. 2a).
5.2
Dans le cas d'espèce, les premiers juges ont condamné l'appelant à une peine privative de liberté de vingt-quatre mois, assortie du sursis pendant un délai d'épreuve de cinq ans.
S'agissant de la quotité de la peine, l'argumentation de l'appelant repose exclusivement sur la prémisse qu'il sera libéré des accusations de viol et de contrainte sexuelle. Ce premier moyen étant rejeté, il ne se justifie pas de revoir la peine à la baisse. L'appelant ne prétend pas que l'art. 47 CP aurait été mal appliqué. La quotité de la peine est adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité de l’appelant et de sa situation personnelle. Elle ne relève ni d’un abus ni d’un excès du pouvoir d’appréciation dont jouit l’autorité de première instance, laquelle n’a ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l’art. 47 CP. Elle doit donc être confirmée.
Quant à la durée du délai d'épreuve, les premiers juges ont tenu compte des conclusions de l'expertise, relevant qu'il y avait un risque de récidive non négligeable au vu de la personnalité de l'appelant. Les experts ont en particulier relevé que l'appelant a des fantasmes d'une grande violence, accompagnés de sentiments de haine très prononcés lorsqu'il se sent atteint dans sa fierté, son narcissisme. Il n'exprime pas de regrets, même pour les actes qu'il reconnaît, démontrant par là une absence de capacité d'empathie (jgt., p. 27, P. 44 p. 11 et 12). Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les premiers juges étaient fondés à fixer un long délai d'épreuve. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
6.
K._ conteste enfin la quotité de l'indemnité pour tort moral allouée à T._, dès lors qu'il sollicite sa libération des accusations de contrainte sexuelle et de viol.
6.1
L'art. 47 CO étant un cas particulier de l'action générale en réparation du tort moral prévue par l'art. 49 CO, le lésé n'a droit à une réparation que pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie (Tercier, Le nouveau droit de la personnalité, Zurich 1982, pp. 270 ss, n. 2047 ss). On définit le tort moral comme les souffrances physiques ou psychiques que ressent la personne lésée à la suite d'une atteinte à sa personnalité. L'art. 49 al. 1 CO exige une atteinte d'une certaine gravité, dépassant la mesure de ce qu'une personne doit normalement supporter sans recourir au juge, que ce soit sur le plan de la durée des souffrances ou de leur intensité (Deschenaux/Tercier, La responsabilité civile, 2ème éd., Berne 1982, p. 93, nn. 24 s.; Tercier, op. cit., p. 267, n. 2029, et pp. 270 ss, nn. 2047 ss; Tercier, La réparation du tort moral : crise ou évolution ?, in : Mélanges Deschenaux, Fribourg 1977, pp. 307 ss, spéc. p. 313, ch. 3).
Alors que le calcul du dommage se fonde autant que possible sur des données objectives, l'évaluation du tort moral échappe par sa nature à une appréciation rigoureuse, puisqu'elle concerne des valeurs par définition non mesurables. En effet, nul ne peut réellement évaluer la souffrance d'autrui (Werro, La responsabilité civile, Berne 2005, n. 1271 p. 324). Selon la jurisprudence, le juge ne peut dès lors se fonder sur un tarif préétabli mais doit bien davantage prendre en considération l'ensemble des circonstances. De façon générale, la fixation de la réparation morale devrait s'effectuer en deux phases, la phase objective principale permettant de rechercher le montant de base au moyen de critères objectifs et la phase d'évaluation faisant intervenir les facteurs d'augmentation ou de réduction du tort moral ainsi que les circonstances du cas particuliers tels que la cause de la responsabilité, la gravité de la faute, une éventuelle faute concomitante et les conséquences dans la vie particulière du lésé (ATF 132 II 117 c. 2.2.3; TF 4C.263/2006 du 17 janvier 2007 c. 7.3).
6.2
En l'occurrence, compte tenu du rejet de la première conclusion de l'appelant, ce moyen devient sans objet. En effet, les premiers juges ont retenu que les actes commis par l'appelant avaient eu des conséquences sur l'état de santé psychique de la victime qui a dès lors subi un dommage qui n'est pas négligeable, T._ souffrant toujours d'un traumatisme psychique qui l'amène à devoir suivre une psychothérapie de longue haleine (jgt., p. 37). Ce moyen, mal fondé, doit être rejeté.
II. Appel joint de T._
7.
T._ reproche aux premiers juges de s'être uniquement prononcés sur la question du tort moral et non sur le dommage subi et les dépens. Elle estime que les pièces produites ainsi que les témoignages de son thérapeute et de sa mère auraient dû conduire le tribunal de première instance à lui allouer tout ou partie de ses conclusions civiles, éventuellement dans une deuxième phase de procès, et non à la renvoyer à agir par un procès séparé. Elle considère que si les premiers juges estimaient que les pièces produites étaient insuffisantes, ils auraient dû instruire davantage, en vertu de la maxime inquisitoire applicable en droit pénal.
7.1.1
Aux termes de l'art. 123 CPP, la partie plaignante chiffre, dans la mesure du possible, ses conclusions civiles dans sa déclaration en vertu de
l'art. 119 CPP et les motive par écrit; elle cite les moyens de preuves qu’elle entend invoquer (al. 1). Le calcul et la motivation des conclusions civiles doivent être présentés au plus tard durant les plaidoiries (al. 2).
En application de l'art. 126 CPP, le tribunal statue également sur les conclusions civiles présentées lorsqu’il rend un verdict de culpabilité à l’encontre du prévenu (al. 1 let. a). Il renvoie la partie plaignante à agir par la voie civile notamment lorsque la partie plaignante n’a pas chiffré ses conclusions de manière suffisamment précise ou ne les a pas suffisamment motivées (al. 2 let. b). Dans le cas où le jugement complet des conclusions civiles exigerait un travail disproportionné, le tribunal peut traiter celles-ci seulement dans leur principe et, pour le surplus, renvoyer la partie plaignante à agir par la voie civile (al. 3). Dans les causes impliquant des victimes, une autre possibilité existe : le tribunal juge en premier lieu l'aspect pénal, puis la direction de la procédure statue sur les conclusions civiles après de nouveaux débats (al. 4).
L'al. 4 de cette disposition est une lex specialis de l'al. 3; sa mise en œuvre suppose aussi que le tribunal soit confronté à un travail disproportionné. Placé dans la situation de l'al. 3 en présence d'une partie plaignante victime, le tribunal a le choix entre les solutions de l'al. 3 et de l'al. 4 (Jeandin/Matz, in Kuhn/Jeanneret, op. cit., nn. 41-42 ad art. 126 CPP).
7.1.2
Le devoir de motiver impose principalement au demandeur à l'action civile d'exposer les faits sur lesquels se fondent ses conclusions, ces faits devant permettre d'établir la quotité du dommage et le lien de causalité avec l'infraction poursuivie (Jeandin/Matz, in Kuhn/Jeanneret, op. cit., n. 4 et 5 ad art. 123 CPP). Le non respect de ces exigences conduirait, devant le juge civil, à un déboutement; le demandeur à l'action civile jointe est ainsi favorisé puisque ces lacunes ne conduiront pas à un déboutement mais au renvoi de la partie plaignante à agir par la voie civile. Le législateur – dans un but de favoriser la partie plaignante – a ainsi jugé qu'il se justifiait de n'assortir cette violation par la partie plaignante de ses obligations procédurales "que des conséquences relativement douces" (Jeandin/Matz, in Kuhn/Jeanneret, op. cit., n. 21 ad art. 126 CPP).
Par travail disproportionné, il faut comprendre non la complexité juridique des questions soulevées par l'action civile jointe, mais la nécessité de procéder à des longues et difficiles investigations en vue d'instruire des questions n'intéressant pas l'action pénale et se rapportant exclusivement la réparation du préjudice subi par la partie plaignante. C'est le temps nécessaire à la résolution des questions pénales, par comparaison avec la durée supplémentaire du procès induite par le traitement des conclusions civiles, qui sert de référence (Jeandin/Matz, in Kuhn/Jeanneret, op. cit., n. 27-28 ad art. 126 CPP).
7.2.1
En l'occurrence, même si l'existence d'un traumatisme et le besoin de soins médicaux, y compris pour le futur, ne font pas de doute, les premiers juges ont considéré que les pièces produites par l'appelante ne permettaient pas de déterminer si les prestations fournies étaient en relation de causalité avec le dommage découlant des agissements de K._. Ils ont également considéré que les frais médicaux à venir ne pouvaient être clairement déterminés. Partant, ils ont donné acte à T._ de ses réserves civiles contre K._ (jgt., p. 36).
La recourante réclame à titre de dommages-intérêts un montant de 6'047 fr. 65 en remboursement de frais médicaux Lamal et 3'422 fr. 85 de frais médicaux LCA, non couverts par une assurance ainsi que 4'000 fr. pour les frais médicaux futurs. Dans ses conclusions civiles, elle a indiqué qu'elle suivait une psychothérapie avec le Dr L._, ainsi qu'une thérapie familiale notamment avec le Dr B._. Elle bénéficie aussi de traitements d'ostéopathie, d'acupuncture et de drainage.
T._ a produit des décomptes de prestations de son assurance-maladie Lamal, le Groupe Mutuel. On y trouve pour quelques 7'000 fr. de prestations durant le deuxième semestre 2008, dont 983 fr. 60 non remboursés, 36'000 fr. en 2009, dont 1'516 fr. 40 non remboursés, 29'000 fr. en 2010, dont
1'744 fr. 05 non remboursés, et 13'000 fr. en 2011, dont 1'000 fr. non remboursés. La plaignante y a manuscrit quelques notes signalant des frais non liés aux événements du 31 juillet 2008 (ophtalmologiste, contrôle gynécologique, grippe, etc...). Il demeure l'essentiel, avec divers prestataires dont on ignore le motif d'intervention, de nombreuses factures de pharmacies et du CHUV, du centre médical de Vidy, de l'hôpital universitaire de Zürich, de laboratoires d'analyses médicales, d'un "centre de remise de mo...", et une facture d'ambulance. Les premières factures remboursées sont antérieures au 31 juillet 2008. L'appelante fait valoir qu'elle a passé au stabiloboss les frais liés à l'agression. On constate qu'il n'y a toutefois un véritable tri effectué de cette manière que pour 2010 et 2011; pour le deuxième semestre 2008 et 2009, la plaignante a passé au feutre le total et n'a exclu qu'un ou deux postes anecdotiques, en conservant par exemple des frais antérieurs au 31 juillet 2008. En 2010, elle y a inclus la facture d'ambulance et une facture du CHUV de 4'896 fr., pour un traitement du mois de juin 2008. Un point d'interrogation figure en marge de la facture du CHUV, et, sur une autre page, une note manuscrite disant "faut-il compter l'hospitalisation?".
La plaignante a également produit des décomptes de son assurance-maladie complémentaire Sanitas, où on trouve des prestations antérieures au
31 juillet 2008, notamment de Gérard Salem. L'essentiel est constitué de frais de pharmacie. La plaignante a passé au stabiloboss certains montants. A la main, il y est indiqué que l'ostéopathie se fait chez dame [...], l'acupuncture chez dame [...] et le drainage chez une dame [...] qui ne figure toutefois sur aucun décompte. On trouve enfin une note manuscrite ainsi libellée :
"Sanitas 2008-2011
Total à charge de 2008 à sept. 2011 non assuré = 1'527, 90 liés à l'épisode de juillet 2008
+ primes (moyennes) (331,65/an) = 994,95
+ franchise (300.-/an) = 900.-
+ participation coûts = ?"
Enfin, la plaignante a produit un relevé des primes et coûts relatifs à 2010 et 2011 de Sanitas, duquel il ressort qu'il n'y a aucune franchise à sa charge.
7.2.2
En additionnant les montants fournis, la cour de céans n'obtient pas le total de 6'047 fr. 65 réclamé par la plaignante à titre de frais médicaux LAMAL non couverts. En tout état de cause, le traitement suivi auprès du Dr B._, associé de N._, a commencé avant les événements litigieux. Il en va de même du suivi psychothérapeutique assuré par le Dr L._ (jgt., p. 13, P 65/2). Il est dès lors difficile de déterminer dans quelle mesure l'agression dont T._ a été la victime a augmenté ses frais médicaux. On peut également s'interroger, par exemple, sur les factures d'ambulance et d'hospitalisation pour lesquelles la plaignante elle-même a l'air d'éprouver un doute. On ignore complètement à quoi correspondent les frais de pharmacie et comment la plaignante a fait le tri entre ce qu'elle estime lié à l'agression et le reste. On remarque enfin qu'elle a inclus dans sa demande de remboursement des frais antérieurs au
31 juillet 2008.
S'agissant du montant de 3'422 fr. 86 de frais médicaux LCA réclamé par T._, il s'agit de l'addition des montants figurant dans le document manuscrit cité plus haut, qui comprend les primes et une franchise. Or, d'une part, les primes sont dues de toute façon et, d'autre part, l'existence d'une franchise n'est pas confirmée par le relevé produit.
Au vu de ce qui précède, les premiers juges pouvaient légitimement considérer que les conclusions civiles de la plaignante n'étaient pas suffisamment justifiées, de sorte qu'ils l'ont à juste titre renvoyée à agir devant le juge civil
(art. 126 al. 2 CPP). Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
8.
T._ fait enfin grief aux premiers juges d'avoir rejeté sa conclusion tendant à l'allocation de dépens dépassant l'indemnité allouée à son conseil d'office. Le tribunal de première instance ayant réduit de quarante-neuf à environ quarante-trois le nombre d'heures figurant dans la liste d'opérations fournie par son conseil, ce qu'elle ne conteste pas, l'appelante réclame désormais
4'816 fr. 30 à ce titre, montant qui représente, selon elle, la différence entre le tarif appliqué aux conseils d'office et un tarif horaire "plein" qu'elle a arrêté à 320 francs.
8.1.1
Aux termes de l’art. 433 al. 1 CPP, dans les cas suivants, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure : elle obtient gain de cause (let. a); le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l’art. 426 al. 2 (let. b).
En ce qui concerne les plaignants particuliers que sont les victimes (au sens de la loi fédéral sur l'aide au victime d'infractions [LAVI], RS 312.5), le Tribunal fédéral a considéré qu'elles devraient obtenir dans le cadre de la procédure pénale la condamnation de l'auteur au paiement de l'intégralité des honoraires d'avocat, sous réserve de leur proportionnalité (Mizel/Rétornaz, in Kuhn/Jeanneret, op. cit., n. 10 ad art. 433 CPP et les références citées). D'après la doctrine, ce principe doit prévaloir pour la mesure des frais d'avocat de la partie plaignante. Doivent être prises en considération tant l'activité ayant contribué à la condamnation du prévenu que celle ayant servi à l'obtention de la réparation morale, pour autant que la partie plaignante n'ait pas été renvoyée à faire valoir cette dernière devant le juge civil (
ibidem
).
8.1.2
Il ressort de l’art. 426 al. 1 CPP que le prévenu supporte les frais de procédure s’il est condamné. Font exception les frais afférents à la défense d’office; l’art. 135 al. 4 est réservé. Les frais de l’assistance judiciaire gratuite de la partie plaignante ne peuvent être mis à la charge du prévenu que si celui-ci bénéficie d’une bonne situation financière (al. 4).
Aux termes de l'art. 135 al. 4 CPP, lorsque le prévenu est condamné à supporter les frais de procédure, il est tenu de rembourser dès que sa situation financière le permet : à la Confédération ou au canton les frais d’honoraires (let. a); au défenseur la différence entre son indemnité en tant que défenseur désigné et les honoraires qu’il aurait touchés comme défenseur privé (let. b).
Conformément à l'art. 138 CPP - relatif à l’indemnisation et à la prise en charge des frais de l'assistance judiciaire pour la partie plaignante - l’art. 135 s’applique par analogie à l’indemnisation du conseil juridique gratuit; la décision définitive concernant la prise en charge des honoraires du conseil juridique gratuit et des frais afférents aux actes de procédure pour lesquels la partie plaignante a été dispensée de fournir une avance est réservée (al. 1). Lorsque le prévenu est condamné à verser des dépens à la partie plaignante, ils reviennent à la Confédération ou au canton dans la mesure des dépenses consenties pour l’assistance judiciaire gratuite (al. 2).
8.1.3
Ainsi, selon le texte clair de la loi, le prévenu doit, dès que sa situation financière le lui permet, non seulement rembourser à l’Etat les frais d’honoraires versés par ce dernier, mais son défenseur d’office peut également lui réclamer le manque à gagner qu’il a subi, soit la différence entre le montant des honoraires perçus en cas de défense d’office et ceux qui lui auraient été alloués en cas de défense privée.
Les frais de l’assistance judiciaire gratuite de la partie plaignante sont en principe mis à la charge de l’Etat (Chappuis, in Kuhn/Jeanneret, op. cit., n. 9 ad art. 426 CPP; Thomas Domeiser, Basler Kommentar, n. 19 ad art. 426 CPP). Ce n’est que lorsque le prévenu est dans une bonne situation financière, au moment de la décision sur les frais et dépens ou ultérieurement, que l’Etat peut lui réclamer ou lui demander le remboursement des dépenses consenties pour l’assistance judiciaire gratuite de la plaignante et que le conseil de cette dernière peut lui demander la différence entre son indemnité en tant que conseil d'office et les honoraires qu’il aurait perçus comme conseil privé, ce en application de l’art. 135 al. 4 CPP qui s’applique par analogie conformément au prescrit clair de l’art. 138 al. 1 CPP. Par ailleurs, il n’y a pas de motifs pertinents pour traiter différemment le défenseur d’office du prévenu du conseil de la partie plaignante, de sorte qu’on doit admettre que chacun d'eux a le droit de demander la différence entre son indemnité en tant que conseil d'office et les honoraires qu’il aurait perçus comme conseil privé. Dans le même sens, on peut également déduire du texte de l’art. 138 al. 2 CPP que le conseil d’office de la plaignante a droit à une pleine indemnité et qu’il peut donc requérir du prévenu, condamné à payer des dépens à la partie plaignante, le montant dépassant son indemnité d’office.
8.2.1
En l'occurrence, les premiers juges ont conclu à tort que le CPP excluait l'allocation à la partie plaignante bénéficiant de l'assistance judiciaire, de dépens dépassant la seule indemnité allouée au conseil d'office. Sur le principe, l'appelante a dès lors raison et son appel doit être admis sur ce point.
Il convient encore de définir ce qui constitue une "juste indemnité" au sens de l'art. 433 CPP. Les frais d'avocat sont visés en premier lieu. Seuls les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante donnent droit à un dédommagement, à l'exclusion de toutes démarches inutiles ou superflues. L'appréciation de la notion de dépenses obligatoires ne sera pas trop stricte (Mizel/Rétornaz, in Kuhn/Jeanneret, op. cit., n. 10 ad art. 433 CPP). Les frais de défense doivent entre outre être indemnisés sur la base du tarif horaire moyen du lieu où l'avocat pratique (Mizel/Rétornaz, in Kuhn/Jeanneret, op. cit., n. 35 ad art. 429 CPP).
8.2.2
En première instance, le conseil de la plaignante a produit une liste d'opérations faisant état de 49,55 heures de travail. Les honoraires étaient fixés à 9'906 fr. 30, TVA de 8% incluse, soit 9'172 fr. 50. Le tarif horaire variait entre 325 fr. lorsque l'opération était effectuée par un avocat breveté consulté par choix et 110 fr. lorsque l'opération était effectuée par un stagiaire, sur mandat d'office. Cela représente un tarif horaire moyen de 185 fr. environ. Dans ses conclusions civiles, la plaignante a réclamé en sus, à titre de dépens, 6'587 fr. 85, TVA incluse, soit 6'099 fr. 85 hors TVA. Pour 49,55 heures, cela représente un tarif horaire de 300 fr. et non de 320 fr. comme allégué en appel.
Il convient en outre de retenir que le travail a été accompli en partie durant le stage de l'avocat, de sorte qu'il se justifie de réduire le tarif horaire à
250 francs. Le nombre d'heures ayant été réduit sans contestation à 43, le montant des honoraires s'élève donc à 10'750 fr., plus 860 fr. de TVA, dont à déduire les 6'500 fr., plus 520 fr. de TVA, alloués à titre d'indemnité de défense d'office. La différence correspond au montant de 4'250 fr, plus 340 fr. de TVA qu'il convient de mettre à la charge du prévenu, au bénéfice du conseil de la plaignante, Me Samuel Pahud.
9.
En définitive, l'appel de K._ est rejeté. L'appel joint de T._ est partiellement admis dans le sens du considérant qui précède.
Une indemnité de conseil d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 3’732 fr. 50, TVA incluse, est allouée à Me Samuel Pahud.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis pour 3⁄4 à la charge de K._, par 5'139 fr 35, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (art. 428 al. 1 CPP).
Lorsque sa situation financière le permettra, K._ sera tenu de rembourser à l’Etat les 3⁄4 de l’indemnité allouée à Me Samuel Pahud par 3'732 fr. 50, mis à sa charge, et de verser à celui-ci les 3⁄4 du montant de 1'244 fr. 15, correspondant à la différence entre cette indemnité et les honoraires qu’il aurait perçus comme conseil privé (4'976 fr. 65). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
67022937-f3ce-4828-9e4e-ec904b7c0688 | En fait :
A.
Par jugement du 11 octobre 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l'Est vaudois a libéré J._ des accusations de lésions corporelles graves par négligence et de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice (I), a constaté qu’il s'était rendu coupable de violation des devoirs en cas d'accident (II), l’a condamné à une amende de 100 fr., la peine privative de liberté de substitution étant de 2 jours (III), a renoncé à révoquer le sursis octroyé le 28 mars 2007 par le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne (IV), a donné acte à N._ de ses réserves civiles à l'encontre de J._ (V), a alloué à ce dernier une indemnité à titre de dépens réduits, à la charge de l'Etat, arrêtée à 4'000 fr. (VI) et a mis une partie des frais, par 1'000 fr., à la charge de l'intéressé, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (VII).
B.
Par déclaration d’appel motivée du 10 novembre 2011, l’appelante a conclu, avec suite de frais et dépens, à la modification du chiffre I du jugement entrepris (implicitement du chiffre II également) en ce sens que J._ est reconnu coupable de lésions corporelles graves par négligence. Elle a également sollicité un délai pour la production de pièces médicales complémentaires et de photographies, une expertise telle que celle requise en première instance (jugement, p. 10), une expertise médicale sur l'ampleur des lésions vertébrales et le mécanisme traumatique à leur origine, et enfin l'audition de deux témoins.
Le 8 mars 2012, la Cour de céans a imparti un délai à l’appelante pour la production de pièces médicales complémentaires et a refusé les autres mesures d’instruction requises.
C.
Par jugement du 8 mai 2012, la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a admis l’appel formé par N._ et a modifié le jugement de première instance en ce sens que J._ a été reconnu coupable de lésions corporelles graves par négligence et de violation des devoirs en cas d’accident et condamné à trente jours-amende à 10 fr. le jour-amende, avec sursis et délai d’épreuve de deux ans ainsi qu’à une amende de 100 fr., la peine privative de liberté de substitution étant de 2 jours. L’indemnité de l’art. 429 CPP accordée à J._ a été réduite.
D.
Le 6 juillet 2012, J._ a formé un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, contestant sa condamnation pour lésions corporelles graves par négligence, au sens de l’art. 125 al. 2 CP. Il a conclu à la réforme du jugement d’appel en ce sens que le jugement rendu le 11 octobre 2011 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est Vaudois est confirmé. Subsidiairement, il a sollicité l’annulation du jugement d’appel et le renvoi de la cause à l’autorité de première voire de deuxième instance, pour nouvelle décision.
E.
Par arrêt du 21 janvier 2013, le Tribunal fédéral a admis partiellement le recours, en ce sens que le jugement attaqué est annulé et la cause renvoyée à l’autorité cantonale pour nouvelle décision. Une indemnité de 1'500 fr. a été allouée à J._ à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral, mise pour moitié à la charge du canton de Vaud et pour moitié à la charge de N._.
F.
Par courrier du 31 janvier 2013, les parties ont été invitées à se déterminer sur l’arrêt du Tribunal fédéral.
Le 13 février 2013, N._ a renouvelé sa requête tendant à la mise en oeuvre d’une expertise technique et d’une inspection locale (P. 73). Ces réquisitions ont été rejetées pour les motifs qu’elles ne répondaient pas aux conditions de l’art. 389 CPP et n’apparaissaient au surplus pas pertinentes.
Les autres parties ne se sont pas déterminées.
A l’audience du 27 mai 2013, l’appelante a renouvelé ses réquisitions, qui ont été à nouveau rejetées par la Cour, pour les mêmes motifs.
G.
Les faits établis sont ceux déjà retenus en pages 13 et 14 du jugement rendu le 8 mai 2012, la Cour de céans ayant à nouveau acquis la conviction, selon l’appréciation des preuves figurant sous chiffre 3.2 ci-après, que J._ a, lors des faits litigieux, accompli une manœuvre de navigation dangereuse et inutile en dirigeant son bateau vers des remous et en allant chercher volontairement la vague. | En droit :
1.
Lorsque le Tribunal fédéral admet un recours, il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision. Il peut également renvoyer l'affaire à l'autorité qui a statué en première instance (art. 107 al. 2 LTF [loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral, RS 173.110]). L'autorité à laquelle l'affaire est renvoyée doit fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit contenus dans l'arrêt de renvoi. Elle ne peut en aucun cas s'écarter de l'argumentation juridique du Tribunal fédéral, aussi bien en ce qui concerne les points sur lesquels il a approuvé la motivation précédente que ceux sur lesquels il l'a désapprouvée. Il n'est pas possible de remettre en cause ce qui a été admis – même implicitement – par le Tribunal fédéral (B. Corboz, in: Commentaire de la LTF, Berne 2009, ch. 27 ad art. 107 LTF).
2.
Dans la mesure où seule la condamnation pour lésions corporelles graves par négligence au sens de l’art. 125 al. 2 CP est litigieuse, seul ce point sera examiné.
Dans son arrêt du 21 janvier 2013, le Tribunal fédéral fait grief à la Cour d’appel pénale d’avoir retenu que J._ aurait été chercher la vague, dans le cadre d’une manœuvre inutile, sans autre élément ni motivation que ceux mentionnés dans le jugement d’appel du 8 mai 2012 (c. 3.4
in fine
).
Le Tribunal fédéral relève que si les éléments figurant au dossier pénal ne permettent en définitive pas de retenir l’état de fait tel que retenu par la Cour d’appel dans son jugement du 8 mai 2012, il conviendra de déterminer, sur la base d’une expertise technique, si J._ disposait de plusieurs options ce jour là pour affronter la vague en question et s’il avait choisi l’option la moins dangereuse en prenant toutes les précautions nécessaires pour éviter de mettre en danger des personnes.
3.
3.1
On peut se référer au jugement de la Cour de céans du 8 mai 2012 concernant les éléments constitutifs de l’art. 125 CP et les dispositions légales relatives à la navigation, soit les art. 22 LNI, 5a ONI et 4 al. 1 Rnav.
3.2
Conformément à l’arrêt du Tribunal fédéral, il convient de préciser quels éléments ont amené la Cour à retenir que le prévenu a accompli une manœuvre de navigation inutile, en allant volontairement chercher la vague.
Il convient de reprendre les différentes déclarations des protagonistes.
Lors de ses auditions, J._, s’est exprimé dans les termes suivants : «
j’ai effectivement voulu montrer à mon amie comment on traverse une vague. Lors de ma démonstration, j’ai uniquement accéléré au départ pour déjauger le bateau, pour atteindre une vitesse (...) de 20 km/h (...). J’ajoute que mes deux passagères étaient averties de cette manœuvre et que je leur avais demandé de se tenir
» (PV aud. 1, R. 4), «
J’ai passé le gouvernail à mon amie [...] car je voulais lui apprendre à piloter. Comme elle ne savait pas comment prendre les vagues (...), j’ai repris le pilotage du bateau afin de lui montrer comment traverser les vagues. Il est vrai que j’ai accéléré (...). Avant de prendre les vagues, j’avais indiqué à [...] qu’il fallait qu’elle s’asseye
» (PV aud. 6, p. 1, lignes 14ss), «
J’ai franchi de trois quarts le sillage d’un bateau de la CGN mais il y a eu une vague croisée que je n’avais pas vue, de sorte que le choc a été plus violent que je le prévoyais. Les vagues croisées sont des phénomènes courants lorsque les bateaux sont nombreux
» (jgt, p. 4). J._ a confirmé ses déclarations (CAPE, 8 mai 2012/124, p. 4).
Pour sa part, N._ a déclaré : «
A un moment donné, par bravade et en riant, M. [...] lui
[[...]]
a dit textuellement : je vais te montrer ce que c’est que de prendre de face une vague. Il a alors brusquement mis les gaz du bateau au maximum et a conduit l’embarcation de plein fouet contre la vague du sillage d’un bateau de la CGN ou d’un des bateaux de plaisance...
» (P. 4, ch. 4), «
A un moment donné, J._ a reproché à [...] de prendre les vagues de face. Il a alors accéléré (...) en disant : tu vas voir, je vais te montrer ce que c’est de prendre une vague de front (...). Je me suis tenue au bateau car il y avait une grosse vague qui arrivait de front. Il faut dire que le bateau de la CGN venait de passer près de nous
» (PV aud. 5, p. 2, lignes 36ss).
Enfin, [...] a déclaré : «
A ce moment, il y avait toujours beaucoup de bateaux autour de ce voilier et cela faisait des vagues. [...] nous a alors informées qu’il allait mettre les gaz et nous a demandé de nous asseoir et de nous tenir (...). Nous avons navigué ainsi durant environ 2 à 3 minutes en passant dans les remous des autres embarcations. Alors que nous avions déjà passé plusieurs vagues tout d’un coup [...][...] a poussé un cri
» (PV aud. 2, p. 2, R. 4) ; «
Il
[J._]
m’a dit qu’il allait me montrer comment on prenait une vague
» (PV aud. 7, p. 2, ligne 35).
On comprend des propres déclarations du prévenu qu’il a cherché à franchir une vague à une vitesse plus rapide, sans aucune nécessité, simplement pour montrer ce qu’il savait faire, et que dans ce but il a dirigé le bateau vers des remous provoqués par d’autres embarcations; il a notamment délibérément amené le bateau dans le sillage d’un navire de la CGN : «
Lors de ma démonstration
», «
mes passagères étaient averties de ma manœuvre
», «
J’ai repris le pilotage afin de lui montrer
», «
j’ai accéléré
», «
avant de prendre les vagues, j’avais indiqué à Mme [...] qu’il fallait qu’elle s’asseye ».
Cela correspond en outre aux déclarations de la plaignante, et aux précisions apportées par l’amie du prévenu, puisqu’elle explique qu’ils ont navigué 2 ou 3 minutes «
ainsi
», c’est-à-dire en passant des vagues à plus grande vitesse qu’auparavant.
C’est donc volontairement que J._ a décidé d’aller chercher une vague à franchir. En effet, alors que l’embarcation se déplaçait normalement en direction du voilier « Alinghi » dans les remous engendrés par les nombreux autres bateaux présents sur le lac, J._, qui de par sa longue expérience ne pouvait ignorer que prendre de la vitesse dans ces circonstances pouvait être dangereux et qu’il valait mieux laisser le bateau avancer à faible allure, a actionné le levier de vitesse et fortement accéléré.
Force est dès lors de constater qu’en opérant volontairement une telle manœuvre, le prévenu n’a pas pris toutes les précautions nécessaires pour éviter de mettre en danger des personnes et a dépassé clairement les limites du risque admissible inhérent à une navigation ordinaire.
Partant, la Cour de céans retiendra que le prévenu, au lieu de ralentir, a inutilement accéléré pour prendre une vague à une vitesse excessive dans le but exclusif de faire une démonstration à ses passagères. Il ne s’agit en aucun cas d’une manœuvre nécessitée par une vague qui se serait subitement présentée à lui et l’aurait surpris. Il a en conséquence violé son devoir de prudence découlant des règles de la navigation au sens des art. 22 LNI, 5 let. a ONI et 4 al. 1 Rnav.
3.3
En plus de la violation des règles de prudence, il faut encore, pour qu'il y ait négligence, que la violation du devoir de prudence soit fautive, c'est-à-dire que l'on puisse reprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, une inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 134 IV 255 c. 4.2.3 et les références citées; Bernard Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3ème éd., Berne 2010, n. 8 ad art. 125 CP, p. 150). Autrement dit, il faut que l’auteur n’ait pas déployé l’attention et les efforts que l’on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir.
Navigateur expérimenté, pilotant dans des conditions particulières de navigation, le prévenu a entrepris une manœuvre qui n’était pas nécessaire et dont il savait qu’elle pouvait avoir des conséquences dangereuses pour ses passagères puisqu’il les a averties de bien se tenir, s’attendant à un choc d’une certaine violence. Partant, l'intimé a commis une violation fautive des règles de prudence.
4.
On peut encore se référer au jugement de la Cour de céans du 8 mai 2012 en ce qui concerne la gravité des lésions.
5.
En conclusion, il résulte de ce qui précède que tant les éléments objectifs que subjectifs de l’infraction prévue à l’art. 125 al. 2 CP sont réalisés dans le cas d’espèce. L’intimé doit dès lors être reconnu coupable de lésions corporelles graves par négligence.
6.
Pour la fixation de la peine, la Cour renvoie aux considérants du jugement d’appel du 8 mai 2012, non contestés sur ce point.
7.
En définitive, l'appel de N._ doit être admis et le jugement attaqué modifié aux chiffres I, II, III, VI et VII de son dispositif, en ce sens que J._ est libéré de l'accusation de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice (I), qu’il est reconnu coupable de lésions corporelles graves par négligence et de violation des devoirs en cas d'accident (II), qu’il est condamné à 30 jours-amende, à 10 francs le jour, avec sursis pendant 2 ans et à une amende de 100 francs, la peine privative de liberté de substitution étant de 2 jours (III), qu’il lui est alloué une indemnité à titre de dépens réduits, à la charge de l'Etat, arrêtée à 1'000 francs (VI) et qu'une part des frais, arrêtée à 3'851 fr., est mise à la charge de J._, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (VII).
Le jugement est confirmé pour le surplus.
8.
Le Tribunal fédéral ayant annulé le jugement rendu le
8 mai 2012, les frais de la présente décision (cf. art. 20 al. 1 TFJP – Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1) sont laissés à la charge de l'Etat, les émoluments fixés dans le précédent jugement, par 3'010 fr., étant maintenus.
Quant aux dépens d'appel de la plaignante (cf. art. 433 CPP), dont le conseil de choix a indiqué avoir notamment consacré deux heures à la préparation de l’appel, il convient de lui allouer le montant de 1’500 francs.
Délibérant immédiatement et à huis clos,
la Cour d’appel pénale,
vu l'art. 169 CP,
appliquant les art. 34, 42, 44 al. 1, 46 al. 2, 47, 49, 50, 125 al. 1 et 2 CP; 42 al. 1 LNI; 5 ONI; 4 Rnav; 398 ss CPP,
prononce :
I.
L'appel est admis.
II.
Le jugement rendu le 11 octobre 2011 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois est modifié, le dispositif du jugement étant désormais le suivant :
"
I. Libère J._ de l'accusation de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice.
II. Constate que J._ s'est rendu coupable de lésions corporelles graves par négligence et de violation des devoirs en cas d'accident.
III. Condamne J._ à 30 (trente) jours-amende, à 10 (dix) francs le jour, avec sursis pendant 2 (deux) ans et à une amende de 100 (cent) francs, la peine privative de liberté de substitution étant de 2 (deux) jours.
IV. Renonce à révoquer le sursis octroyé le 28 mars 2007 par le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne.
V. Donne acte à N._ de ses réserves civiles à l'encontre de J._.
VI. Alloue à J._ une indemnité à titre de dépens réduits, à la charge de l'Etat, arrêtée à 1'000 (mille) francs.
VII. Met une partie des frais arrêtée à 3'851 francs, à la charge de J._, le solde, étant laissé à la charge de l'Etat."
III.
Les frais d’appel par 3’010 fr. sont mis à la charge de J._.
IV.
J._ doit verser à N._ la somme de 1'500 fr. (mille cinq cents francs) à titre de dépens d’appel.
V.
Le présent jugement est exécutoire. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
67825ef1-eefb-4324-a4ab-96ae47f7db1d | En fait :
A.
Par jugement du 7 octobre 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a constaté que S._ s'était rendu coupable de calomnie, actes d'ordre sexuel avec des enfants, contrainte sexuelle, viol et d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (I), condamné S._ à une peine privative de liberté de 6 ans, sous déduction de 513 jours de détention avant jugement, cette peine étant partiellement complémentaire à celle prononcée le
12 avril 2007 par le Tribunal correctionnel de La Broye et du Nord vaudois (II), ordonné le maintien de S._ en détention pour des motifs de sûreté (III), ordonné à S._ de se soumettre à un traitement psychiatrique et psychothérapeutique intégré ambulatoire ainsi qu'à un contrôle de l'abstinence à l'alcool (IV), alloué à B.D._ un montant de 50'000 fr. à titre d'indemnité pour tort moral avec intérêt à 5 % dès le 1
er
janvier 2007 et un montant de 18'761 fr. 30 à titre de dépens pénaux, sous déduction de l'indemnité de 11'167 fr. 40 versée à son conseil d'office (V), alloué à L._ un montant de 1 fr. à titre d'indemnité pour tort moral (VI), arrêté l'indemnité de l'avocat Léonard Bruchez, en sa qualité de défenseur d'office de S._, à 14'153 fr. 85, dont il y avait lieu de déduire deux avances totalisant 8'583 fr. 20 (VII), arrêté l'indemnité de l'avocate Flore Primault, en sa qualité de conseil d'office de B.D._ et R._, à 11'167 fr. 40 (VIII), ordonné le maintien au dossier à titre de pièces à conviction de deux DVD contenant l'audition vidéo du 9 mai 2013 de B.D._ enregistrés sous fiche no 92 (IX), mis une partie des frais, par 49'596 fr. 65, y compris les indemnités allouées sous chiffres VII et VIII, à la charge de S._ (X), et dit que les indemnités de défense et conseil d'office allouées aux avocats Flore Primault et Léonard Bruchez ne seraient remboursables à l'Etat de Vaud que si la situation économique de S._ s'améliorait (XI).
B.
Par annonce du 14 octobre 2014 suivie d’une déclaration motivée du
10 novembre 2014, S._ a formé appel contre ce jugement, concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à ce que le jugement entrepris soit réformé en ce sens qu'il est intégralement acquitté, qu'aucune mesure n'est prononcée à son encontre et que les conclusions civiles des plaignantes sont rejetées; subsidiairement, il a conclu à ce que le jugement entrepris soit réformé en ce sens qu'il est condamné à une peine compatible avec l'octroi du sursis – partiel –, qu'aucune mesure n'est prononcée à son encontre, que l'indemnité pour tort moral allouée à B.D._ est ramenée à 20'000 fr., avec intérêt à 5 % dès le 1
er
janvier 2007 et qu'aucune indemnité pour tort moral n'est allouée à L._; plus subsidiairement encore, il a conclu à l'annulation du jugement entrepris et au renvoi du dossier de la cause au Tribunal correctionnel pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
A titre de mesures d'instruction, S._ a requis la mise en œuvre d'un complément d'expertise, ainsi que d'une expertise de crédibilité de la plaignante B.D._. Il a en outre requis qu'il soit procédé à l'audition des sœurs de celle-ci en qualité de témoins. Par courrier du 16 décembre 2014, le président de la Cour de céans a refusé d'ordonner la mise en œuvre de ces mesures d'instruction complémentaires, au motif que celles-ci n'apparaissaient pas nécessaires au traitement de l'appel.
A l'audience d'appel, S._ a déposé des conclusions écrites tendant à ce qu'il lui soit alloué, en application de l'art. 429 CPP, une indemnité n'étant pas inférieure à 126'600 francs.
Le Ministère public a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.
B.D._, R._ et L._ ont conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
Né le [...] 1956 en Espagne, Etat dont il est ressortissant, le prévenu S._ est l’aîné d’une fratrie de douze enfants. Il a suivi toute sa scolarité obligatoire en Espagne. Il a ensuite travaillé dans les champs, puis comme maçon avant de se rendre à Bilbao, où il s’est engagé dans la marine marchande comme aide-cuisinier et aide-marin. Après avoir effectué son service militaire dans l’infanterie, il a travaillé dans la distribution de boissons dans des restaurants, puis comme pêcheur. Peu avant son départ pour la Suisse, il a épousé une femme avec laquelle il a eu deux enfants, un garçon et une fille, aujourd’hui majeurs. Il a rejoint la Suisse seul en 1986, où il a été engagé comme manœuvre dans l’entreprise dans laquelle il travaille toujours actuellement, aujourd'hui comme machiniste. Son épouse l’a rejoint deux ans plus tard avec leur fille, mais en laissant leur fils chez les grands-parents maternels. Quelques temps plus tard, l'épouse du prévenu a quitté ce dernier et est retournée vivre en Espagne en emmenant leur fille, alors âgée de 3 ans. Durant l’enquête, le prévenu a affirmé que pendant la procédure de divorce, son épouse l’avait accusé d’avoir montré des films érotiques à leur fille, ce qui aurait été infirmé par la suite.
Avant sa détention, le prévenu vivait avec sa fille, laquelle séjourne désormais dans un foyer. Selon ses dires, cette dernière avait été placée dans un centre pour mineurs à l’âge de 15 ans car sa mère la maltraitait. Il y a lieu de préciser que l’ex-épouse du prévenu avait déclaré à leur fille que son père était décédé et que cette dernière n’a appris son existence que lorsqu’elle a eu 16 ans. La fille a déclaré avoir une relation père-fille normale avec le prévenu. Elle perçoit l’aide sociale. Le prévenu réalisait un revenu mensuel brut d’environ 5'000 fr. par mois, treize fois l’an. Il n’a plus d’appartement et ses primes d’assurance maladie s’élèvent à environ 400 fr. par mois. Il a déclaré qu’il avait des dettes d’impôts en poursuite tout en ignorant leur montant.
Le prévenu a présenté pendant des années un syndrome de dépendance à l’alcool (cf. ch. 1.4 infra), mais il déclare être abstinent depuis 2008 ou 2009. Il a en effet subi des contrôles d’abstinence pour pouvoir récupérer son permis de conduire, qui lui avait été retiré. Il n’est toutefois plus traité pour sa dépendance à l’alcool et n’a jamais eu de suivi thérapeutique.
1.2
Le casier judiciaire du prévenu comporte les inscriptions suivantes :
- 26.05.2004, Tribunal d’arrondissement de La Côte, violation des règles de la circulation routière, conducteur pris de boisson, opposition à une prise de sang et violation des devoirs en cas d’accident, 4 mois d'emprisonnement;
- 12.04.2007, Tribunal correctionnel de La Broye et du Nord vaudois, violation des règles de la circulation routière, conducteur se trouvant dans l’incapacité de conduire (véhicule automobile, taux alcoolémie qualifié), conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait (véhicule automobile) et contravention à l’ordonnance sur les règles de la circulation routière, 8 mois d'emprisonnement; libération conditionnelle accordée par le Juge d’application des peines dès le 9 avril 2008, avec un délai d’épreuve d’un an, la peine restante étant de 4 mois, avec assistance de probation et règle de conduite.
1.3
Pendant l’enquête, le prévenu a été détenu en détention provisoire du mai 2013 jusqu’au 30 juin 2014; depuis cette date, il est en détention pour des motifs de sûreté.
1.4
Une expertise psychiatrique du prévenu a été ordonnée et un rapport d'expertise a été déposé le 28 octobre 2013. Le prévenu présente un trouble de la personnalité immature et présentait jusqu’à 2009 un syndrome de dépendance à l’alcool. Ces troubles sont chroniques et il s’agit de perturbations importantes du fonctionnement psychoaffectif global. Les traits de personnalité immature sont caractérisés par des besoins de dépendance exacerbés entraînant des difficultés à adopter une position d’adulte, un manque d’autonomie avec le besoin constant d’être entouré ou occupé et un mode de pensée marqué par une faible capacité d’intégration et de compréhension des conflictualités et enjeux relationnels. Concernant la sexualité, il présente également des éléments indiquant une immaturité, caractérisée par une faible attirance et un faible investissement pour les relations sexuelles avec les adultes. Il a évoqué d’occasionnels rapports avec des prostituées en termes mécaniques et sa vie fantasmatique serait quasi inexistante. Il y a lieu de mettre en parallèle de cette expression fruste de la sexualité le reproche d’avoir montré des films à caractère pornographique à sa fille et les faits qui lui sont reprochés; les experts considèrent que, s’ils sont avérés, un tel tableau se situe à la limite de ce qui serait compatible avec une pédophilie proprement dite dans le sens d’une attirance pour les enfants prépubères persistante et prédominante au cours de la vie. Sans pouvoir exclure qu’il s’agisse véritablement d’un tel trouble de la préférence sexuelle, les experts sont plus enclins à inscrire les faits reprochés au prévenu dans le cadre du trouble de la personnalité immature. Dans ce type de troubles et fonctionnement, des pratiques sexuelles déviantes, pouvant prendre des formes variables, peuvent apparaître et se succéder, parfois en alternance avec des périodes sans activité sexuelle notable, de manière plus ou moins limitée dans le temps et plus ou moins récurrente.
Les experts considèrent que la capacité du prévenu d’apprécier le caractère illicite de ses actes était conservée, mais que sa capacité de se déterminer d’après cette appréciation a pu être restreinte, dans une mesure légère au maximum, en raison des troubles présents. S’agissant du risque de récidive, ils constatent que la période pendant laquelle les faits se sont produits faisait suite à une lente intégration du prévenu dans la famille de l’enfant abusée et que la mise en place d’une intimité progressive avait facilité les passages à l’acte. La situation actuelle du prévenu est différente puisqu’il vit chez sa fille et qu'il a cessé toute consommation d’alcool. Sur la base de ce qui précède, les experts estiment que le risque de récidive est peu élevé.
En ce qui concerne un éventuel traitement, les experts ont précisé que le trouble de personnalité immature est un trouble chronique, lequel, compte tenu également de l’âge du prévenu, suscite un pronostic réservé. La situation actuelle du prévenu pourrait toutefois représenter une opportunité pour un premier essai thérapeutique, mais il leur est difficile de dire dans cette situation quelle est l’importance de l’impact qu’un traitement pourrait avoir sur le risque de récidive. Les experts ont ajouté que le trouble présenté pourrait bénéficier d’un traitement ambulatoire. Un traitement psychiatrique et psychothérapeutique intégré serait à privilégier dans une consultation qui permettrait d’inscrire le traitement au sein d’une relation thérapeutique sur la durée. Le traitement ambulatoire ne serait pas entravé dans son application et ses chances de succès ne seraient pas amoindries par l’exécution d’une peine privative de liberté.
S’agissant de sa dépendance à l’alcool, le prévenu était abstinent depuis quatre ans lors de l’établissement du rapport d’expertise. Les effets de l’alcool ont pu contribuer au déroulement des faits reprochés et le maintien de l’abstinence est important dans la perspective de la diminution du risque de récidive. Selon les experts, aucun traitement spécialisé n’est recommandé mais le prévenu pourrait tirer bénéfice de la présence de mesures de contrôle de l’abstinence.
2.
2.1
2.1.1
Le prévenu a commis, entre 2003 et 2006 et à réitérées reprises, divers actes d’ordre sexuel à l’encontre de B.D._, née le [...] 1997. Le prévenu, alors ami proche des parents de celle-ci, R._ et L._, s’occupait à cette époque régulièrement des trois filles du couple. En particulier, il emmenait parfois B.D._ se promener avec le chien de la famille et profitait notamment de ces instants pour l’amener dans un petit cabanon se situant à proximité du domicile de la famille, où il abusait sexuellement de l'enfant. Il a notamment commis les actes suivants.
2.1.2
A [...], près du domicile des parents de la victime, le prévenu a caressé B.D._ au niveau de son vagin notamment puis l’a pénétrée avec ses doigts. Ces faits se sont déroulés à plusieurs reprises.
2.1.3
A [...], au domicile des parents de la victime, le prévenu a forcé B.D._ à lui prodiguer une fellation en lui maintenant la tête avec une main. Durant dite fellation, il a positionné les mains de B.D._ sous ses testicules.
2.1.4
Dans les mêmes circonstances, le prévenu, alors sur le lit de B.D._, s’est allongé sur elle et l’a pénétrée vaginalement. Ce rapport a duré quelques secondes puis le prévenu s’est retiré et a reboutonné son pantalon juste avant que R._, le père de la victime, n’entre dans la chambre.
2.1.5
A [...], près du domicile des parents de la victime, aux abords d’un cabanon, le prévenu a abusé sexuellement de B.D._ à deux reprises au moins. La victime a notamment subi un cunnilingus et a été contrainte de prodiguer une fellation au prévenu, puis a subi un rapport sexuel complet.
2.1.6
Dans des circonstances qui n’ont pas pu être déterminées, le prévenu a contraint B.D._ à lui prodiguer une fellation pendant qu’il lui dispensait un cunnilingus. A cette occasion, il a également touché la victime au niveau de son vagin, de son clitoris, de ses fesses et de ses hanches notamment et l’a pénétrée digitalement. A un moment donné, il s’est retourné et s’est placé au-dessus de la victime. Il a alors pénétré vaginalement B.D._.
2.1.7
Pour ces faits, B.D._ et R._ ont déposé plainte et se sont portés parties civiles en mai 2013. Lors des débats de première instance, B.D._ a conclu, avec suite de frais et dépens, à l'allocation d'un montant de 50'000 fr., avec intérêt à 5 % dès le 1
er
janvier 2007 à titre de tort moral.
2.2
A la même époque, à [...], au domicile de R._ et L._, le prévenu a touché les fesses de K._, alors âgée de 11 ou 12 ans, par-dessus les vêtements puis sous ceux-ci. Il a ensuite passé sa main dans la culotte de la fillette et lui a touché les fesses à même la peau. Ces faits se sont déroulés à plusieurs reprises.
K._ a déposé plainte. Lors des débats de première instance, elle a renoncé à prendre des conclusions civiles.
2.3
A Lausanne, au centre de la Blécherette, le 29 janvier 2014, lors d’une audition par devant la police, le prévenu a déclaré explicitement avoir durant plusieurs années entretenu une relation intime avec L._, mère de B.D._ et épouse de R._, alors que ce n’était pas vrai.
L._ a déposé plainte le 13 février 2014. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et dans le délai légal par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel du prévenu est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves (TF 6B_78/2012 du 27 août 2012). L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Eugster, in : Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, 2
e
éd., Bâle 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP).
3.
3.1
L'appelant conteste tout d'abord avoir jamais porté atteinte à l'intégrité sexuelle des plaignantes B.D._ et K._.
3.2
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe de la présomption d'innocence est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s'agir de doutes importants irréductibles, qui s'imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Vianin, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.3
L'appelant s'en prend à la crédibilité des déclarations des plaignantes B.D._ et K._, sur lesquelles repose pour l'essentiel l'accusation, en soutenant qu'elles seraient infirmées par d'autres éléments du dossier.
3.3.1
Les déclarations des plaignantes seraient tout d'abord en contradiction avec les déclarations d'autres personnes entendues dans le cadre de l'instruction.
K._ est l'enfant d'amis des parents de B.D._. Elle se rendait fréquemment chez eux le week-end, où elle retrouvait les sœurs A.D._, B.D._ et C.D._, ainsi que G._, cousine de celles-ci (cf. PV aud. 6, réponse 5, p. 2). A l'époque des faits, l'appelant était également souvent présent chez les parents de B.D._. En sus des actes à son encontre qu'elle a dénoncés (cf. ch. 2.2 supra), K._ a déclaré que l'appelant aurait également "commencé à avoir un petit peu les mains baladeuses" également avec d'autres enfants, notamment G._; à l'époque, A.D._ aurait également rapporté aux autres enfants avoir subi des contacts similaires (PV aud. 6, réponse 5). L'appelant se prévaut du fait que ces déclarations n'auraient pas été confirmées par les intéressées. Il est vrai que dans le cadre de la procédure pénale, G._ a déclaré ne pas se souvenir avoir subi des attouchements, même des caresses par-dessus les vêtements (PV aud. 5, réponse 6, p. 5). Cette déclaration peut cependant s'expliquer par l'ancienneté des faits et par le jeune âge de G._ à l'époque de ceux-ci. Surtout, il apparaît que selon les déclarations des plaignantes, l'appelant camouflait certains gestes connotés sexuellement avec une certaine sournoiserie, en recourant par exemple à des contacts furtifs à l'occasion de jeux ou d'embrassades; sur ce point, G._ a mentionné des gestes d'affection marqués de l'appelant, y compris après que les enfants eurent avancé en âge (cf. PV aud. 5, réponse 5, p. 3). En outre, G._ a évoqué un épisode particulier : le jour de sa communion, elle aurait été confrontée à l'appelant dans une cage d'escalier; si elle n'a pas été en mesure de décrire précisément les faits qui s'y seraient produits, elle a déclaré avoir commencé à avoir peur de l'appelant depuis lors (cf. PV aud. 5, réponse 5, p. 3). Quant à A.D._, elle n'a pas été entendue durant l'enquête, mais son père a déclaré que ses filles A.D._ et C.D._ lui avaient assuré que l'appelant ne leur avait jamais rien fait (PV aud. 1, p. 3).
Il n’y a en outre pas de contradiction entre le fait que A.D._ se serait plainte de l’appelant auprès d’autres enfants et le fait qu’elle ne l’aurait pas fait auprès de ses parents, une déclaration immédiate à d’autres enfants sur des faits le cas échéant légers ne devant pas nécessairement débouché sur une dénonciation du prévenu aux parents.
L'appelant soutient également que la crédibilité des déclarations de B.D._ serait douteuse parce que le père de cette dernière n'a pas évoqué l'épisode décrit au chiffre 2.1.4 lors de son audition-plainte (PV aud. 1). En bref, selon B.D._, alors que l'appelant la pénétrait vaginalement, il aurait entendu arriver le père de sa victime et se serait jeté au sol en réajustant son pantalon pour dissimuler les actes qu'il était en train de commettre (PV aud. 2, pp. 4, 6 et 8 in fine). Contrairement à ce que soutient l'appelant, il ne ressort pas du dossier que R._ aurait formellement déclaré ne pas se souvenir de l'épisode en question. Il apparaît seulement qu'il n'a pas spontanément évoqué celui-ci lors de son audition-plainte, au tout début de la procédure pénale; par la suite, il n'a pas été spécifiquement interrogé sur ce point. On peut se limiter à relever que lors de l'audition-plainte, étant précisé que B.D._ n'avait révélé les faits à ses parents que la veille au soir, R._ a dès lors surtout été entendu sur les circonstances des révélations de sa fille et sur les éléments essentiels que comportaient celles-ci, éléments qu'il a relatés dans un récit empreint d'émotion, de sorte qu'il est compréhensible qu'il n'ait pas évoqué ce point.
En définitive, il faut constater que contrairement à ce que soutient l'appelant, aucune déclaration de tiers n'infirme celles des victimes.
3.3.2
L'appelant se prévaut également de l'absence de traces matérielles des abus dénoncés.
Il est vrai qu'à l'époque des faits présumés, les parents n'ont constaté aucune lésion ou trace physique en faisant la toilette de leur fille. Cela étant, contrairement à ce que soutient l'appelant, on ne saurait admettre que les faits décrits par B.D._ impliquaient nécessairement des traces visibles aussi bien sur les parties intimes que sur le reste du corps. S'agissant d'éventuelles lésions au niveau génital, seul un examen gynécologique aurait pu en confirmer ou infirmer l'existence; des lésions internes n'auraient selon toute vraisemblance pas pu être constatées par un parent se contentant de donner le bain à une fillette de 6 à 9 ans sans examiner son intimité. Quant au fait que les parents n'ont jamais observé de traces de sang ou de sperme, notamment sur les vêtements de l'enfant, il peut s'expliquer par les précautions de l'appelant en commettant les actes répétés qui lui sont reprochés, parfois au sein même du domicile de ses amis. B.D._ a à ce titre expliqué que l'appelant essuyait avec des mouchoirs de poche ou en tissu après avoir éjaculé et qu'il était arrivé qu'il se rende aux toilettes au terme des actes pour se laver (cf. PV aud. 2, p. 10).
3.3.3
L'appelant se prévaut en outre de l'absence d'indice mettant en évidence qu'il souffrirait d'une inclination pédophile.
On ne saurait en premier lieu suivre l'appelant lorsqu'il soutient que constituerait une preuve d’innocence le fait qu'aucune image à caractère pédophile ou pornographique n'a été retrouvée à son domicile lorsque ce dernier a été perquisitionné. En effet, un abuseur d'enfant n’est pas nécessairement également un amateur de pornographie ou de pornographie enfantine; par ailleurs, un amateur d'images de ce type n'en détient pas forcément à son domicile.
L'appelant soutient en outre que l'expertise mise en œuvre n'aurait révélé aucun trouble pédophile. En réalité, l'expertise est nuancée. Comme on l'a vu (cf. ch. 1.4), en substance, les experts, tout en réservant un diagnostic de pédophilie proprement dite, ont exposé que les actes reprochés à l'appelant étaient compatibles avec le diagnostic de trouble de la personnalité immature qu'ils privilégiaient, lequel pouvait comporter des pratiques sexuelles déviantes, parfois en alternance avec des périodes sans activité sexuelle. Il n'y a donc aucune incohérence entre les faits reprochés à l'appelant et le diagnostic posé par les experts.
3.4
De façon générale, il faut constater, à la suite du Tribunal correctionnel (cf. pp. 29 et 30), que la version des faits livrée par les plaignantes est parfaitement convaincante. S'agissant plus particulièrement des faits dénoncés par B.D._, qui constituent le centre de l'accusation, il faut relever que les indices de vérité sont nombreux. Le récit est constitué des souvenirs d'une enfant. Ce récit sonne vrai par les détails inscrits dans la mémoire de la victime, qui évoque notamment des souvenirs sensoriels touchant l’odorat, l’ouïe, la vue et le toucher; les émotions sont congruentes, tout comme la gêne et la difficulté à dévoiler qui ressortent de son audition. Le fait que B.D._ ne s'est confiée à personne jusqu'à l'année 2013 n'a aucune incidence sur sa crédibilité. En effet, de façon générale, contrairement aux affirmations de l'appelant, un enfant qui souffre physiquement d'abus n'en révèle pas forcément l'existence pour que ceux-ci cessent; l'expérience enseigne au contraire que des abus prolongés peuvent se répéter sans être découverts sur de longues périodes, même plusieurs années. En l'espèce, les circonstances des révélations sont cohérentes avec les explications de B.D._ : elles s'inscrivent dans le contexte de difficultés rencontrées lors de préliminaires amoureux à l'adolescence, et font suite à la fréquentation de la consultation d'une psychologue, à l'initiative de B.D._. Son récit est en outre corroboré par celui de l'autre victime, K._, avec lequel il est entièrement compatible. Enfin, les explications du prévenu au fil de ses auditions sont troubles et ambiguës, certains attouchements soi-disant accidentels étant admis.
Comme on l'a vu (cf. c. 3.3 supra), les critiques de l'appelant, inefficaces, ne remettent pas en cause la crédibilité des plaignantes, de sorte qu'il n'existe aucun doute sur la culpabilité de l'appelant.
4.
Il reste à examiner les qualifications juridiques retenues par le Tribunal correctionnel en relation avec les abus sexuels commis par l'appelant.
4.1
L’appelant conteste sa condamnation pour les infractions de viol et d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance.
4.2
4.2.1
Se rend l'auteur d'actes d'ordre sexuel avec des enfants et s'expose à une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire celui qui aura commis un acte d'ordre sexuel sur un enfant de moins de 16 ans, celui qui aura entraîné un enfant de cet âge à commettre un acte d'ordre sexuel ou encore celui qui aura mêlé un enfant de cet âge à un acte d'ordre sexuel (art. 187 ch. 1 CP).
4.2.2
Se rend l'auteur de contrainte sexuelle et s'expose à une peine privative de liberté de dix ans au plus ou à une peine pécuniaire celui qui, notamment en usant de menace ou de violence envers une personne, en exerçant sur elle des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister l'aura contrainte à subir un acte analogue à l'acte sexuel ou un autre acte d'ordre sexuel (art. 189
al. 1 CP).
La contrainte, qui doit présenter une certaine intensité (cf. ATF 131 IV 167 c. 3.1), peut revêtir différentes formes, comme l'usage de menaces, par lesquelles l'auteur fait volontairement redouter à la victime la survenance d'un préjudice propre à la faire céder (cf. p. ex. ATF 122 IV 97 c. 2b) ou l'usage de la violence, l'auteur employant volontairement la force physique sur la personne de la victime pour la faire céder (cf. p. ex. ATF 125 IV 58 c. 3c).
4.2.3
Commet un viol et s'expose à une peine privative de liberté de un à dix ans celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel (art. 190 al. 1 CP).
Le viol est une
lex specialis
par rapport à la contrainte sexuelle (cf. c. 4.2.2 supra) en ce sens qu'il se caractérise par le fait que la victime et une femme et que l'acte répréhensible est l'acte sexuel proprement dit (cf. Dupuis et al., Code pénal, Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 1 ad art 190 CP et les références citées). L'acte sexuel désigne le comportement typique par lequel l'auteur commet un viol. L'acte sexuel, ou coït, est l'union naturelle des parties génitales de l'homme (pénis) avec celle de la femme (vagin). L'introduction même partielle et momentanée du pénis dans le vagin de la femme est constitutive de l'acte sexuel. L'écoulement du sperme dans le vagin n'est donc pas nécessaire (ATF 99 IV 151 c. 1).
Les moyens de contrainte sont les mêmes que pour la contrainte sexuelle (TF 6S.450/2006 du 20 février 2007 c. 7.1; cf. c. 4.2.2 supra).
4.2.4
Se rend coupable d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance et s'expose à une peine privative de liberté de dix ans au plus ou à une peine pécuniaire celui qui, sachant qu'une personne est incapable de discernement ou de résistance, en aura profité pour commettre sur elle l'acte sexuel, un acte analogue ou un autre acte d'ordre sexuel (art. 191 al. 1 CP).
A la différence de la contrainte sexuelle ou du viol, la victime de cette infraction est incapable de discernement ou de résistance non en raison d'une contrainte exercée par l'auteur mais pour d'autres causes (TF 6B_140/2007 du
30 juillet 2007 c. 5.1).
4.2.5
Lorsque des actes d'ordre sexuel avec un enfant constituent également l'infraction de contrainte sexuelle ou de viol, il y a concours idéal entre ces dispositions en raison de la diversité des biens juridiques protégés (ATF 128 IV 27 c. 2b). Un concours idéal entre l'infraction d'actes d'ordre sexuel avec un enfant et celle d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance est également possible (ATF 120 IV 194 c. 2b). Dans cette hypothèse, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser qu'une incapacité de discernement due exclusivement à l'âge ne doit être admise qu'avec retenue, dans la mesure où des actes sexuels portent également atteinte aux sphères physique et intime de l'enfant, dans lesquelles ce dernier accède plus tôt à la conscience que dans d'autres domaines et est dès lors plus tôt capable d'une réaction de rejet; elle demeure toutefois envisageable lorsque l'enfant ne réalisait manifestement pas la signification des actes dont il a été victime (cf. ATF 120 IV 194 c. 2c).
4.3
En l'espèce, les éléments constitutifs de l’infraction d’actes d'ordre sexuel avec des enfants sont manifestement réalisés, aussi bien pour les actes commis à l'encontre de B.D._ que de K._, et l'appelant doit être condamné pour cette première infraction.
Pour les motifs retenus plus haut (cf. c. 3.3.2), on ne saurait suivre l'appelant lorsqu'il se prévaut de l'absence de traces physiques constatées chez B.D._ pour écarter l'accusation de viol. En revanche, il ressort du récit des faits par la victime que celle-ci n'a clairement manifesté son désaccord que pour les fellations, notamment à cause du dégoût que celles-ci lui inspiraient. Lors des relations sexuelles complètes, l'absence de résistance de la victime a essentiellement été motivée par le fait qu'elle ne comprenait alors pas la nature des actes du prévenu (cf. spéc. PV aud. 2, p. 10 : "je me rendais pas compte en fait, de ce qui se passait, j'avais jamais entendu parler de ma vie du sexe [...] je ne saurais pas vous dire comment je me sentais vraiment dans ma tête à ce moment-là en fait."). Cela conduit à retenir que les fellations étaient constitutives de contrainte sexuelle, tandis que les autres actes, notamment les relations sexuelles complètes, étaient constitutifs d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance. Si l'âge de la victime lorsque ces actes ont été commis n'a pas pu être déterminé avec précision, il se situait entre 6 et 9 ans; dans ces circonstances, la plaignante demeure crédible lorsqu'elle indique que l'absence d'une résistance significative de sa part s'explique par le fait qu'elle ne comprenait pas la nature des actes que commettait l'appelant.
Au surplus, il est précisé que cette modification de qualification est possible, dès lors qu’elle demeure dans le cadre de l’acte d’accusation et qu’il n’y a en outre pas de
reformatio in pejus
.
5.
5.1
L'appelant conteste également sa condamnation pour calomnie. D'une part, la plainte serait tardive; d'autre part, les éléments constitutifs de cette infraction ne seraient pas réalisés.
5.2
Selon l'art. 173 ch. 1 CP, se rend coupable de diffamation celui qui, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, de même que celui qui aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon. La calomnie au sens de l'art. 174 CP se distingue de la diffamation par la présence d'un élément subjectif supplémentaire : l'auteur sait que le fait qu'il allègue est faux. La calomnie est ainsi une forme qualifiée de la diffamation (cf. Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. 1, 3
e
éd., Berne 2010, n. 1 ad art. 174 CP).
5.3
5.3.1
Les infractions de diffamation et de calomnie se poursuivent uniquement sur plainte (cf. art. 173 ch. 1 et 174 ch. 1 CP). Selon l'art. 31 CP, le droit de porter plainte se prescrit par trois mois (1
re
phrase); le délai court du jour où l'ayant droit a connu l'auteur de l'infraction (2
nde
phrase). Lorsque plusieurs infractions successives sont commises, le délai de plainte court séparément pour chacune d'elles (Bichovsky, in : Roth/Moreillon [éd.], Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, n. 18 ad art. 31 CP; cf. ATF 131 IV 83 c. 2.4).
5.3.2
En l'espèce, la plainte pénale a été déposée le 13 février 2014, soit deux semaines après le 29 janvier 2014, jour lors duquel les déclarations litigieuses ont été tenues. Comme chaque nouvelle infraction fait naître un nouveau délai de plainte (cf. c. 5.3.1 supra), le fait que l'appelant ait déjà tenu des déclarations similaires, du reste moins claires, en juin 2013 est sans pertinence et la plainte a été déposée dans le délai légal.
5.4
5.4.1
Il reste à déterminer si les faits reprochés à l'appelant réalisent les éléments constitutifs de la diffamation ou de la calomnie. En l'espèce, il est reproché à l'appelant d'avoir faussement soutenu qu'il aurait entretenu, durant sept ans, une relation avec L._, mère de B.D._, laquelle était mariée à R._, avec qui elle faisait ménage commun.
5.4.2
L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'homme (ATF 137 IV 313 c. 2.1.1). Pour déterminer si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il ne faut pas se fonder sur le sens que lui donne la personne visée, mais sur une interprétation objective selon le sens qu'un destinataire non prévenu doit, dans les circonstances données, lui attribuer (ATF 133 IV 308 c. 8.5.1). Celui qui accuse une personne d'avoir commis un crime ou un délit intentionnel se rend en principe coupable d'une atteinte à l'honneur (ATF 118 IV 248 c. 2b). Il n'est toutefois pas nécessaire que le comportement soit réprimé par la loi pénale, il suffit qu'il soit moralement réprouvé (ATF 117 IV 27 c. 2d). Le Tribunal fédéral a notamment eu l'occasion de rappeler que l'adultère – s'il n'est plus une cause de divorce et ne constitue plus une infraction pénale –, reste un acte illicite (cf. TF 6S.5/2007 du 14 mars 2007 c. 3.4). Il a souligné le fait que le conjoint qui entretient des relations intimes avec un tiers manque à ses engagements et trahit la confiance mise en lui par son partenaire et qu'il est bien souvent considéré encore aujourd'hui, dans la société, comme une personne déloyale, qui a manqué à sa parole; sa réputation, sans être ruinée, sera néanmoins fortement compromise (ibidem). La jurisprudence se montre toutefois quelque peu hésitante. On peut en particulier mentionner une décision neuchâteloise qui déclare qu'il est douteux que l'accusation de concubinage dans le cadre d'un litige matrimonial soit attentatoire à l'honneur de façon générale (RJN 2001, p. 162); le Tribunal fédéral n'a pas clairement critiqué cette jurisprudence, en se bornant à relever la spécificité du cas d'espèce, où les époux étaient déjà séparés de fait (TF 6S.5/2007 du 14 mars 2007 c. 3.3). De façon générale, il faut considérer que les circonstances de l'espèce sont déterminantes (en ce sens : TF 6S. 752/2000 du 6 décembre 2000 c. 3, cité par TF 6S.5/2007 du 14 mars 2007 c. 3.3).
5.4.2
L'appelant soutient tout d'abord qu'éprouvant des sentiments amoureux envers L._, il n'aurait pas su dire le faux en affirmant l'avoir eue pour maîtresse. En réalité, aucun élément au dossier ne donne à penser qu'une telle confusion a pu naître dans son esprit. Son mensonge a été mis en évidence par sa méconnaissance de détails anatomiques de cette femme qu'un amant aurait forcément connus, ce qui établit de façon indiscutable la fausseté des accusations d'adultère. Partant, la cause doit être examinée sous le seul angle de l'infraction de calomnie.
A ce titre, il y a lieu de tenir compte, d'une part, des hésitations de la jurisprudence en matière d'accusation d'adultère et, d'autre part, du contexte particulier dans lequel l'appelant a tenu les déclarations qui lui sont aujourd'hui reprochées. Celles-ci ont en effet été proférées dans le cadre d'une audition de l'appelant devant le Procureur (PV aud 12, réponse 4), après que celui-ci l'eut expressément interrogé à ce sujet, en se référant à de précédentes déclarations plus ambiguës. En d'autres termes, ces déclarations ont été tenues exclusivement dans le cadre d'un procès pénal centré sur la sexualité du prévenu; elles étaient ainsi uniquement destinées aux autorités pénales, qui sont en principe à même de faire la part des choses. En bref, les propos litigieux, qui doivent être mis en relation avec les constatations de l'expertise psychiatrique, relevaient d'une version défensive, certes maladroite et grossièrement mensongère, et non d'une atteinte à l'honneur pénalement répréhensible. Partant, l'infraction de calomnie n'est pas réalisée et l'appelant doit être libéré sur ce point.
6.
6.1
Il reste à examiner la quotité de la peine qui doit être prononcée. L'appelant, dans l'hypothèse d'une condamnation, conclut au prononcé d'une peine privative de liberté compatible avec le sursis, respectivement assortie d’un sursis partiel.
6.2
6.2.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale
(ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
6.2.2
Aux termes de l'art. 49 CP, si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (al. 1). Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement (al. 2).
Le cas – normal – de concours réel rétrospectif se présente lorsque l'accusé, qui a déjà été condamné pour une infraction, doit être jugé pour une autre infraction commise avant le premier jugement, mais que le tribunal ignorait.
L'art. 49 al. 2 CP enjoint au juge de prononcer une peine complémentaire ou additionnelle (
Zusatzstrafe
), de telle sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement. Concrètement, le juge doit se demander comment il aurait fixé la peine en cas de concours simultané, puis déduire de cette peine d'ensemble hypothétique la peine de base, soit celle qui a déjà été prononcée (TF 6B_455/2013 du 29 juillet 2013 c. 2.4.1 et les références citées). Le prononcé d'une peine complémentaire suppose que les conditions d'une peine d'ensemble au sens de l'art. 49 al. 1 CP soient réunies. Une peine additionnelle ne peut ainsi être infligée que lorsque la nouvelle peine et celle qui a déjà été prononcée sont du même genre. Des peines d'un genre différent doivent en revanche être infligées cumulativement car le principe d'absorption n'est alors pas applicable (TF 6B_1082/2010 du 18 juillet 2011 c. 2.2 et les références citées).
6.3
En l'espèce, il faut, à la suite du Tribunal correctionnel, retenir que la culpabilité de l'appelant est très lourde. Celui-ci a agi a réitérées reprises et s'en est pris à deux victimes; l'une d'elles était une enfant en bas âge et elle a subi des actes particulièrement odieux. L'appelant a en outre ainsi trahi la confiance d'une famille amie, qui l'avait souvent hébergé et accueilli en ami. A décharge, il y a lieu de tenir compte de l'ancienneté des faits, de l'addiction du prévenu à l'alcool et de la diminution de responsabilité légère retenue par les experts.
Le Tribunal correctionnel a déjà énuméré les éléments qui précèdent dans le cadre de la fixation de la peine de six ans de peine privative de liberté qu'il a prononcée, laquelle était partiellement complémentaire à la peine de 8 mois prononcée le 12 avril 2007 en raison de diverses infractions à la législation routière. Depuis lors, le prévenu n'a pas commis de nouveaux actes analogues. Les faits sont relativement anciens. Enfin, l'infraction de calomnie est écartée (cf. c. 5 supra), ce qui a pour conséquence que la peine à prononcer sera entièrement complémentaire à celle prononcée le 12 avril 2007, la nouvelle condamnation portant exclusivement sur des faits antérieurs à cette date. Il n'y a en revanche pas lieu d'accorder un poids significatif à l'absence d'antécédents invoquée par l'appelant, dans la mesure où ce dernier a été condamné en 2004 à 4 mois d'emprisonnement pour diverses infractions à la circulation routière et où, de toute manière, cet élément n'a en principe qu'un effet neutre sur la fixation de la peine et n'a donc pas de portée atténuante (ATF 136 IV 1 c. 2.6.4). Au vu de ce qui précède, la peine globale hypothétique devrait être fixée à 6 ans. La peine prononcée le 12 avril 2007 étant de 8 mois de privation de liberté, la peine complémentaire sera arrêtée à 5 ans et 4 mois de peine privative de liberté.
7.
Même si elle est formellement contestée, la mesure thérapeutique prononcée ne fait l'objet d'aucun grief spécifique. La Cour de céans constate qu’elle est justifiée au vu des conclusions de l'expertise mise en œuvre et renvoie pour le surplus aux motifs du jugement attaqué, qui sont convaincants (cf. jugement attaqué, p. 44).
8.
Enfin, il reste à examiner la question des conclusions civiles.
8.1
Selon l’art. 122 al. 1 CPP, en qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l’infraction par adhésion à la procédure pénale. D’après l’art. 123 al. 1 CPP, dans la mesure du possible, la partie plaignante chiffre ses conclusions civiles dans sa déclaration et les motive par écrit; elle cite les moyens de preuves qu’elle entend invoquer. Le tribunal statue également sur les conclusions civiles présentées lorsqu’il rend un verdict de culpabilité à l’encontre du prévenu (art. 126 al. 1 let. a CPP).
Aux termes de l'art. 49 CO, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. En raison de sa nature, l’indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage ne pouvant que difficilement être réduit à une simple somme d’argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites; l’indemnité allouée doit toutefois être équitable. Le juge en proportionnera donc le montant à la gravité de l’atteinte subie et évitera que la somme accordée n’apparaisse dérisoire à la victime (ATF 125 III 269 c. 2a; ATF 118 II 410 c. 2a).
Toute comparaison avec d'autres affaires doit intervenir avec prudence, puisque le tort moral touche aux sentiments d'une personne déterminée dans une situation donnée et que chacun réagit différemment face au malheur qui le frappe. Cela étant, une comparaison n'est pas dépourvue d'intérêt et peut être, suivant les circonstances, un élément utile d'orientation (ATF 138 III 337 c. 6.3.3).
8.2
En l'espèce, l'appelant conteste tout d'abord la quotité, 50'000 fr., de la réparation morale que le Tribunal correctionnel a allouée à B.D._. Il soutient que le montant maximal envisageable ne saurait dépasser 20'000 francs.
Les faits commis par l'appelant au préjudice de B.D._ sont très graves. S'étendant sur plusieurs années, ils ont souillé et dévalorisé la jeune victime, qui s'est retrouvée enfermée dans son silence, dont elle n'a pu se libérer que bien des années après les faits. Celle-ci a de toute évidence intensément souffert des abus perpétrés et en sera marquée à vie. La souffrance et son traumatisme, réactivés à l’adolescence, sont clairement perceptibles. Pour ces motifs, la réparation morale doit être élevée.
Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de relever que les montants alloués pour tort moral en cas de viol entre 1990 et 1995 se situaient généralement entre 10'000 et 15'000 fr. et s'élevaient exceptionnellement à 20'000 fr. (ATF 129 III 269 c. 2a). Une réparation plus importante est désormais accordée. Depuis 1998, des montants de 15'000 à 20'000 fr. ont régulièrement été octroyés en cas de viol et d'actes d'ordre sexuel, et parfois davantage encore (TF 6P_1/2007 et 6S_12/2007 du 30 mars 2007 et les références citées). La Cour de céans estime que la présente cause se distingue de l'espèce de l'arrêt auquel se réfère l'appelant (TF 6B_970/2013 du 24 juin 2014), par le fait que dans la présente cause les sévices sont plus importants et s'étendent sur une période plus longue – quelques années au lieu de quelques mois. En revanche, il est vrai qu'en comparaison de l'arrêt cité par le Tribunal correctionnel (TF 6B_646/2008 du 23 avril 2009), où des indemnités de 50'000 fr. avaient été allouées pour des faits multiples sur une période de temps encore plus importante, les crimes de la présente cause, même si leur gravité et la souffrance qu'ils ont engendrée ont déjà été soulignées, justifient l'allocation une réparation morale quelque peu inférieure, laquelle sera en définitive arrêtée à 40'000 francs.
8.3
En ce qui concerne l'indemnité symbolique allouée à L._, elle doit être confirmée en dépit de l'acquittement prononcé pour l'infraction de calomnie, le comportement de l'appelant étant en effet constitutif d'une atteinte illicite à la personnalité au sens de l'art. 28 CC (Code civil suisse du 10 décembre 1907; RS 210).
9.
L'acquittement partiel prononcé n'a pas d'incidence sur la répartition des frais de la procédure de première instance, qui demeurent à charge de l'appelant. L'abandon de l'infraction de viol correspond en effet à une requalification de certains des actes, qui restent pénalement répréhensibles, tandis qu'il faut considérer que l'appelant a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure s'agissant de l'accusation de calomnie (cf. art. 426 al. 2 CPP et c. 8.3 supra).
10.
En définitive, l'appel doit être partiellement admis et
le jugement entrepris réformé dans le sens des considérants qui précèdent.
L'indemnité de défenseur d'office allouée à l'avocat Léonard Bruchez pour la procédure d'appel sera arrêtée à 3'553 fr. 20, débours et TVA compris, en retenant 16 heures de travail d'avocat, 3 vacations et des débours forfaitaires par 50 francs.
L'indemnité de conseil d'office allouée à l'avocate Flore Primault pour la procédure d'appel sera arrêtée à 1'252 fr. 80 sur la base de la liste d'opérations produite à l'audience d'appel, d’une durée inférieure d'une heure à celle indiquée dans la liste produite.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, par 7'956 fr., constitués de l'émolument de jugement, par 3'150 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), de l'indemnité de défenseur d'office, par 3'553 fr. 20, et de l'indemnité de conseil d'office, par 1'252 fr. 80, doivent être mis par trois quarts, soit 5'967 fr., à la charge de l'appelant, qui succombe sur l'essentiel des conclusions prises en appel (art. 428 al. 1 CPP), le solde étant laissé à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP).
L'appelant ne sera tenu de rembourser à l’Etat la part mise à sa charge des indemnités en faveur de son défenseur d’office et du conseil d’office que lorsque sa situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
67829081-b96c-497d-a7cd-0b22b1451d84 | En fait :
1.
W._, né en [...], a obtenu le brevet d'avocat [...] en 1991. Il est inscrit au registre cantonal des avocats vaudois depuis [...] sans avoir fait l'objet d'une sanction ou d'une mesure disciplinaire.
2.
a)
Me W._ est le conseil d’A._. Celle-ci a suivi un traitement à la Clinique H._ à [...] du 15 février au 14 mars 2011 pour des troubles au coude droit consécutifs à un accident survenu le [...] 2008.
Le 13 avril 2011, les Drs V._ et N._, respectivement médecin adjoint et médecin assistante auprès de la Clinique romande de réadaptation, ont rédigé à l'attention du médecin de la M._ un rapport sur le séjour d'A._ en se basant sur plusieurs rapports des spécialistes du centre. Les médecins précités ont posé un diagnostic principal de "thérapies physiques et fonctionnelles pour douleurs persistantes du coude droit" ainsi que différents diagnostics supplémentaires, parmi lesquels celui d’éthylisme actif. Dans la partie "appréciation et discussion" de leur rapport, les Drs V._ et N._ ont précisé qu'à son arrivée, la patiente transmettait "une augmentation de la consommation d’alcool, durant les six derniers mois, arrivant à une bouteille (750 ml) de vin rouge ou de vodka tous les soirs, dans le but de se détendre". Il est également précisé qu'un bilan de laboratoire réalisé le 16 février 2011 a mis en évidence "un bilan hépatique perturbé et des taux de glucose à jeun légèrement élevés, chez cette patiente aux antécédents d'une augmentation de la consommation d'alcool durant les six derniers mois".
Par courrier du 12 mai 2011, Me W._ a informé la Clinique H._ que sa cliente avait été choquée par les indications du rapport ayant trait à l'"éthylisme actif" et à la "consommation d'alcool", lesquelles ne correspondaient pas à la réalité. Me W._ a requis la suppression de ces passages dans un délai au 26 mai 2011, à défaut de quoi il se verrait "dans l’obligation de déposer une plainte pénale, vu le caractère gravement attentatoire à la personnalité de Mme A._ de ces indications erronées".
Le 17 mai 2011, O._ et C._, respectivement chef de division et avocat auprès de la M._, ont requis de Me W._ la confirmation qu’il retirait les exigences formulées dans son courrier du 12 mai précédent.
Par lettre du 19 mai 2011, Me W._ a refusé de retirer sa requête du 12 courant. Il a précisé que, vu la gravité des indications contestées et des conséquences que celles-ci pouvaient avoir, il procédait à un complément d'instruction et que, si le caractère erroné de ces indications devait être confirmé, "il se verrait dans l’obligation de déposer une plainte pénale, vu le caractère gravement attentatoire à la personnalité de Mme A._ de ces indications".
Le 30 mai 2011, Me W._ a informé la M._ qu'il avait procédé à une instruction complémentaire selon laquelle les indications litigieuses étaient erronées. Me W._ a dès lors demandé une nouvelle fois à ce que les passages contestés du rapport du 13 avril 2011 soient retirés, à défaut de quoi il déposerait plainte pénale pour sa cliente.
b)
Le 14 juin 2011, agissant au nom et pour le compte d’A._, Me W._ a déposé plainte pénale auprès du Ministère public du canton du Valais contre la Clinique H._ et les personnes impliquées en raison de "rapports erronés attentatoires à la personnalité" de sa mandante. A cet égard, Me W._ s'est référé non seulement au rapport du 13 avril 2011, mais également à d'autres documents médicaux de la Clinique, en particulier une anamnèse infirmière et une anamnèse médicale.
Le 29 août suivant, les Drs V._ et N._, ainsi que la M._, ont déposé plainte pénale contre Me W._ pour contrainte.
Le 20 octobre 2011, Me W._ a réagi en déposant plainte pénale contre Me F._, les Drs N._ et V._, ainsi que contre MM. O._ et C._ pour dénonciation calomnieuse.
Par décision du 10 janvier 2012, le Département fédéral de justice et police a refusé l’autorisation de poursuivre les Drs V._ et N._ ainsi que les autres personnes de la M._. Il a notamment relevé que l'indication d'éthylisme dans le rapport du 13 avril 2011 n'était pas isolée et le fait d'un seul médecin, mais qu'elle apparaissait dans divers rapports successifs établis par des personnes distinctes et dans le cadre de démarches différentes les unes des autres. Elle provenait en outre d'une part des déclarations de la patiente échelonnées dans le temps et d'autre part de tests de laboratoire dont les résultats mettaient en évidence des indicateurs objectifs d'une consommation excessive d'alcool. Suite à cette décision, la première plainte a été classée.
3.
Par lettre du 17 août 2012, le Procureur général du Canton de Vaud a informé le Président de la Chambre des avocats qu'une procédure pénale avait été ouverte contre l'avocat W._, sur plainte de V._ et N._, pour contrainte.
Le 9 octobre 2012, le Président a ouvert une enquête disciplinaire à l'encontre de Me W._, après avoir pris connaissance du dossier pénal. Il a confié l'instruction préliminaire et la tentative de conciliation de l'art. 54 al. 1
er
LPAv à Me Philippe-Edouard Journot.
Entendu par le membre instructeur le 7 novembre 2012, Me W._ a expliqué avoir agi pour le compte de sa cliente. Suite au dépôt du rapport litigieux, celle-ci souhaitait déposer une plainte pénale. Me W._ l'en a toutefois dissuadée en lui proposant d'écrire à la M._ pour lui demander de corriger le rapport, ce que sa cliente a accepté. S'agissant de la plainte pénale qu'il a déposée contre Me F._ pour diffamation, Me W._ a indiqué avoir agi ainsi car il estimait que la plainte déposée contre lui par les Drs V._ et N._ était le fait de Me F._.
Me F._ a pour sa part été entendu le 30 novembre 2012. Il a estimé qu'il n'était pas partie à la procédure pénale qui justifiait l'intervention de la Chambre des avocats. Il a expliqué qu'avant de déposer pour ses clients la plainte pénale du 29 août 2011, il avait requis les bons offices du Bâtonnier de l'ordre des avocats vaudois et tenté, avec l'aide de celui-ci, de faire comprendre à Me W._ que la méthode utilisée et les courriers adressés aux Drs N._ et V._ et à la M._ étaient largement constitutifs d'une tentative de contrainte, respectivement d'un délit manqué de contrainte. Me W._, qui paraissait avoir compris, avait finalement répondu par courrier du 9 août 2011 qu'il n'entendait pas retirer la plainte déjà déposée.
Le membre instructeur a tenté la conciliation entre Me W._ et Me F._, pour ses clients, le 19 décembre 2012. La séance a toutefois été suspendue par les parties en vue de tenter de trouver une solution transactionnelle à leur litige.
Me W._ a retiré la plainte déposée contre Me F._ et consorts. Par ailleurs, le 11 avril 2013, il a signé une convention avec la M._, les Drs V._ et N._, O._, C._ et Me F._, par laquelle il a formulé ses excuses envers les personnes concernées, s'est engagé à leur verser 15'000 fr. à titre de contribution à leurs frais d'avocat et à prendre à sa charge les frais de justice occasionnés par ses plaintes pénales. Pour le surplus, la M._, les Drs V._ et N._ et M. O._ ont déclaré retirer la plainte pénale déposée contre Me W._ pour contrainte.
Par ordonnance du 18 juin 2013, le Ministère public central a ordonné le classement de la procédure pénale dirigée contre Me W._ pour contrainte et mis les frais de la procédure, par 1'725 fr., à sa charge, dès lors que le comportement dénoncé était illicite et fautif et qu'il avait provoqué l'ouverture de la procédure pénale.
Par décision du 3 septembre 2013, le Président de la Chambre a renvoyé Me W._ devant la Chambre des avocats en application de l'art. 54 al. 2 LPAv.
Me W._ a déposé des déterminations le 8 octobre 2013 et a renoncé à être entendu par la Chambre des avocats. En substance, Me W._ fait valoir qu'il a toujours cru agir en conformité avec la loi et la jurisprudence et qu'il n'avait aucune intention délictueuse. Il estime que si les procureurs valaisan et vaudois n'ont pas réagi au moment du dépôt des plaintes, c'est qu'il ne leur est pas apparu que sa pratique posait problème, sans quoi ils l'auraient interpellé. Me W._ se prévaut également d'avoir agi avec l'accord du Bâtonnier de l'ordre des avocats valaisans, saisi en vue de trouver une solution transactionnelle. Il indique que ce n'est qu'après avoir consulté Me Burnand, alors que le procureur vaudois avait décidé sa mise en accusation pour tentative de contrainte, qu'il a compris avoir fait une mauvaise appréciation de la cause. Il a alors tout fait pour réparer son erreur, soit retirer sa plainte pénale pour diffamation, présenter ses excuses aux personnes concernées, verser la somme de 15'000 fr. à la M._ et s'engager à prendre en charge tous les frais de procédure. Enfin, Me W._ se prévaut de son inexpérience en droit pénal et conclut à ce qu'il soit renoncé à prononcer une sanction à son égard. | En droit :
I.
a)
La procédure de surveillance des avocats relève de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats (RS 935.61; ci-après: LLCA) et de la loi vaudoise du 24 septembre 2002 sur la profession d'avocat (RSV 177.11; ci-après: LPAv). A teneur de l'art. 10 LPAv, la Chambre des avocats se saisit d'office, sur plainte ou sur dénonciation, de toute question concernant l'activité professionnelle d'un avocat.
b)
La LLCA a harmonisé au plan fédéral les règles professionnelles les plus importantes figurant dans les législations cantonales. Les règles déontologiques conservent toutefois une portée juridique, dans la mesure où elles peuvent servir à interpréter et à préciser les règles professionnelles (Message du Conseil fédéral du 28 avril 1999 concernant la loi fédérale sur la libre circulation des avocats, in FF 1999 VI p. 5355, spéc. p. 5368). L'article 12 LLCA comporte ainsi un catalogue exhaustif de règles professionnelles auxquelles l'avocat doit se soumettre (ATF 129 II 297, c. 1.1; Message, pp. 5372 et 5373).
II.
a)
La clause générale de l'art. 12 let. a LLCA dispose que l'avocat "exerce sa profession avec soin et diligence". Elle permet d'exiger de l'avocat qu'il se comporte correctement dans l'exercice de sa profession afin de préserver la confiance du public (FF 1999 p. 5331, spéc. p. 5368). Il doit, de manière toute générale, assurer et maintenir la dignité de la profession, en s’abstenant notamment de tout ce qui pourrait porter atteinte à la considération et à la confiance dont il doit jouir pour remplir sa mission (TF 2A.151/2003 du 31 juillet 2003; ATF 108 Ia 316 c. 2b/bb, JT 1984 I 183 ; ATF 106 Ia 100 c. 6b, JT 1982 I 579).
Selon la jurisprudence, l’avocat doit observer certaines règles non seulement dans ses rapports avec ses clients, mais aussi à l’égard des autorités, de ses confrères et du public en général (ATF 130 II 270 c. 3.2; TF 2C_177/2007 du 19 octobre 2007 c. 5.1; TF 2A.191/2003 du 22 janvier 2004, confirmé in TF 2A.448/2003 du 3 août 2004), voire avec la partie adverse (TF 2A.191/2003 précité; Bohnet/Martenet, Droit de la profession d'avocat, Berne 2009, n. 1161 p. 500).
Si l'avocat doit régler son activité non pas en fonction de l'intérêt de l'état mais de celui de son client, il doit à cet effet user des moyens légaux à sa disposition. La confiance placée en la profession et en l'administration de la justice l'impose. L'avocat ne peut assurer la défense des intérêts de son client à n'importe quel prix et par n'importe quels moyens (Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1234 p. 524). L'avocat viole notamment son devoir de diligence s'il se sert de moyens juridiques pour exercer des pressions (Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1257 p. 531). Des menaces de sanctions pénales non fondées dirigées contre la partie adverse violent l'obligation générale de soin et diligence, dès lors qu'aux yeux du public, les propos tenus par un avocat revêtent une certaine autorité et sont à première vue pris au sérieux (Valticos, Commentaire romand, Règles professionnelles et surveillance disciplinaire, n. 65 p. 104). Dans ses relations avec la partie adverse, l'avocat doit ainsi éviter les critiques qu'il sait infondées ou inutiles pour la cause et tout comportement susceptible d'être qualifié notamment de menace ou de contrainte. Il doit garder un ton modéré. Quant aux rapports avec ses confrères, l'art. 12 let. a LLCA ne sanctionne que les manquements graves, à savoir la mise en cause d’un confrère consistant à lui reprocher des actes de diffamation ou de calomnie ou tout autre comportement répréhensible, ou encore les critiques manifestement infondées (Bohnet/Martenet, op. cit., nn. 1282 p. 539 et 1288 p. 540).
b)
En l’espèce, Me W._ a mis en doute la teneur d'un rapport médical concernant sa cliente, soit le diagnostic d'éthylisme actif et les propos rapportés par la patiente à ses médecins sur sa consommation d'alcool. En sa qualité de mandataire professionnel, Me W._ était autorisé à contester les propos tenus par sa cliente, à requérir des précisions sur le rapport et sur les éléments ayant amené aux conclusions litigieuses, voire à requérir un complément d'"expertise" sur la question. Il n'était en revanche pas légitimé, en sa qualité d'avocat soumis à une obligation de diligence, à exiger le retrait de passages contestés sous la menace d'une plainte pénale. La démarche était non seulement inadéquate mais également injustifiée.
Le Département fédéral de justice et police a relevé, dans sa décision du 10 janvier 2012, que l'indication d'éthylisme n'était pas isolée et le fait d'un seul médecin, mais qu'elle apparaissait dans divers rapports successifs établis par des personnes distinctes et dans le cadre de démarches différentes les unes des autres. Elle provenait en outre d'une part des déclarations de la patiente et, d'autre part, de tests de laboratoire dont les résultats mettaient en évidence des indicateurs objectifs d'une consommation excessive d'alcool. Me W._ lui-même s'est référé dans sa plainte pénale du 14 juin 2011 à plusieurs documents attestant de problèmes d'alcool de sa cliente. Les passages contestés du rapport du 13 avril 2011, s'ils ont offensé la cliente de Me W._, ne paraissaient ainsi pas résulter de la seule appréciation des Drs V._ et N._ ou d'une erreur sur la personne. Ils n'étaient en outre pas formulés de manière blessante et hors contexte. Il appartenait dès lors à Me W._ d'interpeller les auteurs du rapport pour obtenir des précisions sur les éléments ayant permis d'aboutir aux conclusions litigieuses. En aucun cas Me W._ ne pouvait exiger la suppression d'appréciations médicales en menaçant leurs auteurs de les poursuivre pénalement pour diffamation s'ils n'obtempéraient pas. Cela constituait un moyen de pression inadmissible et la démarche est ainsi contraire au devoir de diligence de l'avocat.
Le dépôt de la plainte pénale pour diffamation l'est également, dès lors qu'elle est manifestement abusive. Par sa plainte, Me W._ a mis en cause les médecins qui n'ont pas supprimé les passages contestés pour avoir "accusé sa cliente ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération" (art. 173 CP). Au vu du rapport d'expertise et des éléments ayant conduit au diagnostic posé, il paraît toutefois évident que la plainte ne pouvait aboutir. Il convient d'ailleurs de relever que Me W._ a, dans un premier temps, dissuadé sa cliente de déposer plainte pénale contre les Drs V._ et N._, avant de le faire lui-même, n'ayant pu obtenir le retrait des passages jugés attentatoires à l'honneur de sa cliente.
Me F._, pour ses clients accusés de contrainte, a tenté d'agir auprès du Bâtonnier de l'ordre des avocats pour faire entendre à Me W._ que son comportement n'était pas adéquat. Celui-ci a toutefois refusé de retirer sa plainte, ce qui a provoqué de la part des Drs V._ et N._, ainsi que de la M._, le dépôt d'une plainte pénale contre l'intéressé pour contrainte. Me W._ a réagi en déposant plainte pénale non seulement contre les Drs N._ et V._, ainsi que contre MM. O._ et C._ pour dénonciation calomnieuse, mais également contre Me F._. Cette nouvelle plainte pénale, dirigée contre un confrère personnellement, est inacceptable: Me W._ met gravement en cause un confrère en l'accusant d'avoir eu un comportement pénalement répréhensible. Le procédé amène en outre à une escalade du conflit initial, ce qui est de nature à nuire au fonctionnement de la justice et à porter atteinte à la considération et à la confiance placées en la profession d'avocat.
Au vu de ce qui précède, Me W._ a clairement violé son obligation d’exercer sa profession avec soin et diligence découlant de l’art. 12 let. a LLCA.
c)
Dans ses déterminations du 8 octobre 2013, Me W._ ne paraît d'ailleurs plus contester avoir procédé contrairement à son devoir de diligence. Il invoque toutefois avoir cru agir en conformité avec la loi et n'avoir eu aucune intention délictueuse. Il se prévaut de l'absence de réaction à ses agissements des procureurs valaisan et vaudois et du Bâtonnier de l'ordre des avocats valaisans. Il invoque également son inexpérience en matière pénale.
L'avocat est soumis à des règles professionnelles, dont celle d'exercer sa profession avec soin et diligence. Chaque avocat doit se comporter correctement dans l'exercice de sa profession sans attendre d'autres intervenants du monde judiciaire qu'ils l'interpellent lorsque son comportement ne paraît pas adéquat. Par ailleurs, alors même que Me W._ se prévaut du fait que le Bâtonnier de l'ordre des avocats valaisans ne l'aurait pas informé que sa pratique posait problème, une "conciliation" tentée par Me F._ auprès du Bâtonnier de l'ordre des avocats vaudois ne l'a pas encouragé à retirer sa première plainte pénale, ni empêché d'en déposer une deuxième contre Me F._. Enfin, un avocat ne saurait se prévaloir de son inexpérience en droit pénal pour excuser un comportement relevant lui-même de la contrainte. Il appartient à chaque avocat, même en dehors de toute intention délictueuse, de veiller à maintenir un comportement en conformité avec la loi d'une part, avec ses obligations de mandataire professionnel d'autre part.
Me W._ doit donc être sanctionné sur le plan disciplinaire.
III.
a)
L'article 17 LLCA permet de prononcer, en cas de violation de la loi, l'avertissement, le blâme, une amende de 20'000 fr. au plus, l'interdiction de pratiquer pour une durée maximale de deux ans ou l'interdiction définitive de pratiquer.
Le droit disciplinaire est soumis au principe de proportionnalité (ATF 108 Ia 230, JT 1984 I 21 ; Bohnet/Martenet, op. cit., n. 2178 p. 888 et les références citées; Montani/Barde, La jurisprudence du Tribunal administratif relative au droit disciplinaire, in RDAF 1996 p. 345, spéc. p. 347, pp. 363 ss ; Grisel, Traité de droit administratif, vol. I, p. 354 ; Muller, Le principe de la proportionnalité, in RDS 1978 II 197, spéc. p. 229) et à celui de l’opportunité (Montani/Barde, ibid.). La mesure prononcée doit tenir compte, de manière appropriée, de la nature et de la gravité de la violation des règles professionnelles. Elle doit se limiter à ce qui est nécessaire pour garantir la protection des justiciables et empêcher les atteintes au bon fonctionnement de l'administration de la justice. Il y a lieu de déterminer le but que la sanction disciplinaire doit atteindre dans le cas particulier et de choisir la mesure qui est apte, nécessaire et proportionnée à cette fin (Bohnet/Martenet, op. cit., nn. 2183-2184 p. 890).
La règle de la proportionnalité met ainsi en balance la gravité des effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public. L'autorité tiendra compte d'éléments objectifs, soit de l'atteinte portée à l'intérêt public, et de facteurs subjectifs, comme par exemple des motifs qui ont conduit l'intéressé à violer ses obligations (Montani/Barde, op. cit., pp. 349-350). La sanction disciplinaire vise d’abord à amener l’avocat en cause à avoir à l’avenir un comportement conforme aux exigences de la profession (ATF 108 Ia 230, JT 1984 I 21).
b)
En l’espèce, Me W._ a failli à son devoir de diligence dans ses rapports avec les parties adverses, ainsi qu'avec son confrère. Son comportement était propre à entraver la confiance que le public doit avoir dans la profession d’avocat. Il revêt une certaine gravité, dans la mesure où les lettres écrites à la M._ et les deux plaintes déposées ne constituent pas un simple dérapage ou une maladresse, mais un moyen de pression inadmissible et répété. En effet, après le dépôt de la première plainte pénale et l'intervention du Bâtonnier de l'ordre des avocats vaudois pour tenter de faire entendre raison à Me W._, celui-ci a réitéré en déposant plainte pénale contre Me F._. Ce sont finalement les pourparlers transactionnels avec l'assistance d'un confrère qui lui auront montré ce que son comportement avait d'inacceptable.
Le but de l'amende est de conscientiser l'intéressé quant à ses obligations professionnelles. En l'espèce, on peut toutefois escompter que les conseils de son avocat en vue de la signature d'une convention et la présente procédure disciplinaire auront permis d'atteindre ce but. Il convient en outre de tenir compte du fait que Me W._ n'a jamais été condamné disciplinairement et qu'il a consenti un effort financier conséquent pour réparer le dommage qu'il a causé.
Les circonstances du cas particulier conduisent dès lors l'autorité de céans à préférer, après hésitation, le prononcé d'un blâme pour sanctionner le comportement fautif de l'avocat W._.
IV.
Les frais de la cause, comprenant un émolument ainsi que les frais d'enquête, par 494 fr., sont arrêtés à 800 francs. Ils sont mis à la charge de l’avocat W._ (art. 61 al. 1
er
LPAv). | Public | Public Administration | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_005 | VD | Région lémanique |
6787ac95-b78a-46b8-bdbc-1fe2620ce584 | En fait :
A.
Par jugement du 12 décembre 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté que F._ s’est rendu coupable d’infraction grave à la Loi fédérale sur les stupéfiants (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 5 ans sous déduction de 413 jours de détention déjà effectués, incluant 10 jours supplémentaires pour détention dans des conditions difficiles (II), a ordonné son maintien en détention (III), a ordonné la confiscation et la destruction des objets séquestrés sous fiches n° 56935 et 56937 et le maintien au dossier des pièces à conviction inventoriées sous fiche n° 56938 (IV et V), a arrêté à 8'350 fr. TTC l’indemnité allouée à son défenseur d’office Me Ludovic Tirelli (VI) et a mis les frais de la cause, par 23'294 fr. 90, à la charge du prévenu, y compris l’indemnité allouée à son défenseur d’office, étant précisé qu’il sera tenu de rembourser celle-ci à l’Etat lorsque sa situation financière le permettra (VII).
B.
Par annonce du 19 décembre 2014 puis par déclaration motivée du 26 janvier 2015, F._ a fait appel contre ce jugement en concluant, avec suite de frais et de dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est condamné à une peine privative de liberté compatible avec un sursis partiel et assortie d’un tel sursis, sous déduction de la détention avant jugement déjà subie, incluant 10 jours supplémentaires pour détention dans des conditions difficiles (III). A titre subsidiaire, il a conclu à l’annulation du jugement du 12 décembre 2014 et au renvoi de la cause à l’autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants (V). Il a requis des mesures d’instruction, lesquelles ont été rejetées par la direction de la procédure (P. 70).
Le 13 février 2015, le Ministère public a informé la Cour de céans qu’il s’en remettait à justice s’agissant de la recevabilité de l’appel et qu’il n’entendait pas déposer d’appel joint.
L’appelant a réitéré ses réquisitions de preuves lors de l’audience d’appel. La Cour de céans les a rejetées séance tenante en précisant que les motifs de ce rejet seraient exposés dans le jugement au fond.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Le prévenu F._, ressortissant belge, est né le [...] à Conakry en Guinée. Deuxième d’une fratrie de trois, il a été élevé par ses parents dans ce pays où il a suivi sa scolarité obligatoire jusqu’en sixième année. Il y aurait été incarcéré à la suite d’une manifestation politique et se serait évadé de prison grâce à l’aide de la mère de l’un de ses amis. Il aurait ensuite pris un vol pour la Belgique où il a demandé l’asile en 2008. Il a obtenu le passeport belge en 2013. Il est célibataire et cuisinier de formation. Il dit toucher 805 € par mois de l’aide sociale pour son travail et payer 380 € de loyer.
Son casier judiciaire suisse est vierge.
F._ est détenu depuis le 5 novembre 2013 et exécute actuellement sa peine de façon anticipée à la Prison de la Croisée à Orbe.
2.
2.1
Entre le mois de mai 2013 à tout le moins et le 5 novembre 2013, date de son appréhension, F._ s’est livré en Suisse à un important trafic de cocaïne. Son activité délictueuse, dont l’ampleur exacte n’a pas pu être déterminée, consistait à transporter depuis l’étranger de la cocaïne dans un sac de voyage, dans des bouteilles de shampoing ou dans son rectum, à raison d’environ 250 grammes à 300 grammes par transport puis, après avoir préalablement conditionné la drogue, à fournir des revendeurs dans diverses villes de Suisse, principalement à Lausanne. F._ n’avait ainsi en principe pas de contact avec les clients toxicomanes, sauf dans des cas exceptionnels.
2.2
Entre le mois de septembre 2013 et la fin du mois d’octobre 2013, F._ a transporté en Suisse entre 500 et 900 grammes de cocaïne, drogue destinée à la vente (PV d’audition 6 ; P. 31 et 40).
2.3
Entre le mois de septembre 2013 et la fin du mois d’octobre 2013, F._ a vendu entre 60 et 75 grammes de cocaïne, pour une somme comprise entre 3'000 fr. et 3'750 fr., à G._, qui a mis en cause F._ comme étant l’un de ses fournisseurs. A cet égard, il sied de relever que les mesures de surveillance rétroactives de la correspondance par poste et télécommunication entreprises parallèlement dans le cadre de la présente cause et dans celle diligentée contre G._, ont mis en évidence un nombre important de connexions téléphoniques entre les deux hommes. En outre, la perquisition effectuée au domicile de G._ a permis de saisir 254 grammes bruts de cocaïne dont 214,2 grammes étaient la propriété de F._ (PV d’audition 3 et 6 ; P. 12, 31 et 40).
2.4
Entre le mois de mai 2013 et la fin du mois d’octobre 2013, F._ a revendu 4 grammes de cocaïne, pour la somme totale de CHF 440.-, à des toxicomanes, dont :
- trois boulettes de cocaïne à 0,8 grammes l’unité, pour la somme totale
de CHF 240.-, à Jorge [...].
- deux parachutes de cocaïne de 0,8 grammes chacun, pour la somme totale de CHF 200.-, à [...] (PV d’audition 9 et 10 ; P. 31).
2.5
Le 5 novembre 2013, dans le TGV en provenance de Paris, F._ a été trouvé porteur de 33 « fingers » représentant un poids de 331.65 grammes nets de cocaïne, dissimulés dans un flacon de shampoing. L’analyse de cette saisie a permis d’établir que la cocaïne présentait un taux de pureté moyen de 46.6 %. La quantité de drogue saisie correspond ainsi à une masse de cocaïne pure de 150.1 grammes nets (P. 4, 15, 18 à 19, 31 et 40). | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délai légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de F._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
3.1
Au titre de mesures d’instruction, l’appelant requiert en premier lieu la réaudition de G._. Il soutient que les circonstances de l’audition du prénommé auraient empêché celui-ci de faire une déposition complète et, d’autre part, qu’il aurait été entendu trop rapidement, l’audience ayant duré une heure tout compris et ayant été menée à une cadence expéditive.
En l’espèce, le Cour constate certes que le rythme de l’audience a été rapide, mais qu’il n’en résulte pas pour autant que la défense aurait été brimée dans son droit d’être entendue et de poser des questions au témoin. Quant au caractère prétendument incomplet des dépositions résultant du refus du témoin de signer, la défense n’a pas soulevé d’incident, ni requis de rectification au sens de l’art. 79 al. 2 CPP, le jugement faisant ainsi foi lorsqu’il indique que le Tribunal n’a pas bien compris les motifs de ce refus, ce qui justifiait de ne pas les indiquer (art. 76 al. 3 CPP).
Partant, la répétition de cette preuve n’est justifiée ni par une violation des dispositions en matière de preuves, ni par une administration incomplète des preuves (art. 389 al. 2 let. 1 et b).
3.2
Ensuite, l’appelant requiert la production au dossier des conversations téléphoniques enregistrées en cours de détention entre lui-même et G._, dans le but de prouver que la rétractation de ce témoin ne résulte pas de ces échanges, soit de pressions par interlocutrice interposée, parce que le jugement mentionne que l’amie de l’appelant a eu des contacts avec G._.
Les communications entre détenus des prisons vaudoises peuvent emprunter d’autres canaux que des conversations téléphoniques avec leur femme ou sœur, notamment lors d’un transfert d’un codétenu chargé d’un message, d’une communication transmise par un codétenu à un tiers, de la correspondance, d’une visite de proches ou encore au moyen de téléphones portables clandestins.
En l’espèce, il n’était toutefois nul besoin d’emprunter l’un de ces vecteurs tortueux, le prévenu et le témoin étant tous deux détenus dans le même site carcéral, soit à la Prison de la Croisée, ce qui était de nature à favoriser des échanges directs en vue de l’audience. De toute manière, le tribunal n’a pas retenu que la rétractation avait été le fruit de pressions véhiculées par un tiers. Il a écarté la rétractation notamment au profit des dépositions d’enquête, en raison des éléments matériels au dossier et du caractère détaillé des mises en cause.
Partant, en application de l’art. 389 al. 3 CPP, il ne se justifie pas d’administrer cette preuve complémentaire.
4.
L’appelant se plaint d’une appréciation arbitraire des preuves.
4.1
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, également garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a ; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes ; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 la 31 c. 2c ; TF 6B_831/2009 précité, c. 2.2.2).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
4.2
4.2.1
L’appelant conteste la quantité totale de drogue retenue par les juges de première instance, sur la base des mises en cause de G._, et soutient que la rétractation de celui-ci est conforme à la vérité.
4.2.2
Pour retenir que l’appelant avait importé 500 à 900 grammes de cocaïne durant la période de septembre et octobre 2013, les premiers juges se sont fondés sur les déclarations de G._.
Il ressort ainsi des auditions de ce dernier que F._ a effectué des allers-retours entre Bruxelles et Payerne à 2 ou 3 reprises assurant ainsi le transport, à chaque fois, de 250 grammes à 300 grammes de cocaïne (PV aud. 6, p. 3 R 6). G._ a également donné des détails notamment sur le logement qu’il partageait avec l’appelant, les cachettes utilisées lors des transports et les quelques ventes à des toxicomanes effectuées directement par l’appelant en son absence (PV aud. 3, p. 7 R 18).
Ces déclarations détaillées sont crédibles, en particulier parce qu’elles sont corroborées par les contrôles rétroactifs téléphoniques qui établissent, d’une part, la cohabitation et la collaboration de F._ et de G._ dans le trafic de stupéfiants, et, d’autre part, les voyages à l’étranger de l’appelant, au demeurant partiellement avoués, et ses déplacements dans diverses localités romandes (P. 31, p. 9).
Alors qu’il ignorait l’arrestation de F._, G._ a en outre spontanément révélé de quelle manière l’appelant transportait la drogue, soit dans un sac de voyage, dans des bouteilles de shampoing ou dans son rectum. L’utilisation vérifiée de bouteilles de shampoing par F._ pour transporter la drogue sans éveiller les soupçons accrédite encore l’authenticité des déclarations de G._. A cela s’ajoutent encore les témoignages de [...] et [...], qui ont expliqué que le petit frère de G._, venant de Belgique, leur livrait parfois de la cocaïne (PV aud. 9, p. 2 et 3 et PV aud. 10, p. 3); or c’est précisément en invoquant ce faux lien de famille que G._ avait présenté l’appelant à son entourage et au bailleur (PV aud. 3, p. 7). Enfin, les témoins précités ont formellement reconnu F._ sur les planches photographiques qui leurs ont été présentées lors de leurs auditions.
La fréquence des importations de drogue et leur volume peuvent aussi être évaluées en se fondant sur le volume de drogue de 254 grammes apportés par F._ et trouvés au domicile de G._ le 20 novembre 2013 (P. 40) et le volume de 330 grammes du flagrant délit du 5 novembre 2013, et sur les trois voyages et séjours à Bruxelles à cette période, établis par l’analyse rétroactive d’un numéro de téléphone et admis par l’intéressé (P. 31, p. 4).
4.2.3
Les critiques de l’appelant à l’égard des dépositions de G._, ne sont pas pertinentes.
En premier lieu, G._ a vu, dans leur logement commun, F._ extraire la drogue des caches qui la dissimulaient durant le transport, la stocker et la conditionner, il n’y a dès lors aucune contradiction entre ces constatations et la difficulté à évoquer la drogue amenée par un autre trafiquant, « [...]», qui procédait différemment. De même, le fait que l’appelant explique qu’il connaît G._ depuis l’Afrique, alors que G._ dit ne pas le connaître depuis longtemps, n’est pas décisif.
Lors de son propre jugement le 12 novembre 2014 (P. 60), G._ a certes dit que toute la cocaïne trouvée chez lui était la sienne, mais outre qu’une pareille quantité à disposition n’est guère corroborée par le volume de son trafic de rue, il n’a pas renié le fait que F._ l’avait livrée et ses rectifications en audience peuvent parfaitement résulter de considérations tactiques ou de contacts entre les deux hommes, détenus dans le même établissement carcéral, soit dans une proximité facilitant la communication et amenant à fournir une version favorable de manière à éviter des reproches d’un codétenu ou des représailles.
L’appelant estime enfin que la quantité minimale de 500 grammes aurait dû être convertie en drogue pure et propose d’appliquer à cet égard le taux statistique moyen de 33.33 %. Le jugement attaqué indique toutefois clairement qu’il a pris en compte une quantité de drogue brute. S’agissant du taux, il convient de toute manière d’appliquer celui de 46.6 %, établi par la dernière livraison avant coupage en Suisse.
Enfin, contrairement à ce que soutient l’appelant, la rétractation de G._ n’est pas conforme à la vérité, tant elle est survenue tardivement, lors d’une confrontation, et tant le motif invoqué à son appui d’une vengeance à propos d’une femme est invraisemblable, les deux hommes étant toujours liés par sœur et amie interposée. Les rétroactifs téléphoniques ne permettent au demeurant pas de vérifier une interruption définitive des communications en raison d’une dispute. De plus, ignorant que F._ avait été arrêté, on voit mal comment G._ aurait pu se venger de lui par une dénonciation calomnieuse inefficace et incertaine au lieu de livrer des éléments permettant à coup sûr de le localiser et de le faire arrêter.
Partant, l’état de fait retenu par les premiers juges correspond à la réalité et ne prête pas le flanc à la critique.
5.
L’appelant fait ensuite grief aux premiers juges de le considérer comme haut placé dans la hiérarchie du trafic de stupéfiants.
5.1
S’agissant de la présomption d’innocence, il peut être renvoyé au considérant 4.1 ci-dessus.
5.2
Certes, avec l’appelant, force est de constater que l’instruction n’a pas permis d’établir de hiérarchie; toutefois G._ a décrit l’appelant comme un grossiste approvisionnant depuis l’étranger des revendeurs africains sévissant en Suisse. Ce rôle et cette fonction d’importateur ressortent clairement de l’enquête. Le prévenu disposait ainsi d’importantes quantités de drogue de bonne qualité. Il faisait des allées et venues entre la Suisse et l’étranger. Les contrôles effectués n’ont pas fait ressortir une activité de revendeur au détail, sauf à de rares exceptions, en remplacement, à Payerne. De même, il n’a pas été mis en évidence que le prévenu oeuvrait pour le compte d’autrui. Le fait que l’argent du commerce illicite n’ait pas été retrouvé et qu’il n’ait pas été déposé sur les comptes bancaires de l’appelant, qui percevait l’aide sociale belge, n’est évidemment pas pertinent.
L’appelant tente enfin de tirer argument de la différence des taux de pureté, soit environ 80 % s’agissant de la cocaïne saisie chez G._ et 46.6 % en ce qui concerne la cocaïne dissimulée dans le shampoing, pour en déduire que G._ jouait un rôle plus important que lui. Cela n’est pas décisif. En effet, F._ a très bien pu acquérir au gré des occasions et des transactions, de la marchandise de très haute pureté aussi bien que de la marchandise déjà partiellement coupée, mais susceptible de l’être encore davantage avant d’être consommée.
Mal fondé, ce grief doit être rejeté.
6.
L’appelant reproche aux premiers juges d’avoir violé l’art. 10 al. 3 CPP et l’art. 47 CP en fixant sa peine en se fondant notamment sur des éléments non établis, des approximations ou des soupçons.
6.1
Selon l’art. 10 al. 3 CPP, lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
Le principe in dubio pro reo consacré par cette disposition est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a).
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
6.2
En l’espèce, faute de collaboration de F._, il est exact que la totalité de son activité délictueuse n’a pas pu être établie. Il est également vrai que l’on ignore l’identité de ses clients, mise à part celle de G._. Il est toujours vrai que l’on ignore également les prix qu’il a pratiqués et le bénéfice qu’il a retiré de ses infractions. Mais le dossier a mis plusieurs éléments en évidence. S’agissant par exemple des caches utilisées, elles ressortent, d’une part, des déclarations de G._ et, d’autre part, du flagrant délit, principalement s’agissant des bouteilles de shampoing. S’agissant ensuite du volume de son trafic, il ne sera évidemment tenu compte que des quantités dûment prouvées et non de suppositions ou même de vraisemblances comme semble le soutenir l’appelant.
Il faut ainsi retenir :
-
150.1 grammes de cocaïne pure s’agissant de la prise en flagrant délit, soit 331.65 grammes au taux de 46.6 % ;
-
133.18 grammes de cocaïne pure correspondant au solde des importations brutes de 500 grammes après déduction du volume brut saisi chez G._, soit 285.8 grammes au taux de 46.6 % ;
-
124.6 grammes de cocaïne pure saisie au domicile de G._ (P. 40, p. 9 et 10).
C’est ainsi un total de 407.88 grammes de cocaïne pure qui doit être retenu à l’encontre de F._.
Au vu ce de qui précède, la culpabilité de F._ est lourde. La quantité de stupéfiants est importante et le trafic intense à un taux de pureté élevé, sur une courte période. Le mobile est exclusivement crapuleux et l’absence de scrupules manifeste dans la commercialisation d’un toxique hautement nuisible. On rappellera ici que l’appelant n’est pas lui-même toxicomane, que ses besoins vitaux étaient couverts par l’aide sociale belge. Ayant également la nationalité belge et étant pris en charge en vue d’acquérir une formation lui permettant de gagner sa vie, son statut et ses perspectives d’avenir étaient bien moins précaires que les conditions de vie de nombreux Africains venant de pays pauvres, requérants d’asile ou clandestins en Suisse ; il n’a en outre manifesté aucun regret sincère ni prise de conscience et n’a offert aucune collaboration. En effet, F._ n’a cessé de mentir tout au long de l’instruction. Il n’a jamais voulu reconnaître les faits, même ceux qui ne pouvaient à l’évidence pas être niés, démontrant ainsi une absence totale de prise de conscience du danger qu’il a causé. Enfin, son comportement en détention n’est pas exemplaire (P. 62).
Dès lors, la comparaison avec d’autres peines infligées dans le cadre d’infractions de ce type n’est pas pertinente contrairement à ce que soutient l’appelant en pages 14 et 15 de son appel.
Partant, les premiers juges se sont fondés sur des éléments de conviction établis au moment de la fixation de la peine, laquelle n’est à l’évidence pas arbitrairement sévère et doit être confirmée. Mal fondé, ce moyen doit être rejeté.
7.
En définitive, mal fondé, l’appel doit être rejeté et le jugement du 12 décembre 2014 confirmé.
Les frais d'appel seront mis à la charge de l’appelant, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument qui se monte à 1'830 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d'office (art. 422 al. 1 et 2 let. a CPP).
L’indemnité du défenseur d’office sera fixée à 3'369 fr. 60, débours et TVA compris, compte tenu d’une durée d’activité totale de seize heures à 180 fr. l’heure et de deux vacations à 120 francs.
L’appelant ne sera tenu de rembourser l’indemnité ci-dessus mise à sa charge que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
678d673d-97dd-496d-9f2a-493a4a2dabfa | En fait :
A.
Par jugement du 7 octobre 2014, le Tribunal criminel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a, notamment, libéré H._ des chefs d'accusation de vol, lésions corporelles simples qualifiées, contrainte et violation de domicile (II), a constaté que H._ s'était rendu coupable de tentative de lésions corporelles graves, abus de confiance, tentative d'extorsion et chantage qualifiés, escroquerie, tentative de contrainte, violation simple des règles de la circulation routière, conduite d'un véhicule défectueux, conduite d'un véhicule malgré le retrait du permis de conduire, accompagnement d'un élève-conducteur sans remplir les conditions exigées, défaut de restitution de plaques de contrôle retirées, délit contre la Loi fédérale sur la protection des eaux et délit contre la Loi fédérale sur les armes (III), a condamné H._ à une peine privative de liberté de 5 ans, sous déduction de 357 jours de détention préventive subie au jour du jugement (IV), a dit que cette peine était partiellement complémentaire à celles prononcées le 6 novembre 2006 par le Juge d'instruction I du Jura bernois-Seeland, le 18 février 2011 par la Cour d'appel pénale de Fribourg, et le 21 juin 2012 par l'Amtsgerichtspräsident Bucheggberg-Wasseramt (V), a ordonné le maintien en détention pour des motifs de sûreté de H._ (VI), a révoqué le sursis accordé à H._ le 18 février 2011 par la Cour d'appel pénale de Fribourg et ordonné l'exécution de la peine privative de liberté de 15 mois (VII), a révoqué le sursis accordé à H._ le 30 septembre 2011 par le Ministère public du canton Fribourg et ordonné l'exécution de la peine pécuniaire de 30 jours-amende à 10 fr. le jour (VIII), a révoqué le sursis accordé à H._ le 4 avril 2012 par le Tribunal de police de la Broye et du Nord vaudois et ordonné l'exécution de la peine pécuniaire de 100 jours-amende à 30 fr. le jour (IX),a révoqué le sursis accordé à H._ le 21 juin 2012 par l'Amtsgerichtspräsident Bucheggberg-Wasseramt et ordonné l'exécution de la peine privative de liberté de 10 mois (X).
B.
Le 9 octobre 2014, H._ a formé appel contre ce jugement. Il a déposé une déclaration d'appel motivée le 20 novembre 2014, qu'il a dûment complétée le 5 décembre 2014, en concluant, notamment, à la libération des accusations de tentative de lésions corporelles graves, d'abus de confiance, de tentative d'extorsion et chantage qualifiés, d'escroquerie, de tentative de contrainte, d'accompagnement d'un élève-conducteur sans remplir les conditions exigées et de délit à la loi fédérale sur les eaux, la peine privative de liberté prononcée à son encontre ne dépassant pas 18 mois, sous déduction de la détention préventive subie.
Par lettre du 20 janvier 2015 adressée au Tribunal des mesures de contrainte, H._, agissant seul, a sollicité sa libération provisoire, indiquant qu'il disposait désormais d'une pièce nouvelle contenant des éléments allant à l'encontre de son maintien en détention.
A la demande de la direction de la procédure, le Ministère public s'est déterminé le 22 janvier 2015 sur la demande de mise en liberté formée par H._. Le procureur a conclu à son rejet, au vu des risques de réitération et de passage à l'acte, qui, à lire le jugement rendu le 7 octobre 2014 par le Tribunal criminel, demeuraient concrets et élevés. Il a estimé qu'à ceux-ci, il convenait aussi d'ajouter un risque de fuite en raison de l'importance de la peine prononcée à l'encontre du prévenu. | En droit :
1.
Aux termes de l'art. 233 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0), la direction de la procédure de la juridiction d'appel statue dans les cinq jours sur les demandes de libération et sa décision n'est pas sujette à recours.
Cette disposition garantit que le prévenu (acquitté ou condamné en première instance) puisse requérir en tout temps sa mise en liberté puisque la demande peut même être formulée auprès de la juridiction d'appel (Logos, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 5 ad art. 233 CPP; Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire du CPP, Bâle 2013, n. 4 ad. art. 233).
Déposée à la suite de l'annonce d'appel, la requête de H._ est recevable.
2.
2.1
En vertu de l'art. 221 CPP, la détention provisoire et la détention pour motifs de sûreté ne peuvent être ordonnées que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre: qu'il se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite (a); qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve (b); qu'il compromette sérieusement la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre (c).
Le juge peut maintenir la détention préventive aussi longtemps qu'elle n'est pas très proche de la durée de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre concrètement en cas de condamnation (ATF 133 I 168 c. 4.1 p. 170 et les références). Il convient d'accorder une attention particulière à cette limite, car le juge de l'action pénale pourrait être enclin à prendre en considération dans la fixation de la peine la durée de la détention préventive à imputer selon l'art. 51 CP (ATF 133 I 168 c. 4.1 p. 170 et les arrêts cités). Lorsque le détenu a déjà été jugé en première instance, ce prononcé constitue un indice important quant à la peine susceptible de devoir être finalement exécutée (TF 1B_43/2013 du 1
er
mars 2013 c. 4.1 et les références citées). Selon la jurisprudence, le juge de la détention - afin d'éviter qu'il n'empiète sur les compétences du juge du fond - ne tient pas compte de la possibilité éventuelle de l'octroi d'un sursis par l'autorité de jugement (ATF 133 I 270 c. 3.4.3 p. 282) ou d'une libération conditionnelle (ATF 124 I 208 c. 6 p. 215).
2.2
En l'occurrence, le Tribunal criminel de l'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a condamné H._ pour l'essentiel des infractions qui lui étaient reprochées, qualifiant au demeurant sa culpabilité d'extrêmement lourde, l'intéressé étant incapable d'introspection et persistant à se croire victime de l'injustice des autorités, des fonctionnaires ou de ses relations d'affaires pour justifier ses actes. H._ a d'ailleurs admis une partie des faits retenus à sa charge.
Il existe donc des soupçons suffisants au sens de l'art. 221 CPP.
2.3
En l'espèce, le tribunal criminel a maintenu H._ en détention pour des motifs de sûreté, en raison du risque de réitération.
Une détention provisoire ou pour des motifs de sûreté fondée sur un risque de réitération exige que le prévenu ait déjà commis des infractions du même genre que celles qu'il y a sérieusement lieu de redouter (Message du Conseil fédéral relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 pp. 1057 ss, spéc. pp. 1210-1211). Le terme "infraction du même genre" indique que les infractions précédentes doivent être des crimes ou des délits et que l'infraction redoutée doit être similaire, sans pour autant être identique (Schmocker, op. cit., n. 18 ad. art. 221 CPP; ATF 137 IV 13 c. 3 et 4). Le maintien en détention provisoire respectivement pour des motifs de sûreté se justifie si le pronostic est très défavorable et si les infractions dont l'autorité redoute la réitération sont graves (ATF 137 IV 84 c. 4.5, JT 2011 IV 325; ATF 135 I 71 c. 2.3; ATF 133 I 270 c. 2.2 et les arrêts cités, JT 2011 IV 3; TF 1B_39/2013 du 14 février 2013 c. 2.1). Pour établir son pronostic, le juge doit s'attacher à la situation personnelle du prévenu, en tenant compte notamment de ses antécédents judiciaires, de sa fragilité psychique, de la nature des infractions commises, ainsi que du nombre et de la fréquence des infractions en cause (Schmocker, op. cit., n. 20 ad art. 221 CPP). La prévention du risque de récidive doit permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 c. 4.5).
En l'occurrence, l'appréciation portée par les premiers juges sur ce point est pertinente et doit être confirmée : le risque de réitération est concret au vu des antécédents de H._, du diagnostic psychiatrique résultant de l'expertise à laquelle a été soumise le prévenu – laquelle a conclu à l'existence d'un risque de récidive élevé pour des infractions concernant le droit des personnes, de la circulation routière, dans le cadre de son activité professionnelle, ou encore de la protection de l'environnement (cf. P. 63, ch. 3. 2) – et des échecs des sursis précédemment accordés, de sorte que le maintien en détention de H._ se justifie.
Aucune mesure de substitution (art. 237 CPP) ne présente en l'état de garanties suffisantes pour pallier le risque de réitération, étant au demeurant précisé que l'on doit se montrer particulièrement exigeant lorsque, comme en l'espèce, la sécurité publique est en jeu.
La détention provisoire étant justifiée par le risque de réitération, il n'est pas nécessaire de trancher la question de l'existence du risque de fuite évoqué par le procureur. En effet, les conditions fixées à l'art. 221 al. 1 let. a à c CPP sont des conditions alternatives et, partant, la réalisation d'une seule cause suffit (TF 1B_249/2011 du 7 juin 2011 c. 2.4).
2.4
La détention provisoire doit encore être conforme au principe de la proportionnalité (art. 212 al. 3 CPP), dont le respect doit être examiné au regard de l’ensemble des circonstances concrètes du cas d’espèce (ATF 133 I 168 c. 4.1 et les arrêts cités). A cet égard, il est admis que le juge peut maintenir la détention provisoire aussi longtemps qu’elle n’est pas très proche de la durée de la peine privative de liberté à laquelle il faut s’attendre concrètement en cas de condamnation (TF 1B_411/2011 du 31 août 2011 c. 4.1; ATF 133 I 168 c. 4.1; ATF 132 I 21 c. 4.1).
En l’espèce, compte tenu des infractions faisant l'objet de l'instruction, les quelque quinze mois de détention subis à ce jour par H._ demeurent proportionnés à la peine concrètement encourue en cas de condamnation. Quoi qu'il en soit, la détention provisoire infligée au vu des faits admis (violences) ne sera vraisemblablement pas réduite au point d'atteindre une quotité inférieure à la durée de la privation de liberté déjà subie (ATF 139 IV 270). Il y a lieu de relever à cet égard que H._ sera très prochainement fixé sur l'issue de la procédure, dès lors que les débats d'appel sont d'ores et déjà fixés au 19 février 2015.
3.
En définitive, le maintien en détention de H._ pour des motifs de sûreté se justifie et sa requête tendant à sa mise en liberté doit être rejetée.
Il sera statué sur les frais de la présente décision à l'issue de la cause au fond. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
678df8f5-17cf-43aa-aaca-9fe6ab4acf06 | En fait :
A.
Par jugement du 1
er
mai 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a libéré M._ des chefs d’accusation de lésions corporelles simples et de menaces (I), renvoyé A.H._ à agir devant le juge civil s’agissant de ses prétentions civiles (II), laissé les frais de la cause à la charge de l’Etat (III) et dit qu’il n’y avait pas lieu à l’allocation d’une indemnité au titre de l’art. 429 CPP (IV).
B.
Par annonce du 9 mai 2015, puis par déclaration du 30 mai suivant, A.H._ a formé appel contre ce jugement, concluant à sa réforme en ce sens que M._ soit condamné pour lésions corporelles simples et menaces à une peine méritée et que ses conclusions civiles lui soient allouées. Il a également requis l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite. A titre de mesures d’instruction, il a sollicité l’audition de son ex-épouse, B.H._. A l’appui de son écriture, l’appelant a encore produit plusieurs pièces, soit notamment un témoignage écrit de B.H._ et divers certificats médicaux.
Par prononcé du 3 juin 2015, la Présidente de la Cour de céans a rejeté la requête d’assistance judiciaire gratuite formulée par A.H._ au motif que les conditions de l’art. 136 CPP n’étaient pas remplies.
Par courrier du 19 juin 2015, M._ s’est déterminé.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Aîné de cinq enfants, M._, né le [...] 1976 et originaire du Sénégal, est arrivé en Suisse en 1992 et s’est installé dans la région lausannoise, tout comme un de ses frères et deux de ses demi-frères. Il a eu un enfant dont il partage la garde. Il n’est pas marié, ni en couple. Au bénéfice d’un permis C, il a toujours travaillé depuis son arrivée en Suisse et exerce actuellement la fonction de responsable de l’encadrement éducatif de l’école primaire [...]. Il perçoit un revenu mensuel net d’environ 5'800 fr., versé douze fois l’an. Il s’acquitte d’une contribution d’entretien en faveur de son fils d’un montant de 610 fr. par mois. Il fait l’objet d’une saisie de salaire mensuelle à hauteur de 2'000 francs. Son loyer est de 940 fr. par mois et sa prime d’assurance-maladie de 264 fr. par mois. Il a des dettes pour environ 20'000 fr., qu’il rembourse par le biais de la saisie de salaire.
Son casier judiciaire ne comporte aucune inscription.
2.
2.1
A [...], le 12 juillet 2014 entre 04h45 et 05h15, une altercation a éclaté entre A.H._ et M._. Furieux de constater que son épouse – dont il était séparé –, était alcoolisée et assise en train de vomir dans les escaliers en bas de l’immeuble, en présence de M._ lequel ne répondait pas à ses demandes d’explications, A.H._ l’a attaqué en l’empoignant par la veste au niveau du coup et en lui criant
« Tu me prends pour un imbécile ? »
. M._ lui a demandé de le lâcher. M._ a tenté de se dégager dès lors que A.H._ lui envoyait des coups de poing. Pour repousser les coups de son attaquant, il a répliqué de deux coups de tête. Les deux protagonistes se sont empoignés. A un moment donné lors de ces empoignades, A.H._ a violemment mordu le bras de M._, qui l’a projeté au sol. M._ a voulu quitter les lieux, mais A.H._ s’est jeté sur lui et a tenté de l’étrangler. Il est parvenu à se dégager et à sortir de l’immeuble ; cependant A.H._ l’a à nouveau suivi. M._ a alors dit à ce dernier :
« Tu saignes déjà et tu veux encore te battre ? Tu veux mourir ou quoi ? »,
ensuite de quoi A.H._ a fait demi-tour et s’est dirigé vers l’appartement pour revenir avec un marteau pour le frapper, mais M._ avait quitté les lieux et se dirigeait en direction de la gare.
M._ n’a pas consulté de médecin, mais a conservé une photographie sur son téléphone portable de sa blessure au bras.
2.2
A.H._ a déposé une plainte pénale le 15 juillet 2014. Il a chiffré ses prétentions civiles à 15'000 francs (PV aud. 1).
Selon le constat médical du 12 juillet 2014 du [...], A.H._ présentait une plaie longitudinale d’un centimètre au niveau de la commissure labial droite de la lèvre inférieure. L’examen clinique n’a en outre pas relevé d’hématome, d’ecchymose ou de tuméfaction. Une attestation du Département d’imagerie médicale du 18 juillet 2014 mentionne une fracture non déplacée de l’extrémité distale des os propres du nez (P. 9, P. 25/1-A4 et P. 25/1-A7).
Le rapport du 12 juillet 2014 [...] indique également une probable contusion oculaire de l’OD avec semi-mydriase peu réactive et sphincter irien légèrement irrégulier, une absence d’inflammation et un œdème de Berlin léger en périphérie temporale (P. 14).
Il ressort encore du rapport médical du 4 novembre 2014 du Dr [...], lequel a examiné A.H._ le 27 octobre 2014, que l’examen permet d’exclure une fracture nasale et que le problème reste l’hyposmie nettement péjorée depuis l’agression, mais toutefois dans un contexte de rhinite allergique (P. 13/3). Dans son certificat médical du 11 février 2015, ce médecin mentionne que l’hyposmie post-traumatique est persistante et qu’un test olfactif objectif sur les deux narines simultanément confirme une hyposmie sévère (P. 25/1-A6). | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de A.H._ est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3). L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves.
2.2
L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, 2
e
éd. Bâle 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L’appelant invoque une violation de son droit d’être entendu du fait qu’il n’a pas pu se présenter à l’audience de première instance car il n’aurait pas été convoqué. Il demande en outre l’audition de son ex-épouse.
3.1
Tel que garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101), le droit d'être entendu comprend, notamment, le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soi
t
prise touchant sa situation juridique, de produire des p
r
euves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 Il 286 c. 5.1 ; ATF 132 Il 485
c. 3.2 ; ATF 127 I 54 c. 2b).
Le droit de se prononcer au sujet de la cause et de la procédure
(cf. art. 107 al. 1 let. d CPP), implique que les parties puissent prendre position, avant la décision, sur tous les éléments de fait et de droit qui peuvent l’influencer (ATF 137 IV 33 c. 9.2). Dans cette mesure, elles ont le droit de prendre connaissance de toute observation ou pièce soumise au tribunal par les parties adverses, les instances inférieures ou les autres autorités et de se déterminer à son propos, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit et qu’elle soit ou non concrètement susceptible d’influer sur le jugement à rendre ; cela suppose en particulier que la possibilité soit concrètement offerte aux parties de faire entendre leur point de vue (Bendani, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], op. cit., nn. 26-27 ad art. 107 CPP).
La jurisprudence admet en outre que le droit d’être entendu n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que, ces dernières ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (cf. ATF 134 I 140 c. 5.3 et les références citées). Ainsi, le juge conserve la possibilité d’écarter des réquisitions de preuve qu’il estime inutiles ou dépourvues de valeur probante.
3.2
En l’espèce, il ressort du dossier que le Tribunal d’arrondissement de l’Est vaudois a envoyé, le 7 avril 2014, au domicile de l’appelant – qui correspond à l’adresse qu’il indique encore dans sa déclaration d’appel – une citation à comparaître aux débats. Cet avis, adressé par pli recommandé, a été distribué le 16 avril 2015 à 11h58, selon le relevé
Track and Trace
. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que A.H._ a bel et bien reçu la citation à comparaitre (cf. art. 85 al. 3 CPP), partant qu’il a été valablement convoqué à l’audience devant le Tribunal d’arrondissement précité et qu’il ne s’est toutefois pas présenté. La possibilité de faire entendre son point de vue lui a ainsi concrètement été offerte. On peut au demeurant relever que le premier juge s’est fondé sur les déclarations des parties telles qu’elles figurent au dossier (cf. PV aud. 1-2), étant précisé qu’elles sont restées pour l’essentiel les mêmes tout le long de la procédure.
S’agissant de la réquisition de preuve tendant à l’audition de B.H._, il faut l’écarter dans la mesure où elle est inutile et où les éléments du dossier sont suffisants pour examiner l’infraction reprochée au prévenu et trancher les questions litigieuses. En effet, la témoin a été entendue par la police le
10 août 2014 (cf. PV aud. 3) ; à cette occasion, elle a déclaré qu’elle n’avait pas vu qui avait commencé la bagarre et qu’elle n’avait rien entendu puisqu’elle était partie immédiatement dès le début de l’altercation. De plus, à la suite du jugement entrepris, B.H._ a encore spontanément écrit qu’elle n’avait rien vu (cf. P. 26).
Il s’ensuit qu’il n’y a aucune violation du droit d’être entendu.
4.
L’appelant invoque une constatation arbitraire des faits et reproche au premier juge d’avoir retenu la version du prévenu.
4.1
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, garantie par les art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101), art. 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; RS 0.101) et art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ; RS 0.103.2), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a ; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes ; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c ; TF 6B_831/2009 précité c. 2.2.2).
La constatation des faits est incomplète au sens de l’art. 398 al. 3 let. b CPP lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
4.2
En l’espèce, le premier juge a écarté la version du plaignant au profit de celle du prévenu, considérant d’une part que les déclarations de A.H._, selon lesquelles il avait subi l’attaque de M._ et avait reçu dix à quinze coups de poing ainsi que des coups de pieds de la part de ce dernier, n’étaient pas compatibles avec les rapports médicaux au dossier et d’autre part que le témoignage de B.H._ faisait état d’une bagarre, ce qui impliquait la participation des deux protagonistes, de sorte que ce témoignage corroborait plutôt les faits tels que présentés par le prévenu.
4.2.1
Cette appréciation est adéquate et la Cour de céans s’y rallie. Il est admis de part et d’autre que le plaignant et le prévenu se sont battus le 12 juillet 2014 au petit matin, chacun déclarant qu’il s’est défendu et que c’est l’autre qui a commencé la bagarre. Si leurs déclarations concordent plus ou moins sur la suite des événements – soit que A.H._ est parti chercher un marteau dans l’appartement et que M._ a quitté les lieux à ce moment là –, leurs versions sont en revanche contradictoires sur le déclenchement et le déroulement de l’altercation.
A.H._ a expliqué, en bref, que le prévenu, énervé, l’avait bousculé et l’avait frappé au visage en le menaçant de mort alors qu’il lui demandait des explications sur sa présence sur les lieux et sur l’état de B.H._. En particulier, M._ lui aurait donné entre dix et quinze coups de poing au visage tout en criant
« Tu vas mourir »
, le faisant également tomber au sol et lui assénant encore plusieurs coups de pieds. Apeuré, A.H._ était sorti de l’immeuble et la bagarre avait continué, M._ ayant tout fait pour la poursuivre. Il avait toutefois réussi à s’extirper des prises du prévenu. Ensanglanté et énervé, il était retourné dans l’appartement chercher un marteau pour se défendre et frapper M._, mais celui-ci s’est échappé. Durant ces événements, A.H._ était persuadé qu’il allait mourir (PV aud. 1 et P. 25).
Pour sa part, M._ a déclaré que le plaignant s’était dirigé vers lui en vociférant et l’avait empoigné par la veste au niveau du cou. Il avait tenté de se dégager, dès lors que A.H._ lui envoyait des coups de poing. Ainsi, pour se défendre, il a répliqué de deux coups de tête. Ils se sont ensuite empoignés. Lors des empoignades, A.H._ lui a violemment mordu le bras. M._ l’a projeté au sol et a voulu quitter les lieux. Le plaignant s’est jeté sur lui et a tenté de l’étrangler. Il est parvenu à se dégager et à sortir de l’immeuble, mais A.H._ l’a suivi. Il a alors dit à ce dernier :
« Tu saignes déjà et tu veux encore te battre ? Tu veux mourir ou quoi ? »,
ensuite de quoi A.H._ a fait demi-tour et s’est dirigé vers l’appartement pour revenir avec un objet dans la main, alors que M._ partait en direction de la gare (PV aud. 2, jgt p. 4 et P. 29).
Egalement entendue, B.H._, ex-épouse du plaignant, a rapporté qu’elle n’a pas vu qui avait commencé, qu’elle avait entendu un éclat de voix ainsi qu’un coup et qu’elle s’est enfuie en criant de peur. Elle a indiqué avoir vu A.H._ et M._ se battre, mais être incapable de dire qui avait donné des coups (PV aud. 3). Dans son témoignage écrit, elle a encore précisé :
« Monsieur M._ et Monsieur A.H._ doivent assurer leur défense sans moi. Je ne suis rien pour eux et ils ne sont rien pour moi puisque je suis une femme divorcée et fière de l’être. Je ne leur ai pas demandé de se battre. Ils sont si immatures qu’au lieu de s’occuper d’une femme qui est mal à cause de l’alcool ils pensent à se battre »
(P. 26).
4.2.2
A l’appui de ses arguments, l’appelant ne fait en l’occurrence qu’opposer sa propre version des faits à celle du prévenu. Les éléments qu’il avance ne convainquent toutefois pas. D’abord, au vu du témoignage de B.H._, il faut considérer que l’appelant et l’intimé se sont bel et bien battus, comme l’admet du reste ce dernier, de sorte qu’il ne s’agissait pas d’une attaque unilatérale de M._ sur A.H._. Ensuite, les lésions constatées sur l’appelant ne corroborent pas la violence de l’agression que celui-ci allègue avoir endurée, étant souligné qu’elles ne correspondent manifestement pas à des blessures engendrées par plus d’une dizaine de coups de poing, ainsi que par des coups de pieds, mais qu’elles apparaissent compatibles avec à la version du prévenu. A ce titre, si la plaie longitudiale et la contusion oculaire probable peuvent être compatibles avec les coups admis par le prévenu, on ne saurait en revanche retenir en l'état que ces coups ont engendré l’hyposmie de A.H._. En effet, le certificat médical du Dr [...] du 11 février 2015 ne fait à l’évidence que reproduire les déclarations du plaignant sur le lien entre l’hyposmie et les coups. Or, dans son premier certificat du 4 novembre 2014, le médecin mentionne une hyposmie « nettement péjorée depuis l’agression », ce qui implique que cette affection existait déjà ; le praticien fait également état de problèmes allergiques et inflammatoires préexistants et exclut la survenance d’une fracture du nez (cf. lettre C.2.2 supra). Au vu de ces éléments, force est de constater que l’appelant exagère l’intensité des coups portés par l’intimé – qui l’aurait « tellement frappé » qu’il en aurait « perdu l’odorat » (cf. déclaration d’appel p. 8, sous P. 25) –, alors que ce dernier a reconnu avoir donné « juste » deux coups de tête, sans préciser où il avait frappé, pour lui faire lâcher prise. Enfin, A.H._ a admis être remonté dans l’appartement pour se munir d’un marteau et continuer à se battre, respectivement se défendre. Une telle attitude ne cadre pas avec le comportement d’une agression unilatérale, ni avec des blessures importantes, dans la mesure elle démontre une volonté d’en découdre.
Quant aux déclarations du prévenu, elles ne présentent pas de divergences significatives, la question de savoir si B.H._ s’est confiée ou non à lui sur sa situation d’avec A.H._ n’étant pas déterminante. Les raisons de la présence du prévenu au bas de l’immeuble importent également peu. Quoi qu’il en soit, ces différents points ne discréditent pas la version de M._.
4.3
Compte tenu de ce qui précède, il faut considérer que la version du plaignant n’est pas crédible, de sorte qu’elle ne saurait être prise en considération. Il y a ainsi lieu de retenir, au bénéfice du doute, les déclarations du prévenu, soit que les blessures du plaignant ont été provoquées au cours de l’altercation déclenchée par ce dernier et en riposte à son attaque.
5.
Il reste à examiner si les faits retenus sont constitutifs d’une infraction.
5.1
A cet égard, le prévenu a déclaré au plaignant :
« Tu saignes déjà et tu veux encore te battre ? Tu veux mourir ou quoi ? »
.
5.1.1
L'art. 180 al. 1 CP réprime le comportement de celui qui, par une menace grave, aura alarmé ou effrayé une personne.
La menace tombant sous le coup de cette disposition n’est punissable que si elle est grave, c’est-à-dire si elle est objectivement de nature à alarmer ou effrayer la victime (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3
e
éd, n. 12 à 14 ad art. 180 CP). La question de savoir si les menaces sont graves et propres à avoir l'effet exigé par la loi doit être examinée d'un point de vue objectif. Il ne faut pas se fonder exclusivement sur les termes utilisés par l'auteur, mais tenir compte de l'ensemble des circonstances. La question de l'effet de la menace doit par ailleurs être examinée en fonction de la sensibilité moyenne de toute personne raisonnable placée dans la même situation (TF 6B_640/2008 du 12 février 2009 et les références citées).
L’infraction de menaces est intentionnelle, le dol étant suffisant. L’auteur doit avoir eu l’intention non seulement de proférer des menaces
graves, mais aussi d’alarmer ou d’effrayer le destinataire (Corboz, op. cit., n. 16 ad art. 180 CP).
5.1.2
En l’espèce, aucun élément matériel ne permet de retenir que les conditions de l’infraction sont réalisées, dans la mesure où l’on ne saurait admettre que les propos tenus par le prévenu aient réellement effrayé le plaignant, lequel a admis être parti chercher un marteau pour revenir se battre notamment, attitude qui ne correspond à l’évidence pas à celle d’une personne qui se déclare effrayée.
La libération de M._ du chef d’accusation de menaces est donc fondée et doit être confirmée.
5.2
S’agissant des coups que le prévenu a donnés à A.H._, il convient d’examiner s’ils entrent dans le cadre de la légitime défense.
5.2.1
La légitime défense au sens de l’art. 15 CP suppose une attaque, c'est-à-dire un comportement visant à porter atteinte à un bien juridiquement protégé, ou la menace d'une attaque, soit le risque que l'atteinte se réalise. Il doit s'agir d'une attaque actuelle ou à tout le moins imminente, ce qui implique que l'atteinte soit effective ou qu'elle menace de se produire incessamment (ATF 106 IV 12 c. 2a ; ATF 104 IV 232 c. c). Cette condition n'est pas réalisée lorsque l'attaque a cessé ou qu'il n'y a pas encore lieu de s'y attendre (ATF 93 IV 81 c. a). Une attaque n'est cependant pas achevée aussi longtemps que le risque d'une nouvelle atteinte ou d'une aggravation de celle-ci par l'assaillant reste imminent (ATF 102 IV 1 c. 2b). S'agissant en particulier de la menace d'une attaque imminente contre la vie ou l'intégrité corporelle, celui qui est visé n'a évidemment pas à attendre jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour se défendre ; il faut toutefois que des signes concrets annonçant un danger incitent à la défense. Tel est notamment le cas lorsque l'agresseur adopte un comportement menaçant, se prépare au combat ou effectue des gestes qui donnent à le penser (ATF 93 IV 81 c. a). Par ailleurs, l'acte de celui qui est attaqué ou menacé de l'être doit tendre à la défense ; un comportement visant à se venger ou à punir ne relève pas de la légitime défense ; il en va de même du comportement qui tend à prévenir une attaque certes possible mais encore incertaine, c'est-à-dire à neutraliser l'adversaire selon le principe que la meilleure défense est l'attaque (TF 6B_926/2009 du 15 décembre 2009 c. 3.2 et la jurisprudence citée).
La défense doit apparaître proportionnée au regard de l'ensemble des circonstances. A cet égard, on doit notamment examiner la gravité de l'attaque, les biens juridiques menacés par celle-ci et par les moyens de défense, la nature de ces derniers ainsi que l'usage concret qui en a été fait. La proportionnalité des moyens de défense se détermine d'après la situation de celui qui voulait repousser l'attaque au moment où il a agi. Les autorités judiciaires ne doivent pas se livrer à des raisonnements a posteriori trop subtils pour déterminer si l'auteur des mesures de défense n'aurait pas pu ou dû se contenter d'avoir recours à des moyens différents, moins dommageables. Il est aussi indispensable de mettre en balance les biens juridiquement protégés qui sont menacés de part et d'autre. Encore faut-il que le résultat de cette pesée des dangers en présence soit reconnaissable sans peine par celui qui veut repousser l'attaque, l'expérience enseignant qu'il doit réagir rapidement (ATF 136 IV 49 c. 3.2 ; TF 6B_926/2009 du 15 décembre 2009 c. 3.2 et la jurisprudence citée).
5.2.2
M._ a admis avoir donné deux coups de tête à A.H._ lors de l’altercation, de sorte que ces faits sont constitutifs de lésions corporelles simples (cf. art. 123 ch. 1 CP).
A cet égard, les circonstances de l’espèce permettent de retenir que l’intimé a agi dans le strict cadre d'une légitime défense, dès lors qu’il s’est retrouvé, de manière contraire au droit, menacé d'une attaque imminente qu’il était en droit de repousser. En particulier, il a été saisi violemment par l’appelant, qui ne voulait pas le lâcher. Après avoir subi un coup au visage, il s’est libéré de l’emprise de A.H._, en lui infligeant deux coups de tête et en le projetant au sol, dans le but s’enfuir. A.H._ est revenu à la charge avec insistance, mais M._ s'est contenté de se défendre, sans activement riposter. A l’instar du premier juge, on peut encore relever que le prévenu n’a pas cherché à blesser le plaignant, ni n’a utilisé d’objet et que dès qu’il en a eu l’occasion, il est parti. Sous l’angle de la proportionnalité des moyens de défense utilisés, il faut également constater que les coups sont restés au même niveau que ceux de l’attaquant.
Dès lors, le comportement de M._ peut être considéré comme licite en application de l’art. 15 CP, de sorte que sa libération du chef d’accusation de lésions corporelles simples doit être confirmée.
6.
Il résulte de ce qui précède que l’appel de A.H._ doit être rejeté et le jugement du 1
er
mai 2015 confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, constitués de l'émolument de jugement, par 2'130 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), seront mis à la charge de l’appelant, qui succombe (art. 428 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
683959e1-8938-4608-a6a0-2b62a0b6cad2 | En fait :
A.
Par jugement du 4 juin 2009, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois, statuant par défaut, a, notamment, constaté que X._ s'était rendu coupable de lésions corporelles simples, de dommages à la propriété et de tentative de contrainte (I); l’a condamné à une peine privative de liberté de 10 (dix) mois (Il) et a mis les frais de justice par 1'825 fr. à la charge de X._ (V).
Une demande de relief tardive a été déposée par X._ contre ce jugement. Cette demande a été déclarée irrecevable par le Président du Tribunal d'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois, dont le prononcé a été confirmé par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal (CCASS 7 septembre 2009/389).
B.
Par acte du 12 juillet 2011, X._ a demandé la révision du jugement du Tribunal de police de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois du 4 juin 2009. A l'appui de sa demande, le requérant a soutenu que le témoin V._ avait reconnu (par écrit du 1
er
juillet 2011) l'avoir accusé faussement d'avoir cassé le nez de L._. Or cette circonstance, qui n'avait pas été soumise à l'autorité inférieure, était de nature à ébranler les constatations sur lesquelles ladite autorité l'avait condamné. Sur ces bases, il a conclu à l'annulation du jugement précité, rendu par défaut à son encontre le 4 juin 2009, et au renvoi la cause au Ministère public pour nouvelle instruction et décision dans le sens des considérants.
Par cette même écriture, il a requis l'effet suspensif. Le Président de la Cour de céans a fait droit à cette requête, par une lettre aux parties du 20 juillet 2011 dans laquelle il précisait que l'exécution de la peine privative de liberté infligée à X._ par jugement rendu par défaut le 4 juin 2009 était suspendue jusqu'à droit connu sur la demande de révision.
Interpellé le 20 juillet 2011, le Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois a déposé ses déterminations le 29 juillet suivant, par lesquelles il a conclu au rejet de la demande de révision. A l'appui de ses conclusions, il a fait valoir que les rétractations de V._ ne constituaient pas un fait nouveau, que le témoignage écrit du 1
er
juillet 2011 n'était pas crédible et qu'en tout état, la conviction du premier juge s'était forgée sur la base des explications concordantes fournies par L._ (le plaignant) et P._ en cours d'enquête comme au tribunal, sur le rapport médical, sur le cliché fourni par la victime attestant des lésions compatibles avec sa version des faits, ainsi que sur les dires mêmes du prévenu qui avait admis avoir donné des coups de pied à la victime alors que celle-ci était au sol, l'un dans le dos, l'autre vers le haut du torse ou de la mâchoire (mémoire, p. 2).
Par déterminations du 4 août 2011, L._ a également conclu au rejet de la demande de révision. Il a admis que si la déclaration de V._ constituait effectivement un élément nouveau, elle ne paraissait pas ébranler les constatations sur lesquelles la condamnation de X._ avait été prononcée (mémoire pp. 2-3). | En droit :
1.
Selon l’art. 410 al. 1 let. a CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0), toute personne lésée par un jugement entré en force peut en demander la révision s’il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l’autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l’acquittement ou une condamnation moins sévère du condamné.
Ayant été condamné à une peine privative de liberté, le demandeur revêt la qualité de lésé au sens de l’art. 410 al. 1 let. a CPP.
2.
X._ invoque les rétractations du témoin V._ et produit un écrit daté du 1
er
juillet 2011, censé émaner de la prénommée, dans lequel cette personne affirme avoir témoigné faussement sous la pression et les menaces du plaignant et de son amie.
La teneur de 410 al.1 let. a CPP correspond en réalité aux conditions posées par la jurisprudence rendue en application de l’art. 385 CP (Message relatif à l’unification de la procédure pénale, FF 2005 1057, spéc. 1303) : les faits ou moyens de preuve doivent être inconnus de l’autorité et ils doivent être sérieux.
2.1
Le caractère inconnu d’un fait ou d’un moyen de preuve implique que cet élément n’ait pas été soumis à l’autorité inférieure sous quelque forme que ce soit. Si le juge, après examen du fait ou du moyen de preuve, n’en a pas déduit les conclusions qu’il allait ou n’a pas pris conscience de ce que le fait ou le moyen de preuve devait démontrer, le caractère inconnu du fait respectivement du moyen de preuve n’est pas donné. Le fait survenu après le jugement dont la révision est demandée n’est pas considéré comme inconnu (Kuhn/Jeanneret, Code de procédure pénale suisse, Marc Rémy in : Commentaire romand, Bâle 2011, n. 10 ad art. 410 CPP; Message relatif à l’unification de la procédure pénale, FF 2005 p. 1303; cf. également, s'agissant de la définition de cette notion, ATF 130 IV 72, c.1, qui parle de
"faits nouveaux"
, en précisant qu'il s'agit de ceux dont le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, ainsi qu'ATF 92 IV 177, spéc. 179, c.1a qui pose que
"Neu sind Tatsachen und Beweismittel, wenn sie dem Gericht zur Zeit der Urteilsfällung unbekannt waren, ihm überhaupt nicht in irgendeiner Form zur Beurteilung vorlagen
").
2.2
En outre, l’élément nouveau invoqué doit être de nature à motiver l’acquittement ou une condamnation moins sévère, c’est-à-dire qu’il doit être sérieux. Il est sérieux lorsqu’il est propre à ébranler les constatations de fait sur lesquelles la condamnation est fondée, de manière que l’état de fait ainsi modifié rende vraisemblable une condamnation sensiblement moins sévère ou permette de conclure à l’inexistence de l’une des infractions retenues, que cette libération entraîne où non une réduction de la peine (ATF 130 IV 72 c. 1 précité; ATF 116 IV 353; ATF 109 IV 173; Heer, in: Niggli/HeerlWiprächtiger, Schweizerische Strafprozessordnung, Baller Kommentar, Bâle 2011, pp. 2716 ss, n. 65 ss, spéc. 66).
3. 1.
En l’espèce, le moyen de preuve fourni à l'appui de la requête de révision n’est pas inconnu. Le témoignage de V._ a, en effet, déjà été soumis à l’appréciation du juge : en page 6 de son jugement, le Tribunal de police s'est référé aux déclarations faites par la prénommée au Juge d'instruction de l'arrondissement du Nord vaudois en cours d'enquête (procès-verbal d'audition du 22 avril 2008; pce no 4), selon lesquelles elle avait vu X._ frapper le plaignant avec le poing et le pied et le blesser au nez.
Il appert donc que l'élément de preuve invoqué à l'appui de la demande de révision ne peut pas constituer un fait ou un témoignage inconnu au sens de l'art. 410 al. 1 let. a CPP. Pour ce motif déjà, les conditions posées par cette disposition étant cumulatives, la demande de révision devrait être rejetée.
3.2
Au surplus,
on relèvera que le témoignage écrit produit dans le cadre de la procédure de révision ne peut être tenu pour sérieux, car il n'est pas de nature à remettre en cause les constatations de fait sur lesquelles repose la condamnation. En effet, V._ avait fourni lors de son audition durant l’enquête des informations sur la propension à la violence du demandeur qui proviennent manifestement de ses constatations personnelles et qui sont sans rapport avec une éventuelle influence du plaignant ou de son amie sur la narration des faits litigieux. D'après le procès-verbal d'audition (du 22 avril 2008; pce no 4 citée ci-dessus) V._ a déclaré:
"
[...]
Je tiens à dire que X._ a l'habitude de taper sur les gens et qu'il faut que ça cesse. Il l'avait même fait avec mon ex-mari. La plupart ne s'en plaignent pas car ils en ont peur, ce n'est pas mon cas
[...]
"
(cf. pp. 1-2). Or les propos tenus par V._ dans sa lettre du 1
er
juillet 2001 divergent de ceux tenus en avril 2008, et les raisons qu'elle invoque à l'appui de cette divergence -selon lesquelles elle aurait témoigné contre le condamné sous le pression du plaignant et de son amie- paraissent peu crédibles. Comme le relève à juste titre le Ministère public, on voit en effet mal comment L._ P._ auraient pu, via leurs menaces de représailles, inspirer à V._ suffisamment de crainte pour qu'elle mente en procédure pénale en défaveur d'un prévenu réputé violent qu'elle avait elle-même décrit comme tel. En tout état de cause, ce témoignage a été pris en compte par le premier juge parce qu'il était corroboré par les explications constantes du plaignant qui concordaient avec celles de son amie, par les dires du prévenu, et par les renseignements médicaux attestant de la compatibilité des lésions avec la version des faits retenue (cf. jugement p. 7). Les événements invoqués par V._ le 1
er
juillet 2011, qui s'opposent à l'ensemble des preuves concordantes au dossier, ne sauraient donc être tenus pour décisifs.
3.3
En définitive, la demande de révision du jugement rendu par défaut le 4 juin 2009 par le Tribunal de police de l'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois dans la cause dirigée contre X._ est mal fondée et doit être rejetée. Le dispositif de ce jugement doit être entièrement maintenu.
4.
Aux termes de l'art. 413 al.1 CPP, si la juridiction d'appel constate que les motifs de révision ne sont pas fondés, elle rejette la demande de révision et annule les éventuelles mesures provisoires.
Vu ce qui précède, l'effet suspensif accordé le 20 juillet 2011 doit être révoqué, ce qui rend exécutoire le jugement précité rendu par défaut le 4 juin 2009.
5.
Le présent jugement est également exécutoire, dans la mesure où un éventuel recours au Tribunal fédéral ne serait pas dirigé contre la décision condamnatoire, mais contre le rejet de la demande de révision (art. 103 al. 2 let. b LTF).
6.
D'après l'art. 428 al. 1 CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé.
In casu,
les frais de révision (art. 20 et 21 TFJP [tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1], applicables par renvoi de l’art. 22 TFJP), doivent être mis à la charge de X._, qui succombe.
7.
L'art. 433 al. 1 CPP prévoit que la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépens obligatoires occasionnés par la procédure (let. a). L'alinéa 2 de cette disposition précise que la partie plaignante adresse ses prétentions à l'autorité pénale; elle doit les chiffrer les justifier. Si elle ne s'acquitte pas de cette obligation, l'autorité pénale n'entre pas en matière.
En l'espèce, le plaignant n'a pas conclu à l'allocation de dépens, de sorte qu'il n'y a pas lieu de lui en allouer. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6846c057-ad75-46f7-94e9-f6d884a3f383 | En fait :
A.
Par prononcé du 19 février 2015, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a pris acte du retrait de plainte et ordonné la cessation des poursuites pénales dirigées contre A._ pour diffamation (I), a mis les frais de la cause, par 2'255 fr., à la charge d’A._ (II) et a laissé les frais du prononcé, par 200 fr., à la charge de l'Etat (III).
B.
Par acte du 23 mars 2015, A._ déposé une déclaration d'appel auprès de la Cour d'appel pénale de Tribunal cantonal contre ce prononcé, en concluant à sa réforme en ce sens que les frais de la cause sont laissés à la charge de l'Etat.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
Le 11 mai 2011, E._ a déposé plainte contre A._ pour avoir adressé une lettre attentatoire à son honneur aux locataires de son immeuble entre avril et mai 2011.
Par acte d'accusation du 20 mars 2013, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a renvoyé en jugement A._ devant le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne pour diffamation.
Les débats ont été agendés au 13 juin 2013, puis reportés au 12 septembre 2013, au 3 décembre 2013 et enfin au 7 mars 2014. Lors de cette audience, les parties ont concilié et la suspension de la cause a été prononcée jusqu'au 31 janvier 2015, date à laquelle A._ devait avoir versé un montant de 2'200 fr. à titre de réparation.
Par courrier du 26 janvier 2015, E._ a informé le Tribunal de police qu’il retirait sa plainte, A._ s'étant acquitté de sa créance. | En droit :
1.
1.1
Selon l’art. 399 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (al. 1). La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (al. 3). Cela étant, si la juridiction de première instance notifie, contrairement au système légal, directement aux parties un jugement motivé sans leur avoir au préalable signifié le dispositif, l'annonce d'appel devient sans portée et n'apparaît plus obligatoire (TF 6B_444/2011 du 20 octobre 2011 c. 2.5 et la référence citée). Partant, dans cette configuration particulière, les parties ne sauraient être tenues par l'obligation d'annoncer un éventuel appel, ni par le délai corrélatif. Il leur suffit de déposer une déclaration d'appel à la juridiction d'appel dans les 20 jours suivant la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP) (TF 6B_444/2011 précité).
Interjeté dans les formes et le délai légal par une partie ayant qualité pour recourir contre le prononcé du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel d'A._ est recevable.
1.2
L’appel relève de la procédure écrite, dès lors qu’il porte uniquement sur la question des frais (art. 406 al. 1 let. d CPP).
2.
Invoquant une violation de l’art. 426 al. 2 CPP, l’appelant conteste la mise à sa charge des frais de justice. Il fait valoir qu'il a consenti d'importants efforts financiers pour désintéresser la partie plaignante, qu'il avait déjà tenté d'obtenir un retrait de plainte lors de la séance de conciliation qui s'était déroulée devant le Ministère public, qu'il n'avait pas reçu la convocation à la première audience devant le Tribunal de police et que le premier juge lui avait dit que les frais de la cause seraient laissées à la charge de l'Etat si la conciliation aboutissait.
2.1
Selon l’art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l’objet d’une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s’il a, de manière illicite et fautive, provoqué l’ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci. Un retrait de plainte, comme en l'espèce, s'apparente d'un point de vue procédural à un classement (cf. art. 319 al. 1 let. d CPP; TF 6B_87/2012 du 27 avril 2012 c. 1.1 et les références citées). En ce sens, l'art. 426 al. 2 CPP est susceptible de s'appliquer dans le cadre d'un retrait de plainte pour une infraction poursuivie sur plainte.
Un prévenu libéré ne peut être condamné au paiement des frais de procédure que si, par un comportement juridiquement critiquable, il a provoqué la procédure pénale dirigée contre lui ou s’il en a entravé le cours. La condamnation aux frais d'un prévenu ou d'un accusé libéré ne résulte pas d'une responsabilité pour une faute pénale, mais d'une responsabilité proche du droit civil, née d'un comportement fautif. Il est compatible avec les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH de mettre les frais à la charge d'un prévenu libéré qui, d'une manière engageant sa responsabilité civile, a manifestement violé une règle de comportement qui peut découler de l'ordre juridique suisse dans son ensemble et a provoqué ainsi l'ouverture d'une enquête pénale ou compliqué celle-ci (ATF 116 Ia 162 c. 2d et 2e). Le juge doit fonder son prononcé sur des faits incontestés ou déjà clairement établis (ATF 112 Ia 371 c. 2a in fine). La condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais viole en revanche la présomption d'innocence lorsqu'elle laisse entendre directement ou indirectement que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées ou qu'il aurait commis une faute pénale (TF 6B_87/2012 précité c. 1.2; TF 1B_12/2012 du 20 février 2012 c. 2 et les références citées).
2.2
En l'espèce, il ressort des éléments au dossier, notamment de la convention passée entre la partie plaignante et le prévenu lors de l'audience du 7 mars 2014, qu'A._ a admis sa responsabilité dans les faits dénoncés par la partie plaignante, s'est excusé et l'a dédommagée à hauteur des prétentions émises par cette dernière. Il y a dès lors bien eu un comportement juridiquement critiquable de la part de l'appelant au sens de l'art. 426 al. 2 CPP. La Cour de céans observe toutefois que si le premier juge entendait mettre les frais de la cause à l'appelant, il devait l'interpeller pour qu'il fasse valoir ses moyens, ce qu'il n'a pas fait. La convention signée par les parties ne règle par ailleurs pas le sort des frais. Il en découle une violation du droit d'être entendu de l'appelant qui devrait normalement conduire à l'annulation du prononcé entrepris, la Cour ne pouvant pas réparer elle-même ce vice sous peine de priver l'appelant du bénéfice de la double instance. Cela étant, au vu des engagements pris et assumés par l'appelant en faveur de la partie plaignante ainsi que du désir de l'appelant de trouver une solution amiable lors de la phase de l'enquête déjà (PV aud. 1, p. 3), qui aurait eu pour effet, en cas d'accord de la partie plaignante, de réduire drastiquement les frais de la procédure, la Cour de céans considère qu'il paraît équitable de laisser les frais de la cause à la charge de l'Etat. La question relative à la violation du droit d'être entendu de l'appelant devient ainsi sans objet, le vice étant réparé par l'admission de l'appel.
3.
En définitive, l'appel d'A._ doit être admis et le prononcé entrepris réformé dans le sens des considérants qui précèdent.
Vu l’issue de la cause, les frais de la présente procédure, constitués du seul émolument d’arrêt, par 550 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), doivent être laissés à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
684f6981-8068-4871-aba8-7ff9864ca899 | En fait :
A.
Par jugement du 12 juin 2012, le Tribunal des mineurs a constaté que N._, fils de [...] et de [...], né le 1
er
août 1994 à Morges, originaire de Signau, domicilié légalement chez sa mère, Mme [...], rte [...], 1260 Nyon, actuellement placé à la Croisée, s'est rendu coupable de lésions corporelles simples, mise en danger de la vie d'autrui, vol par métier, dommages à la propriété, utilisation frauduleuse d'un ordinateur, violation de domicile, empêchement d'accomplir un acte officiel, mutinerie de détenus, tentative de vol d'usage d'un véhicule automobile, vol d'usage d'un véhicule automobile, violation simple et grave des règles de la circulation routière, conduite en état d'incapacité, violation des devoirs en cas d'accident, conduite sans autorisation, circulation sans plaques d'immatriculation, usage abusif de plaques, infraction à la Loi fédérale sur les armes, contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants (I), libéré N._ des chefs d'accusation de tentative de vol, vol, vol au préjudice de proches et de familiers et vol d'importance mineure (II), révoqué le sursis accordé par jugement du 21 décembre 2010 (III), infligé à N._ une peine d'ensemble d'un an de privation de liberté, sous déduction de deux cent deux jours de détention préventive (IV), ordonné le maintien de N._ en détention pour des motifs de sûreté (V), dit que N._ est le débiteur des sommes suivantes, valeurs échues, à titre de dommages et intérêts : 305 fr. 55 (trois cent cinq francs et cinquante cinq centimes) en faveur de C._ (plainte du 6 janvier 2011), partie plaignante et rejette le surplus; 1'233 fr. 20 (mille deux cent trente-trois francs et vingt centimes) en faveur de C._ (plainte du 16 janvier 2011), partie plaignante et rejette le surplus; 200 fr. (deux cents) en faveur de H._, partie plaignante, la solidarité avec le coauteur étant réservée; 10'153 fr. 50 (dix mille cent cinquante-trois francs et cinquante centimes) en faveur de la Mobilière Suisse, partie civile (VI); dit que N._ est le débiteur des sommes suivantes, valeurs échues, à titre de tort moral : 1'000 fr. (mille) en faveur de R._, partie plaignante, la solidarité avec les coauteurs étant réservée; 3'000 fr. (trois mille) en faveur de V._, partie plaignante; 1'500 fr. (mille cinq cents) en faveur de I._, partie plaignante (VII); donné acte de leurs réserves civiles à G._ et Y._, parties plaignantes (VIII); ordonné la confiscation et la destruction du mixeur en aluminium, du coup de poing américain noir, d'une bague coup de poing américain, du sachet de marijuana (0,6 gr avec emballage), du sachet de marijuana (1,4 gr avec emballage), séquestrés (séq. n° 453-2010) ainsi que du sachet minigrip contenant 3 gr d'herba cannabis emballage compris séquestré (séq. n° 29-2011) ainsi que du sachet contenant deux emballages de marijuana pesant 2,5 gr avec emballages, du couteau à ouverture automatique à une seule main en métal gris avec incrustation bois au niveau de la crosse séquestrés (séq. n° 600-2011) (IX); laissé à la charge de l'Etat les frais d'entretien de N._ pendant ses périodes de placement à titre provisionnel (X); fixé l'indemnité due à Me Vincent Demierre, défenseur d'office de N._, et l'indemnité due à Me Sylvie Cossy, défenseur d'office de N._, à 8'733 fr. 50 (huit mille sept cent trente-trois francs et cinquante centimes) (XI) et mis à la charge de N._ une participation à 600 fr. (six cents) aux frais de justice, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (XII).
B.
Le 28 juin 2012, N._ a annoncé faire appel contre ce jugement. Dans sa déclaration d'appel motivée du 13 août 2012, il a conclu à la réforme des chiffres I, II, IV et VII du dispositif, en ce sens qu'il est libéré du chef d'inculpation de lésions corporelles simples, de mise en danger de la vie d'autrui et de mutinerie de détenus, la peine prononcée étant réduite en conséquence et qu'il n'est pas reconnu le débiteur de R._ pour la somme de mille francs, la solidarité avec les coauteurs étant réservée, de V._ pour trois mille francs et de I._ pour la somme de mille cinq cents francs, dans les trois cas à titre de tort moral.
Par courrier du 21 août 2012, le Ministère public central, division affaires spéciales, contrôle et mineurs, a indiqué renoncer à présenter une demande de non-entrée en matière ou une déclaration d'appel joint.
Par courrier du 5 septembre 2012, les parties plaignantes ont renoncé à présenter une demande de non-entrée en matière ou une déclaration d'appel joint.
Aux débats d'appel, N._ a confirmé ses conclusions d'appel et a requis le prononcé d’une peine privative de liberté d’ensemble de 11 mois. Le Ministère public a conclu à l’admission partielle de l'appel, N._ étant libéré de l’infraction de lésions corporelles simples, le jugement étant confirmé pour le surplus. V._ et I._ ont, quant à eux, conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. a)
N._ est né le 1
er
août 1994 à Morges. Il a été confronté très jeune à l'important conflit conjugal de ses parents et a vécu la plupart du temps chez sa mère, titulaire du droit de garde sur lui et sa sœur aînée. N._ a rapidement manifesté des problèmes de comportement qui ont nécessité l'intervention du Service de la protection de la jeunesse (ci-après: le SPJ) dès 1998. Un retard de développement et des problèmes de comportement ont entraîné son placement dans diverses institutions, telles que la Fondation de Vernand à Nyon, l'Ecole Pestalozzi, à Echichens, la Fondation Verdeil, à Lausanne, l'Institut Saint-Raphaël, à Champlan. Le manque d'adhésion des deux parents, en perpétuel désaccord, n'a globalement pas permis le bon déroulement de ces placements; N._ a en effet régulièrement fugué et a commis de nombreux vols et cambriolages, tout en consommant du cannabis ou de la cocaïne. Ces comportements lui ont valu les condamnations mentionnées ci-dessous. Dès le mois de décembre 2009, il a été pris en charge par l'association Renfort Socio-Educatif et Thérapeutique (RESET) et a été suivi par une pédopsychiatre. Parallèlement, il a intégré l'Association à l'Insertion Socio-Professionnelle (AISP) à Genève entre la fin du mois d'août 2010 et le mois de juin 2011. N._ n'est cependant pas parvenu à maintenir ses efforts sur la durée et s'est retrouvé en rupture avec l'AISP dès le mois de mars 2011, dite association mettant un terme à sa prise en charge au mois de juin suivant.
b)
Le casier judiciaire de N._ fait état des condamnations suivantes :
- Le 10 juin 2008, six demi‐journées de prestations personnelles à effectuer sous forme de travail pour lésions corporelles simples.
- Le 21 décembre 2010, à trois mois de privation de liberté, sous déduction de dix-sept jours de détention avant jugement, avec sursis pendant dix-huit mois pour lésions corporelles simples, vol, dommages à la propriété, injure, menaces, entrave à la circulation publique, émeute, violence ou menaces contre les autorités et les fonctionnaires, violation simple et grave de règles de la circulation, vol d’usage d’un véhicule automobile, tentative de vol d’usage d’un véhicule automobile, conduite d’un véhicule automobile sans être titulaire d’un permis de conduire et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants. Un traitement ambulatoire a par ailleurs été ordonné.
c)
Pour les besoins de l'enquête, N._ a été placé en détention provisoire du 22 au 28 mars 2011 à la Prison de la Croisée à Orbe, du 9 au
14 juin 2011, puis du 16 au 18 octobre 2011 au Centre pour adolescents de Valmont (CPA), du 18 octobre au 24 novembre 2011 à la Prison de la Croisée à Orbe, du
26 décembre 2011 au 18 janvier 2012 aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), du 26 janvier 2012 au 25 mai 2012 à la Prison de la Croisée à Orbe, du
25 mai 2012 au 12 juin 2012 à la Prison de la Clairière à Genève, du 14 juin au
24 juillet 2011 au CPA de Valmont; du 24 novembre 2011 au 26 janvier 2012 au Foyer d'éducation de Prêles, puis enfin aux HUG du 2 décembre 2011 au
18 janvier 2012, soit pendant une durée totale de 216 jours.
2.
N._ a admis avoir commis, entre le 5 janvier et le
25 décembre 2011, plus d'une vingtaine de vols et cambriolages avec effraction, principalement à Nyon, mais également à Lausanne, à Vich ou à Eysins.
3.
Le 25 décembre 2011, à la rue [...] à [...], vers 19h15, N._ a dérobé le véhicule de marque VW Golf appartenant à J._, immatriculé VD-[...], qui l'avait laissé quelques minutes, moteur allumé, devant le domicile d'un ami. Il a conduit jusqu'à la frontière, passé par le territoire français, avant de revenir au matin sur Genève en empruntant la douane de [...]. Pendant la nuit, il a fait la fête et consommé de la cocaïne en compagnie d'amis. Le véhicule qu'il conduisait étant signalé volé, il a été repéré le 26 décembre à 5h18 et pris en chasse par la police qui a tenté de l'interpeller. Voyant les agents à ses trousses, le prévenu a accéléré pour leur échapper. Il a circulé à contresens sur la route de [...], en direction de [...], à gauche d'une glissière de sécurité, à une vitesse avoisinant les 180 km/h. A la hauteur de la plage du Vengeron, N._ est revenu en direction de Genève à contresens sur la route de Lausanne. A la hauteur de la place [...], il a éteint ses phares et repris la rue de Lausanne en direction de la ville à une vitesse estimée à 160 km/h. Il a circulé sur les voies de tram à la place [...], puis coupé la route à une camionnette blanche, de sorte que son conducteur a été contraint d'effectuer un freinage d'urgence pour éviter un accident. Le prévenu a ensuite rejoint la route de [...] et franchi le carrefour du [...] à une vitesse voisine de 180 km/h, alors que la signalisation était au rouge. Informée de la course poursuite par les ondes de la police et se trouvant à proximité, une patrouille composée de I._, au volant d'un véhicule, et de V._, passager, a décidé de remonter l'avenue [...] en direction de l'avenue de [...], afin d'intercepter le prévenu. A un moment donné, I._ et V._ ont aperçu leurs collègues arrivant dans leur direction, répartis dans plusieurs voitures, feux bleus enclenchés, lesquels poursuivaient le prévenu. Au vu des circonstances, I._ et V._ ont alors décidé de créer un barrage routier au moyen de leur véhicule, feux bleus enclenchés et phares allumés. I._ a positionné le véhicule en biais, l'avant dans leur direction, en travers et au milieu de la route, laquelle comportait quatre voies, avec une double ligne centrale, en laissant un espace du côté droit. En dépit de la présence de la voiture de police sur sa route, le prévenu, qui roulait sur la voie de gauche, n'a pas ralenti sa course ni changé de voie et a foncé droit sur les policiers à une vitesse estimée à 150 ‐160 km/h. Face au danger, V._ s'est saisi de son arme et a tiré à une reprise en direction du véhicule conduit par le prévenu, dans le but de le faire dévier de sa trajectoire. In extremis, N._ a fait un écart et a esquivé la voiture de police par la droite pour continuer ensuite sa course. A l'entrée de l'autoroute A1 en direction de [...], il a perdu la maîtrise de son véhicule en tentant de faire demi-tour. Il en est alors sorti et a pris la fuite à pied en direction de la route de [...], pour tenter de se cacher. Un chien policier a été engagé pour le repérer. Lorsqu'il a été retrouvé par l'animal, ce dernier l'a mordu à la jambe droite et projeté au sol. Par ailleurs, N._ s'opposant à son interpellation, les gendarmes ont été contraints de faire usage de la force. Souffrant de plusieurs blessures, notamment une plaie à la tête ainsi qu'une morsure à la cuisse droite, N._ a été placé au quartier cellulaire de l'Hôpital Universitaire de Genève (ci-après: HUG) pendant plusieurs semaines. Un sachet de 1,2 gr. de cannabis a été retrouvé dans la portière du véhicule, côté conducteur.
J._ a retiré la plainte qu'il avait déposée. Il a fait parvenir au Tribunal l'expertise effectuée sur son véhicule. Selon un courrier du 13 mars 2012 envoyé par F._, expert au sein de l'entreprise [...] Sàrl, aucun impact de balle n'a été constaté sur la voiture de J._.
I._ et V._ ont déposé plainte.
Entendus par la Juge des mineurs le 13 mars 2012, I._ et V._ ont expliqué avoir sérieusement craint pour leur vie et avoir été surpris que le prévenu ne les ait pas heurtés au vu de la configuration des lieux et du déroulement des faits. I._ a indiqué qu'il repensait souvent à cette affaire, mais qu'il essayait d'aller de l'avant. V._, quant à lui, s'est dit très marqué par les faits, ce d'autant qu'il venait d'avoir une petite fille. Sa famille a également été très affectée. Mis au bénéfice d'un arrêt de travail pendant dix jours, il a souffert d'un stress post‐traumatique, de difficultés de sommeil et de maux de ventre. A cet égard, il a fait appel à la cellule de débriefing de la police genevoise afin d'obtenir un soutien. Aux débats d'appel, il a expliqué avoir commencé un traitement auprès d’un réflexologue depuis le mois de mai 2012, traitement qu'il poursuit à raison d’une fois par mois.
I._ et V._ ont pris des conclusions civiles par 10'000 fr. chacun, à titre d'indemnité pour tort moral, avec intérêts à 5% dès le
25 décembre 2011. N._ a, quant à lui, déclaré avoir contourné la voiture de police, expliquant qu'il n'avait aucune intention de s'arrêter mais qu'il y avait de la place pour passer à côté et que son but n'était pas de toucher la voiture mais uniquement d'échapper à la police. Il a précisé avoir appris à conduire en Algérie, avec son père.
4.
Le 24 novembre 2011, N._ a été admis au Foyer d'éducation de Prêles. Comme pour chaque admission de cas réputé difficile, il a été placé pour un mois dans une section fermée, ceci afin de prévenir les fugues et de créer un lien propice à un début de prise en charge adéquate. Le 2 décembre 2012, il est toutefois parvenu à s'évader, en compagnie d'un autre pensionnaire. Il a alors commis une nouvelle série de délits, dont celui du 25 décembre 2011 décrit ci-dessus. A la fin de sa convalescence, soit le 18 janvier 2012, il a été reconduit au foyer d'éducation précité. Il a séjourné dans la section disciplinaire pendant cinq jours et s'est ensuite vu imposer un programme spécial au sein de la section fermée, occupée par six mineurs.
Le 24 janvier 2012, Z._, T._, K._ (déférés séparément) et N._, tous placés dans ladite section, ont profité de la présence des deux éducateurs R._ et B._, pour mettre à exécution un plan d'évasion qu'ils avaient échafaudé depuis le retour de N._ au foyer, le 18 janvier 2012. Ce plan d'évasion prévoyait pour chacun d'entre eux un rôle précis et bien défini. T._ devait neutraliser B._, K._ était, quant à lui, chargé de s'occuper de R._, pendant que Z._ devait s'emparer des clés et des moyens de communications des éducateurs, puis libérer N._, lequel devait les seconder et les guider une fois à l'extérieur. N._ avait été averti par T._ pendant la journée que l'évasion aurait lieu le soir même. Vers 18h50, après le repas, Z._, K._ et T._ ont proposé à R._ et B._ de jouer au billard, ce qu'ils ont accepté. C'est au milieu d'une seconde partie que T._ a déclenché les hostilités en assénant plusieurs coups de queue de billard sur la tête et le corps de B._. Une bagarre a éclaté entre l'éducateur et son agresseur. B._ a fini par céder et a remis les clés à T._. Z._ est ensuite venu aider son comparse afin de maîtriser B._ et le fouiller. Quant à K._, il est passé à l'action immédiatement après le premier coup asséné par T._ à B._. Au moyen d'une queue de billard également, K._ a frappé R._ à la tête à plusieurs reprises et l'a rapidement neutralisée. Elle a alors remis ses clés à Z._, qui avait entre temps subtilisé le pager de B._. En dépit de sa blessure à la tête, R._ a pu actionner le bouton d'urgence de son pager. Lorsque le service de sécurité du foyer a tenté de la joindre sur son téléphone, K._ s'est saisi de l'appareil. Entre-temps, Z._ a libéré N._, qui s'est chargé avec T._ de pousser B._ dans les douches, avant d'aller déverrouiller, comme prévu, deux portes situées dans le couloir de la section fermée. Dans le même laps de temps, Z._ a pénétré dans le bureau de R._, accompagné de cette dernière dans le but de l'y enfermer. Il s'est précipité à l'arrière dudit local, servant de kiosque, et a tenté de dérober de l'argent ainsi que plusieurs articles avant d'être appréhendé par le service de sécurité du foyer. Entre temps, N._, K._ et T._ sont parvenus à prendre la fuite, guidés par N._, lequel connaissait le chemin, puisqu'il s'était déjà échappé une première fois de l'établissement. Lors de leur fuite, ce dernier se serait débarrassé, aux dires de T._, des clés et du téléphone de service appartenant au foyer. Ces objets n'ont pas été retrouvés. Les trois comparses ont marché jusqu'à la Neuveville. Arrivés devant l'hôtel [...], N._ s'est introduit à l'intérieur par une porte de service non verrouillée et s'est rendu au sous-sol. Il a forcé les casiers du personnel se trouvant à proximité des toilettes au moyen d'un outil, parvenant à arracher le cadre en bois de l'armoire du vestiaire. Il a fouillé un sac à main trouvé dans l'un d'eux, appartenant à D._. Il y a dérobé des cigarettes, des clés, de la monnaie ainsi qu'un téléphone portable, laissant le sac à main dans les toilettes pour handicapés. N._ a vendu le téléphone portable pour 30 ou 40 fr. selon ses dires, somme qu’ils ont ensuite dépensée en nourriture. Le solde du butin n’a pas été retrouvé. Le 26 janvier 2012, N._ s'est rendu à la police.
R._ a consulté le Service des Urgences de l'Hôpital de Bienne le soir de son agression. Elle a souffert d'une lésion de 7 à 8 cm de long sur le côté droit de sa tête, derrière l'oreille, qui a nécessité cinq points de suture. Très choquée par l'agression qu'elle a subie, elle a notamment demandé à pouvoir changer de section au sein de l'établissement. R._ a déposé plainte et réclame une indemnité pour tort moral de 1'000 francs.
B._ a souffert d'une entorse au pouce et de douleurs au bras gauche et à la tête. Il a déposé plainte mais n'a rien réclamé.
Le directeur du Foyer d'éducation de Prêles, W._, a déposé trois plaintes, pour mutinerie de détenus, vol d'un téléphone portable et de deux clés ainsi que pour tentative de vol de numéraire, cartouches de cigarettes et cartes téléphoniques, retrouvés en possession de Z._ lorsqu'il a été intercepté par le service de sécurité du foyer. Il n'a pas chiffré ses conclusions civiles. | En droit :
1.
Le droit de procédure applicable aux mineurs renvoie en principe au CPP (art. 3 al. 1 PPMin), étant précisé que les exceptions visées à l'al. 2 de cette disposition ne sont pas en cause ici.
Interjeté dans les forme et délais légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.2
N._ ne conteste pas les faits tels qu'ils ont été retenus par le Tribunal des mineurs. Il estime en revanche que ces faits ont été interprétés de manière erronée et se plaint d'une violation du droit.
3.
Dans un premier argument, l'appelant soutient que les éléments constitutifs de l'infraction de mise en danger de la vie d'autrui ne sont pas réunis, s'agissant des faits survenus dans la nuit du 25 au 26 décembre 2011 et qu'il n'y a en conséquence pas lieu d'allouer à sa charge une indemnité pour tort moral aux plaignants V._ et I._. Il affirme ne pas avoir eu la volonté de toucher les policiers et avoir agi en sachant que le passage emprunté était assez large pour que sa manœuvre d'évitement ne soit pas dangereuse pour les deux policiers. Il ajoute que ces derniers étaient dans leur voiture pour lui faire barrage au milieu de la chaussée et que c'est uniquement lui qui a évité leur véhicule.
3.1
Selon l'art. 129 CP, celui qui, sans scrupules, aura mis autrui en danger de mort imminent sera puni de la réclusion pour cinq ans au plus ou de l'emprisonnement. La réalisation de cette infraction implique la réunion de conditions objectives, à savoir la création d'un danger de mort imminent, et, au-delà de l'intention, d'une condition subjective particulière, soit l'absence de scrupules.
Le danger de mort imminent, élément constitutif de l'art. 129 CP, suppose d'abord un danger apparaissant comme très possible ou vraisemblable (ATF 134 IV 8). Le danger doit être concret, c'est-à-dire qu'il faut un état de fait dans lequel existe, d'après le cours ordinaire des choses, la probabilité ou un certain degré de possibilité que le bien juridique protégé soit lésé, sans toutefois qu'un degré de probabilité supérieur à 50 % soit exigé (Corboz, Les infractions en droit suisse, 3
ème
édition, Berne 2010, n. 11 ad art. 129 CP; ATF 121 IV 67, TF 6S.322/2005 du
30 septembre 2005). Enfin, Il doit s'agir d'un danger de mort et ce danger doit être imminent, c'est-à-dire représenter plus qu'une probabilité sérieuse, le danger de mort apparaissant si probable qu'il faut être dénué de scrupules pour négliger sciemment d'en tenir compte. Un danger de mort imminent, au sens de l'art. 129 CP, n'existe donc pas seulement lorsque la probabilité de tuer autrui est plus grande que celle de pouvoir éviter cette mort, mais aussi déjà lorsque naît un degré de possibilité de mort tel que celui qui sciemment n'en tient pas compte se révèle dénué de scrupules (Pozo, Droit pénal, partie spéciale, Genève 2009 n. 612 ad art. 129 CP). Par ailleurs, l'imminence comporte un élément d'immédiateté. Il faut donc en définitive un risque concret et sérieux qu'une personne soit tuée et pas seulement blessée et que ce risque soit dans un rapport de connexité étroit avec le comportement de l'auteur (Corboz, op. cit. n. 14 ad art. 129 CP).
La mise en danger de la vie d'autrui n'est punissable que si elle est intentionnelle. L'auteur doit avoir conscience du danger de mort imminent pour autrui et adopter volontairement un comportement qui le crée. L'auteur doit vouloir mettre autrui en danger de mort imminent, sans vouloir, toutefois, la réalisation du risque, sous peine de se voir condamner pour meurtre. La volonté de créer un danger de mort imminent se situe donc entre le dol éventuel de l'homicide intentionnel et la simple négligence consciente. Il y a homicide ou tentative d’homicide intentionnel si l’auteur veut la mort de la victime ou accepte cette éventualité; il y a homicide par négligence s’il adopte un comportement dangereux, qu’il ait ou non perçu le risque, mais en comptant bien, par légèreté, que le risque ne se réalisera pas. Dans le cas de la mise en danger de la vie d’autrui, l’auteur, sans accepter l’éventualité du décès, veut créer un risque de mort (Corboz, op. cit., n. 26 ad art. 129 CP; ATF 133 IV 8).
L’auteur doit en outre créer le danger sans scrupules. On désigne par là un comportement dont le caractère répréhensible doit apparaître comme marqué. L’acte doit revêtir une gravité qualifiée, dénoter une absence particulière d’inhibition face au fait de mettre en danger la vie d’autrui et un manque criant d’égards face à l’existence de tiers (Dupuis et al., op. cit., n. 14 ad art. 129 CP). Plus le danger connu de l'auteur est grand et moins ses mobiles méritent attention, plus l'absence de scrupules apparaît comme évidente (Corboz, op. cit., n. 28 ad art. 129 CP;
TF 6S.128/2003 du 13 août 2003 c. 4.1.2; ATF 114 IV 103 c. 2a). L’absence de scrupules doit être admise dans tous les cas où la mise en danger de mort d’autrui intervient pour un motif futile ou apparaît clairement disproportionnée, de
sorte qu’elle dénote un profond mépris de la vie d’autrui (Corboz, op. cit., n. 32 ad art. 129 CP).
3.2
En l'occurrence, la cour de céans considère, comme l'ont fait à juste titre les premiers juges (jgt., pp. 27-28), que la condition de danger de mort concret et imminent est réalisée. En effet, après avoir engagé une course poursuite dans la ville de Genève dans des conditions incroyables (circulation sans permis et sous l'effet de la cocaïne, vitesse fréquemment supérieure à 160 km/h, circulation à contre sens, priorité coupée, signalisation non respectées, dont un feu rouge, circulation de nuit phares éteints, etc...), l'appelant, en dépit de la présence bien visible de la voiture de police en travers de la route, n'a pas ralenti sa course et a foncé droit sur eux à une vitesse de l'ordre de 150 à 160 km/h, ne faisant un écart pour esquiver de très peu la voiture qu'au dernier moment. Dans ce contexte factuel, considérer, comme l'ont fait les premiers juges qu'une collision était de nature à causer la mort (jgt., p. 28) constitue une appréciation adéquate. Leur raisonnement peut être intégralement confirmé, tant s'agissant de la condamnation de l'appelant pour mise en danger de la vie d'autrui que pour l'indemnité allouée aux plaignants V._ et I._ à titre de tort moral. Ce moyen, mal fondé, doit être rejeté.
4.
L'appelant considère ensuite qu'il n'y a pas lieu de retenir à son encontre l'infraction de lésions corporelles simples s'agissant des faits survenus le
24 janvier 2012 (consid. 4 supra) et, partant, de le reconnaître débiteur d'une indemnité pour tort moral au bénéfice de R._. Il argue du fait qu'il était enfermé au moment où ses comparses ont battu les deux éducateurs à coups de queues de billard, de sorte qu'on ne pouvait lui imputer la violence de ses trois comparses. Il soutient que rien au dossier ne permettrait d'affirmer que le déchaînement de violence dont ont été victimes les deux éducateurs avait été planifié pour prendre les clés et il ajoute que s'il avait participé, il aurait pu user d'un autre moyen, moins ou non violent, voire se désister le moment venu.
4.1
a)
L'art. 123 CP réprime les lésions du corps humain et les atteintes à la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. Il vise en particulier toutes les dégradations du corps humain, externes ou internes, à la suite d'un choc ou de l'emploi d'un objet, telles les fractures, les foulures, les coupures et les hématomes.
b)
Est un coauteur celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d'autres personnes à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un
des participants principaux; il faut que, d'après les circonstances du cas concret,
la contribution du coauteur apparaisse essentielle à l'exécution de l'infraction
(ATF 120 IV 265 c. 2c). La seule volonté quant à l'acte ne suffit pas; il n'est toutefois pas nécessaire que le coauteur ait effectivement participé à l'exécution de l'acte ou qu'il ait pu l'influencer. La coactivité suppose une décision commune, qui ne doit cependant pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d'actes concluants, le dol éventuel quant au résultat étant suffisant. Il n'est pas nécessaire que le coauteur participe à la conception du projet; il peut y adhérer ultérieurement. Il n'est pas non plus nécessaire que l'acte soit prémédité; le coauteur peut s'y associer en cours d'exécution. Ce qui est déterminant c'est que le coauteur se soit associé à la décision dont est issue l'infraction ou à la réalisation de cette dernière, dans des conditions ou dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal (ATF 130 IV 58 c. 9.2.1, JT 2004 I 486; ATF 120 IV 136
c. 2b; ATF 120 IV 265 c. 2c/aa et les arrêts cités).
4.2
Dans le cas d'espèce, l'état de faits non contesté retient que l'agression proprement dite des deux éducateurs a eu lieu alors que l'appelant était enfermé dans une cellule à part, selon un programme spécial en suite de sa récente fugue. Il est également établi que, lorsqu'il a été libéré par un de ses camarades, il n'a à aucun moment frappé lui-même les éducateurs. Les premiers juges ont toutefois relevé, à juste titre, que l'appelant et ses trois camarades, déférés séparément, ont échafaudé ensemble un plan d'évasion pour lequel chacun avait un rôle précis et bien défini, deux des comparses devant neutraliser les éducateurs pendant que le troisième allait libérer l'appelant (jgt., p. 15); une fois libéré, ce dernier devait aider ses comparses et les guider à l'extérieur, puisqu'il avait déjà fugué quelques jours auparavant et connaissait dès lors le chemin. K._ a déclaré qu'il était initialement prévu que ce soit N._ qui s'en prenne à l'un des éducateurs
(P. 437, audition du 7 mars 2012) alors que T._ a indiqué que lorsqu'il a informé l'appelant de la mise à exécution du plan convenu et du nom des éducateurs présents ce soir-là, ce dernier a déclaré "allez-y, niquez-les!" (P. 547, audition du
30 janvier 2012, p. 4 ligne 1). Enfin, l'appelant a confirmé, lors de son audition par la Présidente du Tribunal des mineurs le 24 février 2012, que cette évasion était programmée et qu'il en avait discuté avec ses comparses lorsqu'il était au cachot, indiquant qu'il savait que ces derniers allaient agresser les éducateurs (P. 435,
pp. 8-9).
Compte tenu de ce qui précède, c'est à raison que les premiers juges ont considéré que le prévenu connaissait le déroulement du plan et qu'il savait que le recours à la force, voire à la violence, en faisait partie dans la mesure où il était prévu de "neutraliser" les éducateurs. On peut même ajouter qu'il a, par ses déclarations à T._, encouragé les moyens agressifs planifiés. Dans ces circonstances, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le prévenu a participé activement à la conception du plan, qu'il a eu un rôle déterminé et déterminant, qu'il s'est pleinement rallié aux intentions agressives de ses camarades, sachant pertinemment qu'ils allaient s'en prendre physiquement aux éducateurs et qu'il pouvait à tout le moins se douter que ceux-ci seraient blessés lors de leur "neutralisation". N._ a d'ailleurs manifesté son rôle actif dès sa sortie de cellule, en poussant l'un des éducateurs dans les douches, avant d'aller déverrouiller les portes de la section fermée. Il n'y a donc, aucune violation du droit à retenir que N._ s'est rendu coupable de coaction intellectuelle de lésions corporelles simples. Ce moyen, mal fondé, doit être rejeté et le chef d'accusation contesté doit être confirmé. Il en va par conséquent de même de l'indemnité pour tort moral allouée par les premiers juges à R._.
5.
S'agissant toujours des événements survenus le 24 janvier 2012, l'appelant conteste sa condamnation pour mutinerie de détenus. Il soutient que le nombre des détenus en cause en l'espèce et le fait qu'ils ne se sont jamais retrouvés tous ensemble, en particulier lors de l'agression des éducateurs, ne permettrait pas de considérer que les éléments constitutifs de l'infraction de l'art. 311 CP seraient réalisés.
5.1
a)
L'art. 311 al. 1 CP dispose que les détenus ou les personnes internées dans un établissement par décision de l’autorité qui se seront ameutés dans le dessein d’attaquer, d’un commun accord, un fonctionnaire de l’établissement ou toute autre personne chargée de les surveiller, de contraindre, par la violence ou la menace de violences, un fonctionnaire de l’établissement ou toute autre personne chargée de les surveiller à faire un acte ou à s’en abstenir, ou de s’évader en usant de violence, seront punis d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire de 30 jours-amende au moins.
Le premier élément objectif constitutif de cette infraction est que son auteur doit être un détenu, soit se trouver dans un établissement de détention (préventive, provisoire ou d'exécution).
Le second élément objectif constitutif de l'infraction est que l'auteur adopte le comportement délictueux consistant à prendre part à une émeute au sens des art. 310 ch. 2 CP et 260 CP. La doctrine l'explique comme un rassemblement plus ou moins important qui apparaît comme une force unie, c'est-à-dire que les personnes qui le composent tendent à un même but ou à tout le moins paraissent animées par un même état d'esprit, en l'occurrence, s'agissant de l'art. 311 CP, celui de s'évader (Corboz, op. cit., nn. 4 à 6 ad art. 311 CP; Dupuis & al., Petit commentaire, op. cit., n. 10 ad art. 311 CP).
b)
La jurisprudence n'a pas fixé le nombre minimum requis de participants pour qu'il y ait émeute. Le Tribunal fédéral définit l'attroupement comme étant "la réunion d'un nombre plus ou moins élevé de personnes suivant les circonstances, qui apparaît extérieurement comme une force unie et qui est animé d'un état d'esprit menaçant pour la paix publique"
(ATF 124 IV 270). Ainsi, il convient de se référer à un critère circonstanciel et non chiffré pour admettre ou non la notion d'émeute. S'agissant de l'élément intentionnel, il suffit que l'auteur accepte que la foule ameutée poursuive l'un des buts visés et qu'il n'est pas nécessaire qu'il veuille lui‐même accomplir l'un de ces actes. La Cour d'appel du canton du Valais a notamment relevé qu'il peut y avoir violence ou menace au sens de l'art. 311 CP sans que des coups soient donnés ni des blessures infligées et que contrairement à d'autres dispositions, l'art. 311 CP n'exige pas que la menace soit grave ni sérieuse. Ceinturer un gardien, le ligoter ou le menacer verbalement, même si ces actes ne le blessent pas, constituent déjà une menace ou une violence au sens de cette disposition. L'usage de la force par l'ensemble des participants n'est donc pas nécessaire (RVJ 1977 p. 421).
5.2
En l'occurrence, la réalisation du premier élément objectif constitutif de l'infraction n'est pas discuté par l'appelant. S'agissant du second élément objectif, les premiers juges ont considéré qu'au moment des faits, six jeunes au total occupaient le quartier de la section fermée et que quatre d'entre eux ont mis à exécution un plan d'évasion préalablement discuté et incluant la violence à l'encontre des deux éducateurs présents; dans ces circonstances, le jugement retient à juste titre que la condition de l'émeute est réalisée (jgt, pp. 29-30). En effet, contrairement à ce que soutient l'appelant, un critère circonstanciel et non chiffré doit être retenu pour admettre ou non la notion d'émeute. Il convient aussi de tenir compte du fait que l'appelant et ses comparses se trouvaient dans un foyer pour jeunes, dont les règles de sécurité sont moins strictes que dans une prison. Par ailleurs, même s'ils ne se sont jamais retrouvés tous les quatre ensemble, l'appelant et ses trois comparses se sont alliés, selon un plan déterminé et comprenant le recours à la force, pour neutraliser les deux surveillants, alors qu'ils se trouvaient tous les quatre dans un secteur fermé de l'établissement; cela apparaît sans aucun doute comme une force unie et animée d'un état d'esprit menaçant pour la paix publique, en l'occurrence celle de l'établissement. N._ n'a, en outre, pas été passif, comme il semble le soutenir. Il a en effet encouragé ses camarades à passer à l'action et, à peine libéré de sa cellule, il a prêté main forte à l'un de se comparses pour neutraliser B._, en le poussant dans les douches. Enfin, sa seule présence, augmentant le groupe de trois à quatre, a contribué à mettre une pression supplémentaire sur les éducateurs.
Compte tenu de ce qui précède, les conditions de l'art. 311 CP sont réalisées et il n'y a aucune violation du droit à reconnaître N._ coupable de mutinerie au sens de cette disposition. Il convient également de confirmer le montant de l'indemnité pour tort moral alloué à R._. Ce moyen de l'appel, mal fondé, doit donc être rejeté.
6.
En définitive, tous les moyens de l'appel consistant à contester les chefs d'accusation retenus sont rejetés. Partant, rien ne justifie de revoir la quotité de la peine prononcée, pour la fixation de laquelle tous les critères légaux et jurisprudentiels ont été respectés (jgt., p. 31). Les premiers juges ont retenu à la charge de N._ la gravité des faits qui lui sont reprochés, dont il est important qu'il réalise l'ampleur et les conséquences pour les victimes, son comportement souvent irresponsable et inadapté, tendant à démontrer qu'il n'a aucun respect pour autrui, n'hésitant pas à se lancer dans des courses poursuites avec la police et à mettre sur pied des plans d'évasion à n'importe quel prix, le fait qu'il a agi par appât du gain, commettant de nombreux vols et cambriolages afin de s'assurer un train de vie confortable, agissant avec un mépris total pour les lésés, qu'il a récidivé à réitérées reprises en cours d'enquête, et ce malgré des séjours répétés en prison et en institution. Les premiers juges ont également retenu à charge l'attitude de l'appelant tant durant l'enquête - faite de mensonges et de multiples contradictions afin de semer le trouble sur ses agissements – que vis-à-vis du personnel éducatif du foyer des Prêles, qui est intolérable et qui en dit long sur son état d'esprit. Vérifiée d'office, la peine est adéquate. Il convient, en particulier, de relever que les biens juridiques protégés respectivement à l'art. 123 CP et 311 CP ne sont pas les mêmes de sorte que les premiers juges étaient fondés à retenir que les infractions de lésions corporelles simples et de mutinerie sont en concours (jgt., p. 30).
7.
Il convient encore de relever que la détention subie depuis le jugement de première instance, soit un total de 216 jours, est déduite. En outre, le maintien en détention de N._ à titre de sûreté est ordonné au regard du risque de fuite avéré compte tenu de la situation personnelle de l'appelant.
8.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de N._. Outre l'émolument, qui se monte à 1'395 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), les frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office.
Le conseil de N._ a produit une liste d'opérations effectuées en deuxième instance, soit du 18 juin au jour de l'audience d'appel, pour un montant total de 23 heures. Ce total est trop élevé. En particulier, il paraît exagéré de se prévaloir d'avoir consacré cinq heures à la rédaction d'un mémoire d'appel motivé de
9 pages, qui reprend des arguments qui ont tous déjà été plaidés et examinés en première instance. Il en va de même des cinq heures qui auraient été consacrées à la préparation de l'audience d'appel.
Tout bien considéré,
il convient d'admettre que le défenseur d'office de l'appelant a dû consacrer 15 heures à l'exécution de son mandat, incluant la durée de l'audience d'appel. L'indemnité sera dès lors arrêtée à 3'024 fr., TVA et débours compris.
N._ ne sera tenu de rembourser le montant des indemnités en faveur de son défenseur d'office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a et 426 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6884c3b3-2d3b-44ef-8464-137a6e7a33b0 | En fait :
A.
Par jugement du 29 janvier 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a libéré S._ des chefs d'accusation d'injure et de menaces (I), a rejeté la conclusion de B.L._ tendant à l’allocation d’une indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure à forme de l’art. 433 CPP (II), a alloué à S._ une indemnité à forme de l’art. 429 CPP d’un montant de 1'500 fr. (mille cinq cents francs), valeur échue, à la charge de l’Etat (III) et a laissé les frais de la cause à la charge de l'Etat (IV).
B.
Le 3 février 2015, le plaignant B.L._ a déposé une annonce d’appel contre ce jugement.
Par déclaration d’appel du 15 mai 2015, il a conclu à la réforme du jugement précité en ce sens que S._ est reconnu coupable d'injure et menaces et condamné à l'allocation de dépens de première et deuxième instance.
Le 27 mai 2015, le Ministère public a annoncé qu'il s'en remettait à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et qu'il renonçait à déclarer un appel joint.
Par courrier du 24 juin 2014, il a déclaré qu'il renonçait à déposer des conclusions motivées.
A l'audience d'appel, B.L._ a, par son conseil de choix, produit des conclusions civiles chiffrées correspondant à ses frais de défense de première et deuxième instance.
S._, par son défenseur de choix, a conclu au rejet de l’appel, au rejet des conclusions civiles et à l'allocation d'une indemnité de l'art. 429 CPP de 1'500 fr. pour ses dépens de deuxième instance.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né en 1967 à Chlef, en Algérie, originaire de Lutry, S._, divorcé, est administrateur de l'hôtel R._, à [...]. Il perçoit un salaire mensuel net de 6'500 francs. Il a environ 4'500 fr. de charges et n'a pas de dettes.
Son casier judiciaire comporte l’inscription suivante :
- 08.01.2015, Ministère public de l’arrondissement de La Côte, violation grave des règles de la circulation routière, peine pécuniaire 60 jours-amende à 50 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans, amende 750 fr., convertible en 15 jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif.
2.
A.L._, père de B.L._, a été directeur durant plusieurs années de l’hôtel R._ à [...], avant que S._ ne reprenne la direction, à mi-juillet 2013.
A deux reprises, soit les 27 septembre et 2 octobre 2013, la police est intervenue à l’hôtel R._ alors que B.L._ tentait de récupérer les effets personnels de son père, une fois à la demande de B.L._ et une fois à la demande de S._. Au courant du mois d'octobre 2013, les conseils d’A.L._ et de la Société commerciale du R._ SA ont eu un échange de courriers afin de fixer une date permettant à une personne désignée, justifiant d’une procuration écrite, de venir récupérer tous les effets personnels laissés par A.L._ dans sa chambre et son bureau à l’hôtel. Le 23 octobre 2013, le conseil d’A.L._ a adressé un fax au conseil de la Société l'informant qu’A.L._ ou une personne désignée par ce dernier se présenterait à la réception de l’hôtel le lendemain 24 octobre 2013 à 10h00.
Le 24 octobre 2013, B.L._ s’est rendu à l’hôtel à l'heure indiquée dans le fax. A cet endroit, il a rencontré S._, qui n'avait pas été mis au courant de sa venue. Ce dernier l'a invité à venir parler avec lui dans une salle de conférence. A l'intérieur de la pièce, il a fermé les portes et demandé au personnel de ne pas le déranger. Les deux hommes ont tout d'abord conversé normalement. B.L._ reproche à S._ de s'être emporté lorsqu'il a refusé de lui communiquer les coordonnées de son père et de l'avoir menacé en lui disant "je vais vous casser les genoux, j'ai autant d'argent que je veux, je peux payer autant d'avocats que je veux, je vais vous niquer (...), le monde il est tout petit, le monde il est tout petit", avant d'énumérer une liste de personnes influentes dans le monde juridique, politique et de l'hôtellerie. S._ aurait ajouté qu'il saurait le retrouver, qu'il avait les moyens de "niquer" sa carrière et qu'il allait lui pourrir la vie. Il l'aurait ensuite injurié en lui disant "vous n'êtes qu'une merde", et lui aurait dit de « dégager », tout en précisant qu'il n'allait pas lui rendre les affaires de son père.
Alors que les deux hommes se dirigeaient vers la sortie, S._ se serait rapproché de B.L._ d’un air menaçant et lui aurait encore dit : "des merdes comme ça, mal éduquées, dans mon pays je vous aurais éduqué à coups de bâtons de fer dans la gueule. Vous m'entendez, à coups de bâton de fer".
Finalement, S._ aurait accompagné B.L._ dans la chambre de son père pour qu’il puisse y récupérer une partie des affaires qu’il était venu chercher. Pendant que B.L._ chargeait les affaires, S._ aurait reçu un appel téléphonique et entamé une conversation en langue arabe, puis aurait coupé soudainement la discussion au téléphone en s'adressant à B.L._ en ces termes : « je suis algérien, je vous précise hein, vous savez ce que cela veut dire".
B.L._ a déposé plainte pénale le jour même. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les forme et délai légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
L'appelant conteste l'acquittement des chefs d'accusation d'injure et menaces dont a bénéficié S._. Il soutient qu'il y aurait suffisamment d'éléments au dossier permettant de retenir sa version des faits, de sorte que c'est à tort que le premier juge a mis le prévenu au bénéfice de ses déclarations.
3.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
L’appréciation des preuves est l’acte par lequel le juge du fond évalue la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. L’appréciation des preuves est dite libre, car le juge peut par exemple attribuer plus de crédit à un témoin, même prévenu dans la même affaire, dont la déclaration va dans un sens qu’à plusieurs témoins soutenant la thèse inverse; il peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Jean-Marc Verniory, in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP et les références jurisprudentielles citées).
3.2
En l'espèce, il est admis que lorsque, le matin du 24 octobre 2013, B.L._ s'est rendu à l'hôtel R._ dans le but de récupérer les affaires de son père, S._ n'avait pas été mis au courant de sa venue, son avocat ayant vraisemblablement omis de l'avertir du fax du conseil d’A.L._ reçu la veille l'informant qu'une personne désignée par ce dernier se présenterait à la réception de l'hôtel le 24 octobre 2013, à 10h00 (pièce 6, annexes). Il est également admis qu'une fois arrivé à l'hôtel, le plaignant a rencontré S._, que celui-ci l'a invité à discuter dans une salle de conférence, qu'il a fermé les portes, qu'il a demandé au personnel de ne pas le déranger et que les deux parties se sont alors retrouvées seules. A ce stade, les versions divergent. Dans sa plainte, B.L._ a expliqué que S._ avait commencé à l'insulter et à le menacer au moment où il avait refusé de lui communiquer les coordonnées de son père. Le prévenu a contesté quant à lui toute menace ou insulte envers le plaignant; il a admis que le jour des faits, il y avait eu des tensions entre eux et qu'il avait pu tout au plus élevé la voix et a expliqué que l'appelant était, comme les deux fois précédentes où il l'avait rencontré, arrogant et insistant et qu'il s'était présenté comme un homme de loi.
Le premier juge a à juste titre relevé qu'aucun des témoins entendus en cours d'enquête et aux débats, dont il a fidèlement résumé les déclarations au considérant 4 du jugement, n'avait pu confirmer l'une ou l'autre des versions des parties, dans la mesure où personne n'était présent lors de la discussion litigieuse, qu'il subsistait dès lors un doute quant à la teneur des propos échangés entre les parties dans la salle de conférence puis dans la chambre d’A.L._ et que le prévenu devait donc, au bénéfice du doute, être libéré des chefs d'accusation d'injure et de menaces.
Contrairement à ce qu'a fait valoir l’appelant aux débats, les témoignages de [...] et [...] ne sont pas pertinents. On relèvera d’emblée que leur portée doit être relativisée, compte tenu des liens entre ces témoins et B.L._, le premier étant le conseil d’A.L._, père de l'appelant, et le second une connaissance de ce dernier. Par ailleurs, s'agissant de [...], l'affirmation selon laquelle lorsque l'appelant, qui se trouvait à l'extérieur de l'hôtel, l'avait contacté par téléphone le 24 octobre 2013, « il avait le souffle haletant » (PV aud. 3,ligne 32) et « paraissait choqué » (ligne 73) constitue une simple appréciation qui n'a en soi aucune force probante. Ce témoin a encore affirmé que lorsque le plaignant l'a appelé, il aurait lui-même entendu S._ dire à B.L._, sur un ton impérieux et acrimonieux, "ne faites pas tant d'histoires" ou "cessez de faire des histoires" (lignes 42 à 46), alors que ni le témoin [...], qui était à l’entrée du bâtiment, ni l’appelant lui-même n’ont fait état de tels propos. Pour le reste, le procès-verbal d'audition de [...] ne contient que les paroles rapportées par B.L._ successivement au dépôt de la plainte ; ces propos n'ont aucune portée, une comparaison avec ceux effectivement tenus par le prévenu étant impossible, vu l'absence de témoin direct.
Quant à [...], sa déposition n’est pas déterminante, dans la mesure où il s’est limité à affirmer que B.L._ lui avait uniquement dit s’être fait insulter par S._, sans plus amples précisions (PV aud. 4, ligne 38). Par ailleurs, si le témoin, qui se trouvait à l’entrée du bâtiment, a été capable de dire que lorsque les deux parties sont revenues, le plaignant était "stressé" (ligne 34), il n’a en revanche nullement fait état d’une attitude désagréable que le prévenu aurait eue à l’égard du plaignant, contrairement à ce que ce dernier a soutenu en disant que l’intimé se serait adressé à lui avec un ton autoritaire en déclarant qu’il n’en avait "rien à foutre de la police" (PV aud. 1, pp. 2
in fine
et 3
in initio
).
Le fait que B.L._ ait pu paraître "stressé" ou "mal à l’aise", comme l’a indiqué le témoin K._ (jugt, p. 8), ou même "choqué" (PV aud. 3, ligne 73), peut parfaitement s'expliquer par le fait que le prévenu a, au cours de sa discussion avec l’appelant, élevé la voix, comme il l'a lui-même reconnu (jugt, p. 4), et par le fait que, pour la troisième fois en un mois, le plaignant venait de se voir refuser l’accès à la chambre de son père et qu’il n’avait pu en définitive récupérer qu’une partie des affaires de ce dernier. L'appelant était en outre convaincu que l'intimé l'attendait, comme cela avait été convenu entre l'avocat de son père et celui de S._, ce que ce dernier ignorait en réalité, son conseil ayant omis de l'avertir (PV aud. 2, lignes 60 et 61). Cela explique, d'une part, la réaction du plaignant, et, d'autre part, le refus de l'intimé de lui restituer immédiatement les affaires de son père. Certes, S._ a élevé la voix lors de leur conversation, mais aucun cri n’a été entendu. On imagine du reste mal qu'après avoir invité le plaignant à le suivre dans la salle de conférence pour "éviter une discussion animée devant la clientèle" (jugt, p. 10, témoignage de F._) et ainsi ne pas "perturber l'atmosphère de l'hôtel" (jugt, p. 4), et après avoir discuté calmement pendant un certain temps, comme l'appelant lui-même l'a expliqué (PV aud. 1, p. 2), le prévenu se soit mis soudainement à l’injurier et à le menacer, au risque que ce dernier, déjà agacé, appelle la police, comme cela avait déjà été le cas quelques semaines auparavant, ou crée un scandale dans l'hôtel; cela expliquerait d'ailleurs pourquoi, par la suite, selon les affirmations du plaignant, le prévenu l’aurait interrompu en l’apercevant au téléphone à la sortie du bâtiment et aurait finalement accepté de lui remettre les affaires de son père.
Sur ce dernier point, l'appelant a expliqué que lorsqu’ils sont montés dans la chambre de son père, il y avait deux employés de l'hôtel (PV aud. 2, lignes 41 à 44). Or, aucun témoin n'a dit avoir assisté à la scène décrite par le plaignant à cet endroit (PV aud. 1, p. 3).
Les seuls employés de l’époque à avoir été entendus comme témoins sont K._ et F._. Ceux-ci n’étant plus liés au prévenu, leurs déclarations conservent toute leur portée. Le premier a expliqué avoir été présent une des deux fois où la police était intervenue, qu’il arrivait au prévenu de s’énerver et de hausser le ton, que c’était dans son caractère, mais qu’il ne l’avait jamais vu ni entendu insulter ou menacer quelqu’un, et que le jour des faits il avait entendu le plaignant dire au prévenu qu’il connaissait bien la loi (jugt, pp. 8 et 9). F._ a, quant à elle, déclaré avoir assisté à des discussions vives entre les parties, « mais sans plus », et qu’à une reprise, celles-ci étaient allées discuter dans une salle et la discussion avait été animée de part et d’autre, mais sans pouvoir affirmer qu’il s’agissait du 24 octobre 2013. Ces témoignages sont corroborés par la déposition de X._, géomètre mandaté par l’hôtel à l’époque des faits pour évaluer le bâtiment et d’éventuels travaux techniques, qui a expliqué avoir, à une occasion, assisté à une discussion entre les parties en présence de la police, au cours de laquelle le plaignant s’était montré arrogant, arguant qu’il avait les clefs, qu’il était avocat et qu’il connaissait très bien la loi (jugt, p. 12). Au vu de ces déclarations concordantes, il est ainsi tout à fait plausible que le jour des faits, le ton soit monté, comme le prévenu l’a lui-même admis, sans pour autant qu’on puisse retenir que celui-ci a insulté et menacé le plaignant.
On ne peut rien tirer non plus de décisif des rapports d’intervention de la police (pièce 17) auxquels l’appelant s’est référé en audience. Ces rapports montrent uniquement qu’à deux reprises, soit les 27 septembre et 2 octobre 2013, la police est intervenue à l’hôtel R._ alors que B.L._ tentait de récupérer les effets personnels de son père. Il ressort en particulier du premier rapport d’intervention qu’un rendez-vous avait, semble-t-il, été fixé pour le 27 septembre 2013, mais que S._ l’avait oublié et qu’au final, il avait été conseillé à B.L._ de prendre rendez-vous par l’entremise des avocats avant de passer à l’hôtel, ce que le plaignant semble avoir à son tour oublié ou ignoré lorsque, quelques jours plus tard, il s’est à nouveau présenté à la réception en réclamant les affaires de son père. Cela expliquerait pourquoi, le 24 octobre 2013, les parties étaient de part et d’autre agacées, mais ne suffit pas à admettre l’existence d’injures ou de menaces.
Par ailleurs, si B.L._ s’est senti sérieusement menacé par S._, comme il le prétend, on s’étonne que, deux ou trois mois après avoir déposé plainte, lorsqu’ils se sont vus à l’université, il soit allé saluer le prévenu (PV aud. 2, lignes 46 ss et 80 ss ; jugt, p. 7).
Enfin, les légères variations dans les déclarations du prévenu mises en évidence par l’appelant en audience, notamment quant au fait qu’il aurait ou non élevé la voix (jugt, p. 4), sont sans incidence ; elles ne suffisent pas à écarter sa version des faits au profit de celle du plaignant. Les explications de S._ quant à l’attitude de B.L._ lorsque celui-ci s’est présenté à l’hôtel sont, comme on l’a vu, confirmées par les témoins K._, F._ et X._, au contraire de la déposition de B.L._, qui n’est corroborée par aucun élément sérieux et concret au dossier. Par ailleurs, si le prévenu avait effectivement injurié le plaignant, il est difficile d’imaginer que celui-ci, déjà irrité au moment d’entrer dans la salle de conférence, n’eût pas riposté. Or, S._ a précisé qu’il n’avait à aucun moment été insulté (jugt, p. 4), ce que rien au dossier ne permet de contredire et on ne voit d’ailleurs pas pourquoi le prévenu aurait menti.
Il subsiste donc, au vu du dossier, un doute insurmontable quant à savoir quels ont été les propos échangés par les parties dans la salle de conférence, puis dans la chambre d’A.L._. Ainsi, l’appréciation du tribunal, qui a mis S._ au bénéfice de ses déclarations en application du principe
in dubio pro reo
, n’est pas critiquable. C’est donc à juste titre que le prévenu a été acquitté, au bénéfice du doute.
3.3
Compte tenu de la libération du prévenu, il n’y a pas matière à l’allocation de conclusions civiles.
4.
En définitive, l’appel de B.L._ doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d’appel doivent être mis à la charge de B.L._ (art. 428 al.1 CPP).
Une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure d'un montant de 1'500 fr., tout compris, est allouée à l'intimé. Elle sera mise à la charge de la partie plaignante, qui succombe, en application de l’art. 432 CPP, la conclusion du défenseur du prévenu tendant à l’allocation d’une indemnité à forme de l’art. 429 CPP (p. 5
supra
) devant s’entendre dans ce sens. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6895536b-cbe0-4a69-bebd-95ccd8ae92bb | En fait :
A.
Par jugement du 3 février 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a pris acte de la convention signée par les parties aux débats et du retrait des plaintes de G._ (I), a libéré R._ du chef d’accusation de lésions corporelles simples par négligence (II), a constaté que R._ s’est rendue coupable de violation grave des règles de la circulation routière (III), a constaté que l’opposition formée par R._ à l’ordonnance pénale du 7 mai 2014 est retirée (IV), a constaté que l’ordonnance pénale rendue le 7 mai 2014 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne est définitive et exécutoire, sauf pour ce qui concerne la qualification juridique des faits, qui est modifiée conformément aux chiffres II et III (V), et a mis les frais de la procédure d’opposition par 203 fr. à la charge de R._ et par 203 fr. à la charge de G._ (VI).
B.
Par annonce du 20 février 2015, puis par déclaration motivée du 17 avril 2015, R._ a fait appel contre ce jugement, en concluant, à titre principal au renvoi de la cause devant le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne pour nouveau jugement. A titre subsidiaire, elle a conclu à la réforme du chiffre III en ce sens qu’elle s’est rendue coupable de violation simple des règles de la circulation routière.
Dans ses déterminations du 28 mai 2015, le Ministère public a conclu à l’admission de l’appel et à la réforme du jugement entrepris en ce sens que R._ s’est rendue coupable de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR) pour avoir enfreint diverses dispositions de la LCR, de l’OCR et de l’OSR et au prononcé d’une amende de 200 fr. à titre de sanction.
Par courrier du 15 juin 2015, R._ a adhéré aux conclusions du Ministère public, à la condition que des dépens lui soient octroyés, que les frais de justice liés à la procédure d’appel ne soient pas mis à sa charge et que ceux de première instance soient réduits.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
R._ est née le 29 septembre 1957 à [...]. Veuve, elle est domiciliée à Renens et exerce le métier de conductrice de taxi.
Son casier judiciaire et l’extrait du fichier ADMAS la concernant ne comportent aucune inscription.
2.
Par ordonnance pénale du 7 mai 2014, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne a condamné R._ pour lésions corporelles graves par négligence à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à 20 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu’à une amende de 200 francs.
Il est notamment reproché à R._, inattentive, de s’être engagée dans le giratoire de Malley le 29 avril 2013 vers 18h25, sans respecter les signaux de priorité, et d’avoir heurté avec son véhicule la moto de G._. Ce dernier a souffert d’une fracture ouverte et a déposé plainte les 6 et 9 août 2013.
Par courriers des 16 et 19 mai 2014, R._ et G._ ont formé une opposition à cette ordonnance pénale.
A l’audience de jugement devant l’autorité de première instance, les parties ont concilié, reconnaissant que les faits constituaient des lésions corporelles simples par négligence, R._ a retiré l’opposition formée à l’ordonnance pénale et G._ a retiré sa plainte. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les formes et le délai légal par une partie ayant qualité pour recourir contre le prononcé du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de R._ est recevable.
1.2
L’appel relève de la procédure écrite, dès lors qu’il porte uniquement sur des points de droit (art. 406 al. 1 let. a CPP).
2.
2.1
Le premier juge a pris acte de la convention passée entre les parties et a condamné R._ pour violation grave des règles de la circulation routière, dans la mesure où l’infraction de lésions corporelles simples par négligence ne pouvait être retenue ensuite du retrait de plainte intervenu à l’audience. Toutefois, dans ses déterminations du 28 mai 2015, le Ministère public considère que les faits reprochés à R._ sont constitutifs d’une violation simple des règles de la circulation routière au sens de l’art. 90 al. 1 LCR en lieu et place d’une violation grave des règles de la circulation routière au regard de l’alinéa 2 de ce même article. L’appelante a pris les mêmes conclusions à titre subsidiaire.
Aucun élément au dossier ne démontre que par son comportement la prévenue a gravement violé les règles de la circulation routière en créant un sérieux danger pour la sécurité d’autrui au sens de l’art. 90 al. 2 LCR. Il y a donc lieu de se rallier aux conclusions des parties et de considérer que R._ s’est rendue coupable de violation simple des règles de la circulation routière. En outre, la sanction proposée par le Ministère public, soit le prononcé d’une amende de 200 fr., réprime adéquatement le comportement fautif de la prévenue.
2.2
En raison du sort de la procédure d’appel, les frais de première instance mis à la charge de R._ doivent être réduits au montant figurant dans l’ordonnance pénale, soit à 1'125 francs.
3.
Au vu de ce qui précède, l’appel de R._ doit être admis et le prononcé entrepris réformé dans le sens des considérants qui précèdent.
Les frais de la présente procédure, constitués en l’espèce du seul émolument d'arrêt, par 550 fr. (art. 21 al. 1 TFJP [tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), seront laissés à la charge de l’Etat (art. 423 al. 1 CPP).
R._, qui a obtenu gain de cause et qui a procédé avec l'assistance d'un défenseur de choix, a droit à une indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la présente procédure d’appel (art. 429 al. 1 let. a et 436 al. 2 CPP), qui, au vu des déterminations produites, sera arrêtée à 2’000 fr. pour toutes choses. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
68c63ee0-b5af-4892-95f7-b244fa78e483 | En fait :
A.
Par jugement du 17 décembre 2013, le Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte a constaté que
L._
s’est rendu coupable de violation des règles de la circulation routière, d'opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer
l
'incapacité de conduire (véhicule autom.) et de violation des devoirs en cas d'accident (I), l'a condamné à une peine pécuniaire de 50 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr., et à une amende de 600 fr., peine convertible en 20 jours de peine privative de liberté de subs
t
itution en cas de non paiement fautif de l'amende (II) et mis les frais de la cause à sa charge (III).
B.
Par annonce du 23 décembre 2013, puis déclaration du 23 janvier 2014,
L._
a
formé appel contre ce jugement,
concluant à sa réforme en ce sens qu'il est acquitté de tout chef d'accusation, que les frais sont mis à la charge de l'Etat et qu'il se voit accorder une équitable indemnité au sens de l'art. 429 CPP. Il a également requis diverses mesures d'instruction, à savoir la production des photographies des véhicules impliqués et la mise en œuvre d'une expertise tendant à atteste
r
que son véhicule était – ou non – à l'origine des traces relevées sur la portière du véhicule de
N._
.
Par avis du 12 mars 2014, la Présidente de la Cour d’appel pénale a rejeté les réquisitions de preuve de L._.
Dans ses déterminations du 24 mars 2014, le Procureur a conclu au rejet de l’appel.
Par courrier du 24 avril 2014, L._ a produit une expertise privée, renouvelant par ailleurs ses réquisitions de preuve formulées dans son appel, en particulier la mise en oeuvre d’une expertise judiciaire, pouvant si nécessaire confirmer celle effectuée par l’expert carrossier indépendant, respectivement garagiste, qu’il avait mandaté.
A l’audience du 29 avril 2014, L._ a une fois encore requis la production des photos effectuées durant l'enquête, ainsi que la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
L._ est né le [...] 1955 à [...] en Italie, pays dont il est ressortissant. Il est marié et père de trois enfants majeurs, âgés respectivement de 22, 24 et 26 ans, encore aux études et dont il assure l’entretien. Il a suivi une formation de mécanicien-technicien sur machines d’entreprises et est employé de son entreprise [...] Sàrl. Son revenu net s’élève à environ 5'000 fr. par mois. Parallèlement, il touche des loyers à hauteur de 5'500 fr. par mois pour la location de plusieurs appartements d’un immeuble dont il est propriétaire. Les loyers versés par les locataires couvrent les charges hypothécaires du bien immobilier, le prévenu payant en outre un montant de 1'500 fr. pour les frais d’entretien du bâtiment, dont la dette hypothécaire s’élève à 1'400'000 francs. L’intéressé a des dettes privées à hauteur 50'000 francs. Enfin, son épouse travaille à 20% en qualité de secrétaire médicale et touche un revenu mensuel net de 1'500 francs. L._ et sa femme n’ont pas de fortune autre que leur immeuble.
Son casier judiciaire fait état des condamnations suivantes :
- le 16 novembre 2005, par le Tribunal de police de La Côte, à une peine d’emprisonnement de 20 jours, avec sursis pendant 2 ans, et à une amende de 1'500 fr. pour violation des règles de la circulation routière et conduite en étant pris de boisson ;
- 12 mars 2009, par le Juge d’instruction de La Côte, à une peine pécuniaire de 45 jours-amende à 50 fr. pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, opposition aux actes de l’autorité, conduite se trouvant dans l’incapacité de conduire (véhicule autom., taux d’alcoolémie qualifié) et tentative d’opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l’incapacité de conduire (véhicule autom.).
2.
A
[...]
, le 10 janvier 2013, à 20h05,
L._
, après s’être arrêté à l’angle formé par
[...]
et
[...]
, a effectué une marche arrière. Lors de cette manœuvre, il n’a pas remarqué le véhicule de marque
[...]
, appartenant à
N._
, qui se trouvait derrière lui. L’angle arrière gauche de sa voiture a alors frotté la portière avant du véhicule de cette dernière. Malgré le choc,
L._
a quitté les lieux.
N._
l’a suivi et lui a adressé des appels de phares. Finalement, l’intéressé s’est arrêté sur la rue
[...]
où, sans descendre de son véhicule, il a donné une fin de non recevoir à la conductrice du véhicule de marque
[...]
, avant de regagner son domicile.
A cet endroit, il a consommé 1,5 litre de vin, faussant de ce fait tout examen ultérieur de son état physique. Il a finalement été soumis aux tests d’usage à 21h30. L’analyse a révélé un taux d'alcool compris entre 0.00 et 0.68 g/kg au moment critique (cf. P. 5). | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
Invoquant une violation de son droit d'être entendu, l'appelant reproche au premier juge d'avoir rejeté ses réquisitions de preuve et demande la production des photos des dégâts constatés sur la portière du véhicule de la lésée, des photos de sa propre voiture ainsi que la mise en œuvre d'une expertise.
3.1
Tel que garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101), le droit d'être entendu comprend, notamment, le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du
dossier, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soi
t
prise touchant sa situation juridique, de produire des p
r
euves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur
l
a décision à rendre (ATF 135 Il 286 consid. 5.1 ; ATF 132 Il 485 consid. 3.2 ; ATF 127 I 54 consid. 2b).
La jurisprudence admet que le droit d’être entendu n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l‘instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que, ces dernières ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (cf. ATF 134 I 140 c. 5.3 et les références citées).
3.2
En l'espèce, les éléments figurant au dossier, en particulier le rapport de police du 17 janvier 2013, les déclarations de la lésée et celles du gendarme
[...]
sont suffisants pour examiner les infractions reprochées au prévenu et trancher les questions litigieuses.
La Cour de céans estime que les moyens de preuves sollicités
ne sont pas de nature à modifier son appréciation des faits. Par ailleurs, une expertise judiciaire est sans pertinence compte tenu de la réparation du véhicule de l’intimée ; la production des photographies requise est inutile dès lors que des photographies figurent déjà au dossier.
Partant, les moyens sollicités doivent être rejetés
.
4.
L
'
appelant nie être impliqué dans l
'
accident qui lui est reproché
.
Il conteste tout d’abord avoir effectué une marche arrière qu
'
aucune preuve ne viendrait corroborer. Il soutient ensu
i
te que les traces relevées sur le véhicule de
N._
ne peuvent avoir été causées par sa voiture en raison notamment des hauteurs des engins
,
du second enfoncement sur la voiture de la conductrice et des multiples traces sur son propre pare-choc ; pour ces aspects, il se réfère, entre autres, à l’expertise privée qu’il a produite en date du 24 avril 2014 (cf. P. 35/1). Il allègue enfin que s
'
il y a eu véritablement un choc
,
celui
-
ci aurait été causé par une manœuvre de l
'
autre automobiliste.
4.1
L
'
art. 10 CPP dispose que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al
.
1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al
.
2)
.
La présomption d'innocence
,
garant
i
e par l'art. 32 al
.
1 Cst
.
,
ainsi que son corollaire
,
le principe
in dubio pro reo,
concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels
,
compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au
'
contraire dû, objectivement
,
éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 la 31 c. 2c
;
TF 68
_
831/2009 du 23 mars 2010 c. 2
.
2
.
2). Sur ce point
,
des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s
'
agir de doutes importants et irréductibles, qui s'imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a ;
TF 6B_18/2011 du 6 septembre 2011 c. 2.1
).
4.2
Entendue à la suite de l'accident
,
N._
a affirmé que
L._
ava
i
t stoppé sa progression
,
reculé à sa hauteur
,
sans prendre garde
,
alors qu'elle se trouvait à l'angle arrière gauche de son véhicule
,
que le pare-chocs arrière gauche de la voiture du prévenu avait frotté la porte conducteur
,
avant
gauche, de sa
[...]
, qu'il avait poursuivi sa route sans se préoccuper des dégâts, qu'elle l'avait suivi et fait des appels de phares afin qu'il s'arrête, qu'il avait refusé de descendre de son véhicule afin de constater les dégâts au sujet desquels il niait toute responsabilité et qu'elle lui avait alors dit qu'elle allait prévenir la police. L'appelant, pour sa part, a allégué que l'autre conductrice avait dû tourner trop tôt, qu'elle avait ainsi coupé le virage et que lui-même n
'
avait pas fait de marche arrière
.
La version des faits présentée par
N._
doit être préférée à celle de l'appelant. D'une part, la version de cette dernière est constante, crédible et convaincante. On ne voit en effet pas pour quelle raison elle aurait poursuivi l'appelant si c
'
était elle qui avait commis une faute, par exemple en lui coupant la priorité. Par ailleurs, elle a confirmé ses déclarations et sa version des faits lors de l'audience de première instance. On ne discerne aucune contrad
i
ction, ni invraisemblance dans ses propos. Les déclarations de l’appelant, selon lesquelles l’intimée aurait fait de fausses déclarations, ne sont ainsi pas fondées.
D'autre part, le rappor
t
de police confirme cette version des faits, dès lors qu'il mentionne que les traces sur le véhicule de
L._
correspondent exactement aux dégâts occasionnés à la voiture de
N._
. Le gendarme
[...]
, qui a établi ce document et procédé aux relevés des traces sur les véhicules, a confirmé, à la fois devant le Ministère public et devant le Tribunal de police, que les dégâts constatés sur le véhicule du prévenu correspondaient exactement à ceux occasionnés sur celui de
N._
, que les traces sur le pare-choc et celles sur la
[...]
concordaient parfaitement, que, comme l'impact avait eu lieu en marche arrière, la trace était fuyante contre l'avant du véhicule, qu'il faisait couramment ce genre de mesures et qu'il confirmait tout à fait les mensurations prises à partir du sol figurant sur le schéma annexé à son rapport. A cet égard, l’appelant a soutenu, notamment sur la base de l’expertise privée qu’il a produite, que les traces sur les véhicules impliqués ne coïncideraient pas, en particulier en raison de la hauteur du pare-choc de sa voiture, de sorte que les propos tenus et les mesures effectuées par le gendarme seraient douteux, voire erronés. La Cour de céans considère toutefois que les déclarations de l’agent de police doivent être préférées à l’expertise privée, qui peut être écartée pour les motifs suivants. L’expert privé a effectué son constat sur la base de photos uniquement ; il ne connaissait en outre ni les circonstances, ni la configuration des lieux lors de l’accident et n’a pas vu les véhicules impliqués. Les éléments avancés ne sont donc pas propres à remettre en cause les constats émis par le gendarme en question, expérimenté et rompu à l’étude de traces de ce genre, qui est intervenu sur place le soir même et a, par la suite, toujours confirmé son rapport du 17 janvier 2013 sans qu’aucun doute n’en ressorte.
Enfin, la version des faits de l
'
appelant, selon laquelle aucun accident n’a eu lieu, doit être écartée, dès lors que, selon ses propres allégations, il ne s'est de toute manière rendu compte de rien.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de retenir que les événements se sont bel et bien déroulés comme décrits par
N._
. C
’est à juste titre que le premier juge
a estimé qu’il n’y avait pas lieu de s’écarter du rapport de police établi par un gendarme chevronné, ainsi que de son témoignage et a considéré pour établi le fait que L._ avait effectué une marche arrière et que, lors de cette manoeuvre, il n’avait pas voué une attention soutenue à la route et au trafic, ne remarquant pas le véhicule de N._ qui se trouvait derrière.
5.
L'appelant conteste avoi
r
violé ses devoirs en cas d'accident, l'élément subjectif faisant défaut
.
Il explique n'avoir absolument rien senti dans l'hypothèse où il y aurait bel et bien eu un choc entre les deux véhicules.
5.1
L'art. 51 LCR (loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 ; RS 741.01) prévoit que toutes les personnes impliquées devront s'arrêter immédiatement (al
.
1, 1
ère
phrase). Elles sont tenues d'assurer, dans la mesure du possible, la sécurité de la circulation (al
.
1, 2
ème
phrase). Si
l
'accident n'a causé que des dommages matériels, leur auteur en avertira tout de suite le lésé en indiquant son nom et son adresse. En cas d'impossibilité, il en informera sans délai la police (al
.
3).
L'art. 56 OCR (ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962 ; RS 741.11) ajoute que si un lésé veut appeler la police sans qu'il y ait obligation de l'aviser, les autres personnes impliquées doivent participer à la constatation des faits jusqu'à ce qu'elles soient libérées par la police (al
.
2). Lorsqu'un conducteur apprend par la suite seulement qu'il a été impliqué dans un accident ou qu'il a pu
l
'être, il doit retourner sans délai sur les lieux de l'accident ou s'annoncer au poste de police le plus proche (al
.
4). Cette disposition vise donc des cas où le conducteur ne s'est pas arrêté, parce qu'il ne s'est pas rendu compte qu'il était impliqué dans un accident
.
Le non-respect, intentionnel ou par négligence, des règles de la circulation routière précitées est constitutif d’une violation des devoirs en cas d’accident au sens de l’art. 92 LCR, qui punit de l’amende quiconque viole, lors d’un accident, les obligations que lui impose la présente loi (al. 1).
En cas de violation intentionnelle et si les autres conditions
posées par la loi sont remplies, il peut également y avoir dérobade au sens de l’art. 91a LCR (cf. infra c. 6.1)
5.2
En l'espèce, il n'est pas exclu que l'appelant n'ait pas entendu, ni senti le choc. En effet, l'agent de police
[...]
a confirmé qu'au vu du genre de véhicule conduit par l'intéressé, il était des plus vraisemblables qu'il n'ait rien senti, s'agissant d'un simple frottement, qu'il faisait nuit et que ce genre de choc ne faisait pas de bruit
.
Reste que, suite à l’événement,
N._
a suivi l'appelant et a pu l'interpeller au sujet de l'accident, le mettant en cause clairement et lui annonçant qu'el
l
e allait appeler la police. Dès lors, en application des prescriptions relatives aux devoirs en cas d’accident,
l
'appelant devait participer à la constatation des faits, à savoir rester sur place et attendre la po
l
ice avec la lésée. En faisant comme si de rien n'était, en quittant les lieux et en rentrant chez lui, l'appelant, refusant de collaborer, a violé les devoirs que la loi lui impose
. Il ne lui est d’ailleurs pas reproché de ne pas s’être arrêté au moment du choc, mais d’avoir fait état d’un manque patent de collaboration lorsque l’autre conductrice l’a interpellé. De par le comportement de l’intimée, qui lui avait signifié son intention de contacter la police, l’appelant était tenu, eu égard aux circonstances, de rester sur place, de donner son nom et son adresse, conformément à l’art. 51 LCR. Ainsi, on
ne saurait en outre considérer qu’il ne s’est pas rendu compte qu’il était impliqué dans un accident.
Au vu de ce qui précède, la condamnation de
L._
pour violation des devoirs en cas d’accident ne viole pas le droit fédéral et doit être confirmée
.
6.
L'appelant conteste sa condamnation pour dérobade aux mesures visant à déterminer la capacité de conduire. Il nie avoir violé ses devoirs en cas d'accident et conteste l'existence d'indices qui auraient suscité l'ordre de le soumettre à des investigations concernant son taux d'alcoolémie ainsi que la réalisa
t
ion de l'aspect subjectif de l'infraction.
6.1
L’art. 91a al. 1 LCR a été modifié au 1
er
janvier 2013. Les faits incriminés étant antérieurs à l’entrée en vigueur du nouveau droit, moins favorable au prévenu que l’ancien, c’est l’ancien droit qui doit être appliqué au titre de
lex mitior.
Dans sa teneur en janvier 2012, cette disposition réprime le comportement de celui qui, en qualité de conducteur de véhicule automobile, se sera notamment opposé ou dérobé intentionnellement à un prélèvement de sang, à un alcootest ou à un autre examen préliminaire réglementé par le Conseil fédéral, qui avait été ordonné ou dont il devait supposer qu'il le serait
.
L’art. 91a al. 1 LCR
prévoit trois hypothèses alternatives, à savoir l'opposition, la dérobade et l'entrave à la constatation de l'alcoolémie.
L’opposition suppose que la mesure a été ordonnée et que l’intéressé l’a refusée.
La dérobade est liée à la violation des devoirs en cas d'accident
.
En effet, ce n'est qu'en cas d'accident, où des éclaircissements sur le déroulement des événements s'avèrent nécessaires, que l'on peut dire que le conducteur devait s'attendre avec une haute vraisemblance à ce qu'une mesure visant à établir son alcoolémie soit ordonnée. Ainsi, les éléments constitutifs de la dérobade sont au nombre de deux : (1) l'auteur doit violer une obligation d'aviser la police en cas d'accident, alors que cette annonce est destinée à l'établissement des circonstances de l'accident et est concrètement possible ; (2) l'ordre de se soumettre à une mesure d'investigation de l'état d'incapacité de conduire doit apparaître objectivement comme hautement vraisemblable au vu des circonstances. Pour dire si une mesure d'investigation de l'état d'incapacité du conducteur était hautement vraisemblable, il faut analyser l'ensemble des circonstances concrètes de nature à amener un policier attentif à soupçonner que l'usager de la route était pris de boisson. Les indices d'ébriété peuvent résulter des circonstances de l'accident (conduite en zigzag, accumulation de fautes de circulation, faute grossière ou inexplicable). Ils peuvent aussi se rapporter au comportemen
t
du conducteur (haleine sentant l'a
l
cool, yeux injectés, élocution pâteuse ou démarche incertaine; propos incohérents ou une extrême agitation ; ATF 126 IV 53 consid. 2a). Constituent enfin des indices d'ébriété les activités de
l
'auteur avant l'accident (participation à une fête, consommation d'alcool), voire même les antécédents routiers d'un conducteur
.
En l'absence de signes d'iv
r
esse et de dégâts importants, les circonstances de l'accident tiennent un rôle déterminant pour apprécier la haute vraisemblance de
l
a prise de sang, car en pareil cas, plus l'accident peut s'expliquer par des circonstances indépendantes du conducteur - conditions climatiques, configuration des lieux -, moins on saurait conclure à une haute vraisemblance (TF 6S
.
435/2001 du 8 août 2001 consid. 2e).
L’entrave se rapporte à la mise en échec de la constatation de l’incapacité de conduire. On vise ici tout autre comportement qui empêche cette constatation au moment pertinent par la mesure spécifique du constat. Tel est en particulier le cas de l’auteur qui, après avoir conduit, s’empresse de boire de l’alcool avant tout examen de manière à empêcher de reconstituer son taux d’alcoolémie au moment où il conduisait ou de l’auteur qui dérobe, intervertit ou détruit la veinule contenant le sang ou l’urine prélevés par le médecin (Jeanneret, Les dispositions pénales de la LCR, Berne 2007, nn. 29-33 ad art. 91a LCR).
Sur le plan subjectif, le dol éventuel suffit pour retenir une infraction à l'art. 91a al
.
1 LCR
.
Cela est le cas lorsque le conducteur connaissait les faits fondant l'obligation d'aviser la police et la haute vraisemblance de l'ordre de prise de sang et que l'omission de l'annonce prescrite par l'art. 51 LCR ne peut raisonnablement s'expliquer que par l'acceptation d'une soustraction à une prise de sang (ATF 131 IV 36 consid. 2.2 ; ATF 126 IV 53 consid. 2a).
6.2
L'appelant a violé ses devoirs en cas d'accident au sens de l'art. 92 al. 1 LCR
.
De plus, au regard des circonstances du cas, il est hautement vraisemblable qu'une mesure visant à établir son alcoolémie aurait été ordonnée. En effet, la marche arrière effectuée sans voir l'autre automobiliste constitue une inadvertance manifeste et inexplicable. De plus,
l
e prévenu a déjà été condamné à deux reprises, soit en 2005 et 2009, pour conduite en état d'ivresse dont une fois avec délit manqué d'opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire. En outre, le comportement de l'appelant après le choc n
'
est pas exempt de tout reproche ; bien au contraire, il paraît même des plus suspect
.
En effet, il a refusé de sortir de son véhicule lorsqu'il a été interpellé par
N._
et l'a traité de folle, lui disant également qu'il s'en foutait de l'intervention de la police, avant de partir. Il a également raccroché au nez du policier qui l'a appelé une première fois à 20h58 ; plus tard, avant de laisser entrer les gendarmes, il s'est montré très oppositionnel
. A ce titre, c’est en vain qu’il a prétendu à l’audience du 29 avril 2014 avoir collaboré avec les policiers lors de leur venue à son domicile ; on relèvera qu’il ressort du dossier que l’intéressé s’est montré arrogant et a refusé dans un premier temps la procédure visant
à constater l'incapacité de conduire
.
Enfin, l'aspect subjectif de l
'
infraction est également réalisé ; l'appelant a été interpe
l
lé par l’autre conductrice, qui l'a informé de l'incident et du fait qu'elle allait appeler la police. Il connaissait ainsi les faits fondant l'obligation d'aviser la police et la haute vraisemblance de l'ordre de prise de sang.
En consommant de l'alcool après l'accident (cf. pv. aud. du 4 juin 2013, l. 31 et 32), l’appelant a ainsi consciemment faussé le résultat de la prise de sang. La pièce 5 au dossier montre d'ailleurs la correction pour l'alcool consommé entre le moment critique et la prise de sang, d'une valeur de 1,18 à 1,7 g/kg. Comme le précise le rapport de police du 17 janvier 2013, sous ch. 2.2, le prévenu a été interpellé par la lésée et savait donc être impliqué dans un accident. Il a toutefois consommé de l'alcool après les événements, sachant que la police interviendrait. Il a donc fait en sorte que des mesures liées à un examen médical ou à une prise de sang ne puissent atteindre leur but (art. 91a al. 1
in fine
LCR), empêchant ainsi la constatation de l'alcoolémie au moment pertinent par la mesure spécifique du constat, de sorte que son comportement est constitutif effectivement de l’infraction au sens de l’art. 91a al. 1 LCR.
Le taux d'alcoolémie n’a pas pu être déterminé, le résultat de la prise de sang ayant été faussé par l’appelant. L'infraction au sens de l’art. 91a LCR n'est pas seulement tentée, mais consommée. La condamnation de l’appelant et la peine, en soi clémente pour une troisième condamnation relative à des infractions en matière de circulation routière, doivent dès lors être confirmées.
7.
En définitive, l'appel de L._ doit être rejeté et le jugement attaqué entièrement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, par 1’720 fr. (art. 21 al. 1
et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), doivent être mis à la charge de L._ (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
68d1087b-60cc-44d1-9fda-d6380b310404 | En fait :
A.
Par jugement du 30 janvier 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a constaté que B.N._ s’est rendue coupable d’infraction à la loi fédérale sur les étrangers, de mise d’un véhicule automobile à la disposition d’un conducteur sans permis requis et d’infraction à la loi fédérale sur l’assurance vieillesse et survivants (I), l’a condamnée à une peine pécuniaire de 210 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 40 fr., peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 16 novembre 2009 (II), a révoqué le sursis qui lui avait été accordé par le Préfet du district de la Riviera-Pays d’Enhaut le 16 novembre 2009 (III), a ordonné la confiscation au profit de l’Etat de la somme de 4'000 fr. saisie à titre de garantie (IV) et a mis les frais de justice, par 1'975 fr. à sa charge (V).
B.
Le 10 février 2014, B.N._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d’appel motivée du 4 mars 2014, elle a conclu à sa libération des chefs d’accusation d’infractions à la LEtr (loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 ; RS 142.20) et à la LCR (loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 ; RS 741.01), au prononcé d’une peine pécuniaire réduite assortie du sursis et à la non-révocation du sursis accordé le 16 novembre 2009.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
B.N._ est née le [...] 1982 à [...], au Kosovo, pays dont elle est ressortissante. Elle réside en Suisse depuis plusieurs années au bénéfice d'un permis C. Mariée, elle est mère de trois enfants mineurs nés en 1999, 2000 et 2007. Son époux C.N._ vit actuellement en France car il n'a pas de permis de séjour valable pour la Suisse ; il y exerce des emplois temporaires. Le couple n'est pas séparé judiciairement.
Jusqu'en été 2013, date à laquelle elle a vendu ses parts à son beau-frère J.F._, B.N._ était associée gérante de la société S._ Sàrl. Elle a ensuite été employée de cette société s’occupant de la gestion administrative et percevant de ce fait un salaire mensuel net de 4'300 francs. Ses charges mensuelles fixes comprennent notamment le paiement de primes d'assurance-maladie d'environ 600 fr. par mois et d'acomptes d'impôt à hauteur de 200 fr. par mois. Elle s'acquitte encore, en lieu et place de son mari, d'une contribution d'entretien d'environ 150 fr. par mois pour le fils de ce dernier, né d'une autre union. La prévenue dit avoir des dettes à hauteur de 13'000 francs.
A l’audience d’appel du 19 mai 2014, B.N._ a déclaré que depuis le début du mois de mai 2014, elle est au chômage en raison de la perte de son emploi lorsque la société a été remise à un tiers qui n’avait plus besoin d’elle. Si elle ignore ce qu’elle va percevoir de l’assurance-chômage, elle pense qu’elle recevra vraisemblablement 80% de son dernier salaire. Elle a ajouté que son mari l’aidait ponctuellement en versant de modestes sommes d’argent de façon irrégulière. Elle a encore retiré 20'000 fr. de la vente de ses parts de l’entreprise, il y a une année environ.
Le casier judiciaire de B.N._ fait état d'une condamnation, le 16 novembre 2009, par le Préfet du district de la Riviera-Pays d'Enhaut, à une peine pécuniaire de dix jours-amende, le jour-amende étant arrêté à 100 fr. avec sursis pendant deux ans, ainsi qu'à une amende de 1'000 fr., pour infraction à la LEtr, en particulier pour avoir employé le 9 octobre 2009 le dénommé P._ sans déposer une autorisation du service compétent.
Précédemment, en juillet 2008, la prévenue avait été condamnée à une amende de 50 fr. par le Préfet du district de la Riviera-Pays d’Enhaut pour avoir refusé ou négligé de produire des renseignements en matière d’assurance-chômage.
2.
2.1
La société X._ Sàrl a été inscrite au registre du commerce le 6 octobre 2006. Son but, tel qu'inscrit au registre précité, était « toute activité dans le domaine de la construction, notamment tout travail de peinture, de plâtrerie, de nettoyage, ainsi que toutes opérations liées directement ou indirectement avec ce but ». Au départ, B.N._, alors B.[...], en était l'associée gérante avec signature individuelle, de même que K.N._. Dès juin 2007, B.N._, sous son nom de femme mariée, en est devenue la seule gérante, avec signature individuelle, tandis que T._ devenait associé, sans signature. Par décision du Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois, la société a été déclarée en faillite avec effet au 26 août 2010.
La société Q._ Sàrl a été inscrite au registre du commerce le 14 mars 2007. Son but, tel qu'inscrit audit registre, était « l'exercice de toute activité dans le domaine de la construction, notamment tout travail de peinture, de plâtrerie, de nettoyage, ainsi que toutes opérations liées directement ou indirectement avec ce but (pour but complet cf. statuts) ». Au départ, O._ en était l'associé gérant, avec signature individuelle. En mai 2010, la raison sociale a été modifiée en S._ Sàrl et c'est N._, frère de la prévenue, qui en est devenu le seul associé gérant, avec signature individuelle. En mai 2011, B.N._ en est devenue la seule associée gérante, avec signature individuelle. En été 2013, elle a vendu ses parts de la société à son ex beau-frère, J.F._.
2.1.1
B.N._ n'a annoncé à la Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS (ci-après : la caisse de compensation ou la caisse AVS) l'engagement de son mari, C.N._, toléré de séjour et de travail jusqu’à droit connu sur la procédure alors en cours devant le Tribunal fédéral, que depuis le 1
er
avril 2008, alors que celui-ci était en réalité salarié depuis le 1
er
janvier 2008, éludant son obligation de payer des cotisations sociales durant trois mois.
2.1.2
Du 1
er
au 9 décembre 2008, B.N._ a employé, de surcroît sans l’annoncer à la caisse de compensation dans le but d’éluder son obligation de payer des cotisations sociales, K._, clandestin ressortissant du Kosovo, lequel n’était au bénéfice d’aucune autorisation de travail.
2.1.3
Du 1
er
juillet au 9 décembre 2008, B.N._ a employé, de surcroît sans l’annoncer à caisse de compensation éludant son obligation de payer des cotisations sociales durant cinq mois, D.N._, clandestin ressortissant du Kosovo, lequel n’était au bénéfice d’aucune autorisation de travail.
2.1.4
Du mois de décembre 2007 au 9 décembre 2008, B.N._ n'a pas reversé à la caisse de compensation les cotisations prélevées sur le salaire de J.F._, ressortissant du Kosovo au bénéfice d’un permis B.
2.1.5
Du 2 décembre 2008 au 30 mai 2009, B.N._ a employé, de surcroît en l’annonçant à la caisse de compensation que depuis le 12 janvier 2009 éludant son obligation de payer des cotisations sociales durant un peu plus d’un mois, M._, clandestin ressortissant du Kosovo, lequel n’était au bénéfice d’aucune autorisation de travail.
2.1.6
Du 19 janvier au 30 mai 2009, B.N._ a employé, de surcroît sans l’annoncer à la caisse de compensation dans le but d’éluder son obligation de payer des cotisations sociales, E._, ressortissant du Kosovo détenteur d'un permis F, lequel n’était pas au bénéfice d’aucune autorisation de travail.
2.1.7
Du mois d’octobre 2011 au 14 novembre 2011, B.N._ a employé H.F._, ressortissant du Kosovo détenteur d’un visa Schengen pour la Hongrie, lequel n’était au bénéfice d’aucune autorisation de travail et possédait un faux passeport slovaque au nom de [...].
2.1.8
Entre le 30 avril et le 3 mai 2012, B.N._ a employé P._, clandestin ressortissant du Kosovo, lequel n’était au bénéfice d’aucune autorisation de travail.
2.1.9
Une analyse des comptes d'exploitation produits par la fiduciaire A._ SA a permis à la caisse de compensation de constater les différences suivantes :
charges de personnel effectives déclarées à la caisse
2008 209'457 fr. 60 132'827 fr. 70
2009 146'021 fr. 97 127'644 fr.
La Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS a déposé plainte. Au 16 octobre 2012, elle annonçait une part pénale de 1'645 fr. 50.
2.2
Entre le 2 et le 3 mai 2012, B.N._ a mis son véhicule d'entreprise de marque [...] à disposition de son employé P._, interpellé au volant dudit véhicule à [...], dans le canton de Fribourg, alors qu’il faisait l'objet d'une interdiction générale de circuler pour une durée indéterminée. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de B.N._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L’appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d’appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L’appel tend à la répétition de l’examen des faits et au prononcé d’un nouveau jugement (Luzius Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L’immédiateté des preuves ne s’impose toutefois pas en instance d’appel. Selon l’art. 389 al. 1 CPP, la procédure d’appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d’appel administre, d’office ou à la demande d’une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
L’appelante conteste sa condamnation pour infractions à la LEtr.
3.1
3.1.1
En vertu de l'art. 11 LEtr, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour. Il doit la solliciter auprès de l’autorité compétente du lieu de travail envisagé (al. 1). Est considérée comme activité lucrative toute activité salariée ou indépendante qui procure normalement un gain, même si elle est exercée gratuitement (al. 2). En cas d’activité salariée, la demande d’autorisation est déposée par l’employeur (al. 3).
3.1.2
L’art. 91 LEtr prescrit qu’avant d’engager un étranger, l’employeur doit s’assurer qu’il est autorisé à exercer une activité lucrative en Suisse en examinant son titre de séjour ou en se renseignant auprès des autorités compétentes.
Selon la jurisprudence, il appartient à chaque employeur de procéder au contrôle. La simple omission de procéder à l'examen du titre de séjour ou de se renseigner auprès des autorités compétentes constitue déjà une violation du devoir de diligence (TF 2C_1039/2013 du 16 avril 2014 c. 5.1 ; TF 2C_783/2012 du 10 octobre 2012 c. 2.1 ; TF 2C_357/2009 du 16 novembre 2009 c. 5.3).
3.1.3
L'entrée en vigueur, le 1
er
janvier 2008, de la LEtr a entraîné l'abrogation de la LSEE (loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars 1931 ; RS 1 113). L’art. 23 aLSEE sanctionnait celui qui, intentionnellement, aura occupé des étrangers non autorisés à travailler en Suisse.
L’art. 117 al. 1, 1
re
phrase LEtr prescrit que quiconque, intentionnellement, emploie un étranger qui n’est pas autorisé à exercer une activité lucrative en Suisse ou a recours, en Suisse, à une prestation de services transfrontaliers d’une personne qui n’a pas l’autorisation requise, est puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire. L’alinéa 2 de cet article prévoit que quiconque, ayant fait l’objet d’une condamnation exécutoire en vertu de l’al. 1, contrevient de nouveau, dans les cinq années suivantes, à l’al. 1, est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. En cas de peine privative de liberté, une peine pécuniaire est également prononcée.
Nonobstant une formulation différente, l'art. 117 LEtr, qui réprime le fait d'employer un étranger qui n'est pas autorisé à exercer une activité lucrative en Suisse, n'a pas de portée distincte de l'art. 23 al. 4 aLSEE. Dans cette mesure, la jurisprudence relative à cette dernière disposition conserve donc sa valeur. Subséquemment, le terme "employer" doit être compris de manière large, comme consistant non seulement à conclure et exécuter un contrat de travail au sens des art. 319 ss CO (loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse ; RS 220), mais également à faire exécuter une activité lucrative à quelqu'un, quelle que soit la nature du rapport juridique entre l'auteur et la personne employée. Il doit s'agir d'un comportement actif ; une simple permission ou tolérance ne suffit pas. Il n'est en revanche pas nécessaire que l'auteur ait la compétence de donner des instructions à la personne employée. Il suffit qu'il entre dans ses attributions de décider qui peut, ou ne peut pas, participer à l'exécution de la tâche et qu'ainsi sa décision conditionne l'activité lucrative de l'intéressé (ATF 137 IV 153 c. 1.5 et les références citées).
3.2
3.2.1
La constatation des faits est incomplète au sens de l’art. 398 al. 3 let. b CPP lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n’ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2.2
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101),
6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; RS 0.101) et 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ;RS 0.103.2), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1 ; ATF 127 I 38 c. 2a). Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes ; on parle alors de doutes raisonnables (TF 6B_831/2009 précité c. 2.2.2 ; ATF 120 Ia 31 c. 2c). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (TF 6B_18/2011 du 6 septembre 2011 c. 2.1).
3.2.3
Le droit du prévenu d’interroger les témoins à charge est un aspect particulier du droit à un procès équitable au sens de l’art. 6 ch. 1 CEDH. En fonction de cette garantie, il est exclu qu’un jugement pénal soit fondé sur les déclarations de témoins sans qu’une occasion appropriée et suffisante soit au moins une fois offerte au prévenu de mettre ces témoignages en doute et d’interroger les témoins. En tant qu’elle concrétise le droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), cette exigence est également garantie par l’art. 32 al. 2 Cst. (ATF 129 I 151 c. 3.1). Ce droit est absolu lorsque la déposition du témoin en cause est d’une importance décisive, notamment lorsqu’il est le seul témoin, ou que sa déposition est une preuve essentielle. Ce droit peut être exercé au moment où le témoin fait ses déclarations ou ultérieurement dans le cours de la procédure (ATF 125 1129 c. 6b).
3.3
En l’espèce, il convient de distinguer les cas contestés par l’appelante. En bref, le premier juge a considéré que B.N._ ne pouvait ignorer – partant savait – que ses employés étaient sans autorisation de travail, ce en raison du devoir qu’il lui incombait de se renseigner auprès des services étatiques compétents et de procéder à un contrôle.
3.3.1
S’agissant des cas K._ (cf. supra c. C 2.1.2), M._ (cf. supra c. C 2.1.5) et E._ (cf. supra c. C 2.1.6), l’appelante invoque une lettre du 21 avril 2009 de la caisse AVS renonçant à percevoir des cotisations pour K._, à raison de six jours de travail seulement. Elle soutient en substance qu’il s’agissait pour elle, dans chacun des trois cas, de brefs temps d’essais avant tout engagement et qu’elle pouvait croire qu’elle avait le droit d’engager des étrangers à l’essai sans qu’un permis soit nécessaire, de sorte qu’il ne peut lui être reproché d’infraction au sens de l’art. 117 LEtr.
La Cour de céans relève, d’une part, que la violation de l’art. 117 LEtr est objectivement avérée. En effet, il y a employé – partant contrat de travail – dès le premier jour de l’engagement, même si celui-ci ne dure que quelques heures. Un emploi temporaire suffit. Le travail à l’essai (art. 335b CO) est du travail au sens du droit privé ; la notion même de temps d’essai suppose d’ailleurs qu’un contrat de travail ait été conclu pour une durée indéterminée. Conformément à la jurisprudence exposée au considérant 3.1, l’emploi à l’essai d’un étranger qui n’est pas autorisé à exercer une activité lucrative en Suisse tombe donc sous le coup de l’art. 117 LEtr.
D’autre part, sur le plan subjectif, l’argumentation exculpatoire de l’appelante selon laquelle elle n’a pas agi intentionnellement puisqu’il ne s’agissait pour elle que de temps d’essais, d’une durée d’une à deux semaines tout au plus, n’est pas fondée. Son argument est, en premier lieu, mis en échec par le devoir de diligence imposé à l’employeur (cf. art. 91 LEtr), qui doit s’assurer et vérifier que l’étranger qu’il entend engager est autorisé à travailler en Suisse. A ce titre, les art. 11 et 91 LEtr précités contiennent des règles concernant l’emploi d’étrangers qui ne sauraient être ignorées par tout employeur, et donc par l’appelante. Ensuite, il s’avère que les trois employés mentionnés ont été engagés avant la réception de la lettre de la caisse de compensation du 21 avril 2009, de telle sorte que l’appelante ne pouvait valablement s’en prévaloir pour justifier de sa bonne foi. Cette lettre se rapportait en l’occurrence au devoir d’annonce de tout nouveau collaborateur par l’employeur et à la perception de cotisations ; ce n’était d’ailleurs que pour l’activité de K._ que la caisse AVS y a expliqué que le prélèvement de cotisations ne serait pas requis, en raison du peu de temps effectué par celui-ci au sein de l’entreprise X._ Sàrl (cf. P. 5/7). Contrairement à ce soutient l’appelante, la tolérance de la caisse de compensation vis-à-vis du prélèvement des cotisations en ce qui concerne K._ n’exclut pas toute infraction à la LEtr et B.N._ n’était aucunement fondée, sur la base de ladite lettre, à croire qu’elle ne devait requérir l’autorisation de travail pour un étranger que si elle l’engageait après l’essai. C’est donc en vain qu’elle invoque le courrier du 21 avril 2009 et son contenu pour établir qu’elle n’avait pas l’intention d’employer des étrangers en situation irrégulière. Il ressort d’ailleurs du dossier que K._ n’a pas été licencié durant le temps d’essai parce qu’il ne convenait pas ; il a plutôt dû quitter l’entreprise parce qu’il a été découvert lors du contrôle de chantier le 9 décembre 2008 et B.N._ a écrit le 25 février 2009 à la caisse de compensation qu’elle n’avait plus de nouvelles de lui (cf. P. 5/5).
Quant à M._ et E._, ils ont été employés six mois pour le premier et quatre mois pour l’autre, ce qui exclut que l’appelante ait pu penser de bonne foi qu’il s’agissait de « brefs temps d’essai avant tout engagement ». L’art 91 LEtr exclut d’ailleurs que l’employeur qui ne s’est pas renseigné puisse prétendre avoir cru de bonne foi qu’un engagement, même bref, était possible sans l’octroi d’un permis, lequel doit être requis et obtenu avant le début de l’activité (cf. art. 11 LEtr). B.N._ ne pouvait donc pas, de bonne foi, employer des ressortissants étrangers sans effectuer les vérifications imposées par la loi.
Au surplus, on relèvera encore que dans sa première audition, le 8 juin 2010, l’appelante a admis avoir engagé au noir K._ (pv. aud. 1 lignes 21-22) et M._ (pv. aud. 1 lignes 52-53), pour ensuite déclarer les avoir engagés à l’essai (pv. aud. 2 ligne 26).
3.3.2
L’appelante conteste également le fait que M._ et E._ ont travaillé pour l’entreprise jusqu’au 30 mai 2009 et fait valoir que rien ne prouverait que ces deux travailleurs ont été engagés après l’essai.
Cette affirmation est contredite par une lettre envoyée à la caisse de compensation le 30 juillet 2009 (cf. P. 5/8) et dont il résulte que les deux intéressés ne travaillent plus dans la société depuis le 30 mai 2009. Certes, il n’est pas établi que l’appelante ait signé elle-même la missive, ce qu’elle conteste. Toutefois, il n’en demeure pas moins que sa contestation ne permet pas de mettre en doute la véracité du contenu dudit courrier. En effet, cela n’aurait pas de sens d’annoncer à la caisse AVS des durées d’emplois supérieures aux durées effectives. De plus, le fait que les contrats de travail, à tout le moins celui de M._, se soient poursuivis au-delà du contrôle de chantier opéré le 22 janvier 2009 est attesté par une autre lettre tirée du dossier de la caisse de compensation, datée du 25 février 2009 (cf. P. 5/5), dont il est mentionné que « M._ est engagé chez nous depuis le 12 janvier 2009 ».
Il résulte de ce qui précède que c’est bien jusqu’au 30 mai 2009 que les deux prénommés ont été employés par B.N._.
3.3.3
En ce qui concerne le cas H.F._ (cf. supra c. C 2.1.7), l’appelante soutient s’être vu montrer un passeport slovaque sous le nom de [...] et en avoir déduit qu’il pouvait travailler en Suisse sans autorisation, l’engageant ainsi à l’essai.
Son argumentation est infondée. Si les ressortissants étrangers UE/AELE ont en principe droit, dans le cadre de la libre circulation (ALCP [Accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes] ; RS 0.142.112.681), à l’obtention d’un permis, encore leur faut-il le demander et l’obtenir, charges qui incombent à l’employeur. Une fois encore, en vertu du devoir de diligence de l’employeur découlant de l’art. 91 LEtr, l’appelante se devait d’entreprendre les démarches nécessaires auprès des autorités administratives avant d’employer le prénommé, surtout sur la seule base de la présentation d’un passeport slovaque, lequel s’est avéré n’être pas authentique.
3.3.4
Pour ce qui est du cas P._ (cf. supra c. C 2.1.8), l’appelante conteste avoir employé ce dernier dans son entreprise. Elle se prévaut également de l’impossibilité d’interroger celui-ci comme témoin à charge, ainsi que du refus du tribunal d’entendre un témoin à décharge.
La Cour de céans considère que la contestation d’emploi du dénommé par l’appelante n’est pas crédible. Certes, B.N._ a indiqué dans ses déclarations à la police du 8 mai 2012 (cf. P. 22) et lors de son audition du 11 octobre 2012 devant la Procureure que P._ n’avait pas travaillé chez elle, ni dans le passé ni récemment, rapportant également le connaître que de vue et l’avoir croisé pour la première fois au début du mois d’avril 2012. Toutefois, il ressort du dossier qu’elle a été condamnée le 16 novembre 2009 pour emploi d’étrangers sans autorisation, à savoir pour l’engagement du même P._. Pour sa part, interrogé par la police le 3 mai 2012, le prénommé a indiqué avoir travaillé chez S._ Sàrl. L’hypothèse émise par l’appelante à l’audience d’appel selon laquelle les déclarations de P._ seraient des mensonges qui viseraient à cacher le fait qu’il vivrait à Bulle auprès de sa sœur et qu’il ne dirait de ce fait pas où il travaille réellement, ce dont il faudrait déduire qu’il n’a pas travaillé chez S._ Sàrl, n’est pas convaincante et aucun élément au dossier ne donne à penser que P._ aurait menti lorsqu’il a déclaré avoir travaillé pour l’appelante. On ne discerne pas en quoi de telles déclarations seraient propres à dissimuler le lieu de séjour de P._. L’appelante n’a pas non plus donné de motif tangible de douter des propos de ce dernier. Vu ce qui précède, on ne saurait accorder trop grande valeur aux déclarations de B.N._, qui sont contredites par les éléments au dossier et on peut donc raisonnablement écarter la version de cette dernière. Partant, à l’instar du premier juge, il y a lieu de considérer que l’appelante, qui connaissait l’absence d’autorisation de travail du prénommé, l’ayant engagé par le passé, et qui savait qu’il n’avait pas de titre de séjour valable, a employé P._ au sein de son entreprise.
Toutefois, en ce qui concerne la durée de l’emploi de l’intéressé, il y a lieu de retenir que l’engagement s’est effectué sur quatre jours, contrairement à ce qu’a établi le juge de première instance en retenant une activité sans autorisation de « mars 2012 au 3 mai 2012 ». En effet, si P._ a effectivement déclaré avoir travaillé environ deux mois au noir, il a précisé qu’il avait successivement travaillé dans trois entreprises différentes, dont quatre jours seulement – les quatre derniers de cette période de deux mois – auprès de l’entreprise S._ Sàrl. (cf. aud. du 3 mai 2012, p. 2 Q 7-8 dans P.22). Aucun élément au dossier ne permet d’établir une période supérieure à ces quatre jours.
Enfin, s’agissant de l’impossibilité d’entendre P._ qu’invoque l’appelante, on soulignera que l’emploi illicite est corroboré par le fait que celui-ci a été arrêté au volant d’un véhicule de l’entreprise de l’appelante, de sorte que son audition est loin de constituer le seul élément à charge. En outre, pour ce qui est du refus du tribunal d’entendre un témoin à décharge dont se plaint l’appelante, on relèvera que le frère de l’appelante, N._, témoin à décharge, a été entendu à l’audience d’appel du 19 mai 2014. Ce faisant, le grief de l’appelante devient sans objet sur ce point. Il ressort des déclarations du témoin que B.N._ lui aurait dit qu’elle avait prêté la voiture à P._ pour un déménagement ; ces allégations ne sont toutefois corroborées par aucune preuve, de sorte qu’elles ne suffisent pas à emporter la conviction de la Cour de céans, qui est convaincue que l’appelante a bien employé P._ dans son entreprise, du 30 avril au 3 mai 2012.
3.3.5
S’agissant du cas D.N._ (cf. supra c. C 2.1.3), qui n’est pas explicitement contesté par l’appelante, il convient de se référer aux considérations émises précédemment et retenir que l’appelante a employé sans autorisation l’intéressé.
3.4
Au vu des éléments qui viennent d’être exposés, les griefs soulevés par B.N._ doivent être rejetés et sa condamnation pour infractions à la LEtr confirmée.
4.
L’appelante conteste sa condamnation pour mise d’un véhicule à la disposition de P._, lequel faisait l’objet d’une interdiction générale de circuler.
4.1
L’art. 95 al. 1 let. e LCR a été modifié au 1
er
janvier 2013. Les faits incriminés se sont déroulés en 2012 ; ils sont donc antérieurs à l’entrée en vigueur du nouveau droit.
Dans sa teneur au 1
er
janvier 2012, cette disposition prescrit qu’est
puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque met un véhicule automobile à la disposition d’un conducteur dont il sait ou devrait savoir s’il avait prêté toute l’attention commandée par les circonstances qu’il n’est pas titulaire du permis requis.
L’auteur agit intentionnellement lorsqu’il sait que le conducteur à qui il cède l’usage de son véhicule n’est pas titulaire du permis requis et qu’en dépit de cela, il lui remet un pouvoir de disposer de ce véhicule (Jeanneret, Les dispositions pénales de la LCR, Berne 2007, n. 45 ad. art. 95 LCR).
4.2
En l’espèce, le premier juge a considéré que B.N._ s’était rendue coupable de mise d’un véhicule automobile à disposition d’un conducteur sans permis requis au sens de l’art. 95 al. 1 let. e aLCR au motif qu’elle avait l’obligation de se renseigner auprès des autorités compétentes pour savoir si P._ avait le droit de conduire un véhicule en Suisse.
Pour sa part, l’appelante, qui conteste dans son appel avoir su que le prénommé faisait l’objet d’un retrait de permis, n’est pas crédible dans les explications qu’elle donne. Elle a d’abord dit à la police fribourgeoise que lorsque P._ était passé chez elle prendre le véhicule, elle lui avait demandé s’il avait un permis, celui-ci lui avait alors répondu qu’il n’avait qu’un permis de conduire kosovar et elle n’avait pas demandé à le voir. Devant la Procureure, elle a indiqué qu’il s’agissait de prêter le véhicule à la sœur de P._, dont elle ne se souvenait plus du nom, mais qui avait le permis. Aux débats de première instance et en appel, elle soutient opportunément qu’elle a demandé à le voir et qu’elle l’a vu.
Même si l’on ne peut se fier aux déclarations fluctuantes de l’appelante, il faut admettre que si elle a posé la question et que le permis [...] existait bel et bien, ce qui est le cas puisqu’il a été saisi par la police le 3 mai 2012, il importe peu que l’appelante l’ait vu ou non. L’existence du permis étant avérée, on ne saurait reprocher à B.N._ de ne pas avoir deviné que ce permis existant avait été retiré. Vu la brièveté du séjour de P._, on ne peut pas plus lui reprocher de ne pas avoir tenu compte du fait qu’un séjour de longue durée – non avéré en l’espèce –, impliquait de faire reconnaître ce permis étranger.
Les considérations qui précèdent conduisent donc à acquitter B.N._ du chef d’accusation de mise à disposition d’un véhicule au sens de l’art. 95 al. 1 let. e aLCR.
L’appel doit être admis sur ce point.
5.
L’appelante requiert le prononcé d’une peine pécuniaire réduite.
5.1
5.1.1
L’art. 47 CP prévoit que le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité, est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 136 IV 55 ; ATF 134 IV 17 c. 2.1 ; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
5.1.2
Aux termes de l'art. 49 al. 2 CP, si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement (al. 2).
Cette disposition a essentiellement pour but de garantir le respect du principe d’absorption, également en cas de concours rétrospectif (ATF 129 IV 113 c. 1.1). En cas de concours rétrospectif partiel, soit lorsque, parmi plusieurs infractions à juger, l'une au moins a été commise avant d'autres jugées précédemment, il faut déterminer d'abord celle pour laquelle la loi prévoit la peine la plus grave. Lorsque l'infraction la plus grave est celle à juger qui a été commise avant le premier jugement, une peine complémentaire (hypothétique) au premier jugement doit être fixée et sa durée augmentée pour tenir compte des actes commis après ce premier jugement. L'élément de la peine d'ensemble relatif à l'acte en concours rétrospectif sera déterminé comme une peine additionnelle à celle déjà prononcée. Cette méthode permet d'appliquer l'art. 49 al. 1 CP sans négliger l'art. 49 al. 2 CP. Sur le plan formel, la sanction est toujours une peine d'ensemble mais, sur celui de sa quotité, il est tenu compte du concours rétrospectif (ATF 116 IV 14 c. 2b et les références citées ; TF 6B_685/2010 du 4 avril 2011 c. 4.1 ; TF 6B_28/2008 du 10 avril 2008 c. 3.3.2).
5.2
En l’espèce, le juge de première instance a prononcé à l’encontre de B.N._ une peine pécuniaire ferme de 210 jours-amende. Il considéré que sa culpabilité était moyennement lourde, que la faute retenue était loin d’être négligeable et que, de surcroît, la prévenue était récidiviste. Outre plusieurs emplois d’étrangers sans autorisation et des infractions à la LAVS (loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 ; RS 831.10) par le fait notamment d’éluder l’obligation de payer des cotisations, le premier juge a invoqué le concours d’infractions, les antécédents pénaux, le fait que les acomptes dus à la caisse de compensation pour combler les lacunes de cotisations sociales étaient régulièrement versés, une bonne intégration et une situation professionnelle stable.
Ces éléments sont adéquats et pertinents. L’art. 117 al. 2 LEtr prévoit une aggravation en cas de récidive dans les cinq ans suivants la précédente condamnation. Tel est le cas H.F._ et P._ au sein de l’entreprise S._ Sàrl ont été commis dans le délai établi par la disposition précitée. Cependant, il faut également tenir compte de l’acquittement du chef d’accusation de mise à disposition d’un véhicule à un conducteur sans permis requis, ainsi que la durée, moindre, d’emploi illicite de P._, ce qui justifie une réduction de la quotité de la peine.
Au vu de ce qui vient d’être exposé, une peine pécuniaire de 180
jours-amende est adéquate pour sanctionner les infractions commises par B.N._. Cette peine est partiellement complémentaire (cf. art. 49 CP) à celle prononcée le 16 novembre 2009 par le Préfet du district de la Riviera-Pays d’Enhaut, puisqu’il s’agit en effet de juger des infractions perpétrées de décembre 2007 à mai 2012 alors que le jugement précité avait déjà été rendu, pour des faits commis le 9 octobre 2009, et condamnait l’appelante pour le même type d’infractions à une peine pécuniaire de 10 jours-amende, avec sursis pendant deux ans.
L’appel doit être admis sur ce point.
6.
S’agissant du montant du jour-amende, l’appelante a requis à l’audience d’appel à ce que la peine prononcée ne soit pas supérieure au montant de 4'000 fr. séquestrés à titre de sûretés durant la procédure.
6.1
L'art. 34 al. 2 CP prévoit que le jour-amende est de 3'000 fr. au plus ; le juge en fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l’auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d’assistance, en particulier familiales, et du minimum vital.
Pour déterminer le revenu, le juge doit prendre en considération l'ensemble des revenus en tout genre (revenus de l'activité lucrative, de rentes ou de pensions, de placements de capitaux, de la fortune immobilière, prestations en nature, etc.). Il doit ensuite déduire les contributions sociales, les impôts, les primes d'assurance-maladie et accidents, les frais professionnels et les frais indispensables à l'exercice de la profession. Il est également prescrit de tenir compte des obligations d'assistance – en particulier familiales – du condamné (Maire, Les peines pécuniaires, in : Kuhn, Moreillon, Viredaz et Bichovsky, La nouvelle partie générale du Code pénal suisse, Berne 2006, p. 165).
Il ressort également du Message du Conseil fédéral, d'une part, que le montant du jour-amende ne doit pas correspondre à la part du revenu qui reste à l'auteur une fois déduit le minimum vital du droit des poursuites et, d'autre part, que la nouvelle réglementation doit en principe permettre d'infliger à tout auteur une peine pécuniaire correspondant à ce que l'auteur a les moyens de payer et à ce qui peut raisonnablement être exigé de lui, compte tenu des longs délais de paiement et de la possibilité de paiement par acomptes (FF 1999, p. 1787, spéc. p. 1826). Même pour les personnes à faibles revenus, le revenu journalier moyen net constitue donc le critère en principe déterminant pour la fixation du montant du jour-amende. Le minimum vital, mentionné dans le texte légal, est un critère correctif, tout comme le train de vie de l'auteur, permettant au juge de réduire sensiblement le montant du jour-amende en certaines circonstances.
6.2
En l’espèce, le premier juge a retenu un montant de 40 fr. par jour en considérant que B.N._ gagnait alors, selon ses déclarations, 4’300 fr. par mois et qu’elle recevait vraisemblablement une aide financière de son mari pour l’entretien de leurs trois enfants.
A l’audience d’appel, l’appelante a indiqué qu’elle était au chômage depuis le début du mois de mai 2014, que son époux l’aidait ponctuellement en versant de modestes sommes d’argent de façon irrégulière et qu’elle avait touché 20'000 fr. ensuite de la vente de ses parts de l’entreprise en 2013.
Mère de trois enfants mineurs, tous à sa charge, l’appelante s’acquitte de primes mensuelles d’assurance-maladie d’un montant total d’environ 600 fr. pour elle et ses enfants, d’acomptes d’impôts de 200 fr. par mois, ainsi que de la somme de 150 fr., équivalant à une contribution d’entretien due au fils du mari de l’appelante. Son revenu actuel est constitué des indemnités de chômage qui couvriront les 80% de son dernier salaire avant la perte de son emploi qui était de 4'300 fr., soit pendant la durée du chômage, à 3'440 francs. Il convient également de tenir compte, dans la détermination du revenu, de la contribution financière que lui apporte son époux en l’aidant ponctuellement, ainsi que, comme critère d’appréciation subsidiaire, du bénéfice tiré de la vente par cette dernière de ses parts de la société à son beau-frère, d’environ 20'000 francs, résultant d’une transaction familiale.
Dès lors, au de la situation financière de l’appelante telle qu’elle vient d’être exposée, le montant du jour-amende fixé par le premier juge à 40 fr. est excessif et il doit par conséquent être réduit à 20 francs.
L’appel doit être admis sur ce point.
7.
L’appelante conclut à l’octroi d’un sursis.
7.1
Selon l’art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents. Le nouveau droit pose des exigences moins élevées quant au pronostic pour l'octroi du sursis. Auparavant, il fallait que le pronostic soit favorable. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (ATF 135 IV 180 c. 2.1 ; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2 ; TF 6B_348/2014 du 19 juin 2014 c. 2).
7.2
Le premier juge a retenu un pronostic défavorable au regard de l’absence totale de prise de conscience, de la récidive en cours d’enquête et a considéré que le fait que la prévenue avait vendu ses parts de l’entreprise ne changeait rien à ce pronostic.
Pour ce qui est du comportement futur de l’appelante, la Cour de céans retient que celle-ci a déjà été condamnée pour une infraction de même nature en 2009. L’emploi réitéré d’étrangers non autorisés à travailler démontre une absence totale de prise de conscience, l’engagement des deux derniers, H.F._ et P._, étant postérieur à l’ouverture de la présente enquête. Les contrôles de chantiers et la sanction administrative prononcée par le Service de l’emploi du canton de Vaud (ci-après : SDE) à l’encontre de la société de l’appelante n’ont pas suffit à mettre B.N._ face à ses responsabilités en qualité d’employeur (cf. notamment la décision du 23 janvier 2012 du SDE, sous P. 18/2). En outre, son attitude durant la procédure dénote d’un certain mépris des règles ; si elle admet, devant la Cour de céans à l’audience d’appel, avoir commis des « méfaits », elle n’exprime en revanche aucun regret. Il n’en demeure pas moins également que lors de sa première audition, non assistée d’un avocat, elle a reconnu avoir employé au noir les étrangers dénoncés, pour, dans un second temps, se prévaloir de sa bonne foi en invoquant de « brefs temps d’essai ».
Au regard de ces éléments, un pronostic défavorable doit être posé. Le fait que l’appelante ait perdu la qualité d’employeur en raison de la vente de ses parts de l’entreprise ne saurait renverser ce pronostic, dans la mesure où il ressort du dossier que l’appelante a déjà par le passé vendu ses parts pour ensuite devenir associée gérante avec signature individuelle d’une autre société. Cet élément n’est donc pas propre, comme elle le soutient, à exclure tout risque de récidive. Dès lors, le refus du premier juge d’accorder un sursis ne prête pas le flanc à la critique et doit être confirmé.
Mal fondé, ce grief doit être rejeté.
8.
L’appelante requiert que le sursis accordé le 16 novembre 2009 par le Préfet du district de la Riviera-Pays d’Enhaut ne soit pas révoqué.
8.1
En vertu de l'
art. 46 CP
, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel (al. 1, 1
re
phr.). S'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation (al. 2, 1
re
phr.).
La commission d'un crime ou d'un délit durant le délai d'épreuve n'entraîne pas nécessairement une révocation du sursis. Seul un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné peut justifier la révocation. A défaut d'un pronostic défavorable, le juge doit renoncer à celle-ci. Autrement dit, la révocation ne peut être prononcée que si la nouvelle infraction laisse entrevoir une réduction sensible des perspectives de succès de la mise à l'épreuve
(ATF 134 IV 140 c. 4.2 et 4.3 ; TF 6B_163/2011 du 24 novembre 2011 c. 3.2). Dans l'appréciation des perspectives d'amendement à laquelle il doit procéder pour décider de la révocation d'un sursis antérieur, le juge doit tenir compte des effets prévisibles de l'octroi ou non du sursis à la nouvelle peine. Il peut parvenir à la conclusion que l'exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. L'inverse est également admissible : si le sursis précédent est révoqué, l'exécution de la peine qui en était assortie peut conduire à nier l'existence d'un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis (ATF 134 IV 140 c. 4.5 ; TF 6B_1165/2013 du 1
er
mai 2014 c. 2.1 et 2.2 ; TF 6B_458/2011 du 13 décembre 2011 c. 4.1). Ainsi, un critère déterminant pour juger du risque de réitération et, partant, pour poser le pronostic prévu par la loi est celui de l'effet de choc et d'avertissement issu de la condamnation précédente, y compris en ce qui concerne l'aménagement ultérieur de la vie de l'intéressé ; s'il est avéré, un tel effet constitue un facteur favorable – même s'il n'est pas déterminant à lui seul – dans l'examen du pronostic (cf. ATF 134 IV 140 c. 5.3).
8.2
En l’espèce, B.N._ a commis de nouvelles infractions à la LEtr durant le délai d’épreuve accordé en 2009, soit en engageant deux étrangers sans autorisation. En revanche, les quatre premiers ressortissants étrangers non autorisés à travailler ont été employés antérieurement à la condamnation pénale de 2009. Dans cette mesure, la notion de récidive de l’appelante peut-elle être quelque peu relativisée. La Cour de céans considère également que l'exécution de la nouvelle peine aura à elle seule un effet dissuasif suffisant pour tenir l’appelante à l’écart de la délinquance. On peut effectivement admettre que l'effet de choc et d'avertissement issu de l’exécution de la peine ferme est de nature à induire un pronostic favorable chez l’appelante.
Compte tenu des éléments qui précèdent, il se justifie dès lors de renoncer à la révocation du sursis octroyé 16 novembre 2009 par le Préfet du district de la Riviera-Pays d’Enhaut. Il n’y a pas davantage lieu à prolonger la durée du délai d’épreuve assortissant le sursis.
L’appel doit être admis sur ce point.
9.
Eu égard aux modifications mineures apportées au jugement du 30 janvier 2014, notamment en ce qui concerne la qualification juridique et l’établissement des faits, il n’y a pas matière à revoir le sort des frais de première instance. Pour le reste, il n’y a pas davantage lieu d’allouer à l’appelante, représentée par un défenseur de choix, une indemnité au sens l’art. 429 CPP. En effet, le plaideur n’a ni chiffré, ni justifié ses prétentions alors même qu’il y avait été enjoint par la direction de la procédure conformément à l’art. 429 al. 2 CPP.
10.
En définitive, l’appel doit être partiellement admis
et le jugement entrepris réformé dans le sens des considérants qui précèdent.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d’appel, par 3'340 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010, ; RSV 312.03.1]), doivent être mis par moitié, soit par 1'670 fr., à la charge de B.N._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
68d57c4b-2226-488d-b611-525fe527b715 | En fait :
A.
Par jugement du 12 mai 2015, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois a, notamment, reconnu L._ coupable de vol par métier, de dommages à la propriété, violation de domicile, tentative de violation de domicile et contravention à la LStup (Loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951; RS 812.121) (I), condamné L._ à une peine privative de liberté de 24 (vingt quatre) mois, sous déduction de 122 (cent vingt-deux) jours de détention provisoire et à une amende de 300 (trois cents) francs, la peine privative de liberté de substitution étant de 3 (trois) jours (II), maintenu L._ en détention pour des motifs de sûreté (III), pris acte de la reconnaissance de dette signée par L._ en faveur de [...] pour valoir jugement définitif et exécutoire (VII), mis les frais de la cause arrêtés à 16'109 fr. 60 à la charge de L._, dont l’indemnité due à son défenseur d’office Me Xavier Rubli, arrêtée à 8'229 fr. 60, TVA et débours compris, sous déduction d’une avance de 990 fr. d’ores et déjà versée par le Ministère public de l’arrondissement de la Côte le 23 décembre 2014 (X) et dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité de son défenseur d’office ne sera exigé que si la situation financière du condamné le permet (XI).
B.
L._ a annoncé faire appel le 12 mai 2015. Le jugement motivé lui est parvenu le 22 mai 2015 et il a déposé une déclaration d'appel motivée le 11 juin 2015 en concluant, avec suite de frais et dépens, à la modification des chiffre II et III de son dispositif en ce sens que :
- principalement, sa peine est réduite à 12 mois avec sursis pendant 2 ans sous déduction de la détention provisoire, l'amende de 300 fr. et la peine de substitution de 3 jours sont maintenues, son maintien en détention pour motifs de sûreté est supprimé ;
- subsidiairement, sa peine est réduite à 12 mois dont six mois avec sursis pendant deux ans, sous déduction de la détention provisoire, l'amende de
300 fr. et la peine de substitution de 3 jours sont maintenues, son maintien en détention pour motifs de sûreté est supprimé.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1
L._, né le 29 janvier 1983, célibataire et père d'une fillette de 8 ans, a été élevé par ses parents jusqu’à leur divorce, intervenu lorsqu'il avait environ 3 ans. Vivant ensuite avec sa mère et son beau-père, il a suivi une scolarité obligatoire jusqu’en 10ème année, puis a obtenu un CFC de plâtrier peintre. L'intéressé est à ce jour détenu à la prison de la Tuilière, en exécution anticipée de peine. Dans cet établissement, il travaille comme peintre pour un salaire de l'ordre de 300 fr. à 400 fr. par mois. Il est suivi par le Service de médecine et psychiatrie pénitentiaires (ci-après : le SMPP) depuis son incarcération, notamment pour la poursuite de son traitement de substitution à la méthadone. Le rapport médical du 8 mai 2015 (P. 124) est bon. L._ dit vouloir rembourser au plus vite les plaignants, à qui il n'a rien versé pour le moment. Il déclare aussi vouloir traiter ses addictions pour pouvoir se réinsérer socialement et professionnellement. A ce sujet, le dossier contient une lettre du 23 avril 2015 de l'entreprise [...] qui a retenu sa candidature pour un poste de plâtrier peintre, un pli du 7 mai 2015 de son beau-père [...], qui tient à sa disposition un appartement dont il est propriétaire, la lettre du 8 mai 2015, par laquelle l'intéressé a requis un suivi aux [...] ( [...]) (P. 125), une lettre du SMPP indiquant qu'un rendez-vous sera pris avec le [...] dès connaissance de la date de sa libération (P. 124), le courrier du 25 mai 2015 par lequel L._ a contacté [...] pour exposer sa situation et se renseigner, ainsi que la lettre de motivation du 26 août 2015 (P. 161) qu'il a envoyée à la Fondation [...], où il souhaiterait séjourner durant un an sur une base volontaire.
1.2
Il ressort ce qui suit du casier judiciaire de L._ :
- Le 29 novembre 2005, il a été condamné par le Juge d’instruction de Lausanne, à une amende de 1'000 fr. pour conduite en état d'incapacité;
- le 15 décembre 2006, il a été reconnu coupable de lésions corporelles simples et de contravention à la LStup et condamné, par le Juge d’instruction de Lausanne, à 10 jours d'emprisonnement, ainsi qu'à une amende de 300 francs;
- le 30 septembre 2008, il a été condamné par le Tribunal correctionnel de Lausanne pour vol, brigandage, contrainte, injure, violation de domicile, conduite en état d'incapacité, sans permis de conduire ou malgré un retrait, à peine privative de liberté de 9 mois. Le 25 janvier 2010, alors qu'un solde de ladite peine de 3 mois et un jour restait à purger, il a été libéré conditionnellement; le délai d'épreuve a été fixé à an avec assistance de probation et règle de conduite;
- le 5 octobre 2010, sa réintégration a été ordonnée par le Tribunal correctionnel de Lausanne qui l'a condamné pour délit manqué de brigandage, ainsi que conduite en état d'incapacité et sans permis, à une peine privative de liberté d'ensemble de 8 mois incluant le solde de peine à purger ensuite de la révocation de la libération conditionnelle (P. 135, p. 8).
2.1
[...] le 22 novembre 2013 à 21h10, L._ a pénétré sans droit et par effraction dans le logement de B._ en forçant la porte d’entrée et la serrure secondaire au moyen d’un outil plat. Le prévenu a endommagé la porte en bois et le montant de celle-ci, ainsi que la serrure secondaire. A l’intérieur, il a dérobé une carte de crédit [...], un passeport, un appareil photo Canon, deux IPad, une caméra Gopro Black Edition, une montre Swatch et un Ipod.
2.2
[...], le 7 janvier 2014 entre 14h00 et 17h00, L._ a pénétré sans droit et par effraction dans le logement d’Q._, en forçant la porte palière au moyen d’un outil indéterminé. Le prévenu a endommagé le cadre de la porte. A l’intérieur, il a dérobé un ordinateur HP, 300 fr. en espèces, un appareil photo Canon G16, un appareil photo Panasonic DMC-LX2, deux paires de jumelles, un Ipod nano, un étui en cuir brun Louis Vuitton, un téléphone portable Ericsson V600i, une boîte en cuir blanc avec du nécessaire de couture et trois portefeuilles vides.
2.3
[...], le 6 février 2014 entre 07h15 et 16h20, L._ a pénétré sans droit et par effraction dans le logement d’J._ en forçant la porte, probablement par épaulée. Le prévenu a cassé l’embrasure en bois de la porte, arraché la gâche et endommagé le pêne. A l’intérieur, il a dérobé deux montres Esprit, un bracelet Esprit, un bracelet chaînette fine en or, un collier Naf-Naf, un collier en argent, une bague en argent, un passeport au nom d’J._, un ordinateur portable de marque inconnue, une paire de lunettes de soleil Ray Ban et 200 € en espèces.
2.4
[...], entre le 20 juin 2014 à 12h30 et le 23 juin 2014 à 14h20, L._ a pénétré sans droit et par effraction dans le logement d’T._, en forçant la porte palière d’une manière indéterminée. Le prévenu a arraché le cadre de la porte et endommagé la serrure de celle-ci. A l’intérieur, il a emporté deux chargeurs pour téléphone cellulaire Apple et Nokia, un casque audio Beats et un dock Sony.
2.5
[...], le 3 octobre 2014 entre 14h50 et 16h00, L._ a pénétré sans droit et par effraction dans le logement de Z._, en forçant la porte palière d’une manière indéterminée. Le prévenu a endommagé le cadre de la porte. A l’intérieur, il a dérobé une montre Tissot avec bracelet brun et cadran doré, une montre Certina argentée avec cadran carré, un écrin bleu contenant un montre de marque inconnue, un cadran argenté et bracelet noir, ainsi qu’un stylo.
2.6
[...], le 6 octobre 2014, L._ a pénétré sans droit et par effraction dans le logement de C._ en forçant la porte palière, dans le but d’y commettre un vol. Les dommages et le butin éventuels ne sont pas connus.
2.7
[...], le 6 octobre 2014 entre 12h35 et 15h20, L._ a pénétré sans droit et par effraction dans le logement de G._, en forçant la porte d’entrée. Le prévenu a arraché la gâche de la porte d’entrée. A l’intérieur, il a dérobé la somme de 1'500 fr. et une montre Guess.
2.8
[...] [...], le 6 octobre 2014 entre 12h35 et 15h20, L._ a pénétré sans droit et par effraction dans le logement de Y._, en forçant la porte palière au moyen d’un outil plat. Le prévenu a notamment arraché la gâche. A l’intérieur, il a dérobé un ordinateur portable Dell Latitude IntelCore 2 Duo, un collier en or avec pendentif marqué Y._ un collier en or avec pendentif marqué Y._ en thaïlandais et une paire de lunettes Ray Ban.
2.9
[...] le 6 octobre 2014 entre 09h45 et 15h20, L._ a tenté de pénétrer sans droit et par effraction dans le logement d’H._, dans le but d’y commettre un vol. A cette occasion, il a endommagé la porte d’entrée, le cadre de celle-ci, la gâche et la serrure.
2.10
[...], le 11 octobre 2014 entre 14h30 et 16h15, L._ a pénétré sans droit et par effraction dans l’appartement de D._, en forçant la porte palière, probablement par épaulée. Le prévenu a endommagé la porte palière et le cadre de celle-ci. A l’intérieur, il a dérobé deux ordinateurs Apple Macbook Pro 15, deux chargeurs Mac "85W MegaSafe Power Adapter", un Sony Reader PRS T-3, un appareil photo Canon EOS 600D (avec objectif zoom de base 18-55), un appareil photo Canon EOS 400D, un téléphone portable HTC Desire S et un chaîne dorée sans valeur.
2.11
[...], le 13 octobre 2014 entre 07h55 et 14h05, L._ a pénétré sans droit et par effraction dans l’appartement de K._ en forçant la porte palière au moyen d’un outil plat. Le prévenu a endommagé le cadre de la porte palière et arraché la gâche qu’il a
emportée. A l’intérieur, il a dérobé de nombreux bijoux, un ordinateur portable
ACE V5-122P-42154, une clé USB, trois cartouches et huit paquets de cigarettes Marlboro. La valeur totale du butin est estimée à 28'000 francs.
2.12
[...] [...], le 21 octobre 2014 entre 13h40 et 16h30, L._ a pénétré sans droit et par effraction dans le logement de M._ en forçant la porte palière par épaulée, après avoir forcé le cylindre. A l’intérieur, il a dérobé une montre Auriol Armbandhur, deux montres femme de marques et modèles inconnus, une montre homme Festina, deux bagues en or, une chaîne en or pour homme, une chaîne en or pour femme, trois bracelets en or pour enfants, une alliance en or homme avec inscription "19 janvier 1980", divers bijoux en or (chevalière, gourmette chaîne), 450 € en espèces, 600 fr. en espèces, un téléphone portable Samsung Galaxy SII, un téléphone portable Samsung, une paire de boutons de manchettes en or, deux pinces de cravate en or, un appareil photo Tevlon DC-14, un porte-monnaie Louis-Vuitton, un ordinateur de marque et modèle inconnu, une clef de voiture Mercedes, une clef de voiture Citroën, une paire de lunettes, un couteau multifonctions et une clef d’appartement.
2.13
[...] [...], le 23 octobre 2014 vers 17h55, L._ a tenté de pénétrer sans droit et par effraction dans l’appartement de [...], dans le but d’y commettre un vol.
2.14
[...], le 23 octobre 2014 entre 07h30 et 22h45, L._ a tenté de pénétrer sans droit et par effraction dans l’appartement d’V._, en tentant de forcer la porte palière avec un outil plat, dans le but d’y commettre un vol. A cette occasion, le prévenu a endommagé la porte palière, le cadre de celle-ci et deux serrures.
2.15
A une date et à un endroit indéterminés, L._ a pénétré sans droit et par effraction dans un logement. A l’intérieur, il a dérobé divers bijoux en or 18 carats, d’un poids de 12.78 grammes.
2.16
A une date et à un endroit indéterminés, L._ a pénétré sans droit et par effraction dans un logement. A l’intérieur, il a dérobé divers bijoux en or 18 carats, d’un poids de 18.7 grammes.
2.17
Entre le 22 novembre 2013, à tout le moins, et le 23 octobre 2014, date de son interpellation, L._ a quotidiennement consommé de l’héroïne. Il a consommé chaque jour un gramme de cette substance jusqu’au mois de mai 2014, puis cinq grammes jusqu’au 23 octobre 2014. Il se procurait cette drogue au prix de 20 fr. le gramme, ce qui représente un investissement de 16'200 francs. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L'appelant demande que sa peine soit réduite à un maximum de 12 mois avec sursis pendant deux ans, subsidiairement avec un sursis partiel portant sur la moitié de cette peine pendant deux ans. Il ne remet en cause ni le genre de la peine, ni aucun autre point du jugement de première instance. L'autorité de céans se bornera donc à examiner les points contestés (art. 404 al. 1 CPP).
3.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; 129 IV 6 c. 6.1 p. 20).
3.2.1
En l'espèce, vu les infractions dont l'intéressé s'est rendu coupable, le cadre de la peine privative de liberté est celui du vol par métier (art. 139 ch. 2 CP), soit entre 6 mois (art. 40 CP) et 10 ans. Etalés sur la période du 22 novembre 2013 au 23 octobre 2014, les seize cambriolages commis par L._ ont porté sur un butin varié et d'une valeur globale supérieure à 10'000 fr. en espèces, matériel électronique ou optique, bijoux, montres, cartes de crédit, documents d'identité, cigarettes, soit un butin facile à emporter et à négocier dans l'objectif de financer une consommation d'héroïne alors que l'appelant avait la faculté de travailler comme plâtrier peintre et que ses frais étaient réduits puisque son amie, émargeant au social, l'hébergeait. Ses vols ont été commis l'après-midi avec une certaine audace. L'appelant sonnait à la porte des appartements et, si personne ne se manifestait, il forçait les ouvertures au pied de biche. Les lésés ont non seulement enduré la perte d'objets investis parfois d'une valeur affective, mais ont eu leurs logements dévastés. Seule l'arrestation de l'intéressé a interrompu la spirale de ses délits. Outre le concours, il faut tenir compte de l'âge mûr de 32 ans et des possibilités d'aide et de soutien dont le prévenu disposait pour ne pas sombrer davantage dans la toxicomanie. Les quatre antécédents dont deux pour brigandage, les peines privatives de liberté (9 mois et 8 mois) déjà subies et les libérations conditionnelles révoquées en 2010 et en 2012 démontrent un certain manque de sensibilité à la sanction pénale. A décharge, les premiers juges ont retenu que le prévenu était suivi par le SMPP depuis le début de son incarcération et que le rapport médical établi le 8 mai 2015 (P. 124) était bon, que la responsabilité pénale du prévenu toxicomane à l'héroïne était notoirement légèrement diminuée (jugement p. 27); ils ont aussi considéré qu'il avait fait des aveux et présenté des excuses aux lésés.
3.2.2
L'appelant objecte que d'autres éléments à décharge ou favorables à l'octroi d'un sursis auraient été omis par le tribunal. Il soutient à cet égard qu'il aurait procédé à une
"évidente prise en conscience"
comme ses lettres aux plaignants le démontreraient. Il ajoute avoir offert de réparer le dommage et collaboré avec les enquêteurs. Il se prévaut de son bon comportement en détention, de même que des mesures prises pour bénéficier d'un traitement à sa sortie de prison et prétend que la fréquence de ses cambriolages – légèrement supérieure à un par mois – ne serait pas compulsive.
Il est vrai que L._ a rédigé une lettre d'excuses type qu'il a envoyée aux lésés (P. 107) et qu'il s'est reconnu débiteur d'un montant qu'il promet de rembourser, promesse qu'il a réitérée en audience d'appel. Toutefois, si l'on considère qu'il ne paie pas la pension alimentaire de sa fille, alors que cette créance est prioritaire, et que sa situation financière est lourdement obérée (P. 97 p. 4), cet engagement est sans réelle valeur dans la mesure où il n'est pas en position de l'honorer.
L._ a entamé un traitement à la méthadone en détention; il entend le poursuivre à l'extérieur et bénéficier d’une prise en charge spécialisée au Centre [...] (P. 124). Alternativement, il voudrait également passer une année à la Fondation [...], sur une base volontaire, ou encore fréquenter l'association des [...] (P. 125). Le rapport de détention ne comporte pas de point négatif (P. 104). Lors de sa précédente condamnation en 2010, l'intéressé avait toutefois déjà admis les faits sans tergiverser (P. 97 p. 8). Si prise de conscience il y a, celle-ci porte davantage sur la toxicomanie que sur la commission des délits patrimoniaux. Or, si l'appelant promet beaucoup il s'engage nettement moins. Si d'après les pièces qu'il a produites, il entend organiser sa vie à l'issue de sa détention (cf. supra p. 9), il ne s'est pas fixé comme priorité de maîtriser efficacement sa toxicomanie alors même qu'il a sombré dans l'héroïne et qu'il en est toujours dépendant. Ses projets successifs : Centre [...] sont apparus tardivement et s'enchaînent rapidement avec une certaine confusion, sans réel investissement. Il donne ainsi l'impression de vouloir limiter le poids de la sanction au meilleur compte plutôt que de se soumettre à des exigences importantes et contraignantes pour sa vie quotidienne. Sa lettre de motivation du 26 août 2015 à la [...] qu'il ne produit d'ailleurs qu'au stade de l'appel conforte cette appréciation.
Pour le reste, on ne saurait soutenir qu'il a parfaitement collaboré avec la justice, dès lors qu'il n'a rien dit lors de sa première audition et que ses aveux sont intervenus au fil des questions des enquêteurs.
Enfin, son parcours judiciaire, plus spécialement les échecs successifs des libérations conditionnelles, montre qu'en liberté ses bonnes résolutions s'effritent.
3.2.3
Au vu de ces éléments, et dès lors que la culpabilité de L._ est lourde, la quotité de la peine infligée en première instance échappe à la critique et doit être confirmée. La détention subie depuis le jugement de première instance en sera déduite.
3.3
Les premiers juges ont exclu le sursis en raison de la condamnation de 8 mois infligée en 2010, soit en application de l'art 42 al. 2 CP, et en l'absence d'un
pronostic particulièrement favorable. L'appelant soutient que cette disposition ne lui serait pas applicable, la peine de six mois infligée en 2010 étant une peine d'ensemble (P. 97 p. 5 et 8).
3.3.1
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Sur le plan subjectif,
le juge doit poser un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. Il suffit qu'il n'y ait pas de pronostic défavorable; le sursis est la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable (ATF 134 IV l c. 4. 2.2 p. 5 s.). Pour émettre ce pronostic, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 134 IV 1 c. 4.2. 1 p. 5).
En cas de condamnation, dans les cinq ans qui précèdent l'infraction, à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, le sursis n'est possible qu'en présence de "circonstances particulièrement favorables" (art. 42 al. 2 CP). La présomption d'un pronostic favorable, respectivement du défaut d'un pronostic défavorable, ne s'applique plus. L'octroi du sursis n'entrera donc en considération que si, malgré l'infraction commise, on peut raisonnablement supposer, à l'issue de l'appréciation de l'ensemble des facteurs déterminants, que le condamné s'amendera (ATF 134 IV 1 c. 4.2.3 p. 7).
L'art. 42 al. 2 CP ne s'applique qu'en présence d'une seule condamnation antérieure, et non si l'auteur a été condamné à plusieurs peines, même si l'addition de leur durée dépasse six mois ou 180 jours-amende. En effet, ce qui est déterminant, c'est que l'auteur ait commis une infraction d'une certaine gravité, et non plus – comme sous l'ancien droit - qu'il ait purgé une peine privative de liberté d'une certaine longueur (FF 1999 p. 1856). Le législateur parle ainsi de la condamnation à "une peine". L'art. 43 al. 1 CP prévoit que le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur. Les conditions subjectives permettant l'octroi du sursis (art. 42 CP), à savoir les perspectives d'amendement, valent également pour le sursis prévu à l'art. 43 CP. Un pronostic défavorable exclut le sursis partiel (TF 6B_812/2009 du 18 février 2010 c. 2.1 et les références citées).
3.3.2
En l'espèce, la peine privative de liberté de 8 mois prononcée pour les infractions jugées le 25 janvier 2010 est inférieure à 6 mois puisqu'elle inclut le solde de 3 mois et un jour de peine du même genre, infligée le 30 septembre 2008, qui restait à purger ensuite de la révocation de la libération conditionnelle (cf. supra p. 10). L'appelant a donc raison lorsqu'il affirme que l'art. 42 al. 2 CP ne lui est pas applicable. La question du sursis s'examine donc à l'aune de l'art. 42 al. 1 CP.
Les antécédents de L._ sont lourds; la période de consommation et de vols est longue, ses délits punis en 2010 avaient déjà comme ressort une consommation excessive de toxique, à l'époque il s'agissait d'alcool et d'autres drogues que l'héroïne. Certes, L._ affiche de bonnes intentions en détention, mais rien n'indique qu'il s'y conformera dans la durée lorsqu'il aura recouvré sa liberté, au contraire, ses addictions, le double échec de ses libérations conditionnelles antérieures et sa fréquentation de la zone de [...] sont de mauvais indicateurs. Au vu des fortes tentations de consommer à nouveau des drogues ou de l'alcool auxquelles le prévenu sera exposé et des risques de passage à l'acte délictueux qui en découleront, son projet de recevoir de la méthadone à [...], centre à bas seuil, et de fréquenter selon ses envies une ou plusieurs associations d'anciens toxicomanes ne sauraient renverser le pronostic défavorable qu'il suscite. Il en va de même de son autre projet tardif et tendant plus à éviter la privation de liberté qu'à vaincre sa dépendance, consistant à séjourner, sur une base volontaire, dans un foyer spécialisé dans le traitement des addictions. Dans ces conditions, la peine infligée à L._ doit être ferme, comme l'a retenu l'autorité de première instance, dont le jugement sera confirmé sur ce point également. En tant qu'il aboutirait matériellement à une mesure de l'art. 60 CP sans en respecter les conditions, un sursis partiel associé à une règle de conduite n'entre pas en considération. Au demeurant, le pronostic est défavorable. On précisera encore qu'il appartiendra au recourant de démontrer une véritable volonté de traitement en entreprenant auprès de l'autorité compétente – à savoir, le Juge d'application des peines (art. 28 al. 3 let. c LEP; Loi cantonale du 4 juillet 2006 sur l’exécution des condamnations pénales ; RSV 340.01) – les démarches utiles à la mise en place d'une mesure thérapeutique institutionnelle (art. 63b al. 5 CP).
4.
En définitive, l'appel de L._ est mal fondé et doit être rejeté, frais à son auteur, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). Au vu de cette issue la question de la mise en liberté ne se pose plus et le maintien de L._ en exécution anticipée de peine doit être ordonné.
5.
Il reste à statuer sur le sort des frais et des indemnités.
5.1
Compte tenu de l'ampleur de l'affaire et du travail effectué, il convient d'allouer au défenseur d'office du prévenu, Me Xavier Rubli, l'indemnité qu'il réclame pour la présente procédure. Celle-ci se monte à 3'132 fr. Cette somme tient compte, audience incluse, de 14 heures de travail au tarif horaire des avocats d'office
(180 fr.), de trois vacations d'avocat breveté (120 fr.), de 20 fr. de débours et 8 % de TVA.
5.2
Les frais d'appel, par 5'292 fr., y compris l'indemnité allouée au défenseur d'office, sont mis à la charge de L._.
L'appelant ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office prévue que lorsque sa situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
68e3a3e4-236b-4b5c-920b-573d3094b076 | En fait :
A.
Par ordonnance du 2 juin 2010, le Juge d’instruction du Nord vaudois a mis [...] au bénéfice d’un non-lieu et a condamné son mari N._ pour violation grave des règles de la LCR à 15 jours-amende à 70 fr. le jour avec sursis pendant deux ans et à 700 fr. d’amende convertible en 10 jours de peine privative de liberté en cas de non-paiement, pour avoir circulé au volant de son véhicule [...], immatriculé [...], le mercredi 10 juin 2009, à 08h17, sur la route principale Lausanne-Berne, territoire de la commune de Lucens, à une vitesse de 118 km/h, dépassant de 38 km/h la vitesse maximale autorisée à cet endroit (80 km/h).
B.
N._ a consulté avocat en la personne de Me Sébastien Pedroli et fait opposition à cette ordonnance.
A l’audience du Tribunal de police de la Broye et du Nord vaudois du 8 mai 2012, N._, assisté de son défenseur, a conclu à son acquittement, sans toutefois prendre une conclusion en allocation d’une indemnité de l’art. 429 CPP.
Par jugement du même jour, ledit tribunal a annulé l'ordonnance de condamnation du 2 juin 2010, libéré au bénéfice du doute N._ de l’infraction de violation grave des règles de la circulation routière, mis fin aux poursuites pénales à son encontre et laissé les frais à la charge de l’Etat. Le 8 juin 2012, un sceau a été apposé sur la première page du jugement pour indiquer son caractère définitif et exécutoire dès le 8 mai 2012.
Le 30 mai 2012, le conseil de N._, précisant que l’affaire était désormais terminée pour lui, a écrit au Tribunal d’arrondissement pour demander l’octroi d’une indemnité pour les frais de défense nécessaires de son client. En annexe à cette lettre, il a produit une liste de ses opérations détaillant le temps consacré à celles-ci, le tarif horaire appliqué de 250 fr. et les débours engagés, le tout étant arrêté à 2'630 fr. 35, TVA incluse aux taux 2010 et 2012.
Le Président du tribunal a alors invité le Ministère public à se déterminer sur cette requête. Par lettre du 12 juin 2012, celui-ci a conclu au refus de toute indemnisation en faisant valoir que la simplicité de la cause n’imposait pas de s’assurer les services d’un mandataire professionnel, que l'intéressé avait commis une faute civile en n’identifiant pas le conducteur fautif au volant de son véhicule au moment des faits et que sa requête était de toute manière irrecevable pour tardivité. L'intimé s’est déterminé par lettre du 21 juin 2012 en réfutant les arguments du Ministère public. En particulier, il s’est référé à l’art. 435 CPP pour en déduire qu’une demande d’indemnisation postérieure à l’entrée en force de la décision ne serait pas tardive.
C.
Par décision du 4 juillet 2012, le Tribunal de police de l'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a alloué à N._ une indemnité de 2'115 fr. pour ses frais de défense, à la charge de l'Etat (I) et laissé les frais de la décision à la charge de l'Etat (II).
En substance, le premier juge a considéré que l'indemnité de l'art. 429 al. 1 let. a CPP ne se limitait pas aux cas de défense obligatoire ou d'office, que l'indemnisation du prévenu constituait un droit et devait faire l'objet d'un examen d'office, que le tribunal avait, en l'occurrence, omis cet examen, que, partant, ce serait faire preuve de formalisme excessif que de rejeter la requête au motif qu'elle serait tardive et qu'enfin, accusé d'un délit, N._ était légitimé à recourir aux services d'un avocat de choix.
D.
Le 9 juillet 2012, le Ministère public a déposé une déclaration d'appel motivée, concluant au rejet de la demande d'indemnisation présentée par N._ et à ce que les frais d'appel soient laissés à la charge de l'intimé.
Ce dernier n'a pas présenté de demande de non-entrée en matière, ni formulé d'appel joint.
Les parties ont été informées, par lettre du 14 août 2012, que l’appel serait traité en procédure écrite et qu’au vu de son écriture antérieure, l’appelant était sensé renoncer au dépôt d’un mémoire d’appel motivé.
Dans ses déterminations du 28 août 2012, l’intimé a conclu au rejet de l’appel et à l’allocation d’une équitable indemnité pour ses frais de défense en appel, sans toutefois chiffrer celle-ci. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'espèce, interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant la qualité pour recourir (art. 381 al. 1 CPP), l'appel formé par le Ministère public, suffisamment motivé au sens de l'art. 399 al. 3 CPP, est recevable.
S'agissant d'un appel dirigé contre le prononcé d'une indemnité, il est soumis à la procédure écrite (art. 406 al. 1 let. d CPP).
2.
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
3.1
Aux termes de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a notamment droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. L'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu. Elle peut enjoindre à celui-ci de les chiffrer et de les justifier (al. 2).
C'est dans le cadre du jugement au fond que le tribunal correctionnel aurait dû examiner d'office les prétentions du prévenu libéré pour l'essentiel (art. 429 al. 2 CPP). L'opinion des commentateurs romands (Mizel/Rétornaz, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale, Bâle 2011, n. 61 ad art. 429 CPP), selon laquelle l'indemnisation pourrait être décidée séparément, dans un deuxième temps, soit une fois le jugement d'acquittement rendu, ne repose sur aucune référence et s'avère hautement contestable dans la mesure où elle se réfère par analogie à la scission des débats. En effet, en cas de scission des débats, le recours, même dirigé contre les décisions préalables portant sur les faits ou sur la culpabilité, n'est ouvert qu'une fois le jugement complet rendu (art. 342 al. 4 CPP). Cela confirme que la procédure pénale ne connaît pas de décisions sur le fond fragmentées ouvrant des possibilités d'appel distinctes et successives, mais bien un unique jugement au fond comportant le cas échéant deux volets si le procès a fait l'objet d'une scission, susceptible d'un seul appel. Le jugement au fond doit ainsi contenir, selon l'énumération de l'art. 81 al. 4 let. b CPP, outre le prononcé relatif à la culpabilité et à la sanction, celui traitant des frais, des indemnités et des éventuelles conclusions civiles.
La circulaire du Tribunal cantonal n° 24 du 17 décembre 2010 va dans le même sens en soulignant que le jugement au fond doit traiter simultanément de la culpabilité et d'une éventuelle indemnisation, la seule exception envisagée à la règle du jugement unique étant celle d'une scission des débats.
3.2
En l'occurrence, assisté d'un avocat, N._ devait présenter et motiver sa proposition d'indemnisation au terme de la procédure probatoire de première instance (art. 346 al. 1 CPP), et non une fois "l'affaire (...) pour [lui] terminée", comme il l'a fait par courrier du 30 mai 2012 en "conclu[ant]" à ce qu'une indemnité lui soit allouée à titre de dépens (pièce 16). Le juge n'avait pas à attirer son attention sur ses droits compte tenu de la présence de son défenseur (art. 107 al. 2 CPP). Là aussi, on ne saurait suivre l'opinion des commentateurs romands (Mizel/Rétornaz, op. cit., n. 56 ad art. 429 CPP), selon laquelle le prévenu – qu'il soit assisté ou non – "doit être invité" à faire valoir ses prétentions au moment de l'abandon de la procédure pénale (cf. par analogie TF 1B_114/2011 du 11 avril 2011, selon lequel "il appartient au recourant (...) d'élever" ses prétentions en application de l'art. 429 al. 2 CPP). L'arrêt (TF 1B_475/2011 du 11 janvier 2012) cité par le premier juge n'est pas pertinent à cet égard, puisqu'il concerne un cas où les prévenus n'avaient pas chiffré et justifié les prétentions qu'ils avaient fait valoir en temps utile (considérant 2.3).
A supposer que le tribunal ait dû demander à N._ s'il souhaitait faire valoir des prétentions de l'art. 429 CPP – une telle obligation n'étant, comme on vient de le voir, pas imposée par cette disposition – il appartenait à l'intéressé (comme cela ressort de l'arrêt TF 1B_475/2011 précité) de faire appel du jugement d'acquittement s'il estimait que celui-ci était lacunaire et qu'il aurait dû être indemnisé d'office du chef de ses frais de défense.
Comme la doctrine l'indique (Schmid, Handbuch des Schweizerischen Strafprozessrechts, St Gall 2009, n. 1819, p. 836; Wehrenberg/Bernhard, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Bâle 2011, n. 31 ad art. 429 CPP), la partie libérée peut renoncer à sa prétention. En renonçant à faire appel du jugement en temps utile, l'intimé a définitivement renoncé à toute réparation.
3.3
En se fondant sur le principe de la bonne foi (art. 3 al. 2 let. a CPP), dans une acceptation large, la Cour d'appel pénale vaudoise est parfois entrée en matière sur des appels dirigés contre des décisions, rendues sous forme d'ordonnances susceptibles de recours, refusant des prétentions en indemnisation formulées après jugement définitif. Cette jurisprudence a toutefois été modifiée. En effet, non seulement on n'est pas en présence d'un déroulement de la procédure pouvant être taxé de déloyauté ou étant entaché de comportements contradictoires de la même autorité – ce n'est pas parce que le premier juge a statué par erreur sur la requête en indemnisation au lieu de l'écarter immédiatement qu'il serait déloyal de la déclarer invalide en deuxième instance –, mais surtout la question qui se pose n'est pas tant celle de la recevabilité de l'appel que celle de la validité de la décision de première instance prise séparément.
3.4
Faute d'appel introduit en temps utile, le jugement n'accordant aucune indemnité est entré en force (art. 437 CPP), ce qui a été dûment constaté (art. 438 CPP). La décision contraire postérieure accordant une indemnité de l'art. 429 CPP doit donc être annulée, dès lors que la demande de réparation, tardive et définitivement réglée par le jugement au fond qui ne l'accordait pas, ne pouvait être traitée.
4.
Reste à examiner le moyen tiré de l'art. 435 CPP dont l'intimé s'est prévalu en première instance (pièce 20), argument qu'il ne reprend d'ailleurs plus en deuxième instance.
4.1
Intitulée « Prescription », figurant dans la section 3 « Dispositions spéciales » du chapitre 3 « Indemnités et réparation du tort moral » du Code de procédure pénale, cette disposition énonce que les prétentions en indemnités et en réparation du tort moral envers la Confédération ou le canton se prescrivent par dix ans à compter du jour où la décision est entrée en force.
Traitant sommairement de cette règle de prescription, le Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005 (FF 2006 1057, spéc. p. 1315 ad art. 443 projet CPP) se borne à indiquer qu’elle est conforme à l’art. 60 CO (Code des obligations; RS 220) régissant la prescription en matière d’actes illicites et que la même règle est applicable à la prescription des créances en rapport avec les frais de procédure. L’art. 442 al. 2 CPP dispose à cet égard que les créances portant sur des frais de procédure se prescrivent par dix ans à compter du jour où la décision sur les frais est entrée en force. Selon Mizel/Rétornaz (op. cit., n. 2 ad art. 435 CPP), le délai de prescription de 10 ans se calcule depuis le jour de l’entrée en force de la décision pénale (art. 437 CPP) qui fonde lesdites prétentions en dédommagement et en tort moral. Ce délai de prescription vaut également pour les prétentions à l’encontre du plaignant et de celles des tiers ayant subi un dommage du fait d’actes de procédure ou de l’aide fournie aux autorités pénales et qui sont réglées au plus tard dans le cadre de la décision finale (art. 434 CPP). C’est encore le même délai de 10 ans à partir de la décision entrée en force que prévoit l’art. 135 al. 5 CPP pour la prétention publique en remboursement de l’indemnité du défenseur d’office (Wehrenberg/Bernhard, op. cit., n. 5 ad art. 435 CPP).
4.2
Il découle de ces indications que la créance en paiement de l’indemnité de l’art. 429 CPP fixée dans la décision finale, soit le jugement au fond, se prescrit par 10 ans, et non que le prévenu acquitté dispose d’un délai de 10 ans depuis le jugement d’acquittement pour faire valoir sa prétention en justice.
Partant, mal fondé, le moyen doit être rejeté.
5.
Au vu de ce qui précède, l'appel du Ministère public doit être admis, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens qu'il soulève.
Vu l'issue de la cause, les frais de la présente procédure doivent être mis à la charge de N._ qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). Pour le même motif, il n'y a pas lieu de lui allouer une indemnité pour ses frais de défense en deuxième instance. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
691738bf-f572-40bf-80fc-ea34ce448ea3 | En fait :
A.
Par jugement du 27 février 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a libéré H._ de l'accusation d'escroquerie (I), libéré P._ de l'accusation d'escroquerie (II), condamné par défaut A.C._ pour filouterie d'auberge, extorsion et faux dans les titres à huit mois de privation de liberté (III), révoqué le sursis accordé à A.C._ le 8 juin 2005 par le Ministère public genevois et ordonné l'exécution de la peine de deux mois d'emprisonnement (IV), mis les frais à la charge des prévenus selon répartition suivante : pour P._ : 4'000 fr., solde à l'Etat; pour H._: 4'000 fr., solde à l'Etat, pour A.C._: 4'731 fr. 25 (V) et dit que, quant au remboursement des frais, l'indemnité versée au conseil d'office de H._ ne sera exigible que si sa situation financière le permet (VI).
B.
Le 9 mars 2012 A.C._ a déclaré faire appel contre ce jugement.
Par avis du 28 mars 2012, la Présidente de la Cour d'appel pénale a désigné Me Valérie Mérinat conseil d'office de A.C._ et lui a imparti un nouveau délai de 20 jours pour déposer une déclaration d'appel motivée.
Dans sa déclaration d'appel motivée du 20 avril 2012, A.C._ a conclu principalement à la réforme du jugement en ce sens qu'il est libéré des accusations d'escroquerie, de filouterie d'auberge, d'extorsion et de faux dans les titres, le sursis accordé le 8 juin 2005 n'étant pas révoqué (II). A titre subsidiaire, A.C._ a conclu à l'annulation du jugement et au renvoi de la cause au Tribunal de première instance pour nouvelle audience et nouveau jugement (III) et plus subsidiairement encore, à l'annulation du jugement et au renvoi de la cause au Tribunal de première instance, pour examen de la demande de nouveau jugement, cas échéant pour un nouveau jugement si la demande de nouveau jugement était rejetée (IV).
Par courrier du 23 mai 2012, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a renoncé à déposer un appel joint ou une demande de non-entrée en matière.
Faisant suite à la demande de la plaignante, D._, la Présidente de la Cour d'appel pénale a dispensé cette dernière de comparution personnelle par courrier du 26 juillet 2012.
Aux débats d'appel, A.C._ a retiré les conclusions III et IV de sa déclaration d’appel, maintenant ses conclusions pour le surplus.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A.C._ est né en 1978. Au bénéfice d'un permis d'établissement C, il est officiellement domicilié à Vernier mais vit actuellement à Belgrade. Sans emploi depuis juillet 2008, il subvient à ses besoins grâce à la rente AVS que son père reçoit à Belgrade. A.C._ est suivi à Belgrade depuis juillet 2011 pour des problèmes psychiques qui datent de 2003. Il est célibataire et sans enfant à charge.
Son casier judiciaire suisse fait état de deux condamnations, à savoir une peine d'emprisonnement de 60 jours, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans, pour délit contre l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, escroquerie, faux dans les titres prononcée par les Juges d'instruction de Genève le 1
er
mars 2003, ainsi qu'une peine d'emprisonnement de deux mois, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans, peine complémentaire au jugement du 1
er
mars 2003, prononcée le 8 juin 2005 par le Ministère public du canton de Genève, pour délit contre la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants.
2.
Le 27 mars 2008, A.C._ a rédigé et envoyé un courriel à l'attention de l'hôtel D._, afin d'y réserver une chambre pour deux nuits, pour son père B.C._ (déféré séparément). Ce dernier était en relation d'affaires avec A._, administrateur de Z._ AG. A.C._ a faussement signé le courriel de réservation par "Z._, La Direction", alors qu'il ne détenait aucun droit de représentation de cette société et n'avait pas averti l'administrateur de sa démarche. A.C._ a pris possession de la clé de la chambre réservée et a rempli la fiche d'hôtel, mais n'en a pas fait usage, la chambre ayant uniquement été occupée par son père et l'amie de ce dernier jusqu'au 29 mars 2008. Il a participé à un repas organisé dans l'hôtel le soir du 28 mars 2008, en présence de son père, de l'amie de celui-ci et de A._. La facture totale présentée par l'hôtel D._ s'élève à 1'837 fr. 90. B.C._ a versé un montant de 500 euros le 3 décembre 2008, alors que A.C._ n'a jamais rien payé.
Le 24 février 2010, A.C._ s'est reconnu débiteur du solde de la facture, soit un montant de 1'087 fr. 90. Le 9 mars 2012, il s'est également engagé à payer la facture si la société Z._ AG ne l'avait pas fait. A.C._ a cependant confirmé aux débats d'appel n'avoir encore rien remboursé à l'hôtel D._ à ce jour.
D._ a déposé plainte le 23 juin 2008.
3.
Le 31 décembre 2008 à Lausanne, A.C._ a téléphoné à une de ses connaissances, S._, le suppliant de l'aider financièrement. Ce dernier lui avait déjà prêté de l'argent à plusieurs reprises et A.C._ avait toujours remboursé dans les délais convenus. S._ a accepté et A.C._ s'est rendu à son domicile en compagnie de R._ (déféré séparément). Après maintes discussions, S._ a finalement accepté de leur prêter la somme de 7'000 fr., contre la promesse faite d'un remboursement dans les dix jours. A.C._ et R._ ont en effet affirmé qu'ils disposaient de plusieurs centaines de milliers de dollars sur un compte bancaire provisoirement bloqué aux Etats-Unis. En réalité, A.C._ et son comparse savaient qu'ils ne seraient pas en mesure de rembourser dans le délai convenu. Quelques jours plus tard, A.C._ et R._ sont retournés chez S._ pour lui demander un prêt supplémentaire de 1'000 fr., lui laissant entendre qu'ils ne pouvaient garantir le remboursement de la première somme empruntée dans le délai s'il n'acceptait pas de prêter les 1'000 fr. supplémentaires. S._ a refusé et a refermé sa porte, ce que R._ a vainement tenté d'empêcher en mettant son pied dans l'embrasure de la porte. A.C._ et R._ sont restés derrière la porte pendant une vingtaine de minutes, exigeant bruyamment qu'S._ leur ouvre. Ce dernier a finalement accepté de les retrouver dans un bar situé à proximité et leur a prêté les 1'000 fr. demandés.
Le 7 janvier 2009, S._ a reçu par fax une copie d'un faux courriel émanant prétendument de la Barklay's Bank, confirmant le placement de l'argent dont A.C._ et R._ lui avaient parlé et son blocage provisoire. Ce fax a été envoyé par R._ depuis l'hôtel qu'il occupait (P. 15/2).
A.C._ a signé le 24 février 2010 une reconnaissance de dettes portant sur la sommes de 10'000 fr., s'engageant à rembourser mensuellement
200 francs (P. 29/2). Aux débats d'appel, il a confirmé avoir remboursé le montant de 2'000 fr. entre février et novembre 2010. Il a déclaré ne pas avoir pu poursuivre le remboursement faute d'en avoir les moyens.
S._ a déposé plainte le 4 juin 2009 pour la retirer le
19 novembre 2010. | En droit :
1.
Interjeté dans les forme et délai légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel de A.C._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
A.C._ relève, dans un premier temps, que si le premier juge l'a libéré de l'infraction d'escroquerie (jgt., c. 3), il n'a cependant pas formellement indiqué l'abandon de cette infraction dans son dispositif.
Il convient de donner droit à l'appelant sur ce point et de rectifier d'office le dispositif de première instance par l’ajout d’un chiffre II bis nouveau libérant de manière formelle A.C._ de l'infraction d'escroquerie.
4.
L'appelant conteste sa condamnation pour filouterie d'auberge. Il soutient n'avoir jamais eu l'intention de voler l'hôtel D._, étant persuadé que la société Z._ AG s'acquitterait de la facture. Selon lui, la condition subjective de l'infraction n'est dès lors pas réalisée.
4.1
L'art. 149 CP réprime, sur plainte, le comportement de celui qui se sera fait héberger, servir des aliments ou des boissons ou qui aura obtenu d'autres prestations d'un établissement de l'hôtellerie ou de la restauration, et qui aura frustré l'établissement du montant à payer.
Même celui qui n'obtient pas des prestations d'hôtellerie pour lui-même peut être l'auteur d'une filouterie d'auberge lorsqu'il a assumé, par une réservation, l'obligation de les payer (TF 6S.86/2001 du 10 avril 2001, consid. 3).
Les éléments objectifs de l'infraction sont l'obtention d'une prestation de l'hôtellerie ou de la restauration et la frustration du paiement. Il suffit que le débiteur refuse de s'exécuter notamment en partant sans payer. S'agissant de l'élément subjectif, l'infraction étant intentionnelle, le dol éventuel suffit. L'infraction est dès lors réalisée si l'auteur, au moment où il reçoit la prestation, a la volonté de ne pas payer ou accepte qu'il n'en aura pas les moyens (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, nn. 12 et 13 ad art. 149 CP et les références citées).
4.2
En l'occurrence, il est établi que l'appelant a rédigé au nom de la société Z._ AG la réservation d'une chambre auprès de l'hôtel D._, qu'il a rempli le formulaire ad hoc au moment de la remise des clefs et qu'il a également commandé un repas pour quatre personnes, la facture de ce repas étant lié à la réservation de la chambre d'hôtel. Même si l'appelant fait valoir qu'il était persuadé que la société Z._ AG allait payer la facture, il a admis qu'il avait lui-même rédigé la réservation au nom de cette société avec laquelle son père était en relation d'affaires. S'il avait la certitude que Z._ AG allait payer, rien ne justifiait qu'il en usurpe l'identité, cela d'autant plus que l'administrateur de cette société, devenue en date du 21 octobre 2008 [...] AG (P. 14), ne l'a jamais autorisé à agir en son nom. Par ailleurs, le fait que le père de l'appelant soit coauteur de cette infraction ne le disculpe pas pour autant. Dans ces circonstances, tant les éléments objectifs que subjectifs de l'infraction sont réunis et la condamnation pour ce motif doit être confirmé.
5.
L'appelant conteste sa condamnation pour faux dans les titres en lien avec le courriel qu'il a envoyé à l'hôtel D._ pour réserver une chambre au nom de la société Z._ AG. Il soutient que ce document ne peut être considéré comme un titre et qu'il doit être retenu comme un simple mensonge écrit, confirmant la réservation qu'il avait faite par téléphone peu auparavant. Il ajoute que l'élément subjectif de l'infraction, soit la volonté, fait défaut ici, puisqu'il a toujours pensé que la société Z._ AG paierait la facture.
5.1
L'art. 110 ch. 4 CP définit les titres comme des écrits destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique et tous les signes destinés à prouver un tel fait. L'enregistrement sur des supports de données et des supports-images est assimilé à un écrit s'il a la même destination.
Un titre n'est considéré comme tel que s'il fixe et recèle l'expression d'une pensée humaine dont il permet de reconnaître l'auteur (FF 1991 II 959). Il doit prouver un fait ayant une portée juridique, à savoir un fait qui, seul ou en liaison avec d'autres faits, donne naissance à un droit, le modifie, le supprime ou le constate (Dupuis et al., op. cit., n. 23 ad art. 110 CP).
Se rend coupable de faux dans les titres au sens de l'art. 251 ch. 1 CP, celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelle d'autrui pour fabriquer un titre supposé, constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.
L'article 251 CP vise non seulement le faux matériel, qui consiste en la fabrication d'un titre faux ou la falsification d'un titre, mais également le faux intellectuel, soit la constatation d'un fait inexact, en ce sens que la déclaration contenue dans le titre ne correspond pas à la réalité. Constitue un faux matériel un titre dont l'auteur réel ne coïncide pas avec l'auteur apparent. Le faussaire crée un titre qui trompe sur l'identité de celui dont il émane en réalité (ATF 128 IV 265
c. 1.1.1 et les références citées). En principe, il importe peu que le nom utilisé soit connu, appartienne à un tiers, soit fictif, que le faussaire se soit déjà fait connaître, avant la signature du titre, sous son faux nom auprès de la partie adverse ou qu'il le signe en présence de cette dernière (G. Gribboh, StGB, Leipziger Kommentar, Grosskementar, 11
ème
éd., § 267 n. 163 et 165; P. Cramer, in A. Schönke/H., Shcröder, Strafgesetzbuch, Kommentar, 26
ème
éd., § 267 n. 49). Il est
également sans importance de savoir si le contenu d'un tel titre est mensonger ou non (ATF 123 IV 17 c. 2). Le Tribunal fédéral a récemment conclu que l'identité de l'expéditeur d'un courriel est clairement reconnaissable et ressort aussi du contenu du message. De plus, l'envoi de courriels est aujourd'hui très répandu dans
les usages commerciaux. Ces courriels peuvent dès lors avoir une valeur probante (TF 6B_130/2012 du 22 octobre 2012).
5.2
En l'occurrence, A.C._ a admis qu'il est bien l'auteur du courriel de réservation envoyé à la plaignante et qu'il a signé cette réservation au nom de la société Z._ AG, sans pourtant être doté d'un quelconque pouvoir de représentation de cette société (P. 14). Aux débats d'appel, l'appelant a admis qu'il agissait sans savoir dans quelle mesure l'administrateur de la société, A._, était informé. Le courriel de réservation constitue bien un titre au sens de
l'art. 110 CP, dont la valeur probante n'est pas contestable, même s'il ne fait que confirmer la réservation que l'appelant avait faite par téléphone. A.C._ n'est pas la personne indiquée dans le courriel, de sorte qu'il s'agit d'un faux matériel. Cette infraction est dès lors réalisée. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
6.
A.C._ conteste sa condamnation pour extorsion et faux dans les titres en lien avec les sommes d'argent empruntées à S._. Il conteste avoir fait pression sur le plaignant ou l'avoir menacé. Il affirme au surplus n'avoir jamais envoyé à S._ la fausse télécopie émanant prétendument de la Barclay's Bank.
6.1.1
L'art. 156 CP réprime le comportement de celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura déterminé une personne à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, en usant de violence ou en la menaçant d'un dommage sérieux.
La loi prévoit deux moyens de contrainte, à savoir la violence ou la menace d'un dommage sérieux. La menace est un moyen de pression psychologique; elle peut être expresse ou tacite et être signifiée par n'importe quel moyen. Quant au dommage, il peut toucher n'importe quel intérêt juridiquement protégé. Il faut toutefois qu'il soit sérieux, c'est-à-dire que la perspective de l'inconvénient soit de nature à entraver le destinataire dans sa liberté de décision; la question doit être tranchée en fonction de critères objectifs, c'est-à-dire non pas d'après les réactions du destinataire d'espèce, mais en recherchant si la
perspective de l'inconvénient est propre à amener un destinataire raisonnable à adopter un comportement qu'il n'aurait pas eu s'il avait jouit de sa liberté de décision (ATF 122 IV 322 c. 1a; ATF 120 IV 17 c. 2a/aa et les arrêts cités).
L'usage de la contrainte doit avoir déterminé la personne visée à accomplir un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers. Cela implique d'abord que la personne visée ait conservé une certaine liberté de choix et se lèse elle-même ou lèse autrui par son acte (Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. I. Berne 2002, n. 18 ad art. 156 CP et n. 28 ad art. 146 CP; Stratenwerth, Schweizerisches Strafrecht, Partie spéciale I, 5
ème
éd. Berne 1995, § 17 nn. 6 ss et
§ 15 nn. 31 ss). Il faut en outre un dommage, c'est-à-dire une lésion du patrimoine sous la forme d'une diminution d'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif (ATF 122 IV 279 c. 2a;
ATF 121 IV 104 c. 2c).
L'extorsion suppose un lien de causalité entre ces divers éléments. Autrement dit, l'usage de la contrainte doit avoir été la cause de l'acte préjudiciable aux intérêts pécuniaires, lequel doit être la cause du dommage (Corboz, op. cit.,
n. 21 ad art. 156 CP).
6.1.2
La présomption d'innocence, qui est garantie par l'art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38, c. 2a).
6.2
En l'occurrence, le premier juge a considéré que par son absence à l'audience, l'appelant cherchait à gagner du temps après s'être longtemps désintéressé de la procédure. Il a conclu que les faits tels que retenus dans l'ordonnance de condamnation étaient constants et qu'ils étaient constitutifs de l'infraction d'extorsion s'agissant des 1'000 fr. obtenus après que le plaignant ait déjà prêté 7'000 fr. à l'appelant et à son acolyte, R._ (jgt., p. 21).
La Cour d'appel pénale relève toutefois que, même si les déclarations des protagonistes divergent sur des points mineurs, à savoir si l'appelant est revenu quelques heures ou quelques jours après avoir obtenu le prêt de 7'000 fr. d'S._, le déroulement des événements est décrit par tous de manière concordante et constante. On retient ainsi que c'est R._ qui a essayé d'empêcher le plaignant de refermer sa porte en mettant le pied dans l'entrebâillement de la porte, que face au refus d'S._, les deux comparses sont restés environ vingt minutes sur le pallier, exhortant le plaignant à céder à leur demande, qu'ils n'ont pas menacé verbalement ou physiquement ce dernier, lui laissant tout au plus entendre que s'il refusait de prêter les 1'000 fr. demandés, le remboursement de la somme de 7'000 fr., initialement prêtée ne pourrait peut-être pas se faire dans les délais convenus. Le plaignant n'a jamais déclaré s'être senti menacé et il a finalement accepté de prêter la somme supplémentaire demandée, après avoir rejoint les deux hommes dans un bar proche de chez lui et avoir discuté avec eux (P. 4; PV aud. 3; PV aud. 4 p. 3). Il faut également relever que S._ a retiré sa plainte le 19 novembre 2010, expliquant que pour lui, l'appelant avait été très largement manipulé par son comparse et qu'il l'avait au surplus régulièrement remboursé du mois de février à décembre 2010. S'agissant de la fausse télécopie émanant prétendument de la Barclay's Bank, elle a été envoyée depuis l'hôtel où R._ résidait. Rien n'indique que l'appelant y dormait aussi et rien au dossier ne permet de retenir que ce dernier aurait participé à la création de ce faux avec R._ ou qu'il aurait donné son accord pour en faire usage, cela d'autant plus que le plaignant lui-même a déclaré avoir eu le sentiment que R._ était le meneur et que A.C._ s'était fait manipulé. Compte tenu de ce qui précède, il convient de libérer – au bénéfice du doute - A.C._ des infractions d'extorsion et de faux dans les titres s'agissant des événements concernant S._.
7.
Compte tenu de l'abandon de deux chefs d'inculpation initialement retenus à l'encontre de A.C._, il convient de fixer la peine en conséquence.
7.1.1
Aux termes de l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier, ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Ce dernier doit exposer quels éléments il a pris en compte pour fixer la peine, de manière à ce que l'on puisse vérifier que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens atténuant ou aggravant. Il lui appartiendra, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, de déterminer
dans quelle mesure il y a lieu de tenir compte des divers facteurs de la peine
(JT 2010 IV 127). Le juge ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1 et les réf. citées).
7.1.2
L'art. 41 CP prévoit que le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l’exécution de la peine (art. 42 CP) ne sont pas réunies et s’il y a lieu d’admettre que ni une peine pécuniaire ni un travail d’intérêt général ne peuvent être exécutés
(al. 1). Le juge doit motiver le choix de la courte peine privative de liberté ferme de manière circonstanciée (al. 2).
Ainsi, pour pouvoir prononcer une peine privative de liberté de moins de six mois, trois conditions cumulatives doivent être remplies. Il faut premièrement que les conditions de l'art. 42 CP concernant le sursis à l'exécution de la peine ne soient pas réunies. Il faut deuxièmement, respectivement troisièmement, qu'il y ait lieu d'admettre que la peine pécuniaire ainsi que la peine de travail d'intérêt général ne peuvent pas être exécutées par le condamné. Si une seule des trois conditions au prononcé d'une peine de moins de 6 mois en vertu de l'art. 41 CP n'est pas réalisée, une telle peine ne peut pas être prononcée (CCASS, 28 juin 2010 n° 256 c. 2).
7.1.3
Aux termes de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents. Le nouveau droit pose des exigences moins élevées quant au pronostic pour l'octroi du sursis. Auparavant, il fallait que le pronostic soit favorable. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (cf. ATF 134 IV 5 c.4.4.2;
TF 6B_541/2007 du 13 mai 2008, c.2.2 et la jurisprudence citée).
7.2
En l'occurrence, A.C._ s'est rendu coupable de faux dans les titres et de filouterie d'auberge.
A charge, il convient de retenir ses antécédents, pour des infractions du même genre que celles jugées ici, à savoir obtenir par des procédés fallacieux des prestations auxquelles il n'a pas droit. On retiendra également ses dénégations constantes, l'appelant affirmant qu'il n'est pas l'auteur des actes qui lui sont reprochés, tout en se reconnaissant débiteur des sommes et en ne payant rien au plaignant D._. A.C._ a fait défaut le 17 octobre 2011 mais également en cours d'enquête (PV des opérations, p. 3), démontrant ainsi sa volonté d'échapper à ses obligations, ainsi qu'une absence de prise de conscience de la gravité de son comportement.
A décharge, on retiendra que l'appelant a signé une reconnaissance de dette en faveur de D._.
Considérant l'ensemble de ces éléments, une peine privative de liberté de 4 mois est adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité de l’appelant et de sa situation personnelle.
Compte tenu de ses précédentes condamnations à des peines privatives de liberté, pour des délits similaires à ceux jugés dans la présente cause, qui n'ont pas empêché l'appelant de commettre les infractions objet de la présente cause, seul un pronostic défavorable peut être posé. La première condition de
l'art. 41 al. 1 CP est dès lors réalisée.
Au surplus, une peine pécuniaire et un travail d'intérêt général doivent être exclus pour des motifs de prévention spéciale. Tout d'abord, l'appelant, s'il a indiqué avoir gardé un domicile à Vernier, a expliqué vivre actuellement à Belgrade, être sans emploi depuis juillet 2008 et subvenir à ses besoins grâce à la rente AVS que son père reçoit. Ces éléments permettent d'exclure une peine de travail d'intérêt général ou une peine pécuniaire. Au surplus, l'appelant n'a pas hésité à utiliser des procédés fallacieux pour obtenir des prestations auxquelles il n'avait pas droit, nonobstant deux condamnations assorties du sursis prononcées en 2003 et en 2005. Il doit par conséquent réaliser que ses récidives sont sanctionnées par des peines privatives de liberté fermes. Partant, les conditions de l'octroi du sursis ne sont pas réalisées.
8.
L'appelant a été condamné le 8 juin 2005 par le Ministère public genevois à une peine privative de liberté de deux mois assortie du sursis et délai d'épreuve de trois ans. Il conteste la révocation de ce sursis.
8.1
En vertu de l'art. 46 CP, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. Il peut modifier le genre de la peine révoquée pour fixer, avec la nouvelle peine, une peine d'ensemble conformément à l'art. 49 CP. Il ne peut toutefois prononcer une peine privative de liberté ferme que si la peine d'ensemble atteint une durée de six mois au moins ou si les conditions prévues à l'art. 41 sont remplies (al. 1). S'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation. Il peut adresser au condamné un avertissement et prolonger le délai d'épreuve de la moitié au plus de la durée fixée dans le jugement. Il peut ordonner une assistance de probation et imposer des règles de conduite pour le délai d'épreuve ainsi prolongé. Si la prolongation intervient après l'expiration du délai d'épreuve, elle court dès le jour où elle est ordonnée (al. 2). La révocation ne peut plus être ordonnée lorsque trois ans se sont écoulés depuis l'expiration du délai d'épreuve (al. 5).
La révocation du sursis dépend des infractions commises dans le délai d'épreuve, lesquelles permettront d'établir un pronostic favorable ou défavorable (ATF 134 IV 140 c. 4.2). Seul un pronostic défavorable peut justifier la révocation; à défaut, le juge doit renoncer à celle-ci (ATF 134 IV 140 c. 4.3). Lorsqu'il s'agit de fixer le pronostic, le juge doit également tenir compte de l'effet dissuasif que peut exercer la nouvelle peine, si elle doit être exécutée; il en va de même s'agissant de l'effet de l'exécution d'une peine, à la suite de la révocation d'un sursis accordé précédemment (ATF 134 IV 140 c. 4.5).
8.2
En l'espèce, la Cour d'appel pénale considère que l'exécution de la peine privative de liberté ferme prononcée est de nature à avoir un effet dissuasif suffisant, justifiant ainsi de renoncer à la révocation du sursis antérieur
(TF 6B_855/2010 du 7 avril 2011 c. 2.4). Au surplus, la peine prononcée le
8 juin 2005 était assortie d'un délai d'épreuve de trois ans, arrivant à échéance
le 8 juin 2008. Or, les faits de la présente cause ont été jugés le 27 février 2012, soit plus de trois ans après l'échéance de ce délai d'épreuve, de sorte qu'il n'est pas possible ni de le révoquer, ni de prolonger la durée du délai d'épreuve
(art. 46 al. 5 CP). L'appel doit être admis sur ce point.
9.
En définitive, l'appel de A.C._ est partiellement admis. Le jugement rendu par le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne est modifié en ce sens que l'appelant est libéré des accusations d'escroquerie et d'extorsion, la peine prononcée étant réduite de huit à quatre mois de privation de liberté. Il est au surplus renoncé à la révocation du sursis accordé le 8 juin 2005.
10.
Compte tenu notamment du temps consacré, de la relative importance de l'affaire et du résultat obtenu, une
indemnité de défense d’office pour la procédure d'appel d'un montant de 2'570 fr. est allouée à Me Valérie Mérinat.
Les frais d'appel, par 5'030 fr., y compris l'indemnité allouée au défenseur d'office, sont mis par moitié à la charge de A.C._, par 2'515 fr., le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP).
A.C._
ne sera tenu de rembourser à l’Etat la moitié du montant de l’indemnité en faveur de son conseil d’office que lorsque sa situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
69301199-f759-46e5-b2e8-07028c339b64 | En fait :
A.
Par jugement du 22 janvier 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a libéré A._ du chef d’accusation d’infraction à l’OCR (ordonnance fédérale du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière ; RS 741.11) et mis fin à la poursuite pénale dirigée à son encontre (I), alloué à A._ une indemnité de 2'500 fr. à la charge de l’Etat (II) et laissé les frais de la procédure d’opposition, arrêtés à 700 fr., à la charge de l’Etat (III).
B.
Le 28 janvier 2015, ce jugement directement motivé a été communiqué au Ministère public (cf. P. 12), lequel a déposé le 17 février suivant une déclaration d’appel motivée, sans annonce préalable. Le Ministère public a conclu principalement à la condamnation d’A._ pour violation simple des règles de la circulation routière à une peine d’amende de 100 fr., subsidiairement à l’annulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause pour nouvelle instruction et nouveau jugement dans le sens des considérants, plus subsidiairement à la réforme du chiffre II du jugement entrepris en ce sens que l’indemnité allouée est supprimée, et encore plus subsidiairement à la réforme des chiffres II et II du jugement entrepris en sens que l’indemnité allouée est réduite à 600 fr. et que les frais sont mis à la charge du prévenu.
Par avis du 9 avril 2015, la Présidente de la Cour de céans a informé les parties que l’appel allait être traité en procédure écrite et qu’il relevait de la compétence d’un juge unique.
Par lettre du 13 avril 2015, le Ministère public a indiqué renoncer à déposer un mémoire d’appel complémentaire.
Dans ses déterminations du 6 mai 2015, A._ a conclu au rejet de l’appel, les frais et dépens de la cause étant laissés à la charge de l’Etat.
Le 8 mai 2015, le Ministère public s’est déterminé spontanément sur l’écriture du 6 mai 2015 d’A._.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né le [...] 1982, A._ est sapeur-pompier. Le 19 janvier 2014, il se rendait à son travail au volant de son véhicule privé, circulant sur la route de Neuchâtel en direction de Lausanne. Il faisait encore nuit et il pleuvait. Des policiers procédaient à un contrôle des véhicules circulant sur cette route, à la hauteur [...], à [...]. Le prévenu n’a pas d’emblée remarqué l’agent qui se trouvait sur la chaussée, qui était revêtu d’une chasuble réfléchissante et muni d’une lampe avec embout de couleur rouge. Son attention n’a été attirée par ce policier qu’au moment où celui-ci a fait un mouvement de droite à gauche. A._ s’est alors arrêté, non pas immédiatement, mais un peu plus loin sur le parking de [...].
2.
Il ressort du rapport de gendarmerie du 23 janvier 2014 que le jour en question, le policier a voulu intercepter le prévenu lors d’un contrôle de circulation. Equipé d’un chasuble fluorescent de couleur jaune avec deux bandes horizontales réfléchissantes, l’agent s’est déplacé sur la voie de circulation descendante. Au moyen d’une lampe avec embout de couleur rouge, il a tendu le bras gauche à la verticale en faisant clairement un signe d’arrêt destiné à A._. Malgré cela, l’intéressé n’a pas ralenti, sans pour autant accélérer. Voyant qu’il n’avait clairement pas l’intention de s’arrêter, le policier a été dans l’obligation de se déporter sur la droite, au milieu de la chaussée. Il a tenté d’attirer l’attention de l’automobiliste en faisant plusieurs gestes de bas en haut avec sa lampe, ce qui a finalement eu pour effet de faire ralentir ce dernier, mais après être passé à sa hauteur. A._ a toutefois continué sa route, à faible vitesse. L’agent de police et son co-équipier ont donc pris leur véhicule et intercepté le conducteur sur le parking de [...], situé à quelques centaines de mètres plus loin. Ce dernier a justifié son comportement par le fait qu’il était occupé à régler son autoradio, raison pour laquelle il n’avait vu le policier qu’au dernier moment et parce que celui-ci s’était déporté sur sa gauche.
3.
3.1
Par ordonnance pénale du 13 février 2014, le Préfet de l’Ouest lausannois vaudois a constaté qu’A._ s’était rendu coupable d’infraction simple à l’OCR pour n’avoir pas voué son attention à la route et à la circulation (I), l’a condamné à une amende de 100 fr. (II), a dit qu’à défaut de paiement de l’amende la peine privative de liberté de substitution était fixée à un jour (III) et mis les frais, par 50 fr., à la charge du condamné (IV).
3.2
Le 25 février 2014, A._ a formé opposition à l’ordonnance pénale susmentionnée, invoquant que l’indication du lieu de contrôle de police n’était pas exact, les faits reprochés s’étant déroulés sur la commune de [...] et non de [...], comme mentionné dans l’ordonnance. En outre, des éléments pertinents n’avaient pas été indiqués dans le rapport de police. A ce titre, il a rapporté que les agents étaient tous placés dans une zone dépourvue d’éclairage public située après une portion de route qui elle en était équipée ; il lui avait donc été extrêmement difficile de pouvoir distinguer les chasubles utilisées par la police, celles-ci n’étant munies que de bandes réfléchissantes. Il a ajouté que le jour en question, il faisait nuit et que le sol était rendu brillant par la présence d’humidité sur la chaussée ; la lampe avec embout de couleur rouge se confondait selon lui facilement avec la partie plus éloignée de la route et aucune indication, par exemple des triopans avec lampes flash, n’était installée pour le contrôle de police. Le prévenu a encore rapporté que lorsqu’il avait aperçu la police, il avait immédiatement freiné, poursuivant sa route pour s’arrêter de son plein gré sur un parking, faute de place de stationnement ; il avait alors dit à l’agent qu’il n’avait pas vu sa présence notamment en raison de la configuration des lieux, ajoutant également avoir changé la station de son autoradio peu avant ces événements.
3.3
Lors de son audition du 21 août 2014 devant le Préfet, A._ a confirmé les propos émis à l’appui de son opposition, exposant que le matin en question, alors qu’il se rendait au travail, il avait constaté à la hauteur de la gare de [...] la présence d’une silhouette sur la route, ne comprenant que par la suite qu’il s’agissait d’un contrôle de police ; à son avis, l’agent de police n’était pas visible malgré ses équipements (chasuble et lampe à embout) car il se trouvait dans une zone peu éclairée. Le prévenu a en outre contesté avoir eu une activité accessoire, précisant que le réglage de son autoradio se trouvait au volant et ne nécessitait aucune attention de sa part. Il a invoqué enfin le fait que la police ne se trouvait pas dans la limite de circonscription communale.
Pour sa part, l’agent [...] a indiqué au Préfet que l’endroit où la police se trouvait, soit sur le chemin des Jardins, était selon son chef d’unité situé sur le territoire de la commune de [...] ; toutefois, à l’examen des documents Geoplanets, il avait constaté que la limite communale séparant [...] était plus bas. En ce qui concernait le contrôle effectué le jour en question, le policier a rapporté que s’il avait dénoncé une occupation accessoire de la part du prévenu, c’était que ce dernier le lui avait dit. [...] a encore précisé que la police était bien visible pour les conducteurs et qu’elle avait du reste interpellé plusieurs personnes ce matin-là sans heurts.
3.4
Le 11 décembre 2014, le Préfet a maintenu l’ordonnance pénale du 13 février 2014 et a transmis le dossier de la cause au Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne, conformément à l’art. 356 al. 1 CPP. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel du Ministère public est recevable.
1.2
S'agissant d'un appel dirigé contre une contravention, la procédure écrite est applicable (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause ressort de la compétence d'un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009 ; RSV 312.01]).
1.3
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné et que l’état de fait est établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in : Kuhn/Jeanneret [éd.],Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22 et 23 ad art. 398 CPP).
En l'espèce, seule une contravention à la législation sur la circulation routière a fait l’objet de la procédure de première instance, de sorte que l’appel est restreint.
2.
L’appelant fait valoir que le prévenu aurait commis, en toute hypothèse, une faute de circulation dès lors qu’il n’avait pas remarqué, avant d’arriver à sa hauteur, la présence au milieu de la route d’un policier habillé d’une chasuble et muni d’une lampe torche, et qu’il ne s’était écarté par la suite qu’au dernier moment.
2.1
Aux termes de l'art. 32 al. 1 LCR (loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière ; RS 741.01), la vitesse doit toujours être adaptée aux circonstances, notamment aux particularités du véhicule et du chargement, ainsi qu'aux conditions de la route, de la circulation et de la visibilité ; aux endroits où son véhicule pourrait gêner la circulation, le conducteur est tenu de circuler lentement et, s'il le faut, de s'arrêter, notamment aux endroits où la visibilité n'est pas bonne, aux intersections qu'il ne peut embrasser du regard, ainsi qu'aux passages à niveau.
Selon l’art. 3 al. 1 OCR (ordonnance fédérale du 13 novembre sur les règles de la circulation routière 1962 ; RS 741.11), le conducteur vouera son attention à la route et à la circulation. Il évitera toute occupation qui rendrait plus difficile la conduite du véhicule. Il veillera en outre à ce que son attention ne soit distraite, notamment, ni par un appareil reproducteur de son ni par un quelconque système d’information ou de communication. La violation simple de cette règle de circulation est punie de l’amende (art. 90 al. 1 LCR ; cf. TF 6B_965/2011 du 17 mai 2011 c. 2.1).
Le degré de l’attention requise par l’art. 3 al. 1 OCR s’apprécie au regard des circonstances de l’espèce, telles que la densité du trafic, la configuration des lieux, l’heure, la visibilité et les sources de danger prévisibles (ATF 127 II 302 c. 3c et l’arrêt cité). L’attention requise du conducteur implique qu’il soit en mesure de parer rapidement aux dangers qui menacent la vie, l’intégrité corporelle ou les biens matériels d’autrui, et la maîtrise du véhicule exige qu’en présence d’un danger, il actionne immédiatement les commandes du véhicule de manière appropriée aux circonstances (Bussy et al., Code suisse de la circulation routière commenté, 4
e
éd., Bâle 2015, n. 2.4 ad art. 31 LCR). Une occupation rendant plus difficile la conduite ou distrayant le chauffeur (art. 3 al. 1, 2
e
et 3
e
phr. OCR) peut résulter du fait que conducteur manipule un objet d’une main tout en actionnant le véhicule de l’autre, en particulier si elle dure plus d’un court instant et si elle oblige le conducteur à détourner son regard du trafic (ATF 120 IV 63 c. 2d, JT 1994 I 697).
2.2
En l’espèce, par jugement très succinct, le Tribunal de police a acquitté A._ de l’infraction à l’OCR considérant, en bref, que le fait de ne pas remarquer le policier et de ne pas obéir à ses signes ne démontrait aucune inattention de la part du prévenu, compte tenu du faible éclairage des lieux et de l’absence d’un triopan avec lampe flash signalant la présence de l’agent. S’agissant des explications données spontanément par le prévenu peu après son interpellation, qui expliquait son inattention par le fait qu’il était en train de manipuler son autoradio, le premier juge a estimé que ce geste n’était pas de nature à détourner son attention de la route et du trafic. Enfin, le magistrat a retenu que le fait de poursuivre sa route sur plusieurs centaines de mètres après avoir finalement remarqué l’agent de police n’était pas punissable car il était nécessaire par souci de sécurité.
Cette appréciation ne saurait être suivie. A cet égard, il est manifeste – et non contesté d’ailleurs (cf. jgt p. 3) – qu’A._ n’a pas vu le policier qui lui faisait signe, au point que celui-ci a dû se déporter sur sa gauche en faisant de grands gestes du bras. A ce moment là, le prévenu a ralenti, mais il ne s’est arrêté que plus loin. Le rapport de police parle de plusieurs centaines de mètres, distance qui obligeait les policiers à prendre leur voiture pour intercepter le prévenu alors que celui-ci s’était arrêté sur le parking de [...]. Il ressort également du rapport de police que le conducteur a justifié son comportement par le fait qu’il était occupé à régler son autoradio.
En dépit des explications qu’il a fournies, force est de considérer que le prévenu n’a pas vu le policier à temps et qu’il n’a pas réalisé d’emblée ce qui se passait, puisqu’il a poursuivi sa route. A ce titre, A._ ne peut pas valablement invoquer le fait qu’il faisait nuit, qu’il pleuvait et que la route n’était pas éclairée pour justifier qu’il n’a pas vu le policier et ne s’est pas arrêté à son premier signal ; cela signifierait en effet qu’il roulait à une vitesse inadaptée aux conditions de la route, ce qui n’a jamais été soutenu. Dans les circonstances de l’espèce, le fait que l’intéressé n’ait pas constaté la présence du policier sur la chaussée, habillé d’une chasuble avec des bandes fluorescente, qui lui faisait signe avec une lampe à embout de couleur rouge, ne peut dès lors que résulter d’un moment d’inattention de sa part. Le prévenu a du reste, dans un premier temps, spontanément déclaré au policier en pensant se disculper qu’il avait peut-être été distrait par son autoradio. Ce dernier est revenu sur son explication et a contesté que le fait qu’il ait réglé son autoradio ait pu provoquer un manque d’attention de sa part, en invoquant en particulier que les commandes de l’autoradio se situaient au volant et qu’il avait l’habitude de faire cette manipulation. On ne discerne toutefois aucun motif pour ne pas retenir sa première déclaration. Quoi qu’il en soit, on relèvera qu’il importe peu en définitive de déterminer le motif de la distraction d’A._, dans la mesure où, pendant un cours instant, il est établi que l’intéressé n’a pas été suffisamment attentif, ce qui suffit à retenir l’infraction de l’art. 3 al. 1 OCR, étant précisé que cette disposition ne se limite pas à la distraction causée par un appareil reproducteur de son.
Il s’ensuit que le comportement d’A._ est bel est bien constitutif d’une violation simple des règles de la circulation routière.
2.3
L’intimé invoque toutefois le fait que les policiers se trouvaient hors de leur territoire de compétence, de sorte qu’il n’aurait pas dû être amendé.
2.3.1
Le fait que les policiers se soient trouvés hors de leur territoire de compétence n’est pas un élément nouveau au sens de l’art. 398 al. 34 CPP puisqu’il a déjà été évoqué et plaidé en première instance. Le premier juge ne l’a toutefois pas examiné, dès lors qu’il a libéré A._ pour un autre motif. Le grief est donc recevable et il convient de l’examiner.
2.3.2
En l’occurrence, si l’on se réfère à l’audition du policier [...], le contrôle effectué par la police de l’Ouest lausannois aurait effectivement été effectué hors du champ de compétence de la police, le chef d’unité s’étant apparemment trompé, ce qui paraît toutefois quelque peu surprenant. Cela étant, même en retenant que le contrôle de police a été effectué hors du territoire communal, l’amende litigieuse resterait valable. En effet, la LOPV (loi vaudoise du 13 septembre 2011 sur l'organisation policière vaudoise ; RSV 133.05) a pour but notamment d’instaurer une collaboration étroite entre les autorités responsables de la sécurité publique, d’améliorer l’efficacité de l’action policière par une meilleure coordination entre les polices et de supprimer la concurrence liée aux statuts des policiers (art. 1 et 2 let. c). Cette loi n’a en revanche pas pour objet de donner des droits particuliers aux citoyens quant à la compétence territoriale de la police qui constate une infraction. Dans ce sens, elle ne prévoit aucune sanction si des règles de compétences ne sont pas respectées. Il découle de ce constat que l’intimé ne peut déduire de cette loi aucun droit propre afin de contester le bien-fondé de l’intervention de la police qui a constaté l’infraction.
Au demeurant, le Ministère public fait avec raison l’analogie avec les signaux placés illégalement. En effet, même si ces signaux ne sont pas placés de manière régulière, ils doivent être observés dans la mesure où ils créent pour les autres usagers de la route une apparence juridique digne d’être protégée (ATF 128 IV 184, JT 2002 IV p. 612 ss). Un usager qui sait qu’un signal n’a pas été apposé régulièrement ne doit pas, par son non-respect, mettre en danger les usagers qui se fient à ce signal. Ces considérations sont également valables en l’espèce, ce d’autant plus qu’il aurait pu s’agir non d’un contrôle de police, mais d’un accident de la circulation. Il tombe ainsi sous le sens qu’un automobiliste qui voit un policier lui faire signe de s’arrêter doit obtempérer, sans se demander si ce policier est bien sur son territoire de compétence.
2.4
Il résulte de ce qui précède que la condamnation de l’appelant pour violation simple des règles de la circulation (art. 3 OCR ad 90 al. 1 LCR) doit être prononcée.
3.
Au regard de la culpabilité d’A._ et de sa situation personnelle, une amende de 100 fr. réprime de manière adéquate la contravention commise.
A défaut de paiement de l'amende, la peine privative de liberté de substitution sera d’un jour.
4.
Dès lors que le prévenu a succombé sur le sort de l’action pénale, il se justifie de mettre à sa charge l’entier des frais de première instance (art. 426 al.1 CPP), qui s’élèvent à 700 francs.
5.
La mise à la charge des frais de la procédure conduit également au refus de toute indemnité de l’art. 429 CPP, étant relevé que les principes qui régissent la condamnation aux frais d'un prévenu libéré (art. 426 al. 2 CPP) valent aussi,
mutatis mutandis
, pour le refus d'une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (TF 1B_179/2011 du 17 juin 2011 c. 4.2 ; Pitteloud, Code de procédure pénale suisse, Commentaire à l'usage des praticiens, Zurich/St-Gall 2012, n. 1314), de sorte que le sort réservé aux frais est en règle générale le même que pour les indemnités (ATF 137 IV 352 c. 2.4.2 ; Pitteloud, op. cit., n. 1335 ; CAPE 21 mars 2014/94 c. 4.1).
6.
En définitive, l’appel du Ministère public doit être admis et le jugement du 22 janvier 2015 réformé en ce sens qu’A._ est condamné pour violation simple des règles de la circulation routière à une amende de 100 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif étant fixée à un jour.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, par 900 fr. (art. 21 al. 1 TFIP [tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), seront mis à la charge d’A._, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6972fe31-4feb-4af9-9ece-488cc80907ee | En fait :
A.
Par jugement du 16 juin 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a libéré B._ du chef d'accusation de lésions corporelles simples (I), a constaté que cette dernière s'était rendue coupable de voies de fait et d'injure (II), l'a condamnée à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr. et a suspendu l'exécution de cette peine avec un délai d'épreuve de deux ans (III), l'a condamnée, à titre de sanction immédiate, à une amende de 250 fr. et a dit que la peine privative de substitution en cas de non-paiement fautif était fixée à 7 jours (IV), a alloué à E._ un montant de 323 fr. 80 à titre de dommages-intérêts (V) et a mis à la charge de B._ les frais de la cause arrêtés à 850 fr. (VI).
B.
Le 23 juin 2011, B._ a formé appel contre le jugement précité.
Par déclaration d'appel motivée déposée le 25 juillet 2011, l'appelante a indiqué qu'elle contestait le jugement dans son ensemble, soit les chiffres II à VI du dispositif.
Par courrier du 28 septembre 2011, le Procureur de l'arrondissement de La Côte a indiqué qu'il n'entendait pas déposer d'observations ni de conclusions écrites.
La partie plaignante ne s'est pas déterminée dans le délai imparti.
La Cour d'appel pénale a tenu une audience publique le 5 octobre 2011. Lors de cette audience, l'appelante a confirmé les conclusions contenues dans son appel. La partie plaignante a conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
B._ est née le [...] à Mouscron en Belgique, pays dont elle est originaire. Elle est célibataire et est domiciliée à Gland. Elle est au bénéfice d'une formation de physiothérapeute, mais actuellement sans activité. Elle bénéficie du revenu d'insertion et son loyer s'élève à 600 fr. par mois. B._ a des dettes pour un montant qu'elle ignore. Son casier judiciaire est vierge.
B._ et la plaignante, E._, habitaient au moment des faits au 2
ème
étage du même immeuble à Gland. Le 27 août 2010, la plaignante se trouvait dans l'ascenseur de l'immeuble en question avec sa fille âgée de trois ans. Au moment où elle a voulu en sortir, la prévenue l'en a empêchée, s'engouffrant elle-même dans l'ascenseur. La plaignante lui a demandé pourquoi elle ne l'avait pas laissée sortir de l'ascenseur. B._ l'a alors injuriée en la traitant de "pétasse" et de "connasse", puis lui a mordu le pouce de la main droite. Une altercation a ensuite éclaté, au cours de laquelle la prévenue a griffé le visage de la plaignante. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d'un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
En l'espèce, B._ conteste le jugement de première instance dans son ensemble.
3.
L'appelante conteste la version des faits retenue par le premier juge et soutient n'avoir commis aucune faute pénale. Elle conteste avoir mordu le pouce de la plaignante ainsi que de l'avoir traitée de "pétasse" et de "connasse". Elle explique avoir simplement dit la vérité à la plaignante en lui disant qu'elle était "bête" et "méchante". Elle expose également que les griffures infligées à la plaignante étaient de peu d'importance et qu'elle en avait elle-même également subies.
3.1.
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3). La présomption d'innocence, également garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU, 6 par. 2 CEDH et 32 al. 1 Cst., ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes (TF 6B_91/2011 du 26 avril 2011 c. 3.2). Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent pas à exclure une condamnation. Il doit s'agir au contraire de doutes sérieux et irrépressibles (ATF 127 I 38 c. 2a).
3.2.
L’art. 126 al. 1 CP énonce que celui qui se sera livré sur une personne à des voies de fait qui n’auront causé ni lésion corporelle ni atteinte à la santé sera, sur plainte, puni d’une amende.
Les voies de fait, réprimées par l’art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommages à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n'a causé aucune douleur physique (ATF 134 IV 189 c. 1.2 ; ATF 119 IV 25 c. 2a).
3.3.
En vertu de l'art. 177 al. 1 CP, celui qui, de toute autre manière, aura, par la parole, l’écriture, l’image, le geste ou par des voies de fait, attaqué autrui dans son honneur sera, sur plainte, puni d’une peine pécuniaire de 90 jours-amende au plus.
L'honneur que protège l'art. 177 CP est le sentiment et la réputation d'être une personne honnête et respectable, c'est-à-dire le droit de ne pas être méprisé en tant qu'être humain ou entité juridique (TF 6B_602/2009 du 29 septembre 2009 c. 2.2; ATF 128 IV 260 c. 3.1 non publié). Pour déterminer si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut procéder à une interprétation objective selon le sens qu'un auditeur ou un lecteur non prévenu devait, dans les circonstances données, lui attribuer (ATF 128 IV 260 c. 3.1 non publié).
3.4.
Le premier juge a relevé que les versions données par la prévenue et par la plaignante divergeaient (jgt, pp. 5-6). Selon la prévenue, il y a effectivement eu une dispute dans l'ascenseur avec la plaignante le 27 août 2010. En revanche, elle a contesté avoir injurié cette dernière, lui avoir mordu le pouce de la main et l'avoir griffée. La prévenue a soutenu que la dispute avait commencé parce que la plaignante, qui se trouvait dans l'ascenseur, avait voulu l'empêcher d'y entrer. Elle a également affirmé qu'elle avait été griffée par la plaignante. De son côté, la plaignante a exposé qu'au moment où elle avait voulu sortir de l'ascenseur, B._ l'en aurait empêchée en s'y engouffrant et en la traitant de "connasse" et de "pétasse". Selon elle, la prévenue se serait, dans le même temps, jetée sur elle et lui aurait mordu le pouce de la main droite, puis l'aurait griffée au visage et au cou, alors qu'elle tentait de se dégager.
Le premier juge a indiqué que, nonobstant les dénégations de la prévenue, le tribunal tenait pour établie la version des faits de la plaignante. Il a motivé sa conviction (jgt, p. 6), en retenant que E._ était convaincante et que ses déclarations étaient confirmées par les constatations du médecin qui l'avait examinée le jour des faits. Il s'est également basé sur l'impression laissée à l'audience par la prévenue qui a reproché à la plaignante d'être "stupide" et "psychopathe".
3.5.
L'appréciation et la motivation du tribunal de première instance ne prête pas le flanc à la critique. En effet, il convient de retenir, comme l'a très justement fait le premier juge, la version des faits données par E._. Cette dernière apparaît tout à fait crédible et ses déclarations ont été corroborées par le constat médical effectué par un médecin le jour des faits (P. 4). Il ressort de cette attestation que la plaignante a souffert d'une griffure au niveau du visage à gauche ainsi que de plaies relativement profondes au niveau de la première phalange du pouce droit, circulaires, étant compatibles avec des morsures humaines. Il s'agit d'une preuve objective indiscutable. En outre, la prévenue n'a pas été constante dans ses déclarations. Lors de l'instruction et de l'audience de première instance, elle a formellement contesté avoir griffé la plaignante. Toutefois, dans sa déclaration d'appel motivée, elle a indiqué qu'il ne s'agissait "que de griffures" et qu'elle avait elle-même également subies "mais qui sont sans importance". Elle admet ainsi implicitement avoir griffé la plaignante. En outre, l'appelante n'a cessé de parler de E._ en des termes peu flatteurs, laissant supposer, comme l'a indiqué le tribunal de première instance, qu'elle nourrit une antipathie à l'encontre de cette dernière. Lors de l'audience d'instruction du 30 novembre 2010, la prévenue a déclaré que la plaignante était une "psychopathe", qu'elle était "bête" et "méchante" et qu'elle le disait "à tout le monde". A l'audience des débats de première instance, elle a indiqué qu'elle reprochait à la plaignante d'être "stupide" et "psychopathe". Dans sa déclaration d'appel motivée, l'appelante a à nouveau indiqué que la plaignante était "bête" et "méchante". Les déclarations de B._ ainsi que l'impression qu'elle a laissée à l'audience ne font que renforcer la conviction de la Cour de céans qu'il convient de retenir la version des faits donnée par la plaignante.
Dans ces conditions, on doit admettre que les infractions de voies de fait au sens de l'art. 126 al. 1 CP et d'injure au sens de l'art. 177 al. 1 CP sont réalisées. En effet, la morsure au pouce ainsi que la griffure au visage de la plaignante constituent des voies de faits, dès lors qu'elles excèdent manifestement ce qu'il est admis de supporter selon l'usage courant et les habitudes sociales. En outre, en ayant traité la plaignante de "pétasse" et de "connasse", la prévenue a, par la parole, attaqué E._ dans son honneur. L'élément subjectif de ces deux infractions, soit l'intention, est également réalisé. L'analyse juridique du premier juge des faits retenus est dès lors tout à fait correcte et doit être confirmée.
Au vu de ce qui précède, le grief, mal fondé, doit être rejeté.
4.
B._ conteste la peine qui lui a été infligée, alléguant qu'elle est disproportionnée par rapport aux faits qui se sont réellement passés.
4.1.
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Les critères énumérés de manière non exhaustive par l'art. 47 CP correspondent à ceux fixés par l'art. 63 aCP et la jurisprudence élaborée en application de cette disposition, qui conserve toute sa valeur. Ainsi, la culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_722/2010 du 17 février 2011 c. 1.2.1 et 1.2.2; ATF 134 IV 17 c. 2.1 ; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (TF 6B_327/2011 du 7 juillet 2011 c. 2.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
4.2.
Concernant la quotité du jour-amende, l'art. 34 CP prévoit que le juge fixe le nombre de jours-amende en fonction de la culpabilité de l’auteur (al. 1) et leur montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (TF 6B_845/2009 du 11 janvier 2011 c. 1.1.1; ATF 134 IV 60 c. 6), le montant du jour-amende doit être fixé en partant du revenu que l'auteur réalise en moyenne quotidiennement, quelle qu'en soit la source, car c'est la capacité économique réelle de fournir une prestation qui est déterminante. Ce qui est dû en vertu de la loi ou ce dont l'auteur ne jouit pas économiquement doit en être soustrait. Il en va ainsi des impôts courants, des cotisations à l'assurance-maladie et accidents obligatoire, ou encore des frais nécessaires d'acquisition du revenu, respectivement pour les indépendants, des frais justifiés par l'usage de la branche.
4.3.
S'agissant finalement du montant de l'amende, l'art. 106 al. 3 CP prévoit que le juge fixe l’amende et la peine privative de liberté de substitution en tenant compte de la situation de l’auteur afin que la peine corresponde à la faute commise.
L'amende infligée au condamné poursuit les mêmes buts qu'une peine privative de liberté: l'amendement du coupable, l'expiation de la faute et un effet de prévention générale. Le montant de l'amende doit être fixé non seulement en fonction du revenu de l'auteur, mais également de sa fortune (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, Lausanne 2007, nn. 3.1 et 3.3 ad art. 106 CP).
4.4.
En l'espèce, s'agissant de la peine, ainsi que l'a correctement retenu le tribunal de première instance, la culpabilité de B._ n'est pas dépourvue d'une certaine gravité. La prévenue, pour un mobile futile, soit une hostilité de longue date envers la plaignante, s'en est prise physiquement et par la parole à E._ devant l'enfant en bas âge de cette dernière. Le comportement de l'appelante lors de la procédure doit également être pris en considération, comme l'a fait le premier juge. Celle-ci n'a pas démontré de prise de conscience de ses actes, ni n'a exprimé le moindre regret et a, au contraire, continué à nier l'évidence tout en parlant de la plaignante en des termes dénigrants.
Pour ce qui est de la quotité du jour-amende et du montant de l'amende, l'appelante a déclaré, lors de l'audience de jugement ainsi que devant la Cour de céans, qu'elle était actuellement sans activité lucrative et bénéficiait du revenu d'insertion. Elle a indiqué être locataire de son appartement, dont le loyer s'élève à 600 fr. par mois, et avoir des dettes dont elle ne connaît pas le montant.
L'ensemble de ce qui précède a été pris en compte par le premier juge. Il ne s'est pas fondé sur des critères étrangers aux art. 34, 47 et 106 al. 3 CP et n'est pas sorti du cadre légal en fixant une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, ainsi qu'une amende de 250 fr., avec une peine privative de liberté de substitution de 7 jours. La quotité de la peine infligée est adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité de l'appelante et de sa situation personnelle. Elle ne relève ni d'un abus, ni d'un excès du pouvoir d'appréciation dont jouit l'autorité de première instance, laquelle n'a ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l'art. 47 CP. Elle sera donc confirmée. Il en va de même des montants du jour-amende et de l'amende qui correspondent à la situation personnelle et économique de B._ au moment du jugement et qui respectent dès lors les art. 34 et 106 al. 3 CP.
5.
B._ conteste finalement les dommages-intérêts alloués à la plaignante s'élevant à 323 fr. 80, faisant à nouveau valoir qu'elle n'est pas à l'origine de la morsure, ainsi que la mise à sa charge des frais de la cause s'élevant à 850 francs. S'agissant de ce dernier montant, elle soutient qu'elle ne peut pas le payer, étant donné qu'elle bénéficie du revenu d'insertion.
5.1.
Concernant les conclusions civiles, l'art. 119 al. 2 let. b CPP prévoit que le lésé peut, dans la déclaration par laquelle il exprime vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil, faire valoir des conclusions civiles déduites de l’infraction (action civile) par adhésion à la procédure pénale.
Selon l'art. 123 CPP, la partie plaignante chiffre, dans la mesure du possible, ses conclusions civiles dans sa déclaration en vertu de l'art. 119 CPP et les motive par écrit; elle cite les moyens de preuves qu’elle entend invoquer (al. 1). Le calcul et la motivation des conclusions civiles doivent être présentés au plus tard durant les plaidoiries (al. 2).
En l'espèce, E._ a notamment demandé la somme de 323 fr. 80 à titre de dommage matériel. Ce montant correspond aux frais médicaux qu'elle a dû assumer auprès du Centre médical de Nyon qui a établi le constat médical évoqué ci-dessus (P. 4). Son dommage ayant été établi, c'est à bon droit que le tribunal de première instance a alloué le montant de 323 fr. 80 à la plaignante à titre de dommages-intérêts.
Le grief, mal fondé, doit être rejeté.
5.2.
S'agissant des frais de la cause, l'appelante soutient qu'elle ne peut s'en acquitter, étant au bénéfice du revenu d'insertion. Lors de l'audience d'appel, elle a toutefois refusé d'indiquer sa situation financière de façon détaillée, notamment en indiquant à combien s'élevait son revenu mensuel.
5.2.1.
En vertu de l'art. 426 al. 1 CPP, qui pose le principe, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné. La personne condamnée doit ainsi rembourser à l'Etat les frais que ce dernier a avancés dans la procédure (Chapuis, in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 1 ad art. 426 CPP).
L'art. 425 CPP dispose que l'autorité pénale peut accorder un sursis pour le paiement des frais de procédure. Elle peut réduire ou remettre les frais compte tenu de la situation de la personne astreinte à les payer.
S'il appartient à l'autorité d'exécution de fixer les modalités de paiement des frais sur demande de la personne astreinte à s'en acquitter (par exemple en fixant des acomptes mensuels en fonction des revenus du débiteur), la décision de réduire ou remettre les frais compte tenu de la situation de la partie concernée appartient en premier lieu à l'autorité de jugement en vertu de l'art. 425 CPP (Chapuis, op. cit., n. 1 ad art. 425 CPP; Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, Bâle 2011, n. 2 ad. 425 CPP). Le CPP impose au juge de se poser la question de l’incidence de la mise à la charge du condamné des frais sur sa réinsertion sociale et également du rôle des frais par rapport à la peine, ceux-ci ne devant pas être perçus comme une peine déguisée (Basler Kommentar, op. cit., n. 3 ad. 425 CPP; Schmid, Handbuch des Schweizerischen Strafprozessrechts, Zürich 2009, n. 1781 p. 815). Lorsque les frais liés à une affaire sont élevés ou paraissent disproportionnés, l'autorité de jugement a un large pouvoir d'appréciation pour juger en équité s'il convient d'appliquer l'art. 425 CPP (Chapuis, op. cit., n. 1 ad art. 425 CPP).
5.2.1.
En l'espèce, l'appelante n'est pas indigente. En outre, elle a refusé d'exposer sa situation financière à la Cour de céans. Le prévenu n'est certes pas tenu de collaborer à la recherche de la vérité, notamment pour parvenir à un jugement de culpabilité. La CEDH n'interdit cependant pas d'exiger de la personne poursuivie de collaborer avec l'autorité de poursuite, dans la mesure où cette obligation ne tend pas à l'auto-incrimination. Cette exigence de collaboration est admise en particulier pour donner des renseignements au sujet des faits dont l'accusé se prévaut (Piquerez/Macaluso, Procédure pénale suisse, 3
ème
éd., 2011, n. 563). L'appelante, se prévalant du fait qu'elle n'a pas les moyens de payer les frais de procédure, aurait dès lors dû renseigner la Cour d'appel pénale sur sa situation financière. Ne l'ayant pas fait, une réduction des frais pénaux ne s’impose pas. On ne discerne en outre pas de motif qui imposerait de surseoir au paiement des frais.
Le grief, mal fondé, doit être rejeté.
6.
En définitive, l'appel de B._ doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé dans son entier.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, par 1'720 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), doivent être mis à la charge de B._, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
69a5e01f-74f7-42ec-bfce-4024c0256abe | En fait :
A.
Par ordonnance pénale du 31 juillet 2009, le Juge d'instruction de l'arrondissement de La Côte a déclaré B._ coupable de faux dans les certificats, vol d'usage, circulation sans permis de conduire, conduite d'un véhicule sans assurance responsabilité civile, infraction à la LEtr (Loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers, RS 142.20) et contravention à la LStup (Loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes, RS 812.121) (I), condamné ce dernier à une peine privative de liberté de 40 jours (II), révoqué le sursis accordé à l'intéressé le 23 novembre 2007 par les Juges d'instruction de Genève (III), mis les frais de la cause à sa charge et dit que ceux-ci, arrêtés à 500 fr., étaient d'ores et déjà payés (IV).
B.
L'ordonnance pénale retient notamment qu'B._, né le 24 mars 1986, ressortissant de Guinée, a été interpellé par la police le 31 décembre 2008 à la Chaux-de-Fonds alors qu'il circulait au volant d'un véhicule qu'il avait dérobé à G._. Le prévenu n'était en outre pas titulaire d'un permis de conduire et la voiture volée n'était pas couverte par une assurance responsabilité civile.
Entendu par la police du canton de Neuchâtel le 31 décembre 2008, B._ a déclaré avoir pris les clés de la voiture de G._ chez lui lors de la fête du nouvel an, sans que ce dernier ne le sache. Il a soutenu qu'il n'avait pas volé ce véhicule, mais qu'il l'avait uniquement emprunté (cf. Dossier B).
Le Juge d'instruction de l'arrondissement de La Côte a également entendu le prévenu en date du 11 mai 2009. A cette occasion, après avoir pris connaissance du rapport de dénonciation de la police neuchâteloise, B._ a admis les faits et a confirmé les termes du procès-verbal de son audition du 31 décembre 2008 par la police neuchâteloise (PV aud. 1).
Entendu par la police du canton de Neuchâtel le 2 janvier 2009, G._ a assuré qu'il n'avait pas prêté sa voiture à B._, mais que ce dernier la lui avait au contraire volée (cf. Dossier B).
L'ordonnance pénale est entrée en force de chose jugée, faute d'avoir fait l'objet d'une opposition.
C.
Par acte déposé le 29 juillet 2011, B._ a requis la révision de l'ordonnance pénale du 31 juillet 2009, faisant valoir des éléments nouveaux attestant qu'il n'aurait jamais volé le véhicule de G._ le 31 décembre 2008. Il allègue que la voiture en question lui appartient, mais qu'elle a été immatriculée au nom de son cousin, lequel peut en témoigner. Il soutient que la société [...] à Genève, qui lui a vendu le véhicule, n'est pas en mesure de fournir le contrat de vente puisque le vendeur n'aurait pas déclaré cette vente aux impôts, mais posséder les coordonnées de ce dernier. Il fait encore valoir posséder des documents attestant que ladite voiture a été envoyée en Afrique. Il affirme finalement avoir un témoin qui a travaillé pour la société de "[...]" et qui s'est chargé de la livraison de la voiture. Aucune des pièces mentionnées n'est annexée à la requête de révision, laquelle n'indique au surplus pas le nom des personnes qui sont mentionnées. | En droit :
1.
Selon l'art. 411 al. 1 CPP, les demandes de révision doivent être motivées et adressées par écrit à la juridiction d'appel. Les motifs de révision doivent être exposés et justifiés dans la demande.
L'art. 412 CPP prévoit que la juridiction d'appel examine préalablement la demande de révision en procédure écrite (al. 1). Elle n'entre pas en matière si la demande est manifestement irrecevable ou non motivée ou si une demande de révision invoquant les mêmes motifs a déjà été rejetée par le passé (al. 2).
1.1.
Selon le message du Conseil fédéral (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 II 1057 ss, spéc. 1305), la révision ne permet d’examiner un jugement que si certaines conditions formelles et matérielles sont réunies. La procédure de l’examen préalable sert avant tout à constater si les motifs invoqués à l’appui de la demande de révision sont vraisemblables. Celle-ci doit contenir – sous peine d’irrecevabilité – des conclusions, indiquer les causes de révision et tous les faits ou moyens de preuve sur lesquels elle se fonde. Uniquement lorsque ces conditions sont remplies et s’il existe une des causes de révision limitativement énumérées à l’art. 410 al. 1 CPP, la juridiction d’appel est tenue de procéder à un examen provisoire de la demande en révision. Le défaut manifeste de motivation a donc pour conséquences la non-entrée en matière de la juridiction d'appel (Rémy, in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 2 ad art. 411 CPP et nn. 2 et 4 ad art. 412 CPP). Il n'est, en outre, pas exclu de prononcer une décision de non-entrée en matière lorsque les moyens de révision invoqués apparaissent d'emblée comme non vraisemblables, l'économie de la procédure le commandant. En effet, si la situation est évidente, il n'y a pas de raison que l'autorité requière des déterminations (art. 412 al. 3 CPP) pour ensuite rejeter la demande (art. 413 al. 1 CPP; CAPE, 18 juillet 2011/92).
1.2.
En l'espèce, B._ n'a pas motivé sa demande de révision. Certes, le motif de révision, l'existence de moyens de preuves nouveaux, est compréhensible. Toutefois, le requérant n'établit pas précisément quels moyens de preuve nouveaux il invoque. En effet, il indique vaguement avoir trois témoins à faire entendre, mais ne cite pas leurs noms, ni ne donne leurs coordonnées. En outre, le requérant a admis pendant l'enquête pénale qu'il avait pris les clés d'un véhicule qui ne lui appartenait pas et il n'expose pas, dans sa demande de révision, en quoi les prétendus éléments nouveaux invoqués seraient de nature à justifier un acquittement pour vol d'usage.
Partant, faute de motivation, la demande de révision déposée par B._ est irrecevable (cf. Rémy, op. cit., n. 2 ad art. 411 CPP et nn. 2 et 4 ad art. 412 CPP).
2.
Au surplus, même recevable, la demande de révision aurait dû être rejetée sans plus ample instruction.
La révision d'une ordonnance pénale ne peut en effet être demandée que lorsqu'il existe des faits ou des moyens de preuves qui étaient inconnus de l'autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère ou plus sévère du condamné ou encore la condamnation de la personne acquittée (art. 410 al. 1 let. a CPP). Cette disposition reprend la double exigence posée par l'art. 385 CP selon laquelle les faits ou moyens de preuve invoqués doivent être nouveaux et sérieux (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 II 1057 ss, spéc. 1303; TF 6B_310/2011 du 20 juin 2011 c. 1.2 et les réf. citées).
2.1.
Les faits ou moyens de preuve sont nouveaux lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit. Ils sont sérieux lorsqu'ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l'état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (TF 6B_310/2011 du 20 juin 2011 c. 1.2; TF 6B_235 du 30 mai 2011 c. 3.2).
2.2.
Une demande de révision dirigée contre une ordonnance de condamnation doit être qualifiée d'abusive si elle repose sur des faits que le condamné connaissait initialement, qu'il n'avait aucune raison légitime de taire et qu'il aurait pu révéler dans une procédure ordinaire mise en oeuvre par une simple opposition. En revanche, une révision peut entrer en considération à l'égard d'une ordonnance de condamnation pour des faits et des moyens de preuve importants que le condamné ne connaissait pas au moment du prononcé de l'ordonnance ou dont il ne pouvait pas se prévaloir ou n'avait pas de raisons de se prévaloir à cette époque (ATF 130 IV 72 c. 2.3).
Dès lors que l'ordonnance pénale de l'art. 352 CPP revêt les mêmes caractéristiques que l'ancienne ordonnance de condamnation selon le Code de procédure pénale vaudois (Gilléron/Killias, in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, nn. 1 ss ad art. 352 CPP), cette jurisprudence, rendue sous l'empire de l'ancien droit, s'applique aussi à une procédure de révision régie par le CPP (TF 6B_310/2011 du 20 juin 2011 c. 1.3).
2.3.
En l'espèce, au titre de motif de révision, le requérant fait valoir qu'il n'avait pas volé la voiture en question à G._, mais que ce véhicule était en réalité le sien. La propriété dudit véhicule n'est toutefois pas un élément de fait inconnu au sens de l'art. 410 al. 1 let. a CPP, lequel serait nouvellement parvenu à la connaissance du requérant. En effet, la police ainsi que le juge d'instruction ont instruit le point de savoir à qui appartenait la voiture. Le requérant a lui-même admis, à deux reprises lors de l'enquête pénale dirigée à son encontre, avoir pris les clés du véhicule appartenant à G._, sans que ce dernier ne le sache. Si B._ avait été le propriétaire du véhicule en question, il s'agit d'un fait qu'il connaissait initialement, qu'il n'avait aucune raison légitime de taire et qu'il aurait pu révéler dans une procédure ordinaire mise en oeuvre par une simple opposition à l'ordonnance de condamnation. Les conditions d'une révision ne sont dès lors manifestement pas réunies. Il apparaît bien plutôt qu'B._ change sa version des faits. L'administration des preuves indiquées vaguement dans la demande de révision ne serait dès lors pas de nature à motiver un acquittement du requérant sur ce point litigieux. Sa demande aurait donc de toute façon dû être rejetée sans qu'il y ait eu matière à administrer des preuves.
3.
En définitive, la demande de révision présentée par B._ est irrecevable. Vu l'issue de la cause, les frais de révision (art. 21 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1], par renvoi de l'art. 22 TFJP) sont mis à la charge de ce dernier (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
69caac7a-91b3-4a69-ac55-cbee14c09e8f | En fait :
A.
Par jugement du 30 juillet 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que N._ s’est rendu coupable de violation simple des règles de la circulation routière, conduite sans autorisation, conduite sans être porteur du permis de conduire ainsi que contravention au Règlement intercommunal sur le service des taxis (I), l’a condamné à une amende de 1'400 fr., convertible en 14 jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif (II), a arrêté les frais de la commission du préfet à 180 fr. (III) et a mis les frais de la procédure à la charge du condamné (IV).
B.
Par annonce du 21 août 2014, puis déclaration motivée du
18 septembre suivant, N._ a formé appel contre ce jugement, en concluant implicitement à son acquittement.
Par avis du 3 novembre 2014, les parties ont été informées que l’appel serait traité en procédure écrite et qu’il relevait de la compétence d’un juge unique.
Les parties ne se sont pas déterminées dans le délai imparti.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Originaire de Serbie, N._ est né le [...] 1946 à Belgrade. Il a travaillé plusieurs années en Suisse en qualité de chauffeur de taxi jusqu’à sa retraite. Bien qu’il ne détienne plus l’autorisation nécessaire depuis le 25 septembre 2013, il continue à ce jour à exercer ce métier. Sa rente AVS s’élève à 1'210 fr. par mois. Divorcé, le prévenu vit chez sa compagne à qui il verse l’entier de sa rente AVS ainsi que le salaire qu’il perçoit de son activité de taximan. Le loyer mensuel du couple se monte à environ 1'500 francs. L’appelant ne paie pas de primes d’assurance-maladie. Il a des poursuites pour un montant d’environ 54'000 francs. Etant amputé du bras droit, le prévenu n’est autorisé à conduire que des véhicules munis de la direction assistée avec boule au volant, de commutateurs de feux, de clignotants, d’avertisseurs sonores ainsi que d’essuie-glaces pouvant être actionnés sans lâcher le volant, d’une commande complémentaire de démarreur à droite et d’un changement de vitesses automatique.
L’extrait du fichier ADMAS de l’appelant est vierge.
2.
2.1
Le 11 novembre 2013, à Lausanne, place de la Gare, sur la station de taxi officielle, N._, au volant du véhicule immatriculé VD [...], a exploité sans autorisation un service de taxi. En outre, sa voiture n’était pas équipée de certaines options et ne respectait pas les restrictions mentionnées dans son permis de conduire du fait de son handicap.
2.2
Le 27 septembre 2013, à Lausanne, avenue de France, le prévenu, au volant du véhicule immatriculé VD [...], n’a pas manipulé correctement son tachygraphe : il n’a ainsi pas maintenu l’appareil continuellement en fonction lors d’une course privée et n’était pas porteur des disques d’enregistrement utilisés au cours des 28 jours précédents. Il a en outre tenté de garer son véhicule en touchant les pare-chocs des voitures stationnées devant et derrière lui. Enfin, il n’était pas porteur de son permis de conduire et n’a pas respecté certaines restrictions mentionnées dans ce document du fait de son handicap.
2.3
Le 13 mars 2014, à Lausanne, place de la Gare, sur la station de taxi officielle, N._, au volant du véhicule immatriculé VD [...], a exploité sans autorisation un service de taxi. De plus, il n’était pas porteur de son permis de conduire et n’a pas respecté certaines restrictions mentionnées dans ce document du fait de son handicap. | En droit :
1.
1.1
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’espèce, si N._ a annoncé faire appel en temps utile, sa déclaration d’appel, déposée le 18 septembre 2014, soit un jour après l’échéance du délai de vingt jours, est quant à elle tardive. Le prévenu a en effet reçu le jugement motivé le 28 août 2014 comme l’atteste le suivi de l’envoi postal, et non le 29 août 2014 comme il le soutient. Cela étant, son annonce d’appel étant suffisamment motivée au regard de l’art. 399 al. 3 et 4 CPP, son appel doit être considéré comme recevable, les autres conditions de recevabilité (cf. art. 382 al. 1 et 398 al. 1 CPP) étant au demeurant remplies.
1.2
Le jugement de première instance ne porte que sur des contraventions, de sorte que la procédure écrite est applicable (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause ressort de la compétence d'un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009; RSV 312.01]).
1.3
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné et que l’état de fait est établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22 et 23 ad art. 398 CPP).
En l’espèce, dans la mesure où seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel est retreint. Pour ce motif, les nouvelles pièces produites par l’appelant en procédure d’appel sont irrecevables.
2.
En cas d’appel restreint, la juridiction d’appel peut revoir librement le droit mais non les faits pour lesquels son pouvoir d’examen est limité (Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire, Code de procédure pénale, Bâle 2013, n. 29 ad art. 398 CPP). Cette juridiction ne revoit ainsi pas la cause en fait, mais se contente de corriger l’état de fait si celui-ci est entaché d’une erreur grossière. Si elle arrive à la conclusion que le tribunal de première instance a omis de manière arbitraire, d’administrer certaines preuves, elle ne peut qu’annuler le jugement attaqué et lui renvoyer la cause pour nouveau jugement (Kistler Vianin, op. cit. n. 30 ad art. 398 CPP).
3.
L’appelant conteste avoir conduit son véhicule sans être porteur du permis de conduire.
Pour retenir cette infraction, le premier juge a considéré que les affirmations du prévenu – selon lesquelles le SAN avait omis de lui renvoyer son permis de conduire sous format carte de crédit à son domicile – étaient douteuses. Il a néanmoins relevé que même si cela avait été le cas, « il était tout loisible à l’intéressé de se rendre personnellement à la Blécherette pour obtenir son permis » et qu’ « il lui appartenait d’ailleurs de le faire sans attendre de nombreux mois en conduisant sans permis » (jgt., p. 8-9).
La Juge de céans ne peut que reprendre à son compte l’appréciation pertinente du premier juge, en relevant que la faute du prévenu est d’autant plus grave que celui-ci a indiqué, dans son appel, que son permis de conduire se trouvait à la Blécherette pour restrictions depuis 1996. Sa condamnation pour infraction à l’art. 10 al. LCR doit ainsi être confirmée.
4.
L’appelant conteste les restrictions dont fait l’objet son permis de conduire du fait de son handicap.
Il n’appartient pas à l’autorité pénale de revoir le bien-fondé d’une décision administrative datant de plus de 18 ans et qui aurait pu, le cas échéant, être contestée à cette époque. Au demeurant, les aménagements dont doit être muni le véhicule de l’appelant ne sont en rien choquants ni arbitraires, compte tenu de son handicap.
Mal fondé, ce moyen doit ainsi être rejeté
5.
L’appelant conteste sa condamnation pour exploitation d’un taxi sans autorisation.
Devant le premier juge, le prévenu a déclaré avoir recouru jusqu’à Strasbourg contre la décision du 25 septembre 2013 lui retirant son autorisation d’exploiter un service de taxi. Toutefois, il n’a produit aucune pièce démontrant, d’une part, sa contestation et, d’autre part, que la Cour européenne aurait accordé un effet suspensif à son recours. Pour le reste, il se prévaut en appel d’une inégalité de traitement et souhaite être traité de la même manière que « [...] », un taximan dont l’autorisation d’exploiter aurait finalement été renouvelée. A l’appui de son grief, il se réfère à un arrêt 2C_492/2013 rendu le 25 novembre 2013 par le Tribunal fédéral.
A supposer que cet arrêt concerne bien le dénommé [...], force est de constater que le cas de celui-ci diffère notablement de celui de l’appelant. En effet, il ne s’agissait pas d’une affaire pénale, mais d’un litige portant sur le renouvellement d’un abonnement obligatoire au central d'appel des taxis. Par ailleurs, les faits se sont déroulés entre 2008 et 2009, et non entre 2013 et 2014 comme dans le cas d’espèce. Enfin, dans cet arrêt, la bonne foi du recourant, qui avait retiré son recours, a été protégée en raison d'erreurs commises par les autorités inférieures. Au surplus, il y a lieu de relever que le recours d’autres exploitants de taxi a été rejeté par le Tribunal fédéral (cf. TF 2C_1053/2013 du 14 avril 2014). Le prévenu ne saurait donc déduire de l’affaire [...] un quelconque droit à une autorisation d’exploiter un service de taxi. Sa condamnation pour violation de l’art. 12 al. 1 RIT doit ainsi être confirmée.
6.
L’appelant conteste avoir commis une infraction du fait de ne pas avoir enclenché le tachygraphe de son taxi lors d’une course privée. Selon lui, il est « illogique » de devoir insérer un disque dans l’appareil un jour de repos.
Ses contestations sont vaines. Il ressort en effet clairement de
l’art. 15 al. 2 OTR2 que, « lorsque des courses de caractère privé sont effectuées avec le véhicule, le tachygraphe doit être maintenu continuellement en fonction; il faut choisir la position « Pause » (position « 0 » ou symbole « chaise ») ». L’appréciation de l’appelant sur l’utilité d’une telle mesure n’est donc pas pertinente.
Mal fondé, ce moyen doit également être rejeté.
7.
L’appelant conteste avoir tenté de garer son véhicule en touchant les pare-chocs des voitures stationnées devant et derrière lui.
Sa version est toutefois contredite non seulement par le témoignage de l’agent de police ayant procédé à son contrôle mais également par celui du chauffeur de bus ayant assisté à la scène. Il n’y aucun motif de remettre en doute les déclarations concordantes de ces témoins qui n’ont d’ailleurs aucun intérêt à dénoncer faussement le prévenu. Au reste, le fait qu’il n’y ait pas eu de constat d’accident ni d’annonce de sinistre n’est pas déterminant, dans la mesure où aucun dégât n’a été constaté sur les véhicules concernés (cf. rapport de dénonciation du 26 novembre 2014, p. 2).
8.
Pour le reste, N._ fait valoir des considérations générales et des jugements de valeur qui ne sont pas pertinents pour l’examen de son appel. Il n’y a donc pas lieu d’entrer en matière sur ces points.
9.
L’appelant estime que l’amende infligée est exorbitante et la peine privative de liberté de substitution exagérée.
9.1
Selon l’art. 106 CP, sauf disposition contraire de la loi, le montant maximum de l'amende est de 10’000 francs (al. 1). Le juge prononce dans son jugement, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne paie pas l'amende, une peine privative de liberté de substitution d'un jour au moins et de trois mois au plus (al. 2). Il fixe l'amende et la peine privative de liberté de substitution en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise (al. 3).
S’agissant de la fixation de l’amende, selon la jurisprudence, le juge doit tenir compte du revenu de l’auteur et de sa fortune, de son état civil et de ses charges familiales, de sa profession, et de son gain professionnel, de son âge et de son état de santé, ainsi que de l’économie réalisée par la commission de l’infraction (ATF 129 IV 6 c. 6, JdT 2005 IV 215; ATF 119 IV 10, JdT 1995 IV 133).
9.2
En l’espèce, la culpabilité de N._ n’est pas négligeable. Il doit répondre de plusieurs infractions relevant toutes du même registre. Les réitérations sont multiples. Il n’y a en outre aucune prise de conscience, l’intéressé persistant à nier le caractère répréhensible de ses agissements. De surcroît, il a indiqué dans son appel qu’il continuerait à exercer son activité de taximan. Ces éléments devraient ainsi conduire à une peine sévère. Il faut toutefois tenir compte dans une large mesure de sa situation financière difficile.
Sur la base de l’ensemble de ces éléments, l’amende de 1'400 fr. prononcée par le premier juge est adéquate, étant au surplus relevé que ce montant est inférieur à la somme totale des amendes dont le prévenu aurait dû s’acquitter s’il n’avait pas fait opposition aux ordonnances pénales des 24 décembre 2013, 17 février et 27 mars 2014.
Enfin, le taux de conversion de l’amende en peine privative de liberté de substitution retenu par le premier juge ne prête pas le flanc à la critique, dès lors qu’il correspond à celui usuellement pratiqué par les autorités pénales. Il convient au demeurant de rappeler que l’amende et la peine privative de liberté de substitution ne sont pas cumulatives, de sorte que l’appelant ne sera privé de sa liberté que s’il ne s’acquitte pas de l’amende infligée (cf. art. 106 al. 2 CP).
10.
En définitive, l’appel de N._ doit être rejeté et le jugement entrepris confirmé, sous réserve d’une adjonction au chiffre I du dispositif. En effet, bien que des contraventions à l’OTR1 et l’OTR2 résultant de la mauvaise manipulation du tachygraphe aient été retenues dans les considérants du jugement, le premier juge a omis de les mentionner au chiffre I du dispositif. Celui-ci sera dès lors modifié d’office (art. 83 CPP).
11.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure, constitués de l’émolument de jugement, par 720 fr., doivent être mis à la charge de l’appelant (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
69d1a6ef-9c09-49d6-8d94-5fcafbd8c130 | En fait :
A.
Par jugement du 21 décembre 2012, le Tribunal criminel de l’arrondissement de Lausanne a notamment constaté que D._ s'est rendu coupable d'infraction grave et de contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants et d'infraction à la Loi fédérale sur les étrangers (VI), a condamné D._ à une peine privative de liberté de 7 ans, sous déduction de 375 jours de détention avant jugement (VII), a condamné D._ à une amende de 500 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement de l'amende étant de 5 jours (VIII), a révoqué le sursis octroyé par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne le 2 mai 2011 et a ordonné l'exécution de la peine pécuniaire de 120 jours-amende à 30 fr. (IX), a ordonné le maintien en détention de D._ pour des motifs de sûreté (X), a ordonné la destruction des objets et stupéfiants séquestrés sous fiches n° 51441, 51438, 51440, 53102, 53115 et 53114 (XI), a ordonné la confiscation et la dévolution à l'Etat des sommes de 150 fr., 1'060 fr. et 40 ct. séquestrées sous fiche n° 53115 et 53114 (XII), a ordonné le maintien au dossier à titre de pièces à conviction des objets séquestrés sous fiches n° 52895, 53100, 52896, 53101, 53197 (XIII), a mis les frais de justice par 13'017 fr. 50 à la charge de D._ (XV), a arrêté l'indemnité due au défenseur d'office de D._, Me Pierre-Yves Court, à 4'884 fr. 15, TVA et débours compris (XVIII), a dit que D._ est tenu de rembourser à l'Etat l'indemnité allouée sous chiffre XVIII ci-dessus, ainsi que l'indemnité déjà versée à Me Yves Burnand, par 1'458 fr., dès que sa situation le permettra (XIX).
B.
Le 21 décembre 2012, D._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel motivée du 29 janvier 2013, il a conclu à la réforme du chiffre VII du dispositif du jugement, en ce sens qu’il est condamné à une peine privative de liberté n’excédant pas trois ans sous déduction de la détention provisoire effectuée.
Par courrier du 4 février 2013, le Ministère public a déclaré qu’il s’en remettait à justice s’agissant de la recevabilité de l’appel et qu’il renonçait à déposer un appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
D._ est né le [...] 1988 à [...], au Nigeria. Troisième d’une fratrie de quatre enfants, il a été envoyé dès son plus jeune âge à [...], dans une famille qui l’a élevé et pour laquelle il a travaillé jusqu’à son départ pour Lagos. En mai 2009, le prévenu a quitté cette ville pour la Suisse, où il a déposé une demande d’asile. A la suite du rejet de celle-ci, D._ a refusé de rentrer dans son pays, si bien qu’il a vécu en Suisse depuis lors dans la clandestinité jusqu’à son incarcération, sous réserve d’un séjour en France de décembre 2010 à mars 2011. Sans statut légal, le prévenu ne bénéficiait d’aucune aide d’urgence, ni n’avait de travail. Au moment de son arrestation le 13 décembre 2011, il habitait dans l’appartement d’une pièce de sa compagne sis à la rue de la [...] 6, à Lausanne, lieu où logeait également le coprévenu, O._.
Le casier judiciaire de l’appelant fait mention d’une condamnation le 2 mai 2011 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à 30 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de 2 ans, et à une amende de 190 fr., pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, délit contre la Loi fédérale sur les stupéfiants, contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, séjour illégal, concours.
D._ a été détenu avant jugement depuis le 13 décembre 2011. Selon le rapport de détention du 14 décembre 2012 (P. 53), celui-ci a fait preuve d’un bon comportement en général. Il a toutefois rencontré quelques difficultés à gérer ses frustrations et ses émotions. Par ailleurs, le prévenu a été pris à partie dans le cadre d’une bagarre dans la cour de la promenade et une altercation a éclaté entre lui et son codétenu.
Par prononcé du 11 mars 2013, le Président de la cour de céans a ordonné la prolongation de la détention de l’appelant pour des motifs de sûreté pour une durée de six mois, soit jusqu’au 11 septembre 2013.
2.
2.1
A Lausanne, entre avril et décembre 2011, D._ a vendu presque quotidiennement des boulettes de cocaïne à des toxicomanes. Il se ravitaillait auprès de semi-grossistes qui lui vendaient, au départ à crédit, des doigts de cocaïne de 10 gr. pour la somme de 500 francs. Il conditionnait lui-même en boulettes cette marchandise et en retirait 800 fr. à 1'000 francs. Il a ainsi écoulé un minimum de 90 gr. de cocaïne. Lors de son interpellation, il était en outre en possession de 20 parachutes et de 7 boulettes de cocaïne.
2.2
Entre mars et décembre 2011, à plusieurs reprises, O._ a chargé D._ de transporter et remettre de la cocaïne dans des sacs ou sous forme de doigts ou de boulettes au grossiste lausannois surnommé E._, respectivement à des revendeurs africains.
En particulier, au courant du printemps 2011, l’appelant et O._ ont fonctionné comme intermédiaires lors d’importantes importations de cocaïne en provenance de Hollande. Éloigné de la scène de la drogue, le logement qu’ils partageaient à la rue de la [...] leur permettait de réceptionner et de stocker les stupéfiants en attendant de pouvoir les remettre à E._, chargé de leur distribution. A deux reprises au moins, l’appelant a transporté et remis la marchandise dissimulée dans des sacs à ce grossiste, à divers endroit de Lausanne.
Au total, neuf kilos ont été stockés dans l’appartement de la [...]. Hormis la première transaction, pour laquelle O._ a personnellement ramené dans cet appartement la cocaïne depuis la Suisse-allemande, les comparses ont ensuite directement réceptionné et stocké la cocaïne par sacs de deux kilos. Les transports suivants ont été établis :
- Le 9 mai 2011, O._ s’est rendu à Liestal, où il a réceptionné et ramené à l’appartement de Lausanne un kilo de cocaïne en provenance de Hollande, destiné à E._. Cette drogue lui a été remise par B._.
- Le 22 mai 2011, les comparses ont réceptionné et stocké dans l’appartement de Lausanne deux kilos de cocaïne en provenance de Hollande et apportés par B._ et le surnommé Z._. Cette drogue a ensuite été réacheminée vers E._.
- Le 27 mai 2011, les comparses ont réceptionné et stocké dans l’appartement de Lausanne deux kilos de cocaïne en provenance de Hollande et apportés par B._ et le surnommé Z._. Cette drogue a ensuite été réacheminée vers E._.
- Le 19 juin 2011, les comparses ont réceptionné et stocké dans l’appartement de Lausanne deux kilos de cocaïne en provenance de Hollande et apportés par B._ et le surnommé Z._. Cette drogue a ensuite été réacheminée vers E._.
- Le 3 juillet 2011, les comparses ont réceptionné et stocké dans l’appartement de Lausanne deux kilos de cocaïne en provenance de Hollande et apportés par B._ et le surnommé Z._. Cette drogue a ensuite été réacheminée vers E._.
- Le 17 juillet 2011, les comparses devaient réceptionner et stocker dans l’appartement de Lausanne un nouvel arrivage de deux kilos de cocaïne en provenance de Hollande, destinés à E._ et transportés par B._ et G._. Ces dernières ont toutefois été interpellées lors de leur passage de la frontière à Vallorbe.
2.3
A Lausanne, entre mars et décembre 2011, l’appelant a consommé quotidiennement de la marijuana. Lors de son interpellation, il était en possession de marijuana destinée à sa consommation personnelle.
2.4
A Lausanne, entre mars et décembre 2011, D._ a séjourné sur territoire helvétique sans disposer d’une autorisation de séjour.
D.
Aux débats d’appel, D._ a confirmé ses conclusions et le Ministère public a conclu au rejet de l’appel. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d'un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel formé par D._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves (TF 6B_78/2012 du 27 août 2012). L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP).
3.
L’appelant conteste une partie des faits retenus à sa charge, soit d’avoir agi en qualité d’intermédiaire pour le compte d’E._ s’agissant de la cocaïne acheminée depuis la Hollande. Invoquant une violation du principe
in dubio pro reo
, il remet en cause le caractère probant des éléments sur lesquels se sont fondés les premiers juge, à savoir : la cohabitation avec son comparse (jgt., p. 18), le fait que la mule l’ait reconnu sur planche photographique comme étant présent dans l’appartement lors des livraisons (jgt., p. 19), et les comptes-rendus des contrôles téléphoniques mettant en évidence, lors des livraisons, des contacts entre les deux prévenus d’une part, et avec les autres fournisseurs d’autre part (jgt., p 19).
3.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966; RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2
En l’occurrence, les griefs de l’appelant appellent les constatations suivantes :
3.2.1
Il est exact que ce dernier – il l’admet – partageait le logement de la [...] avec son coprévenu. Toutefois, cet appartement ne comprenait qu’une seule pièce (jgt., p. 6).
Dans ces conditions, et même si l’appelant soutient qu’il ne passait pas ses journées avec son colocataire et que chacun était libre de ses faits et gestes, on ne saurait le suivre lorsqu’il indique qu’il ignorait tout des activités illicites d’O._.
3.2.2
Il est exact que B._, lors de l’audition au cours de laquelle elle a identifié l’appelant sur planche photographique, a indiqué l’avoir vu à une seule reprise dans l’appartement de la [...] et ne pas lui avoir remis de drogue à cette occasion (PV aud. 9, p. 2). Cependant, entendue une nouvelle fois le 18 août 2011 (P. 29), elle a donné des explications supplémentaires et indiqué qu’à Lausanne, elle et Z._ se rendaient toujours au même endroit, rencontraient toujours les deux mêmes personnes et allaient toujours dans le même appartement. Elle a en outre précisé qu’à sa connaissance, l’appartement était habité par les deux hommes africains en contact avec Z._ (ibid., p. 6). Enfin, elle a expliqué que c’était elle qui appelait les contacts sur place et que c’était toujours les deux mêmes personnes qui répondaient et qui avaient des voix d’homme (ibid., p. 7).
Dès lors, ces déclarations tendent à confirmer la présence du prévenu lors de plusieurs livraisons de cocaïne.
3.2.3
S’agissant des écoutes téléphoniques, elles ne relèvent en effet pas de manière significative l’implication du prévenu en sa qualité d’intermédiaire dans le cadre de l’importation de la drogue provenant de Hollande. Toutefois, l’examen des connexions entrantes et sortantes des numéros de portable [...] et [...] utilisés par l’appelant ont mis en évidence 428, respectivement plus de 700 connexions avec le numéro de téléphone d’O._ (P. 25, p. 3).
Ces multiples contacts téléphoniques – caractéristiques des trafics de stupéfiants – constituent un indice à charge non négligeable.
3.2.4
Lors de son audition du 27 décembre 2011, O._ a expressément mis en cause l’appelant. Il a ainsi déclaré que «D._ connaissait la mule et qu’il devait être au courant de ce qui se passait ». Il a par ailleurs précisé, que « celui-ci avait également récupéré la drogue, qu’il travaillait ensemble et que parfois, c’était lui qui allait livrer la drogue à E._ » (PV aud. 8, p. 7, R. 27).
3.2.5
Enfin, il convient de relever que les déclarations du prévenu sur son activité d’intermédiaire ont beaucoup varié tout au long de la procédure.
Lors de son audition du 19 janvier 2012 (PV aud. 3), il a d’abord déclaré qu’O._ lui donnait des choses à remettre à E._ qui se trouvaient dans des sacs en bandoulière ou des chaussettes (ibid., R. 17), qu’il effectuait les transports pour son comparse et était payé pour cela (ibid., R. 22). Les sacs étaient destinés à E._ (ibid., R. 23 et 26). Quant aux chaussettes, O._ lui demandait parfois de les livrer à d’autres personnes (ibid., R. 26). Pour ces transports, l’appelant était rémunéré par son colocataire, parfois 500 fr., parfois moins, et a reçu trois fois de l’argent (ibid., R. 18). En outre, lors de son audition du 3 février 2012, le prévenu a une nouvelle fois indiqué qu’O._ lui avait remis de la drogue pour qu’il la donne à E._ ou d’autres personnes, et qu’il était payé pour cela (PV aud. 4, R. 8).
Finalement, lors de son audition du 25 mai 2012 devant le Ministère public, le prévenu a affirmé ne pas savoir que la marchandise transportée était de la cocaïne et a déclaré qu’il ne recevait rien pour les transports, l’argent étant destiné à O._. Par ailleurs, le nombre de transports a été réduit à deux, une fois pour une chaussette et une fois pour un sac (PV aud. 5, li. 98ss). Il a enfin contesté la mise en cause de son comparse affirmant qu’il mentait (ibid., li. 135), alors que ses premières explications rejoignaient celles de ce dernier (cf. consid. 3.2.4). Par ailleurs, l’utilisation de sac, dont le poids est comparé à celui pouvant contenir un ordinateur, démontre qu’il s’agissait de grandes quantités de drogue (PV aud. 5, li. 98 ss).
3.3
Compte tenu de ce qui précède, la cour de céans, après avoir procédé à sa propre appréciation des preuves, retient qu'il existe un faisceau d’éléments convergents ne laissant plus de doute quant à l’activité d’intermédiaire exercée par l’appelant en rapport avec les importantes quantités de cocaïne acheminées depuis la Hollande et stockées dans l’appartement de la [...]. Toutefois, son rôle doit être relativisé par rapport à celui d’O._, dans la mesure où il ressort du dossier qu’il était l’exécutant de ce dernier.
Mal fondé, le moyen tiré de la violation du principe
in dubio pro reo
doit être rejeté.
4.
L’appelant requiert une réduction de la quotité de la peine infligée par les premiers juges. Il leur fait grief d’avoir considéré que l’énergie délictuelle déployée pour réceptionner la drogue en Suisse et la livrer aux différents destinataires aurait été très importante.
4.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_335/2012 du 13 août 2012 c. 1.1 et les références citées).
4.2
En matière de trafic de stupéfiants, même si la quantité de la drogue ne joue pas un rôle prépondérant, elle constitue sans conteste un élément important. Elle perd cependant de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup. Il en va de même lorsque plusieurs des circonstances aggravantes prévues à l'art. 19 ch. 2 LStup sont réalisées. Le type de drogue et sa pureté doivent aussi être pris en considération. Si l'auteur sait que la drogue est particulièrement pure, sa culpabilité sera plus grande. En revanche, sa culpabilité sera moindre s'il sait que la drogue est diluée plus que normalement (TF 6B_567/2012 du 18 décembre 2012 c. 3.2 et les références citées).
Le type et la nature du trafic en cause sont aussi déterminants. L'appréciation est différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. Dans ce dernier cas, il importera de déterminer la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation. Un simple passeur sera ainsi moins coupable que celui qui joue un rôle décisif dans la mise sur pied des opérations et qui participe de manière importante au bénéfice illicite. L'étendue du trafic entrera également en considération. Un trafic purement local sera en règle générale considéré comme moins grave qu'un trafic avec des ramifications internationales. Le délinquant qui traverse les frontières (qui sont surveillées) doit en effet déployer une énergie criminelle plus grande que celui qui transporte des drogues à l'intérieur du pays et qui limite son risque à une arrestation fortuite lors d'un contrôle. À cela s'ajoute que l'importation en Suisse de drogues a des répercussions plus graves que le seul transport à l'intérieur des frontières. Enfin, le nombre d'opérations constitue un indice pour mesurer l'intensité du comportement délictueux. Celui qui écoule une fois un kilo d'héroïne sera en principe moins sévèrement puni que celui qui vend cent grammes à dix reprises (
ibidem
).
Outre les éléments qui portent sur l'acte lui-même, le juge doit prendre en considération la situation personnelle du délinquant, à savoir sa vulnérabilité face à la peine, ses obligations familiales, sa situation professionnelle, les risques de récidive, etc. Les mobiles, c'est-à-dire les raisons qui ont poussé l'auteur à agir, ont aussi une influence sur la détermination de la peine. Il conviendra ainsi de distinguer le cas de l'auteur qui est lui-même toxicomane et qui agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain (
ibidem
).
Il faudra encore tenir compte des antécédents, qui comprennent aussi bien les condamnations antérieures que les circonstances de la vie passée. Enfin, le comportement du délinquant lors de la procédure peut aussi jouer un rôle. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l'aveu ou de la bonne coopération de l'auteur de l'infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d'élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs (
ibidem
).
4.3
En l’espèce, la cour retient que la culpabilité de D._ est très lourde.
A charge, il convient de tenir compte de l'ampleur et de la durée de l'activité criminelle qui lui est reprochée, de la quantité de cocaïne écoulée, et de son rôle non négligeable dans l’organisation de ce trafic à caractère international. Par ailleurs, on retiendra le fait que le prévenu a agi par pur appât du gain, que les infractions sont en concours et qu’il a fait l’objet d’une récente condamnation pour des infractions de même genre. Il est également tenu compte de sa mauvaise collaboration tout au long de la procédure, qui dénote l’absence d’une prise de conscience de la gravité de ses agissements.
A décharge, et contrairement aux premiers juges, il convient de tenir compte du rôle secondaire qu’a eu le prévenu par rapport à son comparse, dans la mesure où il était son exécutant. Au surplus, des aveux limités ainsi que sa situation personnelle et économique précaire doivent être pris en considération.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, une peine privative de liberté de six ans réprime adéquatement la faute de l’appelant, compte tenu des infractions commises, de sa culpabilité et de son rôle d’exécutant. Au surplus, on relèvera que la quotité de cette peine est cohérente avec celle infligée à O._, compte tenu des rôles respectifs.
5.
En définitive, l’appel de D._ est partiellement admis, en ce sens que la peine privative de liberté prononcée à son encontre est réduite à une durée de six ans, le jugement de première instance étant confirmé pour le surplus.
6.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel comprenant l’émolument de 1’940 fr. et l'indemnité allouée au défenseur d'office de D._, par 2’118 fr. 95, TVA et débours compris, doivent être mis par trois-quarts à la charge de l’appelant, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (art. 428 al. 1 CPP).
L’appelant ne sera tenu de rembourser à l’Etat les trois-quarts de l'indemnité en faveur de son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
69d5e726-4c27-4d27-a2de-61c93082351c | En fait :
A.
Par jugement du 29 avril 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a libéré S._ des chefs de prévention d’utilisation abusive d’une installation de télécommunication et de menaces (I), a constaté que S._ s’est rendu coupable de calomnie, injure, contrainte et insoumission à une décision de l’autorité (II), l’a condamné à une peine privative de liberté de 10 (dix) mois, ainsi qu’à une amende de 1'800 fr. (mille huit cent francs) (III), a suspendu l’exécution de la peine privative de liberté et fixé à S._ un délai d’épreuve de 5 (cinq) ans (IV), a subordonné le sursis à la condition que S._ s’abstienne de tous contacts, quelle qu’en soit la forme, à l’égard de T._, de sa famille, de ses proches et de ses collègues de travail (V), a dit qu’en cas de non paiement fautif de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 22 (vingt-deux) jours (VI), a dit que S._ est le débiteur de T._ et lui doit immédiat paiement des montants suivants : 1'000 fr. (mille francs) à titre d’indemnité pour tort moral, 458 fr. 70 (quatre cent cinquante-huit francs et septante centimes) à titre de dommages et intérêts, avec intérêts à 5% l’an dès le 1
er
janvier 2012, 22'000 fr. (vingt-deux mille francs) à titre de dépens pénaux (VII), a ordonné le maintien au dossier comme pièces à conviction des deux CD contenant des données rétroactives relatives aux numéros d’appel [...] et [...], inventoriés sous fiches n° [...] et [...] (VIII) et a mis les frais de la présente cause, par 17'216 fr. 20, à la charge de S._ (IX).
B.
Par annonce du 8 mai 2015, puis déclaration motivée du 17 juin suivant, S._ a formé appel contre ce jugement, en concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à ce qu’il est libéré de l’ensemble des infractions qui lui sont reprochées. A titre de réquisition de preuve, il a requis l’audition de trois témoins.
Le 6 août 2015, le président de la Cour de céans a rejeté les mesures d’instruction sollicitées au motif qu’elles ne répondaient pas aux conditions de l’art. 389 al. 2 CPP.
Par courrier du 7 août 2015, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne a informé qu’il renonçait à comparaître à l’audience d’appel et, se référant au jugement entrepris, a conclu au rejet de l’appel formé par S._.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
Originaire de Lausanne, S._ est né le 24 juillet 1965 à [...] au [...]. Troisième d'une fratrie de sept enfants, le prévenu a perdu sa mère en 2002. Son père vit au [...], l'une de ses sœurs en [...], une autre en [...], deux de ses frères à [...] et un autre en [...]. Il dit entretenir de bonnes relations avec toute sa famille et soutenir financièrement certains d’entre eux qui se trouvent en [...].
Le prévenu a effectué sa scolarité obligatoire au [...], jusqu'en 1985, avant de se rendre en [...] pour suivre des études universitaires en ingénierie hydraulique. Après l'obtention d'un diplôme dans cette branche, il est retourné travailler au [...]. Ensuite du début de la guerre dans son pays, il s’est inscrit, en 1991, à l'Ecole [...] (ci-après [...]) pour y suivre une formation post-grade, avant d'effectuer une année de stage à [...] en France. Ayant occupé par la suite divers postes d'assistant de recherche au sein de [...], il est revenu à [...] en 1996 en cette même qualité. Depuis 2001, S._ a été engagé en qualité de responsable informatique de la section de physique de [...] ─ section intégrée à [...] en 2003 ─. Il s'occupe de l'achat de matériel informatique et de dépannage des utilisateurs. Son activité lui procure un revenu net de l'ordre de 8'320 fr. par mois, versé treize fois l'an. Son loyer s'élève à 2'000 fr., charges comprises, avec parfois un excédant à la fin de l'année, de l'ordre de 200 ou 300 francs. Sa prime d'assurance maladie s'élève à 270 fr. par mois. Le prévenu a déclaré avoir eu des poursuites, mais ne pas faire l'objet de saisie en ce moment. Il a des dettes pour quelque 15'000 francs.
L'extrait du casier judiciaire suisse de S._ est vierge de toute inscription.
1.2
Au cours de l’instruction, le prévenu a été soumis à une expertise psychiatrique. Dans son rapport du 19 décembre 2014 (P. 50), l’expert a relevé que l’intéressé présentait des aspects paranoïaques dans son fonctionnement psychique marqués par une rigidité du fonctionnement psychique ainsi qu’une très importante difficulté à se remettre en question, mais que cela ne constituait pas un trouble psychiatrique ayant une influence majeure sur son comportement général. Selon l’expert, si les faits dont le prévenu est accusé devaient être avérés, sa responsabilité serait pleine et entière et le risque de récidive devrait être considéré comme non négligeable compte tenu de la rigidité des mécanismes paranoïaques et des dénégations de l’intéressé.
2.
2.1
Entre janvier 2011 et septembre 2011, S._ a souvent téléphoné à T._, de manière irrégulière, lui tenant des propos « amoureux », cherchant à obtenir un rendez-vous, expliquant que son intrusion dans sa vie, y compris le fait de prendre contact avec ses proches, se justifiait par l'amour qu'il lui portait et insinuant qu'ils seraient amenés à se revoir, qu'elle le veuille ou non.
Entre octobre et novembre 2011, S._ a intensifié ses téléphones utilisant divers numéros de portables et de cabines téléphoniques. Il appelait T._ plusieurs fois par jour, à toutes heures du jour et de la nuit, lui reprochant son arrogance et son mépris ainsi que d'avoir de nombreux amants, d'entretenir une relation avec « son » ami mexicain, de lui avoir fait perdre du poids et expliquant qu'il avait dû dormir dans la voiture devant chez elle par amour. Il ajoutait qu'il allait continuer « ses petites observations » sur elle et qu'il avait plus de 250 pages de notes la concernant. Afin d'avoir la paix, T._ a finalement débranché sa ligne téléphonique.
Durant le mois de janvier 2012, le prévenu a appelé T._, qui n'avait toujours pas rebranché la ligne fixe de son domicile, sur son lieu de travail, presque quotidiennement parfois plusieurs fois par jour. La lésée, qui évitait de lui répondre, a dû demander à la réceptionniste de la centrale de ne plus lui passer les appels provenant des divers numéros utilisés par le prévenu.
Entre février 2012 et février 2013, S._ a effectué de nombreux appels anonymes au domicile de T._.
2.2
Entre janvier 2011 et le 21 octobre 2011, le prévenu a envoyé une trentaine de sms désagréables à T._ jusqu'à ce qu'elle finisse par changer de numéro de portable.
2.3
Entre octobre 2011 et janvier 2012, S._ a envoyé à T._ neuf courriels depuis trois différentes adresses électroniques fictives après que la jeune femme eut bloqué son adresse principale, car elle ne désirait plus recevoir de courriels de sa part.
2.4
Entre janvier 2012 et février 2013, le prévenu a effectué de très nombreux appels téléphoniques anonymes au domicile des parents de T._, à toute heure du jour et de la nuit. Ceux-ci ont dénombré pas moins de 135 appels anonymes entre mai et septembre 2012.
Entre mars 2012 et septembre 2012, S._ a effectué de très nombreux appels anonymes au domicile de F._, une amie de la lésée, utilisant différents numéros de téléphone. F._ a relevé 45 appels entre le 15 juillet et le 23 septembre 2012.
Entre avril 2012 et septembre 2012, le prévenu a effectué de nombreux appels téléphoniques anonymes sur les téléphones fixe et mobile de G._, un ami de T._.
2.5
Entre mai 2011 et février 2013, S._, qui a emménagé dans le même quartier que T._ au cours de l'année 2011, a continuellement épié cette dernière, se postant très régulièrement, voire quotidiennement, autour de son immeuble ou près de son lieu de travail, parfois devant sa porte palière, et la suivant lors de ses déplacements y compris chez ses parents et lors de ses diverses activités, à pied ou en voiture.
A quelques reprises au cours de cette même période, le prévenu a également suivi en voiture le père de T._ ainsi qu'un ami de cette dernière, G._.
A titre d'exemple, les 28 et 29 janvier 2012, S._ a suivi T._ durant tout le week-end. Le dimanche, elle s'est rendue au théâtre avec une amie F._ et le compagnon de cette dernière. A la sortie, le prévenu les attendait. Il les a suivis, hélant F._ par son nom de famille à plusieurs reprises jusqu'à ce que le trio entre dans un établissement pour se restaurer. Un quart d'heure plus tard, le prévenu est à son tour entré dans le restaurant et s'est dirigé vers le groupe pour leur parler de manière agressive. Il a notamment déclaré à haute voix que « B._ avait baisé T._ alors que cela faisait deux ans qu'ils étaient ensemble ». Il a en outre précisé qu'il connaissait l'endroit exact où travaillait F._, décrivant les lieux en question. Un peu plus tard, alors que T._ venait de quitter ses amis, le prévenu a rejoint ledit couple dans la rue, les a abordé en les pointant du doigt et, faisant un esclandre, a déclaré qu'il était en train d'écrire un livre sur T._, lequel contiendrait un chapitre concernant F._.
2.6
Fin 2010 ou début 2011, le prévenu a proposé à T._, qui se plaignait de la lenteur de son ordinateur, de le faire réviser par sa société informatique. Avant de le rapporter à cette dernière, le prévenu a gardé une copie de fichiers photos de la lésée. Par la suite, il a notamment imprimé et envoyé lesdites photos aux parents de la jeune femme.
2.7
Fin 2011, S._ a pris contact avec les professeurs de danse et de sophrologie de T._ afin d'essayer d'obtenir le nouveau numéro de téléphone de cette dernière, sans succès.
2.8
Entre janvier 2012 et février 2013, le prévenu a, à maintes reprises, sonné et frappé à la porte de la lésée, selon les périodes plusieurs fois par semaine, et même épisodiquement plusieurs fois par jour, essayant parfois d'ouvrir la porte en appuyant sur la poignée.
2.9
Le 16 février 2011, S._ a envoyé un courriel à une de ses connaissances, D._, et l'a adressé en copie à O._, un collègue de travail de T._ avec qui le prévenu n'avait aucun contact. Dans ce message, il tenait des propos calomnieux à l'encontre de cette dernière, déclarant notamment qu'elle entretenait des relations intimes avec plusieurs hommes mariés.
2.10
Le 17 février 2011, S._ a adressé à la mère de T._ une lettre décousue, dénigrante et calomnieuse, insinuant notamment que sa fille mènerait une vie cachée et dissolue.
Le 22 décembre 2011, en réponse à un courrier du 7 décembre 2011 lui demandant de cesser de l'importuner, S._ a adressé une lettre à la lésée, contenant divers reproches, notamment qu'elle aurait des amants à gauche et à droite. Le prévenu a envoyé une copie de cette lettre au père de cette dernière accompagnée de photos de celle-ci obtenues à l'insu de cette dernière.
Entre décembre 2011 et janvier 2012, le prévenu a téléphoné à plusieurs reprises et longuement au père de T._, lui tenant des propos calomnieux au sujet de sa fille, soit notamment qu'elle l'avait pris pour un « con », qu'elle l'avait grugé, qu'elle possédait divers amants et qu'il allait écrire un livre relatant les nombreux amours de celle-ci.
2.11
Courant 2011, S._ a téléphoné à trois reprises à F._, lui parlant longuement et de manière dénigrante de [...] notamment en déclarant que cette dernière avait des amants et couchait avec n'importe qui.
2.12
Entre octobre et novembre 2011, le prévenu s'est procuré le numéro de téléphone de B._, un ami de T._. Il a envoyé au susnommé 25 sms insultants et calomnieux, le traitant notamment de gigolo et lui reprochant sa relation ─ intime selon l'auteur ─ avec T._. Il n'a cessé d'envoyer des sms jusqu'à ce que l'intéressé change de numéro de téléphone.
2.13
A une date indéterminée entre le 9 et le 13 janvier 2012, S._ a abordé K._, un collègue de travail de T._, et lui a parlé pendant une vingtaine de minutes. Il lui a notamment déclaré qu'il avait eu une liaison amoureuse avec elle, qui s'était mal terminée, puis a parlé d'elle de manière dénigrante, déclarant qu'elle n'était pas sérieuse, qu'elle avait une dizaine de copains « dont cinq à sept actifs ». Il a également parlé de « l'ami mexicain », avec qui la lésée aurait une liaison et a précisé qu'il savait tout, car il travaillait dans l'informatique et avait les moyens d'obtenir des informations par ce biais.
2.14
Fin de l'été 2011, S._ a déposé dans la boîte aux lettres de T._ un courrier à son attention, contenant notamment les propos suivants : « poème ou pas poème, tu mourras. Pourquoi l'ai-je tant aimée ? La mort suivra... ».
2.15
A une date indéterminée en octobre 2011, le prévenu a rejoint T._ qui se trouvait dans la rue et lui a déclaré qu'elle méritait d'être défigurée.
2.16
Le 17 novembre 2011, S._ a abordé T._ qu'il attendait à la sortie de son travail. Après un début de discussion correcte, il lui a demandé « qu'est-ce que tu as dans la tête ? », ajoutant qu'il était déterminé à atteindre ses objectifs, qu'il irait jusqu'au bout, qu'elle devait lui expliquer son arrogance et son mépris, qu'elle et « son » Mexicain méritaient une balle dans la tête, que par son comportement elle l'avait lynché et qu'il n'avait pas peur de faire une année de prison.
2.17
Le 27 novembre 2011, le prévenu a téléphoné à T._ et lui a déclaré à plusieurs reprises qu'il avait eu envie de lui lancer des pierres pour la blesser, mais qu'il ne l'avait pas fait, car il se serait senti minable.
2.18
Le 4 décembre 2011, S._ a suivi T._ jusqu'à la piscine. Bien qu'elle lui ait demandé de la laisser tranquille, le prévenu est entré dans l'établissement et a regardé la jeune femme faire des traversées aussi longtemps qu'elle nageait. Alors qu'elle sortait de la piscine, il lui a déclaré « qu'ils ne trouveraient jamais de solution à l'amiable, qu'elle était une pute, qu'elle faisait tout ça juste pour avoir du sexe avec son cochon mexicain et qu'ils seraient ennemis à tout jamais ».
2.19
Le 6 décembre 2011, le prévenu, qui était posté devant l'immeuble de T._ à l'heure où elle rentrait du travail, lui a déclaré qu'il avait encore de la raison, car en mars il avait failli la tuer ainsi que ses parents mais qu'il n'était pas allé jusqu'au bout.
2.20
Le 10 décembre 2011, suite à un courrier de T._ lui demandant de cesser de l'importuner, S._ a déclaré à cette dernière qu'il n'avait pas peur de la justice, qu'il ne risquait rien et qu'il avait constaté qu'elle fréquentait « dix hommes dont six actifs ».
2.21
Le 16 janvier 2012, le prévenu a suivi T._ en ville et lui a déclaré « tes parents souffrent et ils souffriront encore plus ».
2.22
Depuis le 29 février 2012, S._ a persisté à harceler T._ ainsi que son entourage par sa présence et ses téléphones. Il a ainsi enfreint l'interdiction qui lui avait été faite le 29 février 2012 par la Présidente du Tribunal civil de Lausanne, sous commination de l'article 292 CP et selon convention valant ordonnance de mesures provisionnelles et jugement au fond, de ne plus s'approcher de la plaignante sa vie durant, ni de prendre contact avec elle, sa famille, ses amis ou ses collègues, de quelque manière que ce soit.
2.23
Le 5 avril 2012, S._, qui attendait T._ à la sortie de son travail, lui a demandé « tu es allée te faire baiser ? ». Il a ajouté que le problème ne serait jamais résolu car elle était « une pute ».
2.24
Le 28 juin 2013 et à une autre date indéterminée entre mars et juillet 2013, le prévenu a téléphoné à deux reprises au [...], où travaillait T._. L'atteignant à une reprise, il lui a déclaré « Madame, vous voulez fuir le monde ».
2.25
Entre juillet 2013 et septembre 2013, le prévenu a effectué de nombreux appels téléphoniques anonymes depuis des cabines sur le numéro fixe des parents de la plaignante, à [...], chez qui cette dernière séjournait temporairement avant de repartir à l'étranger.
2.26
Les 22, 23, 25, 26, 28, 31 décembre 2013, 1
er
, 2, 3 et 5 janvier 2014, S._ a effectué au total 82 appels téléphoniques anonymes, depuis différentes cabines, à toutes heures du jour et de la nuit, sur le numéro fixe des parents de T._, à [...], chez qui cette dernière séjournait à nouveau après son retour en Suisse.
2.27
A [...], chemin [...], entre le 30 décembre 2013 et le 4 janvier 2014, le prévenu a une fois circulé très lentement en voiture devant le domicile des parents de T._, où cette dernière se trouvait, et a même stationné son véhicule dans la rue durant un moment de façon à pouvoir épier ses éventuelles allées et venues.
2.28
A Lausanne, rue [...], les 25, 27 et 28 avril 2014, S._ a sonné avec insistance chez la plaignante, durant la nuit, alors qu'il se trouvait en bas de son immeuble.
T._ a déposé plainte pénale les 15 janvier 2012 et 8 janvier 2014 ainsi qu’un complément de plainte le 19 avril 2012. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délai légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de S._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 consid. 3.1).
3.
L'appelant soutient que le premier juge n'aurait pas dû retenir les faits décrits dans la plainte de T._ du 15 janvier 2012, car celle-ci avait été retirée. En effet, il soutient qu’il aurait rempli les conditions posées au retrait de la plainte, si bien que le premier juge aurait dû mettre fin à l’action pénale pour les faits dénoncés.
3.1
Selon l’art. 33 CP, l’ayant droit peut retirer sa plainte tant que le jugement de deuxième instance cantonale n’a pas été prononcé (al. 1). Quiconque a retiré sa plainte ne peut la renouveler (al. 2).
Celui qui retire sa plainte ne peut pas la renouveler, même lorsqu’il a agi sous le coup d’un vice de consentement au sens des art. 23 ss CO. Seule une contrainte ou une tromperie relevant du droit pénal sont de nature à remettre en cause la validité du retrait de plainte (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3
e
éd., Lausanne 2011, n. 2.1 ad art. 33 CP). La jurisprudence admet aussi que le retrait de plainte peut résulter des circonstances. Le retrait de plainte ne supposerait donc pas une déclaration expresse de volonté (ATF 86 IV 145 consid.3). Toutefois, le retrait de plainte doit être sans équivoque (Favre/Pellet/Stoudmann, op. cit., n. 1.2 ad art. 33 CP).
3.2
En l’espèce, le 20 janvier 2012, la plaignante a été entendue par le procureur et a notamment déclaré : «
Je serais disposée à retirer ma plainte à la condition que M. S._ prenne l'engagement à ne plus m'importuner, de quelque manière que ce soit, à l'avenir
. » (PV aud. 1, lignes 19 -23). Elle a ainsi usé du conditionnel en disant qu'elle serait disposée à retirer sa plainte ce qui n'est pas la même chose que de dire, par exemple, «
ma plainte pourra être considérée comme étant retirée si le prévenu prend l'engagement de ne plus me harceler
». En d'autres termes, la plaignante a conservé tous ses droits en envisageant la possibilité d'un retrait de plainte. Il ressort d'ailleurs du dossier d’instruction que lors de la séance au Tribunal civil, T._, pourtant rassurée par l'engagement pris par l'appelant, n’a pas retiré sa plainte pénale. En outre, il ressort encore du dossier que la plaignante a déposé une seconde plainte intitulée « Complément de plainte » (P. 8). Dans l'esprit de la plaignante, il n'y a donc jamais eu retrait de plainte. On voit enfin que, par son conseil, la plaignante a fait savoir, le 15 mars 2012, « que des pourparlers transactionnels sont en cours », ce qui démontre à l'envi que rien n'était réglé au plan pénal. On précisera ici que l'appelant était assisté d'un avocat. A juste titre, l'appelant ne soutient pas que la question du retrait de plainte lui ait échappé lors de l'audience civile là où, forcément, la question du harcèlement et donc de la plainte pénale a été évoquée. En conclusion, l'appelant ne peut pas soutenir que la plainte a valablement été retirée sur la base de l'indication faite au procureur par la plaignante. Ce premier moyen est donc mal fondé. Pour le surplus, si la plainte du 15 janvier 2012 devait être considérée comme retirée, conclusion à laquelle la Cour de céans n’aboutit pas, cela ne supprimerait pas les infractions de menaces, ni d’utilisation abusive d’une installation de télécommunication car celles-ci sont englobés dans la contrainte, qui est un délit poursuivi d'office, comme l’a rappelé justement le premier juge, citant la jurisprudence topique (ATF 129 IV 262, JdT 2005 IV 207 et TF 6B_251/2007 du 7 septembre 2007).
Le moyen doit être rejeté.
4.
L’appelant fait grief au premier juge d’avoir constaté et apprécié de manière erronée plusieurs faits de sa cause.
4.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
La présomption d’innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 consid. 2a ; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 consid. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 consid. 2c ; TF 6B_831/2009 précité, consid. 2.2.2).
L’appréciation des preuves est l’acte par lequel le juge du fond évalue la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. L’appréciation des preuves est dite libre, car le juge peut par exemple attribuer plus de crédit à un témoin, même prévenu dans la même affaire, dont la déclaration va dans un sens, qu’à plusieurs témoins soutenant la thèse inverse; il peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory, in: Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP et les références citées).
4.2
4.2.1
L'appelant s'attaque au complément de plainte déposé par la plaignante le 19 avril 2012. Il soutient l'incohérence des propos de la plaignante qui consisterait, d'une part, à faire état de pourparlers transactionnels en date du 15 mars 2012, tout en se plaignant, d'autre part, d'une reprise d'un comportement harcelant de sa part dès le 11 mars 2012 dans une plainte déposée le 19 avril 2012.
En l’espèce, l'annonce de pourparlers transactionnels a été faite par le conseil de la plaignante. Qu'il y ait eu un certain décalage entre cette annonce au procureur et la réalité quotidienne de la plaignante est parfaitement plausible. Il faut encore observer que T._ n’a pas déposé immédiatement plainte. Elle ne l’a fait que le 19 avril 2012. On peut parfaitement concevoir que la plaignante, qui voulait avant tout retrouver la sérénité, ait attendu quelques jours dans l'espoir, vain, que les choses se calment ─ eu égard à l'engagement récent du plaignant, devant le juge civil, de ne plus prendre contact avec elle sa vie durant était tout récent ─. On ne peut donc pas conclure à l’instar de l’appelant que les déclarations de la plaignante sont mensongères ou d’une incohérence grave. Pour le surplus, l'appelant procède par déduction et affirme des éléments de manière purement gratuite en prêtant à la plaignante des intentions qu'elle n'a pas.
Ce moyen doit donc être rejeté.
4.2.2
L’appelant critique la plainte déposée par la plaignante le 8 janvier 2014. Il soutient que les faits qui lui sont reprochés dans cette plainte sont faux, car il ne pouvait pas être simultanément à son lieu de travail et à [...].
En l’espèce, le premier juge n’a pas entièrement suivi la plainte du 8 janvier 2014, mais il s'est, en revanche, convaincu du fait que l'appelant était bien l'auteur des téléphones anonymes et qu'il s'était déplacé au moins une fois à [...]. De son côté, l'appelant estime qu’aucune preuve ne permettrait d'affirmer qu'il serait l'auteur des appels anonymes reçus par la plaignante et qu'il se serait déplacé à [...]. Il soutient que la localisation de son téléphone portable permettrait de le disculper. Le doute que veut instiller l'appelant n'est pas un doute raisonnable. En effet, on peut tout d'abord relever que la plaignante n'a jamais été importunée par quelqu'un d'autre que l'appelant et que ce dernier a d'ailleurs signé un engagement dans ce sens. On doit ensuite voir que l'appelant, qui se savait faire l'objet d'une enquête pénale, a fort bien pu laisser son téléphone portable sur son lieu de travail ou à son domicile soit pour se fabriquer un alibi, soit pour se protéger en recourant à l'anonymat des cabines téléphoniques, voire les deux. Il n'est pas possible d'imaginer une seule seconde que quelqu'un d'autre ait voulu importuner la plaignante de la même manière
que l'appelant. Enfin, la première plainte contre l’appelant était suffisante pour l’incriminer et l'on se rappelle que la plaignante avait envisagé de retirer sa plainte pour autant que l'appelant la laisse définitivement tranquille. On ne voit dès lors pas pour quelle raison la plaignante inventerait des faits supplémentaires.
Le grief invoqué doit être rejeté.
4.2.3
L’appelant critique le jugement entrepris sur la qualité de sa relation avec la plaignante et les témoignages retenus par le premier juge.
En l’espèce, au lieu de démontrer en quoi l’appréciation des preuves serait inexacte ou incomplète, l’appelant se livre à l'exercice d'opposer une autre version en donnant des explications qu'il n'avait jamais fournies auparavant ou en se forgeant un nouvel alibi. Lorsqu'il s'est agi de qualifier la relation ─ amicale ou amoureuse ─ qui existait entre l'appelant et la plaignante, le premier juge s'est livré à une démonstration convaincante qui repose sur plusieurs témoignages (jgt., p. 31 et 32). Il n'y a rien d'inexact ou d'incomplet dans l'appréciation de ces preuves. Bien que l’appelant n’en fasse pas mention, il figure également au dossier les lettres qu’il a admis avoir écrites qui reprennent les propos dénigrants qui ont été tenus à certains témoins (jgt., p. 34). Les déclarations de la plaignante étant dès lors parfaitement crédibles, il apparaît ainsi hautement vraisemblable que les parties n’ont jamais été amants contrairement à ce qu’affirme l’appelant. Ainsi, au vu de ce qui précède, la réquisition de ce dernier d’entendre les témoins C._ et V._ pour préciser la nature de sa relation avec la plaignante doit être rejetée. Cette réquisition, qui est tardive, n’est en outre ni nécessaire ni pertinente pour juger du harcèlement exercé sur la plaignante et ne répond dès lors pas aux conditions de l’art. 398 CPP.
Mal fondé, le moyen doit être rejeté.
4.2.4
L’appelant conteste s’être rendu devant le domicile de la plaignante le 14 novembre 2012 peu avant son cours de danse pour le motif qu’il aurait passé la soirée chez un ami à regarder un match de football.
L’appelant verse à nouveau dans une discussion libre qui ne repose sur aucun élément du dossier. En l’espèce, la plaignante n’a rien dit d'autre à sa professeure de danse que le fait qu’elle avait à nouveau des problèmes avec son harceleur et qu'elle ne pourrait pas assister à son cours. Ceci n'est pas incompatible avec le fait que l'appelant a visionné plus tard un match de football avec un ami. Ainsi, la réquisition de preuve de l’appelant d’entendre cet ami à ce sujet doit être rejetée, car elle n’est pas une preuve décisive. En effet, celle-ci n’apporterait aucun élément concret et pertinent prouvant que l’appelant n’a pas harcelé la plaignante.
Ce grief est dès lors inconsistant et doit être rejeté.
5.
L’appelant conclut à son acquittement.
5.1
5.1.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1 ; ATF 129 IV 6 consid. 6.1).
5.1.2
Selon l'art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 consid. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 consid. 3.1.2 ; ATF 134 IV 1 consid. 4.2.2).
5.2
En l’espèce, la culpabilité de S._ est lourde. Le prévenu s’est rendu coupable de calomnie, injure, contrainte et insoumission à une décision de l’autorité. Bien qu’ayant un niveau intellectuel et social adéquat pour comprendre la portée de ses actes, il a perduré dans son harcèlement pendant plusieurs mois malgré les enquêtes pénales en cours et une procédure civile au cours de laquelle il s’était engagé, sa vie durant, à ne plus contacter la plaignante de quelque manière que ce soit. Ceci démontre bien que le prévenu n’a pas été réceptif aux menaces d’une éventuelle condamnation et qu’il n’a fait preuve d’aucune prise de conscience. En outre, bien que l’expertise psychiatrique ait relevé la présence d’aspects paranoïaques dans le fonctionnement psychique de l’intéressé, elle a retenu une absence de trouble psychiatrique. La responsabilité de l’appelant est pleine et entière. Le risque de récidive n’est pas négligeable compte tenu de la rigidité de son fonctionnement psychique. Au vu de tous ces éléments et malgré le fait que le prévenu n’ait pas d’antécédents, une peine privative de liberté de 10 mois avec sursis, dont le délai d’épreuve est fixé au maximum légal, réprime adéquatement les agissements de S._. Une peine privative de liberté s’impose en outre pour des motifs de prévention spéciale.
6.
L'appelant a pris des conclusions tendant à l'allocation d'une indemnité de 47'002 fr. 45 fondée sur l'art. 429 CPP.
Etant donné que sa condamnation doit être confirmée, il n'y a pas lieu de lui allouer une indemnité fondée sur cette disposition.
7.
La plaignante a requis, sur la base d’un décompte d’opérations (P. 77), que lui soit allouée une indemnité au sens de l’art. 433 CPP.
7.1
Aux termes de l’art. 433 al. 1 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu’elle obtient gain de cause (let. a) ou si le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l’art. 426 al. 2 (let. b). La partie plaignante adresse ses prétentions à l’autorité pénale et doit les chiffrer et les justifier (al. 2).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la partie plaignante a obtenu gain de cause au sens de cette norme lorsque le prévenu a été condamné et/ou si les prétentions civiles ont été admises. La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d’appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante, à l’exclusion de toutes démarches inutiles ou superflues (TF 6B_965/2013 du 3 décembre 2013 consid. 3.1.1 ; TF 6B_159/2012 du 22 juin 2012 consid. 2.2 et les références citées). Il s'agit en premier lieu des frais d'avocat de la partie plaignante. En d’autres termes, les démarches doivent apparaître nécessaires et adéquates pour la défense du point de vue de la partie plaignante raisonnable (TF 6B_495/2014 du 6 octobre 2014 consid. 2.1 et les références citées).
L'indemnité visée par l'art. 433 al. 1 CPP doit correspondre au tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule et englober la totalité des coûts de défense, de sorte à couvrir l'entier des frais de défense usuels et raisonnables ; lorsqu'un tarif cantonal existe, il doit être pris en considération pour fixer le montant de l'indemnisation. Il sert de guide pour la détermination de ce qu'il faut entendre par frais de défense usuel (TF 6B_561/2014 du 11 septembre 2014 consid. 2.2.1 ; TF 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 consid. 2.3). Tel est le cas dans le canton de Vaud depuis le 1er avril 2014 par l’adoption d’un nouvel art. 26a TFIP (tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale ; RSV 312.03.1), qui énonce les principes applicables à la fixation des indemnités allouées selon les art. 429 ss CPP à raison de l'assistance d'un avocat dans la procédure pénale. Cette disposition prévoit que l'indemnité pour l'activité de l'avocat est fixée en fonction du temps nécessaire à l'exercice raisonnable des droits de procédure, de la nature des opérations effectuées, des difficultés de la cause, des intérêts en cause et de l'expérience de l'avocat (al. 2). Le tarif horaire déterminant – hors TVA – est de 250 fr. au minimum et de 350 fr. au maximum pour l'activité déployée par un avocat. Il est de 160 fr. pour l'activité déployée par un avocat stagiaire (al. 3). Dans les causes particulièrement complexes ou nécessitant des connaissances particulières, le tarif horaire déterminant peut être augmenté jusqu'à 400 fr. (al. 4).
7.2
En l’espèce, les griefs de l’appelant devant tous être rejetés et le jugement entrepris confirmé, la plaignante obtient gain de cause. Elle a produit un décompte des opérations duquel il ressort que la procédure d’appel aurait occasionné une heure d’activité à son conseil, huit heures d’activité à l’avocate-stagiaire de son conseil ainsi qu’une vacation et la durée de l’audience d’appel. C’est une indemnité de 1'782 fr., TVA comprise, correspondant à une heure d’activité au tarif horaire de 250 fr., huit heures d’activité au tarif horaire de 160 fr. et une vacation à 120 fr. qui sera allouée à la plaignante. Celle-ci sera mise à la charge de S._.
8.
En définitive, l’appel de S._ doit être rejeté et le jugement entrepris confirmé.
8.1
Vu l'issue de la cause, les frais de la présente procédure, constitués de l’émolument de jugement, par 2’490 fr., doivent être mis à la charge de S._ (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
69f07290-dfa2-4c32-a165-608da1940c00 | En fait :
A.
Par jugement du 8 mai 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de L’Est vaudois a libéré A._ de l’infraction de mise en danger de la vie d’autrui (I), a constaté qu’il s’est rendu coupable de lésions corporelles simples par négligence et de violation grave des règles de la circulation routière (II), l’a condamné à une peine privative de liberté de 7 mois (III), a suspendu l’exécution de la peine privative de liberté et fixé à A._ un délai d’épreuve de 3 ans (IV), a condamné A._ à une amende de 1'000 fr. et a dit que la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif de l’amende sera de 10 jours (V), a pris acte de la reconnaissance de dette souscrite par A._ en faveur de B.D._ et A.D._ par 2'000 fr. figurant en page 6 du jugement (VI) et a mis les frais de justice, par 1'800 fr., à la charge de A._ (VII).
B.
Par annonce du 9 mai 2014, puis déclaration du 2 juin suivant, A._ a formé appel contre ce jugement, en concluant principalement à ce qu’il est condamné à une peine pécuniaire subsidiairement à une peine privative de liberté réduite assortie du sursis. Subsidiairement, il a conclu à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause en première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Par courrier du 9 juillet 2014, le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois a indiqué qu’il renonçait à intervenir à l’audience d’appel et a conclu au rejet de l’appel avec suite de frais.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A._ est né le 4 juin 1994. Il est ouvrier chez [...] et gagne 3'900 fr. net par mois. Il donne satisfaction à son employeur. Il vit encore chez ses parents à qui il verse 1'000 fr. par mois à titre de participation aux charges. Le prévenu a affirmé devoir en sus assumer un leasing mensuel de 1'200 fr. pour payer une Audi RS5 à son père, car il avait détruit le précédent véhicule de ce dernier. Son casier judiciaire est vierge.
A._ a le permis de conduire depuis août 2012. Il s’est vu retirer son permis à la suite des faits de la présente cause, mais la procédure administrative ouverte à cet effet est suspendue jusqu’à droit connu sur le sort de l’action pénale. L’extrait du fichier ADMAS fait en outre état d’un avertissement, prononcé le 31 août 2011, pour « inobservation des conditions ».
2.
Le 5 janvier 2013, vers 20h15, à [...], sur la route cantonale Saint-Maurice – Lausanne, le prévenu circulait au volant de l’Audi S4 de son père en direction de Montreux. Il suivait une autre Audi dont le conducteur n’a pas été identifié.
Dans l’agglomération de [...], ces deux véhicules se sont retrouvés derrière une troisième voiture conduite par H._. La première Audi a dépassé cette conductrice à très vive allure, soit à une vitesse de l’ordre de 100 à 120 km/h ; au cours de la manœuvre elle a passé à gauche d’un îlot central.
Piqué au vif, et saisi par l’esprit de compétition, le prévenu a à son tour dépassé la voiture de H._ à une vitesse de l’ordre de 80 à 100 km/h et en franchissant le centre de la chaussée, à un endroit où la vitesse est limitée à 50 km/h et où les deux voies de circulation sont séparées par une ligne de sécurité.
Au moment de se rabattre sur la voie de droite, le prévenu a heurté la bordure d’un îlot central. Il a alors perdu la maîtrise de son véhicule, qui a d’abord heurté avec les roues droites le bord de la chaussée, puis est revenu sur la voie de gauche, où une collision frontale s’est produite avec une voiture conduite par A.D._, arrivant normalement en sens inverse.
A.D._ et sa passagère B.D._ ont été blessés et ont déposé plainte. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de A._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
D’un point de vue factuel, l’appelant conteste avoir agi par « esprit de compétition ». Il fait valoir que trois témoins ont confirmé à l’audience de jugement que tel n’était pas le cas. Sa première déclaration, qui affirmait le contraire, avait été fait en état de choc, et avait rapidement été contestée. Influencée par cet élément, la peine serait excessive.
3.1
Le premier juge a préféré la première déclaration, spontanée, du prévenu, à ses versions ultérieures. Il a aussi accordé foi au témoignage de H._, qui avait le sentiment qu’il s’agissait d’une course, et à qui un des jeunes impliqués avait effectivement dit qu’ils avaient été « influencés ».
3.2
En l’espèce, juste après l’accident, la police a entendu les protagonistes de cette affaire. Le prévenu a été entendu quelques heures après les faits dans les locaux de la police (P. 4, p. 6 ; PV aud. 1). Il ne ressort pas du rapport qu’il aurait été blessé dans l’accident ; il ne le prétend d’ailleurs pas, puisqu’il évoque seulement un état de choc. Il a déclaré être apte à suivre cette audition et disposé à répondre aux questions. Il a ensuite tenu les propos suivants : « Cette auto a commencé à me chercher, en accélérant et en freinant à plusieurs reprises. Dès lors, nous avons commencé une course (rodéo) entre nous. » (PV aud. 1, p. 2).
Selon le rapport de police (P. 4, p. 8), H._ a déclaré être allée « au contact des impliqués » après l’accident. Un jeune homme lui a déclaré « qu’ils avaient été influencés ». Selon elle, les deux voitures, qui l’avaient dépassée quasiment au même endroit, « faisaient visiblement la course à vive allure ».
Le passager avant de la voiture conduite par le prévenu, X._, a déclaré que le prévenu circulait normalement – à 80 à 100 km/h tout de même –, qu’il avait été dépassé par deux véhicules et que cela avait eu pour effet de lui faire perdre la maîtrise de sa voiture (P. 4, p. 8).
Le passager arrière, R._, lui, dit n’avoir rien vu, car il était en train d’écrire des sms. Il a seulement pu dire que le prévenu roulait « à vive allure » au moment de l’accident, environ 80 km/h (P. 4, p. 7).
Le 9 avril 2013, l’avocat du prévenu a écrit au Ministère public pour contester ses premières déclarations, émises en état de choc, soit qu’il s’agissait d’un rodéo (P. 8).
Réentendue en cours d’enquête, H._ a expliqué plus clairement les choses : « Un jeune (...), passager de la voiture accidentée, selon ce qu’il m’a dit, m’a raconté, brièvement, qu’ils avaient été entraînés dans une course-poursuite. C’était le sens de ce qu’il me disait.» (PV aud. 2, p. 2). Elle a répété être persuadée qu’il s’agissait d’une course-poursuite.
De son côté, le prévenu, réentendu le 23 octobre 2013 a déclaré que, stressé et choqué lors de sa première audition, il avait dit « un peu n’importe quoi pour en finir » (PV aud. 3, p. 1). Il a ajouté qu’il ne savait pas très bien pourquoi il avait aussi dépassé, à la suite de la première Audi. Il a estimé rouler entre 60 et 70 km/h lors du dépassement. Selon lui, ses passagers ont eu l’impression qu’il roulait plus vite que ce n’était le cas.
R._ et X._ ont été réentendus par le juge de première instance (jgt. p. 8 et 9). Le premier a répété qu’il n’avait rien pu constater, notamment si le prévenu faisait une course ; il a ajouté que l’intéressé était un bon conducteur et conduisait tranquillement dans les limitations de vitesse. Le deuxième a confirmé que le prévenu n’avait pas participé à une course, qu’il avait simplement dépassé la voiture et circulait à une vitesse de 80 à 100 km/h lors du dépassement.
Au vu de ces éléments, l’appréciation du Tribunal de police est bien fondée. Tant le prévenu à la police qu’un de ses passagers à H._ ont affirmé que le prévenu s’était senti provoqué par la première Audi. Rien ne permet de penser que l’état de choc a influencé les explications du premier. Après avoir repris ses esprits, le prévenu s’est mis à minimiser ses actes, comme on peut le constater dans son estimation de sa vitesse, contraire aux déclarations de ses passagers et de H._. Quant aux témoignages de R._ et X._, amis du prévenu, ils ne sont pas entièrement objectifs et donc sujets à caution : le premier a affirmé que le prévenu était un conducteur tranquille respectant les limitations de vitesse, alors qu’on sait que ce n’est pas le cas. De toute façon, sur la question de la course, R._ n’a ni confirmé ni infirmé les déclarations du prévenu : il n’a rien vu dit-il. Quant au témoin X._, sa première version des faits ne correspond pas du tout aux événements décrits par les autres protagonistes. Enfin, on ne voit pas à quel troisième témoin censé avoir confirmé sa version l’appelant fait référence.
En tout état de cause, le prévenu ne prétend pas avoir eu un motif excusant ou expliquant son comportement établi et reconnu (excès de vitesse, dépassement en localité malgré une ligne de sécurité), par exemple une urgence familiale, un danger quelconque, etc. C’est donc bien pour un motif futile, comme l’a retenu le premier juge au moment d’apprécier la peine, qu’il a commis les actes qui lui sont reprochés.
4.
L’appelant conteste la légalité de sa première audition devant la police le jour de l’accident. Selon lui, s’agissant d’un cas de défense obligatoire, au sens de l’art. 130 al. 1 let. b CPP, il aurait dû bénéficier de l’assistance d’un défenseur. Sa première audition ne serait donc pas une preuve exploitable.
4.1
Selon l’art. 130 CPP, le prévenu doit avoir un défenseur lorsque la détention provisoire, y compris la durée de l’arrestation provisoire, a excédé les 10 jours (a) ; lorsqu’il encourt une peine privative de liberté de plus d’un an ou une mesure entraînant une privation de liberté (b) ; en raison de son état physique ou psychique ou pour d’autres motifs, il ne peut pas suffisamment défendre ses intérêts dans la procédure et ses représentants légaux ne sont pas en mesure de le faire (c) ; le ministère public intervient personnellement devant le tribunal de première instance ou la juridiction d’appel (d) ; une procédure simplifiée est mise en œuvre (e).
La défense obligatoire au sens de l’art. 130 let. b CPP est ordonnée lorsque la peine encourue apparaît être d’une certaine gravité. Concrètement, il suffit, pour la direction de la procédure, ou le tribunal, saisi de l’acte d’accusation d’estimer que la peine privative de liberté qui menace concrètement le prévenu puisse dépasser d’une durée d’une année, ou qu’une mesure privative de liberté au sens des articles 59 ss CPP puisse être ordonnée (placement en traitement institutionnel au sens des art. 59-61 CPP ou internement au sens de l’article 64 CP). On se référera en d’autres termes à la peine ou à la mesure raisonnablement envisageable et non à une peine abstraite (Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire, Code de procédure pénale, Bâle 2013, n. 11 ad. art. 130 CPP et les références citées).
Pour déterminer si le prévenu encourt une peine privative de liberté de plus d’un an selon 130 let b CPP, la peine-menace prévue par le CP doit être prise en considération, mais elle ne saurait être l’unique critère. En effet, si elle a l’avantage de pouvoir être connue à un stade initial de la procédure, soit dès que des charges sont notifiées au prévenu, la peine-menace présente « l’inconvénient de s’appliquer à certaines infractions pour lesquelles elle n’est jamais – ou presque – requise dans les faits ». En outre, utiliser le seul critère de la peine-menace aboutirait à une défense obligatoire pour tous les crimes et délits prévus par le CP – même pour ceux qui seraient « relativement légers » comme p. ex. le « petit vol » de 139 al. 1 CP – à l’exception de quelques cas particuliers prévoyant une peine-plafond « d’un an au plus ». Au vu des ces éléments, ce critère doit donc nécessairement être combiné avec la peine raisonnablement envisageable au vu des circonstances concrètes du cas (Harari/Aliberti, in: Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 23 ad art. 130 CPP et les références citées).
4.2
En l’espèce, lors de son audition après l’accident, l’appelant a été entendu par la police comme prévenu de violation des règles de la circulation routière. A ce moment, un cas de défense obligatoire, selon la gravité concrète et non abstraite de la peine encourue, ne pouvait pas être envisagé de la part des policiers. En effet, ces derniers ne disposaient pas d’éléments suffisants pour supposer que le prévenu serait exposé au prononcé d’une peine privative de liberté de plus d’un an. D’ailleurs, au final, la peine prononcée a été inférieure à ce seuil.
5.
L’appelant souhaite être condamné à une peine pécuniaire, subsidiairement à une peine privative de liberté réduite, assortie du sursis.
5.1
Le premier juge a considéré que la culpabilité du prévenu était lourde. Bien que conscient du danger que représentait une manœuvre aussi téméraire pour la santé, voire la vie des autres usagers de la route, parce que, jeune conducteur, il avait dû suivre des cours de prévention routière, le prévenu avait néanmoins agi pour un motif futile, à savoir préserver son amour-propre. Il avait effectivement blessé deux personnes et mis en danger ses propres passagers. A charge, le Tribunal de police a retenu le concours d’infractions. A décharge, il a retenu les excuses exprimées aux plaignants et à ses passagers qui avaient perçu une prise de conscience, et la reconnaissance « sans rechigner » des prétentions civiles en réparation du tort moral. Au moment de choisir le genre de peine, il a considéré que le comportement du prévenu se rapprochait de celui du chauffard punissable, en vertu de l’art. 90 al. 3 LCR, d’une peine privative de liberté d’un an minimum. Il a estimé qu’une sanction de ce type, certes assortie du sursis vu l’absence d’antécédents, s’imposait pour garantir la sécurité publique. Il a ajouté une amende à titre de sanction immédiate.
5.2
La peine pécuniaire constitue la sanction principale dans le domaine de la petite et moyenne criminalité, les peines privatives de liberté ne devant être prononcées que lorsque l’Etat ne peut garantir d’une autre manière la sécurité publique (ATF 134 IV 97 c. 4.2.1 et 4.2.2). Lorsque tant une peine pécuniaire qu’une peine privative de liberté entrent en considération et que toutes les deux apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute commise, il y a en règle générale lieu, conformément au principe de la proportionnalité, d’accorder la priorité à la première, qui porte atteinte au patrimoine de l’intéressé et constitue donc une sanction plus clémente qu’une peine privative de liberté, qui l’atteint dans sa liberté personnelle (ATF 134 IV 97 c. 4.2.2 ; ATF 134 IV 82 c. 4.1, JT 2009 I 554). Le choix de la sanction doit être opéré en tenant compte au premier chef de l’adéquation de la peine, de ses effets sur l’auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention (ATF 134 IV 97 c. 4.2 ; ATF 134 IV 82 c. 4.1).
Conformément à l’art. 42 al. 4 CP, le juge peut prononcer, en plus d’une peine assortie du sursis, une peine pécuniaire sans sursis ou une amende selon l’art. 106 CP. Cette combinaison se justifie lorsque le sursis peut être octroyé, mais que, pour des motifs de prévention spéciale, une sanction ferme accompagnant la sanction avec sursis paraît mieux à même d’attirer l’attention de l’auteur sur le sérieux de la situation tout en lui démontrant ce qui l’attend s’il ne s’amende pas (ATF 134 IV 60 c. 7.3.1 ; Felix Bommer, Die Sanktionen im neuen AT StGB - ein Überblick, in : Revision des Allgemeinen Teils des Strafgesetzbuches, Berne 2007, p. 35). La peine privative de liberté est alors prépondérante, alors que la peine pécuniaire sans sursis ou l'amende est d'importance secondaire. Cette combinaison de peines ne doit toutefois pas conduire à une aggravation de la peine globale ou permettre une peine supplémentaire (TF 6B_61/2010, 27 juillet 2010 c. 5.1 et 5.2 ; ATF 134 IV 53 c. 5.2 ; CCASS, 28 juin 2010, no 260, c. 2.5.1 et la jurisprudence citée). L'art. 42 al. 4 CP donne ainsi la faculté au juge de scinder la peine en deux modes d'exécution différents et/ou en deux genres de peine différents. Pour respecter cette règle, il doit donc d'abord fixer le nombre d'unités pénales conformément à l'art. 47 CP, puis déterminer le genre de peine adéquat, vérifier ensuite les conditions d'application du sursis simple selon l'art. 42 CP et, s'il assortit la peine du sursis et veut y ajouter une peine pécuniaire ferme cumulée selon l'art. 42 al. 4 CP, scinder cette peine en deux parties, l'une assortie du sursis et l'autre ferme (Yvan Jeanneret, Droit des sanctions : le Tribunal fédéral souffle le chaud et le froid, in Revue pénale suisse, 126/2008, p. 283 ; André Kuhn, in : Roth/Moreillon [éd.], Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, n. 25 ad art. 42 CP, p. 440).
La peine pécuniaire ferme additionnelle, respectivement l'amende, contribue à accroître le potentiel coercitif relativement faible de la peine principale avec sursis, dans une optique de prévention générale et spéciale. Il s'agit d'une forme d'admonition à l'adresse du condamné afin d'attirer son attention sur le sérieux de la situation tout en lui démontrant ce qui l'attend s'il ne s'amende pas
(ATF 134 IV 60 c. 7.3.1 ; Felix Bommer, op. cit., p. 35). La combinaison prévue à l'art. 42 al. 4 CP constitue un "
sursis qualitativement partiel
" (ATF 134 IV 1 c. 4.5.2). Enfin, si une peine combinée est justifiée, les deux sanctions considérées ensemble doivent correspondre à la gravité de la faute au sens de l'art. 47 CP (TF 6B_61/2010, 27 juillet 2010 c. 5.1 et 5.2 ; ATF 134 IV 53 c. 5.2 ; CCASS, 28 juin 2010, no 260, c. 2.5.1 et la jurisprudence citée).
Dans l’arrêt ATF 134 IV 82 c. 8, JT 2009 I 554 précité, le Tribunal fédéral a cependant estimé que, lorsqu’en raison d’un concours imparfait, un délit absorbe une contravention, il y a lieu d’ajouter une amende à la peine principale assorti du sursis, pour éviter que l’auteur du délit ne soit finalement moins sévèrement sanctionné que l’auteur d’une contravention.
5.3
En l’espèce, A._ ne conteste pas les infractions retenues contre lui. Sa culpabilité n’est pas négligeable au vu du témoignage de H._ et en l’absence de raison objective justifiant son comportement. Toutefois, on peut ajouter, comme élément à décharge, son jeune âge, ce dernier n’ayant que 18 ans au moment des faits. Il semble qu’on puisse retenir aussi directement une prise de conscience, même si le prévenu tergiverse encore sur les faits. Enfin, on notera que l’intéressé est bien inséré socialement, travaille et donne satisfaction à son employeur au point, dit le témoin W._ entendu par le Tribunal de police, qu’il a renoncé à licencier l’appelant alors que la possession d’un permis de conduire est essentielle.
Compte tenu de l’absence d’antécédents, c’est une peine de 210 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 50 fr., qui doit être prononcée et non une peine privative de liberté de 7 mois, faute de motifs de prévention spéciale justifiant ce type de sanction.
Pour le surplus, le sursis octroyé à l’appelant ainsi que le délai d’épreuve fixé à 3 ans et l’amende de 1'000 fr. sont confirmés. En effet, tant le principe de l’octroi du sursis que de la double peine sont conformes aux règles légales et doivent être maintenus.
6.
En définitive, l’appel de A._ doit être partiellement admis et le jugement entrepris réformé dans le sens des considérants qui précèdent.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, constitués du seul émolument de jugement, par 1'610 fr., doivent être mis par moitié à la charge de A._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6a61e2a3-37cc-4320-9241-18b793dc2225 | En fait :
A
. Par jugement du 10 septembre 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a constaté que D._ s’était rendu coupable de lésions corporelles simples, injures, violence ou menace contre les autorité et les fonctionnaires et infraction à la loi fédérale sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 90 (nonante) jours (II), a ordonné la confiscation et la destruction du couteau papillon séquestré (III) et a mis à sa charge une participation aux frais de la cause, arrêtée à 1'200 fr., le solde étant laissé à la charge de l’Etat (IV).
B.
Le 20 septembre 2013, D._ a formé appel contre ce jugement. Dans sa déclaration d’appel du 22 octobre 2013, il demande « de bien vouloir reconsidérer le jugement prononcé » à son encontre, soutenant notamment qu’aucune circonstance atténuante n’avait été prise en compte.
Dans le délai imparti pour compléter son mémoire, l’appelant a demandé que soit prononcée à son encontre une peine plus clémente au motif qu’un des plaignants avait retiré sa plainte. S’agissant des circonstances atténuantes, il a rappelé le contexte qui l’avait amené à être énervé lors de chacun des événements (entre autres, train rempli de militaires agités et retard ferroviaire en raison de chutes de neiges pour le 11 novembre 2012 ; froid et envie de rentrer chez lui pour le 25 novembre 2012).
Dans son courrier du 14 novembre 2013, le Ministère public de l’arrondissement de La Côte a indiqué s’en remettre à justice s’agissant de la recevabilité de l’appel et n’a pas déposé d’appel joint.
Dans son écriture du 28 novembre 2013, D._ a exprimé des regrets concernant ses comportements, expliquant qu’il s’agissait « d’affreux malentendus ». Il a produit la lettre d’excuse qu’il avait envoyée à N._, le 24 novembre 2013. Par lettre du 7 janvier 2014, D._ a rapporté qu’il avait commis des erreurs par le passé, mais qu’il ne comprenait pas pourquoi il devait être condamné sur la base de ses antécédents.
Le 23 janvier 2014, le Ministère public a indiqué renoncer à déposer des conclusions sur l’appel de D._.
Conformément à sa demande du 28 janvier 2014, N._ a été dispensé de comparaître personnellement à l’audience du 18 février 2014.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
D._, originaire de [...], sans profession, est né le 9 avril 1973, à Lausanne. Au terme de sa scolarité effectuée à Lausanne, il a entrepris un apprentissage de maçon et obtenu un CFC. Il n’a toutefois pas pu travailler dans sa profession en raison de la découverte d’une maladie dégénérative de toutes les articulations. Il a constitué un dossier en vue d’obtenir une rente de l’assurance-invalidité (AI) ou pour une reconversion professionnelle. Il bénéficie des prestations du revenu d’insertion (RI) et touche à ce titre 1'100 fr. par mois, son loyer étant pris en charge par les services sociaux. Il fait du bénévolat auprès du Centre de bénévolat de [...] à raison de deux jours par semaine. Il est père de deux filles âgées de cinq et dix ans qui vivent avec leur mère, à [...] ; il les voit régulièrement.
Son casier judiciaire fait état des condamnations suivantes :
-
le 29 juillet 1998, par le Tribunal correctionnel de Lausanne, à une peine d’emprisonnement de 22 mois, sous déduction de 295 jours de détention provisoire, pour vol, crime et contravention à la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup, RS 812.121), utilisation sans droit d’un cycle ou cyclomoteur et pour avoir circulé sans permis de conduire ;
-
le 22 juillet 2004, par le Ministère public du canton de Genève, à une peine d’emprisonnement de 20 jours, avec sursis pendant deux ans, et à une amende de 500 fr., pour non restitution de permis et/ou plaques de contrôle, avoir circulé sans assurance-responsabilité civile et avoir circulé sans permis de conduire, et pour contravention à l’ordonnance fédérale du 3 novembre 1962 sur la circulation routière (OCR, RS 741.11) ;
-
le 17 mars 2008, par la Préfecture de Lausanne, à une peine pécuniaire de 10 jours-amende à 50 fr., avec sursis pendant deux ans, et à une amende de 400 fr. pour délit contre la loi fédérale du 20 juin 1997 sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions (LArm, RS 514.54) ;
-
le 4 janvier 2010, par le Juge d’instruction de Lausanne, à une peine privative de liberté de 90 jours, sous déduction de 9 jours de détention provisoire, pour lésions corporelles simples, injure, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, opposition aux actes de l’autorité et contravention à la LStup, peine d’ensemble avec le jugement du 17 mars 2008.
2.
2.1
A [...], à la Place de la Gare, le 17 octobre 2012, vers 17h30, D._ a été interpellé par la police alors qu’il était en possession d’un couteau papillon, dont l’acquisition est interdite.
2.2
A [...], à la gare du train Morges-Bière-Cossonay (MBC), le 11 novembre 2012, vers 22h40, alors que le train rencontrait un problème technique, D._ a poussé, à trois reprises, et a empoigné R._, chef du service d’exploitation des chemins de fer suisses (CFF), tout en l’injuriant. N._, militaire, s’est interposé pour calmer le prévenu. Ce dernier lui a alors donné un coup de tête au niveau du visage, le traitant notamment de « sale albanais » et de « fils de pute ». Selon le constat établi par le service médical de la place d’armes de Bière, N._ a souffert d’une contusion nasale avec épistaxis post-traumatique. Il a déposé plainte contre D._ le même jour.
Il ressort en outre des déclarations de R._ à la police que le prévenu était alcoolisé.
2.3
A [...], à l’arrêt de [...] du train MBC, le 25 novembre 2012, vers 01h10, D._ a empoigné K._, agent de sécurité de l’entreprise [...] chargé d’assurer la sécurité dans les trains, par la veste au niveau du cou et l’a menacé à plusieurs reprises, lui disant qu’il n’avait pas fini avec lui et qu’il allait voir ce qui l’attendait. Le comportement de D._ faisait suite au fait que l’agent de sécurité et la collègue de celui-ci lui avaient refusé l’accès au train pour le motif qu’il était sans titre de transport valable. K._ a déposé plainte contre D._ le même jour.
Il ressort notamment des déclarations de [...], collègue de l’agent de sécurité, que le prévenu paraissait sous l’influence de l’alcool.
3.
Le 4 mars 2013, K._ a retiré sa plainte contre D._ suite au versement par le prévenu d’un montant à une œuvre de bienfaisance.
Par ordonnance pénale du 23 avril 2013, le Ministère public de l’arrondissement de La Côte a condamné D._ pour lésions corporelles simples, injure, violence et menace contre les autorités et les fonctionnaires et infraction à la LArm, à une peine privative de liberté ferme de 180 jours. L’intéressé a formé opposition à l’ordonnance pénale précitée.
4.
Devant le Tribunal de police, le prévenu a contesté avoir menacé K._. Pour le reste, il n’a pas contesté les faits tels qu’ils ressortaient de l’ordonnance pénale du 23 avril 2013, en particulier pour les événements du 11 novembre 2012 au sujet desquels il avait admis qu’il n’aurait pas dû agir comme il l’avait fait (cf. jgt., p. 6).
Appréciant la culpabilité de D._, le Tribunal de police a tenu la faute commise pour non négligeable, dans la mesure où le prévenu savait parfaitement qu’au moment où il était pris de boisson, il ne se contrôlait plus et qu’il avait été condamné précédemment pour des faits similaires. Il a retenu à sa décharge le fait qu’il avait donné suite aux conditions de retrait de plainte posées par K._ et qu’il avait exprimé des regrets. Les premiers juges ont ainsi considéré qu’une légère peine privative de liberté se justifiait. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
Durant l’audience du 18 février 2014, l’appelant a contesté avoir empoigné K._ et l’avoir menacé à plusieurs reprises. Il a expliqué s’être accroché à lui pour ne pas tomber du train et il a indiqué ne pas se souvenir du reste.
3.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). La présomption d'innocence, garantie par l’art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-ci (ATF 127 I 38 c. 2a ; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes ; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c ; TF 6B_831/2009 précité c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a ; TF 6B_18/2011 du 6 septembre 2011 c. 2.1). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
3.2
En l'espèce, il convient en premier lieu de relever que la contestation des faits émise par l’appelant est fluctuante, celui-ci ayant réfuté des faits qu’il avait admis pour finalement admettre ce qu’il avait contesté. En particulier, on relèvera qu’il avait déclaré à la Procureure, le 13 mai 2013, qu’il n’avait pas empoigné R._ ; devant le Tribunal de police, D._ a ensuite admis qu’il n’aurait pas dû agir comme il l’avait fait le 11 novembre 2012.
On distinguera dès lors les déclarations de l’appelant concernant les menaces proférées à l’encontre de K._ et celles relatives au fait de l’avoir « empoigné » en date du 25 novembre 2012. Pour ce qui est des menaces telles que rapportées par l’agent de sécurité, à savoir les propos du prévenu selon lesquels il n’avait pas fini avec lui et qu’il allait voir ce qui l’attendait, il ressort de l’audition du 11 décembre 2013 par la police que D._ a admis avoir peut-être menacé et injurié l’agent alors qu’ils s’étaient trouvés tous deux sur le quai, précisant que ce n’était que des paroles en l’air. Devant la Procureure le 13 mai 2013, il a admis avoir tenus de tels propos, expliquant qu’ils résultaient de la situation. Si, pour lui, il ne s’agissait que de « paroles en l’air » – comme il l’avait indiqué à la police –, il n’en demeure pas moins que ses paroles étaient graves et qu’elles ne pouvaient pas être prises à la légère par K._ au vu des événements du 25 novembre 2012, notamment de l’agressivité de l’appelant qui avait tenté de forcer l’entrée du train, malgré le refus des deux agents de sécurité. On doit par conséquent retenir que l’appelant a effectivement proféré des menaces à l’encontre de K._ et que ses dénégations devant la Cour de céans ne sont pas crédibles. De plus, ses déclarations selon lesquelles il n’aurait pas empoigné, mais tiré K._ pour ne pas tomber du train, ne sont pas plus vraisemblables. En effet, D._ a d’abord rapporté à la police avoir été poussé hors du train par les agents de sécurité et s’être agrippé à eux dans sa perte d’équilibre ; il a ensuite précisé à la Procureure qu’il avait tiré K._ sur le quai. En outre, devant le juge de première instance, il n’a contesté qu’avoir menacé l’agent [...], sans remettre en question le fait de l’avoir empoigné. Vu le changement régulier, non convaincant, des explications données par l’appelant, les faits doivent être retenus sur la base des déclarations de K._, soit que le prévenu l’avait empoigné, étant précisé que l’agent de sécurité a retiré sa plainte, ce qui témoigne du fait qu’il n’en voulait pas particulièrement à D._.
Dès lors, l’appréciation des faits retenue par le jugement du Tribunal de police du 10 septembre 2013 ne prête pas le flanc à la critique.
4.
L’appelant conteste ensuite la quotité de la peine, qu’il estime trop sévère et fait valoir des circonstances atténuantes, telles que notamment les regrets qu’il a exprimés, ainsi que les excuses qu’il a présentées.
4.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1 ; ATF 134 IV 17 c. 2.1 ; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
S’agissant des sanctions, il résulte du principe de la proportionnalité qu’il y a en règle générale lieu, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute, de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement qui le touche le moins durement. La peine pécuniaire et le travail d'intérêt général représentent des atteintes moins importantes et constituent ainsi des peines plus clémentes. Pour choisir la nature de la peine, le juge doit prendre en considération l'opportunité de la sanction déterminée, ses effets sur l'auteur et son milieu social, ainsi que son efficacité préventive (TF 6B_546/2013 du 23 août 2013 c. 1.1 ; TF 6B_102/2012 du 22 juin 2012 c. 2.1 ; ATF 134 IV 97 c. 4). Selon l'art. 41 al. 1 CP, le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l'exécution de la peine (art. 42 CP) ne sont pas réunies et s'il y a lieu d'admettre que ni une peine pécuniaire (art. 34 CP), ni un travail d'intérêt général (art. 37 CP) ne peuvent être exécutés. Le juge doit motiver le choix de la courte peine privative de liberté ferme de manière circonstanciée. Il ne lui suffit pas d'expliquer pourquoi une peine privative de liberté ferme semble adéquate, mais il devra également mentionner clairement en quoi les conditions du sursis ne sont pas réunies, en quoi il y a lieu d'admettre que la peine pécuniaire et la peine de travail d’intérêt général ne paraissent pas exécutables (TF 6B_599/2011 du 16 mars 2012 c. 3.1 in fine et les références citées). Une peine pécuniaire peut être exclue pour des motifs de prévention spéciale (TF 6B_128/2011 du 14 juin 2011, c. 3.4) ou parce qu'elle prive le prévenu du nécessaire, voire de l'indispensable ; une peine de travail d’intérêt général entre en considération non seulement si le condamné a donné son accord, mais également s’il est apte et capable d’effectuer le travail d’intérêt général (ATF 134 IV 97 c. 5.2.3).
4.2
En l’espèce, D._ s’est rendu coupable de lésions corporelles simples, injures, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires et infraction à la LArm. Contrairement à ce que semble penser l’appelant, le retrait de plainte de K._ ne met pas fin à la poursuite pénale. En effet, employé de [...] dans les trains CFF, ce dernier est un fonctionnaire au sens de l’art. 285 CP (cf. art. 285 ch. 1 par. 2 CP et art. 2 LOST [Loi fédérale du 18 juin 2010 sur les organes de sécurité des entreprises de transports publics ; RS 745.2]). L’infraction commise à son encontre se poursuit ainsi d’office. Il en est de même des actes commis à l’encontre de R._, chef d’exploitation de trains CFF.
La culpabilité de D._ est lourde. Les biens juridiques touchés – notamment l’intégrité physique, le bon fonctionnement des autorités publiques et la sécurité publique – par les diverses infractions commises entrant en concours sont importants. Les actes reprochés à l’appelant sont objectivement graves. Celui-ci n’a pas hésité à s’en prendre de manière virulente et injustifiée à des agents des chemins de fer, qui ne faisaient que leur travail. Tout usager peut à l’évidence être agacé par le fait qu’un train ait du retard ou ne s’arrête pas à un arrêt ; il n’est pas pour autant habilité à s’en prendre physiquement, par énervement, au chef du service d’exploitation (événements du 11 novembre 2012). Tout usager est également tenu d’être en possession d’un titre de transport valable et d’avoir un comportement convenable dans les transports publics ; rien ne justifie qu’il s’attaque à un agent de sécurité qui l’empêche de prendre le train et force l’entrée, qui plus est lorsqu’il n’a pas de titre de transport valable (événements du 25 novembre 2012). L’agression de N._, quant à elle, est gratuite, d’une violence certaine et disproportionnée, compte tenu du fait que le miliaire ne s’était interposé que pour ramener le calme. Les mobiles du prévenu apparaissent ainsi futiles, sans aucun lien avec la gravité des infractions perpétrées. En outre, l’appelant n’a pas l’air d’avoir pris conscience de la gravité de ses actes, ni du fait que lorsqu’il boit, il n’arrive pas à se contrôler et gérer sa frustration. Même s’il a reconnu une partie des faits et qu’il s’est excusé, il n’a cessé de mettre la faute de son comportement sur autrui ou sur les circonstances. Selon lui, N._ n’avait pas à se mêler d’une affaire qui ne le concernait pas ; il était également bien normal de s’énerver lorsqu’on ne peut pas rentrer dormir chez soi. Ses justifications ainsi que sa contestation des faits aux divers stades de la procédure tempèrent quelque peu les regrets qu’il a exprimés, tendant même à démontrer qu’il ne se rend pas compte de la portée et des conséquences de ses actes. En outre, l’appelant demande qu’on le juge pour ses actes et non pour ses antécédents judicaires. A cet égard, la loi impose de tenir compte de ceux-ci dans le cadre de la détermination de la culpabilité. On relèvera en particulier que l’intéressé a été condamné pour des infractions similaires en 2010. Compte tenu des éléments qui viennent d’être exposés, on ne saurait admettre une quelconque circonstance atténuante au sens de l’art. 48 CP.
Ainsi, à charge, il convient de retenir la gravité objective des actes commis, le concours des infractions, les mobiles futiles, les antécédents judiciaires pour des mêmes infractions, ainsi que le fait que l’appelant sait qu’il ne se contrôle pas lorsqu’il est pris de boisson. A sa décharge, on peut tenir compte des excuses présentées, du fait qu’il a donné suite aux conditions de retrait de plainte de K._ et des regrets exprimés.
S’agissant du sursis, le pronostic ne peut être que défavorable. Le prévenu a déjà été condamné pour des infractions semblables, sans que cela ne l’empêche de récidiver (cf. sa condamnation du 4 janvier 2010 à une courte peine privative de liberté). Il a certes présenté des excuses et rempli les conditions posées au retrait de plainte de K._. Toutefois, il a continuellement justifié ses actes par les circonstances extérieures ou en rejetant la faute sur autrui. Cela démontre qu’il n’a pas réellement pris la mesure de ses actes, ni tiré de leçons de ses précédentes condamnations. Une peine ferme est dès lors nécessaire pour le détourner d’autres crimes ou délits. En l’occurrence, ni une peine pécuniaire ferme ni un travail d’intérêt général ferme ne peuvent être prononcés. En effet, les condamnations antérieures à des peines pécuniaires et des peines privatives de liberté n’ont pas eu d’effets sur le prévenu de sorte qu’il faut admettre que ces peines, moins sévères que la peine privative de liberté, ne pourront pas être exécutées. Partant, seule une courte peine privative de liberté peut être ordonnée, conformément à l’art. 41 al. 1 CP.
Au vu de ce qui précède, la peine privative de liberté de 90 jours prononcée le premier juge est correctement mesurée et doit être confirmée.
5.
En définitive, l’appel de D._ est rejeté et le jugement rendu le 10 septembre 2013 par le Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte est confirmé.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, comprenant l’émolument du jugement, par 1'610 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), sont mis à la charge de l’appelant (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6a8aede2-cc77-4cd4-a05a-6ce8ae637660 | En fait :
A.
Par jugement du 13 janvier 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est vaudois a condamné A.G._ pour tentative de meurtre et enlèvement d’enfants à une peine privative de liberté de 3.5 ans, peine complémentaire à celle prononcée le 9 août 2008 par le Juge d'instruction N. 2 de Granollers (I), l’a maintenu en détention pour des motifs de sûreté (II), a dit qu’il était débiteur de B.G._ et lui devait les sommes de 3’118 fr. 55, avec intérêt à 5% l’an dès le 30 juin 2010, à titre de dommages-intérêts, 15’000 fr., avec intérêt à 5% l’an dès le 30 juin 2010 à titre de tort moral et a donné acte de ses réserves civiles à B.G._ pour le surplus (III), a mis les frais de la cause, par 46’546 fr. 55 à la charge de A.G._ et laissé le solde à la charge de l’Etat dont l’indemnité due au défenseur d’office de B.G._ (IV).
B.
En temps utile, A.G._ a déposé une annonce, puis une déclaration d’appel. Il a conclu principalement à sa libération des infractions de tentative de meurtre et enlèvement de mineur, à sa libération immédiate et à ce qu’il soit donné acte de ses réserves civiles à B.G._ pour ses prétentions civiles, subsidiairement à sa libération des infractions de tentative de meurtre et enlèvement de mineur, à ce qu’il soit reconnu coupable de mise en danger de la vie d’autrui, à sa condamnation à une peine privative de liberté fixée à dire de justice, peine complémentaire à celle prononcée le 9 août 2008 par le Juge d’instruction N. 2 de Granollers, sous déduction de la détention extraditionnelle et provisoire subie, à ce que sa libération immédiate soit ordonnée et à ce qu’il soit donné acte de ses réserves civiles à B.G._ pour ses prétentions civiles.
Le Ministère public a conclu au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement de première instance.
Par décision du 30 mars 2012, la présidente a refusé de donner suite à la demande de dispense de comparution personnelle de B.G._ adressée le 26 mars 2012. B.G._ n’a déposé ni demande de non-entrée en matière, ni appel joint. Elle a conclu au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement de première instance.
Le 19 mars 2012, A.G._ a demandé sa mise en liberté provisoire, demande qui a été rejetée par décision du 22 mars 2012.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A.G._ est né en 1940 au Chili. Il est le deuxième d’une fratrie de six. Il a été élevé dans son pays par ses parents. En 1977, il a émigré, d’abord vers l’Italie puis la Suisse, en raison de la situation politique. Ayant travaillé dans le domaine de l’électricité, il a cessé toute activité depuis 1998 pour des raisons de santé. Il a été marié une première fois au Chili et a eu trois enfants. Il a encore eu quatre enfants d’un second mariage. Le 8 avril 1999, il a été condamné par le Tribunal correctionnel du district d’Aubonne pour mise en danger de la vie d’autrui, menaces et voies de fait, pour avoir notamment tenté d’étrangler et menacé avec un couteau sa seconde épouse. En novembre 2004, il s’est marié pour la troisième fois, avec l'intimée, B.G._, née en 1971. Le couple a un enfant, C.G._, né le [...] 2007.
2.
L’extrait du casier judiciaire suisse de A.G._ est aujourd’hui vierge, le jugement du 8 avril 1999 ayant été radié. A.G._ a été condamné le 9 août 2008 par la justice espagnole à une peine privative de liberté de seize mois pour conduite mettant la vie d’autrui en danger à la suite d’un accident de la circulation routière survenu peu après les faits faisant l’objet de la présente procédure.
A.G._ a été extradé vers la Suisse par l’Espagne, après avoir purgé sa peine, le 4 février 2010. Il a en outre été détenu extraditionnellement du 8 août au 29 octobre 2008, soit durant 83 jours. Il est détenu provisoirement en Suisse depuis le 4 février 2010.
3.
Le 3 août 2008, en début d'après-midi, B.G._ s'occupait de son fils malade dans la chambre de celui-ci quand A.G._ est survenu en lui disant : « qu'est-ce qu'il y a encore sale connasse! ». B.G._ lui a alors demandé de ne pas l'insulter. En réaction, A.G._ a tiré son épouse par le t-shirt, puis l'a poussée sur le lit, où se trouvait C.G._, avant de la saisir par les cheveux et de la projeter au sol. B.G._ s'est retrouvée dos à terre. A.G._ s'est immédiatement positionné sur elle. Il l'a maintenue au sol en appuyant ses genoux sur les cuisses de B.G._. Il a posé ses deux mains autour du cou de son épouse et a serré fortement. Au bout d'un certain temps, un voile noir a passé devant les yeux de la victime; B.G._ avait le sentiment que c'était la fin. Tandis que B.G._ était en train de suffoquer, A.G._ a dit à cette dernière : « regarde-moi, c'est ton dernier jour ! ». Elle a essayé de le repousser mais n'y arrivait plus. Elle se sentait « partir ». Comme elle voulait garder en mémoire l'image de son fils avant de mourir, elle a tendu sa main vers C.G._. A ce moment-là, A.G._ a lâché prise. Il s'est levé et a pris son fils qu'il a porté jusqu'à la cuisine. B.G._ s'est traînée vers la cuisine puis ayant retrouvé des forces, elle a finalement réussi à se relever. A sa vue, A.G._ a sorti un couteau et s'est dirigé vers elle. B.G._ s'est réfugiée dans la chambre de leur fils et est montée sur le lit. A.G._, tenant le petit dans ses bras, a aussitôt tenté de porter des coups à son épouse de haut en bas au moyen de l'arme blanche. Celle-ci a réussi à les esquiver en sautant d'un côté à l'autre du lit. Elle l'a imploré ainsi : « s'il te plaît, ne me tue pas devant mon petit ». A.G._ lui a alors répondu en riant : « t'as peur de la mort ? Tu vas voir maintenant ce que c'est la mort. C'est la fin! ». Il est ensuite retourné à la cuisine. B.G._ en a profité pour quitter l'appartement et chercher de l'aide auprès des voisins. Quand elle est revenue, A.G._ avait fui avec son fils sans prendre aucune affaire de l'enfant, en particulier son passeport.
Le prévenu s'est rendu en Espagne avec l'enfant, sans en aviser la mère. Il a eu un accident de voiture pour lequel il a été condamné par la justice espagnole. L'enfant a été rendu à sa mère par le service de la protection de la jeunesse.
4.
L’institut universitaire de médecine légale (ci-après: IUML) a examiné la plaignante le 3 août 2008 (P. 37). Il a noté divers érythèmes avec dermabrasions au niveau du cou, notamment quatre parallèles de 7, 8, 12 et 9 cm de long sur 0.5, 0.5, 0.5 et 0.6 cm de large, ainsi que des ecchymoses sur les hanche et cuisse droites et l’aine gauche. Par ailleurs, il a relevé que les symptômes décrits étaient typiques des tentatives de strangulation. Il est arrivé à la conclusion qu’ « au vu des signes objectifs et subjectifs relevés lors de [son] examen, [il pouvait] admettre une mise en danger de la vie » et que « les lésions constatées ont pu se produire selon le mécanisme et au moment évoqués par l’intéressée ».
5.
Le prévenu a été soumis à une expertise psychiatrique (P. 111). L’expert, faute de disposer de renseignements complets, le prévenu ayant refusé de collaborer, a considéré dans un premier temps que celui-ci ne présentait aucun trouble mental avéré et avait donc une responsabilité pénale entière. Il a toutefois relevé, dans l’aménagement du caractère, une grande impulsivité et une immaturité affective, un profil manipulateur et dissimulateur. Il a estimé qu’il existait un risque de récidive d’actes violents à l’égard des proches lors de moments de conflits ou de possibles ruptures sentimentales. Le prévenu ayant changé d’avis au sujet d’une collaboration avec l’expert, celui-ci a déposé un rapport complémentaire (P. 135). Il a posé le diagnostic de « trouble de la personnalité émotionnellement labile, type impulsif ». Il a estimé que la faculté du prévenu d’apprécier le caractère illicite de ses actes était conservée, mais que la faculté de se déterminer d’après cette appréciation était limitée. Il y avait ainsi une diminution « modérée » de la responsabilité pénale. Il a confirmé ses précédentes conclusions s’agissant du risque de récidive. Aux débats devant les premiers juges, l’expert a précisé que par « modéré », il entendait une réduction de responsabilité « entre léger et moyen ». | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les forme et délais légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
1.2
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.
L’appelant se plaint de l’établissement des faits et invoque une violation de la présomption d’innocence.
2.1
2.1.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
2.1.2
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). La présomption d'innocence, également garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU, 6 par. 2 CEDH et 32 al. 1 Cst., ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (TF 6B_91/2011 du 26 avril 2011 c. 3.2; ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38, c. 2a). Un faisceau d'indices peut toutefois suffire (Piquerez/Macaluso, Procédure pénale suisse, 3
ème
éd., 2011, n. 574).
2.2
L’appelant fait valoir que les premiers juges se sont fondés uniquement sur les dernières déclarations de la plaignante. Or, celles-ci auraient évolué au fil du temps, dans le sens d’une aggravation. De l’avis de l’appelant, rien ne justifiait que le Tribunal retienne ces déclarations plutôt que les premières ou celles du prévenu, qui excluaient toute intention homicide, les éléments objectifs du dossier ne permettant pas de retenir une telle intention.
2.2.1
Le Tribunal correctionnel a retenu les faits tels que décrits initialement par la plaignante et repris par l’acte d’accusation. Il a considéré que la plaignante n’avait pas varié dans ses explications, que les quelques contradictions apparues étaient explicables par l’écoulement du temps et l’émotion, que les violences étaient corroborées par les constatations médico-légales, que de son côté le prévenu avait eu un comportement aberrant après les événements litigieux et fourni des explications diverses et peu crédibles au sujet de son départ à l’étranger.
2.2.2
A sa première audition, le 3 août 2008 (PV aud. 1), la plaignante a fait le récit retenu plus haut.
B.G._ a également signalé deux incidents survenus avant les faits du 3 août 2008 qui donnent à penser que le prévenu avait l’intention de tuer sa famille avant de se suicider.
Le premier incident concernait des propos tenus par A.G._, la veille de l'agression. En faisant des gestes indescriptibles au dessus de la tête d'C.G._, il a dit : « tu sais chouchou, je te promets, avant que je ne parte, tu pars avec moi ». B.G._, en pleurs, lui a demandé pourquoi il disait des choses pareilles. Il lui a alors répondu : « je sais à quel point tu aimes ton fils et je ne veux pas que tu connaisses le bonheur. Je vais donc faire en sorte que tu ne soies jamais plus heureuse et que tu perdes le sourire ».
Le deuxième incident s'était produit quelques mois avant l'agression, alors que A.G._, B.G._ et C.G._ étaient les trois en voiture. A.G._, au volant, a commencé à conduire comme un fou à grande vitesse. B.G._ avait l'impression qu'il voulait causer un accident et il lui a dit : « tu vois? On est les trois, maintenant on peut tous partir ensemble ! ».
Lors de la deuxième audition, le 13 août 2008 (PV aud. 2), l’intimée a décrit les événements de la même manière bien que résumée.
Le 19 août 2008 (PV aud. 3), elle a répété le même récit, en précisant que son mari avait donné quatre à cinq coups de couteau de haut en bas.
Le 10 février 2010 (PV aud. 8), B.G._ a précisé qu’en essayant de la frapper avec le couteau, le prévenu avait déclaré: « chérie tu vois la mort ça fait peur ». Elle a par ailleurs confirmé ses déclarations précédentes.
Aux débats de première instance la plaignante a expliqué que lorsqu’elle était au sol, le prévenu s’était placé sur elle, les pieds sur ses épaules et les mains autour du cou, qu’il lui avait alors dit « c’est ta fin, tu vas mourir, vous les femmes vous êtes d’une race minable ». Elle a également indiqué que lorsque A.G._ essayait de la frapper avec le couteau, il lui avait dit « t’as vu la mort, t’as senti la mort et maintenant tu vas savoir ». Elle a également indiqué être retournée dans l'appartement uniquement avec X._ et son mari. Pour le reste, les détails du récit sont identiques. Elle a notamment déclaré qu’elle ne savait pas pourquoi son mari, lorsqu’il l’étranglait, avait à un moment donné lâché prise. Après cela, elle a répondu à une question de son avocate qu’elle avait le sentiment que s’il l’avait lâchée c’était parce qu’il pensait qu’elle était morte, et qu’il avait eu l’air surpris de la voir en vie lorsqu’elle était entrée à sa suite dans la cuisine.
De son côté le prévenu a été entendu pour la première fois le 4 février 2010 (PV aud 5). Il a contesté toutes les accusations de son épouse. Les 8 et 19 février 2010 (PV aud. 6 et 9), il a affirmé qu’il n’y avait eu aucune dispute entre eux mais une simple discussion. Il a contesté avoir porté la main sur son épouse, qui se serait infligée elle-même les lésions constatées par les médecins. Aux débats de première instance il a maintenu sa position.
Des témoins ont également été entendus afin de permettre de clarifier le déroulement des faits qui se sont produits le 3 août 2008. Le témoin X._, voisine du couple, a déclaré en cours d’enquête (PV aud. 10) et aux débats que le 3 août 2008, la plaignante a sonné à sa porte, qu’elle était hystérique, qu’elle lui a raconté que son époux avait voulu l’étrangler et lui avait dit « maintenant tu vas savoir pourquoi tu pleures ».
2.2.3
Au vu de ces éléments l'appréciation des preuves faite par les premiers juges est correcte. La plaignante n’a pas varié dans son récit, sous réserve de toutes petites contradictions apparues aux débats (position du prévenu au moment de l’étranglement, comportement de la plaignante cherchant des secours). Ces quelques imprécisions ne décrédibilisent pas l’intéressée; au contraire c’est un discours trop parfait qui dénoterait le mensonge appris.
La plaignante n’a pas aggravé son récit au fil du temps, en particulier aux débats. Elle a honnêtement déclaré qu’elle ne savait pas pourquoi le prévenu l’avait lâchée. Ce n'est qu'à une question de son avocate qu'elle a exprimé le sentiment que c’était parce qu’il la croyait morte.
Les premiers juges ont retenu les faits découlant du récit et de l’acte d’accusation. Le « sentiment » exprimé par la plaignante n’est mentionné que pour ce qu’il est (jugement, p. 25). Le Tribunal n’en tire aucune conclusion s’agissant de l’intention homicide, examinée ultérieurement dans le jugement.
Ce récit est en outre corroboré par la preuve objective que constitue le rapport de l’IUML selon lequel on voit les marques de doigts serrés autour du cou, de même que les marques laissées au haut des cuisses par les genoux du prévenu.
La version des faits du prévenu, selon laquelle il ne s’est strictement rien passé, à part une discussion, n’est absolument pas crédible, au vu du rapport précité. Il convient également de rappeler que le 8 avril 1999, le prévenu avait été condamné pour des faits étrangement similaires contre sa précédente épouse (P. 19). A l'époque déjà, il avait tout nié.
2.3
L’appelant estime que la plaignante ne serait pas crédible parce qu’aux débats elle n’aurait eu de cesse de le dépeindre comme un mauvais père qui entretient des « relations très conflictuelles » avec l’ensemble des membres de sa famille, alors que le contraire ressortirait du dossier.
Il est vrai que la plaignante en cours d’enquête a critiqué le comportement du père. Cela étant, si vis-à-vis de l’extérieur et en période calme, le prévenu pouvait passer pour un bon père, il résulte du dossier qu'en période de crise le prévenu a un comportement qui n'est pas celui d'un bon père, de sorte que ces déclarations ne décrédibilisent pas la plaignante. Par ailleurs, cette dernière a relevé que des membres de la famille de son mari leur rendaient visite (PV aud. 3, p. 4). Elle n’a donc pas laissé entendre que celui-ci avait de mauvaises relations avec l’ensemble de sa famille.
3.
L'appelant conteste toute intention homicide.
3.1
L’art. 111 CP dispose que le meurtre consiste à tuer intentionnellement une personne. Il y a tentative si le résultat nécessaire à la consommation de l’infraction ne se produit pas (art. 22 CP). Le meurtre étant une infraction intentionnelle, l’auteur doit adopter le comportement typique avec conscience et volonté; le dol éventuel suffit toutefois. Il y a dol éventuel lorsque l’auteur se rend compte du danger qu’il induit et s’accommode de sa concrétisation potentielle. La négligence consciente se distingue du dol éventuel en ce sens que l’auteur, qui a conscience du risque auquel son comportement expose la victime, tient pour improbable, par imprévoyance coupable, la réalisation du risque. Il faut donc déterminer, sur la base des circonstances, si l’auteur accepte l’éventualité de la mort ou au contraire escompte que le risque ne se réalisera pas. Ces circonstances consistent en le degré de probabilité de la réalisation du risque, la gravité de la violation du devoir de diligence, les mobiles de l’auteur, sa façon d’agir.
La distinction entre tentative de meurtre par dol éventuel et mise en danger de la vie d’autrui est également délicate. Elle dépend avant tout de la maîtrise qu’exerce l’auteur sur le danger qui lui est imputable. Il s’agit de déterminer si l’auteur peut valablement considérer que le comportement adopté n’impliquera pas la lésion du bien juridique et veut donc uniquement créer le risque ou si, au contraire, il y a lieu de retenir qu’il s’accommode de l’éventualité de la lésion, faute d’être à même d’exercer une véritable emprise sur le déroulement des événements. Dans le cas de la mise en danger de la vie d’autrui, l’auteur doit avoir pleine conscience et volonté (dol direct) de créer un danger de mort, tout en étant en mesure d’exclure l’hypothèse d’une issue fatale.
Déterminer ce qu’une personne veut, sait ou ce dont elle s’accommode relève du contenu de la pensée, donc de l’établissement des faits. Le juge peut se fonder sur l’expérience générale de la vie pour déterminer la volonté subjective de l’auteur de l’infraction (TF 6S.3/2006 du 16 mars 2006, c. 10.2).
Il y a concours imparfait entre la tentative de meurtre et la mise en danger de la vie d'autrui (Dupuis/Geller/Monnier/Moreillon/Piguet/Bettex/Stoll, Petit commentaire, Code pénal, Bâle 2012, n. 17 ad art. 129 CP).
3.2
3.2.1
Les premiers juges ont considéré que le prévenu avait poursuivi sa manoeuvre d’étranglement jusqu’à ce que sa victime cesse de se débattre, que le fait que l’intéressé ne poursuive pas son action jusqu’à l’issue fatale ne signifiait pas qu’il n’y avait jamais eu d’intention homicide puisqu’il était revenu à la charge avec un couteau lorsqu’il avait vu son épouse dans la cuisine, que si ses coups n’avaient pas porté c’était parce qu’il était entravé dans sa liberté de mouvement par l’enfant qu’il tenait sur l’épaule, qu’enfin il avait verbalisé son intention par diverses menaces. Le Tribunal s’est dit convaincu de cette intention, à tout le moins par dol éventuel, le prévenu s’étant accommodé de la mort pour le cas où celle-ci surviendrait.
3.2.2
L'appréciation des premiers juges peut être suivie. A.G._ était forcément conscient du risque qu'il prenait en étranglant la plaignante, vu sa précédente condamnation. Il a serré le cou de son épouse assez fortement pour que la marque de ses doigts s’y imprime et assez longuement pour qu’elle étouffe, se sente « partir», et cesse de se débattre. L’agression n’a pas été précédée d’une dispute verbale au cours de laquelle le prévenu aurait tenté d’imposer ses vues de force; il semble que ce soit plus l’accumulation de l’insatisfaction conjugale qui a abouti à ces événements. Le prévenu, en situation de rupture sentimentale, a la tentation du « suicide collectif » imposé aux proches.
Cette envie de tuer la plaignante est d'autant plus confortée par le fait que le condamné est revenu vers elle avec un couteau quand il l'a vue entrée dans la cuisine. Il l'a poursuivi dans la chambre de leur fils et a tenté de lui asséner à plusieurs reprises des coups de couteau qu'elle a réussis à esquiver.
Lors de son audience devant la Cour de céans, B.G._ a également expliqué qu'il est arrivé à plusieurs reprises que son mari roule très rapidement alors qu'ils étaient les trois en voiture, que son agressivité et ses intentions suicidaires avaient augmenté depuis sa deuxième opération de la prostate et qu'il souhaitait qu'elle et son fils partent avec lui. D'après ses déclarations, par certains instants A.G._ lâchait le volant. Elle avait l'impression qu'il jouait avec leur vie.
En outre, quelques jours après les faits litigieux, A.G._ a eu un accident de voiture avec l’enfant à bord. Il a été condamné à une lourde peine pour conduite dangereuse : il a donc été considéré comme responsable de l'accident.
De même, dix ans auparavant, il avait eu des comportements similaires avec sa précédente épouse. Les scènes d’étranglement avaient été moins violentes puisque la victime n’a pas déclaré qu’elle se sentait « partir », qu’elle a choisi de ne pas se débattre, que le prévenu ne lui a pas dit, à ce moment-là, qu’il allait la tuer, qu’un examen médical a été effectué la deuxième fois et qu’il n’y avait pas de lésions visibles. Il avait aussi essayé de faire sortir leur voiture de la route en saisissant et tournant le volant et ce n’est que grâce aux réflexes de l’épouse qu’il n’y avait pas eu d’accident.
Dans le complément d’expertise (P. 135, p. 3), l’expert relève que le trouble de la personnalité « se manifeste actuellement de manière plus symptomatique, en raison de l’épuisement des défenses projectives, caractérielles et narcissiques de l’expertisé, pour lequel il devient de plus en plus difficile devant la répétition des échecs conjugaux et relationnels, de penser que les torts principaux résident chez ses conjointes successives et d’espérer refaire sa vie » en d’autres termes, « l’impulsivité, la suicidalité et la labilité affective» (P. 135, p. 5) s’aggravent avec le temps et les échecs conjugaux.
Au vu du déroulement des événements, la Cour a acquis la conviction que le prévenu s’est accommodé du risque de mort lorsqu'il a étranglé puis tenté de poignarder son épouse. La plaignante a d'ailleurs déclaré (PV aud. 1, p. 3) que la veille des événements, son mari lui avait dit « je te promets, avant que je ne parte, tu pars avec moi ». Il a dès lors accepté l'éventualité de la mort de B.G._.
A.G._ s'étant rendu coupable de tentative de meurtre par dol éventuel, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur l'infraction subsidiaire de la mise en danger de la vie d'autrui.
4.
L'appelant soutient qu'il n'est pas punissable d'enlèvement de mineur dans la mesure où le couple n'était pas séparé au moment des faits. Les deux conjoints étaient donc titulaires du droit de garde sur l’enfant. Il relève également que l’art. 220 CP ne s’applique pas à n’importe quelle entrave au libre exercice de l’autorité parentale.
4.1
On entend par soustraction la séparation dans l'espace de l'enfant du détenteur de l'autorité parentale. Il faut que le mineur ait été éloigné ou tenu éloigné du lieu de séjour, ou encore que le détenteur de l'autorité parentale n'ait plus accès à son enfant ou à son pupille, et ne puisse plus communiquer librement avec lui (Dupuis/alii, op. cit., n. 13 ad art. 220 CP). Est aussi punissable le parent qui, n’étant pas l'unique détenteur du droit de garde, emmène l’enfant à l’étranger et empêche ainsi l’autre parent d’exercer en commun l’autorité parentale (ATF 136 III 353). Il y a soustraction par exemple si le parent n’a plus libre accès à son enfant et s'il ne peut plus librement communiquer avec lui.
4.2
Tel est le cas en l’espèce. Il ressort du dossier que le prévenu a emmené son fils à l’étranger, sans en aviser la mère, sans lui donner de nouvelles, l’empêchant ainsi d’avoir « libre accès » à l’enfant. B.G._ ignorait tout du lieu de séjour de son fils et n'avait pas donné son accord à son départ. C'est en toute connaissance de cause que le prévenu a délibérément décidé de soustraire C.G._ à sa mère en l'emmenant en Espagne.
A.G._ s'est dès lors également rendu coupable d'enlèvement de mineur.
5.
L’appelant estime que la peine est excessivement sévère au regard des art. 19 al. 2 et 22 al. 1 CP et de surcroît insuffisamment motivée.
5.1
La fixation de la peine est régie par l’art. 47 CP, qui correspond à l’art. 63 aCP, et la jurisprudence y relative garde donc sa valeur.
L’art. 47 al. 1 CP prévoit que la peine doit être fixée d’après la culpabilité de l’auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l’effet de la peine sur son avenir. L’alinéa 2 de cette disposition énumère, de manière non limitative, une série de critères à prendre en considération pour déterminer la culpabilité de l’auteur. Ces critères correspondent à ceux établis par la jurisprudence relative à l’art. 63 aCP (TF 6B_38/2011 du 26 avril 2011 c. 3.2; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
Pour fixer la peine, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, lorsqu’il fonde sa décision sur des critères étrangers à l’art. 47 CP, lorsqu’il omet de prendre en considération des éléments prévus par cette disposition ou lorsqu’il a abusé de son pouvoir d’appréciation en fixant une peine exagérément sévère ou excessivement clémente (TF 6B_327/2011 du 7 juillet 2011 c. 2.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
Selon l'art. 50 CP, le juge doit motiver sa décision de manière suffisante. Sa motivation doit permettre de vérifier s'il a été tenu compte de tous les éléments pertinents et comment ils ont été appréciés (cf. ATF 134 IV 5 c. 4.2.1; ATF 128 IV 193 c. 3a).
5.2
Aux termes de l'art. 19 al. 2 CP, le juge atténue la peine si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation.
Le Tribunal fédéral a jugé que la réduction purement mathématique d'une peine hypothétique, comme le permettait l'ancienne jurisprudence, était contraire au système légal, qu'elle restreignait de manière inadmissible le pouvoir d'appréciation du juge et conduisait à accorder un poids trop important à la diminution de la capacité cognitive ou volitive telle qu'elle a été constatée par l'expert (ATF 136 IV 55).
Dorénavant, pour fixer la peine en cas de diminution de la responsabilité pénale, le juge doit partir de la gravité objective de l'acte (objektive Tatschwere), et apprécier la faute (subjective; subjektives Tatverschulden). Il doit mentionner, dans le jugement, les éléments qui augmentent ou diminuent la faute dans le cas concret et qui permettent d'apprécier la faute en relation avec l'acte. Le législateur mentionne plusieurs critères, qui jouent un rôle important pour apprécier la faute et peuvent même conduire à diminuer celle-ci de telle manière qu'il convient de prononcer une peine inférieure au cadre légal ordinaire de la peine. Parmi ceux-ci, figure notamment la diminution de la responsabilité au sens de l'art. 19 CP. Dans ce cas, contrairement à la lettre de la disposition et en modification de la jurisprudence en vigueur (ATF 134 IV 132 c. 6.1), le juge doit décider, sur la base des constatations de fait de l'expertise, dans quelle mesure la responsabilité pénale de l'auteur doit être restreinte sur le plan juridique et comment cette diminution de la responsabilité se répercute sur l'appréciation de la faute. La faute globale doit être qualifiée et désignée expressément dans le jugement (art. 50 CP). Dans un second temps, il convient de déterminer la peine hypothétique qui correspond à cette faute. La peine ainsi fixée peut enfin être modifiée en raison de facteurs liés à l'auteur (Täterkomponente) ainsi qu'en raison d'une éventuelle tentative selon l'art. 22 al. 1 CP. Il s'agit de diminuer la faute et non la peine, la réduction de la peine n'étant que la conséquence de la faute plus légère (TF 6B_238/2009 du 8 mars 2010 c. 5.5 et 5.7).
La restriction de la responsabilité ne constitue qu'un critère parmi d'autres pour déterminer la faute liée à l'acte, qui peut toutefois avoir un grand poids selon le degré de la diminution de la responsabilité. Le Code pénal mentionne diverses circonstances qui peuvent réduire la faute : par exemple, le mobile honorable, la détresse profonde, la menace grave, l'ascendant d'une personne à laquelle l'auteur devait obéissance ou de laquelle il dépendait (art. 48 let. a CP), la tentation grave (art. 48 let. b CP), l'émotion violente excusable ou le profond désarroi (art. 48 let. c CP). La faute peut aussi être restreinte en cas de délit par omission (art. 11 al. 4 CP), d'excès de la légitime défense (art. 16 al. 1 CP), d'état de nécessité excusable (art. 18 al. 1 CP), d'erreur évitable sur l'illicéité (art. 21 CP), de désistement (art. 23 al. 1 CP) et de complicité (art. 25 CP). Dans tous ces cas, ces éléments de l'état de fait diminuent la faute, ce qui entraîne une peine plus clémente. D'autres circonstances peuvent aussi augmenter la faute et compenser la diminution de la capacité cognitive ou volitive. On peut citer par exemple des motifs blâmables.
Le juge jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour apprécier ces éléments. Il n'est pas tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentage l'importance qu'il accorde à chacun des éléments qu'il cite. Pour cette raison déjà, il ne peut opérer une réduction linéaire de la peine selon un tarif particulier. Du reste, il n'existe pas de méthode scientifique exacte permettant de définir objectivement le taux de réduction de responsabilité, de sorte que la pratique distingue simplement selon que la diminution est légère, moyenne ou grave. Lorsque l'expert évalue le degré de la diminution de la responsabilité, il dispose d'une grande liberté d'appréciation. Cela peut certes constituer un point de départ lors de la fixation de la peine, mais celui-ci doit être affiné en fonction des particularités du cas. En d'autres termes, le juge doit apprécier juridiquement une expertise psychiatrique. Il est libre et n'est pas lié par les conclusions de l'expertise. Il doit aussi tenir compte de la cause de la diminution de la responsabilité (TF 6B_238/2009 du 8 mars 2010 c. 5.6).
5.3
En cas de concours rétrospectif partiel, soit lorsque, parmi plusieurs infractions à juger, l'une au moins a été commise avant d'autres jugées précédemment (cf. art. 49 al. 2 CP), il faut déterminer d'abord celle pour laquelle la loi prévoit la peine la plus grave. Lorsque l'infraction la plus grave est celle à juger qui a été commise avant le premier jugement, une peine complémentaire (hypothétique) au premier jugement doit être fixée et sa durée augmentée pour tenir compte des actes commis après ce premier jugement. L'élément de la peine d'ensemble relatif à l'acte en concours rétrospectif sera déterminé comme une peine additionnelle à celle déjà prononcée. Cette méthode permet d'appliquer l'art. 49 al. 1 CP sans négliger l'art. 49 al. 2 CP. Sur le plan formel, la sanction est toujours une peine d'ensemble mais, sur celui de sa quotité, il est tenu compte du concours rétrospectif (TF 6B_685/2010 du 4 avril 2011, c. 4.1 et les références citées). Lors de la fixation de la peine dans un tel cas de concours réel rétrospectif, l'art. 49 al. 2 CP enjoint au juge de prononcer une peine complémentaire ou additionnelle (Zusatzstrafe), de telle sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement; concrètement, le juge doit se demander comment il aurait fixé la peine en cas de concours simultané, puis déduire de cette peine d'ensemble hypothétique la peine de base, soit celle qui a déjà été prononcée (TF 6B_685/2010 du 4 avril 2011; TF 6B_28/2008 du 10 avril 2008 c. 3.3.1).
5.4
En l'occurrence, il faut apprécier la quotité de la peine, en tenant compte, outre des critères déjà mentionnés (c. 5.1 et 5.2 ci-dessus), du fait que la peine à prononcer est complémentaire à une peine privative de liberté ferme de seize mois prononcée par le Juge d'instruction N. 2 de Granollers.
5.4.1
Les premiers juges ont estimé, à charge, que la culpabilité du prévenu était lourde, qu’il s’en était pris au bien juridiquement protégé le plus important, la vie, pour un mobile égoïste, mettre fin au conflit conjugal et punir l’épouse. La prise de conscience était « nulle ». Le prévenu avait récidivé après une première condamnation. Il était apparu manipulateur aux débats, dénigrant la victime et les experts. Il y avait concours d’infractions. A décharge, ils ont retenu sa situation personnelle et les bons renseignements fournis par les témoins et les autorités pénitentiaires. Le Tribunal correctionnel a ensuite atténué la peine pour tenir compte de la tentative et d'une diminution de responsabilité pas tout à fait moyenne. Il a observé que, sans ce dernier élément, une peine de six ans aurait été prononcée.
5.4.2
La peine prévue pour le meurtre n’a pas de seuil maximal, mais un seuil minimal de cinq ans, et peut être atténuée en cas de tentative, le juge n’étant alors plus lié par ce minimum (art. 22, 23, 48a, 111 CP). La peine maximale prévue pour l’enlèvement de mineur est de trois ans.
La peine de trois ans et demi prononcée se situe dans ce large cadre légal. Les éléments mentionnés à charge sont pertinents. Le prévenu a agi sans provocation aucune; il s’en est pris à la personne qui est censée être la plus proche de lui, son épouse; il s’est acharné contre elle avec cruauté, cherchant ce qui pourrait le plus la faire souffrir; il aurait pu tout simplement partir, divorcer, s’il ne supportait plus la situation; il ne s’est pas contenté de nier, mais a même ri face aux accusations (PV aud. 9) et lors des débats; la présence de son fils ne l’a pas dissuadé d’agir mais lui a au contraire fourni un moyen d’atteindre la mère; enfin, rien (première condamnation, détention provisoire, expertise psychiatrique) ne l’a conduit à l’introspection. Les éléments à charge sont accablants. Aucun regret n’a été exprimé — même sur la situation conjugale, à défaut de reconnaître les faits – aucun geste de paix esquissé. Les éléments cités à décharge paraissent dérisoires face à ce constat. Quant au bon comportement adopté en prison, il est peu significatif, les possibilités de déraper étant limitées par la force des choses.
En définitive, le raisonnement du tribunal correctionnel ne prête pas le flanc à la critique et la peine globale de 4 ans et 10 mois (3.5 ans plus 16 mois) est adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité de l'appelant, de sa situation personnelle et de l’effet de la peine sur son avenir. La motivation ne relève ni d'un abus ni d'un excès du pouvoir d'appréciation dont jouit l'autorité de première instance, laquelle n'a ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l'art. 47 CP.
La détention subie depuis le jugement de première instance doit être déduite. En outre, le maintien en détention de A.G._ à titre de sûreté est ordonné.
6.
L’appelant fait valoir que le lien de causalité entre les événements litigieux et les montants réclamés à titre de réparation du dommage matériel (863 fr. 50) et de la perte de gain (23'332 fr. 30) n’est pas suffisamment établi par pièce, que le montant réclamé à titre de remboursement de l’aide du Centre LAVI (2'255 fr. 05) n’est pas dû à la plaignante mais à l’Etat de Vaud en faveur duquel celle-ci a signé une subrogation, qu’enfin le montant alloué à titre de réparation du tort moral est excessif, la plaignante n’ayant, à dires unanimes de témoins, pas particulièrement été affectée par les événements.
6.1
6.1.1
Aux termes de l'art. 123 CPP, la partie plaignante chiffre, dans la mesure du possible, ses conclusions civiles dans sa déclaration en vertu de l'art. 119 CPP et les motive par écrit; elle cite les moyens de preuves qu’elle entend invoquer (al. 1). Le calcul et la motivation des conclusions civiles doivent être présentés au plus tard durant les plaidoiries (al. 2).
En application de l'art. 126 CPP, le tribunal statue également sur les conclusions civiles présentées lorsqu’il rend un verdict de culpabilité à l’encontre du prévenu (al. 1 let. a). Il renvoie la partie plaignante à agir par la voie civile notamment lorsque la partie plaignante n’a pas chiffré ses conclusions de manière suffisamment précise ou ne les a pas suffisamment motivées (al. 2 let. b). Dans le cas où le jugement complet des conclusions civiles exigerait un travail disproportionné, le tribunal peut traiter celles-ci seulement dans leur principe et, pour le surplus, renvoyer la partie plaignante à agir par la voie civile (al. 3). Dans les causes impliquant des victimes, une autre possibilité existe : le tribunal juge en premier lieu l'aspect pénal, puis la direction de la procédure statue sur les conclusions civiles après de nouveaux débats (al. 4).
L'al. 4 de cette disposition est une
lex specialis
de l'al. 3; sa mise en œuvre suppose aussi que le tribunal soit confronté à un travail disproportionné. Placé dans la situation de l'al. 3 en présence d'une partie plaignante victime, le tribunal a le choix entre les solutions de l'al. 3 et de l'al. 4 (Jeandin/Matz, in Kuhn/Jeanneret, op. cit., nn. 41-42 ad art. 126 CPP).
Par travail disproportionné, il faut comprendre non la complexité juridique des questions soulevées par l'action civile jointe, mais la nécessité de procéder à des longues et difficiles investigations en vue d'instruire des questions n'intéressant pas l'action pénale et se rapportant exclusivement à la réparation du préjudice subi par la partie plaignante. C'est le temps nécessaire à la résolution des questions pénales, par comparaison avec la durée supplémentaire du procès induite par le traitement des conclusions civiles, qui sert de référence (Jeandin/Matz, in Kuhn/Jeanneret, op. cit., n. 27-28 ad art. 126 CPP).
6.1.2
Le devoir de motiver impose principalement au demandeur à l'action civile d'exposer les faits sur lesquels se fondent ses conclusions, ces faits devant permettre d'établir la quotité du dommage et le lien de causalité avec l'infraction poursuivie (Jeandin/Matz, in Kuhn/Jeanneret, op. cit., n. 4 et 5 ad art. 123 CPP). Le non respect de ces exigences conduirait, devant le juge civil, à un déboutement; le demandeur à l'action civile jointe est ainsi favorisé puisque ces lacunes ne conduiront pas à un déboutement mais au renvoi de la partie plaignante à agir par la voie civile. Le législateur – dans un but de favoriser la partie plaignante – a ainsi jugé qu'il se justifiait de n'assortir cette violation par la partie plaignante de ses obligations procédurales "que des conséquences relativement douces" (Jeandin/Matz, in Kuhn/Jeanneret, op. cit., n. 21 ad art. 126 CPP).
6.2
6.2.1
Les premiers juges ont alloué à titre de dommages-intérêts les sommes de 863 fr. 50 et 2'255 fr. 05, la plaignante étant renvoyée à agir au civil pour le surplus, de sorte que l‘appel, en tant qu’il concerne la prétention de 23’332 fr. 30, et conclut non pas à son rejet pur et simple mais à ce qu’acte soit donné à l’intimée de ses réserves civiles, est sans objet.
6.2.2
Pour justifier sa prétention de 863 fr. 50, la plaignante a produit un « détail des encaissements débiteur » de « CIRES Médical » (P. 175/7), un courrier du « Dr [...], CIRES » et un historique des consultations faisant état des plaintes de la patiente et du diagnostic posé (P. 175/5). On constate que si celle-ci avait déjà consulté ce médecin une fois en août 2007, elle n’y est plus retournée avant le 12 août 2008. Le diagnostic était dans l’ensemble celui de dépression, avec une fois (11 août 2009) celui de syndrome post-traumatique.
Il est vrai que la dépression ne semble liée pas exclusivement aux événements d’août 2008 mais à la vie conjugale en général. Il semble toutefois que les consultations ont repris après les faits objets de la présente procédure et le diagnostic d’état de stress post-traumatique a été posé.
La prétention de 863 fr. 50 est donc justifiée.
6.2.3
Pour la prétention de 2'255 fr. 05, la plaignante a produit un décompte des aides reçues du Centre LAVI (P. 175/8). Il en résulte que ce dernier est subrogé dans les droits de la victime contre l’auteur de l’infraction. En l’état, il n’y a donc aucun dommage pour la plaignante. Cette dernière, dans ses conclusions civiles écrites (P. 174), affirme que la restitution en « sera demandée »; rien ne permet cependant d’affirmer qu’elle devra rembourser cette aide.
Il faut donc admettre l'appel sur ce point, l'intimée devant être renvoyée à agir devant le juge civil pour cette prétention également.
6.3
Enfin,
A.G._ conteste la quotité de l'indemnité pour tort moral allouée à B.G._.
6.3.1
L'art. 47 CO étant un cas particulier de l'action générale en réparation du tort moral prévue par l'art. 49 CO, le lésé n'a droit à une réparation que pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie (Tercier, Le nouveau droit de la personnalité, Zurich 1982, pp. 270 ss, n. 2047 ss). On définit le tort moral comme les souffrances physiques ou psychiques que ressent la personne lésée à la suite d'une atteinte à sa personnalité. L'art. 49 al. 1 CO exige une atteinte d'une certaine gravité, dépassant la mesure de ce qu'une personne doit normalement supporter sans recourir au juge, que ce soit sur le plan de la durée des souffrances ou de leur intensité (Deschenaux/Tercier, La responsabilité civile, 2
e
éd., Berne 1982, p. 93, nn. 24 s.; Tercier, op. cit., p. 267, n. 2029, et pp. 270 ss, nn. 2047 ss; Tercier, La réparation du tort moral : crise ou évolution ?, in : Mélanges Deschenaux, Fribourg 1977, pp. 307 ss, spéc. p. 313, ch. 3).
Alors que le calcul du dommage se fonde autant que possible sur des données objectives, l'évaluation du tort moral échappe par sa nature à une appréciation rigoureuse, puisqu'elle concerne des valeurs par définition non mesurables. En effet, nul ne peut réellement évaluer la souffrance d'autrui (Werro, La responsabilité civile, Berne 2005, n. 1271 p. 324). Selon la jurisprudence, le juge ne peut dès lors se fonder sur un tarif préétabli mais doit bien davantage prendre en considération l'ensemble des circonstances. De façon générale, la fixation de la réparation morale devrait s'effectuer en deux phases, la phase objective principale permettant de rechercher le montant de base au moyen de critères objectifs et la phase d'évaluation faisant intervenir les facteurs d'augmentation ou de réduction du tort moral ainsi que les circonstances du cas particuliers tels que la cause de la responsabilité, la gravité de la faute, une éventuelle faute concomitante et les conséquences dans la vie particulière du lésé (ATF 132 II 117 c. 2.2.3; TF 4C.263/2006 du 17 janvier 2007 c. 7.3).
La jurisprudence a admis des indemnités de tort moral pour une tentative de meurtre sur épouse oscillant entre 10'000 fr. et 20'000 fr. (Ccass, 19 septembre 2006/316; 1
er
septembre 2008/341; 24 septembre 2010/388).
6.3.2.
En l'occurrence, le témoin X._ a indiqué, en cours d'enquête (PV aud. 10) n’avoir « jamais vu une scène de désespoir semblable » et que « c’était atroce ». Aux débats, le témoin [...], ami de la plaignante, a déclaré que, depuis les faits, cette dernière paraissait « tendue » (jugement entrepris, p. 7). Le témoin [...], ami intime de la plaignante, a déclaré que le souvenir des faits est permanent, qu’elle est toujours suivie par un psychologue, qu’elle est en phase de reconstruction, et qu’aujourd’hui elle va très bien (jugement entrepris, p. 8). Les pièces produites avec les conclusions civiles (P. 175) démontrent aussi que la victime, contrairement à ce qu’allègue l’appelant, a été traumatisée par les événements.
Le fait que l’intimée est demeurée dans le logement où a eu lieu l’agression ne signifie pas que celle-ci n'a pas été affectée par l'agression, contrairement à ce que soutient le recourant. Chacun réagit différemment.
Dès lors, une somme de 15'000 fr., pour avoir vu la mort de près, et craint le pire pour son enfant, ne paraît pas excessive.
7.
En conclusion, l’appel est partiellement admis concernant le montant des dommages-intérêts dus. Le jugement attaqué est confirmé pour le surplus.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis par neuf dixièmes à la charge de A.G._ (art. 428 al. 1 CPP) le solde étant laissé à la charge de l'Etat. Outre l'émolument, qui se monte à 3'230 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), les frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office ainsi que l'indemnité allouée au conseil d'office de B.G._.
Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la note d'honoraires, il convient d'admettre que le défenseur d'office de l'appelant a dû consacrer 17 heures à l'exécution de son mandat. L'indemnité sera dès lors arrêtée à 3'060 fr. et 77 fr. de débours, plus la TVA par 250 fr. 95, soit un total de 3'387 fr. 95, TVA et débours compris. Le temps nécessaire à l'exécution du mandant du conseil d'office de l'intimée sera arrêté à 10 heures, celui-ci connaissant déjà le dossier et n'ayant pas rédigé d'appel. L'indemnité sera dès lors arrêtée à 1'800 fr. et 63 fr. 30 de débours, plus la TVA par 149 fr. 05, soit un total de 2'012 fr. 35, TVA et débours compris.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat les neuf dixièmes du montant des indemnités en faveur de son défenseur d'office et du conseil d’office de la partie plaignante prévues ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a et 426 al. 4 CPP).
La Cour d’appel pénale
appliquant les articles 19, 22, 40, 47, 49, 51, 111 et 220 CP,
et 398 ss CPP
prononce :
I.
L’appel est partiellement admis.
II.
Le jugement rendu le 13 janvier 2012 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois est modifié comme il suit au chiffre III de son dispositif, le dispositif étant désormais le suivant :
"
I. Condamne A.G._ pour tentative de meurtre et enlèvement d'enfants à une peine privative de liberté de 3.5 ans (trois ans et demi), peine complémentaire à celle prononcée le 9 août 2008 par le Juge d'instruction N. 2 de Granollers, sous déduction de la détention extraditionnelle et provisoire subie, soit 794 jours;
II. Maintient A.G._ en détention pour des motifs de sûreté;
III. Dit que A.G._ est le débiteur de B.G._ et lui doit immédiatement paiement des sommes de:
- 863 fr. 50 (huit cent soixante trois francs et cinquante centimes, avec intérêt à 5 % l'an dès le 30 juin 2010, à titre de dommages-intérêts;
- 15'000 fr. (quinze mille francs), avec intérêt à 5 % l'an dès le 30 juin 2010 à titre de tort moral,
et donne acte de ses réserves civiles à B.G._ pour le surplus;
IV. Met les frais de la cause, arrêtés à 46'546 fr. 55 (quarante-six mille cinq cent quarante-six francs et cinquante-cinq centimes), à la charge de A.G._, y compris l'indemnité due à son défenseur d'office Me Katia Pezuela, par 14'440 fr. (quatorze mille quatre cent quarante francs), TVA comprise, et laisse le solde à la charge de l'Etat, dont l'indemnité due à Me Gonzalez Pennec, par 10'755 fr. (dix mille sept cent cinquante-cinq francs), TVA comprise;
V. Dit que le remboursement de l'indemnité due à son conseil d'office ne sera exigé que si la situation financière du condamné s'améliore."
III.
La détention subie depuis le jugement de première instance est déduite.
IV.
Le maintien en détention de A.G._ à titre de sûreté est ordonné.
V.
Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 3'387 fr. 95 (trois mille trois cent huitante-sept francs et nonante-cinq centimes
)
est allouée à Me Katia Pezuela.
VI.
Une indemnité de conseil d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 2'012 fr. 35 (deux mille douze francs et trente-cinq centimes) est allouée à Me Lise-Marie Gonzalez Pennec.
VII.
Les frais d'appel, par 8'630 fr. 30 (huit mille six cent trente francs et trente centimes), y compris les indemnités allouées aux chiffres V et VI ci-dessus, sont mis à la charge de A.G._ à raison de neuf dixièmes, soit 7'767 fr. 25 (sept mille sept cent soixante-sept francs et vingt-cinq centimes), le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
VIII.
A.G._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat les neuf dixièmes des indemnités allouées aux chiffres V et VI ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra
. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6aab019d-4dc1-4a46-9c54-b7d56a4721d2 | En fait :
A.
Par jugement du 16 mai 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré J._ de l’accusation d’infraction à la loi fédérale sur les produits thérapeutiques (I), libéré N._ des accusations d’infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants et de violation grave des règles de la circulation (II), reconnu J._ coupable d’infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants, de contravention à la loi fédérale sur les produits thérapeutiques et de contravention à la loi vaudoise sur la santé publique (III), l’a condamné à une peine privative de liberté de deux ans, sous déduction de deux jours de détention avant jugement, et à une amende de 1’500 fr. (IV), a suspendu l’exécution de la peine privative de liberté pour une durée de deux ans (V), a dit que la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif de l’amende est de dix jours (VI), a reconnu N._ coupable d’infraction à la loi fédérale sur les produits thérapeutiques et d’entrave à la circulation publique (VII), l’a condamné à une peine privative de liberté de trois ans, sous déduction d’un jour de détention avant jugement (VIII), a suspendu partiellement pour une durée de cinq ans l’exécution de la peine privative de liberté, en ce qu’elle porte sur 30 mois (IX), a révoqué le sursis de cinq ans assortissant la peine de deux mois d’emprisonnement, sous déduction de cinq jours de détention préventive, prononcée le 31 janvier 2006 par le Ministère public du canton de Genève et le sursis de trois ans assortissant la peine de 40 jours-amende à 100 fr. prononcée le 24 juin 2010 par le Ministère public du canton de Genève, et ordonné l’exécution du solde de ces peines (X), a arrêté à 1’500 fr. la créance compensatrice de l’Etat à la charge de J._ (XI), a arrêté à 4’000 fr. la créance compensatrice de l’Etat à la charge d’N._ (XII), a ordonné la confiscation en vue de destruction de 40 boîtes contenant chacune 100 comprimés de Dormicum (séquestre n° 96) (XIII), a ordonné le maintien au dossier au titre de pièce à conviction d’une carte mémoire du Blackberry d’N._ (séquestre n° 94), de deux CD des données extraites des téléphones portables de J._ et d’N._ (séquestre n° 92), d’un CD de sauvegarde du contenu du BlackBerry d’N._ (séquestre n° 93), de quatre bulletins de livraison, une photocopie de la carte FMH de J._ et d’une statistique d’achat (séquestre n° 131) (XIV) et a mis une partie des frais de procédure, arrêtée à 3364 fr., à la charge de J._, et une autre part, arrêtée à 4’992 fr., à la charge d’N._ (XV).
B.
J._
a annoncé faire appel de ce jugement le 19 mai 2014. Il a déposé une déclaration d’appel motivée le 24 juin 2014. Il a conclu, avec suite de frais et dépens, à la réforme du jugement en ce sens qu’il est reconnu coupable d’infraction à la loi fédérale sur les produits thérapeutiques et de contravention à la loi vaudoise sur la santé publique et libéré de l’accusation d’infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants, une peine «proportionnée aux infractions retenues et non contestées» étant fixée.
N._ a annoncé faire appel de ce jugement le 26 mai 2014. Il a déposé une déclaration d’appel motivée le 26 juin 2014. Il a conclu, avec suite de frais et dépens, à la réforme des chiffres VII, VIII, IX, X et XV du dispositif du jugement en ce sens qu’il est libéré de l’accusation d’entrave à la circulation publique et, pour l’infraction à la LPth, condamné à «une peine modérée n’excédant pas 24 mois», au bénéfice d’un sursis complet, les sursis antérieurs n’étant pas révoqués et la part des frais de procédure de première instance mise à sa charge réduite «dans une notable mesure».
Par déclaration d’appel joint du 17 juillet 2014, le Ministère public a conclu à la réforme du jugement en ce sens que J._ est également condamné à une peine pécuniaire ferme de 180 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 150 francs.
Par déclaration d’appel joint du 17 juillet 2014 aussi, le Ministère public a conclu à la réforme du jugement en ce sens qu’N._ est reconnu coupable d’infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants au lieu d’infraction à la LPth et d’entrave à la circulation publique et qu’il est condamné à une peine privative de liberté de quatre ans, sous déduction d’un jour de détention avant jugement. Subsidiairement, le Parquet a conclu à la modification du chiffre IX du dispositif du jugement en ce sens que la peine privative de liberté prononcée n’est pas assortie du sursis.
A l’audience d’appel, les appelants principaux ont conclu au rejet des appels joints dirigés contre eux. Le Ministère public a conclu au rejet des appels principaux.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu J._, né en 1965 en Iran, est arrivé en Suisse en 1984. Il a une formation de médecin généraliste FMH. Avant d’être provisoirement interdit d’exercice en raison des faits constituant l’objet de la présente procédure, il fournissait ses prestations dans le cadre de la société [...] qu’il a créée; il gagnait environ 15'000 fr. par mois. Il est actuellement sans activité ni revenu, et dans l’attente d’une décision administrative statuant à titre définitif sur son autorisation d’exercice. Père divorcé de deux enfants, il est censé verser une pension mensuelle de 3'000 francs. Son casier judiciaire est vierge.
1.2 Le prévenu N._, né en 1983 en Turquie, est arrivé en Suisse avec ses parents à l’âge de deux ans. Il dirige une société de courtage [...] et exploite la société [...], dont il gère l’administratif. Ses revenus bruts, provenant de ces deux activités, sont actuellement de 10'000 fr. par mois. Célibataire, il vit toujours chez ses parents à qui il verse une contribution, tout en étant à la recherche d’un logement pour sa fiancée et lui.
Son casier judiciaire comporte les condamnations suivantes :
- 12 juillet 2005, Préfecture de Morges, violation grave des règles de la circulation routière, 1'200 fr. d’amende;
- 20 décembre 2005, Ministère public de Genève, lésions corporelles simples, 20 jours d’emprisonnement avec sursis pendant trois ans;
- 31 janvier 2006, Ministère public de Genève, lésions corporelles simples, 2 mois d’emprisonnement sous déduction de cinq jours de détention préventive, avec sursis pendant cinq ans, peine complémentaire à celle du 20 décembre 2005, délai d’épreuve prolongé d’un an le 30 juin 2009;
- 30 juin 2006, Staatsanwaltschaft Zurich-Sihl, conducteur se trouvant dans l’incapacité de conduire, taux qualifié, 20 jours-amende de 110 fr.;
- 24 juin 2010, Ministère public de Genève, incitation à l’entrée, sortie ou séjour illégal, 40 jours-amende de 100 fr. avec sursis pendant trois ans et 1'000 fr. d’amende.
Par ailleurs, l’extrait du fichier ADMAS le concernant mentionne neuf retraits de permis d’une durée de un à vingt-quatre mois.
2. A l’automne 2010, N._ a demandé à J._ de lui procurer cent boîtes de Dormicum, afin de les revendre à un certain Khaled, se disant chauffeur d’une famille saoudienne de passage en Suisse. Ce médicament, dont le principe actif est une benzodiazépine, le midazolam, substance psychotrope assimilée aux stupéfiants, n’est pas en vente libre mais délivré uniquement sur ordonnance. Le 23 novembre 2010, J._ a commandé auprès de la centrale de distribution de médicaments Galexis SA à Ecublens, auprès de laquelle, en sa qualité de médecin, il avait un numéro de client lui permettant d’obtenir des médicaments soumis à prescription, cent boîtes de cent comprimés de Dormicum 15 mg, pour le prix de 3'522 fr. 35. Le lendemain, J._ est allé prendre livraison de sa commande pour la remettre à N._, qui l’a vendue à Khaled, pour le prix de 6'000 francs. Le bénéfice a été partagé entre les prévenus à raison de quelque 500 fr. pour J._ et 2'500 fr. pour N._.
Au mois de juillet 2011, N._ a réitéré sa requête. Dès lors, le 14 juillet 2011, J._ a fait une nouvelle commande identique à la première, pour un prix de 3'525 fr. 80. Cette fois, c’est N._ qui est allé chercher les médicaments à Ecublens. Il les a ensuite vendus comme les premiers et les prévenus se sont partagés le bénéfice de la même manière.
Une dizaine de jours plus tard, N._ a cherché à obtenir vingt boîtes supplémentaires. Comme il n’a pas réussi à joindre J._, il a lui-même téléphoné à Galexis SA pour passer la commande, de 708 fr. 80, sous le compte client de son co-prévenu. Il a pris livraison de la marchandise puis l’a remise à Khaled. Il affirme toutefois ne pas avoir été payé.
Au début du mois d’août 2011, N._ a redemandé du Dormicum à J._, cette fois pour un dénommé [...]. Le 8 août 2011, J._ a passé commande de cent boîtes, pour le même prix de 3'525 fr. 80. Il est allé chercher sa commande et a remis les médicaments à N._. Ce dernier a vendu soixante boîtes à [...] au prix convenu de 90 fr. l’unité. Il affirme toutefois que son client ne lui a versé que 3'600 fr. au lieu des 5'400 fr. prévus. Il a néanmoins rémunéré J._ pour cette opération. Les quarante boîtes restantes ont été saisies lors d’une perquisition à son domicile.
3. De janvier 2010 et août 2011, J._ a commandé à Galexis SA dix-neuf boîtes de quatre comprimés de Viagra 100 mg et cinquante-huit boîtes de quatre comprimés de Cialis 20 mg, produit similaire au Viagra. Il a revendu ces médicaments à des amis, à prix coûtant.
4. Le 21 avril 2011, vers 3 h 20, N._ circulait sur l’autoroute A1, entre les jonctions de Coppet et du Grand-Saconnex, au volant d’une Bentley Continental Flying Spur. Il tenait le volant d’une main et de l’autre, son téléphone mobile avec lequel il filmait le tableau de bord. Pendant quarante secondes, il a circulé à une vitesse moyenne de 270 km/h selon le compteur, soit 229 km/h marge de sécurité déduite, à un endroit où la vitesse est limitée à 120 km/h. Il a fait une pointe à 319 km/h au compteur, soit 271 km/h marge de sécurité déduite. Parvenu à l’échangeur du Vengeron, il a circulé pendant vingt-cinq secondes à une vitesse moyenne de 160 km/h au compteur, soit 136 km/h marge de sécurité déduite, alors que la vitesse sur ce tronçon est limitée à 100 km/h. Vers 3 h 35, il a circulé durant une minute et quarante secondes à une vitesse moyenne de 273 km/h au compteur, soit 232 km/h marge de sécurité déduite, alors que la vitesse est limitée à 120 km/h. Pendant les quarante dernières secondes, il a roulé à une vitesse supérieure à 300 km/h au compteur, soit 255 km/h marge de sécurité déduite. Il a atteint une vitesse de 324 km/h au compteur, soit 275 km/h marge déduite. De plus, seul ses feux de croisement étaient allumés. | En droit :
I.
1.
Interjetés dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels principaux sont recevables. Il en va de même des appels joints.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
II. Appel de J._
1.
1.1
Contestant sa condamnation pour infraction à la LStup, ce prévenu soutient qu’il devrait être mis au bénéfice d’une erreur sur les faits parce qu’il ignorait que le Dormicum devait être considéré comme un stupéfiant. Il se prévaut du contenu du Compendium et d’attestations de confères, notamment. Il devrait ainsi, selon lui, être jugé selon sa vision erronée des faits et donc n’être reconnu coupable que d’infraction à la LPth. En outre, la nouvelle qualification des faits devrait, toujours d’après lui, impliquer le prononcé d’une peine moins lourde. A cet égard, il prétend en particulier avoir agi sans dessein de lucre.
1.2
Sous la note marginale
erreur sur les faits
, l’art. 13 al. 1 CP prévoit que quiconque agit sous l'influence d'une appréciation erronée des faits est jugé d'après cette appréciation si elle lui est favorable.
L’art. 86 al. 1 let. b LPth pévoit qu’est passible de l'emprisonnement ou d'une amende de 200’000 fr. au plus, à moins qu'il n'ait commis une infraction plus grave au sens du Code pénal ou de la LStup, quiconque met intentionnellement en danger la santé d’êtres humains du fait qu’il fabrique, met sur le marché, prescrit, importe ou exporte des médicaments ou en fait le commerce à l'étranger sans autorisation ou en enfreignant d'autres dispositions de la présente loi.
2.
Il n’est plus contesté que le Dormicum est un stupéfiant au sens de la législation fédérale en la matière. Le Compendium définit toutefois ce médicament comme un médicament de la catégorie B, soit celle qui impose une remise sur ordonnance médicale, et non de la catégorie A, qui décrit les stupéfiants. Le Compendium est un instrument couramment utilisé au sein des professions médicales, pour lesquelles il tient de fait lieu de norme. On peut donc tenir pour avéré que ce prévenu adhérait en toute bonne foi à cette position largement partagée dans son métier, si l’on en croit les attestations tenant lieu de témoignage qu’il a produites. C’est dès lors à tort que les premiers juges ont retenu que, de par sa formation médicale et les obligations qui lui étaient faites de compulser en cas de doute le Compendium, ce prévenu ne pouvait ignorer que l’on se trouvait en présence d’un médicament considéré comme un stupéfiant, précisément puisque la source d’information légitimement utilisée en médecine ne définit pas le Dormicum comme tel. L'obligation de contrôle pouvant raisonnablement être attendue d’un médecin ne saurait outrepasser la consultation du Compendium.
Sous l’angle de la qualification de l’infraction, le Parquet fait toutefois valoir que la vente du médicament s'est faite au double du prix en pharmacie, à l’aveugle, sans vérification, hors de tout cadre thérapeutique et en quantités gigantesques, écoulées de manière réitérée, ce qui suffirait à commander l’application de la LStup. Cependant, ces éléments ne suffisent pas à exclure l’erreur sur les faits. Il ne s’agit en effet pas de critères déterminants de l’art. 13 al. 1 CP, ni du reste d’éléments constitutifs d’une infraction à la LStup. Bien plutôt, les circonstances ci-dessus ne sont susceptibles que de constituer des critères d’appréciation de la faute et donc de la peine.
L’erreur sur les faits sous laquelle a agi ce prévenu commande ainsi un changement de qualification des infractions. L’art. 86 LPth saisissant les actes incriminés sous tous leurs aspects, la LStup est inapplicable.
La première conclusion de l’appel de ce prévenu doit donc être admise.
3.
La cour de céans doit fixer la peine principale à prononcer sur la base de la nouvelle qualification. L’appelant demande la fixation d’une peine «proportionnée aux infractions retenues et non contestées».
Pour ce qui est de la culpabilité de ce prévenu à l’aune de l’art. 47 CP, applicable au titre de norme pénale générale, il doit être retenu qu’en abusant de sa qualité de médecin à l’égard de son fournisseur, l’appelant a mis sur le marché clandestin des quantités importantes (26'000 comprimés) d’un médicament qu’il savait soumis à ordonnance médicale et impliquer des risques d’addiction, comme il l’a expressément reconnu (PV aud. 5, p. 2). Il a ainsi fait fi de toute considération pour la santé publique, en sachant pertinemment qu’il était impossible de contrôler la diffusion ultérieure de ces comprimés, tant en Suisse qu’à l’étranger. Ce comportement est particulièrement indigne d’un médecin, étant ajouté à toutes fins utiles que les cantons romands interdisent la propharmacie (cf., s’agissant du canton de Vaud, l’art. 110 al. 1 let. b LSP, a contrario). Le prévenu a agi par légèreté, pour rendre service, et non par appât du gain, même si son intervention a été modestement rémunérée. A décharge, on retiendra les regrets exprimés, témoignant de sa prise de conscience. A toutes fins utiles, on ajoutera que son absence d'antécédents n'a pas à être prise en considération dans un sens atténuant (ATF 136 IV 1 c. 2.6.4).
Dans ces conditions, la peine privative de liberté de deux ans, sous déduction de deux jours de détention avant jugement (art. 51 CP), prononcée par les premiers juges est adéquate. A noter en outre que la durée du délai d’épreuve assortissant le sursis est au minimum légal (art. 44 al. 1 CP). L’amende de 1’500 fr. n’est pas contestée séparément.
III. Appel joint du Ministère public dirigé contre J._
1.1
Le Ministère public estime que la peine privative de liberté avec sursis devrait être assortie d’une peine pécuniaire ferme à titre de sanction immédiate.
1.2
Conformément à l'art. 42 al. 4 CP, le juge peut prononcer, en plus d'une peine assortie du sursis, une peine pécuniaire sans sursis ou une amende selon l'art. 106 CP. Cette combinaison se justifie lorsque le sursis peut être octroyé, mais que, pour des motifs de prévention spéciale, une sanction ferme accompagnant la sanction avec sursis paraît mieux à même d'attirer l'attention de l'auteur sur le sérieux de la situation tout en lui démontrant ce qui l'attend s'il ne s'amende pas. Il s'agit d'une forme d'admonition à l'adresse du condamné (ATF 134 IV 60 c. 7.3.1; Bommer, Die Sanktionen im neuen AT StGB - ein Überblick, in : Revision des Allgemeinen Teils des Strafgesetzbuches, Berne 2007, p. 35). Si une peine combinée est justifiée, les deux sanctions considérées ensemble doivent correspondre à la gravité de la faute au sens de l'art. 47 CP (TF 6B_61/2010 c. 5.1 et 5.2; ATF 134 IV 53 c. 5.2; CCASS, 28 juin 2010, no 260, c. 2.5.1). Cette combinaison de peines ne doit pas conduire à une aggravation de la peine globale ou permettre une peine supplémentaire (TF 6B_61/2010 c. 5.1 et 5.2; ATF 134 IV 53 c. 5.2; CCASS, 28 juin 2010, n° 260, c. 2.5.1). L'art. 42 al. 4 CP donne ainsi la faculté au juge de scinder la peine en deux modes d'exécution différents et/ou en deux genres de peine différents. Pour respecter cette règle, il doit donc d'abord fixer le nombre d'unités pénales conformément à l'art. 47 CP, puis déterminer le genre de peine adéquat, vérifier ensuite les conditions d'application du sursis simple selon l'art. 42 CP et, s'il assortit la peine du sursis et veut y ajouter une peine pécuniaire ferme cumulée selon l'art. 42 al. 4 CP, scinder cette peine en deux parties, l'une assortie du sursis et l'autre ferme (Jeanneret, Droit des sanctions : le Tribunal fédéral souffle le chaud et le froid, in Revue pénale suisse, 126/2008, p. 283; Kuhn,
in
: Roth/Moreillon, Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, n. 25 ad art. 42 CP, p. 440). La peine privative de liberté est alors prépondérante, alors que la peine pécuniaire sans sursis ou l'amende est d'importance secondaire.
1.3
En neuf mois, J._ a prêté la main à trois ventes de Dormicum. Il a perçu quelque 500 fr. à chaque fois. On peut le croire lorsqu’il affirme que ce n’est pas tant l’appât du gain que plutôt la volonté de rendre service à son ami N._ qui l’a poussé à agir. Il a fait preuve de légèreté. Il est admis qu’il a pris conscience de ses torts. Il risque son autorisation de pratiquer comme médecin. La peine de deux ans apparaît suffisante au vu de ces circonstances, sans qu’il soit nécessaire d’y ajouter une peine ferme à titre de sanction immédiate.
IV. Appel d’N._
1.
1.1
L’appelant conteste la recevabilité au titre de moyens de preuve des enregistrements vidéo de l’excès de vitesse trouvés sur son téléphone mobile le 15 septembre 2011, à l’occasion de la perquisition effectuée dans l’enquête concernant le commerce illicite de médicaments.
1.2
L’art. 243 CPP prévoit que les traces et les objets découverts fortuitement qui sont sans rapport avec l'infraction mais qui laissent présumer la commission d'autres infractions, sont mis en sûreté (al. 1); les objets, accompagnés d'un rapport, sont transmis à la direction de la procédure qui décide de la suite de la procédure (al. 2).
La jurisprudence admet que les preuves découvertes fortuitement peuvent être valablement exploitées par les autorités pénales si toutes les conditions légales posées à leur obtention sont réalisées. Il s’agit en d’autres termes de se demander si les autorités pénales auraient été formellement et matériellement habilitées par la loi à ordonner la mesure de recherche qui a conduit aux découvertes fortuites si elles avaient eu dès le départ le soupçon concret de la commission de cette autre infraction (SJ 2013 I 480). Si la réponse est affirmative, les découvertes fortuites peuvent être exploitées. Dans le cas contraire, elles ne pourront pas l'être sauf si elles sont indispensables pour élucider une infraction grave (Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire, Code de procédure pénale, Bâle 2013, nn. 2 et 3 ad art. 243 CPP; Gfeller/Thormann, in Niggli/Heer/Wiprächtiger, Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, Bâle 2011, nn. 3 et 30 ad art. 243 CPP).
1.3
L’appelant soutient que la réponse à cette question doit être négative. Il n’étaye cependant pas ce moyen, si ce n’est, précisément, en faisant valoir que la preuve a été découverte dans une enquête portant sur d’autres faits.
Il est notoire que certains chauffards roulant à tombeau ouvert dans des voitures de luxe filment leurs actes illicites car ils les considèrent comme des exploits. Si le prévenu avait été soupçonné d’avoir commis un excès de vitesse de cette ampleur, les autorités pénales auraient certainement pris la peine de consulter tous les supports vidéo disponibles chez lui, et ils auraient eu le droit de le faire. Cette preuve est donc exploitable.
1.4
L’appelant conteste avoir été au volant de la Bentley. Il n’aurait été que le passager arrière du véhicule, filmant par-dessus l’épaule du conducteur. Il relève que le film ne permet pas d’identifier ce dernier.
2.
2.1
Selon l’art. 10 al. 2 et 3 CPP, le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure; il se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation.
S'agissant de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, il s’agit de l’acte par lequel le juge du fond évalue librement la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. Le juge peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory,
in
: Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP; Kistler Vianin, op. cit., nn. 19 ss ad art. 398 CPP, et les références jurisprudentielles citées).
2.2
Les premiers juges ont considéré que la version des faits du prévenu ne résistait pas à l’examen, et que les indices suivants permettaient de se convaincre au-delà de tout doute raisonnable de sa culpabilité :
- la main gauche du conducteur est positionnée à «trois heures» sur le volant, ce qui est peu naturel pour un automobiliste circulant à très haute vitesse d’un véhicule ayant la conduite à gauche;
- on ne voit pas la main, le bras ou l’épaule droit du conducteur;
- le conducteur a la même montre Panerai Luminor Submersible que le prévenu, alors qu’il est notoire qu’il s’agit d’un modèle de luxe à diffusion limitée;
- aucune parole n’est échangée entre conducteur et passager;
- il est insolite que lors d’une course d’essai en vue de la vente du véhicule, ce soit le vendeur qui conduise, tandis que l’acheteur se trouverait à l’arrière;
- seule une personne au volant est en mesure de filmer le tachygraphe à travers les branches du volant, à la hauteur du moyeu de celui-ci;
- le prévenu a déjà été condamné par le passé pour un excès de vitesse de plus de 56 km/h.
L’appelant tente de réfuter ces arguments. Il fait valoir qu’il s’agit de déductions, d’impressions subjectives, certes fondées sur l’expérience professionnelle, mais ne reposant pas sur des constatations objectives de fait. Il a produit un film censé démontrer qu’il est possible pour un passager arrière de filmer à travers les branches du volant. Il relève en outre qu’il existe beaucoup de montres Panerai, sans même compter les contrefaçons, et qu’il ne s’agit donc que d’une coïncidence. Il fait valoir que le propriétaire et candidat-vendeur de la voiture, de nationalité russe ou lettonne, ne parlait pas la même langue que lui, ce qui expliquerait leur silence. Il estime enfin logique que ce soit le vendeur qui conduise, vu la valeur de la voiture.
Il ressort en effet du film produit par l’appelant qu’il est possible à un passager arrière, s’il s’avance contre le siège du conducteur et tend le bras, de s’approcher suffisamment près du volant pour filmer le cadran.
Cela étant, le raisonnement des premiers juges reste pertinent. Il repose bel et bien, en premier lieu, sur des constatations de fait, savoir : qu’on ne voit jamais le bras droit du conducteur, que celui-ci n’utilise que sa main gauche même lorsqu’il doit faire un virage amenant celle-ci jusqu’à «trois heures», qu’il porte la même montre que celle dont disposait alors le prévenu, et qu’aucune parole n’est échangée.
On doit ensuite relever que la crédibilité du prévenu est problématique. En effet, les explications de l’intéressé sur le motif de la course et du film, ainsi que sur le silence des occupants de la voiture, ont varié; s’il affirme en appel qu’il s’agissait d’une course d’essai en vue de la vente du véhicule, il a déclaré lors de sa première audition que «lors d’une soirée» il s’était «retrouvé dans cette voiture» avec le propriétaire et qu’il était «prévu qu’il fasse le con (sic)» (PV aud. 3 p. 2). En appel il invoque des difficultés linguistiques; au début de l’enquête il disait que le chauffeur et lui se taisaient parce qu’ils avaient peur en raison de la haute vitesse. Durant l’enquête il a aussi déclaré que « la musique était à fond» (PV aud. 4 p. 3). Aux débats il a reconnu que tous deux avaient parlé «à d’autres occasions» (jugement, p. 15) et qu’il n’y avait donc pas de barrière de langue entre eux.
On peut opposer deux éléments du dossier à l’argument de l’appelant selon lequel le propriétaire d’une voiture d’un tel prix est peu enclin à la laisser conduire par d’autres : d’une part, le prévenu a déclaré que des amis lui demandaient régulièrement d’essayer la Bentley et qu’il les accompagnait alors (pv 3 p. 2); d’autre part, aux débats de première instance, un témoin [...] a indiqué que le propriétaire de la Bentley lui avait confié cette voiture pour qu’il la vende (jugement, p. 21).
L’existence du film elle-même tend à corroborer la thèse de la culpabilité. Les chauffards filment le compteur de vitesse précisément pour avoir une preuve de leur exploit, dans le dessein de s’en vanter ultérieurement. Dès lors, on ne voit pas quel serait l’intérêt du passager intéressé à l’achat de la voiture de faire et de conserver un tel film.
Au regard d’un tel faisceau d’indice convergents et des antécédents du prévenu, il faut admettre que la culpabilité de l’appelant ne fait aucun doute. Pour le reste, la qualification de l’infraction routière n’est pas contestée.
3.
3.1
L’appelant conteste la quotité de la peine, qu’il voudrait compatible avec le sursis entier auquel il conclut par ailleurs. Il conteste aussi la révocation des précédents sursis. Son argumentation est liée à sa contestation des faits relative à l’accusation d’entrave à la circulation publique.
3.2
Pour ce qui est de sa culpabilité au regard de l’art. 47 CP, N._ est à l’origine du commerce illicite de médicaments. Il a agi par appât du gain, de manière réitérée. Il a en outre commis un excès de vitesse considérable. Il est de surcroît fier de son acte, puisqu’il en a conservé le film. Il a de nombreux antécédents pénaux dans plusieurs domaines différents, ce qui montre bien qu’il n’est guère respectueux de la loi en général. Il a fait l’objet de pas moins de neuf retraits de permis de conduire, ce qui témoigne dans une plus large mesure encore de son mépris pour les règles de la circulation routière. Il s’agit d’autant d’éléments à charge. A décharge, on retiendra une relative bonne collaboration à l’enquête. La peine de trois ans, sous déduction d’un jour de détention avant jugement (art. 51 CP), est adéquate.
Cette quotité est incompatible avec le sursis ordinaire, soit complet.
3.3
Lorsque le juge est appelé à connaître d'un crime ou d'un délit que l'auteur a commis après une précédente condamnation à une peine assortie du sursis, il est également compétent pour statuer sur la révocation de ce dernier (cf. art. 46 al. 3 CP). Il doit donc examiner si les conditions d'une révocation sont réunies, laquelle postule que le crime ou le délit dont il est appelé à connaître ait été commis pendant le délai d'épreuve du sursis antérieur et qu'il y ait dès lors lieu de prévoir que l'auteur commettra de nouvelles infractions (cf. art. 46 al. 1 CP). Cette dernière condition implique l'existence d'un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné (ATF 134 IV 140 c. 4.3 p. 143). Elle correspond donc à l'une des conditions de l'octroi du sursis, de sorte que, comme dans ce dernier cas, le pronostic à émettre doit reposer sur une appréciation d'ensemble de tous les éléments pertinents (arrêt précité c. 4.4 pp. 143-144 et les arrêts cités).
Dans l'appréciation des perspectives d'amendement à laquelle il doit procéder pour décider de la révocation d'un sursis antérieur, le juge doit tenir compte des effets prévisibles de l'octroi ou non du sursis à la nouvelle peine. Il peut parvenir à la conclusion que l'exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. L'inverse est également admissible: si le sursis précédent est révoqué, l'exécution de la peine qui en était assortie peut conduire à nier l'existence d'un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis (ATF 134 IV 140 précité c. 4.5 p. 144). Ainsi, un critère déterminant pour juger du risque de réitération et, partant, pour poser le pronostic prévu par la loi est celui de l'effet de choc et d'avertissement (
Warnungswirkung
) issu de la condamnation précédente, y compris en ce qui concerne l'aménagement ultérieur de la vie de l'intéressé; s'il est avéré, un tel effet constitue un facteur favorable – même s'il n'est pas déterminant à lui seul – dans l'examen du pronostic (cf. ATF 134 IV 140 c. 5.3).
3.4
La révocation des sursis précédents s’impose, même s’il s’agit d’infractions différentes. Le prévenu a déjà bénéficié par le passé à plusieurs reprises de délais d’épreuves. Les enchaînements de condamnations montrent qu’il n’a jamais respecté aucun de ces délais mais qu’il a toujours récidivé. Les regrets exprimés ou le «choc» causé par la procédure pénale, invoqués par l’appelant, ne permettent pas de formuler un pronostic favorable eu égard à ce qui précède. Bien plutôt, les éléments à charge susmentionnés commandent de considérer que seule un peine ferme paraît nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Ainsi, vu le risque de réitération qu’il présente, il est important, pour des motifs de prévention spéciale, que ce prévenu exécute au moins partiellement une peine cette fois-ci. Au surplus, la durée du délai d’épreuve assortissant le sursis partiel, fixée au maximum légal (art. 44 al. 1 CP), n’est pas contestée.
V. Appel joint du Ministère public dirigé contre N._
1.
1.1
Le Parquet estime que ce prévenu aurait dû, pour le commerce illicite de Dormicum, être reconnu coupable d’infraction grave à la Lstup et non d’infraction à la LPth.
1.2
Le Tribunal correctionnel a choisi cette dernière qualification parce qu’il a retenu, au bénéfice du doute, que cet intimé – contrairement au médecin J._ – pouvait ignorer que le Dormicum était un stupéfiant. Le Ministère public ne conteste pas l’erreur éventuelle de l’auteur, mais estime qu’il ne s’agit que d’une erreur sur la qualification juridique, qui resterait sans effet sur la punissabilité, dès lors que ce prévenu savait en tout état de cause qu’il commettait une infraction en écoulant les médicaments sans être habilité à le faire.
Ce raisonnement est erroné; au vrai, il apparaît porter sur l’erreur de droit plutôt que sur l’erreur sur les faits. L’auteur doit vouloir les éléments constitutifs de l’infraction, en particulier ici, s’adonner à un commerce illicite de stupéfiants.
2.
Le Parquet estime que la requalification justifie un alourdissement de la peine. Il ne soutient pas que la peine serait excessivement clémente abstraction faite de toute autre considération, soit qu’elle procéderait d’une fausse application de l’art. 47 CP. Le rejet de la conclusion portant sur la qualification des actes incriminés prive donc d’objet celle portant sur la quotité de la peine.
3.
3.1
Le Ministère public conteste l’octroi d’un sursis partiel. Il fait valoir que le pronostic est défavorable. Contrairement à la conclusion portant sur la quotité de la peine, celle portant sur le sursis est indépendante de la qualification des faits, comme cela ressort de la déclaration d’appel joint. Il doit donc être entré en matière.
3.2
De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP (ATF 134 IV 1 c. 5.3.1 p. 10; cf. aussi arrêts 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 c. 3.2.1; 6B_353/2008 du 30 mai 2008 c. 2.3). En effet, le critère des perspectives d’amendement s'applique également pour le sursis partiel, dès lors que la référence au pronostic ressort implicitement du but et du sens de cette dernière disposition. Ainsi, lorsque le pronostic quant au comportement futur de l'auteur n'est pas défavorable, la loi exige que l'exécution de la peine soit au moins partiellement suspendue. Mais un pronostic défavorable exclut également le sursis. En effet, s'il n'existe aucune perspective que l'auteur puisse être influencé de quelque manière par un sursis complet ou partiel, la peine doit être entièrement exécutée (ATF 134 IV 1 précité, c. 5.3.1, p. 10).
Pour statuer sur la suspension partielle de l’exécution d’une peine, le juge doit tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, cette notion de faute correspond à la culpabilité telle que définie à l’art. 47 al. 2 CP (ATF 134 IV 1 précité c. 4.2.3).
3.3
A défaut de tout amendement de l’auteur en matière de circulation routière, les conditions subjectives du sursis ne seraient pas réunies si cette nouvelle infraction devait être considérée isolément. Cela étant, la peine réprime aussi une infraction à la LPth; elle constitue la première condamnation lourde infligée à l’intimé. Le pronostic peut être considéré comme mitigé, de sorte que le sursis partiel est justifié.
VI.
En définitive, l’appel de J._ sera partiellement admis et le jugement attaqué réformé dans la mesure déjà exposée. Pour leur part, l’appel d’N._ et les appels joints du Ministère public seront rejetés.
Vu l'issue des causes déférées en appel, les frais d'appel seront mis par un sixième à la charge de J._, qui, seul, obtient partiellement de gain de cause, et par un tiers à la charge d’N._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP). Ces frais sont limités à l'émolument (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6aad41f3-5699-43fb-b583-284f3d58c3c2 | En fait :
A.
Par jugement du 14 août 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a constaté que E._ s’est rendu coupable de violation des règles de la circulation routière (I), l’a condamné à une amende de 500 fr., la peine privative de liberté de substitution étant fixée à 5 jours (II), a rejeté la requête de constitution de partie civile présentée le 13 août 2013 par [...] SA (III) et a mis les frais de justice, par 650 fr. à sa charge (IV).
B.
Par déclaration motivée du 4 septembre 2013, E._, par son défenseur l’avocat Astyanax Peca, a fait appel contre ce jugement concluant principalement à son acquittement et subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois pour nouveau jugement dans le sens des considérants.
Le 24 septembre 2013, le Ministère public a déclaré qu’il renonçait à présenter une demande de non-entrée en matière ou une déclaration d’appel joint.
Par avis du 27 septembre 2013, le Président a informé l’appelant que son appel serait traité en procédure écrite et par un juge unique.
Le 10 octobre 2013, l’appelant a indiqué au Président qu’il n’avait pas d’observation à formuler et qu’il se référait, pour le surplus, à sa déclaration d’appel motivée du 4 septembre 2013.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
E._ est né le [...]. Ressortissant suisse, il est marié et père de trois enfants aujourd’hui indépendants. Interpellé aux débats de première instance sur sa situation personnelle, il dit toucher un salaire net de 6'353 fr. versé treize fois l’an. Il explique que la maison dont il est propriétaire lui coûte environ 1'500 fr. par mois. Sa prime d’assurance maladie se monte à 596 fr. 75 par mois alors que les primes de son véhicule se montent à 495 fr. 50. La taxe auto se monte à 56 fr. par mois. Il dit encore payer mensuellement entre 700 fr. et 800 fr. d’impôts. Son épouse ne travaille pas.
Le casier judiciaire suisse de l’intéressé ne comporte aucune inscription. Le fichier ADMAS indique un avertissement du 17 août 2009 pour vitesse.
2.
Aux abords d’Oron-la-Ville, le samedi 23 février 2013, vers 11h45, E._ circulait de Forel en direction de Rue, feux éteints, au volant d’un véhicule Chrysler Voyager tractant une remorque. Il suivait une voiture de livraison à une vitesse d’environ 50 km/h. Sur un tronçon rectiligne, il se déporta légèrement sur la gauche pour observer si des véhicules arrivaient en face, dans la perspective d’un éventuel dépassement. Quasiment simultanément, son rétroviseur gauche heurta le même élément de la voiture conduite en sens inverse à environ 80 km/h par K._.
Suite au choc, E._ a poursuivi sa route jusqu’à Promasens, village distant de quelques kilomètres, où il fut rattrapé par K._ qui a appelé la police.
A l’endroit de l’accident, la route, large de 6.25 mètres, est composée de deux voies de circulation séparées par une ligne de direction. Le point de choc a été estimé au centre de la chaussée. L’instruction n’a pas permis d’établir à satisfaction de droit si E._ avait ou non franchi la ligne médiane.
Par ordonnance pénale du 3 avril 2013, le Préfet de Lavaux-Oron a condamné E._ à une amende de 500 fr. pour violation des règles de la circulation routière. Il lui a reproché de ne pas avoir voué toute son attention à la circulation, d’avoir circulé insuffisamment à droite au volant de son véhicule et de sa remorque ainsi que de ne pas s’être arrêté immédiatement en tant que personne impliquée dans un accident.
Contestant les faits reprochés, le prévenu a formé opposition à cette ordonnance par courrier du 10 février 2013. Le Préfet a maintenu sa décision et transmis le dossier de la cause au Ministère public central, qui l’a fait suivre à l’autorité de première instance en vue des débats.
Devant le Tribunal de police, E._ a une nouvelle fois contesté la version retenue des faits. Le premier juge a confirmé la condamnation de ce dernier. | En droit :
1.
a) Selon l'art. 399 al. 1 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0), l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté dans les vingt jours dès la communication écrite du jugement de première instance, la déclaration d’appel est recevable et il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
b)
S'agissant d'un appel dirigé contre une contravention, la procédure applicable est écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause ressort de la compétence d'un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009 , RSV 312.01]).
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné et que l’état de fait est établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kist Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22-23 ad art. 398 CPP).
c) En l’espèce, seule une contravention à la législation sur la circulation routière a fait l’objet de l’accusation et du jugement de première instance, de sorte que l’appel est restreint.
2.
L’appelant soutient en premier lieu que sa responsabilité dans la survenance du choc n’est pas établie, que le point de choc n’a pas pu être déterminé et que le doute doit lui profiter.
2.1
Le conducteur qui veut modifier sa direction de marche, par exemple pour obliquer, dépasser, se mettre en ordre de présélection ou passer d’une voie à l’autre, est tenu d’avoir égard aux usagers de la route qui viennent en sens inverse ainsi qu’aux véhicules qui le suivent (art. 34 al. 3 LCR [Loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958; RS 741.01]). Le conducteur tiendra sa droite. Il n'est pas tenu à cette règle sur les routes bombées ou difficiles et dans les tournants à gauche lorsque la visibilité est bonne et que la circulation venant en sens inverse ou de derrière n'est pas entravée (art. 7 al. 1 OCR [Ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière; RS 741.11]).
2.2
Le principe "in dubio pro reo" est le corollaire de la présomption d'innocence garantie par les art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101) et 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, RS 0.101), qui ont la même portée. Il régit tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle de l'appréciation des preuves, ce principe signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 c. 2a et les arrêts cités).
2.3
En l’espèce, le premier juge a retenu deux hypothèses: soit E._ s’est déporté trop brusquement sur la gauche; soit il n’a pas observé une distance suffisante avec le fourgon qui le précédait, ce qui ne lui a pas permis de se rabattre pour éviter le choc. Dans les deux cas, la manœuvre du prévenu est la seule cause de l’accrochage.
Cette analyse ne prête pas le flanc à la critique et doit être suivie. L’appelant précise lui-même que le choc est survenu immédiatement après sa manœuvre, soit juste après qu’il se soit déporté sur la gauche pour voir s’il pouvait dépasser ce qu’il qualifie de « gros véhicule bâché » (jugement attaqué, p. 4), par définition plus large que la Chrysler Voyager qu’il conduisait. Or si le véhicule conduit par K._ a croisé sans encombre ce gros véhicule, il est manifeste que seule la manœuvre du prévenu se trouve à l’origine du choc. A cela s’ajoute que cet incident s’est déroulé non pas sur une route étroite avec des croisements serrés, mais sur un tronçon rectiligne d’une largeur de plus de six mètres.
Au surplus, pour tenter de voir si un dépassement est possible, surtout en roulant derrière un fourgon, il est nécessaire de se décaler d’au moins quarante ou cinquante centimètres. Il est par conséquent évident que l’appelant ne tenait pas sa droite au moment où il s’est décalé et où le choc est survenu. Peu importe le fait de savoir s’il a franchi ou non la ligne traitillée médiane située au milieu de la route.
En outre, le comportement de l’appelant après le choc corrobore sa responsabilité dans celui-ci, alors que l’on ne pourrait pas expliquer pourquoi, s’il avait commis une faute en ne tenant pas sa droite, K._ aurait pris le risque et le temps de faire demi-tour pour suivre l’appelant qui continuait sa route.
Enfin, la manœuvre consistant pour l’appelant à se décaler sur la gauche étant avérée et d’ailleurs non contestée, peu importe en définitive le point de savoir si K._ roulait ou non suffisamment à droite. En effet, il n’y a pas de compensation des faute en droit pénal (ATF 122 IV 17 c. 2c/bb) et un reproche, fait à K._, qui ne serait qu’hypothétique vu ce qui précède, n’exculperait de toute manière pas l’appelant. Dès lors, contrairement à ce que soutient l’appelant, le fait de pouvoir déterminer où se situe exactement le point de choc n’est pas décisif.
2.3
L’ensemble des éléments qui précèdent ne laisse aucune place au doute quant à la responsabilité de l’appelant dans la survenance du choc. En conséquence, l’autorité de céans parvient à la même conclusion que le Préfet et que le premier juge quant au déroulement des faits et, la situation ne laissant pas la place pour un doute, le principe
in dubio pro reo
ne s’applique pas.
Il résulte de ce qui précède que la condamnation de l’appelant pour avoir enfreint les art. 34 al. 3 LCR et 7 al. 1
er
OCR est bien fondée.
3.
L’appelant conteste ensuite voir violé ses devoirs en cas d’accident.
3.1
L'art. 92 ch. 1 LCR dispose que celui qui viole, lors d’un accident, les obligations que lui impose la loi sur la circulation routière, sera puni de l’amende.
Aux termes de l'art. 51 LCR, en cas d’accident où sont en cause des véhicules automobiles ou des cycles, toutes les personnes impliquées devront s’arrêter immédiatement. Elles sont tenues d’assurer, dans la mesure du possible, la sécurité de la circulation (al. 1). Si l’accident n’a causé que des dommages matériels, leur auteur en avertira tout de suite le lésé en indiquant son nom et son adresse. En cas d’impossibilité, il en informera sans délai la police (al. 3).
Cette disposition définit les devoirs généraux qui s'adressent aux personnes impliquées dans un accident, quelles qu’en soient les conséquences. Il convient en premier lieu de définir ce qu'est une personne impliquée, puisque c'est à elle, en principe, qu'incomberont, entre autres, ces devoirs généraux. Est impliqué dans un accident celui qui, d'une quelconque manière, directement ou indirectement, a participé à la survenance de l'accident, indépendamment du fait de savoir s'il supporte une responsabilité ou s'il en est la cause. Plus généralement, sont impliqués tous ceux dont l'attitude peut avoir une influence dans la survenance et donc quant à l'explication de l'accident.
L'immédiateté de l'avis requis par l'art. 51 al. 3 LCR doit être interprétée de manière stricte. Celui-ci doit être donné aussi rapidement que les circonstances le permettent. L'auteur ne peut différer l'avis pour des questions de convenance personnelle ou pour ne pas déranger de nuit le lésé (AF 92 IV 22 c. 2; TF 6S.8/2003 du 19 mars 2003, consid. 2; TF 6S.281/2004 du 10 février 2004, consid. 1.2.1). Si celui-ci n'est pas présent sur les lieux et qu'il ne peut être avisé immédiatement, parce qu'il n'est pas connu ou qu'il n'est pas atteignable, l'auteur de l'accident devra aviser la police.
En principe, les devoirs spécifiques prévus à l'art. 51 al. 3 LCR incombent à l'auteur du dommage et non aux personnes impliquées. L'auteur du dommage est celui dont le comportement est, même partiellement, à l'origine de l'une des causes de l'accident, indépendamment de toute faute et même s'il subit personnellement un dommage du fait de l'accident. A l'opposé, celui qui n'a exercé aucune influence sur le déroulement de l'accident, comme le simple passager, n'est pas l'auteur du dommage et, partant, n'est pas débiteur des devoirs spécifiques décrits à l'art. 51 al. 3 LCR (TF 6S.8/2003 du 19 mars 2003 consid. 2; Jeanneret, ibidem, p. 176; Weissenberger, Jahrbuch 2003, p. 356).
3.2
En l’espèce, l'appelant a bel et bien violé les devoirs que lui imposait l'art. 92 ch. 1 LCR. En effet, d'une part, au regard du déroulement des événements tels qu'exposés ci-dessus (cf. chiffre 2 ci-dessus), il est clair que E._ est l'auteur d'un dommage, son comportement étant dans tous les cas la ou l'une des causes de l'accident. D'autre part, il est parti immédiatement après l'accident sans indiquer son nom et son adresse au lésé, à savoir K._, conducteur de l’automobile endommagée.
E._ devait s’immobiliser ensuite du choc. L’argumentation relative au fait qu’il ne disposait pas de place pour s’arrêter n’est, dans le cas d’espèce, pas pertinente. Ce qu’il appelle un « train routier » (déclaration d’appel, p. 5) était une voiture avec une remorque, sans plus. La route était large et pour l’essentiel rectiligne. Si l’appelant avec son véhicule muni d’une remorque, a finalement pu dépasser le « gros véhicule bâché », c’est qu’il disposait aussi d’une place suffisante pour s’arrêter. Enfin, il résulte des explications crédibles de K._ que l’appelant ne s’est finalement arrêté qu’après des appels de phares, des coups de klaxon et pour finir le dépassement de K._, ce qui tend à démontrer qu’il ne se serait jamais arrêté si ce dernier ne l’avait pas poursuivi.
Avec le premier juge, on doit retenir que l’appelant, en ne s’arrêtant pas après le choc survenu entre son véhicule et le véhicule de K._ a violé l’art. 51 al. 1 OCR en relation avec l’art. 90 ch. 2 LCR. La condamnation de E._, de ce chef, est donc elle aussi bien fondée.
4.
Compte tenu de tous ces éléments, l’amende de 500 fr. infligée à E._, est adéquate et correspond aux principes légaux et aux fautes, loin d’être bénignes, commise par l’appelant. Au demeurant, cette amende, non contestée, est adaptée à sa situation financière. Elle doit être confirmée.
5.
En définitive, l'appel de E._ est rejeté et le jugement rendu le 14 août 2013 par le Tribunal de police de l'arrondissement de l’Est vaudois est intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, par 810 fr. (art. 422 CPP; art. 21 al. 1 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), doivent être mis à la charge de E._ (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6ab5b51f-8b86-4ce4-abf5-f5699c8a7cec | En fait :
A.
Par jugement du 6 janvier 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a notamment constaté que Z._ s'était rendue coupable de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires et d'opposition aux actes de l'autorité (II); l'a astreinte à 60 (soixante) heures de travail d'intérêt général (III); a suspendu l'exécution de la peine et fixé à Z._ un délai d'épreuve de deux ans (IV) et a mis à sa charge l'entier des frais de justice par 2'205 fr. (V).
B.
Les faits retenus sont les suivants :
Z._ est née en novembre 1974 au Sentier. Au terme de sa scolarité obligatoire, elle a entrepris un apprentissage d'employée de bureau auprès de la société électrique de [...] et a obtenu son CFC en 1992. Elle a ensuite travaillé deux ans comme ouvrière en horlogerie, puis dès 2001, comme ouvrière dans l'entreprise de mécanique que son père possédait alors. Depuis le décès de son père, survenu en 2004, elle ne travaille plus et perçoit une demi-rente de l'assurance-invalidité, soit 741 fr. par mois, en raison de problèmes psychologiques avérés qui ne lui permettent plus de supporter le stress inhérent à une activité lucrative à temps complet. Z._ bénéficie en outre du revenu d'insertion et vit seule dans un studio au Sentier, pour un loyer mensuel de 820 francs. Sa prime d'assurance maladie est subsidiée mais elle paie la différence, soit 46 fr. par mois. Elle suit actuellement une formation d'auxiliaire de santé. Son casier judiciaire est vierge.
Il lui est reproché d'avoir été contrôlée dans le train Lausanne-Vallorbe, le 31 mars 2009 vers 12h30 à la hauteur de Renens, alors qu'elle circulait en 1
ère
classe avec un abonnement de 2
ème
classe. Comme elle ne s'était pas acquittée d'un surclassement, le contrôleur l'a informée qu'il devrait établir un constat pour un montant de 80 francs. Z._ a alors essayé d'arracher son abonnement des mains du contrôleur en le griffant jusqu'au sang, afin qu'il ne puisse pas relever son identité. Elle l'a ensuite bousculé en le poussant à plusieurs reprises, l'a insulté, l'a menacé de lui casser les lunettes et l'a frappé plusieurs fois dans le dos. Alors que le contrôleur s'était retourné pour remplir le constat, Z._ en a profité pour frapper son collègue au visage avec le poing tout en l'insultant également. Elle a fini par se calmer et par quitter le wagon. En audience de première instance tout comme devant le juge d'instruction lors de son audition le 23 juillet 2009, Z._ a contesté avoir fait preuve du moindre acte de violence à l'endroit des contrôleurs, admettant cependant s'être peut-être montrée agressive à leur égard, se bornant à répliquer à leur propre agressivité et à l'insulte qu'elle aurait reçue de l'un des quatre ou cinq contrôleurs qui auraient pris place autour d'elle.
Il est également reproché à Z._ de s'être introduite, le
4 juin 2009 à 04h40, en compagnie de N._, au centre EVAM de la rue du Simplon à Lausanne, malgré l'interdiction d'entrer qui lui avait été signifiée par l'agent de sécurité de nuit. Comme ce dernier ordonnait à Z._ de sortir, N._ s'est violemment énervé et s'est jeté sur l'agent qui a dû le repousser et a appelé la police. Z._ s'est alors comportée de manière bruyante et agressive avec la police, griffant l'un des agents au visage, criant, s'interposant physiquement pour empêcher les officiers d'emmener N._. Z._ a expliqué qu'elle était ivre ce soir-là et qu'elle n'avait pas supporté que N._ ait été maltraité par l'agent de sécurité. Elle a toutefois contesté avoir fait preuve d'agressivité à l'encontre des policier arrivés sur les lieux, admettant cependant qu'il était possible qu'elle se soit physiquement interposée à plusieurs reprises entre les policiers et N._, tout comme il était possible qu'elle ait essayé de saisir les bras des intervenants.
Nonobstant les dénégations de Z._, le premier juge a conclu que les éléments constitutifs des voies de fait sur un membre d'une autorité ou d'un fonctionnaire pendant qu'il procédait à un acte entrant dans ses fonctions étaient réalisés, alors que l'intéressée était dans le train le 31 mars 2009. Il a également considéré que Z._ s'était rendue coupable d'opposition aux actes de l'autorité la nuit du 4 juin 2009. L'intéressée a dès lors été sanctionnée en conséquence et les frais de procédures ont été entièrement mis à sa charge par 2'205 francs.
C.
En temps utile, Z._ a interjeté appel contre ce jugement et a transmis un mémoire motivé. Elle a conclu à la réforme du chiffre V du dispositif, en ce sens qu'elle est libérée de payer l'entier des frais de justice mis à sa charge par le premier juge. A l'appui de son appel, elle indique être au bénéfice du RI, ne pas disposer de la somme demandée, avoir épousé N._ le 11 février 2011, ajoutant que ce dernier est sans travail et qu'il va commencer une formation professionnelle d'assistant dentaire, alors qu'elle-même a le projet de débuter une nouvelle formation professionnelle.
Le Ministère public s'est rallié aux motifs du jugement entrepris et a conclu au rejet de l'appel. | En droit :
1.
Aux termes de l'art. 454 al. 1 CPP la voie de l'appel est ouverte contre le jugement statuant sur une opposition à une ordonnance de condamnation.
Formé en temps utile, l'appel est recevable.
2.
Z._ ne conteste pas la quotité des frais de justice mais sa condamnation au paiement complet de ces frais. Elle explique qu'au vu de sa situation financière et personnelle, elle ne peut payer l'entier de cette somme.
La seule question de la prise en charge des frais de procédure étant un point de droit, il y a lieu de traiter l'appel en procédure écrite (art. 406 al. 1 let. a CPP).
3.
Conformément à l'art. 426 al. 1 1
ère
phrase CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné. La réglementation selon laquelle le prévenu qui est condamné supporte les frais de procédure n'est pas une nouveauté introduite par le nouveau code de procédure mais elle est commune à tous les codes de procédure pénale existant en Suisse (Message du Conseil fédéral relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, du 21 décembre 2005, FF 2006, p. 1310). La personne condamnée doit ainsi rembourser à l'Etat les frais que ce dernier a avancés dans la procédure (Kuhn/Jeanneret, Code de procédure pénale suisse, Joëlle Chapuis in: Commentaire romand, Bâle 2011, n. 1 ad. art. 426 CPP).
Au termes de l'art. 425 CPP, l'autorité pénale peut toutefois accorder un sursis pour le paiement des frais de procédure. Elle peut réduire ou remettre les frais compte tenu de la situation de la personne astreinte à les payer.
S'il appartient à l'autorité d'exécution de fixer les modalités de paiement des frais sur demande de la personne astreinte à s'en acquitter (par exemple en fixant des acomptes mensuels en fonction des revenus du débiteur), la décision de réduire ou remettre les frais compte tenu de la situation de la partie concernée appartient en premier lieu à l'autorité de jugement. Les frais de justice ne doivent pas apparaître au condamné comme une punition supplémentaire, une sorte de peine déguisée (Basler Kommentar, Bâle 2011, n. 3 ad. 425 CPP; Niklaus Schmid, Hanbuch des schweizerischen Strafprozessrechts, Zürich 2009, n. 1781 p. 815). Ainsi, lorsque les frais liés à une affaire sont élevés ou paraissent disproportionnés, l'autorité de jugement a un large pouvoir d'appréciation pour juger en équité s'il convient d'appliquer l'art. 425 CPP. Un sursis, une remise ou une réduction des frais peuvent aussi être décidés afin de ne pas rendre plus difficile la réinsertion sociale du condamné. Le fait que les autorités pénales puissent déroger aux principes de mise à charge des frais de procédure pour les personnes dépourvues de ressources a fait l'objet d'une controverse. Cette disposition ne limite toutefois pas les possibilités de réduction ou de remise au seul motif de la situation financière de la personne astreinte au paiement. C'est la situation de la personne en général (personnelle, familiale, comme procédurale) qui peut être à l'origine d'une telle décision de l'autorité de jugement (Kuhn/Jeanneret, op. cit. Joëlle Chapuis n. 1 et 3 ad. art. 425 CPP).
4.
Dans le cas d'espèce, il convient d'examiner si le premier juge n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en mettant l'entier des frais de justice à charge de l'appelante. La lecture du jugement attaqué laisse penser que le premier juge ne s'est visiblement pas posé la question de la remise totale ou partielle des frais ou du sursis au paiement et qu'il n'a dès lors pas usé de son pouvoir d'appréciation sur ce point.
Or, il ressort des pièces au dossier que Z._ ne travaille plus depuis 2004 et qu'elle perçoit une demi-rente d'invalide complétée par le revenu d'insertion. Le jugement attaqué ne dit rien sur les dettes de l'appelante mais le rapport de renseignements généraux indique qu'elle a trois poursuites pour 2'299 fr. 65 et quatre actes de défauts de bien pour 1'515 fr. 15 (cf. pièce n° 8). Dans son appel, Z._ admet la condamnation au travail d'intérêt général, mais pas aux frais de justice expliquant qu'elle va commencer une formation tout comme son mari, qu'elle a épousé en février 2011.
Compte tenu de ces éléments, il convient d'admettre que la situation de l'appelante est obérée. Par ailleurs, bien qu'on ne puisse conclure que l'appelante aurait prolongé la procédure, et par conséquent, ajouté des frais inutiles à son déroulement, il convient de relever qu'elle a adopté une attitude peu collaborante durant dite procédure. Une réduction des frais apparaît dès lors justifiée, à l'exclusion d'une remise totale.
En conséquence, les frais de justice de première instance sont mis par moitié à la charge de Z._, soit par 1'102 fr. 50 (mille cent deux francs et cinquante centimes), l'autre moitié étant laissée à la charge de l'Etat. Pour le surplus, le jugement attaqué est confirmé dans son entier.
5.
En définitive, l'appel, bien fondé, est partiellement admis. Le chiffre V du dispositif du jugement attaqué est modifié au sens des présents considérants. L'appelante obtenant gain de cause, les frais d'appel sont laissés à la charge de l'Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6ac3be3e-3ee2-494e-ae8e-4af4be7957fa | E n f a i t :
A.
Par jugement du 9 avril 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a condamné K._ pour violation simple des règles de la circulation à une amende de 60 fr. et dit qu’en cas de non paiement fautif, la peine privative de liberté de substitution est d’un jour (I), et a mis les frais de la cause par 500 fr. à sa charge (Il).
B.
Par annonce du 12 avril 2013, puis déclaration motivée du 29 avril 2013, K._ a fait appel contre ce jugement, concluant implicitement à son acquittement. Elle a en outre requis la désignation d’un défenseur d’office, requête qui a été rejetée par ordonnance rendue le 30 avril 2013 par la Présidente de céans.
Le 1
er
mai 2013, le Ministère public a déclaré qu’il s’en remettait à justice s’agissant de la recevabilité de l’appel et qu’il renonçait à déposer un appel joint.
Par avis du 21 mai 2013, la Présidente de céans a informé l’appelante que son appel serait traité en procédure écrite et par un juge unique.
Par lettre du 28 mai 2013, l’appelante a déposé un mémoire d’appel motivé (art. 406 al. 3 CPP).
Dans le délai imparti, le Ministère public a indiqué qu’il renonçait à déposer des déterminations.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
K._ est née le [...] 1934 à [...] en Bulgarie. Elle est mariée à [...]. Retraitée, elle perçoit une rente AVS de 1'720 fr. par mois. Le loyer mensuel du couple s’élève à 1'050 fr. et les primes des assurances-maladies se montent à 792 fr. par mois.
Son casier judiciaire ainsi que l’extrait du fichier ADMAS sont vierges.
2.
A Villeneuve, le jeudi 27 décembre 2012, peu avant 17 heures, alors que les conditions météorologiques étaient mauvaises en raison de la pluie et d’une visibilité réduite, le véhicule conduit par X._ est entré en collision avec celui conduit par la prévenue.
Par ordonnance pénale du 6 février 2013, le Préfet d’Aigle a condamné K._ à une amende de 60 fr. pour violation simple à la LCR (Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière; RS 741.01). Il lui est reproché d’avoir circulé sans éclairage au moment de l’accident précité.
Contestant les faits reprochés, la prévenue a formé opposition à cette ordonnance par courrier du 10 février 2013. Le Préfet, après l’avoir entendue, a décidé de maintenir sa décision et a transmis le dossier de la cause à l’autorité de première instance en vue des débats.
Devant le Tribunal de police, K._ a une nouvelle fois contesté les faits. Retenant que la prévenue avait omis d’enclencher ses feux de croisement alors que les conditions de circulation l’imposaient, le premier juge a confirmé la condamnation de cette dernière. | E n d r o i t :
1.
1.1
Selon l'art. 399 al. 1 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0), l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable, il a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
1.2
S'agissant d'un appel dirigé contre une contravention, la procédure applicable est écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause ressort de la compétence d'un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009 , RSV 312.01]).
1.3
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné et que l’état de fait est établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kist Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22-23 ad art. 398 CPP).
En l’espèce, seule une contravention à la législation sur la circulation routière a fait l’objet de l’accusation et du jugement de première instance, de sorte que l’appel est retreint.
2.
L’appelante conteste sa condamnation pour violation des règles sur la circulation routière. Elle soutient avoir circulé les phares allumés. Elle fait notamment valoir que personne ne lui aurait fait d’appels de phare, ce qui prouverait bien qu’elle les avait enclenchés, que le système électrique de son véhicule aurait été coupé par l’enclenchement de l’airbag, raison pour laquelle ses feux étaient éteints après la collision, et qu’elle aurait manipulé, dans un moment de panique, la commande des phares, laissant la clé sur le contact et mettant le commutateur sur « off ». Par ailleurs, elle a relevé qu’il n’existerait aucune preuve des faits qui lui étaient reprochés.
2.1
Selon l’art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu’elle n’est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l’intime conviction qu’il retire de l’ensemble de la procédure (al. 2).
En matière d’appréciation des preuves et d’établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l’autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu’elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (Kist Vianin, op. cit., n. 28 ad art. 398 CPP). L’appréciation des preuves est en particulier arbitraire lorsque le juge de répression n’a manifestement pas compris le sens et la portée d’un moyen de preuve, s’il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d’un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 136 III 552 c. 4.2).
2.2
En l’espèce, aucun témoin n’a assisté à l’accident. La police a constaté 10 à 15 minutes après l’accident que l’interrupteur des phares était sur « off » et qu’ils fonctionnaient.
Il ressort du rapport de police du 1
er
janvier 2013 que le conducteur X._, responsable de l’accident, a déclaré n’avoir absolument pas vu le véhicule de l’appelante, que celle-ci roulait sans phares et qu’après l’accident, il lui avait demandé d’enclencher les phares, ce qu’elle avait fait, mais trop tard (rapport, p. 3). L’appelante a, pour sa part, dit à la police qu’elle avait les phares allumés mais qu’ils avaient sauté au moment du choc, en raison de l’enclenchement de l’airbag (rapport, p. 3).
Dans ses déterminations du 10 février 2013 adressées au Préfet (P. 7), l’appelante a notamment précisé qu’après le choc, elle avait écarté l’airbag de son visage et essayé à plusieurs reprises d’enclencher l’éclairage, mais en vain, et qu’elle avait certainement repositionné le commutateur sur « off ».
Les déclarations du conducteur fautif paraissent peu crédibles. Il est en effet contradictoire d’affirmer n’avoir absolument pas vu un véhicule et en même temps prétendre que ses phares étaient éteints. Au demeurant, la police a considéré que l’accident n’était pas dû à l’absence d’éclairage, qui n’a ainsi joué aucun rôle, mais avait été provoqué par l’inattention (cf. rapport, p. 4). En outre, le conducteur X._ a affirmé que l’appelante avait enclenché, à sa demande, ses phares après l’accident. On ne comprend dès lors pas pourquoi ceux-ci n’étaient pas encore allumés lorsque la police, qui a constaté que l’interrupteur était sur « off », est arrivée 10 à 15 minutes après les faits, sauf à admettre que l’appelante les avait éteints.
Dans la mesure où les deux protagonistes affirment qu’il y a eu des manipulations sur l’enclencheur des feux, on ne saurait retenir sans autre, le fait que les phares, éteints lors du constat de la police, l’étaient aussi avant le choc.
Compte tenu de ces éléments, mais aussi du fait que l’accident était d’une violence certaine, les deux véhicules ayant dû être remorqués, et que l’appelante, âgée de 78 ans, s’exprime difficilement en français, un interprète bulgare ayant été nécessaire devant le Tribunal de police, un léger doute subsiste. Celui-ci doit profiter à l’accusée de sorte qu’elle doit être libérée.
3.
En définitive, l’appel de K._ est admis et le jugement entrepris réformé en ce sens que cette dernière est libérée de l’infraction de violation simple des règles de la circulation routière.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, par 540 fr. (art. 422 CPP; art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du
28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), doivent être mis à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP).
Il n’y a pas lieu à l’allocation d’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP, les conditions de cet article n’étant pas remplies s’agissant d’une contravention. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6ac75e83-71cc-4336-b1a7-f37a43b347d5 | En fait :
A.
Par jugement du 27 novembre 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Côte a libéré T._, K._, J._, M._, G._, W._ et Q._ des chefs d’accusation de lésions corporelles simples qualifiées et d’abus d’autorité (I), rejeté les conclusions civiles prises par F._ à l’encontre de T._, K._, J._, M._, G._, W._ et Q._ (II), alloué à T._, K._, J._, M._, G._, W._ et Q._ une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de leurs droits de procédure de 50'604 fr. 40 et une réparation du tort moral d’un franc symbolique (III), fixé l’indemnité de Me Yaël Hayat, conseil d’office de F._, à 27'366 fr. 30 (IV) et mis les frais de procédure, par 2'325 fr., à la charge de F._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (V).
B.
Par annonce du 1
er
décembre 2014, puis par déclaration motivée du 22 décembre suivant, le Ministère public a formé un appel contre ce jugement, concluant à ce que F._ soit condamnée à supporter l’intégralité des frais de justice.
Par annonce du 2 décembre 2014, puis par déclaration non motivée du 23 décembre suivant, F._ a également formé un appel contre ce jugement, concluant à la condamnation des sept prévenus pour lésions corporelles simples qualifiées et abus d’autorité, ainsi qu’à sa libération de tous frais de justice. Elle a en outre requis l’audition de trois témoins, soit la détenue A._ et deux inspecteurs de police. Le 9 février 2015, le Président de la Cour de céans a rejeté ces réquisitions de preuve, les conditions de l’art. 389 CPP n’étant pas remplies.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
T._ est né le [...] 1970 à [...]. Il est divorcé et père de deux filles âgées de 13 et 15 ans. Il travaille à la prison de H._ depuis 2006 où il occupe le poste de surveillant-sous-chef. Son revenu mensuel est de l’ordre de 7'000 francs. Ses charges, comprenant son loyer, son assurance-maladie ainsi que les contributions d’entretien, s’élèvent à environ 4'000 fr. par mois. Il est propriétaire de son logement.
Son casier judiciaire est vierge.
1.2
K._ est née le [...] 1955 à [...]. Elle est divorcée, mère de deux enfants majeurs et grand-mère de cinq petits-enfants. Elle travaille depuis 1992 à la prison de H._ où elle occupe un poste à 80% en qualité d’agente de détention. Elle perçoit un salaire mensuel net de l’ordre de 4'250 francs. Ses charges, comprenant son loyer et son assurance-maladie, s’élèvent à environ 2'500 fr. par mois.
La prévenue a produit un rapport de stage du Centre suisse de formation pour le personnel pénitentiaire du 10 septembre 1993 et un certificat de travail intermédiaire du Service pénitentiaire vaudois du 16 juin 2010 : le premier relève en particulier que K._ a un sens développé de la politesse et du respect et qu’elle ne connaît pas de problèmes dans les relations avec les détenus ; le second la qualifie de personne franche, spontanée, posée et digne de confiance (cf. P. 162).
Son casier judiciaire est vierge.
1.3
J._ est né le [...] 1970 à [...]. Il est marié et père de deux enfants de 4 et 6 ans et bientôt d’un troisième. Il travaille à la prison de H._ depuis 2006 où il occupe un poste d’agent de détention. II perçoit un salaire mensuel net de l’ordre 5'700 francs. Son épouse travaille à 60% pour un revenu mensuel net d’environ 3'000 francs. Les charges du prévenu, comprenant le loyer et les assurances-maladie, se montent à un peu plus de 2'500 fr. par mois.
Son casier judiciaire est vierge.
1.4
M._ est née le [...] 1980 à [...] Elle est mariée et mère de deux jeunes enfants. Elle travaille à la prison de H._ depuis 2003 où elle occupe un poste en qualité d’agente de détention. Son salaire mensuel net s’élève à 5'400 francs. Son époux travaille à 50% pour un revenu mensuel net de l’ordre de 2'000 francs. Les charges de la prévenue, comprenant le loyer et les assurances-maladie, sont estimées à quelque 2'800 fr. par mois.
Son casier judiciaire est vierge.
1.5
G._ est née le [...] 1968 à [...]. Elle est célibataire. Elle travaille à la prison de H._ depuis 2006 où elle occupe un poste en qualité d’agente de détention. Son salaire mensuel net s’élève à 6'000 francs. Ses charges, comprenant son loyer et son assurance-maladie sont estimées à 2'300 fr. par mois.
Son casier judiciaire comporte l’inscription suivante :
- 5 novembre 2013, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, peine pécuniaire 45 jours-amende à 70 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, et amende de 630 fr., pour conduite en se trouvant dans l’incapacité de conduire.
1.6
W._ est né le [...] 1974 à [...]. Il est marié et père de trois enfants de 14, 13 et 2 ans. Il travaille la prison de H._ depuis 2001 où il occupe un poste d’agent de détention. Son salaire mensuel net s’élève à environ 6'300 francs. Son épouse perçoit un revenu mensuel net de 3'000 francs. Les charges du prévenu, comprenant le loyer, les assurances-maladie ainsi que les contributions d’entretien pour ses deux enfants nés d’un premier lit, sont estimées à 5'500 fr. par mois. Il est propriétaire de son logement.
Son casier judiciaire est vierge.
1.7
Q._ est né le [...] 1974. Il est marié et père de trois enfants de 14, 13 et 6 ans. Il a travaillé du 1
er
juin 2008 au 19 mai 2014 à la prison de H._ en qualité de responsable d’atelier. Depuis lors, il occupe la même fonction auprès de l’établissement de détention pour mineurs [...] à [...]. Il perçoit un salaire mensuel net de 6'900 francs. Son épouse travaille à 40% pour un salaire mensuel net de 1'600 francs. Les charges du prévenu, comprenant le loyer et les assurances-maladie, sont estimées à 3'000 fr. par mois. Il est propriétaire de son logement.
Le prévenu a produit deux certificats de travail intermédiaires établis par le Service pénitentiaire vaudois, datés du 1
er
décembre 2011 et du 12 novembre 2014, desquels il ressort en particulier qu’il sait garder son calme, qu’il ne cède pas à l’énervement dans les moments difficiles et qu’il se montre adéquat avec les personnes détenues (cf. P. 162).
Son casier judiciaire est vierge.
1.8
La cheffe du Service pénitentiaire vaudois a produit l’ensemble des dossiers personnels d’évaluation des prévenus qui attestent tous de très bons états de service (cf. P. 144).
[...], directeur de la prison de H._, a déclaré que les prévenus étaient des collaborateurs en qui il avait entière confiance.
Enseignante de langues au sein de la prison de H._, [...] a toujours pu constater que les prévenus entretenaient d’excellentes relations avec les détenus.
Il en est de même de [...], responsable du secteur milieu carcéral pour [...], qui a relevé que les prévenus étaient adéquats avec les détenus, calmaient le jeu et faisait preuve d’humanité.
2.
Dans la mesure où deux versions diamétralement différentes des événements qui se sont déroulés le 18 juillet 2009 s’opposent, il y a lieu d’exposer tant la version de la plaignante (lettre C.3) que celle des prévenus (lettre C.4).
3.
L’acte d’accusation du 19 juin 2014, qui correspond à la version de la plaignante (cf. jgt, p. 28), a la teneur suivante :
3.1
Entre le 18 décembre 2006 et janvier 2010, F._ a été détenue en exécution de peine à la prison de H._, à [...], ensuite d’une condamnation à une peine de 15 ans de réclusion.
Le 18 juillet 2009, F._ attendait le repas du soir dans l’espace commun de la prison avec sept autres codétenues. Les discussions étaient ponctuées de rires et parfois des cris. T._ surveillant sous-chef, accompagné de K._, surveillante, se sont alors approchés. Ils souhaitaient connaître la cause de ce brouhaha. Toutes les détenues ont répondu qu’elles étaient juste en train de rigoler. T._ a demandé
« Voulez-vous que je ferme toute la section ? »
et F._ a répondu
« oui »
sur un ton ironique. T._ et K._ ont quitté les lieux. Les détenues sont ensuite descendues à la salle à manger chercher leur repas avant de remonter dîner dans l’espace commun. Avant que F._ n’entame son repas, T._ est revenu vers elle et lui a demandé de le suivre jusqu’à sa cellule, ce qu’elle a fait sans protester. Il l’a ensuite enfermée. F._ s’est alors mise à pleurer et à crier très fort.
3.2
Vers 17h00, T._ est revenu vers la cellule de F._ en raison de ses cris. Il a appelé K._, J._, M._, G._, W._, Q._, ainsi qu’une infirmière du Service médical de la prison, L._. Cette dernière n’arrivant pas à calmer la détenue, il a été décidé de placer F._ en isolement. Les prévenus l’ont alors vigoureusement menottée, les mains dans le dos, puis ils l’ont emmenée en cellule d’isolement en la tenant par la chaîne des menottes et derrière la tête. Une fois au cachot, T._, K._, M._, G._, W._, Q._ l’ont mise à terre, à plat ventre, alors qu’elle était toujours menottée, la joue gauche sur le sol. T._ lui a mis son pied sur la joue droite afin de la maintenir à terre. M._ l’a tirée par les cheveux. W._ l’a tirée par les menottes alors qu’elle était au sol. T._ a dit à G._ de lui mettre le genou sur le dos et à J._ de la tenir par les genoux. K._ a planté son pied sur celui de la plaignante. Les prévenus lui ont donné des coups à plusieurs reprises au niveau des bras. T._ a ensuite demandé à W._ de la saisir par les épaules et de la soulever. Q._, qui se trouvait face à elle, l’a frappée d’un coup de pied ou de genou au niveau du ventre ou des côtes. A un moment donné, F._ a demandé
« Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? »
. T._ lui a répondu qu’elle se permettait de venir ici pour tuer des Suisses et lui a tenu les propos suivants :
« Malheureusement, je ne peux pas faire la même chose avec une [...] de merde »
. Les prévenus ont ensuite plaqué la détenue sur le matelas, sur le dos, puis ils lui ont enlevé ses menottes et sont partis.
F._ a été laissée seule dans le cachot, en short et pieds nus. Elle a rapidement ressenti de fortes douleurs au niveau des épaules, surtout du côté gauche, au thorax, au dos ainsi qu’à la jambe droite. Par la suite, elle a vomi à deux ou trois reprises, alors même qu’elle n’avait pas dîné le soir en question. Elle est restée au cachot pendant environ 24 heures. Durant ce laps de temps, elle a reçu de W._ un comprimé de Ponstan et deux comprimés de Temesta. Les douleurs ont persisté pendant plusieurs jours et se seraient étendues, en particulier dans la région lombaire et la mâchoire (P. 6, PV aud. 1 et 13).
3.3
Le 21 juillet 2009, F._ a été examinée par le Service de médecine et psychiatrie pénitentiaire de la prison de H._, à [...], par le Dr [...]. Un hématome circulaire mesurant 5 à 7 cm au niveau de la face latérale du bras droit, un hématome circulaire mesurant 7 à 8 cm au niveau de la face latérale du bras gauche, un hématome en cocarde d’environ 10 cm au niveau de I’hémithorax droit avec douleurs au niveau des 7
e
et 8
e
côtes droites, un hématome au niveau de la face latérale du genou droit mesurant 3 cm et un décollement partiel de l’ongle du gros orteil droit ont été constatés. Un traitement antalgique, du Sportusal Gel ainsi qu’un arrêt de travail à 100% du 20 au 27 juillet 2009 ont été prescrits (P. 12).
Le 23 juillet 2009, F._ a été vue par l’Unité de Médecine des Violences au Centre Universitaire Romand de Médecine Légale (ci-après : CURML). Lors de cette consultation, diverses lésions au niveau de la tête mandibule (photographie 2), du membre supérieur droit (photographies 3, 4, 8, 9, 10 et 11), du membre supérieur gauche (photographies 12 et 13), de l’abdomen (photographie 18) et des membres inférieurs (photographies 21, 22, 26, 27, 32 et 33) ont été constatées (P. 6/1).
3.4
Par lettre du 19 octobre 2009, F._ a porté plainte contre le Service pénitentiaire, soit contre les membres du personnel de la prison de H._ qu’elle a nommés
« T._, W._, Q._, J._, K._, G._ et M._»
(P. 6).
4.
Pour leur part, les prévenus ont exposé les faits suivants (cf. jgt,
pp. 45 à 47) :
4.1
Lorsque T._ a enfermé F._ dans sa cellule, celle-ci a commencé à crier très fort. Constatant qu’elle ne cessait pas, il a tenté d’entrer en contact avec elle, mais en vain, celle-ci n’étant manifestement plus en mesure de l’entendre. Il a alors interpellé l’infirmière, L._, qui a également dû constater que la détenue était hermétique à toute communication. T._ a ainsi téléphoné au directeur de piquet, soit N._, afin d’obtenir l’autorisation d’emmener la plaignante en cellule d’isolement. Il a été rejoint à ce moment-là par J._ qui avait terminé de servir les repas dans la section des hommes et qui avait été alerté par les cris de la plaignante, ainsi que par des codétenues qui devenaient nerveuses. Q._, qui avait été interpellé par la centrale, a également rejoint ses deux collègues masculins. K._ était aussi sur place à ce moment-là. Avant d’emmener F._ en cellule d’isolement, T._ a donné l’ordre à toutes les détenues de rejoindre leurs cellules. Puis, il est entré dans la cellule de la plaignante et a tenté de lui expliquer qu’il allait l’accompagner en cellule d’isolement. Selon J._ et Q._, la plaignante a manifesté son refus par un geste du bras ; T._ a dès lors pris la décision de la menotter. C’est ainsi que J._ et Q._ l’ont saisie par le bras, couchée à plat ventre sur son lit et que T._ lui a enlevé sa montre et passé les menottes derrière le dos. Durant cette intervention, tous trois affirment que la plaignante n’a opposé aucune résistance, mais qu’elle continuait à crier. Pendant ce temps, K._ s’était dirigée dans le couloir afin d’ouvrir les portes. T._, J._ et Q._ ont ensuite accompagné la plaignante en direction de la cellule d’isolement. A mi-chemin, ils ont été rejoints par M._, G._ et W._, la centraliste leur ayant signalé que quelque chose se passait dans la division de la plaignante. Voyant que la situation était maîtrisée, G._ et W._ ont décidé de se rendre directement à la cellule d’isolement afin de préparer celle-ci, soit enclencher l’eau, mettre du papier de toilette, ainsi qu’une couverture. A peine avaient-ils fini de préparer la cellule d’isolement que F._ est arrivée avec T._, J._, Q._, K._ et M._. Par la suite, G._, W._, W._ et K._ sont restés dans le couloir attenant à la cellule d’isolement. M._ a procédé à une fouille par palpation de la plaignante, puis lui a enlevé ses boucles d’oreilles. T._ et J._ ont alors accompagné F._ jusqu’à son lit où ils l’ont couchée sur le ventre et lui ont enlevé les menottes. Tous s’accordent à dire que F._ n’a jamais cessé de crier, certains prévenus ayant même précisé que la plaignante bavait. T._ a pris la décision, compte tenu de l’état de l’intéressée, de ne pas lui mettre un training, ce d’autant que les habits qu’elle portait ne représentaient pas un danger pour elle-même. Tous les gardiens ont ensuite quitté la cellule d’isolement, T._ en dernier.
Durant la nuit, aussi bien G._ que W._ ont fait des passages en cellule d’isolement. W._ a pu constater que la plaignante s’est calmée après environ deux heures et lui a apporté des médicaments (Ponstan et Temesta). Le lendemain matin vers 8 heures, T._ et M._ ont raccompagné la plaignante dans sa cellule.
4.2
Aux alentours de 9 heures, T._ a eu un appel de la police lui indiquant que la plaignante les avait contactés pour signaler qu’elle avait été frappée. Il est alors remonté dans la division de la plaignante laquelle parlait avec des codétenues, notamment avec A._. Celle-ci lui a montré un hématome sur le bras de F._ en précisant :
« Vous voyez ce que vous avez fait »
. C’est ainsi que T._ a compris que la plaignante accusait les gardiens de l’avoir battue. Il a alors contacté le directeur de piquet, N._, qui s’est déplacé à la prison de H._. Il a eu un entretien avec F._. T._ a également demandé à l’infirmière, L._, d’examiner la plaignante, ce qui a été fait. Celle-ci a par ailleurs été vue le mardi 21 juillet 2009 par le Dr [...] du Service de médecine et psychiatrie pénitentiaires, puis par l’Unité de Médecine des violences du CURML, le 23 juillet 2009.
4.3
Au vu des accusations portées par la plaignante, T._ a déposé une plainte pénale le 20 juillet 2009. | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et délais légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels de F._ et du Ministère public sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozess-ordnung, Jugendstrafprozessordnung, 2e éd. Bâle 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
I. Appel de F._
3.
Se prévalant de constatations arbitraires et erronées des faits, l’appelante fait valoir que le premier juge a privilégié à tort la version des intimés.
3.1
3.1.1
La constatation des faits est incomplète au sens de l’art. 398 al. 3 let. b CPP lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.1.2
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, garantie par les art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101), art. 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; RS 0.101) et art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ; RS 0.103.2), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a ; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes ; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c ; TF 6B_831/2009 précité c. 2.2.2).
3.2
En l’espèce, le tribunal correctionnel a écarté la version des faits présentée par F._, considérant qu’elle n’était pas crédible, pour les motifs que ses déclarations étaient fluctuantes et ponctuellement contraires à des faits objectifs, qu’il n’y avait pas de mobile au prétendu passage à tabac collectif, que les accusations portées faussement par la plaignante étaient conformes à sa personnalité et à son mode de fonctionnement et que les arguments présentés à charge des prévenus n’étaient pas convaincants. Il a ainsi considéré que les prévenus n’avaient pas frappé ni maltraité la détenue et donc qu’ils ne s’étaient pas rendus coupables de lésions corporelles simples qualifiées et d’abus d’autorité (cf. jgt, c. 4-5 pp. 47-52).
3.2.1
En premier lieu, force est de constater que les déclarations de la plaignante ont fortement fluctué en cours d’instruction, tant s’agissant des faits s’étant produits dans sa cellule que ceux se situant dans la cellule d’isolement, de sorte qu’opposée aux éléments objectifs du dossier et aux déclarations concordantes des prévenus, sa version n’est pas crédible.
A cet égard, la version livrée par la plaignante au directeur de la prison (P. 10), celle ressortant de sa plainte (P. 6), puis de ses auditions (PV aud. 1 et 13) et enfin celle livrée aux débats (jgt, p. 28) ne coïncident pas sur le nombre des membres du personnel intervenant dans sa cellule, sur ses moments d’amnésie provisoire, ainsi que sur la projection par elle de son plateau-repas. Dans un premier temps, à suivre la plaignante, ce serait les sept prévenus qui auraient été présents dans sa cellule alors que, par la suite, elle a déclaré que seuls T._ et J._ y seraient entrés. L’instruction a toutefois permis d’établir qu’au sortir de la cellule, la plaignante était entourée de trois surveillants, T._, J._ et Q._, K._ se trouvant à l’avant afin d’ouvrir les portes, et que les autres surveillants, soit M._, G._ et W._, n’avaient rejoint que plus tard leurs collègues (cf. notamment les images des vidéo de surveillance, sous pièce à conviction n° 13). De plus, l’étendue de l’amnésie invoquée par de la plaignante a varié au fil de ses auditions, tantôt elle aurait des souvenirs de ce qui s’était passé dans sa cellule et sur le trajet – elle aurait ainsi fait des allers-retours avant d’être menottée –, tantôt elle n’aurait aucun souvenir jusqu’au moment où elle s’était trouvée en cellule d’isolement. Enfin, la plaignante a toujours contesté avoir jeté son plateau-repas dans sa cellule, élément pourtant relevé non seulement par T._ et K._, mais également par des codétenues, le témoin [...] parlant même de cellule retournée (cf. PV aud. 12).
S’agissant des descriptions par la plaignante du passage à tabac dans la cellule d’isolement, elles sont tout aussi fluctuantes, voire irréalistes, quant aux gestes et à la participation des prévenus, son récit présentant des impossibilités manifestes. Dans son appel téléphonique à la police, F._ a dit ainsi avoir été agressée par un chef (P. 88). Ensuite au directeur, elle a déclaré que G._ lui aurait posé un genou sur le dos, alors que Q._ lui aurait simultanément mis un genou sur le ventre (P. 10), ce qui est contradictoire. Dans son audition du 12 janvier 2010, elle n’est pas parvenue à décrire précisément qui avait fait quoi, si ce n’est que Q._ lui aurait cette fois donné un coup de pied au niveau des côtes droites et qu’un des prévenus lui aurait mis un pied sur la joue droite ; les prévenus l’auraient en tout les cas plaquée dos sur le matelas pour lui enlever ses menottes (PV aud. 1), alors même que ses mains étaient menottés derrière le dos. Dans une audition du 26 mai 2011, la plaignante a vu ses souvenirs resurgir et a exposé que chacun des prévenus avait un rôle déterminé ; de nouveaux éléments sont aussi apparus, soit que K._ a planté son pied sur un des siens et que T._ a eu des propos racistes à son endroit (PV aud. 13). Aux débats de première instance, F._ a affirmé qu’après l’avoir frappée, les prévenus l’auraient laissée à plat ventre au sol (jgt, p. 28), soit non plus sur le dos, couchée sur le matelas.
Les divergences qui viennent d’être relevées ne constituent pas, contrairement à ce soutient la plaignante, de simples « variations » induites par le fait qu’il faisait nuit et qu’elle ne connaissait pas les noms des agents de détention ou encore par la prétendue violence du moment, mais de contradictions importantes et irréductibles qui ôtent toute vraisemblance à son récit et amènent à conclure qu’aucun crédit ne peut être accordé à ses déclarations.
Quant aux déclarations des prévenus, elles s’accordent sur le déroulement de l’intervention ; elles ne présentent en outre pas de divergences significatives, de sorte qu’il y a lieu de retenir leur version des faits (cf. lettre C.4 supra). Dans cette mesure, c’est en vain que la plaignante invoque les arrêts cantonaux annulant les ordonnances de non-entrée en matière, respectivement de classement, dès lors qu’il faut rappeler que ces décisions ont été rendues en application du principe
in dubio pro duriore
, qui commande que la procédure se poursuive en cas de doute puisque ce n’est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation, mais au juge matériellement compétent, qu'il appartient de se prononcer (cf. ATF 138 IV 86 c. 4.1.1).
3.2.2
Ensuite, il est effectivement difficile de cerner le mobile qui aurait conduit les prévenus à frapper la plaignante qui se trouvait en cellule d’isolement, en s’en prenant simultanément et collectivement à elle. Il s’agit de professionnels chevronnés, de bonne réputation, aux ordres d’un directeur manifestement très attaché à l’éthique carcérale ; ils savaient en outre conserver leur sang froid et gérer des détenus hystériques. Il faut donc admettre qu’ils sont formés et habitués à parer à tout débordement et qu’il n’y a aucun élément au dossier laissant même envisager qu’ils auraient perdu la maîtrise en raison des cris de la plaignante. On relèvera à ce titre que leurs états de service sont exemplaires.
L’expérience enseigne au demeurant que lorsqu’un débordement se produit lors d’une intervention des forces de l’ordre, celui-ci est individuel et non collectif : un agent cède à l’énervement et frappe, soulevant immédiatement la réprobation des autres. Dans le cas particulier, on ne discerne pas pourquoi et comment, sans concertation préalable, chacun des prévenus, à tour de rôle, se serait soumis à un ordre muet de frapper et aurait accepté de donner son propre coup à F._.
Par conséquent, à l’instar du tribunal de première instance, on doit constater que l’attitude du surveillant sous-chef, qui a géré l’ensemble de la situation, a été parfaitement adéquate et atteste d’une parfaite maîtrise de la situation. Les images de vidéosurveillance ne montrent aucun geste d’énervement ou de débordement de la part des trois agents de détention – soit T._, J._ et Q._ – qui accompagnaient la plaignante de sa cellule à la cellule d’isolement, K._ précédant le cortège afin d’ouvrir les portes. M._, G._ et W._ qui ont rejoint leurs collègues par la suite n’avaient pour leur part aucune raison de se sentir eux-mêmes débordés.
3.2.3
On ne saurait par ailleurs ignorer la personnalité de la plaignante, tant les accusations portées à l’encontre des prévenus apparaissent conformes à son mode de fonctionnement manipulateur. Le recours à la manipulation et au mensonge par F._ a été mis en évidence par l’expertise psychiatrique de celle-ci lors du jugement fribourgeois du 11 mars 2008 pour instigation à homicide, lequel évoque ses palinodies et ses mensonges perpétuels (P. 134). Il ressort en particulier de cette expertise que F._ a mis en place un système de défense par la manipulation qui est devenu son seul et unique mode de fonctionnement lui permettant de communiquer ; les experts ont indiqué que
« l’expertisée n’est pas crédible dès qu’elle se sent menacée. Dès qu’elle se rend compte qu’elle a trop parlé et que ses déclarations peuvent lui nuire, elle se charge aussitôt de créer la confusion. Ses déclarations ne sont pas l’objet d’une construction préalable. L’expertisée répond "à vue" jusqu’à ce qu’elle se rende compte que telle ou telle déclaration peut lui être défavorable. Elle modifie alors ses propos jusqu’à jouer "l’idiote" quand elle se rend compte qu’elle a trop parlé ou qu’elle se sent piégée par une question. L’expertisée arrange ses propos pour qu’ils lui soient favorables et elle ne cherche pas à dire la vérité. Les aspects manipulateurs de sa personnalité l’empêchent de tenir compte des droits, des besoins des autres. L’expertisée impose ses besoins à elle et aussi les contradictions. »
(cf. P. 133, p. 33).
Ces traits de caractère ont également été vérifiés à la prison de [...], la plaignante ne cessant de se poser en victime alors qu’elle entrait régulièrement en conflit avec ses codétenues et le personnel pénitentiaire et les accusait de diverses vilénies (P.
101). On mentionnera encore que la plaignante persiste à dénier sa culpabilité s’agissant de sa condamnation par la justice fribourgeoise (cf. par exemple P. 9, p. 3 et PV aud. 6 p. 2) et qu’elle a notamment été condamnée pour dénonciation calomnieuse pour avoir faussement signalé à la police qu’un homme qui l’avait quittée et dont elle voulait se venger s’adonnait au trafic de stupéfiants (P. 133). Elle porte donc facilement des accusations infondées à l’égard de tiers (cf. jgt, p. 50).
Il ressort enfin du dossier que la plaignante voulait son transfert dans un autre établissement pénitentiaire (cf. P. 10 p. 4), ce qu’on lui refusait, et qu’en juin 2009 elle avait écrit une lettre au Service pénitentiaire pour se plaindre de différents points concernant sa détention, points qu’elle avait déjà soulevés antérieurement (cf. P. 6/5-6). Dans cette mesure, on ne peut pas exclure que les déclarations de F._ s’agissant des événements du 18 juillet 2009 aient été orientées par des visées propres, compte tenu de sa personnalité et de son mode de fonctionnement par la manipulation.
3.2.4
S’il est vrai que les trois gros hématomes aux deux bras et au flanc constatés sur la plaignante (cf. P. 6/1-2) ont été évalués par les médecins légistes comme non typiques d’une auto-agression et qu’un surveillant a déclaré les avoir vus dans la nuit après la mise en isolement (cf. PV aud. 2 pp. 1-2 in fine), il y a lieu, avec les premiers juges, de considérer qu’il n’est pas exclu que ces hématomes aient été causés par des heurts accidentels. A ce titre, les experts ont relevé que les lésions constatées ne pouvaient pas être datées de façon précise, qu’elles se trouvaient sur des parties exposées du corps, accessibles par la victime elle-même, et que les contusions pouvaient être la conséquence d’un ou de coups portés avec un ou des objets contondants, d’un ou de chocs de la partie du corps contre un ou des objets contondants ou plans durs ou encore de pressions locales fortes ; selon eux, le nombre et la localisation des ecchymoses évoquaient davantage une hétéro-agression et/ou des événements accidentels. Les auteurs ont toutefois souligné qu’il leur aurait été utile d’avoir les déclarations des surveillants de la prison de H._ afin de les confronter avec celles de F._, ainsi qu’avec les constatations faites sur elle (cf. P. 19). Si les experts, entendus par le Procureur dans le cadre de l’instruction préliminaire, ont encore confirmé que le tableau lésionnel et l’anamnèse étaient plutôt évocateurs d’une hétéro-agression, ils ont en revanche également indiqué qu’il était impossible d’exclure que cela soit le résultat d’une auto-agression, précisant encore qu’ils n’étaient pas en possession des procès-verbaux d’audition des prévenus et ne savaient donc de leur version que ce qui leur avait été résumé (PV aud. 21).
Les lésions constatées peuvent ainsi résulter, à l’instar des cinq hématomes situés aux jambes, tant de blessures accidentelles survenues au travail comme celles désignées par la plaignante aux médecins (cf. P. 6/1-2 et P. 19) que de chocs survenus lorsque la plaignante hystérique, sourde à tout essai de communication, tournait dans sa cellule, tapait la porte (cf. PV aud. 26 p. 2), hurlait sans discontinuer et bavait. Selon le témoignage de l’infirmière L._ (cf. PV aud 18 p. 2), lors de l’intervention dans sa cellule, la plaignante, bras croisés devant elle, se passait les mains sur l’extérieur des bras et se tapotait le haut de la poitrine. Cette même posture et ces mêmes gestes ont d’ailleurs été observés par le surveillant W._ durant la nuit dans la cellule d’isolement (cf. PV aud. 3 p. 2). On précisera en outre qu’au regard des constatations faites ultérieurement à la prison de [...], caractéristique également relevée à la prison de H._, la codétenue A._ ayant déclaré que F._ faisait des hématomes facilement (cf. PV aud. 10 p. 2), il est possible que des heurts peu appuyés provoquent sur l’épiderme de la plaignante des hématomes de taille impressionnante (cf. P. 101 p. 4 in fine). Il est encore possible que certaines des marques photographiées aient été causées volontairement par l’intéressée, soit dans sa cellule, soit dans celle d’isolement, en se heurtant à des parties saillantes des parois, de la porte ou de l’ameublement, la cellule d’isolement comportant notamment un socle de lit en ciment et une banquette en ciment (cf. PV aud. 20 p. 5), l’hypothèse d’une auto-agression n’ayant pas pu être exclue formellement (PV aud. 21).
Enfin, la rareté des hématomes significatifs, soit principalement trois, ne coïncide pas non plus avec un passage à tabac collectif, soit un déchaînement aveugle de violence de groupe. L’emplacement des hématomes situés symétriquement sur la face externe des bras, s’il rend peu probable l’hypothèse de coups de poing auto-infligés, fait en revanche penser à des chocs latéraux alternés de l’épaule et du bras par projection du corps contre une surface dure. La trace au flanc peut résulter du même schéma. Si véritablement, la plaignante avait été frappée violemment alors qu’elle était étendue sur le ventre, les mains menottées dans le dos, elle aurait assurément réagi par des sursauts ou des contractions du corps qui se seraient traduits par des tensions sur les bracelets des menottes occasionnant immanquablement des marques sur la peau des poignets. Or aucune lésion de ce type n’a été relevée.
Au vu de ces éléments, une origine autre que de coups portés par les prévenus ne peut être raisonnablement exclue. Partant, le seul fait que la plaignante ait objectivement présenté des ecchymoses ne saurait mettre en doute la version des prévenus et conduire à leur imputer des actes de violence.
3.3
En définitive, la Cour de céans a acquis la conviction que les intimés ne s’en sont pas pris à l’intégrité physique de la plaignante, eu égard aux considérations qui viennent d’être exposées (cf. c. 3.2 supra). C’est dès lors en vain que l’appelante plaide son statut de détenue face à des gardiens de prison qui auraient cherché à dissimuler une vérité prétendument révélatrice de leur culpabilité et tente de faire croire à un dérapage, doublé d’un complot.
On ne saurait à ce titre voir dans le comportement des prévenus les 18 et 19 juillet 2009, en particulier dans celui du surveillant sous-chef T._ le lendemain des faits, la manifestation d’une semblable volonté de dissimuler. Au contraire, il ressort du dossier que le surveillant a demandé à l’infirmière L._ d’examiner la plaignante, tout en sollicitant le directeur de piquet, N._, afin qu’il vienne sur place pour rencontrer cette dernière. S’agissant de l’allégation selon laquelle il aurait empêché l’intervention de la police, elle est infondée dans la mesure où T._ n’a réalisé que F._ entendait déposer plainte qu’après le téléphone, en remontant vers elle. Les circonstances ne commandaient du reste pas l’intervention de la police, voire de l’ambulance, la plaignante ayant par la suite été auscultée par les médecins de l’unité de médecine des violences du CURML. Dans ce contexte, on ne voit pas non plus comment les prévenus auraient tenté de cacher les lésions de la plaignante, que tous ont constatées, ni comment la procédure aurait d’emblée été biaisée par le fait que la police ne s’était pas déplacée à la prison.
Il n’y a pas davantage d’indice de dissimulation à tirer de l’effacement automatique, respectivement la non-sauvegarde, des données électroniques relatives à l’ouverture de la porte donnant accès à la cellule d’isolement de la prison. A cet égard, on relèvera que l’appelante a d’abord reproché aux prévenus, devant les premiers juges, d’avoir détruit ces données, alors qu’il ressort de l’instruction que celles-ci s’effacent automatiquement ; elle leur reproche désormais de ne pas les avoir sauvegardées alors qu’ils savaient qu’il y aurait une plainte. Pourtant, il n’est pas établi que les prévenus auraient intentionnellement évité de sauvegarder ces données. Bien plutôt, il apparaît que la durée d’intervention s’agissant de la mise en cellule d’isolement n’avait rien de suspect et qu’eux-mêmes ne devaient pas considérer qu’ils avaient mal agi.
En conséquence, il n’y a aucun élément pertinent de nature à faire planer un doute sur la version des prévenus et encore moins à étayer la théorie du débordement, voire du complot, avancée par l’appelante.
4.
L’appel de F._ doit être rejeté et le jugement entrepris confirmé en tant qu’il acquitte les prévenus des chefs d’accusation de lésions corporelles simples qualifiées et d’abus d’autorité.
II. Appel du Ministère public
5.
Le Ministère public fait valoir que F._ a eu un comportement téméraire en déposant plainte contre les prévenus, lesquels ont été libérés des chefs d’accusation portés à leur encontre, de sorte qu’elle devrait supporter l’entier des frais de procédure, l’action récursoire étant bien fondée.
5.1
Le sort des frais de procédure à l'issue de celle-ci est régi par les art. 422 ss CPP. En principe, ces frais sont mis à la charge de la Confédération ou du canton qui a conduit la procédure, les dispositions contraires du CPP étant réservées (art. 423 al. 1 CPP).
5.1.1
En cas d'infractions poursuivies d'office, selon l'art. 427 al. 1 CPP, les frais de procédure causés par les conclusions civiles de la partie plaignante peuvent être mis à la charge de celle-ci lorsque la procédure est classée ou que le prévenu est acquitté (let. a), lorsque la partie plaignante retire ses conclusions civiles avant la clôture des débats de première instance (let. b) ou lorsque les conclusions civiles ont été écartées ou que la partie plaignante a été renvoyée à agir par la voie civile (let. c).
Selon la jurisprudence, la personne qui porte plainte pénale et qui prend part à la procédure comme partie plaignante doit assumer entièrement le risque lié aux frais, tandis que la personne qui porte plainte, mais renonce à ses droits de partie ne doit supporter les frais qu'en cas de comportement téméraire (ATF 138 IV 248 c. 4.2.3, JT 2013 IV 191 ; TF 6B_438/2013 du 18 juillet 2013 c. 2.1). Les frais de procédure ne peuvent toutefois être mis à la charge de la partie plaignante ayant déposé une plainte pénale qui, hormis le dépôt de la plainte, ne participe pas activement à la procédure que dans des cas particuliers (ATF 138 IV 248 c. 4.4.1, JT 2013 IV 191 ; TF 6B_438/2013 du 18 juillet 2013 c. 2.1).
5.1.2
Lorsque la partie plaignante n'a pas pris de conclusions civiles, respectivement n’a pas pu en faire valoir (tel est en l’espèce le cas s’agissant des prévenus qui sont des agents de l’Etat et qui ne sont à ce titre pas personnellement tenus de réparer le dommage causé à des tiers d'une manière illicite, l’Etat et les collectivités publiques communales répondant d’un tel dommage, cf. art. 3, 4 et 5 LRECA [loi vaudoise du 16 mai 1961 sur la responsabilité de l'Etat, des communes et de leurs agents ; RSV 170.11]), l’art. 420 CPP peut également fonder la mise à la charge de la partie plaignante de tout ou partie des frais de la procédure pénale (cf. notamment CREP 7 avril 2014/273 c. 1c). Cette disposition permet à l'Etat de se retourner contre des personnes qui, intentionnellement ou par négligence grave, ont provoqué l’ouverture de la procédure (let. a), rendu la procédure notablement plus difficile (let. b) ou provoqué une décision annulée dans une procédure de révision (let. c).
Vu l'intérêt de la collectivité à ce que les particuliers contribuent également à dénoncer les agissements susceptibles d'être sanctionnés, l'État ne doit faire usage de l'action récursoire qu'avec retenue. Néanmoins, il paraît conforme au principe d'équité de faire supporter les frais de procédure à celui qui saisit l'autorité de poursuite pénale de manière infondée ou par malveillance. L'action récursoire peut figurer dans la décision finale rendue par l'autorité pénale si elle concerne des personnes responsables qui ont participé à la procédure ; dans le cas contraire, elle fera l'objet d'une décision séparée (TF 6B_851/2014 du 1
er
décembre 2014 c. 2 et les références citées).
5.2
En l’espèce, les frais de première instance, qui comprennent l’indemnité due au conseil d’office de la plaignante, s’élèvent à 49'658 fr. 85. S’agissant de la répartition de ces frais, les premiers juges ont considéré que F._ avait certes agi de manière téméraire en déclenchant par sa plainte les poursuites pénales à l’encontre des prévenus, mais qu’en revanche seule une partie des frais, soit 2'325 fr. – montant correspondant aux frais de justice devant le juge d’instruction –, pouvait être mise à sa charge en application de l’art. 420 CPP, la procédure s’étant poursuivie subséquemment à la suite de deux arrêts du Tribunal d’accusation, respectivement de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal, annulant des ordonnances de non-entrée en matière, respectivement de classement prononcées par le Juge d’instruction, la première fois d’ailleurs à la requête expresse du Ministère public.
Cette appréciation ne saurait être suivie. La procédure pénale qui a abouti à l’acquittement des prévenus était ouverte pour des infractions se poursuivant d’office (lésions corporelles simples qualifiées et abus d’autorité). Dès lors, compte tenu de la jurisprudence qui vient d’être exposée, les frais pouvaient être mis à la charge de F._, qui succombe, sans autre condition, l’intéressée s’étant en effet constituée partie plaignante et ayant activement pris part à la procédure.
Au demeurant, le fait de libérer la plaignante des frais intervenus après l’annulation des ordonnances de non-entrée en matière, respectivement de classement, n’était pas justifié, les autorités pénales étant tenues de suivre le principe
in dubio pro duriore
(Moreillon/Parein-Reymond, Petit Commentaire du Code de procédure pénale, Bâle 2013, n. 10 ad art. 319 CPP et n. 7 ad art. 324 CPP) alors même que ce n’est qu’au terme d’une instruction complète en contradictoire que l’autorité de jugement est en mesure de déterminer le caractère abusif de la plainte. En l’occurrence, en déposant une plainte pénale sans réel motif, en accusant faussement les prévenus de l’avoir frappée et en recourant systématiquement contre les ordonnances du Juge d’instruction, F._ a intentionnellement déclenché, alimenté et soutenu une procédure pénale infondée dont elle doit répondre, en raison de son comportement fautif, de l’intégralité des coûts.
6.
L’appel du Ministère public doit dès lors être admis et le jugement entrepris modifié en ce sens que l’entier des frais de première instance, par 49'658 fr. 85, est mis à la charge de F._, cette dernière étant tenue de rembourser à l’Etat l’indemnité due à son conseil d’office que lorsque sa situation financière le permettra.
7.
En définitive, l’appel de F._ doit être rejeté, tandis que l'appel du Ministère public doit être admis, le jugement du 27 novembre 2014 étant réformé dans le sens des considérants qui précèdent.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, par 6'466 fr. 10, doivent être mis par à la charge de F._, qui succombe (art. 428 CPP).
Outre l'émolument, qui se monte à 3'230 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée au conseil d’office de F._.
S’agissant l’indemnité du conseil d’office de F._, la liste d’opérations produite (cf. P. 179) mentionne une activité de 31 heures et 45 minutes, dont 16 heures et 30 minutes par l’avocat breveté et 15 heures et 15 minutes par l’avocat-stagiaire. Ce temps allégué apparaît, compte tenu des caractéristiques de la cause, de la connaissance du dossier acquise en première instance et de la durée consacrée à certaines opérations (préparation d’audience), manifestement excessif. Il convient par conséquent de retenir un total de 17 heures d’activité déployée, temps d’audience compris, dont 14 heures au tarif horaire de 180 fr. pour l’avocat breveté et 3 heures au tarif horaire de 110 fr. pour l’avocat-stagiaire, ainsi qu’une vacation à 120 fr. et des débours à 26 fr. 40, avec en sus la TVA. L’indemnité allouée à Me Yaël Hayat est ainsi arrêtée à 3'236 fr. 10, TVA et débours compris (2'850 fr. [2'520+ 330] + 120 fr. [vacation] + 26 fr. 40 [débours] + 239 fr. 70 [TVA]).
F._ ne sera tenue de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son conseil d’office prévue que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP).
Dès lors que les frais de défense des intimés, notamment en appel, ont été pris en charge par leur employeur, soit l’Etat de Vaud, il n’y a pas matière à leur allouer une indemnité au sens de l’art. 429 al. 1 let. a CPP, à la charge du même débiteur. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6ac9f4ca-ffc0-4032-977c-67bdccdee141 | En fait :
A.
Par jugement du 13 novembre 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l'Est vaudois a libéré C._ des infractions de tentative de viol et de contrainte sexuelle (I), a condamné ce dernier pour actes d'ordre sexuel avec des enfants et viol à une peine privative de liberté de 30 mois, dont 6 mois ferme, le solde de 24 mois étant assorti d'un sursis durant 2 ans, sous déduction de 9 jours de détention provisoire (II), a dit que C._ est le débiteur de K._ et lui doit immédiat paiement des montants suivants : 15'000 fr., valeur échue, à titre d'indemnité pour tort moral, et 550 fr., valeur échue, à titre de dommages et intérêts (III), a rejeté les conclusions civiles prises par F._ (IV), a dit que les DVD séquestrés sous fiche 1888 et 1858 seront conservés au dossier à titre de pièces à conviction (V), a mis une partie des frais de la cause, arrêtés à 20'000 fr., à la charge de C._ comprenant les indemnités dues à Me Disch, par 6'011 fr. 25, et à Me Jaccottet Tissot, par 6'393 fr. 60, TVA et débours compris, et laissé le solde à la charge de l'Etat dont l'indemnité due à Me Meuwly, par 5'095 fr. 65, TVA et débours compris (VI), et a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité servie au défenseur d'office du condamné et conseil d'office de K._ ne sera exigé que si la situation financière du condamné s'améliore (VII).
Par jugement du 21 mars 2013, la Cour d’appel pénale a rejeté l’appel formé par C._ tendant, d’une part, à sa libération des chefs d’accusation d'actes d'ordre sexuel avec des enfants ainsi que de viol et, d’autre part, à une nouvelle répartition des frais résultant de la procédure de première instance.
Par arrêt du 29 août 2013 (TF 6B_560/2013), la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a partiellement admis le recours de C._ en ce sens que le jugement précité est annulé en tant qu’il confirme le chiffre VI du jugement du Tribunal correctionnel relatif à la répartition des frais de première instance, et a renvoyé la cause à l’autorité cantonale pour nouvelle décision. Pour le surplus, le recours a été rejeté.
B.
Par écriture du 7 octobre 2013, C._ a pris acte du fait que la Cour d’appel pénale allait statuer en procédure écrite et a déposé des observations complémentaires.
Les autres parties ne se sont pas déterminées dans le délai imparti à cet effet.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né le [...] 1984 à Pristina au Kosovo, C._ est aide cuisinier au restaurant [...].
Au moment des faits, K._, née le [...] 1994, et F._, née le [...] 1995, étaient en stage dans cet établissement.
2.
2.1
Le 28 octobre 2009 après 22h00, C._ a invité les prénommées à faire un tour en voiture. Après avoir décliné l'offre, K._ est finalement partie avec le prévenu et le cousin de celui-ci. Quelques minutes plus tard, le premier a demandé au second de prendre le volant et s'est placé à l'arrière. Durant ce trajet, l'appelant a embrassé K._ et l’a touchée par-dessus et par-dessous ses vêtements. Par la suite, son cousin a garé le véhicule sur une place de parc devant un restaurant avant de sortir et de s’éloigner. C._ a alors attiré la tête de la jeune fille vers son entrejambe, sans se dénuder. Il a ensuite continué à embrasser cette dernière et à la toucher malgré son refus. Il l’a finalement allongée sur le dos sur la banquette arrière et s’est couché sur elle. Ne pouvant plus bouger, l’intimée a finalement lâché prise. Le prévenu lui a alors baissé son jeans et l’a pénétrée d’abord avec ses doigts et ensuite avec son sexe et sans préservatif. Après cela, tous les trois sont retournés à leur point de départ, l’appelant enjoignant encore à sa victime de ne parler à personne de ce qui venait de se passer. K._ a déposé plainte le lendemain.
Pour ces faits, C._ a été reconnu coupable d’actes d’ordre sexuel avec des enfants et de viol.
2.2
S’agissant des infractions de tentative de viol, contrainte et actes d’ordre sexuel avec des enfants prétendument commises par le prévenu à l’endroit de F._, les premiers juges ont considéré qu’il subsistait un doute sérieux et objectif justifiant la libération de C._ de ces chefs d’accusation. | En droit :
1.
1.1
Lorsque le Tribunal fédéral admet un recours, il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision. Il peut également renvoyer l'affaire à l'autorité qui a statué en première instance (art. 107 al. 2 LTF [loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral, RS 173.110]). L'autorité à laquelle l'affaire est renvoyée doit fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit contenus dans l'arrêt de renvoi. Elle ne peut en aucun cas s'écarter de l'argumentation juridique du Tribunal fédéral, aussi bien en ce qui concerne les points sur lesquels il a approuvé la motivation précédente que ceux sur lesquels il l'a désapprouvée. Il n'est pas possible de remettre en cause ce qui a été admis – même implicitement – par le Tribunal fédéral (B. Corboz, in : Commentaire de la LTF, Berne 2009, ch. 27 ad art. 107 LTF).
1.2
Dans son arrêt du 29 août 2013, le Tribunal fédéral a rejeté tous les moyens de fond soulevés par C._ qui tendaient à son acquittement des chefs d’accusation d'actes d'ordre sexuel avec des enfants et de viol à l’encontre de K._. S’agissant de la question relative à la répartition des frais de première instance, la Haute Cour a considéré que la motivation de l’autorité cantonale était insuffisante, dès lors qu’elle ne permettait pas d’examiner la causalité entre le comportement du condamné et les frais mis à sa charge. Ainsi, seule cette question demeure litigieuse.
2.
2.1
La mise à la charge des frais se juge à l’aune du principe selon lequel celui qui a causé les frais doit les supporter. Le devoir du prévenu de supporter les frais en cas de condamnation (art. 426 al. 1 CPP) se fonde sur l’idée que ce dernier a occasionné, par son comportement, l’ouverture et la mise en œuvre de l’enquête pénale et qu’il doit par conséquent en supporter les frais (ATF 138 IV 248 c. 4.4.1; TF 6B_428/2012 du 19 novembre 2012 c. 3.1). Un lien de causalité adéquate est nécessaire entre le comportement menant à la condamnation pénale et les coûts relatifs à l’enquête permettant de l’établir (TF 6B_428/2012 op. cit. et les références citées; ATF 138 IV 57 c. 4.1.3).
2.2
En l’occurrence, sur la base de la liste des frais de première instance, la Cour de céans relève ce qui suit :
2.2.1
En ce qui concerne les indemnités d’office :
- L’indemnité allouée à Me Meuwly, conseil d’office de F._, s’élève à 5'095 fr. 20. Au vu de la libération du prévenu s’agissant des faits concernant cette partie plaignante, cette indemnité doit être laissée à la charge de l’Etat.
- Quant à l’indemnité à hauteur de 6'393 fr. 60 allouée à Me Jaccottet Tissot, conseil d’office de l’intimée, elle doit être mise à la charge de C._, dès lors que sa condamnation a été confirmée en appel.
- L’indemnité allouée à Me Disch en sa qualité de défenseur d’office du prévenu se monte à 6'011 fr. 25. Compte tenu de l’acquittement partiel de ce dernier sur deux chefs d’accusation importants, à savoir la tentative de viol et la contrainte, il se justifie de mettre la moitié de ce montant, soit 3'005 fr. 60, à la charge du condamné, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
2.2.2
En ce qui concerne les autres frais de procédure, il sied de procéder à l’établissement d’un décompte détaillé afin d’apprécier la quotité exacte à imputer au cas de F._, et qu’en définitive, le condamné ne doive supporter que les coûts engendrés par le comportement coupable qui lui est reconnu.
Postes à imputer au seul cas de F._ :
- 80 fr., facture du psychologue LAVI;
- 250 fr., facture de la police cantonale (audition victime, etc).
Postes à imputer au seul cas de K._ :
- 155 fr., facture du psychologue LAVI;
- 250 fr., facture de la police cantonale (audition victime, etc).
S’agissant des autres postes, qui résultent de frais communs, il sied de les répartir par moitié entre les plaignantes, à savoir :
- 8'250 fr., soit 4'125 fr., émoluments judiciaires;
- 945 fr., soit 472 fr. 50, frais de détention du prévenu;
- 2'086 fr. 35, soit 1'043 fr. 17, facture du CHUV;
- 1'711 fr. 90, soit 855 fr. 95, facture du CHUV;
- 975 fr., soit 487 fr. 50, facture de AURIGEN;
- 1'172 fr. 45, soit 586 fr. 22, facture du CHUV;
- 375 fr., soit 187 fr. 50, facture de la police cantonale;
- 75 fr., soit 37 fr. 50, prestation d’interprète;
- 150 fr., soit 75 fr., facture [...].
=
15'740 fr. 70
, soit
7'870 fr. 35
2.2.3
Compte tenu de la répartition qui précède (cf. supra c. 2.2.1 et 2.2.2), les coûts totaux à imputer au cas de K._ s’élèvent à 17'674 fr. 55 et ceux relatifs au cas de F._ à 16'301 fr. 65.
2.3
Par conséquent, les frais de première instance, arrêtés à 33'976 fr. 20, doivent être mis à la charge de l’appelant à raison de 17'674 fr. 55 (comprenant la moitié de l’indemnité allouée à son défenseur d’office, par 3'005 fr. 60, et l’indemnité allouée au conseil d’office de l’intimée, par 6'393 fr. 60), le solde, par
16'301 fr. 65 (comprenant l’indemnité allouée au conseil d’office de F._, par 5'095 fr. 20, et la moitié de l’indemnité allouée au défenseur d’office du condamné, par 3'005 fr. 60), étant laissé à la charge de l’Etat.
Pour le surplus, l’appelant ne sera tenu de rembourser à l'Etat l’indemnité allouée au conseil d'office de l’intimée ainsi que la moitié de l’indemnité due à son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra.
3.
En définitive, l’appel de C._ est partiellement admis et les chiffres VI et VII du dispositif du jugement de première instance réformés dans le sens des considérants qui précèdent. Pour le surplus, le jugement entrepris est confirmé.
4.
Vu l’issue de la cause, la répartition des frais du jugement rendu le 21 mars 2013 par la Cour de céans, arrêtés à 6'329 fr. 40, y compris les indemnités allouées aux avocats d’office par 2'393 fr. 80, TVA et débours compris, pour Me Stefan Disch, et par 1'475 fr. 60, TVA et débours compris, pour Me Catherine Jaccottet Tissot, ne doit pas être modifiée, les moyens principaux de l’appelant ayant tous été rejetés.
Quant aux frais du jugement de ce jour, constitués de l’émolument d’arrêt, par 880 fr., ainsi que de l’indemnité allouée à Me Stefan Disch, par 194 fr. 40, TVA comprise, ils seront laissés à la charge de l’Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6b0548b0-00f3-44b5-ab71-dbdcd4f5453e | En fait :
A.
Par jugement du 23 février 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré E._, au bénéfice du doute, des chefs d'accusation d'abus de confiance et de faux dans les titres (I), a pris acte de la reconnaissance de dette signée par E._ à l'audience du 24 août 2009, à hauteur de 50'000 fr., en faveur de A.A._, et de son engagement à lui rembourser cette somme à hauteur de 150 fr. par mois dès le 1
er
septembre 2009, pour valoir jugement définitif et exécutoire à due concurrence et a donné acte à A.A._ de ses conclusions civiles pour le surplus (II), a donné acte à Z._ de ses conclusions civiles et l'a renvoyée à agir devant le Juge civil (III), a fixé les frais de la cause à 17'064 fr. 70 et en a mis une partie, par 8'500 fr., à la charge d'E._, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (IV) et a dit que le remboursement à l'Etat des indemnités dues aux défenseurs d'office d'E._ ne sera exigible que pour autant que la situation financière de celle-ci le permette (V).
B.
A.A._ a déposé une annonce, puis une déclaration d’appel. Il a conclu à l'annulation du jugement du 23 février 2012 rendu par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne, à la condamnation d'E._ des chefs d'accusation d'abus de confiance et de faux dans les titres et à ce qu'E._ est déclarée débitrice de A.A._ et lui doit immédiatement le paiement de 123'648 fr. 35 avec intérêts à 5% dès le 1
er
février 2008.
Par décision du 7 juin 2012, le Président a fait suite à la demande de A.A._ et l'a dispensé de comparaître à l'audience du 15 août 2012.
Dans le délai imparti, le Ministère public a renoncé à déposer des conclusions.
E._ n'a déposé ni demande de non-entrée en matière, ni appel joint. Elle a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement de première instance.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
E._ est née le [...] 1979 à Penso au Portugal. Elle est arrivée en Suisse en bas âge et y a vécu avec ses parents. Elle s'est mariée en 1999. Deux enfants sont nés de cette union en 2001 et 2005. Le couple s'est séparé en 2008. Le mari a quitté la Suisse, vraisemblablement pour le Portugal.
Après sa scolarité obligatoire, en août 1995, E._ est entrée au cabinet de A.A._, dentiste à Lausanne, où elle a effectué son apprentissage d'assistante dentaire. Après l'obtention de son CFC, A.A._ l'a gardée à son service, sans établir de contrat écrit. Elle travaillait à raison de 60% environ sur trois jours pour un revenu brut d'environ 1'600 francs. Elle ne parvenait pas à payer seule les factures du ménage – son mari dépensait son salaire au jeu et au cabaret d'après la prévenue – de sorte que les dettes se sont accumulées, notamment à l'égard de l'assurance-maladie. A partir de 2003, E._ a pris un emploi de nettoyeuse auprès de l'école [...] à [...], qui lui apportait environ 1'000 fr. par mois, en complément du salaire qu'elle percevait au cabinet dentaire. Au bénéfice d'un prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale, elle perçoit des contributions d'entretien de 1'400 fr., avancées par le BRAPA.
Licenciée avec effet immédiat début août 2007 par l'épouse de A.A._, à la suite des faits qui lui sont reprochés, E._ a retrouvé un emploi auprès du kiosk [...], où elle a travaillé comme vendeuse à 70% pour une revenu mensuel net d'environ 2'000 francs. A cela s'est ajouté le revenu des nettoyages qu'elle a continué d'effectuer à l'école [...] pour environ 1'000 fr. par mois et le salaire de la conciergerie de son immeuble, soit 300 francs. En 2008, elle déclarait des dettes de l'ordre de 64'000 francs.
Actuellement et depuis 2008, E._ travaille dans deux kiosques différents, soit pour le compte de M._Sàrl à Pully, qui lui assure un minimum de 80 heures par mois à 18 fr. 50 en qualité de première vendeuse et pour le kiosque P._Sàrl à Lausanne, où elle effectue une trentaine d'heures par mois, à 22 fr. l'heure. Elle poursuit son travail de conciergerie. Depuis le 1
er
février 2012, elle bénéficie d'une aide individuelle au logement de la ville de Lausanne de 250 fr. par mois.
En février 2011, l'Office des poursuites du district de Lausanne-Est faisait état de nombreux actes de défaut de biens délivrés depuis 2006 pour un montant global d'environ 100'000 fr. et de poursuites actuelles à hauteur de 2'500 francs.
Son casier judiciaire suisse est vierge.
2.
2.1
Le 26 septembre 2007, une plainte pénale libellée au nom de A.A._, a été adressée à l'Office d'instruction pénale de l'arrondissement de Lausanne, sous les signatures de C.A._ et B.A._, respectivement épouse et fille du prénommé, et de celui-ci. Il est reproché à E._ de s'être appropriée, entre 2003 et 2007, des sommes d'argent appartenant à A.A._ pour un montant total de 106'140 fr. 90 qui se compose de 41'098 fr. correspondant à l'argent versé en espèce par des patients que la prévenue aurait conservé pour elle, de 58'537 fr. 90 correspondant à des virements effectués du compte bancaire du cabinet sur un compte postal ouvert au nom du fils d'E._, cette dernière aurait rempli de faux bulletins de versement pour faire croire à des paiements de fournisseurs, et de 2'305 fr. et 4'200 fr. correspondant à des paiements qui ont été effectués depuis le compte bancaire du cabinet pour respectivement payer des cours de perfectionnement à E._ et acquitter des poursuites de la prévenue.
2.2
Dès son engagement au cabinet dentaire de A.A._, E._ s'occupait non seulement de l'assistance aux soins donnés aux patients, mais également du travail de bureau, soit de la préparation des factures à envoyer aux patients, ainsi que des paiements du cabinet. D'après la prévenue, il arrivait que les patients paient cash, de la main à la main, contre remise d'une quittance, plutôt que sur le compte du cabinet auprès de la Banque U._. Elle tenait le journal de la comptabilité que A.A._ remettait à sa fiduciaire, soit à R._, qui établissait sur cette base notamment les comptes et les bilans.
Dès 2002, E._ a fait l'objet de saisies de salaire à la suite des nombreuses poursuites dirigées contre elle. L'Office des poursuites a ainsi ordonné à son employeur de retenir la somme de 250 fr. par mois, qu'il versait à l'Office des poursuites selon un ordre permanent. A.A._ a également dû verser un montant de 1'500 fr. sur le 13
e
salaire versé fin 2003, 2004, 2005 et 2006, au titre de la saisie. Ainsi les 30 août 2004, 30 décembre 2004 et 30 décembre 2005, trois versements on été débités du compte U._ de A.A._ en faveur de l'Office des poursuites de Lausanne-Est. Le 29 décembre 2006, un versement de 1'500 fr. a été prélevé en faveur de l'Etat de Vaud.
Aux dires d'E._, A.A._, qui connaissait sa situation conjugale et financière, lui a prêté de l'argent, pour un montant total de 70'000 fr. à 80'000 fr. entre 2003 et 2007. Elle a expliqué avoir remboursé entre 20'000 fr. et 30'000 francs. Toutefois, ni A.A._, ni E._ ne tenaient de décompte des prêts et des remboursements; ils se faisaient confiance. Le 24 août 2009, l'intimée s'est reconnue débitrice d'un montant de 50'000 fr., qu'elle s'est engagée à rembourser à hauteur de 150 fr. par mois dès le 1
er
septembre 2009 – engagement qu'elle a tenu depuis lors.
E._ a expliqué que, lorsque A.A._ recevait des honoraires des patients de la main à la main, il ne les versait pas forcément sur le compte U._ du cabinet; sachant que la prévenue avait des difficultés financières, il lui en remettait alors une partie, soit quelques centaines de francs, et elle lui remboursait dans la mesure de ses possibilités.
En avril 2001, E._ a ouvert un compte auprès de Z._ au nom de son fils D._, né le [...] 2001. A compter du 16 septembre 2003, le relevé de ce compte postal indique des versements réguliers en provenance de A.A._, parfois avec une indication telle "relevé de compte", ou "solde relevé". Ces versements, au nombre de 42 jusqu'à début 2006, effectués une à deux fois par mois, voire plus souvent, oscillent entre 650 fr. et 3'000 fr. et totalisent 58'537 fr. 90. Sur le compte U._ du cabinet dentaire, ces montants correspondent à des versements destinés à F._ ou F._SA, ou encore K._SA ou K._. E._, qui préparait les paiements pour son employeur, lequel signait l'ordre de paiement destiné à la banque, indiquait, sur les bulletins de versement correspondant à ces montants, le nom de l'entreprise précitée comme destinataire du versement. A partir de janvier 2006, le compte U._ du cabinet ne laisse plus apparaître d'autres versements sur le compte de l'enfant. E._ a soutenu lors de l'instruction ainsi que devant la Cour de céans que ces versements sont intervenus d'entente avec A.A._. Des noms fictifs ont été utilisés dans le but de soustraire ces prêts à la curiosité des proches de ce dernier. Un versement de 1'902 fr. 50, opéré le 22 novembre 2005 et comportant un nom de destinataire fantaisiste, avec la mention "2
ème
envoi", a donné lieu à l'ouverture d'une procédure pénale parallèle sur plainte de Z._. Entendue à ce sujet dans le cadre de cette deuxième procédure, E._ a déclaré qu'il s'agissait d'un bulletin de versement personnel qui s'était glissé par erreur dans les factures du cabinet dès lors qu'elle effectuait ses propres paiements en même temps qu'elle préparait ceux du cabinet.
D'après l'intimée, les différents versements dont elle a bénéficié étaient voulus par son employeur, qui souhaitait lui venir en aide, dès lors qu'il entretenait avec elle une relation de père à fille et qu'il préférait que son épouse et sa fille ne puissent se rendre compte de l'ampleur de sa générosité envers son employée, ce dont elles prenaient ombrage.
Les 18 septembre et 14 novembre 2003 et les 10 février et 10 mai 2004, quatre paiements ont été opérés depuis le compte U._ du cabinet dentaire pour un montant total de 2'305 fr. en faveur de Culture et Formation, centre d'enseignement pour secrétaires médicales. D'entente avec A.A._ qui était disposé à payer une partie des frais, l'intimée s'est inscrite à un cours de secrétaire médicale d'un coût total de 3'800 francs; E._ a payé elle-même le solde du coût de ces cours.
Lors d'une visite domiciliaire chez E._, la police a découvert une quittance d'un montant de 4'580 fr. au nom d'un patient, portant la date du 25 novembre 2004 pour un traitement qui aurait eu lieu du 28 octobre au 25 novembre 2004. Sur la base de divers documents remis par l'épouse du plaignant, la police a indiqué dans son rapport du 19 septembre 2008 (P. 15) que la prévenue avait encaissé divers montant sans les créditer sur le compte bancaire du cabinet; elle a estimé ces montants, qui concernaient sept patients, à 41'098 francs. L'intimée conteste avoir conservé ces montants pour elle-même. Elle a expliqué à l'audience devant la Cour de céans qu'elle déposait toujours l'argent liquide dans une petite chambre du cabinet, où A.A._ se changeait.
Plusieurs témoins ont été entendus aux débats de première instance. Le comptable, R._, a souligné la qualité de la relation entre E._ et A.A._ qu'il a qualifiée de relation père-fille. Il a déclaré qu'il y avait une certaine complicité entre A.A._ et son assistante et que ce dernier aimait bien aider les gens. Le comptable a expliqué que l'appelant avait prêté de l'argent à E._ et que lorsqu'il a proposé à A.A._ un document qui lui permette de noter au fur et à mesure les remboursements qu'il obtenait sur le montant prêté, l'appelant l'a déchiré en disant que cette affaire ne concernait que lui. Il a confirmé que A.A._ versait son salaire à l'intimée de la main à la main. Il a encore précisé qu'à partir de 2006, C.A._ laissait transparaître des soupçons à l'égard d'E._, notamment s'agissant de la relation qu'elle entretenait avec son mari. L'épouse du plaignant a également accusé R._ de faux témoignage dans le cadre d'une affaire successorale (P. 81).
Le témoin C._, technicien dentiste, a également souligné la qualité de la relation entre l'appelant et l'intimée, à la fois professionnelle et très amicale. Il a fait part, aux débats de première instance, de difficultés qu'il a rencontré avec l'épouse et la fille de A.A._. Ces dernières lui ont demandé divers documents pour vérifier s'il ne s'était pas approprié du matériel, si la location qu'il payait couvrait les frais et s'il payait les factures concernant les frais de laboratoire. C._ a dû faire appel à un agent d'affaires pour le défendre.
[...], technicien dentaire, a précisé, outre la relation de confiance entre l'appelant et l'intimée, que l'appelant gardait toujours un certain contrôle sur la comptabilité du cabinet.
L'épouse de A.A._ a également été entendue aux débats de première instance. Elle a évoqué qu'il était possible que son mari ait prêté 70'000 fr. à 80'000 fr. à son employée; elle a même soupçonné son mari d'avoir vendu son Harley-Davidson dans un garage à Yverdon pour remettre l'argent à son assistante. Selon ses déclarations, ces prêts sont indépendants des montants qu'E._ a prélevé du compte du cabinet. C.A._ a toutefois expliqué que son mari ne lui parlait pas précisément des prêts craignant ses colères et ayant gardé des habitudes d'indépendance du temps de son célibat; ils se sont mariés lorsqu'il avait 40 ans.
2.3
A.A._ a fait des déclarations sur les faits de la cause qui se sont révélées à ce point lacunaires et contradictoires, à l'audience du 24 août 2009, que le Tribunal correctionnel a décidé de saisir le Justice de paix afin d'examiner la nécessité de pourvoir le plaignant d'un représentant légal, distinct de son épouse et de sa fille, dont les intérêts pouvaient apparaître en contradiction avec les siens, et afin de déterminer si, au moment du dépôt de la plainte pénale, le plaignant était en pleine possession de ses moyens.
Par décision du 10 juin 2010, la Justice de paix a institué une mesure de curatelle de représentation à la forme de l'art. 392 al. 1 CC en faveur de A.A._ et a nommé Me Katia Pezuela, avocate à Lausanne, en qualité de curatrice, son mandat consistant à représenter son pupille dans le cadre de la procédure pénale.
Il résulte du rapport d'expertise (P. 38/2) que A.A._ a pu mener une vie professionnelle et familiale tout à fait satisfaisante avant l'apparition de ses premiers problèmes de santé dans les années 2003, année où il a subi son premier accident vasculaire cérébral (AVC). Depuis lors, son état de santé s'est progressivement dégradé en raison des AVC, d'une maladie vasculaire des petits vaisseaux ainsi que d'un diagnostic d'hydrocéphalie à pression normale évoqué depuis plusieurs années déjà. Cette dernière pathologie se manifeste notamment par des troubles de l'attention et de la mémoire. Cette atteinte médicale a rendu le plaignant progressivement dépendant de son entourage, ce qui ne l'a toutefois pas empêché de pratiquer encore l'aviation. Il a graduellement diminué son activité professionnelle pour y mettre un terme en été 2007. Au moment de l'expertise, l'appelant présentait une altération massive de ses fonctions intellectuelles supérieures. Désorienté dans le temps et dans l'espace et par rapport à sa situation, il présentait également des troubles de la mémoire très importants qui concernaient à la fois la mémoire récente et l'apprentissage, avec également une perturbation de la mémoire au sujet des faits anciens.
Concernant la capacité de discernement de A.A._ à la date du dépôt de la plainte pénale, l'expert a estimé qu'il y a un faisceau d'arguments médicaux suffisant pour estimer que le plaignant présentait déjà des troubles neuropsychologiques significatifs susceptibles d'altérer son discernement. Même si son état était de toute évidence nettement meilleur qu'au moment de l'expertise, permettant même le maintien de son activité professionnelle jusqu'en mai-juin 2007, la présence de ces troubles cognitifs évidents sur un bilan de juin 2007 rendait déjà A.A._ passablement dépendant de son entourage en septembre 2007 concernant la gestion d'affaires administratives et juridiques complexes. Selon l'expert, l'appelant n'était déjà plus en mesure, sur une base purement autonome, d'analyser correctement sa situation, de faire le lien entre les éléments de sa situation présente et passée au vu de ses troubles cognitifs; ses troubles étaient déjà susceptibles d'altérer son discernement. | En droit :
1.
1.1
En vertu de l’art. 382 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l’annulation ou à la modification d’une décision a qualité pour recourir contre celle-ci (al. 1). La partie plaignante ne peut pas interjeter recours sur la question de la peine ou de la mesure prononcée (al. 2).
1.2
La doctrine dominante admet que la partie plaignante, pour autant qu’elle soit directement touchée par une infraction (art. 115 CPP) et qu’elle se soit constituée comme "demandeur au pénal" (art. 119 al. 2 let. a CPP), peut recourir sur la question de la culpabilité. En effet, cette question peut constituer un élément déterminant pour l’appréciation de ses prétentions civiles qu’elle n’est pas tenue de faire valoir dans le procès pénal et peut faire valoir dans un procès civil séparé; elle a ainsi un intérêt à pouvoir recourir, au pénal, sur l’élément de la faute (Calame, in Kuhn/Jeanneret, Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 11 ad art. 382 CPP; Schmid, Handbuch des schweizerischen Strafprozessordnung, 2009, n. 1462; Piquerez/Macaluso, Procédure pénale suisse, 3
e
éd, 2011, n. 1912; Ziegler, in Niggli/Heer/Wiprächtiger (éd.), Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, Bâle 2011, n. 4 ad art. 382 CPP).
L’art. 391 al. 2 CPP, qui ne limite pas la reformatio in pejus au seul Ministère public, et l’art. 407 al. 2 CPP, qui mentionne expressément un appel de la partie plaignante portant sur la culpabilité, parlent en outre en faveur de cette interprétation.
1.3.
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
L’appelant se plaint de l'établissement des faits et invoque une mauvaise application du principe
in dubio pro reo
. Il soutient qu'E._ s'est rendue coupable d'abus de confiance et de faux dans les titres.
Il argumente que les déclarations de la prévenue ne sont pas crédibles. Il conteste que les versements litigieux sont intervenus d'entente avec A.A._ et que des versements en espèces et des fausses factures ont été libellés dans le but de soustraire ces prêts à la curiosité des proches de ce dernier. L'appelant relève des contradictions dont la prévenue a fait état en cours d'instruction notamment s'agissant de la facture de 1'902 fr. 50. Il soutient encore qu'il existe des coïncidences troublantes, notamment le fait que les prêts ont commencé en 2003 après son premier AVC et que les versements en espèces ont commencé à partir du moment où Z._ et la Banque U._ ont exigé de libeller le nom du réel destinataire du compte.
2.1
2.1.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
2.1.2
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). La présomption d'innocence, également garantie par les art. 14 par. 2 Pacte II ONU (Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques; RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales; RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (TF 6B_91/2011 du 26 avril 2011 c. 3.2; ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38, c. 2a). Un faisceau d'indices peut toutefois suffire (Piquerez/Macaluso, op. cit., 2011, n. 574).
2.2
Aux termes de l'art. 138 ch. 1 CP, se rend coupable
d'abus de confiance celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, se sera approprié une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui avait été confiée (al. 1), de même que celui qui, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d'un tiers des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées (al. 2).
2.3
Se rend coupable de faux dans les titres au sens de l'art. 251 ch. 1 CP celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre. Sont notamment des titres tous les écrits destinés et propres à prouver un fait juridique (art. 110 ch. 4 CP).
3.
En l'espèce, il n'est pas contesté que des contradictions apparues en cours d'instruction persistent. Toutefois, la version des faits présentée par E._ est restée constante tout au long de l'enquête malgré quelques imprécisions, la première déclaration datant du 6 mai 2008. Selon la prévenue, les divers versements dont elle a bénéficié étaient voulus par son employeur qui souhaitait lui venir en aide et qui préférait que son épouse et sa fille ne puissent pas se rendre compte de l'ampleur de sa générosité envers son employée, dont elles prenaient ombrage. E._ a expliqué que le plaignant lui a prêté environ 70'000 fr. à 80'000 fr., entre 2003 et 2007 environ et qu'elle lui avait déjà remboursé 20'000 fr. à 30'000 francs; elle s'est reconnue sa débitrice à hauteur de 50'000 francs.
Aux débats de première instance, les témoins ont confirmé ces allégations sans toutefois pouvoir chiffrer le montant du prêt. Ils ont souligné la qualité de la relation entre l'appelant et l'intimée qu'ils ont qualifiée de relation père-fille, et la générosité du plaignant; celui-ci "aimait bien aider les gens" (Déclarations de R._ aux débats, p. 11 du jugement entrepris). En outre, le plaignant a déchiré le document que le comptable lui a préparé afin de noter le décompte des prêts et des remboursements, précisant que cette affaire ne concernait que lui.
Même l'épouse de A.A._ a expliqué qu'elle considérait comme possible que son mari ait prêté 70'000 fr. à 80'000 fr. à son employée sans qu'elle ne soit précisément informée car il craignait ses colères et avait gardé des habitudes d'indépendance du temps de son célibat.
Au vu de ces éléments, on ne peut pas exclure que A.A._ a consenti des prêts à son employée, d'une certaine importance et sous diverses formes, et qu'il a cherché à dissimuler ses actes de générosité à son épouse. En effet, aussi bien le technicien dentiste que le comptable ont été confrontés à l'esprit méfiant de son épouse; le premier a dû se justifier, avec l'aide d'un agent d'affaires, quant au paiement de sa part de loyer et de factures afférentes à son activité au cabinet, tandis qu'elle a soupçonné le second notamment de faux témoignage devant la justice de paix à propos d'une affaire de succession. Il ne peut également pas être exclu que A.A._ ait prêté de l'argent à E._ en lui remettant de l'argent liquide de la main à la main. En effet, si certains patients payaient également les honoraires en espèces au cabinet, il n'est pas exclu que certains prêts ont également été accordés de la même manière, d'où l'empressement de la prévenue à se rendre auprès des patients pour recevoir l'argent liquide plutôt que leur remettre un bulletin de versement. En outre, le salaire de la prévenue était également payé en liquide. Contrairement à ce que soutient l'appelant, il ne s'agit pas d'une coïncidence que les versements en espèces ont commencé à partir du moment où Z._ et la Banque U._ ont exigé de libeller le nom du réel destinataire du compte si A.A._ souhaitait soustraire à la connaissance de sa femme et de sa fille les prêts qu'il accordait à l'intimée.
En outre, il est surprenant que les 42 versements en faveur du fournisseur F._SA versés sur le compte du fils de la prévenue pendant un peu plus de deux ans, n'ont pas attiré l'attention de l'appelant au moment où il signait l'ordre de paiement pour la banque. Il est vrai qu'il faisait confiance à son employée, mais, selon un témoin, il gardait toujours un certain contrôle sur sa comptabilité.
Cette manière d'agir expliquerait pourquoi E._ ne voit pas d'antagonisme entre les prêts obtenus au débit du compte U._ du cabinet et la confusion dont elle a parlé à propos du bulletin de versement de 1'902 fr. 50.
Il est vrai que, dans ses déclarations à la police et aux débats, A.A._ s'est dit surpris voire choqué que son assistante prétende avoir obtenu plusieurs dizaines de milliers de francs de sa part en prêts et que des débits ont été opérés en faveur du compte du fils d'E._. Toutefois, ses déclarations ne peuvent pas être prises en compte. En effet, les AVC dont il a été victime dès 2003, l'ont rendu progressivement dépendant de son entourage. Il a cessé son activité professionnelle en 2007. Lors de la première audience, ses propos ont été à ce point contradictoires que le Tribunal a suspendu les débats en vue de lui faire désigner un curateur, ce qui a été le cas. Ainsi, l'appelant était déjà atteint dans sa santé en 2007 et notamment dans ses facultés cognitives; selon l'expertise médicale, il présentait déjà au moment du dépôt de la plainte pénale des troubles de la mémoire importants, également au sujet de faits anciens.
Concernant les versements destinés à l'Office des poursuites, l'instruction a montré que l'appelant avait été invité par ce dernier à prélever des parts du salaire de la prévenue et les treizièmes salaires de plusieurs années successives au titre de saisies de salaire. Il ne s'agit donc pas de paiements faits à l'insu de l'employeur.
Enfin, l'appelant prétend que les montants perçus par l'intimée sur le compte de son fils, les montants versés en espèces par des clients qu'elle aurait conservés ainsi que les paiements qu'elle aurait effectués depuis le compte du cabinet pour ses cours de formation et ses poursuites, s'ajoutent aux prêts de 70'000 fr. à 80'000 fr. reconnus par la prévenue. Ainsi, ce serait un montant total de près de 200'000 fr. (80'000 fr. + 120'000 fr. d'après l'appelant) dont l'intimée aurait bénéficié, soit, sur quatre ans environ, d'au moins 50'000 fr. par année. Or, au vu du chiffre d'affaires de A.A._ s'élevant à environ 160'000 fr. pour l'année 2005, il n'est pas possible que lui-même, le comptable ou sa famille ne s'en soit pas aperçu. L'hypothèse du cumul paraît donc peu plausible.
Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, les éléments constitutifs des infractions d'abus de confiance et de faux dans les titres n'ont pas pu être établis. En effet, il subsiste un doute sérieux quant au caractère illégitime des versements perçus par E._.
Le raisonnement des premiers juges repose sur une instruction fouillée et une motivation substantielle; ils ont ainsi tenus trois audiences, requis la production de diverses pièces et entendu six témoins. La constatation des faits n'est ni erronée, ni incomplète. C'est donc à juste titre qu'ils ont acquitté E._ en application du principe de la présomption d'innocence.
4.
L'appelant a conclu à ce qu'E._ est déclarée débitrice et lui doit immédiatement le paiement de 123'648 fr. 35 avec intérêts à 5%, dès le 1
er
février 2008 pour le dommage matériel subi, à savoir 71'012 fr. 20 pour les prélèvements bancaires indus, 41'098 fr. pour le détournement des sommes payées par les patients en espèces, 10'538 fr. 15 à titre de dépens pour les honoraires de la curatrice et à titre de tort moral 1'000 francs.
4.1
Selon l'art. 126 CPP, le tribunal statue également sur les conclusions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu (al. 1 let. a). Il peut cependant renvoyer la partie plaignante à agir par la voie civile lorsqu'elle n'a pas chiffré ses conclusions de manière suffisamment précise ou ne les a pas suffisamment motivées (al. 2 let. b). Dans les cas où le jugement complet des conclusions civiles exigerait un travail disproportionné, le tribunal peut traiter celles-ci seulement dans leur principe et, pour le surplus, renvoyer la partie plaignante à agir par la voie civile (al. 3).
Il appartient au lésé d'alléguer et d'établir les faits relatifs à la question du dommage et au lien de causalité entre celui-ci et l'infraction poursuivie. Ses prétentions sont donc soumises à une maxime des débats atténuées (Jeandin/Matz, in Commentaire romand, Code de procédure pénale, op. cit., nn. 5, 7 et 8 ad art. 123 CPP).
4.2
En l'espèce, E._ s'est reconnue débitrice de 50'000 fr. pour les prêts que A.A._ lui a accordé, dette qu'elle rembourse par mensualités de 150 francs. N'étant pas reconnue coupable d'abus de confiance ou de faux dans les titres, l'action pénale prend fin. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner plus avant les prétentions civiles du plaignant qui pourra faire valoir, le cas échéant, ses prétentions devant les autorités civiles.
5.
En définitive, l'appel, mal fondé, est rejeté et le jugement du Tribunal de première instance intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge de A.A._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 2'460 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), les frais comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office d'E._.
Compte tenu de la nature de l'affaire et de l'absence d'écriture de deuxième instance, il était justifié par le défenseur d'office de consacrer 8 heures au traitement de l'appel, audience comprise. L'indemnité sera dès lors arrêtée à 1'440 fr. et 36 fr. 90 de débours, plus la TVA par 118 fr. 10, soit un total de 1'595 fr., TVA et débours compris.
Me Katia Pezuela, agissant en qualité de curateur, devra produire sa liste des opérations auprès de la Justice de paix qui la défrayera pour son activité. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6b2d0595-db65-419b-aa33-1478af389e26 | En fait :
A.
Par jugement du 28 août 2014, le Tribunal criminel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a notamment libéré J._ de l’accusation de meurtre (I), a constaté que J._ s’est rendu coupable d’assassinat (II), l’a condamné à 16 ans de peine privative de liberté, sous déduction de la détention avant jugement subie (III), a ordonné le maintien de J._ en détention pour des motifs de sûreté (IV), a pris acte pour valoir jugement de la reconnaissance de dette signée le 26 août 2014 par J._ en faveur de B.W._ et C.W._ (V), a statué sur le sort des séquestres ordonnés (VI et VII), a fixé l’indemnité allouée au défenseur d’office de J._ à 14'000 fr., TVA et débours compris, et celle due au conseil d’office de B.W._ à 6'537 fr., TVA et débours compris (VIII et IX), a laissé l’indemnité allouée au conseil d’office à la charge de l’Etat (X), a mis les frais de la cause à la charge J._, y compris les indemnités allouées à son défenseur d’office (XI), et a dit que le remboursement de ces indemnités sera exigible pour autant que la situation économique du condamné se soit améliorée (XII).
B.
Par annonce du 5 septembre 2014, puis déclaration motivée du 29 septembre suivant, J._ a formé appel contre ce jugement, en concluant à sa réforme en ce sens qu’il est libéré du chef d’accusation d’assassinat, qu’il est reconnu coupable de meurtre passionnel et condamné à une peine privative de liberté n’excédant pas 10 ans, sous déduction de la détention avant jugement subie. A titre de mesures d’instruction, il a requis une nouvelle audition du témoin S._ ainsi qu’une inspection locale de nuit.
Par écritures des 7 et 20 novembre 2014, le Président de la Cour d’appel pénale a rejeté les réquisitions de preuve formulées par l’appelant, celles-ci ne répondant pas aux conditions de l'art. 389 CPP.
A l’audience d’appel, J._ a d’entrée de cause réitéré ses réquisitions de preuve, lesquelles ont été une nouvelle fois rejetées par décision incidente de la Cour de céans.
Le Ministère public a conclu au rejet de l’appel, avec suite de frais.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
J._ est né le [...] 1978 à [...]. Sa mère est décédée peu après sa naissance. Fils unique, il a été élevé par ses grands-parents maternels jusqu’à l’âge de 5 ans, puis est allé vivre avec son père et sa belle-mère. Il a effectué toutes ses écoles à [...]. A l’issue de sa scolarité obligatoire, il entrepris successivement deux apprentissages et obtenu un CFC d’agriculteur, respectivement de monteur sanitaire. Il a également travaillé pendant une courte période comme chauffeur poids lourds pour matières dangereuses. Le 1
er
janvier 2001, il est entré comme recrue au Service de défense incendie et de secours [...]. Il a été promu sapeur le 27 janvier 2001, puis caporal le 12 octobre 2003. Il a quitté le corps en juin 2012, ensuite de son arrestation. Avant la présente procédure, il travaillait comme monteur sanitaire chez [...] Sàrl à [...] et gagnait environ 4’300 fr. net par mois, treize fois l’an. Il avait entrepris de rénover une maison voisine de celle de ses parents à [...], dans laquelle il comptait vivre avec la victime, A.W._. En attendant, il habitait chez ses parents et versait à ces derniers une participation aux charges de 250 fr. par mois. Il n’a pas d’économies. Il a une dette de 50'000 fr. relative à un petit crédit; cette somme a été remise à A.W._. Il a également contracté un emprunt hypothécaire de 150'000 fr. pour rénover sa future maison. Il a le projet de faire en détention un CFC de monteur électricien ainsi que le brevet fédéral et la maîtrise d’installateur sanitaire. Il souhaite en outre avoir une entreprise. Il aimerait également reprendre le domaine familial que son père et son oncle exploitent.
Son casier judiciaire est vierge.
1.2
J._ a été placé en détention provisoire du 13 juin au
18 décembre 2012. Depuis le 19 juin 2012, il exécute sa peine de manière anticipée aux Etablissements de la plaine de l’Orbe. Au 28 août 2014, il avait effectué au total 807 jours de détention avant jugement.
Pendant son incarcération, l’appelant a fait l’objet d’une sanction disciplinaire le 10 juillet 2013 pour avoir passé des appels sur son téléphone pour le compte d’autres détenus.
1.3
Les renseignements recueillis sur le compte de J._ sont excellents. Son patron l’a notamment décrit comme un employé modèle. Selon un ami d’enfance, il est un homme calme et perfectionniste, qui a le coeur sur la main. Le commandant de l’appelant a pour sa part déclaré que celui-ci avait donné entière satisfaction et était un homme dévoué qui ne comptait pas ses heures, tirait en avant ses collègues, avait toujours fait preuve de sang-froid et mené à bien ses missions.
1.4
Dans le cadre de la présente procédure, J._ a été soumis à une expertise psychiatrique. Dans leur rapport du 16 juillet 2013 (P. 158), les experts n’ont relevé aucune symptomatologie floride de la lignée dépressive, psychotique ou maniaque. Au moment des faits, l’expertisé était dans la réalité et non pas sous influence de substances psychoactives. Il avait commis les actes de manière réfléchie, sans débordement émotionnel. Les experts ont pu «
tout au plus évoquer un passage à l’acte soutenu par une réaction émotionnelle intense, s’exprimant enfin brutalement après avoir été contenue durant plusieurs mois et amplifiée par la découverte que la jeune femme était à Payerne
». Selon eux, les capacités cognitives du prévenu étaient bien préservées et celui-ci ne présentait aucun trouble de la personnalité. Ce n’est qu’après les faits qu’il avait présenté un trouble de l’adaptation avec réaction mixte anxio-dépressive. En l’absence de pathologie psychiatrique, sa responsabilité était pleine et entière. Au vu du caractère tout à fait spécifique de la situation, les experts ont considéré que le risque de récidive était faible. Ils n’ont en outre préconisé aucune mesure. Cependant, selon eux, un suivi psychothérapeutique permettant à l’intéressé de poursuivre le travail introspectif restait indiqué, mais sur une base volontaire et à condition que celui-ci y adhère de manière authentique.
2.
2.1
A Payerne, à la fin de l’année 2010, J._ a fait la connaissance de A.W._, ressortissante roumaine née le [...], qui se prostituait au bar « [...] » sous le pseudonyme de [...]. Jusqu’au milieu de l’année 2011, leur relation a été celle d’un client avec une prostituée, le prévenu payant 130 fr. par passe, parfois davantage.
A.W._ disait au prévenu qu’elle était ingénieur diplômée en alimentation et que son but était d’obtenir une autorisation de séjour en Suisse afin d’y trouver un autre travail. Au bénéfice d’un statut de touriste, elle alternait les séjours à Payerne, au Locle et à Aigle, avec des déplacements de quelques semaines en Roumanie, où elle retrouvait son compagnon, [...], avec qui elle était en relation depuis 2008 mais dont elle avait tu l’existence au prévenu.
Rapidement, J._ est tombé très amoureux de A.W._. Il a commencé à la fréquenter en dehors du salon et l’a même présentée à ses parents au cours de l’été 2011. A.W._ ne lui demandait rien pour le temps qu’ils passaient ensemble. Elle lui a cependant fait part des ennuis de sa famille, notamment ceux de sa mère souffrant de problèmes cardiaques. Le prévenu lui a alors proposé de l’aider financièrement et lui a remis des sommes de l’ordre de 100 à 200 francs.
Par la suite, J._ a commencé à rencontrer régulièrement A.W._ à Payerne et dans les autres salons où elle se prostituait. Il se montrait généreux avec elle, la payant spontanément plus que le tarif usuel, soit parfois 1’000 à 2’000 fr., pour la nuit. Fondé sur les promesses de cette dernière, il pensait qu’elle viendrait s’installer en Suisse pour y exercer une activité dans le domaine de l’agroalimentaire. Afin qu’elle puisse obtenir un permis B, il lui a loué un appartement à [...] (FR) dont il payait le loyer, et a contacté l’un de ses amis qui travaillait dans une entreprise fribourgeoise pour savoir s’ils avaient du travail pour elle. Durant l’été 2011, il a également contracté un emprunt hypothécaire de 150'000 fr. garanti par le domaine familial pour rénover une maison voisine à celle de ses parents dans laquelle il envisageait d’emménager avec A.W._.
Vers la fin de l’année 2011, la prénommée ne s’est toutefois plus contentée de la générosité spontanée de l’appelant et a mis en place divers stratagèmes pour lui soutirer d’importantes sommes d’argent. Elle a ainsi prétendu qu’elle devait aider ses parents dans le besoin, notamment en finançant l’achat de leur appartement ou encore l’opération de sa mère en Autriche. Contractant un petit crédit, J._ a alors remis une somme de 30'000 fr. à A.W._ lorsqu’elle est rentrée en Roumanie à la fin de l’année 2011.
Après ce départ, J._ et A.W._ ont échangé une importante correspondance par téléphone, SMS et courriels, contenant notamment des déclarations d’amour réciproques. A.W._ a fait croire à l’appelant qu’elle ne reviendrait pas en Suisse car elle avait trouvé un travail dans une fromagerie en Bulgarie et devait d’occuper de sa mère. Elle est toutefois revenue à Payerne au printemps 2012 pour continuer à se prostituer au salon [...], à l’insu du prévenu. Afin qu’il ne découvre pas la supercherie, elle utilisait notamment un numéro roumain même lorsqu’elle se trouvait en Suisse. Sur le plan professionnel, elle a pris le soin de changer de surnom et de numéro de téléphone.
A.W._ n’a jamais été amoureuse de J._. Elle n’envisageait pas de relation stable et sérieuse avec lui et ne l’utilisait que dans un but financier. Elle le méprisait et parlait de lui à ses collègues en utilisant les termes «
carotte
le stupide
», en référence à la couleur de ses cheveux, ou «
djeg
», ce qui signifie dégueulasse en roumain. Elle disait en outre qu’il était «
un abruti qui était gentil avec elle
». Âpre au gain, il lui était arrivé de se comporter de la sorte avec d’autres clients.
Au début du mois de mai 2012, alors que la rénovation de sa maison était presque terminée, J._ a proposé à A.W._ qu’il séjourne quelques jours en Roumanie, puis qu’ils reviennent ensemble en Suisse. A.W._ lui a demandé d’apporter 20’000 fr. pour qu’elle puisse acheter un appartement à ses parents qui venaient de perdre leur logement. J._ est arrivé à Bucarest dans la nuit du jeudi au vendredi 4 mai 2012. Afin qu’il n’apprenne pas qu’elle était en couple, A.W._ l’a hébergé dans l’appartement d’une cousine. Comme demandé, le prévenu a remis à son amie la somme de 20’000 fr., empruntée au moyen d’un petit crédit. La jeune femme s’est toutefois fâchée, prétendant qu’il aurait dû lui amener le montant en euros et qu’il manquait donc 5'000 francs.
Contrairement au plan initial, J._ est rentré seul en Suisse le dimanche 6 mai 2012. A son retour, comme il avait atteint le maximum des transferts autorisés par Western Union, il a demandé à son ex-amie d’envoyer pour son compte les 5'000 fr. manquants à A.W._. Cette dernière, qui avait commencé à craindre la réaction du prévenu s’il venait à découvrir qu’elle lui avait menti, notamment sur le fait qu’elle était de retour en Suisse pour se prostituer, a alors saisi le prétexte de cette intervention pour lui faire une scène de jalousie et rompre par téléphone prétendument depuis la Roumanie. Elle a toutefois continué à lui envoyer des messages dans lesquels elle lui disait notamment qu’elle l’aimait, mais qu’elle n’avait plus confiance en lui. J._ a été surpris et déçu par la réaction de A.W._. En effet, depuis de nombreux mois, il travaillait dur pour lui venir en aide et finir sa maison.
A.W._ s’est confiée à quelques collègues et leur a fait part de sa situation ainsi que de ses craintes envers le prévenu. Vraisemblablement à compter du mois de mai 2012, elle leur a dit que celui-ci avait proféré des menaces à son encontre.
Vers la fin du mois de mai 2012, le prévenu a commencé à avoir des doutes sur le fait que A.W._ ne se prostituait plus et travaillait en Bulgarie. Le 6 juin 2012, il a fait des recherches sur le site internet [...] et a découvert qu’une prostituée se faisant appeler [...] utilisait pour sa publicité les mêmes photos que celles publiées à l’époque par A.W._; cette personne pratiquait en outre au salon [...] à Payerne, où son amie avait déjà travaillé.
Le samedi 9 juin 2012, l’appelant a passé la soirée avec son ami d’enfance, S._. Les deux amis ont discuté et consommé plusieurs bouteilles de vin. L’appelant a fait part de ses soupçons à S._. Celui-ci lui a confirmé les rumeurs qui couraient sur A.W._, notamment que cette dernière était revenue en Suisse au printemps 2012 pour travailler au salon [...] et qu’elle n’était rentrée à Bucarest début mai 2012 que pour l’y accueillir. Il ajouté qu’il ne devait pas espérer retrouver les fonds qu’il avait donnés à A.W._, ce à quoi le prévenu a répondu «
de toute façon, elle va payer
».
2.2
Le 12 juin 2012, après une journée de travail et après avoir pris le repas du soir en compagnie de ses parents, J._ a téléphoné à 20h25 à la prostituée du salon [...] travaillant sous le pseudonyme de [...]. Afin qu’elle ne l’identifie pas, il a utilisé une carte SIM achetée la veille et s’est s’annoncé sous le prénom de Francis. Il a reconnu immédiatement la voix de A.W._. Celle-ci, qui l’a probablement aussi reconnu, lui a répondu faussement qu'elle ne pouvait pas le recevoir sous prétexte qu'elle était en voyage.
J._ est alors sorti pour réfléchir en faisant un tour au guidon de son quad, selon une habitude qu’il avait lorsqu’il était confronté à un problème difficile à résoudre. Revenu à la ferme familiale, il a décidé de se rendre à Payerne pour voir A.W._ et obtenir des explications. Il n'a pas changé de vêtements, conservant la salopette qu'il portait pour faire du quad. Il portait en outre une casquette et un foulard autour du cou. Il est allé chercher dans son atelier un des deux pistolets Beretta qu’il possédait et l'a placé dans l'une de ses poches. L’arme étant équipée d’un magasin vide, le prévenu a pris des cartouches qu’il a également mises dans sa poche. Il s'est ensuite rendu à Payerne avec sa voiture entre 21h00 et 21h30 et s'est garé derrière l'église, à quelques centaines de mètres du salon [...]. Avant de quitter sa voiture, il a placé les cartouches dans le magasin, puis a remis celui-ci dans la crosse du pistolet.
Le prévenu est ensuite allé rôder autour du salon. Remarquant une caméra de surveillance sur la porte d'entrée du salon, il est allé chercher un escabeau qu'il avait préalablement repéré dans la cour d’une ferme sise dans le quartier, puis l’a utilisé pour se hisser à la hauteur de la caméra. A l’aide d’une pince coupante qu’il avait dans sa salopette, il a sectionné le câble de la caméra de surveillance.
Peu avant 23h00, J._ a sonné à la porte du salon. A.W._, vêtue seulement d'une jupe, le torse nu, a entrouvert la porte. Reconnaissant le prévenu, elle a tenté de la refermer, mais celui-ci l'en a empêché et l'a saisie. La jeune femme s'est alors mise à se débattre et à hurler. J._ a essayé de la convaincre de sortir pour s’expliquer, mais elle a refusé et a continué à résister. Il l'a alors frappée au visage et l’a blessée. Il a ensuite sorti le pistolet de sa poche, a remonté le foulard sur son visage pour se dissimuler, a entraîné la victime à l'extérieur, dans l'impasse [...], puis sur la rue [...]. Comme A.W._ résistait toujours et criait, il l’a tirée par le bras et par les cheveux au moyen de sa main gauche, sa main droite tenant le pistolet. En chemin, il a fait un mouvement de charge et armé le chien.
Une fois dans la rue [...], le prévenu, très calme, a continué de tirer la victime qui tentait de résister et hurlait. Il a continué ainsi sur une dizaine de mètres en direction de l’église. Avant d'atteindre le trottoir, A.W._ a cessé d’avancer et s’est affaissée. J._ lui a fait face, puis a dirigé le canon de son pistolet à très courte distance du visage de celle-ci, qui était presque agenouillée devant lui les bras tendus et essayait d’écarter l’arme en prenant son poignet droit, et a tiré un premier coup de feu. La balle a pénétré dans le crâne, pratiquement entre les deux yeux, a traversé le cerveau et a fini sa trajectoire près de l’omoplate. Sous l’impact, A.W._ a été projetée en arrière sur le dos. J._ s’est alors penchée sur elle et lui a dit «
tu es morte
». Un deuxième coup de feu a été tiré, qui n’a toutefois atteint aucune cible. Le prévenu s'est à nouveau approché de sa victime et après l'avoir observée brièvement, a tiré une troisième balle à bout portant ou à bout touchant. La balle, qui a transpercé la boîte crânienne, a été retrouvée dans les cheveux de la victime. Ensuite, le prévenu a tranquillement ramassé les douilles sur la chaussée, avant de se diriger au pas vers sa voiture. Ce n’est qu’une fois arrivé près de l'église qu’il s'est mis à courir pour regagner son véhicule. Sur le chemin pour rentrer chez lui, il a jeté les douilles par la fenêtre de la voiture.
De nombreuses personnes, qui étaient à leur balcon ou dans la rue, ont été témoins de toute la scène. Certaines d’entre elles ont ordonné au prévenu d’arrêter et de lâcher la victime, l'informant qu'elles avaient averti la police. A un certain moment, l’appelant a pointé son pistolet en direction de ces personnes.
3.
Le corps de A.W._ a fait l’objet d’une autopsie, qui a été confiée au Centre universitaire romand de médecine légale à Lausanne (CURML). Les examens effectués ont montré que le décès de la femme était dû aux lésions cranio-cérébrales et thoraciques provoquées par deux projectiles d’arme à feu. Les deux orifices d’entrée présentaient les caractéristiques de coups de feu tirés à bout portant. Les lésions constatées présentaient des caractéristiques de vitalité, ce qui signifiait que la victime les avait subies de son vivant; en outre, elles étaient nécessairement mortelles à brève échéance. Aucune pathologie préexistante ni aucune autre lésion traumatique ayant pu jouer un rôle dans l’enchaînement fatal n’a été mise en évidence. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de J._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
D’un point de vue factuel, l’appelant soutient que c’est à tort que les premiers juges ont retenu qu’il avait eu une intention homicide et que sa manière de procéder dénotait d’un acte planifié. Plaidant un comportement se situant, s’agissant à tout le moins du premier coup de feu, entre le dol éventuel de l’homicide intentionnel et la négligence consciente, il fait valoir que le comportement de la victime – qui avait menti à tout son entourage – ne serait de loin pas sans reproches, qu’il ne résulterait pas du dossier qu’il l’aurait menacée les jours précédant le drame, que les différents témoignages relatifs au déroulement de l’homicide seraient confus et que le premier coup de feu aurait été tiré accidentellement.
3.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011,
n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2.
3.2.1
S’agissant de la victime, les premiers juges n’ont pas omis de tenir compte du comportement perfide et méprisable de celle-ci (jgt., pp. 28-29). Ils ont notamment indiqué que A.W._ n’avait jamais été amoureuse du prévenu qu’elle décrivait comme un «
abruti qui était gentil avec elle
», qu’elle lui avait fait croire beaucoup de choses dans l’unique but de lui soutirer de l’argent et qu’elle n’avait pas caché à ses connaissances que tout ce qu’elle lui disait était faux. Ils ont également relevé que son ancien patron ne l’aurait pas réembauchée en raison de son attitude. A ces éléments, il faut encore y ajouter que la victime a vraisemblablement adopté le même comportement déloyal avec d’autres clients (cf. notamment les SMS adressés les 30 avril et 12 juin 2012 aux dénommés [...], respectivement [...], qui démontrent que les liens qu’elle avait avec certains clients dépassaient largement la simple relation de service).
3.2.2
L’appelant remet en cause les témoignages de S._ et d’T._ sur lesquels se sont fondés les premiers juges pour retenir qu’il avait menacé la victime. Il soutient tout d’abord que la phrase dite à S._ lors de la soirée du 9 juin 2012, soit «
de toute façon, elle va payer
», ne constituerait pas une menace «
dont on pourrait déduire une intention d’attenter à la vie ou à l’intégrité physique de la victime
». Par ailleurs, l’existence du message menaçant dont a fait état T._ dans ses déclarations serait douteuse.
Entendu deux fois en cours d’enquête (PV aud. 28 et 41), S._ a déclaré que lors de la soirée du 9 juin 2012, il avait confirmé au prévenu la réalité des rumeurs qui couraient sur la victime – à savoir que celle-ci venait en Suisse uniquement pour l’argent, qu’elle se moquait de lui, qu’elle était mariée en Roumanie et que la maladie de sa mère était du vent – et que son ami lui avait répondu «
de toute façon, elle va payer
». Lors de sa première audition, ce témoin a précisé que l’appelant savait qu’il ne pourrait pas récupérer son argent, mais n’avait pas parlé d’expédition punitive, et qu’il n’avait pas pensé que cela finirait mal (PV aud. 28, p. 8). Aux débats de première instance, il a précisé qu’il avait compris cette phrase comme annonçant une expédition punitive, le prévenu sachant en effet qu’il ne reverrait pas son argent (jgt., p. 8). S’agissant de cette dernière explication, la défense reproche au tribunal criminel de l’avoir retranscrite au procès-verbal d’audition, alors que le témoin ne l’aurait pas prononcée. Aucun incident n’a toutefois été soulevé à ce sujet lors de débats de première instance, et le témoin a signé le procès-verbal. Quoi qu’il en soit, les termes «
elle va payer
» sont avérés et, au demeurant, pas contestés. Or, si le prévenu avait voulu parler de la récupération de son argent, il aurait plus certainement dit « elle va rembourser ». En outre, il savait – ce qu’il a d’ailleurs indiqué à son ami – qu’il ne reverrait pas son argent. Par conséquent, il ne pouvait s’agir que d’une menace portant sur des représailles.
S’agissant d’T._, celle-ci a déclaré lors de son audition à la police le 13 juin 2012 que A.W._ lui avait montré un SMS envoyé par le prévenu entre le 31 mai et le 1
er
juin disant «
qu’elle s’était foutue de sa gueule et qu’elle allait payer
» (PV aud. 2, p. 3). Toutefois, ce message ne ressort pas du résultat de l’analyse des téléphones de la victime et du prévenu. De plus, les dates avancées par la témoin ne paraissent pas plausibles, dès lors que l’appelant envoyait encore à cette période des messages énamourés à la victime. Les déclarations de ce témoin sont d’autant moins crédibles que l’appelant n’a eu la confirmation de sa trahison que lors de la soirée du 9 juin 2012. L’envoi d’un message menaçant, pour autant qu’il y en ait eu un, n’aurait donc pu être opéré qu’après cette soirée.
Quoi qu’il en soit, d’autres connaissances de la victime ont déclaré que celle-ci leur avait dit avoir été menacée par l’appelant et qu’elle craignait des représailles de sa part (cf. les déclarations de [...] et de [...], PV aud. 35 et 39). Il faut dès lors retenir que A.W._ a à tout le moins parlé de menaces à son entourage.
3.2.3
S’agissant du déroulement de la scène d’homicide, le tribunal criminel a retenu que le prévenu avait tiré une première balle, pratiquement entre les deux yeux de la victime qui lui faisait face et était presque agenouillée devant lui, qu’il s’était ensuite penché sur elle et lui avait dit «
tu es morte
», qu’il avait tiré un deuxième coup de feu n’ayant atteint aucune cible et qu’enfin, il s’était à nouveau approchée de la femme, l’avait observée brièvement, puis lui avait tiré une troisième balle dans la tête, à bout portant ou touchant (jgt., pp. 25-26).
Contrairement à ce que soutient l’appelant, les témoignages sont assez nombreux et concordants pour justifier de la version retenue par le tribunal criminel.
Il est ainsi avéré que l’appelant a tiré trois coups de feu, dont deux sur la jeune femme. Non seulement le CET les a entendus au téléphone, mais les blessures de la victime démontrent qu’elle a reçu deux balles, dont une au moins à bout portant compte tenu du sang retrouvé dans le canon du pistolet (P. 134/1). Peu importe dès lors peu que les témoins n’aient pas tous vu l’un et l’autre coup de feu, ou que certains n’en aient entendu que deux.
S’agissant du premier coup, plusieurs témoins ont indiqué ne rien avoir vu (cf. [...], PV aud. 11; [...], PV aud. 18; [...], PV aud. 19; [...][...], PV aud. 23). En revanche, [...], qui a été entendu la nuit même des faits, a vu le prévenu tirer un premier coup en l’air, puis pointer son arme sur la tête de la femme et tirer à nouveau un coup (PV aud. 1). La fille de ce témoin, âgée de 13 ans, a indiqué avoir vu que la femme se débattait et que le prévenu tenait un objet dans les mains en direction de la tête de celle-ci (PV aud. 17). Quant [...], elle a vu la femme tenter d’écarter le bras de l’homme qui tenait l’arme (PV aud. 24). La témoin [...] a vu le prévenu poser le canon de son arme sur le front de la femme et tirer (PV aud. 8). Les témoignages des deux sœurs [...] sont certes contradictoires; toutefois, cette contradiction, qui peut s’expliquer par la violence des événements, ne suffit pas encore à discréditer les déclarations de la seconde. S’agissant du témoin [...], elle a vu le prévenu viser la femme, puis tirer; elle a également vu le bras de l’auteur bien tendu, à quelques centimètres de la victime, à hauteur de sa tête (PV aud. 13). [...] a vu le prévenu tirer une première balle dans la tête de la victime, à bout portant (PV aud. 20). Lors des débats de première instance, [...] a confirmé que l’homme avait mis son pistolet sur le front de la femme et avait tiré (jgt., p. 3). Enfin, [...] a également confirmé que la femme se débattait et appuyait sur le poignet de l’homme; elle n’a pas vu le premier coup de feu mais uniquement le deuxième (jgt., p. 4).
S’agissant de ce deuxième coup de feu, [...] a précisé que le coup avait été tiré après avoir entendu le prévenu dire «
t’es morte
» (PV aud. 4), ce que [...] a également entendu (PV aud. 6).
Vu ce qui précède, la version relative à la scène d’homicide retenue par les premiers juges correspond bien au résultat de l’administration des preuves (jgt., p. 30).
3.2.4
L’appelant soutient que le premier coup serait parti accidentellement en raison des pressions opérées par la victime sur le poignet de sa main qui tenait l’arme.
Cette explication ne peut pas être suivie. Les témoins n’ont certes pas pu voir correctement la scène étant donné qu’il faisait nuit, qu’ils étaient éloignés des protagonistes et que ceux-ci étaient proches l’un de l’autre. Cela étant, lors de sa deuxième audition, le prévenu a admis avoir tiré (PV aud. 9, p. 2: «
j’ai commis l’erreur de tirer
»). Entendu une troisième fois, il a une nouvelle fois déclaré avoir tiré sur A.W._ et avoir des doutes sur un troisième coup. Par ailleurs, il n’a pas tiré qu’à une seule reprise mais à deux, en admettant à tout le moins avoir visé à la tête la seconde fois (PV aud. 27, pp. 3-4). Ainsi, si le premier tir avait été accidentel, l’appelant n’aurait eu aucune raison de tirer une deuxième fois. Enfin, le premier coup est entré pratiquement entre les deux yeux.
C’est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que le premier coup avait été tiré délibérément.
4.
L’appelant estime que son acte devrait être qualifié de meurtre passionnel et non d’assassinat. Selon lui, il se serait trouvé dans un état de confusion émotionnelle qu’il n’aurait pas pu maîtriser.
4.1
Le meurtre passionnel (art. 113 CP) constitue une forme privilégiée d’homicide intentionnel, qui se distingue par l’état particulier dans lequel se trouvait l’auteur au moment d’agir. Celui-ci doit avoir tué alors qu’il était en proie une émotion violente ou se trouvait dans un profond désarroi que les circonstances rendaient excusables (ATF 119 IV 202 c. 2a).
L’émotion violente est un état psychologique particulier, d’origine émotionnelle et non pas pathologique, qui se caractérise par le fait que l’auteur est submergé par un sentiment violent qui restreint dans une certaine mesure sa faculté d’analyser correctement la situation ou de se maîtriser (ATF 119 IV 202 c. 2a; ATF 118 IV 233 c. 2a).
Pour admettre le meurtre passionnel, il ne suffit pas de constater que l’auteur était en proie à une émotion violente, il faut encore que son état ait été rendu excusable par les circonstances (ATF 119 IV 202 c. 2a; 118 IV 233 c. 2a). Ce n’est pas l’acte commis qui doit être excusable, mais l’état dans lequel se trouvait l’auteur. Le plus souvent, cet état est rendu excusable par le comportement blâmable de la victime à son égard. Il peut cependant aussi l’être par le comportement d’un tiers ou par des circonstances objectives (ATF 119 IV 202 c. 2a). L’application de l’art. 113 CP est réservée à des circonstances dramatiques dues principalement à des causes échappant à la volonté de l’auteur et qui s’imposent à lui (ATF 119 IV 202 c. 2a). Pour que son état soit excusable, l’auteur ne doit pas être responsable ou principalement responsable de la situation conflictuelle qui le provoque (ATF
118 IV 233 c. 2b; 107 IV 103 c. 2b/bb).
L’examen du caractère excusable de l’émotion violente ou du profond désarroi ne doit pas se limiter aux seules circonstances objectives et subjectives permettant d’expliquer le processus psychologique en oeuvre au moment des faits. Le juge doit, surtout, procéder à une appréciation d’ordre éthique ou moral. L’émotion violente, respectivement le profond désarroi, ne doit pas résulter d’impulsions exclusivement ou principalement égoïstes ou ordinaires, mais apparaître comme excusable ou justifiée par les circonstances extérieures qui l’ont causée (ATF 82 IV 86 c. 1). Il faut procéder à une appréciation objective des causes de ces états et déterminer si un être humain raisonnable, de la même condition que l’auteur et placé dans une situation identique, se trouverait facilement dans un tel état (ATF 107 IV 103 c. 2b/bb). Il convient, à cet égard, de tenir compte de la condition personnelle de l’auteur, notamment des moeurs et valeurs de sa communauté d’origine, de son éducation et de son mode de vie, en écartant les traits de caractère anormaux ou particuliers, tels que la maladie mentale, qui ne peuvent être pris IV 103 c. 2b/bb; 107 IV 161 c. 2).
4.2
En l’espèce, il est avéré que le prévenu était très épris de la victime, qu’il a cru à la sincérité des promesses de celle-ci et qu’il a énormément investi, affectivement et financièrement, dans cette relation, allant jusqu’à l’épuisement pour lui offrir un futur agréable en Suisse. Il est également constant que la victime a adopté un comportement blâmable. Elle est ainsi allée très au-delà de la simple relation tarifée, en profitant de l’amour du prévenu, lui mentant dans des centaines de messages et montant des stratagèmes pour lui soutirer d’importantes sommes d’argent – dont il ne disposait au demeurant pas – dans le prétendu but d’aider ses parents dans le besoin. Si, dans ces conditions, une forme d’émotion très forte consécutive à la découverte de la vérité peut être admise – l’expert ayant notamment parlé d’une réaction émotionnelle intense ayant pu soutenir le passage à l’acte –, cette émotion ne revêt pas encore les caractéristiques posées par la jurisprudence précitée. Il n’y a en effet pas de circonstances dramatiques résultant de causes échappant à la volonté de l’auteur. Le prévenu n’a en outre pas été brutalement confronté au fait que la victime s’était jouée de lui, mais l’a compris progressivement au fil d’observations, de recoupement d’indices, de rumeurs, etc., ce qui devait lui donner le temps de prendre le recul nécessaire et faire la part des choses. Au demeurant, il s’agit d’un cas d’escroquerie aux sentiments relativement banale dont la réaction de colère, compréhensible, qui peut en découler ne saurait excuser l’homicide. Enfin, comme il sera indiqué ci-dessous, la manière froide et systématique avec laquelle le prévenu a procédé au moment et après l’exécution de la victime exclut le meurtre passionnel.
5.
Il convient d’examiner si les agissements du prévenu revêtent les caractéristiques de l’assassinat, ou au contraire du meurtre.
5.1
L'assassinat (art. 112 CP) se distingue du meurtre ordinaire (art. 111 CP) par le fait que l'auteur a tué avec une absence particulière de scrupules. Cela suppose une faute spécialement lourde et déduite exclusivement de la commission de l'acte. Pour la caractériser, l'art. 112 CP évoque le cas où les mobiles, le but ou la façon d'agir de l'auteur sont particulièrement odieux, mais cet énoncé n'est pas exhaustif. Pour déterminer si l'on se trouve en présence d'un assassinat, il faut procéder à une appréciation d'ensemble des circonstances externes (comportement, manière d'agir de l'auteur) et internes de l'acte (mobile, but, etc.). Les antécédents et le comportement de l'auteur après l'acte sont également à prendre en considération, s'ils ont une relation directe avec ce dernier et sont révélateurs de la personnalité de l'auteur. Il y a assassinat lorsqu'il résulte de l'ensemble de ces circonstances qu'il a fait preuve du mépris le plus complet pour la vie d'autrui. Alors que le meurtrier agit pour des motifs plus ou moins compréhensibles, généralement dans une grave situation conflictuelle, l'assassin est une personne qui agit de sang-froid, sans scrupules, qui démontre un égoïsme primaire et odieux et qui, dans le but de poursuivre ses propres intérêts, ne tient aucun compte de la vie d'autrui. Chez l'assassin, l'égoïsme l'emporte en général sur toute autre considération. Il est souvent prêt, pour satisfaire des besoins égoïstes, à sacrifier un être humain dont il n'a pas eu à souffrir. La destruction de la vie d'autrui est toujours d'une gravité extrême. Pour retenir la qualification d'assassinat, il faut cependant que la faute de l'auteur, son caractère odieux, se distingue nettement de celle d'un meurtrier au sens de l'art. 111 CP (ATF 127 IV 10 c. 1a, JdT 2003 IV 202).
ll n'y a pas d'absence particulière de scrupules, sous réserve de la façon d'agir, lorsque le motif de l'acte est compréhensible et n'est pas d'un égoïsme absolu, notamment lorsqu'il résulte d'une grave situation conflictuelle (ATF 127 IV 10 c. 1a; 120 IV 265 c. 3a). Une réaction de souffrance fondée sérieusement sur des motifs objectifs imputables à la victime exclut en général la qualification d'assassinat (ATF 118 IV 122 c. 3d). Il faut en revanche retenir l'assassinat lorsqu'il ressort des circonstances de l'acte que son auteur fait preuve du mépris le plus complet pour la vie d'autrui (ATF 120 IV 265 c. 3a; 118 IV 122 c. 2b).
5.2
Pour qualifier l’acte du prévenu d’assassinat, le tribunal criminel a en substance retenu la mise au point du projet d’homicide, la froide détermination avec laquelle le prévenu avait agi et la cruauté dont il avait fait preuve; par ailleurs, le comportement de la victime, aussi blâmable soit-il, ne pouvait pas justifier l’acte du prévenu, qui était odieux et totalement dénué de scrupules (jgt., pp. 30-31).
En l’occurrence, submergé par un sentiment de colère après avoir eu la confirmation directe que la victime se trouvait bien en Suisse, le prévenu a décidé de lui faire payer son attitude et s’est préparé dans cette perspective. Il s’est ainsi rendu à Payerne muni d’une arme à feu qu’il a chargée une fois arrivé sur place; ayant remarqué une caméra de surveillance au-dessus de la porte d’entrée du salon, il s’est hissé à sa hauteur, au moyen d’un escabeau préalablement repéré, et en a sectionné le câble afin que la victime ne le reconnaisse pas sur l’écran de surveillance. Contrairement à ce que soutient l’appelant, il ne s’agissait pas simplement d’obtenir des explications de la part de A.W._, mais d’en découdre éventuellement. Il a d’ailleurs rapidement manifesté de la violence à son égard, puisque face à son refus de sortir pour discuter, il lui a immédiatement asséné un coup suffisamment fort pour la faire saigner; pour la contraindre à le suivre, il a sorti son arme; il a ensuite remonté son foulard sur son visage, un tel geste d’anonymisation n’ayant guère de sens s’il souhaitait uniquement des explications manifestement, la terreur de la victime ne découlait d’ailleurs pas d’un refus de s’expliquer, mais provenait bien du fait qu’elle avait perçu le danger dans l’attitude du prévenu; celui-ci n’a en outre pas tenu compte de l’état de panique dans lequel se trouvait la victime et l’a traînée jusque dans la rue. Très calmement, il a tiré un premier coup de feu à bout portant, pratiquement entre les deux yeux, alors que la victime était presque agenouillée devant lui. Il s’est ensuite penché sur elle et lui a dit «
tu es morte
», ce qui démontre également son intention homicide. Après un deuxième coup de feu qui n’a atteint aucune cible, il a observé le corps de A.W._, avant de lui tirer un troisième coup en plein front. Un témoin, qui a vu l’intéressé pointer le doigt vers la victime, a même interprété ce geste comme si l’appelant lui disait «
je t’avais dit de ne pas faire ça
» (PV aud. 20). Enfin, le prévenu a calmement ramassé les douilles, avant de rentrer chez lui. Au vu de ces circonstances, il faut admettre avec les premiers juges que le prévenu a agi froidement et de manière déterminée au moment et après l’exécution de sa victime.
Toutefois, le sang-froid et la détermination ne sont pas suffisants à eux seuls pour retenir l’assassinat, et il convient bien plus de déterminer, sur la base de l’ensemble des circonstances, si l'auteur a fait particulièrement peu de cas de la vie d'autrui (cf. ATF 118 IV 122 c. 3a). En l’occurrence, le prévenu a été décrit par son entourage comme une personne calme, qui savait garder son sang-froid en toute circonstance. De plus, comme indiqué ci-dessus, il existait une grave situation conflictuelle découlant du sentiment, compréhensible et justifié, pour l’appelant d’avoir été floué et totalement méprisé. Celui-ci a eu une réaction de souffrance et de colère fondée sur des motifs objectifs imputables à la victime. On ne peut donc pas dire, dans une telle situation, qu’il a tué sans aucune raison, pour un motif futile ou odieux, ou qu'il s'en soit pris à une personne dont il n'a pas eu à souffrir. Il n’a en outre pas agi avec l’égoïsme crasse et primaire qui caractérise l’assassin. Enfin, il n’a pas fait preuve d'une cruauté particulière dans l'accomplissement de son forfait.
Compte tenu de ces circonstances, J._ doit être reconnu coupable de meurtre, et non d’assassinat.
6.
Il reste à examiner la peine à infliger au prévenu.
6.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
6.2
La culpabilité de J._ est extrêmement lourde. Il s’en est pris au bien le plus précieux de notre ordre juridique, à savoir la vie. Parce qu’il avait été humilié et trompé, il s’est arrogé le droit de tuer A.W._. Mû par la colère et un désir de vengeance, il l’a exécutée froidement et avec détermination, faisant totalement abstraction de l’état de panique dans lequel elle se trouvait. A décharge, il sera tenu compte des circonstances dans lesquelles l’appelant a agi, notamment de l’attitude méprisable de la jeune femme à son égard et du fait qu’il a été lourdement trompé par celle-ci, alors qu’il avait tout fait pour lui offrir un futur agréable. Il convient également de tenir compte de sa situation personnelle et professionnelle exempte de tout reproche, des excellents renseignements recueillis sur son compte ainsi que des regrets exprimés en cours de procédure. Enfin, il s’est engagé à réparer le tort moral par prélèvement sur son pécule.
Sur le vu de ce qui précède, une peine privative de liberté de 14 ans est adéquate pour réprimer le comportement de l’appelant.
7.
En définitive, l’appel de J._ doit être partiellement admis et le jugement entrepris réformé en ce sens qu’il est reconnu coupable de meurtre et condamné à une peine privative de liberté de 14 ans. Pour le surplus, le jugement entrepris doit être confirmé.
8.
Vu l’issue de la cause, les frais de la présente procédure, constitués de l’émolument d’arrêt, par 3’120 fr., de l’indemnité allouée au défenseur d'office du prévenu, par 7’192 fr. 80, TVA et débours inclus, et de l’indemnité allouée au conseil d’office de la partie plaignante, par 1’141 fr. 50, TVA et débours inclus, sont mis par moitié à la charge de J._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
Ce dernier ne sera tenu de rembourser à l’Etat la moitié du montant des indemnités d’office précitées que lorsque sa situation financière le permettra.
S’agissant de l’indemnité réclamée par le défenseur du prévenu, on précisera que celui-ci a produit une note d’honoraires faisant état de 54,45 heures d’activité (P. 227). Compte tenu de la nature de la cause, de la connaissance du dossier acquise en première instance et des opérations nécessaires pour la défense des intérêts de son client, le nombre d’heures annoncé est trop élevé. Tout bien considéré, il sera tenu compte d’une activité de 35 heures. C’est donc une indemnité de 7'192 fr. 80, y compris la TVA et trois vacations à 120 fr., qui doit être allouée à Me Feldmann pour la procédure d’appel. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6b8d83df-614e-4768-89d5-849756fe5af6 | En fait :
A.
Par jugement du 8 mai 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a admis l’opposition formée par N._ contre l’ordonnance pénale rendue le 8 octobre 2014 par le Préfet de Lausanne (I), libéré N._ du chef d’accusation d’infraction simple à la loi sur la circulation routière (II), laissé les frais, par 862 fr., dont 150 fr. de frais préfectoraux, à la charge de l’Etat (III) et alloué à N._ une indemnité de 2'000 fr. au sens de l’art. 429 al. 1 CPP (IV).
B.
Par déclaration motivée sans annonce préalable du 20 mai 2015, le Ministère public a formé appel contre ce jugement, contestant l’octroi d’une indemnité à N._.
Dans sa réponse spontanée du 11 juin 2015, N._ a conclu au rejet de l’appel et à l’octroi d’une indemnité fondée sur l’art. 429 CPP.
Par avis du 19 juin 2015, la Présidente de la Cour d’appel pénale a informé les parties que l’appel serait traité en procédure écrite et qu’il relevait de la compétence d’un juge unique.
Par lettre du 22 juin 2015, le Ministère public a déclaré renoncer à l’octroi d’un délai supplémentaire pour déposer un mémoire complémentaire.
Par avis du 25 juin 2015, la Présidente de la Cour d’appel pénale a avisé l’intimé que sauf objection de sa part dans un délai de 5 jours, aucun délai de détermination ne lui serait imparti.
L’intimé n’a pas fait valoir d’objection dans le délai imparti.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
Le 1
er
mai 2014 à 15 heures 12, à Lausanne, N._ était stationné sur une place de parc en épis située à la route [...]. Alors qu’il s’apprêtait à s’engager dans le trafic de cette rue montante, il a vu S._ rejoindre sa voiture stationnée à droite de la sienne. N._ a reculé pour voir si la voie était libre et s’est arrêté pour laisser passer les voitures qui montaient. S._ a alors reculé pour s’engager sur la route montante, heurtant l’aile arrière droite du véhicule de N._ avec l’aile avant gauche de son véhicule. Appelée sur les lieux de l’accident, la Police municipale de Lausanne a procédé au constat et rédigé un rapport.
Par ordonnance pénale du 8 octobre 2014, la Préfète de Lausanne a constaté que N._ s’était rendu coupable d’infraction simple à la loi sur la circulation routière pour avoir fait preuve d’inattention lors d’une manoeuvre de recul et l’a condamné à une amende de 100 francs. Par ordonnance pénale du même jour, elle a également condamné S._ à une amende de 100 francs pour inattention dans une manoeuvre de recul.
Par lettre du 16 octobre 2014, N._ a formé opposition à cette ordonnance. La Préfète a maintenu son ordonnance et le dossier de la cause a été transmis au Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne.
A ce stade, N._ a consulté un avocat.
Selon l’extrait du Registre fédéral des mesures administratives en matière de circulation routière (ci-après : ADMAS) établi le 27 février 2015 par le Service des automobiles et de la navigation du canton de Vaud, N._ a fait l’objet d’un retrait de permis de conduire d’un mois à la suite d’une décision rendue le 21 novembre 2012.
Le Tribunal de police a considéré, sur la base des déclarations des deux personnes impliquées dans l’incident, corroborées par les photographies produites ainsi que par l’appréciation des assureurs RC et casco de S._, que le choc aurait vraisemblablement pu être évité si le prénommé avait prêté attention à sa gauche avant de reculer son véhicule et que l’inattention de N._ n’était pas établie. En ce qui concerne l’indemnité de l’art. 429 CPP, il a relevé que les documents obtenus par l’avocat auprès des assurances des véhicules des deux personnes impliquées avaient fourni des éléments utiles à l’appréciation du Tribunal de police et que le prévenu n’aurait sans doute pas produit lui-même ces documents sans cette assistance. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre un jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 381 al. 1 et 398 al. 1 CPP [Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0]), l’appel du Ministère public est recevable.
Seule la question de l’indemnité de l’art. 429 CPP étant litigieuse en l’espèce, l’appel est traité en procédure écrite (art. 406 al. 1 let. d CPP). S’agissant d’un appel dirigé contre une contravention, un membre de la Cour d’appel statue comme juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [Loi vaudoise d’introduction au Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009, RSV 312.1]).
2.
Le ministère public fait valoir que les faits reprochés au prévenu ne présentaient aucune complexité particulière, que l’accusation portait sur une contravention à la loi sur la circulation routière de peu de gravité, passible d’une amende modérée et d’un simple avertissement sur le plan administratif, que l’assistance d’un avocat n’était pas nécessaire, que le Tribunal de police aurait pu ordonner la production des documents utiles auprès des assureurs des deux véhicules impliqués dans l’accident et que le fait que le prévenu ait bénéficié de l’assistance d’un avocat grâce à son assurance de protection juridique ne saurait étendre le champ d’application de l’art. 429 al. 1 let. a CPP.
L’intimé rétorque qu’il risquait un retrait de permis, sans compter les conséquences civiles d’une condamnation, et qu’il n’avait pas réussi, sans avocat, à convaincre la Préfète.
2.1
Aux termes de l’art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure. Cette indemnité concerne les dépenses du prévenu pour un avocat de choix (ATF 138 IV 205 c. 1).
Selon le Message du Conseil fédéral, l’art. 429 al. 1 let. a CPP transpose la jurisprudence selon laquelle l’Etat ne prend en charge les frais de défense que si l’assistance d’un avocat était nécessaire compte tenu de la complexité de l’affaire en fait ou en droit et que le volume de travail et donc les honoraires de l’avocat étaient ainsi justifiés (Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l’unification du droit de la procédure pénale [Message], FF 2006 pp. 1057 ss, spéc. p. 1313 ; TF 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 c. 2.1).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’allocation d’une indemnité pour les frais de défense selon l’art. 429 al. 1 let. a CPP n’est pas limitée aux cas de défense obligatoire visés par l’art. 130 CPP, mais peut être accordée dans les cas où le recours à un avocat apparaît tout simplement raisonnable. Dans le cadre de l’examen du caractère raisonnable du recours à un avocat, il doit être tenu compte, outre de la gravité de l’infraction et de la complexité de l’affaire en fait ou en droit, de la durée de la procédure et de son impact sur la vie personnelle et professionnelle du prévenu (ATF 138 IV 197, JT 2013 IV 184 ; TF 6B_563/2012 du 1
er
novembre 2012 ; CAPE 4 décembre 2014/352 ; CAPE 23 mai 2014/166 ; CAPE 19 avril 2013/101 ; CAPE 16 mai 2012/132).
2.2
En l’espèce, l’ordonnance pénale accusait le prévenu d’une contravention à la loi sur la circulation routière et celui-ci ne risquait, d’un point de vue pénal, qu’une contravention. La cause ne présentait aucune difficulté en droit ; il s’agissait uniquement de déterminer les faits. Or le Tribunal de police a relevé à juste titre que les deux personnes impliquées dans l’accident avaient la même version des faits. Il n’y avait donc pas non plus de difficulté à ce niveau. Le fait que la Préfète n’ait pas donné d’emblée raison au prévenu et que celui-ci ait été contraint à faire opposition ne change rien à ces constats. Il s’agit d’un cas bagatelle et les motifs qui ont conduit à l’acquittement du prévenu étaient simples et de pur fait, de sorte que même une personne non juriste pouvait les maîtriser sans l’assistance d’un avocat.
Cela étant, l’intimé ne rend pas vraisemblable que l’issue de la procédure pénale pourrait avoir un impact significatif sur sa vie personnelle ou professionnelle. En effet, l’intimé s’est contenté de relever qu’il risquait un retrait de permis parce qu’il avait déjà fait l’objet d’une telle mesure administrative moins de deux ans avant les faits reprochés, mais il n’a pas indiqué qu’il avait impérativement besoin de son permis de conduire en permanence. Il soutient aussi que les assurances des conducteurs auraient pu « s’aligner » sur la solution pénale. Ces problèmes habituels ne sauraient justifier le recours à un avocat. Enfin, comme le relève le Tribunal fédéral (cf. TF 6B_563/2012 précité c. 1.4), il est ordinaire qu’une personne soit confrontée au moins une fois dans sa vie à une procédure pénale pour un cas de peu de gravité en matière de circulation routière.
Dans ces conditions, l’assistance d’un avocat ne se justifiait pas et aucune indemnité au sens de l’art. 429 CPP ne doit être allouée à l’intimé pour ses frais d’avocat.
3.
En définitive, l’appel interjeté par le Ministère public doit être admis et le chiffre IV du dispositif du jugement entrepris réformé en ce sens qu’aucune indemnité n’est allouée au prévenu au sens de l’art. 429 al. 1 CPP.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d’appel, comprenant l’émolument du présent jugement, par 540 fr. (art. 21 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), doivent être mis à la charge de l’intimé qui succombe (art. 428 al. CPP).
Au vu de ce qui précède, il n’y a pas matière à l’allocation de dépens d’appel. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6bd48ceb-069c-4b03-999a-72a9710ac8eb | En fait :
A.
Par jugement du 6 juin 2013, rectifié le 11 juin suivant, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a libéré H._ du chef de prévention d’infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (I), constaté que H._ s’est rendu coupable d’infraction et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (II), condamné H._ à une peine privative de liberté de dix-huit mois, sous déduction de cent treize jours de détention avant jugement, et à une amende de mille cinq cents francs (III), suspendu l’exécution d’une partie de la peine privative de liberté portant sur neuf mois et fixé à H._ un délai d’épreuve de cinq ans (IV), dit qu’en cas de non paiement fautif de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de quinze jours (V), renoncé à révoquer le sursis accordé le 30 novembre 2005 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois (VI), ordonné la confiscation et la destruction de l’ensemble des objets, stupéfiants et autres documents séquestrés sous numéro 13615/12 (VII), ordonné la destruction une fois jugement définitif et exécutoire des objets inventoriés au dossier à titre de pièces à conviction sous numéros 13577/12, 13719/12 et 13803/12 (VIII), dit que H._ est le débiteur de l’Etat de Vaud d’une créance compensatrice de cinq mille francs (IX), mis une partie des frais de la cause, par 30'810 fr. 85, y compris l’indemnité allouée à son défenseur d’office, Me Jean Lob, par 9'104 fr. 40, à la charge de H._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (X) et ordonné pour garantir le paiement de la créance compensatrice (chiffre IX ci-dessus) et des frais de justice (chiffre X ci-dessus) la confiscation et la dévolution à l’Etat, à hauteur de 35'810 fr. 85, des avoirs bancaires du condamné auprès de la Banque cantonale vaudoise sur la prestation dossier-titres n° K 5183.35.26 et sur le compte e-sider real time
R 5183.35.25 séquestrés selon ordonnance rendue le 13 mars 2012, le solde pouvant être débloqué en faveur de H._ une fois jugement définitif et exécutoire (XI).
B.
Par annonce d’appel du 7 juin 2013, suivie d’une déclaration motivée du 18 juin suivant, H._ a contesté ce jugement. Il a conclu à sa réforme en ce sens que la peine prononcée à son encontre est fixée à soixante jours-amende, sous déduction de 113 jours de détention avant jugement, avec sursis pendant deux ans, le montant du jour-amende étant fixé à 30 francs. Il a également conclu à ce qu’aucune créance compensatrice ne soit ordonnée, à ce que les frais de la cause soient laissés à la charge de l’Etat et que les avoirs bancaires auprès de la Banque cantonale vaudois séquestrés selon ordonnance rendue le 13 mars 2013 soient débloqués en sa faveur une fois le jugement définitif et exécutoire.
Par courrier du 26 juin 2013, le Ministère public a déposé un appel joint, concluant à la réforme du jugement de première instance en ce sens que H._ est reconnu coupable d’infraction grave et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants, qu’il est condamné à une peine privative de liberté de 24 mois, sous déduction de 113 jours de détention provisoire avant jugement, et à une amende de 1'500 fr., que H._ est en outre reconnu débiteur de l’Etat de Vaud d’une créance compensatrice de 40'000 francs.
Le 23 septembre 2013, H._ a demandé que l’audience fixée au 27 septembre 2013 soit reportée à plus tard, invoquant la rupture du lien de confiance avec son avocat actuel.
Par courrier du 24 septembre 2013, confirmé le 26 septembre suivant, le Président de la Cour d’appel pénale a rejeté la demande faite par le prévenu de reporter la date de l’audience d’appel, les motifs invoqués ne permettant pas de conclure à une défense inefficace.
L’audience d’appel s’est tenue le 27 septembre 2013, en l’absence de H._. Faisant suite à la requête incidente de son conseil, Me Jean Lob, le Président de la Cour de céans l’a relevé de sa mission de défenseur d’office de H._, le lien de confiance étant irrémédiablement rompu. L’audience a été suspendue afin de désigner au prévenu un nouveau défenseur d’office.
Par courrier du 24 octobre 2013, le Président de la Cour d’appel pénale a désigné Me Virginie Rodigari comme défenseur d’office de H._.
Le 5 décembre 2013, le Président de la Cour d’appel pénale a rejeté la réquisition de preuve déposée par H._ le 29 novembre précédent, tendant à l’audition de l’inspecteur [...], celle-ci n’étant pas nécessaire au traitement de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
H._ est né le 3 mai 1983 à Lausanne. A l’issue de sa scolarité obligatoire, il a suivi un apprentissage de carrossier. Il n’a toutefois pas obtenu de CFC. Il a alors exercé différents emplois temporaires comme soudeur jusqu’en 2004 ou 2005. Il a ensuite travaillé durant cinq ou six ans pour le compte de la société [...], pour un salaire mensuel net de l’ordre de 4'400 francs. En raison de problèmes de santé, H._ a arrêté de travailler et bénéficie actuellement d’une rente de l’assurance-invalidité de 1'850 fr. par mois, ainsi que d’une rente mensuelle de sa caisse de pension de l’ordre de 2'500 à 2'600 francs. Il a fait état de primes d’assurance-maladie d’un peu plus de 200 francs par mois et de dettes de l’ordre de 13'000 francs pour des frais de justice. Il est célibataire et vit chez son amie à laquelle il ne verse aucun loyer.
Le casier judiciaire de H._ fait état d’une condamnation à dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis pendant quatre ans, prononcée le
30 novembre 2005 par le Tribunal correctionnel de La Broye et du Nord vaudois pour vol, vol en bande et par métier, dommages à la propriété, recel, violation de domicile, délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants, contravention à dite loi et contravention à la loi fédérale sur la protection de l’environnement.
Dans le cadre de cette précédente procédure, le prévenu avait été soumis à une expertise psychiatrique. Dans leur rapport du 20 août 2004 (P. 17), les experts ont posé le diagnostic de trouble de la personnalité dyssociale et ont retenu une diminution de responsabilité de très légère à légère.
2.
H._ a été soupçonné de s’adonner à un important trafic de cannabis. Dans le cadre d’une enquête pénale dirigée contre lui, la police a procédé à des perquisitions les 28 et 29 septembre 2011, respectivement à son domicile à [...], au domicile de son amie à [...] et dans un local loué par l’intéressé à [...].
C’est ainsi que la police a notamment découvert au domicile de H._ à [...], des documents bancaires à son nom, attestant d’un avoir supérieur à 100'000 francs. Elle a également saisi 63 branches de chanvre séchées, issues de la culture effectuée à [...] ainsi que 22 plants cultivés sur place. La police a enfin saisi 137 plants de cannabis à [...]. Elle a découvert au domicile de la compagne de H._, à [...], 240 grammes brut de cannabis (emballage compris) et 4 balances électroniques appartenant à ce dernier.
Pour les besoins de la cause, H._ a été détenu provisoirement du 28 septembre 2011 au 18 janvier 2012, soit durant cent treize jours.
Le 19 février 2013, H._ a, par son conseil, transmis un certificat établi le 1
er
juin 2012 par le Dr [...], psychiatre à psychothérapeute FMH à [...]. Le praticien, qui a suivi le prévenu depuis
juin 2010, a posé le diagnostic de trouble dissociatif non spécifié et a indiqué que selon lui, il était possible que H._ ait été victime d’une crise dissociative dans le cadre de son arrestation et du séjour au poste de police. Il n’aurait ainsi eu que très partiellement conscience du présent, perdant ainsi sa capacité de discernement pour une durée de quelques minutes à quelques heures et aurait pu de ce fait signer une déposition tout en n’étant pas d’accord avec le contenu, incapable de saisir la portée de son acte (P.180/1, cf. infra consid. 4).
3.
3.1
A tout le moins depuis 2008 et jusqu’en novembre 2011, dans un local situé à [...], qu’il soutient avoir loué avec un ami dont l’identité n’a pas été établie, H._ a mis sur pied plusieurs cultures indoor de cannabis, cultivant environs six cents plants ayant permis la production de 3'000 grammes de cannabis avant le démantèlement de l’installation par la police. Après avoir partagé par moitié la production avec son ami, il en a consommé 240 grammes et a vendu le solde, soit 1'260 grammes de cannabis, réalisant à tout le moins un chiffre d’affaires de l’ordre de 12’600 francs.
Dans le courant de l’année 2009, H._ a vendu du cannabis provenant d’une plantation intérieure, sise à un endroit inconnu, où il s’approvisionnait pour sa consommation personnelle. Sur les 1'500 grammes de cannabis alors récoltés cette année-là, il en a vendu 1'200 grammes et a consommé le solde de 300 grammes. Ces ventes ont représenté un chiffre d’affaires de
12'000 francs.
A son domicile à [...], entre 2008 et 2011, H._ a réalisé trois cultures extérieures, obtenant environ 2'100 grammes de cannabis. Il a vendu environ 300 grammes de cette marchandise à des tiers, pour un chiffre d’affaires compris entre 1'200 fr. et 2'000 francs. Les 22 plants saisis par la police à son domicile étaient censés permettre une production de 4'400 grammes de cannabis que H._ avait prévu de vendre à un prix oscillant entre 3 fr. et 5 fr. le gramme.
3.2
Depuis le 21 août 2009, la consommation antérieure étant prescrite, et jusqu’à son arrestation le 28 septembre 2011, H._ a consommé, de manière irrégulière, de la cocaïne. Au total, le prévenu a acheté à tout le moins
20 grammes de cette substance.
Depuis le 21 août 2009, la consommation antérieure étant prescrite, et jusqu’à son arrestation le 28 septembre 2011, H._ a consommé de façon régulière une partie du cannabis issu de ses récoltes, à raison d’environ un gramme par jour.
D.
Aux débats, H._ a déclaré maintenir son appel. Il a en outre précisé qu’il consomme toujours du cannabis sous forme de tisane et de graines afin de le soulager des maux d’estomac dont il souffre depuis 2008. Il a indiqué que son médecin, le Dr [...] lui conseille d’agir ainsi, la médecine étant impuissante à soulager ses douleurs. Il a ajouté qu’à l’époque des faits de la présente cause, soit en 2011, il consommait environ 200 g de cannabis par mois sous toutes ses formes. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (al. 1). La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (al. 3). L’appel joint doit, quant à lui, être interjeté dans un délai de vingt jours dès la réception de la déclaration d’appel (art. 400 al. 3 CPP).
Interjeté dans les forme et délai légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de H._ est recevable. Il en va de même de l’appel joint du Ministère public.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
H._ soutient qu’en l’absence d’analyse du chanvre saisi, il serait impossible de dire que les plants présentaient un taux de THC supérieur
à 1%. A l’appui de son argumentation, le recourant cite un arrêt rendu par la IIème Cour de droit public du Tribunal fédéral consacrant l’annulation du Concordat latin sur la culture et le commerce du chanvre pour le motif que ce concordat pose des conditions et des exigences ayant pour vocation et pour effet d’atteindre les mêmes buts de prévention et de contrôle déjà visés par le droit fédéral (ATF 138 I 435). L’appelant affirme que la jurisprudence de 2001 sur laquelle se sont fondés les premiers juges serait dès lors obsolète, le Tribunal fédéral exigeant une analyse dans tous les cas pour faire tomber le chanvre incriminé dans la liste des stupéfiants définis par l’OTStup-DFI.
3.1
3.1.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966,
RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
3.1.2
L'art. 1 al. 2 let. a ch. 4 LStup (Loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes, RS 812.121), dans sa version en vigueur jusqu'au 30 juin 2011, considérait le chanvre comme un stupéfiant au sens de la loi et, l'art. 8 al. 1 let. d LStup interdisait sans exception la culture et le commerce du chanvre en vue d'en extraire des stupéfiants.
Dans sa version en vigueur depuis le 1
er
juillet 2011, l'art. 8 al. 1 let. d LStup modifié dispose que les stupéfiants ayant des effets de type cannabique ne peuvent être ni cultivés, ni importés, ni fabriqués ou mis dans le commerce.
L'art. 2a LStup renvoie à la liste des stupéfiants établie par le Département fédéral de l'intérieur, soit à l'OTStup-DFI (Ordonnance du DFI du 30 mai 2011 sur les tableaux des stupéfiants, des substances psychotropes, des précurseurs et des adjuvants chimiques, RS 812.121.11). D'après l'art. 1 al. 2 OTStup-DFI, sont des stupéfiants les substances qui figurent dans les tableaux des annexes 1 à 6, soit la plante de chanvre présentant une teneur totale moyenne en THC de 1,0 % au moins et tous les objets et préparations présentant une teneur totale en THC de 1,0 % au moins ou fabriqués à partir de chanvre présentant une teneur totale en THC de 1,0 % au moins (annexes 1 et 5). La résine de cannabis (haschich) est quant à elle considérée comme un stupéfiant sans qu'il soit nécessaire d'en déterminer la teneur de THC (annexe 5).
3.1.3
Le chanvre est une plante à double usage, pouvant aussi bien être consommée illégalement comme stupéfiant interdit qu'utilisée légalement à titre de plante d'ornementation ou pour en tirer de nombreux produits, tels que textiles, cordes, papiers, huiles, bières, thés, cosmétiques, etc. Selon la jurisprudence, les différentes formes commerciales du chanvre ne sont considérées comme des stupéfiants au sens de la loi que si la teneur en THC est supérieure à la limite légale, soit 0.3 % (ATF 126 IV 198 c. 1). Bien que n'ayant aucune teneur en THC, la bouture de chanvre n'est rien d'autre qu'une plante de chanvre, de sorte qu'elle tombe également sous le coup de l'interdiction lorsqu'elle permet d'obtenir, après croissance, du chanvre à haute teneur en THC (TF 6S.189/2001 du 31 mai 2001). La jurisprudence a encore précisé que le taux de THC ne permettait cependant pas, à lui seul, de conclure à la punissabilité de l'auteur, mais qu'il fallait encore que le but visé soit l'extraction de stupéfiants (ATF 130 IV 83 c. 1.1). Pour que le producteur de chanvre soit punissable, il suffit d'établir que le but visé est la production de stupéfiants et que ce but est accepté par l'auteur, c'est-à-dire lorsqu’il sait que le chanvre qu’il cultive ou vend sera consommé comme stupéfiant et le cultive ou le vend néanmoins, acceptant ainsi qu’il en soit fait un tel usage (ATF 126 IV 60 c. 2b). Il n'est pas nécessaire que des stupéfiants soient effectivement produits et notamment que l'acquéreur soit punissable pour extraction ou consommation de stupéfiants (TF 6P.114/2006 du 17 août 2006).
Le défaut d’analyse du taux de THC ne suffit ainsi pas à exclure que le chanvre cultivé puisse être consommé comme stupéfiant. L'analyse du chanvre, en tant qu'elle permet de déterminer sa teneur en THC et, partant, son effet psychotrope, est sans doute le moyen le plus adéquat et le plus sûr pour établir s'il peut être consommé comme stupéfiant; il ne s'agit toutefois que d'un moyen de preuve parmi d'autres. La réalisation de l'élément objectif de l'infraction peut aussi être admise sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents propres à l'établir de manière suffisante. A titre d'exemple, on peut mentionner les éléments ou indices suivants: l'auteur admet lui-même que le chanvre qu'il cultive ou vend peut être consommé comme stupéfiant, il est établi que des personnes qui ont acquis le chanvre l'ont consommé comme stupéfiant, l'auteur vend des parties de la plante ayant une forte teneur en THC, il écoule ses produits à des prix nettement plus élevés que ceux des mêmes produits dépourvus d'effet psychotrope, il attire l'attention de ses clients sur le fait que la consommation comme stupéfiant des produits qu'il leur vend est punissable ou leur demande une décharge, il vend également des objets habituellement utilisés par des fumeurs de drogue, etc.
(TF 6S.363/2001 du 27 juin 2011 c. 1).
3.2
En l’espèce, retenant que les produits cultivés et vendus ont été consommés comme stupéfiants par lui-même et par des tiers et que l’appelant avait loué un local et l’avait aménagé, consentant ainsi des investissements considérables pour ses cultures, les premiers juges ont retenu qu’il ne faisait
aucun doute que l’activité de H._ tombait sous le coup de
l’art. 19 ch. 1 aLStup et 19 al. 1 LStup dans ses teneurs en vigueur tant avant qu’après le 1
er
juillet 2011, ceci même en l’absence d’analyse du taux de THC des plants saisis (jgt., p. 24).
La Cour d’appel pénale fait sienne cette analyse complète et convaincante. L’argumentation de l’appelant ne saurait en effet être suivie. Tout d’abord, la IIème Cour de droit public n’avait pas à se prononcer sur la répression des infractions, mais à résoudre la question de savoir si le Concordat latin empiétait ou pas sur le droit fédéral. On ne peut donc soutenir, comme le fait l’appelant, que cet arrêt renverse la jurisprudence prononcée par une Cour pénale fédérale. Ensuite, si le taux de THC qui présente 1% permet sans discussion possible de dire qu’il s’agit d’un stupéfiant indépendamment de l’intention de l’auteur, cela ne veut pas encore dire qu’en l’absence d’analyse la vente de chanvre est licite. Comme cela ressort de la jurisprudence citée ci-dessus, la culture de chanvre a toujours été légale – et de tout temps – lorsqu’elle était destinée à la production agricole ou industrielle. Il appartient aux autorités de démontrer l’usage illicite de la culture, preuve désormais facilitée par l’OTStup-DFI lorsque le taux de THC est d’au moins 1%. La problématique reste donc rigoureusement la même aujourd’hui en l’absence d’analyse et la jurisprudence appliquée par les premiers juges est toujours pertinente. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
4.
Dans son appel joint, le Ministère public reproche aux premiers juges d’avoir apprécié les faits de manière erronée en écartant les déclarations faites par H._ lors de sa première audition pour forger leur conviction.
4.1
La constatation des faits est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin,
in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
4.2
En l’occurrence, le prévenu a été entendu la première fois le
28 septembre 2011 (PV aud. 3). Le lendemain, il a confirmé ses déclarations devant le Procureur de l’arrondissement du Nord vaudois (PV aud. 4). Entendu le
23 décembre 2011 par le Tribunal des mesures de contrainte, H._ est cependant revenu sur ses premières déclarations, expliquant que les quantités de cannabis mentionnées dans l’acte d’accusation ainsi que les sommes d’argents qui y figuraient étaient manifestement exagérées . Il a ainsi admis avoir vendu pour
1'000 fr. au maximum de cannabis.
Fondés sur le contenu d’un rapport établi le 1
er
juin 2012 par le
Dr [...], les premiers juges ont retenu qu’il semblait que H._ souffrait de trouble dissociatif non spécifié et qu’il était possible que ce dernier n’ait pas été dans son état normal lors de son audition du 28 septembre 2011. Au bénéfice du doute, ils n’ont dès lors pas tenu compte des premières déclarations du prévenu (jgt. p. 20).
La Cour d’appel pénale ne partage toutefois pas cette appréciation. En effet, elle retient que le rapport en question n’est qu’une somme d’hypothèses fondées sur la base d’un état de fait livré par le prévenu qui ne correspond nullement à la teneur de son audition. Ainsi, le médecin déclare que H._ n’aurait pas pris ses médicaments (un neuroleptique et un antidépresseur) durant 2 jours et aurait ainsi présenté des symptômes de sevrage, évoquant notamment des troubles mnésiques et de la concentration, des céphalées, des sentiments d’irréalité et de dépersonnalisation. Le médecin ajoute que H._ aurait ainsi eu une « crise dissociative » précisant que lors de son interrogatoire, le prévenu « aurait été couché par terre, se tordant en raison de douleurs abdominales » et qu’il « n’aurait eu ainsi conscience que très partiellement du présent, perdant ainsi sa capacité de discernement pour une durée de quelques minutes à quelques heures. Par ce fait, il aurait pu signer une déposition tout en n’étant pas d’accord avec le contenu, incapable de saisir la portée de son acte. » (P. 180/1).
Le contenu des auditions du prévenu contredit pourtant les constats du médecin. En effet, le prévenu a été interpellé à 12h30 et interrogé le même jour, dès 23h45. A aucun moment la question d’une prise de médicaments n’a été évoquée devant les inspecteurs. On voit d’ailleurs que H._ s’est déclaré apte à répondre aux questions (PV aud. 3, p. 2). L’audition a été interrompue à 00h25 pour que l’appelant puisse consulter le médecin de service qui ne fait aucun constat particulier avant la reprise de l’audition à 00h40 (PV aud. 3 p. 4). Enfin, lorsque les inspecteurs ont demandé au prévenu s’il souhaitait faire une pause pour dormir un peu, ce dernier leur a répondu qu’il préférait qu’on lui pose toutes les questions (PV aud. 3, p. 7). Le lendemain matin, il a dit au procureur, qui l’informait qu’il était placé en détention, qu’il n’avait pas ses médicaments avec lui et il a pris note qu’il devrait en informer la prison à son arrivée (PV aud. 4, L. 107 à 110). La Cour constate ainsi que de manière générale, le prévenu était parfaitement orienté durant sa première audition. Ses droits lui ont été lus de sorte qu’il savait qu’il pouvait refuser de répondre et demander un avocat, ce qu’il a refusé. Son audition est cohérente, précise et le prévenu a contesté les points qui lui paraissaient contestables. Il a fourni des renseignements exacts sur sa situation personnelle. S’il avait été dans un état de souffrance tel que relevé par le médecin, nul doute qu’il aurait fait valoir ses droits, étant précisé que ce n’est pas la première fois qu’il était entendu par la police. Le lendemain, vers midi, H._ a confirmé ses déclarations de la veille devant le procureur alors qu’il était assisté d’un avocat de la première heure. La crise dissociative que le médecin estime d’une durée de quelques minutes à quelques heures, aurait ainsi duré plus de douze heures, ce qui est invraisemblable.
Au vu de ce qui précède, c’est à tort que les premiers juges ont écarté les premières déclarations de H._. En tenant compte des déclarations de l’appelant, il convient de retenir qu’il a cultivé à [...] environ 600 plants, ce qui équivaut à une quantité de cannabis de 3 kg à 4,2 kg qu’il dit avoir partagé avec un ami dont il n’a pas souhaité dévoiler l’identité. Il a admis en avoir consommé
240 grammes, le solde de 1,260 kg étant vendu pour un chiffre d’affaires de
12'600 francs, soit un bénéfice net – sans le matériel – de 10'080 francs. S’agissant de la marchandise cultivée à [...], H._ a admis avoir effectué trois plantations sur trois années différentes, obtenant 2,100 kg de cannabis qu’il a utilisé pour faire 3 ou 4 « space cake » contenant chacun 150 grammes de marchandise. Il a admis avoir fumé une partie, vendant le solde, soit environ 400 grammes, pour un chiffre d’affaires qu’il a évalué entre 1'200 fr. et 2'000 francs. S’agissant des 22 plants saisis par la police à son domicile à [...], le prévenu aurait pu en obtenir 4,4 kg de cannabis. Il avait prévu qu’il vende sa marchandise à un prix oscillant entre 3 fr. et
5 fr., pour un bénéfice escompté entre 13'200 fr. et 22'000 francs. Enfin, le prévenu a admis avoir acheté 1,5 kg de cannabis dans un autre local dont il n’était pas propriétaire et en avoir revendu 1,2 kg pour un chiffre d’affaires de 12'000 fr. et un bénéfice de 2'400 francs.
Pour évaluer l’ampleur du trafic auquel H._ s’est livré, la Cour de céans ne prendra en compte que les chiffres les plus favorables à ce dernier et sans retenir le bénéfice escompté pour la marchandise saisie à [...], qui n’a finalement pas été vendue. Elle retient ainsi qu’en trois ans, H._ a vendu 2,860 kg et a pris des mesures aux fins d’un trafic portant sur 4,4 kg. Cela représente un total de 7,260 kg de cannabis, pour un chiffre d’affaires de
25'800 francs (12'600 + 1'200 + 12'000). Ce calcul reste très favorable au prévenu compte tenu du fait que le rendement en sommités florales d’un pied de cannabis intérieur varie entre 25,1 grammes et 33,7 grammes et non de 7 grammes comme le prétend l’intéressé.
5.
La quotité de la peine est contestée tant par le prévenu que par le Ministère public. L’appelant l’estime disproportionnée au vu de sa culpabilité et requiert le prononcé d’une peine pécuniaire de soixante jours-amende, sous déduction de 113 jours de détention avant jugement, avec sursis pendant deux ans, le montant du jour-amende étant fixé à 30 francs. Le Ministère public a, quant à lui, requis le prononcé d’une peine privative de liberté de 24 mois, sous déduction de 113 jours de détention provisoire avant jugement, et à une amende de 1'500 francs.
5.1
5.1.1
Aux termes de l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
5.1.2
Selon l'art. 19 al. 2 CP, le juge atténue la peine si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation. Les principes qui président à la fixation de la peine en cas de diminution de la responsabilité ont été développés dans l’ATF 136 IV 55. Partant de la gravité objective de l'acte (objektive Tatschwere), le juge doit apprécier la faute (subjective; subjektives Tatverschulden). Il doit mentionner, dans le jugement, les éléments qui augmentent ou diminuent la faute dans le cas concret et qui permettent d'apprécier la faute en relation avec l'acte. Le législateur mentionne plusieurs critères, qui jouent un rôle important pour apprécier la faute et peuvent même conduire à diminuer celle-ci de telle manière qu'il convient de prononcer une peine inférieure au cadre légal ordinaire de la peine. Parmi ceux-ci, figure notamment la diminution de la responsabilité au sens de l'art. 19 CP. Dans ce cas, en modification de la jurisprudence antérieure (ATF 134 IV 132 c. 6.1), il s'agit de diminuer la faute et non la peine; la réduction de la peine n'est que la conséquence de la faute plus légère (TF 6B_356/2012 du 1
er
octobre 2012 c. 3.2; ATF 136 IV 55 c. 5.5).
5.1.3
Conformément à l’art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits
(al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit
qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement
(ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude
(TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2).
La présomption d’un pronostic favorable, respectivement du défaut d’un pronostic défavorable, ne s’applique en revanche plus si - durant les cinq ans qui précèdent l’infraction - le prévenu a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins. L’octroi du sursis n’entrera donc en considération que si, malgré l’infraction commise, on peut raisonnablement supposer, à l’issue de l’appréciation de l’ensemble des facteurs déterminants, que le condamné s’amendera (ATF 134 IV 1 c. 4.2.3).
5.2
En l’espèce, il y a lieu de donner acte au prévenu que la gravité objective – soit la vente de chanvre – est moyenne puisqu’il s’agit de réprimer une activité délictueuse portant sur la culture de chanvre de 7,260 kg de cannabis. D’un point de vue subjectif, en revanche, le délit est grave. En effet, la vente était notamment destinée aux jeunes d’un village et le mobile s’apparente peut-être pas exclusivement mais principalement à celui de l’appât du gain. Les minimisations du prévenu aggravent encore ce constat. Son casier judiciaire est chargé d’une lourde condamnation et il a agi en état de récidive spéciale. Au surplus, les infractions sont en concours.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, la Cour de céans retient que la culpabilité de H._ doit être qualifiée de lourde et cela même si l’on tient compte d’une responsabilité légèrement diminuée. La peine prononcée par les premiers juges est adéquate au vu de la culpabilité et de la situation personnelle du prévenu. Elle doit dès lors être confirmée.
Enfin, la précédente condamnation du prévenu, prononcée le
30 novembre 2005, soit durant les cinq ans qui précèdent les faits de la présente cause, n'autorise l'octroi du sursis qu'en cas de circonstances particulièrement favorables, autrement dit, qui excluent que l'antécédent péjore le pronostic (ATF 134 IV 1 c. 4.2.3). Tel n'est pas le cas en l'espèce, le prévenu – déjà condamné à une lourde peine, notamment pour infraction à la LStup – ayant continué de minimiser les faits qui lui sont reprochés tout au long de la procédure. L’appel du Ministère public doit être admis sur ce point.
6.
La créance compensatrice est contestée, tant par H._, qui en conteste le principe, que par le Ministère public, qui estime que son montant doit être arrêté à 40'000 francs.
6.1
Aux termes de l'art. 71 CP, lorsque les valeurs patrimoniales à confisquer ne sont plus disponibles, le juge ordonne leur remplacement par une créance compensatrice de l'Etat d'un montant équivalent (al. 1). Le juge peut renoncer totalement ou partiellement à la créance compensatrice s'il est à prévoir qu'elle ne serait pas recouvrable ou qu'elle entraverait sérieusement la réinsertion de l'intéressé (al. 2).
En règle générale, le montant de la créance compensatrice doit être arrêté selon le principe des recettes brutes. Ainsi, celui qui vend des stupéfiants réalise par son acte un profit illicite équivalent à la totalité de la somme reçue. Certes, il a fourni de la drogue en échange de l'argent reçu, mais il s'agit d'une marchandise dont la vente est interdite, de sorte qu'il n'avait aucun droit d'en tirer une somme quelconque et qu'il était même exposé en tout temps à ce que la drogue lui soit confisquée sans aucune contrepartie. L'avantage illicite qui peut être confisqué est donc le prix total de la vente. Si l'intéressé ne détient plus les fonds, il doit être condamné à une créance compensatrice équivalente envers l'Etat. Il n'y a donc pas lieu de rechercher le bénéfice net ou de déduire des frais de production dans de tels cas (TF 6B_138/2006 du 22 septembre 2006 c. 5.1 et les références citées).
La créance peut cependant être réduite ou supprimée si elle entrave sérieusement la réinsertion du condamné. Le juge doit procéder à une appréciation globale de la situation de l'intéressé. Le cas échéant, il devra tenir compte du fait que le délinquant a dû emprunter une somme importante pour se lancer dans le trafic de stupéfiants ou qu'il doit subir une lourde peine privative de liberté. Une réduction ou une suppression de la créance compensatrice n'est admissible que dans la mesure où l'on peut réellement penser que celle-ci mettrait concrètement en danger la situation sociale de l'intéressé et que des facilités de paiement ne permettraient pas d'y remédier (TF 6B_138/2006, op cit. c. 5. 2 et réf. cit.)
6.2
En l’occurrence, le bénéfice brut réalisé par l’intéressé a été estimé à 25’800 francs. Partant le montant de 25’000 francs arrêté par les premiers juges est conforme à la loi et doit être confirmé. Au vu des avoirs bancaires de l’appelant et de ses revenus, le paiement de cette créance compensatrice ne l’expose pas à un danger concret de désocialisation. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de réduire le montant de la créance compensatrice.
7.
En définitive, l’appel de H._ est intégralement rejeté. L’appel joint du Ministère public est partiellement admis en ce sens que la peine privative de liberté prononcée à l’encontre du prévenu n’est pas assortie du sursis. Le jugement du tribunal de première instance doit être réformé dans le sens des considérants.
8.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis par trois quarts à la charge de H._ (art. 428 al. 1 CPP). Ces frais sont constitués d’un émolument de 3’190 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]) et des indemnités allouées aux défenseurs d’office de H._.
Compte tenu
de la nature de la cause et des opérations nécessaires pour la défense des intérêts du prévenu,
il convient d’allouer à Me Jean Lob une indemnité de 2'160 fr., TVA et débours inclus, et à Me Virginie Rodigari, une indemnité de 3’672 fr., TVA et débours inclus. Ces indemnités seront mises à la charge de H._, qui dispose d’une fortune estimée à plus de
70'000 francs et dont les moyens financiers lui permettront de s’en acquitter une fois ses avoirs bancaires débloqués en sa faveur. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6bf1e2c6-b19f-40a2-b04e-80bd7967f9eb | En fait :
A.
Par jugement du 12 avril 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a prononcé ce qui suit :
[...]
I.
admet partiellement
l'appel;
II
.
modifie
le prononcé rendu le 27 février 2009 par la Préfecture de Lausanne en ce sens :
I.
constate qu'F._ s'est rendue coupable d'infraction à la Loi fédérale sur les étrangers;
II.
condamne F._ à une peine pécuniaire de 20 (vingt) jours-amende, la valeur du jour-amende étant fixée à CHF 20.- (vingt);
III.
suspend l'exécution de cette peine et fixe la durée du délai d'épreuve à 2 (deux) ans;
IV
. met les frais à la charge d'F._.
III.
arrête
les frais de la cause, globalement à CHF 1'052 fr. 40 et
met
une partie des frais par CHF 500.- à la charge d'F._ le solde étant laissé à la charge de l'Etat;
IV.
rejette,
dans la mesure où elle est recevable, la conclusion d'F._ en versement d'une indemnité.
[...].
B.
Les faits nécessaires à l'examen de la cause sont les suivants :
1.
Née le 4 décembre 1982 en [...] pays dont elle est ressortissante, F._ est danseuse de formation. Elle a travaillé en cette qualité en Allemagne, au Japon et en Suisse où elle est arrivée en mai 2008. Elle a épousé, le 8 avril 2011, W._ ressortissant français. Son casier judiciaire suisse est vierge.
Peu après son arrivée dans notre pays, F._ a obtenu un visa Schengen valable du 5 octobre 2008 au 2 janvier 2009. En septembre 2008, au bénéfice d'un permis L (autorisation de séjour pour une activité de courte durée), elle a travaillé comme danseuse dans un night club tessinois. En octobre et en décembre 2008, elle a exercé cette même activité, au bénéfice de permis L valables d'un à Fribourg, l'autre à Estavayer-le-lac. Elle a ensuite été titulaire d'un permis B d'étudiante de mars 2010 au 5 août 2011.
Le 19 novembre 2008, la prévenue a été interpellée au cabaret "Le [...] (ci-après [...]), à 22 h 45, par deux inspecteurs de police. Elle se tenait alors au bar en tenue de danseuse.
Par prononcé du 27 février 2009, le Préfet du district [...] a retenu qu'F._ a séjourné sans autorisation en Suisse. Il a constaté qu'elle s'est rendue coupable d'infraction à la loi sur les étrangers (I), l'a condamnée à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, le montant de celui-ci étant fixé à 30 fr. et la peine étant suspendue pendant deux ans (II) et à une amende immédiate de 450 fr. (III), dit qu'à défaut de paiement de l'amende immédiate, la peine privative de liberté de substitution sera de 15 jours (IV) et mis les frais à sa charge, par 70 fr. (V).
2.
Le 21 octobre 2010, la prévenue a formé appel contre ce prononcé préfectoral.
Entendu par le Tribunal de police, le dénonciateur (Insp. J._ police de sûreté, centre de la [...] Lausanne) a indiqué avoir été amené à signaler la présence de la prévenue qui, installée au bar en tenue de danseuse, s'était rendue au vestiaire des employés de l'établissement pour y prendre ses documents, ce qui lui a paru être le signe qu'elle faisait partie du personnel et exerçait son métier à cet endroit. La prévenue a, pour sa part, soutenu qu'au moment des faits incriminés, elle se trouvait sans logement et logeait temporairement chez B._, tenancier du [...], qui l'avait engagée pour le mois de décembre 2008. Lorsque la police était arrivée, le soir du 19 novembre 2008, il n'y avait pas encore de clients et elle se trouvait en tenue de danseuse pour s'entraîner; elle n'avait jamais eu l'intention de travailler sans autorisation.
Dans son jugement du 12 avril 2011, le Tribunal de police a, en bref, retenu que la prévenue avait travaillé du 1
er
au 19 novembre 2008 au [...], alors qu'elle n'était pas titulaire d'un permis de travail. Il a modifié le prononcé préfectoral qui retenait, à tort, que l'intéressée n'était pas titulaire d'un permis de séjour valable pendant cette période.
C.
Le 13 avril 2011, F._ a annoncé faire appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel du 10 mai suivant, elle a conclu à l'admission de son appel (I), à son acquittement (II), à ce que les frais d'appel soient laissés à la charge de l'Etat (III) et à ce que l'Etat lui verse une indemnité de 2'200 fr. plus un montant pour l'audience d'appel à titre de frais de défense.
Le 14 juin 2011, le Ministère public a fait savoir qu'il ne comparaîtrait pas aux débats de la présente cause et a conclu au rejet de l'appel, aux frais de son auteur.
A l'audience du 7 juillet 2011, l'intéressée a confirmé ses déclarations antérieures et a précisé avoir vécu du 1
er
au 19 novembre 2008 puis dès le 20 novembre 2008 à Fribourg chez son ami de l'époque, qui n'est pas W._. | En droit :
1.
1.1
Le jugement attaqué est un jugement statuant en appel contre un prononcé préfectoral rendu par défaut le 27 février 2009 sous l'égide de l'ancienne loi vaudoise sur les contraventions du 18 novembre 1969 dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010 (RVS 312.11 ; aLContr), soit une décision rendue avant l'entrée en vigueur du Code de procédure pénale suisse (art. 453 al.1 CPP, Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0).
Le dispositif du jugement rendu le 12 avril 2011, qui a été communiqué séparément aux parties, précisait que celles-ci avaient le droit de faire appel par une annonce écrite et non motivée dans les 10 jours dès la communication de la décision.
La voie de l'appel est ouverte auprès de la Cour d'appel du Tribunal cantonal, l'appelante n'ayant pas à pâtir du fait qu'elle s'est conformée à l'indication donnée dans les voies de droit indiquées par le Tribunal de police (CAPE 29 mars 12/2011, c.1).
1.2
Déposé dans les délais et les formes indiqués par le jugement entrepris, et suffisamment motivé, l'appel est recevable.
1.3
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3, let. a à c).
2.
Reconnue coupable d'infraction à la loi fédérale sur les étrangers, pour avoir travaillé sans autorisation en novembre 2008, l'appelante demande son acquittement. Elle soutient que du 1
er
au 19 novembre 2008, elle ne travaillait pas et vivait chez un ami à [...], que le soir de son interpellation au [...] le 19 novembre 2008, elle s'entraînait et que, dès le 20 novembre 2008, elle était retournée vivre chez son ami à Fribourg.
2.1
Aux termes de l'art. 115 al. 1 let. c de la loi fédérale du 15 décembre 2005 sur les étrangers (RS 142.20; LEtr), est puni d'une peine privative de liberté d'un an ou d'une peine pécuniaire quiconque exerce une activité lucrative sans autorisation.
Le jugement entrepris retient à juste titre que l'intéressée travaillait sans autorisation le soir du 19 novembre 2008, lorsqu'elle a été interpellée par la police. Alors qu'il était 22 h 45, l'appelante se trouvait en effet installée au bar en tenue de danseuse, ses effets personnels, dont ses documents d'identité, déposés au vestiaire réservé aux employés de l'établissement. En tout état de cause, à une heure si tardive, il n'est pas crédible que l'intéressée se soit trouvée en ce lieu dans le seul but de s'entraîner. Le jugement doit ainsi être confirmé sur ce point.
Le premier juge a déduit de l'examen des décomptes de salaire des mois d'octobre à décembre 2008, et des propos de la prévenue en audience, que du 1
er
au 18 novembre 2008, celle-ci avait également travaillé pour le compte de B._, qui la logeait, et qu'elle avait assuré la contrepartie de son logement sous forme de prestations de danseuse (jugement, p. 8). L'appelante a affirmé de manière constante qu'elle vivait chez un ami à [...] en novembre 2008 et qu'elle venait d'arriver à Lausanne. Elle n'a pas voulu donner de précision sur l'identité de cet ami. Aucune pièce ne vient attester le paiement d'un salaire pour le mois de novembre 2008, aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que la prévenue était à [...] avant le 19 novembre 2008. Les indices d'une activité professionnelle ne sont pas suffisants pour retenir que l'appelante a travaillé pendant cette période. Le doute doit lui profiter. L'appel doit ainsi être admis sur ce point.
3.
F._ invoque l'art. 52 CP. Elle expose avoir toujours eu la volonté d'exercer son activité en toute légalité, au bénéfice des autorisations nécessaires.
3.1
D'après l'art. 52 CP, si la culpabilité de l’auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l’autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.
Le Tribunal fédéral précise que l'exemption de peine suppose que l'infraction soit de peu d'importance, tant au regard de la culpabilité de l'auteur que du résultat de l'acte. L'importance de la culpabilité et celle du résultat dans le cas particulier doivent être évaluées par comparaison avec celle de la culpabilité et celle du résultat dans les cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification. Pour apprécier la culpabilité, il faut tenir compte de tous les éléments pertinents pour la fixation de la peine, notamment des circonstances personnelles de l'auteur (ATF 135 IV 130, c. 5.3.2).
3.2
En l'espèce F._ a choisi de travailler le 19 novembre 2008, alors qu'elle se savait dépourvue d'autorisation d'exercer une activité lucrative. Ayant séjourné et travaillé comme danseuse les mois précédents au bénéfice d'un permis L, elle savait qu'elle ne pouvait pas exercer d'activité lucrative sans avoir obtenu une autorisation. Ayant fait le choix de passer outre, la prévenue a volontairement violé la réglementation applicable au travail des étrangers. Dans ces circonstances, sa culpabilité ne peut être qualifiée de peu d'importance de sorte que les conditions de l'art. 52 CP ne sont pas réunies.
On relèvera encore qu'une importance particulière a été accordée à la lutte contre le travail au noir, que la révision de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE) devait permettre de punir systématiquement et plus sévèrement (FF 2002, 3469ss, 3519). Dans ces conditions, l'intérêt public à la sanction est prépondérant, et il n'y a pas lieu d'appliquer l'art. 52 CP.
4.
Il reste à fixer la peine en tenant compte des éléments de faits retenus en appel.
4.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al.1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Les critères, énumérés de manière non exhaustive par cette disposition, correspondent à ceux fixés par l'art. 63 aCP et la jurisprudence élaborée en application de cette disposition (ATF 134 IV 17 c. 2.1). Cette jurisprudence conserve toute sa valeur, de sorte que l'on peut continuer à s'y référer (ATF 129 IV 6 c. 6.1, p. 21). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1 et 129 IV 6, op. cit.).
4.2
En l'espèce, la peine
de 20 jours-amende prononcée par le premier juge doit être réduite, l'intéressée n'ayant travaillé sans autorisation que le 19 novembre 2008. Il convient en outre de retenir que l'appelante est une délinquante primaire (son casier judiciaire suisse est vierge), mais qu'elle s'est obstinée à nier l'évidence. Dans ces conditions, une peine de trois jours-amende, paraît adéquate. Quant au montant du jour amende (20 fr. le jour), à l'octroi et à la durée du sursis, ils ne sont pas remis en cause.
4.3
D'après l'art. 426 al. 1 CPP, première phrase, le prévenu supporte les frais de procédure s’il est condamné.
4.4
Le jugement entrepris met les frais de première instance, à hauteur de 500 fr. à la charge de l'intéressée. En l'espèce, ceux-ci doivent être réduits à 250 francs dès lors que certains faits n'ont pas été retenus à la charge de la prévenue.
L'appelante a requis devant le tribunal de police l'allocation d'une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice de ses droits en procédure, arguant que l'art. 429 CPP dispose que si le prévenu est acquitté totalement ou en partie, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.
Il y a lieu d'abord de relever que la prévenue n'a pas obtenu l'acquittement qu'elle demandait. Ensuite, le concours d'un avocat n'était pas nécessaire dans la présente affaire qui ne comporte pas de difficulté particulière en fait et en droit, la prévenue s'exprimant au demeurant suffisamment bien en français pour que l'intervention de l'interprète, présente à l'audience d'appel, se soit révélée superflue. De plus, l'enjeu individuel et subjectif n'était pas tel qu'un conseil s'imposait. Il y a ainsi lieu de confirmer le refus du premier juge d'allouer une telle indemnité.
5.
En définitive, l'appel doit être partiellement admis dans le sens des considérants.
5.1
Vu l'admission partielle de l'appel, il se justifie de faire supporter à F._ la moitié des frais d'appel (art. 428 al. 1 CPP), fixés en application de l'art. 21 du tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010 (TFJP; RSV 312.03.1), le solde étant laissé à la charge de l'Etat. Il n'y a en outre pas lieu d'allouer à l'appelante une indemnité pour la procédure d'appel, pour les motifs indiqués au considérant 4.4. ci-dessus. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6bf8eaa5-b0fa-4c51-8492-7195b3dd2ca8 | En fait :
A.
Par jugement du 8 juin 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a notamment constaté que D._ s’est rendue coupable d’abus de confiance (I), l’a condamnée à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 40 fr., avec sursis pendant 2 ans, sous déduction de 23 jours de détention provisoire (II), a dit qu’elle doit verser à Y._ SA (ci-après : Y._ SA) un montant de 12'360 fr. avec intérêt à 5% l'an à compter du 23 février 2009, à titre de réparation du dommage (III), a alloué à Y._ SA des dépens pénaux à hauteur de 7'500 fr. à la charge de D._ (IV), a refusé d’allouer à D._ une indemnité au sens de l’article 429 CPP (VI) et a mis une partie des frais de la cause, comprenant les indemnités dues aux défenseurs d’office, par 14'780 fr. à la charge de D._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (VIII).
B.
Par annonce du 15 juin 2015, puis déclaration motivée du 13 juillet suivant, D._ a formé appel contre ce jugement, en concluant en bref, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’elle est libérée des chefs d’accusation d’abus de confiance et de vol, que les prétentions civiles formées par Y._ SA sont rejetées et qu’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP de 3'000 fr. lui est allouée.
A titre de réquisition de preuves, l’appelante a requis qu’il soit déterminé la totalité des prélèvements d’argent en espèces qu’elle a effectués entre mars 2003 et mars 2009 sur ses comptes bancaires, qu’il soit ordonné production par l’imprimerie [...] de tous les justificatifs permettant de déterminer le nombre de tickets-restaurant imprimés pour l’usine des [...] depuis leur instauration jusqu’au 31 mars 2009 et qu’il soit procédé à l’audition de trois témoins.
Par avis du 2 septembre 2015, la Présidente de la Cour de céans a rejeté ces réquisitions de preuves au motif qu’elles ne répondaient pas aux conditions de l’art. 389 CPP.
Par courrier du 7 septembre 2015, le Ministère public a indiqué qu’il renonçait à comparaître et à déposer des déterminations, se référant intégralement aux considérants de la décision attaquée.
Le 28 octobre 2015, D._ et Y._ SA ont signé une convention mettant fin aux litiges qui les opposaient tant sur le plan civil que pénal. En substance, cet accord prévoit que Y._ SA délivrera à D._ un certificat de travail dans les termes retranscrits dans leur convention (I), que Y._ SAretire la plainte pénale qu’elle a déposée le 2 mars 2009 à l’encontre de D._, en renonçant à toutes prétentions civiles, ainsi qu’à l’allocation de dépens (II), que D._ renonce aux prétentions qu’elle a formulées dans la demande qu’elle a adressée le 22 décembre 2010 à la Cour civile du Tribunal cantonal (III), que chaque partie garde ses frais et renonce à des dépens tant au civil qu’au pénal (IV), qu’elles se donnent quittance pour solde de tout compte et de toutes prétentions (V) et que la convention est adressée au juge instructeur de la Cour civile pour valoir jugement au fond, ainsi qu’à la Cour d’appel pénale pour prendre acte du retrait de plainte intervenu (VI et VII).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Ressortissante française au bénéfice d’un permis de travail pour frontaliers, D._ est née le [...] 1974 à [...] (France). Elle est titulaire d’un baccalauréat professionnel en gestion administrative et secrétariat obtenu en 1994. Le 25 février 2003, elle
a été engagée par Y._ SA pour travailler sur le site du centre de production de cette entreprise à [...], aux [...] (commune de [...]). Pour les besoins de la présente cause, elle a été placée en détention préventive du 4 au 26 mars 2009. En incapacité de travail dès mars 2009, elle a été licenciée en juin 2010. Elle est restée sans emploi jusqu’en février 2011, date à laquelle elle a été engagée à plein temps en qualité de serveuse dans un établissement public à [...]. Elle réalise à ce titre un revenu mensuel net de 3’700 fr., auquel s'ajoutent des pourboires. Elle vit en couple dans l’appartement dont elle est propriétaire à [...] et dont les charges hypothécaires s’élèvent à 1’300 fr. par mois. Elle a des dettes privées qu’elle rembourse à raison de 360 euros par mois. Elle a donné naissance à un enfant le 29 octobre 2015.
Les casiers judiciaires suisse et français de D._ ne comportent aucune inscription.
2.
Employée en tant que réceptionniste chez Y._ SA, D._ était notamment responsable de la gestion de la caisse de la réception. Ce poste impliquait entre autres de vendre au personnel de l’entreprise des tickets-restaurant et d’en encaisser le prix avant de le remettre à la caisse principale. Profitant du fait que la tenue de la caisse de la réception n’était soumise à aucun contrôle, qu’en particulier il n’était pas tenu d’inventaire des tickets-restaurant, elle a, entre mars 2008 et février 2009, conservé pour ses besoins personnels une partie des sommes qu'elle encaissait, pour un montant minimum de 12'160 francs. Afin de masquer ces prélèvements indus, elle a inscrit seize écritures fictives portant chacune sur un montant de 760 fr. au tableau Excel élaboré spécifiquement pour la gestion de la caisse de la réception.
Y._ SA s’est constituée demandeur au pénal et au civil, le 2 mars 2009. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les forme et délai légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de D._ est recevable.
1.2
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 consid. 3.1).
2.
2.1
L’appelante a requis qu’il soit ordonné production par l’imprimerie [...] de tous les justificatifs permettant de déterminer le nombre de tickets-restaurant imprimés pour l’usine des [...] depuis leur instauration jusqu’au 31 mars 2009.
Certes, on ignore combien de tickets-restaurant ont été mis en circulation par la plaignante. Il apparaît néanmoins peu probable que l'imprimeur de ces tickets dispose encore de pièces justificatives datant de plus de dix ans. De plus, la prévenue a été acquittée pour les faits similaires dont elle était soupçonnée pour la période antérieure à mars 2008. Cela étant, connaître le nombre exact de tickets-restaurant imprimés ne permettrait pas encore de savoir ce qu'ils sont devenus ni pourquoi l'argent de certaines ventes, enregistrées dans la caisse de la réception, ne se retrouve pas dans la caisse principale.
2.2
L’appelante a requis qu’il soit déterminé la totalité des prélèvements d’argent liquide qu’elle a effectués entre mars 2003 et mars 2009 sur ses comptes bancaires.
En l’espèce, on dispose au dossier de deux expertises. La première a été ordonnée dans le cadre du procès opposant les parties devant la Cour civile du Tribunal cantonal (P. 75) et la seconde, avec complément, dans le cadre de la procédure pénale (P. 84 et 101). Malgré cela, il n'a pas été possible de reconstituer toute l'activité « financière » de la prévenue. Il n’est guère concevable qu’une nouvelle expertise – à supposer que tel soit le but de la requête de l’appelante – ait plus de chances d'aboutir. Quoi qu’il en soit, on ne voit pas ce que le montant des retraits d'argent en espèces opérés par la prévenue pourrait amener comme élément déterminant.
2.3
En dernier lieu, l’appelante a requis l'assignation et l’audition de trois témoins.
En l’occurrence, les témoins en question – domiciliés en France – ont déjà été entendus par le premier juge et l’un d’entre eux également en cours d'enquête. L’appelante ne soutient pas que les conditions d'une réaudition seraient remplies (art. 389 al. 2 CPP) ni n'indique sur quels points elle souhaiterait les interroger.
2.4
Au vu de ce qui précède, les mesures d'instruction requises doivent être refusées.
3.
L'appelante conteste sa condamnation pour abus de confiance. Elle invoque une constatation inexacte des faits, ainsi que la violation du principe de la présomption d'innocence.
3.1
La constatation des faits est incomplète au sens de l’art. 398 al. 3 let. b CPP lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n’ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d’administrer la preuve d’un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l’administration d’un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe de la présomption d'innocence est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 consid. 2c; TF 6B_831/2009 consid. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s'agir de doutes importants irréductibles, qui s'imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 consid. 2a).
3.2
La prévenue niant tout comportement délictuel, le Tribunal de police s'est convaincu qu'elle avait commis les faits décrits plus haut sur la base des éléments suivants :
- durant la période de mars 2008 à décembre 2008, quinze écritures comptables de sorties de 760 fr. – correspondant au prix de 100 tickets-restaurant – de la caisse de la réception ne font pas l'objet d'une entrée équivalente dans la caisse principale et ne sont justifiées par aucune pièce (jgt, p. 42) ;
- une seizième sortie du même montant a été inscrite le 23 février 2009, sans être entrée dans la caisse principale ni justifiée par pièce. La prévenue a admis être l'auteur de cette écriture, passée selon elle pour lui laisser le temps de trouver une explication à un manco de caisse - d'un montant indéterminé (PV d’audition n. 4 l. 52, jgt, pp. 42-43) ;
- la caisse principale qui était, à dire d'experts, bien tenue n’est pas à l’origine du problème (jgt, pp. 43-44) ;
- si un tiers, par exemple un de ses remplaçants, avait dérobé l'argent et passé les écritures litigieuses, la prévenue s'en serait aperçue et n’aurait pas manqué de le démasquer (jgt, pp. 44-46) ;
- durant l'année 2008, il y a, d'après l'expertise pénale, quelque 12'000 fr. de recettes inexpliquées sur les comptes bancaires de la prévenue, ce qui est proche du total des écritures fictives relevées pendant la même période (jgt, p. 47) ;
- le 20 octobre 2008, une sortie non justifiée de 760 fr. a été inscrite à la caisse de la réception. Le même jour, la prévenue a versé 700 fr. sur l’un de ses comptes bancaires. Les tentatives d'explications qu’elle a fournies sur l'origine de cet argent ont été écartées par l'expertise (jgt, pp. 47-48) ;
- selon l’expertise, en 2008, il y a eu 1'784 tickets-repas facturés par les restaurateurs de plus que de tickets-repas soi-disant vendus par la prévenue (jgt, p. 47).
Pour la période de mars 2003 à février 2008, le
Tribunal de police a acquitté la prévenue faute de chiffres précis, dès lors qu’il n'y avait pas encore de tableau recensant les transactions de la caisse de la réception.
3.3.
3.3.1
L'appelante soutient premièrement que le tableau Excel sur lequel elle tenait le livre de caisse (P. 5) contiendrait des erreurs et que les experts auraient répertorié des écritures qui n'y apparaîtraient pas. A titre d’exemple, elle indique que le 11 juin 2008, le solde en caisse aurait passé de 1'637 fr. 40 à 954 fr. 20, alors qu'il aurait dû, vu les opérations effectuées, passer à 1'054 fr. 20.
L’appelante a mal lu la pièce en question. Le solde initial en caisse auquel elle se réfère était de 1'537 fr. 40 et non de 1'637 fr. 40, de sorte que le solde final est bel et bien correct.
L'appelante soutient encore que les experts – et le Tribunal de police qui les a suivis – auraient à tort retenu une sortie non justifiée le 4 décembre 2008. Il y aurait, à cette date, seulement une sortie de 860 fr. pour l'achat de piles.
En l’occurrence, l'explication se trouve à la page 15 du rapport d'expertise établi dans le cadre de la procédure pénale (P. 84) : le relevé de la caisse de la réception a été modifié. Les pièces 5 et 54 en sont différentes versions. Sur la pièce 5, qui est une impression au 23 février 2009, on trouve une sortie de 860 fr. intitulée « Achats piles/Anne ». Si l’on revient chronologiquement en arrière, sur l'exemplaire du 15 décembre 2008 (P. 54, 1
re
page), on trouve seulement une sortie de 100 fr. intitulée « Achats piles ». On comprend donc qu'après coup, a été ajoutée dans la même écriture une sortie de 760 fr. et la mention « Anne ». Il n'y a donc pas d'erreur : il y a bien une sortie non justifiée de 760 fr. le 4 décembre 2008.
3.3.2
L'appelante fait valoir que de nombreuses écritures ont été passées sur le tableau Excel de la caisse de la réception durant ses absences (cf. P. 30), notamment des sorties de 760 francs. Tel serait le cas le 10 novembre 2008 ; or cette sortie d'argent, pourtant justifiée par une quittance, aurait été répertoriée par les experts comme non justifiée.
Il n'a jamais été contesté que la prévenue était remplacée durant ses absences, y compris dans la tenue du tableau. Le 10 novembre 2008, il y a deux sorties de 760 francs. On peut aisément en déduire qu'il n'y a pas d'erreur : les experts ont trouvé une quittance pour l'une des sorties, mais pas pour l'autre.
Dans la mesure où l'appelante semble soutenir ici qu'elle n'aurait pas pu passer l'écriture non justifiée du 10 novembre 2008 parce qu'elle était absente, il convient de se référer aux considérations du premier juge qui ne prêtent pas le flanc à la critique : les écritures n'étaient pas forcément passées le jour concerné, comme déjà indiqué qui plus est au considérant 3.3.1 ci-dessus (jgt, pp. 46-47).
3.3.3
L'appelante soutient que des erreurs auraient pu être commises par ses remplaçants.
Cette hypothèse pourrait être envisageable, si les écritures non justifiées n’étaient pas toutes – à l’exception de celle du 10 novembre 2008 pour laquelle on se réfère à ce qui a été dit précédemment (consid. 3.3.2) – datées de jours où la prévenue était présente (on relèvera qu’aux termes de sa déclaration d’appel, D._ ne soutient plus avoir été absente le 10 juillet 2008, date d'une autre sortie d'argent injustifiée [cf. jgt p. 46 et déclaration d’appel p. 5]). A l’instar du premier juge, on peut supposer que s'il y avait eu des erreurs, et non des vols, la prévenue s'en serait aperçue. Il apparaît en effet fort peu vraisemblable que sa vigilance soit passée à côté de pas moins de quatorze erreurs identiques commises dans le tableau durant des laps de temps où elle était présente.
3.3.4
L'appelante fait valoir qu'elle aurait spontanément annoncé l'erreur de caisse constatée le 23 février 2009. Son écriture de sortie de ce jour aurait été provisoire. Elle n'indiquerait par ailleurs pas un versement à « Anne-Lise », soit l'employée qui tenait la caisse principale, comme les autres.
La portée de cet argument a été relativisée par le Tribunal de police, au raisonnement duquel on peut renvoyer (jgt, p. 48). En effet, la prévenue pouvait se douter qu'elle serait amenée à s'expliquer et a pu anticiper une réaction.
On relèvera en outre qu’au lieu d’inscrire provisoirement le montant du déficit qu’elle aurait constaté, elle a choisi précisément de porter au tableau un montant de 760 fr., montant qui, comme l’a relevé le premier juge, avait l’avantage de passer inaperçu. Sa version apparait d’autant moins crédible que les explications successives qu’elles a fournies sont contradictoires : alors qu’elle soutenait devant le procureur, moins de dix jours après l’inscription de cette écriture, qu’elle avait procédé de la sorte en ignorant le montant qui manquait dans la caisse et avoir indiqué 760 fr. parce qu’il s’agissait de la somme qu’elle avait l’habitude de porter en compte (PV d’audition n. 4, l. 49 à 57), elle a soutenu devant le premier juge, soit six ans plus tard, que le manque en caisse correspondait à 760 fr. environ (jgt., p. 13).
3.3.5
L'appelante soutient qu'elle n'avait aucune raison de passer des écritures fictives. Si elle avait voulu voler de l'argent, il lui aurait suffi de prendre de l'argent sans rien écrire, ni entrée, ni sortie, dans le tableau Excel.
Cet argument n’est pas convaincant. Si elle n'avait inscrit qu'une infime partie des ventes de tickets-restaurant, cela aurait au contraire attiré davantage l’attention. Dès lors que des entrées d'argent étaient comptabilisées, il fallait bien justifier des sorties.
3.3.6
L'appelante remet en cause la tenue de la caisse principale. Elle relève qu' [...], chargée de ce travail, avait soutenu à tort qu'elle fournissait des quittances dès 2003, alors qu'elle ne l'avait fait que depuis 2008. De même, il ne serait pas normal d’admettre qu’elle ait libellé toutes ces quittances au nom de la prévenue, alors que d'autres employées lui apportaient parfois l'argent de la vente des tickets-restaurant.
Certes, [...] s'est trompée sur ce point. Entendue le 4 mars 2009, elle a toutefois spontanément rectifié ses déclarations en téléphonant au greffe de l’Office d’instruction pénale le lendemain (cf. PV des opérations, p. 3). L'appelante n’allègue pas expressément qu'elle aurait menti. Cela étant, passée au crible des expertises et du service comptable de la plaignante, la caisse principale n'a jamais suscité de critiques, si ce n’est celles de la prévenue, qui a admis être elle-même peu rigoureuse.
Quant au libellé des quittances, il faut comprendre que le nom de la prévenue signifiait « caisse de la réception », au même titre que les sorties d'argent de celle-ci étaient libellées « Anne-Lise », ce qui correspondait à « caisse principale ».
Pour le surplus, on peut renvoyer à l’exposé des motifs du Tribunal de police qui ne prête pas le flanc à la critique sur cette question également, en relevant que les experts n’ont formulé aucune critique à l’égard du travail d’ [...] (jgt., pp 21 et 43-44).
3.3.7
L'appelante conteste que ses rentrées inexpliquées d'argent en 2008 aient été de quelque 12'000 francs. Selon elle, il ne faudrait tenir compte que des virements sur ses comptes en francs suisses, «
dans la mesure où c'est de l'argent suisse qui est supposé avoir disparu
». Elle reproche ensuite aux experts de n'avoir pas été convaincus par ses explications sur l'origine de ces revenus, de n'avoir effectué aucune recherche auprès des banques à ce sujet, ni déterminé «
combien d'argent [elle] avait prélevé de ses comptes (...), ce qui est très important pour déterminer de combien d'argent liquide elle disposait
».
En l’occurrence, l'appelante était titulaire de plusieurs comptes, en Suisse et en France, et opérait de nombreux retraits en espèces. Elle disposait de son salaire, mais aussi de rentrées d'argent irrégulières provenant de la revente de montres acquises auprès de son employeur à tarif préférentiel, ainsi que de virements de son ex-mari. Il n’a pas été possible de reconstituer l'intégralité de son activité financière, dans la mesure où, d’une part, toutes les opérations ne se faisaient pas par virement bancaire et où, d’autre part, on ne dispose pas du détail des dépenses faites en liquide par la prévenue. Aucun de ces griefs ne justifie de s'écarter des conclusions de l'expertise. Quant aux rentrées d'argent inexpliquées, il n'y a pas de raison de ne retenir que celles qui résultent d'un versement en francs suisses : la prévenue peut avoir converti l'argent liquide volé avant de le verser en euros sur un compte français.
3.3.8
L'appelante soutient que le premier juge l'a condamnée parce qu'il a estimé que sa culpabilité était plus vraisemblable que son innocence. Il aurait considéré qu'il était plus probable qu'elle soit l'auteur des fausses écritures, plutôt qu' [...] ou un tiers, et que le scénario de vols et de falsifications commis par un inconnu était possible, mais pas crédible.
Cet argument est infondé. Le premier juge n'a pas émis deux hypothèses plausibles pour choisir la plus vraisemblable, mais a au contraire indiqué quels indices lui permettaient d'être convaincu de la culpabilité de la prévenue. Invoquer une autre thèse théoriquement possible comme le fait l’appelante ne suffit pas pour être acquitté au bénéfice du doute.
3.3.9
L’appelante soutient que le premier juge aurait également violé la présomption d'innocence en considérant les recettes inexpliquées comme un indice de culpabilité. Il aurait dû au contraire remarquer « l’élément à décharge » résultant du fait que seul un versement – de 700 fr. - sur l'un de ses comptes pouvait correspondre à une sortie inexpliquée de 760 francs.
Ce grief doit être écarté. Le fait que la prévenue bénéficie de revenus dont elle n'arrive pas à justifier la provenance est suspect. A lui seul, il ne permet certes pas de tirer de conclusions, mais rapproché des autres éléments du dossier, il dessine en l’occurrence un tableau cohérent de culpabilité.
Quant à l'absence de versements, sur les comptes de la prévenue, correspondant aux sorties inexpliquées de la caisse de réception, on ne peut rien en déduire, dans tous les cas pas un « élément à décharge » : rares sont les voleurs qui reversent sur leur compte bancaire le produit de leurs méfaits qui en deviendraient d'autant plus faciles à établir et encore plus rares ceux qui le feraient au franc près.
3.3.10
L'appelante relève que les experts ont conclu qu'il ne leur était pas possible d'établir s'il y avait eu des prélèvements dans la caisse de la réception, au détriment de la plaignante, ce qui devrait selon elle «
suffire à prononcer
» son acquittement.
Ce grief est également infondé : le fait que les experts n'aient pas pu, d'un point de vue comptable, constater des prélèvements indus, ne signifie pas pour autant qu'ils n'existent pas.
Il est frappant de constater qu'avant l'engagement de la prévenue, il y avait, selon les chiffres enregistrés dans la caisse principale, plus de tickets vendus que de tickets facturés par les restaurateurs, ce qui signifie que les employés ne les utilisaient pas, ou pas tout de suite. Et le total cumulé ne cessait d'augmenter. Tel a été le cas durant les années 2000 à mars 2003. A partir du mois d'avril 2003, soit un mois après l’engagement de la prévenue, la tendance s'est nettement inversée. Il y a eu plus de tickets facturés que de tickets vendus, et l'écart n’a fait que se creuser jusqu'en 2008. Il y a alors un manco cumulé de 7'233 tickets que l'utilisation éventuelle du surplus cumulé à fin février 2003, de 574 unités, n'explique pas (cf. tableau en p. 36 du jugement). La dernière page de la pièce 4 compare par ailleurs le nombre de tickets-restaurant vendus selon la comptabilité de la caisse principale (3'200) et selon la caisse de la réception (4'100). Il y a forcément eu soustraction de tickets et/ou de leur prix, et ce avant enregistrement dans la caisse principale. Le problème se situe donc bien au niveau de la caisse de la réception.
Avec le premier juge, on peut considérer que la culpabilité de la prévenue n'est pas douteuse. Elle avait accès au quotidien à l'argent de la caisse de la réception. Elle répondait également de sa tenue et avait donc la première intérêt à ce que l'ébauche de comptabilité soit exacte. Le nombre d'écritures de sortie ne correspondant pas à des entrées dans la caisse principale, durant des temps où elle était présente, exclut l'hypothèse d'erreurs d'un remplaçant et rend totalement invraisemblable la thèse d'un voleur tiers.
3.3.11
L’appelante soutient que le retrait de plainte intervenu le 28 octobre 2015 constitue un élément nouveau dont il faut tenir compte dans le cadre de l’examen de sa culpabilité.
Cet argument n’est pas déterminant. Le retrait de plainte et la signature de la convention du 28 octobre 2015 ne sauraient être interprétés comme une reconnaissance de la plaignante d’une erreur d’appréciation ou d’un doute quant à la culpabilité de la prévenue. Le fait que l’appelante n’ait pas été licenciée avec effet immédiat pas davantage. Non seulement Y._ SA n’a fait aucune déclaration en ce sens et la teneur de la convention n’indique rien de tel, mais cet accord doit avant tout être replacé dans son contexte, dès lors qu’il est intervenu alors que les parties étaient également opposées devant la Cour civile.
3.3.12
L'appelante fait valoir que le total des détournements retenus serait erroné.
Il s’agit du seul argument fondé. Le Tribunal de police a retenu seize détournements de 760 fr., ce qui fait un total de 12'160 fr. et non de 12'360 francs.
3.4
En définitive, hormis le total des montants détournés, on ne distingue aucune constatation erronée des faits. Il ne fait aucun doute que la prévenue est à l’origine des seize écritures fictives qui ont été portées au tableau de la caisse de la réception, et ce dans le but de masquer les prélèvements indus qu’elle a effectués au détriment de son employeur.
C’est par conséquent à juste titre qu’elle a été condamnée pour abus de confiance. A cet égard, l’appréciation juridique du Tribunal de police, à laquelle il peut être renvoyé, est correcte et n’a par ailleurs pas été remise en cause par l’appelante.
4.
L'appelante ne conteste la peine prononcée à son encontre qu'en lien avec les moyens tendant à obtenir son acquittement. Or l’infraction retenue à sa charge est confirmée. Examinée d’office, la Cour d’appel considère que la peine pécuniaire prononcée assortie d’un sursis a été fixée en application des critères légaux à charge et à décharge et conformément à la culpabilité de D._ (jgt., pp. 50-51).
5.
Aux termes de la convention du 28 octobre 2015, Y._ SA a renoncé à ses prétentions civiles, ainsi qu’à l’allocation de dépens. Les chiffres III et IV du dispositif du jugement attaqué seront en conséquence supprimés.
6.
Compte tenu de sa condamnation, c'est à bon droit que les frais de première instance ont été mis à la charge de la prévenue et que toute indemnité fondée sur l'art. 429 CPP lui a été refusée.
7.
En définitive, l’appel formé par D._ doit être rejeté, le seul grief admis n’ayant aucune incidence sur sa culpabilité. Il sera pris acte de la convention du 28 octobre 2015 valant retrait de plainte et règlement des prétentions civiles. Le jugement rendu le 8 juin 2015 par le Tribunal de police de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois sera modifié dans le sens des considérants qui précèdent.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, par 4'622 fr. 40, constitués en l’espèce de l'émolument d’arrêt, par 2’160 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), et de l’indemnité allouée au défenseur d’office seront supportés par D._ (art. 428 al. 1 CPP), qui ne sera tenue de rembourser à l’Etat l’indemnité allouée à son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra.
Selon la liste des opérations produite à l’audience d’appel, 34.4 heures ont été consacrées à la défense des intérêts de l’appelante pour la procédure d’appel, audience non comprise. Cette durée est excessive. Le temps annoncé comprend en particulier 10 heures pour l’élaboration de la déclaration d’appel et 15 heures pour la préparation des débats, ce qui est exagéré puisque le défenseur d’office, qui était déjà conseil en première instance, connaissait le dossier. Cela étant, c’est une durée de 12 heures qui sera admise pour toutes choses, à laquelle il faut ajouter une vacation forfaitaire de 120 francs. Me Nicolas Rouiller n’a réclamé aucun débours. L’indemnité qui lui sera allouée pour la procédure d’appel sera dès lors arrêtée à 2'462 fr. 40, TVA incluse. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6c783c34-ba3e-4015-ba8d-8c50a70570d7 | En fait :
A.
Par jugement du 25 janvier 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a pris acte du retrait de la plainte et libéré Z._ des accusations de dommage à la propriété et menaces (I), constaté que Z._ s'est rendu coupable de lésions corporelles simples qualifiées et mise en danger de la vie d'autrui (II), révoqué le sursis de deux ans assortissant la condamnation à nonante jours-amende à 20 francs, prononcée le
7 novembre 2008 par le Juge d'instruction du Nord vaudois contre Z._ (III), condamné Z._ à la peine d'ensemble de vingt-sept mois de peine privative de liberté, sous déduction de 442 jours de détention avant jugement (IV), ordonné la poursuite du traitement institutionnel déjà commencé par Z._ (V), ordonné la confiscation et la dévolution à l'Etat d'un marteau et d'un maillot, versés au dossier comme pièces à conviction sous fiche n° 13033/10 (VI), ordonné la confiscation et la dévolution à l'Etat d'un couteau de cuisine, séquestré sous fiche n° 12964/10 (VII), mis les frais par 19'070 fr. 35 à la charge de Z._ (VIII) et dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité de 6'800 fr. allouée au défenseur d'office de Z._, l'avocat Florian Ducommun, sera exigible pour autant que la situation économique de Z._ se soit améliorée (IX).
B.
Le 30 janvier 2012, Z._ a formé appel contre ce jugement. Dans sa déclaration d'appel motivée du 20 février 2012, il a conclu à la réforme du jugement en ce sens qu'il est astreint à un traitement ambulatoire consistant en un traitement aversif de type Antabus, en un traitement psycho-éducatif de l'Unité socio-éducative du CTA, un contrôle de l'abstinence par le médecin traitant, une pharmacie ou le CMS et un suivi psychiatrique avec la Dresse [...] du Secteur psychiatrique Ouest en lieu et place du traitement institutionnel ordonné (I), et que le sursis de deux ans assortissant la condamnation à nonante jours-amende à 20 fr., prononcée le 7 novembre 2008 par le Juge d'instruction du Nord vaudois à son encontre n'est pas révoqué. A titre de mesures d'instruction, l'appelant a en outre requis l'assignation et l'audition de deux témoins, à savoir R._ et la Dresse [...].
Le Ministère public n'a présenté ni demande de non-entrée en matière ni appel joint. Il a conclu au rejet de l'appel.
Par courrier du 8 mars 2012, le Président de la Cour d'appel pénale a informé les parties qu'il refusait d'assigner les deux témoins requis pour le motif que les conditions de l'art. 389 al. 2 CPP n'étaient pas remplies.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Z._ est né le 26 août 1964 à Prijedor, en Bosnie-Herzégovine. Ressortissant bosniaque, il a été élevé par ses parents dans sa ville natale. A l’issue de sa scolarité obligatoire, il a acquis une formation de monteur de grues, métier qu'il a pratiqué pendant environ cinq ans. Il a ensuite ouvert un petit bar dans la maison familiale, qu'il a exploité pendant deux ans environ. Lorsque la guerre avec la Serbie a éclaté, il a été fait prisonnier par les Serbes et a passé deux ans dans un camp. Il a été victime de torture et a été le témoin d'exactions. En 1992, il est venu rejoindre son frère à Bâle. En août 1994, sous l'effet de l'alcool, il est tombé d'un balcon du troisième étage et a souffert d'une rupture de l’aorte. Depuis lors, il a d’importants problèmes de santé et bénéficie d'une rente complète de l'assurance-invalidité de 194 fr. par mois, à laquelle s'ajoute un montant mensuel de 1'955 fr. à titre de prestations complémentaires. Depuis plusieurs années il est sous tutelle. Son tuteur est le directeur du Foyer [...] à [...],L._. Une demande de subside pour l’assurance maladie, déposée par son tuteur, est toujours en cours. Z._ dispose d’environ 5'000 fr. sur un compte bancaire. Il a cependant des dettes pour un montant de quelque 30'000 francs. Marié en novembre 1992, il est le père de deux enfants, nés respectivement en 1993 et 1997. Le couple s'est toutefois séparé en 1999 et le divorce a été prononcé le 27 août 2010 par le Tribunal civil de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois. Il ne verse pas de pension pour ses enfants qui perçoivent cependant des rentes ordinaires pour enfant de l’AI, ainsi que des prestations complémentaires.
Z._ a fait l'objet de deux expertises psychiatriques les 22 août 2001 et 19 octobre 2005, dans deux affaires précédentes. Il a été hospitalisé en milieu psychiatrique à vingt-deux reprises entre 1999 et 2008. Au milieu des années 2000, il a été placé au Foyer [...] à [...] et s'est vu nommer un tuteur en la personne de L._, directeur du Foyer. Pendant trente mois, sa dépendance à l’alcool a pu être contenue grâce à un traitement aversif d'Antabus. Il a toutefois interrompu ce traitement de son propre chef environ un mois avant les faits de la présente affaire, pour le motif que ce traitement provoquait des douleurs dans les jambes, le dos et la tête. Il fait l'objet d'un suivi médico-psychiatrique et psychothérapeutique à la Policlinique psychiatrique de Morges depuis le mois d'octobre 2010.
Le 29 novembre 2010, un entretien de réseau a eu lieu à la prison de la Croisée à Orbe, réunissant divers professionnels ayant eu à intervenir dans le traitement psychothérapeutique et la prise en charge de Z._. A la suite de cet entretien de réseau, les Drs J._ et M._ ont souligné que, sur le plan strictement thérapeutique, les intervenants avaient estimé qu'une prise en charge ambulatoire n'était pas suffisante, un cadre de prise en charge résidentiel apparaissant comme une étape alors indispensable pour assurer les soins et le soutien le plus approprié à Z._ (Pièce 30).
Le casier judiciaire suisse de Z._ fait état des trois condamnations suivantes:
- 14 mai 2002, Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois, cinq mois d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans pour incendie intentionnel, ivresse au volant et contravention à l'article 99 alinéa 3 LCR. Le 20 février 2007, le délai d'épreuve a été prolongé de dix-huit mois;
- 20 février 2007, Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois, trois mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans pour menaces;
- 7 novembre 2008, Juge d'instruction du Nord vaudois, nonante jours-amende à 20 fr. le jour avec sursis pendant deux ans pour abus de confiance, peine complémentaire à celle du 20 février 2007.
Dans le cadre de la présente affaire, Z._ a été soumis à une nouvelle expertise, qui a été confiée au Dr N._, médecin au Secteur psychiatrique Nord à Yverdon-les-Bains. Dans son rapport du 9 décembre 2010, l'expert a posé les diagnostics de modification durable de la personnalité après une expérience de catastrophe, syndrome post-commotionnel, trouble dépressif récurrent et syndrome de dépendance à l'alcool, utilisation continue. S'agissant du risque de récidive, il l'a estimé important tout en précisant que ce risque pouvait être grandement diminué par la réintroduction d'un traitement aversif sous le contrôle du médecin généraliste. Il a en outre estimé nécessaire la reprise d'un suivi psychiatrique à l'UPA d'Yverdon-les-Bains ainsi qu'un traitement ambulatoire. L'expert a ajouté que la capacité de Z._ d’apprécier le caractère illicite de ses actes était conservée, mais qu'en revanche, sa capacité de se déterminer d’après cette appréciation était réduite de façon modérée en raison de sa grave pathologie (Pièce 31 pp. 8 ss). Aux débats de première instance, l'expert a précisé avoir écarté l'opportunité d'un traitement institutionnel au profit d’un seul traitement ambulatoire dans la mesure où à l'époque, Z._ était sevré d’alcool et que son état psychiatrique paraissait stable en raison de l’encadrement dont il bénéficiait. Il a toutefois relevé que s'il devait reprendre ses conclusions, il ne pourrait le faire sans nouvel entretien avec l'intéressé, et cela en prenant en considération le temps que ce dernier avait passé à l’EMS les Myosotis".
Selon une attestation du 25 janvier 2012 du Dr [...] et de la Dresse [...], de la Policlinique psychiatrique de Morges, Z._ montre une bonne alliance thérapeutique et une bonne observance du traitement psychopharmacologique, soit un traitement antidépresseur et neuroleptique. Sur le plan clinique, les médecins observent une évolution favorable de son état psychique, l'intéressé faisant preuve d'une intégration progressivement favorable à son nouveau lieu de vie et au cadre strict de l'établissement (Pièce 68).
Pour les besoins de l'enquête, Z._ a été placé en détention avant jugement du 1
er
juillet 2010 au 15 septembre 2011, soit pendant 442 jours. Depuis le 15 septembre 2011, il est en exécution anticipée de mesure à l'EMS "Les Myosotis", à Montherod.
2. a)
Le vendredi 11 juin 2010, vers 14h25, au Jardin japonais à Yverdon-les-Bains, Z._ a pris à partie D._, l'accusant d'avoir dérobé un collier que ses enfants lui avaient offert. Au cours de l'altercation qui s'en est suivie, il a frappé D._ à la tête au moyen d'un marteau enroulé dans un maillot.
D._ a subi une fracture de l'os malaire droit, une fracture des parois latérale et antérieure du sinus droit, avec atteinte du canal du nerf infra-orbitaire, et une plaie du lobe de l'oreille droite. Il a été hospitalisé durant sept jours pour une antibiothérapie par voie intraveineuse.
Le test à l'éthylomètre pratiqué sur Z._ a révélé une alcoolémie de 3,61 g ‰ à 14h30, alors que celui pratiqué sur D._ à 14h35 a révélé une alcoolémie de 2,70 g ‰. Ce dernier n'a pas déposé plainte et n'a pas été entendu.
b)
Le mercredi 30 juin 2010, vers 18h40, alors qu'il traversait la cour du collège [...] à [...],Z._, qui était sous l'influence de l'alcool, s'est approché des jeunes P._, né le 21 janvier 1996, et X._, né le 25 juillet 1996, qui discutaient en compagnie du fils de leur institutrice, S._, âgé de 8 ans. Z._ a essayé d'attraper par la nuque X._, qui était assis sur le vélomoteur de P._, mais l'adolescent est parvenu à se dégager et à prendre la fuite.
Dans un premier temps, P._ s'est également éloigné en courant. Il est toutefois revenu sur ses pas pour s'interposer lorsqu'il s'est rendu compte que Z._ risquait de s'en prendre au fils de son institutrice. A ce moment-là, le prévenu a saisi P._ par les cheveux, derrière la tête, au moyen de la main droite, tout en menaçant l'adolescent de le tuer, puis il a sorti avec la main gauche un couteau de cuisine qu'il portait derrière son dos, à la taille de son pantalon. Il a tenté de poignarder P._ au flanc droit. Ce dernier est toutefois parvenu à retenir le coup en saisissant la main gauche du prévenu, non sans se blesser lui-même à la main droite avec la lame du couteau. P._ a subi une plaie d'environ 5 cm au niveau de la face palmaire de la main droite.
Alertés par X._, l'institutrice et le père d'un autre élève sont intervenus, ordonnant à Z._ de lâcher P._. Le prévenu s'est exécuté. Il a cependant proféré de nouvelles menaces de mort à l'encontre de X._ et de P._. Avec son couteau, il a crevé les pneus du vélomoteur de P._.
Z._ a finalement été interpellé par une patrouille de la police municipale. Il a tenté de se débarrasser de son couteau de cuisine en le jetant dans une haie. Le couteau a été séquestré sous fiche n° 12964/10 par ordonnance du 2 juillet 2010.
La prise de sang effectuée le 30 juin 2010 à 21h50 sur Z._ a révélé une alcoolémie de 1,75 g ‰, taux le plus favorable. Selon le calcul rétrospectif de l'Institut de chimie clinique, le taux était de 1,93 g ‰ à 18 h 45 (P. 20). L'analyse a également révélé la présence de benzodiazépines (P. 26).
A l'audience du 25 janvier 2011, P._ et X._ ont retiré leur plainte, respectivement déposée le 30 juin 2010 et le 2 juillet 2010, à l'encontre du prévenu. P._ n'a pas pris de conclusions civiles contre Z._. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP). L'appel joint doit être interjeté dans un délai de vingt jours dès la réception de la déclaration d'appel (art. 400 al. 3 CPP).
Toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l’annulation ou à la modification d’une décision a qualité pour recourir contre celle-ci (art. 382 al. 1 CPP).
Interjeté dans les forme et délai légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel de Z._ suffisamment motivé au sens de l’art. 399 al. 3 et 4 CPP, est recevable. Il convient donc d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
3.
Dans un premier moyen, Z._ s'en prend à sa condamnation pour lésions corporelles simples qualifiées. Selon lui, les preuves n'étaient pas suffisantes pour le confondre comme étant l'auteur des coups de marteau portés à la tête de D._.
3.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble
de la procédure (al. 2). La présomption d'innocence, également garantie par
les art. 14 par. 2 Pacte ONU, 6 par. 2 CEDH et 32 al. 1 Cst., ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (TF 6B_91/2011 du 26 avril 2011 c. 3.2; ATF 120 Ia 31 c. 2c;
TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38, c. 2a). Un faisceau d'indices peut toutefois suffire (Piquerez/Macaluso, Procédure pénale suisse, 3
ème
éd., 2011, n. 574).
3.2
En l'occurrence, les premiers juges ont fondé leur conviction sur un état de fait conforme aux pièces du dossier. Ils ont retenu que l'appelant avait, dans un premier temps, admis avoir frappé son protagoniste mais à coups de poing et pas avec un marteau, avant de ne plus s'en souvenir; que l'appelant avait un mobile pour agir; qu'il était coutumier des objets dangereux et enfin, que les lésions subies par la victime étaient compatibles avec un coup de marteau et pas avec un coup de poings (jgt., p. 16).
La cour de céans relève en outre que le lésé, qui est un ami de l'appelant, l'a désigné comme étant l'auteur de l'agression précisant qu'il avait utilisé un marteau pour le frapper (jgt., p. 15).
Compte tenu de ce qui précède, les éléments sur lesquels s'est fondé le tribunal pour asseoir sa conviction sont pertinents et la motivation des premiers juges est exempte de critique. La version unilatérale de l'appelant n'y change rien. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté et le jugement confirmé sur ce point.
4.
Z._ considère que les premiers juges se sont écartés des conclusions de l'expertise s'agissant du choix de la mesure. Ils ont ainsi, selon lui, ordonné un traitement institutionnel en lieu et place du traitement ambulatoire préconisé par l'expert, sans toutefois justifier ce choix.
4.1
4.1.1
Conformément à l'art. 56 al. 6 CP, une mesure dont les conditions ne sont plus remplies doit être levée. Comme son prononcé suppose qu'elle soit propre à détourner l'auteur de la commission de nouvelles infractions en relation avec son grave trouble mental (cf. art. 59 al. 1 let. b CP), une mesure thérapeutique institutionnelle ne peut dès lors être maintenue que si elle conserve une chance de succès, ainsi que le prévoit du reste l'art. 62c al. 1 let. a CP. Au contraire de l'internement, qui consiste principalement à neutraliser l'auteur, la mesure thérapeutique institutionnelle cherche à réduire le risque de récidive par une amélioration des facteurs inhérents à l'intéressé (cf. ANDREA BAECHTOLD, Exécution des peines, 2008, p. 316). Il s'ensuit que, pour qu'une mesure thérapeutique institutionnelle puisse être maintenue, c'est le traitement médical, non la privation de liberté qui lui est associée, qui doit conserver une chance de succès du point de vue de la prévention spéciale. Une mesure thérapeutique institutionnelle ne saurait être maintenue au seul motif que la privation de liberté qu'elle comporte a pour effet d'empêcher l'auteur de commettre de nouvelles infractions. Sinon, ne cherchant plus à réduire le risque de récidive par le traitement de l'auteur, mais uniquement par la neutralisation de celui-ci, elle ne se différencierait plus de l'internement, mesure qui n'est admissible qu'aux conditions prévues à l'art. 64 CP. Certes, la notion de traitement médical doit être entendue largement. Même la simple prise en charge de l'auteur dans un milieu structuré et surveillé accompagnée d'un suivi psychothérapeutique relativement lointain constitue un traitement, si elle a pour effet prévisible d'améliorer l'état de l'intéressé de manière à permettre, à terme, sa réinsertion dans la société (ATF 137 IV 201 c. 1.3 et les références citées).
4.1.2
A teneur de l'art. 59 al. 1 CP, lorsque l'auteur souffre d'un grave trouble mental, le juge peut ordonner un traitement institutionnel s'il a commis un crime ou un délit en relation avec ce trouble (let. a) et s’il est à prévoir que cette mesure le détournera de nouvelles infractions en relation avec ce dernier (let. b).
Pour ordonner une mesure thérapeutique prévue aux art. 59 à 61 et 63 CP, le tribunal doit se fonder sur une expertise qui doit se déterminer sur la nécessité et les chances de succès d'un traitement, sur la vraisemblance que l'auteur commette d'autres infractions et sur la nature de celles-ci, ainsi que sur les possibilités de faire exécuter la mesure (art. 56 al. 3 CP). Le juge n'a pas à substituer son appréciation à celle de l'expert. Il ne peut s'écarter du résultat d'une expertise judiciaire sans motifs déterminants, soit lorsque aucune circonstance bien établie n'ébranle sérieusement la crédibilité du rapport (TF 6B_950/2009 du 10 mars 2010, c. 2; ATF 122 V 157 c. 1c ; ATF 119 Ib 254 c. 8a ).
La dangerosité de l'auteur constitue une condition pour le prononcé de mesures. Présente ce caractère le délinquant dont l'état mental est si gravement atteint qu'il est fortement à craindre qu'il commette de nouvelles infractions. Lors de l'examen du risque de récidive, il convient de tenir compte de l'imminence et de la gravité du danger, ainsi que de la nature et de l'importance du bien juridique menacé. Lorsque des biens juridiques importants, tels que la vie ou l'intégrité corporelle, sont mis en péril, il faut se montrer moins exigeant quant à l'imminence et à la gravité du danger que lorsque des biens de moindre valeur, tels que la propriété ou le patrimoine, sont menacés. A cet égard, il convient de ne pas perdre de vue qu'il est par définition aléatoire et difficile d'évaluer le degré de dangerosité d'un individu. Mais, s'agissant de la décision sur le pronostic, le principe
in dubio pro reo
n'est pas applicable (TF 6B_950/2009 du 10 mars 2010, c. 3.2 et les références citées;
ATF 127 IV 1 c. 2a). En définitive, le choix de la mesure est l'affaire du juge, non celle du médecin (Roth/Thalmann, Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, n. 41 et ss ad art. 56 CP).
4.2
En l'occurrence, l'appelant fait une lecture inexacte du jugement lorsqu'il affirme que les premiers juges se sont écartés de l'expertise. L'expert a certes préconisé un traitement ambulatoire plutôt qu'un traitement institutionnel mais il ne l'a pas exclu, indiquant – s'agissant de ce type de traitement – qu'il s'agissait "d'une option qui est possible et qui privilégie la prudence" (jgt., p. 5).
Tout en penchant pour un traitement ambulatoire, l'expert n'a pas exclu un traitement institutionnel, ce qui laissait une plus grande latitude aux premiers juges pour déterminer le type de traitement à prononcer. Selon l'expert, l'appelant est exposé à la récidive de façon importante (jgt., p. 20), ses antécédents pénaux et la présente affaire démontrent qu'il est coutumier de la violence contre autrui. Il
est dangereux et a besoin de soin. Enfin, l'opinion des premiers juges, qui
privilégie le traitement institutionnel, s'appuie sur les conclusions du réseau tenu le 29 novembre 2010, auquel ont notamment participé deux psychiatres, le médecin traitant et un infirmier en soins psychiatriques, l'expert reconnaissant que la plupart de ces personnes connaissent probablement mieux l'appelant que lui (jgt., p. 5).
L'appelant perd également de vue que l'expertise s'est déroulée dans des conditions favorables. En effet, ce dernier bénéficiait d'un cadre strict et a pu, dans un tel cadre, se montrer sous son meilleur jour, ce qui n'a pas été sans influence sur les conclusions de l'expertise, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges (jgt., p. 25). Or, un traitement ambulatoire ne peut offrir un cadre aussi contraignant, ce qui exposera dès lors l'appelant à la récidive, comme le reconnaît d'ailleurs l'expert lorsqu'il relève que "en cas de récidive, il existerait toujours la possibilité d'une hospitalisation ou d'un placement" (jgt., p. 5).
Les critiques de l'appelant ne sont dès lors pas pertinentes. L'appelant représente un danger pour autrui, il a besoin de soin et d'une prise en charge dans un cadre strict. Le choix d'un traitement institutionnel s'avère dès lors approprié, d'autant plus que cette prise en charge s'avère bénéfique (P. 68). L'argumentation des premiers juges sur ce choix est convaincante et l'évolution favorable qui se dessine depuis quelques mois seulement est le signe qu'ils ne se trompent pas (jgt., p. 24) et qu'un traitement ambulatoire serait prématuré. Partant, ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
5.
L'appelant reproche aux premiers juges de ne pas avoir imputé la période de traitement institutionnel exécuté à titre d'exécution anticipée de la mesure, soit 133 jours (du 15 septembre 2011 au 25 janvier 2012) et non 101 jours comme il le prétend.
5.1
Aux termes de l'art. 57 al. 3 CP, la durée de la privation de liberté entraînée par l’exécution de la mesure est imputée sur la durée de la peine.
Selon la jurisprudence rendue sous l'empire de l'ancien droit qui conserve son actualité, un séjour effectué volontairement dans un établissement peut être imputé sur la peine si la cure acceptée (avec l'accord tacite ou exprès du magistrat instructeur) devance simplement la mesure que le juge aurait sans cela imposée en lieu et place de la peine.
5.2
En l'occurrence, l'appelant a été placé en détention avant jugement du 1
er
juillet 2010 au 15 septembre 2011, soit pendant 442 jours. Il a par ailleurs intégré l'EMS "Les Myosotis", à Montherod dès le 15 septembre 2011, soit depuis 133 jours, pour exécuter de manière anticipée la mesure prononcée à son encontre.
Le moyen est fondé et il faut dès lors admettre l'appel sur ce point. La peine d'ensemble est ainsi déduite de la détention avant jugement, par 442 jours et par 133 jours au titre d'exécution anticipée de la mesure.
6.
L'appelant considère que les premiers juges auraient dû fixer la peine en fonction de sa responsabilité moyennement diminuée et non en fonction d'une diminution modérée de responsabilité.
6.1
Conformément à l'art. 19 al. 2 CP, le juge atténue la peine si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation.
Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a jugé que la réduction purement mathématique d'une peine hypothétique, comme le permettait l'ancienne jurisprudence, était contraire au système, qu'elle restreignait de manière inadmissible le pouvoir d'appréciation du juge et conduisait à accorder un poids trop important à la diminution de la capacité cognitive ou volitive telle qu'elle a été constatée par l'expert (ATF 136 IV 55).
Dorénavant, pour fixer la peine en cas de diminution de la responsabilité pénale, le juge doit partir de la gravité objective de l'acte (objektive Tatschwere), et apprécier la faute subjective (subjektives Tatverschulden). Il doit mentionner, dans le jugement, les éléments qui augmentent ou diminuent la faute dans le cas concret et qui permettent d'apprécier la faute en relation avec l'acte. Le législateur mentionne plusieurs critères, qui jouent un rôle important pour apprécier la faute et peuvent même conduire à diminuer celle-ci de telle manière qu'il convient de prononcer une peine inférieure au cadre légal ordinaire de la peine. Parmi ceux-ci, figure notamment la diminution de la responsabilité au sens de l'art. 19 CP. Dans ce cas, contrairement à la lettre de la disposition et en modification de la jurisprudence en vigueur (ATF 134 IV 132 c. 6.1), le juge doit décider sur la base des constatations de fait de l'expertise dans quelle mesure la responsabilité pénale de l'auteur doit être restreinte sur le plan juridique et comment cette diminution de la responsabilité se répercute sur l'appréciation de la faute. La faute globale doit être qualifiée et désignée expressément dans le jugement (art. 50 CP). Dans un second temps, il convient de déterminer la peine hypothétique, qui correspond à cette
faute. La peine ainsi fixée peut enfin être modifiée en raison de facteurs liés à l'auteur (Täterkomponente) ainsi qu'en raison d'une éventuelle tentative selon l'art. 22 al. 1 CP. Il s'agit de diminuer la faute et non la peine, la réduction de la peine n'étant que la conséquence de la faute plus légère (TF 6B_238/2009 du 8 mars 2010 consid. 5.5 et 5.7).
Le juge jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour apprécier l'effet d'une responsabilité limitée sur la fixation de la peine. Il n'est pas tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentage l'importance qu'il accorde à cet élément et il ne peut opérer une réduction linéaire de la peine selon un tarif particulier. Du reste, il n'existe pas de méthode scientifique exacte permettant de définir objectivement le taux de réduction de responsabilité, de sorte que la pratique distingue simplement selon que la diminution est légère, moyenne ou grave. Lorsque l'expert évalue le degré de la diminution de la responsabilité, il dispose d'une grande liberté d'appréciation. Cela peut certes constituer un point de départ lors de la fixation de la peine, mais celui-ci doit être affiné en fonction des particularités du cas. En d'autres termes, le juge doit apprécier juridiquement une expertise psychiatrique. Il est libre et n'est pas lié par les conclusions de l'expertise. Il doit aussi tenir compte de la cause de la diminution de la responsabilité (TF 6B_238/2009 du 8 mars 2010 consid. 5.6).
6.2
Dans le cas d'espèce, les premiers juges ont retenu que la culpabilité de Z._ était lourde, relevant à charge qu'il avait sauvagement assommé un ami et s'en était pris à un adolescent qu'il ne connaissait pas, sans motifs compréhensibles, que ses antécédents ne plaidaient pas en sa faveur et qu'il y avait concours d'infractions, le prévenu n'hésitant pas à agresser P._ moins de trois semaines après que la police est intervenue contre lui à la suite de l'agression de D._.
A décharge, le tribunal a pris en considération sa situation personnelle difficile, ainsi qu'une diminution modérée de responsabilité (jgt., p. 23). Le terme "modéré" employé par les premiers juges s'agissant de la diminution de responsabilité de l'appelant est certes équivoque: il peut très bien signifier léger, léger à moyen ou moyen.
Ce terme correspond toutefois aux conclusions finales de l'expert qui a considéré, aux débats de première instance, que la capacité de l'appelant à se déterminer d'après une appréciation conservée du caractère illicite de ses actes était réduite de façon modérée en raison de sa grave pathologie (jgt. p. 5). On ne saurait dès lors faire grief aux premiers juges de s'en être tenu littéralement aux conclusions de l'expert. La quotité de la peine est, au surplus, adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité de l’appelant et de sa situation personnelle. Elle ne relève ni d’un abus ni d’un excès du pouvoir d’appréciation dont jouit l’autorité de première instance, laquelle n’a ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l’art. 47 CP. Ce moyen, mal fondé, doit être rejeté.
7.
L'appelant reproche aux premiers juges d'avoir révoqué le précédent sursis qui lui avait été accordé.
7.1
Selon l'art. 46 CP, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. Il peut modifier le genre de la peine révoquée pour fixer, avec la nouvelle peine, une peine d'ensemble conformément à l'art. 49. Il ne peut toutefois prononcer une peine privative de liberté ferme que si la peine d'ensemble atteint une durée de six mois au moins ou si les conditions prévues à l'art. 41 sont remplies (al. 1). S'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation. Il peut adresser au condamné un avertissement et prolonger le délai d'épreuve de la moitié au plus de la durée fixée dans le jugement. Il peut ordonner une assistance de probation et imposer des règles de conduite pour le délai d'épreuve ainsi prolongé. Si la prolongation intervient après l'expiration du délai d'épreuve, elle court dès le jour où elle est ordonnée (al. 2).
La commission d'un crime ou d'un délit durant le délai d'épreuve n'entraîne pas nécessairement une révocation du sursis. Seul un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné peut justifier la révocation. Cette condition correspond à l'une des conditions d'octroi du sursis, de sorte que, comme dans ce dernier cas, le pronostic à émettre doit reposer sur une appréciation d'ensemble de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances de l'acte, les antécédents et la réputation de l'auteur ainsi que les autres éléments permettant de tirer des conclusions quant au caractère, à l'état d'esprit et aux perspectives d'amendement du condamné, de même que la situation personnelle de ce dernier jusqu'au moment du jugement (TF 6B_855/2010 du 7 avril 2011 c. 2.1; ATF 134 IV 140 c. 4.3; ATF 134 IV 60 c. 7.2). A défaut d'un pronostic défavorable, le juge doit renoncer à celle-ci. Autrement dit, la révocation ne peut être prononcée que si la nouvelle infraction laisse entrevoir une réduction sensible des perspectives de succès de la mise à l'épreuve (TF 6B_1098/2009 du 7 juin 2010 c. 3.3.1; ATF 134 IV 140 c. 4.2 et 4.3). Dans l'appréciation des perspectives d'amendement à laquelle il doit procéder pour décider de la révocation d'un sursis antérieur, le juge doit tenir compte des effets prévisibles de l'octroi ou non du sursis à la nouvelle peine. Il peut parvenir à la conclusion que l'exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. L'inverse est également admissible: si le sursis précédent est révoqué, l'exécution de la peine qui en était assortie peut conduire à nier l'existence d'un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis (TF 6B_458/2011 du 13 décembre 2011 c. 4.1; ATF 134 IV 140 c. 4.5).
7.2
En l'occurrence, l'appelant comparaît pour la quatrième fois devant un juge pénal et a, à chaque fois, été condamné, deux fois sous forme de peine privative de liberté et une fois sous la forme de jours-amende. Les peines précédentes ont toutes été assorties du sursis, ce qui ne l'a pas empêché de récidiver. Il y a eu réitération en cours d'enquête et le risque de récidive a été estimé comme étant important (P. 31 p. 10). Enfin, un traitement institutionnel est nécessaire. Sur la base de ces éléments, les premiers juges étaient fondés à retenir un pronostic défavorable et n'ont pas violé le droit fédéral en révoquant le sursis précédent (jgt., p. 23).
8.
L'appelant considère que les premiers juges ne devaient pas ordonner la mesure et la peine, la peine devant, selon lui, être suspendue au profit de la mesure. L'art. 57 al. 1 CP ne le permet pas. En effet, aux termes de cette disposition, si les conditions sont remplies aussi bien pour le prononcé d’une peine que pour celui d’une mesure, le juge ordonne les deux sanctions. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
9.
En définitive, l'appel est très partiellement admis et le chiffre IV du dispositif du jugement de première instance est modifié en ce sens que Z._ est condamné à la peine d'ensemble de vingt-sept mois de peine privative de liberté, sous déduction de 442 jours de détention avant jugement et de 133 jours au titre d'exécution anticipée de la mesure institutionnelle.
Compte tenu de l'admission très partielle de l'appel sur un point mineur, les frais de la procédure d'appel sont mis à la charge de Z._, à raison
de cinq sixièmes, par 2'141 fr. 65, le solde étant laissé à la charge de l’Etat
(art. 428 al. 1 CPP).
Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 3'164 fr. 40 (trois mille cent soixante-quatre francs et quarante centimes), TVA et débours compris, est mise à la charge de Z._.
L'appelant ne sera tenu de rembourser à l'Etat le montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d'office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6c7f61ca-b38c-40c1-97ab-203d37925603 | En fait :
A.
Par jugement du 16 septembre 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Côte a constaté que Z._ s'est rendu coupable de lésions corporelles simples qualifiées, mise en danger de la vie et rixe (I), l'a condamné à une peine privative de liberté de 30 (trente) mois, sous déduction de 13 (treize) jours de détention avant jugement (II), a suspendu l'exécution d'une partie de la peine portant sur 24 (vingt-quatre) mois et a fixé au condamné un délai d'épreuve de cinq ans (III), a dit que le sursis est subordonné à la mise en place, puis à la poursuite d'un traitement de Z._ en relation avec les troubles psychiques et l'addiction dont il souffre aussi longtemps que l'autorité d'exécution ou les médecins le jugeront nécessaires, ainsi qu'à un contrôle régulier de son abstinence à l'alcool et aux stupéfiants (IV), a dit que Z._ est le débiteur de L._ du montant de 15'000 fr. (quinze mille francs), avec intérêts de 5% l'an dès le 8 novembre 2009, à titre de réparation du tort moral et de T._ du montant de 3'000 fr. (trois mille francs), valeur échue, à titre de réparation du tort moral (V), a donné acte à L._ de ses réserves civiles à l'égard de Z._ pour la réparation de tout autre préjudice (VI), a dit qu'il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à L._ et T._ (VII), a ordonné la confiscation et la destruction du cutter séquestré sous n° 12917/10 (VIII), a mis à la charge de Z._ les frais de la cause par 27'542 fr. 50 (vingt-sept mille cinq cent quarante-deux francs et cinquante centimes), comprenant les frais des défenseurs d'office par 3'282 fr. 60 (trois mille deux cent huitante-deux francs et soixante centimes) pour Me Genillod et 5'600 fr. (cinq mille six cents francs) pour Me Diserens, débours et TVA compris (IX) et a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité allouée à Me Diserens, défenseur d'office, correspondant à un montant de 5'600 fr. (cinq mille six cents francs), TVA et débours compris, ne sera exigible que pour autant que la situation économique de Z._ se soit améliorée (X).
B.
Le 23 septembre 2011, Z._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel du 17 octobre 2011, il a conclu à la modification des chiffres I, II, III, IV et V du dispositif en ce sens qu'il est libéré de l'accusation de mise en danger de la vie, qu'il est condamné à une peine privative de liberté de 18 mois, sous déduction de 13 jours de détention avant jugement, qu'un sursis complet à la peine de 18 mois lui est octroyé, avec un délai d'épreuve de 5 ans, que les règles de conduite assortissant le sursis sont supprimées et que les indemnités en réparation du tort moral sont réduites à 5'000 fr., plus intérêts à 5% l'an pour L._ et à 1'000 fr., valeur échue, pour T._. L'appelant a en outre requis l'audition de l'expert psychiatre Liviu Dan, auteur du rapport d'expertise figurant au dossier.
Par courrier du 21 octobre 2011, le Ministère public a déclaré ne pas présenter de demande de non-entrée en matière, ni déclarer un appel joint.
Le 8 novembre 2011, L._ s'est déterminé sur l'appel de Z._, concluant, sous suite de frais et dépens, au rejet de l'appel.
Par courrier du 29 novembre 2011, le président de la Cour de céans a refusé l'audition aux débats d'appel de l'expert, le Dr Liviu Dan, pour les motifs que son rapport ne nécessitait pas de commentaire ou de compléments oraux et que le traitement de l'appel n'imposait pas l'administration de cette mesure d'instruction.
Par télécopie du 14 février 2012, Z._ a déclaré renoncer à contester le chiffre V du jugement entrepris et retirer sa conclusion y relative.
Par télécopie et courrier du 14 février 2012, Me Matthieu Genillod, se référant à la télécopie de l'appelant du même jour, a informé la Cour de céans qu'il ne participerait pas à l'audience d'appel et a requis la dispense de comparution personnelle de son client, L._.
Par télécopie du 14 février 2012, le président de la Cour de céans a dispensé L._ de comparaître personnellement à l'audience du 15 février 2012.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Z._ est né le 28 septembre 1991. Cadet d'une fratrie de deux, il a suivi l'école enfantine, puis sa scolarité primaire et secondaire en section VSG, à Cossonay. Il a ensuite effectué un apprentissage de mécanicien à Boussens. Il a redoublé sa deuxième année d'apprentissage, puis a finalement terminé cette formation en juillet 2011 par l'obtention d'un CFC de mécanicien en maintenance automobiles et véhicules utilitaires. Depuis le 14 novembre 2011, l'appelant effectue un mandat de durée indéterminée en qualité de mécanicien d'entretien pour le compte des ateliers CFF à Yverdon, client de l'agence de placement qui l'emploie. Il déclare réaliser un revenu mensuel net de l'ordre de 3'800 fr. pour cette activité. Il vit chez ses parents, leur verse une pension de 400 fr. par mois et assume ses frais de déplacement pour se rendre au travail. L'appelant n'a pas de fortune ou de dette particulière.
Le casier judiciaire de Z._ ne comporte aucune inscription.
En cours d’instruction, Z._ a été soumis à une expertise psychiatrique. Dans leur rapport du 19 octobre 2010, les experts retiennent en substance que Z._ souffre d’un trouble de la personnalité de type mixte, avec traits dyssociaux, narcissiques et immatures, et d'une dépendance à l'alcool et au cannabis, utilisation épisodique, de type dipsomanie. Ce trouble peut être considéré comme difficile à traiter, dans la mesure où le prévenu se remet peu en question, dans le sens qu'il ne reconnaît pas directement souffrir de difficultés psychologiques. Ce trouble mental implique que Z._ ne respecte pas les règles et les contraintes sociales, ce qui se traduit par des passages à l'acte, des difficultés à tirer un enseignement des sanctions, et tente de fournir des justificatifs à ses comportements. En tenant compte du trouble mental constaté et de l'effet de l'alcool, les experts considèrent que la faculté du prévenu d'apprécier le caractère illicite de son acte et de se déterminer d'après cette appréciation était restreinte dans une mesure légère au moment des faits. Z._ se reconnaît en effet conscient du caractère illicite de ses actes en dehors des périodes d'alcoolisation, avec cependant une tendance à la banalisation. Il est aussi conscient de sa perte de contrôle, mais il persévère à s'alcooliser et à se mettre en danger. Les experts estiment encore que le risque de récidive est important de par la nature même du trouble présenté par l'intéressé (notamment sa difficulté à apprendre des sanctions et son incapacité à se remettre en question) et ont indiqué qu’il était difficile de se déterminer sur la nature de nouvelles infractions qui pourraient être commises par le prévenu, notamment sur une éventuelle aggravation des délits, selon la situation dans laquelle il pourrait se retrouver. Bien que l'on note chez Z._ une discrète émergence de la crainte de sanctions, il peine à reconnaître les limites qui sont imposées par la loi. On peut donc craindre, dans ces conditions, une récidive des délits, notamment sous l'influence de l'alcool. La pathologie psychiatrique de l'intéressé est ainsi difficile à traiter, dans la mesure où il ne se remet pas véritablement en question (dans le sens de reconnaître qu'il souffre de difficultés psychologiques). Les actes punissables sont en relation avec ce trouble. Ce trouble répond peu à la psychothérapie. Néanmoins, pour réduire le risque de récidive, il semble important de proposer l'instauration d'un travail psychothérapeutique. Dans le cas d'un échec d'une prise en charge ambulatoire, l'expertisé pourrait bénéficier d'une sanction plus répressive lui permettant d'avoir un cadre, des limites claires et éventuellement un encadrement thérapeutique s'il en faisait la demande. Il faut cependant noter que les chances de succès de ces mesures sont relativement faibles, l’expertisé n’ayant pas de conscience morbide réelle. Les experts préconisent un traitement ambulatoire à visée d’une reprise évolutive. S'il devait y avoir récidive, cela signerait l'échec du suivi ambulatoire et il faudrait éventuellement préconiser une sanction plus coercitive. Le traitement ambulatoire pourrait s'effectuer auprès d'une unité de psychiatrie ambulatoire, avec des entretiens psychiatriques et psycho-éducatifs. Selon les experts, le prévenu, réticent dans un premier temps, dit être disposé à se soumettre à ce traitement, mais sa réponse reste évasive. Ils pensent toutefois que le traitement reste indiqué, mais les chances de succès amoindries par son attitude et le peu de conscience morbide. Le traitement ambulatoire ne serait pas entravé dans son application ou ses chances de succès par l'exécution d'une peine privative de liberté. En outre, Z._ présente une dépendance à l'alcool et au cannabis, mais il semble utiliser ces substances de façon épisodique mais massive (dipsomanie). Un traitement psychiatrique ambulatoire de son trouble mental (addictions et trouble de la personnalité) est recommandé. Le traitement des addictions est susceptible de réduire le risque de récidive, mais les chances de succès sont faibles vu que l'expertisé ne reconnaît aucune dépendance et n'a pas de conscience morbide. Le succès d'un traitement d'une toxicodépendance débute par une prise de conscience et passe par une remise en question et une réelle motivation à arrêter l'abus de ces substances. Vu que la consommation d'alcool et de cannabis du prévenu semble être limitée à une consommation épisodique, celle-ci ne semble pas nécessiter de placement en foyer pour personnes atteintes d'une dépendance continue, mais plutôt une prise en charge psychothérapeutique ambulatoire de ses dépendances, si l'expertisé en fait la demande. Les experts ne préconisent pas de mesures d'éducation au travail pour les jeunes adultes : ils ne pensent pas qu'un placement dans un tel établissement soit indiqué. Il serait erroné de croire que sa pathologie psychiatrique puisse se soigner ou évoluer par simple accroissement de ses connaissances professionnelles ou de l'affermissement de soi.
2.
À Cuarnens, dans le cadre du bal de la jeunesse, dans la nuit du 7 au 8 novembre 2009, une première bagarre entre T._ et B._ est survenue aux environs de minuit. Des coups ont été échangés et une partie de "l'équipe de Penthalaz/Cossonay" a prêté main forte à B._, dont Z._. Ce dernier a porté plusieurs coups de cutter à T._ lui causant une blessure sous le coude gauche, une estafilade sur les côtes côté gauche, ainsi que des coupures sur le t-shirt à trois endroits.
Selon le constat médical du 18 janvier 2010, T._ a subi une plaie au bras gauche dans la région du coude, une perforation tympanique et des dermabrasions multiples; sa vie n'a pas été gravement mise en danger et des cicatrices pourraient subsister. T._ a déposé plainte et s'est porté partie civile le 8 novembre 2009.
Au cours de la même soirée, mais un peu plus tard, soit aux alentours de 1h30 le 8 novembre 2009, une deuxième bagarre est survenue impliquant N._ et J._ à l'origine, très vite rejoints par L._. Ce dernier, aviné, a plutôt cherché le contact, en injuriant et en se lançant sur ses adversaires. Cela a conduit la personne assurant la sécurité à maîtriser l'intéressé. L'appelant a alors porté un coup de cutter à L._. Le coup a été porté d'un geste rapide et alors que L._ était en mouvement cherchant à se libérer de la prise de l'agent de sécurité. Alarmé par X._, l'agent de sécurité a ensuite relâché son étreinte.
Selon le constat médical du 24 février 2010, L._ a subi des lésions cutanéo-sous-cutanée avec section de la musculature droite et transversale de l'abdomen sur une longueur d'environ 40 cm; les lésions, de nature superficielle, n'ont pas traversé le péritoine et elles n'ont pas mis en danger la vie de L._. Un dommage permanent peut subsister sous la forme de dommage esthétique avec cicatrice abdominale.
L._ a déposé plainte et s'est porté partie civile le 8 novembre 2009.
5.
Z._ a d’abord contesté toute implication. Il a aussi nié s'être muni d'un cutter le soir en question et contesté les premiers témoignages qui le mettaient en cause. L'appelant s’est décrit tout d’abord comme étant à l’extérieur de ces bagarres. Réentendu le 14 janvier 2010, après quelques jours de détention préventive, il a fini par reconnaître être l'auteur des agressions de T._ et L._. Ces aveux se sont opérés en deux temps, dans la mesure où l'appelant a d’abord admis n’être impliqué que dans les premières lésions. Il s’est ensuite ravisé en reconnaissant aussi être l'auteur des suivantes.
Selon la version des faits de l'appelant écartée par les premiers juges, il se serait dirigé vers la victime T._ et l'aurait frappée des poings, dont l'un enserrant le cutter lame déployée. Il affirme ainsi ne pas avoir porté de coups avec le cutter directement, mais avoir simplement donné un ou deux coups de poing avec le cutter serré dans la main.
S'agissant de la deuxième bagarre, Z._ a expliqué que l'agent de sécurité qui maîtrisait L._ l'aurait projeté dans sa direction. Pour parer ce choc, l'appelant soutient avoir tendu, devant lui, le bras prolongé du cutter lame dehors. Quand le contact avec L._ s'est produit, il l'aurait poussé sur le côté pour se dégager. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la notification du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit.
La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour le faire (art. 382 al. 1 CPP) et contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel interjeté par Z._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
Z._ soutient que les premiers juges ont écarté à tort ses explications quant au déroulement des épisodes où il a fait usage de son cutter. Il invoque donc une constatation erronée des faits.
3.1
La constatation des faits est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2
Z._ estime que les premiers juges auraient dû retenir sa version des faits. S'agissant du premier épisode, l'appelant soutient avoir sauté dans la mêlée et que les blessures infligées à la victime sont le résultat de coups de poing enserrant le cutter lame sortie, mais sans intention de couper ou taillader autrui. S'agissant du second épisode, il soutient que la victime a été projetée à son encontre et qu'il a utilisé le cutter pour se défendre en tendant la main devant lui lame dehors, la victime s'étant lacérée le ventre en pivotant ou en se déplaçant latéralement.
Z._ estime que la façon dont il s'est procuré le cutter, soit selon lui en le trouvant par hasard le soir même sur un banc, serait de nature à influer sur l'appréciation du Tribunal s'agissant de ses intentions. En l'occurrence, il importe peu de savoir comment il s'est procuré cet objet, ce qui compte, c'est qu'il s'en soit servi. L'appréciation des premiers juges n'est donc pas critiquable sur ce point.
Z._ critique le fait que les premiers juges sont parvenus à établir comment les deux victimes ont été blessées par l'appelant malgré qu'ils aient admis dans le jugement qu'il demeurait certaines zones d'ombre dans les altercations qui sont intervenues puisqu'aucun témoin n'a pu décrire le déroulement des événements. On ne saurait suivre cet argument. En effet, si les premiers juges ont à juste titre relevé qu'il subsistait des zones d'ombre et qu'il n'était pas possible d'établir dans le détail précisément le rôle et l'implication de chacun, il n'en demeure pas moins qu'en ce qui concerne les faits constitutifs d'infraction, la conviction du Tribunal de première instance n'est pas entachée de doute et repose sur les témoignages constants des deux victimes, ainsi que sur ceux d'autres personnes présentes le soir en question et le tableau des lésions.
S'agissant de la seconde altercation, l'appelant soutient que les premiers juges ne l'ont, à tort, pas suivi dans ses explications, tout en concédant que la lésion constatée sur L._ était mécaniquement compatible avec ses déclarations. Cet argument n'est pas pertinent dans la mesure où les déclarations de l'appelant selon lesquelles il aurait sorti le cutter de sa poche pour le tendre devant lui comme protection sont invraisemblables. Il était étranger à l'altercation entre N._ et L._, ce dernier ayant été maîtrisé et plusieurs agents de sécurité étaient intervenus sur les lieux. Deux tiers ont pu confirmer que la victime était maîtrisée et maintenue par un agent de sécurité lorsque la blessure lui a été infligée. La victime n'a pas été projetée par l'agent qui la maîtrisait. Les déclarations de l'appelant ont donc été écartées sur la base d'autres preuves et indices, notamment des témoignages. Au vu de ce qui précède, l'appréciation des premiers juges n'est pas critiquable.
Enfin, l'appelant conteste que la victime était maîtrisée et maintenue par un agent de sécurité lorsqu'il l'a blessée. L'appelant estime que cette hypothèse est improbable puisque, à tout le moins, les agents de sécurité auraient dû assister à cet acte et y réagir, ce qui ne s'est pas produit. Cet argument n'est à nouveau pas pertinent. En effet, il est parfaitement plausible que l'agent de sécurité qui maîtrisait L._ par derrière en pratiquant sur lui une prise double Nelson n'ait pas vu ou pas réalisé le geste fulgurant de l'appelant lorsqu'il a tailladé le ventre de la victime qui elle-même n'a pas réalisé immédiatement qu'on lui ouvrait l'abdomen. Il en va de même des autres agents de sécurité fort occupés à effectuer diverses interventions en vue d'éviter une bataille rangée. Dès lors, l'état de fait du jugement n'est pas critiquable.
3.3
Au vu de ce qui précède, il n'y a en définitive aucune constatation erronée des faits tels que retenus dans le jugement entrepris. Au contraire, pour forger sa conviction, le Tribunal de première instance a tenu compte des nombreux témoignages qu'il a appréciés avec soin. Il a expliqué de façon complète et détaillée pourquoi il ne pouvait suivre l'appelant dans ses explications s'agissant des blessures qu'il a causées et il convient de confirmer son raisonnement dans son intégralité (cf. jgt., pp. 35 à 40).
Le premier grief soulevé par l'appelant, mal fondé, doit donc être rejeté.
4.
Z._ invoque ensuite une violation de l'art. 129 CP, en ce sens que, dans les deux épisodes précités, le crime de mise en danger de la vie ne serait pas réalisé. Il conteste la mise en danger concrète de la vie en référence aux rapports médicaux, ainsi que sa prétendue absence d'intention et le défaut d'absence particulière de scrupules.
4.1
Selon l'art. 129 CP, celui qui, sans scrupules, aura mis en danger de mort imminent sera puni de la réclusion pour cinq ans au plus ou de l'emprisonnement. La réalisation de cette infraction implique la réunion de conditions objectives, à savoir un danger de mort imminent, et, au-delà de l'intention, d'une condition subjective particulière, à savoir l'absence de scrupules.
4.1.1
Le danger de mort imminent, élément constitutif de l'art. 129 CP, suppose d'abord un danger apparaissant comme très possible ou vraisemblable. Le danger doit être concret, soit la probabilité ou le degré de possibilité que le bien juridique protégé soit lésé doit exister, sans qu'un taux supérieur à 50% ne soit toutefois exigé (Corboz, Les infractions en droit suisse, 3
ème
édition, Berne 2010, n. 11 ad art. 129 CP). Ensuite, il doit s'agir d'un danger de mort. Enfin, ce danger doit être imminent, c'est-à-dire représenter plus qu'une probabilité sérieuse, le danger de mort apparaissant si probable qu'il faut être dénué de scrupules pour négliger sciemment d'en tenir compte. Un danger de mort imminent, au sens de l'art. 129 CP, n'existe donc pas seulement lorsque la probabilité de tuer autrui est plus grande que celle de pouvoir éviter cette mort, mais aussi déjà lorsque naît un degré de possibilité de mort tel que celui qui sciemment n'en tient pas compte se révèle dénué de scrupules (Pozo, Droit pénal, partie spéciale, Genève 2009 n. 612). Par ailleurs, l'imminence comporte un élément d'immédiateté. Selon la formule de Corboz (op. cit. n. 14 ad art. 129 CP), il faut donc en définitive un risque concret et sérieux qu'une personne soit tuée et pas seulement blessée et que ce risque soit dans un rapport de connexité étroit avec le comportement de l'auteur.
En ce qui concerne l'usage d'armes blanches, la jurisprudence (plus restrictive) élaborée en matière de mise en danger de mort dans le cadre d'un brigandage (art. 140 ch. 4 CP) retient ainsi cette circonstance aggravante lorsqu'une lame de couteau est tenue à courte distance de la gorge d'une personne qu'une réaction réflexe ou de panique exposerait à l'égorgement, lorsqu'un auteur tenant un genre de cutter étreint le cou d'une victime, lorsqu'une arme pointue et acérée est tenue brièvement à 10 à 20 cm de la victime affolée, lorsque la lame d'un poignard est posée sur le côté du cou de la victime (Favre, Pellet, Stoudmann, Code pénal annoté, 3
ème
édition, Lausanne 2011, n. 4.5 ad art. 140 CP).
4.1.2
Dans le cas d'espèce, Z._ a donné des coups de cutter à T._, par derrière. La lame a notamment tranché les chairs et le tissu musculaire (cf. jgt., p. 20) dans la région du coude gauche nécessitant 12 points de suture (P. 24 et 31, p. 27). Le tympan gauche a été percé et une estafilade sur les côtes gauche, ainsi que trois coupures sur le T-shirt ont été relevées, soit une derrière le coude et deux sur les côtes (PV d'audition 3, p. 2).
Par ailleurs, l'appelant a entaillé d'un coup de cutter sur environ 40 cm l'abdomen, le côté droit et le dos de L._, lui occasionnant une lésion cutanéo-sous-cutanée avec section de la musculature droite et transverse, sans traverser le péritoine, soit la cavité abdominale (P. 28). Les photos produites montrent que la cicatrice se situe légèrement sous le nombril d'où elle part et qu'elle fait le tour du flanc droit pour remonter d'une quinzaine de centimètres vers le haut du dos (P. 28 et 29).
Les coups de cutter violemment portés par derrière à T._, alors que celui-ci pris à partie se débattait tant bien que mal, donc que la précision, l'ampleur et la force de pénétration des coups ne pouvaient être assurées, au vu de leurs emplacements côté et coude gauches, étaient de nature à déboucher sur une blessure mortelle comme une section d'artère ou la lésion d'organes vitaux enserrés dans la cage thoracique.
Il en va de même du coup de cutter prolongé et déterminé infligé à L._ alors qu'il se débattait pour se soustraire à la prise de l'agent de sécurité. Au lieu de fendre la peau et la musculature, cette éventration horizontale et circulaire remontant vers le haut aurait parfaitement pu être profonde et atteindre, par compression des tissus mous, des organes vitaux situés dans la cavité abdominale ou en bas de la cage thoracique.
Dans les deux cas, le danger de mort imminent doit être manifestement confirmé.
4.1.3
Z._ conteste encore avoir eu l'intention d'exposer autrui à un danger de mort.
L'intention suppose la connaissance de la possibilité que le résultat survienne (Corboz, op. cit., n. 27 ad art. 129 CP). Jouer sauvagement du cutter comme l'appelant l'a fait dans un contexte d'affrontements physiques de jeunes avinés en faisant glisser la lame sur le côté gauche du thorax ou en tailladant la taille de bas en haut implique que les gestes effectués avec détermination et répétés dans la même soirée qui postulent le danger de mort ont été accomplis avec conscience et volonté. Au demeurant, l'appelant a lui-même déclaré sur place qu'il avait "percé" son dernier antagoniste.
L'absence de scrupules ne se discute pas davantage tant le comportement apparaît particulièrement répréhensible, dépourvu de mobile, gratuit autant que délibéré, et marqué d'un profond mépris pour la vie humaine.
4.2
Au vu de ce qui précède, le grief, mal fondé, doit être rejeté.
5.
Aux débats d'appel, l'appelant a soutenu en plaidoirie que l'infraction de rixe ne pouvait être retenue s'agissant de la deuxième altercation en tout cas.
5.1
En vertu de l'art. 399 al. 4 CPP, quiconque attaque seulement certaines parties du jugement est tenu d'indiquer dans la déclaration d'appel, de manière définitive, sur quelles parties porte l'appel, à savoir (a) la question de la culpabilité, le cas échéant en rapport avec chacun des actes; (b) la quotité de la peine; (c) les mesures qui ont été ordonnées; (d) les prétentions civiles ou certaines d'entre elles; (e) les conséquences accessoires du jugement; (f) les frais, les indemnités et la réparation du tort moral; (g) les décisions judiciaires ultérieures.
La déclaration d'appel fixe de manière définitive l'objet de l'appel, en ce sens que l'appelant ne peut plus élargir sa déclaration d'appel à d'autres points au-delà du délai de vingt jours pour déposer la déclaration d'appel (Kistler Vianin, op. cit., n. 21 ad art. 399 CPP).
5.2
En l'occurrence, l'appelant n'a pas soutenu, dans le délai de vingt jours qui lui était imparti pour déposer sa déclaration d'appel, que l'infraction de rixe n'était pas réalisée. Tout au contraire, il a conclu à sa condamnation, notamment pour rixe, à une peine privative de liberté avec sursis. Dès lors, ce grief est irrecevable et doit être écarté.
6.
Z._ fait valoir que la quotité de la peine serait excessive. Il soutient que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas tenu compte de la sincérité de ses regrets.
6.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
6.2
En l'occurrence, les premiers juges ont expressément indiqué qu'ils tenaient compte des excuses formulées par Z._ même si elles avaient paru être un peu de circonstance. Les considérants du jugement sur ce point sont adéquats et correspondent en tous points à la teneur du rapport d'expertise (cf. jgt., p. 50). Par ailleurs, les premiers juges ont soigneusement apprécié la culpabilité et ont tenu compte de tous les éléments à charge et à décharge (cf. jgt., pp. 50 et 51), de sorte, qu'en définitive, la peine n'est pas arbitrairement sévère.
En conséquence, ce grief, mal fondé, doit être également rejeté.
7.
Z._ soutient que le sursis qui lui a été octroyé devait être total et non pas seulement partiel.
En l'occurrence, la quotité de la peine privative de liberté, supérieure à 24 mois, confirmée par la Cour de céans, ne permet pas l'octroi d'un sursis complet.
En conséquence, ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
8.
Enfin, Z._ conclut à la suppression de la règle de conduite, mais n'en indique pas les motifs.
En l'espèce, les premiers juges se sont appuyés sur l'expertise psychiatrique. Le rapport d'expertise (P. 34) retient qu'il semble important de proposer l'instauration d'un travail psychothérapeutique et préconise une mesure sous forme de l'art. 63 CP. Les premiers juges, tenant compte de la discrète émergence de la crainte de sanction chez l'appelant, ont considéré que la façon la plus efficiente pour s'assurer qu'un réel et sérieux suivi se mette en place pendant, mais surtout après l'exécution de la peine privative de liberté ferme, serait d'instaurer une mesure au sens de l'art. 63 CP, de subordonner le sursis partiel à l'instauration et au suivi d'un travail psychothérapeutique tant et aussi longtemps que les médecins le jugeront utile. D'après les premiers juges, cette solution présente l'avantage, compte tenu des réticences exprimées par l'appelant, son attitude et le peu de conscience morbide, de s'assurer de sa collaboration sur le long terme. A l'époque des débats de première instance, l'appelant n'avait entrepris aucune démarche pour mettre en route un suivi thérapeutique, alors même que les conclusions de l'expertise lui étaient connues depuis près d'une année. Actuellement, il n'a pas commencé à rembourser les victimes alors qu'il bénéficie d'un revenu régulier depuis le mois de novembre 2011 et il n'a toujours pas entrepris de suivi thérapeutique.
Compte tenu de ce qui précède, les règles de conduite imposées par les premiers juges sont parfaitement justifiées en tant qu'elles visent l'amendement durable du condamné et doivent être confirmées.
Mal fondé, le grief de l'appelant doit être rejeté.
9.
En conclusion, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de Z._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, ces frais comprennent l'indemnité allouée à son défenseur d'office, par 2'970 fr., TVA et débours compris. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6cb29dd8-df9f-4f4b-aa75-48ec13a6a0dd | En fait :
A.
Par jugement du 6 août 2012, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a condamné A._, pour infraction grave et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et infraction à la loi fédérale sur les étrangers, à trois ans de privation de liberté, dont 18 mois, sous déduction de 85 jours de préventive, à titre ferme et 18 mois avec sursis pendant cinq ans (I), dit que le sursis est subordonné à la preuve du départ de A._ de Suisse d'ici au 8 août 2012 à 12h00, ordre étant donné à A._ de faire parvenir au Greffe pénal du Tribunal d'arrondissement de Lausanne – fax 021 316 69 66 – une attestation de départ de Suisse, respectivement de séjour hors de Suisse (II), ordonné la confiscation des sommes et objets séquestrés sous n° 52720 (fiche n° 2029) et 52788 (fiche n° 1890), la somme d'argent venant en imputation des frais de justice (III), arrêté à 6'290 fr. l'indemnité allouée à Me Mazou, conseil d'office (IV), et mis les frais, par 30'698 fr. 50, à la charge de A._, l'indemnité au conseil d'office ne devant être remboursée à l'Etat que si la situation financière de A._ le permet (V).
B.
Le 14 août 2012, A._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 6 septembre 2012, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à l'admission de l'appel (I) et à la modification du jugement attaqué en ce sens qu’il est condamné à une peine privative de liberté sensiblement inférieure à celle prononcée sous chiffre I du dispositif du jugement, compatible avec l'octroi du sursis total (II), que le sursis total lui est accordé (III), que le délai d'épreuve est fixé à une durée sensiblement inférieure à cinq ans (IV), que le sursis n'est pas subordonné à la preuve du départ de l'appelant de Suisse, respectivement de son séjour hors de Suisse (V); subsidiairement, il a conclu à l'annulation du jugement, la cause étant renvoyée au tribunal correctionnel désigné par l'autorité d'appel pour nouvelle instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants à intervenir (VI).
Le 27 septembre 2012, le Ministère public a indiqué qu'il renonçait à déposer un appel joint et qu'il s'en remettait à justice quant à la recevabilité de l'appel.
Le prévenu a été dispensé de comparution personnelle à l'audience d'appel. Par son conseil, il a confirmé ses conclusions. Le Ministère public a conclu au rejet de l'appel en se référant intégralement aux considérants du jugement attaqué.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu A._, ressortissant du Nigéria, serait né en 1975. Le casier judiciaire suisse ne comporte pas d'inscription à son nom. Cela étant, il est établi que le prévenu a fait usage d'au moins six alias sous l'identité d'[...], seules la date de naissance et/ou l'origine nationale étant modifiées; il admet avoir utilisé une fausse identité à l'égard des autorités suisses. C'est sous ce nom qu'il a été condamné à une peine pécuniaire pour infraction à la législation sur les étrangers par la Préfecture de Lausanne en 2007 et à une peine pécuniaire également par ordonnance du 2 février 2010 du Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois.
Il a été détenu pour les besoins de la présente enquête jusqu'au 10 janvier 2011, soit pour un total de 85 jours.
1.2 Le prévenu a demandé l'asile en Suisse le 15 mars 2006. Sa requête a été rejetée par décision du 28 avril suivant, entrée en force le 12 mai 2006. Il a quitté notre pays en 2007 pour se rendre en Espagne, mais est revenu en Suisse vraisemblablement dès le mois d'avril 2009, depuis l'Espagne. A compter du 12 janvier 2010, sa compagne K._, née en 1984, qui fait l'objet d'une enquête distincte, a mis à sa disposition un studio qu'elle avait loué à Lausanne. Elle a dit avoir pris le bail à son propre nom pour rendre service au prévenu et par amour pour lui (PV aud. 4, p. 1 in fine). Le prévenu a ainsi séjourné en Suisse sans interruption jusqu'à son interpellation, le 18 octobre 2010.
Retourné en Espagne après son élargissement, il a comparu à l'audience de première instance au bénéfice d'un sauf-conduit. Arrivé en Suisse avec un billet d'avion aller simple, il s'est réinstallé chez K._.
1.3 Outre l'infraction à la LEtr consistant à avoir séjourné en Suisse sans autorisation, il est d'abord fait grief au prévenu d'avoir, dans la région lausannoise, d'avril 2009 au 18 octobre 2010, acquis de divers trafiquants africains 70 cylindres de cocaïne, d'un poids et d'une valeur unitaires de 10 g et de 460 fr., représentant ainsi une quantité totale de 700 g de drogue pour un investissement global de 32'200 francs. Ayant repris la clientèle d'un trafiquant rentré au pays, le prévenu a revendu à différents toxicomanes, au détail et toujours dans la région lausannoise, l'intégralité de la cocaïne ainsi acquise. Il a ainsi écoulé les quantités de drogue suivantes :
- d'avril 2009 à octobre 2010, 90 g pour 9'000 fr. auprès d'[...] (PV aud. 7);
- de septembre 2009 à juin 2010, entre 5 et 6 g pour environ 600 fr. auprès d'[...] (PV aud. 28);
- de janvier à septembre 2010, 72 g pour environ 7'200 fr. auprès de [...] (PV aud. 10);
- de février à mai 2010, entre 7 et 8 g pour 1'000 fr. auprès d'[...] (PV aud. 9);
- d'avril à juin 2010, environ 18 g pour 1'800 fr. auprès de [...] (PV aud. 6);
- d'avril à juin 2010, de 3 à 6 g pour un montant compris entre 300 fr. et 600 fr. auprès de [...] (PV aud. 12).
Il a également demandé à plusieurs reprises à [...], également ressortissant du Nigéria, de livrer de la cocaïne à ses clients durant son absence (PV aud. 15).
Le prévenu a admis les faits ci-dessus à l'audience de première instance après les avoir contestés durant l'enquête.
1.4 Il est en outre reproché au prévenu d'avoir, en juin ou juillet 2010, reçu livraison, à Lausanne, de 125 g de cocaïne conditionné en douze "fingers" d'un trafiquant nigérian nommé [...], né en 1974, déféré séparément bien qu'arrêté avec le prévenu. Le fournisseur n'a toutefois encaissé que 2'000 fr. sur les 10'000 qu'il espérait (PV aud. 18). Le prévenu affirme que cette cocaïne était de mauvaise qualité. Il n'aurait de ce fait réussi à en vendre que deux ou trois boulettes et se serait débarrassé du solde dans les toilettes. Il a ainsi contesté s'être livré à tout trafic sur le lot en question pour le surplus (PV aud. 20, p. 3, R. 8).
Quelques jours avant leur arrestation, [...] a importé d'Espagne entre 70 et 105 g de cocaïne. Lors de la visite domiciliaire du logement fourni au prévenu par K._, effectuée le 18 octobre 2010, sept cylindres contenant au total 96,6 g de cette même drogue ont été retrouvés dans une chaussette déposée dans un conduit d'aération de la salle de bain (P. 34). Le taux de pureté de la cocaïne variait entre 42,7 et 47,7 % (P. 36). Le tribunal correctionnel n'a pas ajouté foi à l'assertion du prévenu selon laquelle il avait déversé dans les toilettes la majeure partie de la drogue fournie par [...].
1.5 Enfin, à des endroits et à des dates qui n'ont pu être déterminés, le prévenu a consommé occasionnellement de la marijuana et de la cocaïne.
2. Appréciant les faits de la cause, le tribunal correctionnel a considéré que le prévenu s'était rendu coupable d'infraction grave et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants, ainsi que d'infraction à la loi fédérale sur les étrangers.
3. Pour ce qui est de la culpabilité du prévenu, les premiers juges ont d'abord estimé que les dénégations partielles de l'intéressé restaient sans incidence sur la peine, sachant que l'acte d'accusation ne décrit pas son activité pour ce qui est de sa collaboration avec [...]. Ils ont ensuite retenu que l'accusation et la défense s'accordaient à admettre que le trafic auquel s'était livré le prévenu portait sur 825 g de cocaïne, le taux de pureté de la drogue retenu étant de 32 %, soit le taux moyen des saisies de cette drogue durant l'année 2010.
A charge, les premiers juges ont pris en compte que le prévenu était un trafiquant chevronné, qu'il s'était livré à un ample trafic portant sur une quantité nette de 272 g, qu'il occupait un appartement avec une jeune femme amoureuse, mais dans lequel il se passait beaucoup d'opérations de trafic, qu'il était organisé, qu'il connaissait beaucoup de monde dans le milieu, qu'il était un vendeur actif, auquel on avait également confié la quantité de 125 g de cocaïne, que ses regrets n'étaient pas sincères et qu'il faisait preuve d'une mauvaise volonté crasse à se conformer à la loi sur les étrangers.
A décharge ont été pris en compte les aveux du prévenu, même s'ils n'ont été que très tardifs.
La quotité de la peine a été fixée à trois ans, soit à une durée incompatible avec le sursis complet, dont les conditions subjectives, de l'avis des premiers juges, ne seraient quoi qu'il en soit pas remplies. Le tribunal correctionnel a en revanche admis que l'exécution d'une partie de la peine sur le mode ferme amenderait le prévenu. Vu le risque de réitération, tenu pour tout à fait concret, notamment en matière d'infractions à la LEtr, la part de peine assortie du sursis l'a été avec le délai d'épreuve légal maximal. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délai légaux (art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable.
2
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
3.1
L'appelant critique d'abord la quantité de drogue retenue par les premiers juges sous l'angle de la quotité de la peine.
3.2.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (
objektive Tatkomponente
). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (
subjektive Tatkomponente
). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (
Täterkomponente
), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; ATF 129 IV 6 c. 6.1 p. 20; TF 6B_759/2011 du 19 avril 2012 c. 1.1; TF 6B_335/2012 du 13 août 2012 c. 1.1).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 136 IV 55 c. 5.6 p. 61; ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; ATF 129 IV 6 c. 6.1, p. 21 et les références citées).
3.2.2
S'agissant en particulier des infractions à la législation sur les stupéfiants, outre les motifs, la situation personnelle et les antécédents de l’auteur, doivent être prises en considération les circonstances telles que son rôle dans la distribution de la drogue, l’intensité de sa volonté délictueuse, l’absence de scrupules, les méthodes utilisées, la durée et la répétition des actes prohibés, ainsi que celles dont l’auteur n’a pas forcément la maîtrise, telles que, pour celui qui ne fait que transporter la drogue, la capacité d’honorer les commandes du distributeur et les ressources financières du client (Favre, Pellet et Stoudmann, Code pénal annoté, 3
e
éd., Lausanne 2007, n. 1.29 ad art. 47 CP et les réf. cit.).
La quantité de drogue est un élément d’appréciation important mais toutefois pas prépondérant (ATF 122 IV 299, c. 2c, JT 1998 IV 38; ATF 121 IV 193, c. 2d/cc, JT 1997 IV 108; ATF 118 IV 342, c. 2c, JT 1994 IV 67). Elle perd cependant de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup (TF 6B_380/2008 du 4 août 2008). Ainsi, lorsque le prévenu est un trafiquant qui n'est pas dépendant de la drogue, il s'agit de se baser en premier lieu non pas sur la quantité de drogue vendue, mais sur la position de l'individu dans le réseau de distribution (Dupuis/Geller/Monnier/Moreillon/Piguet/Bettex/Stoll [éd.], Petit commentaire CP, Bâle 2012, n. 17 ad art. 47 CP, p. 298). Il en va de même lorsque plusieurs des circonstances aggravantes prévues à l'art. 19 ch. 2 LStup sont réalisées. Le type de drogue et sa pureté doivent aussi être pris en considération. Si l'auteur sait que la drogue est particulièrement pure, sa culpabilité sera plus grande; en revanche, sa culpabilité sera moindre s'il sait que la drogue est diluée plus que normalement (TF 6S.21/2002 du 17 avril 2002 c. 2c et les réf. cit.).
S'agissant en particulier du trafic de cocaïne, il y a cas grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup à partir de 18 g de drogue pure (ATF 109 IV 143, JT 1984 IV 84, dont les principes n'ont pas été affectés par le changement de jurisprudence consacré par l'ATF 117 IV 314). La modification de la loi entrée en vigueur le 1
er
janvier 2007 n'a pas modifié la définition du cas grave.
3.3
Dans le cas particulier, l’appelant considère que les premiers juges auraient dû retenir qu’il s’était débarrassé des 125 g de cocaïne de mauvaise qualité plutôt que de considérer qu'il les avait gardés par-devers lui. La critique est sans portée sous l'angle de la qualification des faits. En effet, il est admis que l’appelant a bel et bien réceptionné cette drogue en vue de sa revente, ce qui suffit à fonder l’infraction. Le trafic a donc bel et bien porté sur une quantité brute de 825 g, et non sur 700 g seulement.
L'appelant critique aussi le calcul du taux de pureté de la drogue. Ramenée à un taux de pureté moyen de 32 %, une telle quantité représente 264 g de cocaïne pure, et non 272 g comme le retient le jugement attaqué. Dans cette mesure, la critique de l’appelant est fondée en fait. Il n'en reste pas moins, à nouveau, qu'elle ne porte pas à conséquence en droit. En effet, l’ampleur du trafic est sans commune mesure avec la quantité marginale de drogue prise en compte à tort par les premiers juges. Comme indiqué plus haut, en matière de fixation de la peine relative à un trafic de stupéfiants, la quantité de drogue joue certes un rôle important, mais pas exclusif, les tribunaux ne pratiquant pas une « justice au gramme ». Dès lors, l’erreur de calcul des premiers juges ne change rien au constat de culpabilité de l’appelant, le facteur déterminant étant la position du prévenu au sein du réseau, qui était celle d'un trafiquant endurci réceptionnant, de manière récurrente, de la drogue en grandes quantités. Du reste, le taux de pureté de la cocaïne saisie le 18 octobre 2010 variait entre 42,7 et 47,7 %, ce qui excède de beaucoup le taux moyen retenu par ailleurs. Le taux de pureté retenu apparaît donc favorable à la défense. Ce moyen doit en définitive être rejeté.
4.
4.1
L’appelant considère ensuite qu’il avait le droit de circuler librement de Suisse en Espagne, car il était titulaire d’une carte de résident espagnol, d’une part et qu’aucune interdiction de franchir notre territoire ne lui avait été signifiée, d’autre part. Il se réclame d’une lettre du 27 août 2012 du Service de la population et des migrations du canton du Valais, faisant suite à un courrier de son avocate du 21 août 2012. Cette décision administrative non formelle atteste que l’appelant, connu sous l’alias [...], de nationalité indéterminée, est parti dans la clandestinité le 10 janvier 2011, après que l’autorité fédérale compétente a rejeté sa demande d’asile. Cette communication ajoute que l’appelant ne fait l’objet d’aucune interdiction d’entrée en Suisse actuellement, que tel n'a pas davantage été le cas par le passé et qu’étant au bénéfice d’une carte de résident espagnol, il peut séjourner au maximum trois mois en Suisse, pour autant qu’il soit en possession d’un passeport valable.
Le document dont se prévaut l'appelant est postérieur au jugement entrepris. S’agissant d’une instruction d’office, la cour de céans ne peut ignorer cette lettre.
4.2
Entrée en vigueur au 1
er
janvier 2008 pour ce qui est des normes ici en cause, la LEtr abroge l'ancienne loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l’établissement des étrangers au 31 décembre 2007.
L’appelant, assez curieusement d’ailleurs, ne tire aucune conclusion de cette lettre sur le plan juridique, sauf à soutenir que les premiers juges ne pouvaient pas considérer qu’il n'était pas habilité à venir en Suisse, élément qui, s’il n’est pas retenu, devrait influer sur la peine. En particulier, l’appelant ne nie pas qu’il a enfreint l’art. 115 al. 1 let. b LEtr. Cette norme punit d’une peine privative de liberté d’un an ou d’une peine pécuniaire quiconque séjourne illégalement en Suisse, notamment après l’expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé. C’est cette dernière infraction qui a été retenue, à l'exclusion de celle d’entrée illégale, réprimée séparément par l’art. 115 al. 1 let a LEtr, qui renvoie à l’art. 5 de la même loi.
Il ressort des pièces du dossier que l’appelant a demandé l’asile en Suisse le 15 mars 2006. Sa requête a été rejetée par décision du 28 avril 2006, entrée en force le 12 mai suivant (P. 23). Ensuite, l’appelant est parti en Espagne, mais il est revenu dans notre pays en avril 2009 depuis son Etat de résidence pour s’adonner à un trafic de drogue jusqu’à son interpellation, le 18 octobre 2010. Une carte de résident donne peut-être le droit d’aller et venir sur le territoire de l'Etat l'ayant délivrée, mais elle n’a pas pour vocation de rendre légal un séjour illégal. Or, c’est bien de cela dont il s’agit : d'une part, sous l'empire de l'ancien droit, l’appelant n’a pas quitté la Suisse dans le délai qui lui était imparti à cet effet après la décision de renvoi rendue à son encontre; d'autre part, sous l'empire du nouveau droit, lorsqu’il a franchi notre frontière, il est resté plus de trois mois en Suisse alors qu’il devait s’annoncer nonobstant son statut de résident espagnol en vigueur dans l'espace Schengen (art. 2 de l'ordonnance du 22 octobre 2008 sur l’entrée et l’octroi de visas [OEV] ; RS 142.204). Il est vrai que le tribunal correctionnel a reproché à l’appelant de ne s’être muni que d’un aller simple pour se rendre aux débats de première instance. Selon l’appelant, ce reproche – qu'il tient pour infondé – justifierait presqu’à lui seul le quantum de peine, le refus du sursis et la longueur durée du délai d’épreuve. Les questions ne se posent cependant pas ainsi.
4.3
Il est évident que c’est au premier chef le trafic de cocaïne qui justifie l’importance de la peine (cf. jugement, p. 13). Il a par ailleurs déjà été relevé que le trafic porte bien sur 825 g de cette drogue. S’agissant des 125 g prétendument jetés dans les toilettes, les premiers juges n’ont pas abusé de leur pouvoir d’appréciation en retenant qu’il s’agissait d’un mensonge. En effet, il est inconcevable qu’un trafiquant de cet acabit se soit débarrassé d'une telle quantité de drogue, alors que le trafic constituait sa seule source de revenus. A l’évidence, cette explication s’adresse à son fournisseur, car elle permet à l’appelant d’expliquer pourquoi il ne l’a que partiellement payé (jugement, p. 11 considérant 3). Au reste, la vente de deux ou trois boulettes avouée par le prévenu en relation avec la drogue livrée par son comparse [...] ne permet pas d’obtenir 2'000 francs.
S’agissant de l’infraction à la LEtr, l’appelant perd de vue qu’il a délibérément séjourné illégalement en Suisse dès l'échéance du délai de trois mois imparti pour régulariser sa situation lors de son arrivée en avril 2009. L’infraction à l’art. 115 al. 1 let. b LEtr, qu’il ne conteste pas, est dès lors bien réalisée; le jugement entrepris ne mentionne pas l'ancien droit quant aux faits antérieurs au 1
er
janvier 2008. Pour ce qui est de l'appréciation de la culpabilité de l'auteur, l’appelant reconnaît lui-même qu’il n’avait pas le droit de revenir dans notre pays après son séjour illégal, puisqu’il avait fait l’objet d’une décision de renvoi. Il l’a fait quand même en prenant la précaution de se faire délivrer un sauf-conduit, mais en ne se munissant que d’un aller simple course depuis l'Espagne, Etat de résidence. Ce fait témoigne d'une volonté de rester en Suisse après l'expiration du sauf-conduit, à défaut de titre de séjour. Avec les premiers juges, on peut fort bien admettre, dans ces conditions, que l’appelant se formalise peu des prescriptions en matière de police des étrangers et cela même si seul un
séjour
illégal lui est reproché dans la présente procédure, à l'exclusion d'une
entrée
illégale. Il s'agit dès lors d'un critère d'appréciation de la culpabilité et non d'un élément constitutif d'une infraction retenue à charge.
L’appel s’avère infondé sur ce point et doit être rejeté.
5.
L’appelant conclut à ce que la peine soit assortie du sursis ordinaire, soit complet.
5.1
L'art. 42 al. 1 CP prévoit que le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
Aux termes de l'art. 43 CP, le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute (al. 1); la partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (al. 2); en cas de sursis partiel à l’exécution d’une peine privative de liberté, la partie suspendue, de même que la partie à exécuter, doivent être de six mois au moins; les règles d’octroi de la libération conditionnelle ne lui sont pas applicables (al. 3).
5.2
De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP (ATF 134 IV 1 c. 5.3.1 p. 10; cf. aussi arrêts 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 c. 3.2.1; 6B_353/2008 du 30 mai 2008 c. 2.3). En effet, le critère des perspectives d’amendement s'applique également pour le sursis partiel, dès lors que la référence au pronostic ressort implicitement du but et du sens de cette dernière disposition. Ainsi, lorsque le pronostic quant au comportement futur de l'auteur n'est pas défavorable, la loi exige que l'exécution de la peine soit au moins partiellement suspendue. Mais un pronostic défavorable exclut également le sursis. En effet, s'il n'existe aucune perspective que l'auteur puisse être influencé de quelque manière par un sursis complet ou partiel, la peine doit être entièrement exécutée (ATF 134 IV 1 précité, c. 5.3.1, p. 10).
En revanche, les conditions objectives des art. 42 et 43 CP ne correspondent pas: les peines privatives de liberté jusqu'à une année ne peuvent être assorties du sursis partiel; une peine de 12 à 24 mois peut être assortie du sursis ou du sursis partiel; le sursis complet à l'exécution d'une peine privative de liberté est exclu, dès que celle-ci dépasse 24 mois alors que jusqu'à 36 mois, le sursis partiel peut être octroyé (arrêt précité, c. 5.3.2, p. 11).
Pour statuer sur la suspension partielle de l’exécution d’une peine, le juge doit tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, cette notion de faute correspond à la culpabilité telle que définie à l’art. 47 al. 2 CP (ATF 134 IV 1 précité c. 4.2.3).
5.3
Le sursis ordinaire présuppose que la peine soit inférieure ou égale à 24 mois, ce qui n’est pas le cas ici. La peine infligée est en effet d'un quantum de 36 mois. Partant, statuer sur la question du sursis ordinaire implique d'examiner la quotité de la peine sous l'angle de l'art. 47 CP.
L’appelant a déjà été condamné par le passé sous un alias. Sa collaboration à l’enquête et aux débats doit être qualifiée respectivement de mauvaise et de mitigée. Le trafic de drogue auquel il s’est livré doit être tenu pour intense, car pratiqué durant une durée prolongée et sur des quantités de drogue importantes. Quant au mobile, il est strictement vénal. A noter que le prévenu, bien que consommateur, n'est pas dépendant de la drogue. En outre, c’est son arrestation qui a mis fin à son activité délictueuse. Il y a enfin un concours d’infractions. Même en prenant en compte les aveux partiels passés aux débats par le prévenu et le fait qu’il s’est présenté devant ses juges, qui représentent les seuls éléments à décharge, la peine infligée est adéquate. Il s’ensuit que seul un sursis partiel pouvait entrer en ligne de compte au vu de la quotité de la peine, sursis qui a été octroyé.
L’appel est infondé à cet égard également.
6.
L’appelant critique enfin la durée du délai d’épreuve assortissant le sursis partiel, qu'il tient pour trop longue eu égard au risque de récidive limité qu'il présenterait selon lui.
La durée du sursis constitue un aménagement légal tendant à l'amendement du condamné, donc à limiter le danger de réitération; ce sont dès lors des motifs de prévention spéciale qui doivent prévaloir (Kuhn, dans : Roth/Moreillon [éd.], Commentaire romand, Bâle 2009, n. 16 ad art. 44 CP, p. 448).
En l’espèce, le délai d'épreuve imparti par le tribunal correctionnel se fonde sur le risque de récidive, tenu pour tout à fait concret, notamment en matière de LEtr. L’appelant a déjà été condamné, sous une autre identité, pour des infractions à la législation sur les étrangers (notamment la loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers, abrogée au 31 décembre 2007 par l'entrée en vigueur de la LEtr, comme déjà relevé). Il a récidivé dans le même type d'infractions. Cette récidive spéciale démontre ainsi à l'envi que, dans le doute quant à son droit de séjour, il n’hésite pas à résider en Suisse, de surcroît en utilisant un billet aller simple. Il n’a pas non plus donné suite à la décision de renvoi rendue à son encontre lorsqu’il a été débouté de sa demande d’asile, montrant ainsi le peu de cas qu'il fait de la législation qui lui est applicable en sa qualité d'étranger. Le risque de réitération est dès lors particulièrement important en matière de LEtr. Il l'est du reste aussi pour ce qui est de la législation sur les stupéfiants. En effet, le prévenu s'est livré à du trafic à une vaste échelle et durant une période prolongée lors du second de ses séjours illégaux en Suisse et il ne dispose pas d'une autre source de revenus. Ce motif de prévention spéciale justifie que la durée du délai d’épreuve soit fixée au délai légal maximal de cinq ans.
Quant à la modalité du sursis relative à la preuve du départ de l'appelant de Suisse, respectivement de son séjour hors de Suisse, il s'agit d'une règle de conduite selon l'art. 44 al. 2 CP. Sa conformité à la loi tombe sous le sens, sachant, comme déjà indiqué, que l'intéressé, déjà condamné pour des infractions en matière de législation sur les étrangers, n'a été autorisé à entrer dans notre pays pour l'audience de première instance qu'au bénéfice d'un sauf-conduit, et non d'un visa. Il n'est donc pas habilité à séjourner en Suisse hors les limites du sauf-conduit et la prévention de risque de réitération commande d'éviter un nouveau séjour d'un délinquant aussi endurci. Pour le reste, l'appelant ne critique pas les modalités de la règle de conduite en tant que telles nonobstant sa conclusion (V) portant sur cet objet. Partant, il n'y a pas lieu de statuer à leur sujet, s'agissant en particulier de la date impartie à l'intéressé pour faire parvenir une attestation de départ de Suisse, respectivement de séjour hors de Suisse.
7.
Enfin, l'appelant n'étaye pas ses conclusions subsidiaires en annulation du jugement. Au reste, aucun motif d'annulation n'est donné selon l'art. 409 al. 1 CPP.
8.
Vu l'issue de la cause, les frais d'arrêt selon l'art. 424 CPP doivent être laissés à la charge de l’appelant, qui succombe (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Outre l'émolument, ces frais comprennent l’indemnité d’office allouée à son conseil d'office pour les opérations liées à la procédure d'appel (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP).
Vu l'ampleur et la complexité de la cause en appel, l'indemnité allouée au conseil d'office de l'appelant doit être fixée sur la base d'une durée d'activité de deux heures pour l'avocate, par 180 fr. l'heure, TVA en sus, et d'une durée de dix heures pour l'avocate-stagiaire, par 110 fr. l'heure, TVA en sus également, 50 fr. de dépens étant également pris en compte (cf. l'art. 135 al. 1 CPP; TF 2P.325/2003 du 6 juin 2006).
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son conseil d’office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6cdaca6b-d182-4ed0-9adb-01f1be3928dd | En fait :
A.
Par jugement du 25 octobre 2013, le Tribunal criminel de l’arrondissement de Lausanne a constaté que G._ s’est rendu coupable de vol, brigandage qualifié, dommages à la propriété, usage abusif de plaques et violation grave des règles de la circulation (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 7 ans, sous déduction de 817 jours de détention avant jugement (II), a ordonné son maintien en détention pour des motifs de sûreté (III), a renoncé à révoquer le sursis octroyé par le Bezirksamt Baden le 1
er
décembre 2009 (IV), a dit que G._ est le débiteur de F._ et lui doit immédiat paiement de la somme de 2'000 fr. à titre de réparation morale (V), a ordonné le maintien au dossier au titre de pièces à conviction des supports répertoriés sous fiches no 54602, 54397, 54567, 54772 et sous pièce 199 (VI), a fixé à 5'709 fr. 85, sous déduction d’une avance du même montant déjà versée en cours de procédure, l’indemnité allouée à Me Carlo Häfeli, et à 13'505 fr. l’indemnité allouée à Me Philippe Rossy, défenseurs successifs d’G._ (VII) et a mis une part des frais, qui inclut les indemnités d’offices allouées sous chiffres VII ci-dessus, et qui est arrêtée à 52'930 fr. 70, à la charge de G._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (VIII).
B.
Par annonce du 25 octobre 2013, puis par déclaration du 2 décembre suivant, G._ a formé appel contre ce jugement, concluant avec suite de frais et dépens à la modification du jugement entrepris en ce sens qu’il ne s’est pas rendu coupable de brigandage qualifié et qu’il est en conséquence libéré de toute peine de ce chef, ainsi qu’à l’annulation du chiffre V du dispositif.
Par courrier du 10 décembre 2013, F._ a présenté une demande de non-entrée en matière non motivée (P. 215) à laquelle il n’a pas été donné suite dès lors que l’entrée en matière se justifiait.
Le 17 janvier 2014, les parties ont été informées de la composition de la cour. Le même jour, la Présidente a rejeté la requête d’expertise formulée en page 19 de la déclaration d’appel (P. 215), celle-ci ne répondant pas aux critères de l’art. 389 CPP.
A leurs demandes, F._ et le représentant de B._ ont été dispensés de comparaître à l’audience d’appel du 19 mars 2014.
Le 25 février 2014, la Présidente a maintenu sa décision de rejet de l’expertise requise par la défense.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
a) G._, né le 13 juin 1975, célibataire, ressortissant et habitant de Serbie, aurait, selon ses dires, exercé divers métiers, en dernier celui d’exploitant d’une station de lavage de voitures. Il aurait aussi des revenus provenant de la location d’immeubles. Pour les besoins de la présente cause, il a été arrêté le 31 juillet 2011 au Monténégro, sur la base d’un mandat d’arrêt international délivré par les autorités vaudoises. Il est détenu depuis lors et a été extradé vers la Suisse le 22 février 2012.
Le prévenu ayant été déplacé à plusieurs reprises durant son incarcération, trois rapports de détention ont été versés au dossier, émanant des prisons de La Croisée, à Orbe (rapport du 27 août 2013, P. 173), du Bois-Mermet, à Lausanne (rapport du 6 septembre 2013, P. 181) et de La Promenade, à La Chaux-de-Fonds (rapport du 26 septembre 2013, P. 189). Il ressort de ces rapports que le comportement de G._ a entièrement répondu aux attentes des différents établissements, le prévenu s’étant montré discret, poli et correct avec le personnel de surveillance. Le prévenu a respecté les règles d’hygiène et le cadre imposés, n’ayant par ailleurs aucun ennui avec ses co-détenus. Dans les activités occupationnelles, G._ s’est montré serviable, motivé et travailleur. Il a cependant fait l’objet d’une sanction disciplinaire au Bois-Mermet : il a écopé de deux jours d’arrêts avec sursis pendant trois mois pour avoir parlé à la fenêtre avec une tierce personne.
Le prévenu est connu sous cinq alias: [...], 19 janvier 1970; [...], 14 mai 1970 ; [...], 7 août 1980 ; [...], 3 mars 1975 ; [...], 1
er
février 1975.
Son casier judiciaire suisse fait état de trois condamnations, datant de 2000, 2003 et 2009, pour respectivement infraction à la Loi fédérale sur les stupéfiants (LStup ; RS 812.121) (14 mois d’emprisonnement), rupture de ban (2 mois d’emprisonnement) et faux dans les certificats, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, et entrée illégale (14 jours-amende). Le prévenu a aussi un antécédent en Autriche, datant de 2004, pour faux matériel, falsification de titres particulièrement protégés et association criminelle (20 mois de peine privative de liberté, dont 14 avec sursis).
b) Entre les 25 et 28 mars 2010, à Langenthal, des plaques d’immatriculation ont été dérobées sur une voiture. Entre le 1
er
et le 6 avril 2010, dans la même localité, une Audi S6 a été volée dans un garage. Les plaques susmentionnées ont été placées sur cette Audi.
Le 13 avril 2010, vers 10h00, trois individus, dont l’un en tout cas était armé, sont entrés dans la W._, sise [...], dont F._ est le directeur. Hurlant dans une langue étrangère, probablement slave, ils ont menacé ce dernier ainsi qu’une employée, les contraignant à se coucher à terre. Très rapidement, ils ont brisé les vitrines et ouvert des coffres avec des clés se trouvant dans un tiroir. Ils se sont emparés d’un butin valant 580'000 francs. Ils ont ensuite rejoint le prévenu qui les attendait devant le commerce au volant de l’Audi S6 précitée. G._ a roulé à toute allure en direction d’Ouchy.
L’Audi S6 a été retrouvée le 13 avril 2010 à l’avenue Edouard Rod, à Lausanne. Elle avait 1'056 km de plus au compteur.
c) Entre les 24 et 25 février 2011, à Winterthur, des plaques d’immatriculation ont été dérobées sur une voiture. Entre les 24 et 26 février 2011, dans la même localité, une Porsche Cayenne a été volée dans un garage. Les plaques susmentionnées ont été placées sur la Porsche Cayenne.
Le 9 mars 2011, vers 09h20, quatre individus, dont l’un en tout cas était armé, ont pénétré dans la bijouterie B._, sise [...]. Ils ont menacé le gérant et les trois employés présents, les contraignant à se coucher à terre. Ils ont brisé des vitrines et se sont emparés d’un butin valant 1'776'877 fr. 75. Ils ont ensuite rejoint le prévenu qui les attendait devant le commerce au volant de la Porsche Cayenne susmentionnée. Le prévenu a circulé à grande vitesse, faisant une manœuvre de dépassement risquée à la sortie d’un giratoire.
La Porsche Cayenne a été retrouvée le même jour à la Villenstrasse 4, à Schaffouse. Elle avait 64 km de plus au compteur. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de G._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
3.
L’appelant conteste une partie des faits retenus contre lui, à savoir qu’il aurait participé en qualité de chauffeur aux deux braquages de bijouteries.
a) L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
b) Pour se convaincre de la culpabilité de G._, le Tribunal criminel s’est fondé sur les éléments suivants.
Tout d’abord l’ADN du prévenu a été retrouvé sur le volant de l’Audi S6 (P. 19, p. 3; P. 132, p. 27). Selon le CURML, l’hypothèse que le prévenu a été la dernière personne à conduire le véhicule était la plus probable. L’ADN du prévenu a également été retrouvé sur le levier de vitesses de la Porsche Cayenne, bien que l’intérieur du véhicule ait été aspergé d’un liquide, dont la composition n’a pas pu être déterminée, destiné à effacer les traces. Entendu sur ces traces ADN, le prévenu a soutenu avoir dérobé lui-même ces deux véhicules, à la demande de deux personnes différentes, à qui il les auraient revendues pour respectivement 5'000 EUR et 6'000 EUR, sans savoir que ces véhicules seraient utilisés pour commettre des brigandages. Le Tribunal criminel a considéré cette allégation comme non convaincante; le fait que les deux voitures aient servi à des braquages similaires, du même type que deux, très professionnels, imputés aux Pink Panthers, ne pouvait pas être le fruit du hasard.
Ensuite, pour mettre en marche l’Audi S6 comme la Porsche Cayenne, sans la clé, il est nécessaire d’avoir un appareillage sophistiqué et des connaissances spécifiques. Or le prévenu n’avait pas su expliquer comment il s’y était pris pour couper l’alarme d’une telle voiture et la faire démarrer. Un simple voleur isolé était peu susceptible de disposer du matériel technique nécessaire. Il était plus vraisemblable que les véhicules aient été volés par un autre comparse, un spécialiste de ce travail, mandaté par une bande organisée, et que le prévenu ait ensuite servi de chauffeur.
A cela s’ajoute que l’examen de la caméra vidéo de surveillance de la bijouterie B._ a révélé des images, datant du 19 février 2011, de deux hommes en repérage, dont l’un pouvait être le prévenu. Un policier du Service technique des accidents de la police de Schaffhouse a comparé les caractéristiques physiques de l’intéressé avec les images vidéo, au moyen d’un scan 3D. Il a estimé que les détails signifiants de l’inconnu filmé et ceux du prévenu étaient identiques (dossier B, P. 50). Le Tribunal criminel a considéré qu’une simple comparaison à l’œil nu suffisait pour se convaincre de l’identité de l’homme filmé, et que l’écoulement du temps expliquait les quelques différences, par exemple dans l’implantation des cheveux.
De plus, un certain [...], ressortissant serbe, domicilié à Paris, entendu par commission rogatoire dans le cadre d’une demande d’entraide judiciaire adressée par les autorités vaudoises aux autorités françaises, a déclaré avoir entendu parler du braquage de Lausanne par un proche, un certain [...], qui lui avait avoué y avoir participé d’une part en cherchant une voiture de gros cylindre et des armes, d’autre part en recelant le butin. [...] a expliqué que le meilleur ami de [...] s’appelait [...] et était un braqueur de bijouterie. Il a en outre reconnu le prévenu sur photo, comme étant un bon pilote automobile prénommé [...]. Il a enfin indiqué connaître un certain [...], fréquenté par les trois susnommés, soit [...], [...] et [...]. Or, ce [...] est fortement soupçonné d’appartenir à une organisation criminelle spécialisée dans le vol de voitures de luxe.
Enfin, le registre de la boutique d’achat d’or [...] mentionne des ventes de [...] les 1
er
, 2 et 5 juin 2010, ainsi qu’une vente de l’épouse de [...], le 14 septembre 2010. Par ailleurs, en été 2010, des boucles d’oreille ont été présentées dans des commerces, qui sont vraisemblablement issues du brigandage de Lausanne (P. 132 pp. 22 et 26). Selon le Tribunal criminel, cela corrobore les assertions de [...].
c) L’appelant s’attelle à démontrer que ce n’est pas lui qui figure sur les images de vidéosurveillance de la bijouterie B._. Il estime que cela est évident à « l’œil nu »; « subsidiairement », il requiert une expertise pour le démontrer, le rapport du Service technique des accidents de la police de Schaffhouse (dossier B, P. 50/2, traduite sous P. 50/1) n’en étant pas une.
On peut donner acte à l’appelant que ni la comparaison visuelle des photos, ni le rapport de la police de Schaffhouse, ne permettent d’avoir une conviction absolue. L’apparence du prévenu a en effet passablement changé (cf. P. 35/2 du dossier B ; photo 4 en annexe au PV aud. 3 ; photo n. 15 sur la planche 152939-04 en annexe au PV aud. 16). L’homme filmé pourrait être le prévenu, on ne peut pas l’exclure absolument, contrairement à que soutient celui-ci. Le rapport de synthèse (P. 132, p. 27) est intéressant; on y voit deux clichés différents de la caméra de surveillance, où le même suspect présente des formes de visages différentes dues à leurs positions respectives, ce qui démontre bien l’inanité d’un examen au millimètre de chaque caractéristique de la tête. Le rapport technique de Schaffouse a été réalisé par un policier d’expérience ayant déjà reçu plus de huitante mandats pour le même type de comparaison. La technique utilisée par ce spécialiste a au surplus été avalisée par l’Institut universitaire de médecine légale de Berne et par l’Institut forensique de Zürich. Cette analyse, si elle ne constitue pas une expertise contradictoire au sens du CPP, représente néanmoins un élément d’appréciation non négligeable.
En audience, la Cour a pu constater que la ressemblance de G._ avec les images de vidéosurveillance était frappante.
En définitive, il importe peu de savoir si l’homme filmé est effectivement le prévenu ou non. En effet, l’ensemble des autres indices susmentionnés ne laisse aucun doute quant à sa culpabilité. En résumé, l’ADN retrouvé dans les deux voitures démontre que le prévenu a vraisemblablement été la dernière personne à les conduire; sa thèse selon laquelle il n’était que le voleur n’est pas crédible, faute d’explications techniques du procédé utilisé. Le prévenu est connu pour être un bon pilote. L’ensemble des indices susmentionnés ne laissant pas de place au doute, c’est à juste titre que la demande d’expertise formulée par l’appelant a été rejetée, faute d’utilité.
d) L’appelant s’attache ensuite à démontrer qu’il ne peut pas faire partie des Pink Panthers parce qu’il ne serait pas un ancien militaire, et parce qu’il n’aurait pas reçu le secours de cette organisation sous forme d’un ténor du barreau et/ou d’une évasion spectaculaire.
L’argumentation de G._ repose sur des affirmations non prouvées. En effet, de la connaissance de la Cour, les Pink Panthers ne constituent pas une entité strictement organisée, avec des règles s’appliquant à tous les membres, et ne souffrant pas d’exception. C’est à juste titre que les premiers juges emploient le qualificatif de « mouvance » (cf. P. 132 p. 1 ; dossier B, P. 11/1 ch. 7.2). On ne peut donc pas dire avec certitude qu’ils sont tous d’anciens militaires, qu’ils paient toujours un avocat à leurs membres arrêtés, ou les font systématiquement évader. Le prévenu affirme qu’il n’a pas fait l’armée, cela n’a pas pu être réellement vérifié, le seul témoignage en ce sens étant celui de sa mère. Le prévenu peut aussi avoir bénéficié d’une formation militaire sans avoir nécessairement fait le service militaire, par exemple dans une milice ou un autre groupe paramilitaire. Il a un avocat breveté payé par l’Etat et n’avait pas besoin d’en changer. Enfin, tant que le prévenu a l’espoir d’être libéré, une évasion ne semble pas être une priorité.
Durant l’instruction, G._ a fait usage de son droit au silence, se contenant d’adapter ses aveux aux preuves indubitables qui lui étaient soumises. La lecture du rapport de synthèse (P. 132) permet de mesurer l’absence de collaboration de l’intéressé et le travail de la police. Paradoxalement, cette attitude, que l’appelant lui-même décrit comme une caractéristique des Pink Panthers (déclaration d’appel, p. 18), est de nature à renforcer les soupçons quant à son appartenance à ce groupe criminel.
En tout état de cause, si le Tribunal criminel a retenu que les deux brigandages étaient le fruit d’une bande bien organisée, ce qui n’est pas contesté par l’appelant, il n’a jamais affirmé qu’il s’agissait des Pink Panthers sans aucun doute, mais « selon toute vraisemblance » (jugement attaqué, p. 36). La Cour relèvera encore que G._ est défavorablement connu des services de police, notamment en Autriche, où en 2004, il a été arrêté, dans le cadre d’un cambriolage de bijouterie par bris de vitre. Son nom ressort également en Allemagne pour une affaire de vol à main armée perpétré le 27 mars 2008 à Düsseldorf. Ce jour là, trois individus se sont précipités à l’intérieur de la bijouterie, dont l’un a menacé plusieurs personnes au moyen d’une arme à feu en les sommant de se coucher à même le sol puis, deux minutes plus tard, ont pris la fuite au moyen d’une voiture de marque Audi A6, non sans avoir au préalable subtilisé un lot important de montres de luxe, représentant un montant total de 500'000 €. L’ADN prélevé par les services techniques allemands sur le levier de changement de vitesse de ce véhicule correspondait au profil génétique de G._, connu en Allemagne et en Autriche sous l’identité d’emprunt de [...] (P. 22, p. 6).
e) L’appelant rappelle ensuite que son ADN était en faible quantité dans l’Audi S6 et qu’il n’y en avait pas sur le pommeau de vitesses. Il en déduit que la trace était ancienne et que le véritable chauffeur des braqueurs portait des gants. Il soutient qu’il est peu vraisemblable qu’un chauffeur des Pink Panthers, connus pour leur méticulosité, n’ait pas mis des gants, puisqu’il n’a pas été fait usage, comme dans le brigandage de Schaffhouse, d’un liquide destiné à effacer les traces.
L’ancienneté du dépôt n’est qu’une explication possible. Tous les contacts ne laissent pas nécessairement une trace. On peut aussi imaginer, puisque les braqueurs essaient de faire disparaître leurs traces, que le pommeau de vitesses et le volant ont été plus ou moins bien essuyés. L’aspersion d’un liquide dans la Porsche Cayenne n’a en outre pas été si méticuleuse puisque de l’ADN a tout de même été retrouvé. La version de l’appelant, qui ne serait que le voleur des véhicules, n’est pas convaincante car elle est incompatible avec le fait que l’intéressé n’a pas été en mesure d’expliquer de façon convaincante comment il avait procédé. Selon les inspecteurs (jugement attaqué, p. 7), le prévenu a bien des connaissances sur la technique des vols, mais les lacunes qu’il présente dans ses déclarations rendent celles-ci peu crédibles. Ce sont ces lacunes qui plaident en faveur de la thèse selon laquelle le vol des véhicules a été délégué à une autre personne faisant également partie de la bande. A cela s’ajoute que le vol de voitures telles qu’une Audi S6 ou une Porsche Cayenne, extrêmement protégées, nécessite des moyens financiers, un matériel technologique et des connaissances que n’aurait pas un simple voleur, mais qu’une bande organisée pourrait au contraire fournir. La Cour de céans constate aussi que le prévenu prétend avoir volé les voitures, mais pas les plaques retrouvées sur celles-ci, lesquelles ont été dérobées dans les mêmes localités. Enfin, à l’instar du Tribunal criminel, on s’étonne du hasard qui voudrait que non pas deux mais trois véhicules prétendument volés par le prévenu soient utilisés dans des brigandages très organisés aux modes opératoires identiques. En effet, comme on l’a vu, de l’ADN de l’intéressé a été retrouvé dans une troisième voiture, une Audi A6, utilisée en Allemagne pour un braquage similaire commis en 2008 (PV aud. 14, p. 3, question 9; P. 22, pp. 5 et 6; P. 132, p. 16).
f) L’appelant fait valoir que le témoin [...], lui-même soupçonné, n’est pas fiable et qu’il n’a fait qu’émettre des hypothèses sur la participation du prévenu au brigandage de Lausanne. Il soutient aussi que les propos de ce témoin, selon lequels il était en mesure de trouver une voiture, seraient plutôt de nature à corroborer sa version des faits. Il serait aussi absurde d’imaginer qu’un membre des Pink Panthers n’observe pas la loi du silence.
Le témoignage de [...] (PV aud. 16), ne constitue bien sûr pas une preuve de la participation du prévenu au brigandage de Lausanne, seulement un indice du rôle qu’il a pu jouer. Les policiers n’ont pas perdu de vue que ce témoin éludait sa propre responsabilité (P. 132, pp. 25 et 26) en leur donnant des informations. Or ce témoin a pointé sur la planche photo le cliché de G._, en précisant qu’il le connaissait sous le nom d’ « [...]» et que son nom était « [...]». Il a précisé qu’il s’agissait d’un très bon pilote automobile – et non d’un bon voleur de voiture (PV aud. 16). Le prévenu, en persistant à dire qu’il ne connaît pas [...] (PV aud. 17), n’est donc pas crédible dans ses déclarations. Enfin, l’argument sur le « code d’honneur » des Pink Panthers, comme on l’a vu au ch. 2 d), n’est pas pertinent, les Pink Panthers ne constituant pas une entité strictement organisée, avec des règles s’appliquant à tous les membres, et ne souffrant pas d’exception. La Cour relève toutefois qu’au terme de son audition, [...] a demandé que sa déclaration « reste confidentielle et ne soit pas communiquée aux autres personnes impliquées ».
g) En conclusion, l’appel, mal fondé, doit être rejeté. La lecture du dossier ne laisse aucun doute sur l’implication du prévenu. C’est à juste titre que ce dernier a été reconnu coupable de brigandage qualifié et donc condamné à payer à F._ une indemnité pour tort moral, dont la quotité n’est pas contestée.
3.
Compte tenu de tous ces éléments, la peine privative de liberté de 7 ans, prononcée le 25 octobre 2013 par le Tribunal criminel de l’arrondissement de Lausanne est adéquate et correspond aux principes légaux et à la culpabilité du prévenu. Cette peine n’est d’ailleurs pas contestée en tant que telle, mais uniquement au regard de la contestation des faits. Elle doit être confirmée. S’agissant des éléments d’appréciation, il peut être renvoyé aux considérants tout à fait convaincants de la décision attaquée.
4.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge de G._ (art. 428 al. 1 CPP).
Outre l'émolument, qui se monte à 2’130 fr., (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée au conseil d'office de G._.
Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la liste des opérations transmise par le défenseur d’office de G._ et
de la connaissance du dossier acquise en première instance,
il convient d'admettre que Me Philippe Rossy a dû consacrer 15 heures à l'exécution de son mandat, étant précisé que la liste des opérations fournies comporte des opérations antérieures au jugement de première instance. L'indemnité sera dès lors arrêtée à 3'175 fr. 20, TVA et débours inclus.
G._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son conseil d’office que lorsque sa situation financière le permettra
(art. 135 al. 4 let. a CPP).
La Cour d’appel pénale
appliquant les articles 40, 46 al. 2, 47, 49 al. 1, 50, 51 CP; 139 ch. 1, 140 ch. 1 et 3, 144 al. 1 CP; 90 ch. 2 et 97 ch. 1 al. 1 aLCR;
126 al. 1, 135 et 398 ss CPP,
prononce :
I.
L’appel est rejeté.
II.
Le jugement rendu le 25 octobre 2013 par le Tribunal criminel de l’arrondissement de Lausanne est confirmé selon le dispositif suivant :
"
I. constate que G._ s’est rendu coupable de vol, brigandage qualifié, dommages à la propriété, usage abusif de plaques et violation grave des règles de la circulation routière;
II. condamne G._ à une peine privative de liberté de 7 ans, sous déduction de 817 jours de détention avant jugement;
III. ordonne le maintien en détention de G._ pour des motifs de sûretés;
IV. renonce à révoquer le sursis octroyé à G._ par le Bezirksamt Baden le 1
er
décembre 2009;
V. dit que G._ est le débiteur de F._ et lui doit immédiat paiement de la somme de 2'000 fr. à titre de réparation morale;
VI. ordonne le maintien au dossier au titre de pièces à conviction des supports répertoriés sous fiches no 54602, 54397, 54567, 54722 et sous pièce 199;
VII. fixe à 5'709 fr. 85, sous déduction d’une avance du même montant déjà versée en cours de procédure, l’indemnité allouée à Me Carlo Häfeli, et à 13'505 fr. l’indemnité allouée à Me Philippe Rossy, défenseurs successifs de G._;
VIII. met une part des frais, qui inclut les indemnités d’office allouées sous chiffre VII ci-dessus, et qui est arrêtée à 52'930 fr. 70, à la charge de G._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat".
III.
La détention subie depuis le jugement de première instance est déduite.
IV.
Le maintien en détention de G._ à titre de sûreté est ordonné.
V.
Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 3'175 fr. 20 (trois mille cent septante-cinq francs et vingt centimes
),
TVA et débours inclus,
est allouée à Me Philippe Rossy.
VI.
Les frais d'appel, par 5’305 fr. 20 (cinq mille trois cent cinq francs et vingt centimes), y compris l'indemnité allouée au défenseur d'office sous chiffre V. ci-dessus, sont mis à la charge de G._.
VII.
G._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office prévue au chiffre V. ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra
. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6cffb60d-9013-4ca1-9fa6-868b16ccd2b2 | En fait :
A.
Par jugement du 20 janvier 2011, le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois a condamné D._ pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, à la peine privative de liberté de cinq mois (I), renoncé à révoquer le sursis octroyé le 26 août 2004 par le Tribunal d'arrondissement de Lausanne (II), donné acte à [...] SA, au Service juridique et législatif de [...], à Q._ et à V._ de leurs réserves civiles à son encontre (III), et mis les frais de la cause par 1'150 fr., à sa charge (IV).
B.
Le 28 janvier 2011, D._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 24 février 2011, D._ a conclu en substance au réexamen du jugement et à la réduction de la peine privative de liberté. Il a formulé quelques observations sur les faits et a produit une nouvelle pièce dont il résulte qu'une ordonnance de classement a été rendue à l'encontre de son épouse, elle aussi accusée de détournement de valeurs patrimoniales, le procureur ayant retenu que les éléments objectifs et subjectifs de l'infraction faisaient défaut.
Par courrier du 11 avril 2011, le Ministère public a indiqué qu'il n'entendait ni présenter une demande de non-entrée en matière, ni déclarer un appel joint.
A la demande du président de cour, D._ a produit plusieurs pièces complémentaires au dossier.
C.
Les faits tels qu’ils ressortent de la procédure d’instruction, ainsi que des débats de première et de deuxième instance, sont les suivants :
1.
D._, né le 17 mai 1944, citoyen suisse, est marié. Au terme de sa scolarité obligatoire, il a appris le métier de cuisinier, avant de suivre les cours de l'école hôtelière de Zurich. Il a travaillé dans la restauration jusqu'en 1975, année durant laquelle il s'est mis à son compte en qualité de courtier indépendant spécialisé dans la remise d'établissements publics. Il perçoit une rente AVS de 1'960 fr. par mois depuis le mois de décembre 2009. Son loyer s'élève à 2'050 fr. par mois, le loyer de son bureau professionnel s'élevant à environ 700 fr. par mois étant compris dans ledit montant.
Son casier judiciaire comporte les condamnations suivantes :
- 7 avril 2000, Tribunal de district de Lausanne, détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, emprisonnement trois jours avec sursis pendant deux ans ;
- 14 octobre 2002, Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal, abus de confiance et détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, emprisonnement deux mois avec sursis pendant deux ans, peine complémentaire au jugement du 7 avril 2000 précité ;
- 28 août 2004, Tribunal d'arrondissement de Lausanne, abus de confiance et détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, emprisonnement 5 mois avec sursis pendant cinq ans, peine partiellement complémentaire au jugement du 14 octobre 2002 ;
- 27 octobre 2005, Tribunal correctionnel de Lausanne, soustraction d'objets mis sous main de justice, emprisonnement deux mois avec sursis pendant trois ans, sursis révoqué le 30 avril 2007 ;
- 30 avril 2007, Tribunal de police de Lausanne, soustraction d'objets mis sous main de justice, peine pécuniaire 150 jours-amende à 50 fr., peine d'ensemble avec le jugement du 27 octobre 2005.
2.
2.1.
Du 3 mai au 7 juillet 2009, alors qu'il avait été astreint par décision du 7 juillet 2008 de l'Office des poursuites de Lausanne Est à une retenue de salaire de 2'200 fr. par mois en faveur des créanciers de la série 29, D._ n'a rien versé alors que ses ressources effectives durant cette période se sont élevées à au moins 5'000 fr. par mois et que le minimum insaisissable arrêté par l'Office des poursuites était de 2'910 fr. lors de l'exécution de la saisie et de 2'910 fr. lors de l'établissement du procès-verbal de distraction de biens saisis.
D._ n'a pas déposé plainte LP contre les décisions de l'Office des poursuites et a distrait le montant de 4'754 fr. 85 au préjudice des créanciers.
2.2.
Du 8 juillet au 13 août 2009, D._astreint par décision du 13 août 2008 de l'Office des poursuites de Lausanne Est à une retenue de salaire de 2'200 fr. par mois, en faveur des créanciers de la série 30, D._ n'a rien payé alors que ses ressources effectives durant cette période se sont élevées également à au moins 5'000 fr. par mois et que son minimum insaisissable était arrêté à 2'910 francs.
D._ n'a pas déposé plainte LP contre les décisions de l'Office des poursuites et a ainsi distrait le montant de 2'625 fr. 80 au préjudice des créanciers.
2.3.
Entre le 14 août et le 23 octobre 2009, alors qu'il avait été astreint par décision du 4 février 2009 de l'Office des poursuites de Lausanne Est, à une retenue de 2'200 fr. par mois, en faveur des créanciers de la série 31, D._ n'a rien versé alors que ses ressources se sont élevées à au moins 5'000 fr. par mois et que le minimum insaisissable était arrêté à 2'760 fr. 25 lors de l'exécution de saisie et à 2'826 fr. 90 lors de l'établissement du procès-verbal de distraction des biens saisis.
D._ n'a pas déposé plainte LP contre les décisions de l'Office des poursuites et a ainsi distrait le montant de 5'109 fr. 70 au préjudice des créanciers.
2.4.
Entre le 24 octobre 2009 et le 12 février 2010, alors qu'il avait été astreint par décisions des 14 avril et 3 décembre 2009 de l'Office des poursuites de Lausanne Est à une retenue de salaire de 2'200 fr. puis de 3'900 fr. par mois dès le 1
er
décembre 2009, en faveur des créanciers de la série 32, D._ n'a rien payé alors que ses ressources effectives durant cette période se sont élevées à au moins 5'000 fr. par mois et que le minimum insaisissable était arrêté à 2'760 fr. 25 lors de l'exécution de la saisie.
D._ n'a pas déposé plainte LP contre les décisions de l'Office des poursuites et a distrait le montant de 4'613 fr. 55 au préjudice des créanciers.
2.5.
Par décision du 29 septembre 2010, l'Office des poursuites de Lavaux-Oron a révisé la saisie de salaire de 3'900 fr. décidée pour la période du 1
er
décembre 2009 au 27 septembre 2010 en annulant cette saisie avec effet rétroactif au mois de janvier 2010, retenant qu'D._ ne dégageait plus de revenus de son activité indépendante depuis le mois de janvier 2010, tout comme son épouse. La nouvelle saisie de salaire a été fixée à 62 fr. par mois. | En droit :
1.
L’appel doit être annoncé dans les 10 jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Code de procédure pénale suisse, Commentaire romand, Bâle 2011, n° 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les forme et délai légaux par une partie ayant la qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP), l'appel d'D._, partie non assistée, est suffisamment motivé au sens de l’art. 399 al. 3 et 4 CPP, et est, partant, recevable. Il convient donc d'entrer en matière sur le fond.
2.
L'appelant sollicite le réexamen du jugement et une réduction de sa peine privative de liberté. Il ne conteste toutefois pas sa culpabilité qui, comme on le verra, ne peut à l'évidence pas être niée.
L'art. 169 CP punit celui qui, de manière à causer un dommage à ses créanciers, aura arbitrairement disposé d'une valeur patrimoniale saisie, séquestrée ou inventoriée dans une poursuite pour dettes ou une faillite, notamment. Le terme de valeur patrimoniale englobe aussi bien les choses que les créances ou autres droits, à la condition qu'ils aient une valeur économique (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2002, 2
ème
éd., n. 2 ad art. 169 CP, p. 511; Stratenwerth, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil I, Berne 1995, n. 34 ad art. 169 CP, p. 431). L'art. 169 CP s'applique également au salaire futur provenant d'un emploi et au revenu futur issu d'une activité professionnelle indépendante (ATF 91 IV 69; ATF 96 IV 111 c. 1). L'application de cette disposition suppose que la saisie soit valable, et non pas nulle pour cause d'incompétence ou en raison d'un vice de forme. N'étant pas une autorité de recours en matière de poursuite pour dettes et faillite, le juge pénal n'a cependant pas à revoir le bien-fondé de la décision exécutoire. Lorsque la saisie porte sur des gains futurs, il examinera toutefois si l'accusé a réalisé ou non les gains qui avaient été prévus durant la période visée (ATF 96 IV 111 c. 2). Si les gains du débiteur ont été inférieurs aux prévisions, le juge pénal, en suivant les règles de la LP, doit déterminer lui-même dans quelle mesure le débiteur pouvait et devait respecter la saisie (ATF 96 IV 111 c. 3; TF 6P.67/2004 du 6 août 2004).
L'art. 169 CP vise une forme spéciale d'insoumission : l'auteur transgresse la mise sous main de justice décidée valablement par l'autorité (Corboz, op. cit., n. 9 ad art. 169 CP). L'auteur doit agir de manière à causer un dommage aux créanciers et l'acte doit donc être de nature à entraîner un tel dommage. Cette exigence a été comprise d'une manière large : il n'est pas nécessaire que les créanciers subissent effectivement une perte; il suffit que l'acte soit de nature à entraîner pour eux un préjudice, même temporaire, et qu'il y ait mise en danger (ATF 119 IV 135, JT 1994 I 802, JT 1995 IV 121; Corboz, op. cit., n. 18 ad art. 169 CP).
L'infraction est intentionnelle, mais le dol éventuel suffit (ATF 121 IV 357 c. 2). Il faut donc que l'auteur sache que la valeur patrimoniale a été mise sous main de justice ou qu'il accepte cette éventualité (Corboz, op. cit., n. 21 ad art. 169 CP). Il faut encore que l'auteur ait la volonté ou accepte de nuire aux créanciers (ATF 121 IV 357 c. 2; Corboz, op. cit., n. 24 ad art. 169 CP).
Dans le cas d'espèce, l'appelant soutient que le montant de ses ressources estimé à 5'000 fr. et retenu à plusieurs endroits dans le jugement, est un revenu brut, dont à déduire les frais généraux. Ce n'est pourtant pas ce qu'il résulte des pièces au dossier puisque la détermination du minimum d'existence effectué par l'Office des poursuites fait état d'un revenu mensuel net de 5'017 fr. 49. Dans la mesure où, par définition, l'Office des poursuites tient compte des charges dans le calcul du minimum vital, à la condition toutefois que celles-ci soient payées, cette question importe peu. Ce qui compte, ce n'est pas de connaître quels montants ont été pris en compte dans les calculs de l'Office des poursuites, mais plutôt de savoir si le montant de la saisie, tel qu'il résulte de ces calculs, a ou non été payé. Or, il résulte du procès-verbal de distraction que l'appelant n'a absolument rien versé à ses créanciers. En fait, sauf à prétendre que ses gains n'étaient que bruts, l'appelant ne reconnaît ni n'établit avoir payé d'autres charges que celles retenues par l'Office des poursuites, ni même ne soutient que les revenus auraient été inférieurs. Par ailleurs, s'il résulte bien du jugement que ce dernier loue un véhicule 970 fr. par mois, il n'est toutefois pas avéré que ce montant ait été payé.
Ainsi, il ne paraît pas faire de doute que les conditions d'application de l'art. 169 CP sont remplies. En effet, l'appelant n'a pas contesté les calculs de l'Office des poursuites, n'a rien versé à ses créanciers, admettant du reste dans sa déclaration d'appel avoir
"fait l'autruche"
, ni établi avoir eu d'autres charges qui auraient justifié que le juge pénal se demande si le débiteur pouvait vraiment respecter la saisie.
3.
Il convient d'examiner la question de la quotité de la peine, que l'appelant tient comme trop sévère.
3.1.
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1).
L'art. 47 al. 1 CP fixe le principe et reprend le critère des antécédents et de la situation personnelle. Cette disposition enjoint encore au juge de prendre en considération l'effet de la peine sur l'avenir du condamné. Cet aspect de prévention spéciale ne permet toutefois que des corrections marginales, la peine devant toujours rester proportionnée à la faute (TF 6B_14/2007 du 17 avril 2007 c. 5.2).
3.2.
Au regard de la récidive spéciale caractérisée, l'appelant ayant été condamné à cinq reprises entre 2000 et 2007 pour des infractions du même type, dont il en connaissait les tenants et aboutissants, force est de constater que la première juge n'a pas abusé de son large pouvoir d'appréciation en prononçant une peine de cinq mois. Cette durée doit donc être confirmée.
4.
Est question de savoir encore si c'est à bon droit que la première juge a condamné l'appelant à une peine privative de liberté.
4.1.
A teneur de l'art. 41 al. 1 CP, le juge ne peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois que si les conditions du sursis à l'exécution de la peine (art. 42 CP) ne sont pas réunies et s'il y a lieu d'admettre que ni une peine pécuniaire ni un travail d'intérêt général ne peuvent être exécutés.
4.1.1.
La première juge, tenant compte du passé judiciaire de l'appelant, de son absence manifeste de bonne volonté, ce dernier n'ayant jamais tenté de rencontrer l'un ou l'autre des créanciers pour expliquer sa situation dans le but, par exemple, d'obtenir une remise de dette, a exclu l'application du sursis. Du reste, eu égard à l'art. 42 al. 2 CP, la peine prononcée ne pouvait être que ferme. Le seul fait que l'appelant fasse amende honorable et qu'il soit désormais retraité ne suffit pas à constituer un pronostic particulièrement favorable au sens de cette disposition.
4.1.2.
Il convient dès lors d'examiner si une peine pécuniaire ou un travail d'intérêt général doit être prononcé en lieu et place d'une peine privative de liberté, la première juge n'ayant pas motivé de manière circonstanciée cette question (art. 50 CP).
4.1.2.1.
Pour choisir entre une peine pécuniaire et un travail d’intérêt général lorsque les conditions de l’une et de l’autre sont remplies, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il doit toutefois motiver sa décision en expliquant son choix. Une peine privative de liberté ferme de moins de six mois n'entre qu'exceptionnellement en ligne de compte. En édictant l'art. 41 CP, le législateur a institué un ordre légal de priorité en faveur des sanctions non privatives de liberté (ATF 6B_541/2007 du 13 mai 2008, c. 4.2.2). Le tribunal doit ainsi toujours examiner d'abord si une peine pécuniaire ferme peut être prononcée. Celle-ci doit pouvoir être appliquée même aux personnes ayant une faible capacité de revenu. Son exécution doit a priori procéder d'un paiement spontané et non résulter d'une exécution forcée par voie de poursuite. Il s'ensuit que l'exécution de la peine pécuniaire n'est pas rendue impossible du seul fait qu'il apparaît dès l'abord que l'on ne pourra en obtenir le paiement dans une telle procédure (ATF 134 IV 82, précité, c. 6.5.1).
On peut toutefois reconnaître de rares exceptions lorsque la condamnation à une peine pécuniaire n'est pas envisageable pour des motifs relevant de la personne de l'auteur (p. ex. lorsque l'intéressé manifeste d'emblée qu'il n'est pas disposé à payer). L'impossibilité d'exécuter une peine pécuniaire ne doit cependant pas être admise à la légère, car la loi exige qu'il soit tenu compte pour fixer la quotité de la peine de la situation personnelle et économique (art. 34 al. 2 CP). Même mauvaise ou assistée, la situation économique de l'auteur ne permet pas de justifier le prononcé d'une peine privative de liberté au lieu d'une peine pécuniaire. Admettre le contraire irait à l'encontre de la volonté du législateur. La situation économique précaire de l'intéressé ne peut entrer en ligne de compte que dans le calcul du montant du jour-amende. En outre, des facilités de paiement peuvent être accordées (TF 6B_845/2009 du 11 janvier 2010, c. 1.3).
Lorsqu'il est exceptionnellement justifié de l'admettre dans le cas d'espèce, le tribunal est appelé à décider si un travail d'intérêt général peut être ordonné à la place d'une courte peine privative de liberté (TF 6B_541/2007 du 13 mai 2008, c. 4.2.2). Le travail d'intérêt général est une sanction axée sur la prévention individuelle dans une perspective sociale constructive. Il tend à la privation de loisirs en tenant compte de l'expiation et de la réparation (Brägger, Basler Kommentar, Strafrecht I, 2e éd., Bâle 2007, remarques préliminaires à l'art. 37 CP, n. 21/26 s. et art. 37 CP, n. 6).
4.1.2.2.
En l'espèce, il faut admettre qu'une peine pécuniaire reviendrait à soustraire encore de l'argent à l'appelant, ce au détriment de ses créanciers. En outre, s'il s'avère que la détermination du minimum vital ne constitue pas le un critère déterminant pour l'évaluation de la quotité du jour-amende (cf. ATF 134 IV 97, c. 5.2.3), une situation d'indigence n'excluant pas une peine pécuniaire (TF 6B_414/2010), il y a toutefois lieu d'en tenir compte in casu, ce dans la mesure où lors de l'audience du 5 juillet 2011, l'appelant a d'emblée indiqué être prêt à accepter un travail d'intérêt général.
4.1.2.3.
Aux termes de l’art. 37 al. 1 CP, le juge peut, à la place d’une peine privative de liberté de moins de six mois ou d’une peine pécuniaire de cent huitante jours-amende au plus, ordonner, avec l’accord de l’auteur, un travail d’intérêt général de sept cent vingt heures au plus.
En principe, toute personne dont la culpabilité justifierait une condamnation à six mois de privation de liberté ou à 180 jours-amende au plus peut être condamnée, si elle accepte ce genre de peine et s'il n'est pas nécessaire de prononcer une peine privative de liberté ferme, à fournir un travail d'intérêt général (ATF 134 IV 97, c. 6.3.3.2). Cette peine tend à favoriser, à des fins de prévention spéciale, le maintien de l'auteur dans son milieu social, en le faisant compenser l'infraction par une prestation personnelle en faveur de la communauté plutôt que par une privation de liberté ou une peine pécuniaire (ATF 134 IV 97, précité, c. 6.3.2).
4.1.2.4.
En l'espèce, D._ est en bonne santé habituelle. Il a toujours travaillé de manière régulière et perçoit encore actuellement certains revenus de son ancienne activité. Il ressort du jugement que ce dernier a appris le métier de cuisinier avant de devenir courtier indépendant dans la remise d'établissements publics. Par ailleurs, nonobstant son âge, il se dit prêt et motivé à accepter un travail d'intérêt général. Par conséquent, il paraît adéquat d'ordonner une telle peine à son encontre d'une durée égale à la peine privative de liberté de cinq mois, soit 150 jours, qui avait été prononcée par la première juge. En vertu de l'art. 39 al. 2 CP qui énonce que quatre heures de travail d'intérêt général correspondent à un jour de peine privative de liberté, le recourant est condamné à six cents heures de travail d'intérêt général. L'appelant étant désormais retraité, le délai de deux ans fixé à l'art. 38 CP pour accomplir ce travail pourra ainsi être respecté.
5.
En définitive, l'appel d'D._ doit être partiellement admis en ce sens qu'il est condamné pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, à une peine de travail d'intérêt général de six cents heures.
L'appelant obtenant partiellement gain de cause (art. 428 al. 1 CPP), les frais de procédure d'appel, arrêtés en application des art. 21 et 23 TFJP, sont mis par moitié à sa charge, le solde restant à celle de l'Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6d1b63d0-df39-4ea3-a196-c7b450f38c48 | En fait :
A.
Par jugement du 27 septembre 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a libéré M._ des chefs d'accusation de lésions corporelles simples qualifiées et de menaces qualifiées (I), constaté que le prénommé s'est rendu coupable de voies de fait à raison des événements survenus le 13 mai 2008 (II), condamné le prénommé à une amende de 300 fr. avec peine privative de liberté de substitution de 10 jours (III), dit que le prénommé est débiteur de B._ d'une indemnité pour tort moral de 500 fr. (IV), alloué à l'avocate Valérie Elsner Guignard une indemnité de 3'996 fr., débours et TVA compris (V), alloué à l'avocat Michel Dupuis une indemnité de 2'416 fr. 75, débours et TVA compris (VI), arrêté les frais à charge de M._, hors indemnité d'office des conseils, à 2'000 fr., le solde étant laissé à la charge de l'Etat (VII) et subordonné le remboursement par le prévenu à l'Etat des indemnités allouées au conseil d'office Valérie Elsner Guignard et au défenseur d'office Michel Dupuis à l'amélioration de sa situation économique (VIII).
B.
Le 4 octobre 2011, M._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 31 octobre 2011, il a conclu à sa réforme en ce sens qu'il est libéré de l'infraction de voies de fait et qu'aucune indemnité pour tort moral n'est allouée à la plaignante B._, ni de dépens de première instance ou de seconde instance et que les frais de justice sont laissés à la charge de l'Etat. Il n'a pas requis l'administration de preuves.
Le 5 décembre 2011, le Ministère public a annoncé qu’il renonçait à présenter une demande de non-entrée en matière et à déclarer un appel joint.
Le 12 décembre 2011, le Président a informé les parties que l'appel allait être traité d'office en procédure écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP).
Par mémoire du 14 décembre 2011, l'appelant a confirmé les conclusions prises dans sa déclaration d'appel motivée. Par courrier du 5 janvier 2012, le Ministère public a conclu au rejet de l'appel. Dans ses déterminations du 6 janvier 2012, l'intimée a conclu à ce que le jugement entrepris soit confirmé. L'appelant a encore déposé des déterminations finales le 9 janvier 2012.
Dans le délai imparti, le défenseur d'office de l'appelant et le conseil d'office de l'intimée ont chacun produit une liste d'opérations.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
M._ est né le 9 avril 1973 au Sri Lanka, pays dont il est ressortissant. En décembre 1990, il a requis l'asile politique en Suisse et depuis 2002, il bénéficie d'un permis B. Depuis son arrivée en Suisse, il a travaillé comme aide de cuisine et livreur, régulièrement pendant trois ans, puis alternant des périodes d'emploi et de chômage. Le 11 novembre 2002, il a épousé B._, qu'il a fait venir en Suisse quelques jours après leur mariage. Il ne l'avait jamais rencontrée auparavant, leur relation ayant été exclusivement téléphonique pendant les cinq années précédant leur union. Le couple a eu une fille, [...], née le 8 juillet 2004; il est séparé depuis le 16 juillet 2009 sous le régime de mesures protectrices de l'union conjugale. Le prévenu occupe un appartement à Lausanne dont le loyer mensuel s'élève à 457 fr., charges comprises. Sa prime d'assurance-maladie de base est de 287 fr. 15 par mois. Il est actuellement au chômage et bénéficie à ce titre d'une indemnité mensuelle de l'ordre de 3'130 fr. pour 21 jours contrôlés, hors allocations familiales.
Son casier judiciaire comporte l'inscription suivante :
- 11.04.2005 : Tribunal d'arrondissement de Lausanne, actes d'ordre sexuel avec un enfant, tentative d'actes d'ordre sexuel avec un enfant, concours d'infractions, un mois d'emprisonnement, sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 3 ans.
2.
Au cours d'une dispute conjugale survenue le 13 mai 2008 au domicile du couple, à Lausanne, M._ a, en présence de leur enfant, alors âgée de presque 4 ans, frappé B._ au bras gauche et a donné un coup dans une porte d'armoire qui est venue heurter son épouse au niveau du coude, la faisant tomber à terre.
Le soir même des événements, la plaignante a été conduite au CHUV. L'examen médical a révélé une contusion du coude droit, qui a été plâtré préventivement en raison d'une probable fracture du cubitus survenue en 1998. Le lendemain, la plaignante a été examinée par les médecins de l'Institut universitaire de médecine légale et a fait l'objet d'un examen par diaphanoscopie, qui a mis en évidence une opacité d'environ deux centimètres de diamètre pouvant correspondre à une ecchymose sur la face postérieure de l'avant-bras gauche. Les autres parties du corps ne présentaient aucune trace de coup. Lors de la consultation du 16 mai 2008, il a été constaté une discrète limitation de la mobilité du coude droit mais vraisemblablement secondaire à l'ancienne fracture.
B._ a déposé plainte le 14 mai 2008. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.2
En l’espèce, dès lors que seule une contravention a finalement été retenue à l'encontre de M._ et fait donc encore l'objet de la procédure, le prénommé ayant été libéré du chef d'accusation de lésions corporelles simples qualifiées et de menaces qualifiées, un membre de la Cour d'appel pénale statue comme juge unique, conformément à l'art. 14 al. 3 LVCPP (Loi d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009, RSV 312.01).
3.
L'appelant conteste tout d'abord s'être rendu coupable de voies de fait. Il soutient que c'est à tort que le tribunal a retenu l'existence de voies de fait en raison d'un coup qu'il a donné dans la porte de l'armoire et qui serait venue frapper le coude de l'intimée. Il conteste la réalisation des éléments subjectifs de l'infraction de voies de fait en raison de l'absence d'une intention dolosive suffisamment démontrée.
3.1
Aux termes de l'art. 126 al. 1 CP, celui qui se sera livré sur une personne à des voies de fait qui n'auront causé ni lésion corporelle ni atteinte à la santé sera, sur plainte, puni des arrêts ou de l'amende.
Pour qu'il y ait voies de fait, il faut une action physique sur le corps d'autrui qui dépasse la mesure de ce qui est socialement toléré et généralement usuel, mais sans causer de lésions du corps ou d'atteintes à la santé (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2010, n. 4 ad art. 126).
Les voies de fait sont intentionnelles. Le dol éventuel suffit (Corboz, op. cit., loc. cit., n. 17 ad art. 126 CP). Selon la jurisprudence, la déclaration de culpabilité d'un accusé à l'égard duquel les éléments objectifs d'une infraction intentionnelle sont réalisés implique que le premier juge entend se prononcer sur l'intention dolosive et l'admet. Encore faut-il que le dol se dégage nettement de l'ensemble des circonstances (CCASS, 8 décembre 2003, n° 301).
Agit par dol éventuel celui qui compte sérieusement que le résultat dommageable pourrait se produire et y consent pour le cas où il se produirait. Le dol éventuel doit être nettement et strictement caractérisé : pour l'admettre, il faut que la possibilité du résultat se soit imposée au délinquant d'une façon si pressante que son acte ou son omission implique raisonnablement un consentement (ATF 86 IV 12, JT 1960 IV 74). Parmi les éléments extérieurs permettant de conclure que l'auteur a accepté le résultat dommageable pour le cas où il se produirait figurent notamment la probabilité (connue par l'auteur) de la réalisation du risque et l'importance de la violation du devoir de prudence. Plus celles-ci sont grandes, plus sera fondée la conclusion que l'auteur, malgré d'éventuelles dénégations, avait accepté l'éventualité de la réalisation du résultat dommageable (ATF 119 IV 1 précité, c. 5).
3.2
En l'espèce, analysant les variations des déclarations durant l'enquête et aux débats de M._ au sujet des faits qui se sont produits le 13 mai 2008, le tribunal les a tenues pour peu crédibles. Cette appréciation doit être confirmée. En effet, le prévenu, qui a toujours nié avoir frappé son épouse, s'est tout d'abord limité à affirmer qu'en fermant, "à un moment donné", la porte de l'armoire de la chambre à coucher, celle-ci avait heurté le coude droit de sa femme (PV aud. 1, p. 2); après lecture des déclarations de son épouse à la police, il est revenu sur ses propos en prétendant que c'est elle qui avait voulu le frapper (
ibidem
), ce qu'il a ensuite toujours maintenu (PV aud. 3; jugt, p. 3), précisant enfin qu'au moment des faits, il tenait leur enfant qui dormait dans ses bras et que la plaignante rangeait des habits dans l'armoire (
ibidem
). On remarquera que le prévenu est allé jusqu'à dire que cette dernière s'était ensuite couchée sur le lit, d'où elle serait tombée, et que c'est à cet instant que la police était intervenue (PV aud. 1), ce qui rend sa version des faits encore moins crédible.
M._ admet que le geste qui lui est reproché s'inscrit dans le cadre d'une dispute conjugale, qu'il est à l'origine de cette dispute (cf. PV aud. 1, p. 2
in initio
, où il déclare s'être énervé contre sa femme) et qu'au moment où il a poussé la porte de l'armoire, l'intimée se trouvait derrière celle-ci, ce qu'il ne pouvait ignorer. Dans ces circonstances, le geste litigieux, qui n'était pas accidentel, rendait hautement probable une atteinte à l'intégrité corporelle, à tout le moins au stade des voies de fait. En projetant la porte de l'armoire en direction de son épouse, le prévenu a donc accepté le résultat pour le cas où il se produirait. Contrairement à ce qu'il affirme, l'élément subjectif de l'infraction de l'art. 126 CP est bel et bien réalisé, à tout le moins par dol éventuel.
On remarquera par ailleurs que d'autres mauvais traitements, non punissables en raison de l'absence de plainte, ont été commis en octobre 2007 (jugt, pp. 27 s.) et que l'intimée a séjourné à plusieurs reprises au centre [...] entre cette date et le 19 novembre 2009 et qu'elle a ensuite été vue en entretiens ambulatoires par des intervenants de ce même établissement entre le 30 décembre 2008 et le 25 janvier 2010 (pièce 57). La thèse du coup accidentel est d'autant moins vraisemblable dans ce contexte.
Au surplus, il est établi que M._ a, lors des faits litigieux, frappé la plaignante au bras gauche, lui occasionnant une ecchymose sur la face postérieure de l'avant-bras (jugt, p. 25; pièce 9, p. 4), ce qu'il ne conteste d'ailleurs pas.
Par conséquent, le moyen tiré d'une violation de l'art. 126 CP est mal fondé et doit être rejeté.
4.
L'appelant invoque ensuite la prescription de la contravention.
4.1
Avec le premier juge, il faut admettre que l'action pénale ne pouvait plus se prescrire après le premier jugement rendu par le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne le 19 avril 2010. En effet, l'art. 97 al. 3 CP s'applique également aux contraventions par le renvoi de l'art. 104 CP (ATF 135 IV 196 c. 2). Peu importe à cet égard que ce jugement ait été annulé. Il s'agissait d'une décision judiciaire de première instance rendue au cours de la même procédure que celle ayant abouti à la condamnation contestée, donc d'un jugement correspondant aux réquisits de l'art. 97 al. 3 CP (Denys, Prescription de l'action pénale, SJ 2003 II pp. 59 ss, spéc. p. 60, cité in ATF 135 IV 196; cf. ég. TF 6B_82/2009 du 14 juilllet 2009 c. 4). Le message relève aussi que le but de cette disposition est d'assurer le traitement uniforme du sort des condamnés du point de vue de la prescription, indépendamment de l'utilisation des voies de recours (FF 1999 1940). Les objections d'une partie de la doctrine, selon lesquelles les aléas de la procédure de recours pourraient rendre l'infraction imprescriptible (Dupuis et alii, Petit commentaire, Code pénal, Bâle 2012, n. 6 ad art. 97 CP), doivent être écartées, le justiciable étant quoi qu'il en soit protégé à cet égard par les dispositions des art. 4 Cst et 6 CEDH, qui sanctionnent les longueurs excessives de la procédure (FF 1999 1940).
4.2
Partant, la prescription de l'action pénale ayant cessé de courir définitivement depuis le 19 avril 2010, c'est à juste titre que l'appelant a été condamné pour voies de fait.
Mal fondé, le moyen doit dès lors être rejeté.
5.
Enfin, M._ soutient qu'aucune indemnité n'aurait dû être allouée à la victime pour la réparation du tort moral, en raison du caractère minime de l'atteinte.
5.1
Selon l'art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale.
L'art. 47 CO étant un cas particulier de l'action générale en réparation du tort moral prévue par l'art. 49 CO, le lésé n'a droit à une réparation morale que pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie (ATF 128 II 49 c. 4.2; ATF 123 III 204 c. 2e, JT 1999 I 9; Tercier, Le nouveau droit de la personnalité, Zurich 1982, pp. 270 ss, n. 2047 ss; Deschenaux/Tercier, La responsabilité civile, 2
ème
éd., Berne 1982, n. 24 s., p. 93). On définit le tort moral comme les souffrances physiques ou psychiques que ressent la personne lésée à la suite d'une atteinte à sa personnalité. L'art. 49 al. 1 CO exige une atteinte d'une certaine gravité, dépassant la mesure de ce qu'une personne doit normalement supporter, que ce soit sur le plan de la durée des souffrances ou de leur intensité (Deschenaux/Tercier, op. cit., n. 24 s., p. 93; Tercier, op. cit., p. 267, n. 2029, et pp. 270 ss, n. 2047 ss; du même auteur, La réparation du tort moral : crise ou évolution?, in Mélanges Deschenaux, Fribourg 1977, pp. 307 ss, spéc. p. 313, ch. 3; Bucher, Personnes physiques et protection de la personnalité, 4
ème
éd., 1999, n. 603, p. 141). L'ampleur de la réparation dépend avant tout de la gravité de l'atteinte ou, plus exactement, de l'intensité des souffrances résultant de cette atteinte et de la possibilité d'adoucir de manière sensible la douleur morale du lésé par le versement d'une somme d'argent (ATF 125 III 269 c. 2a; ATF 118 II 410, c. 2a, rés. JT 1993 I 742 et les réf. cit.; voir aussi Hütte/Ducksch/Gross, Le tort moral, 3ème éd., Zurich 1996, I/66 a, ch. 7.5.2).
Des voies de fait peuvent suffire à fonder la qualité de victime si elles causent une atteinte notable à l'intégrité psychique du lésé (TF 6S_339/2003 DU 12 novembre 2003 c. 1.2.1).
En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage ne pouvant que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites; l'indemnité allouée doit toutefois être équitable. Le juge en proportionnera donc le montant à la gravité de l'atteinte subie et évitera que la somme accordée n'apparaisse dérisoire à la victime (ATF 125 III 269 précité; ATF 118 II 410 précité).
5.2
En l'espèce, en retenant que les événements du 13 mai 2008 avaient provoqué une atteinte psychique entraînant réparation, le premier juge n'a pas méconnu les principes énoncés ci-dessus. En particulier, et contrairement à ce que soutient le prévenu, c'est à bon droit que le tribunal a admis que la présence de l'enfant du couple au moment des faits avait été traumatisant pour la plaignante. Le principe de la réparation ne saurait donc être contesté.
S'agissant de son ampleur, le premier juge n'a pas excédé son large pouvoir d'appréciation en fixant l'indemnité à 500 fr., montant qui paraît proportionné à la gravité de l'atteinte subie par l'intimée.
Le moyen est donc mal fondé et doit être rejeté.
6.
L'appelant ne discute pas la peine, dès lors qu'il conclut à son acquittement.
Il suffit de constater, sur ce point, que l'appréciation de la fixation de la peine par le premier juge n’est pas critiquable et tant l'amende prononcée en première instance que la peine privative de liberté de substitution peuvent être confirmées.
Le tribunal était dès lors parfaitement fondé à mettre les frais de la cause à la charge du prévenu (art. 426 al. 1 CPP).
7.
En conclusion, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
7.1
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de M._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office, par 1'123 fr. 20, TVA et débours compris, ainsi que l'indemnité allouée au conseil d'office de B._ par 777 fr. 60, TVA comprise.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant des indemnités en faveur de son défenseur d'office et du conseil d’office de la partie plaignante prévues ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a et 426 al. 4 CPP).
7.2
Il ne sera pas accordé de dépens pénaux de deuxième instance à la plaignante, celle-ci ne les ayant pas chiffrés (cf. art. 433 al. 2 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6d4a9a09-704e-4f99-bfb3-1238c207e520 | En fait :
A.
Par jugement du 16 juin 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a constaté que H._ s’est rendu coupable de voies de fait et d’injures (I), l’a condamné à peine pécuniaire de 5 jours-amende à 10 fr. le jour et à une amende de 100 fr., la peine privative de liberté de substitution étant d’un jour (peine complémentaire) (II), a suspendu l’exécution de la peine pécuniaire et fixé le délai d’épreuve à 2 ans (III), a constaté que W._ s’est rendu coupable de lésions corporelles simples qualifiées, de tentative de lésions corporelles simples qualifiées, de dénonciation calomnieuse et de violation des obligations en cas d’accident (IV), l’a condamné à une peine pécuniaire de 210 jours-amende à 10 fr. le jour et à une amende de 400 fr., la peine privative de liberté de substitution étant de 4 jours (V), a suspendu l’exécution de la peine pécuniaire et fixé le délai d’épreuve à 2 ans (VI), a dit que W._ est le débiteur de H._ de la somme de 3'500 fr. à titre de dépens pénaux, H._ étant renvoyé à agir devant les tribunaux civils pour le reste de ses prétentions (VII et VIII), a mis les frais par 485 fr. à la charge de H._ et par 5’675 fr. 65, y compris l’indemnité de son défenseur d’office, à la charge de W._ (IX) et a dit que W._ ne sera tenu de rembourser l’indemnité de son défenseur d’office que si sa situation financière le permet (X).
B.
Par annonce du 26 juin 2015, puis déclaration motivée du 21 juillet suivant, H._ a formé appel contre ce jugement, en concluant avec suite de frais et dépens à sa réforme en ce sens qu’il est libéré des chefs d’accusation de voies de fait et d’injures, qu’aucun frais de justice n’est mis à sa charge et que W._ est son débiteur de la somme de 5'382 fr. 70 à titre de dépens pénaux.
Par appel joint du 18 août 2015, W._ a conclu avec suite de frais et dépens principalement à son acquittement et à sa libération des dépens pénaux ainsi que des frais de justice mis à sa charge. Subsidiairement, il a conclu à ce que la cause soit renvoyée à l’autorité précédente pour nouvelle décision.
Par courrier du 18 novembre 2015, le Ministère public a conclu au rejet de l’appel interjeté par H._ et de l’appel joint formé par W._.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
a)
Ressortissant du Kosovo, H._ est né le [...] 1994 à [...]. Au bénéfice d’un premier apprentissage, il suit une formation d’installateur électricien et réalise un revenu mensuel net de 1'059 fr. 45. Cette somme est reversée à ses parents, chez qui il vit et qui s’acquittent notamment de son assurance-maladie par 307 fr. 50.
Son casier judiciaire comporte une condamnation prononcée le 26 février 2015 par le Ministère public du canton du Valais, pour violation grave des règles de la circulation routière, à une peine pécuniaire de 65 jours-amende à 10 fr., avec sursis durant deux ans, et une amende de 800 francs.
b)
Ressortissant suisse, W._ est né le [...] 1993 à [...]. Il a terminé un apprentissage en qualité de logisticien et a l’intention d’obtenir un brevet fédéral. Il souhaite pouvoir accomplir son service militaire obligatoire mais ne peut être convoqué tant que la présente affaire est en cours. Lorsqu’il était apprenti, il réalisait un revenu mensuel de 1'110 fr. 60. Il verse entre 200 et 400 fr. chaque mois à ses parents chez qui il habite et s’acquitte de son assurance-maladie à hauteur de quelque 100 fr. par mois, bénéficiant d’un subside pour le solde.
Son casier judiciaire est vierge.
2.
Le 5 juillet 2013 vers 7h00, à Villeneuve, Route de la Tronchenaz, W._, qui se rendait au travail au volant de son véhicule, et H._, qui cheminait sur le trottoir, ont eu une altercation. Au cours de celle-ci, W._ s’est approché avec sa voiture de [...]. Dans des circonstances indéterminées, H._ a sauté sur le véhicule alors que celui-ci était en marche, les deux pieds posés sur le capot, et a heurté le pare-brise, avant de tomber. W._ a quitté les lieux sans avertir la police.
H._ a déposé plainte contre W._. Il a présenté une dermabrasion en regard de la rotule gauche avec une légère tuméfaction au genou. Les médecins qui l’ont ausculté trois heures après les faits ne lui ont prescrit aucun traitement dès lors qu’il ne se plaignait plus de douleurs.
W._ a déposé plainte contre H._ pour injures, voies de fait et dommage à la propriété.
3.
Aux termes d’une convention signée à l’audience d’appel de ce jour, les parties se sont présentées réciproquement leurs excuses et ont retiré chacune les plaintes pénales qu’elles avaient déposées l’une à l’encontre de l’autre. | En droit :
1.
Compte tenu de la convention de ce jour et des retraits de plaintes intervenus, l’appel de H._ est sans objet. Seules demeurent à examiner les infractions poursuivies d’office pour lesquelles W._ a été condamné et qu’il conteste aux termes de son appel joint.
En l’occurrence, interjeté dans les forme et délais légaux contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (cf. art. 398 al. 1 CPP), cet appel joint est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
W._ conteste avoir volontairement renversé H._ puis tenté de le faire une seconde fois, comme l’a retenu le premier juge. Il conteste également avoir déposé plainte contre H._ en le sachant innocent.
3.1
La constatation des faits est incomplète au sens de l’art. 398 al. 3 let. b CPP lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n’ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d’administrer la preuve d’un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l’administration d’un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3). La présomption d’innocence ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 consid. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 consid. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 consid. 2c; TF 6B_831/2009 précité consid. 2.2.2).
3.2
W._ soutient en substance que H._ aurait délibérément sauté sur le capot de sa voiture alors qu’il roulait à proximité de lui. Il affirme également qu’il n’aurait pas tenté de le renverser à nouveau et que H._ s’était placé au milieu de la route pour le provoquer.
Contrairement à ce que le Tribunal a retenu, cette version ne saurait être moins convaincante que celle donnée par H._. Le premier juge a relevé que les explications données tant par H._ que par W._ n’avaient pas parues des plus exhaustives et honnêtes et que H._ n’avait pas été d’une transparence complète. H._ n’a en outre souffert que d’une dermabrasion en regard de la rotule gauche avec une légère tuméfaction au genou et ne se plaignait plus de douleurs trois heures après les faits, ce qui n’est pas incompatible avec le fait d’avoir volontairement sauté sur le capot d’une voiture circulant à faible vitesse. Cela contredit en outre manifestement les déclarations de H._ et de son ami [...] selon lesquelles le prévenu circulait à 40 km/h : à une telle vitesse, les blessures subies par H._ auraient été plus graves. A cela s’ajoute qu’un conflit ancien oppose les deux jeunes hommes qui se sont provoqués les jours précédents. Force est de considérer que les versions des parties demeurent irrémédiablement contradictoires et qu’il subsiste un doute quant aux circonstances dans lesquelles H._ a sauté sur le capot du véhicule de W._ avant d’en heurter le pare-brise. Ce doute doit profiter à W._ qui doit en conséquence être libéré des chefs d’accusation de lésions corporelles simples qualifiées, mais également de tentative de lésions corporelles simples qualifiées et de dénonciation calomnieuse. On relèvera au demeurant que les lésions subies par H._ n’apparaissent pas suffisamment caractérisées au regard de l’art. 123 CP et sont constitutives tout au plus de voies de fait qui ne peuvent être poursuivies compte tenu du retrait de plainte.
4.
W._ conteste s’être rendu coupable de violation des devoirs en cas d’accident.
4.1
L’art. 92 al. 1 LCR (Loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 ; RS 741.01) prévoit qu’est puni de l'amende quiconque viole, lors d'un accident, les obligations que lui impose la présente loi. Selon l’alinéa 2 de cette disposition, le conducteur qui prend la fuite après avoir tué ou blessé une personne lors d'un accident de la circulation est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Ne doit pas être considérée comme « blessée » la victime qui n’a subi que des dommages corporels insignifiants, pratiquement sans conséquence et dont il n’y a pratiquement pas lieu de s’occuper (Jeanneret, Les dispositions pénales de la Loi sur la circulation routière, Berne 2007, n. 56 ad art. 92 LCR et les références citées; Bussy et al., Code suisse de la circulation routière, Bâle 2015, n. 2.2.c ad art. 92 LCR).
4.2
En l’espèce, dès lors que son véhicule était impliqué dans l’incident, W._ ne devait pas quitter les lieux sans faire appel à la police, quand bien même H._ s’était relevé. La violation qualifiée prévue par l’art. 92 al. 1 LCR ne sera toutefois pas retenue à sa charge, dans la mesure où la lésion subie par H._ doit d’une part être qualifiée d’insignifiante au regard de la doctrine précitée et qu’elle est d’autre part survenue dans des circonstances qui demeurent indéterminées. Partant, W._ sera reconnu coupable de violation simple des devoirs en cas d’accident au sens de l’art. 92 al. 1 LCR.
5.
Il reste à déterminer la peine à infliger au prévenu.
5.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
5.2
En l’occurrence, W._ s’est rendu coupable de violation des devoirs en cas d’accident. Compte tenu des circonstances, une amende de 300 fr. convertible en une peine privative de liberté de trois jours sanctionne adéquatement son comportement.
6.
Aux termes de son appel joint, W._ a contesté la mise à sa charge d’une partie des frais de première instance.
Compte tenu du comportement fautif qu’il a adopté, il lui incombe de supporter ces frais. Il en a au demeurant admis tant le principe que le montant aux termes du chiffre IV de la convention qu’il a signée ce jour.
7.
Il convient de prendre acte de la convention signée à l’audience de ce jour pour valoir jugement partiel. Le jugement rendu le 16 juin 2015 sera modifié en conséquence. En particulier, compte tenu du retrait de plainte de W._, la cessation de la poursuite pénale dirigée contre H._ pour voies de fait et injures sera ordonnée. Pour les mêmes motifs retenus ci-dessus s’agissant de W._ (consid. 6), H._ devra supporter les frais de première instance tels que le premier juge les a mis à sa charge.
8.
En définitive, l'appel joint interjeté par W._ doit être partiellement admis et le jugement de première instance modifié dans le sens des considérants qui précèdent.
9.
Au vu de l’examen du dossier et des opérations nécessaires à la défense des intérêts de son client pour la procédure d’appel, le temps annoncé par Me Ludovic Tirelli, qui comprend entre autres 5 heures d’étude du dossier, est quelque peu excessif. En conséquence, une indemnité de 2’127 fr. 60 (correspondant à une activité de 10 heures) lui sera allouée, ce montant comprenant une vacation, 50 fr. de débours, ainsi que la TVA.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, par 3'517 fr. 60, constitués en l’espèce de l'émolument d’arrêt, par 1’390 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]) et de l’indemnité allouée au défenseur d’office de W._, seront entièrement laissés à la charge de l’Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6d5c357a-46f4-454f-892f-0c6e5bdfa86f | En fait :
A.
Par jugement du 27 octobre 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a libéré B._ des chefs d’accusation d’actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance et de contrainte sexuelle (I), constaté qu’B._ s’est rendu coupable de viol et d’actes d’ordre sexuel avec des enfants (Il), l’a condamné à une peine privative de liberté de 2 ans, avec sursis pendant 2 ans (III), dit que cette peine est complémentaire à celles prononcées le 18 septembre 2003 par le Tribunal de Police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois et le 20 mars 2008 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois (IV), dit qu’B._ est le débiteur de H._ d’une indemnité pour tort moral de 25’000 fr. avec intérêt à 5% l’an dès le 1
er
mars 2001 (V), donné acte de ses réserves civiles à H._ pour le surplus (VI) et alloué à Me Manuela Ryter Godel, conseil d'office de H._, une indemnité de 5'673 fr. 70, débours et TVA compris (VII), alloué à Me Olivier Boschetti, défenseur d'office
d'B._, une indemnité de 9'050 fr. 75, débours et TVA compris (VIII), dit que les frais de la cause, par 26'400 fr., sont mis à la charge d'B._ (IX) et que ce dernier sera tenu au remboursement à l'Etat des indemnités allouées au conseil d'office Me Manuela Ryter Godel et au défenseur d'office Olivier Boschetti dès que sa situation financière le permettra (X).
B.
En temps utile, B._ a interjeté appel contre ce jugement. Il a conclu, avec suite de frais et dépens, à sa libération des infractions de viol et d’actes d’ordre sexuel avec des enfants, les chiffres V et VI du dispositif du jugement attaqué étant déclarés sans objet et les frais de la cause étant laissés à la charge de l’Etat. A titre de mesure d'instruction, l'intéressé a requis l'audition d'un psychologue ou psychiatre spécialiste en sexologie, pour être entendu sur le résultat de l'expertise judiciaire mise en oeuvre en première instance, et sur son complément.
Le 27 décembre 2011, le Ministère public a renoncé à présenter une demande de non-entrée en matière et à déposer un appel joint.
Le 27 mars 2012, l'appelant a remplacé sa réquisition tendant à l'audition du spécialiste en sexologie, étant donné l'indisponibilité de ce tiers, et a produit en lieu et place l'avis médical du 13 mars 2012 du Dr [...], psychiatre et psychothérapeute à [...]. D'après ce praticien, l'hypothèse qu'B._ soit l'auteur d'une infraction contre l'intégrité sexuelle de H._ ne peut être
"[...] ni écartée, ni prouvée sur le plan forensique [...]"
(P.121).
H._ n'a pas procédé dans le délai imparti.
Une audience s'est tenue le 29 mars 2012, au cours de laquelle l'appelant a indiqué avoir renoué des liens avec son fils Jérémy, et a confirmé toutes ses déclarations antérieures.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Cadet d’une famille de trois enfants, B._ est né le 17 novembre 1961. Titulaire d'un CFC d'électricien, l'intéressé a travaillé durant 19 ans pour le compte de la [...] avant d'être licencié pour des raisons économiques. Après deux périodes de chômage, il a été engagé, au mois de mai 2011, par Arnold AG pour un salaire brut mensuel de 5’450 francs.
En 1983, B._ a contracté un premier mariage, suivi d'une séparation après trois ans de vie commune. Le 27 mars 1997, il a épousé [...] déjà mère des enfants [...] et [...] Un mois plus tard, l'enfant Jérémy est né de leur union. Peu après leur mariage, les époux B._ ont fait construire une villa à [...] où l'intéressé a vécu jusqu'à la décision de justice du 14 février 2001 le sommant de quitter le domicile conjugal dans les 48 heures. Le divorce des époux B._ a été prononcé en 2010, au terme d'une procédure longue et conflictuelle. L’autorité parentale sur l’enfant Jérémy a été confiée à la B._ s’acquitte désormais régulièrement de la contribution d’entretien et, depuis peu, il revoit son fils.
Entre 2006 et 2008, B._ a déménagé à plusieurs reprises, notamment à [...], commune dans laquelle il vit à ce jour.
2.
Le casier judiciaire suisse du prévenu comporte les inscriptions suivantes :
- 18 septembre 2003, Tribunal d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, 10 jours d’emprisonnement avec sursis pendant deux ans, pour violation d’une obligation d’entretien;
- 20 mars 2008, Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois, travail d’intérêt général de 20 heures, pour violation d’une obligation d’entretien.
3.
3.1
Entre la deuxième quinzaine de février et la fin de l’hiver 2001, [...], dans la cave de la maison où il avait habité avec sa famille, B._ s’en est pris à H._, née le 5 juin 1990. lI l’a bousculée à plusieurs reprises, en lui disant qu’il allait lui faire des choses qu’il ne fallait pas dire, et qu’il tuerait ses parents et sa soeur si elle disait quoi que ce soit. Il l’a poussée au fond du local, l’a giflée, a essayé de lui arracher son pull, l’a fait tomber à terre, lui a retiré son pantalon au niveau de la jambe gauche, s’est placé sur elle, l’a touchée partout, a essayé de l’embrasser, a placé ses mains sur le haut de son corps, sur sa poitrine et autour du cou. Le prévenu a maintenu H._ d’une main sur le cou, tandis qu’il la touchait de l’autre. Il a ensuite introduit son sexe dans le vagin de la fille, lui occasionnant ainsi une forte douleur.
3.2
Ce n’est qu’en septembre 2006, à l’occasion du décès brutal d’une jeune fille de son âge habitant [...], que H._ a parlé à sa mère des actes subis en 2001, cela sans grands détails. La mère de H._ s’est confiée à B._. Les parents de H._ ont ensuite consulté le centre LAVI et entrepris une thérapie. Ils ont décidé d’attendre avant de déposer plainte. [...] les a devancés. Elle s’est présentée à la police le 25 septembre 2007. La police a contacté la mère de H._. Le 1
er
octobre 2007, H._ a accepté d’être entendue. Le 4 octobre 2007, le père de H._ a déposé plainte contre B._ (procès-verbal d’audition-plainte no 1).
3.3
On précisera encore qu'à l'époque des faits, les famillesA.T._ et B._ habitaient à [...]. [...], belle-fille d’B._, et H._ étaient amies, de même que leurs mères. De ce fait, H._ côtoyait régulièrement [...], notamment au domicile des B._.
3.4
En l’absence de témoin direct, l’accusation repose principalement sur les déclarations de H._. B._ a toujours contesté toute infraction à l’intégrité sexuelle de H._, comme à l’encontre d’autres personnes, au demeurant.
4.1
B._ a fait l’objet d’une expertise psychiatrique. Dans leur rapport du 4 octobre 2010, les [...] et [...] (Département de psychiatrie du [...]) ont posé les diagnostics de trouble mixte de la personnalité avec traits paranoïaques, narcissiques et impulsifs, trouble de l’adaptation avec perturbation mixte des émotions et des conduites, ainsi qu’un syndrome de dépendance à l’alcool au moment des faits et une utilisation épisodique au moment du rapport. Ils ont relevé l’absence d’élément de pédophilie. Les observations cliniques confirmées par les tests psychologiques ont encore montré chez le prévenu un fonctionnement psychotique de la personnalité, marqué par des traits paranoïaques et certains aspects narcissiques voire mégalomanes. B._ fait preuve d’une grande réactivité relationnelle et émotionnelle, ainsi que d’une fragile stabilité. Au moment des faits, il présentait un trouble des émotions et des conduites, réactionnel à ses difficultés conjugales et professionnelles. Dans des situations calmes, il n'est pas possible de déceler les signes de fonctionnement pathologique de la personnalité d'B._.
Aux dires des experts, les troubles de la personnalité d’B._ qui étaient probablement présents déjà depuis l’âge adulte, ont pu être aggravés par les difficultés de vie rencontrées depuis 1999 (perte d’emploi, conflit familial, consommation plus importante d’alcool). Qualifiés de peu graves, ils n'ont nécessité aucun traitement médical au moment de l'expertise.
D'après les experts, B._ était, au moment des faits (1999 à 2001) tout à fait capable d’apprécier le caractère illicite de son acte, même si, en raison de la conjonction de ses divers troubles de la personnalité, sa capacité à se déterminer d’après cette appréciation pouvait être légèrement diminuée. Quant aux raisons du passage à l’acte, les experts ont admis l’hypothèse d'un acte de pouvoir, de contrôle et de violence, dans lequel l’auteur ne cherchait pas le plaisir, mais à contraindre, à blesser, à laisser agir un débordement émotionnel de rage et de haine. Le choix de la victime - la fille de la meilleure amie de sa femme - laisse supposer qu’en agissant comme il l’a fait, B._ voulait atteindre ces personnes au travers de l’enfant. Dans cette hypothèse, le risque de récidive leur paraissait faible s’agissant d’infractions de type agression sexuelle (P. 74).
Dans un complément d’expertise du 3 décembre 2010, les [...] et [...] ont - avec la réserve due à la négation des faits par B._ et l’impossibilité subséquente de connaître ses motivations -, précisé que le viol dont l’intéressé se serait éventuellement rendu coupable correspondait au type violent, avec colère. Ce type de viol est commis pour venger, via un enfant, les outrages ou les injustices que l’agresseur, à tort ou à raison, estime avoir subis. L’agresseur utilise plus de force que nécessaire pour maîtriser la victime. L’infraction est peu planifiée, relativement courte et explosive. Il n’y a pas de recherche de pseudo complicité avec la victime et le choix de celle-ci est plus aléatoire. La rage est déviée sur la victime de manière indifférenciée (P. 81).
4.2
Les psychiatres traitants de H._ se sont également déterminés. Dans son rapport du 28 septembre 2008, la Dresse [...] psychologue à Yverdon-les-Bains, note les termes utilisés par la victime pour décrire ce qu’elle a subi
"[...]Je suis descendue à la cave, je suis remontée, j’étais morte [...]"
(P. 27). Le 30 septembre 2008, la Dresse [...] (Service de psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent à [...]) a relevé chez cette patiente, outre le stress post-traumatique, les quatre vécus prévalant chez les victimes d’abus sexuels, tels que décrits par la littérature : à savoir, le sentiment d’impuissance et de culpabilité, le vécu de stigmatisation, le vécu de sexualisation traumatique et le vécu de trahison (P. 28).
5.
Tenant pour crédibles les déclarations de H._, corroborées par les conclusions des experts -considérées comme probantes-, et les constatations concordantes des psychiatres traitants, le tribunal a reconnu B._ coupable de viol et d’actes d’ordre sexuel avec des enfants et l’a condamné (cf. supra A). | En droit :
1.
Déposé en temps utile et contenant des conclusions conformes à
l’art. 399 al. 3 CPP, l’appel est recevable (art. 399 aI. 1 et 3 CP; Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0).
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète des faits et pour inopportunité.
3.
3.1
L'appel porte sur le principe de la culpabilité, l'appréciation des preuves et le respect de la présomption d'innocence. L’appelant conclut à son acquittement. Il remet en cause l’appréciation des preuves qui a abouti à sa condamnation pour viol et actes d’ordre sexuel avec des enfants.
3.2
La présomption d'innocence, qui est garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo,
concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38, c. 2a).
4.
Dans un premier moyen, B._ reproche aux premiers juges d’avoir tenu pour déterminantes les déclarations de H._. S'il admet que le tribunal a examiné l’hypothèse selon laquelle la jeune fille mentirait sur les faits et l’a l’écartée, il considère qu'en l’absence totale de témoin ou de pièce établissant les violences sexuelles, l’examen auquel devaient se livrer les premiers juges aurait dû être plus rigoureux. A l'appui de cet argument, il dresse la liste de plusieurs éléments censés amener l'autorité de céans à remettre en cause la crédibilité de la victime, éléments qui seront examinés aux chiffres 4.1 à 4.8 ci-après.
4.1.
Citant un
article rédigé en 1997 par [...], professeur de psychologie à l'Université de Washington, qu'il produit (P.4), l'appelant soutient qu'en matière d'abus sexuels les "faux souvenirs" ne sont pas rares, et qu'en conséquence la conviction "d'avoir été violée" n'est pas une preuve irréfutable de véracité.
Les premiers juges n’ont pas ignoré cette difficulté. Ils ont noté qu’en l’absence de témoin, l’accusation reposait principalement sur les déclarations de H._ (jugement, c. 3.1, p. 31). Ils ont relevé que, si la jeune fille n’était pas en mesure de préciser la date exacte de survenance des faits, elle avait fourni aux débats et en cours d'enquête d’autres détails précis à ce sujet : il s’agissait d’un jour de semaine après l’école, sa mère lui avait interdit de se rendre chez les B._ en présence d’B._, il faisait froid, c’était en hiver, et il faisait presque nuit lorsqu’elle a quitté le domicile des époux B._ après les faits (jugement c. 3.3). Le tribunal a aussi considéré les éléments mentionnés par la victime au sujet de l'acte de l'auteur (haleine alcoolisée, attouchements, douleur entre les jambes, gouttes de sang). Ainsi, malgré quelques imprécisions, le déroulement des faits incriminés a pu être reconstitué par le tribunal. Dans ce contexte, les lacunes de mémoire de la jeune fille ont été vues comme étant de nature à renforcer sa crédibilité,
"[...] un menteur ayant plutôt tendance à ne pas exprimer la moindre lacune ou incertitude [...]"
(jugement, c. 3.5). Cette appréciation n'est pas critiquable et doit être confirmée.
4.2
D’après B._, les indications fournies par H._ étaient des vieux souvenirs que le tribunal aurait dû apprécier avec plus de circonspection.
Les premiers juges avaient conscience de l’écoulement du temps survenu et l’ont relevé (jugement c. 3.5, p. 34). lIs ont également largement débattu du processus de mûrissement des "aveux" de la jeune fille (même considérant). Ils ont donc fait preuve de la prudence nécessaire pour interpréter ces vieux souvenirs.
4.3
L’appelant invoque l’âge de la victime au moment des faits. Il considère que, sous l’angle de l’appréciation des preuves, les premiers juges auraient dû y voir une raison supplémentaire de douter de sa crédibilité.
Cet aspect n'a pas été ignoré. Le tribunal a constaté que H._ était âgée d'un peu plus de dix ans au moment des faits, qu'elle était une enfant qui ne comprenait pas complètement et totalement ce qui lui arrivait, ce qui pouvait expliquer ses imprécisions et le fait que certains éléments ont pu s'effacer de sa mémoire (jugement, p. 34, c. 3.5). Ainsi donc, aux yeux des premiers juges, l'âge de la victime explique la nature de son récit, mais ne permet pas de remettre en cause sa crédibilité. Cette analyse peut être suivie.
4.4
Pour l’appelant, la pauvreté de la description de l'acte de pénétration permet de remettre en cause la crédibilité de H._, d'autant plus que celle-ci a eu des doutes sur l’origine de sa douleur lors de sa première audition.
Les premiers juges ont décrit la pénétration vaginale et les douleurs ressenties par la jeune fille en se fondant sur les déclarations de celle-ci à la justice (procès-verbal d’audition no 2) :
"[...] s’agissant de la pénétration vaginale H._ a indiqué avoir ressenti une "monstre douleur" se situant dans le bas, précisant ne pas savoir si c’était le choc ou si c’était B._. Elle a relevé la particularité de cette douleur car elle avait notamment eu du mal à marcher, mal entre les jambes, plus précisément à l’entrejambe, à la hauteur de l’aine. Elle a précisé s’être sentie complètement cassée, Elle s’est déclarée persuadée de l’existence d’une pénétration, à tout le moins beaucoup plus persuadée de celle-ci que d’avoir crié. [...]"
(jugement p. 34). Pour le tribunal, le caractère sommaire de la description de l’acte n’a rien de surprenant si l'on tient compte de l’âge de la victime (10 ans et demi) au moment des faits et du peu de connaissances qu'elle avait en la matière; cela renforce même la crédibilité de la jeune fille (jugement, p. 35). Cette appréciation n’a rien d’erroné et doit être confirmée.
4.5
B._ fait valoir qu'en l'absence de certificat médical attestant des violences alléguées, il existait un doute sur l'origine des troubles psychiques de H._, troubles qui pouvaient aussi bien être liés aux difficultés familiales que connaissait la famille A.T._ en 2001 qu'au viol allégué.
Les éléments médicaux au dossier ont été, parmi d'autres, pris en compte pour apprécier la crédibilité des propos de la victime. A ce sujet, le jugement se réfère aux constatations de la Dresse [...] et de la Dresse [...]. Cette dernière met en exergue chez H._ les quatre vécus prévalant chez les victimes d'abus sexuels, tels décrits par la littérature (supra, P. 28 : le sentiment d’impuissance et de culpabilité, le vécu de stigmatisation, le vécu de sexualisation traumatique, et le vécu de trahison). Sur ces bases, les premiers juges ont admis que H._ avait réellement était victime d'une atteinte à son intégrité sexuelle; il leur paraissait d'ailleurs peu probable que H._ ait pu tromper sa doctoresse au sujet des quatre vécus prévalant chez les personnes abusées
( jugement p. 39, c. 3.8). Cette appréciation n'est pas critiquable et c'est en vain que l’appelant cherche à imposer une autre interprétation des pièces médicales, voire une autre version des faits.
4.6
Pour l'appelant, H._ ne saurait être crédible, car sa camarade de jeu, [...], ne s'est aperçue de rien lorsque H._ est remontée de la cave, après les faits.
Certes, le jugement n'évoque pas ce qu'a pu observer [...] lorsque sa camarade de jeu est remontée de la cave. Il retient tout de même les propos tenus par la mère de [...] durant l’enquête (procès-verbal d'audience no 3, p. 3), puis lors des débats (jugement, p. 10), selon lesquels [...] avait montré un changement d'attitude à l'époque, devenant anxieuse et craintive, comportement qui aurait pu être un indice de ce qu'elle avait constaté chez H._ ou d'un abus qu'elle aurait elle-même subi. On ajoutera que [...] semble avoir complètement occulté le personnage du prévenu (procès-verbal no 2 d'audition de H._ du 4 octobre 2007, p. 4) de sorte que si elle n'a pas parlé des faits litigieux, cela ne signifie pas qu'elle n'a rien vu ou qu'il ne s'est rien passé.
4.7
A.T._ soutient qu'il ne peut pas être l'auteur des faits reprochés car il souffrait, à cette époque, de troubles de l'érection.
Les premiers juges n'ont pas omis d'examiner et de discuter ce moyen déjà soulevé en première instance. Les troubles érectiles allégués leur ont paru peu crédibles de la part d'un prévenu accusé de viol qui n'a pas fait pas valoir cette exception médicale au stade de l'instruction, alors qu'il aurait pu le faire. Ils ont en outre considéré que si des troubles partiels de l'érection avaient été confirmés par l'ex-épouse du prévenu, ils pouvaient parfaitement s'expliquer par les difficultés conjugales traversées à l'époque par le couple et ainsi se limiter aux relations que le prévenu avait avec son ex-épouse. Les troubles érectiles invoquées n'excluent donc pas qu'B._ ait pu s'en prendre à l'intégrité sexuelle de H._.
4.8
A.T._ considère que les dépositions de tiers qui lui sont favorables n’ont pas été suffisamment prises en considération.
Les premiers juges expliquent pour quels motifs ces dépositions n'ont pas un caractère probant à leurs yeux (jugement, p. 39) : il s'agit de proches du prévenu dont l'objectivité n'est, de ce fait, pas garantie. En outre, ces témoins n'ont vu l'intéressé que dans des situations calmes où, aux dires d'experts, il n'était pas possible de déceler les signes de fonctionnement pathologiques de sa personnalité. Enfin, ces témoins ignoraient la plupart des faits avérés, ce qui est souvent le cas lors d'abus en milieu familial ou proche. Ces témoignages étaient donc sans grande portée, de sorte que l'appréciation qu'en fait le tribunal ne saurait être remise en cause.
En conclusion, contrairement à ce que soutient l'appelant, les déclarations de H._ pouvaient être tenues pour crédibles.
5.
5.1
Dans un deuxième moyen, B._ nie être l'auteur des faits incriminés, au motif qu'il ne pouvait pas se trouver sur les lieux au moment où, d'après le tribunal, ces faits se seraient déroulés. A l'appui de cette affirmation, le prévenu fait valoir son emploi du temps à l'époque des faits, ainsi que la décision de justice du 14 février 2001 le sommant de quitter le domicile conjugal dans les 48 heures.
Confronté aux déclarations du prévenu et à celles de son ex-épouse en première instance, ce dernier argument ne tient pas. En effet, il apparaît que malgré la séparation intervenue, B._ a disposé d'une clé jusqu'en été 2001 et que, de toutes façons, la cave était accessible même sans clé.
Quant aux prétendues impossibilités que l'appelant tire de son emploi du temps, elles ont été écartées sur la base d'éléments établis par l'instruction, laquelle a révélé que l'appelant disposait de jours de congé en compensation d'heures supplémentaires et qu'
a priori
, tel aurait pu être le cas au moment des faits. Le contraire n'a d'ailleurs pas été établi par l'intéressé qui a fourni peu de précisions au sujet de son emploi du temps de l'époque.
Avec les premiers juges, on relèvera encore que la chronologie des événements telle que relatée dans la partie en faits ci-dessus (C, 3.3) provient de la version des faits présentée par la victime. Elle révèle en tous cas l'absence de machination, de volonté de vengeance ou de nuire de la part de H._ et permet d'écarter l'existence d'une collusion entre H._ et [...]. Elle permet également d'écarter l'hypothèse que l'acte ait été le fait d'un tiers que H._ aurait voulu protéger au préjudice d'B._.
5.2
Le prévenu soutient donc en vain que l'acte incriminé pourrait être le fait d'un tiers.
6.
6.1
Dans un dernier moyen, l'appelant reproche au tribunal d'avoir expliqué le passage à l'acte en se fondant sur une hypothèse psychiatrique complètement irréaliste.
Les premiers juges expliquent pourquoi ils se rallient à l’hypothèse du viol avec violence retenue par les experts psychiatres (P. 74 et P. 81). Cette motivation ne procède pas d'une appréciation erronée. Face à un expertisé persistant à nier les faits, les experts ont été contraints de raisonner sur la base d’hypothèses. Celle qu’ils privilégient est documentée dans la littérature scientifique. Au vu du contexte du cas d’espèce, elle leur est parue la plus vraisemblable et les premiers juges étaient dans ces circonstances tout à fait fondés à la considérer comme pertinente.
La pièce nouvelle produite en appel par Yves
B._ (P. 121) -qui est un simple avis médical- ne change rien à cette
appréciation. Son contenu ne permet, en effet, pas d'infirmer les constatations des experts psychiatres, qui ont valeur probante dès lors qu'elles sont claires et complètes, non entachées d'erreurs ou de contradictions, qu'elles prennent en compte l'anamnèse médicale dB._ et qu'elles répondent à toutes les questions déterminantes pour le sort du litige.
6.2
Les éléments relatifs à la motivation de l'auteur ont donc également été correctement examinés.
7.
Vu ce qui précède, il convient de confirmer l'analyse à laquelle se sont livrés les premiers juges. Ils n'ont pas retenu en défaveur de l'appelant des faits au sujet desquels ils auraient dû avoir des doutes sérieux. Les éléments de preuve réunis étaient, au contraire, suffisants pour leur permettre de se convaincre que les faits s'étaient déroulés comme relaté par H._. Le principe de la présomption d'innocence n'a donc pas été violé.
8.
Au vu des faits retenus, c'est sans violer le droit fédéral que l'autorité de première instance a reconnu B._ coupable de viol et actes d'ordre sexuel avec des enfants. La peine n'est pas remise en cause (art. 404 al.1 CPP). Elle a, au demeurant, été fixée conformément au droit (art. 47 CP). Il en est de même des points du dispositif relatifs aux prétentions civiles, aux frais, et aux dépens pénaux.
9.
En définitive, l'appel est mal fondé et doit être rejeté. Vu le sort de l'appel, les frais de seconde instance doivent être mis à la charge dB._ (art. 428 al.1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6dbcfa60-be18-4fe0-9435-9349842bbe25 | En fait :
A.
Par jugement du 10 juin 2014, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a reconnu L._ coupable de faux dans les titres et défaut de vigilance en matière d'opérations financières (I), l'a condamné à 100 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr. (II), a suspendu l'exécution de la peine pour une durée de 4 ans (III), a renoncé à révoquer le sursis de 3 ans assortissant la peine de 180 jours-amende à 30 fr. le jour prononcée contre L._ le 25 février 2009 par le Ministère public du canton de Genève, mais a adressé un avertissement au prévenu et prolongé de 18 mois le délai d'épreuve (IV), et a mis une partie des frais de procédure, arrêtés à 2'360 fr. 65, à la charge du prénommé, le solde, par 350 fr., étant laissé à la charge de l'Etat.
B.
Le 23 juin 2014, le Ministère public a déposé une annonce d'appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 3 juillet 2014, il a conclu à la réforme du jugement précité en ce sens que le chiffre III du dispositif est supprimé.
Par courrier du 7 juillet 2014, la Présidente de la cour de céans a désigné Me Carola Massatsch comme défenseur d'office de L._.
Ce dernier n'a présenté ni demande de non-entrée en matière, ni appel joint.
Aux débats d'appel, l’appelant a confirmé ses conclusions. L'intimé a conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
L._, né en 1973, célibataire mais père de six enfants, est employé de commerce de formation. Il s'est perfectionné dans le domaine du management. Depuis décembre 2012, époque à laquelle il a été licencié de son dernier emploi, il émarge aux services sociaux.
Son casier judiciaire mentionne deux condamnations, la première en 2006 à une amende de 450 fr., pour violation grave des règles de la circulation routière, la seconde en 2009 à 180 jours-amende, avec sursis pendant 3 ans, et à une amende de 1'200 fr., pour escroquerie.
2.
A quatorze reprises, entre le 4 juillet 2011 et le 5 juin 2012, à Lausanne, le prévenu, alors employé de Z._, a envoyé de l'argent – pour un total d'environ 7'000 fr. – à diverses personnes à l'étranger en se présentant sur les fiches de transactions comme l'ayant droit économique de ces sommes, alors qu'il agissait pour le compte de tiers. | En droit :
1.
Le Ministère public a la qualité pour faire appel, en application de l'art. 381 al. 1 CPP.
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
Invoquant une violation de l'art. 42 al. 2 CP, l'appelant conteste l'octroi du sursis au prévenu.
3.1
Selon l'art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2). La présomption d’un pronostic favorable, respectivement du défaut d’un pronostic défavorable, ne s’applique en revanche plus si durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, le prévenu a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins. L’octroi du sursis n’entrera alors en considération que si, malgré l’infraction commise, on peut raisonnablement supposer, à l’issue de l’appréciation de l’ensemble des facteurs déterminants, que le condamné s’amendera (ATF 134 IV 1 c. 4.2.3). Ainsi, en cas de récidive au sens de l'art. 42 al. 2 CP, seules deux hypothèses sont envisageables : soit les circonstances sont particulièrement favorables et le sursis total doit être accordé à l'auteur; soit les circonstances sont mitigées ou défavorables et le sursis, respectivement partiel ou total, est alors exclu (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009, c. 3.1.3, non publié aux ATF 135 IV 152).
3.2.
En l'espèce, le premier juge a estimé qu'il y avait des circonstances particulièrement favorables permettant d'accorder un sursis, malgré les antécédents excluant en principe cette mesure de clémence, parce que L._ avait "certainement pris conscience de sa faute" et que, "depuis quelques années", il vivait "une vie sans problème" (jugt, p. 15).
L'appelant relève que le prévenu n'a jamais exprimé le moindre regret, contestant au contraire toute faute de manière répétée aux débats, et n'a donc absolument pas pris conscience du caractère répréhensible de son comportement. Il fait également valoir qu'il a agi dans le délai d'épreuve accordé en 2009, récidivant ainsi dans le domaine des infractions patrimoniales.
Ces arguments sont bien fondés. En effet, l'intimé a commis les infractions en cause, alors qu'il avait été condamné, deux ans auparavant, pour escroquerie, dans le délai d'épreuve de trois ans qui lui avait été accordé. Ce précédent sursis dont il a bénéficié n'a ainsi pas eu l'effet dissuasif escompté. A cela s'ajoute que le prévenu a contesté le caractère fautif de la plupart des transactions qui lui étaient reprochées, en affirmant, lors des débats de première instance, avoir agi "dans son droit", être "innocent" et n'avoir "rien à [s]e reprocher", allant jusqu'à se plaindre de faire l'objet d'un "acharnement de la justice" (jugt, pp. 3 et 4). Enfin, il bénéficie de l'aide sociale depuis plus d'un an et demi, alors qu'apparemment rien ne l'empêche de travailler. Il ressort d'ailleurs de l'ordonnance de condamnation de 2009 (pièce 44) que l'escroquerie pour laquelle il a été condamné a été commise au détriment des services du chômage dont il a perçu des prestations alors qu'il travaillait. On peut en déduire que la perte de son dernier emploi ne constitue pas une protection contre le risque de récidive.
Compte tenu de ces éléments, force est de constater qu'il n'existe pas de circonstances particulièrement favorables au sens de l'art. 42 al. 2 CP permettant d'accorder le sursis à l'intimé, malgré sa précédente condamnation de 2009. Le pronostic est donc clairement défavorable et les regrets exprimés à l'audience d'appel, au cours de laquelle l'intimé, assisté, a admis avoir fait des choses qu'il n'aurait pas dû faire (p. 3
supra
), ne suffisent pas à renverser le pronostic posé. Il s'ensuit que la peine doit être ferme, ce qui conduit à la suppression du chiffre III du dispositif du jugement.
3.3
D’office, il convient de constater que la quotité du jour-amende, arrêtée à 30 fr., est trop élevée. Au vu de la situation économique précaire du prévenu, qui est sans travail et émarge aux services sociaux, il se justifie de réduire le montant du jour-amende à 10 francs. Le jugement attaqué sera donc modifié d'office dans ce sens.
4.
En conclusion, l'appel est admis et
le jugement attaqué modifié dans le sens des considérants qui précèdent.
4.1
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel,
comprenant l'indemnité allouée au défenseur d'office du prévenu, arrêtée à 1’684 fr. 80, TVA et débours compris, selon liste d’opérations (pièce 57),
seront mis à la charge de ce dernier.
4.2
L._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat l'indemnité allouée à son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6dc0ee6a-a288-4f9f-8d8f-c85104a96cd0 | En fait :
A.
Par jugement sur relief rendu le 29 avril 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a libéré D._ du chef de prévention de complicité d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur par métier (I), a constaté qu’D._ s’est rendu coupable de recel par métier et de blanchiment d’argent par métier (II), l’a condamné à une peine privative de liberté de 22 mois, peine complémentaire à celle infligée le 18 août 2010 (III), l’a condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende le montant du jour-amende étant fixé à dix francs (IV), a renoncé à ordonner la réintégration d’D._ (V), a dit qu’D._ est le débiteur solidaire avec K._ [...] et lui doit paiement immédiat des montants suivants : 235'492 fr. 25, plus intérêt à 5 % dès le 18 janvier 2010 à titre de réparation du dommage, d’une part, et 30'376 fr. 65, plus intérêt à 5 % dès le 8 janvier 2013 à titre d’indemnité de l’art. 433 CPP, d’autre part (VI), a dit qu’D._ est le débiteur solidaire avec K._ de l’Etat de Vaud d’une créance compensatrice de 235'492 fr. 25 (VII), a alloué à [...] [...] le montant de la créance compensatrice mentionnée sous le chiffre VII ci-dessus (VIII), a prononcé la confiscation, pour garantir le paiement de la créance compensatrice (selon le chiffre VII) et des frais de justice (selon le chiffre XI), des objets et valeurs patrimoniales séquestrés en mains de K._ et d’D._ selon ordonnances de séquestre des 20 mai, 14 septembre et 13 octobre 2010 et alloué à [...] [...] lesdits objets et valeurs patrimoniales ou leur valeurs de réalisation, sous déduction des frais, à hauteur de 235'492 fr. 25 plus intérêt à 5 % dès le 18 janvier 2010 et à hauteur de 30'376 fr. 65 plus intérêt à 5 % dès le 8 janvier 2013, le solde éventuel des objets et valeurs après paiement des postes précités pouvant être restitué à D._ et K._ (IX), a ordonné la restitution à D._, une fois jugement définitif exécutoire, du passeport suisse séquestré selon ordonnance du 2 août 2011 (X), a mis une partie des frais de la cause à la charge du condamné par 57'629 fr. 05, y compris l’indemnité allouée à son défenseur d’office Me Pierre Charpié par 2'438 fr. 65 et les indemnités allouées précédemment aux différents défenseurs d’office d’D._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (XI) et a dit que le remboursement à l’Etat des indemnités mentionnées sous chiffre XI ci-dessus ne pourra être exigé d’D._ que dans la mesure où sa situation financière se sera améliorée et le permettra (XII).
B.
Par déclaration du 29 mai 2015, D._ a formé appel contre ce jugement, concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à sa modification, en ce sens qu’il est « seulement constaté qu’(il) s’est rendu coupable de recel », donc qu’il est libéré de l’infraction de blanchiment d’argent par métier et de l’aggravante du métier en ce qui concerne l’infraction de recel (ch. I du dispositif), qu’il est condamné à une peine privative de liberté assortie du sursis, peine complémentaire à celle infligée le 18 août 2010 (ch. III du dispositif), qu’il est condamné à une peine pécuniaire assortie du sursis (ch. IV du dispositif) et que la partie des frais mis à sa charge est « nettement réduite pour favoriser sa réinsertion sociale » (ch. XI du dispositif).
Par déclaration d’appel joint du 23 juin 2015, le Ministère public a conclu à la modification du jugement en ce sens que le prévenu est condamné pour complicité d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur par métier en plus des infractions dont il a été reconnu coupable (ch. I et II du dispositif), que la peine privative de liberté est portée à 34 mois, cette peine étant indépendante de celle prononcée le 18 août 2010 (ch. III du dispositif), et que la quotité du jour amende est fixée à 30 fr. (ch. IV du dispositif).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. Né en 1958, le prévenu D._ a quitté la Suisse avec ses parents à l’âge de huit ans pour vivre aux Etats-Unis jusqu’à ses 16 ans, avant de revenir en Suisse. Après avoir terminé le collège, il a suivi un apprentissage de mécanicien faiseur d’étampes. Il a ensuite obtenu un baccalauréat, puis un diplôme de technicien E.T. Depuis lors, il a occupé divers emplois, travaillant plus particulièrement comme directeur des travaux au service de différentes sociétés. Au moment des faits incriminés, il réalisait un revenu mensuel de 7'800 francs. Il est actuellement sans emploi et bénéficie du revenu d’insertion. Il a des dettes à hauteur d’un solde résiduel de 5'000 à 6'000 francs. Divorcé, il a trois enfants majeurs et vit seul. Il ne paie pas de pension pour son ex-épouse. En novembre 2000, la société dont il était propriétaire a fait faillite. Il a indiqué qu’il avait mis un terme à sa relation intime avec K._, née en 1961, déférée séparément, environ une année avant l’audience de première instance; il n’a plus renoué de contact avec elle depuis lors.
Le casier judiciaire d’D._ comporte une inscription, relative à une condamnation à une peine privative de liberté de 30 mois prononcée le 18 août 2010 par le Tribunal correctionnel de l’Est vaudois pour complicité d’abus de confiance, escroquerie, recel, banqueroute frauduleuse et fraude dans la saisie et diminution effective de l’actif au préjudice des créanciers. La condamnation du 18 août 2010 remplace celle qui avait été initialement prononcée par défaut le 16 juin 2009. Le prévenu a été libéré conditionnellement de l’exécution de la peine privative de liberté de 30 mois prononcée le 18 août 2010 à compter du 13 janvier 2011. Dans ce cadre, un délai d’épreuve d’un an lui a été imparti et une assistance de probation a été ordonnée.
2.1. K._ a été engagée le 15 février 2009 par l’entreprise [...] [...], en tant que secrétaire comptable. Elle était chargée de tenir la comptabilité et de préparer la facturation, qu’elle devait présenter pour exécution aux administrateurs de la société. Elle ne disposait d’aucune procuration sur les comptes de l’entreprise, pas plus qu’elle n’avait accès aux codes e-banking de ses supérieurs.
2.2.1 A Penthaz, à une date indéterminée se situant entre le 15 février 2009 et le 23 juillet 2009, K._, qui avait remarqué que la société disposait d’un compte à l’ [...] qui n’était pratiquement plus utilisé (car délaissé par la société au profit d’un compte ouvert auprès d’un autre établissement), s’est procurée, d’une manière que l’enquête n’a pas permis d’établir, les codes e-banking [...] de son employeur, alors en possession d’ [...], administrateur de la société.
2.2.2 Dans les mêmes circonstances de lieu, entre le 23 juillet 2009 et le
31 décembre 2009, K._ a acquitté des factures privées découlant d’achats effectués par elle-même et son concubin d’alors, D._, par le débit du compte [...] de la société [...] pour un montant total de 113'315 francs. Toutes ces opérations ont été effectuées au moyen d’un ordinateur sis dans les locaux de [...].
2.2.3 Dans les mêmes circonstances de lieu et de temps, K._ a également viré, en six versements, un montant total de 122'127 fr. 25 sur le CCP [...], dont était titulaire D._, par débit du compte bancaire de [...]. A nouveau, les ordres de virements ont été passés au moyen d’un ordinateur sis dans les locaux de [...].
D._, qui n’ignorait rien de la provenance délictueuse de l’argent qui créditait régulièrement son compte, a lui-même retiré ces fonds en espèces pour les dépenser avec sa concubine.
2.2.4 Afin que le compte [...] de la société soit suffisamment alimenté pour couvrir ses détournements, K._ a modifié au minimum à trois reprises le numéro d’identification bancaire de son employeur figurant sur les bulletins de versement adressés à un client.
2.2.5 Au total, ce sont 235'492 fr. 25 qui ont ainsi été soustraits à l’entreprise [...] [...] en quelque cinq mois. L’entier des fonds a été utilisé par les prévenus pour financer l’acquisition d’un véhicule, ainsi que de diverses œuvres d’art et objets de décoration. D._ n’a pas procédé lui-même directement à des achats; aucune facture n’a été établie à son nom.
3. [...] a déposé plainte et s’est constituée partie civile le 18 janvier 2010. En date du 7 janvier 2013, elle a chiffré ses conclusions civiles à 235’492 fr. 25 avec intérêt à 5 % dès le 18 janvier 2010, montant correspondant au dommage subi, et à 30'376 fr. 65 plus intérêt à 5 % dès le 8 janvier 2013, à titre de participation à ses débours et frais d’avocat (P 126). | En droit :
I.1.
Interjetés l’un et l’autre dans les formes et délai légaux par des parties ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel principal et l’appel joint sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
3.
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Eugster,
in
: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon
l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 consid. 3.1).
II. Appel d’D._
1.
1.1
A l’appui de ses conclusions tendant à ce que les peines prononcées soient assorties du sursis, l’appelant reproche aux premiers juges d’avoir omis certains éléments qu’il tient pour favorables. A ce titre, l’appelant entend faire retenir qu’il a effectué des séjours en hôpital psychiatrique consécutivement à des tentatives de suicide et qu’il était psychologiquement sous l’emprise de K._ au point que sa conscience et sa volonté en étaient réduites. Il forme ainsi implicitement un grief de constatation incomplète ou erronée des faits.
1.2.
Par jugement incident du 29 avril 2015, les premiers juges ont rejeté la requête d’expertise psychiatrique présentée d’entrée de cause par le prévenu, motif pris de ce que la pleine responsabilité pénale de l’intéressé n’avait jamais suscité de doute. Appréciant sa culpabilité (jugement, p. 15 s.), ils ont écarté son moyen déduit d’une prétendue dépendance affective à l’égard de K._, qualifié de détestable cette tentative de dérobade d’D._ et écarté tout élément à décharge (jugement, pp. 16).
Dans sa requête écrite d’expertise psychiatrique du 12 mars 2014 (P. 181), le prévenu n’avait nullement fait état de tentative de suicide ou d’hospitalisation en milieu psychiatrique. Il se bornait à évoquer l’intensité de sa relation avec sa concubine d’alors et les difficultés qui en découlaient pour lui.
C’est par la suite, soit à partir du 24 mai 2014 qu’il aurait été hospitalisé à Marsens pour une durée indéterminée selon un certificat médical télécopié du 11 juin 2014 (P. 188). Il en est résulté le renvoi de l’audience de jugement appointée au 12 juin 2014. Son défenseur a indiqué, le 17 octobre 2014, que le prévenu, désormais sorti de l’hôpital, était toujours dépressif et pris en charge par les services sociaux (P. 193). Selon l’appelant, cette hospitalisation aurait durée deux mois.
Hormis le certificat précité, le dossier ne comporte pas d’autres documents évoquant un trouble psychique. Cet avis,
transmis par télécopie, est très succinct. Il est muet quant à la nature exacte et à l’origine du trouble ayant abouti à l’hospitalisation du patient. Or, comme cela résulte d’un rapport de la Fondation vaudoise de probation du 9 février 2012 (P. 101/2), le prévenu ment facilement, se pose en victime et use de faux. Quant à la nature de la relation alors entretenue pas les concubins et les éventuels rapports de dépendance affective qu’elle aurait pu engendrer, on peut toutefois se référer à l’expertise psychiatrique de K._ (P. 125), dans laquelle sa relation à l’appelant est évoquée par l’expertisée en pages 5 in fine, 7 in fine et 8, étant ajouté que le diagnostic posé était celui de trouble de la personnalité narcissique chez une personne présentant une structure prépsychotique est posé, soit une perversion narcissique (ibid., p. 9 et 10).
En définitive, on peut retenir des rapports affectifs d’une certaine intensité entre partenaires, un rôle moteur exercé par la femme et un classique effet entraînant lorsque les infractions patrimoniales érigées en mode vie sont vécues à deux. En revanche, une dépendance affective aboutissant inéluctablement à la commission d’infractions patrimoniales, une tentative de suicide et même une hospitalisation en milieu psychiatrique de moyenne durée ne sont pas établies. Le jugement ne procède dès lors pas à cet égard d’une constatation incomplète ou erronée des faits.
2.
2.1
L’appelant nie ensuite s’être rendu coupable de blanchiment d’argent, contestant que les éléments constitutifs de cette infraction soient réalisés.
Aux termes de l'art. 305
bis
ch. 1 CP, celui qui aura commis un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il savait ou devait présumer qu'elles provenaient d'un crime, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
2.2
L'acte d'entrave doit être examiné de cas en cas, en fonction de l'ensemble des circonstances. Il doit être propre à entraver l'accès des autorités de poursuite pénales aux valeurs patrimoniales provenant d'un crime, dans les circonstances concrètes. Il n'est pas nécessaire que l'intéressé l'ait effectivement entravé, le blanchiment d'argent étant une infraction de mise en danger abstraite, punissable indépendamment de la survenance d'un résultat (ATF 1376 IV 188 consid. 6.1 p. 191; ATF 128 IV 117 consid. 7a p. 131).
Tombe sous le coup de l'art. 305
bis
CP le placement d'argent provenant d'une infraction qualifiée à la LStup, chaque fois que le mode ou la manière d'opérer ne peut être assimilé au simple versement d'argent liquide sur un compte (ATF 119 IV 241 consid. 1d pp. 244 ss). Est un acte d'entrave notamment le recours au change, qu'il s'agisse de convertir les billets dans une monnaie étrangère ou d'obtenir des coupures de montants différents (ATF 136 IV 188 consid. 6.1 p. 191). En revanche, un simple versement d'argent provenant d'un trafic de drogue sur un compte bancaire personnel, ouvert au lieu de son domicile et servant aux paiements privés habituels, ne constitue pas un acte d'entrave (ATF 124 IV 274 consid. 4a pp. 278 s.), pas plus que la simple possession ou garde d'argent de provenance délictueuse (ATF 128 IV 117 consid. 7a pp. 131 s.). Commet toutefois un acte d'entrave, celui qui conserve de l'argent d'origine criminelle dans son appartement, lorsqu'il résulte des circonstances qu'il a mis ce lieu à disposition pour qu'il serve de cachette provisoire à l'argent (arrêts 6B_1021/2008 du 20 mai 2009 consid. 2; 6S.702/2000 du 14 août 2002 consid. 2.2).
Le concours parfait est possible entre les infractions de recel et de blanchiment d’argent (ATF 127 IV 79 consid. 2e), les intérêts juridiques protégés étant différents : la protection du patrimoine dans le recel, celle de l’administration de la justice dans le blanchiment.
2.3
En l’espèce selon les faits énoncés au chiffre 2.2.3 ci-dessus, le CCP de l’appelant a été crédité de 122'127 fr. 25 par des débits frauduleux du compte UBS de la plaignante. Le blanchiment a consisté, pour l’appelant, à retirer l’argent déposé sur son compte et provenant du crime d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur pour le remettre en liquide à K._, auteur du crime préalable, pour qu’elle en dispose en le dépensant elle-même ou pour dépenser ce butin avec elle. Le retrait en espèces des avoirs déposés sur un compte bancaire est un acte d’entrave, car il est propre à entraver la confiscation desdits avoirs, qui ne pourront plus être surveillés à l’aide de documents bancaires, la trace documentaire (« papertrail ») étant ainsi interrompue (cf. l’avis de doctrine résumé
in
: Dupuis/ Geller/Monnier/Moreillon/Piguet/Bettex/Stoll [éd.], Petit commentaire CP, Bâle 2012, n. 29 ad art. 305
bis
CP).
Cet avis convaincant doit être suivi et la réalisation de l’infraction confirmée.
L’infraction est intentionnelle, le dol éventuel suffisant à la réaliser. L’appelant avait laissé utiliser son compte à dessein de dissimulation des fonds détournés. Il ne pouvait ignorer que convertir ces dépôts en retraits d’argent liquide rendrait plus difficile la recherche et la saisie de cet argent. L’élément subjectif de l’infraction est donc réalisé.
3.
L’appelant conteste ensuite l’aggravante du métier, retenue au regard des deux infractions réprimées, soit celles de recel et de blanchiment d’argent.
3.1
L'auteur agit par métier lorsqu'il résulte du temps et des moyens qu'il consacre à ses agissements délictueux, de la fréquence des actes pendant une période déterminée, ainsi que des revenus envisagés ou obtenus, qu'il exerce son activité coupable à la manière d'une profession, même accessoire. Il faut que l'auteur aspire à obtenir des revenus relativement réguliers représentant un apport notable au financement de son genre de vie et qu'il se soit ainsi, d'une certaine façon, installé dans la délinquance (ATF 129 IV 253 consid. 2.1 p. 254). Selon une jurisprudence constante, pour réaliser la circonstance aggravante du métier, il n'est toutefois pas nécessaire que l'auteur agisse dans l'intention d'obtenir de l'argent, directement ou par la vente des objets obtenus. Tout avantage patrimonial suffit. Peu importe que l'auteur se le procure pour pouvoir vivre, pour s'offrir des plaisirs, pour l'investir ou le thésauriser; les motifs qui poussent l'auteur à agir importent peu (ATF 110 IV 30 consid. 2 p. 31; Niggli/Riedo,
in
: Basler Kommentar, Strafrecht II, 2
e
éd. 2013, no 100 ad art. 139 CP; Hurtado Pozo, Droit pénal, Partie spéciale, 2009, no 930). C'est l'inclination de l'auteur à agir à l'égard d'un nombre indéterminé de personnes ou à chaque fois que se présente une occasion qui justifie la peine aggravée (ATF 86 IV 10 consid. a p. 10 s.).
Comme le vol, le recel par métier (art. 160 ch. 2 CP) est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire de 90 jours-amende au moins. Contrairement à la circonstance qualifiée prévue en matière de stupéfiants et de blanchiment d'argent (art. 19 al. 2 let. c LStup; art. 305
bis
ch. 2 let. c CP; cf. ATF 129 IV 188 consid. 3.1.2 pp. 190 ss), l'aggravation du recel par métier n'exige ni chiffre d'affaires ni gain importants. Elle suppose qu'il résulte du temps et des moyens que l'auteur consacre à ses agissements délictueux, de la fréquence des actes pendant une période déterminée, ainsi que des revenus envisagés ou obtenus, qu'il exerce son activité coupable à la manière d'une profession, même accessoire. Il faut que l'auteur aspire à obtenir des revenus relativement réguliers représentant un apport notable au financement de son genre de vie et qu'il se soit ainsi, d'une certaine façon, installé dans la délinquance (ATF 129 IV 253 consid. 2.1 p. 254). L'auteur doit avoir agi à plusieurs reprises, avoir eu l'intention d'obtenir un revenu et être prêt à réitérer ses agissements (ATF 129 IV 129 consid. 3 p. 133). Il n'est pas nécessaire que ceux-ci constituent sa « principale activité professionnelle » ou qu'il les ait commis dans le cadre de sa profession ou de son entreprise légale. Une activité « accessoire » illicite peut aussi être exercée par métier (ATF 116 IV 319 consid. 4b p. 331).
3.2
En l’espèce, comme le jugement le démontre, le recel par métier est réalisé s’agissant des 113'315 fr. de factures et de dépenses du couple payées au moyen de l’argent débité illicitement du compte de l’employeur de la concubine de l’appelant. Sur la période légèrement inférieure à la durée du second semestre 2009, cet apport malhonnête au train de vie du couple a représenté plus de 20'500 fr. par mois en moyenne, alors que les gains mensuels licites de l’appelant auraient été de 7'800 fr. à ses dires, sans que leur réalité soit dûment établie.
L’appelant conteste le métier en faisant valoir que tout son comportement de receleur découlerait de la décision unique de se soumettre une fois pour toutes à la volonté criminelle, de sa concubine d’alors. Ce point de vue ne saurait être suivi. L’infraction de recel a été commise chaque fois qu’il a économiquement profité de biens ou de services acquis au moyen de l’argent détourné en continu par sa compagne, étant précisé que celle-ci a débité le compte bancaire de son employeur d’alors non seulement pour régler ses propres achats (dont l’appelant pouvait profiter), mais aussi les achats directement effectués par son partenaire, qui excédaient de beaucoup les moyens disponibles licites de ce dernier (cf. ch. 2.2.2 de la partie faits). Seule l’action pénale a mis un terme à ce recel érigé en mode de vie. En plaidoirie, l’appelant a soutenu que l’aggravante du métier serait exclue subjectivement du fait qu’il n’y avait eu qu’un seul lésé, à savoir l’employeur de sa concubine lors des faits. Comme la doctrine l’indique expressément, cette circonstance n’est pourtant pas de nature à exclure l’aggravante (cf. Favre/Pellet/ Stoudmann, Code pénal annoté, 3
e
éd., Lausanne 2007/2011, n. 1.6 ad art. 27 CP). Ainsi, il peut y avoir infraction commise par métier, même si l’acte répété ne vise qu’une seule et même personne, mais à condition que l’on ne puisse conclure en raison de circonstances particulières, que l’auteur ne voulait s’en prendre précisément qu’à cette seule personne et qu’il n’aurait pas agi à l’égard d’un nombre indéterminé de personnes ou à chaque fois que se présente une occasion qui justifie la peine aggravée (ATF 86 IV 206, JdT 1961 IV 79; TF 6B_1153/2014 du 16 mars 2015; CAPE 13 mai 2015/183 consid. 6.1). Dans le cas d’espèce, aucune circonstance particulière ne porte à croire que les infractions étaient dirigées spécifiquement contre l’employeur d’alors de la concubine de l’appelant, lequel aurait aussi bien pu s’en prendre à toute autre victime qui se serait trouvée dans une situation similaire. L’aggravante doit donc être confirmée quant à l’infraction de recel.
Il en va de même du blanchiment par métier. En effet, d’abord, l’appelant a directement profité des montants convertis en liquide à concurrence de 122'127 fr. 25 et donc ainsi blanchis au sens légal. Ensuite, la jurisprudence retient un gain important dès 10'000 fr. et un chiffre d’affaires important à partir de 100'000 fr. (cf. les décisions citées
in
: Dupuis et alii, op. cit., n. 45 ad art. 305
bis
CP) et ces seuils sont dépassés en l’espèce.
4.
L’appelant conclut ensuite à ce que la peine privative de liberté et la peine pécuniaire soient assorties du sursis. Revenant sur sa séparation d’avec sa concubine, sa tentative de suicide et son hospitalisation, il soutient qu’il aurait, lors des faits, été soumis à l’emprise de sa compagne au point de ne pouvoir s’opposer à sa propre implication dans les entreprises criminelles de celle-ci, pour en déduire que ces circonstances imposeraient un pronostic favorable.
Le profit tiré
par l’appelant des infractions de sa concubine l’a été sciemment pour des sommes significatives et de manière récurrente. L’argumentation de l’appelant revient à soutenir qu’il n’est plus susceptible de commettre des infractions patrimoniales dès lors que K._ ne partage plus sa vie. Suivre cette thèse reviendrait à pronostiquer que le prévenu retombera dans la délinquance s’il croise à nouveau la route d’une femme dominatrice et malhonnête. Or ces prétendues faiblesse et difficulté à réagir et à repousser immédiatement des propositions délictueuses ne permettent pas de poser un pronostic favorable. De plus, cette tentative de défense montre une nette propension du prévenu à rejeter sa propre faute sur autrui alors qu’il a bien et longuement profité du butin, ce qui ne permet pas d’identifier une véritable prise de conscience et constitue donc un élément supplémentaire de mauvais pronostic.
Le comportement de non collaboration adopté en libération conditionnelle ne s’inscrit pas non plus dans une projection favorable. Enfin, l’appelant, de manière générale, reproche à la justice et aux autorités de prétendus manquements à son égard pour mieux refuser tout examen de conscience et tout auto-jugement négatif. Cet état d’esprit ne peut que le mener à enfreindre à nouveau la loi, s’agissant en particulier d’infractions contre le patrimoine. Le pronostic est donc défavorable.
De toute manière, s’agissant d’un concours rétrospectif, comme on le verra plus en détail au considérant III.2.1.5 ci-dessous, la peine privative de liberté ici en cause, de 22 mois, est complémentaire à celle de 30 mois prononcée le 18 août 2010, de sorte que c‘est la durée totale des deux peines additionnées qui est déterminante sous l’angle du sursis (cf. Dupuis et alii, op. cit., n. 7 ad art. 42 CP). La libération conditionnelle de l’exécution de la peine privative de liberté prononcée le 18 août 2010 n’y change rien, dès lors que la durée de la peine pouvant être assortie du sursis est celle qui est prononcée par le juge, et non celle qui doit encore être purgée (op. cit., ibid.). Or, à teneur des art. 42 al. 1 et 43 al. 1 CP, cette quotité d’ensemble de 52 mois exclut objectivement tant le sursis ordinaire (limité aux peines privatives de liberté de 24 mois au plus) que le sursis partiel (limité aux peines privatives de liberté de 36 mois au plus).
Le refus du sursis, même partiel, doit donc être confirmé.
5.
Quant à la quotité de la peine privative de liberté, si, à première vue, le quantum peut paraître relativement élevé s’agissant d’une sanction complémentaire à celle de 30 mois infligée en 2010 et réprimant des faits remontant au second semestre 2009, donc déjà relativement anciens, il n’en reste cependant pas moins que la durée, la répétition et l’importance économique des actes commis, ainsi que la culpabilité – l’appelant se savait visé alors par la justice pénale puisqu’il avait fait défaut à une audience de jugement d’infractions patrimoniales en juin 2009 (jugement p. 5) –, la justifient au vu des critères déterminants selon l’art. 47 al. 1 CP. De même, sous l’angle de l’art. 48 CP, le profit tiré par l’appelant des infractions de sa concubine, soit son propre mobile crapuleux, se heurte à la prétendue emprise affective à laquelle il aurait été soumis, soit l’ascendant et la dépendance au sens légal (art. 48 let. a CP), comme cela a été exposé sous chiffre 4 ci-dessus.
6.
L’appelant demande enfin une réduction des frais mis à sa charge pour favoriser sa réinsertion sociale.
6.1
L’art. 425 CPP dispose que l'autorité pénale peut accorder un sursis pour le paiement des frais de procédure. Elle peut réduire ou remettre les frais compte tenu de la situation de la personne astreinte à les payer. En cette matière, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation (Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire CPP, Bâle 2013, n. 3 ad art. 425 CPP).
6.2
Les frais mis à la charge de l’appelant par les premiers juges se montent à 57'629 fr. 05. Certes l’appelant serait actuellement à l’aide sociale. Il a néanmoins soutenu s’être toujours procuré de quoi vivre confortablement en exerçant une activité lucrative (jugement, p. 6) et surtout avoir remboursé l’entier de ses dettes, hormis un montant résiduel de 5'000 fr. à 6'000 fr., ce qui constitue un endettement réduit (jugement, p. 7). Au vu de cette situation, on ne discerne pas en quoi les frais de justice, certes importants, mais payables en dix ans avant d’être prescrits (art. 442 al. 2 CPP) et dont la part afférente aux frais de défense d’office ne sera exigible qu’en cas de retour à meilleure fortune (art. 135 al. 4 CPP), nuiraient à sa réinsertion. L’appelant n’a plus de charges de famille, ses enfants, majeurs, n’étant plus à sa charge. Il est possible à toute personne dans une telle situation de se réinsérer tout en étant cantonné au minimum vital, du moins pendant la période de saisie précédant la délivrance d’actes de défaut de biens. Il n’y a donc pas matière à réduction des frais de première instance.
III. Appel joint du Ministère public
1.
Le Parquet conclut à ce que le prévenu soit également reconnu coupable de l’infraction de complicité d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur par métier (art. 25 CP ad art. 147 al. 1 et 2 CP).
L’acte d’accusation du 27 octobre 2011 renvoie le prévenu pour répondre des infractions de complicité d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur par métier, subsidiairement de recel par métier et de blanchiment d’argent par métier. La conclusion tendant à la condamnation du prévenu pour complicité d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur par métier est ainsi conforme au principe d’accusation consacré par l’art. 9 al. 1 CPP. Il y a donc lieu d’entrer en matière.
1.1
Le complice est un participant secondaire qui prête assistance pour commettre un crime ou un délit (art. 25 CP). La complicité suppose que le participant apporte à l'auteur principal une contribution causale à la réalisation de l'infraction, de telle sorte que les événements ne se seraient pas déroulés de la même manière sans cette assistance. Il n'est pas nécessaire que celle-ci soit une condition
sine qua non
de la réalisation de l'infraction; il suffit qu'elle accroisse les chances de succès de l'acte principal (TF 6B_591/2013 du 22 octobre 2014 consid. 5.1.2 et la référence citée à l’ATF 132 IV 49 consid. 1.1).
L'assistance prêtée par le complice peut être matérielle, intellectuelle ou consister en une simple abstention. La complicité par omission suppose toutefois une obligation juridique d'agir, autrement dit une position de garant (TF 6B_591/2013 précité consid. 5.1.2). N'importe quelle obligation juridique ne suffit pas. Il faut que l'auteur se soit trouvé dans une situation qui l'obligeait à ce point à protéger un bien déterminé contre des dangers indéterminés (devoir de protection) ou à empêcher la réalisation de risques connus auxquels des biens indéterminés étaient exposés (devoir de surveillance) que son omission peut être assimilée au fait de provoquer le résultat par un comportement actif (TF 6B_696/2012, 6B_700/2012 du 8 mars 2013 consid. 7.1 et les références citées).
Subjectivement, il faut que le complice sache ou se rende compte qu'il apporte son concours à un acte délictueux déterminé et qu'il le veuille ou l'accepte. A cet égard, il suffit qu'il connaisse les principaux traits de l'activité délictueuse de l'auteur, lequel doit donc avoir pris la décision de l'acte. Le dol éventuel suffit (TF 6B_591/2013 précité consid. 5.1.2).
1.2
S’agissant des manipulations e-banking [...] frauduleusement effectuées par K._ en usurpant l’usage de codes, les premiers juges ont libéré le prévenu de l’accusation de complicité d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur par métier en retenant l’absence d’actes d’instigation ou d’assistance qui lui seraient imputables (jugement, p. 14 in fine). L’appelant par voie de jonction reproche au prévenu d’avoir profité de l’argent détourné. Au vu de la définition de la complicité, le seul profit tiré d’une infraction ne suffit pas à réaliser la complicité. Le Parquet lui reproche également d’avoir signé ou cosigné des bons de commande. Il considère que, ce faisant, le prévenu aurait facilité les détournements de sa concubine, respectivement qu’il l’aurait incitée à détourner les fonds nécessaires au règlement de ces achats. K._ ayant agi indépendamment du prévenu, on ne discerne cependant pas en quoi les comportements en question relèveraient de la complicité, faute de contribution causale à la réalisation de l’infraction au sens de l’art. 25 CP (cf. TF 6B_591/2013 du 22 octobre 2014 précité consid. 5.1.2).
2.
Contestant la fixation de la peine par les premiers juges, l’appelant par voie de jonction conclut en outre à ce que le prévenu soit condamné à une peine privative de liberté de 34 mois, ainsi qu’à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 30 fr. le jour.
2.1.1
Le Parquet conteste le caractère complémentaire de la peine prononcée le 29 avril 2015 par rapport à celle l’ayant été le 18 août 2010; selon lui, cette peine-là devrait être indépendante de celle-ci (déclaration d’appel joint, ch. 2, p 3).
2.1.2
Aux termes de l'art. 49 CP, si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (al. 1). Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement (al. 2).
2.1.3
Le cas – normal – de concours réel rétrospectif se présente lorsque le prévenu, qui a déjà été condamné pour une infraction, doit être jugé pour une autre infraction commise avant le premier jugement, mais que le tribunal ignorait.
L'art. 49 al. 2 CP enjoint au juge de prononcer une peine complémentaire ou additionnelle (
Zusatzstrafe
), de telle sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement. Concrètement, le juge doit se demander comment il aurait fixé la peine en cas de concours simultané, puis déduire de cette peine d'ensemble hypothétique la peine de base, soit celle qui a déjà été prononcée (TF 6B_455/2013 du 29 juillet 2013 consid. 2.4.1 et les références citées). Le prononcé d'une peine complémentaire suppose que les conditions d'une peine d'ensemble au sens de l'art. 49 al. 1 CP sont réunies. Une peine additionnelle ne peut ainsi être infligée que lorsque la nouvelle peine et celle qui a déjà été prononcée sont du même genre. Des peines d'un genre différent doivent en revanche être infligées cumulativement car le principe d'absorption n'est alors pas applicable (TF 6B_1082/2010 du 18 juillet 2011 consid. 2.2 et les références citées). En cas de concours rétrospectif partiel, soit lorsque le juge est appelé à sanctionner à la fois des infractions plus anciennes qu’une précédente condamnation et des infractions nouvelles, celui-ci doit prononcer une peine d’ensemble. Il doit pour cela déterminer l’infraction pour laquelle la loi prévoit la peine la plus grave; s’il s’agit de l’infraction ancienne, le juge raisonne à partir de la peine, qui la concerne et y ajoute la peine théorique liée à l’infraction nouvelle. A l’inverse, si c’est l’infraction récente qui est la plus grave, la peine qu’elle mérite sert de base; le juge y ajoute la peine théoriquement complémentaire qui concerne l’infraction ancienne. Cette méthode permet d'appliquer l'art. 49 al. 1 CP sans négliger l'art. 49 al. 2 CP. Sur le plan formel, la sanction est toujours une peine d'ensemble mais, sur celui de sa quotité, il est tenu compte du concours rétrospectif (ATF 116 IV 14 consid. 2b et les références citées; TF 6B_28/2008 du 10 avril 2008 consid. 3.3.2; CAPE 1
er
avril 2015/114 consid. 7.2.2).
2.1.4
Quant au caractère complémentaire de la peine, s’agissant ici d’infractions de même genre, le critère déterminant est la date du jugement condamnatoire antérieur entré en force par rapport à celle de la dernière infraction à réprimer dans la nouvelle procédure. La date déterminante est celle du prononcé de jugement, et non celle de son entrée en force (JdT 2013 IV 63 consid. 3.4.2 et 3; Favre/Pellet/Stoudmann, op. cit., n. 2.2 ad art. 49 CP). En revanche, pour fixer la quotité de la peine complémentaire, c’est le jugement entré en force dans la première procédure qui est déterminant (arrêt précité, ibid.).
En cas de jugement par défaut, mis à néant et remplacé par un nouveau jugement, comme dans le cas d’espèce, c’est dès lors bien la date du jugement remplaçant qui est déterminante pour juger du caractère complémentaire de la peine, et non celle du jugement antérieur par défaut qui n’existe plus.
2.1.5
Les actes punissables du prévenu ont été perpétrés entre le 23 juillet et le 31 décembre 2009, soit durant le second semestre 2009. Les premiers juges ont arrêté la peine privative de liberté à 22 mois, peine complémentaire à celle de 30 mois infligée le 18 août 2010 par le Tribunal correctionnel de l’Est vaudois. Le Ministère public fait valoir que la peine à infliger devrait être plus élevée, dès lors qu’elle ne saurait être complémentaire à celle prononcée le 18 août 2010, mais bien plutôt indépendante de celle-ci. Il soutient que cette dernière condamnation remplacerait celle prononcée par défaut le 16 juin 2009.
Comme déjà relevé, le jugement 18 août 2010 remplaçant celui rendu par défaut le 16 juin 2009 est entré en force de chose jugée; c’est cette date-là qui est déterminante pour juger du caractère complémentaire de la peine à prononcer en appel. Le dernier acte incriminé dans la présente procédure remonte au 31 décembre 2009. Les faits ici en cause sont donc exclusivement antérieurs à la précédente condamnation, d’où le caractère entièrement complémentaire de la nouvelle peine par rapport à l’ancienne. En cas de concours simultané, le prévenu aurait été condamné à une peine privative de liberté de 52 mois. La présente peine étant de 22 mois, l'auteur n’est ainsi pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement. Cela étant, c’est à bon droit qu’une peine complémentaire a été prononcée.
3.
Quant à la quotité du jour-amende, le prononcé d'une peine pécuniaire modique est possible à l'encontre des personnes ne réalisant qu'un faible revenu ou qui sont démunies, tels les bénéficiaires de l'aide sociale, les personnes sans activité professionnelle, celles qui s'occupent du ménage ou encore les étudiants (ATF 134 IV 97 consid. 5.2.3). Le Tribunal fédéral a considéré que, même s'agissant des auteurs les plus démunis, le montant du jour-amende devait atteindre la somme de 10 fr., faute de quoi la peine pécuniaire n'aurait plus qu'une valeur symbolique (ATF 135 IV 180 consid. 1.4.2, précisant ATF 134 IV 60 consid. 6.5.2). Dans le cas particulier, le montant du jour-amende à 10 fr. doit être confirmé dès lors que le prévenu, bénéficiaire du revenu d’insertion, est à l’aide sociale.
L’appel joint donc dès lors être rejeté à l’instar de l’appel principal.
IV.
Vu l'issue des appels, les frais de la procédure d'appel doivent être mis par moitié à la charge du prévenu, qui succombe sur ses conclusions d’appel tout comme il obtient gain de cause sur ses conclusions tendant au rejet de l’appel joint (art. 428 al. 1, 1
re
phrase, CPP), et laissés à celle de l’Etat pour le surplus (art. 423 al. 1 CPP).
Outre l'émolument, les frais d’appel comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office du prévenu, pour les opérations liées à la procédure d'appel (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFIP).
L'indemnité allouée au défenseur d'office du prévenu doit être fixée conformément à la liste d’opérations produite, soit en tenant compte d'une durée d'activité utile de 14 heures et 42 minutes d’avocat breveté, au tarif horaire de 180 fr., y compris la durée de l’audience d’appel et les débours, plus une vacation à 120 fr., TVA en sus (art. 135 al. 1 CPP), à 2'987 fr. 30.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat la moitié de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6ddab6fb-186f-4469-9723-c97f7225c080 | En fait :
A.
Par jugement du 21 mai 2013, rectifié par prononcé du 6 juin 2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré
K._ de l’accusation de contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants (I), l’a condamné pour délit manqué de contrainte, actes d’ordre sexuel avec des enfants et viol à trois ans et demi de privation de liberté (II), a ordonné la mise en détention de K._ à titre de mesure de sûreté (III), a dit que K._ est débiteur de N._ de 15'000 fr. (quinze mille francs) à titre d’indemnisation pour tort moral (IV), a arrêté l’indemnité due à Me Georges Reymond, conseil de N._, à 6'102 fr., à charge de l’Etat (V), a mis les frais, par 12'734 fr. 50, à la charge de K._, montant incluant l’indemnité au défenseur d’office, par 6'102 fr., indemnité qui ne sera remboursable que si la situation financière de l’intéressé le permet (VI), et a ordonné la confiscation et la destruction des objets séquestrés sous n° 45'738 et le maintien au dossier des objets sous fiches 45'527 et 45'828 (VII).
B.
Le 31 mai 2013, K._ a déposé une annonce d'appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel du 5 juillet 2013, il a conclu à la réforme du jugement précité en ce sens qu’il est libéré de l’infraction de délit manqué de contrainte, la peine étant réduite en conséquence
.
Par lettre du 15 juillet 2013, le Ministère public a annoncé qu’il s'en remettait à justice s'agissant de la recevabilité de l’appel et qu'il renonçait à déclarer un appel joint.
Par courrier du 6 septembre 2013, l’appelant a requis qu’un rapport de comportement soit établi sur son compte par la Prison du Bois-Mermet. Le Président de la cour de céans a fait droit à cette requête.
Par lettre du 17 septembre 2013, le Président a relevé de son mandat Me Jean-Pierre Bloch, précédemment désigné en qualité de défenseur d’office de K._, et désigné Me Christophe Piguet en remplacement.
Ce dernier a, par courrier du 27 septembre 2013, requis l
’audition de deux témoins de moralité et la production d’un rapport relatif au suivi médical et psychiatrique de son client à la Prison du Bois-Mermet.
Par lettres des 1
er
et 2 octobre 2013, le Président a rejeté les nouvelles réquisitions de preuves de K._.
A l'audience d’appel, à laquelle N._ a été dispensée de comparaître, K._ a confirmé les conclusions de son appel
. Le Ministère public ainsi que le conseil d’office de N._ ont conclu, respectivement, au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement de première instance.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
Né le 14 octobre 1971 à Mostaganem, en Algérie, pays dont il est ressortissant, K._ demeure en Suisse de manière illégale et sans statut, le permis C lui ayant été retiré à la suite de ses diverses condamnations. En 2012, alors qu’il était en prison, il s’est marié à une ressortissante marocaine au bénéfice d’un permis B, avec laquelle il vit à Lausanne en compagnie des enfants de cette dernière. Il serait le père de trois enfants issus de deux précédentes unions et n’entretiendrait des contacts qu’avec le dernier. Si, selon ses dires, il a travaillé, par le passé, dans divers salons de coiffure, le prévenu ne peut actuellement plus travailler, vu la précarité de son statut.
Son casier judiciaire comporte les inscriptions suivantes :
- 21.05.2003, Tribunal d’arrondissement de Lausanne, lésions corporelles simples, contravention à la LStup, emprisonnement 2 mois, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 3 ans, sursis révoqué le 11.08.2005 par le Tribunal correctionnel de Lausanne;
- 11.08.2005, Tribunal correctionnel de Lausanne, lésions corporelles simples, voies de fait, dommages à la propriété, injure, utilisation abusive d’une installation de télécommunication, menaces, contrainte, viol, violation d’une obligation d’entretien, délit et contravention à la LStup, emprisonnement 2 ans, traitement ambulatoire, libération conditionnelle le 21.01.2006, délai d’épreuve 2 ans, assistance de probation, libération conditionnelle révoquée le 10.08.2009 par la Cour de cassation pénale;
- 10.08 2009, Cour de cassation pénale Lausanne, lésions corporelles simples, voies de fait, dommages à la propriété, injure, menaces, contrainte, peine privative de liberté 26 mois et 20 jours, peine d’ensemble avec les jugements des 21.05.2003 du Tribunal d’arrondissement de Lausanne et 11.08.2005 du Tribunal correctionnel de Lausanne;
- 28.04.2011, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, menaces qualifiées, voies de fait, injure, contravention à la LStup, aucune peine additionnelle, peine partiellement complémentaire au jugement du 10.08.2009 de la Cour de cassation pénale.
1.2
Dans le cadre d'une précédente affaire pénale, K._ avait été soumis à une expertise psychiatrique, confiée au Professeur [...] et à la Dresse [...], du Département universitaire de psychiatrie adulte. Dans leur rapport du 10 décembre 2004, les experts ont posé le diagnostic de personnalité immature, fonctionnement intellectuel limite avec des troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation d'alcool, de cannabis et de cocaïne. Tout en relevant qu'il avait conscience du caractère illicite de ses actes mais que sa capacité de se déterminer d'après cette appréciation n'était pas complète, ils ont estimé que la responsabilité de K._ était légèrement diminuée. Ils ont en outre mis en évidence un risque de récidive élevé et ont préconisé un traitement ambulatoire.
2.
2.1
Un soir du mois d'août 2009, vraisemblablement dans la deuxième quinzaine de ce mois, à Lausanne, N._, née le 16 novembre 1994, qui était sortie avec plusieurs copines, a rencontré K._ près des escaliers du [...]. Ils ont discuté ensemble. A la fin de la soirée, N._ est partie en direction d’un arrêt de bus avec sa copine D._. K._, qui les avait suivies, leur a alors proposé de les ramener chez elles en taxi vu qu'il n'y avait plus de bus. D._ a refusé. N._ a d’abord refusé, mais face à l’insistance de K._, elle a finalement accepté. Durant le trajet, le prévenu a fait arrêter le taxi à Malley et a quitté le véhicule en demandant à la jeune fille de l'y attendre. Cette dernière est toutefois sortie du véhicule dans l'intention de rentrer chez elle à pieds. L’appelant l'a alors rejointe et a convaincu N._, qui avait peur, de remonter dans le taxi. Parvenu au chemin du [...],K._ et N._ sont descendus du taxi. Le prévenu a forcé la jeune fille, qui l'avait informé au cours du trajet en taxi n'avoir que 14 ans, à se rendre chez lui. Une fois chez lui, il lui a dit avoir envie d'elle. L’intimée a répondu qu’elle avait peur et qu’elle voulait partir, mais le prévenu l'a retenue, puis l’a amenée dans sa chambre à coucher et lui a dit de se déshabiller, ce qu'elle a refusé. Il lui a alors enlevé la robe qu'elle portait et lui a dit : "je vais rien te faire, mets-toi juste sur le lit". Lorsque la jeune fille s'est assise sur le lit, le prévenu, qui était nu, l'a prise par l'épaule pour qu'elle se couche et lui a descendu sa culotte. Elle lui a alors demandé d'arrêter. L’intéressé a toutefois pris une couverture, s'est mis sur elle, a posé ses avant-bras sur le plexus de sa victime, afin de l'empêcher de bouger, et lui a couvert la bouche avec la main, pour qu’elle ne crie pas. Il l'a alors pénétrée vaginalement avec un préservatif, avant que celui-ci ne se déchire, ce qui a fait cesser le prévenu, qui est sorti de la chambre. La victime en a profité pour se rhabiller. Lorsqu'il est revenu vers elle, K._ lui a dit qu'il ne voulait pas de problèmes et l'a menacée de s'en prendre à elle et à sa famille si elle parlait de ce qui s’était passé. Il l'a ensuite finalement laissée repartir. Deux ou trois semaines après les faits, N._ s'est malgré tout confiée à une amie, [...], qui a ensuite rapporté à I._, mère de la victime, que cette dernière avait eu une relation sexuelle non consentie. I._, qui a dénoncé les faits le 8 septembre 2009, n’a pas déposé plainte et s'est constituée partie civile.
2.2
K._ était encore accusé de contravention à la LStup, mais le tribunal de première instance a constaté que cette infraction était prescrite. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
K._ ne conteste ni l’infraction d’actes d’ordre sexuel avec des enfants ni celle de viol, au contraire de sa détermination en première instance (p. 3
supra
), de sorte que le jugement, d’ailleurs bien motivé et convaincant, doit être confirmé sur ces points. L’appelant conteste en revanche le délit manqué de contrainte retenu par les premiers juges, soutenant qu’il n’a jamais menacé la victime en lui disant de ne pas parler à sa famille de ce qui venait de se passer.
3.1
Se rend coupable de contrainte au sens de l'art. 181 CP, celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte. La tentative est réprimée par l'art. 22 CP.
Ainsi, l’art. 181 CP prévoit alternativement trois moyens de contrainte : l’usage de la violence, la menace d’un dommage sérieux ou tout acte entravant la personne dans sa liberté d’action.
La menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 c. 2b; ATF 106 IV 125 c. 2a) ni que l'auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 105 IV 120 c. 2a).
Il peut également y avoir contrainte lorsque l'auteur entrave sa victime "de quelque autre manière" dans sa liberté d'action; cette formule générale doit être interprétée de manière restrictive; n'importe quelle pression de peu d'importance ne suffit pas; il faut que le moyen de contrainte utilisé soit, comme pour la violence ou la menace d'un dommage sérieux, propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action; il s'agit donc de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF 119 IV 301 c. 2a et les références).
Enfin, l’infraction de l’art. 181 CP est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (Dupuis et al., Petit Commentaire du Code pénal, Bâle 2012, nn. 35 et 36 ad art. 181 CP et les références citées)
3.2
En l’espèce, le jugement a retenu les faits tels que décrits dans l’acte d’accusation, selon lequel lorsque K._, après avoir abusé de N._ et être sorti de la chambre, est revenu vers elle, il "lui a dit qu’il ne voulait pas de problèmes et l’a menacée de s’en prendre à elle et à sa famille si elle parlait de ces faits". L’acte d’accusation repose sur les déclarations de la jeune fille, que les premiers juges ont également retenues. A l’appui de son appréciation, le tribunal a relevé que la victime avait donné une version constante des faits et était apparue comme crédible dans la procédure, au contraire du prévenu, qui n’avait cessé de se dérober.
Cette appréciation est adéquate. En effet, le récit de N._ au sujet de l’agression sexuelle dont elle a été victime a été constant et cohérent tout au long de l’instruction. Le prévenu, quant à lui, a d’abord persisté à nier les faits qui lui étaient reprochés (PV aud. 1, R. 8 à 11; PV aud. 2, lignes 9 à 14; PV aud. 6, R. 3; PV aud. 11, lignes 15 et 16), allant jusqu’à porter plainte contre N._ pour diffamation et calomnie (P. 56 et 57), lui reprochant d’avoir pour seule intention de salir son honneur et sa réputation; ce n’est que devant les premiers juges qu’il a confessé – non sans hésitation – avoir entretenu une relation sexuelle avec la jeune fille (jugt, p. 3), soutenant toutefois qu’il s’agissait d’un rapport consenti, avant de revenir sur ces propos aux débats d’appel et d’admettre l’infraction de viol (p. 3
supra
).
S’agissant en particulier des menaces proférées par l’appelant à l’encontre de l’intimée, celle-ci a, au début de son audition par la police le 9 septembre 2009, expliqué que si elle n’avait pas parlé des faits à sa mère avant, c’est parce qu’elle avait peur de ce que les amis de K._ pouvait lui faire. A ce propos, elle a, en cours d’audition, déclaré ceci: "Juste après, il (ndlr : K._), il m’a dit qu’il voulait pas de problèmes, qu’il fallait pas parce que sinon je verrais (...) après il répète ‘t’as bien compris je veux pas de problème’ (...). J’ai dit ‘c’est bon je vais rien dire’" (pièce 15, pp. 2 et 5). Lors de sa visite médicale au CHUV, le 10 septembre 2009, elle a expliqué que son agresseur lui avait dit de se taire et que si elle disait quelque chose, sa famille paierait, et qu’il avait ajouté : "Je suis encore gentil de te laisser partir et je veux pas de problèmes" (pièce 30). Entendue par le tribunal le 21 mai 2013, elle a affirmé ce qui suit : "Il m’a dit qu’il était gentil de me laisser partir mais ne pas vouloir de problèmes, et qu’il pourrait me retrouver de toutes façons" (jugt, p. 4).
K._ a, pour sa part, d’abord déclaré qu’il ne se souvenait pas avoir menacé la victime (jugt, p. 3
in fine
), avant de contester toute menace (appel, p. 3), ce qu’il a confirmé à l’audience d’appel (p. 3
supra
).
La cour de céans est d'avis qu'il n’y a pas de motifs de douter des affirmations de la victime au sujet de la contrainte. De menues divergences entre ses premières déclarations à la police et celles qu'elle a faites devant les premiers juges, presque quatre ans après les faits, n'y changent rien, contrairement à ce qu'a fait valoir le prévenu à l'audience d’appel. Il faut donc retenir la version de l’intimée et non celle de l’appelant, qui a d’ailleurs lui-même admis avoir menti (P. 87).
Le fait que K._ ait menacé la victime de s’en prendre à elle ou à sa famille si elle révélait les faits constitue un moyen de contrainte au sens de l’art. 181 CP.
Il ne fait aucun doute que les menaces proférées étaient propres à impressionner la jeune fille et à l’entraver d’une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d’action. L’appelant a tort lorsqu’il prétend que si la victime a tardé à parler de l’agression, c’est uniquement par honte (appel, p. 3), comme il l’a d’ailleurs fait plaider à l’audience. Certes, la jeune fille a expliqué à son amie [...] qu’elle avait peur d’être enceinte, mais elle a ajouté que si elle n’avait pas parlé à la police ou à sa mère, c’est parce que le prévenu "l’avait menacée de frapper [...], une amie à elle" (PV aud. 10, R. 2, p. 2
in initio
). Il ressort en outre de la déposition d’I._ que lorsque sa fille, qui lui a admis avoir peur de son agresseur, a revu par hasard ce dernier quelque temps après les faits, elle (N._) "était vraiment paniquée" (PV aud. 9, ligne 48).
L’appelant a fait plaider aux débats d’appel que la victime n’avait pas été atteinte dans sa liberté d’action dans la mesure où, malgré les menaces, elle s’était confiée à une amie, puis à sa mère. L’infraction est toutefois retenue dans sa forme tentée; le fait que le résultat n’ait pas été atteint, à savoir obtenir de la victime qu’elle ne parle pas de ce qui s’était passé – ce qui a été le cas pendant deux ou trois semaines –, n’est donc pas déterminant à cet égard.
3.3
En définitive, les éléments constitutifs, tant objectifs que subjectifs, de l’infraction de contrainte sont réalisés, au stade du délit manqué. La condamnation de K._, en application des art. 22 et 181 CP, doit donc être confirmée.
La contrainte ayant été exercée postérieurement à la commission des infractions de nature sexuelle, dans le but de faire taire la victime, c’est à juste titre que les premiers juges l’ont retenue en concours réel avec les art. 187 ch. 1 et 190 al. 1 CP.
4.
Le prévenu ne conteste pas la peine en tant que telle, mais conclut à sa réduction uniquement dans l’optique de l’admission de son précédent moyen.
Or, dans la mesure où l’infraction de contrainte doit être confirmée, comme on l’a vu ci-avant, il n’y a pas lieu de revenir sur l’appréciation de la fixation de la peine par les premiers juges. Il suffit de constater que la sanction, incompatible avec l'octroi du sursis (art. 42 al. 1 et 43 al. 1 CP), a été fixée de manière conforme à la loi et doit être confirmée.
Le tribunal était dès lors parfaitement fondé à mettre les frais de la cause à la charge du prévenu.
5.
En conclusion, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé
.
5.1
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel,
comprenant les indemnités allouées à ses défenseurs d'office successifs, par 1'965 fr. 60, TVA et débours compris, pour Me Jean-Pierre Bloch et par 2'235 fr. 60, TVA et débours compris, pour Me Christophe Piguet, et celle allouée au conseil d’office de N._, par 1'458 fr., TVA et débours compris, selon listes des opérations produites (pièces 104/1, 118 et 119), seront mis à la charge du prévenu.
5.2
Ce dernier ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant des indemnités en faveur de ses défenseurs d'office et du conseil d’office de la partie civile prévues ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a et 426 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6ddcafed-ce8f-48cf-827f-af616cc69c1e | En fait :
A.
Par jugement du 22 mai 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a libéré Z._ des chefs de prévention de vol et d’appropriation illégitime (I), constaté que F._ s’est rendu coupable de tentative de contrainte et de contrainte (II), condamné Z._ à une peine pécuniaire de 40 jours-amende, le montant du jour amende étant fixé à 100 fr., et à une amende de 700 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif de l’amende étant de 7 jours (III), suspendu l’exécution de la peine et fixé à Z._ un délai d’épreuve de 2 ans (IV), pris acte pour valoir jugement de la reconnaissance de dette et de l’engagement de remboursement souscrits par Z._ à l’égard de F._, dont la teneur est la suivante
:"Je me reconnais débiteur de F._ à hauteur de 107 fr. 60, ceci pour compenser les inconvénients que je lui ai causés dans le cadre des faits que j’admets, soit le
cas 1, mais sans reconnaissance de responsabilité pour le cas 2"
(V), rejeté la conclusion prise par Z._ tendant à l’allocation d’une indemnité à titre de
l’art. 429 CPP (VI) et mis les frais par 1’300 fr. à la charge de Z._ (VII).
B.
Par annonce du 28 mai 2014, puis par déclaration motivée du 20 juin suivant, Z._ a fait appel contre ce jugement. Il a conclu à son acquittement et à l'allocation d'une indemnité de l'art. 429 CPP de 6'867 fr. plus un montant fixé à dire de justice pour la procédure de seconde instance.
Par détermination du 5 septembre 2014, le Ministère public a conclu au rejet de l'appel aux frais de son auteur.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né le 27 mai 1960, Z._ réside depuis 34 ans en Suisse, pays dont il a obtenu la nationalité.
Employé de sa société à responsabilité limitée active dans le domaine du bâtiment, Z._ réalise un revenu net de 4'090 fr. par mois. Les bénéfices de sa société sont actuellement insuffisants pour qu’un dividende lui soit versé. Il n’a pas de dettes et, selon lui, quelques économies. Il fait l'objet de poursuites dont certaines sont contestées. La déclaration fiscale du prévenu fait état d’une fortune nette de 27'322 francs.
Marié, Z._ a deux enfants, aujourd’hui majeurs. Son épouse réalise un revenu d’environ 3'800 fr. nets par mois.
Son casier judiciaire est vierge.
2.
A Yverdon-les-Bains, sur l'avenue de Grandson, le 19 mars 2013, Z._ a dérobé la plaque avant apposée sur le véhicule [...] utilisé par [...] mais appartenant au fils de ce dernier, F._. Le prévenu entendait ainsi faire pression sur [...] pour qu'il lui rembourse un prêt. La plaque a été restituée le lendemain (PV aud. 2 p. 2 et PV aud. 3 p. 2), mais le paiement n'est pas intervenu.
Au même lieu, le 16 mai 2013, Z._ a dérobé les deux plaques apposées sur le véhicule précité immatriculé [...] utilisé par [...], toujours dans le but de faire pression sur ce dernier, qui lui devait de l'argent. Le 23 mai 2013, Z._ et [...] se sont croisés en ville d'Yverdon-les-Bains, à la station-service de[...]. A cette occasion Z._ a déclaré à [...] qu'il ne lui restituerait pas les plaques s'il n'honorait pas sa dette (PV aud. 1 p. 2 et PV aud. 3 p. 2). Bien que [...] ne se fût pas exécuté, les plaques d'immatriculation susmentionnées, appartenant à F._, ont été déposées le 4 juin 2013 dans la boîte aux lettres du Centre [...] d'Yverdon-les-Bains, [...]
F._ a déposé plainte et s'est constitué partie civile le 16 mai 2013. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel de Z._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L'appelant conteste être l'auteur des faits du 16 mai 2013.
3.1
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 précité, c. 2.2.2).
3.2
Le 19 mars 2013, le prévenu a dérobé la plaque d'immatriculation du véhicule utilisé par [...] mais appartenant au fils de ce dernier. Le 16 mai 2013, les plaques de ce véhicule ont à nouveau été dérobées. Le prévenu conteste être l'auteur de cette seconde infraction. Le premier juge ne l'a pas cru. Pour celui-ci, les faits du 16 mai 2013 sont analogues à ceux du 19 mars 2013, au vu de la vraisemblance
"plus que troublante"
existant entre les deux états de fait (jugement p. 9), dès lors que l'accord passé le 19 mars 2013 n'a finalement pas abouti au paiement désiré par le prévenu et que ce dernier n'aurait pas fourni d'alibi. Or, ce n'est pas au prévenu d'établir son innocence mais à l'autorité de poursuite pénale d'établir sa culpabilité (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a op. cit.). En outre, la vraisemblance constatée par le jugement entrepris est un élément non négligeable, mais elle ne suffit pas à elle seule. Cela ne suffit cependant pas à admettre l'appel sur ce point.
On sait en effet par le dossier que les plaques ont été retrouvées trois semaines plus tard dans la boîte aux lettres du Cercle [...] d'Yverdon (P. 6), ce qui rend plausible que celui qui a restitué les plaques soit celui qui les a dérobées. En outre le prévenu n'en était pas à son coup d'essai puisqu'il avait déjà procédé de la même manière auparavant à l'égard du même débiteur, antérieurement au 19 mars 2013 (PV aud. 2, p.2 R4), et que rendu attentif à l'illicéité de ce type de comportement, il a dit qu'il "s'en fichait" (PV aud. 2 p. 2 R5). Enfin, l'élément décisif réside dans la conversation que l'intéressé a menée le 23 mai 2013 avec [...] L'existence de cette conversation est admise par le prévenu qui expose avoir ce jour-là suivi [...] jusque dans une station service, lui avoir réclamé l'argent dû et s'être vu répondre que l'argent serait versé une fois les plaques restituées (PV aud. 2, p. 2 R6). [...] indique que le prévenu lui aurait répondu que les plaques seraient restituées une fois la dette payée (PV aud. 3, p. 2 R6). On peut ainsi retenir que la conversation a bien porté sur le rapport entre le paiement et la restitution des plaques, quand bien mêmes les dires des parties divergent pour le surplus. Le prévenu ne prétend pas avoir rétorqué que ce n'était pas lui qui avait les plaques. La version de [...] doit ainsi l'emporter sur celle du prévenu, au vu de la manière de procéder de celui-ci. Les faits du 16 mai 2013 doivent donc également être imputés à l'appelant.
4.
Z._ conteste s'être rendu coupable de contrainte, arguant que la seule soustraction d'une plaque d'immatriculation ne serait pas suffisante pour restreindre d'une manière substantielle la liberté de la personne visée, et que l'acte qu'on lui reproche n'a donné aucun résultat.
4.1
Aux termes de l’art. 181 CP, celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d’un dommage sérieux, ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
La contrainte est illicite lorsque le moyen ou le but est contraire au droit ou encore lorsque le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé (ATF 134 IV 216 c. 4.1 ; ATF 129 IV 6 c. 3.4 ; ATF 120 IV 17 c. 2a ; cf. encore ATF 96 IV 58).
L’art. 181 CP prévoit alternativement trois moyens de contrainte : l’usage de la violence, la menace d’un dommage sérieux ou tout acte entravant la personne dans sa liberté d’action. La menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l’auteur, sans toutefois qu’il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 c. 2b ; ATF 106 IV 125 c. 2a) ni que l’auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 105 IV 120 c. 2a). Il peut également y avoir contrainte lorsque l’auteur entrave sa victime "de quelque autre manière" dans sa liberté d’action. Cette formule générale doit être interprétée de manière restrictive ; n’importe quelle pression de peu d’importance ne suffit pas. Il faut que le moyen de contrainte utilisé soit, comme pour la violence ou la menace d’un dommage sérieux, propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l’entraver d’une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d’action ; il doit donc s’agir de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF 119 IV 301 c. 2a et les références citées). Sur le plan subjectif, il faut que l’auteur ait agi avec conscience et volonté, soit au moins qu’il ait accepté l’éventualité que le procédé illicite employé entrave le destinataire dans sa liberté de décision (ATF 120 IV 17 précité c. 2c; TF 6B_38/2011 du 26 avril 2011 c. 2.2.1). Enfin, l’infraction de l’art. 181 CP est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (Dupuis et al., Petit Commentaire, Code pénal, Bâle 2012, nn. 35 et 36 ad art. 181 CP et les références citées).
On peut s'inspirer, en l'espèce, de la jurisprudence récente rendue en application de cette disposition (ATF 137 IV 326 c. 3.4; JdT 2012 p. 279) et qui se rapporte à la notion d'arrêt chicanier. Le Tribunal fédéral a précisé que celui qui, par pure chicane, freine brusquement et contraint un autre conducteur à s'arrêter, outrepasse – indépendamment de la question de la durée (cf. sur ce point la jurisprudence cantonale citée in Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, Lausanne 2007, n. 1.3 ad art. 181 CP) – ce qui est admissible usuellement de manière aussi évidente qu'en ayant recours à la violence ou à la menace d'un danger sérieux. La contrainte générée est, pour l'usager de la route qui suit l'automobiliste chicanier, d'une intensité telle qu'elle entrave sa liberté d'action. Il en va de même de l'automobiliste qui oblige un autre usager de la route à l'arrêt en le serrant au moyen de son véhicule contre le bord droit de la route lors d'un dépassement, puis l'oblige à freiner jusqu'à l'arrêt (Favre et alii, op. cit., n. 1.17 ad art. 181 CP et les réf. cit.).
Selon l'art. 22 CP, le juge peut atténuer la peine si l'exécution d'un crime ou d'un délit n'est pas poursuivie jusqu'à son terme ou que le résultat nécessaire à la consommation de l'infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire (al. 1).
4.2
En l’espèceZ._ a dérobé les plaques d'immatriculation du véhicule [...] utilisé par [...]. Cette atteinte est en soi illicite. Elle est en outre de nature à entraver de manière substantielle la liberté de [...] au sens de la jurisprudence citée (ATF 137 IV 326 c. 3.4), mettant celui-ci – voire son fils F._, à qui le véhicule et les plaques appartiendraient; cette distinction n'est pas décisive – dans l'impossibilité de rouler sans commettre une infraction à l'art. 96 al. 1 ch. 1 LCR (Loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1952; RS 741.01). Par ce geste, le prévenu a fait pression sur [...] pour qu'il lui paie sa dette, étant persuadé que cela aurait un effet.
S'agissant du degré de réalisation de l'infraction,
le premier juge retient une contrainte achevée s'agissant de l'épisode du 19 mars 2013, au motif qu'un accord sur le paiement de la dette aurait été passé avant la restitution des plaques. Les faits à disposition ne permettent toutefois pas de retenir qu'il y aurait eu un accord. Peu importe, cependant. Ce qui est déterminant, c'est que les agissements de Z._ avaient pour but d'obtenir que [...] paie sa dette, ce qu'il n'a pas obtenu. Cela étant, seule une tentative de contrainte sera retenue à l'encontre du prévenu pour les faits du 19 mars 2013. Par identité de motifs, il en est de même pour ceux du 16 mai 2013 que le prévenu a perpétrés selon le même procédé et dans le même but, sans plus ample succès.
5.
Z._ plaide que sa culpabilité serait suffisamment légère pour que l’art. 52 CP soit applicable.
5.1
L’art. 52 CP prévoit que l’autorité compétente renonce à poursuivre l’auteur, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine si sa culpabilité et les conséquences de son acte sont peu importantes. L’importance de la culpabilité et celle du résultat dans le cas particulier doivent être évaluées par comparaison avec celle de la culpabilité et celle du résultat dans les cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification (ATF 135 IV 130 c. 5.3.3 p. 135 s.). La culpabilité de l’auteur se détermine selon les règles générales de l’art. 47 CP (ATF 135 IV 130 c. 5.2.1 p. 133 s.), mais aussi selon d’autres critères, comme le principe de célérité ou d’autres motifs d’atténuation de la peine indépendants de la faute (tels que l’écoulement du temps depuis la commission de l’infraction; ATF 135 IV 130 c. 5.4 p. 137; CAPE 20 octobre 2014/279 c. 4).
5.2
L'application de l'art. 52 CP à Z._ est exclue en l'espèce. En effet, celui-ci qui n'en était pas à son coup d'essai et rendu attentif à l'illicéité de son comportement, il a déclaré s'en ficher (PV aud. 2 p. 2 R5). En outre ses actes ne sont pas bénins et relèvent, comme le retient le premier juge, d'une justice privée qui ne peut être tolérée dans un Etat de droit.
6.
Il convient donc de fixer la peine à infliger à Z._.
6.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
6.2
L'autorité de première instance a prononcé, à l'encontre du prévenu, une peine pécuniaire (art. 34 CP) de 40 jours-amende à 100 fr. le jour avec sursis pendant deux ans (42 CP) ainsi qu'une amende de 700 fr. à titre de sanction immédiate au sens de l'art. 42 al. 4 CP.
A charge de Z._, on retiendra qu’il a persévéré à vouloir se faire justice. A décharge, on retiendra qu'il a réparé le dommage causé à F._ et qu’il n’a aucun antécédent. On tiendra également compte de l’atténuation prévue à l’art. 22 CP pour la tentative de contrainte, applicable dans les deux cas. A décharge encore, on relève que le prévenu a montré, aux débats d'appel, avoir pris conscience de la portée de ses actes et qu'il a exprimé des regrets. Une peine de 20 jours-amende à 40 fr. le jour, tenant compte de la situation financière du prévenu au moment du jugement (ATF 116 IV 4 c. 3a) est adéquate pour sanctionner son comportement. Au vu des éléments ci-dessus, il convient en outre de l'exempter de la sanction immédiate prévue en première instance (amende de 700 fr.).
7.
En définitive, l'appel de Z._ doit être partiellement admis et le jugement entrepris réformé dans le sens des considérants.
8.
Z._ demande que les frais soient laissés à la charge de l'Etat et qu'une indemnité de l'art. 429 CPP de 6'867 fr. plus un montant fixé à dire de justice pour la procédure de seconde instance lui soit allouée pour ses frais de défense.
8.1
Succombant à l'action pénale, c'est à juste titre que Z._ été chargé des frais de première instance (1'300 fr.). Vu le sort de l'appel, les frais de seconde instance, constitués en l'espèce de l'émolument d'arrêt, par 1'610 fr., y compris l'audience de jugement, seront mis par moitié, soit par 805 fr., à la charge de l'appelant (art. 428 al. 1 CPP), le solde étant laissé à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP).
8.2
L'intéressé ayant été condamné et la réduction de peine obtenue en appel ne correspondant pas à un acquittement total ou partiel, les réquisits de
l'art. 429 al. 1 let. a CPP ne sont pas réunis et le droit à une indemnité pour frais de défense n'est pas ouvert. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6e1e237a-4b53-4714-9e5b-bd9a395f4525 | En fait :
A.
Par jugement du 22 mai 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a libéré G._ du chef d’accusation de dommages à la propriété (I), a constaté que G._ s’est rendu coupable de vol et d’infraction à la Loi fédérale sur les étrangers (II), l’a condamné à une courte peine privative de liberté ferme de 180 jours, sous déduction de 2 jours de détention avant jugement (III), a levé le séquestre sur le monnayeur contenant € 3.47 ((fiche n° 14762/14) et ordonné sa restitution à W._ (IV), a confisqué l’appareil IPAQ pocket PC pro gris (fiche n° 14796/14) et ordonné sa dévolution à l’Etat (V), a séquestré les montants de 55 fr. 55 et de € 23.32 (fiche n°14762/14) en vue de couvrir le paiement des frais de justice (VI), a mis les frais de procédure par 4'183 fr. 20, comprenant l’indemnité d’office allouée à Me Laurent Mösching, par 3'183 fr. 20 à la charge de G._ (VII) et a dit que G._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité due à son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (VIII).
B.
Par annonce du 28 mai 2015, suivie d’une déclaration motivée du
22 juin 2015, G._ a fait appel contre ce jugement. Il a conclu, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est reconnu coupable de vol d’importance mineure et d’infraction à la loi fédérale sur les étrangers, la peine privative de liberté prononcée à son encontre ne dépassant pas 90 jours, sous déduction de 2 jours de détention avant jugement.
Par déclaration d’appel joint du 2 juillet 2015, le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois a conclu à la réforme du jugement rendu le 22 mai 2015 en ce sens que G._ est reconnu coupable de vol, de dommages à la propriété et d’infraction à la loi fédérale sur les étrangers, une peine privative de liberté ferme de neuf mois, sous déduction de 2 jours de détention avant jugement, étant prononcée à son encontre.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
G._ est né le [...] 1993 à [...], pays dont il est ressortissant. Il n’est au bénéfice d’aucune formation. Il a quitté son pays en 2011, à la suite de l’assassinat de son frère en Algérie, pour se rendre en France où il a résidé durant une année. Arrivé dans notre pays 2012, il ne dispose d’aucune autorisation de séjour. Il n’a ni revenu, ni fortune et n’a pas de famille ou d’attache en Suisse.
Le casier judiciaire suisse de G._ fait mention des sept condamnations suivantes :
- 22 novembre 2012 : Ministère public du canton de Genève, entrée illégale, séjour illégal et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, 40 jours-amende avec sursis pendant 3 ans, sous déduction de 1 jour de détention provisoire, et 500 fr. d'amende (révoqué le 22.04.13);
- 29 janvier 2013 : Ministère public du canton de Genève, recel et séjour illégal, 90 jours de peine privative de liberté, sous déduction de 1 jour de détention provisoire;
- 11 mars 2013 : Ministère public de l'arrondissement de La Côte, vol, vol d'importance mineure et violation de domicile, 120 jours de peine privative de liberté et 200 fr. d'amende (peine complémentaire à celle prononcée le 29.01.13);
- 22 avril 2013 : Ministère public de l'arrondissement de La Côte, vol, vol d'importance mineure et séjour illégal, 90 jours de peine privative de liberté et 200 fr. d'amende (peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 11.03.13, peine d'ensemble avec le jugement du 22.11.12);
- 21 août 2013 : Ministère public du canton de Genève, séjour illégal, 90 jours de peine privative de liberté, sous déduction de 2 jours de détention provisoire;
- 3 septembre 2013 : Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, vol d'importance mineure et séjour illégal, 50 jours de peine privative de liberté et 200 fr. d'amende (peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 22.14.13);
- 2 mai 2014 : Ministère public cantonal Strada, vol et séjour illégal, 60 jours de peine privative de liberté, sous déduction de 2 jours de détention provisoire.
2.
2.1
Le samedi 23 août 2014 entre 13h00 et 14h00, sur le parking du magasin [...] sis à [...], G._ et U._ (déféré séparément) ont fouillé plusieurs véhicules afin de dérober ce qui était susceptible de les intéresser. Ils ont ainsi ouvert l'automobile de S._ d'une manière indéterminée et ont subtilisé un téléphone portable noir de marque Sony Xperia. Ensuite, ils se sont emparés d'un appareil iPAQ pocket PC pro gris dans un second véhicule dont la fenêtre était entrouverte. Ils ont finalement forcé la vitre du côté passager avant de la voiture de M._ et ont emporté 5 fr. en petite monnaie. Surpris par cette dernière alors qu'ils étaient dans son véhicule, les prévenus sont partis en direction du magasin [...], avant d'être appréhendés.
Le même jour entre 18h30 et 20h00, soit peu après qu’ils aient été laissés aller par la police, G._ et U._ ont notamment fouillé le véhicule que W._ avait garé au chemin du [...] à [...]. Ils ont emporté un monnayeur noir contenant plusieurs pièces de monnaie pour un total de 3 € 74. Surpris en train d'agir par un gendarme en congé, ils ont été appréhendés à la gare de [...].
Le 23 août 2014, M._, S._ et W._ ont déposé plainte.
Par courrier du 19 mai 2015 adressé au tribunal de première instance, M._ a requis d’être dispensée des débats, précisant qu’elle avait peur, qu’elle était « une jeune maman seul » (sic) et qu’elle ne voulait pas qu’il lui « arrive quelque chose, suite à cette plainte ».
2.2
Du 2 mai 2014, date de sa dernière condamnation pour ce motif, au
23 août 2014, jour de son interpellation, G._ a séjourné en Suisse sans être au bénéfice d'aucune autorisation.
D.
À l’audience d’appel, M._ a expliqué qu’après le vol, le mécanisme électrique la vitre de la voiture fonctionnait toujours mais qu’elle avait observé qu’il faisait un peu plus de bruit lorsqu’elle montait ou descendait la vitre, ajoutant que le mécanisme électrique ne faisait pas ce bruit-là avant le vol.
G._ a conclu à l’admission de son appel et au rejet de l’appel joint déposé par le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP). L'appel joint doit, quant à lui, être interjeté dans un délai de vingt jours dès la réception de la déclaration d'appel (art. 400 al. 3 CPP).
Interjetés dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel interjeté par G._
ainsi que l'appel joint déposé par le Ministère public sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves (TF 6B_78/2012 du 27 août 2012). L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Eugster, in : Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, 2
e
éd., Bâle 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP).
3.
Si les faits sont admis, les infractions retenues sont en revanche contestées par l’appelant et dans une moindre par le Ministère public.
3.1
L’appelant estime que compte tenu de la valeur des objets dérobés, les vols qu’il a commis sont d’importance mineure au sens de l’art. 172
ter
CP.
3.1.1
Aux termes de cette disposition, si l’acte ne visait qu’un élément patrimonial de faible valeur ou un dommage de moindre importance, l’auteur sera, sur plainte, puni d’une amende.
Un élément patrimonial est de faible valeur au sens de l’art. 172
ter
CP s’il ne dépasse pas 300 francs. Le critère déterminant est l’intention de l’auteur, non pas le résultat concret de l’acte (Dupuis et alii, Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 10 ad art. 172
ter
CP). Dans le cas d’un vol à la tire lors duquel l’auteur ignore le contenu de ce qu’il va voler, il faut considérer, en l’absence d’indices contraires, que l’auteur agit tout au moins avec le dol éventuel d’obtenir un butin supérieur à 300 francs. Ce n’est que dans l’hypothèse où il subtilise un objet déterminé ou lorsqu’il a clairement vu la somme mise en poche que l’on appliquera l’art. 172
ter
CP (ATF 123 IV 155, JdT1998 IV 170 c. 1b).
3.1.2
En l’espèce, le tribunal de première instance a exclu l’application de l’art. 172
ter
CP retenant qu’il était évident que l’appelant, en visitant divers véhicules, n’avait pas l’intention de soustraire uniquement des objets de faibles valeurs mais, au contraire, que son intention était de prendre tout ce qu’il trouverait dans les véhicules, relevant d’ailleurs que l’appelant avait concédé que s’il avait trouvé un billet de 1'000 fr., il l’aurait pris. Le premier juge a ainsi relevé que si le butin n’avait pas été très élevé, cela n’était dû qu’au hasard ou à la prudence des propriétaires des véhicules (jgt., p. 9).
Cette appréciation des faits ne prête pas le flanc à la critique et doit être confirmée. En effet, l’appelant ignorait ce que recelaient les véhicules. Ses explications données aux débats d’appel, selon lesquelles il lui semblait impossible de trouver un billet de 1'000 fr. dans une voiture car les détenteurs du véhicule ne laissaient pas une telle somme dans leur voiture, ne change rien à ce constat. Conformément à la jurisprudence rappelée ci-dessus, on doit admettre que l’appelant a agi à tout le moins avec l’espoir d’obtenir un butin supérieur à 300 fr., ce qui exclut le vol d’importance mineur au sens de l’art. 172
ter
CP. Ce moyen, mal fondé, doit être rejeté.
3.2
Le Ministère public considère, quant à lui, que l’infraction de dommages à la propriété est réalisée, précisant que le complice de l’appelant, U._, a également été condamné pour cette infraction.
3.2.1
L’art. 144 al. 1 CP dispose que celui qui aura endommagé, détruit ou mis hors d'usage une chose appartenant à autrui sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
De façon générale, l'art. 144 CP vise tout comportement tendant à causer un dommage, qui peut consister soit dans une atteinte à la substance de la chose, soit dans une atteinte à sa fonctionnalité. L'atteinte peut consister à détruire ou à altérer la chose. Mais elle peut aussi consister dans une modification de la chose qui a pour effet d'en supprimer ou d'en réduire l'usage, les propriétés, les fonctions ou l'agrément. L'auteur se rend coupable de dommages à la propriété dès qu'il cause un changement de l'état de la chose qui n'est pas immédiatement réversible sans frais ni effort et qui porte atteinte à un intérêt légitime (ATF 128 IV 250, c. 2 et les réf. citées ; Pellet/Favre/Stoudmann, Code pénal annoté, 3
e
éd., Lausanne 2007/2011, n. 1.3 ad art. 144 CP). L'infraction est intentionnelle. Le dol éventuel suffit (Dupuis et alii, op. cit., nn. 3, 11 et 16 ad art. 144 CP).
3.2.2
Se fondant sur les termes de la plainte déposée par M._ (P. 7) et sur son courrier du 19 mai 2015 (P. 46), le tribunal de première instance a considéré qu’aucun élément au dossier ne permettait de déterminer si le véhicule de la plaignante avait été réellement endommagé au sens de l’art. 144 CP (jgt., p. 10).
La Cour d’appel relève cependant que dans sa plainte, M._ a indiqué que l’appelant et son comparse avaient « forcé la vitre électrique, côté passager avant » (P. 7). En outre, le courrier de la plaignante du
19 mai 2015 laisse clairement penser que cette dernière craignait que son dépôt de plainte n’entraîne des représailles – ce que le tribunal de première instance a d’ailleurs relevé (cf. jgt., p. 10). Par ailleurs, la plaignante a été dispensée de participer aux débats de première instance de sorte qu’elle n’a pas eu l’occasion de s’expliquer oralement – notamment s’agissant des dégâts constatés sur le véhicule – face au premier juge. Aux débats d’appel, la plaignante a indiqué qu’après le vol, le mécanisme électrique de la vitre du véhicule fonctionnait certes encore mais qu’il faisait désormais plus de bruit que d’habitude après avoir été forcé. Compte tenu de ce qui précède, on doit admettre que l’effraction a altéré l’usage du véhicule au sens où l’entendent la doctrine et la jurisprudence rappelées ci-dessus. En effet, entendre un bruit de moteur plus important que la norme lorsqu’on actionne le mécanisme électrique de la vitre de son véhicule représente un désagrément évident. Les conditions de l’infraction de dommages à la propriété au sens de l’art. 144 CP sont dès lors réalisées. L’appel joint doit être admis sur ce point et le jugement de première instance modifié en conséquence.
4.
La quotité de la peine prononcée, soit une peine privative de liberté de 180 jours, est contestée tant par l’appelant que par le Ministère public.
L’appelant estime que cette peine est trop sévère compte tenu de sa culpabilité. Faisant référence à la peine prononcée à l’encontre de son acolyte U._, soit une peine privative de liberté de 120 jours, il conclut au prononcé d’une peine privative de liberté ne dépassant pas 90 jours. Le Ministère public requiert, quant à lui, le prononcé d’une peine privative de liberté ferme de neuf mois.
4.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale
(TF 6B_335/2012 du 13 août 2012 c. 1.1 et les références citées).
Le Tribunal fédéral considère que la comparaison d’une peine avec celles sanctionnant d’autres accusés, est d’emblée délicate (ATF 123 IV 49 c. 2 ; ATF 120 IV 136 c. 3a ; TF 6B_334/2009 du 20 juillet 2009 c. 2.3.1). En effet, de nombreux paramètres interviennent dans la fixation de la peine, et les disparités de sanction en cette matière s’expliquent normalement par le principe de l’individualisation de la peine voulue par le législateur. Ce n’est que si le résultat auquel le juge est parvenu apparaît vraiment choquant, compte tenu notamment des arguments invoqués et des cas examinés par la jurisprudence, que l’on peut alors parler d’un véritable abus du pouvoir d’appréciation (ATF 123 IV 49, TF 6B_334/2009 du 20 juillet 2007 c. 2.3.2 ; Dupuis et alii., op. cit., n. 2a ad art. 47 CP ; Favre, pellet, Stoumann, op. cit., n. 1.12 ad art. 47 CP).
4.2
En l’espèce, il convient de relever que le terme employé par le tribunal de première instance pour qualifier la peine, à savoir une « courte peine privative de liberté », est erroné, la peine prononcée n’étant pas inférieure à six mois. Le dispositif du jugement de première instance doit être corrigé sur ce point.
Le premier juge a retenu que la culpabilité de l’appelant n’était pas négligeable. À charge, il a tenu compte de la persévérance de ce dernier à commettre des infractions en particulier contre le patrimoine, relevant qu’à peine relaxé par la police lors de sa première arrestation le 23 août 2014, il avait réitéré selon le même mode opératoire. Le premier juge a également pris en considération les antécédents judiciaires de l’appelant, puisqu’en deux ans il avait été condamné sept fois, essentiellement pour séjour illégal et pour des infractions contre le patrimoine, ce qui démontrait de sa part un parfait mépris pour les règles applicables en Suisse. Ses regrets exprimés en fin d’audience ont par ailleurs paru de circonstance et peu sincères. Enfin, les infractions sont en concours. Aucun élément à décharge n’a été retenu, le fait de quitter son pays, même dans des circonstances tragiques, ne justifiant en rien la commission de vols dans le pays d’accueil
(jgt., pp. 10-11).
Tous les critères pertinents pour la fixation de la peine ont ainsi été pris en considération par le tribunal de première instance. L’appelant est désormais également reconnu coupable en outre de l’infraction de dommages à la propriété. Quant à l'écart de 60 jours qui sépare les peines prononcées contre U._ et contre l’appelant, il se justifie pleinement compte tenu des antécédents pénaux de ce dernier, plus importants que son comparse pourtant plus âgé que lui. La quotité de la peine requise par le Ministère public, à savoir 9 mois, est excessive au vu de la culpabilité de l’intéressé et des infractions commises. On relève d’ailleurs que dans son ordonnance pénale du 24 novembre 2014, contestée par l’appelant, le Ministère public avait prononcé une peine privative de liberté de 180 jours son encontre.
Compte tenu de ce qui précède, la peine privative de liberté de
180 jours prononcée par le tribunal de première instance est adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité de l’appelant et de sa situation personnelle, nonobstant l’ajout d’une infraction supplémentaire.
5.
En définitive, l’appel de G._ est rejeté et l’appel joint du Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois est partiellement admis en ce sens que G._ est aussi reconnu coupable de dommages à la propriété. Le jugement rendu le 22 mai 2015 par le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte est modifié dans le sens des considérants.
L’appel principal est rejeté. L’appel joint n’est que partiellement admis. Il s’ensuit que les frais d'appel doivent être mis par trois quarts à la charge de G._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 2'020 fr. (art. art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office de G._, qui peut être arrêtée à 2'466 fr. 95, TVA et débours inclus, conformément aux indications figurant sur la liste des opérations produite aux débats d’appel.
G._
ne sera tenu de rembourser à l’Etat le trois quarts de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra
(art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6ea9b69f-f03b-4ff0-9466-f3c5b6c02917 | En fait :
A.
Par jugement du 15 mars 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a condamné P._ à une amende de 3'000 fr. (trois mille) pour fabrication et mise sur le marché d'équipements servant à décoder frauduleusement des services cryptés et dit que la peine privative de liberté de substitution, en cas de non paiement fautif de l'amende, sera de 30 (trente) jours (I); a mis à la charge de P._ une créance compensatrice de 50'000 fr. (II); a donné acte à F._, M._, S._ et W._ de leurs conclusions civiles (III); a dit que les objets séquestrés sous fiche 1437 sont confisqués (IV) et mis les frais de la cause par 5'515 fr. à la charge de P._ (V).
B.
En temps utile, P._ a interjeté appel contre ce jugement. Il conclut à sa réforme en ce sens que la créance compensatrice prononcée à son encontre est supprimée et que les frais de procédure mis à sa charge sont réduits compte tenu du fait que la première juge l'a libéré de trois chefs d'accusation sur quatre.
En temps utile, F._, M._, S._ et W._ ont interjeté appel contre ce jugement. Elles concluent à sa réforme en ce sens que P._ est condamné pour violation des art. 5 let. c et 23 de la loi fédérale du 19 décembre 1996 contre la concurrence déloyale (LCD; RS 241) et pour violation des art. 67 al. 1 let. b, f et h, 69 al. 1 let. e, g et i et al. 2 et 69a al. 1 let. a, b et al. 2 de la loi fédérale du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur et les droits voisins (LDA; RS 231.1). Elles demandent également que P._ soit condamné au paiement des montants de 346'967 fr. 50, à titre de remise de gain, et de 20'000 fr. à chacune d'entre elles à titre de tort moral.
Le 28 avril 2011, le Ministère public a renoncé à présenter une demande de non-entrée en matière et à déposer un appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1
P._, né en 1971 à Téhéran en Iran, est originaire de Bussigny-près-Lausanne. Il est marié et père d'une fillette de cinq ans et demi. Electronicien de formation, il est actuellement sans emploi, sa société [...] ayant été déclarée en faillite à fin 2010. Il loge avec sa famille dans un entrepôt aménagé en appartement pour lequel il paie un loyer mensuel de 600 francs. Son épouse perçoit un salaire de 3'200 fr. par mois. Les assurances-maladie sont partiellement subventionnées et il reste un montant de 92 fr. par mois à payer.
Le casier judiciaire de P._ fait état de quatre inscriptions, respectivement une peine privative de liberté de 10 jours prononcée le
22 janvier 2002 par le Juge d'instruction de l'Est vaudois pour injure et menaces, une amende de 710 fr. avec sursis d'un an, prononcée le 2 février 2006 par la Préfecture de Payerne, pour violation des règles de la circulation routière, une peine pécuniaire de 120 jours-amende à 20 fr. avec sursis pendant quatre ans, prononcée le
21 avril 2010 par le Tribunal de police de Lausanne pour lésions corporelles simples, appropriation illégitime et dommages à la propriété et enfin une peine pécuniaire de 20 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant quatre ans, prononcée le
16 novembre 2010 par le Juge d'instruction de l'Est vaudois pour menaces.
1.2
Les plaignantes M._ et F._ appartiennent au groupe [...], dont les principales activités sont l'édition et la distribution de chaînes payantes et la production et la distribution de films et de programmes de télévision. M._ a pour mission principale l'édition de chaînes généralistes. Elle est présente en Suisse depuis 1996 via différents téléréseaux et par le satellite Atlantic Bird (en analogique), puis dès le 1
er
octobre 2008, via le satellite Astra (en numérique). F._ a notamment pour but d'assurer toutes opérations ou prestations se rapportant à la distribution ou la commercialisation des chaînes [...] et [...], par tout moyen de diffusion et tout support.
Afin de limiter l'accès de ses programmes à ses abonnés, M._ crypte le signal de ses émissions par le biais d'un control word, transmis via satellite ou autre (câble, ADSL) à une carte à puce fournie à ses abonnés. Une fois décrypté par la carte à puce, le control word est directement envoyé au décodeur du client abonné, lui permettant ainsi de voir le programme.
1.3
Les plaignantes S._ et W._ appartiennent au groupe [...].S._ a pour but notamment le développement et la mise au point de systèmes incluant des logiciels et matériels applicables au domaine de la télévision numérique et analogique. W._ a notamment pour but de développer et de commercialiser auprès d'opérateurs de télévision payante, dont notamment M._ et F._, des systèmes d'accès conditionnels, à savoir le développement de décodeurs combinés à des cartes à puce. Au moment où M._ a étendu son offre de programmes cryptés en Suisse via le satellite numérique Astra, soit dès le 1
er
octobre 2008, seule [...], société concurrente de W._ et S._, a produit des cartes à puce.
2.
P._ a vendu dans le cadre de son commerce de matériel électronique [...] un total de 785 décodeurs piratés permettant de décrypter des flux de programmes télévisés, à partir de 2006 et jusqu'à son interpellation en décembre 2008. Dans un premier temps, il a acheté des décodeurs pirates auprès d'une société [...] basée en Suisse allemande, qu'il revendait par la suite. Ces appareils ne donnant pas entière satisfaction, P._ a acheté des décodeurs Dreambox entre 150 fr. et 350 fr. l'unité dans le canton de Zoug. Il a reconfiguré chaque Dreambox en y téléchargeant un système d'exploitation appelé Gemini ainsi que le plug in CCCAM rebaptisé KUKUCRYPT. Ce faisant, il pouvait se connecter via Internet à d'autres décodeurs munis d'une carte officielle permettant d'accéder aux clés de décryptage du flux vidéo (système dit du "cardsharing"). Ayant lui-même acheté un abonnement officiel auprès d'un revendeur suisse de M._, P._ installait sur les Dreambox un micro logiciel se connectant à son propre décodeur ou à ceux de certains de ses clients, créant de ce fait un large réseau partageant les codes d'accès des cartes officielles. Le prix de vente, variant entre 350 fr. et 550 fr., comprenait un abonnement d'accès au serveur de cardsharing géré par P._ durant une année. Une fois cette année écoulée, il facturait à ses clients un abonnement d'accès au serveur au prix de 150 fr. par année. Ce service était indispensable puisqu'il permettait au client de continuer à bénéficier du control word nécessaire au fonctionnement de sa Dreambox. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Marlène Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, l'appel de P._ est interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d'un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP). Il est limité à la question de la créance compensatrice et à la quotité des frais de première instance mise à sa charge.
De même, l'appel des plaignantes F._, M._, S._ et W._ est recevable; motivée en plaidoirie, leur contestation est limitée à la culpabilité de P._ au sens des
art. 5 let. c et 23 LCD, des art. 67 al. 1 let. b, f et h, 69 al. 1 let. e, g et i et al. 2 et
69a al. 1 let. a, b et al. 2 LDA et à sa condamnation au paiement des montants de 346'967 fr. 50, à titre de remise de gain, et de 20'000 fr. à chacune d'entre elles à titre de tort moral.
2.
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
La constatation des faits est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Marlène Kistler Vianin,
op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
Aux termes de l'art. 391 al. 2 CPP, l'autorité de recours ne peut modifier une décision au détriment du prévenu ou du condamné si le recours a été interjeté uniquement en leur faveur. Cependant, l'appel joint de la partie plaignante, comme c'est le cas ici, met en échec la règle
ne pejorare
(Richard Calame,
in: Kuhn/Jeanneret, op. cit., n. 3 ad art. 391 CPP).
I.
Appel de F._, M._, S._ et W._.
3.1
Les plaignantes estiment que P._ s'est rendu coupable de concurrence déloyale au sens des art. 5 let. c et 23 LCD.
a)
Aux termes de l'art. 2 LCD, est déloyal et illicite tout comportement ou pratique commercial qui est trompeur ou qui contrevient de toute autre manière aux règles de la bonne foi et qui influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients.
La LCD ne concerne ainsi que le domaine de la concurrence. Cette notion vise une compétition, une rivalité sur le plan économique entre des personnes qui offrent leurs prestations. La concurrence suppose donc un marché. Pour qu'il y ait acte de concurrence déloyale, il ne suffit pas que le comportement apparaisse déloyal au regard de la liste d'exemples figurant aux art. 3 à 8 LCD; il faut encore, comme le montre la définition générale de l'art. 2 LCD, qu'il influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients. Autrement dit, il doit influencer le jeu de la concurrence, le fonctionnement du marché (ATF 126 III 198 c. 2c). Certes, il n'est pas nécessaire que l'auteur de l'acte soit lui-même un concurrent
(ATF 120 II 76 c. 3a). Il n'empêche que l'acte doit être objectivement apte à influencer la concurrence, à savoir propre à avantager ou désavantager une entreprise dans sa lutte pour acquérir de la clientèle, ou à accroître ou diminuer ses parts de marché (ATF 124 III 297 c. 5d).
b)
En l'occurrence, le tribunal de première instance a considéré que les conditions d'application de l'art. 5 let. c LCD n'étaient pas remplies, estimant que le prévenu n'avait pas agi sans sacrifice au sens de cette disposition, et il a laissé ouverte la question d'une concurrence présente entre les parties (cf. jgt., p. 18).
Or, s'il est établi qu'avant le 1
er
octobre 2008, M._ ne diffusait pas ses programmes sur le territoire suisse par satellite, ces derniers étaient toutefois diffusés par le biais du câble et du téléréseau depuis 1996. En vendant ses décodeurs pirates à partir de 2006 et jusqu'à son interpellation en décembre 2008, P._ a fourni à ses clients l'accès aux mêmes programmes que ceux que M._ proposait à ses abonnés. Partant, il était en concurrence avec les plaignantes au sens de l'art. 2 LCD. Peu importe que la diffusion des programmes de M._ en Suisse se soit faite par satellite, par téléréseau ou encore par le câble.
c)
Il ressort de l'art. 5 let. c LCD qu'agit de façon déloyale celui qui, notamment reprend grâce à des procédés techniques de reproduction et sans sacrifice correspondant le résultat de travail d’un tiers prêt à être mis sur le marché et l’exploite comme tel.
Cette disposition a trait à l'exploitation de la prestation d'autrui résultant d'une activité créative et originale, qui ne peut toutefois faire l'objet d'un droit de propriété intellectuelle faute d'en satisfaire les conditions, ou parce que son auteur a renoncé à une telle protection (ATF 117 II 199 c. 2a/ee). Les cas concernés par l'art. 5 LCD touchent également au domaine extracontractuel, notamment lorsque des "pirates" reproduisent des enregistrements ou copient des livres dont le contenu n'est pas protégé par la législation sur les droits d'auteur (ATF 122 III 469 c. 8b,
JT 1997 I 238).
d)
Aux débats, les plaignantes ont précisé investir plusieurs millions de francs pour protéger le cryptage de leurs programmes. P._ devait, quant à lui, reconfigurer chaque Dreambox en y téléchargeant un système d'exploitation appelé Gemini ainsi que le plug in KUKUCRYPT. Le sacrifice consenti par le prévenu n'était en rien correspondant à celui des plaignantes. En piratant le système de décryptage des programmes des plaignantes, P._ a agi de manière déloyale, réalisant ainsi l'infraction prévue à l'art. 5 let. c LCD. Ce grief, bien fondé, doit être admis.
3.2
Les plaignantes estiment que P._ s'est rendu coupable d'infraction aux art. 67 al. 1 let. b, f et h, 69 al. 1 let. e, g et i et al. 2 et 69a al. 1
let. a, b et al. 2 LDA.
a)
La première juge a considéré, sur la base d'un arrêt du Tribunal fédéral rendu le 12 janvier 2010, que la LDA n'est pas applicable au comportement du prévenu, au motif que "le droit suisse est le droit du pays de réception". Dans cet arrêt, la TSR reprochait à M6 de diffuser un programme en Suisse depuis la France, via satellite, en violation de ses droits d'auteur. Le Tribunal fédéral a considéré que le comportement de M6 ne devait être conforme qu'à la législation du pays d'émission, à savoir la France. Ainsi, le comportement mis en cause par la TSR avait eu
lieu en France et ne devait respecter que les exigences du droit français
(ATF 136 III 232 c. 6). Le comportement mis en cause en l'espèce ne consiste cependant pas en une émission par satellite depuis la France. Ce sont les plaignantes dont les droits sont lésés qui émettent depuis la France. Le comportement illicite reproché au prévenu est la vente en Suisse d'appareils ayant pour unique but de décoder le signal reçu. Il s'agit ainsi de déterminer s'il y a une violation en Suisse des droits d'auteur des plaignantes, étant rappelé que les ayants droit étrangers peuvent faire valoir leurs droits comme les Suisses.
Dans un arrêt rendu juste avant l'entrée en vigueur de la nouvelle LDA, le Tribunal fédéral a considéré que la notion de radiodiffusion propre au droit d'auteur comprend l'envoi par n'importe quel type de satellite de signaux accessibles techniquement et financièrement au public en général et destinés à être reçus directement ou indirectement par lui (ATF 119 II 51 c. 2c) de sorte qu'il ne fait aucun doute que la transmission télévisée d'une oeuvre, via un satellite, est soumise au droit exclusif de l'auteur selon le droit suisse. Dans cette affaire, CNN reprochait au Noga Hilton de Genève de propager ses émissions auprès de ses clients sans payer la redevance exigée par la chaîne. Le Tribunal fédéral a considéré que la LDA s'appliquait mais que, en l'occurrence, l'hôtel n'avait pas violé la loi parce qu'il n'avait procédé qu'à un acte de réception, sans participer à la diffusion des programmes.
Il convient donc de déterminer si le comportement de P._ est un acte de réception uniquement ou s'il constitue aussi un acte de diffusion, entrant dans le cadre des droits exclusifs de l'auteur et des organismes de diffusion définis dans la LDA.
b)
Aux termes de l'art. 67 LDA, sur plainte du lésé, est puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque, intentionnellement et sans droit divulgue une œuvre (al. 1 let. b); propose au public, aliène ou, de quelque autre manière, met en circulation des exemplaires d’une œuvre (al. 1 let. f); diffuse une oeuvre par la radio, la télévision ou des moyens analogues, soit par voie hertzienne, soit par câble ou autres conducteurs ou la retransmet par des moyens techniques dont l’exploitation ne relève pas de l’organisme diffuseur d’origine (al. 1 let. h). Si l’auteur d’une infraction au sens de l’al. 1 agit par métier, il est poursuivi d’office. La peine est une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou une peine pécuniaire. En cas de peine privative de liberté, une peine pécuniaire est également prononcée (al. 2). Cette disposition est le pendant pénal des sanctions prévues en cas de violation des droits de divulgation, de mise en circulation, de diffusion et de retransmission décrits aux art. 9 al. 2 LDA, 10 al. 2 let. b, d et e LDA.
Il ressort de l'art. 69 LDA que sur plainte du lésé, est puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque, intentionnellement et sans droit fait voir ou entendre une prestation mise à disposition, diffusée ou retransmise (al. 1 let. e); retransmet une émission
(al. 1 let. g); reproduit une émission enregistrée sur un phonogramme, un vidéogramme ou un autre support de données ou, de quelque autre manière, met en circulation de tels exemplaires (al. 1 let. i). Si l’auteur d’une infraction au sens de l’al. 1 agit par métier, il est poursuivi d’office. La peine est une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou une peine pécuniaire. En cas de peine privative de liberté, une peine pécuniaire est également prononcée (al. 2).
Cette disposition est le pendant pénal des sanctions prévues en cas de violation des droits voisins protégeant notamment les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, ainsi que les organismes de diffusion contre l'utilisation non contrôlée de leurs prestations immatérielles. Cette protection inclut le droit exclusif de faire voir ou entendre sa prestation, de la fixer sur un support, de la retransmettre, de la diffuser, de la mettre à disposition, de la faire voir ou entendre
(art. 33 al. 2 let e LDA, 37 let. a, b, et d LDA).
Enfin, l'art. 69a LDA prévoit que sur plainte du lésé, est puni d’une amende quiconque, intentionnellement et sans droit contourne des mesures techniques efficaces au sens de l’art. 39a, al. 2, avec l’intention de faire une utilisation illicite d’oeuvres ou d’autres objets protégés (al. 1 let. a); fabrique, importe, propose au public, aliène ou met en circulation de quelqu’autre manière, loue, confie pour usage, fait de la publicité pour ou possède dans un but lucratif des dispositifs, produits ou composants, ou propose ou fournit des services qui font l’objet d’une promotion, d’une publicité ou d’une commercialisation visant le contournement de mesures techniques efficaces (al. 1 let. b ch. 1) ou qui n’ont, le contournement de mesures techniques efficaces mis à part, qu’une finalité ou utilité économique limitée (al. 1 let. b ch. 2) ou qui sont principalement conçus, fabriqués, adaptés ou réalisés dans le but de permettre ou de faciliter le contournement de mesures techniques efficaces (al. 1 let. b ch. 3). Si l’auteur de l’infraction agit par métier, il est poursuivi d’office. La peine est une peine privative de liberté d’un an au plus ou une peine pécuniaire (al. 2). Cette disposition est le pendant pénal en cas de violation de l'art. 39a LDA.
Conformément à l'art. 39a LDA, il est interdit de contourner les mesures techniques efficaces servant à la protection des œuvres et d'autres objets protégés (al. 1). Sont considérés comme des mesures techniques efficaces au sens de
l'al. 1 les technologies et les dispositifs tels que les contrôles d'accès, les protections anticopies, le cryptage, le brouillage et les autres mécanismes de transformation destinés et propres à empêcher ou à limiter les utilisations non autorisées d'œuvres et d'autres objets protégées (al. 2). Il est interdit de fabriquer, d’importer, de proposer au public, d’aliéner ou de mettre en circulation de quelque autre manière, de louer, de confier pour usage, de faire de la publicité pour, de posséder dans un but lucratif des dispositifs, des produits ou des composants ainsi que de fournir des services qui font l’objet d’une promotion, d’une publicité ou d’une commercialisation visant à contourner des mesures techniques efficaces (al. 3 let. a), qui n’ont, le contournement de mesures techniques efficaces mis à part, qu’une finalité ou une utilité commerciale limitée (al. 3 let. b) ou encore qui sont principalement conçus, produits, adaptés ou réalisés dans le but de permettre ou de faciliter le contournement des mesures techniques efficaces (al. 3 let. c).
c)
La LDA décrit les différents types d'utilisation selon leurs fonctions. Ce qui est déterminant, c'est de savoir si l'œuvre est reproduite, représentée, diffusée, etc. Le procédé technique est sans importance. La loi est formulée de façon techniquement neutre afin de ne pas rendre nécessaire une révision législative suite à chaque découverte technique. Pour cette raison, peu importe, d'un point de vue de la LDA, qu'il s'agisse d'un traitement analogique ou numérique. Les dispositions légales sont applicables dans les deux cas (Denis Barrelet et Willi Egloff, Le nouveau droit d'auteur, 3
ème
édition, Berne 2008, n. 7a ad art. 10 LDA).
La diffusion d'émissions codées, dans le cadre de la télévision sur demande (pay per view), entre dans le champ de l'art. 10 al. 2 let. d LDA lorsqu'un nombre important de personnes disposent d'un décodeur leur permettant d'assister simultanément aux émissions (Denis Barrelet et Willi Egloff, op. cit., n. 26 ad art.
10 LDA). Concernant la technique du satellite, la règle est de considérer la communication par satellite comme un tout, englobant aussi bien la liaison montante que descendante. Le droit de diffusion porte sur toute la chaîne de communication jusqu'à son retour sur terre. Celui qui envoie des émissions vers un satellite doit disposer des droits (Denis Barrelet et Willi Egloff, op. cit., n. 28 ad art. 10 LDA). L'art. 10 al. 2 let. e LDA inclut les retransmissions simultanées faites par une autre personne que l'organisme responsable de la diffusion originale. Il n'est pas nécessaire que cette personne soit elle-même un radiodiffuseur ou une entreprise de télécommunication. Il peut aussi s'agir d'une personne physique. Lorsque, pour mieux atteindre son public, le diffuseur d'origine ou l'entreprise chargée de la diffusion recourt à des réémetteurs et à des satellites, il reste dans le cadre de l'art. 10 al. 2 let. d. Lorsque de telles installations sont aménagées et exploitées par des tiers, ou lorsque ceux-ci recourent simultanément à un réseau câblé, au téléphone, ou à Internet, il y a retransmission au sens de la let. e, même si le nombre total de personnes atteintes n'et pas augmenté de la sorte. La desserte d'un nouveau public n'est pas une condition posée par cette disposition. Il importe peu que le programme retransmis soit libre d'accès ou qu'il s'agisse de télévision par abonnement ou de télévision à la demande. Lorsqu'un programme diffusé est répercuté par une entreprise différente, on est en présence d'une retransmission. Pour qu'il y ait retransmission, il faut dans tous les cas une diffusion préalable. En revanche, si l'entreprise d'origine se borne à composer un programme qui est ensuite directement introduit sur le câble par une autre entreprise, on n'a pas affaire à une retransmission, mais à une diffusion (Denis Barrelet et Willi Egloff, op. cit., n. 33 et
36 ad art. 10 LDA).
d)
Compte tenu de la jurisprudence et de la doctrine décrites plus haut, il faut considérer que la réception puis la retransmission des programmes des plaignantes par le biais d'un décodeur pirate correspond à un acte de diffusion au sens de l'art. 10 al. 2 let. d et 67 al. 1 let. h LDA. En outre, la vente de tels appareils, dont le seul but est de décrypter les programmes proposés par les plaignantes M._ et F._ à leurs abonnés, correspond aux infractions visées aux art. 39a et 69a LDA. Le comportement du prévenu tombe également sous le coup de l'art. 69 LDA, s'agissant des droits voisins appartenant aux organismes de diffusions. Ce grief des appelantes, bien fondé, doit être admis.
e)
L'auteur agit de manière professionnelle, lorsqu'en raison du temps et des moyens consacrés à son activité délictueuse, ainsi que de la fréquence des actes pendant une période donnée et des revenus espéré ou obtenus, il ressort qu'il exerce son activité délictueuse à la manière d'une profession, et en retire effectivement des revenus relativement réguliers contribuant de façon non négligeable à la satisfaction de ses besoins. Il faut que l'auteur aspire à obtenir des revenus relativement réguliers représentant un apport notable au financement de son genre de vie et qu'il se soit ainsi, d'une certaine façon, installé dans la délinquance. L'activité délictueuse peut être accessoire à une activité professionnelle licite. L'importance des revenus obtenus illégalement pour l'entretien de l'auteur constitue un indice important pour statuer sur l'existence du métier (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3
ième
éd. 2007, n. 1.5 ad art. 27 CP).
En l'occurrence, le tribunal de première instance a relevé que P._ ne vivait presque que de son commerce illicite. En outre, il a mis en place un réseau de plusieurs centaines d'abonnés et a fait preuve d'un professionnalisme certain en sécurisant son réseau pirate pour éviter d'être lui-même la cible de gens indélicats, sans avoir le moindre remord vis-à-vis des plaignantes
(cf. jgt., p. 19 ch. 4). Partant, la circonstance aggravante du métier au sens de l'art. 27 CP est réalisée.
f)
Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que P._ a été libéré de l'accusation d'infractions à la LDA et à la LCD. En conséquence, il se justifie d'annuler le jugement et de renvoyer la cause au tribunal de première instance, afin de garantir au prévenu le bénéfice de la double instance. Il appartiendra au Tribunal de police de constater que le prévenu s'est rendu coupable d'infraction à la LCD et à la LDA et de fixer la peine.
3.3
Les plaignantes contestent le chiffre III du dispositif, sans pour autant remettre en cause le fait que le tribunal de première instance ne leur a pas alloué de dépens. Sur ce point, le jugement de première instance est dès lors définitif
(art. 398 al 2 in fine et 404 al. 1 CPP). Elles concluent à l'admission de leurs conclusions civiles en ce sens que P._ doit paiement en leur faveur d'un montant de 346'967 fr. 90 à titre de remise de gain correspondant à son chiffre d'affaires brut, à charge pour le prévenu d'établir les frais pouvant venir en déduction.
a)
Il ressort de l'art. 123 al. 1 CPP que dans la mesure du possible, la partie plaignante chiffre ses conclusions civiles dans sa déclaration en vertu de
l'art. 119 et les motive par écrit. Elle cite les moyens de preuves qu'elle entend communiquer.
Aux termes de l'art. 126 CPP, le tribunal statue également sur les conclusions civiles présentées lorsqu’il rend un verdict de culpabilité à l’encontre du prévenu (al. 1 let. a). Il renvoie la partie plaignante à agir par la voie civile notamment lorsque la partie plaignante n’a pas chiffré ses conclusions de manière suffisamment précise ou ne les a pas suffisamment motivées (al. 2 let. b). Dans le cas où le jugement complet des conclusions civiles exigerait un travail disproportionné, le tribunal peut traiter celles-ci seulement dans leur principe et, pour le surplus, renvoyer la partie plaignante à agir par la voie civile (al. 3).
b)
Il convient d'interpréter largement le terme "chiffrer" utilisé par le législateur à l'art. 123 CPP. En vertu de la maxime de disposition, le lésé doit indiquer de façon précise au juge ce qu'il demande: cette exigence recouvre non seulement le chiffrage proprement dit (ainsi s'agissant de prétentions en dommages-intérêts [art. 43 CO], pour tort moral [art. 49 CO]), mais aussi la prise de conclusions individualisées s'il y a lieu. Le devoir de motiver impose principalement au demandeur à l'action civile d'exposer les faits sur lesquels se fondent ses conclusions, ces faits devant permettre d'établir la quotité du dommage et le lien de causalité avec l'infraction poursuivie (Nicolas Jeandin/Henry Matz, in Kuhn/Jeanneret, op. cit., n. 4 et 5 ad art. 123 CPP).
Le non respect de ces exigences conduirait, devant le juge civil, à un déboutement; le demandeur à l'action civile jointe est ainsi favorisé puisque ces lacunes ne conduiront pas à un déboutement mais au renvoi de la partie plaignante à agir par la voie civile. Le législateur – dans un but de favoriser la partie plaignante – a ainsi jugé qu'il se justifiait de n'assortir cette violation par la partie plaignante de ses obligations procédurales "que de conséquences relativement douces" (Nicolas Jeandin/Henry Matz, in Kuhn/Jeanneret, op. cit., n. 21 ad art. 126 CPP).
Le juge qui applique l'art. 126 al. 3 CPP le fera avant tout par référence au temps nécessaire à la résolution des questions pénales, qu'il mettra en perspective avec la durée supplémentaire de procès induite par le traitement des conclusions civiles. En d'autres termes, c'est la complexité de l'administration des preuves liées à des faits qui n'ont pas d'incidence sur le jugement pénal et relèvent exclusivement de l'action civile jointe qui sera déterminante. Il peut en aller ainsi des prétentions du lésé impliquant le calcul d'une indemnité pour perte de gain ou encore de prétentions en réparation du tort moral (Nicolas Jeandin/Henry Matz,
in Kuhn/Jeanneret, op. cit., n. 28 et 29 ad art. 126 CPP).
c)
En l'occurrence, la première juge a considéré que la comptabilité du prévenu n'était pas claire et ne permettait en particulier pas de distinguer les revenus provenant de l'activité illicite des autres revenus de l'intéressé. Elle a en outre relevé que les parties plaignantes ont requis l'allocation de conclusions civiles globales, solidairement entre elles, sans établir pour quelle part chacune d'elles avait été lésée par les activités du prévenu (cf. jgt., p. 20 ch. 5).
Les plaignantes estiment qu'il suffit de multiplier le nombre de décodeurs vendus, soit 785 selon les aveux du prévenu, par le prix de vente reconnu; de même il faudrait, selon elles, multiplier un nombre équivalent d'abonnements par le prix de vente reconnu, puis par le nombre d'années d'activité, à savoir trois ans. Les plaignantes proposent, comme autre méthode de calcul, de se fonder sur la comptabilité du prévenu.
Si on peut admettre le principe selon lequel les plaignantes peuvent revendiquer les gains que le prévenu a retiré de ses actes illicites, la cour de céans n'est toutefois jamais parvenue au montant de 346'967 fr. 90 allégué. Ainsi, contrairement à ce qu'affirment les plaignantes, une simple multiplication du prix par le nombre de clients n'est pas adéquate. Certes, le prévenu a admis avoir vendu 785 Dreambox, mais le prix de vente variait selon les cas, de 350 à 550 francs. S'il a également indiqué avoir proposé des abonnements annuels pour un montant de
150 fr., à la lecture des tableaux Excel reprenant la liste de ses clients, on constate que certains d'entre eux ont acheté un appareil mais ne se sont pas abonnés par la suite, alors que d'autres n'ont pas acheté d'appareil mais ont, en revanche, pris un abonnement d'une année. Il n'est enfin pas aisé de distinguer les montants relevant de l'activité illicite du prévenu de ceux liés à ses activités licites, ni à ceux relevant de l'activité illicite de [...] (déféré séparément), qui s'était chargé de revendre des appareils en versant au prévenu un montant de 100 fr. par client (jgt., p. 17). Aucun des calculs proposés ne permet d'aboutir au montant réclamé par les plaignantes. Par ailleurs le rapport de police confirme le constat de la première juge, selon lequel il n'est pas possible de déterminer clairement le chiffre d'affaires illicite réalisé par le prévenu. Partant, la première juge a, à juste titre, donné acte aux plaignantes de leurs réserves civiles. Le jugement de première instance doit être confirmé sur ce point.
3.4
Les plaignantes concluent en outre au paiement par P._ à chacune d'elles d'un montant de 20'000 fr., à titre de tort moral.
a)
En vertu de l’art. 49 al. 1 CO, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d’argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l’atteinte le justifie et que l’auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement.
On définit le tort moral comme les souffrances physiques ou psychiques que ressent la personne lésée à la suite d’une atteinte à la personnalité (Tercier, Le nouveau droit de la personnalité, Zurich 1984, n. 2029, p. 267).
b)
Dans le cas d'espèce, les plaignantes soutiennent que par son réseau, le prévenu a gravement nui à leur image et à leur notoriété. Elles n'apportent cependant pas le moindre indice que le piratage nuirait à leur image ou à leur notoriété. Mal fondé, ce grief doit être rejeté.
II.
Appel de P._
4.1
P._ fait valoir que ni l'ordonnance de renvoi ni l'acte d'accusation n'évoquaient la possibilité qu'une créance compensatrice soit prononcée à son encontre. Il affirme que la question n'a pas non plus été abordée durant les débats et que les conclusions prises en audience par les parties ne portent pas sur ce point. Il se prévaut ainsi d'une violation de son droit d'être entendu.
a)
Aux termes de l'art. 409 CPP, si la procédure de première instance présente des vices importants auxquels il est impossible de remédier en procédure d'appel, la juridiction d'appel annule le jugement attaqué et renvoie la cause au tribunal de première instance pour qu'il soit procédé à de nouveaux débats et pour qu'un nouveau jugement soit rendu (al. 1). La juridiction d'appel détermine les actes de procédure qui doivent être répétés ou complétés (al. 2). Le tribunal de première instance est lié par les considérants de la décision de renvoi et par les instructions visées à l'al. 2 (al. 3).
En règle générale, il appartient à la juridiction d'appel de corriger les erreurs commises par le tribunal de première instance dans l'établissement des faits et l'application du droit. Toutefois, si la procédure de première instance présente des vices importants, les juges d'appel ne pourront pas y remédier sans porter atteinte aux droits de l'appelant. En effet, les parties doivent bénéficier de deux instances qui, toutes deux, doivent se prononcer régulièrement. Or, si la juridiction d'appel statue sur le fond malgré des vices importants de procédure, cela revient à supprimer pour la partie concernée le bénéfice des deux instances. La violation des droits garantis par la Constitution fédérale et la CEDH, tels que le droit d'être entendu et les droits en découlant, constitue un vice important entraînant l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (Marlène Kistler Vianin, in Kuhn/Jeanneret, op. cit., n. 1 et 5 ad art. 409 CPP).
b)
En l'occurrence, le jugement ne mentionne pas que l'éventualité d'une créance compensatrice a été évoquée durant les débats. Il est donc plausible que la défense n'ait pas eu l'occasion de s'exprimer sur ce point. La violation des droits de la défense est un vice important, constituant une violation particulièrement grave des droits du prévenu de sorte qu'il convient de renvoyer la cause au tribunal de première instance, cela d'autant plus que le renvoi se justifie également pour fixer la peine à prononcer compte tenu des infractions à la LDA et à la LCD
(cf. consid. 3.1 et 3.2 supra). Ce grief, bien fondé, doit être admis. Point n'est dès lors besoin d'examiner les griefs de fond sur le principe de la condamnation au paiement d'une telle créance compensatrice, eu égard à la situation financière difficile de l'appelant.
4.2
P._ soutient que la créance compensatrice, substitut à la confiscation, ne peut pas être prononcée lorsqu'elle pourrait entrer en conflit avec les prétentions civiles des plaignantes et que les conditions d'une allocation au lésé sont remplies. Il conclut que si les plaignantes ouvraient action contre lui au civil pour faire valoir leurs droits, il serait exposé à restituer sous deux formes le bénéfice retiré de son activité illicite. Il se prévaut de la jurisprudence du Tribunal fédéral.
a)
Selon l'art. 70 al. 1 CP, le juge prononce la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits. Lorsque les valeurs patrimoniales à confisquer ne sont plus disponibles, le juge ordonnera leur remplacement par une créance compensatrice de l'Etat d'un montant équivalent (art. 71 al. 1 CP).
Aux termes de l'art. 71 CP, lorsque les valeurs patrimoniales à confisquer ne sont plus disponibles, le juge ordonne leur remplacement par une créance compensatrice de l’Etat d’un montant équivalent; elle ne peut être prononcée contre un tiers que dans la mesure où les conditions prévues à l’art. 70, al. 2, ne sont pas réalisées (al. 1). Le juge peut renoncer totalement ou partiellement à la créance compensatrice s’il est à prévoir qu’elle ne serait pas recouvrable ou qu’elle entraverait sérieusement la réinsertion de la personne concernée (al. 2).
b)
Le but de cette créance compensatrice est d'éviter que celui qui a disposé des objets ou valeurs à confisquer soit privilégié par rapport à celui qui les a conservés; elle ne joue qu'un rôle de substitution de la confiscation en nature
et ne doit donc, par rapport à celle-ci, engendrer ni avantage ni inconvénient
(ATF 126 IV 70 c. 3). Le Tribunal fédéral a indiqué que pour éviter que le condamné n'ait à payer deux fois, le juge doit ordonner la confiscation (ici, ce serait la créance compensatrice) sous réserve de restitution au cas et dans la mesure où l'auteur a réparé le dommage occasionné aux lésés (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3
ième
éd. 2007, n. 1.3 ad art. 73 CP).
c)
En l'occurrence, la créance compensatrice poursuit le même objectif que les prétentions civiles des plaignantes en remise du gain illicite, fondées sur
l'art. 423 CO (cf. pièce 46). En l'état, cependant, les prétentions des plaignantes ne sont pas établies et, faute d'argent disponible, rien n'a été ni ne peut être payé. Une allocation de la créance compensatrice aux lésées n'est par conséquent pas possible à ce stade. Afin d'éviter au prévenu de payer deux fois le dommage causé aux plaignantes, une éventuelle créance compensatrice, si elle est prononcée par le premier juge à qui la cause est renvoyée, devrait être assortie d'une réserve telle que mentionnée ci-dessus.
4.3
P._ demande enfin que les frais de procédure de première instance mis à sa charge soient réduits compte tenu du fait que la première juge l'a libéré de trois chefs d'accusation sur quatre.
Aux termes de l'art. 428 CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé.
En l'occurrence, si le tribunal de première instance a effectivement abandonné certaines qualifications, l'entier des faits qui étaient reprochés au prévenu a été établi et retenu à sa charge. La question de la qualification ne paraît pas avoir notablement influencé le déroulement de l'enquête, en particulier avoir rendu cette dernière plus longue ou plus complexe. Partant, il ne se justifie pas de réduire les frais de procédure de première instance mis à la charge de P._. Quoi qu'il en soit, vu le sort de la cause, la condamnation au paiement des frais était justifiée. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
5.
En définitive, les appels doivent être partiellement admis. Le jugement est annulé et la cause renvoyée au Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois afin qu'il constate que le prévenu s'est rendu coupable d'infraction à la LCD et à la LDA, qu'il fixe la peine et réexamine la question de la créance compensatrice.
6.
Les frais de la procédure d'appel arrêtés en application des art.
21 et 23 TFJP (Tarif des frais judiciaires pénaux, RSV
312.03.1
), sont mis pour un quart à la charge de P._, et pour un quart à la charge de M._, F._, W._ et S._, solidairement entre elles, le solde étant laissé à la charge de l’Etat. Les dépens sont compensés. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6ee0a3b9-efb8-4404-b1a0-d0172f923b5b | En fait :
A.
Par jugement du 23 août 2011, le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois a libéré [...] des infractions de lésions corporelles simples, voies de fait, rixe, appropriation illégitime, vol et injure (I), a libéré W._ des infractions de lésions corporelles simples, voies de fait et dommages à la propriété (II), a libéré D._ des infractions de lésions corporelles simples, voies de fait et vol (III), a libéré Q._ des infractions de lésions corporelles simples, voies de fait et vol (IV), a condamné W._, pour rixe, injure et violation de domicile, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, le montant du jour-amende étant arrêté à 200 fr., avec sursis durant deux ans (V), a condamné W._ à une amende de 1'000 fr. à titre de sanction immédiate et a dit que la peine privative de liberté de substitution était de cinq jours (VI), a condamné D._, pour rixe, appropriation illégitime et injure, à une peine pécuniaire de 40 jours-amende, le montant du jour-amende étant arrêté à 30 fr., avec sursis pendant deux ans (VII), a condamné D._ à une amende de 150 fr. à titre de sanction immédiate et dit que la peine privative de liberté de substitution était de cinq jours (VIII), a condamné Q._, pour rixe, appropriation illégitime et injure, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, le montant du jour-amende étant arrêté à 170 fr., avec sursis durant deux ans (IX), a condamné Q._ à une amende de 850 fr. et a dit que la peine privative de liberté de substitution était de cinq jours (X) a donné acte à W._ de ses réserves civiles envers D._ et Q._ (XI) a donné acte à D._ et Q._ de leurs réserves civiles envers W._ (XII) et a mis les frais de la cause, arrêtés à 4'125 fr., à la charge de Q._, D._ et W._ par 1'031 fr. 25 chacun et a laissé le solde à la charge de l'Etat (XIII).
B.
Le 2 septembre 2011, W._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d'appel du 3 octobre suivant, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à la modification du jugement en ce sens qu'il est libéré des infractions de rixe, d'injure et de violation de domicile; que les intimés Q._ et D._ sont condamnés pour lésions corporelles simples, appropriation illégitime et injure; qu'ils sont reconnus ses débiteurs et doivent immédiat paiement d'un montant équivalent aux conclusions civiles prises par l'appelant dans le cadre de la procédure de première instance; que les frais de la cause sont entièrement mis à leur charge.
Par déclaration d'appel joint du 21 octobre 2011, Q._ et D._, agissant conjointement, ont annoncé un appel joint contre le jugement. Ils ont conclu, avec dépens, au rejet de l'appel de W._ et à la modification du jugement en ce sens qu'ils sont libérés des infractions de rixe, d'appropriation illégitime et d'injure; que W._ est condamné pour lésions corporelles simples, violation de domicile, dommages à la propriété et injure; qu'il est reconnu leur débiteur et leur doit immédiat paiement d'un montant équivalant aux conclusions civiles prises par les appelants dans le cadre de la procédure de première instance; que les frais de la cause sont entièrement mis à sa charge.
A l'audience d'appel, la conciliation a abouti comme il suit :
- W._, d’une part, D._, d’autre part, et Q._, de troisième part, ont retiré toutes les plaintes pénales déposées les uns contre les autres ensuite des événements du 26 avril 2010;
- W._, d’une part, D._, d’autre part, et Q._, de troisième part, ont déclaré avoir transigé les aspects civils de leur litige, chacun gardant ses frais de procédure et d’avocat.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. Le prévenu Q._, né en 1962, ressortissant suisse, et son épouse, la prévenue D._, née en 1979, ressortissante tunisienne, occupent l'appartement au-dessus de celui d'[...], à [...]. Le 26 avril 2010, le prévenu W._, né en 1962, ressortissant belge, se trouvait chez cette dernière pour lui prodiguer un traitement de physiothérapie. Au même moment, la fillette du couple a jeté un objet depuis le haut dans le jardin de la voisine. Un jeune garçon du voisinage s'est introduit dans le jardin pour reprendre l'objet lancé, mais a été tancé par l'occupante des lieux. Une altercation verbale s'est alors déclenchée entre les époux Q._ et dame [...]. Celle-ci a été interpellée avec virulence depuis leur logement par ces deux prévenus, en relation en particulier avec un handicap physique dont elle était affectée.
W._ a alors remis à l'ordre les auteurs de ces invectives au préjudice de sa patiente, mais pour se faire traiter par eux de "pauvre con". Il s'est en outre vu adresser les propos suivants : "va te faire foutre" et "viens ici espèce de sale con". W._ a riposté en traitant ces deux prévenus de "berbères malades, dégénérés et pourris". Il est alors monté par l'escalier à l'appartement des D._, et il a pénétré de force dans le logement. Des coups ont été échangés de part et d'autre.
W._ a souffert de plusieurs dermabrasions, d'hématomes et d'une tuméfaction importante de l'articulation métacarpo-phalangienne du pouce droit avec des douleurs de la face ulnaire de cette articulation, avec avulsion osseuse au niveau de la base de la première phalange, ainsi qu'une fracture-arrachement du ligament collatéral de la MP du pouce droit.
Q._ a présenté une griffure dans la partie supérieure du dos au niveau du cou antérieur, deux ecchymoses au niveau du flanc gauche et une troisième en position sous-claviculaire gauche. Pour sa part, D._ a présenté des ecchymoses s'étendant aux deux avant-bras et aux mains, ainsi qu'en position para-sternale gauche et à la cuisse antérieure gauche; elle en outre souffert de lésions de type griffure aux avant-bras.
Plaintes ont été déposées par W._, d'un côté, et par Q._ et D._, de l'autre. Par acte d'accusation délivré le 28 avril 2011, le prévenu W._ a été renvoyé devant le tribunal de police pour répondre des infractions de lésions corporelles simples, de voies de fait, de dommages à la propriété, d'injure et de violation de domicile. Pour leur part, les prévenus Q._ et D._ ont chacun été renvoyé pour lésions corporelles simples, voies de fait, vol et injure.
L'accusation a été étendue, soit aggravée, à l'égard de tous les prévenus par le tribunal de police à l'infraction de rixe, ce dont les parties ont été informées à l'audience conformément à l'art. 344 CPP. Pour le reste, les infractions de lésions corporelles simples et de voies de fait ont été tenues pour absorbées par celle de rixe, ce en faveur de tous les prévenus.
2. Appréciant les faits de la cause, le tribunal de police a notamment considéré que le déroulement exact de ce qu'il convenait d'appeler une mêlée générale ne saurait être reconstitué tant les versions des parties étaient divergentes et n'étaient attestées par aucun témoin direct de la scène. Néanmoins, il a tenu pour avéré que les trois parties avaient avoué s'être livrées à une altercation et que la mêlée avait débuté par un corps-à-corps entre les deux hommes. En outre, l'origine de la lésion au pouce du prévenu W._ n'avait pu être déterminée, même s'il est établi qu'elle était survenue dans le cours de l'échauffourée. | 3. En droit, le premier juge a notamment retenu qu'il y avait eu une rixe entre les trois prévenus et que chacun d'eux s'était, partant, rendu coupable de cette infraction.
En droit :
1.
Interjeté en temps utile et suffisamment motivé, l'appel de W._ est recevable (art. 399 al. 1 et 3 CPP). Il en va de même de l'appel joint des consorts D._ (art. 400 al. 3 let. b et 401 al. 1 et 2 CPP).
2.
Les retraits réciproques de toutes les plaintes pénales déposées ensuite des événements du 26 avril 2010 mettent fin à la procédure pénale pour ce qui est des infractions poursuivies uniquement sur plainte, les ayants droit ayant retiré leurs plaintes avant que le jugement de deuxième instance cantonale n’ait été prononcé (cf. l'art. 33 al. 1 CP). Il doit en être pris acte. Parties ayant au surplus déclaré avoir transigé les aspects civils du litige, la seule question demeurant à trancher est celle de la qualification des faits incriminés sous l'angle de l'art. 133 CP, la rixe étant poursuivie d'office.
3.1
A teneur de la disposition précitée, celui qui aura pris part à une rixe ayant entraîné la mort d’une personne ou une lésion corporelle sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (al. 1); n’est pas punissable celui qui se sera borné à repousser une attaque, à défendre autrui ou à séparer les combattants (al. 2).
3.2
La rixe suppose un assaut réciproque ou une bagarre plus ou moins confuse à laquelle plusieurs personnes prennent part activement (cf. ATF 131 IV 150 c. 2). Elle exige une certaine forme de participation, soit un combat actif, effectif et réciproque entre au moins trois personnes. Si l'une des trois ne se bat pas et n'use pas de violence pour repousser l'attaque, il n'y a pas de rixe. Dans un tel cas, on retiendra l'agression, les voies de fait, les lésions corporelles ou l'homicide (ATF 106 IV 246 c. 3e; ATF 94 IV 105; ATF 70 IV 126).
4.
Les appelants contestent chacun s'être rendu coupable de rixe. L'appelant W._ plaide avoir été victime de lésions corporelles infligées conjointement par les appelants par voie de jonction, ces derniers soutenant la thèse opposée, soit celle d'une agression unilatérale de l'appelant. Les versions des parties sont dans cette mesure irréductiblement opposées. Il est toutefois constant qu'il y a eu une empoignade des deux hommes, à laquelle l’épouse de l'appelant par voie de jonction a participé dans une mesure décrite plus avant ci-dessous. En outre, l'existence de lésions corporelles simples au préjudice de chacun des trois intéressés est établie par avis médicaux.
Pour le reste, il existe une incertitude générale concernant le déroulement des faits, dans la mesure où aucun élément objectif n'indique que D._ s'en soit physiquement prise à W._. Il est en effet constant que Q._ a repoussé l'appelant W._ alors que celui-ci tentait de pénétrer dans son logement, ce qui est parfaitement compatible avec les lésions constatées sur la personne de cet appelant-ci. Or, on ne voit guère comment les époux auraient simultanément pu s'introduire sur le pas de la porte ou dans l'entrée de leur appartement pour infliger conjointement à leur antagoniste les lésions en question; de même, la lésion subie au pouce droit par l'intéressé ne peut, au-delà de tout doute raisonnable, procéder que d'un seul traumatisme, à l'exclusion d'une série de coups infligés successivement ou, à plus forte raison, simultanément par deux personnes. Ces éléments excluent que D._ ait tenu un rôle actif dans l'altercation, sachant que celui de son époux est pour sa part prouvé notamment par le fait que la mêlée avait débuté par un corps-à-corps entre les deux hommes. Si les quelques lésions subies par D._ révèlent certes qu'elle ne s'est – volontairement ou non – pas entièrement tenue en dehors de l'altercation, il n'en reste pas moins qu'il n'est pas établi qu'elle ait porté le moindre coup à l'appelant W._.
Il s'ensuit que l'altercation physique n'a opposé que deux participants, et non trois. Les éléments constitutifs de la rixe au sens légal ne sont donc pas réunis. En d'autres termes, la qualification de rixe retenue par le tribunal de police à l'égard de chacun des prévenus procède d'une surestimation du rôle de D._ dans l'altercation. Dès lors, au vu des retraits de plainte intervenus, les prévenus doivent être entièrement libérés.
5.
L'appel et l'appel joint doivent donc être admis et le jugement modifié en ce sens que les prévenus sont libérés de l'infraction de rixe.
6.
Bien qu'obtenant gain de cause sur les actions pénales, les appelants n'en ont pas moins chacun, de manière illicite et fautive, provoqué l’ouverture de la procédure, d'abord par les invectives adressées à une personne handicapée par les époux D._, ensuite par leurs échanges d'injures et par leur échauffourée et enfin par l'intrusion de W._ dans le logement des D._, étant précisé que ce n'est que par l'effet des retraits des plaintes réciproques qu'il est mis fin aux poursuites pour les infractions retenues par le tribunal de police. Ils doivent donc supporter les frais de la procédure d'appel conformément à l'art. 426 al. 2 CPP, ce qu'ils ne contestent du reste pas. Conformément à l'art. 418 al. 1 CPP, chaque prévenu supportera les frais de la procédure d'appel dans une mesure égale, soit à hauteur d'un tiers chacun. Il n'y a pas lieu à octroi de dépens.
La Cour d’appel pénale,
vu les articles 123, 126, 133, 137, 139 et 177 CP CP,
appliquant les articles 398 ss CPP,
prononce :
I.
Il est pris acte des retraits de plainte intervenus à l’audience d’appel.
II.
Les appels sont admis.
III.
Le jugement rendu le 23 août 2011 par le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois est modifié comme il suit :
"
I. libère [...] des infractions de lésions corporelles simples, voies de fait, rixe, appropriation illégitime, vol et injure;
II. libère W._ des infractions de rixe, de lésions corporelles simples, voies de fait, injure, violation de domicile et dommages à la propriété;
III. libère D._ des infractions de rixe, de lésions corporelles simples, voies de fait, vol, appropriation illégitime et injure;
IV. libère Q._ des infractions de rixe, de lésions corporelles simples, voies de fait, vol, appropriation illégitime et injure;
V à XII : supprimés.
XIII. met les frais de la cause, arrêtés à Fr. 4'125.-, à la charge de Q._, D._ et W._ par Fr. 1'031,25 chacun et laisse le solde à la charge de l'Etat."
IV.
Les frais d'appel, par 1'170 fr. (mille cent septante francs), sont mis à raison d'un tiers, soit 390 fr. (trois cent nonante francs), à la charge de W._, d'un tiers, soit 390 fr. (trois cent nonante francs), à la charge de D._ et d'un tiers, soit 390 fr. (trois cent nonante francs), à la charge de Q._.
V.
Le jugement est exécutoire. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6ee36357-0777-4015-a667-9287d60b81ec | En fait :
A.
Par jugement du 23 septembre 2010, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a constaté que Q._ s’était rendue coupable de diffamation (I), condamné Q._ à une peine pécuniaire de 20 (vingt) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 50 fr. (II), suspendu l'exécution de la peine mentionnée sous chiffre II du dispositif et fixé à Q._ un délai d'épreuve de 2 ans (III), admis partiellement les conditions civiles de [...] et dit que Q._ est sa débitrice de la somme de
2'000 fr., valeur échue, à titre d'indemnité pour tort moral, donné acte pour le surplus à [...] de ses réserves civiles à l'encontre de Q._ (IV), ordonné la communication du jugement une fois devenu exécutoire, à la Cour de modération du Tribunal cantonal vaudois, au Chef du département de l'intérieur du Canton de Vaud, à la Chambre des Avocats, ainsi qu'au Président du Tribunal cantonal vaudois (V), et mis l'entier des frais de justice par 14’153 fr. 30, à la charge de Q._ (VI).
B.
Ce jugement retient en substance ce qui suit :
1.
1.1
Q._ est née à Lausanne en 1950. Ses parents ont divorcé en 1954 et sa mère s'est remariée un ou deux ans plus tard avec [...], régisseur et gérant d'immeubles [...]. La prévenue a dès lors vécu avec sa mère, son beau-père, sa demi-sœur [...] née en 1957, et son demi-frère [...] né en 1965. [...] est décédé en 2003, après avoir, au début de l'an 2000, remis à son fils [...] la gestion et l'exploitation de sa gérance
[...]
Titulaire d'une licence HEC, et mère de deux enfants majeurs encore étudiants, Q._ exerce, depuis de nombreuses années, la profession d'informaticienne indépendante. Ses revenus sont faibles et elle vit essentiellement de ses économies.
1.2
Le casier judiciaire de Q._ est vierge.
2.
Au début de l’année 2004, Q._ et sa demi-sœur, [...], ont consulté l’avocat [...] dans le cadre d'un litige successoral complexe.
Courant 2006, Q._ et sa demi-sœur ont contesté la note d’honoraires finale de leur conseil. Par prononcé rendu le 13 juin 2007 par le Président de la Chambre des Avocats, les honoraires et débours de [...] ont été fixés à 16’424 fr. 30. Q._ a déposé un recours contre ce prononcé devant la Cour de modération. Ce recours a été rejeté le 23 août 2007.
Dès lors, Q._ a écrit plusieurs courriers aux autorités vaudoises comportant des propos attentatoires à l’honneur de [...], soit :
- un courrier recommandé adressé le 30 août 2007 à la Cour de modération, où Q._ a mentionné à plusieurs reprises, en parlant de [...], qu’il avait commis des erreurs professionnelles graves et a écrit :
"[...] il a commis tellement d’erreurs que j’estime avoir le droit de penser qu’il y a peut-être eu un problème de corruption [...] "
;
- un courrier du 13 septembre 2007 adressé au Conseiller d’Etat [...], chef du Département de l’intérieur, où Q._ a accusé [...] d’avoir écrit une lettre
"[...] qui comporte des mensonges très graves [...]
";
- une lettre du 18 septembre 2007 où l’intéressée indique, à l'attention du Président de la Chambre des Avocats, avoir dit à la Cour de modération
"[...] que la situation était très grave [...]",
qu'elle avait
"[...] la conviction que [...] avait été corrompu par la partie adverse [...]",
terminant son courrier en précisant qu’elle et sa soeur
"[...] avaient été totalement manipulées par [...] [...]";
- une lettre du 9 octobre 2007 adressée à la Chambre des Avocats, où Q._ a mentionné
"[...] un grave problème de corruption [...]"
émanant de l’avocat [...] à qui elle reprochait d’avoir mis sur pied
"[...] une véritable
stratégie [...]";
- un recours adressé le 1
er
novembre 2007 au Tribunal cantonal, où Q._ a affirmé qu’il y avait
"[...] un grave problème de corruption [...]"
et que [...], au courant du
"mobbing"
familial subi par elle-même et [...] depuis de nombreuses années, avait continué ce processus.
Me [...] a déposé une plainte contre l'intéressée le 25 septembre 2007. Le 19 novembre 2007, devant le Juge d'instruction, il a étendu sa plainte au courrier attentatoire à son honneur du 1
er
novembre 2007 (PV aud. du 19 novembre 2007).
Interpellée par le premier juge au sujet des accusations qu'elle avait portées à l'encontre de Me [...], la prévenue s'est exprimée en lisant une déclaration écrite de quatre pages, dont elle a requis qu'elle soit annexée au procès-verbal de l'audience du 21 septembre 2010. En bref, elle y a exposé que son beau-père, [...], lui aurait légué par testament 10% des actions de [...]. Après le décès de ce proche, l'intéressée aurait demandé un inventaire complet de la société. Cet inventaire lui aurait été refusé. Mis au courant de ce refus, Me [...] n'aurait pas réagi. A la fin de l'année 2005, procédant seule à l'examen du rapport d'estimation établi par l'expert-comptable [...], elle aurait notamment découvert un portefeuille de titres de deux millions de francs dont on lui aurait caché l'existence. En outre, les actions de la [...] auraient été investies sans son aval dans des garages sans valeur. S'interrogeant sur les faits qu'elle avait découverts, la prévenue en avait déduit que c'était parce que Me [...] était corrompu par la partie adverse, soit par [...]. En raison de ses soupçons, elle avait cessé de payer les honoraires de Me [...] en février 2006 (jugement pp. 7b et 7c).
Entendu en cours d'instruction, Me [...] a exposé que la prévenue avait reçu à maintes reprises les explications détaillées requises, que le portefeuille de titres de deux millions avait été pris en compte comme actif disponible de [...], que les actions [...] donnaient droit à des places de garage estimées à leur valeur fiscale, qu'en raison d'un important passif, la société [...] avait été estimée à 1'058'000 francs et qu'il avait ouvert une action en justice pour préserver les droits de la prévenue à l'encontre de ses cohéritiers (PV aud. du 19 novembre 2007).
3.
L'autorité de première instance a retenu qu'interprétées objectivement, les diverses déclarations écrites contenues dans les cinq courriers litigieux jetaient sur Me [...] la suspicion d’être corrompu, sous-entendant qu’il l’était par une partie adverse. Les écrits de Q._ tombaient donc sous le coup de l’art. 173 ch. 1 CP.
Examinant ensuite si l'intéressée pouvait se prévaloir des preuves libératoires prévue à l'art. 173 ch. 2 CP, le Tribunal a constaté que Q._ avait admis ne pas être en mesure d'apporter la preuve de la vérité en établissant que ce qu'elle avait écrit serait vrai. Elle avait cependant prétendu apporter la preuve de sa bonne foi dès lors que l'exécution, à ses yeux insuffisante et émaillée de contradictions, du mandat confié à son avocat lui aurait fourni des indices sérieux de corruption de celui-ci par la partie adverse.
Or le mandat de Me [...] avait porté sur le contrôle des valeurs données à la reprise d’actifs et passifs de [...]. Cet avocat avait fait procéder à une évaluation d’entreprise confiée, avec l'accord de l'intéressée, à [...], expert-comptable et spécialiste fiduciaire. Ledit expert avait constaté que la méthode de comptabilisation des titres à l’actif du bilan de [...] respectait les règles comptables. Cette appréciation avait été partagée tant par l’organe de révision de [...] que par la fiduciaire [...]. Dès lors que l'on ne pouvait nourrir des soupçons de déloyauté et de corruption à l’encontre de l’ensemble de ces intervenants spécialisés, il a été admis que l’intéressée ne disposait, au moment de ses allégations, d'aucun élément lui permettant d’affirmer avoir cru de bonne foi à ce qu’elle alléguait dans ses courriers diffamatoires. Quand bien même elle aurait eu, en 2007, des raisons sérieuses de soupçonner [...] d’être corrompu par la partie adverse – ce qui n'était pas avéré – rien ne l'autorisait à l'affirmer par écrit comme elle l'a fait par ses courriers des 18 septembre, 9 octobre et 1
er
novembre 2007. Au bénéfice d'une formation universitaire en économie et d'une expérience professionnelle dans le domaine immobilier, Q._ avait un devoir de prudence accru et aurait dû procéder à des mesures de vérification supplémentaires avant de répandre de telles allégations sur un ton de plus en plus péremptoire tout en s'adressant à des autorités
– le Conseiller [...], la Cour de modération – qu'elle savait incompétentes pour être saisies du prétendu problème de corruption que lui posait le plaignant (jugement pp. 13 et 14).
Au vu de ces éléments, le premier juge a retenu que Q._ avait échoué dans la preuve de sa bonne foi et qu'elle devait, cela étant, être reconnue, tant objectivement que subjectivement, coupable de diffamation.
C.
Q._ a attaqué ce jugement devant la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal (ci-après : la CCASS).
1.
Dans son recours en nullité, elle a fait grief au Tribunal de l'avoir empêchée d'apporter la preuve de sa bonne foi en renonçant aux mesures d'instruction qu'elle avait requises, lesquelles mesures consistaient à mettre en œuvre une expertise comptable et à faire produire la pièce n
o
203 relative l'inventaire complet des titres de [...] pour les années 1999 à 2001. Ces griefs étaient toutefois mal fondés. D'une part, l'expertise comptable n'avait pas été requise en première instance et l'intéressée ne pouvait plus s'en plaindre au stade d'un recours en cassation. D'autre part, l'instruction ayant révélé que la pièce n
o
203 était sans lien avec l'objet du litige pénal, c'était à juste titre que le premier juge avait renoncé, par décision incidente (jugement p. 7), à en exiger la production.
2.
Dans son recours en réforme, Q._ a invoqué une violation de l'art. 173 al. 2 CP en opposant sa version des faits à celle retenue par le Tribunal. Ce grief purement appellatoire a été jugé irrecevable par la CCASS qui était liée par les faits constatés en première instance. Cette autorité a cependant relevé que les soupçons de corruption invoqués par la recourante n'étaient pas avérés et qu'ils ne l'autorisaient pas à soutenir que le plaignant était corrompu. Partant, il était établi à satisfaction que Q._ n'avait pas apporté la preuve qu'elle pouvait penser, et surtout dire vrai, ce d'autant moins qu'en dépit de sa situation personnelle, elle n'avait rien vérifié. Le Tribunal n'avait donc pas violé le droit fédéral en condamnant l'intéressée pour diffamation (cf. arrêt p. 9).
Les recours en nullité et en réforme de la prévenue ont ainsi été rejetés par la CCASS qui confirmé le jugement du Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne du 23 septembre 2010 par un arrêt du 4 novembre 2010 (CCASS 4 novembre 2010/444) à ce jour exécutoire.
D.
Par requête du 5 août 2013, Q._ a demandé la révision du jugement rendu par le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne le 23 septembre 2010. En bref, elle a fait valoir que le Tribunal n'avait pas entendu son demi-frère, [...], alors qu'elle en avait requis l'audition, qu'il avait violé l'art. 173 ch. 2 CP, et qu'il n'avait pas exposé les raisons pour lesquelles la pièce n
o
203 n'avait pas été transmise à Me [...]. Ses conclusions sont rédigées en ces termes :
"1. Q._ prie la Cour d'appel d'accepter la demande de révision de ce jour au sens de l'article 410 du Code de procédure pénale, car le jugement du 23 septembre 2010 n'a pas tenu compte des véritables faits ayant eu lieu et n'a pas élucidé les contradictions très graves figurant dans les déclarations.
2. Le juge pénal ne pouvait pas admettre que le contenu de la pièce 203 primordiale n'avait pas été remise à Me [...] sans expliquer les raisons pour lesquelles Me[...] a indiqué le contraire, par écrit, de mai 2007 à mai 2009. Ces explications très importantes ne figurent pas dans le jugement.
3. Les faits cités dans cette demande de révision sont nouveaux, car ils ne figurent pas dans le jugement du 23 septembre 2010 et le juge pénal n'a pas tenu compte de ces faits dans son jugement du 23 septembre 2010.
4. Le jugement du 23 septembre 2010 a admis que les estimations étaient justes alors que la demande de révision de ce jour montre que les estimations et les bilans produits sont faux. D'où la demande de révision de ce jour.
5. Q._ avait, au moment de ses allégations, des raisons très sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies. Et Q._ a attendu pendant des mois les déclarations écrites de Me[...] avant d'annoncer des soupçons fin août 2007. Q._ soupçonnait depuis fin 2005 que des biens immobiliers très importants n'étaient ni cités, ni estimés et que [...] en était le bénéficiaire, raison des déclarations de Q._ dès fin août 2007.
7. Q._ estime faire l'objet d'une erreur judiciaire,
car l'alinéa 2 de l'art. 173 CP n'a pas été appliqué lors du jugement du 23 septembre 2010.
8. Q._ a droit à un procès équitable, tenant compte des articles du Code pénal suisse de la Convention Européenne des Droits de l'homme. Et cela n'a pas été le cas lors de la procédure pénale PE07.020536, car Q._ n'a pas pu obtenir que certains témoins soient entendus lors de l'audience du 21 septembre 2010. En particulier, [...], administrateur de [...] et propriétaire de [...] n'a jamais été entendu."
A l'appui de sa demande de révision, Q._ a produit, en copie, une lettre de la Justice de Paix rédigée à son attention le 29 mai 2007 (P. 1), un extrait des détermination de l'avocat [...] du 29 janvier 2010 (pages 20 et 55) (P. 2), une lettre de Me [...] du 21 mars 2008 (P. 3), le procès-verbal d'audition de Me [...] du 19 novembre 2007 (P. 4), la lettre du 30 août 2012 de Q._ à [...] (P. 5), un extrait des déclarations d'impôts de [...] (état des titres au 1
er
janvier 1999 et au 1
er
janvier 2001) (P. 6), ainsi qu'un article de la [...] paru le 7 mai 2013 (P. 7).
E.
Le 20 août 2013, le Secteur Recouvrement, Service juridique et législatif, a remis à l'autorité de céans le dossier de la requérante, ainsi qu'une lettre du 16 août 2013 de cette dernière refusant de payer les frais auxquels elle a été condamnée par le jugement dont elle a requis la révision. | En droit :
1.
1.1
La demande de révision est postérieure à l’entrée en vigueur, le 1
er
janvier 2011, du Code de procédure pénale suisse. Il s’ensuit que les règles de compétence et de procédure des art. 410 ss CPP (Code de procédure pénale du 12 septembre 1967; RSV 312.01) s’appliquent. Les motifs de révision pertinents sont en revanche ceux prévus par le droit applicable au moment où la décision dont la révision est demandée a été rendue, soit, en l’espèce, en 2010. Cette réserve est toutefois sans portée s’agissant d’une révision en faveur de la condamnée, le motif de révision prévu à l’art. 410 al. 1 let. a CPP correspondant à celui de l’art. 397 CP, en vigueur en 2010 (TF 6B_393/2012 du 12 novembre 2012 c. 1.1.1 et les références citées).
1.2
Par "faits", il faut entendre toute circonstance susceptible d’être prise en considération dans l’état de fait qui fonde le jugement, ce qui comprend tout événement matériel ou produit par l’activité humaine, même celui auquel la loi attache un effet juridique, à la condition qu’elle joue un rôle dans la qualification juridique, dans la fixation de la peine ou l’octroi du sursis (Favre et al., n. 1.3 ad art. 385 CP; Bovay, Dupuis, Monnier, Moreillon, Piguet, Procédure pénale vaudoise 3
e
éd., Bâle 2008, n. 2.2. ad. Art. 455 CPP-VD pp. 549-550).
Selon la jurisprudence, un moyen de preuve est nouveau, au sens de l'art. 385 CP, lorsque le juge de la condamnation n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'il ne lui a pas été soumis sous quelque forme que ce soit. Le fait que le requérant, lui, en ait eu connaissance au moment du jugement de condamnation n'importe en principe pas, sous réserve de l'abus de droit, qui ne doit toutefois être admis qu'avec retenue en cas de révision fondée sur l'art. 385 CP, dès lors qu'en procédure pénale il incombe à l'accusation de prouver la culpabilité de l'accusé. Il est néanmoins généralement admis qu'une révision ne doit pas servir à remettre sans cesse en cause une décision entrée en force, à détourner les dispositions légales sur les délais de recours ou celles sur la restitution desdits délais, voire à introduire des faits non présentés dans le premier procès en raison d'une négligence procédurale. Lorsqu'un moyen de preuve invoqué à l'appui d'une demande de révision existait déjà au moment de la procédure de condamnation, qu'il y a des raisons de penser que le requérant en avait connaissance et aurait pu s'en prévaloir dans cette procédure et qu'il eût été à son avantage de le faire, on est par conséquent en droit d'attendre de lui qu'il s'explique quant aux motifs pour lesquels il ne s'en réclame que dans une procédure de révision (TF 6B_942/2010 du 3 mars 2011, c.2.2.1 et les références citées).
Pour aboutir, il ne suffit pas que la révision se fonde sur des faits nouveaux. Encore faut-il qu’ils soient sérieux. Le fait ou le moyen de preuve est sérieux, lorsqu’il est propre, sous l’angle de la vraisemblance, à ébranler l’état de fait sur lequel se fonde la condamnation et que, ainsi modifié, celui-ci rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 130 IV 72, c. 1, rés in JT 2004 IV 160; ATF 122 IV 66, c. 2a et les arrêts cités, rés. in JT 1998 IV 91). Le motif doit donc être concluant, à savoir ébranler les constatations de fait, et causal, à savoir de nature à entraîner une décision plus favorable au condamné (Piquerez, Procédure pénale suisse, 2e éd., Zurich, 2007, n. 986 p. 629).
Il appartient au juge de la révision d’apprécier les preuves avancées pour établir le fait nouveau ou d’examiner la force probante d’un nouveau moyen de preuve invoqué pour établir un fait déjà connu (ATF 92 IV 177, JT 1967 IV 56; JT 1988 III 94).
1.3
La procédure de non-entrée en matière de l’art. 412 al. 2 CPP est en principe réservée à des vices de nature formelle. Il est toutefois également possible de prononcer une décision de non-entrée en matière lorsque les moyens de révision invoqués apparaissent d’emblée comme non vraisemblables ou mal fondés (TF 6B_415/2012 et les références citées).
2.
2.1
En l'espèce, la condamnation de Q._ repose sur les éléments suivants :
Interprétées objectivement, les diverses déclarations écrites contenues dans les cinq courriers rédigés par la prévenue jetaient sur Me [...] la suspicion d’être corrompu, sous-entendant qu’il l’était par une partie adverse (jugement p. 11). Ce comportement tombe sous le coup de l'art. 173 ch. 1 CP. En outre, l'intéressée n'était pas parvenue à apporter la preuve de la vérité en établissant que ce qu'elle avait écrit était vrai. Elle n'avait pas davantage prouvé sa bonne foi en démontrant qu'au moment des communications litigieuses, elle avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies, ce d'autant moins qu'elle n'avait rien vérifié, en dépit de sa situation personnelle (arrêt p. 9; jugement pp. 12 et 14).
2.2
On peut se demander si les griefs fondés sur le refus de mettre en œuvre des mesures d'instruction (production de la pièce n
o
203 et audition du témoin [...]) sont recevables en procédure de révision. Quand bien même ils le seraient, ils devraient être rejetés, les faits invoqués n'étant ni nouveaux, ni sérieux.
La CCASS a, en effet, exposé de manière circonstanciée pourquoi la production de la pièce n
o
203 n'avait pas été requise par le premier juge (cf. arrêt pp. 4 et 5) :
"[...] une première audience s'est tenue le 4 mai 2009, lors de laquelle divers témoins ont été entendus. D'office et sur requête de la recourante, le premier juge a décidé de suspendre la cause jusqu'à droit connu sur le sort de la réquisition en production de la pièce n
o
203 faite par l'intéressée dans le cadre d'un litige patrimonial [...]. Cette réquisition portant sur l'"inventaire complet des titres de [...] pour les années 1999 à 2001" dite société s'est déterminée le 12 octobre 2009. Elle a fait valoir en substance que la pièce était étrangère à la cause opposant la recourante et le plaignant, qu'elle n'avait jamais été portée à la connaissance de ceux-ci et qu'elle était donc dénuée de pertinence pour l'issue du litige. Par lettre du 29 octobre 2009, le président en charge d'instruire le procès civil a fait savoir aux conseils des parties qu'au vu des déterminations du tiers requis de produire, il renonçait, en l'état, à ordonner la production anticipée de la pièce n
o
203. L'audience pénale a été réappointée et, par jugement incident du 23 septembre 2010, le premier juge a refusé de renvoyer l'audience, considérant que la pièce litigieuse était sans incidence sur l'issue du litige (jugement incident p. 7)".
Il ressort par ailleurs du jugement dont la révision est requise que le témoin [...] demi-frère de la prévenue, a fait usage de son droit de refuser de témoigner (jugement p. 3).
2.3
La requérante prétend ensuite avoir été l'objet
"d'une erreur judiciaire"
(cf. mémoire p. 23), motif pris que le premier juge n'a pas appliqué
l'art. 173 ch. 2 CP, alors qu'elle a apporté la preuve de sa bonne foi sur la base de l'état de fait qu'elle fait valoir (jugement pp. 7a à 7c). Dans la présente procédure de révision, elle persiste à invoquer sa version des faits sur la base des pièces nouvelles qu'elle produit.
Il sied, cela étant, d'examiner si ces pièces sont de nature à ébranler l'état de fait sur lequel se fonde la condamnation et qu'ainsi modifié, celui-ci rendrait possible un jugement sensiblement plus favorable à la requérante.
La pièce no 1 est une lettre adressée par la Justice de Paix à Q._ le 29 mai 2007 l'informant que son défunt beau-père avait inséré dans son testament une clause selon laquelle tous les impôts de la succession étaient à la charge de ses héritiers et, devaient dans la mesure du possible, être payés avant toutes autres dispositions, au moyen des titres légués à [...], ce dernier étant invité à contacter ses cohéritiers pour tout renseignement complémentaire. Ce document lié à l'administration de la masse successorale, n'a rien à voir avec la cause pénale dont l'objet était la probité du plaignant. Il est donc dénué de pertinence.
La pièce no 2 est un extrait d'un mémoire de procédure civile rédigé par Me [...] et daté du 29 janvier 2010. Elle contient des annotations manuscrites anonymes mentionnant qu'on ignore où se trouve la pièce n
o
203 et que les garages acquis avec les actions de la [...] ne l'avaient pas été à leur valeur vénale. Ces faits ne sont pas nouveaux. Déjà été invoqués en première et seconde instance, ils n'avaient pas été tenus pour décisifs. Cette pièce, au demeurant dénuée de valeur probante, ne saurait donc justifier la révision du jugement entrepris.
La pièce no 3 est une lettre du plaignant à la Chambre des Avocats, datée du 21 mars 2007, sollicitant que soient remis à cette instance les classeurs de pièces relatifs à l'affaire traitée par lui au nom et pour le compte de Q._ et sa demi-sœur [...]), classeur restitué à leur demande. Cette copie de lettre contient une annotation manuscrite anonyme précisant que les classeurs n'avaient pas été restitués à la demande [...]. Cela tendrait à démontrer que les indications fournies à la Chambre des Avocats par Me [...] ne seraient pas exactes. En raison de la nature des annotations qu'il contient, ce document n'a pas de valeur probante. Il ne peut donc pas être pris en compte pour fonder une révision du jugement querellé du 23 septembre 2010.
La pièce no 4 n'est pas nouvelle. Il s'agit du procès-verbal d'audition de Me [...] par le juge d'instruction de Lausanne du 19 novembre 2007. Le premier juge s'y réfère, ce procès-verbal contenant une extension de plainte en lien avec un courrier diffamatoire daté du 1
er
novembre 2007 (jugement p. 10). Cette pièce est de nature à corroborer les éléments de faits retenus par le premier juge. C'est dès lors en vain que l'intéressée s'en prévaut.
La pièce no 5 est une lettre datée du 30 août 2012, laquelle se réfère à des éléments comptables dont la prévenue aurait perdu la trace. On voit mal quel argument l'intéressée cherche à tirer de ce document, sauf celui, maintes fois mis en exergue, selon lequel il ne lui a pas été possible d'obtenir ou faire produire la pièce n
o
203. Le fait allégué sur la base de cette pièce n'est ni nouveau, ni sérieux. Elle n'est donc pas décisive.
La pièce no 6 est un extrait des déclaration d'impôt des périodes fiscales 1999-2000 et 2001-2002 remplie par [...] et intitulées
"Etat des titres et autres placement de capitaux, demande d'imputation".
Elle est censée démontrer que [...], demi-frère de la requérante essaie par tous les moyens d'éviter de fournir les véritables informations concernant la valeur de [...] Ces faits ne sont ni nouveaux, ni sérieux. La requérante a toujours allégué, sans parvenir à le prouver – les pièces au dossier démontreraient plutôt le contraire (PV aud. du 19 novembre 2007) –, que son demi-frère lui cachait des informations importantes au sujet de la valeur du patrimoine à partager. Ces éléments sans rapport avec la procédure pénale ici en cause ne sont pas déterminants.
La pièce no 7, qui est de portée générale, n'est pas davantage pertinente. Il s'agit un article paru sur le site Internet de la [...] le 7 mai 2013 faisant état des arrêt TF 6B_496 et 503/2012, dans lequel la Haute Cour rappelle que la comptabilité doit refléter la situation réelle d'une société et qu'un faux est réalisé lorsqu'un poste du bilan sujet à estimation est grossièrement faussé.
On relèvera encore que dans la mesure où la requérante rediscute, en lien avec ses pièces no 1, 2, 5 et 6, des éléments de revalorisation comptable auxquelles il a été procédé par le premier juge et qui ont été tenus pour conformes (jugement p. 14), la requête de révision s'apparente à un recours tardif. Or la révision ne permet pas de revenir sur un jugement déjà exécutoire.
2.4
En définitive, les moyens de révision invoqués par Q._ sont irrecevables. Il convient de prononcer un refus d’entrée en matière, ni l’interpellation de l’autorité de première instance qui a statué en 2010, ni celle du Ministère public n’apparaissant nécessaires.
3.
Vu le sort de l'affaire, les frais de la présente procédure seront mis à la charge de Q._. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6ef6e729-339c-46db-9404-2102d6ef3010 | En fait :
A.
Par jugement du 19 juillet 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a libéré F._ du chef d'accusation de lésions corporelles graves par négligence (I), l'a condamnée pour violation grave des règles de la circulation (art. 31 al. 1 LCR) à une peine de 5 (cinq) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 50 fr, avec sursis pendant 2 (deux) ans (II), a donné acte de ses réserves civiles à N._ (III), a dit qu'il n'y avait pas lieu à l'allocation de dépens pénaux (IV), a mis à la charge de F._ une part des frais de la cause par 1'000 fr. et a laissé le solde à la charge de l'Etat (V).
B.
Le 22 juillet 2011, F._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel du 2 septembre 2011, elle a conclu à sa réforme, en ce sens qu'elle est acquittée du chef d'accusation de violation grave des règles de la circulation routière, les frais étant laissés à la charge de l'Etat.
Le 29 juillet 2011, N._ a également formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel du 23 août 2011, il a conclu, sous suite de frais et dépens, à la réforme du jugement entrepris, en ce sens que F._ est condamnée pour lésions corporelles graves par négligence à la peine que justice dira et à ce que les conclusions civiles qu'il a déposées à l'audience du 19 juillet 2011 lui sont allouées.
Par courriers respectifs du 26 septembre 2011, F._ et N._ ont déclaré renoncer à déposer une demande de non-entrée en matière s'agissant des appels respectifs.
Le 27 septembre 2011, le Ministère public a déclaré qu'il s'en remettait à justice s'agissant de la recevabilité des appels formés par F._ et N._ et qu'il n'entendait pas déposer d'appel joint.
Le 18 octobre 2011, le Ministère public a annoncé qu'il n'interviendrait pas aux débats d'appel et qu'il se référait intégralement à l'argumentation exposée dans le jugement entrepris, tant en ce qui concerne les faits et les qualifications juridiques retenues, que la peine infligée.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
F._ est née le 23 septembre 1963 et est originaire de Renens. Mariée et mère de quatre enfants majeurs, l'appelante est domiciliée à Colombier dans le canton de Vaud. Elle travaille comme secrétaire municipale à [...] à 50% et réalise un revenu mensuel net de 3'000 fr., payé treize fois l'an. Elle n'a ni dette, ni poursuite, mais est co-débitrice d'un emprunt hypothécaire concernant sa maison familiale. L'appelante est titulaire du permis de conduire depuis 1986.
Le casier judiciaire suisse de F._ est vierge de toute inscription.
2.
Le vendredi 17 octobre 2008, aux environs de 17h20, alors qu'il faisait encore jour, sur la chaussée "Lac" de l'autoroute A1, au kilomètre 67.870, un accident de la circulation s'est produit impliquant la camionnette de livraison Daihatsu Hijet Van pilotée par N._ et l'Opel Zafira conduite dans le même sens par F._. La chaussée était sèche et la visibilité étendue.
F._ circulait de Morges en direction de la semi-jonction de Malley sur la voie médiane à une vitesse, selon ses déclarations, de l'ordre de 100 km/heure. Désirant emprunter la sortie de Malley, elle s'est dirigée sur la piste de droite après avoir dépassé deux véhicules dont celui piloté par N._. Parvenue sur la voie de droite, elle adapta sa vitesse à celle autorisée à cet endroit, soit 80 km/h, toujours selon ses déclarations. Désirant rétrograder du 5
ème
au 4
ème
rapport de vitesse, l'appelante a voulu débrayer, mais se trompa de pédale, utilisant celle du frein à la place de celle de l'embrayage, ce qui a eu pour conséquence immédiate de réduire brusquement sa vitesse et de faire caler le moteur de son véhicule, ce dernier s'étant pratiquement immobilisé sur la voie de droite. A cet instant, survenant depuis l'arrière sur la même voie, N._ est arrivé au volant de sa fourgonnette. Malgré un freinage d'urgence et une ébauche de manœuvre d'évitement par la gauche, il heurta l'arrière du véhicule conduit par l'appelante qui fut projeté en avant hors de la chaussée et qui termina sa course sur la bande d'arrêt d'urgence.
N._ a subi une fracture par choc direct du fémur gauche grave, avec une importante contusion des parties molles et un trait de fracture intra-articulaire, associés à une fracture médico-diaphysaire tibiale gauche. Il a été hospitalisé pendant 24 jours après l'accident, pendant lesquels il a subi une intervention chirurgicale le 21 octobre 2008 tendant à réduire la fracture ouverte du tibia et à poser une plaque en métal. Une hospitalisation en vue de réadaptation de dix jours s'est achevée le 28 janvier 2010 avec persistante d'une incapacité de travail à 80% jusqu'au 28 février 2010, selon certificat du 28 janvier 2010. A l'heure actuelle, l'appelant estime son incapacité de travail à 60% et s'est récemment vu refuser une rente de l'assurance invalidité.
3.
Par prononcé préfectoral du 26 novembre 2008, F._ a été condamnée pour infraction simple à la LCR (Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière, RS 741.01) et à l'OCR (Ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière, RS 741.11) à 300 fr. d'amende, convertible en 3 jours de peine privative de liberté de substitution. Elle a fait appel de ce prononcé.
Le 9 mars 2010, le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne a, en raison des mêmes faits – dont il est fait état au chiffre 2 ci-dessus – condamné F._ pour lésions corporelles graves et violation simple des règles de la circulation à 10 jours-amende avec sursis pendant deux ans, le montant du jour amende étant fixé à 50 fr., ainsi qu'à une amende de 300 fr., convertible en 6 jours de peine privative de liberté de substitution.
En temps utile, F._ a fait appel de cette condamnation, entraînant son renvoi par le Tribunal d'accusation devant le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne comme accusée de lésions corporelles graves par négligence et violation simple des règles de la circulation (art. 31 al. 1 LCR et 34 al. 3 et 4 LCR). Par ce même arrêt, le Tribunal d'accusation a confirmé le non-lieu en faveur du plaignant, N._.
4.
Une expertise technique a été ordonnée par le Président du Tribunal d'arrondissement de Lausanne afin de déterminer plus précisément le déroulement de l'accident (P. 48/1). Il en ressort notamment que F._, selon ses déclarations, s'est rabattue à plus d'un kilomètre du point de choc à une vitesse supérieure à celle de N._, ce qui signifie que si la différence de vitesse sur toute la distance séparant le changement de voies du point de choc était de 5 km/h, l'appelante serait arrivée à la hauteur du point de choc environ deux secondes avant l'appelant. L'expert exclut pratiquement toute défaillance mécanique de l'Opel et retient la thèse selon laquelle l'appelante s'est trompée de pédale. S'agissant de déterminer si N._ disposait du temps et de la distance nécessaires pour éviter le véhicule de l'appelante, il ressort de l'expertise qu'en fonction des vitesses de collision calculées et du freinage effectué par l'appelant, ce dernier devait circuler à une vitesse oscillant entre 89 km/h et 100 km/h au point de réaction. D'après l'expertise, avec une distance inférieure à 44.4 mètres, l'évitement ne pouvait plus être garanti dans tous les cas; en revanche, une distance entre véhicules correspondant à deux secondes, soit entre 50 et 55 mètres, il aurait été possible pour l'appelant d'immobiliser son véhicule en procédant à un freinage d'urgence, dès qu'il apercevait le freinage du véhicule de F._. En tenant compte d'une distance approximative de 1'200 m entre l'endroit où F._ s'est rabattue et l'endroit de la collision et en admettant une différence de vitesse hypothétique entre les deux véhicule de 5 a 10 km/h, l'expert a obtenu une distance entre les véhicules de 76 à 95 mètres, signifiant dans cette hypothèse que le choc aurait pu être évité. L'expert a toutefois précisé que cela ne pouvait pas être prouvé, une variation de la vitesse de l'un ou des deux véhicules étant possible sur cette distance. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la notification du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit.
La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjetés dans les formes et délais légaux par des parties ayant qualité pour le faire (art. 382 al. 1 CPP) et contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels interjetés par F._ et N._ sont recevables. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
F._ soutient qu'elle doit être libérée du chef d'accusation de violation grave des règles de la circulation routière, tandis que N._
estime qu'elle doit être condamnée pour lésions corporelles graves par négligence. Le sort du premier appel dépendant de celui du second, il convient de traiter d'abord l'appel de N._ et, dans un deuxième temps, à la condition que le premier soit rejeté, celui de F._.
3.1
Selon l'art. 125 CP, celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. L'art. 125 al. 2 CP prévoit que, si la lésion est grave, l'auteur sera poursuivi d'office. La réalisation de cette infraction suppose la réunion de trois conditions: l'existence de lésions corporelles, respectivement de lésions corporelles graves, une négligence et un lien de causalité entre la négligence et les lésions.
3.2
La première condition est en l'état réalisée. L'atteinte importante subie par N._ justifie la qualification de lésions corporelles graves (sur cette notion: cf. Roth/Berkemeier, in: Basler Kommentar, Strafrecht II, 2
ème
édition, Bâle 2007, nos 18 et 19 ad art. 122 CP; Stratenwerth/Jenny/Bommer, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil I, 7
ème
édition, Berne 2010,
§ 3 n. 41).
3.3
Ensuite, l'auteur doit avoir agi par négligence.
3.3.1
Conformément à l'art. 12 al. 3 CP, agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle.
La négligence suppose, tout d'abord, que l'auteur ait violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risques admissible (ATF 129 IV 119 c. 2.1; ATF 122 IV 145 c. 3b/aa, 133 c. 2a, 17 c. 2b; ATF 121 IV 207 c. 2a). Pour déterminer plus précisément quels étaient les devoirs imposés par la prudence, on peut se référer à des normes édictées par l'ordre juridique pour assurer la sécurité et éviter les accidents. A défaut de dispositions légales ou réglementaires, on peut s'inspirer des règles analogues qui émanent d'associations privées ou semi-publiques lorsqu'elles sont généralement reconnues. La violation des devoirs de la prudence peut aussi être déduite des principes généraux, si aucune règle spéciale de sécurité n'a été violée (ATF 122 IV 17 c. 2b/aa; 145 c. 3b/aa; ATF 121 IV 207 c. 2a).
En l'espèce, s'agissant d'un accident de la route, il convient de se référer aux règles de la circulation pour déterminer quels étaient les devoirs de la prudence (ATF 122 IV 133 c. 2a). Selon l'art. 31 al. 1 LCR, le conducteur devra rester constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence. La maîtrise du véhicule signifie que le conducteur doit être à tout moment en mesure d'actionner rapidement les commandes de son véhicule en mouvement, de façon à manœuvrer immédiatement d'une façon appropriée aux circonstances en présence d'un danger quelconque. La connaissance du véhicule et du fonctionnement de ses commandes est une exigence fondamentale, ce qui implique un degré d'attention accrue pour un conducteur inexpérimenté, soit parce qu'il n'est pas habitué au véhicule qu'il conduit, soit qu'il dispose du permis de conduire depuis peu de temps (Bussy & Rusconi, Code suisse de la circulation routière, 3
ème
édition, Lausanne 1996, art. 31 LCR).
Le principe de la confiance, déduit de l'art. 26 al. 1 LCR, permet à l'usager qui se comporte réglementairement d'attendre des autres usagers, aussi longtemps que des circonstances particulières ne doivent pas l'en dissuader, qu'ils se comportent également de manière conforme aux règles de la circulation, c'est-à-dire ne le gênent pas ni ne le mettent en danger (ATF 118 IV 277 c. 4a; ATF 104 IV 28 c. 3; ATF 99 IV 173). Seul celui qui s'est comporté réglementairement peut invoquer le principe de la confiance. Celui qui viole des règles de la circulation et crée ainsi une situation confuse ou dangereuse ne peut pas attendre des autres qu'ils parent à ce danger par une attention accrue. Cette dernière limitation n'est cependant plus applicable lorsque la question de savoir si l'usager a violé une règle de la circulation dépend précisément de savoir si et dans quelle mesure il pouvait se fonder sur le comportement de l'autre usager (ATF 120 IV 252 c. 2d/aa; ATF 100 IV 186 c. 3).
3.3.2
Dans le cas présent, il est manifeste que F._ a enfreint
l'art. 31 al. 1 LCR. En effet, elle a confondu la pédale des freins et la pédale de l'embrayage, ce qui a provoqué la perte de maîtrise du véhicule et plus particulièrement l'arrêt intempestif de l'engin sur la route. Par ailleurs, au regard de la violation commise, elle ne saurait se prévaloir du principe de la confiance en soutenant qu'il appartenait à N._ de procéder à une manœuvre d'évitement. F._ a bel et bien contrevenu à l'art. 31 al. 1 LCR et, partant, violé les devoirs de prudence découlant des règles de la circulation routière.
3.3.3
S'il y a eu violation des devoirs de prudence, encore faut-il, pour qu'il y ait négligence, que cette violation puisse être imputée à faute, c'est-à-dire que l'on puisse reprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, d'avoir fait preuve d'un manque d'effort blâmable (ATF 122 IV 17 c. 2b/ee, 145 c. 3b/aa).
En l'occurrence, l'appelante ne peut certainement pas être considérée comme une conductrice débutante puisqu'elle a obtenu son permis de conduire en 1986. Elle a confondu les pédales, ce qui constitue une faute. Par ailleurs, le fait qu'elle avait circulé peu de temps avant l'accident avec une voiture de remplacement équipée d'une boîte à vitesse automatique n'y change rien. Elle a donc bien commis une négligence et son manquement lui est imputable à faute.
3.4
En dernier lieu, il convient de déterminer si cette négligence est en relation de causalité entre la violation fautive d'un devoir de prudence, d'une part, et les lésions subies, d'autre part.
3.4.1
Un comportement est la cause naturelle d'un résultat s'il en constitue l'une des conditions sine qua non.
Lorsque la causalité naturelle est retenue, il faut encore se demander si le rapport de causalité peut être qualifié d'adéquat, c'est-à-dire si le comportement de l'auteur était propre, selon une appréciation objective, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit ou à en favoriser l'avènement, de telle sorte que la raison conduit naturellement à imputer le résultat à la commission de l'acte (ATF 131 IV 145 c. 5.1 et les arrêts cités). La causalité adéquate sera admise même si le comportement de l'auteur n'est pas la cause directe ou unique du résultat. Peu importe que le résultat soit dû à d'autres causes, notamment à l'état de la victime, à son comportement ou à celui de tiers (ATF 131 IV 145 c. 5.2 et l'auteur cité).
Il n'y aura rupture du lien de causalité adéquate, l'enchaînement des faits perdant alors sa portée juridique, que si une autre cause concomitante, par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou d'un tiers, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre. L'imprévisibilité d'un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener, et notamment le comportement de l'auteur (ATF 134 IV 255
c. 4.4.2, ATF 133 IV 158 c. 6.1, ATF 131 IV 145 c. 5.2 et les arrêts cités).
A cet égard et à titre d'exemple, dans un arrêt du 7 octobre 2011 dans lequel un chauffeur de taxi avait, après avoir enclenché son indicateur de direction, brusquement obliqué à gauche et provoqué une collision avec un scooter qui avait entrepris de le dépasser sur une large voie de circulation permettant à deux véhicules de rouler de front, le Tribunal fédéral a considéré que la violation de la règle de prudence imposée par l'art. 34 al. 3 LCR était dans le cas particulier propre selon le cours ordinaire des choses à entraîner le résultat en question et qu'il importait peu que le conducteur du scooter impliqué dans l'accident ne se soit pas conformé aux art. 34 al. 4 et 35 al. 5 LCR. En contrevenant aux dispositions précitées, le comportement du scootériste n'avait rien d'exceptionnel au point de reléguer à l'arrière-plan le comportement du chauffeur de taxi, qui n'avait pas vu le scooter, ne s'était pas mis en ordre de présélection et avait brusquement obliqué à gauche (TF 6B_543/2011 du 7 octobre 2011 c. 2.2.3).
3.4.2
Dans le cas présent, il est évident que si le moteur n'avait pas calé et que le véhicule de F._ ne s'était donc pas immobilisé de manière subite sur la chaussée, l'accident ne se serait pas produit. Il y a donc bien causalité naturelle entre la faute commise et le résultat qui s'en est suivi.
Lorsqu'un conducteur immobilise, de manière intempestive, son véhicule, en voulant rétrograder du 5
ème
au 4
ème
rapport de vitesse sur une route à
80 km/h, il crée un obstacle inattendu et une situation dangereuse de nature à surprendre les conducteurs qui le suivent et à causer un accident du genre de celui qui s'est produit. Dans un tel contexte, il n'est pas extraordinaire et imprévisible qu'un usager de la route, à la suite d'une inattention, d'un excès de vitesse ou d'une réaction inadéquate, ne parvienne pas à éviter l'obstacle. Le rapport de causalité adéquate est donc bien réalisé.
Il reste à examiner s'il y a eu interruption du lien de causalité en raison d'une faute commise par N._. En effet, le Tribunal de police a considéré que si ce dernier avait respecté la limitation de 80 km/h, il aurait pu éviter l'accident, soit par un freinage d'urgence, soir par une manœuvre d'évitement. En bref, il a libéré F._ de l'infraction de lésions corporelles graves par négligence considérant que la faute de N._ avait interrompu le lien de causalité. Un tel raisonnement ne peut pas être suivi.
Tout d'abord, il n'y a pas lieu d'examiner si N._ a commis une faute plus grave que la négligence de F._; la question n'étant pas de savoir si le premier a commis une faute plus grave, de gravité égale ou moins grave que celle du second, vu l'absence de compensation des fautes en droit pénal (ATF 122 IV 17 c. 2c/bb).
Selon les constatations du premier juge fondées sur l'expertise, N._ devait circuler entre 89 et 100 km/h au point de réaction au regard des vitesses de collision et du freinage effectué. Or, la vitesse était limitée à 80 km/h. Selon l'expert, en respectant une distance entre véhicules correspondant à deux secondes, soit entre 50 et 55 mètres, il aurait été possible pour N._ d'immobiliser son véhicule en procédant à un freinage d'urgence dès qu'il apercevait le freinage du véhicule de F._.
Même s'il constitue une faute aux règles de la circulation routière, en raison d'une brève inattention et d'un excès de vitesse qui ne lui ont pas permis de s'arrêter à temps pour éviter l'obstacle, le comportement de N._ n'était pas exceptionnel ou d'une imprévisibilité telle qu'il suffisait à interrompre le lien de causalité adéquate. En effet, il ne s'impose pas comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'accident, d'une façon si forte qu'il reléguerait à l'arrière-plan l'attitude de F._, dont le moteur avait calé et dont le véhicule s'était arrêté de manière tout à fait subite sur la voie. Comme la faute de N._ n'est pas exceptionnelle et totalement imprévisible, le comportement de celui-ci n'atteint pas l'intensité qui permet la rupture du rapport de causalité adéquate entre l'attitude de F._ et l'événement dommageable pour la victime.
3.5
Au vu de ce qui précède, toutes les conditions de réalisation de l'infraction de lésions corporelles graves par négligence sont réalisées et F._ doit être condamnée à ce titre.
En conséquence, l'appel formé par N._ est admis, impliquant le rejet de l'appel formé par F._.
4.
F._ étant condamnée en appel pour une infraction différente de celle retenue par les premiers juges, il convient de fixer une nouvelle peine.
4.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
4.2
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
4.3
En l'espèce, F._ a violé son devoir de prudence découlant des règles de la circulation routière. En se trompant de pédale, elle a commis une grossière maladresse, alors qu'elle est une conductrice expérimentée qui conduisait depuis plus de 20 ans au moment des faits. Le fait qu'elle ait utilisé, peu de temps avant les faits, une voiture de remplacement équipée d'une boîte à vitesse automatique est en l'espèce sans incidence. Le comportement de l'appelante est constitutif dans son ensemble d'une faute toutefois encore relativement légère, qu'il convient de sanctionner par une peine pécuniaire de 10 jours-amende avec sursis pendant deux ans. Compte tenu de sa situation personnelle et financière, le montant du jour-amende doit être arrêté à 50 francs.
5.
S'agissant des conclusions civiles, N._ se réfère aux conclusions qu'il a déposées le 19 juillet 2011 (P. 59) dans lesquelles il conclut à ce qu'il soit constaté que la faute de circulation commise par F._ lors de l'accident du 17 octobre 2008 fonde sa responsabilité civile pour les dommages qu'il a subis (I), qu'il lui soit donné acte de ses réserves civiles (II) et qu'il lui soit alloué de plein dépens pénaux (III).
Compte tenu de l'instruction qui a été menée et de l'état de fait tel que retenu, il n'est pas possible de se déterminer sur la première conclusion civile prise par l'appelant et cela excèderait de toute manière le cadre de la cause. Pour le surplus, il sera donné acte de ses réserves civiles à N._ et des dépens pénaux lui seront alloués.
6.
Vu l'issue de la cause, les frais les frais d'appel sont mis à la charge de F._ (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6f36f24f-9449-4b6c-9136-8ea449966add | En fait :
A.
Par jugement du 10 octobre 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a notamment libéré A.I._ des chefs de prévention d’abus de confiance ainsi que d’escroquerie (I) et a arrêté l’indemnité due à Me Mathias Burnand en sa qualité de défenseur d’office d’A.I._ à 6'405 fr., débours et TVA compris (VI).
B.
Le 21 octobre 2013, B.Q._ et A.Q._ ont formé appel contre ce jugement. Par déclaration d’appel du 14 novembre 2013, ils ont conclu, avec suite de frais et dépens, à la réforme du jugement attaqué en ce sens qu’A.I._ est reconnue coupable d’escroquerie, subsidiairement d’abus de confiance, et qu’elle est solidairement débitrice des montants de 60'000 fr., avec intérêts à 5% l’an dès le 17 juillet 2009, à titre de remboursement du dommage subi et de 15'591 fr. 35 à titre de dépens.
Le 10 décembre 2013, le Ministère public a indiqué qu’il s’en remettait à justice s’agissant de la recevabilité de l’appel et qu’il n’entendait pas déposer d’appel joint. A.I._ en a fait de même.
Le 6 janvier 2014, A.I._ a requis l’audition de deux témoins.
Par courrier du 8 janvier 2014, le Président de la Cour d’appel pénale a accepté l’audition de V._ et ordonné son assignation. Il a en revanche rejeté la réquisition tendant à l’audition d’M._.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A.I._ est née le 16 juillet 1971 à [...]. Elle est séparée de son époux B.I._ depuis juin 2012 avec qui elle a eu trois enfants, nés en 2002, 2004 et 2006. Elle a une formation d’informaticienne de gestion accomplie auprès de la HES-SO à [...]. Elle a obtenu son diplôme en 1998 ou 1999. Elle a toujours travaillé dans ce domaine depuis lors, à un taux d’activité compris entre 80 et 90% hors congés maternité. Elle travaille comme gestionnaire de projet chez [...] à 90% à [...]. Elle perçoit un salaire mensuel net de 10'785 francs. Ce salaire comprend des heures supplémentaires que la prévenue a accepté de faire pour éponger les poursuites qu’elle a avec B.I._ et pour pouvoir pallier à certains besoins extraordinaires des enfants, comme les frais dentaires ou les camps d’été. Elle occupe l’ancien domicile conjugal, sis à [...], de 7 pièces et demi avec ses trois enfants. Elle paye 2'170 fr. par mois de loyer, charges non comprises. B.I._ a un droit de visite usuel sur ses enfants et n’est pas astreint à une contribution d’entretien en leur faveur. Il n’aide A.I._ d’aucune manière sur le plan financier.
Le casier judiciaire d’A.I._ est vierge de toute inscription.
2.
Dans le cadre de la fréquentation de l’Eglise évangélique, A.I._ et B.I._ ont été amenés en 2006 à faire la connaissance des époux B.Q._ et A.Q._ qui arrivaient en Suisse après avoir séjourné en Grande-Bretagne. Les deux couples ayant des enfants et des intérêts communs, outre leur foi chrétienne, ils ont rapidement noué une relation d’amitié. Ils se rencontraient très régulièrement et passaient du temps en famille, au domicile des uns ou des autres.
B.I._ ayant développé une activité de courtier en assurances indépendant agréé auprès du S._, A.Q._ s’est naturellement tourné vers lui pour solliciter la conclusion de plusieurs contrats d’assurances, portant sur un véhicule, une assurance prénatale et des assurances-vie en particulier. En mai 2009, A.Q._ a sollicité l'intervention de B.I._ en vue de la conclusion de polices d’assurances-vie pour les membres de sa famille. Il souhaitait une couverture de base en la matière et avait précisé que sa famille avait déjà pris certaines mesures de prévoyance, l’assurance-vie devant être seulement un complément. Dans les semaines qui ont suivi, A.Q._ et B.I._ ont régulièrement échangé à ce sujet. Ils se sont entendus sur le fait que les époux Q._ disposaient d’un capital de 60'000 fr. qu’ils étaient prêts à investir en totalité dans le cadre d’assurances-vie en faveur de leur famille. Ainsi, B.I._ a établi trois propositions d’assurances à l’en-tête du S._ en faveur de A.Q._, respectivement de l’épouse et de la fille de ce dernier, au moyen de l’accès informatique dont il disposait à la documentation de cet assureur. Ces documents, datés du 15 juillet 2009, ont été acheminés à l’assureur. Par trois courriers du 17 juillet 2009 adressés à B.I._, le S._ en a accusé réception et a sollicité différents compléments d’information ou modifications en vue de l’établissement des polices d’assurances.
Le 17 juillet 2009, A.Q._ a viré un montant de 60'000 fr. sur un compte de la [...] au nom d'A.I._ en faisant expressément référence à ces assurances-vie, le virement portant le libellé « life insurance for family Q._» (P. 6/3). Il sied de préciser à ce stade que B.I._ avait accès à ce compte et gérait par son biais les finances du couple. Le jour même, la majeure partie de cet argent, soit 59'100 fr., a été retirée en liquide par A.I._ qui a remis cette somme séance tenante à son mari conformément aux instructions de ce dernier. La somme de 900 fr. est restée sur le compte d'A.I._ auprès de la [...]. Toutefois, ni le solde de 59'100 fr., ni un quelconque autre montant n’a jamais été versé à l’assureur (P. 9 et 18/11). En effet, comme on l'a déjà dit, ensuite de la signature des propositions d’assurance datées du 15 juillet 2009, l’assureur a constaté que ces documents étaient incomplets et a requis de B.I._, en dates des 17 juillet 2009, 14 août 2009 et 11 septembre 2009, qu’il fasse le nécessaire auprès du preneur d’assurance pour les compléter, faute de quoi les dossiers seraient classés sans suite (P. 18/6 à 18/8). B.I._ n'a cependant donné aucune suite à ces invitations à compléter les propositions d’assurance.
Le 16 octobre 2009, le S._ a écrit directement à chacun des époux Q._ qu’il concluait de l’absence de ces documents dûment complétés et signés que les intéressés avaient renoncé à souscrire une assurance-vie auprès de lui, ce qu’il regrettait mais dont il prenait acte en annulant les propositions d’assurances en question (P. 6/4 et 6/5). Nonobstant cette annulation, le montant de 60'000 fr. n’a pas été rétrocédé à B.Q._ et A.Q._. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de B.Q._ et A.Q._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
Les appelants se plaignent d'une constatation erronée des faits sur plusieurs points. Ils considèrent que le premier juge a mal apprécié les faits et leur corrélation et qu’il est incontestable qu'A.I._ a eu un rôle concret et décisif dans l'escroquerie commise à leur préjudice, soit comme coauteur, soit à tout le moins comme complice.
3.1
L’art. 146 al. 1 CP dispose que celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
L'escroquerie suppose en particulier que l'auteur ait usé de tromperie et que celle-ci ait été astucieuse (ATF 128 IV 18 c. 3a; ATF 122 II 422 c. 3a; ATF 122 IV 246 c. 3a et les arrêts cités). L'astuce est réalisée lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (
ibidem
). L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle (ATF 128 IV 18 c. 3a; ATF 126 IV 165 c. 2a). Il n’est cependant pas nécessaire qu’elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu’elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d’être trompée. L’astuce n’est exclue que si elle n’a pas procédé aux vérifications élémentaires que l’on pouvait attendre d’elle au vu des circonstances. Une co-responsabilité de la dupe n’exclut toutefois l’astuce que dans des cas exceptionnels (TF 6B_314/2011 du 27 octobre 2011 c. 3.2.1 et les références citées).
Du point de vue subjectif, l’auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d’enrichissement illégitime, ce qui suppose
de la part de la victime un acte de disposition préjudiciable à ses intérêts, situé dans un rapport de causalité avec les agissements de l'auteur. Le dessein d'enrichissement illégitime de l'auteur de l'escroquerie vise n'importe quelle amélioration de sa situation économique. Ce dessein ne doit pas nécessairement être le mobile exclusif de l'auteur, il suffit qu'il soit l'un des éléments qui l'ont amené à agir (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, Lausanne 2007/2011, nn. 1.24 s. ad art. 146 CP et les références citées). Du côté de la victime, il importe peu que le dommage découlant de l'acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires soit temporaire, provisoire ou définitif (Dupuis et alii, Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 30 ad art. 146 CP).
3.2
Est coauteur celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d'autres personnes à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux; il faut que, d'après les circonstances du cas concret, la contribution du coauteur apparaisse essentielle à l'exécution de l'infraction. La seule volonté quant à l'acte ne suffit pas; il n'est toutefois pas nécessaire que le coauteur ait effectivement participé à l'exécution de l'acte ou qu'il ait pu l'influencer. La coactivité suppose une décision commune, qui ne doit cependant pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d'actes concluants, le dol éventuel quant au résultat étant suffisant. Il n'est pas nécessaire que le coauteur participe à la conception du projet; il peut y adhérer ultérieurement. Il n'est pas non plus nécessaire que l'acte soit prémédité; le coauteur peut s'y associer en cours d'exécution. Ce qui est déterminant c'est que le coauteur se soit associé à la décision dont est issue l'infraction ou à la réalisation de cette dernière, dans des conditions ou dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal (ATF 135 IV 152 c. 2.3.1; ATF 130 IV 58; ATF 125 IV 134). Il faut que le coauteur ait une certaine maîtrise des opérations et que son rôle soit plus ou moins indispensable (ATF 120 IV 17 c. 2d). Ainsi, la contribution du participant principal est essentielle au point que l'exécution ou la non-exécution de l'infraction considérée en dépende (ATF 120 IV 265 c. 2c). Il a été jugé que le fait de procurer et de mettre à disposition un compte destinataire est une contribution essentielle à la perpétration d'un transfert de numéraire (BJP 2006 n. 3;
Favre/Pellet/Stoudmann
, op. cit., n. 1.2 ad art. 25 et les références citées).
La complicité est définie à l’art. 25 CP comme le fait de prêter assistance. Selon cette disposition, la peine est atténuée à l’égard de quiconque a intentionnellement prêté assistance à l’auteur pour commettre un crime ou un délit. Le complice est donc un participant secondaire; il n'accepte que de prêter assistance. Il n'est pas nécessaire que sa contribution soit une condition
sine qua non
de la réalisation de l'infraction. Il suffit que l'assistance soit causale, en ce sens que les événements ne se seraient pas déroulés de la même manière sans cet acte de favorisation; le complice doit augmenter les chances de succès de l'infraction (ATF 121 IV 109; JT 1996 IV 95).
L'assistance prêtée par le complice peut être matérielle, intellectuelle ou consister en une simple abstention. Elle peut être apportée jusqu'à l'achèvement de l'infraction, dont le complice doit avoir l'intention de favoriser la commission, le dol éventuel étant toutefois suffisant (ATF 121 IV 109 c. 3a; ATF 118 IV 309 c. 1a et les arrêts cités).
3.3
Les appelants soutiennent qu'A.I._ avait conscience de l’illicéité de l’opération dans la mesure où l'utilisation de son compte ne s'est pas limitée à la réception de l'argent mais aussi au retrait en liquide de la quasi-totalité de la somme.
En l'espèce, s'agissant du choix du compte utilisé pour le versement des 60'000 fr., tant les plaignants que les prévenus s'accordent à dire que seul B.I._ en est responsable (PV aud. 1 p. 1, PV aud. 2 p. 3 et PV aud. 3 p. 5). Il ne résulte ainsi pas de l'instruction qu'A.I._ aurait joué un quelconque rôle dans le choix d'utiliser son compte plutôt que celui de son mari pour le versement litigieux.
En outre, les parties plaignantes ont admis avoir versé l'argent sur le compte d'A.I._ dans le but que B.I._ en dispose aux fins de verser les primes périodiques des assurances-vie (PV aud. 5 p. 2). Ils ont donc admis eux-mêmes le recours au compte de la prévenue comme transitoire. Le seul fait de retirer l'argent du compte pour le remettre à son mari ne permet dès lors pas de retenir qu'A.I._ aurait mal agi ou trahi la volonté des appelants.
Il y a également lieu d'admettre, avec le premier juge, qu'A.I._ aurait pu faire preuve de plus de circonspection et de réticence à retirer la somme de 59'100 fr. compte tenu de la situation financière obérée du couple à l'époque des faits, de l'absence de toute activité productive de son mari, du secret entretenu par ce dernier quant à la gestion des ressources financières, en particulier des finances du ménage, de la procuration qui aurait dû permettre à B.I._ de retirer lui-même l'argent et principalement du caractère inhabituel de la transaction bancaire en cause au vu du but clairement assigné par le libellé du versement. La prévenue s'est cependant expliquée franchement à ce sujet (cf. PV aud. 6 p. 2). Elle a dit être consciente du caractère inhabituel de la transaction et fâchée d'avoir vu cet argent transiter par son compte. Elle a admis avoir trouvé cela bizarre et ne pas vouloir être mêlée à cette histoire. Elle a également dit être inquiète en raison de sa collaboration avec la BCV en tant que consultante externe, n'ayant aucune envie d'avoir des montants inhabituels sur son compte. De ces circonstances, on ne peut toutefois pas déduire, comme le font les appelants, qu'A.I._ avait conscience de l'illicéité de l'opération. Cette dernière a préféré s'abstenir de demander des explications et des éclaircissements à son mari et faire taire son inquiétude pour ne pas entrer en conflit avec ce dernier et préserver la paix familiale.
Sur ce premier point, les faits retenus par le premier juge et l’appréciation qu’il en a faite peuvent être confirmés.
3.4
Les appelants prétendent qu'au libellé du versement, A.I._ aurait dû manifester de la réticence à retirer l'argent et tenter de tirer cette affaire au clair en interpellant son mari ou eux-mêmes.
En l'espèce, la prévenue a su par son mari et A.Q._ que son compte allait être utilisé pour le versement d'une somme d'argent (PV aud. 2 p. 3). Elle a su peu après, par son mari, que la transaction se montait à 60'000 francs et que cette somme allait être placée pour A.Q._. Elle n'a toutefois pas été étonnée du montant au vu de la situation financière confortable de A.Q._ (PV aud. 6 p. 2). Les explications reçues par A.I._ n'étaient pas de nature à inquiéter outre mesure cette dernière, en dépit du caractère inhabituel de la transaction financière, d’autant plus que le libellé du versement mentionnait expressément qu’il s’agissait d’une somme d’argent destinée à une assurance-vie pour la famille Q._. Le fait que la prévenue connaissait la situation précaire de son mari est à cet égard sans incidence. Quant au retrait de l’argent du compte le même jour que le versement, la Cour se réfère à ce qui a été dit ci-dessus (cf. consid. 3.3).
Mal fondé, ce grief doit être rejeté.
3.5
Les appelants soutiennent qu’en retirant elle-même le montant de 59'100 fr. cash, A.I._ a montré de manière indéniable qu’elle était au courant des intentions de son mari et a participé activement à la commission de l’escroquerie. Ils considèrent que les inquiétudes exprimées par la prévenue au sujet des éventuelles répercussions de ce virement sur son compte par rapport à son employeur démontreraient qu’elle voulait éviter tout risque de compromettre l’opération illicite dont elle avait connaissance.
En l’occurrence, la Cour a déjà retenu qu’A.I._ n’avait pas conscience de l’illicéité des opérations qu’il s’agisse de la présence du montant de 60'000 fr. ou du retrait des 59'100 fr. (cf. consid. 3.3 supra). Les affirmations des appelants sont dès lors sans fondement et les explications de la prévenue (consid. 3.3 supra), que l’on peut considérer comme sincères, n’accréditent pas la thèse de la coaction ou de la complicité.
Sur ce point également, l’appréciation faite par le premier juge peut être confirmée.
3.6
Les appelants font grief au premier juge d’avoir retenu les déclarations d’A.I._ comme plausibles, alors qu’elle a eu plusieurs explications contradictoires, ce qui démontrerait en réalité qu’elle avait indiscutablement conscience du risque de transaction et qu’elle entendait en tirer un profit direct.
En l’espèce, en reprenant les déclarations de la prévenue, on constate que lors de sa première audition du 6 avril 2011, la question de la « commission » de 900 fr. laissée sur son compte n’a pas été abordée expressément. Toutefois, A.I._ a déclaré avoir retiré presque l’entier des 60'000 fr. (cf. PV aud. 2 p. 3), admettant ainsi spontanément qu’il était resté un faible montant sur le compte. Lors de sa seconde audition du 10 mai 2012, la prévenue a expliqué ce qui suit : « Je pense que mon compte était à découvert, je n’en sais rien. Franchement, c’est sans doute que B.I._ m’a dit de laisser 900 francs. (...). Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas pensé à les rembourser, ce n’est pas ma dette » (PV aud. 6 p. 6). Enfin, à l’audience de jugement du 10 octobre 2013, elle a précisé que si elle avait bien retiré un montant de 59'100 fr. pour le remettre à son mari, elle avait laissé 900 fr. sur le compte à la demande de son mari, pour le compte de ce dernier et parce que cela correspondait selon lui à la commission à laquelle il avait droit (jgt., p. 15). On ne voit donc pas, contrairement à ce que soutiennent les appelants, des contradictions douteuses dans les déclarations de la prévenue. Cette dernière a toujours admis avoir laissé 900 fr. sur son compte bancaire et a toujours évoqué avoir reçu des instructions de son mari. Elle a simplement précisé lors des débats que B.I._ lui avait expliqué que la somme litigieuse était en fait une commission.
Ce grief, mal fondé, doit également être rejeté.
3.7
Les appelants soutiennent que la prévenue n’a pas contesté avoir versé la somme de 14'000 fr. sur son compte. Ils considèrent que les explications fournies par A.I._ au sujet du versement de ce montant ont varié et que les différentes versions qu’elle a données démontrent une fois encore, comme pour le montant de 900 fr., qu’elle a su et voulu profiter concrètement de l’escroquerie tant qu’il restait de l’argent.
En l’occurrence, il est faux de prétendre que la prévenue n’a pas contesté avoir versé le montant de 14'000 fr. sur son compte. Il ressort en effet de son audition du 10 mai 2012 qu’elle a essayé de se rappeler d’où pouvait provenir ce versement, malgré le fait que les pièces fournies par son employeur n’ont en définitif pas permis de confirmer qu’il s’agissait de gratifications (cf. P. 54). Lors des débats, elle a indiqué qu’il lui semblait, après réflexion, que la somme créditée sur son compte le 4 août 2009 avait été versée sur son compte par B.I._ en utilisant l’argent reçu de K._ (jgt., p. 15). Même si ces explications sont arrivées un peu tard, elles ont été confirmées par B.I._ lors de l’audience de première instance, période où les époux I._ étaient séparés et où B.I._ n’avait donc aucun cadeau à faire à la prévenue.
Partant, c’est à juste titre que le premier juge, au bénéfice du doute, a retenu que l’instruction n’avait pas permis d’établir qu’A.I._ avait menti et qu’il était vraisemblable que ce soit B.I._ qui ait été à l’origine du versement de la somme de 14'000 fr. puisqu’il gérait majoritairement ce compte.
3.8
Sur le vu de ce qui précède, il ne peut être retenu à la charge d’A.I._ la coaction ou la complicité d’escroquerie dans la mesure où le doute doit profiter à cette dernière. L’acquittement prononcé par le premier juge doit donc être confirmé.
4.
En définitive, l’appel de B.Q._ et A.Q._ est rejeté et le jugement rendu le 10 octobre 2013 par le Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de B.Q._ et A.Q._, solidairement entre eux (art. 418 al. 1 et 2 et 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 2’020 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office d’A.I._.
Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la note d'honoraires et de la procédure d'appel, il convient d'allouer au défenseur d’office d'A.I._ une indemnité arrêtée à 1’684 fr. 80, TVA et débours inclus. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6f69447e-075d-440e-8337-0648233f9b94 | En fait :
A.
Par jugement du 14 juillet 2010, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré S._ des fins de la poursuite pénale (I), a donné acte à B.Q._ et A.Q._ de leurs réserves civiles contre S._ (II) et laissé les frais de la cause à la charge de l'Etat (III).
B.Q._ et A.Q._ ont déposé un recours contre ce jugement. Le 4 septembre 2010, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal a rejeté le recours et a confirmé le jugement de première instance (CCASS du
4 septembre 2010, n°372).
B.
Par acte du 27 juin 2011, B.Q._ et A.Q._ ont demandé la révision de l'arrêt rendu le 4 septembre 2010 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal. Ils concluent, avec suite de frais et dépens, à l'admission de leur demande (I), à l'annulation de l'arrêt cantonal et du jugement de première instance (II), au renvoi de la cause au Ministère public de l'arrondissement de Lausanne pour qu'il procède à l'audition des témoins cités conformément à l'art. 410 al. 1 let. a CPP, à la confrontation des parties et à toute autre mesure d'instruction utile que ces mesures pourraient inspirer aux enquêteurs (III), à l'allocation d'une indemnité équitable à leur conseil pour le dépôt de la demande de révision (IV) et à ce que les frais de la présente procédure soient laissés à la charge de l'Etat (V). A l'appui de leur demande, les requérants allèguent être parvenus à identifier un tiers, le dénommé J._, qui aurait été témoin direct du sinistre dans lequel leur fille est décédée et auquel le jugement de première instance fait une brève allusion (cf. jugt., p. 7). Ils allèguent en outre que, dans le cadre de leurs investigations, ils ont appris l'existence d'un autre témoin qui a assisté à toute la scène du sauvetage de S._. Ils soutiennent que ces moyens de preuve inconnus de l'autorité inférieure sont de nature à influer sérieusement sur le sort de la procédure, en remettant en particulier en cause l'arrêt libératoire dont a bénéficié S._.
Dans le délai imparti pour se déterminer, l'autorité inférieure a renoncé à le faire.
Quant à S._, il a déposé ses déterminations dans le délai prolongé, soit le 14 octobre 2011. Il a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet, dans la mesure de sa recevabilité, de la demande de révision (I) et à ce que l'arrêt rendu le 4 septembre 2010 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal est déclaré exécutoire (II). Par ailleurs, sur sa requête, S._ s'est vu accorder le bénéfice de l'assistance judiciaire et désigner un défenseur d'office. | En droit :
1.
La révision n’est visée par aucune des dispositions transitoires du Code de procédure pénale suisse. Il est admis que le nouveau droit s’applique à toutes les procédures de révision dès le 1
er
janvier 2011 et que ce sont les autorités compétentes en vertu de ce droit qui doivent être saisies (cf. Renate Pfister-Liechti in: Kuhn/Jeanneret [éd.], Code de procédure pénale suisse, Commentaire romand, Bâle 2011, nn. 4 à 10 ad art. 451 CPP). Dans le cas d'espèce, c’est donc la Cour d’appel pénale qui est compétente, conformément aux art. 21 CPP et 14 LVCPP, et non la Chambre des révisions qui a cessé de fonctionner.
2.1
L'art. 410 al. 1 let. a CPP prévoit que toute personne lésée par un jugement entré en force, une ordonnance pénale, une décision judiciaire ultérieure ou une décision rendue dans une procédure indépendante en matière de mesures, peut en demander la révision s’il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l’autorité inférieure et qui sont de nature à motiver la condamnation d'une personne acquittée.
Aux termes de l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci. Dans son message, le Conseil fédéral précise cette notion en reconnaissant cette qualité à la partie plaignante et aux autres participants à la procédure pour autant que ces derniers "aient participé la procédure de première instance et aient un intérêt juridiquement protégé" (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 II
p. 1292; Marc Rémy, in: Kuhn/Jeanneret [éd.], op. cit., n 8 ad art. 410 CPP).
2.2
En l'occurrence,
A.Q._ et B.Q._ ont participé à la procédure de première instance en qualité de plaignants et de parties civiles. Ils ont dès lors un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification du jugement de première instance de sorte que leur demande de révision est recevable.
3.
La teneur de l'art. 410 al. 1 let. a CPP correspond aux conditions posées par la jurisprudence rendue en application de l'art. 385 aCP (Message relatif à l'unification de la procédure pénale, FF 2005 1057, spéc. 1303): les faits ou moyens de preuve doivent être inconnus de l'autorité et ils doivent être sérieux.
3.1
Le caractère inconnu d'un fait ou d'un moyen de preuve implique que cet élément n'ait pas été soumis à l'autorité inférieure sous quelque forme que ce soit. Si le juge, après examen du fait ou du moyen de preuve, n'en a pas déduit les conclusions qu'il fallait ou n'a pas pris conscience de ce que le fait ou le moyen de preuve devait démontrer, le caractère inconnu du fait respectivement du moyen de preuve n'est pas donné (cf. Marc Rémy in: Kuhn/Jeanneret [éd.], op. cit., n. 10 ad art. 410 CPP). Ainsi, il a été jugé que, pour qu’un fait ou un moyen de preuve soit réputé nouveau, il faut non seulement qu’aucune preuve n’ait été administrée à son sujet, mais encore qu’il n’ait jamais été soumis à l’appréciation du juge, cela sous quelque forme que ce soit. Cela comprend les faits qui ressortent du dossier, mais dont l’autorité n’a pas tenu compte. Tel n’est pas le cas lorsque les faits ont été évoqués au moins à titre d’hypothèse. De même, le reproche fait au juge d’avoir mal apprécié les éléments dont il avait connaissance ne constitue pas un motif de révision (SJ 2001 I p. 285). Le juge n’est pas tenu de mentionner dans son jugement ce qui, sans arbitraire, lui apparaît à l’évidence comme sans pertinence ou non établi. A supposer qu’il motive insuffisamment son jugement ou qu’il fasse à ce sujet une appréciation arbitraire des preuves, il incombe aux parties de le faire valoir en temps utile et dans les formes prévues pour l'exercice du droit de recours. On doit partir de l’idée que le juge a pris connaissance des pièces du dossier et des moyens de preuve apportés devant lui lors des débats. Si un élément de preuve n’est pas mentionné dans le jugement ou s’il est mal compris, il s’agit en principe d’un problème d’appréciation des preuves, qui ne peut être soulevé qu’en temps utile et par les voies de droit prévues (ATF 122 IV 66 c. 2b et les références citées).
3.2
En outre, l'élément nouveau invoqué doit être sérieux. Il doit ainsi être propre à ébranler les constatations de fait sur lesquelles la condamnation est fondée, de manière que l'état de fait ainsi modifié rende vraisemblable une condamnation sensiblement moins sévère ou permette de conclure à l'inexistence de l'une des infractions retenues, que cette libération entraîne ou non une réduction de la peine (ATF 130 IV 72 c. 1 et les références citées; Heer, in: Niggli/HeerlWiprächtiger, Schweizerische Strafprozessordnung, Baller Kommentar, Bâle 2011, pp. 2716 ss, n. 65 ss, spéc. 66).
4.1
En l'espèce, le moyen de preuve fourni à l'appui de la requête de révision consiste en deux témoignages. Le premier est celui du dénommé J._, mentionné dans le jugement de première instance comme étant la personne, n'ayant alors pas pu être identifiée davantage, qui a apposé contre la façade de l'immeuble l'échelle par laquelle l'accusé a pu fuir le sinistre. Le second témoignage est celui de V._, concierge dudit immeuble qui aurait assisté depuis son jardin à toute la scène du sauvetage de S._.
La seconde de ces personnes constitue indiscutablement un témoignage inconnu au sens de l'art. 410 al. 1 let. a CPP. Il n'en a jamais été question au cours de la procédure de première instance et seules les investigations récentes des demandeurs pour parvenir à identifier le dénommé J._ ont révélé l'existence de ce tiers.
On peut par contre hésiter, s'agissant du dénommé J._, désormais identifié, à considérer qu'il s'agit d'un moyen de preuve nouveau et inconnu des premiers juges. En effet, il y est expressément fait allusion dans la décision attaquée (cf. jgt., p. 7) et il faut relever que les parties civiles, aujourd'hui demanderesses à la révision n'ont pas pris de conclusions incidentes tendant à l'identification et à l'audition de ce témoin, alors même que l'autorité et elles-mêmes avaient connaissances du fait que ce tiers existait et avait apposé l'échelle permettant à S._ de s'extraire in extremis de l'appartement en flammes. Aucune mesure n'a été ordonnée d'office par l'autorité de première instance, soit requise par les parties civiles, ce qui leur était loisible de faire avant la clôture de l'instruction. Le point de savoir si le témoignage du dénommé J._ constitue, dans ces circonstances, un moyen de preuve inconnu peut toutefois rester ouvert au vu de ce qui suit.
En effet, aucun des deux témoignages requis comme moyen de preuve nouveau ne peut être qualifié de sérieux au sens défini plus haut, à savoir propre à ébranler ou à influencer de façon significative les constatations juridiques sur lesquelles repose en l'espèce le jugement libératoire. A l'examen attentif du dossier, ainsi que du jugement rendu le 14 juillet 2010 par les premiers juges et de l'arrêt du
4 septembre 2010 rendu par l'autorité de recours, on voit mal en quoi le témoignage de personnes situées à l'extérieur non seulement de l'appartement, mais également de l'immeuble, serait susceptible d'apporter un éclairage nouveau sur le déroulement des faits qui ont conduit au décès de la victime et qui se sont déroulés à l'intérieur de l'appartement entre l'arrivée du couple et l'appel des secours. Or, seules ces circonstances de temps et de lieu sont déterminantes pour l'examen des éléments constitutifs des infractions qui étaient reprochées à S._.
Comme le relève avec pertinence ce dernier dans ses déterminations, lorsque la police est intervenue sur place le jour du sinistre, elle n'a pas jugé utile d'interroger les tiers J._ et V._ (tous deux d'ailleurs mentionnés dans le rapports de police du 5 mai 2006), ce qui constitue un indice révélateur de la faible importance qu'accordaient les enquêteurs à ces témoignages dans la perspective de l'élucidation des faits. Le témoignage de ces personnes ne saurait donc être tenu pour décisif au vu de l'ensemble des éléments et du déroulement à huis clos du sinistre.
4.2
B.Q._ et A.Q._ semblent également demander qu'une confrontation ait lieu entre S._ et eux et qu'une "reconstitution" soit, à nouveau, ordonnée. Ces réquisitions ne constituent pas des moyens de révision recevables en l'espèce: une inspection locale a déjà été ordonnée et l'accusé et les parties civiles ont tous participé aux débats de première instance, de sorte qu'on ne voit pas en quoi une "confrontation" n'aurait pas eu lieu et serait aujourd'hui décisive.
5.
En définitive, la demande de révision de B.Q._ et A.Q._ est mal fondée et doit être rejetée. Les dispositifs de l'arrêt du
4 septembre 2010, respectivement du jugement du 14 juillet 2010 doivent être entièrement maintenus.
6.
Vu l'issue de la cause, les frais de révision (art. 21, par renvoi de l'art. 22 du TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux, RSV
312.03.1
]) sont mis à la charge de B.Q._ et de A.Q._ (art. 428 al. 1 CPP). Ces frais comprennent l'indemnité allouée au défenseur d'office de S._ par 1'913 fr. 80, TVA et débours compris. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6f7f488c-52e6-4585-a427-d5b2b1c5a66b | En fait :
A.
Par jugement du 21 juin 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a condamné V._ pour infraction à la loi fédérale sur les étrangers à une peine pécuniaire de dix jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans (I), a renoncé à révoquer les sursis octroyés par le Juge d'instruction de Genève les 29 octobre 2009 et 14 septembre 2010 (II), a mis les frais de la cause, par 225 fr., à la charge de V._ et a laissé le solde à la charge de l'Etat (III).
Par jugement du 12 décembre 2012, la Cour d’appel pénale a admis l’appel formé par le Ministère public et réformé le jugement de première instance aux chiffres I et III de son dispositif en ce sens que V._ est condamné pour infraction à la loi fédérale sur les étrangers à une peine pécuniaire de cinquante jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant quatre ans, et à une amende de 600 fr. à titre de sanction immédiate (I) et que l’entier des frais de la cause est mis à la charge de V._ (III).
Par arrêt du 19 août 2013 (TF 6B_173/2013), la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a admis le recours de V._, annulé le jugement précité et renvoyé la cause à l’autorité cantonale pour nouvelle décision.
B.
Le 13 septembre 2013, le Ministère public a versé une pièce au dossier.
Par écriture du 19 septembre 2013, V._ a déposé des observations.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
V._ est né le 2 février 1987 au Maroc, pays d'où il est ressortissant. A une date indéterminée, il s'est établi en Italie au bénéfice d'un permis de séjour et y a travaillé notamment dans le domaine de l'import-export jusqu'en 2010.
Dans le courant de l'année 2008, V._ a fait la connaissance de J._, ressortissante suisse. Le couple a vécu entre la Suisse et l'Italie durant de nombreux mois, l'un rendant visite à l'autre régulièrement pour des week-ends prolongés. Au printemps 2010, J._ a décidé de rejoindre son ami en Italie et de s'y établir. Le couple a fondé une petite entreprise qui n'a malheureusement pas fleuri comme ils l'avaient espéré. Leur situation financière étant délicate, J._ est rentrée en Suisse pour retrouver un emploi. V._ est resté quelque temps encore en Italie pour régler la situation et préparer son déménagement en Suisse à moyen terme.
Au mois de septembre 2010, V._ a rendu visite à J._, comme il le faisait régulièrement. Il est entré en Suisse au bénéfice de son autorisation de séjour en Italie qui était en cours de renouvellement, mais qui l'autorisait néanmoins à quitter le territoire italien pour se rendre dans les pays de l'espace Schengen, selon les documents en sa possession. Alors qu'il était en Suisse, il s'est vu notifier le 13 septembre 2010 une interdiction d'entrée sur notre territoire liée à de précédentes condamnations du Juge d'instruction de Genève. V._ a dès lors pris la décision de ne pas retourner en Italie pour ne pas risquer de devoir y rester sans pouvoir revenir en Suisse auprès de sa fiancée. Il a interjeté des recours contre la décision d'interdiction d'entrer en Suisse. Parallèlement, il a déposé une demande d’autorisation temporaire en vue de la procédure préparatoire de mariage le 20 décembre 2010. Par décision du 18 avril 2011, confirmée le 28 juin 2011, le Service de la population a refusé cette demande et prononcé le renvoi de V._. Ce dernier a recouru auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (ci-après: CDAP) qui a octroyé l'effet suspensif au recours. Le mariage a été célébré le 12 décembre 2011. La décision du Service de la population a dès lors été annulée et le recours à la CDAP déclaré sans objet. V._ a obtenu un permis B valable pour les cantons de [...] et [...] en date du 25 janvier 2012 pour le premier et du 13 février 2012 pour le second. Aucune autorisation de séjour temporaire n’a été délivrée à V._ entre octobre 2010 et janvier 2012. La décision d'interdiction d'entrée en Suisse a été annulée par l'Office fédéral des migrations le 20 janvier 2012.
V._ et son épouse n’ont pas d’enfant et vivent à Genève. Le prévenu a accompli un stage de deux mois en avril 2013 chez N._. Depuis lors, il est en recherche d’emploi dans la construction métallique. Il ne perçoit pas d’indemnités de chômage ni de subsides de l’aide sociale. Son épouse est account manager chez F._. Elle perçoit un salaire mensuel de l’ordre de 6'000 francs. Le loyer du couple s’élève à 1'500 francs. V._ a une dette d’environ 20'000 fr. auprès de sa belle-famille.
Son casier judiciaire comporte les inscriptions suivantes :
- 29.10.2009, Juge d’instruction de Genève, dommages à la propriété, vol, violation de domicile, peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr., avec sursis de cinq ans, sous déduction de quatre jours de détention préventive;
- 14.09.2010, Juge d’instruction de Genève, vol, dommages à la propriété, violation de domicile, peine pécuniaire de 25 jours-amende à 30 fr., avec délai d’épreuve jusqu’au 28.10.2014, sous déduction d’un jour de détention préventive (peine complémentaire au jugement rendu le 29.10.2009 par le Juge d’instruction de Genève).
2.
A Lausanne notamment, entre le 1
er
et le 19 décembre 2010, V._ a résidé illégalement en Suisse. | En droit :
1.
Lorsque le Tribunal fédéral admet un recours, il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision. Il peut également renvoyer l'affaire à l'autorité qui a statué en première instance (art. 107 al. 2 LTF [loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral; RS 173.110]). L'autorité à laquelle l'affaire est renvoyée doit fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit contenus dans l'arrêt de renvoi. Elle ne peut en aucun cas s'écarter de l'argumentation juridique du Tribunal fédéral, aussi bien en ce qui concerne les points sur lesquels il a approuvé la motivation précédente que ceux sur lesquels il l'a désapprouvée. Il n'est pas possible de remettre en cause ce qui a été admis – même implicitement – par le Tribunal fédéral (Corboz, in: Commentaire de la LTF, Berne 2009, ch. 27 ad art. 107 LTF).
2.
Dans son arrêt du 19 août 2013, le Tribunal fédéral a considéré que la décision d’interdiction d’entrée sur le territoire suisse n’avait pas rendu le séjour de l’intimé illégal. Ainsi, entré légalement en Suisse le 1
er
septembre 2010, l’intimé était autorisé à y séjourner pendant trois mois, à savoir jusqu’au 30 novembre 2010.
3.
Faute de renseignements sur les démarches qui ont été effectuées par l’intimé pour obtenir l’autorisation de se marier, le Tribunal fédéral a invité la Cour de céans à déterminer si V._ avait obtenu un droit de séjour durant la procédure tendant à l’octroi d’une autorisation de séjour temporaire en vue de la préparation d’un mariage (art. 17 al. 2 LEtr [Loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005; RS 142.20]).
3.1
Dans l'affaire O'Donoghue, la CourEDH a estimé inadmissible que les requérants en cause, dont l'intention de se marier était sincère et ne visait pas à contourner les lois d'immigration, n'avaient pas pu obtenir un certificat les autorisant à se marier en raison, d'abord, de la situation personnelle du fiancé qui était entré illégalement au Royaume-Uni et était dépourvu de titre de séjour, puis, par la suite, faute de disposer des moyens leur permettant de s'acquitter des frais de dossier (cf. ACEDH O'Donoghue et al. c. Royaume-Uni du 14 décembre 2010, req. 34848/07, Rec. 2010, par. 85 ss).
3.2
Il découle de cet arrêt qu’un étranger peut, à certaines conditions, déduire du droit au mariage garanti par l'art. 12 CEDH (Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales; RS 0.101) et l'art. 14 Cst. (Constitution fédérale du 18 avril 1999; RS 101) un droit à pouvoir séjourner en Suisse en vue de s'y marier. Ainsi, les autorités de police des étrangers sont tenues de délivrer un titre de séjour en vue du mariage lorsqu'il n'y a pas d'indice que l'étranger entende, par cet acte, invoquer abusivement les règles sur le regroupement familial, et qu'il apparaît clairement que l'intéressé remplira les conditions d'une admission en Suisse après son union (cf. art. 17 al. 2 LEtr par analogie; ATF 137 I 351 c. 3.7; 138 I 41 c. 4). Le droit au mariage garanti par l'art. 12 CEDH peut également être invoqué par des étrangers résidant illégalement dans un Etat membre (ATF 138 I 41 c. 3 et 4; 137 I 351 c. 3.6 et 3.8).
L'étranger entré légalement en Suisse pour un séjour temporaire qui dépose ultérieurement une demande d'autorisation de séjour durable doit attendre la décision à l'étranger (art. 17 al. 1 LEtr). Cela vaut aussi pour l'étranger résidant illégalement en Suisse qui tente de légaliser son séjour par le dépôt ultérieur d'une demande d'autorisation de séjour durable (ATF 139 I 37 c. 2.1). Selon le message du Conseil fédéral, le requérant ne peut pas se prévaloir, déjà durant la procédure, du droit de séjour qu'il sollicite ultérieurement, à moins qu'il remplisse "très vraisemblablement" les conditions d'admission (FF 2002 3469 ss, p. 3535). Le seul dépôt d'une demande d'autorisation de séjour durable ne rend pas le séjour légal, puisque l'étranger doit en principe attendre la décision à l'étranger (Zünd, in: Migrationsrecht, 3
e
éd., 2012, n. 7 ad art. 115 LEtr).
L'autorité cantonale compétente peut - ou même doit - autoriser, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation (art. 96 LEtr), l'étranger à séjourner en Suisse durant la procédure si les conditions d'un droit légal, constitutionnel ou conventionnel à l'octroi d'une autorisation sont données avec une grande vraisemblance (art. 17 al. 2 LEtr; "prozeduraler Aufenthalt"). Elle doit rendre sa décision lors d'un examen sommaire des chances de succès, comme c'est le cas lors du prononcé de mesures provisoires (ATF 139 I 37 c. 2.2). Ni l'entrée illicite ni le séjour illicite n'empêche l'application de l'art. 17 al. 2 LEtr (ATF 137 I 351 c. 3.6 et 3.8; Spescha, in: Migrationsrecht, Kommentar, 3
e
éd., 2012, n. 2 ad art. 17 LEtr).
3.3
En l’espèce, V._ a déposé une demande d’autorisation temporaire en vue de la procédure préparatoire de mariage le 20 décembre 2010. Par décision du 18 avril 2011, confirmée le 28 juin 2011, le Service de la population a refusé cette demande et prononcé le renvoi de l’intimé. Suite au recours de V._ à la CDAP, celui-ci a été autorisé à demeurer sur le territoire suisse en raison de l’effet suspensif du recours. Le mariage de l’intimé ayant été célébré le 12 décembre 2011, la décision du Service de la population a été annulée et le recours à la CDAP déclaré sans objet. Une autorisation de séjour au titre du regroupement familial a été délivrée à V._ le 25 janvier 2012.
Dans ces conditions et au vu de la jurisprudence précitée, V._ était en droit de résider légalement sur le territoire suisse depuis le 20 décembre 2010, date de sa demande d’autorisation temporaire de séjour en vue de mariage, et ce quand bien même l'intimé n'a pas été au bénéfice d'un titre de séjour temporaire jusqu’au 25 janvier 2012. En effet, le recours interjeté auprès de la CDAP a suspendu la procédure de renvoi, si bien que le Service de la population a toléré le séjour de l'intimé sur le territoire suisse. De plus, il ne fait aucun doute qu’après plusieurs années de relation, l’intention de se marier de V._ et J._ était sincère et ne visait pas à éluder les dispositions sur l'admission et le séjour des étrangers.
Par conséquent, la Cour de céans constate que V._ a résidé illégalement en Suisse du 1
er
au 19 décembre 2010.
4.
Il convient de statuer sur la peine à prononcer. Dans ses observations, l’intimé invoque le bénéfice de l’art. 52 CP qui permet de prononcer une exemption de peine.
4.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1; TF 6B_408/2012 du 1
er
novembre 2012 c. 1.1).
4.2
D’après l'art. 52 CP, si la culpabilité de l’auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l’autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.
Lorsque la décision d’exemption de peine est prise dans le cadre d’un jugement, cette décision prend la forme d’un verdict de culpabilité dépourvu de sanction (Dupuis et alii, Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 7 ad art. 52 CP). Le Tribunal fédéral a eu l’occasion de préciser que l’exemption de peine suppose que l’infraction soit de peu d’importance, tant au regard de la culpabilité de l’auteur que du résultat de l’acte. L’importance de la culpabilité et celle du résultat dans le cas particulier doivent être évaluées par comparaison avec celle de la culpabilité et celle du résultat dans les cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification. Pour apprécier la culpabilité, il faut tenir compte de tous les éléments pertinents pour la fixation de la peine, notamment des circonstances personnelles de l’auteur (ATF 135 IV 130 c. 5.3.2).
4.3
En l’espèce, V._ doit être reconnu coupable d'infraction à la loi fédérale sur les étrangers. Si la durée de son séjour illégal est en définitive peu élevée, sa culpabilité ne peut être considérée comme peu importante. En effet, si V._ est resté en Suisse c'est notamment, comme il l’a admis, pour ne pas voir s'appliquer la décision d'interdiction d'entrée sur le territoire prononcée à son encontre le 12 septembre 2010, donc pour tirer sciemment avantage d’un comportement illicite. Il a en outre été condamné à deux reprises en 2009 et 2010 pour des infractions contre le patrimoine par le Juge d’instruction de Genève.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, la peine pécuniaire de dix jours-amende à 30 fr. le jour-amende prononcée par le premier juge est adéquate. L'octroi du sursis de deux ans doit également être confirmé.
5.
Sur le vu de ce qui précède, l'appel du Ministère public doit être rejeté et le jugement du Tribunal d'arrondissement de Lausanne du 21 juin 2012 confirmé.
L’ensemble des frais de la procédure d’appel, par 4'510 fr. 80, soit les frais d’appel du jugement rendu le 12 décembre 2012, par 3'120 fr. 80, y compris l’indemnité allouée au défenseur d’office de V._, plus les frais du jugement de ce jour, par 1'390 fr., seront laissés à la charge de l’Etat.
Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la note d'honoraires de son conseil et de la deuxième procédure d'appel, il convient d'allouer à V._ une indemnité arrêtée à 1'749 fr. 60, TVA et débours inclus, à titre de dépens à la charge de l'Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
70165d0d-1b00-4adf-a0dd-8c381a6821c0 | En fait :
A.
Le 17 octobre 2006, J._ a déposé plainte contre trois agents de la police ferroviaire en raison des conditions dans lesquelles ils auraient mené un contrôle d'identité et une fouille, entre fin septembre et début octobre 2006. Sa plainte était également dirigée contre l'agent de police qui avait refusé d'enregistrer celle-ci lorsqu'il s'était rendu à l'Hôtel de police à [...].
Par ordonnance du 23 janvier 2008, le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne a prononcé un non-lieu que le Tribunal d'accusation vaudois a confirmé sur recours du plaignant par arrêt du 12 février 2008.
B.
Le 5 octobre 2010, J._ a déposé une nouvelle plainte contre les mêmes agents de la police ferroviaire et pour les mêmes faits déjà reprochés dans sa plainte du 17 octobre 2006.
Par courrier du 19 novembre 2010, le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne a informé J._ que tant l'ordonnance de non-lieu du 23 janvier 2008 que l'arrêt prononcé le 12 février 2008 par le Tribunal d'accusation avaient acquis autorité de chose jugée et qu'il ne pouvait déposer de nouvelle plainte pour les mêmes faits. Le Juge a ainsi refusé de rouvrir l'enquête et a classé sans suite la nouvelle plainte.
C.
Le 21 février 2011, J._ a requis la révision de l’arrêt du Tribunal d’accusation auprès de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal, laquelle a déclaré la demande de révision irrecevable par jugement du 8 mars 2011.
Par arrêt du 18 avril 2011, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours formé le 11 avril 2011 par J._ contre le jugement de la Cour d’appel pénale.
D.
Par acte du 5 août 2013, J._ a présenté une nouvelle demande de révision. Il a conclu, avec suite de frais et dépens, à l’annulation de l’ordonnance du 23 janvier 2008 en ce sens qu’une nouvelle décision est rendue par le Tribunal cantonal, à ce que les officiers de police et de la gendarmerie qui ont dirigé l’enquête soient entendus et condamnés pour obstruction à la justice, à ce que les frais mis à sa charge soient annulés et à ce que les poursuites concernant cette cause soient radiées. | En droit :
1.
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (TF 6B_41/2012 du 28 juin 2012 c. 1.1), lorsque, comme en l'occurrence, une personne lésée par un jugement rendu sous l'ancien droit en demande la révision après l'entrée en vigueur du nouveau droit, la demande de révision peut être traitée par la nouvelle juridiction d'appel (art. 21 al. 1 let. b CPP) selon les règles de procédure prévues aux art. 411 ss CPP.
La Cour de céans est donc compétente pour connaître de la présente requête.
2.
2.1
L'art. 410 al. 1 let. a CPP permet à toute personne lésée par un jugement entré en force d'en demander la révision s'il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l'autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné. Les faits ou moyens de preuve invoqués doivent ainsi être nouveaux et sérieux.
Les faits ou moyens de preuve sont inconnus lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit (ATF 137 IV 59 c. 5.1.2 pp. 66 s.). Ils sont sérieux lorsqu'ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l'état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 137 IV 59 c. 5.1.4 p. 68).
2.2
Aux termes de l'art. 412 al. 2 CPP, la juridiction d'appel n'entre pas en matière sur la demande de révision si celle-ci est manifestement irrecevable ou non motivée ou si une demande de révision invoquant les mêmes motifs a déjà été rejetée par le passé. La procédure de non-entrée en matière selon cette disposition est en principe réservée à des vices de nature formelle. Il est toutefois également possible de prononcer une décision de non-entrée en matière lorsque les motifs de révision invoqués apparaissent d'emblée non vraisemblables ou mal fondés (TF 6B_293/2013 du 19 juillet 2013 c. 3.3; TF 6B_415/2012 du 14 décembre 2012 c. 1.1).
3.
En l’espèce, la Cour de céans constate que le requérant ne soulève aucun argument nouveau qui n’aurait pas été présenté dans sa première demande de révision déclarée irrecevable par jugement du 8 mars 2011. En effet, J._ sollicitait déjà dans sa demande de révision du 21 février 2011 la production des enregistrements des caméras de surveillance de la gare de [...] qu’il avait d’ailleurs également évoqué au cours de l’enquête ayant conduit à l’ordonnance de non-lieu.
Pour ce premier motif, il ne sera pas entré en matière sur la demande de révision de J._.
4.
Au surplus, le requérant ayant invoqué les mêmes motifs que dans sa première demande de révision, il ne fonde sa nouvelle requête sur aucun élément de fait ou moyen de preuve nouveau. Ainsi, les conditions de l'art. 410 al. 1 let. a CPP ne sont toujours pas réalisées.
Enfin, comme il l’avait déjà été retenu dans le jugement de la Cour de céans du 8 mars 2011, l’arrêt du Tribunal d’accusation confirmant un non-lieu sur des considérations de faits n’est pas un jugement ayant acquis la force de chose jugée au sens de l’art. 410 al. 1 CPP, de sorte que c’est une reprise de la procédure préliminaire et non une demande de révision qui devait être présentée en cas de nouveaux moyens de preuves ou de faits nouveaux (art. 323 CPP).
Partant, pour ces motifs également, la demande de révision est irrecevable.
5.
En définitive, il ne sera pas entrée en matière sur la demande de révision présentée par J._, les moyens invoqués étant irrecevables.
Vu l'issue de la cause, les frais de révision, par 440 fr. (quatre cent quarante francs), (art. 21, par renvoi de l'art. 22 du TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux, RSV
312.03.1
]) seront mis à la charge de J._ (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
70377983-e199-4227-8545-4826522c4aac | En fait :
A.
Par jugement du 15 juin 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté qu'A._ s'est rendu coupable de publication de débats officiels secrets (I), l'a condamné à une amende de 5'000 fr. (II), a dit qu'en cas de non-paiement fautif de l'amende, la peine privative de liberté de substitution sera de cinquante jours (III) et a mis les frais de justice, par 1'300 fr., à la charge du prénommé (IV).
B.
Le 22 juin 2011, A._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 8 août 2011, il a conclu à l'annulation dudit jugement, à son acquittement du chef d'accusation de publication de débats officiels secrets et à l'allocation en sa faveur de dépens de deuxième instance à la charge de l'Etat de Vaud. Il n'a pas requis l'administration de preuves.
Dans le délai imparti, le Ministère public a annoncé qu'il s'en remettait à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et qu'il renonçait à déposer un appel joint.
Le 8 septembre 2011, le Président a informé les parties que l'appel serait traité d'office en procédure écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP).
Par mémoire complémentaire du 23 septembre 2011, l’appelant s'est référé pour l’essentiel aux moyens déjà développés dans sa déclaration d’appel et aux conclusions prises dans cette écriture. Il a en outre, motifs à l’appui, conclu préalablement à la suspension de la présente procédure jusqu’à droit connu dans l’affaire A._ c/ Suisse (requête [...]) actuellement pendante devant la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après : CourEDH). Il a également produit un bordereau de pièces à l’appui de sa requête de suspension.
Le 11 octobre 2011, le Président a imparti un délai au Ministère public pour se déterminer sur la requête de suspension déposée par l’appelant, en observant que cette requête avait déjà été formulée devant le Tribunal de police de l'arrondissement qui l’avait rejetée au motif pris de la prochaine prescription, motif devenu sans pertinence compte tenu du jugement de première instance rendu le 15 juin 2011.
Dans le délai imparti, le Ministère public s’est référé à l’argumentation développée par son représentant lors du dépôt de la première requête de suspension, ajoutant que les circonstances concrètes de la présente cause et de celle invoquée à l’appui de la requête de suspension n'étaient pas à proprement parler connexes et que la décision à rendre dans cette dernière cause par la CourEDH n’était pas déterminante.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A._, né en 1965, originaire de Fontenais/JU, est journaliste de profession. Il a obtenu son RP fin 1988, début 1989. Depuis lors, il a essentiellement travaillé dans la presse écrite, en particulier dès 1992 à T._ en tant que salarié. Il est devenu indépendant en 2004 ou 2005, mais a conservé un emploi fixe de dix jours par mois auprès de T._. Il est divorcé et a une fille majeure encore à charge. Il gagne environ 5'500 fr. par mois. Son loyer s'élève à 450 fr. par mois. Il paie mensuellement quelque 1'000 fr. d'impôts et 450 fr. d'assurance-maladie pour sa fille et lui-même. Il a des poursuites à concurrence de 15'000 fr. liées à des arriérés d'impôts et fait l'objet d'une saisie de ses revenus pour le montant excédant 4'500 francs.
Le casier judiciaire du prénommé est vierge. Il a toutefois été condamné le 22 septembre 2005 par le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne à 4'000 fr. d'amende, pour publication de débats officiels secrets. Cette décision a été confirmée par arrêt de la Cour de cassation vaudoise du 30 janvier 2006, puis par arrêt du 29 avril 2008 du Tribunal fédéral. A l'encontre de cette condamnation, le prévenu a saisi la CourEDH par une requête individuelle du 7 novembre 2008, requête toujours pendante.
2.
2.1
Le 28 janvier 2009, A._ a publié dans le numéro 5 du magazine T._ un article intitulé "[...]" dans lequel il faisait largement état des éléments d'une enquête alors en cours instruite par le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne. Cet article retranscrivait une partie des déclarations d'une plaignante à la police de sûreté vaudoise et de l'argumentation du recours du Ministère public contre de la décision de relaxation du 31 mars 2008 du magistrat instructeur.
Le journaliste a eu connaissance des pièces auxquelles il faisait référence dans son article par l'intermédiaire du père de l'une des victimes présumées, soit E._, dont l'identité lui avait été donnée par un ami de ce dernier. A._ ne conteste pas avoir su que les documents dont il faisait état dans son article n'étaient pas publics en raison de l'enquête en cours. Il connaissait parfaitement cette confidentialité. Il a déclaré être conscient de commettre une violation de l'art. 293 CP en les portant à la connaissance du public. En accord avec sa rédaction, il a néanmoins écrit son article et l'a publié, estimant qu'il était de son devoir moral d'informer les lecteurs afin que d'autres éventuelles victimes puissent sortir de l'ombre.
2.2
De l'avis du premier juge, la publication litigieuse n'était justifiée par aucun intérêt public. Selon le magistrat, l'article présentait V._, dont l'identité avait été modifiée dans le texte, comme un pédophile hautement susceptible de récidiver et qui aurait vraisemblablement commis des faits analogues par le passé, de sorte que les intérêts de ce dernier, du point de vue de la présomption d'innocence, n'avaient pas été respectés. Le tribunal a ensuite indiqué qu'en laissant entendre que l'individu en question, régisseur immobilier et gérant de milliers de logements dans le canton de Vaud, avait été remis en liberté provisoire, après un mois de détention préventive, en raison de son statut social privilégié et de sa situation financière aisée, l'article était de nature à saper la confiance des citoyens en l'indépendance du pouvoir judiciaire et que, pour ces motifs, on ne saurait qualifier de secret de peu d'importance au sens de l'art. 293 al. 3 CP les informations publiées par le prévenu.
Le premier juge a encore relevé que la publication en cause, loin d'être neutre et complète, ne permettait pas au lecteur de se faire une opinion objective de la suite que donnait la justice à cette affaire et que si V._ avait bel et bien été condamné pour actes d'ordre sexuel avec des enfants, contrainte sexuelle et pornographie par jugement du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne du 11 mars 2010, il ne ressortait toutefois pas dudit jugement que d'autres victimes que celles mentionnées dans l'article auraient été concernées. Le tribunal, qui a conclu qu'on ne pouvait admettre que le journaliste était avant tout animé par la volonté d'informer le public de l'activité étatique que constituait l'enquête pénale, a reconnu le prévenu coupable de publication de débats officiels secrets au sens de l'art. 293 CP et l'a condamné à une amende de 5'000 francs. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
2.1
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné ou que l’état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22 et 23 ad art. 398 CPP).
2.2
En l’espèce, il n’est pas contesté que seule une contravention à l’art. 293 CP a fait l’objet de l’accusation et du jugement de première instance, de sorte que l’appel est restreint et qu'un membre de la Cour d'appel pénale statue comme juge unique, conformément à l'art. 14 al. 3 LVCPP (Loi d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009, RSV 312.01).
Les pièces produites sous bordereau du 23 septembre 2011 (pièce 29/1) à l’appui de la requête de suspension ne sont pas nouvelles, mais correspondent à celles déjà produites dans le même but en première instance (pièce 15). Elles sont donc recevables.
3.
A titre préliminaire, il y a lieu de statuer sur la requête de suspension formée le 23 septembre 2011, qui ne constitue en l’espèce pas un moyen d’appel, mais une demande relative à une question préjudicielle.
3.1
A l’appui de sa requête, l’appelant invoque les art. 314 al. 1 let. b et 329 al. 2 CPP, soit les mêmes dispositions discutées par le premier juge dans la motivation de sa décision de refus de suspension (jugt, pp. 4 et 5). L’art. 379 CPP prévoit certes que les dispositions générales du Code de procédure pénale s’appliquent par analogie à la procédure de recours. Toutefois, l'art. 314 CPP est consacré aux cas de suspension dans la procédure préliminaire, soit ceux où, temporairement, la procédure ne peut pas être poursuivie. Cette disposition ne peut par conséquent pas trouver application dans la phase des débats. Quant à l’art. 329 al. 2 CPP, il serait certes envisageable dans la procédure de recours, en vertu du renvoi de l’art. 379 CPP. Toutefois, cette disposition traite des cas d’empêchement de procéder, qui peuvent concerner soit l’action pénale, soit le sujet de l’action pénale (le prévenu) : dans la première catégorie, on songe en particulier à la prescription ou au retrait de plainte dans les cas où l’infraction ne se poursuit que sur plainte et, dans la seconde catégorie, on trouve notamment l’incapacité du prévenu à prendre part aux débats ou son décès (Winzap, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, n. 5 ss ad art. 329 CPP).
3.2
En l’espèce, on ne se trouve pas dans un cas d’empêchement au sens rappelé ci-dessus. La requête de l’appelant consiste à demander la suspension de la présente procédure jusqu’à droit connu dans une autre affaire qui l’oppose à la Suisse devant la CourEDH. Concrètement, A._ requiert la production au présent dossier du jugement à intervenir de cette dernière cour dans une autre affaire. Il s’agit-là précisément d’une question préjudicielle au sens de l’art. 339 al. 2 CPP, disposition dont l’application en procédure de recours est aussi envisageable en vertu du renvoi de l’art. 379 CPP. Comme cette requête de suspension a déjà été présentée devant le premier juge et a fait l’objet d’une décision de rejet, le prévenu, s’il entendait contester cette décision, devait l’attaquer par la voie de l’appel avec le jugement au fond (de Preux, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, n. 44 ad art. 340 CPP). Or, l’appelant a omis de prendre une quelconque conclusion à ce sujet dans sa déclaration d’appel motivée du 8 août 2011, contrairement aux exigences formelles (art. 399 al. 3 et 4 CPP). La conclusion à titre préalable prise dans le mémoire du 23 septembre 2011 est à cet égard tardive et l'appel est irrecevable sur ce point.
Par surabondance, même en admettant, par hypothèse contraire, que l’appel est recevable sur ce point, on devrait constater qu’il n’y en l’espèce pas lieu de suspendre la présente procédure dans l’attente de la décision de la CourEDH dans une autre cause concernant le prévenu. Comme l’ont relevé avec pertinence tant le premier juge dans sa décision du 15 juin 2011 refusant la suspension que le Ministère public dans ses déterminations des 20 mai et 27 octobre 2011, si les deux causes en question sont a priori analogues, les circonstances concrètes de celles-ci, qu’il y a précisément lieu de prendre en considération dans le cadre de l’application de l’art. 293 CP, ne sont pas semblables. Par ailleurs, si les principes applicables sont les mêmes, il convient dans chaque cas de procéder à une pesée des intérêts en jeu, tenant compte du contenu et du danger que représente la publication en question. A cela s’ajoute que la décision que prendra la CourEDH dans la seconde cause n’aura pas d’incidence directe sur la présente procédure, même dans l’hypothèse où cette cour devait donner tort à la Confédération suisse. Dans la mesure où elle est recevable, la requête de suspension doit donc être rejetée.
4.
4.1
Au fond, l’appelant soutient tout d’abord qu’en application du principe général de la
lex mitior
, c’est l’art. 73 al. 2 CPP et non l’art. 184 CPP-VD qui aurait dû lui être appliqué à titre de droit le plus favorable. Il considère que la révélation de certains extraits de la procédure pénale dans le cas d’espèce ne constitue pas une violation du secret en application de l’art. 73 al. 2 CPP.
4.2
Selon la jurisprudence, c’est la loi ou la décision de l’autorité qui détermine la durée ou l’étendue du secret visé par l’art. 293 CP, ainsi que le cercle des personnes qui y sont tenues selon cette même disposition. Selon l’ancien droit de procédure pénale vaudoise, le secret de l’instruction, résultant de l’art. 184 CPP-VD, était absolu et s’appliquait
erga omnes.
Le législateur cantonal avait d’ailleurs érigé en contravention de procédure la violation du secret de l’enquête par quiconque (art. 186 CPP-VD). Le nouveau droit de procédure pénale fédérale, prévoit, quant à lui, à l’art. 73 al. 2 CPP, un régime différent, selon lequel les personnes qu’il visent, soit la partie plaignante, les autres participants à la procédure et leurs conseils juridiques, ne sont en principe plus tenues de respecter le secret de l’enquête et sont libres de s’exprimer sur une affaire sauf injonction contraire émanant de la direction de la procédure (Antenen, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, n. 5 à 9 ad art. 73 CPP). Il faut toutefois d’emblée préciser que cette disposition et l’obligation de garder le silence qui peut en découler ne s’imposent pas aux médias, auxquels l’art. 293 CP est toutefois pleinement applicable, le cas échéant, comme on le verra plus loin (Antenen,
idem
, n. 12 ad art. 73 CPP).
S’agissant du droit applicable au regard du principe de la
lex mitior,
il faut par ailleurs relever que l’appelant fait erreur en invoquant l’art. 450 CPP, lequel prévoit une règle de droit transitoire concernant le passage de la compétence de jugement des anciennes aux nouvelles autorités (Pfister-Liechti, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, n. 2 ad art. 450 CPP). L’art. 448 al. 2 CPP dispose quant à lui que les actes de procédure ordonnés ou accomplis avant l’entrée en vigueur du nouveau code conservent leur validité. Cette disposition a pour but d'éviter que l'ensemble des décisions prises avant le changement de législation ne perdent leur validité au moment de l'entrée en vigueur du CPP (Basler Kommentar BStPO, n. 3 ad art. 448 CPP). Les mesures en matière de préservation du secret de l’enquête constituent des actes de procédure au sens de cette disposition, de sorte qu’il faut admettre, en application de l’art. 448 al. 2 CPP, que le secret de l’enquête dans la cause qui nous occupe était bien régi par l’art. 184 CPP-VD. A cela s’ajoute que le raisonnement tenu par le premier juge, consistant à considérer comme douteux que le principe de la
lex mitior
puisse concerner une règle de procédure telle que l’art. 73 al. 2 CPP dès lors qu’il est impossible de supputer la décision qu’aurait prise la direction de la procédure en l’espèce, est pertinent et peut être confirmé.
Au vu de ce qui précède, les moyens de l’appelant tirés de l’application rétroactive du nouveau droit de procédure doivent être rejetés.
5.
5.1
A._ se plaint ensuite d’une violation de l’art 10 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101). Rappelant les principes énoncés par la jurisprudence de la CourEDH dans son arrêt Stoll c. Suisse des 25 avril 2006 et 10 décembre 2007, le prénommé soutient qu'il avait des raisons légitimes de considérer que les pièces de l'instruction auxquelles il faisait référence dans son article (pièce 5/2) devaient être portées à la connaissance du public. Il fait valoir qu'il a procédé de bonne foi lorsqu'il a considéré que les éléments qu'il allait publier et qui lui avaient été confiés correspondaient à un intérêt public majeur et qu'il a ainsi agi par devoir de profession.
5.2
A teneur de l’art. 293 al. 1 CP, celui qui, sans en avoir le droit, aura livré à la publicité tout ou partie des actes, d’une instruction ou des débats d’une autorité qui sont secrets en vertu de la loi ou d’une décision prise par l’autorité dans les limites de sa compétence sera puni d’une amende.
L’art. 10 par. 1 CEDH prévoit, quant à lui, que toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir d’ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. L’art. 10 par. 2 CEDH prévoit néanmoins qu’une ingérence à la liberté d’expression n’enfreint pas le par. 1 de cette disposition si elle est prévue par la loi, si elle est inspirée par un ou des buts légitimes et si elle est nécessaire dans une société démocratique pour les atteindre.
Dans l'ATF 126 IV 236 (c. 2a, 2c/aa et 2d), dont les principes ont été confirmés par arrêt du 29 avril 2008 (6P.153/2006, 6S.347/2006 c. 7.1) produit au dossier par A._ sous bordereaux des 2 mai et 23 septembre 2011 (pièces 15/9 et 29/1) et concernant précisément la précédente condamnation du prénommé, le Tribunal fédéral a relevé que l'art. 293 CP procède d'une conception formelle du secret en ce sens qu'il suffit que les actes, débats ou instructions concernés aient été déclarés secrets par la loi ou une décision de l'autorité, autrement dit, que l'on ait voulu en exclure la publicité, indépendamment de la classification choisie (p. ex « top secret » ou confidentiel). Dans l'affaire Stoll c. Suisse précitée (§§ 138 et 139), la CourEDH a confirmé que cette conception formelle du secret n'était pas contraire à l'art. 10 CEDH. Le secret au sens matériel suppose, en revanche, que son détenteur veuille garder un fait secret, qu'il y ait un intérêt légitime, et que le fait ne soit connu ou accessible qu'à un cercle restreint de personnes. L'entrée en vigueur de l'alinéa 3 de cette disposition, le 1er avril 1998 (FF 1996 IV 533) n'y a rien changé. Cette règle n'a en effet pas trait à des secrets au sens matériel, mais à des cachotteries inutiles, chicanières ou exorbitantes. Pour exclure l'application de cet alinéa 3 – disposition qui n'est en l'occurrence pas invoquée par l'appelant –, le juge doit donc examiner à titre préjudiciel les raisons qui ont présidé à la classification du fait comme secret. Il ne doit cependant le faire qu'avec retenue, sans s'immiscer dans le pouvoir d'appréciation exercé par l'autorité qui a déclaré le fait secret. Il suffit que cette déclaration apparaisse encore soutenable au regard du contenu des actes, de l'instruction ou des débats en cause. Le point de vue des journalistes sur l'intérêt à la publication n'est, pour le surplus, pas pertinent.
En l'espèce, l'infraction reprochée à A._ a trait à la publication d'extraits tirés de pièces de l'instruction qui n'étaient accessibles qu'à un nombre très limité de personnes (le juge d'instruction et les parties à la procédure), ce que l'appelant ne conteste pas. Celui-ci fait toutefois valoir que l'existence d'un secret n'était pas motivé par la nécessité de prévenir les risques de collusion, de danger, de disparition et d'altération de moyens de preuves (appel, p. 15, ch. 62
in fine
). Son argumentation tombe à faux, dès lors que, comme l'a rappelé la Haute Cour, il y a lieu de prendre également en considération les intérêts du prévenu, notamment sous l'angle de la présomption d'innocence, ainsi que la nécessité de protéger le processus de formation de l'opinion et de prise de décision au sein d'un organe de l'Etat, que tend précisément à protéger l'art. 293 CP (TF 6P.153/2006 précité, c. 7.3). En l'occurrence, dans la mesure où la publication litigieuse reproduisait une partie des déclarations de l'ex-compagne de V._ à la police de sûreté vaudoise et de l'argumentation du recours du Ministère public contre de la décision de relaxation du 31 mars 2008 du magistrat instructeur, il était soutenable de soumettre ces éléments au secret, soit d'en prohiber l'accès au public, comme l'a fait le législateur cantonal vaudois en édictant la règle de l'art. 184 CPP-VD, applicable à l'époque des faits (cf. c. 4.2
supra
). En effet, selon le Tribunal fédéral, il n'est pas admissible que des procès-verbaux puissent faire, avant clôture de l'instruction, avant jugement et hors contexte, l'objet d'exégèses sur la place publique, au risque d'influencer le processus des décisions du juge d'instruction et de l'autorité de jugement (TF 6P.153/2006 précité, c. 7.3). A cela s'ajoute que le raisonnement tenu par le tribunal selon lequel la garantie de la présomption d'innocence n'a pas été respectée est pertinent et peut être confirmé (jugt, p. 13).
Cela étant, la publication litigieuse réalisait l'état de fait visé par l'art. 293 al. 1 CP.
5.3
Seule demeure ainsi litigieuse l'existence d'un fait justificatif, soit la question de savoir si A._ pouvait se prévaloir de son devoir de journaliste.
On se référera, sur ce point, à la jurisprudence précitée du Tribunal fédéral (6P.153/2006 c. 8.1) selon laquelle le caractère inhabituel d'une affaire ne suffit pas à justifier l'existence d'un intérêt public considérable à la publication d'informations confidentielles. S'agissant des déclarations de l'ex-compagne de V._ et des extraits tirés du recours du Ministère public, on ne voit pas quelle question d'intérêt général méritait d'être débattue sur la place publique. En outre, le fait que "les procédures relatives à des crimes d'ordre sexuel sur des enfants sont de nature à provoquer l'inquiétude de la population locale" (appel, p. 15, ch. 63) ne peut constituer à lui seul un intérêt public à la révélation d'informations confidentielles; cela signifierait que toute infraction de ce genre justifierait – sans égard aux circonstances spécifiques – la publication d'éléments classifiés. Par ailleurs, contrairement à ce que prétend l'appelant (jugt, p. 6), il n'est pas établi que son article a permis à d'autres victimes de "sortir de l'ombre" (cf. jugt, p. 15).
A._ fait ensuite valoir que les informations litigieuses lui ont été confiées par le père d'une des deux victimes et qu'il a agi de bonne foi, estimant que les éléments révélés dans son article étaient exacts, fiables et précis. Le prévenu perd toutefois de vue que l'art. 293 CP réprime la seule divulgation des informations, indépendamment de la manière dont l'auteur y a eu accès. Le facteur prépondérant réside plutôt dans le fait qu'il ne pouvait ignorer que la divulgation l'exposait à une sanction (TF 6P.153/2006 précité c. 8.2.1 et la référence à l'arrêt de la CourEDH). Or, ce point est établi en l'espèce (PV aud. 2, p. 3; jugt, p. 6).
L'appelant invoque enfin que les faits qui ont été portés à sa connaissance ont été retranscrits avec une précision irréprochable et qu'il n'a émis aucun préjugé sur l'issue du litige susceptible d'influencer l'opinion des lecteurs. On rappellera sur ce point que la forme de la publication joue un rôle important, sous l'angle de la garantie d'expression, et qu'il faut tenir compte, dans la pesée des intérêts, du contenu de la publication, du vocabulaire utilisé, de la mise en page de la publication ainsi que des titres et sous-titres ou encore de la précision des informations (TF 6P.153/2006 précité c. 8.2.2 et la référence à l'arrêt de la CourEDH). En l'espèce, on remarquera tout d'abord que le titre de l'article ("[...]") manquait d'objectivité, étant précisé qu'il importe peu que le titre ait été choisi par la rédaction. L'intéressé l'a d'ailleurs lui-même admis, en affirmant que le titre était "évocateur", qu'il décrivait l'intéressé "sans laisser planer l'ombre d'un doute" et qu'il "reflét[ait] la couleur de l'article" (PV aud. 2, p. 3
in fine
). Il a également reconnu que le ton général de l'article ne laissait guère de place au doute quant à la culpabilité de l'individu en question (PV aud. 2, p. 4
in initio
), auquel il attribue une "vocation tardive de pervers" (pièce 5/2, 7ème colonne, 6
ème
ligne). A cela s'ajoute qu'en reprenant les propos d'E._, l'article laissait supposer qu'une troisième enfant avait été abusée (pièce 5/2, 3
ème
colonne, 4
ème
ligne), alors que tel n'a pas été le cas (cf. jugt, p. 15), et que le passé de l'auteur présumé (dont le casier judiciaire était vierge), n'était probablement pas exempt d'antécédents (pièce 5/2, 3
ème
colonne, 5
ème
et 6
ème
lignes).
Ainsi, contrairement à ce qu'invoque l'appelant, en prenant connaissance de cette publication très partielle, le lecteur se faisait une opinion et préjugeait sans aucune objectivité de la suite qui serait donnée par la justice à cette affaire, sans le moindre respect pour la présomption d'innocence.
Il résulte de ce qui précède qu'A._ a divulgué un secret au sens de l'art. 293 al. 1 CP et qu'il ne peut invoquer aucun fait justificatif en sa faveur.
Le moyen tiré d'une violation de l'art. 10 CEDH est dès lors mal fondé et doit être rejeté.
6.
A._ ne discute pas la peine, dès lors qu'il conclut à son acquittement.
Il suffit de constater, sur ce point, que l'appréciation de la fixation de la peine par le premier juge n’est pas critiquable et tant l'amende prononcée en première instance que la peine privative de liberté de substitution peuvent être confirmées.
Le tribunal était dès lors parfaitement fondé à mettre les frais de la cause à la charge du prévenu (art. 426 al. 1 CPP).
7.
En conclusion, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de l'appelant (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7075318a-d42e-48a7-bf26-afc23f61f567 | En fait :
A.
Par jugement du 6 mai 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a notamment constaté que H._ s'était rendu coupable d'escroquerie, de diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers et de gestion fautive (I); condamné H._ à une peine privative de liberté de 30 (trente) mois (II); suspendu l'exécution d'une partie de la peine portant sur
24 (vingt-quatre) mois et fixé à H._ un délai d'épreuve de 2 (deux) ans (III).
B.
En temps utile, H._ a interjeté appel contre ce jugement. Il conclut à la réforme du chiffre II de son dispositif en ce sens qu'il est condamné à une peine privative de liberté n'excédant pas 24 mois, l'entier de cette peine étant suspendu par l'octroi d'un sursis total, assorti d'un délai d'épreuve laissé à l'appréciation de la Cour.
Le 13 juillet 2011, le Ministère public a déclaré ne pas présenter de demande de non entrée en matière et a renoncé à déposer un appel joint.
À l'audience d'appel, le prévenu a confirmé ses déclarations faites en première instance et a maintenu ses conclusions.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
Né en Suisse en 1944, H._ a travaillé durant une quinzaine d'années au sein d'un bureau technique dont il a été le responsable jusqu'en 1980. Il a ensuite suivi des cours de régisseur et de courtier, avant d'œuvrer jusqu'en 1983 en qualité de courtier pour la société J._ SA. A la retraite de l'administrateur de cette société, il l'a reprise en créant une nouvelle raison sociale, W._ SA, inscrite au registre du commerce le
16 décembre 1983 et dont il était l'unique administrateur. H._ a travaillé dans cette société, active dans les opérations immobilières, jusqu'à la faillite de celle-ci, prononcée le 16 mars 2006. Il s'est ensuite inscrit auprès de l'assurance-chômage jusqu'à l'âge de la retraite, secondant son épouse qui tenait un petit marché à la ferme à Jouxtens. Depuis 2009, H._ perçoit une rente AVS mensuelle de 1'703 fr., ainsi qu'une rente LPP mensuelle de 2'174 francs.
L'appelant est marié et a deux enfants majeurs. Le couple vit dans une villa à Jouxtens-Mézery, propriété de l'épouse de H._ depuis que ce dernier lui en a cédé sa part, ainsi que sa part sur le mobilier qui la garnissait, par donations du 19 février 1991, date à laquelle les époux ont également passé un contrat de mariage par lequel ils ont adopté le régime matrimonial de la séparation de biens. Le 1
er
février 2007, la faillite personnelle de H._ a été prononcée à la suite de sa demande du 19 décembre 2006. Dans le cadre de cette faillite, l'ensemble du mobilier de la villa conjugale a été considéré comme revendiqué par son épouse. Au 4 décembre 2007, les dettes de H._ s'élevaient à 12'834'174 fr. 32. Il a déclaré des dettes privées à hauteur de 1'072'028 fr. et des dettes d'exploitation à hauteur de 11'630'033 francs. Le casier judiciaire de l'appelant est vierge de toute inscription.
En février 2004, H._ a été approché par D._, un architecte avec lequel il avait collaboré professionnellement sur divers projets immobiliers dès la fin des années 90. D._ s'était associé en 2001 à K._, installateur sanitaire, dans une affaire d'importation de plusieurs centaines de kilos d'or depuis l'Afrique. Ayant dépensé les honoraires reçus dans le cadre de la promotion de quatre villas à Belmont-sur-Lausanne en l'envoyant en Afrique, D._ s'est adressé à H._ pour lui emprunter la somme de 20'000 fr. en relation avec ce projet immobilier. Il a toutefois envoyé ce montant en Afrique et a à nouveau sollicité H._, deux ou trois jours après, pour obtenir un nouveau prêt. Face au refus de H._, D._ lui a présenté K._. Ce dernier lui a parlé de l'affaire d'importation d'or venu d'Afrique et lui a montré le contrat d'achat qu'il avait signé sur place, ses licences d'importateur d'or ainsi que divers documents émanant du gouvernement guinéen et de transitaires. K._ a précisé que l'affaire était proche de son terme. Appâté par les bénéfices importants que les partenaires commerciaux africains lui faisaient miroiter – à savoir 8% des investissements consentis - H._ s'est à son tour mis à investir dans cette affaire en prêtant de l'argent à K._. Entre 2004 et 2007, H._ estime avoir ainsi investi environ deux millions de francs, dont quelque 600'000 fr. à 700'000 fr. proviennent de fonds lui appartenant ou réalisés par sa société. Il a notamment obtenu des prêts pour un montant total de 410'000 fr., de la part d'amis et de connaissances professionnelles, ne parlant toutefois jamais d'or, car il craignait que ces personnes ne lui prêtent pas d'argent. La plupart du temps, il a utilisé le timbre humide de sa société pour établir ses reconnaissances de dette et a clairement parlé d'une affaire immobilière dans la majeure partie des cas. Une fois l'argent reçu en prêt, H._ le remettait intégralement aux escrocs en Afrique par virements internationaux. Par ces faits, H._ s'est rendu coupable d'escroquerie au sens de l'art. 146 CP.
Le 12 février 2008, H._ a, par déclaration écrite adressée à la Justice de Paix des districts de Lausanne et de l'Ouest lausannois, répudié la succession de son père décédé le 25 janvier 2008. La part de la succession qui lui revenait de droit, soit environ 10'000 fr., a par conséquent été dévolue à ses deux enfants, au détriment de ses créanciers. Il a ainsi été fait échec à un séquestre lié à une procédure d'exécution forcée en cours. Par ce fait, H._ a commis les infractions de diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers et de gestion fautive, visées aux 164 al. 1 et 165 CP. Par transaction ratifiée en juin 2009, il s'est cependant engagé à verser la somme de 10'000 fr. à ses créanciers. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les forme et délai légaux par une partie ayant la qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP), l'appel de H._, suffisamment motivé au sens de l’art. 399 al. 3 et 4 CPP, est recevable. Il convient donc d'entrer en matière sur le fond.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appelant a admis les faits reprochés sous réserve des points discutés sous chiffre 3 ci-dessous et il ne conteste pas leur qualification, de sorte que ces éléments ne seront pas examinés par la Cour de céans (art. 402 CPP). Il conclut toutefois au prononcé à son encontre d'une peine entièrement compatible avec l'octroi du sursis, soit n'excédant pas 24 mois, assorti d'un délai d'épreuve laissé à l'appréciation de la Cour. Il soutient que la fixation de la peine et l'octroi du sursis total doivent être examinés sur la base d'un état de fait rectifié et réapprécié.
3.
3.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2
En premier lieu, l'appelant soutient que les premiers juges ont procédé à une constatation de faits erronée s'agissant de la prétendue revendication par son épouse de l'ensemble du mobilier de la villa conjugale, dans le cadre de sa faillite personnelle prononcée en février 2007 (cf. jgt., p. 22 cons. 1.1). Il allègue que son épouse n'a pas expressément revendiqué le mobilier en question, mais que le préposé à l'Office des poursuites et faillites avait d'office considéré que l'ensemble du mobilier de la villa conjugale était revendiqué puisqu'il avait fait l'objet en février 1991 d'un acte de donation. A cette même date, les époux avaient en outre passé un contrat de mariage pour adopter le régime matrimonial de la séparation des biens en sorte qu'un inventaire précis des biens avait été dressé.
Ce grief, qui n'a aucune influence sur la question de la quotité de la peine infligée, n'est pas pertinent. Les premiers juges n'ont, en effet, pas retenu ces éléments à charge de l'appelant; en particulier, ils n'ont pas considéré que la cession de sa part du mobilier garnissant la villa conjugale faite par H._ à son épouse, par donations du 19 février 1991, constituait un acte préparatoire aux infractions commises près de treize ans plus tard. Quant à la revendication par l'épouse du mobilier dans le cadre de la faillite personnel de son époux, elle découle de l'inventaire dans la faillite du 25 septembre 2007, qui mentionne que le mobilier est revendiqué par celle-ci et qu'il est déclaré insaisissable (cf. pièce 67). Partant, l'état de fait retenu par les premiers juges n'est pas erroné sur ce point. Le grief, mal fondé, doit être rejeté.
3.3
L'appelant conteste ensuite l'appréciation faite par les premiers juges qui ont retenu que les montants empruntés auraient été remis aux escrocs par virement internationaux mais qu'ils auraient également servi à le faire vivre ainsi que sa famille (cf. jgt., consid. 2.2.1). L'appelant a soutenu lors des débats d'appel, que l'entretien de sa famille avait été assuré par les revenus perçus de ses activités immobilières dans la société W._ SA et que l'argent emprunté avait intégralement été envoyé en Afrique.
La Cour de céans relève une apparente contradiction dans les faits retenus par les premiers juges quant à l'utilisation des montants empruntés. Si dans un premier temps, ils ont indiqué que l'appelant aurait utilisé une partie des montants prêtés à l'entretien de sa famille (cf. jgt., consid. 2.2.1) ils ont, cependant, retenu plus loin que "l'argent soutiré à ses amis et connaissances n'a pas servi à reconstituer ses économies mais a presque entièrement été englouti dans des investissements en Afrique" (cf. jgt., consid. 3.2.1). Le moyen est fondé: en l'absence de preuve contraire et au bénéfice du doute, il convient de retenir que l'argent emprunté n'a pas servi à entretenir l'appelant et sa famille.
4.
4.1
L'appelant considère la peine infligée trop sévère. Il soutient que les premiers juges n'ont pas pris en considération le fait qu'il a été libéré de dix cas, représentant un montant total de 357'000 fr., dans la mesure où la peine infligée correspond à celle requise par le Ministère public, qui soutenait que sa culpabilité devait être reconnue pour l'ensemble des cas. L'appelant conteste également l’appréciation faite par les premiers juges, concernant le mépris qu'il aurait eu vis-à-vis de ses créanciers. Lors des débats d'appel, il a soutenu n'avoir jamais méprisé ses créanciers. Il a expliqué qu'il n’était pas en mesure de rembourser ces derniers, de sorte qu’un certain nombre d'entre eux s'étaient retournés vers son épouse, qui a une certaine fortune. Selon l'appelant, ses créanciers n’ont surtout pas supporté de constater qu'il continuait à travailler aux côtés de son épouse qui exploite un petit marché de fruits et légumes. Il a dès lors dû se retirer de l’essentiel de cette activité et il évite de se montrer en société.
4.2
Aux termes de l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier, ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge, qui n'est pas lié par les réquisitions du Ministère public. Le juge doit toutefois exposer quels éléments il a pris en compte pour fixer la peine, de manière à ce que l'on puisse vérifier que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens atténuant ou aggravant. Il ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1 et les réf. citées).
4.3
En l'espèce, les premiers juges ont retenu à charge de l'appelant l'importance des montants soutirés, soit plus de 400'000 fr., et le nombre impressionnant de ses victimes. Il a aussi été tenu compte du fait qu'il avait persisté dans son comportement délictueux durant plusieurs années, malgré des avertissements de la justice intervenus au début de l'année 2005 déjà quant à la nature frauduleuse de l'affaire d'or, ainsi que du fait qu'il ne semblait faire que peu de cas de ses victimes puisqu'il n'avait jamais proposé de leur rembourser le moindre centime, alors même qu'il vivait dans une villa, certes propriété de son épouse grâce à une donation de sa part, et qu'il profitait du chalet de vacances de cette dernière, le tribunal y voyant un signe de mépris de ses victimes.
4.3.1
L'appelant était renvoyé notamment pour vingt-huit cas d'escroquerie. S'il a effectivement été libéré dans onze cas, cela s'est fait au bénéfice du doute et en l'absence de plainte. Il n'en reste pas moins condamné dans dix-sept cas, pour un total de montants soutirés de plus de 410'000 francs. Dans ces circonstances, les premiers juges étaient fondés à considérer que la culpabilité de l'appelant était très lourde et que le nombre de dix-sept victimes était impressionnant. Cela ne paraît pas relever d'un abus de pouvoir d'appréciation au sens de l'art. 398 al. 3 CPP.
En revanche, les premiers juges ont abusé de leur pouvoir d'appréciation en retenant comme élément à charge le fait que l'appelant continue de vivre dans la villa familiale. On ne peut, en effet, lui reprocher de vivre avec son épouse.
4.3.2
Les premiers juges ont conclu qu'il n'y avait guère d'élément à décharge, retenant cependant que l'argent soutiré n'avait pas servi à reconstituer les économies de l'appelant, ainsi que les excuses formulées et son casier judiciaire vierge (cf. jgt., consid. 3.2.1). La Cour de céans retient en outre à décharge que l'appelant a été une victime à l'origine, avant de commettre les actes qu lui sont reprochés, que son comportement relevait de l'addiction, son épouse indiquant même aux débats de première instance que son époux "était une loque à l'époque" et qu'il était "comme possédé par un diable". Elle retient aussi que l'appelant n'est pas un escroc d'habitude et qu'il subit une certaine exclusion sociale. Enfin, l'écoulement du temps depuis les faits est un élément à décharge. Ces derniers éléments sont importants pour l'appréciation complète de la culpabilité de l'appelant. En omettant de les prendre en considération, les premiers juges n'ont pas suffisamment tenu compte des particularités du cas d'espèce, qui permettent de modérer le constat de culpabilité.
4.4
Au vu de ce qui précède, les premiers juges ont abusé de leur pouvoir d'appréciation en retenant à charge un élément sans pertinence et en omettant de prendre en considération des éléments d'appréciation à décharge pour fixer la peine. Le grief de l'appelant doit être admis. Afin de tenir compte de sa culpabilité, il convient en définitive de réduire la peine privative de liberté qui lui est infligée de
30 mois à 24 mois.
5.
Il convient de statuer sur la conclusion de l'appelant portant sur l'octroi du sursis complet et sur le délai d'épreuve dont doit être assortie la peine suspendue.
5.1
Aux termes de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
Aux termes de l'art. 44 al. 1 CP, si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans. Dans le cadre ainsi fixé par la loi, il en détermine la durée en fonction des circonstances du cas, en particulier selon la personnalité et le caractère du condamné, ainsi que du risque de récidive. Plus celui-ci est important, plus long doit être le délai d'épreuve et la pression qu'il exerce sur le condamné pour qu'il renonce à commettre de nouvelles infractions. La durée doit être déterminée de manière à offrir la plus grande probabilité que le condamné ne récidivera pas
(TF 6B_457/2010 du 8 septembre 2010, c. 2.1 et les références citées).
5.2
En l'espèce, l'appelant est âgé de 67 ans, il n'a pas de casier judiciaire et il a cessé ses investissements en Afrique depuis 2007. L'exécution d'une peine ferme ne paraît dès lors pas nécessaire pour le détourner d'autres crimes ou délits. Partant, l'octroi d'un sursis complet à la peine infligée se justifie. Par ailleurs, le délai d'épreuve fixé à deux ans par les premiers juges est maintenu.
6.
En définitive, l'appel doit être admis, ce qui entraîne la modification du jugement du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne aux chiffres II et III en ce sens que H._ est condamné à une peine privative de liberté de
24 (vingt-quatre) mois, entièrement assortie du sursis.
7.
Vu l'issue de la cause, les frais de procédure d'appel, arrêtés en application de l'art. 21 TFJP et comprenant l’indemnité allouée au défenseur d'office de l'appelant par
1'976 fr.40 (mille neuf cent septante-six francs et quarante centimes), TVA et débours compris
(cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP ; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP), sont laissés à la charge de l'Etat.
La Cour d’appel pénale
Vu les articles 2 al. 2, 33, 40, 42, 44, 47, 49 ch. 1, 50, 146 al. 1, 164 al. 1, 165 CP
et 398 ss CPP
prononce :
I.
L’appel est admis.
II.
Le jugement rendu le 6 mai 2011 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne est modifié comme il suit aux chiffres II et III, le dispositif du jugement étant désormais le suivant :
"I. Constate que H._ s'est rendu coupable d'escroquerie, de diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers et de gestion fautive;
II. Condamne H._ à une peine privative de liberté de
24 (vingt-quatre) mois;
III. Suspend l'exécution de la peine et fixe à H._ un délai d'épreuve de 2 (deux) ans;
IV. Dit que H._ est le débiteur de N._ et lui doit immédiat paiement du montant de 18'818 fr. 60 (dix-huit mille huit cent dix-huit francs et soixante centimes) plus intérêts à 5% l'an dès le
14 décembre 2006 sous déduction de 393 fr. 10 (trois cent nonante-trois francs et dix centimes);
V. Dit que H._ est le débiteur de L._ et lui doit immédiat paiement du montant de 19'000 fr. (dix-neuf mille francs) plus intérêts à 5% l'an dès le 29 juillet 2005 sur 15'000 fr. et dès le
22 novembre 2005 sur 4'000 fr. sous déduction de 426 fr. 70 (quatre cent vingt-six francs et septante centimes);
VI. Dit que H._ est le débiteur de F._ et lui doit immédiat paiement du montant de 17'000 fr. (dix-sept mille francs) plus intérêts à 5% l'an dès le 27 décembre 2005;
VII. Dit que H._ est le débiteur de C._ et lui doit immédiat paiement du montant de 28'563 fr. 80 (vingt huit mille cinq cent soixante-trois francs et huitante centimes), valeur échue;
VIII. Dit que H._ est le débiteur de P._ et lui doit immédiat paiement du montant de 36'000 fr. (trente-six mille francs) plus intérêts à 5% l'an dès le 20 janvier 2006 sous déduction de
790 fr. 80 (sept cent nonante francs et huitante centimes);
IX. Dit que H._ est le débiteur de N._, L._ et P._, solidairement entre eux, et leur doit immédiat paiement d'une indemnité au sens de l'art. 433 CPP de 17'000 fr. (dix sept mille francs), valeur échue;
X. Dit que H._ est le débiteur de A.G._ et B.G._, solidairement entre eux, et leur doit immédiat paiement du montant de 8'000 fr. (huit mille francs), valeur échue;
XI. Dit que H._ est le débiteur de M._ et lui doit immédiat paiement du montant de 17'868 fr. (dix sept mille huit cent soixante-huit francs), valeur échue;
XII. Dit que H._ est le débiteur de A.E._ et B.E._ et leur doit immédiat paiement du montant de 20'825 fr. (vingt mille huit cent vingt-cinq francs), valeur échue;
XIII. Dit que H._ est le débiteur de Z._ et lui doit immédiat paiement du montant de 25'021 fr. 15 (vingt cinq mille vingt-et-un francs et quinze centimes), valeur échue;
XIV. Dit que H._ est le débiteur de Z._ et lui doit immédiat paiement d'une indemnité au sens de l'art. 433 CPP de 5'250 fr. (cinq mille deux cent cinquante francs), valeur échue;
XV. Dit que H._ est le débiteur de T._ et lui doit immédiat paiement du montant de 28'500 fr. (vingt huit mille cinq cent francs), valeur échue;
XVI. Dit que H._ est le débiteur de R._ et lui doit immédiat paiement du montant de 10'000 fr. (dix mille francs), valeur échue;
XVII. à XXI. inchangés;
XXII. Met une partie des frais de la cause, par 17'661 fr. 60, y compris l'indemnité allouée à son défenseur d'office, arrêtée à 11'901 fr. 60, TVA comprise, à la charge de H._;
XXIII. Inchangé ;
XXIV. Dit que le remboursement à l'Etat des indemnités allouées aux chiffres XXII et XXIII ci-dessus sera exigible pour autant que la situation économique respective de H._ et D._ se soit améliorée."
III.
Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 1'976 fr.40 (mille neuf cent septante-six francs et quarante centimes), TVA et débours compris, est allouée à Me Christian Bacon
.
IV.
Les frais de la procédure d'appel, y compris l'indemnité allouée à
Me Christian Bacon, sont laissés à la charge de l’Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
708f449b-42cf-42f5-9f15-1fa909674a91 | En fait :
A.
Par jugement du 8 juin 2012, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté qu'A.G._ s'est rendu coupable de tentative de contrainte et de violation grave de règles de la circulation (I), l'a condamné à une peine pécuniaire de 150 jours-amende, la valeur du jour-amende étant fixée à 100 fr. (II), a renvoyé Z._ à agir civilement (III), a alloué à Me Youri Widmer, défenseur d'office d'A.G._, une indemnité de 3'371 fr. 75, débours et TVA compris (IV) et a mis les frais de la cause par 7'277 fr. 85 à la charge d'A.G._ (V).
B.
Le 22 juin 2012, A.G._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 5 juillet 2012, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à la modification du jugement attaqué principalement en ce sens qu’il est libéré des chefs d’accusation de tentative de contrainte et de violation grave de règles de la circulation et subsidiairement, en ce sens que la peine soit assortie du sursis.
Le 9 juillet 2012, le Ministère public a indiqué qu'il renonçait à déposer un appel joint et qu'il s'en remettait à justice quant à la recevabilité de l'appel. Dans ses déterminations du 27 août 2012, il a conclu au rejet de l'appel, aux frais de son auteur, par adoption des motifs du tribunal de première instance.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu A.G._, né en 1957, est titulaire d'un doctorat en économie obtenu auprès d'une université américaine. Après quelques années de carrière à l'étranger, il est revenu en Suisse à la fin des années 1990 pour distribuer les produits de la société [...] par le biais de la société [...]. En outre, depuis quatre ans et demi, il exerce l'activité de distributeur européen des produits d'une société allemande spécialisée dans la fabrication de produits de revêtements de surfaces industrielles. Il occupe un bureau à Genève pour son activité commerciale. Il soutient par ailleurs être domicilié à Londres, où il disposerait d'un appartement au centre de la ville, logement dont une pièce lui sert de bureau. Bien que son domicile fiscal soit à Londres, il ne paierait pas d'impôts au fisc britannique, faute de revenu imposable (jugement, pages 28 et 29).
Ses revenus consistent en une commission de 12 % sur les ventes qu'il réalise personnellement et de 2 % sur celles réalisées par ses collaborateurs. L'ensemble de ces commissions lui rapporterait, selon lui, un revenu annuel brut compris entre 60'000 et 80'000 fr., dont il convient toutefois de déduire les charges professionnelles. Il bénéficierait également d'une aide financière de sa mère.
Marié depuis 1985, le prévenu est père de trois garçons, nés en 1990, 1992 et 2000, lesquels sont entièrement à sa charge, ne percevant pas d'aides publiques. Son épouse A.G._ et ses enfants vivent dans une villa sise dans le canton de Berne. Le loyer mensuel de cet immeuble est de 2'500 francs. Domiciliée à Pratteln, B.G._ percevrait un salaire mensuel de 1'500 fr. directement d'une société [...] en rémunération de divers travaux administratifs.
Le casier judiciaire du prévenu comporte une inscription, relative à une condamnation à une peine de 30 jours d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans et à une peine d'amende de 4'000 fr., prononcées le 10 octobre 2006 par le Tribunal cantonal du canton de Berne pour violations graves des règles de la circulation, les infraction ayant été commises le 24 juillet 2003 et le 22 décembre 2004.
Son fichier ADMAS mentionne trois mesures de retrait de permis à son encontre, à savoir : d'un mois dès le 5 août 2007 pour un excès de vitesse de 34 km/h sur autoroute commis le 3 décembre 2003; d'un mois dès le 15 janvier 2008 pour un dépassement par la droite sur autoroute avec excès de vitesse de 51 km/h commis le 22 décembre 2004; de quatre mois dès le 25 mai 2009 pour une perte de maîtrise en effectuant un dépassement le 30 mars 2008.
Le prévenu fait l'objet de diverses poursuites en Suisse, dont une introduite par une société P._, pour un montant de 118'053 fr. 50 issu de la conversion d'une somme en euros, dont il sera question ci-dessous. Pour le reste, il dit ignorer le montant de ses poursuites en Suisse (jugement, p. 9).
1.2.1 Par jugement rendu le 12 mars 2002, le Tribunal de grande instance de Paris a condamné A.G._, son épouse et la société [...] à verser, solidairement entre eux, les sommes de 30'490 euros, 35'000 euros, 11'400 euros et 4'574 euros à P._ (P. 7/2). Ce jugement a été confirmé par arrêt rendu le 28 janvier 2004 par la Cour d'appel de Paris (P. 7/3bis). Il est exécutoire nonobstant l'appel dont il a été frappé, le tribunal de grande instance en ayant prononcé l'exécution provisoire "en raison de la nature de l'affaire" (jugement, p. 12, 6
e
par.). Se fondant sur ce titre de créance, P._ a, le 29 mai 2002, introduit une poursuite en paiement de 118'053 fr. 50, avec intérêts à 5 % l'an dès le 30 avril 2002 et accessoires, contre chacun des époux A.G._ en leur qualité de débiteurs solidaires. Chacun des commandements de payer, notifié par l'Office de poursuites de [...], a été frappé d'opposition totale (annexes non numérotées à la P. 77). Les poursuites mentionnaient le cours de change de la devise européenne au 27 mai 2002, sachant que la somme réclamée en francs procédait d'une conversion d'une créance libellée à l'origine en euros.
L'audience de mainlevée du Président du Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a été fixée au 12 novembre 2002. Notamment dans la perspective de cette audience, les époux ont mandaté l'avocat Z._ pour les y représenter. Durant cette audience, les poursuivis, comparaissant personnellement, ont, par leur mandataire, expressément autorisé la poursuivante a établir le cours de conversion de l'euro par rapport au franc par une pièce à verser au dossier ultérieurement (P. 7/16 et 7/17), ce qui fut fait le 28 novembre 2002 par la production d'une attestation bancaire portant sur le taux de change des deux devises en cause au jour de la réquisition de poursuite. Les poursuivis ont admis la production tardive de la pièce par la poursuivante en étant informés des conséquences du procédé.
Par décision du 29 novembre 2002, dont les motifs ont été notifiés le 9 janvier 2003, le Président du Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, statuant sur la base du taux de change établi par la pièce du 28 novembre 2002, a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par les époux A.G._ à concurrence des montants suivants : 44'649 fr. 55 avec intérêt à 5 % l'an dès le 30 avril 2002; 51'254 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 30 avril 2002 et 6'698 fr. 16 avec intérêt à 5 % l'an dès le 12 juin 2002 (P. 7/4). Cette décision a été confirmée par arrêt du 22 mai 2003 de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal (P. 7/5; CPF 2003/178), puis par arrêt du 23 janvier 2004 du Tribunal fédéral (P. 7/6). La procédure suivie à l'encontre de B.G._ a été similaire.
Par fax du 26 octobre 2003, puis par lettre du 6 novembre suivant, le prévenu et son épouse ont protesté auprès de Z._, lui reprochant de ne pas avoir soulevé le moyen de nullité qui était à sa portée lors de l'audience du 12 novembre 2002 (P. 74 et 74/1). Ils invoquaient la responsabilité professionnelle de leur ex-mandataire. Les époux relevaient en particulier ce qui suit dans leur fax :
"(...) Nous venons de lire en détail la décision du Tribunal cantonal.
Avec beaucoup d'étonnement nous avons dû apprendre, que la procédure aurait pu été frappé de nullité, si nous aurions soulevé une informalité – l'attestation bancaire a été remis ne pas à l'audience mais après, donc tardive.
Cela nous a choqué, car nous aurions – avec cette faute – pu stopper la procédure, malheureusement nous avons perdu cette opportunité (...).".
Dans leur lettre du 6 novembre 2003, ils relevaient ce qui suit :
"(...) nous restons perplexes, que malgré notre information du 26.10.2003 de nous avoir rendu compte, que vous auriez pu attaquer la décision de 1
ère
instance (...) par la voie du recours en nullité, vous n'avez pas réagit à notre remarque, extrêmement lourde de conséquence ! (...)
Selon nos informations, nous devrions donc revenir sur votre responsabilité professionnelle, et nous informons de ce qui suit :
Comme expliqué dans la motivation du Tribunal cantonal (page 7, alinéa b), vous auriez du attaquer la décision d'Yverdon par la voie du recours en nullité.
Puisque vous l'avez omis, les conséquences suivantes nous sont incombés :
1 Frais de procédure élevés
2 Votre facture élevé pour la 2
ème
instance
3 condamnation pour le paiement de la somme de FS 113 563,55 + intérêts (mainlevée de l'opposition) (...) ".
Z._ n'a donné suite à aucune de ces missives. Il ressort d'une lettre adressée le 30 janvier 2004 par l'avocate de la partie poursuivante en réponse à une interpellation du conseil des époux A.G._ du 26 janvier précédent (P. 7/16) que P._ aurait de toute manière introduit une nouvelle poursuite fondée sur le même titre de créance et accompagnée de l'attestation bancaire qui manquait si la mainlevée lui avait été refusée motif déduit de la production tardive de l'attestation de cours de change (P. 7/17).
1.2.2 Le 4 octobre 2004, le prévenu a repris contact avec Z._ aux fins de lui donner mandat de le représenter dans la procédure pénale ouverte par suite d'une plainte déposée contre lui par P._. Le 7 octobre 2004, il a ordonné le versement d'une somme de 4'000 fr. au crédit de l'avocat. Ce montant a été débité du compte bancaire d'[...] dont les époux A.G._ étaient les administrateurs avec signature individuelle. Le motif du versement était libellé comme il suit : "facture A.G._". Par courrier du 11 octobre 2004 à l'adresse personnelle du prévenu, l'avocat a accepté le mandat qui lui était confié pour l'affaire pénale; il précisait qu'il agirait comme avocat de choix. Accusant réception du versement de 4'000 fr. effectué le 7 octobre 2004, il ajoutait que cette somme était portée en compte au titre de couverture partielle des honoraires demeurés en suspens dans l'affaire civile ayant opposé les époux à P._ et que le solde encore dû s'élevait à 7'380 fr. 50. Il mentionnait enfin que ses honoraires seraient pris en charge par [...], dont les intérêts étaient également touchés par la procédure pénale (P. 77). Dans le même courrier, il écrivait en particulier ce qui suit :
"(...) Aussi, je compte sur votre diligence afin que les honoraires en suspens ne soient plus qu'un lointain et mauvais souvenir.
Je saisis l'occasion de l'envoi de la présente pour vous dire à quel point je me réjouis que nous ayons rétabli le dialogue et surtout que vous me témoignez la confiance que vous m'aviez accordée à l'époque déjà. Je crois qu'il est essentiel que chacun soit ouvert l'un à l'autre afin que le dialogue puisse être maintenu et qu'un trait puisse être tiré sur le passé pour, ensemble, remettre de l'ordre dans les situations et vous mettre surtout vous et votre famille à l'abri de tout inconvénient pour le futur. (...)".
Le 7 décembre 2004, le prévenu a encore payé 1'473 fr. 55 à son avocat. Il exposait ce qui suit :
"(...) ci-jointe la copie de notre débit de votre facture, pour que vous voyez qu'elle a été payé . (...). Si vous vous faites des soucis pour le paiement, je suis prêt à vous verser un acompte de 2000 demain matin. Suffit de me le dire. J'espère que vous m'assistez, vous êtes plus que mon Avocat, et j'ai besoin de vous. (...)" (annexe non numérotée à la P. 77).
Le 17 mars 2005, puis le 30 juin suivant, l'avocat a adressé au prévenu deux rappels portant sur le solde de ses honoraires et frais échus du 1
er
mai 2004 au 30 juin 2005, en vain. Le dernier rappel a été renvoyé à son expéditeur. Le 27 septembre 2005, l'avocat a alors écrit au prévenu, à l'adresse d'[...] cette fois, pour exiger le paiement du solde de ses honoraires au pénal, par 2'074 fr. 30, et une offre concrète de versement pour solde de tout compte dans l'affaire civile concernant le prévenu et son épouse (P. 76/1). Le délai de réponse imparti était de 15 jours.
Par fax du 28 septembre 2005, le prévenu a notamment rétorqué à Z._ qu'il comptait demander "le remboursement des frais (le) concernant, mais aussi les intérêts et les frais des tribunaux, pour la 2
ème
instance ainsi que devant le Tribunal fédéral", lui reprochant ainsi à nouveau de ne pas avoir soulevé le moyen de nullité déduit de la production tardive de la pièce dans la procédure de mainlevée (P. 74/2).
Le 25 octobre 2005, le prévenu a adressé à l'Office des poursuites de l'arrondissement de Lausanne-Est deux réquisitions de poursuite à l'encontre de Z._ pour un montant de 250'000 francs. Il se prévalait du titre de créance suivant : "Dommage + intérêts procès P._ Tribunal Cantonal". La première réquisition de poursuite a été envoyée au domicile privé de l'avocat. La seconde mentionnait son domicile professionnel lausannois. Elle a été rejetée et retournée à son auteur par avis de rejet de réquisition du 28 octobre suivant, motif pris de l'incompétence de l'office à raison du lieu. Le requérant était invité à saisir l'office des poursuites du for du domicile privé de Z._ (annexe non numérotée à la P. 77), à [...]. L'Office des poursuites de Lausanne-Est a étayé sa position par lettre du 9 novembre 2005 (annexe non numérotée à la P. 77). Le prévenu soutient avoir adressé trois réquisitions de poursuite, la première au for de l'adresse professionnelle du poursuivi à Genève, la deuxième au for de son adresse professionnelle de Lausanne et la troisième au for de son adresse privée. La première des réquisitions alléguées ne figure pas au dossier.
Entre-temps, soit le 18 octobre 2005, l'avocat avait entrepris d'obtenir le paiement du solde de ses honoraires en mandatant un agent d'affaires breveté (P. 70). Ce dernier a écrit aux débiteurs pour obtenir versement de la somme de 2'427 fr. 30 au titre de solde de la facture afférente à l'affaire pénale et de 7'380 fr. 50 au titre de solde de la facture relative à l'affaire civile (P. 36 et 70/1). Il leur a fait notifier à chacun un commandement de payer portant, en principal, sur un montant de 7'380 fr. 50 en invoquant comme titre de la créance : "solde redû sur diverses factures selon lettre du 11 octobre 2004". Les deux commandements de payer ont été notifiés à B.G._ le 8 novembre 2005 (P. 7/10 et 7/11).
Le 10 novembre 2005, l'Office des poursuites et faillites de [...] a notifié à Z._, à son domicile privé, le commandement de payer (n° 470'652) la somme de 250'000 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 22 mai 2003. Il s'agit de la poursuite initiée par réquisition du 265 octobre 2005. Elle a été frappée d'opposition totale. Le poursuivant n'a pas produit les pièces justificatives requises en application de l'art. 73 LP, pas plus qu'il n'a requis la mainlevée de l'opposition, ni ouvert action en reconnaissance de dette. Il n'a pas davantage démontré, durant la procédure, avoir saisi les organes professionnels de surveillance, ce qu'il a pourtant annoncé avoir fait.
Z._ a déposé plainte et s'est constitué partie civile le 9 février 2006.
Par demande du 17 août 2006, il a ouvert action contre le prévenu en constatation de l'inexistence de la créance de 250'000 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 22 mai 2003 faisant l'objet de la poursuite n° 470'652 de l'Office des poursuites et faillites de [...] notifiée le 10 novembre 2005. Le défendeur a fait défaut à l'audience civile. A.G._ est prévenu de tentative de contrainte à raison des faits ci-dessus.
1.2.3 A l'audience du Tribunal correctionnel, à laquelle il comparaissait avec l'assistance d'un interprète français-allemand, le prévenu a tenté de faire valoir qu'il croyait que c'était du fait de la prétendue renonciation de son mandataire à soulever le moyen de nullité déjà mentionné durant la procédure de mainlevée qu'il était tenu à devoir deux fois le montant de 116'000 fr., soit 125'000 fr. y compris les intérêts échus à 5 % l'an, à P._, raison pour laquelle il a réclamé 250'000 fr. à son avocat. Interpellé par la présidente, il a relevé ne pas avoir compris que son épouse et lui n'étaient que débiteurs solidaires de l'obligation, la somme allouée par les juges français n'étant due qu'une seule fois (jugement, p. 9).
1.3 Le samedi 14 février 2006, vers 16 h 35, le prévenu circulait au volant d'un véhicule
Porsche Cayenne Turbo
sur l'autoroute A1 entre Kirchberg et Luterbach (SO). Il a alors rattrapé un autre usager et, sur un tronçon de 711 mètres, a suivi cette voiture à une distance comprise entre 15 et 20 mètres et à une vitesse moyenne de 117 km/heure. Interpellé peu après par une patrouille de police bernoise, le prévenu n'a pas matériellement contesté les faits. Sans nier avoir été au volant de la voiture qu'il occupait, il a fait valoir qu'il avait eu l'impression de suivre à une distance de 30 à 40 mètres l'automobile qui le précédait. Il a toutefois soutenu qu'il était diplomate, se réservant de développer ce moyen devant ses juges (rapport de la police cantonale bernoise avec dénonciation sous P. 4). L'action pénale a été ouverte par décision du 11 janvier 2008 du Ministère public soleurois (annexe non numérotée à la P. 4).
L'enregistrement vidéo du tronçon en question au moment des faits révèle que le trafic était alors relativement dense et comportait également des poids-lourds; les conditions météorologiques étaient favorables. Il en ressort que le prévenu a d'abord rattrapé le véhicule qui le précédait en circulant sur la voie de dépassement à une vitesse légèrement inférieure à 120 km/h; il l'a ensuite talonné jusqu'à obtenir de son conducteur qu'il se rabatte sur la droite (P. 35).
Le véhicule était immatriculé à la raison sociale d'[...] (PV 1, p. 7 in initio). A l'audience de première instance, le prévenu a dit ne plus se souvenir du nombre de mesures de retrait prononcées à son égard, pas plus qu'il ne s'en remémorait les motifs, ni qu'il avait excipé d'un statut diplomatique, cette dernière mention étant toutefois "possible" (jugement, pages 27 et 28). Il a en outre tenu les propos suivants en relation avec les faits en question :
"(...) lorsque le policier m'a arrêté et reproché une distance insuffisante, je lui ai expliqué que sur les cents précédents kilomètres, alors que je respectais la distance de sécurité, j'ai été souvent dépassé par la droite à tel point que j'ai instauré un jeu avec les enfants consistant à parier sur un dépassement par la droite. Nous avons ainsi compté entre vingt et trente dépassements par la droite. J'en suis arrivé au constat qu'il était préférable que je diminue la distance pour éviter les dépassements par la droite. Je l'ai expliqué au policier. Je lui ai dit que j'en avais assez. (...)" (jugement, p. 27).
1.4 Le prévenu a également été renvoyé pour répondre des infractions de fraude dans la saisie et de gestion déloyale qualifiée. Les débats ont été ajournés avec disjonction de causes en application de l'art. 339 al. 5 CPP pour ce qui de ces chefs d'accusation, le dossier devant être complété et des preuves complémentaires administrées à cet égard (jugement, pages 23 à 25).
2.1 Appréciant les faits exposés sous chiffre 1.2 ci-dessus, le tribunal correctionnel a retenu que le prévenu n'avait pas de créance contre Z._ et qu'il avait engagé la poursuite sans fondement. Il a considéré en particulier, d'une part, que le renouvellement de son mandat à l'avocat en octobre 2004 démontrait que le prévenu avait compris, si ce n'est savait, qu'il ne pouvait faire valoir de prétentions à l'égard de son mandataire en relation avec le moyen de nullité qui aurait pu être tiré du défaut de production du taux de conversion monétaire dans la procédure de mainlevée; d'autre part, il a estimé que le prévenu n'avait pas requis la mainlevée de l'opposition du poursuivi, pas plus qu'il n'avait ouvert action en reconnaissance de dette, ni réagi à l'action civile introduite par Z._ contre lui en constatation de l'inexistence d'une créance. Devant s'attendre à faire l'objet d'une poursuite de l'avocat, il a ainsi, toujours de l'avis des premiers juges, en toute connaissance de cause décidé de faire subir, sans fondement aucun, à Z._ les inconvénients que provoque ce genre de procédure en termes de crédibilité économique et professionnelle. Il s'agit d'un préjudice significatif d'une façon générale et encore plus particulièrement pour un avocat, ce qu'il ne pouvait ignorer compte tenu de sa propre expérience professionnelle. Le caractère illicite de son procédé ne pouvait donc lui échapper.
Qualifiant les faits en question, le tribunal correctionnel a retenu que le prévenu s'était rendu coupable de tentative de contrainte.
2.2 Appréciant les faits exposés sous chiffre 1.3 ci-dessus, le tribunal correctionnel a retenu que le prévenu a suivi le véhicule qui le précédait à une distance inférieure à la distance de sécurité usuellement préconisée sous l'angle des art. 34 al. 4 LCR et 12 al. 1 OCR, laquelle correspond à la moitié, transposée en mètres, de la vitesse adoptée. Les premiers juges ont estimé que le comportement incriminé avait créé un sérieux danger pour la sécurité d'autrui, respectivement avait suscité le risque d'un tel danger. Ils ont tenu pour avéré à cet égard qu'il ne pouvait être exclu qu'un véhicule déboîte de la droite devant la voiture précédant le prévenu, obligeant son conducteur à freiner sans que le prévenu ne puisse anticiper cette manœuvre; or, en raison, d'une part, de la courte distance séparant les deux véhicules et, d'autre part, de la vitesse adoptée, le prévenu n'aurait alors pas été en mesure d'éviter une collision, qui plus est avec le risque accru d'une collision en chaîne.
Qualifiant les faits en question, le tribunal correctionnel a retenu que le prévenu s'était rendu coupable de violation grave des règles de la circulation.
3. Quant à la culpabilité du prévenu, le tribunal correctionnel a d'abord appliqué le nouveau droit au titre de la
lex mitior
, s'agissant de normes plus favorables à l'intéressé pour ce qui est de faits antérieurs au 1
er
janvier 2007. Pour ce qui est des actes perpétrés au préjudice de Z._, les premiers juges ont estimé que l'attitude du prévenu était empreinte de cynisme et de perfidie et qu'il n'avait pas seulement voulu porter atteinte au crédit de son avocat, mais encore empêcher son mandataire de recouvrer ses propres créances. Pour ce qui est des infractions à la LCR, la cour a retenu à charge qu'elles avaient été commises alors que le prévenu était en attente de jugement devant les autorités bernoises à raison d'infractions à la même loi commises les 24 juillet 2003 et 22 décembre 2004. Les premiers juges ont relevé que le prévenu ne faisait preuve d'aucune considération pour autrui lorsqu'il était au volant de sa voiture.
A décharge, il a été relevé que le prévenu n'avait plus occupé les autorités judiciaires depuis 2006 et que l'infraction de tentative de contrainte était proche de la prescription.
La quotité du jour-amende a été fixée par le tribunal correctionnel sur la base du train de vie de l'intéressé, celui-ci démontrant à l'envi que ses revenus sont bien supérieurs aux 60'000 fr. à 80'000 bruts de commissions qu'il prétend réaliser. Il a été rappelé à cet égard que ses revenus effectifs lui permettent de financer la location d'un appartement en plein centre de Londres, d'un bureau à Genève et d'une villa au loyer mensuel de 2'500 fr., sans compter l'entretien de sa famille sans recours à des aides publiques.
Pour ce qui est du sursis, le pronostic a été tenu pour défavorable. Quant à l'infraction de tentative de contrainte, on se trouve en effet face à un déni complet du prévenu, qui persiste à ne pas prendre conscience de l'inanité de ses prétentions envers sa victime. Pour ce qui est des infractions à la LCR, les précédentes procédures pénales et administratives n'ont eu aucun effet sur l'intéressé, qui ne se souvient pas même de la totalité des mesures de retrait de permis prononcées à son égard. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délai légaux (art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
3.1
L'appelant fait valoir que la chronologie des faits exposée par les premiers juges est fausse. Il soutient avoir déposé des réquisitions de poursuites à l'encontre de l'intimé Z._
avant
que celui-ci ne lui fasse notifier un commandement de payer. Partant, il serait impossible qu’il ait voulu faire pression sur l'intimé, de sorte qu'il ne saurait être question de contrainte. En outre, il dit avoir toujours considéré que son mandataire avait commis une faute professionnelle à son préjudice et à celui de son épouse en omettant de soulever le moyen de nullité dont il disposait à l'audience de mainlevée.
3.2
Se rend coupable de contrainte au sens de l'art. 181 CP, celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte. La tentative est réprimée par l'art. 22 CP.
La menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 c. 2b; ATF 106 IV 125 c. 2a) ni que l'auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 105 IV 120 c. 2a).
Il peut également y avoir contrainte lorsque l'auteur entrave sa victime "de quelque autre manière" dans sa liberté d'action; cette formule générale doit être interprétée de manière restrictive; n'importe quelle pression de peu d'importance ne suffit pas; il faut que le moyen de contrainte utilisé soit, comme pour la violence ou la menace d'un dommage sérieux, propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action; il s'agit donc de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF 119 IV 301 c. 2a et les références).
Selon la jurisprudence, la contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite (ATF 120 IV 17 c. 2a et les arrêts cités). Tel est notamment le cas lorsqu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux moeurs (ATF 120 IV 17 c. 2a/bb; ATF 119 IV 301 c. 2b et les arrêts cités). Il en va ainsi en particulier de réquisitions de poursuite portant sur des montants de 200'000 fr. signées en vue de faire adresser des commandements de payer à des personnes appelées à déposer comme témoin (Favre, Pellet et Stoudmann, Code pénal annoté, 3
ème
éd., Lausanne 2007, n. 1.17 ad art. 181 CP, p. 499
in initio
).
3.3
L’argument de l'appelant selon lequel ses réquisitions de poursuite, du 25 octobre 2005, notamment celle déposée au for du domicile privé de l'avocat et à l'origine de la poursuite, sont antérieures à celle de l'intimé est fondé. L'état de fait ci-dessus a été précisé en ce sens. Ainsi, sa réquisition valide n’est pas réactive au commandement de payer que l'intimé lui avait fait notifier, ainsi qu'à son épouse.
L'appelant savait pertinemment que l'intimée n'avait pas renoncé au recouvrement de ses honoraires le 11 octobre 2004 lorsqu'il a accepté d'être à nouveau son conseil. Me Z._ a réclamé le solde de ses honoraires pour la procédure civile le 30 juin 2005; il lui a adressé une note pour ses activités du 1
er
mai 2004 au 30 juin 2005 le 27 septembre 2005; il lui a réclamé le solde de sa facture au pénal. Ainsi, même si l'appelant ignorait que son avocat avait consulté un agent d'affaires pour intenter des poursuites contre lui, le commandement de payer qu'il lui a fait notifier est à l'évidence réactif aux réclamations de son conseil en paiement de ses arriérés d'honoraires.
L’appelant fait valoir qu’il s’est expliqué quant à la somme de 250'000 fr. figurant sur le commandement de payer notifié à l'intimé (jugement, p 9) et qu’il a toujours été persuadé de l’existence d’une faute professionnelle de son mandataire. Son explication consistant à dire qu’il avait compris, à tort, que sa femme et lui devaient payer deux fois 116'000 fr. en capital, intérêts échus non compris, n’est pas crédible au vu de son expérience des affaires, s'agissant de surcroît d'un professionnel de formation universitaire. Surtout, l'ignorance alléguée de la notion même de dette solidaire est contredite par la lettre de l'appelant et de son épouse du 6 novembre 2003, dans laquelle ils reprochent à l'intimé d’avoir été condamnés au paiement de la seule somme de 113'563 fr. 55. Outre le préjudice pécuniaire lié à la condamnation au civil, les auteurs de la lettre prétendent certes avoir eu d’autres frais et subi des conséquences morales liées aux erreurs imputées à l'intimé, mais ne mentionnent pas d'autre dette en principal.
L'appelant persiste à prétendre qu’il était persuadé que l'intimé avait commis une faute professionnelle dans la procédure de poursuite. Statuant sur le recours interjeté par l'appelant et son épouse contre le prononcé de mainlevée, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal a, dans son arrêt déjà mentionné, considéré que la production, par la poursuivante, de l'attestation bancaire relative au cours de l'euro, intervenue après l'audience de première instance, était tardive. Cela constituait une informalité susceptible d'être attaquée par la voie du recours en nullité. Les poursuivis n'ont toutefois pas soulevé ce grief, ni pris de conclusion en nullité. Or, l'autorité de recours n'entre en matière que sur les moyens de nullité invoqués et ne saurait retenir d'office des irrégularités non invoquées (Poudret, Haldy et Tappy, Procédure civile vaudoise, Code annoté, n. 2 ad art. 465 al. 3). On doit dès lors considérer que l'irrégularité en cause est couverte par les actes subséquents de la recourante (CPF 22 mai 2003/178).
Il est vrai que le prévenu a, en octobre, novembre 2003, demandé des explications à son conseil, faisant mine d'avoir oublié son acquiescement donné à l'audience de mainlevée. Il ressort toutefois des correspondances d’octobre et décembre 2004 (P. 77) qu’un lien de confiance existait alors entre le prévenu et son conseil. Le prévenu l'a consulté à nouveau et lui a prodigué des marques de confiance, voire d’affection, qui démontrent que les doutes qu’il avait eus sur la bonne exécution du mandat étaient dissipés. A ceci s'ajoute qu'il est inconcevable qu'un homme rompu aux affaires ignore qu'un créancier au bénéfice d'un jugement exécutoire peut interjeter une nouvelle poursuite fondée sur le même titre de créance, notamment dans l'hypothèse où sa première poursuite a été rejetée pour des motifs formels. Le prévenu savait que le juge de la mainlevée n'avait pas à se prononcer sur la créance en droit matériel. Il ne peut ainsi prétendre qu’il était convaincu, en octobre 2005, que l'intimé avait commis une faute professionnelle et que la somme de 250'000 fr. était due en réparation de cet acte prétendu civilement illicite.
Cela étant, il soutient que, s’il n’a pas continué la poursuite, c’est qu’il n’est pas familier des procédures et n’en avait pas les moyens financiers. Compte tenu de son expérience professionnelle et de son train de vie, ces explications ne sont pas crédibles.
Ainsi, dans le cadre d’un litige sur le montant de solde de notes d’honoraires, le prévenu a fait notifier un commandement de payer pour une somme élevée en sachant qu’elle n’était pas due. Il est évident que cette poursuite était de nature à porter atteinte au crédit professionnel de l'intimé, vu la publicité du registre des poursuites (art. 8a al. 1 et 2 LP). Ce procédé avait pour but de dissuader l'intimé de réclamer les quelques milliers de francs impayés tout en portant ainsi atteinte a son crédit professionnel. Le fait que l’appelant n’a pas requis la mainlevée de l’opposition de l'intimé, qu’il n’a pas agi en reconnaissance de dette, ni réagi à l’action civile introduite par celui-ci en constatation de l’inexistence de la créance de 250'000 fr., sont autant d’éléments, certes postérieurs aux réquisitions de poursuite, qui attestent
a posteriori
de la volonté de l'auteur de nuire à l'intimé.
Il y a donc eu tentative de contrainte au sens des art. 22 al. 1 et 181 CP.
4.
4.1
Pour ce qui est des faits survenus le 14 février 2006, l'appelant fait valoir qu'il n'a pas causé de mise en danger abstraite accrue des usagers de la route et qu'aucun des véhicules vus dans l'enregistrement vidéo ne respectait les distances de sécurité, eu égard à la densité du trafic.
4.2
L'infraction réprimée par l’art. 90 ch. 2 LCR est objectivement réalisée lorsque l'auteur viole de façon grossière une règle fondamentale de la circulation et met ainsi sérieusement en danger la sécurité d'autrui. Une mise en danger abstraite accrue suffit. Sur le plan de la faute, l'infraction suppose un comportement sans scrupule ou gravement contraire aux règles de la circulation. Cette condition est toujours réalisée si l'auteur est conscient du danger que représente sa manière de conduire, mais peut aussi l'être s'il ne tient absolument pas compte du fait qu'il met autrui en danger.
Subjectivement, l'application de l'art. 90 ch. 2 LCR exige, en cas d'acte commis par négligence, à tout le moins une négligence grossière. Celle-ci doit être admise lorsque le conducteur est conscient du caractère généralement dangereux de son comportement contraire aux règles de la circulation. Mais une négligence grossière peut également exister lorsque, contrairement à ses devoirs, l'auteur ne prend absolument pas en compte le fait qu'il met en danger les autres usagers, en d'autres termes s'il se rend coupable d'une négligence inconsciente. Dans de tels cas, une négligence grossière ne peut être admise que si l'absence de prise de conscience du danger créé pour autrui repose elle-même sur une absence de scrupules. Est notamment sans scrupules le comportement qui ne tient absolument pas compte des biens juridiques d'autrui. Il peut également en aller ainsi en cas de simple ignorance (momentanée) de la mise en danger des intérêts d'autrui (ATF 131 IV 133 c. 3.2 p. 136).
4.3
L'appelant a suivi le véhicule le précédant sur une distance comprise entre 15 et 20 mètres, sur une distance de 711 m et à une allure de 117 km/heure. Comme l'ont relevé les premiers juges, il ne pouvait être exclu qu'un véhicule déboîte de la droite devant la voiture précédant le prévenu, obligeant son conducteur à freiner sans que le prévenu ne puisse anticiper cette manœuvre; or, en raison, d'une part, de la courte distance séparant les deux véhicules et, d'autre part, de la vitesse adoptée, le prévenu n'aurait alors pas été en mesure d'éviter une collision, qui plus est avec le risque accru d'une collision en chaîne. Ce comportement occasionne ainsi une mise en danger abstraite accrue au préjudice d'un nombre indéterminé d'usagers, risque auquel la distance de sécurité imposée par l'art. 12 al. 1 OCR tend précisément à parer en précisant la portée de l'art. 34 al. 4 LCR. Il s'ensuit que, ce faisant, l'appelant a manifestement violé les art. 34 al. 4 LCR et 12 al. 1 OCR. Le comportement doit ainsi être qualifié de violation grave des règles de la circulation routière selon l'art. 90 ch. 2 LCR, et non de violation simple d'après l'art. 90 ch. 1 LCR. Quant aux moyens de l'appelant, le fait que le trafic était dense ne rend sa conduite que plus dangereuse encore. Le fait que les autres conducteurs ne respectaient pas la distance de sécurité est sans pertinence, sachant qu'il n'y a pas de compensation des fautes en droit pénal. Pour le reste, c'est en vain que l'appelant se prévaut d'une jurisprudence rendue dans un cas différent, la vitesse en cause étant sensiblement inférieure (6A.54/2004 du 3 février 2005). Du reste, cette espèce concerne une mesure de retrait de permis et non la notion de violation grave des règles de la circulation routière.
5.
L'appelant conteste ensuite la quotité de la peine.
5.1
Il faut préciser d'emblée que les dispositions qui suivent sont applicables au titre de la
lex mitior
.
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (
objektive Tatkomponente
). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (
subjektive Tatkomponente
). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (
Täterkomponente
), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; ATF 129 IV 6 c. 6.1 p. 20; TF 6B_759/2011 du 19 avril 2012 c. 1.1; TF 6B_335/2012 du 13 août 2012 c. 1.1).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 136 IV 55 c. 5.6 p. 61; ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; ATF 129 IV 6 c. 6.1, p. 21 et les références citées).
5.2
En l'espèce, l'intimé a des antécédents en matière de LCR, à savoir une condamnation pénale réprimant deux infractions graves à la LCR commises en 2003 et 2004. Cet antécédent doit être qualifié de lourd, même s'il est déjà relativement ancien. A cela s'ajoutent pas moins de trois mesures de retrait de permis, prononcées, en partie à raison des mêmes faits, en l'espace de moins de deux ans. Il découle d'une telle succession d'infractions que l'auteur fait fi, de manière récurrente, de la sécurité des autres usagers de la route sitôt qu'il prend le volant. Si besoin en était, les explications désinvoltes qu'il a données pour tenter de justifier son comportement en témoignent davantage encore de par leur caractère captieux impliquant ses enfants, sans même mentionner sa tentative particulièrement dérisoire à l'égard des policiers bernois de se prévaloir de l'immunité diplomatique.
Par l'étendue des moyens utilisés et l'insistance avec lesquelles ils ont été mis en œuvre, la tentative de contrainte dénote une importante volonté délictuelle. Le prévenu fait mine d'oublier qu'il avait consenti à la production tardive de l'attestation de change en procédure de mainlevée. Pour le reste, la justification donné par l'auteur déduite du fait qu'il ne pouvait comprendre la notion de dette solidaire, mais croyait bien plutôt que la somme allouée par les juges français devait être payée à double, soit par son épouse en plus de lui-même, n'est pas crédible; en particulier, elle ne peut s'expliquer par un malentendu d'ordre linguistique et, surtout, est contredite par la lettre de l'appelant et de son épouse du 6 novembre 2003. A décharge doit être pris en compte le fait que l'appelant n'a plus occupé les juridictions pénales depuis plusieurs années et que la tentative de contrainte est proche de la prescription. Tout bien pesé, c'est une peine de 150 jours-amende qui est indiquée pour réprimer les infractions ici en cause.
6.
L'appelant demande que la peine soit assortie du sursis.
6.1
L'art. 42 al. 1 CP prévoit que le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner le prévenu de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère du prévenu et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents. Le juge doit par ailleurs motiver sa décision de manière suffisante (cf. art. 50 CP); sa motivation doit permettre de vérifier s'il a été tenu compte de tous les éléments pertinents et comment ils ont été appréciés (cf. ATF 134 IV 1 c. 4.2.1; TF 6B_648/2007 du 11 avril 2008 c. 3.2).
Parmi les critères essentiels à l'établissement du pronostic, on doit citer les antécédents pénaux, le risque de récidive qui se fonde sur les antécédents, la socialisation ou le comportement au travail de l'auteur; la prise de conscience de la faute par l'auteur est également déterminante (Kuhn,
in
: Roth/Moreillon [éd.], Commentaire romand, Bâle 2009, n. 17 ad art. 42 CP, p. 438). A cet égard, la prise de conscience de sa faute par l'auteur doit permettre d'augurer d'un changement d'attitude face à ses actes (TF 6B_171/2007 du 23 juillet 2007 c. 4).
Les circonstances particulièrement favorables au sens de l'art. 42 al. 2 CP sont celles qui empêchent que l’infraction antérieure ne détériore le pronostic (cf. FF 1999 II p. 1855). Autrement dit, il s’agit de déterminer s’il existe des circonstances si favorables qu’elles compensent tout au moins la crainte résultant de l’indice défavorable constitué par l’antécédent. Tel peut être le cas lorsque les faits les plus récents n’ont aucun rapport avec le jugement antérieur ou encore en cas de modification particulièrement positive dans la vie de l’auteur (TF 6B.433/2007 du 11 février 2008 c. 3.2; TF 6B.43/2007 du 12 novembre 2007 c. 3.4).
6.2
En l'espèce, le prévenu ne manifeste aucune prise de conscience de la gravité de ses actes. Pour ce qui est de la tentative de contrainte, son comportement après l’envoi du commandement de payer et en cours de procédure est accablant, et il fait preuve de déni et de mauvaise foi; en matière de LCR, ses antécédents pénaux et administratifs n’ont eu aucun effet sur lui, à telle enseigne même qu'il ne se souvient plus du nombre des mesures de retrait de permis prononcées à son encontre, pas plus qu'il ne s'en remémore les motifs. Ses explications captieuses à cet égard démontrent son absence totale de prise de conscience des risques qu’il fait courir aux autres usagers de la route. Seul un pronostic défavorable peut dès lors être posé. L'absence de toute infraction récente n'y change rien, pas plus que la bonne socialisation de l'intéressé.
7.
7.1
L'appelant relève également que "le prononcé d'une sanction sévère à son encontre aurait des conséquences financières importantes, non seulement sur lui-même, mais également sur sa famille". Ce moyen n'est pas explicitement dirigé contre la quotité du jour-amende. Il peut toutefois l'être implicitement, de sorte qu'il convient d'entrer en matière à son sujet.
7.2
Le juge fixe le montant du jour-amende selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (art. 34 al. 2, 2ème phrase, CP). Les principes déduits de cette disposition ont été exposés dans l'arrêt publié aux ATF 134 IV 60 c. 6 p. 68 ss et dans l'arrêt 6B_845/2009 du 11 janvier 2010 c. 1.1, auxquels il suffit de renvoyer.
7.3
Le prévenu n'a donné que très peu de renseignements sur sa situation financière. Ces éléments ont du reste été tenus pour faux par les premiers juges, ce qu'ils sont à l'évidence au vu du train de vie de l'intéressé. Il n'a pas comparu personnellement à l'audience d'appel, de sorte qu'il n'a pas été possible de compléter l'instruction par l'interrogatoire de la partie.
Fondamentalement, l'accusé a le droit de ne pas collaborer à l'instruction et de refuser de fournir au juge les informations relatives à sa situation patrimoniale. Lorsque l'accusé use de cette prérogative ou si les renseignements fournis ne paraissent pas plausibles, l'art. 34 al. 3 CP permet au juge de s'adresser aux administrations pour obtenir des informations complémentaires. Si ces moyens s'avèrent insuffisants ou inefficaces, le juge peut encore recourir aux autres moyens ordinaires d'instruction (Cimichella, Die Geldstrafe im schweizerischen Strafrecht, 2006, p. 130; Jeanneret,
in
: Commentaire romand, Code pénal I, 2009, n° 42 ad art. 34 CP). Le juge dispose en outre d'un large pouvoir d'appréciation, lui permettant de procéder à une estimation du montant du jour-amende en fonction des informations dont il dispose (Jeanneret, op. cit., n° 44 ad art. 34 CP et les références citées). L'accusé ne peut dans ce cas se prévaloir du principe
in dubio pro reo
(cf. arrêt 6P.155/2006 du 28 décembre 2006 c. 10.3). Le train de vie peut également être pris en compte lorsque le revenu doit être estimé car son établissement exact s'avère impossible ou car l'auteur ne fournit pas d'indication suffisante à ces fins (cf. ATF 134 IV 60 c. 6.3 p. 70; TF arrêt 6B_152/2007 du 13 mai 2008 c. 8.4.1; arrêt 6B_568/2012 du 16 novembre 2012).
Il est établi que le prévenu, administrateur de sociétés, dispose d'un appartement au centre-ville de Londres, d'un bureau à Genève et d'une villa en Suisse alémanique, le loyer de cet immeuble étant de 2'500 fr. par mois. En 2006, il circulait en véhicule
Porsche Cayenne Turbo
immatriculé à la raison sociale de la société [...], entreprise dont il tire une part importante de ses revenus. L'usage d'un tel parc immobilier, en sus même du véhicule en question et de l'entretien d'une famille de trois enfants à charge sans l'apport d'aides publiques, n'est pas compatible avec la modique rétribution annuelle brute de 60'000 fr. à 80'000 fr. alléguée par l'intéressé. Un tel revenu apparaît de toute façon peu commun avec son profil professionnel. Bref, le train de vie du prévenu n’est manifestement pas celui qu’il allègue. Dans ces circonstances, il y a lieu d'évaluer directement la situation personnelle et économique de l'auteur en tenant compte en particulier de son mode de vie. Au vu des ressources réelles présumables de l'auteur, il convient de confirmer la quotité du jour-amende de 100 fr. retenue par les premiers juges.
8.
Vu l'issue de la cause, les frais doivent être laissés à la charge de l’appelant, qui succombe (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Outre l'émolument de procédure selon l'art. 424 al. 1 CPP, ces frais comprennent l’indemnité d’office allouée à son conseil d'office pour les opérations liées à la procédure d'appel (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP).
Vu l'ampleur et la complexité de la cause en appel, l'indemnité allouée au conseil d'office de l'appelant doit être fixée sur la base d'une durée d'activité de six heures, par 180 fr. l'heure, débours, par 86 fr. 40, et TVA en sus (cf. l'art. 135 al. 1 CPP; TF 2P.325/2003 du 6 juin 2006). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
70ffbdcd-ca02-40b1-9465-6f4634a85e8b | En fait :
A.
Par jugement du 14 août 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a libéré D._ des infractions de violation des devoirs en cas d'accident et d'opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire (I), constaté que D._ s'était rendu coupable de violation simple des règles de la circulation et de conduite d'un véhicule défectueux (II), condamné D._ à une amende de 700 fr. et dit que la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif de l'amende serait de 7 jours (III), mis une part des frais de justice, par 350 fr., à la charge de D._, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (IV), et alloué à D._ une indemnité de 2'000 fr. pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (V).
B.
Par annonce du 22 août 2014 suivie d’une déclaration motivée du
12 septembre 2014, D._ a formé appel contre ce jugement, concluant, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu'il est condamné uniquement pour violation simple des règles de la circulation à une amende de 100 fr., que les frais de justice sont mis par 50 fr. à sa charge, le solde étant laissé à la charge de l'Etat, et qu'il lui est alloué une indemnité de 5'378 fr. 40 pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.
Par déclaration d'appel joint du 23 septembre 2014, le Ministère public a conclu à la réforme du jugement entrepris en ce sens que D._ est condamné pour violation simple des règles de la circulation routière, dérobade aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire, violation des devoirs en cas d'accident et conduite d'un véhicule défectueux à 60 jours-amende à 50 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, et à une amende de 750 fr., peine convertible en
15 jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif de l'amende, ainsi qu'à la mise des frais d'appels à la charge de D._.
Par déterminations du 10 octobre 2014, D._ a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet de l'appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Le prévenu D._, de nationalité suisse, est né le [...] 1972 à [...]. Il est marié et père d'un enfant né en 2010. Il travaille comme enseignant au collège de [...]. En 2012, il a gagné 7'400 fr. par mois, net, part au treizième salaire comprise. Son épouse travaille à temps partiel (60 %). La charge fiscale du couple s'élève à 1'300 fr. par mois et les primes d'assurance-maladie de la famille sont de l'ordre de 800 fr. par mois.
Le casier judiciaire du prévenu est vierge et le registre ADMAS du Service des automobiles et de la navigation ne comporte aucune inscription le concernant.
2.
Le 22 juillet 2013, vers 23h30, à Pully, au carrefour de la Damataire Sud, le prévenu, qui se trouvait au volant de son véhicule automobile sur la route de Vevey en direction de Lausanne, a obliqué à droite pour emprunter le chemin de la Damataire. Ce faisant, il a heurté, avec la roue avant droite du véhicule, la bordure du trottoir. Malgré l'éclatement du pneu, il a poursuivi sa route sur quelques centaines de mètres.
Parvenu au chemin de Pallin, le prévenu a entrepris de garer son véhicule. Lors de ce parcage, effectué "en latéral", l'angle avant gauche du véhicule du prévenu a heurté le côté gauche du véhicule stationné devant la place visée, lequel appartenait à C._, lui occasionnant des traces de frottement et de peinture au niveau de l'angle gauche du pare-chocs avant. Le prévenu a ensuite quitté les lieux sans aviser immédiatement le lésé ou la police. | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et délais légaux par des parties ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel du prévenu et l’appel joint du Ministère public sont recevables.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves (TF 6B_78/2012 du 27 août 2012). L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Eugster, in : Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, 2
e
éd., Bâle 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP).
3.
On distinguera deux phases des faits : d'abord la perte de maîtrise au carrefour de la Damataire Sud (c. 3), ensuite le parcage au chemin de Pallin (c. 4 infra).
3.1
S'agissant des premiers faits, l'appelant admet avoir heurté la bordure du trottoir avec l'avant droit de son véhicule, puis avoir poursuivi son chemin après avoir constaté l'éclatement du pneu de la roue avant droite. Le Tribunal de police a considéré que le choc avec le trottoir devait être qualifié de perte de maîtrise, soit qu'il constituait une violation de l'art. 31 LCR (loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière; RS 741.01) et, partant, une violation simple de la circulation routière au sens de l'art. 90 al. 1 LCR; en poursuivant sa route, le prévenu s'était en outre rendu coupable de conduite d'un véhicule défectueux au sens de l'art. 93 al. 2 let. a LCR. Le Tribunal de police n'a pas examiné si ces faits étaient constitutifs de violation des devoirs en cas d'accident (art. 92 al. 1 LCR) ou d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a al. 1 LCR), infractions pour lesquelles l'accusation est toutefois également engagée.
L'appelant admet la perte de maîtrise (déclaration d'appel, ch. 2). Il conteste en revanche la condamnation pour conduite d'un véhicule défectueux, en soutenant, d'une part, qu'un véhicule dont l'un des pneus est plat ne serait pas un véhicule défectueux au sens de la loi et, d'autre part, qu'il n'aurait pas conduit, volontairement ou par négligence, un véhicule défectueux, mais qu'il aurait seulement retiré son véhicule en panne de la circulation, en allant le garer à l'emplacement disponible le plus proche. Il serait conforme au principe général de prudence et à la pratique usuelle de faire si possible avancer un véhicule en panne jusqu'à un endroit où il pourra être stationné afin de dégager la chaussée. Il conteste en outre que le fait de rouler avec un pneu éclaté ait concrètement entraîné un quelconque risque de danger pour lui-même ou les autres usagers de la route.
Pour sa part, le Ministère public soutient que l'appelant n'aurait pas dû poursuivre sa route et qu'il aurait ainsi violé ses devoirs en cas d'accident.
3.2
3.2.1
Selon l'art. 92 al. 1 LCR, est puni de l'amende quiconque viole, lors d'un accident, les obligations que lui impose la LCR. Par accident, il faut entendre tout événement dommageable de nature à causer des lésions corporelles à une personne ou une atteinte à une chose (ATF 122 IV 356 c. 3a). Il y a notamment accident au sens de cette disposition lorsque des véhicules entrent en collision, lorsqu'un véhicule heurte une personne, un animal ou une chose ou encore lorsqu'un véhicule se renverse ou sort involontairement des limites de la chaussée et "part dans le décor". Il résulte de la définition donnée qu'il n'est pas nécessaire que l'accident ait entraîné des lésions corporelles ou des dégâts matériels, mais qu'il suffit qu'une telle conséquence soit possible. L'accident se caractérise en général par une certaine violence, qui fait immédiatement songer à l'éventualité de lésions corporelles ou de dégâts matériels. Il doit en outre s'agir d'un accident de la circulation, ce qui suppose qu'il ait lieu sur une voie accessible à la circulation publique et que des véhicules automobiles ou des cycles soient en cause (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3
e
édition, Berne 2010, n. 4 ad art. 92 LCR et les références citées). Des faits peuvent être qualifiés d'accident même si seul le véhicule de l'auteur est endommagé, à l'exclusion de tout dommage à un tiers
(cf. Jeanneret, Les dispositions pénales de la Loi sur la circulation routière, Berne 2007, n. 11 ad art. 92 LCR et les références citées).
Pour que l'infraction prévue à l'art. 92 LCR soit réalisée, il faut que l'auteur viole les devoirs que législation sur la circulation routière impose en cas d'accident. Ces devoirs, définis à l'art. 51 LCR, sont différenciés en fonction du type d'accident et du degré d'implication. On distingue les devoirs généraux (al. 1 et 4), les devoirs en cas de dommages corporels (al. 2) et les devoirs en cas de dommages matériels (art. 56 OCR [ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière; RS 741.11]). L'art. 51 al. 1 LCR prévoit qu'en cas d'accident où sont en cause des véhicules automobiles ou des cycles, toutes les personnes impliquées devront s'arrêter immédiatement (1
re
phrase); elles sont tenues d'assurer, dans la mesure du possible, la sécurité de la circulation (2
e
phrase).
3.2.2
Selon l'art. 93 al. 2 let. a LCR, est puni de l'amende quiconque conduit un véhicule dont il sait ou devrait savoir s'il avait prêté toute l'attention commandée par les circonstances qu'il ne répond pas aux prescriptions. Selon l'art. 29 al. 1 LCR, les véhicules ne peuvent circuler que s'ils sont en parfait état de fonctionnement et répondent aux prescriptions (1
re
phrase); ils doivent être construits et entretenus de manière que les règles de la circulation puissent être observées, que le conducteur, les passagers et les autres usagers de la route ne soient pas mis en danger et que la chaussée ne subisse aucun dommage (2
e
phrase). Lorsque des défectuosités peu graves apparaissent en cours de route, le conducteur pourra poursuivre sa course en prenant les précautions nécessaires; les réparations seront effectuées sans retard (art. 57 al. 3 OCR). Un véhicule dont l'un des pneus est crevé ou éclaté, avec pour conséquence que le conducteur ne peut plus conduire qu'à faible allure, n'est plus en parfait état de fonctionnement au sens de l'art. 29 al. 1 LCR et il ne s'agit pas d'une défectuosité peu grave (cf. TF 6B_17/2012 du 30 avril 2012 c. 4).
3.2.3
L'art. 91a al. 1 LCR, disposition désormais intitulée "entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire" à la suite d'une modification de la LCR du 15 juin 2012, entrée en vigueur le 1
er
janvier 2013, soit antérieurement aux faits de la cause, dispose qu'est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque, en qualité de conducteur d'un véhicule automobile, s'oppose ou se dérobe intentionnellement à une prise de sang, à un contrôle au moyen de l'éthylomètre ou à un autre examen préliminaire réglementé par le Conseil fédéral, qui a été ordonné ou dont le conducteur devait supposer qu'il le serait, ou quiconque s'oppose ou se dérobe intentionnellement à un examen médical complémentaire ou fait en sorte que des mesures de ce genre ne puissent atteindre leur but.
La dérobade est liée à la violation des devoirs en cas d'accident. En effet, ce n'est qu'en cas d'accident où des éclaircissements sur le déroulement des événements s'avèrent nécessaires que l'on peut dire que le conducteur devait s'attendre avec une haute vraisemblance à ce qu'une mesure visant à établir son alcoolémie soit ordonnée (cf. ATF 126 IV 53 c. 2a; TF 6B_17/2012 du 30 avril 2012 c. 3.2.1). Ainsi, les éléments constitutifs de la dérobade sont au nombre de deux : l'auteur doit violer une obligation d'aviser la police en cas d'accident, alors que cette annonce est destinée à l'établissement des circonstances de l'accident et est concrètement possible (1), et l'ordre de se soumettre à une mesure d'investigation de l'état d'incapacité de conduire doit apparaître objectivement comme hautement vraisemblable au vu des circonstances (2). Déterminer si une mesure d'investigation aurait été ordonnée avec une haute vraisemblance est fonction des circonstances concrètes. Celles-ci ont trait d'une part à l'accident, sa gravité ainsi que la manière dont il s'est déroulé, et d'autre part à l'état et au comportement du conducteur tant avant l'accident qu'après celui-ci, jusqu'au dernier moment où l'annonce aurait pu être faite (ATF 126 IV 53 c. 2a; TF 6B_17/2012 du 30 avril 2012 c. 3.2.1).
3.3
En l'espèce, il faut en premier lieu constater que le choc entre le véhicule de l'appelant et le trottoir survenu au carrefour de la Damataire Sud constituait un accident. Celui-ci a en effet provoqué l'éclatement d'un pneu du véhicule et, partant, l'impossibilité pour son conducteur de poursuivre sa route. Comme la jurisprudence a déjà eu l'occasion de le préciser (cf. c. 3.2.2 supra), l'appelant ne pouvait pas continuer sa route avec un pneu éclaté. En l'absence de place de parc ou de dégagement à proximité immédiate de l'accident, il aurait dû laisser le véhicule sur place et sécuriser les lieux. Concrètement, il aurait dû indiquer l'accident au moyen d'un triangle de panne et allumer les feux clignotants du véhicule (cf. art. 23 OCR) avant d'appeler un dépanneur. Il ne pouvait en tout cas pas reprendre sa route pour aller garer son véhicule quelques centaines de mètres plus loin. Sur ce dernier point, on relèvera encore que l'appelant savait qu'un parking potentiellement ouvert au public se trouvait à une dizaine de mètres du lieu de l'accident (cf. PV aud. 1, réponse 4) et que l'instruction a confirmé que le parking en question comportait des places pour le public (PV aud. 2, réponse 2). Dès lors, le comportement de l'appelant à la suite de l'accident au carrefour de la Damataire Sud est constitutif non seulement de conduite d'un véhicule défectueux, comme l'a retenu le Tribunal de police, mais également de violation des devoirs en cas d'accident au sens de l'art. 92 al. 1 LCR. En revanche, à ce stade, la loi n'imposait pas à l'appelant d'aviser la police (cf. art. 51 al. 1 LCR et 54 OCR), si bien que les éléments constitutifs d'une entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire ne sont pas réalisés.
4.
4.1
S'agissant ensuite des faits en relation avec le parcage au chemin de Pallin, le premier juge a considéré qu'il subsistait un doute sérieux sur l'imputabilité à l'appelant du dommage subi par le véhicule de C._. En bref, selon lui, les marques relevées sur les véhicules en cause ne correspondaient que partiellement; en outre, l'appelant avait laissé sa voiture sur place, alors qu'il aurait pu aller la cacher dans un garage appartenant à ses parents situé non loin de là; il était enfin possible qu'un ou plusieurs autres véhicules se soient garés à la place en question entre l'heure où C._ s'était garé, vers 18h00, et celle où l'appelant s'était garé, vers 23h00. Pour ces faits, l'appelant devait dès lors être libéré au bénéfice du doute de l'accusation de violation des devoirs en cas d'accident, ainsi que de celle d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire.
Dans son appel joint, le Ministère public soutient que l'instruction aurait établi l'existence du heurt entre les véhicules et la responsabilité de l'appelant.
4.2
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe de la présomption d'innocence est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s'agir de doutes importants irréductibles, qui s'imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Vianin, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
4.3
En l'espèce, la Cour de céans est convaincue qu'en dépit des dénégations de l'appelant, le véhicule de ce dernier a bien heurté le véhicule de C._ lors du parcage en cause, occasionnant ainsi les dommages constatés à l'avant gauche du véhicule de C._.
S'agissant de deux véhicules finalement garés face à face à la suite d'un parcage "en latéral" du véhicule de l'appelant, les traces à l'avant gauche du véhicule de l'appelant (2
e
photo en annexe à la P. 4) et celles à l'avant gauche du véhicule de C._ (P. 4, 6
e
photo) sont compatibles avec le déroulement présumé de la manœuvre, ce qui est confirmé par la hauteur respective des traces relevées (cf. P. 13). Les marques de couleur sur le véhicule de l'appelant
(P. 4, 2
e
photo) correspondent en outre à la couleur de la carrosserie du véhicule de C._. La Cour de céans constate également que, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal de police, les griffures sur le véhicule de l'appelant apparaissent plus importantes que celles sur le véhicule de C._, ce qui est cohérent avec le fait que seul le premier véhicule était en mouvement lors de la manœuvre. A ces indices s'ajoutent les circonstances du parcage. Celui-ci était en effet à tout le moins délicat, dans la mesure où il a été exécuté avec un véhicule dont un des pneus était crevé, de nuit et dans une rue en pente. Contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal de police, le fait que des traces aient été relevées par la police à d'autres endroits de la carrosserie du véhicule de C._, lesquelles ne peuvent s'expliquer par le déroulement présumé du parcage, ne constitue pas un indice à décharge. De même, l'appelant ne peut se disculper en invoquant le fait que s'il l'avait souhaité, il aurait eu la possibilité matérielle de mieux dissimuler sa responsabilité dans le dommage causé au véhicule de C._. Au vu de ce qui précède, le heurt entre les véhicules est établi et il s'agit d'un accident au sens de la loi, lequel entraînait des obligations pour son auteur (cf. c. 3.2.1 supra).
Selon l'art. 51 al. 3 LCR, si l'accident n'a causé que des dommages matériels, leur auteur en avertira tout de suite le lésé en indiquant son nom et son adresse (1
re
phrase); en cas d'impossibilité, il en informera sans délai la police
(2
e
phrase). En l'espèce, au vu des circonstances, notamment de l'heure tardive, l'appelant n'était pas en mesure d'avertir immédiatement le lésé. Il aurait par conséquent dû appeler la police. Comme il ne l'a pas fait, son comportement est à nouveau constitutif d'une violation des obligations en cas d'accident au sens de
l'art. 92 al. 1 LCR. Il est en outre constitutif d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire, dont les deux conditions cumulatives (cf. c. 3.2.3 supra) sont cette fois réalisées. Il a déjà été retenu que l'appelant a violé une obligation d'aviser la police en cas d'accident. Quant à l'ordre de se soumettre à une mesure d'investigation de l'état d'incapacité de conduire, il apparaissait objectivement hautement vraisemblable au vu des circonstances. L'accident était en effet consécutif à une maladresse du conducteur et était survenu à une heure tardive. Le véhicule impliqué présentait en outre un pneu crevé, ce qui mettait en évidence une précédente violation des règles de la circulation, survenue quelques minutes plus tôt, en un lieu qui ne présentait pas de difficulté particulière et qui était qui plus est bien connu du conducteur (PV aud. 1, réponse 1, et PV aud. 2, réponse 1); à cela s'ajoute enfin le fait que sans qu'il soit établi que l'appelant aurait dépassé les limites légales, celui-ci a toutefois admis avoir effectivement consommé de l'alcool – deux verres de vin et une bière – le soir en question (cf. jugement entrepris, p. 3).
5.
5.1
Au vu de ce qui précède, l'appelant doit en définitive être condamné pour l'intégralité des actes retenus dans l'ordonnance pénale valant acte d'accusation. S'agissant de la quotité de la peine, le Ministère public a requis une condamnation à 60 jours-amende à 50 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, et à une amende de 750 fr., peine convertible en 15 jours de peine privative de substitution en cas de non-paiement fautif de l'amende.
5.2
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
5.3
En l'espèce, les peines requises par le Ministère public sont adéquates et doivent être prononcées. Si les fautes reprochées à l'appelant sont d'une gravité modérée, il y a lieu de tenir compte du concours d'infractions et plus particulièrement du fait qu'il s'agit de réprimer deux épisodes successifs mais néanmoins distincts. Il faut en revanche également tenir compte du fait que l'appelant est d'ordinaire un bon conducteur, comme en attestent son casier judiciaire vierge, l'absence d'inscription le concernant au registre ADMAS et le fait qu'il bénéficie de la part de son assureur RC d'un bonus maximum à vie en raison de sa conduite responsable, alors qu'il est titulaire du permis de conduire depuis 1991 (cf. jugement entrepris, p. 6). Ce qui précède justifie également l'octroi du sursis, une peine ferme ne paraissant pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (cf. art. 42 al. 1 CP).
6.
Au vu de la condamnation de l'appelant pour l'intégralité des faits faisant l'objet de la procédure pénale, il n'y a pas matière à allocation d'une indemnité au sens de l'art. 429 CPP, laquelle suppose l'existence d'un acquittement au moins partiel, et le jugement entrepris devra être réformé sur ce point.
Pour les mêmes raisons, les frais de première instance, par 800 fr., doivent intégralement être mis à la charge de l'appelant (cf. art. 426 al. 1 CPP).
7.
En définitive, l'appel de D._ doit être rejeté, tandis que l'appel joint du Ministère public doit être admis. Le jugement entrepris sera réformé dans le sens des considérants qui précèdent.
Les frais d'appels, constitués de l'émolument de jugement (art. 422 al. 1 CPP), par 1'720 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1), seront mis à la charge de D._, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).
La Cour d’appel pénale
appliquant les articles 34, 42 al. 1 et 4, 44 al. 1, 47, 49 al. 1, 106 CP;
90 al. 1, 91a al. 1, 92 al. 1, 93 al. 2 let. a LCR et 398 ss CPP,
prononce :
I.
L’appel de D._ est rejeté.
II.
L'appel joint du Ministère public est admis.
III.
Le jugement rendu le 14 août 2014 par le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois est modifié, le dispositif du jugement étant désormais le suivant :
"
I. constate que D._ s'est rendu coupable de violation simple des règles de la circulation, d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire, de violation des obligations en cas d'accident et de conduite d'un véhicule défectueux;
II. condamne D._ à une peine pécuniaire de
60 (soixante) jours-amende avec sursis pendant 2 (deux) ans, le montant du jour-amende étant fixé à 50 fr. (cinquante francs), et à une amende de 750 fr. (sept cent cinquante francs), la peine privative de liberté de substitution étant de 15 (quinze) jours;
IV. met les frais de justice, par 800 fr. (huit cents francs), à la charge de D._.
"
IV.
Les frais d'appels, par 1'720 fr., sont mis à la charge de D._.
V.
Le présent jugement est exécutoire. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
71143ae8-85d9-4f06-8ec1-a7d8db2382fb | En fait :
A.
Par jugement du 25 janvier 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a notamment dit que C._ s’est rendu coupable de vol, dommages à la propriété, violation de domicile, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires et dénonciation calomnieuse (I), l’a libéré des chefs d’accusation de tentative de vol, d’empêchement d’accomplir un acte officiel et de calomnie (II), l’a condamné à une peine privative de liberté de six mois, sous déduction de 72 jours de détention avant jugement (III), et a révoqué le sursis accordé le 26 juin 2012 par le Ministère public du canton de Genève, sous déduction d’un jour de détention avant jugement (IV).
B.
En temps utile, C._ a déposé une annonce, puis une déclaration d’appel. Il a conclu à la réforme des chiffrers I à III du jugement précité en ce sens qu’il est reconnu coupable de vol, dommages à la propriété, dommages à la propriété d’importance mineure et violation de domicile (I), qu’il est libéré des chefs d’accusation de tentative de vol, dénonciation calomnieuse et violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (II) et condamné à une peine privative de liberté fixée à dire de justice, mais n’excédant pas 40 jours, sous déduction de la détention avant jugement ainsi qu’à une amende fixée à dire de justice.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
C._ est né le 22 mai 1987 en Roumanie, d’où il est ressortissant. Il a suivi l’école obligatoire en Roumanie, puis a entrepris une courte formation dans la maçonnerie. A l’âge de 19 ans, il est parti en Espagne pour y travailler comme ouvrier dans la construction. Deux ou trois ans plus tard, il est retourné en Roumanie, puis est venu en Suisse en mai 2012. Ses parents, ainsi que ses deux frères aînés, vivent toujours en Roumanie. Actuellement, il n’a pas de domicile fixe en Suisse et cherche du travail et un logement. Il est aidé financièrement par son amie, W._.
Le casier judiciaire de C._ comporte les inscriptions suivantes :
- 29 juin 2012, Ministère public du canton de Genève, condamnation pour vol, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant 3 ans, sous déduction d’un jour de détention avant jugement,
- 9 juillet 2012, Ministère public du canton de Genève, condamnation pour vol, à une peine privative de liberté de 60 jours, sous déduction d’un jour de détention avant jugement.
- 9 avril 2013, Ministère public, Parquet régional de Neuchâtel, condamnation pour vol et dommages à la propriété, à sept jours de peine privative de liberté.
En outre, par ordonnance pénale du 22 avril 2013, le Procureur d’arrondissement itinérant a condamné C._, pour vol, dommages à la propriété et violation de domicile, à une peine privative de liberté de quatre mois, sous déduction de dix jours de détention provisoire, en raison de faits commis le 13 avril 2013, a révoqué le sursis assortissant la condamnation infligée au prévenu le 29 juin 2012 par le Ministère public du canton de Genève, et ordonné l’exécution de la peine pécuniaire de 30 jours-amende.
2.
Les faits retenus sont les suivants :
2.1
Entre le 12 juin et le 15 juin 2012, à [...],C._ s’est introduit dans le cabanon propriété de K._, en forçant le crochet de la porte à l’aide d’un outil. Ce faisant, il a endommagé le crochet et le cadre de la porte. Après une fouille complète, il a quitté les lieux sans rien emporter.
2.2
Le 19 août 2012, C._, accompagné de E._, a pénétré sans droit à l’intérieur du chantier de l’Hôtel de Ville à S._. Il a été interpellé par la police.
2.3
Le 22 août 2012 vers 01h00, à [...], en compagnie de deux complices, C._ a pénétré sans droit dans un établissement public, en forçant la porte d’entrée avec une barre en métal. Les trois hommes ont dérobé 121 paquets de cigarettes avant de prendre la fuite. C._ a été interpellé peu après ; le butin a été intégralement retrouvé et restitué au commerce lésé.
2.4
Peu après son interpellation, le 19 août 2012, C._ a été conduit dans les locaux de Police secours à S._, et placé dans une cellule de maintien. A cet endroit, un caporal et le gendarme J._ ont entrepris de lui retirer ses entraves et lui ont, à cet effet, détaché la main droite en lui ordonnant de la placer sur sa tête. C._ s’y est refusé. Il a aussitôt fait des gestes avec son bras droit tout en s’adressant de manière virulente aux policiers. Ceux-ci l’ont maîtrisé en faisant usage de la force. Les trois hommes se sont retrouvés au sol, C._ la face contre terre. Les policiers sont parvenus à l’extraire de la cellule et à faire appel à des renforts. Il ressort des images de vidéo-surveillance que le passage en cellule de C._ a duré 1 minute et 40 secondes. Ces images montrent que C._ s’est levé et qu’il a volontairement heurté un mur avec sa tête. Dans un local de garde à vue où il a été emmené, comme il semblait s’être calmé, ses entraves lui ont été retirées. Mais il s’est soudainement énervé, après qu’on lui eut apporté à boire, et a frappé contre la porte du local avec les poings. Il a également martelé sa tête contre les murs et arraché une latte en bois servant de dossier, qu’il a utilisée pour frapper contre la porte du local de maintien. Alors, le chef de brigade a demandé qu’il soit sanglé sur une civière de contention, opération qui a nécessité l’intervention de trois membres des forces de l’ordre, car C._ opposait une vive résistance et proférait des insultes. Par la suite, trois gendarmes ont été chargés d’escorter le prévenu jusqu’au Centre d’intervention régional de la gendarmerie vaudoise à [...]. Après lui avoir passé les menottes, ils l’ont porté jusqu’au véhicule, C._ refusant de les suivre. L’intéressé s’est alors lancé la tête la première contre le montant du véhicule. Il a craché à plusieurs reprises sur un gendarme. Pour éviter les crachats, les policiers lui ont mis un t-shirt sur la tête. Après quelques instants de calme, C._ a de nouveau insulté les gendarmes dans plusieurs langues et tenté de se cogner la tête contre l’habitacle de l’automobile. Il a été maîtrisé par la force et, une fois, dans les locaux de gendarmerie à [...], a été placé sur un brancard de contention, dont il a arraché la mousse de protection avec les dents.
2.5
Lors de son audition-arrestation du 22 août 2012, C._ a reconnu les faits décrits sous chiffres 2.2 et 2.3 ci-dessus. A cette occasion, il a en outre déclaré avoir été victime de violences de la part des policiers lors de son interpellation dans la nuit du 19 au 20 août 2012. Il a expliqué avoir été frappé à plusieurs reprises pendant trois ou quatre heures dans une cellule où il était maintenu. Les policiers lui auraient placé un t-shirt sur la tête pour l’empêcher de voir qui le frappait. Il aurait été poussé contre le mur qu’il aurait heurté avec la tête. Ces gestes auraient provoqué des marques au visage, à l’œil gauche, ainsi qu’à l’épaule gauche. Il a également reproché aux policiers d’avoir trop serré les menottes. Il n’a pas fait constater les blessures et a déposé plainte pénale à raison de ces faits (dossier principal, PV aud. 6).
Le médecin, qui a examiné C._ à son arrivée à la prison de la Croisée, a constaté un hématome violet sur la paupière gauche, un hématome rouge sans l’œil gauche, quatre griffures au poignet droit, une marque brune au poignet gauche, une lésion cutanée sur le dessus de la main, douze lésions sur l’avant-bras gauche, quinze lésions sur la face interne de l’avant-bras gauche et des cicatrices au niveau de la face supérieure de l’avant-bras gauche (dossier B, P. 10).
Lors de son audition le 31 août 2012 en qualité de personne appelée à donner des renseignements, C._ a confirmé sa plainte et déclaré : « J’ai été placé immédiatement en cellule. Je suis resté une ou deux heures à cet endroit. Ensuite, on m’a emmené à un autre endroit. J’ignore quel est exactement cet endroit car j’avais un t-shirt sur la tête. Je ne sais pas comment je suis arrivé à cet endroit. En fait, on m’a emmené dans une pièce du bâtiment où j’avais été mis en cellule. C’était après avoir été frappé. On m’a enlevé les menottes et le t-shirt. J’ai reçu la moitié d’un verre d’eau. A ce moment-là, les policiers sont arrivés. Un d’entre eux s’en est pris physiquement à moi en appuyant fortement sur ma tempe avec son doigt. Au moment où j’étais dans la première cellule et que j’avais un t-shirt sur la tête, j’ai reçu un coup à l’œil gauche. Je ne sais pas qui a fait cela (dossier B, PV aud. 2). »
Les actes dénoncés par C._ n’ont en réalité pas été perpétrés. Il a ainsi accusé les gendarmes d’avoir adopté un comportement pénalement répréhensible alors qu’il les savait innocents. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (al. 1). La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (al. 3).
Interjeté dans les forme et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de C._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
L’appelant soutient que les actes décrits ci-dessus aux chiffres 2.1 et 2.4 doivent être qualifiés de dommages à la propriété d’importance mineure au sens des art. 144 al. 1 et 172ter al. 1 CP, de sorte que la sanction applicable ne pourrait être qu’une amende.
3.1
Aux termes de l’art. 144 al. 1 CP, celui qui aura endommagé, détruit ou mis hors d’usage une chose appartenant à autrui ou frappée d’un droit d’usage ou d’usufruit au bénéfice d’autrui sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. L’art. 172ter CP prévoit que si l’acte ne visait qu’un élément patrimonial de faible valeur ou un dommage de moindre importance, l’auteur sera, sur plainte, puni d’une amende.
Un élément patrimonial est de faible valeur au sens de cette dernière disposition s’il ne dépasse pas 300 francs. Le critère déterminant est l’intention de l’auteur, non pas son résultat. L’art. 172ter CP n’est applicable que si l’auteur n’avait d’emblée en vue qu’un élément patrimonial de faible valeur ou un dommage de moindre importance. Lorsque l’intention de l’auteur, y compris sous la forme du dol éventuel, portait sur un montant supérieur à la valeur limite admise, l’art. 172ter CP ne trouve pas application, même si le montant du délit est inférieur à 300 fr. (ATF 123 IV 97 consid. 2a p. 199 ; ATF 123 IV 155 consid. 1a p.156 ; ATF 122 IV 156 consid. 2a p. 159/160).
3.2
Entre les 12 et le 15 juin 2012, l’appelant a pénétré dans le cabanon de K._. Pour ce faire, il a forcé le crochet de la porte à l’aide d’un outil. Il a ainsi endommagé le crochet et le cadre de la porte. Après son interpellation dans la nuit du 19 au 20 août 2012, l’appelant s’est énervé et a frappé contre la porte du local où il avait été amené. Il a également martelé sa tête contre les murs et a arraché une latte en bois servant de dossier. Il a utilisé cet objet pour frapper contre la porte du box de maintien. Une fois placé sur un brancard de contention, il en a arraché la mousse de protection avec ses dents.
S’agissant de l’application de l’art. 172ter CP, le premier juge a retenu qu’on ne pouvait pas présumer que la réparation du crochet et du cadre de la porte fût inférieure à 300 fr. et qu’il constituait dès lors un dommage de moindre importance. De même, on ne pouvait présumer que la chaise endommagée, cas échéant, sa réparation, fût d’une valeur inférieure à 300 fr. et constituait ainsi un dommage d’importance mineure.
En l’espèce, on ne dispose d’aucune indication relative à la valeur des biens endommagés, les parties plaignantes concernées n’ayant pas chiffré leurs dommages. Contrairement au raisonnement du premier juge, on ne saurait présumer de la valeur de ces biens, le doute à ce sujet devant profiter au prévenu. Il s’agit toutefois, conformément à la jusrisprudence précitée, de déterminer l’intention de l’appelant. Or, dans les deux cas contestés, on ne peut retenir que ce dernier n’avait d’emblée en vue qu’un élément patrimonial de faible valeur ou un dommage de moindre importance. En effet, si tel avait le cas, il aurait veillé à crocheter la porte avec plus de soin, sans en endommager le cadre par exemple. S’agissant du second cas, l’appelant était furieux et prêt à casser. En effet, après avoir arraché la barre en bois, il s’est mis à frapper avec cet objet contre la porte ; puis, une fois placé sur le brancard de contention, il en a arraché la mousse de protection avec les dents.
Dans ces conditions, on ne saurait appliquer l’art. 172ter CP pour les cas contestés.
4.
L’appelant conteste sa condamnation pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires au sens de l’art. 285 CP. Il nie tout acte de violence ou de menace contre les policiers et explique ne pas avoir compris ce que voulaient les fonctionnaires.
4.1
L’art. 285 CP punit celui qui, en usant de violence ou de menace, empêche une autorité, un membre d’une autorité ou un fonctionnaire de faire un acte entrant dans ses fonctions, les contraint à faire un tel acte ou se livre à des voies de fait sur eux eux pendant qu’ils y procèdent. Cette disposition réprime ainsi deux infractions différentes : la contrainte contre les autorités ou les fonctionnaires et les voies de fait contre les autorités ou fonctionnaires.
a)
Selon la première variante, l’auteur empêche, par la violence ou la menace, l’autorité ou le fonctionnaire de faire un acte entrant dans ses fonctions. Il n’est pa nécessaire que l’acte soit rendu totalement impossible : il suffit qu’il soit entravé de telle manière qu’il ne puisse être accompli comme prévu (Heimgartner, Strafrecht II, Basler Kommentar, 2
e
éd., 2007, n. 5 ad art. 285 CP).
Par violence, on entend ordinairement une action physique de l’auteur sur la personne du fonctionnaire. L’usage de la violence doit revêtir une certaine gravité ; une petite bousculade ne saurait suffire (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3
e
éd., 2010, n. 4 ad art. 181 CP). Selon la jurisprudence, le degré que doit atteindre l’usage de la violence pour entraîner l’application de l’art. 285 CP ne peut pas être fixé de manière absolue, mais dépend de critères relatifs. En particulier, il faut tenir compte de la constitution, du sexe et de l’expérience de la victime (ATF 101 IV 42 consid. 3a p. 44 ad art. 181 CP). Pour certains auteurs, la création d’un obstacle matériel comme fermer la porte à clé ou ériger des barricades tombent sous le coup de l’art. 185 CP (Corboz, op. cit., n. 4 ad art. 285 CP ; Strathenwerth/Bommer, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil II :Straftaten gegen Gemeininteressen, 6
e
éd., 2008, § 50 n. 20), alors que, d’après d’autres auteurs, de tels actes ne sauraient être qualifiés d’actes de violence au sens de l’art. 285 CP, mais constituent des actes d’opposition selon l’art. 286 CP (Trechsel et al., Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 2008, n. 3 ad art. 285 CP ; Heimgartner, op. cit., n. 7 ad art. 285 CP). Enfin, la violence doit atteindre le fonctionnaire, mais non un tiers (Heimgartner, op. cit., n. 9 ad art. 285 CP).
La menace correspond à celle de l’art. 181 CP, même s’il n’est pas précisé qu’elle doit porter sur un dommage sérieux (Corboz, op. cit., n. 5 ad art. 285 CP ; Heimgartner, op. cit., n. 10 ad art. 285 CP).
b)
Selon la deuxième variante (voies de fait contre les autorités ou fonctionnaires), l’auteur se livre à des voies de fait sur une autorité, un membre d’une autorité ou un fonctionnaire pendant qu’ils procèdent à un acte entrant dans leurs fonctions. Le membre de l’autorité ou le fonctionnaire agit en cette qualité dans le cadre de sa mission officielle et c’est en raison de cette activité que l’auteur se livre à des voies de fait sur lui. Dans ce cas, il n’est pas exigé que l’auteur empêche l’acte officiel (Corboz, op. cit., n. 17 ad art. 285 CP ; Heimgartner, op. cit., n. 14 ad art. 285 CP).
La notion de voies de fait est la même que celle figurant à l’art. 126 CP. Elles se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n’a causé aucune douleur physique (ATF 134 IV 189 consid. 1.2 p. 191). Les voies de fait au sens de l’art. 285 CP doivent toutefois revêtir une certaine intensité (Heimgartner, op. cit., n. 15 ad art. 285 CP).
4.2
L’appelant fait valoir que l’infraction définie à l’art. 285 CP n’est pas réalisée, à défaut de violence ou de menace à l’endroit des agents de police. Il oublie toutefois que l’art. 285 CP vise également, entre autres hypothèses, le fait de se livrer à des voies de fait sur une autorité, un membre d’une autorité ou un fonctionnaire, pendant qu’il procède à un acte entrant dans ses fonctions.
Cela étant, et contrairement au premier juge, on doit admettre, conformément à la version de l’appelant, que ce dernier n’a pas fait preuve de violence ni ne s’est montré menaçant à l’endroit des policiers. Les images de vidéosurveillance en témoignent ; elles ne permettent pas de se convaincre que le prévenu a eu, selon l’expression du jugement entrepris, un « comportement violent ». En effet, malgré l’appréciation du caporal [...], on ne peut pas retenir que l’intéressé a cherché à frapper les agents de police. Il résulte certes des images de vidéosurveillance que l’appelant n’obéit pas à l’ordre qui lui est donné de mettre la main derrière la tête. On ne peut toutefois déduire de sa désobéissance et de sa résistance qu’il a cherché à frapper les agents de police, qui l’ont rapidement amené au sol. On ne distingue pas de mouvements volontaires ou de coups portés contre les agents. L’appelant était excité et cherchait surtout à abîmer le matériel et à se faire mal à lui-même. Or, les violences au sens de l’art. 285 CP doivent être dirigées contre les fonctionnaires. On ne discerne pas davantage de menaces, celles-ci n’ayant d’ailleurs pas été clairement alléguées par les plaignants.
Il ne s’ensuit pas, cependant, que l’infraction définie à l’art. 285 CP est exclue. En effet, l’appelant a tout de même craché, à plusieurs reprises, sur un agent, se livrant à des voies de fait sur un policier, qui agissait dans l’exercice de ses fonctions. Or, le fait de se faire cracher dessus, à plusieurs reprises, cause un désagrément physique qui dépasse ce qui est socialement toléré (cf. jugement de l’Obergericht du canton de Zurich du 8 juillet 2011 consid. 7.1 ; SJZ 67 [1971] p. 24). On doit admettre qu’un tel comportement est constitutif de voies de fait, de sorte que l’infraction définie à l’art. 285 CP est réalisée.
Pour le reste, l’appelant ne saurait justifier ses crachats par la non-compréhension de la langue, aucun motif particulier ne lui permettant de craindre les agents de police. Par ailleurs, il savait pertinemment comment ça se passait en cas d’interpellation et de placement en cellule, puisque, avant ces événements, il avait déjà été arrêté à deux reprises avec à chaque fois une détention préventive.
5.
L’appelant conteste sa condamnation pour dénonciation calomnieuse au sens de l’art. 303 CP. Il affirme avoir subi des violences de la part de la police lors de son interpellation et nie la réalisation de la condition subjective de cette infraction.
5.1
Selon l’art. 303 al. 1 CP, celui qui aura dénoncé à l’autorité, comme auteur d’une crime ou d’un délit, une personne qu’il savait innocente, en vue de faire ouvrir contre elles une poursuite pénale, sera puni d’une peine privative de liberté ou d’une peine pécuniaire. Cette disposition protège en premier lieu l’administration de la justice. Une telle dénonciation entraîne la mobilisation inutile de ressources publiques. Elle protège toutefois également les droits de la personnalité de celui qui est accusé faussement, notamment son honneur, sa liberté, sa sphère privée, ses biens (ATF 136 IV 170 consid. 2.1 p. 176 ; ATF 132 IV 20 consid. 4.1 p. 25).
Sur le plan objectif, cette norme suppose qu’une communication imputant faussement à une personne la commission d’un crime ou d’un délit ait été adressée à l’autorité (ATF 132 IV 20 consid. 4.2. p. 25 ; ATF 75 IV 78). Plus précisément, la communication attaquée doit imputer faussement à la personne dénoncée des faits qui, s’ils étaient avérés, seraient constitutifs d’un crime ou d’un délit.
Sur le plan subjectif, l’auteur doit savoir que la personne qu’il dénonce est innocente. Il s’agit d’une connaissance au sens strict. Le dol éventuel ne suffit pas (ATF 136 IV 170 consid. 2 ; ATF 76 IV 244). Comme l’auteur sait que la personne dénoncée est innocente, les preuves libératoires de la vérité ou de la bonne foi n’ont aucun sens et sont dès lors exclues (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3
e
éd., 2010, n. 15 ad art. 174 CP, p. 613). Par ailleurs, l’auteur doit savoir que les faits allégués sont punissables, vouloir et accepter que son comportement provoque contre la personne visée l’ouverture d’une procédue pénale. Le dol éventuel suffit quant à cette intention de faire ouvrir une poursuite pénale (ATF 85 IV 83 ; ATF 80 IV 120).
5.2
Lors de son audition du 22 août 2012, l’appelant a déclaré avoir été victime de violences policières, à l’occasion de son interpellation dans la nuit du 19 au 20 août 2012. Il a expliqué avoir été frappé par plusieurs policiers pendant trois ou quatre heures dans une cellule où il était maintenu. Les policiers lui auraient placé un t-shirt sur la tête pour l’empêcher de voir qui le frappait. Il aurait été poussé contre un mur qu’il aurait heurté avec la tête. Ces gestes auraient provoqué des marques au visage, à l’œil gauche, ainsi qu’à l’épaule gauche. Il a déposé une plainte pénale à raison de ces faits. Celle-ci a été classée par une ordonnance rendue le 23 octobre 2012, qui est aujourd’hui définitive et qui équivaut par conséquent à un acquittement en application de l’art. 320 al. 4 CPP.
L’appelant a expliqué à l’audience que les blessures constatées par son amie W._, et visibles longtemps encore après les faits, ne sont pas compatibles avec le récit des policiers, assurant qu’il ne se les était pas infligées lui-même. S’il n’a pas tout de suite fait constater les blessures par un médecin et déposer plainte, c’est qu’il ignorait à qui s’adresser et qu’en outre, il a manqué de chance.
La version de l’appelant doit être écartée. Conformément au certificat médical et au témoignage de son amie, on ne saurait nier que l’intéressé a subi des blessures dans le cadre de son interpellation. Reste que, suivant les déclarations concordantes des policiers, confirmées par certaines images de vidéosurveillance, on doit admettre que l’appelant s’est lui-même infligé ses lésions (cf rapport de police, pièces 12 et 17 du dossier joint). En outre, le t-shirt lui a été placé sur le visage pour éviter les crachats. Il ne s’agit donc pas de violences policières. Par ailleurs, les agents ont dû appliquer la procédure de sécurité au regard du comportement du prévenu. Ainsi, l’appelant a accusé les agents d’avoir adopté un comportement répréhensible, alors qu’il les savait innocents. Sa condamnation pour dénonciation calomnieuse doit par conséquent être confirmée.
6.
L’appelant conteste la peine infligée. Il soutient qu’il n’a pas été tenu compte de sa situation personnelle, ni de l’effet de la peine sur son avenir.
6.1
L’art. 47 CP prévoit que le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’éxecution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 124 IV 17 consid. 2.1 p. 19 ; ATF 129 IV 6 consid. 6.1).
6.2
En l’espèce, on retiendra, à charge, que depuis son arrivée en Suisse en mai 2012, l’appelant avait déjà été condamné à deux reprises pour vol. S’agissant de la présente procédure, il a commis plusieurs infractions dans un espace de temps relativement court, entre le 12 juin et la fin du mois d’août 2012. Ces circonstances dénotent une certaine intensité de l’activité délictueuse, qui s’inscrit dans la durée. Ce constat est encore renforcé par la condamnation qui lui a été infligée le 22 avril 2013, soit postérieurement au jugement entrepris. D’une manière générale, l’appelant paraît peu accessible à la menace d’une sanction pénale.
A décharge, il convient de tenir compte du jeune âge de l’appelant et de la précarité de sa situation. Néanmoins, les difficultés qu’il doit affronter ne justifient pas ni n’excusent la commission d’infractions pénales.
Au regard de la culpabilité de l’appelant et des éléments qui viennent d’être exposés, la peine privative de liberté prononcée par le tribunal de police peut être confirmée. Le pronostic est défavorable.
7.
En définitive, l'appel de C._ est rejeté et le jugement rendu le 12 octobre 2012 par le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne est confirmé.
Une indemnité de défenseur d’office pour la procédure d’appel d’un montant de 1'381 fr., TVA et débours compris, est allouée à Me Joëlle Druey.
Les frais d'appel, qui comprennent l’indemnité allouée à Me Joëlle Druey, par 3’621 fr., sont mis à la charge de l’appelant qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).
C._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat l’indemnité allouée à son défenseur d’office que lorsque sa situation financière se sera améliorée. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
718cf193-57b6-4bd4-be08-0746d0f04dfc | En fait :
A.
Par jugement du 28 avril 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l'Est vaudois a, notamment, condamné D._ pour actes d’ordre sexuel avec des enfants et contrainte sexuelle à une peine privative de liberté de 24 mois, avec sursis durant 5 ans, sous déduction de 23 jours de détention provisoire (II), dit que D._ est le débiteur des sommes de 10'000 fr., valeur échue, à titre de tort moral, de B.I._,
3'000 fr., valeur échue, à titre de tort moral, d’V._ et
3'000 fr., [...] échue, à titre de tort moral, d’A.I._ (III), donné acte de leurs réserves civiles à [...] et A.I._ s’agissant des dommages et intérêts (IV), dit que les objets séquestrés sous fiche 532 sont maintenus au dossier à titre de pièces à conviction (V), mis les frais de la cause, par 22'850 fr. 40, à la charge de D._ incluant l’indemnité des défenseurs d’office par 11'642 fr. 40, TVA et débours compris, pour Me Coletta, dont 6'400 fr. ont d’ores et déjà été payés et par 4'698 fr., TVA et débours compris, pour Me Cereghetti Zwahlen (VI), et dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité des défenseurs d’office ne sera exigé que si la situation financière de D._ le permet (VII).
B.
Par annonce du 2 mai 2014, puis déclaration motivée du 10 juin 2014, D._ a formé appel contre le jugement précité. Il a conclu, principalement, à sa libération des infractions retenues à son encontre, au rejet des prétentions civiles, à la restitution des objets séquestrés et à l'octroi d'une indemnité de 10'000 fr. pour tort moral, les frais de procédure devant être mis à la charge de l'Etat. Subsidiairement, il a demandé que la cour de céans procède aux actes d’instruction requis et prononce son acquittement. Plus subsidiairement encore, il a conclu à l’annulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause à l’autorité inférieure pour qu’elle statue à nouveau après complément d’instruction et nouveaux débats.
A.I._ et V._ ont conclu au rejet de l'appel.
Le 20 juin 2014, le Ministère public a déposé un appel joint concluant à ce que la peine privative de liberté infligée à D._ soit fixée à 36 mois, dont 12 fermes et 24 mois avec sursis pendant 5 ans.
Une expertise de crédibilité a été ordonnée. Après avoir passé en revue les hypothèses les plus courantes dans les situations de fausses déclarations, l'anamnèse de B.I._, l'évaluation de sa personnalité, le contexte du dévoilement et le processus de révélation, la congruence entre les faits allégués et l'analyse détaillée de l'audition, l'experte a conclu que la déclaration de B.I._
"pourrait être considérée comme crédible",
en l'absence de
"raison factuelle permettant d'estimer que l'enfant aurait menti"
. Elle a cependant émis un doute
"quant à la personne prévenue, D._."
C.
Lors de l'audience du 28 août 2015, les plaignants A.I._ et V._ ont expliqué que leur fille s'était rétractée. Ils ont, partant, retiré toutes conclusions civiles, conclu à l'admission de l'appel, requis que les frais de procédure soient laissés à la charge de l'Etat et s'en sont remis à justice s'agissant de l'indemnité pour tort moral demandée par l'appelant.
Le Procureur a conclu à l'admission de l'appel principal, retiré son appel joint et s'en est remis à justice s'agissant de la requête d'indemnité formulée par D._.
Ce dernier a confirmé les conclusions de son appel tendant à ce qu'il soit acquitté. Il a déposé une nouvelle requête d'indemnisation et modifié ses conclusions dans le sens de cette requête.
D.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
D._ est né le 2 août 1943. Après des études d’ingénieur dans le domaine de l’automation, il a travaillé dans ce domaine jusqu'à sa retraite. Il est père de deux filles et plusieurs fois grand-père. Divorcé, l'intéressé vit seul et perçoit, outre sa rente AVS, une pension d'environ 9'000 fr. par année. Il paie 1'000 fr. par mois pour son loyer et 200 fr. par mois pour son assurance-maladie. Il fait l’objet de deux actes de défaut de biens à hauteur de près d'un million, pour des prêts hypothécaires non remboursés.
Le casier judiciaire de D._ mentionne qu'il a été condamné, le 30 septembre 2008, par la Préfecture [...], pour violation grave des règles de la circulation routière, à 15 jours-amende à 25 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans et à une amende de 250 francs.
Pour les faits de la présente cause, l'intéressé a été détenu provisoirement durant 23 jours.
2.
Par acte d'accusation du 20 septembre 2013, D._ a été renvoyé pour avoir commis, à [...] au camping [...] plusieurs reprises durant l'été 2012, des actes à caractère sexuel sur B.I._, alors âgée de 6 ans.
3.
Lors de l'audience d'appel, l'avocate des plaignants ainsi que ces derniers ont expliqué que la victime avait menti et qu'elle paraissait crédible dans ses rétractations.
C.
Les faits retenus sont les suivants : | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délai légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de D._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
3.
L'appelant conteste être l'auteur des infractions commises à l'encontre de B.I._.
3.1
L'art. 10 CPP dispose que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation (al. 3).
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, il s'agit de l'acte par lequel le juge du fond évalue librement la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ses différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l'application du droit pénal matériel. Le juge peut fonder une condamnation sur un faisceau d'indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d'autres termes, ce n'est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad. art. 10 CPP; Kistler Vianin in: op. cit. nn.19 ss. ad art. 398 CPP, et les références jurisprudentielles citées).
3.2
Peu avant l'audience d'appel, la victime, B.I._, s'est rétractée. Elle a expliqué à sa mandataire qu'elle voulait dire la vérité car elle avait appris de ses parents qu'il allait y avoir une audience concernant l'appelant, qu'elle ne souhaitait pas qu'un innocent aille en prison et qu'elle avait menti, car elle ne voulait pas aller en camp où il y avait des hommes. Les plaignants ont confirmé les rétractations de leur fille.
Il n'y a pas de motifs de s'écarter des dernières déclarations de B.I._, ce d'autant plus que les éléments au dossier ne permettent pas d'établir la réalité d'une agression sexuelle commise par D._ .
En effet, de l'enregistrement vidéo et des procès-verbaux d'audition, on comprend que B.I._ rapporte des faits et plus particulièrement des détails, non spontanés, mais qui lui ont été communiqués par les personnes à qui elle s'est confiée, comme par exemple, l'âge et le nom de l'appelant. Il ne s'agit pas d'éléments directement constatés, mais qui ont été rapportés après les faits qu'elle a dénoncés. De plus, la fillette n'a pas non plus été toujours cohérente ni crédible dans ses premières déclarations. Ainsi, la description physique de l'intéressé, relevant notamment qu'il avait un gros ventre, ne correspond pas à la réalité. Elle a également parlé du fils[...][...] de l’intéressé, alors que ce dernier n'a que deux filles. De même, la description donnée par l'enfant de l'obligation de rester assise durant plusieurs minutes dans l'herbe devant la caravane de son agresseur n'est pas crédible au regard de la configuration des lieux et
de la très grande proximité entre les diverses caravanes (cf. dossier photographique ; P. 38). On voit mal un agresseur prendre autant de risques en plein après-midi et alors que les membres de la famille de l'enfant vivent à proximité très immédiate.
D._ est né le 2 août 1943 et avait donc presque 70 ans au moment des faits qui lui sont reprochés. Ses proches et notamment son ex-femme, qui le connaît depuis 53 ans, sont convaincus qu'il n'est pas capable d'abuser d'un enfant, relevant également qu'il a d'assez bons contacts avec ses deux filles et les enfants de ces dernières (PV aud.12). De plus, il n'a pas de casier judiciaire et rien de compromettant n'a été retrouvé dans son ordinateur.
Enfin l'expertise de crédibilité a également relevé un doute quant à la personne prévenue à savoir D._.
3.3
Au vu de ce qui précède, l'appel doit être admis et le jugement attaqué modifié en ce sens que D._ est acquitté.
4.
L’appelant demande la restitution des objets séquestrés. Il s’agit de l’enregistrement sur CD des propos accusateurs tenus par B.I._ au Centre d’intervention régional (CIR) de [...] de l’enregistrement des dires de la prénommée au Camping de[...] ainsi que d’un CD contenant l’extraction des données du natel de l’interessé.
Selon l'art. 69 CP, le juge prononce la confiscation d'objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d'une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public
(al. 1). D’après la jurisprudence, cela signifie que, dans le futur, ce danger doit exister et que, précisément pour cette raison, il faut ordonner la confiscation en tant que mesure de sécurité. Par conséquent, le juge doit poser un pronostic quant à la vraisemblance suffisante que l'objet, dans la main de l'auteur, compromette à l'avenir la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public (ATF 130 IV 143 c. 3.3.1).
En l’espèce, au vu de la nature des pièces concernées, il y a lieu de refuser leur restitution au prévenu quand bien même celui-ci est libéré et d’ordonner leur maintien au dossier à titre de pièces à conviction.
5.
D._ réclame pour ses frais de défense, le montant de 14'791 fr. 45 correspondant à environ 53 heures au tarif horaire de 280 francs.
5.1
Aux termes de l’art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure. Cette indemnité concerne les dépenses du prévenu pour un avocat de choix (ATF 138 IV 205).
5.2
Me Jean-Marie Favre est défenseur d’office de D._ (cf. prononcé du Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois du 14 mai 2014) et non pas avocat de choix. L'appelant n'a donc pas lui-même supporté les dépenses relatives à un avocat de choix et ne saurait donc prétendre à une indemnité à ce titre, les conditions de l'art. 429 al.1 let. a CPP n'étant pas réalisées.
Le défenseur a cependant droit à une indemnité d'office pour la procédure d'appel. Compte tenu de la nature de l'affaire et du travail occasionné par la procédure de seconde instance, il convient de lui allouer 5'043 fr. 60 à ce titre. Cette somme comprend, audience incluse, 25 heures de travail au tarif de l'avocat d'office breveté (180 fr.), une vacation à 120 fr., 50 fr. de débours et 8 % de TVA.
6.
L'appelant fait valoir qu'il a été détenu préventivement à la prison du Bois-Mermet pendant 23 jours. Il réclame une indemnité de 250 fr. par jour, soit un total de 5'750 fr., avec intérêt à 5 % dès le 6 septembre 2012 pour le tort moral subi du fait de cette privation de liberté injustifiée.
6.1
Selon l'art. 429 al. 1 let. c CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté.
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en matière de détention injustifiée, le montant de l'indemnité doit être fixé en fonction de la gravité de l'atteinte portée à la personnalité. Il faut tenir compte de toutes les circonstances, notamment des effets négatifs de la détention sur l'intégrité physique, psychique ou encore sur la réputation. L'activité professionnelle du lésé doit également être prise en compte dans cette appréciation. Il appartient au demandeur d'invoquer et de prouver les atteintes subies. Le Tribunal fédéral considère en principe qu'un montant de 200 fr. par jour en cas de détention injustifiée de courte durée constitue une indemnité appropriée, dans la mesure où il n'existe pas de circonstances particulières qui pourraient fonder le versement d'un montant inférieur ou supérieur (ATF 6B_53/2013 du 8 juillet 2013).
6.2
L'appelant a droit à une indemnité pour la détention provisoire.
D._ réclame 250 fr. par jour de détention, en se prévalant de l’ancienneté de la jurisprudence prévoyant un montant inférieur. Il n'invoque toutefois aucune circonstance permettant de revoir à la hausse le montant journalier de 200 fr. qui a par ailleurs été confirmé par les arrêts récents du Tribunal fédéral. Certes, la détention est une source d'angoisse, d'autant plus lorsque la personne concernée est innocente. Reste qu'en l'occurrence, l'appelant n'a pas allégué de souffrances particulières dues à sa période de prison ou de comportements hostiles auxquels il aurait pu être confronté. De même, divorcé et retraité, il ne prétend pas que sa détention aurait eu des effets dévastateurs dans sa vie familiale ou professionnelle. Ainsi, on ne discerne pas d'éléments particuliers qui justifieraient de verser à l'intéressé un montant journalier supérieur
à 200 fr. Il convient donc de s'y tenir et de lui allouer une indemnité de 4'600 fr. pour les 23 jours de détention préventive subie injustement.
7.
D._ se prévaut d'un dommage matériel. Il réclame 1'065 fr. plus intérêt à 5 % dès le 6 septembre 2012, correspondant à la moitié du prix de la place de parc qu'il a dû louer pendant une année pour s'être vu interdire l'accès à sa caravane sur ordre du Ministère public, 2'348 fr. pour les dégâts causés à sa caravane pendant son absence forcée et 600 fr. pour ses frais de déplacement.
7.1
D’après l’art. 399 al. 3 CPP, la partie qui annonce l'appel adresse une déclaration d'appel écrite à la juridiction d'appel dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé. L'appelant ne doit pas seulement mentionner les parties du jugement qu'il attaque mais indiquer les modifications du dispositif qu'il demande sur ces points. La juridiction d'appel n'est pas liée par les conclusions prises par l'appelant, sauf lorsqu'elle statue sur une action civile (cf.
art. 391 al. 1 let. b CPP et Kistler Vianin, op. cit., n. 17 ad. art. 399 CPP).
Aux termes de l'art. 429 al. 1 let. b CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale.
L'évaluation du dommage économique se fait en application des règles générales en matière de responsabilité civile.
Conformément aux principes généraux, le dommage correspond à la diminution involontaire de la fortune nette. Il peut consister en une réduction de l'actif ou une augmentation du passif ou dans un gain manqué; il équivaut à la différence entre le montant actuel du patrimoine et le montant que celui-ci aurait atteint si l'événement dommageable ne s'était pas produit (ATF 139 V 176, c. 8.1.1 p. 187 s.; 133 III 462 c. 4.4.2 p. 470 et les références citées). Le responsable n'est tenu de réparer que le dommage qui se trouve dans un rapport de causalité adéquate avec l'acte qui fonde sa responsabilité (cf. 133 III 462 c. 4.4.2 p. 470). Il appartient au lésé de prouver non seulement l'existence et l'étendue du dommage mais aussi le lien de causalité entre celui-ci et l'événement à la base de son action (ATF 6B_1026/2014 du 25 novembre 2014).
7.2
En l'occurrence, l'appelant a formulé ses prétentions, pour la première fois, lors de l'audience d'appel. Il n'a en revanche pris aucune conclusion tendant à l'indemnisation des dommages précités dans le cadre de sa déclaration d'appel. Il est forclos à s'en prévaloir le jour de l'audience. Ses prétentions sont tardives et par conséquent irrecevables.
8.
D._
conclut au versement d’un montant de 15'000 fr., avec intérêt à 5 % dès le jour de son arrestation (le 15 août 2012) pour son tort moral lié aux conséquences de la présente procédure.
8.1
Par atteinte grave à la personnalité, l’art. 429 al. 1 let. c CPP renvoie à l'art. 49 CO (cf. Message du Conseil fédéral relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 pp. 1057 ss, spéc. 1313). La doctrine cite notamment les exemples du préjudice résultant d'un battage médiatique, d'une violation de la présomption d'innocence par l'autorité ou de problèmes personnels occasionnés dans la vie privée, sociale ou professionnelle (cf. Pitteloud, Code de procédure pénale suisse, Commentaire à l'usage des praticiens, Zurich/St-Gall 2012, n. 1355). Il ne faut en revanche pas prendre en compte les seuls désagréments inhérents à une poursuite pénale comme la charge psychique que celle-ci est censée entraîner normalement chez toute personne mise en cause (ibidem).
8.2
En l’espèce, il est évident que l’intéressé a eu à souffrir dans sa santé et sa vie privée du fait de la présente procédure. Il a été poursuivi en tant que prévenu d'actes d'ordre sexuel sur une personne incapable de discernement ou de résistance, d'acte d'ordre sexuel avec des enfants ou de contrainte sexuelle. Une telle accusation est particulièrement infamante et stigmatisante pour un homme âgé de plus septante ans qui n'avait jamais eu de contact sérieux avec la justice pénale, encore moins pour un tel délit. A cela s'ajoute la piètre image de lui que lui a renvoyé la justice en prenant ses dénégations pour un signe d'arrogance et un refus de reconnaître une faute, en laissant entendre qu'il avait pu avoir eu, à plusieurs reprises, un comportement sexuel coupable, et en retenant à sa charge que,
"dans un renversement classique des rôle
s", il tentait de se faire passer lui-même pour la victime. Au vu de ces éléments, la présente procédure pénale a porté une grave atteinte à la personnalité de D._ et justifie l'octroi d'une indemnité que l'on doit arrêter à 5'400 francs.
9.
Me Antonella Cereghetti Zwahlen, conseil d'office des plaignants, a déposé une liste d'opérations faisant état de 16 heures de travail, dont trois heures d'avocat breveté et 13 heures d'avocat-stagiaire, de 80 fr. de débours, d'une vacation à 120 fr. et de la TVA. Compte tenu de l’ampleur de la procédure et de la connaissance du dossier déjà acquise en première instance, il convient de faire droit à cette demande et de lui allouer un montant de 2'397. fr. 60.
10.
Vu le sort de l’appel, les frais de première et seconde instance, y compris les indemnités de défenseur et conseil d'office, sont laissés à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
71c0a2f7-ec92-46e5-9851-37439a1b5232 | En fait :
A.
Par jugement du 14 août 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté que C._ s’est rendue coupable de vol et d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur (I), l’a condamnée à une peine pécuniaire de 110 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 20 fr., peine complémentaire à celle prononcée par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne le 6 août 2013 (II), a dit qu’elle doit immédiat paiement à M._ de la somme de 8'000 fr. (III) et a mis les frais, par 2'125 fr., à la charge de C._ (IV).
B.
C._ a
annoncé faire appel de ce jugement le 19 août 2014. Elle a déposé une déclaration d’appel motivée le 10 octobre 2014. Elle a conclu implicitement à la modification du jugement en ce sens qu’elle est libérée des fins de la poursuite pénale et que les conclusions civiles du plaignant sont rejetées. Elle a maintenu ses conclusions par mémoire complémentaire du 3 novembre 2014.
Par courrier du 6 novembre 2014, le Ministère public a demandé à la Cour d’appel pénale de statuer sur le sort d’une chaîne stéréo saisie au domicile de la prévenue, ce que le Parquet dans son ordonnance pénale, puis le Tribunal de police à sa suite, avaient omis de faire. Il a requis la confiscation de cet objet, qu’il tient pour le produit de l’infraction, et sa dévolution à l’Etat.
L’appelante a déposé un nouveau mémoire complémentaire le 2 mai 2015.
A l’audience d’appel, l’appelante a consenti à ce que la Cour d’appel pénale statue sur le sort du séquestre portant sur la chaîne stéréo.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. La prévenue C._, née en 1940, aide-infirmière de profession, est à la retraite. Ses revenus sont de 2'700 fr. par mois au total. Ils comportent une rente AVS annuelle de 22'692 fr., ainsi que des prestations complémentaires et une pension de la prévoyance professionnelle. Séparée, l’intéressée vit seule à son domicile lausannois, son mari ayant quitté le domicile conjugal sans laisser d’adresse. Elle a un fils majeur. Titulaire du permis de conduire, elle dispose d’un véhicule.
Le casier judiciaire de la prévenue comporte les inscriptions suivantes :
- 22 juin 2009, Juge d’instruction de Lausanne, induction de la justice en erreur, 30 jours-amende à 50 fr. le jour, avec sursis pendant 3 ans;
- 6 août 2013, Ministère public de Lausanne, induction de la justice en erreur, 70 jours-amende à 20 fr. le jour, avec sursis pendant 5 ans, et 600 fr. d’amende.
2. La prévenue a travaillé comme aide-soignante pour [...], épouse depuis lors décédée du plaignant M._, jusqu’au 11 mai 2013, date de son licenciement avec effet immédiat. Une autre auxiliaire de santé travaillait au domicile du couple, à savoir [...], née en 1976. Cette dernière n’a pas de voiture. Elle n’est plus revenue sur son lieu de travail après son licenciement, qui lui avait été signifié le 11 mai 2013 également.
Entre le 16 mai et le 5 juin 2013, la prévenue est retournée à trois reprises au domicile du couple M._, dont deux fois pour rendre visite à son ancienne patiente. A l’une de ces occasions, mais le 4 juin 2013 au plus tard, elle a dérobé la Postcard de [...]. Elle en connaissait le code, pour avoir été amenée à utiliser ce moyen de paiement dans le cadre de son emploi. Elle savait en outre où la carte était habituellement rangée.
Entre les 4 et 7 juin 2013, la prévenue a effectué deux retraits en espèces au Postomat de la Place de la Riponne, pour un total de 8'000 fr., les 5 et 6 juin 2013, ainsi que plusieurs achats, pour environ 800 fr., au moyen de cette carte. Ces emplettes ont été effectuées à Lausanne (enseigne Manor), à Morges (enseigne Lipo Ameublement) et à Bussigny-près-Lausanne (enseignes Conforama et Aldi). En particulier, le 4 juin 2013, elle a acheté une chaîne stéréo de marque Philips et divers autres articles (des bougies, une passoire, une prise multiple et un tapis) au magasin Conforama. Pour leur part, les achats à l’enseigne Lipo Ameublement, effectués le même jour, ont consisté en un grille-pain et deux coussins.
Une chaîne stéréo de marque Philips a été saisie par la police lors d’une visite domiciliaire effectuée au logement de la prévenue le 21 novembre 2013. Le modèle de l’appareil en question correspondait à celui indiqué par le relevé de caisse de l’enseigne Conforama relatif aux achats effectués le 4 juin 2013 au moyen de la Postcard. La prévenue a soutenu que la chaîne lui avait été offerte deux ans auparavant. Contactée par la police, la société Philips a fait savoir qu’il découlait de son numéro de série que l’appareil n’était fabriqué que depuis décembre 2012. Le fabriquant n’a en revanche pas pu fournir de renseignements quant à la destination d’expédition du produit lors de sa mise sur le marché.
3. M._ a déposé plainte le 22 juin 2013. A l’audience de première instance, agissant par son conseil de choix, il a pris des conclusions civiles à hauteur de 8'800 fr., avec intérêts à 5 % l’an dès le 7 juin 2013, à l’encontre de la prévenue. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
3.1
L’appelante conclut à libération des fins de la poursuite pénale. Faisant implicitement grief aux premiers juges d’une constatation incomplète ou erronée des faits et de la violation de la présomption d’innocence, l’appelante considère que le tribunal correctionnel a abusé de son pouvoir d’appréciation en lui imputant les actes incriminés. Selon elle, aucun élément du dossier ne l’incriminerait.
3.2
L’art. 10 CPP dispose que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation (al. 3).
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, il s’agit de l’acte par lequel le juge du fond évalue librement la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. Le juge peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory,
in
: Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP; Kistler Vianin, op. cit., nn. 19 ss ad art. 398 CPP, et les références jurisprudentielles citées).
Lorsque l'autorité a forgé sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble. Le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables au prévenu sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a; cf. aussi, quant à la notion d’arbitraire, ATF 136 III 552 c. 4.2).
3.3
Le premier juge, reprenant les indices figurant dans l’ordonnance pénale, a considéré ce qui suit :
- qu’une chaîne stéréo de marque Philips acquise le 4 juin 2013 à l’enseigne Conforama, à Bussigny-près-Lausanne, figurait parmi les achats litigieux, et qu’une chaîne de même modèle avait été découvert au domicile de la prévenue;
- que celle-ci avait affirmé avoir reçu ce bien en cadeau deux ans auparavant; or, il résultait de son numéro de série que l’appareil n’avait pas été fabriqué avant décembre 2012;
- que Conforama était un magasin difficile d’accès sans véhicule;
- que la culpabilité de [...], seule autre suspecte possible, était peu vraisemblable, dès lors que celle-ci n’avait pas de voiture et n’était pas retournée au domicile des époux M._ après son propre licenciement le 11 mai 2013.
Le Tribunal de police a ajouté que, vu ses antécédents, la prévenue n’était pas crédible.
3.4
Cette motivation est convaincante. L’appelante ne conteste pas avoir disposé de la Postcard de feu [...] durant son emploi, pas plus qu’elle ne nie en avoir connu le code. De plus, la chaîne stéréo retrouvée au domicile de la prévenue, que cette dernière n’a pas pu acquérir de la façon qu’elle décrit, est à elle seule un indice accablant, qui est corroboré par d’autres éléments, certes secondaires. L’autre ex-employée des époux M._, domiciliée à Lausanne, ne disposait pas d’une voiture, contrairement à la prévenue; or, l’enseigne Conforama de Bussigny-près-Lausanne est notoirement difficile d’accès par les transports publics ou à pied. La prévenue n’est pas crédible dans ses dénégations, au vu de se deux précédentes condamnations pour induction de la justice en erreur. Elle avait un mobile pour agir, contrairement à ce qu’elle soutient, puisqu’elle reproche au plaignant de n’avoir pas suffisamment rémunéré son dévouement. La culpabilité de l’appelante ne fait dès lors aucun doute.
Il doit néanmoins être relevé que le jugement, comme l’ordonnance pénale avant lui, contient une légère erreur dans les faits. Ainsi, il ressort du rapport de police que les achats litigieux ont commencé le 4 et non le 5 juin 2013, et qu’ils ont eu lieu à Lausanne, Bussigny-près-Lausanne et Morges; il y a eu en outre deux retraits en espèces, de 3'000 fr. et 5'000 fr., effectués à Lausanne les 5 et 6 juin 2013 respectivement. L’ordonnance pénale comme le jugement du Tribunal de police retiennent pourtant des achats et retraits effectués entre le 5 et le 7 juin 2013, alors que la période à prendre en compte est comprise entre le 4 et le 7 juin 2013. De plus, seule Lausanne est retenue comme lieu d’infraction, les communes de Bussigny-près-Lausanne et de Morges ayant été omises. Cette rectification factuelle n’a toutefois pas d’effet sur le dispositif du jugement.
Le jugement ne procède dès lors ni d’une violation de la présomption d’innocence, ni d’une constatation incomplète ou erronée des faits.
4.
L’appelante ne conteste ni les qualifications juridiques des infractions, ni la peine, ni le refus du sursis, ni l’allocation partielle de ses conclusions civiles au plaignant.
Vérifiées d’office, les qualifications (vol et d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur) s’avèrent correctes. La peine n’est pas sévère au regard de l’art. 47 CP. En effet, l’appelante présente un antécédent, remontant à 2009, et les infractions sont en concours rétrospectif avec les faits jugés le 6 août 2013 par le Ministère public de Lausanne, d’où le caractère complémentaire de la peine de 110 jours-amende. En outre, les infractions réprimées sont en concours. Enfin, les dénégations récurrentes de l’intéressée, à l’audience d’appel encore, dénotent une absence de prise de conscience de la gravité des faits, notamment eu égard au fait que l’auteur a trahi la confiance d’une vieille dame placée sous ses soins. Il s’agit d’autant d’éléments à charge, auxquels ne s’oppose aucun facteur à décharge.
La peine ne saurait être assortie du sursis, vu le pronostic défavorable devant être posé sous l’angle de l’art. 42 al. 1 CP. En effet, l’appelante a, comme déjà relevé, un antécédent, abstraction faite même des faits réprimés le 6 août 2013, et persiste à nier contre l’évidence en accusant le plaignant de mensonge. Seule une peine pécuniaire ferme apparaît ainsi suffisante à éviter la réitération.
Enfin, s’agissant de l’allocation partielle des conclusions civiles à la partie plaignante demanderesse au pénal, le premier juge a considéré que l’on ignorait la valeur exacte des achats effectués au moyen de la carte. Le Tribunal de police n’a donc alloué que les 8'000 fr. correspondant aux deux retraits en espèces dûment établis. Les conclusions civiles allouées reposent donc sur des faits établis et leur quotité est du reste favorable à l’appelante.
5.
A l’audience d’appel, l’intimé a repris ses conclusions de première instance. Il ne saurait cependant obtenir l’adjudication de ces conclusions, faute d’avoir déposé un appel ou un appel joint. En d’autres termes, entrer en matière sur ces conclusions contreviendrait à la prohibition de la reformatio in pejus découlant de l’art. 404 CPP.
6.
Le Ministère public demande à l’autorité de céans de statuer sur le sort de la chaîne stéréo saisie au domicile de la prévenue (P. 6), ce à quoi la prévenue a expressément consenti à l’audience d’appel.
La chaîne stéréo constitue le produit d’une infraction; laisser le bien mobilier en question à la disposition de l’appelante récompenserait l’acte illicite et contreviendrait ainsi à l’ordre public. Partant, elle doit effectivement être confisquée et dévolue à l’Etat (art. 69 al. 1 CP; art. 267 al. 3 in fine CPP). Le dispositif du jugement doit être complété dans ce sens.
7.
Les frais de la procédure d'appel, limités à l’émolument, seront mis entièrement à la charge de la prévenue qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).
L’intimé, qui obtient gain de cause sur ses conclusions tendant au rejet de l’appel, a agi par un conseil de choix. Il a conclu à l’octroi d’une juste indemnité pour ses dépenses obligatoires occasionnées par la procédure au sens de l’art. 433 CPP, pour les opérations liées à la procédure d'appel. Il n’a cependant ni chiffré, ni justifié ses prétentions conformément à l’art. 433 al. 2 CPP. A cet égard, la seule mention d’une durée d’activité de cinq heures pour son conseil ne saurait satisfaire aux exigences légales. Partant, il ne saurait y être fait droit. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
71d1bb2d-487e-476d-b50c-7fcac1b96d77 | En fait :
A.
Par jugement du 5 mars 2004, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a, notamment, condamné V._ pour incendie par négligence à 20 jours d’emprisonnement avec sursis pendant 2 ans (I).
Dans ce jugement, le tribunal de police a retenu que l'accusé avait stocké du foin qui n’était pas sec, en utilisant pour la première fois un procédé de bottelage en balles rondes (jugement, p. 10), et qu'il n’avait pas vérifié régulièrement la température par sondages. Le premier juge s'est fondé sur un rapport établi le 10 décembre 2002 par l’expert [...], du Service scientifique de la police municipale de Zurich. Selon cet avis, l’analyse des bactéries présentes dans des échantillons de foin révélait qu’un échauffement spontané ou surfermentation avait eu lieu (pièce 9). Le tribunal a aussi retenu l’opinion de l’inspecteur [...] de la police de sûreté, exprimée dans un rapport du 1
er
avril 2003, qui reprenait l'analyse de son collègue zurichois (pièce 19). Le premier juge a rejeté une requête incidente de l'accusé tendant à ce qu’une nouvelle expertise soit ordonnée, pour le motif que l’expert [...] diplômé en biologie et en zoologie, disposait d’une expérience de trente années tandis que l’inspecteur [...] était au bénéfice d’une formation spéciale en matière d’incendies et disposait d’une expérience de vingt-deux ans. Le tribunal a en outre écarté l’argumentation de l'accusé selon laquelle l’incendie avait commencé dans le canal d’aération de l’écurie, où se trouvait de la paille, à quelque vingt mètres du foin. Se fondant sur les explications fournies par l’inspecteur [...] dans un rapport du 24 juin 2003 (pièce 28), il a retenu que c’étaient les flammes provenant de la combustion du foin qui s’étaient rabattues sur la paille, ce qui avait fait apparaître, dans un deuxième temps, un foyer dans le canal de cheminée (jugement, p. 15). Il a également écarté l'argument, invoqué par l'accusé, que de la fumée noire aurait été vue par certains habitants. Retenant à nouveau les explications apportées par l’inspecteur [...] dans son rapport précité, il a tenu pour avéré que les gaz de combustion étaient généralement très noirs avant de s’enflammer (jugement, p. 16).
Le jugement du 5 mars 2004 a été confirmé par l'arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal (ci-après : la CCASS) rendu le 12 mai 2004 (no 201). Cette cour a retenu que, d'une part, le premier juge n'avait pas fait preuve d'arbitraire en rejetant la requête de nouvelle expertise de V._, et que, d'autre part, le prévenu avait agi par négligence en bottelant du foin qui n'était pas sec et en omettant de contrôler la température du fourrage.
Une première demande de révision déposée par l'intéressée le 8 novembre 2004 a été écartée par arrêt du 12 janvier 2005 de la Commission de révision pénale (no 18).
Par arrêt du 10 février 2010 (no 2), la Commission de révision pénale a rejeté la seconde demande de révision présentée le 29 janvier 2010 par V._ sur la base de deux avis d'experts privés français ( [...] et [...] [...]). En bref, elle a considéré que les expertises produites en procédure de révision ne constituaient qu'une nouvelle interprétation d'éléments matériels déjà connus (arrêt p. 5), et ne permettaient pas d'établir que les conclusions de l'expertise judiciaire corroborées par le rapport du policier expert fondant le jugement soumis à révision seraient entachés d'une erreur grossière (arrêt p. 8).
B
. Le 10 mai 2012, V._ a déposé une troisième demande de révision contre le jugement rendu le 5 mars 2004 par le Tribunal de police de la Broye et du Nord vaudois, en concluant au renvoi de la cause à cette instance pour nouvelle instruction et nouveau jugement. Ladite requête se fonde sur un rapport d’expertise privée établi le 19 octobre 2010 par le laboratoire [...] (P. 5 du bordereau; ci-après : le [...]), ainsi que sur un rapport d’expertise privée, signé [...] établi en 2005 par la Station des productions animales et végétales de l’Institut agricole de l’Etat de Fribourg, complété le 20 janvier 2012 (P. 6 du bordereau; ci-après : le [...] [...]).
Se déterminant le 17 juillet 2012, le Ministère public a conclu au rejet de la demande, dès lors que les nouvelles pièces produites n'établissaient pas le caractère erroné ou imprécis des faits retenus par le premier jugement. En outre, il a soutenu que le prévenu cherchait à obtenir la prescription de l'action pénale par la voie d'une nouvelle demande de révision fondée sur des motifs identiques et des rapports qui auraient pu être produits antérieurement, de sorte que sa requête serait abusive (mémoire p. 4).
Dans sa réplique du 15 août 2012, V._ a persisté dans ses conclusions. | En droit :
1.
1.1
Dans un arrêt du 28 juin 2012 (TF du 28 juin 2012 6B_41/2012 c. 1.2), la Cour pénale du Tribunal fédéral a précisé que la Cour d'appel pénale était compétente pour s’occuper des affaires de révision, dès lors que la Chambre des révisions vaudoise (recte : la Commission de révision pénale) avait cessé de fonctionner. Il a en outre indiqué que, conformément à l’art. 453 al. 1 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0), les motifs de révision restaient ceux prévus par le droit applicable au moment où la décision soumise à révision a été rendue.
1.2
La cour de céans est donc compétente pour examiner les motifs de révision invoqués par V._, ce qu'elle fera ci-après à l'aune de
l'art. 455 al. 1 de l'ancien CPP-VD (Code de procédure pénale du 12 septembre 1967; RSV 312.01) en vigueur lorsque le jugement soumis à révision (du 5 mars 2004) a été rendu.
2.
2.1
La révision d'un jugement ou d'une ordonnance de condamnation, ainsi que celle d'un arrêt de la cour de cassation, peut être demandée quand des faits ou des moyens de preuve sérieux et dont le juge n'avait pas eu connaissance lors du premier procès viennent à être invoqués (art. 455 al. 1 CPP-VD).
Pour ce qui concerne une infraction réprimée par le droit fédéral,
l'art. 455 CPP-VD n'a pas de portée propre par rapport l'art. 385 CP, qui correspond textuellement à l'ancien art. 397 CP, de sorte que la jurisprudence du Tribunal fédéral rendue sous l'ancien droit conserve sa valeur.
Par "faits", il faut entendre toute circonstance susceptible d'être prise en considération dans l'état de fait qui fonde le jugement, ce qui comprend tout événement matériel ou produit par l'activité humaine, même celui auquel la loi attache un effet juridique, à la condition qu'elle joue un rôle dans la qualification juridique, dans la fixation de la peine ou l'octroi du sursis (Favre et al., op. cit., n. 1.3 ad art. 385 CP; Bovay, Dupuis, Monnier, Moreillon, Piguet, Procédure pénale vaudoise, 3
e
éd., Bâle 2008, n. 2.2 ad art. 455 CPP-VD, pp. 549-550).
Un fait ou un moyen de preuve est nouveau au sens de l'art. 385 CP lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'il ne lui a pas été soumis sous quelque forme que ce soit
(ATF 130 IV 72, c. 1, rés. in JT 2004 IV 160; ATF 122 IV 66, c. 2a et les arrêts cités, rés. in JT 1998 IV 91), sans qu'il importe – sous réserve de l'abus de droit, qui ne doit être admis qu'avec retenue en cas de révision fondée sur l'art. 385 CP – qu'il ait été connu ou non du requérant (ATF 130 IV 72, c. 2.2, rés. in JT 2004 IV 160). Il appartient au juge de la révision d'apprécier les preuves avancées pour établir le fait nouveau ou d'examiner la force probante d'un nouveau moyen de preuve invoqué pour établir un fait déjà connu (ATF 92 IV 177, JT 1967 IV 56; JT 1988 III 94).
Pour aboutir, il ne suffit pas que la révision se fonde sur des faits nouveaux. Encore faut-il qu'ils soient sérieux. Le fait ou le moyen de preuve est sérieux, lorsqu'il est propre, sous l’angle de la vraisemblance, à ébranler l'état de fait sur lequel se fonde la condamnation et que, ainsi modifié, celui-ci rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 130 IV 72, c. 1, rés. in JT 2004 IV 160; ATF 122 IV 66, c. 2a et les arrêts cités, rés. in JT 1998 IV 91). Le motif doit donc être concluant, à savoir ébranler les constatations de fait, et causal, à savoir de nature à entraîner une décision plus favorable au condamné (Piquerez, Procédure pénale suisse, 2
e
éd., Zurich, 2007, n. 986 p. 629).
2.2
La question déterminante est celle de savoir si au moins un fait, respectivement un moyen de preuve nouveau et sérieux au sens de l'art. 385 CP, découle des pièces produites.
La question préalable est celle de la validité d'expertises produites en procédure de révision, dans la mesure où ces avis portent sur des faits anciens et ne constituent qu'une nouvelle interprétation d'éléments matériels déjà connus.
Dans des arrêts rendus à propos de l’art. 385 CP (art. 397 aCP), le Tribunal fédéral a adopté une position restrictive s’agissant de l’expertise comme cause de révision; il est d’avis qu’une expertise, même fondée sur de nouvelles méthodes scientifiques, ne peut être invoquée pour remettre en question l’appréciation portée sur un fait qui a déjà fait l’objet d’une première expertise (ATF 76 IV 34, JT 1950 IV 60; ATF 78 IV 50, JT 1952 IV 72; ATF 101 IV 247, JT 1976 IV 58). Dans un arrêt de 2002, il s’est plus précisément prononcé sur une expertise privée (en l’occurrence une expertise de crédibilité de l’enfant), estimant qu’il ne s’agissait pas à proprement parler d’un "moyen de preuve nouveau", mais que les faits contenus dans une telle pièce pouvaient tout au plus être considérés du point de vue procédural comme des allégations de la partie qui s’en prévaut; si tel n’était pas le cas, la partie pourrait indéfiniment remettre en cause un jugement entré en force en sollicitant simplement de nouvelles expertises privées, et ce de manière appellatoire, ce qui contreviendrait au sens et au but de cette voie de droit extraordinaire qu’est la révision; c’est pourquoi il convient de distinguer entre faits nouveaux et une simple critique des moyens de preuve qui figuraient au dossier et leur appréciation par le juge (TF 1P.212/2002 du 23 juillet 2002, avec référence à ATF 127 I 73, c. 3f/bb et 133, c. 6; ATF 122 IV 66, c. 2b).
Cette jurisprudence stricte, qui ne lie pas les cantons, a été critiquée en doctrine (cf. Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, 2
e
éd., Zurich 2006, n° 1275 p. 786 et les réf. cit.; de Montmollin, La révision pénale selon l'article 397 CPS et les lois vaudoises, thèse, Lausanne 1981, pp. 112s.).
La doctrine préconise d’admettre qu’une nouvelle expertise, privée, soit considérée comme un moyen de preuve nouveau, s’agissant d’un fait connu des premiers juges, lorsqu’elle est propre à ébranler de manière indiscutable l’administration des preuves de la décision attaquée, c’est-à-dire qu’elle permet de prouver que le premier juge s’est fondé sur un état de fait erroné; s’il y a déjà eu une expertise judiciaire, il faudra se montrer prudent et restrictif; ainsi, la révision peut se fonder sur une nouvelle expertise, pour autant qu’elle soit propre à établir l’existence de faits nouveaux ou à permettre de prouver l’inexactitude des faits retenus dans le premier jugement; en revanche, une nouvelle expertise qui conclut uniquement à une appréciation différente, du point de vue scientifique, des faits soumis au premier expert, ne constitue pas un motif de révision au sens de l’art. 385 CP; les divergences entre experts ou les "querelles d’experts" ne sont pas suffisantes pour remettre en cause la force de chose jugée; un avis différent d’un expert ne peut constituer un motif de révision que s’il représente un élément nouveau démontrant ou rendant vraisemblable, par des faits précis, objectifs, qu’une erreur a été commise et que la nouvelle expertise est de nature à faire douter de la légitimité de la première expertise (Piquerez, op. cit., ibid.). Quant à Walder, il est d’avis qu’une erreur grossière du premier expert et l’existence d’un savoir plus étendu ou d’une méthode bien meilleure utilisée par le second expert justifie une révision (Die Wiederaufnahme des Verfahrens in Strafsachen nach Art. 397 StGB, insbesondere auf Grund eines neuen Gutachtens,
in
Berner Festgabe zum Schweizerischen Juristentag 1979, Berne 1979, pp. 341 ss, spéc. pp. 350 s.).
Dans le cadre de l’art. 455 al. 1 CPP-VD, il y a lieu de s’inspirer des principes exposés ci-dessus, applicables par analogie.
2.3.1
En l'espèce, le rapport du Laboratoire [...] (P. 5 du bordereau) n’est pas une expertise indépendante. Elle se veut néanmoins autant objective que sincère, sincérité qui doit alors aussi valoir lorsque les signataires du rapport affirment que le requérant
"[...] ne sera client de notre laboratoire qu’une fois dans sa vie [...]"
(cf. p. 18), suggérant ainsi que V._ n’a jamais eu affaire à ce laboratoire auparavant. Or, cette affirmation est contredite par le fait que l'intéressé a déjà sollicité l’avis de ce laboratoire fin 2009-début 2010 puisqu’il se réclame de ses conclusions pour fonder sa seconde demande de révision du 29 janvier 2010 (P. 58, p. 4). Le fait que les experts privés ne mentionnent pas cet élément, et soulignent au contraire que leur mission aurait débuté le 3 juin 2010 (P. 5 du bordereau p. 4) témoigne d’une complaisance qui fait douter de leur objectivité.
On retrouve un tel parti pris des experts lorsque ceux-ci expliquent s’être chargés de cette mission d’expertise, à titre exceptionnel car, notamment, il s’agissait
"[...] d’un dossier à l'évidence construit en sens unique incriminant de façon abusive V._ [...]"
. Outre le fait que l’expert n’a pas à se livrer à une critique de la conduite d’une procédure pénale, l’affirmation est fausse. Il ressort en effet du jugement du 5 mars 2004 que d’autres hypothèses (un problème électrique, la foudre ou l’intervention de tiers) ont été envisagées et écartées (jugement p. 13, haut de la page). Par ailleurs, on ignore tout de la méthodologie appliquée à l'élaboration du rapport [...]. Enfin, sur le fond, ce rapport, qui conclut que la thèse défendue par les enquêteurs officiels – à savoir l’incendie dû à la fermentation du foin – est techniquement possible dans l’absolu, mais très invraisemblable dans les faits (P. 5 du bordereau p 18), ne fait qu’apporter une appréciation différente de celles des rapports d’expertise judiciaire ( [...], du service scientifique de la police municipale de Zurich et [...] Inspecteur rattaché au service de l’Identité judiciaire de la police de sûreté vaudoise). Il ne saurait donc permettre une révision.
2.3.2
Le rapport [...] du 28 juin 2005 et son complément du 20 janvier 2012 (P. 6 du bordereau) renseignent peu au sujet de la méthodologie appliquée par ce collaborateur scientifique. On s’étonne, par ailleurs, que V._ ait pu détenir des balles de foin de 2002 qu'il a présentées à l’expert privé [...]pour les besoins de son rapport de 2005 alors que, selon l’état de fait du jugement, l’entier de la grange et du rural ont été détruits par l’incendie (jugement p. 8). De deux choses l’une : soit l’expert n’a pas eu connaissance de l’intégralité du dossier et il ignorait que l’incendie avait ravagé la récolte, soit les balles de foin analysées ne sont pas celles incriminées. Dans les deux cas, le rapport n’est pas utilisable. Même à supposer qu’il le soit, il s’agit une nouvelle fois d’une opinion divergente de l’expert privé écrivant :
"[...] nous ne pouvons ni confirmer, ni infirmer l’hypothèse que le foin est absolument à l’origine de l’incendie [...]"
(cf. p. 3 du rapport du 28 juin 2005), opinion qui ne peut fonder une révision du jugement entrepris.
2.3.3
Enfin, le rapport de pluviométrie (P. 7 du bordereau) – selon lequel le temps aurait été meilleur au printemps 2002 au hameau de [...] que celui retenu dans le jugement attaqué – n'est pas décisif. En effet, il ne porte pas sur un point déterminant pour l’issue de la cause, le premier juge n’ayant pas fondé sa conviction sur cet élément (jugement p. 12 c. 10). Le fait n’est donc pas sérieux au sens de la loi et de la jurisprudence.
2.4.1
La cour de céans observe en outre que V._ possédait le rapport de l'expert privé de [...] depuis 2005 et qu’il avait déjà sollicité, en 2009, un avis du laboratoire [...], sur lequel il avait fondé sa deuxième demande de révision du 29 janvier 2010 (P. 58).
2.4.2
Selon la jurisprudence (ATF 130 IV 72 c. 2.2.), il est généralement admis qu’une révision ne doit pas servir à remettre sans cesse en cause une décision entrée en force, à détourner les dispositions légales sur les délais de recours ou celles sur la restitution desdits délais, voire à introduire des faits non présentés dans le premier procès en raison d’une négligence procédurale (ATF 127 I 133 c. 6 in fine p. 138; 125 IV 298 c. 2b in fine p. 302; cf. aussi Niklaus Schmid, Strafprozessrecht, Zurich 2004, 4ème éd., n. 1134 ainsi que la note de bas de page 600). L’interdiction de l’abus de droit s’étend à l’ensemble des domaines du droit, en particulier à la procédure pénale. L’abus de droit consiste à utiliser une institution juridique à des fins étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre, de telle sorte que l’écart entre le droit exercé et l’intérêt qu’il est censé protéger soit
manifeste (ATF 125 IV 79 c. lb p. 81). V._, qui était assisté, n’a pas soumis à la Commission de révision pénale le rapport établi par [...] en 2005, alors qu’il le possédait. Quant au rapport [...], il est certes plus complet que celui qui avait été soumis à la Commission de révision pénale, mais contient les mêmes conclusions. On peut dès lors s’étonner que le requérant n’ait pas immédiatement demandé un rapport complet à ce laboratoire. L'abus de droit consiste, ici, à obtenir, par la voie d'une nouvelle demande de révision fondée sur des motifs identiques, un effet sur l’action pénale : comme l’observe à juste titre le Ministère public, et quoique s’en défende le requérant (réplique p. 5), en cas d'entrée en matière sur la présente demande de révision, la prescription de l’action pénale serait atteinte durant l'instruction, s'agissant d'un délit commis le 31 août 2002. En ce sens, ladite demande doit être qualifiée d’abusive.
3.
En définitive, la demande de révision du prévenu doit être rejetée aux frais de son auteur. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
71d79508-c3cb-4fe5-8284-a2b1b9369691 | En fait :
A.
Par jugement du 17 mai 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré O._ des accusations de lésions corporelles simples, contrainte et viol (I), donné acte de ses réserves civiles contre ce dernier à A._ (II), ordonné la destruction des pièces à conviction répertoriées sous fiche No 2234 dès jugement définitif et exécutoire (III), arrêté à 5'120 fr. 90 le montant de l'indemnité du défenseur d'office d'O._, Me Olivier Burnet, et à 7'403 fr. 85 le montant de l'indemnité des divers conseils de l'étude Loroch (IV) et laissé l'ensemble des frais de procédure à la charge de l'Etat (V).
B.
Le 18 mai 2011, A._, partie plaignante, a formé appel contre le jugement précité.
Par déclaration d'appel motivée déposée le 29 juin 2011, l'appelante a indiqué qu'elle contestait le chiffre I du dispositif du jugement. Elle conclut donc à ce que le prévenu O._ soit reconnu coupable de viol, subsidiairement de contrainte. Elle soutient que les premiers juges ont usé arbitrairement de leur pouvoir d'appréciation et constaté les faits de façon incomplète et erronée.
Par courrier du 12 juillet 2011, la Procureure du Ministère public central, division affaires spéciales, contrôle et mineurs a indiqué qu'elle renonçait à présenter une demande de non-entrée en matière ou à déclarer un appel joint.
Par courrier du 23 août 2011, O._ ne s'est pas déterminé sur l'appel de la partie plaignante, se contentant d'indiquer qu'il était toujours au bénéfice de l'AI et que sa situation pécuniaire n'avait pas évolué jusqu'à ce jour.
Par courrier du 30 août 2011, la Procureure du Ministère public central, division affaires spéciales, contrôle et mineurs a indiqué qu'elle se ralliait à l'argumentation exposée par l'autorité de première instance et qu'elle concluait au rejet de l'appel déposé par A._.
La Cour d'appel pénale a tenu une audience publique le 12 octobre 2011. Lors de cette audience, l'appelante a confirmé les conclusions contenues dans sa déclaration d'appel. Le prévenu a conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
O._ est né le [...] à Kharaman-Maras, en Turquie. En 1985, il est venu s'installer avec toute sa famille en Suisse et y a suivi sa scolarité obligatoire. A 16 ans, il a entrepris un apprentissage de carrossier peintre, formation qu'il a dû interrompre deux ans plus tard. Il n'est donc pas au bénéfice d'un CFC. Par la suite, il a travaillé comme magasinier jusqu'en 2002. Ayant rencontré des problèmes de santé dès cette époque, en particulier sur le plan psychologique, il a déposé une demande AI et a obtenu une rente complète en 2006. Il s'est marié et a divorcé à deux reprises. Il a eu un fils avec sa première épouse, lequel vit avec sa mère en Allemagne. Le prévenu a admis rencontrer depuis passablement de temps des problèmes d'alcoolisme. Il a fait plusieurs cures et séjours, notamment à la fondation des Oliviers ou à Tamaris. Il est actuellement suivi par le Dr Conne qui lui prescrit des anti-dépresseurs ainsi qu'un traitement contre l'alcoolisme.
2.
Sur le casier judiciaire suisse d'O._ figure quatre condamnations, soit :
- le 31 juillet 2001, par la Préfecture de Moudon, pour violation grave des règles de la circulation routière, à une amende de 990 fr., avec sursis pendant 1 an;
- le 21 mars 2003, par le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne pour conducteur pris de boisson, à une peine privative de liberté de 30 jours;
- le 26 mai 2005 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne pour lésions corporelles simples qualifiées, vol, utilisation frauduleuse d'un ordinateur à une peine privative de liberté de 4 mois, sous déduction de 33 jours de détention préventive, peine complémentaire à la précédente;
- le 2 septembre 2010, par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne pour tentative de brigandage, dommages à la propriété, à une peine privative de liberté de 8 mois, avec sursis pendant 4 ans.
3.
Dans la nuit du 4 au 5 novembre 2006, A._ s'est rendue, en compagnie d'un ami, au sauna "[...]" à Lausanne qui est un club échangiste. Sur place, elle a fait la connaissance d'O._. Après une discussion, la plaignante a accepté d'entretenir une relation sexuelle protégée avec le prévenu. Elle lui a précisé quelle ne serait pas d'accord d'entretenir une relation sexuelle sans préservatif, compte tenu des circonstances particulières du cas et du lieu. Les deux protagonistes sont donc tombés d'accord pour utiliser un préservatif durant la relation sexuelle. La plaignante est elle-même allée chercher un préservatif à la réception. Le prévenu a mis le préservatif sous les yeux de la plaignante. Toutefois, pour une cause que les premiers juges ne sont pas parvenus à déterminer, le contraceptif s'est enlevé lors du rapport sexuel, ce que les deux parties ont constaté à la fin de la relation sexuelle, et le prévenu a donc éjaculé dans le vagin de la plaignante. Avant de quitter le "[...]", O._ a donné ses coordonnées complètes à A._.
Lors de l'intervention de Police Secours au club échangiste le 5 novembre 2006 aux environs de 3 heures du matin, il a été récupéré quatre emballages de préservatifs, un emballage de gel lubrifiant, un mouchoir et trois préservatifs. Ce matériel a été prélevé dans la poubelle de la cabine dans laquelle le rapport sexuel s'était déroulé. Il ressort du rapport du Centre Universitaire Romand de Médecine Légale (ci-après: CURML) établi le 15 septembre 2009 (cf. P. 74/1) que le profil ADN du prévenu se retrouvait sur deux préservatifs (nommés A et B) et celui de la plaignante sur le préservatif B. Un mélange des profils ADN de la plaignante et du prévenu a donc été observé sur le préservatif B et ceci est, selon les experts, compatibles avec une pénétration anale ou vaginale. Ils n'ont cependant pas pu exclure que l'ADN de l'une ou de l'autre personne, voire des deux, ait été déposé en touchant le préservatif avec les mains ou d'une autre manière. Ils ont indiqué qu'ils n'avaient pas détecté de déchirure apparente sur les préservatifs lors de leur examen visuel. Les experts ont constaté que du sperme et un profil ADN correspondant à celui du prévenu avaient été retrouvés dans les prélèvements gynécologiques réalisés sur la plaignante, ainsi que sur son slip. Ils ont indiqué que le scénario le plus vraisemblable était qu'il y avait eu éjaculation sans préservatif ou avec un préservatif déchiré.
Dans le complément d'expertise effectué le 15 octobre 2010 par le CURML (P. 77/1), les experts ont affirmé qu'aucun des trois préservatifs analysés ne possédait les caractéristiques attendues pour un préservatif dans lequel le prévenu aurait éjaculé lors d'un rapport sexuel avec la plaignante et que "cette observation soutient l'hypothèse selon laquelle le prévenu n'aurait pas utilisé de préservatif pour pénétrer [la plaignante]". | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d'un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
3.
A._ reproche à l'autorité de première instance d'avoir usé arbitrairement de son pouvoir d'appréciation et d'avoir constaté les faits de façon incomplète et inexacte. Elle soutient que le préservatif n'a pas été retrouvé dans le lit, mais sous le matelas à l'issue du rapport sexuel. En outre, elle fait valoir que les résultats de l'expertise sont probants et auraient dû inciter les premiers juges à considérer que sa version des faits était vraisemblable et convaincante. Elle leur reproche également de ne pas avoir tenu compte du témoignage de F._ au sujet des pratiques sexuelles de l'intimé ainsi que du manque de scrupules de ce dernier, de ces antécédents judiciaires et, d'une manière générale, de sa personnalité. Lors de l'audience d'appel, elle a ajouté que ses déclarations étaient plus crédibles que celles du prévenu, qui était alcoolisé au moment des faits, et que sa version des faits aurait dès lors dû être retenue par les premiers juges. Elle a finalement indiqué que le contexte des faits, qui se sont produits dans un club échangiste, ne devait pas influencer l'appréciation des juges.
4.
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3). La présomption d'innocence, également garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU, 6 par. 2 CEDH et 32 al. 1 Cst., ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge pénal ne peut pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé s'il existe, sur la base d'un examen objectif de la situation, des doutes quant à l'existence de ce fait. La présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes (TF 6B_91/2011 du 26 avril 2011 c. 3.2). Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent pas à exclure une condamnation. Il doit s'agir au contraire de doutes sérieux et irrépressibles (ATF 127 I 38 c. 2a).
5.
En préambule, il convient de souligner, contrairement à ce qu'indiquent les premiers juges (cf. jgt, p. 12 dernier paragraphe), que le fait que l'affaire s'est déroulée dans un club échangiste est sans pertinence sur l'appréciation des faits.
6.
Le jugement attaqué, au considérant 4 (pp. 10 à 13), discute et apprécie les versions respectives des deux parties.
6.1.
Il relève en premier lieu les points convergents de ces versions, qui sont les suivants:
- les parties sont tombées d'accord pour utiliser un préservatif durant la relation sexuelle, que tous deux ont accepté, et c'est la plaignante qui se l'est procuré;
- l'intimé a mis le préservatif, ce que l'appelante a constaté de ses propres yeux;
- à la fin du rapport sexuel, les deux parties ont admis que le prévenu ne portait plus de préservatif;
- les deux parties admettent que le prévenu a éjaculé dans le vagin de la plaignante.
Ces quatre éléments résultent de l'instruction, ont donc été correctement appréciés par les premiers juges et ne sont, à juste titre, pas contestés par l'appelante.
6.2.
Le jugement attaqué aborde ensuite les éléments divergents (pp. 11ss).
6.2.1.
S'agissant de l'emplacement du préservatif, les premiers juges ont repris les versions données par les parties. Le prévenu a déclaré que le préservatif se trouvait dans le vagin de sa partenaire d'où il l'avait retiré. Selon la plaignante, elle aurait demandé au prévenu où se trouvait le préservatif et ce dernier lui aurait répondu en souriant: "quel préservatif?". Elle se serait ensuite fâchée avant de se calmer et aurait répété sa question à laquelle le prévenu aurait répondu que le préservatif se trouvait probablement à l'intérieur de son vagin. Puis, toujours selon les dires de la plaignante, O._ aurait sorti un préservatif qui était sous le matelas en disant : "il est là!".
Les éléments retenus par le tribunal de première instance correspondent exactement aux déclarations respectives des parties au cours de l'instruction (PV aud. 1, lignes 34-35 et PV aud. 4, lignes 20-21 pour le prévenu; PV aud. 2 , lignes 49-50 et lignes 57-59 pour la plaignante). La constatation des faits effectuée par les premiers juges n'est dès lors pas incomplète ni erronée. L'affirmation de l'appelante selon laquelle il serait établi que le préservatif aurait été retrouvé sous le matelas n'est pas correcte; elle ne découle que de ses propres déclarations, que l'appelante cherche en vain à opposer au jugement. En outre, A._ a, lors de l'audience d'appel, modifié les déclarations qu'elle avait faites devant le Juge d'instruction le 18 juillet 2008 en ce sens qu'elle n'avait pas changé de position pendant le rapport entretenu avec le prévenu mais était restée couchée sur le dos durant toute la relation sexuelle. Il convient premièrement de relever qu'il est fait deux allusions à un changement de position dans le jugement de première instance, mais que les premiers juges ne le retiennent que comme une hypothèse en indiquant "probablement lors d'un changement de position" (jgt, p. 10) et "il n'est pas impossible que, lors d'un changement de position, le préservatif soit tombé" (jgt, p. 13). En outre, si la modification apportée par la plaignante devait être retenue, soit le fait qu'elle est restée couchée sur le dos durant toute la relation sexuelle, il est alors d'autant moins compréhensible qu'elle n'ait pas vu le moment où le prévenu aurait enlevé le préservatif et l'aurait mis sous le matelas comme elle l'affirme.
6.2.2.
S'agissant ensuite de l'appréciation de la force probante de l'expertise et des résultats auxquels cette dernière aboutit, les premiers juges ont exposé les raisons pour lesquelles ils considéraient que les résultats de l'expertise étaient finalement sans utilité (jgt, pp. 11 in fine et 12). Ils ont indiqué, en résumé, que lesdits résultats ne pouvaient exclure aucune hypothèse permettant de choisir une version plutôt qu'une autre.
Ces constatations des premiers juges sont correctes et correspondent aux conclusions que l'on peut tirer du rapport d'expertise (cf. P. 74/1). De plus, il ne ressort pas de cette pièce que la version de l'appelante était "statistiquement hautement vraisemblable", comme elle le prétend. Le complément d'expertise (cf. P. 77/1), duquel il ressort qu'il est envisageable que le prévenu n'ait pas utilisé de préservatif pour pénétrer la plaignante, n'a certes pas été discuté par les premiers juges. Toutefois, cet élément n'est pas de nature à modifier le résultat auquel ces derniers ont abouti. En effet, le seul élément supplémentaire fourni par ce complément d'expertise est d'étayer l'hypothèse selon laquelle l'intimé a éjaculé sans préservatif. Ce dernier n'a jamais soutenu le contraire, avançant l'hypothèse selon laquelle il aurait perdu son contraceptif en cours de rapport.
6.2.3.
Pour ce qui est des développements des premiers juges sur les troubles érectiles du prévenu (cf. jgt, p. 13 en haut), ils laissent la Cour de céans perplexes. En effet, le prévenu prenait du Levrita, médicament contre ce genre de troubles, pendant la période déterminante (P. 65), il fréquentait régulièrement le club en question depuis 2 ou 3 ans et il a déclaré n'avoir jamais eu de problèmes avec un préservatif tout en affirmant avoir des problèmes d'érection. En outre, son ancienne amie, F._, dont, comme il sera exposé ci-dessous, le témoignage doit être pris en compte avec retenue, l'a décrit comme sexuellement actif en indiquant qu'il avait 10 partenaires par semaine. La plaignante ne s'est, de surcroît, pas aperçue qu'il avait eu un problème d'érection le soir des faits. Si troubles érectiles il y a, le prévenu les a surmontés.
Cet élément ne permet toutefois pas de retenir que le prévenu a commis les actes qui lui sont reprochés par la plaignante et ne modifie en rien la conviction par ailleurs bien étayée des premiers juges.
6.2.4.
Concernant la prise en considération du témoignage de F._, il est vrai, comme le soutient l'appelante, que le jugement ne l'évoque pas et n'indique pas les motifs qui ont pu inciter les premiers juges à ne pas retenir les déclarations de ce témoin. Néanmoins, dans le cadre du large pouvoir d'appréciation dont ils disposent, ceux-ci n'ont pas à justifier systématiquement les motifs pour lesquels ils décident d'écarter tel ou tel élément. En outre, le témoignage de l'ancienne amie du prévenu ne constitue qu'un indice des pratiques sexuelles de ce dernier. Il n'établit en particulier pas que ce dernier aurait cherché à entretenir dans le cas d'espèce un rapport sexuel sans préservatif. A cela s'ajoute que ce témoignage n'a guère de valeur, dès lors que, au moment où il a été recueilli, F._ et l'intimé étaient en litige pénal et que l'on peut supposer que le témoin a cherché à accabler l'intimé par ses déclarations.
6.2.5.
Concernant la personnalité de l'intimé et de ces antécédents judiciaires, les premiers juges, contrairement à ce que soutient l'appelante, ne les ont pas ignoré. Les condamnations figurant au casier judiciaire suisse du prévenu ont été mentionnées (cf., jgt, pp. 8 et 9). De plus, en page 13 du jugement, le comportement et les réactions de l'intimé après les faits sont décrits et appréciés. Le jugement est dès lors suffisamment complet à cet égard et il n'y a donc pas constatation incomplète des faits sur ce point.
7.
En définitive, après avoir pris en compte le résultat de l'administration des preuves, il subsiste des doutes sérieux qui ne peuvent être écartés. En effet, il n'a pas pu être démontré que le prévenu aurait enlevé volontairement le préservatif lors du rapport sexuel qu'il a entretenu avec la plaignante. En outre, il a spontanément donné ses coordonnées à cette dernière avant de quitter le "[...]" et ne s'est donc pas dérobé, ce que le tribunal de première instance a retenu. Il s'agit d'un élément important pour privilégier sa version des faits. Il convient donc, comme l'ont fait les premiers juges, de se fonder sur la version des faits donnée par le prévenu qui lui est plus favorable, conformément au principe de la présomption d'innocence et à son corollaire le principe in dubio pro reo. Il convient de relever que le fait que le prévenu soit acquitté au bénéfice du doute ne signifie pas que la Cour de céans et le tribunal de première instance nient la souffrance exprimée par la partie plaignante au cours de l'instruction et des débats. Il signifie simplement qu'il existe des doutes sérieux et irrépressibles qui empêchent le tribunal de se déclarer convaincu des faits reprochés au prévenu et, partant, de le reconnaître coupable de viol, subsidiairement de contrainte.
Au vu de ce qui précède, les griefs soulevés par l'appelante, mal fondés, doivent être rejetés.
8.
En définitive, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé dans son entier.
Les frais d'appel comprennent l'émolument, qui se monte à 2'020 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), ainsi que les indemnités allouées aux conseils d'office de l'appelante et de l'intimé (cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP, art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). Le conseil d'office de A._ a indiqué qu'elle avait consacré 14 heures au dossier, temps en audience compris. Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la note d'honoraires et de la procédure d'appel, il convient d'admettre que le conseil d'office de l'appelante a dû consacrer 14 heures à l'exécution de son mandat et l'indemnité sera dès lors arrêtée à 2'721 fr. 60, TVA et débours inclus (cf. art. 135 al. 1 CPP). Quant au conseil d'office de l'intimé, il a indiqué avoir consacré un total de 7 heures au dossier, temps en audience compris. Ce nombre d'heures apparaissant justifié, une indemnité de 1'360 fr. 80, TVA et débours compris, lui sera allouée.
En vertu de l'art. 30 LAVI (Loi fédérale du 23 mars 2007 sur l’aide aux victimes d’infractions, RS 312.5), les autorités administratives et judiciaires ne perçoivent pas de frais de la victime et de ses proches pour les procédures leur permettant de faire valoir leurs droits en matière de conseils, d’aide immédiate, d’aide à plus long terme, d’indemnisation et de réparation morale (al. 1). La victime et ses proches ne sont pas tenus de rembourser les frais de l’assistance gratuite d’un défenseur (al. 3). Partant, les frais d'appel, y compris les indemnités du conseil d'office de A._ et du conseil d'office d'O._, sont laissés à la charge de l’Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
71dc2b78-444b-47c3-9872-a3b48845b98d | En fait :
A.
Par jugement rendu le 17 avril 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a reçu l’opposition formée par A._ contre l’ordonnance pénale rendue le 24 octobre 2012 par le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois dans la cause AM12.016802 (I), libéré A._ de l’accusation d’opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l’incapacité de conduire (II), condamné A._ pour violation simple des règles de la circulation routière et violation des devoirs en cas d’accident à 500 fr. d’amende, convertible en dix jours de privation de liberté en cas de non paiement fautif (III), mis les frais de la cause, arrêtés à 1'210 fr., à la charge d’A._ (IV) et dit qu’il n’y a pas lieu de l’indemniser au titre de l’art. 429 CPP (V).
B.
Le 29 avril 2013, A._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 6 juin 2013, il a conclu à sa réforme en ce sens qu’une indemnité d’un montant de 5'190 fr. 80 lui est allouée au titre de l’exercice raisonnable de ses droits de procédure, l’Etat étant condamné aux frais judiciaires de première et deuxième instances. Son défenseur a produit, à l’appui de l’appel, sa liste d’opérations effectuées du 30 octobre 2012 au 6 juin 2013.
Dans le délai imparti, le Ministère public a annoncé s'en remettre à justice quant à la question de la recevabilité de la déclaration d'appel et a renoncé à déposer un appel joint.
Le 5 juillet, le Président a informé les parties que l'appel allait être traité d'office en procédure écrite (art. 406 al. 1 let. d CPP).
Par courrier du 8 juillet 2013, l’appelant a renoncé à déposer formellement un mémoire motivé au sens de l’art. 406 al. 3 CPP, se référant entièrement aux conclusions de sa déclaration d’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né en 1967 au Cameroun, pays dont il est ressortissant, A._, domicilié au Grand-Lancy (GE), est marié à [...], avec laquelle il n’a pas eu d’enfants. Assistant en soins et santé communautaire, il réalise un salaire mensuel net de l’ordre de 5'000 francs. Il a quatre enfants d’un premier lit au Cameroun, auxquels il envoie au total quelque 1'000 fr. par mois. Le loyer du couple est de 1'400 fr. par mois. Il rembourse un prêt de 600 fr. par mois et verse des redevances mensuelles de 277 fr. pour le leasing de sa voiture.
Son casier judiciaire et l'extrait du fichier ADMAS le concernant ne comportent aucune inscription.
2.
2.1
Le 12 août 2012, A._ s’est rendu avec son ami V._ au baptême de la petite-fille d’une compatriote à Aigle. Lorsqu’il est arrivé, vers 14h00, il a parqué son véhicule (Citroën C8) en face de l’église, le long d’une route où aucune autre voiture n’était encore stationnée. Quand il a voulu repartir, en fin d’après-midi, son véhicule étant coincé entre deux autres, il a, en manoeuvrant, heurté la voiture (Saab) d’E._, parquée derrière la sienne, endommageant légèrement la plaque d’immatriculation (ou le support de plaque; pièce 4, p. 4) de ladite voiture. S’en est suivie une discussion tendue, dont on ignore la durée exacte et les termes, entre, d’une part, E._ et S._, qui se trouvaient de l’autre côté de la rue et avaient assisté à l’accident, et, d’autre part, V._ et A._. Finalement, dans des circonstances que l’instruction n’a pas déterminées précisément, A._ et son ami sont remontés dans la voiture et sont repartis, sans que le prévenu ne donne son nom ou son adresse au propriétaire de l’autre véhicule. E._ a fait appel à la police vers 19h40, laquelle s’est rendue immédiatement sur place.
2.2
Pour ces faits, A._ a été reconnu coupable de violation simple des règles de la circulation routière et de violation des devoirs en cas d’accident. Le tribunal l’a en revanche libéré du chef d’accusation d’opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l’incapacité de conduire, pour le motif qu’il n’était pas établi que S._ ou E._ ait manifesté, en présence du prévenu, la volonté de faire intervenir la police pour un constat, de sorte qu’il n’était pas exclu qu’ils aient pris la décision d’appeler la police bien après le départ du prévenu et du témoin V._.
Les frais de première instance ont été mis entièrement à la charge d’A._. Le tribunal a retenu que le prévenu, qui avait plaidé non coupable sur les trois chefs d’accusation et conclu à son acquittement aux débats, n’aurait pas engagé moins de frais de défense s’il n’avait pas été mis en prévention pour opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l’incapacité de conduire et que pour ce même motif, il ne pouvait prétendre à aucune indemnité au titre de l’art. 429 CPP. | En droit :
1.
1.1
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté en temps utile et suffisamment motivé, l'appel est recevable (art. 399 al. 3 CPP). Celui-ci étant limité à la question des frais et de l’indemnité de l’art. 429 CPP, la procédure écrite est applicable (art. 406 al. 1 let. d CPP).
1.2
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.
L’appelant soutient que c’est à tort que le premier juge l’a condamné à l’entier des frais de la procédure de première instance.
2.1
Aux termes de l'
art. 426 al. 2 CPP
, lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la condamnation aux frais d'un prévenu acquitté ou mis au bénéfice d'une ordonnance de classement ne résulte pas d'une responsabilité pour une faute pénale, mais d'une responsabilité proche du droit civil, née d'un comportement fautif. Il est compatible avec les art. 32 al. 1 Cst.
(Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101)
et 6 ch. 2 CEDH
(Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101)
de mettre les frais à la charge d'un prévenu libéré qui, d'une manière engageant sa responsabilité civile, a manifestement violé une règle de comportement pouvant découler de l'ordre juridique suisse dans son ensemble – dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l’art. 41 CO (
Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse, RS 220;
TF 6B_99/2011 du 13 septembre 2011 c. 5.1.2; Chapuis, in : Kuhn/Jeanneret (éd.),
Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011,
n. 2 ad art. 426 CPP) – et a provoqué ainsi l'ouverture d'une enquête pénale ou compliqué celle-ci (TF 6B_87/2012 du 27 avril 2012 c. 1.2; ATF 116 Ia 162 c. 2d et 2e).
Seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte (TF 6B_387/2009 du 20 octobre 2009 c. 1.1; TF 6B_215/2009 du 23 juin 2009 c. 2.2; ATF 119 Ia 332 c. 1b; ATF 116 Ia 162, précité, c. 2c). La relation de causalité est réalisée lorsque, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement de la personne concernée était de nature à provoquer l'ouverture de la procédure pénale et le dommage ou les frais que celle-ci a entraînés (TF 6B_99/2011, précité, c. 5.1.2 et les références citées). En outre, le juge doit fonder sa décision sur des faits incontestés ou déjà clairement établis (ATF 112 Ia 371 c. 2a; TF 6B_87/2012, précité).
2.2
En l’espèce, il est établi que l’appelant n’a pas respecté ses devoirs de conducteur et plus particulièrement l’obligation que lui imposait l’art. 51 al. 3 LCR (Loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958, RS 741.01) d’aviser le lésé en cas d’accident. Il est également établi qu’il avait consommé de l’alcool avant l’accident, ce qu’il a du reste admis durant l’enquête et confirmé aux débats de première instance (pièce 4, p. 5/1; jugt, p. 5). Ce comportement fautif et contraire à une règle juridique a provoqué l’ouverture d’une procédure pénale contre le prévenu pour dérobade aux mesures visant à déterminer l’incapacité de conduire et c’est ainsi à bon droit que le premier juge a mis l’intégralité des frais judiciaire à la charge de l’appelant. Comme l’a relevé le tribunal, la libération du prévenu de ce chef d’accusation ne correspond pas à une réduction des actes d'instruction nécessités par le jugement des faits de la cause.
Partant, le moyen est mal fondé et doit être rejeté.
3.
L’appelant soutient ensuite que c’est à tort que le premier juge lui a refusé une indemnité selon l’art. 429 CPP au motif qu’il aurait engagé les mêmes frais de défense s’il n’avait pas été mis en accusation pour opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l’incapacité de conduire.
3.1
Aux termes de l'art. 429 al. 1 CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a), à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b) et à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c).
A partir du moment où le prévenu remplit les conditions posées à l'art. 429 al. 1 CPP et qu'aucun motif de réduction ou de refus au sens de l'art. 430 CPP ne peut lui être imputé, l'indemnité doit lui être accordée. Il s'agit d'une obligation et non d'une possibilité, ainsi que cela ressort du texte légal.
Les principes qui régissent la condamnation aux frais d'un prévenu libéré (art. 426 al. 2 CPP) valent également,
mutatis mutandis
, pour le refus d'une indemnité au sens de l'
art. 430 al. 1 let. a CPP
(TF 1B.179/2011 du 17 juin 2011 c. 4.2; J. Pitteloud, Code de procédure pénale suisse, Commentaire à l'usage des praticiens, 2012, n. 1’314). Ainsi, le sort réservé aux frais est en règle générale le même que pour les indemnités (ATF 137 IV 352 c. 2.4.2; J. Pitteloud, op. cit., n. 1’335).
3.2
En l’occurrence, comme on l’a vu (c. 2.2
supra
), l’appelant a eu un comportement fautif et a enfreint une norme juridique, ce qui justifie le refus de lui accorder une indemnité en application de l’art. 430 al. 1 let. a CPP.
4.
En conclusion, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge d’A._ (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
723e6510-ee4c-4c61-8235-a00fa22a3dda | En fait :
A.
Par jugement du 10 octobre 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a condamné A.I._ pour infraction grave à la LStup à deux ans de privation de liberté, sous déduction de 60 jours de préventive, et au paiement des frais par 10'558 fr. 65 (dix mille cinq cent cinquante-huit francs et soixante-cinq centimes) (I), a ordonné le placement d'A.I._ en détention pour des motifs de sûreté (II), a ordonné la confiscation des objets séquestrés sous numéros 1788, 1792 et 1794 ainsi que la dévolution à l'Etat des sommes d'argent en imputation des frais de justice (III) et a dit que le remboursement à l'Etat du montant alloué au défenseur d'office ne sera dû que pour autant que la situation financière d'A.I._ le permette (IV).
B.
Par courrier du 13 octobre 2011, A.I._ a annoncé faire appel contre ce jugement.
Le 17 octobre 2011, A.I._, par l'intermédiaire de son conseil d'office Me David Métille, a formé appel contre le jugement rendu le 10 octobre 2011 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne. Par déclaration d'appel du 3 novembre 2011, il a conclu à l'annulation et à la réforme du jugement entrepris en ce sens que la durée de la peine privative de liberté est inférieure à 24 mois et assortie du sursis total, frais à l'Etat. De plus, l'appelant a conclu à sa libération immédiate et a requis la production de l'intégralité de son dossier auprès du Greffe du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne, comprenant également les jugements rendus à l'encontre de A._ de ce même Tribunal du 21 février 2011 et par la Cour d'appel pénale du 27 juin 2011.
Par décision du 8 novembre 2011, le président de la Cour de céans a rejeté la requête de mise en liberté présentée par A.I._.
Le 10 novembre 2011, conformément à l'art. 400 al. 3 CPP, la Cour de céans a informé le Ministère public qu'A.I._ avait interjeté appel contre le jugement précité et lui a imparti un délai de vingt jours pour présenter une demande de non-entrée en matière ou déclarer un appel joint.
Le 1
er
décembre 2011, le Ministère public a déclaré s'en remettre à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et a formé appel joint, concluant à la réforme du chiffre I du jugement entrepris en ce sens qu'A.I._ est condamné à une peine privative de liberté de 30 mois, frais à charge de ce dernier. Au surplus, il s'en est remis à justice sur l'éventualité d'un sursis partiel, sursis auquel il avait conclu aux débats de première instance.
Le 27 décembre 2011, A.I._ a annoncé s'en remettre à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel joint et a conclu, sur le fond, à son rejet.
Par courrier du 12 janvier 2012, le Président de la Cour de céans a informé l'appelant qu'il rejetait ses réquisitions de preuve au motif qu'elles étaient sans objet, le dossier étant complet.
Le 31 janvier 2012, l'appelant a produit quatre certificats de travail et a requis l'audition de son épouse, B.I._, aux débats d'appel.
Par courrier du 2 février 2012, le Président de la Cour de céans a informé l'appelant que les pièces produites le 31 janvier 2012 seraient versées au dossier et que son épouse serait entendue en qualité de témoin amené lors des débats d'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A.I._ est né le 15 mars 1967 et est domicilié à Aarberg dans le canton de Berne. Il est d'origine nigériane et, depuis 2008, il est marié à B.I._. L'appelant est au bénéfice d'un permis B, valable jusqu'au 6 août 2012. Il est arrivé en Suisse en 2002 comme requérant d'asile. Il a été condamné en 2005 et en 2007 dans le canton de Berne, à des peines avec sursis notamment pour infraction à la LSEE et des violences conjugales et contre les autorités et fonctionnaires. Le prévenu étant actuellement sans travail, c'est son épouse qui subvient à ses besoins. Il dit faire du bénévolat.
A.I._ a été détenu préventivement du 8 décembre 2009 au 5 février 2010. Il est actuellement en détention pour des motifs de sûreté depuis le 10 octobre 2011.
2.
Entre fin août 2009 et le 8 décembre 2009, A.I._ est venu à Lausanne, vendre de la cocaïne, à 60 fr. le gramme, à A._. Il lui remettait 10 à 20 grammes par déplacement. En décembre 2009, il a augmenté ses livraisons et est venu à Lausanne les 2, 5 et 8 décembre 2009 ravitailler A._. Il a été interpellé le 9 décembre 2009 à la gare de Lausanne alors qu'il venait livrer A._. Il a été trouvé en possession d'un cylindre contenant 10 grammes nets de cocaïne et d'un autre contenant 9,9 grammes nets de cocaïne dont les taux de pureté sont respectivement de 33,1 et 31,4 %.
A._ a été condamné par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne le 21 février 2011 pour un trafic portant sur plus de 700 grammes à une peine de 5 ans, confirmée par la Cour d'appel pénale le 27 juin 2011.
L'enquête n'a pas permis d'établir auprès de qui l'accusé se ravitaillait ni à quel prix il payait cette drogue. Dès lors, ni son chiffre d'affaires, ni son bénéfice n'ont pu être établis.
Au surplus, il a été retrouvé au domicile de l'appelant, du matériel de conditionnement et le diminutif "Obi" a été relevé sur la comptabilité de A._.
3.
Au vu du témoignage de A._, des sms figurant dans le rapport de police établissant des contacts réguliers de longue date, ainsi qu'au vu des surveillances téléphoniques entre ces deux trafiquants, les premiers juges ont considéré, au bénéfice du doute, qu'A.I._ avait au surplus effectué des livraisons de 10 gr de cocaïne sur 16 semaines, pour un total de 160 grammes. A ce chiffre, ils ont ajouté les 19,9 grammes de cocaïne retrouvés sur l'appelant lors de son interpellation le 8 décembre 2009, arrivant ainsi à un ordre de grandeur de 180 grammes de cocaïne, correspondant à 56,5 grammes de cocaïne pure, quantité plancher retenue, comme déjà dit, au bénéfice du doute. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la notification du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit.
La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP). L'appel joint doit, quant à lui, être interjeté dans un délai de vingt jours dès la réception de la déclaration d'appel (art. 400 al. 3 CPP).
En l’espèce, interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant la qualité pour le faire (art. 382 al. 1 CPP) et contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel interjeté par A.I._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
S'agissant de l'appel joint, l'appelant s'est interrogé sur son éventuelle tardiveté
. En l'occurrence, l'appel principal a été transmis au Ministère public, conformément à l'art. 400 al. 3 CPP, par courrier du 10 novembre 2011, reçu le 11 novembre 2011. Envoyé le 1
er
décembre 2011, l'appel joint a été formé en temps utile. Pour le surplus, il a été
interjeté dans les formes légales, par une partie ayant la qualité pour le faire (art. 381 al. 1 CPP) et contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel joint est recevable et il convient également d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
A.I._ reproche aux premiers juges une constatation erronée des faits relativement à l'ampleur du trafic retenu contre lui.
3.1
La constatation des faits est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2
En l'espèce, A.I._ estime que les premiers juges ne pouvaient pas retenir que le trafic auquel il s'est livré a porté sur un minimum de 180 grammes de cocaïne, soutenant que les indices sont insuffisants et les déclarations de A._ qui le mettent en cause sont à prendre avec prudence, s'agissant d'un trafiquant qui a lui aussi partiellement menti sur son activité délictueuse. L'appelant estime que les premiers juges ne pouvaient aller au-delà de cette mise en cause, à savoir une livraison totale de 70 à 80 grammes.
Les premiers juges ont tout d'abord fondé leur conviction sur l'état de fait du jugement rendu le 21 février 2011 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne (P. 49) qui a condamné A._ pour infraction grave à la LStup (loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951; RS 812.121) notamment. Selon ce jugement, A._ a vendu, en dépit de ses dénégations, 1'487 grammes de cocaïne dans la région lausannoise. La drogue provenait toujours d'A.I._. Ce jugement a été confirmé par la Cour de céans le 27 juin 2011 (versé au dossier). Il ne sert à rien à l'appelant de se réclamer de la mise en cause de A._, trafiquant dont il a été dit à son propos qu'il n'y avait lieu d'accorder aucun crédit aux dénégations et aux aveux minimalistes (P. 49, p. 17). Ce premier indice est conforme aux pièces du dossier et permettait aux premiers juges d'aller au-delà de la mise en cause de A._. Le deuxième indice relevé par les premiers juges réside dans les centaines de contacts (sms) révélés par l'enquête. Là encore, des centaines de contacts ne s'expliquent pas par un trafic de quelques dizaines de grammes seulement entre un fournisseur et un revendeur. S'agissant de l'ampleur du trafic proprement dit, les premiers juges s'en sont néanmoins tenus aux déclarations de A._ qui a admis que l'appelant lui avait livré durant 4 mois (16 semaines) 10 grammes de cocaïne par semaine, ce qui donne 160 grammes, non pas 70 ou 80 grammes comme le soutient l'appelant, auxquels il y a effectivement lieu d'ajouter les 19,9 grammes de cocaïnes qui ont pu faire l'objet d'une saisie, ce qui donne 179,9 grammes, arrondis à 180 grammes. Il s'agit en réalité d'un chiffre extrêmement favorable à l'appelant puisqu'il aurait été parfaitement admissible de soutenir qu'il y avait eu des livraisons à 10 grammes et d'autres à 20 grammes, soit une moyenne de 15 grammes.
En conclusion, la motivation des premiers juges à l'appui de leur conviction n'est ni incomplète, ni erronée et ne procède pas davantage, de façon plus générale d'une appréciation arbitraire des preuves.
3.3
Le grief soulevé par l'appelant, mal fondé, doit être rejeté.
4.
A.I._ considère que, même en retenant un trafic d'une telle ampleur, une peine de deux ans paraît arbitrairement sévère, notamment en comparaison avec celle infligée à A._.
4.1
Aux termes de l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
En matière de trafic de stupéfiants, il y a lieu de tenir compte, plus spécialement, des circonstances suivantes. Même si la quantité de drogue ne joue pas un rôle prépondérant, elle constitue sans conteste un élément important. Elle perd cependant de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a
LStup
. Le type et la nature du trafic en cause sont aussi déterminants. L'appréciation est différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. Dans ce dernier cas, il importera de déterminer la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation: un simple passeur sera ainsi moins coupable que celui qui joue un rôle décisif dans la mise sur pied des opérations et qui participe de manière importante au bénéfice illicite (ATF 131 IV 202 c. 2d/cc). L'étendue du trafic entrera également en considération. Un trafic purement local sera en règle générale considéré comme moins grave qu'un trafic avec des ramifications internationales. S'agissant d'apprécier les mobiles qui ont poussé l'auteur à agir, le juge doit distinguer le cas de celui qui est lui-même toxicomane et agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain (arrêt 969/2010 du 31 mars 2011 c. 3.1 et les références citées).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1; 129 IV 6 c. 6.1 et les références citées).
4.2
En l'espèce, la comparaison des peines entre celle infligée à A._ et celle infligée à l'appelant n'est pas pertinente. On ne peut, comme le fait l'appelant, se livrer à une proportion "quantité de drogue trafiquée – sanction " pour déduire que la peine qui lui a été infligée par rapport à son comparse procède d'un abus du pouvoir d'appréciation. Le poids de la drogue n'est pas le seul critère d'appréciation et perd de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave.
En outre, la comparaison entre des affaires différentes est souvent stérile compte tenu des nombreux paramètres qui interviennent dans la fixation de la peine (ATF 116 IV 292); et le principe de la légalité prévaut sur celui de l'égalité (cf. ATF 122 II 446 c. 4a). Il faut au contraire se demander si cette peine est excessive. A cet égard, la quantité de drogue trafiquée est importante. L'activité délictueuse d'A.I._ s'est déroulée sur plusieurs mois et doit être qualifiée d'intense, ne serait-ce que par référence aux centaines de sms qu'a révélé l'enquête. Le mobile répond à celui de l'appât du gain. Les dénégations de l'appelant ont été majeures. Il a déjà été condamné par le passé et n'a pas l'explication du déracinement, s'agissant d'un trafiquant installé au bénéfice d'un permis B dans notre pays. Au surplus, il n'a aucune activité et vit aux crochets de son épouse.
4.3
L'appelant reproche également aux premiers juges d'avoir pris en compte sa collaboration limitée dans le cadre de la fixation de la peine, ce qui est contraire au droit du prévenu de ne pas collaborer à la procédure prévu par l'art. 113 al. 1 CPP.
En l'occurrence, les premiers juges ont expressément relevé que l'appelant avait le droit de nier l'évidence (jgt., p. 6). Cela étant, le comportement après la commission de l'infraction et au cours de la procédure est un élément d'appréciation pour la fixation de la peine (Favre, Pellet, Stoudmann, Code pénal annoté, 3
ème
édition remaniée, Lausanne 2011, n. 1.2 ad art. 47 CP). Les premiers juges n'ont donc pas fixé la peine sur un critère étranger à l'art. 47 CP en relevant son manque de collaboration et une attitude quelque peu arrogante (jgt., p. 7).
4.5
Fondé sur ce qui précède, les premiers juges n'ont pas violé la loi en fixant la peine d'A.I._. A défaut de tout élément à décharge, la peine privative de liberté de deux ans ne procède pas d'un abus du pouvoir d'appréciation.
Mal fondé, le grief de l'appelant doit être rejeté.
5.
A.I._ reproche aux premiers juges de ne pas lui avoir octroyé le sursis.
5.1
En matière de sursis, l'art. 42 al. 1 CP prévoit que le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit accorder le sursis. Celui-ci est ainsi la règle, dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable et hautement incertain (TF 6B_88/2011 du 18 avril 2011 c. 2.1 et les références citées). En d'autres termes, la loi présume l'existence d'un pronostic favorable et cette présomption doit être renversée par le juge pour exclure le sursis. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste (ATF 135 IV 180 c. 2.1; 135 IV 152 c. 3.2.1 non publié; Kuhn, Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, n. 17 ad art. 42). Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents.
5.2
Aux termes de l'art. 43 CP, le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute (al. 1); la partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (al. 2); en cas de sursis partiel à l’exécution d’une peine privative de liberté, la partie suspendue, de même que la partie à exécuter, doivent être de six mois au moins; les règles d’octroi de la libération conditionnelle ne lui sont pas applicables (al. 3).
De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles
l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP (ATF 134 IV 1 c. 5.3.1; cf. aussi arrêts 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 c. 3.2.1; 6B_353/2008 du 30 mai 2008 c. 2.3). Le critère des perspectives d’amendement s'applique également pour le sursis partiel, dès lors que la référence au pronostic ressort implicitement du but et du sens de cette dernière disposition. Ainsi, lorsque le pronostic quant au comportement futur de l'auteur n'est pas défavorable, la loi exige que l'exécution de la peine soit au moins partiellement suspendue. En revanche, un pronostic défavorable exclut également le sursis. En effet, s'il n'existe aucune perspective que l'auteur puisse être influencé de quelque manière par un sursis complet ou partiel, la peine doit être entièrement exécutée (ATF 134 IV 1 précité, c. 5.3.1).
5.3
En l'espèce, la peine infligée à A.I._ est compatible avec l'octroi d'un sursis total ou partiel. Le Ministère public avait conclu au sursis partiel lors des débats de première instance, requérant toutefois une peine privative de liberté de 30 mois. L'appelant n'exerce aucune activité lucrative alors qu'il n'a aucun empêchement de travailler. Il a totalement rejeté l'incrimination pénale, exception faite évidemment de l'épisode où il a été pris en flagrant délit. A juste titre, les premiers juges ont relevé que c'est l'arrestation de l'appelant qui a mis fin à son activité délictueuse. Ce dernier a déjà été condamné le 11 juillet 2005 à une peine privative de liberté avec sursis, puis le 19 juillet 2007 à des jours-amende. Certes, les condamnations ne sont pas lourdes, mais elles dénotent néanmoins une insensibilité certaine à la sanction pénale. Les quelque deux mois passés en détention préventive pour les besoins de la présente cause n'ont nullement fait réfléchir l'appelant qui s'est présenté à l'audience de première instance comme une personne arrogante et niant l'évidence (jgt., p. 6). Toutefois, l'appelant a travaillé par le passé et à satisfaction de ses employeurs (P. 65/2, 65/3, 65/4 et 64/5). Il bénéficie du soutien de son épouse avec qui il s'entretient chaque semaine par téléphone. Cette dernière a dit de l'appelant qu'il était un bon mari.
Au vu de ce qui précède, la Cour de céans partage l'avis du Ministère public quant à l'octroi du sursis partiel et estime que l'exécution d'une partie de la peine privative de liberté est de nature à constituer un choc pour l'appelant ayant pour effet de le détourner de la commission d'autres infractions. Le pronostic n'apparaissant dès lors pas complètement défavorable grâce à l'exécution d'une partie de la peine privative de liberté, celle-ci peut être assortie d'un sursis partiel.
5.4
Compte tenu de ce qui précède, l'appel interjeté par A.I._ est partiellement admis.
6.
S'agissant enfin de l'appel joint, le Ministère public critique la peine infligée à A.I._ qu'il juge trop clémente et conclut à une peine privative de liberté de 30 mois.
Conformément à l'art. 398 al. 3 let. a CPP, l'appelant peut invoquer une violation du droit ou un abus du pouvoir d'appréciation. La fixation de la peine est régie par l'art. 47 CP (cf. chiffre 4.1 ci-dessus) et est essentiellement l'affaire du premier juge, la Cour de céans n'intervenant qu'avec retenue puisqu'il faut démontrer, en l'absence d'une violation de la loi, un abus du pouvoir d'appréciation. A cet égard, le Ministère public ne prétend pas que les premiers juges se soient laissés guider par des éléments externes à l'art. 47 CP pour fixer une peine qu'il juge trop clémente. Si la peine est certes clémente, elle ne procède pas d'un abus du pouvoir d'appréciation.
En conséquence, le grief du Ministère public, mal fondé, doit être rejeté.
7.
Au vu de ce qui précède, l'appel interjeté par A.I._ doit être partiellement admis, tandis que l'appel joint du Ministère public doit être rejeté.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, y compris l'indemnité allouée au défenseur d'office de l'appelant, doivent être mis pour moitié à charge de ce dernier, le solde étant laissé à la charge de l'Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
72595288-77de-444a-8388-1f8acc7d4a61 | En fait :
A.
Par jugement du 25 mai 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a condamné I._ pour contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants à une peine de 1'500 fr. d'amende convertible en quinze jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif, peine partiellement complémentaire à celle du 12 novembre 2009 (I), a ordonné la confiscation et la destruction des sachets séquestrés sous no 1961 et des divers objets encore séquestrés sous fiche no 1962 (II) et a mis les frais de la cause, par 2'889 fr., à la charge d'I._ (III).
B.
Le 3 juin 2011, I._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel motivée du 27 juin 2011, il a conclu à la réforme de ce jugement, en ce sens qu'il doit être libéré de toute condamnation et de tous frais.
Le 4 juillet 2011, le Ministère public a indiqué qu'il n'entendait ni présenter une demande de non-entrée en matière, ni déclarer un appel joint.
Le 10 août 2011, la Présidente de la Cour de céans a imparti un délai aux parties pour lui faire savoir si elles consentaient à ce que l'appel soit traité en procédure écrite.
Par courrier du 15 août 2011, le Ministère public a consenti à ce que l'appel soit traité en procédure écrite.
Le 12 septembre 2011, la Dresse [...] de la Clinique romande de réadaptation a produit un certificat médical attestant qu'I._ avait été hospitalisé au CHUV du 14 août 2011 au 6 septembre 2011, date à laquelle il a été transféré à la clinique SUVA care.
Par courrier du 26 septembre 2011, adressé à l'appelant à son domicile privé ainsi qu'à la clinique Suva Care, un nouveau délai lui a été imparti pour faire savoir s'il consentait à ce que l'appel soit traité en procédure écrite.
Sans réponse dans le délai imparti, une audience a été fixée au 28 novembre 2011.
Par courrier du 19 octobre 2011, le Ministère public a indiqué qu'il n'entendait par comparaître aux débats et a renoncé à déposer des conclusions motivées.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né en 1968 et de nationalité suisse, I._ est célibataire et n'a pas de charge de famille.
Bénéficiaire d'une rente AI de 1'250 fr. par mois, il est dans l'attente de recevoir des prestations complémentaires.
Son casier judiciaire comporte les condamnations suivantes:
- 20 janvier 2005, Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois, pour infraction à la Loi fédérale sur les stupéfiants, violation grave des règles de la circulation routière, ivresse au volant, opposition à une prise de sang, conduite d'un véhicule défectueux et contravention à l'ordonnance sur la circulation routière à 5 mois d'emprisonnement.
- 1
er
juin 2007, Juge d'instruction de l'Est vaudois, pour conduite sans permis de conduire au mépris d'un retrait, non restitution de permis ou de plaques de contrôle et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, à trente jours-amende à 30 fr., avec sursis pendant trois ans et 600 fr. d'amende. Ce sursis a été révoqué ultérieurement.
- 12 novembre 2009, Juge d'instruction de l'Est vaudois, pour conduite sans permis de conduire au mépris d'un retrait, à 240 heures de travail d'intérêt général, peine d'ensemble fixée après révocation du sursis précédent.
2.
Au Sépey, entre le 25 mai 2008 et le 29 juillet 2010, les faits antérieurs étant prescrits, I._ a consommé régulièrement du chanvre à raison de 10 à 15 joints par jour.
Le 29 juillet 2010, 29 plants de chanvre ont été découverts à son domicile tout comme 2'913 grammes d'herba cannabis conditionnée en sachets pesant entre 4 et 600 grammes, 76 grammes de résine de cannabis ainsi que divers objets servant à la culture du chanvre ou à la préparation de cette plante en vue de sa consommation. Tous ces objets ont été séquestrés.
I._ reconnaît avoir cultivé les plants de chanvre précités, dont le taux de THC se situe au-dessus de la valeur limite fixée par le DFE, pour sa consommation personnelle, à fin d'automédication, et a ajouté que l'herba cannabis conditionnée en sachets retrouvée à son domicile était également destinée au même usage. Il conteste toutefois avoir enfreint la loi par ces faits. Il soutient qu'il est licite de cultiver du chanvre pour le consommer personnellement à des fins médicales. Ce point de vue lui aurait été confirmé par des avocats qu'il dit avoir consultés avant d'avoir entrepris ces cultures de chanvre. | En droit :
1.
L'appel doit être annoncé dans les 10 jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.
En l'occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable, il a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
I._ soutient qu'il est licite de cultiver du chanvre pour son usage personnel et à des fins médicales.
2.1
L'art. 1 al. 2 let. a ch. 4 LStup (Loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes, RS 812.121), dans sa version en vigueur jusqu'au 30 juin 2011, considère le chanvre comme un stupéfiant au sens de la loi et, l'art. 8 al. 1 let. d LStup interdit sans exception la culture et le commerce du chanvre en vue d'en extraire des stupéfiants. Le chanvre est une plante à double usage, pouvant aussi bien être consommée illégalement comme stupéfiant interdit qu'utilisée légalement à titre de plante d'ornementation ou pour en tirer de nombreux produits, tels que textiles, cordes, papiers, huiles, bières, thés, cosmétiques, etc. Selon la jurisprudence, les différentes formes commerciales du chanvre ne sont considérées comme des stupéfiants au sens de la loi que si la teneur en THC est supérieure à la limite légale, soit 0.3 % (ATF 126 IV 198 c. 1). Bien que n'ayant aucune teneur en THC, la bouture de chanvre n'est rien d'autre qu'une plante de chanvre, de sorte qu'elle tombe également sous le coup de l'interdiction lorsqu'elle permet d'obtenir, après croissance, du chanvre à haute teneur en THC (TF 6S.189/2001 du 31 mai 2001). La jurisprudence a encore précisé que le taux de THC ne permettait cependant pas, à lui seul, de conclure à la punissabilité de l'auteur, mais qu'il fallait encore que le but visé soit l'extraction de stupéfiants (ATF 130 IV 83 c. 1.1). Pour que le producteur de chanvre soit punissable, il suffit d'établir que le but visé est la production de stupéfiants et que ce but est accepté par l'auteur. Il n'est pas nécessaire que des stupéfiants soient effectivement produits et notamment que l'acquéreur soit punissable pour extraction ou consommation de stupéfiants (cf. notamment TF 6P.114/2006 du 17 août 2006).
Dans sa version en vigueur depuis le 1
er
juillet 2011, l'art. 8 al. 1 let. d LStup modifié dispose que les stupéfiants ayant des effets de type cannabique ne peuvent être ni cultivés, ni importés, ni fabriqués ou mis dans le commerce. L'art.
2a LStup renvoie à la liste des stupéfiants établie par le Département fédéral de l'intérieur, soit à l'OTStup-DFI (Ordonnance du DFI du 30 mai 2011 sur les tableaux des stupéfiants, des substances psychotropes, des précurseurs et des adjuvants chimiques, RS 812.121.11). D'après l'art. 1 al. 2 OTStup-DFI, sont des stupéfiants les substances qui figurent dans les tableaux des annexes 1 à 6, soit la plante de chanvre présentant une teneur totale moyenne en THC de 1,0 % au moins et tous les objets et préparations présentant une teneur totale en THC de 1,0 % au moins ou fabriqués à partir de chanvre présentant une teneur totale en THC de 1,0 % au moins (annexes 1 et 5). La résine de cannabis (haschich) est quant à elle considérée comme un stupéfiant sans qu'il soit nécessaire d'en déterminer la teneur de THC (annexe 5).
En vertu de l'art. 19a LStup, qui n'a pas été modifié au 1
er
juillet 2011, celui qui, sans droit, aura consommé intentionnellement des stupéfiants ou celui qui aura commis une infraction de l'art. 19 pour assurer sa propre consommation est passible de l'amende (ch. 1). Dans les cas bénins, l'autorité compétente pourra suspendre la procédure ou renoncer à infliger une peine. Une réprimande peut être prononcée (ch. 2). L'art. 19b LStup, dans sa nouvelle teneur, dispose que celui qui se borne à préparer des stupéfiants en quantités minimes, pour sa propre consommation ou pour permettre à des tiers de plus de 18 ans d’en consommer simultanément en commun après leur en avoir fourni gratuitement, n’est pas punissable. Selon la jurisprudence relative à l'ancien art. 19b LStup, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer si l'on est en présence d'une quantité minime de drogue (ATF 124 IV 184 c. 2; A. Macaluso, les dispositions pénales de la Loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 20 mars 2008: une révision velléitère?, in: SJ 2010 II 147 p. 155 et les références citées). Le Tribunal fédéral a ainsi précisé que 11 grammes de haschich ne constituent pas une quantité minime (ATF 124 IV 184 c. 2). Concrétisant l'art. 19a LStup nouveau, le concordat latin du 29 octobre 2010 sur la culture et le commerce de chanvre – qui entrera en vigueur le 1
er
janvier 2012 – prévoit à son art. 7 al. 5 qu'est exempté de l'obligation d'annonce quiconque cultive moins de cinq plantes si les circonstances excluent toute intention commerciale.
2.2
En l'espèce, I._ consomme entre 10 et 15 joints de chanvre par jour. Sa consommation ne répond pas à une prescription médicale comme l'atteste le certificat établi par son médecin (P. 24). Elle n'est en aucun cas licite contrairement aux affirmations de l'appelant qui essaie de tirer argument du fait qu'il consommerait seul.
Les quantités de stupéfiants trouvées à son domicile sont importantes: près de 3 kg de chanvre conditionnés en sachets, 29 plants de chanvre et 76 grammes de résine de cannabis.
Il ne s'agit à l'évidence ni d'une consommation bénigne, ni de possession d'une quantité minime de stupéfiants au sens des dispositions précitées. Le taux de THC du chanvre séquestré se monte entre 0.8 et 15.7 % (P. 25). Au vu de ces éléments, l'augmentation de 0.3 à 1 % du taux de THC admissible n'a aucune influence sur la faute, partant sur la peine. Le nouveau droit n'est pas plus favorable in concreto à l'appelant, de sorte que l'ancien droit doit être appliqué.
Les moyens de l'appelant doivent ainsi être rejetés.
3.
I._ s'oppose à sa condamnation aux frais.
3.1
En vertu de l'art. 426 al. 1 CPP, qui pose le principe, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné. L'art. 425 CPP prévoit que l'autorité pénale peut accorder un sursis pour le paiement des frais de procédure. Elle peut réduire ou remettre les frais compte tenu de la situation de la personne astreinte à payer. S'il appartient à l'autorité d'exécution de fixer les modalités de paiement des frais sur demande de la personne astreinte à s'en acquitter (par exemple en fixant des acomptes mensuels en fonction des revenus du débiteur), la décision de réduire ou remettre les frais compte tenu de la situation de la partie concernée appartient en premier lieu à l'autorité de jugement en vertu de l'art.
425 CPP (Chapuis, in: Commentaire romand, Code de procedure pénale, Bâle 2011, n. 1 ad art. 425 CPP; Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, Bâle 2011, n. 2 ad. 425 CPP). Le CPP impose au juge de se poser la question de l’incidence de la mise à la charge du condamné des frais sur sa réinsertion sociale et également du rôle des frais par rapport à la peine, ceux-ci ne devant pas être perçus comme une peine déguisée (Basler Kommentar, op. cit., n. 3 ad. 425 CPP; Schmid, Handbuch des Schweizerischen Strafprozessrechts, Zürich 2009, n. 1781 p. 815). Lorsque les frais liés à une affaire sont élevés ou paraissent disproportionnés, l'autorité de jugement a un large pouvoir d'appréciation pour juger en équité s'il convient d'appliquer l'art. 425 CPP (Chapuis, op. cit., n. 1 ad art. 425 CPP).
3.2
En l'espèce, la proportion entre les frais de procédure (2'889 fr.) et l'amende (1'500 fr.) n'est pas telle qu'il faille retenir qu'il y a une disproportion entre elles. Au demeurant, le montant de ceux-ci est directement lié à la nécessité de procéder à une expertise des stupéfiants séquestrés. Enfin, la situation financière de l'appelant est certes difficile, dès lors qu'il bénéficie de prestations de l'assurance invalidité qui doivent être complétées par des prestations complémentaires. Mais elle n'est pas obérée de sorte qu'une réduction ou une remise des frais, voire un sursis au paiement, ne se justifient pas, tant pour les frais de première instance que de seconde instance, l'appelant pouvant au demeurant demander de s'acquitter de ceux-ci par acomptes.
Le grief, mal fondé, doit être rejeté.
4.
En définitive, l'appel d'I._ doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé dans son entier.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
72e1d6ed-76c1-4b28-9bcd-3da7962e15bb | En fait :
A.
Par jugement du 18 décembre 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré M._ de l’accusation de viol (I), dit que M._ est le débiteur de N._ d’un montant de 2'000 fr., à titre d’indemnité pour tort moral (II), mis une part des frais par 4'000 fr., à la charge de M._ et laissé le solde à l’Etat (III), arrêté le montant de l’indemnité due à Me Frank Tièche à 7'000 fr., et celui de l’indemnité due à Me Eduardo Redondo à 6'102 fr., pour toutes choses (IV).
B.
Le 19 décembre 2012, le Procureur de l’arrondissement de Lausanne a déposé une annonce d'appel suivie, le 14 janvier 2013, d'une déclaration d'appel motivée. Il conclut à la réforme du jugement précité en ce sens que M._ est reconnu coupable de viol (I), M._ est condamné à une peine privative de liberté de trois ans (II), la peine étant suspendue sur une partie portant sur vingt-quatre mois, pour une durée de trois ans (III), les frais étant mis à la charge de M._.
Par annonce d’appel du 20 décembre 2012, suivie d’une déclaration d’appel motivée du 25 janvier 2013, N._ s’est opposée à ce jugement. Elle conclut à sa réforme en ce sens que M._ est condamné pour viol à
une peine fixée à dire de justice et que M._ est reconnu débiteur de N._ et lui doit immédiat paiement d’un montant de 20'000 fr., avec intérêts à 5% l’an dès le 1
er
septembre 2007, à titre d’indemnité pour tort moral.
M._ a déposé un appel joint par acte du 15 février 2013. Il conclut à la réforme du jugement entrepris en ce sens qu’il n’est pas reconnu le débiteur de N._ d’un montant de 2'000 fr., à titre d’indemnité pour tort moral, les frais de la cause étant laissés entièrement à la charge de l’Etat. M._ a en outre demandé la production des notes manuscrites de la psychologue Z._, à titre de réquisitions de preuves.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1
M._ est né en 1959 en Espagne, pays dont il est ressortissant. Au bénéfice d’un permis C, il a été le patron du restaurant « [...] », à Lausanne au moment des faits de la présente cause. Il travaille actuellement comme storiste dans une société lausannoise pour un salaire mensuel brut de 5'000 francs. M._ vit séparé de son épouse. Le couple a eu deux enfants, aujourd’hui majeurs ; sa fille cadette est encore en apprentissage et il lui verse une pension mensuelle de 500 fr., alors que l’Office des poursuites et faillites retient une somme de 1'700 fr., sur son salaire. Il a déclaré avoir des dettes pour environ 114'000 fr. et des actes de défaut de biens.
Le casier judiciaire de M._ ne comporte aucune inscription.
1.2
N._ est née en 1960. Ressortissante espagnole, elle est au bénéfice d’un permis C. Elle est veuve depuis 2003 et mère de deux enfants aujourd’hui majeurs. En 2007, N._ a mis sa patente de cafetier-restaurateur à la disposition du prévenu et a travaillé pour le compte de ce dernier en qualité de serveuse, ceci jusqu’au moment des faits de la présente cause. Actuellement sans emploi, elle a toutefois plusieurs propositions d’embauche dans des restaurants de la région lausannoise. A la suite des événements survenus en été 2007, N._ a suivi une psychothérapie durant deux années auprès de la psychologue Z._. Elle poursuit cette thérapie auprès du CHUV de manière irrégulière et selon les besoins.
2.1
En 2007, M._ a repris le restaurant « [...]» à Lausanne. Il a proposé à N._, qu’il connaissait et qu’il savait détentrice d’une patente de cafetier-restaurateur, de venir travailler dans son établissement, ce que cette dernière a accepté. En début d’année, alors qu’ils s’étaient donnés rendez-vous dans un café pour discuter de leur prochaine collaboration, M._ a demandé à N._ de l’accompagner dans le local où il entreposait de la marchandise, à Savigny. Arrivés sur place, M._ a fermé le local à clef et a proposé à N._ de s’asseoir. Il a alors enclenché une cassette vidéo pornographique et s’est assis à califourchon sur les genoux de N._. Cette dernière a tenté de repousser son assaillant qui voulait l’embrasser de force. Elle est finalement parvenue à se libérer indiquant à M._ qu’elle devait partir récupérer sa fille.
2.2
Mettant l’incident sur le compte d’un moment d’égarement, N._ a accepté de travailler pour M._. Les rapports de travail étaient cependant difficiles et tendus, M._ ayant l’habitude de rabaisser et de critiquer ses employés devant les clients, ce qu’il a régulièrement fait avec N._.
A une date indéterminée de l’année 2007, N._ s’est faite raccompagnée en voiture à son domicile après la fermeture du restaurant par M._. Cela arrivait régulièrement car il n’y avait plus de transports publics. Il a alors essayé de caresser sa jambe. N._ l’a repoussé et a pu sortir de la voiture.
2.3
Un soir du mois d’août 2007, N._ s’est retrouvée seule dans le restaurant « [...]» avec M._ au moment de la fermeture de l’établissement. Elle a constaté que son patron avait un comportement étrange et qu’il semblait nerveux. Elle est alors allée dans les toilettes et a téléphoné à une amie, X._, pour lui faire part de son inquiétude. Après avoir raccroché, elle est retournée dans la salle pour terminer de nettoyer les tables. C’est alors que M._ s’est approché d’elle par derrière et l’a enlacée puis serrée à la taille. N._ s’étant retournée pour lui faire face, M._ a essayé de l’embrasser de force. Il a ensuite poussé sa victime qui s’est retrouvée couchée le dos à plat sur la table. Il a relevé la robe et écarté la culotte de N._ et a baissé son pantalon et son slip avant de la pénétrer vaginalement, malgré le fait que cette dernière essayait de le repousser et lui disait qu’il lui faisait mal. Ce n’est qu’après avoir éjaculé que M._ s’est retiré et, après s’être rhabillé, a proposé à N._ de la raccompagner chez elle, comme si de rien n’était. N._ a quitté l’établissement en état de choc pour rentrer chez elle en taxi. A compter de ce jour, elle n’est plus retournée travailler au restaurant et a, par courrier du 27 août 2007, donné sa démission pour la fin du mois de septembre 2007. Le
23 novembre 2007, N._ a rencontré l’épouse de M._ dans le restaurant, afin de régler des questions administratives. Lors de cet entretien, elle a été officiellement libérée de son obligation de travailler dans l’établissement jusqu’à décembre 2007. Les parties ont convenu que N._ continuerait de mettre sa patente à la disposition de l’épouse de M._ jusqu’à la fin du mois de décembre 2007.
N._ est allée consulter sa gynécologue peu après le viol et lui a confié ce qu’elle avait subi. Elle a suivi une psychothérapie de mai 2008 à novembre 2009 auprès de la psychologue Z._, puis a eu cinq entretiens au CHUV du 19 octobre au 2 décembre 2011. Les thérapeutes ont relevé que N._ présentait des symptômes de stress post-traumatique, d’anxiété et de retrait social ainsi que des troubles de la sexualité en lien avec une impossibilité à supporter la pénétration. Elle poursuit encore à ce jour une thérapie au CHUV de manière irrégulière et selon ses besoins.
Le 29 novembre 2009, N._ a déposé plainte contre M._. | En droit :
1.1
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP). L'appel joint doit être interjeté dans un délai de vingt jours dès la réception de la déclaration d'appel (art. 400 al. 3 CPP).
Le Ministère public a, de droit, la qualité pour recourir, soit pour interjeter appel (art. 381 al. 1 CPP).
1.2
Interjetés dans les formes et délai légaux par des parties ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels du Ministère public et de N._ sont recevables. Il en va de même de l’appel joint déposé par M._.
Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012). A cet égard, la Cour d’appel a requis et obtenu production des notes manuscrites de la psychologue Z._.
Il convient en premier lieu d’examiner l’appel du Ministère public.
I. Appel du Ministère public
3.
Le Procureur de l’arrondissement de Lausanne reproche aux premiers juges d’avoir acquitté M._ en retenant un état de fait erroné et incomplet. Selon lui, il ne subsiste aucun doute quant au lieu où les faits se sont déroulés et N._ a suffisamment clairement manifesté son absence de consentement au moment du viol.
3.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
La présomption d'innocence, qui est garantie par l'art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle d'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38, c. 2a ; TF 6B_18/2011 du 6 septembre 2011 c. 2.1).
3.2
En l’occurrence, les premiers juges ont libéré M._ de l’accusation de viol au bénéfice du doute. Ils ont retenu que N._ était crédible lorsqu’elle disait être en état de grande souffrance et qu’il n’y avait aucune raison de penser qu’elle avait tout inventé de toute pièce (jgt., p. 12). De même, ils ont admis qu’un rapport sexuel avait bien eu lieu, nonobstant les dénégations du prévenu, considérant toutefois que cela ne suffisait pas pour retenir avec « une absolue certitude » qu’il y a bien eu un viol. En premier lieu, ils ont relevé qu’on ne savait pas s’il y a eu une relation sexuelle complète dans le local de Savigny ou sur une table du restaurant. En second lieu, ils ont estimé qu’il n’était pas absolument certain que le prévenu ait passé outre une résistance claire et perceptible, la plaignante indiquant à différentes reprises dans le cours de l’instruction avoir dit au prévenu que ce dernier lui faisait mal (jgt., p. 13). Enfin, et même s’ils ont expressément admis que cet élément n’était pas déterminant pour l’examen du litige, les premiers juges ont indiqué qu’il subsistait un doute sur la fin des rapports de travail (jgt., p. 12).
L’appréciation des premiers juges ne peut être suivie. S’agissant du lieu où le viol s’est produit, la plaignante a toujours été très claire dans ses dépositions durant l’enquête (P. 5 ; PV aud. 3 ; PV aud. 12, L. 50-60, L. 111-130, L. 303-304) ainsi qu’à l’audience de première instance, lorsqu’elle précise confirmer toutes ses déclarations antérieures (jgt., p. 3). Elle n’a jamais varié sur ce point, expliquant à chaque fois que le prévenu avait tenté d’entretenir une relation sexuelle avec elle à Savigny et que, face à son refus, il avait cessé ses agissements. Elle a en outre toujours situé le viol, tel que décrit dans l’acte d’accusation, dans le restaurant, au mois d’août 2007, lors de la fermeture de l’établissement.
Certes, le témoin Q._ a indiqué dans un premier temps que le viol avait eu lieu à Savigny et que la tentative s’était passée au restaurant (PV aud. 1, R. 3). Lors de sa seconde audition, il a toutefois précisé qu’il était possible qu’il se soit trompé dans l’ordre des agressions (PV aud. 7, L. 165-166). Le jugement entrepris est dès lors erroné lorsqu’il retient que ce n’est qu’à l’audience que le témoin a corrigé le lieu de commission du délit (jgt., p. 11).
S’agissant des déclarations de la psychologue Z._, il est exact que, dans un premier temps, elle a situé les agressions dans le même ordre que le témoin Q._ (PV aud. 9, L. 36 - 56). Toutefois, lors de la même audition, elle dit ensuite qu’il est possible qu’elle se trompe mais qu’elle est sûre que sa patiente lui a parlé de pénétration (PV aud. 9, L. 187-190). C’est alors qu’elle consulte ses notes et qu’elle déclare – toujours dans le même procès-verbal d’audition – « après avoir relu mes notes, je constate que la pénétration a eu lieu au restaurant » (PV aud. 9, L. 191-195), précisant que « à la première séance, nous n’entrons pas dans les détails. On laisse la personne s’exprimer librement. C’est lors de la 2
e
voir de la 3
e
séance que Mme N._ me décrit plus en détail les événements et me précise que la pénétration a eu lieu dans le restaurant » (PV aud. 9, L. 227-230). L’examen des notes manuscrites transmises par la thérapeute permet de confirmer ces déclarations (P. 86). Le jugement est ainsi incomplet lorsqu’il affirme péremptoirement que la psychologue situe aussi le viol à Savigny (jgt., p. 11). Enfin, il est erroné de dire que le rapport médical signé par le Dr. L._ (P. 20), également cité par les premiers juges (jgt., p. 11), a été établi par ce médecin, la psychologue Z._ ayant indiqué que c’était elle qui l’avait établi en tant que psychologue déléguée (PV aud. 9, L. 158-160).
S’agissant de la relation sexuelle qui a eu lieu dans le restaurant, tous les témoins entendus durant l’enquête et en première instance – y compris l’épouse du prévenu - ont déclaré que la plaignante avait toujours dit qu’elle n’était pas consentante (PV aud. 1, R. 3 ; PV aud. 5, L. 60-61 ; PV aud. 6, L. 56 – 58 et 67-72 ; PV aud. 7, L. 72 à 74 ; PV aud. 9, L. 43-44). Contrairement à ce que les premiers juges ont retenus, N._ n’a pas simplement demandé au prévenu de cesser ses agissements parce qu’il lui faisait mal (jgt., p. 10) ; elle a clairement opposé son refus, expliquant avoir vainement tenté de repousser son agresseur mais qu’il était plus fort qu’elle (PV aud. 3, L. 39-40 ; PV aud. 12, L. 122, L 124-125, L. 221-223). Juste avant l’agression, vers 23h30, N._ a appelé son amie X._. Elle était paniquée. Elle lui a dit qu’elle était dans les toilettes du restaurant et que M._ était en train de fermer les portes à clés. Elle avait l’air apeurée (PV aud. 6, L. 51-55). Le jugement est dès lors inexact lorsqu’il fait remonter ce téléphone après le viol (jgt., p. 11 en bas). Il est même trompeur lorsqu’il donne l’impression que le témoin X._ aurait été instrumentalisé par la victime (jgt., p. 12 en haut). Si l’on rapproche les déclarations de ce témoin d’avec celles de N._ qui fait état, dès son audition plainte du mois de novembre 2009, du fait que le prévenu était inquiet et bizarre et qu’il l’inquiétait (P. 5, p. 2), on ne peut que parvenir à la conclusion, logique, que la victime redoutait un mauvais coup de son patron et qu’elle s’y soit opposée. La gynécologue que N._ a consultée peu après l’agression a confirmé que cette patiente lui avait parlé d’un viol (P. 19/2). Les certificats médicaux font tous état d’une souffrance non feinte – et d’ailleurs admise par les premiers juges – ayant nécessité une longue thérapie (P. 51 ; PV aud. 9). Ces éléments plaident encore en faveur d’une relation non consentie.
Enfin, pour ce qui est de la fin des rapports de travail, l’appréciation des premiers juges ne peut, là encore, être suivie. Les pièces du dossier démontrent sans équivoque que ce n’est pas le prévenu qui a licencié la plaignante, comme il l’affirme pourtant, mais bien cette dernière qui a donné sa démission (P. 8/2 ;
P. 37/1, dont l’original est répertorié sous P. 44/2). Dans ce courrier daté du
27 août 2007, N._ a écrit ce qui suit à M._ et son épouse : « Messieurs, Madame, par la présente je vous informe que je résilie mon contrat de travail pour le 30 septembre 2007. » Il existe une différence entre le fait de résilier le contrat de travail (fin des rapports de travail) et le fait de ne plus se présenter au travail, l’un n’étant pas synonyme de l’autre. Il est ainsi admissible de ne plus se présenter au travail tout en ayant un contrat qui se termine ultérieurement. Ce qui est déterminant ici, c’est de savoir si N._ est retournée sur son lieu de travail ou pas après le viol. Or, la plaignante a toujours affirmé ne pas être retournée travailler au restaurant après le viol, ce qu’elle a encore confirmé aux débats d’appel. M._ a lui-même admis qu’elle n’est plus revenue travailler après le mois d’août (PV aud. 4, R. 16). La plaignante a enfin précisé s’être rendue au restaurant en octobre 2007 uniquement pour régler les questions administratives en lien avec la fin de son contrat de travail et le maintien de sa patente en gérance jusqu’au mois de décembre 2007 (P. 8/2 et 8/3). Les premiers juges ont ainsi douté sur un fait admis par la défense, leur motivation étant dès lors arbitraire.
Compte tenu de ce qui précède, il ne subsiste aucun doute raisonnable s’agissant du lieu où le viol a été commis. Il n’y a pas lieu de douter, non plus, du fait que N._ a clairement tenté de résister à son agresseur, tant par la parole que par les gestes, et que ce dernier se rendait compte que sa victime n’était pas consentante. Il n’est pas indispensable que le tribunal ait acquis la conviction absolue (jgt., p. 13) que le prévenu ait passé outre la résistance de sa victime. Il faut et il suffit qu’il n’y ait pas de doutes sérieux et irréductibles (doutes raisonnables) que la plaignante ait exprimé son absence de consentement. Les premiers juges ont d’ailleurs admis que N._ s’était opposée aux actes à connotation sexuelle qui s’étaient déroulés dans le local à Savigny puisqu’ils ont envisagé de retenir la contravention à l’art. 198 CP si cette dernière n’était pas prescrite (jgt., p. 13). Il est dès lors insoutenable de penser qu’elle ne se soit pas opposée clairement à l’acte sexuel, autrement plus grave, qui s’est produit dans le restaurant. Partant, M._ doit être reconnu coupable de viol, les conditions de cette infraction étant réalisées. L’appel du Ministère public doit être admis sur ce point.
4.
Le Procureur de l’arrondissement de Lausanne a requis le prononcé d’une peine privative de liberté de trois ans, assortie du sursis partiel sur une période de deux ans, avec un délai d’épreuve arrêté à trois ans.
4.1
a)
Aux termes de l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier, ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Ce dernier doit exposer quels éléments il a pris en compte pour fixer la peine, de manière à ce que l'on puisse vérifier que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens atténuant ou aggravant. Il lui appartiendra, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, de déterminer
dans quelle mesure il y a lieu de tenir compte des divers facteurs de la peine
(JT 2010 IV 127). Le comportement de l'auteur postérieurement à l'acte constitue un élément à prendre en compte lors de la fixation de la peine, pour autant qu'il permette d'en tirer des déductions sur l'intéressé et son attitude par rapport à ses actes (TF 6B_203/2010 du 27 mai 2010 c. 5.3.4). Une prise de conscience, par l'auteur, du caractère illicite de ses actes et le repentir sont considérés comme des éléments autorisant une diminution de la peine (ATF 121 IV 202 c. 2d/cc;
TF 6B_203/2010 du 27 mai 2010 c. 5.3.4).
b)
L'art. 43 al. 1 CP prévoit que le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur.
De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP (ATF 134 IV 1 c. 4 p. 4 ss, ainsi que c. 5 p. 9 ss, spéc. c. 5.5.2 p. 14 ss; cf. aussi arrêts 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 c. 3.2.1; 6B_353/2008 du 30 mai 2008 c. 2.3). En effet, le critère des perspectives d’amendement s'applique également pour le sursis partiel, dès lors que la référence au pronostic ressort implicitement du but et du sens de cette dernière disposition. Ainsi, lorsque le pronostic quant au comportement futur de l'auteur n'est pas défavorable, la loi exige que l'exécution de la peine soit au moins partiellement suspendue. Mais un pronostic défavorable exclut également le sursis. En effet, s'il n'existe aucune perspective que l'auteur puisse être influencé de quelque manière par un sursis complet ou partiel, la peine doit être entièrement exécutée (ATF 134 IV 1 précité, c. 5.3.1, p. 10).
c)
Lorsqu’il accorde le sursis, le juge fixe un délai d’épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).
Les critères de fixation de ce délai ne sont pas précisés par la loi. La durée du délai d'épreuve ne saurait être fixée uniquement d'après la durée de la peine ou la gravité de l'infraction. Bien plus, le critère déterminant est le risque de récidive, qui se détermine d’après le caractère du condamné (Roth et Moreillon [éd.], Commentaire romand, Bâle 2009, n. 7 ad art. 44 CP). Le juge doit tenir compte des circonstances du cas d’espèce, en particulier de la personnalité et du caractère du condamné ainsi que du risque de récidive; plus ce risque est sérieux et plus le délai d’épreuve sera long (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3
ème
éd. 2007, n. 2 ad art. 44 CP). Dans la mesure où la décision est fondée sur tous les éléments pertinents pour le pronostic futur, le juge jouit en la matière d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 128 IV 193; ATF 118 IV 97, JT 1992 I 783 c. 2a; ATF 116 IV 279 c. 2a).
4.2
Dans le cas d’espèce, la culpabilité de M._ est lourde. Le viol est en soi un crime grave qui suppose un mépris total pour l’intégrité physique et psychique de la victime. A charge, il convient de retenir que le prévenu a agi pour satisfaire ses propres pulsions de manière égoïste et sans tenir compte de l’absence de consentement de la plaignante. Il convient également de retenir à charge que le prévenu n’a pas cessé de nier les faits, jusqu’en appel, allant même jusqu’à dénigrer N._, laissant entendre qu’elle agissait uniquement pour obtenir de l’argent de sa part.
La Cour de céans ne retient aucun élément à décharge.
Compte tenu de ce qui précède, une peine privative de liberté de trente mois se justifie au regard de l’infraction commise, de la culpabilité de M._ et de sa situation personnelle. Son comportement, qui témoigne d’une absence de prise de conscience de la gravité de ses actes, est un élément de mauvais pronostic sur le plan subjectif. On relève cependant l’absence d’antécédents pénaux du prévenu, qui a une vie professionnelle stable. Ces derniers éléments permettent de contrebalancer en partie les facteurs contraires et excluent de pouvoir poser un pronostic totalement défavorable. Partant, il y a lieu d’assortir la peine du sursis partiel. La peine ferme sera ainsi de dix mois et la partie assortie du sursis de vingt mois. Un délai d'épreuve de deux ans s'avère suffisant pour prévenir tout risque de récidive.
L’appel du Ministère public est partiellement admis sur ce point.
II. Appel de N._
5.
N._ a conclu à la condamnation de M._ pour viol, à une peine que justice dira. Au regard des considérants qui précèdent, l’appel de N._ est admis sur ce point.
6.
Dans un second grief, N._ a conclu que M._ soit reconnu son débiteur et lui doit immédiat paiement d’un montant de 20'000 fr., avec intérêts à 5% l’an dès le 1
er
septembre 2007 à titre d’indemnité pour tort moral.
6.1
Au pénal, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l’infraction (art. 119 al. 2 let. b et 122 al. 1 CPP). Ceci signifie qu’au moment de la déclaration de partie civile, les prétentions civiles doivent se rattacher à une cause juridique résultant d’un ensemble de faits en eux-mêmes constitutifs d’une infraction pénale (Jeandin/Matz, in Kuhn/Jeanneret [éd.], op. cit., n° 9 ad art. 118 CPP et
n° 16 ad art. 122 CPP).
En vertu de l’art. 49 al. 1 CO, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d’argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l’atteinte le justifie et que l’auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement.
Cette disposition exige que l’atteinte dépasse la mesure de ce qu’une personne doit normalement supporter, que ce soit sur le plan de la durée des souffrances ou de leur intensité (Bucher, Personnes physiques et protection de la personnalité, 4
e
éd., Bâle, Genève, Munich 1999, n. 603, p. 141; Tercier, Le nouveau droit de la personnalité, Zurich 1984, nn. 2047 ss ; Deschenaux et Tercier, La responsabilité civile, 2
e
éd., Berne 1982, nn. 24 ss). On définit le tort moral comme les souffrances physiques ou psychiques que ressent la personne lésée à la suite d’une atteinte à la personnalité (Tercier, op. cit., n. 2029, p. 267). L’ampleur de la réparation dépend avant tout de la gravité de l’atteinte – ou, plus exactement, de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à cette atteinte – et de la possibilité d’adoucir sensiblement, par le versement d’une somme d’argent, la douleur morale qui en résulte (ATF 125 III 269, c. 2a; ATF 118 II 410, c. 2a).
En raison de sa nature, l’indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage ne pouvant que difficilement être réduit à une simple somme d’argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites; l’indemnité allouée doit toutefois être équitable. Le juge en proportionnera donc le montant à la gravité de l’atteinte subie et évitera que la somme accordée n’apparaisse dérisoire à la victime (ATF 125 III 269, précité; ATF 118 II 410, précité).
6.2
En l’espèce, les premiers juges ont admis que N._ était crédible lorsqu’elle disait être en état de grande souffrance (jgt., p. 12). A la suite du viol, elle a suivi une psychothérapie de mai 2008 à novembre 2009 auprès de la psychologue Z._, puis a eu cinq entretiens au CHUV du 19 octobre au
2 décembre 2011. Les thérapeutes ont relevé que N._ présentait des symptômes de stress post-traumatique, d’anxiété et de retrait social (P. 20) et qu’à la suite du viol, elle présentait des troubles de la sexualité en lien avec une impossibilité à supporter la pénétration (P. 51). Aux débats d’appel, N._ a précisé qu’elle poursuivait encore une thérapie de manière irrégulière et quand le besoin se faisait sentir afin de retrouver une vie de femme à part entière. Compte tenu de ce qui précède, le montant de 20'000 fr., requis par l’appelante à titre d’indemnité pour le tort moral subi est adéquat.
III. L’appel joint de M._
7.
M._ reproche aux premiers juges d’avoir mis à sa charge le paiement d’un montant de 2'000 fr., en faveur de la plaignante à titre de réparation pour tort moral ainsi que la mise à sa charge des frais de la procédure.
Compte tenu de sa culpabilité démontrée ci-dessus, l’appel joint de M._ doit être intégralement rejeté dans le sens des considérants qui précèdent.
8.
En définitive, l’appel du Ministère public est partiellement admis en ce sens que M._ est condamné pour viol, à une peine privative de liberté de trente mois, dont vingt assortis du sursis avec un délai d’épreuve de deux ans.
L’appel de N._ est admis.
L’appel joint de M._ est rejeté.
9.
Comme le sort de l’action pénale est modifié en deuxième instance par la condamnation de M._, ce dernier doit supporter, outre les frais de la procédure d'appel, par 2'460 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), les frais de justice de première instance qui s'élèvent à 20'622 fr., y compris les indemnités allouées aux avocats d’office (art. 426 al. 1 CPP).
L’indemnité de défenseur d'office allouée pour la procédure d’appel, par 2’678 fr. 40, TVA et débours inclus, à Me Eduardo Redondo est mise à la charge de M._. Il en va de même de l’indemnité de conseil d’office allouée pour la procédure d’appel, par 2'635 fr. 20, TVA et débours inclus, à Me Frank Tièche.
M._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant des
indemnités allouées à son avocat d’office et à celui de N._
que lorsque sa situation financière le permettra
. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
72f7634e-f3dd-419e-8805-401d743c508c | En fait :
A.
Par jugement du 18 novembre 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a libéré B.Z._ du chef d'accusation d'abus de confiance (I), a constaté qu’elle s'est rendue coupable d'usure (II), l’a condamnée à une peine privative de liberté de 14 mois et suspendu l'exécution de cette peine avec un délai d'épreuve de 2 ans (III), a libéré A.X._ du chef d'accusation de recel (IV), a constaté qu’il s'est rendu coupable d'usure (V), l’a condamné à une peine pécuniaire de 240 jours-amende à 80 fr. le jour et suspendu l'exécution de cette peine avec un délai d'épreuve de 2 ans (VI), a dit que B.Z._ et A.X._ doivent verser solidairement à J._ la somme de 11'500 fr. à titre de juste indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure (VII), a statué sur les séquestres (VIII), a alloué à Me Tiphanie Chappuis, défenseur d'office de B.Z._, une indemnité de 12'270 fr., débours et TVA compris (IX), a mis les frais de la cause par 28'037 fr. 15 à la charge de B.Z._, y compris l’indemnité due à son défenseur d’office, et par 5'255 fr. 70 à la charge de A.X._ (X), et a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité fixée sous chiffre IX ci-dessus ne pourra être exigé de B.Z._ que si et dans la mesure où sa situation financière s’améliore (XI).
B.
Le 18 novembre 2014, A.X._ a fait appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 12 décembre 2014, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à la réforme du jugement entrepris en ce sens qu’il est libéré de l’infraction d’usure et qu’il lui est alloué une indemnité de l’art. 429 CPP. Subsidiairement, il a conclu à l’annulation du jugement entrepris.
Le 19 novembre 2014, B.Z._ a fait appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 15 décembre 2014, elle a conclu à la réforme du jugement attaqué en ce sens qu’elle est libérée de l’accusation d’usure et que les chiffres II, III, VIII, X et XI du dispositif sont modifiés en conséquence.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
B.Z._ est née le [...] à Lausanne. Au bénéfice d’une formation de vendeuse, elle a travaillé plusieurs années dans ce domaine. Elle a ensuite œuvré dans un garage, puis auprès de banques. Dès 1974, elle a travaillé à l'association vaudoise [...]. Dans le cadre de cette activité, elle s'occupait notamment de la facturation des pensionnaires et des salaires des collaborateurs. Elle dit ensuite être tombée malade et avoir été licenciée. Elle a alors suivi des cours à la Croix-Rouge afin de devenir auxiliaire de santé, puis a travaillé successivement pour des soins à domicile, puis dans des EMS. Dès 1988 et jusqu'en 2003, elle a exploité dans sa maison un foyer pour accueillir des alcooliques. Depuis de nombreuses années, elle a la passion des chiens et elle possède des Saint-Bernard depuis 1989. Elle a participé avec eux à des concours de beauté et a également géré un élevage jusqu'en 2006.
Elle a eu deux enfants d'un premier mariage, B.X._, née en [...], et A.X._, né en [...]. Elle a épousé A.Z._ en 1981. Le couple n’a pas d'enfant ensemble. Il perçoit des prestations de l'AVS de quelque 3'500 fr. par mois. A.Z._ touche en plus une pension de retraité qui s'élève à un peu plus de 2'000 francs.
La prévenue et son mari vivent au D._ à [...] depuis août 2003, en compagnie également de T._, qui souffre d’un handicap mental et physique, et dont elle s’occupe depuis plus de vingt ans. Pour les soins apportés à T._, la prévenue perçoit 1'600 fr. par mois du tuteur de ce dernier. B.Z._ et son mari versent un loyer de 1'000 fr. à A.X._, propriétaire depuis février 2008 du D._.
La prévenue ne dispose pas d'économies, mais a pour environ 30'000 fr. de poursuites relatives à des impôts en retard, qu’elle rembourse à raison de 1'400 fr. par mois prélevés à la source.
Son casier judiciaire ne mentionne pas de condamnation.
1.2
A.X._ est né le [...] à Lausanne. Cadet d’une famille de deux enfants, il a été élevé par ses grands-parents jusqu'à l'âge de 12 ans, puis est ensuite allé vivre chez sa mère, B.Z._. Il a fait un apprentissage de monteur électricien et a obtenu un CFC au terme de sa formation. Peu après son vingtième anniversaire, il est devenu indépendant, toujours comme monteur électricien. En 2004, il a fondé la société simple [...] qui a fait faillite au mois de mars 2014. Après une période de chômage, il a retrouvé un emploi dans le domaine de la prévention incendie et perçoit un salaire mensuel de 6'000 fr. brut.
Marié, A.X._ a un enfant âgé de 9 ans. La famille vit dans un appartement de 4 pièces dont le loyer se monte à 1'760 fr. par mois. Son épouse est indépendante comme esthéticienne à [...]. Ensuite de graves problèmes de santé, elle a traversé une longue période d’inactivité, mais a repris son travail dans le courant de l’année 2014. Le prévenu n’a pas d’économie. Il est propriétaire avec son épouse du D._ à [...] qui est loué à sa mère et l’époux de celle-ci à hauteur de 1'000 fr. par mois, comme dit ci-dessus.
Son casier judiciaire ne comporte aucune inscription.
2.
2.1
En 1996, J._ a fait la connaissance de B.Z._. Au fil des années, une amitié durable est née entre les deux femmes, en raison de leur passion commune pour les chiens de race Saint-Bernard. Au décès de la mère de J._ en décembre 2003, B.Z._ l’a aidée à vendre la maison familiale. Ensuite de l’héritage et de la vente de la villa, J._ a eu environ un million de francs à sa disposition.
Au cours de l’année 2004, B.Z._ a encouragé son amie à acquérir le D._ à [...], immeuble dans lequel B.Z._ et son époux résidaient, en tant que locataires, depuis août 2003. J._ a acheté ce bien-fonds le 9 juin 2004 pour le prix de 230'000 francs.
Entre 2004 et 2008, sous l’impulsion de B.Z._, J._ a investi un montant avoisinant les 300'000 fr. afin de rénover la propriété. Durant cette période, B.Z._ et son époux ont continué à résider au D._. Dès le début de l’année 2006 et jusqu’en novembre 2007, ceux-ci ont payé un loyer de 1'000 fr. par mois à J._. Avant 2006 et de décembre 2007 à février 2008, en raison des travaux en cours, B.Z._ et son époux n’ont payé aucun loyer.
Le 20 mars 2007, J._ a établi un testament olographe spécifiant qu’en cas de décès, le D._ serait légué à B.Z._. Se sachant dans l’impossibilité d’honorer les différents impôts et frais en cas de succession, B.Z._ a convaincu J._ de procéder différemment et de vendre la propriété pour 200’000 fr. à son fils A.X._.
Le 21 février 2008, A.X._ et J._ ont ainsi signé un acte de vente concernant le D._ pour la somme 200'000 fr., alors que, selon le rapport d’expertise immobilière du 10 février 2012, la valeur vénale des parcelles composant la propriété était d’environ 650'000 francs. Dans la mesure où J._ souhaitait, à terme, vivre avec B.Z._, un « droit d’habitation / bail à vie » en faveur de ces dernières a été inscrit dans l’acte de vente. Ainsi, le contrat de vente prévoit sous le point « bail à loyer » : « L’acheteur s’engage à louer à J._, B.Z._ et A.Z._, les parcelles susmentionnées au prix de mille francs (1'000 fr.) par mois, charges comprises, la vie durant de J._, B.Z._ et A.Z._ ». Il est précisé que ce « droit d’habitation / bail à vie » n’a pas fait l’objet d’une inscription au registre foncier. Pour payer le prix de vente, A.X._ a contracté un emprunt. Il a en outre été décidé que les quelque 200'000 fr. retirés de la vente serviraient à financer des travaux supplémentaires sur la propriété. A cet effet, le 22 février 2008, le compte n°[...] au nom de J._ a été ouvert auprès de la banque [...]. Le produit net de la vente, soit 189'500 fr., y a été déposé et une procuration a été établie en faveur d’B.Z._. Ce compte a dès lors été exclusivement géré par cette dernière, qui en détenait d’ailleurs la carte Maestro.
Du 26 février au 7 novembre 2008, sous la direction de B.Z._, des travaux supplémentaires pour quelque 177'322 fr. ont été effectués, aux frais de J._, sur la propriété appartenant désormais à A.X._.
En mai 2008, la partie des travaux visant à l’aménagement de sa chambre, sous les combles et sans chauffage, étant terminée, J._ s’est installée au D._ afin d’y vivre avec B.Z._ et sa famille. Il était convenu que cette dernière s’acquitte du loyer mensuel et que J._ soit logée, nourrie, blanchie et qu’elle n’ait à sa charge que ses assurances, ses frais personnels et la nourriture de ses chiens. A la même époque, les relations entre J._ et B.Z._ ont commencé à se dégrader.
Le 7 novembre 2008, J._ a déposé plainte. A la même date, elle a formulé une demande de mise sous tutelle volontaire.
2.2
En cours d’enquête, J._ a fait l’objet d’une expertise psychiatrique. Il ressort du rapport du Centre d’expertises de l’Institut de psychiatrie légale de Céry du 16 mars 2011 que la plaignante présentait un trouble mixte de la personnalité à traits anxieux et dépendants, un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère, sans symptôme psychotique, et un trouble de l’alimentation, sans précision. Elle souffrait du trouble de la personnalité depuis le début de l’âge adulte et des troubles dépressif et de l’alimentation depuis 1994 au moins. Elle a été hospitalisée une première fois du 19 mars au 28 juin 1996 pour une anorexie puis une seconde fois du 10 juillet au 19 août 2008 ensuite d’une tentative de suicide. L’expert a relevé une ancienne toxicomanie à l'héroïne datant d’il y a trente ans. Il ressort de l’expertise que J._ est suivie depuis 2006 par le Dr K._, psychiatre à [...]. Ce dernier, contacté par les experts, a décrit sa patiente comme une personne très fragile, constamment angoissée, peu capable d'élaborer sur son vécu ou de faire des liens entre son passé et son présent. Il a aussi connu J._ avant qu'elle envisage de vivre chez B.Z._. Il a décrit à l'époque une femme très peu autonome et imaginait qu'elle ne pourrait vivre sans une aide institutionnelle. Il a observé, alors, que la prévenue avait fait beaucoup pour J._ en gérant toutes ses affaires et en lui offrant l'étayage relationnel qui lui était nécessaire. Le médecin a toutefois aussi évoqué son inquiétude face à cette « relation trop forte » où J._ n'avait « plus d'espace propre ». Pour les experts, la plupart des caractéristiques du trouble mixte de la personnalité à traits anxieux et dépendants se retrouvent chez J._ qui présente d'importantes difficultés à pouvoir se situer, s'affirmer vis-à-vis d'autrui et pouvoir faire face aux différents obstacles de sa vie. Elle se montre incapable de décision, de se représenter ses besoins et de les affirmer, s'appuyant constamment sur autrui, comme son mari, puis sa mère, puis B.Z._, puis sa tutrice de l’époque Mme H._ pour toute décision la concernant. Les experts ont également considéré que ces troubles ont pu influencer la capacité de jugement de J._ durant toute la période litigieuse, à savoir au moment de l’achat du D._ en 2004, durant les travaux de rénovation entre 2005 et 2008 et finalement au moment de la vente de la propriété à A.X._ en 2008.
Les experts ont considéré que par ses troubles psychiques, J._ était très perturbée pour assumer son quotidien. De par sa personnalité dépendante, elle vit dans l'angoisse constante d'être abandonnée se sachant incapable de vivre et de s'assumer seule. Ses troubles sont conjointement présents depuis 1994 à tout le moins. La nature et la sévérité de ses troubles sont tels que J._ ne peut se passer d'une assistance constante et n'a pas les capacités d'apprécier pleinement la portée de ses actes et de gérer ses affaires sans risquer de les compromettre. Ils ont estimé qu’une tutelle volontaire, un lieu de vie en institution et un traitement psychiatrique étaient nécessaires au maintien de sa stabilité précaire. Selon les médecins, les facultés cognitives de l’intéressée sont conservées. Elle présente une intelligence normale et n'a pas de troubles psycho-organiques qui pourraient altérer sa compréhension de son environnement. Dans ce sens, il lui était possible de comprendre les tenants et aboutissants concernant les actes de vente ou les devis de réparation qu'elle signait, tout comme les demandes de procuration émanant de B.Z._. Toutefois, ses capacités volitives sont altérées de façon importante, et ce depuis 1994 à tout le moins. Même si J._ savait et reconnaissait notamment son désaccord pour les achats ou travaux demandés par B.Z._, son angoisse d'être abandonnée ou de subir les colères de cette dernière était telle qu'elle n'avait pas les capacités volitives de s'y opposer. Ainsi, bien qu'elle comprît et appréciât les implications de ses décisions, elle n'était pas à même de faire des choix en connaissance de cause et de se déterminer autrement qu'en lien avec le poids de ses pathologies et de ses angoisses, donc de tout faire pour ne pas être rejetée, pour ne pas devoir faire face à un conflit et risquer d'être abandonnée. Autrement dit, J._ présente pour les experts une importante altération de ses capacités à se déterminer d'après une capacité de jugement globalement préservée.
Les experts ont précisé encore qu’il était difficile de se déterminer quant à la capacité de B.Z._ de se rendre compte de l'affection dont était atteinte J._. Ils ont toutefois souligné que les propos tenus par l’intéressée dans les procès-verbaux d'audition laissent imaginer qu'elle percevait les fragilités de son amie.
Entendue le 26 septembre 2012 par le Ministère public, la Dresse G._ a expliqué la distinction entre faculté cognitive et capacité volitive de la manière suivante : la faculté cognitive est celle de comprendre les choses et la capacité volitive est la capacité de se déterminer en fonction de la faculté cognitive, de ce qu'on a compris. Ainsi, J._ ne souffre pas de pathologie qui pouvait altérer cette faculté cognitive. Elle ne dispose toutefois pas, selon l’experte, de la capacité de se déterminer d'après l'appréciation des faits. Sa principale pathologie, soit l'angoisse de se retrouver seule, avait pour effet que J._ mettrait tout en oeuvre pour ne pas se retrouver seule, même si elle peut se rendre compte que cela pourrait lui causer du tort. Son libre arbitre est limité par ses pathologies psychiatriques. Selon l’experte, J._, bénéficiant de ses capacités cognitives, pouvait très bien mener les diverses transactions et opérations immobilières dans la mesure où elle n'était pas influencée par un enjeu affectif. La Dresse G._ a alors précisé que le Dr K._ lui avait dit que sa patiente devait toujours avoir quelqu'un auprès d'elle qui pouvait l'influencer. Elle a confirmé les conclusions de son expertise quand bien même le Dr K._ avait une appréciation apparemment différente, en soulignant aussi que, pour elle, lorsque la plaignante et la prévenue s'entendaient bien, toute action de tiers était rejetée par la plaignante. L'experte a encore indiqué que, même si J._ avait pu vivre pendant une dizaine d'années seule, les maux dont elle souffre, surtout les troubles dépressifs, étaient en train de se « chronifier », raison pour laquelle elle a considéré dans son rapport que l’intéressée avait besoin d'une aide permanente. Elle a précisé à cet égard que la plaignante avait toujours vécu avec quelqu’un qui lui apportait du soutien, sa mère durant son vivant puis B.Z._. Enfin, il est exact de dire que lorsque quelqu'un de cher se distancie de l'intéressée, elle souffre d'un sentiment très fort d'abandon. De ce fait, tout son mal-être, sa haine de soi, sont projetés sur la personne qui l'a abandonnée, cette personne devenant quelqu'un de nocif. | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et délai légaux par des parties ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels de B.Z._ et A.X._ sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L’appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d’appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L’appel tend à la répétition de l’examen des faits et au prononcé d’un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L’immédiateté des preuves ne s’impose toutefois pas en instance d’appel. Selon l’art. 389 al. 1 CPP, la procédure d’appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d’appel administre, d’office ou à la demande d’une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
A.X._ conteste s’être rendu coupable d’usure.
3.1
L'art. 157 ch. 1 CP punit celui qui aura exploité la gêne, la dépendance, l'inexpérience ou la faiblesse de la capacité de jugement d'une personne en se faisant accorder ou promettre par elle, pour lui-même ou pour un tiers, en échange d'une prestation, des avantages pécuniaires en disproportion évidente avec celle-ci sur le plan économique.
Sur le plan objectif, l'usure, au sens de l'art. 157 ch. 1 al. 1 CP, suppose d'abord que la victime se soit trouvée dans l'une des situations de faiblesse énumérées exhaustivement par cette disposition, à savoir la gêne, la dépendance, l'inexpérience ou la faiblesse de la capacité de jugement. La faiblesse de jugement vise une personne, qui en raison de son âge, d’une maladie, d’une faiblesse congénitale, de l’ivresse, de la toxicomanie ou d’une autre cause semblable, est diminuée dans sa faculté d’analyser la situation (Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. I, 3
e
éd., 2010, n. 22 ad art. 157 CP). Une situation de faiblesse de jugements est par exemple réalisée chez un mineur ou une personne dont les capacités sont diminuées, chez une personne faible d’esprit ou influençable, ou encore chez une personne qui, par faiblesse de caractère ou par légèreté, est entravée dans la capacité de former sa volonté de manière autonome (Corboz, op. cit., n. 23 ad art. 157 CP ; Dupuis et alii, Petit commentaire du Code pénal, n. 15 ad art. 157 CP).
Il faut ensuite que l'auteur ait exploité de manière consciente cette situation de faiblesse en vue de se faire accorder ou promettre, pour lui-même ou pour un tiers, un avantage pécuniaire (ATF 92 IV 106 c. 3). L'usure implique un contrat onéreux; l'avantage fourni ou promis doit l'avoir été en échange d'une prestation (ATF 130 IV 106 c. 7.2; 111 IV 139 c. 3c). Il faut encore qu'il existe une disproportion évidente entre l'avantage et la prestation échangée. Pour déterminer si l'avantage pécuniaire obtenu est en disproportion évidente avec la prestation fournie ou promise, il y a lieu de procéder à une évaluation objective (ATF 130 IV 106 c. 7.2), en recherchant la valeur patrimoniale effective de la prestation, calculée en tenant compte de toutes les circonstances (ATF 93 IV 85 c. 2). Enfin, cette disproportion doit être en lien de causalité avec la situation de faiblesse de la victime.
Sur le plan subjectif, l'infraction est intentionnelle, mais le dol éventuel suffit (ATF 130 IV 106 c. 7.2).
3.2
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 précité, c. 2.2.2).
L’appréciation des preuves est l’acte par lequel le juge du fond évalue la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. L’appréciation des preuves est dite libre, car le juge peut par exemple attribuer plus de crédit à un témoin, même prévenu dans la même affaire, dont la déclaration va dans un sens, qu’à plusieurs témoins soutenant la thèse inverse; il peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory, in: Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP et les références citées).
3.3
A.X._ conteste la faiblesse de capacité de jugement de J._.
En l’espèce, c’est en vain que l’appelant remet en cause l’expertise psychiatrique du 16 mars 2011. Il ressort en effet de ce rapport (P. 94) que J._ souffre d’un trouble mixte de la personnalité à traits anxieux et dépendants, d’un trouble dépressif récurrent et d’un trouble de l’alimentation. Les caractéristiques du trouble de la personnalité se retrouvent chez la plaignante dans la mesure où elle présente d'importantes difficultés à pouvoir se situer, s'affirmer vis-à-vis d'autrui et faire face aux différents obstacles de sa vie et se montre incapable de décision, de se représenter ses besoins et de les affirmer, s'appuyant constamment sur autrui, comme son mari, puis sa mère, puis B.Z._, puis sa tutrice de l’époque Mme H._ pour toute décision la concernant. Ce trouble existe depuis le début de l'âge adulte. Les troubles dépressifs récurrents et alimentaires sont quant à eux présents depuis 1994 à tout le moins. Selon les experts, J._ est très perturbée pour assumer son quotidien en raison de ses troubles psychiques et vit dans l'angoisse constante d'être abandonnée se sachant incapable de vivre et de s'assumer seule de par sa personnalité dépendante. La nature et la sévérité des troubles de l’intéressée sont tels qu’elle ne peut se passer d’une assistance constante et n’a pas les capacités d’apprécier pleinement la portée de ses actes et de gérer ses affaires sans risquer de les compromettre. A cet égard, les experts ont expliqué que les facultés cognitives, soit la capacité de comprendre les choses (PV aud. 16), de l’expertisée sont conservées. Elle présente une intelligence normale et n'a pas de troubles psycho-organiques qui peuvent altérer sa compréhension de son environnement. Selon eux, il lui est possible de comprendre les tenants et aboutissants concernant les actes de vente ou les devis de réparation qu'elle signe, tout comme les demandes de procuration émanant de B.Z._. Toutefois, sa capacité volitive, à savoir « la capacité de se déterminer en fonction de la faculté cognitive, de ce qu'on a compris » (PV aud. 16), est altérée de façon importante depuis 1994. En effet, les experts ont précisé sur ce point que même si J._ savait et reconnaissait son désaccord pour les achats immobiliers ou les travaux, elle n’a pas eu la capacité de s’y opposer face à son angoisse d'être abandonnée ou de subir la colère de B.Z._. Ainsi, bien qu'elle comprît et appréciât les implications de ses décisions, elle n’était pas à même de faire des choix en connaissance de cause et de se déterminer autrement qu'en lien avec le poids de ses pathologies et de ses angoisses de rejet, de conflit et d’abandon.
Il est vrai que le Dr K._, qui a suivi J._ depuis 2006, a estimé que la capacité de jugement de cette dernière était globalement conservée. Néanmoins, ce rapport ne contredit pas l’expertise au dossier dans la mesure où, comme le relèvent les premiers juges, le médecin a évoqué les angoisses de la plaignante, son besoin de soutien et sa dépendance à l’autre. L’expertise psychiatrique parvient d’ailleurs à la conclusion que l’intéressée présente une importante altération de ses capacités de se déterminer d’après une capacité de jugement globalement conservée. En outre, les considérations d’un banquier et d’un notaire, qui ne connaissaient pas la plaignante, qui l’ont rencontrée à peu de reprises dans des circonstances particulières et qui ne se sont pas interrogés sur sa capacité de discernement au regard de son âge, ne permettent pas de remettre en doute l’expertise circonstanciée, claire et convaincante réalisée par des médecins psychiatres. Il ne fait dès lors aucun doute que J._ présente un état de faiblesse au sens de l’art. 157 CP.
En outre, c’est à tort que l’appelant conteste l’ascendant qu’aurait pu avoir sa mère B.Z._ sur J._. L’expertise psychiatrique évoque clairement une situation de dépendance entre les deux intéressées. De par sa personnalité, J._ vit dans l’angoisse constante d’être abandonnée se sachant incapable de vivre et de s’assumer seule et ce depuis 1994 à tout le moins. Le Dr K._ a par ailleurs observé que B.Z._ avait fait beaucoup pour J._ en gérant toutes ses affaires et en lui offrant l'étayage relationnel qui lui était nécessaire, tout en évoquant son inquiétude face à cette « relation trop forte » où J._ n'avait « plus d'espace propre » (P. 94). Il ressort également du rapport de police du 19 mars 2009 que B.Z._ a une forte personnalité et qu’elle a un rôle assimilable à un
pater familias
(P. 37). Le lien de dépendance entre les intéressées sera par ailleurs explicité ci-après (cf. consid. 4.3 infra).
Mal fondés, les griefs de l’appelant doivent être rejetés.
3.4
A.X._ conteste ensuite avoir obtenu un avantage pécuniaire découlant de la vente du D._. Il soutient que cette vente aurait débouché sur une opération neutre. Il remet en cause l'existence d'une disproportion évidente entre les prestations ; il nie avoir exploité la faiblesse de l'intimée pour obtenir d'elle une prestation disproportionnée.
En l’espèce, J._ a acheté la propriété du D._, où habitait B.Z._ et son époux, le 9 juin 2004 pour 230'000 fr. et y a financé des travaux pour un total de 300'000 francs. Le 21 février 2008, elle a revendu l’immeuble pour 200'000 fr. à A.X._, mais n’a pas touché le produit de la vente puisqu’il a été affecté entièrement à la rénovation du bien.
L’acte de vente du D._ du 21 février 2008 prévoyait un « droit d’habitation » à vie à son chiffre 5 intitulé bail à loyer, duquel il ressort que « l’acheteur s’engage à louer à J._, B.Z._ et A.Z._, les parcelles susmentionnées au prix de 1'000 fr. par mois, charges comprises, la vie durant de J._, B.Z._ et A.Z._ » (P. 62). Toutefois ce bail à loyer n’a pas été annoté au registre foncier, ce qui implique qu’il ne protège pas les locataires d’une résiliation de loyer au-delà d’une durée maximale de quatre ans dans l’hypothèse où une procédure de prolongation du bail à loyer serait introduite. Il n'a donc pas à être pris en considération. Dès lors, c’est en vain que l’appelant se réfère aux déclarations de l’expert immobilier qui a expliqué que la valeur de l’immeuble serait nulle si l’on tenait compte de la capitalisation du bail à vie prévu contractuellement (PV aud. 14).
L’appelant soutient en outre qu’il serait injuste de lui faire supporter pénalement la responsabilité de l’absence d’annotation du bail à vie en faveur de J._. Toutefois, lors de l’instrumentalisation de l’acte, le notaire S._ ignorait que des travaux conséquents avaient été réalisés entre 2004 et 2008 à la charge de J._. C’est pour cette raison qu’il n’a rien trouvé de choquant au prix de 200'000 fr. demandé par la venderesse en comparaison au prix d’achat du 9 juin 2004 de 230'000 fr. et de la moins-value résultant du bail à vie contractuel (PV aud. 13). C’est pour cette raison également que le notaire n’a pas jugé utile d’inviter la plaignante à annoter le bail à vie, elle qui, selon les accords intervenus, devenait locataire de son propre acheteur d’une petite chambre sans chauffage dans les combles de l’immeuble. Le notaire a également précisé que l’annotation du bail à vie au registre foncier ne se faisait pas automatiquement et que personne n’avait demandé qu’il y procède. Il faut aussi rappeler que ce bail à vie n’était pas uniquement destiné à la venderesse mais également à B.Z._ et son époux, déjà locataires du D._. Cependant, seule J._ avait un intérêt à ce que le bail à vie soit annoté au registre foncier, ce qui n’a pas été fait. Dès lors, en l’absence d’annotation au registre foncier, A.X._ possède un immeuble d’une bien plus grande valeur.
Au final, depuis 2008, l’appelant est propriétaire d’un immeuble qu’il a obtenu ensuite d’un contrat passé à titre onéreux. Il y a dès lors bien eu un échange de prestation entre J._ et A.X._, duquel ce dernier a obtenu un avantage pécuniaire. En effet, il ressort de l’expertise immobilière que la valeur vénale de l’immeuble s’élevait en 2008 à 650'000 fr. après que J._ a investi pour près de 300'000 fr. pour les rénovations (P. 113). En vendant à A.X._ le D._ pour un prix de 200'000 fr., J._ a opéré une transaction extrêmement désavantageuse, d’autant plus qu’elle n’a jamais perçu ce montant puisqu’il a été confié à B.Z._ pour le financement de nouveaux travaux sur la propriété. Comme on l’a vu, le « droit d’habitation » à vie non annoté au registre foncier n’a aucune valeur, si bien que l’appelant ne peut prétendre n’avoir retiré aucun avantage du contrat de vente. De même, le prix du loyer demandé à B.Z._ et son époux ait été fixé à 1'000 fr., alors que la valeur locative définie par l’expert était de 2'000 à 2'500 fr., à savoir une valeur nettement supérieure. Il saute aux yeux que l'avantage retiré de la vente par l’appelant et sa mère est largement disproportionné, sur le plan économique, à celui obtenu par la plaignante.
Enfin, on constate que le prix de vente du D._ a été fixé en fonction des travaux à intervenir et que le prix du loyer équivaut exactement aux intérêts hypothécaires dus par l’appelant ensuite de son achat financé par un crédit. Cela démontre bien que A.X._ avait parfaitement conscience du montage opéré par sa mère et que son but était de faciliter celui-ci sans bourse délier. Dans les faits, le stratagème de la mère et du fils a parfaitement fonctionné puisqu’à l’heure actuelle A.X._ est propriétaire d’une coquette demeure dans laquelle B.Z._ et son époux vivent pour un loyer mensuel de 1'000 fr. et qui restera dans le patrimoine familial. Cette vente n’aurait jamais pu avoir lieu si J._ ne présentait pas des troubles majeurs, révélés dans l’expertise psychiatrique (P. 94 et consid. 3.3 supra), et n'avait pas subi l'influence de son amie B.Z._. Les experts ont d’ailleurs précisé que les troubles de J._, présents conjointement depuis 1994 à tout le moins, avaient influencé sa capacité de jugement en fin d'année 2004 lorsqu'elle avait acheté le D._, de 2005 à 2008 durant toute la période des travaux entrepris par B.Z._ pour rénover cette acquisition et en février 2008 au moment de la vente du D._ à A.X._. Un rapport de causalité entre la faiblesse d’esprit de la plaignante et la disproportion des prestations est ainsi réalisé.
3.5
L’appelant conteste enfin l’existence de toute intention.
En l’espèce, il convient en premier lieu de rappeler que A.X._ est lié à sa mère. Cela se déduit par la procuration que celle-ci lui a délivré pour un safe lui appartenant et par le fait qu’il a parfaitement connaissance des tenants et aboutissants de l’affaire.
L’appelant soutient que, tout comme lui, l’entourage direct de J._ n’aurait pas décelé de problèmes de discernement chez cette dernière. A._, courtier, a rencontré la plaignante à deux ou trois reprises. Si l’on sait que J._ peut parfaitement bien mener ses affaires lorsqu’elle n’est pas influencée par un enjeu affectif (P. 94), le fait que A._ n’ait rien remarqué n’est pas décisif, même s’il dira de la plaignante qu’elle était un peu spéciale (jgt., p. 5). P._, amie de la mère de l’appelant, a dit de J._ qu’elle était maternée par B.Z._ (jgt., p. 4). F._ a dit ne pas connaître la plaignante (jgt., p. 6). Quant au notaire S._ et au banquier R._, comme déjà dit (consid. 3.3 supra), ils n’ont livré que des impressions qui ne prennent pas le pas sur l’expertise psychiatrique présente au dossier. Enfin, on a déjà expliqué que les propos du Dr K._ ne contredisaient pas l’expertise psychiatrique au dossier (ibid.).
Certes, tout comme les témoins, A.X._ n’est pas médecin. Toutefois, il est au cœur de l’affaire. L’appelant, dont la situation financière n’était guère confortable à l’époque de la signature de l’acte de vente, a forcément dû se renseigner avant de s’endetter de 200'000 francs. En tant qu’homme du métier du bâtiment, il pouvait très bien se rendre compte que cette métairie valait bien plus, après travaux, que le prix qu’il a consenti pour l’acheter. De manière plus générale, lorsque les accords conduisent le vendeur à utiliser le produit de la vente pour faire des travaux sur le bien-fonds de l’acheteur, en faveur de ce dernier, n’importe quel acheteur comprendra que son cocontractant gère ses affaires en les compromettant. On a vu par ailleurs que la mère de l’appelant n’avait pas été avare de détails lorsqu’il s’est agi de décrire la vie de J._ (cf. PV aud. 1 en particulier et consid. 4.3 infra). Il ne fait dès lors aucun doute que A.X._ a reçu des assurances suffisantes de sa mère qui est à l’origine de cette opération, assurances qui devaient forcément inclure l’état de dépendance de la partie plaignante.
D’autres éléments peuvent encore être relevés. L’appelant a tu au notaire, lors de la signature de l’acte, que des travaux pour près de 300'000 fr. avaient été réalisés après l’achat du D._ en 2004 par J._. Il ne s’est également pas étonné du fait que le prix de la vente, fixé par sa mère, correspondait exactement aux coûts des rénovations à intervenir et qu’il appartenait à la plaignante de s’en acquitter sur le prix obtenu de la vente de la propriété. Il est dès lors impossible d’imaginer que l’appelant, doué d’une intelligence normale, n’ait pas compris qu’il imposait à sa cocontractante un accord aux prestations totalement disproportionnées, tant sur le plan de la valeur vénale de la maison que sur le fait que le prix consenti par l’acheteur lui reviendrait sous forme de plus-value apporté à son immeuble. Le contrat était donc suffisamment usuraire pour que l’appelant éprouve des doutes sur l’état psychique de J._.
Ainsi, il faut aussi admettre, à l’instar des premiers juges, que c'est en exploitant la faiblesse d’esprit de J._, à tout le moins par dol éventuel, que A.X._ a pu obtenir un avantage pécuniaire disproportionné résultant de la vente du D._.
3.6
Les conditions objectives et subjectives de l’infraction étant réalisées, A.X._ s’est bien rendu coupable d’usure au sens de l’art. 157 CP.
4.
B.Z._ conteste également s’être rendu coupable d’usure.
4.1
Dans un premier moyen, l’appelante fait valoir que la condition d’échange de prestations, à savoir un contrat, ferait défaut. Selon elle, il s’agirait d’un contrat simulé, la véritable intention des parties étant qu’elle reçoive gratuitement le D._.
En l’espèce, il y a lieu de constater que J._ s’est retrouvée dans une toute autre situation de celle qu’elle souhaitait voir lorsqu’elle a testé en faveur de son amie B.Z._ en lui léguant à son décès le D._. L’idée de la plaignante n’était en effet pas de donner le D._ à B.Z._ de son vivant et encore moins au fils de celle-ci pour garantir que B.Z._ ne soit pas mise à la porte lorsqu’elle décèderait. Au final, J._ s’est retrouvée locataire de son propriétaire, A.X._, qui n’était pas B.Z._, sans argent et vivant dans une petite chambre meublée sans chauffage. L’appelante voit l’illustration de la libéralité (entre vifs) dans le fait que la plaignante s’est refusée à toucher un centime du prix de la vente, le montant de 200'000 fr. ayant été réinvesti dans des travaux de rénovation de l’immeuble. Or, il s’agit de ses propres affirmations qui s’opposent à ce qu’ont retenu à juste titre les premiers juges (cf. jgt., p. 37). Il ressort en effet de l’audition de J._ aux débats de première instance que l’idée de vendre ce bien à un tiers était une idée de B.Z._, A.X._ ayant tout de suite été évoqué comme étant le tiers, et que l’appelante s’imposait et faisait comme elle voulait (jgt., p. 9). Force est donc de constater qu’on est très loin de l’idée de la mise en œuvre du souhait testamentaire de la plaignante. En recevant, dans le cadre de la vente, un droit d’habitation moyennant loyer privilégié, l’appelante a bel et bien conclu un accord onéreux avec J._, si bien que la condition objective d’un échange de prestations est réalisée. De plus, l’usure peut être réalisée en faveur d’un tiers. C’est aussi le cas ici, A.X._ ayant obtenu l’immeuble sans bourse délier au final, grâce au montage imaginé par sa mère.
Mal fondé, le grief de l’appelante doit être rejeté.
4.2
L’appelante conteste ensuite tout avantage pécuniaire pour elle résultant de l’achat par A.X._ du D._.
En l’espèce, avant que la plaignante n’achète le D._ en 2004, ce bâtiment n’était qu’une ruine, comme en attestent les photographies présentes dans le rapport d’expertise immobilière (cf. P. 113) et l’appelante elle-même (PV aud. 1, p. 3). B.Z._ et son mari vivent aujourd’hui dans une jolie métairie grâce aux investissements non négligeables faits par J._ entre 2004 et 2008 et grâce au montant provenant de la vente de l’immeuble réinvesti pour d’autres rénovations. En outre, ils paient un loyer bien en-deçà du prix du marché (cf. PV aud. 14, p. 2) et bénéficient d’un bail à loyer à vie. Enfin, de par l’achat du D._ par A.X._, B.Z._ a intégré la propriété dans le patrimoine familial sans devoir s’acquitter des obligations liées aux impôts successoraux qu’elle aurait dû assumer ensuite du décès de J._. Il est par conséquent manifeste que la situation de l’appelante s’est améliorée de manière notable ensuite de la conclusion du contrat de vente entre son fils et J._.
Infondé, ce moyen doit être rejeté.
4.3
L’appelante soutient enfin que la faiblesse d’esprit et l’état de dépendance de la plaignante ne lui étaient pas reconnaissables.
En l’espèce, l’appelante et la plaignante se connaissent depuis 1996 environ. Dès 2004, B.Z._ s’est rapprochée davantage de J._ notamment en l’aidant après le décès de sa mère à vendre la propriété familiale, en l'aidant à vendre son chalet acquis quelques mois plus tôt et en lui trouvant une nouvelle habitation. Elle l’a également accompagnée chez son médecin psychiatre depuis le mois de janvier 2007. Entendu le 10 novembre 2008, l’appelante explique d’ailleurs très clairement comment, au fil des années, elle s’est occupée de J._ sur les plans administratif et médical (PV aud. 1). A cette occasion, B.Z._ a expliqué que « dès le premier contact avec J._, je me suis aperçue qu’elle avait des problèmes de santé physiques et psychiques » (PV aud. 1, p. 2). Elle a précisé que J._ « est incapable de se gérer et de gérer ses médicaments. Elle a fait deux tentatives de suicide médicamenteux le 4 et le 9 juillet 2008, ce qui a nécessité son hospitalisation à [...]. Elle est paranoïaque et schizophrène ; ce n’est donc pas facile de la gérer et surtout de lui faire confiance. Elle est totalement dépendante des autres. Cela fait des années qu’elle a des problèmes de nourriture. Ses problèmes psychiques datent également de longtemps » (PV aud. 1, p. 5). A la question de savoir si J._ était capable de discernement, B.Z._ a répondu « non, tout est mélangé chez elle. Vous me demandez depuis quand J._ est incapable de discernement. Je l’ai toujours vue avec des difficultés, mais cela a empiré depuis qu’elle a fait ses tentatives de suicide » (ibid.). Comme on l’a dit plus haut, la plaignante présente des troubles psychiques majeurs depuis 1994 à tout le moins, souffre d’une forte dépendance à l’autre et est dans l'angoisse constante d'être abandonnée (cf. consid. 3.3 supra). B.Z._ connaissait ces troubles. Une situation de dépendance entre les deux intéressées est en outre incontestable comme cela ressort d’ailleurs de l’expertise psychiatrique du 16 mars 2011 (P. 94) et de l’enquête (P. 37 notamment ; consid. 3.3 supra). L'appelante a sciemment utilisé les faiblesses psychiques et la dépendance de J._ envers elle pour parvenir à ses fins. Elle a en effet convaincu la plaignante d’acheter en 2004 le D._ et de le rénover pour plus de 300'000 fr., en lui faisant miroiter la construction d’une dépendance où elle pourrait vivre avec ses chiens. Cela ne lui suffisant pas et se voyant dans l’impossibilité de régler les impôts successoraux au moment du décès de la plaignante, B.Z._ a encore convaincu celle-ci de vendre la propriété à son fils A.X._ pour une somme d’argent dérisoire qui devait servir à de nouveaux travaux sur l’immeuble. Une fois encore, B.Z._ a pris les choses en main en gérant l’entier des travaux avec l’enveloppe « mis à disposition » par J._. Elle a en conclusion maîtrisé les tenants et aboutissants de la vente.
Partant, il ne fait aucun doute que l’appelante connaissait la faiblesse d’esprit et l’état de dépendance de J._ et a usé de ces troubles pour instiguer la vente du D._ au détriment de la plaignante.
4.4
Sur le vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que B.Z._ avait agi comme coauteur de l’infraction d’usure, soit participé de manière déterminante à la décision et à la commission de l’infraction.
5.
A.X._, qui concluait à son acquittement, ne conteste pas la peine en tant que telle. Examinée d’office par la Cour d’appel selon son propre pouvoir d’appréciation, la peine pécuniaire de 240 jours-amende à 80 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, a été fixée en application de critères adéquats à charge et à décharge et conformément à la culpabilité de l’appelant. Elle doit dès lors être confirmée.
Il en va de même de la peine prononcée à l’encontre de B.Z._ dont la culpabilité est lourde. Eu égard aux éléments à charge et à décharge retenus par le Tribunal correctionnel, la peine privative de liberté de 14 mois, avec sursis pendant 2 ans, infligée à B.Z._ est conforme aux exigences de l’art. 47 CP et réprime adéquatement ses agissements. Elle doit donc être confirmée.
6.
En définitive, les appels de B.Z._ et A.X._ doivent être rejetés et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Les frais d'appel, constitués de l’émolument d’arrêt, par 3’230 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]) ainsi que de l’indemnité allouée au conseil d'office de la partie plaignante, doivent être mis par moitié à la charge de B.Z._ et par moitié à la charge de A.X._ (art. 428 al. 1 CPP). B.Z._ devra s’acquitter en outre de l’entier de l’indemnité allouée à son défenseur d’office, par 2’127 fr. 60, TVA et débours inclus.
S’agissant de l’indemnité réclamée par le conseil de la partie plaignante, on précisera que celui-ci a produit une note d’honoraires faisant état de 18,43 heures d’activité à un tarif horaire de 360 fr. (P. 177). Au vu de la connaissance du dossier acquise en première instance et des opérations nécessaires à la défense des intérêts de sa cliente, une activité totale de 16 heures sera retenue. En outre, c’est un tarif horaire de 250 fr. (art. 26a TFIP) qui sera pris en compte. C’est donc une indemnité de 4'374 fr., TVA et débours par 50 fr. inclus, qui doit être allouée à Me Marc-Etienne Favre pour la procédure d’appel.
B.Z._ ne sera tenue de rembourser à l’Etat l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra
. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
732e27f3-38e6-4de0-adc6-9ec442d0b76e | En fait :
A.
Par prononcé du 1
er
avril 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a pris acte d'un retrait de plainte et ordonné la cessation des poursuites pénales dirigées contre H._ pour lésions corporelles simples qualifiées et voies de fait qualifiées (I), a fixé à 2'007 fr. 40 l'indemnité due à Me François Gillard, respectivement 2'044 fr. 40 à Me Miriam Mazou (II), a dit que le remboursement à l'Etat des indemnités allouées à Me Gillard et Me Mazou sera exigible pour autant que la situation économique de H._ se soit améliorée (III) et a mis les frais de la cause, par 7'270 fr. 40, à la charge de H._, comprenant les indemnités d'office dues à Me Gillard et Me Mazou.
B.
En temps utile, H._ a déposé une annonce d'appel qu'il a d'emblée motivée. Dans le délai qui lui avait été fixé pour déposer une déclaration d'appel, il a adressé une copie de son annonce d'appel motivée. H._ a conclu à la modification du jugement, aux chiffres III et V de son dispositif, en ce sens que les frais de la cause sont mis à la charge exclusive de S._, subsidiairement que les frais de la cause sont répartis entre lui et S._, plus subsidiairement que les frais de la cause sont laissés à la charge de l'Etat et plus subsidiairement encore que la cause est renvoyée à Madame la Présidente du Tribunal de l'arrondissement de Lausanne pour complément d'instruction dans le sens des considérants.
Interpellé, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a déclaré le 16 juin 2011 renoncer à présenter une demande de non-entrée en matière et à déclarer un appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
H._ est né en 1963 au Caire, en Egypte et est originaire de Lausanne.
2.
Par ordonnance du 2 mars 2010, H._ a été renvoyé devant le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne dans le cadre d'une affaire instruite d'office et sur plainte de S._ pour lésions corporelles qualifiées et voies de fait qualifiées pour des faits qui se sont déroulés dès le début de l'année 2008 et jusqu'au 9 septembre 2009.
3.
A l'occasion des débats du 6 septembre 2010, une convention a été passée entre H._ et S._ par laquelle H._ a reconnu avoir bousculé et injurié son épouse; il a formulé des excuses, s'est engagé à ne plus importuner son épouse et s'est reconnu débiteur d'une somme de 50 fr. à titre de tort moral. S._ a donné son accord à la proposition de suspension de la procédure pour une durée de six mois en application de l'art. 55a CP. Elle n'a pas révoqué son accord dans le délai imparti à cet effet, de sorte qu'un non-lieu définitif a été prononcé et les frais de la cause ont été mis à la charge de H._. | En droit :
1.
L'appel doit être annoncé dans les 10 jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad. Art. 399 CPP). La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté en temps utile et suffisamment motivé, l'appel est recevable (art. 399 al. 3 CPP). Limité à la question des frais, la procédure écrite est applicable (art. 406 al. 1 let. d CPP).
2.
L'audience de jugement a été ouverte, puis suspendue, sous l'empire de l'ancien droit, soit du Code de procédure pénale cantonal du 12 septembre 1967 (CPP-VD), abrogé au 31 décembre 2010 par l'entrée en vigueur, au 1
er
janvier suivant, du Code de procédure pénale suisse (CPP) du 5 octobre 2007 (art. 34 de la loi cantonale du 19 mai 2009 d'introduction du Code de procédure pénale suisse, RSV 312.01, entrée en vigueur le 1
er
janvier 2011). L'art. 450 CPP prévoit que, lorsque les débats ont été ouverts avant l’entrée en vigueur du présent code, ils se poursuivent selon l’ancien droit devant le tribunal de première instance compétent jusqu’alors.
2.1.
A teneur de l'art. 158 CPP-VD, lorsque le prévenu est libéré des fins de l'action pénale, il ne peut être astreint au paiement de tout ou partie des frais que si l'équité l'exige, notamment s'il a donné lieu à l'ouverture de l'action pénale ou s'il en a compliqué l'instruction.
Selon la jurisprudence fédérale, la condamnation aux frais d'un prévenu acquitté ou mis au bénéfice d'un non-lieu n'est admissible que si l'intéressé a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui, ou s'il en a entravé le cours. A cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, peut être déterminant. D'une façon générale, le juge peut prendre en considération toute règle juridique, appartenant au droit fédéral ou cantonal, public, privé ou pénal, écrit ou non écrit, pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais ou le refus d'une indemnité (cf. notamment TF 6B_99/2011 du
13 septembre 2011 c. 5.1.1 et 5.1.2 et références citées).
Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais ou le refus d'une indemnité, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO (Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse, RS 220). Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement. Enfin, la condamnation aux frais, fondée sur la seule commission de l'infraction pénale, ne doit pas constituer une sanction pénale déguisée (ATF 6B_387/2009 du 20 octobre 2009 c. 1.1 et les références citées).
Selon la doctrine, est incompatible avec la présomption d’innocence une décision qui condamne un prévenu mis au bénéfice d’un non-lieu à tout ou partie des frais lorsque cette décision est rédigée de telle manière qu’elle crée l’apparence que, dans l’esprit de son auteur, le prévenu s’est rendu coupable d’une infraction pénale ou qu’il en subsiste un soupçon. En revanche, il n’est pas contraire à la règle de la présomption d’innocence de condamner à une partie des frais le prévenu mis au bénéfice d’un non-lieu lorsque cette condamnation est motivée par un comportement condamnable de l’intéressé. La mise des frais à la charge d’une partie exige la violation d’une norme de comportement, d’une manière répréhensible au regard du droit civil (Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, 2ème éd.,
Zurich 2006, p. 718).
Pour qu’une condamnation aux frais soit possible, un lien de causalité doit encore exister entre le comportement répréhensible reproché à l'intéressé et les frais mis à sa charge (Jomini, La condamnation aux frais de justice du prévenu mis au bénéfice d'un non-lieu ou de l'accusé acquitté, RPS 1990, p. 359; Piquerez, op. cit., n. 1138, p. 717). La relation de causalité est réalisée lorsque, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement de la personne concernée était de nature à provoquer l'ouverture du procès pénal et le dommage ou les frais que celui-ci a lui-même entraînés (cf. notamment TF 6B_99/2011 du
13 septembre 2011 c. 5.1.2 et références citées). Le juge doit se référer aux principes généraux de la responsabilité délictuelle (ATF 116 Ia 162 c. 2c p. 169) et fonder son prononcé sur des faits incontestés ou déjà clairement établis (ATF 112 Ia 371 c. 2a in fine p. 374).
2.2.
Dans le cas d'espèce, H._ soutient que la condamnation aux frais viole la présomption d'innocence.
H._ a admis aux débats de première instance avoir bousculé et injurié son épouse. Il a formulé des excuses, s'est engagé à ne plus l'importuner de quelque manière qu'il soit et lui a versé un montant de 50 fr. à titre de tort moral (PV d'audience du 6 septembre 2010, p. 3). Il a donc reconnu une certaine forme de culpabilité. Par ailleurs, le dossier médical (P.5/4, 5/5, 5/6, 6/2, 16) établit les violences conjugales. A cet égard, l'appelant ne prétend pas qu'elles soient le fait d'un tiers ou le fruit d'une autoagression. En ce qui concerne le problème dermatologique de S._, la doctoresse W._ – laquelle avait été désignée par l'appelant comme étant le médecin traitant de sa femme – n'a en réalité jamais soigné cette personne et ne l'a jamais vue (P. 42). H._ soutient pourtant que le traitement prodigué par ce même médecin était destiné à soigner une maladie génétique de la peau dont l'un des symptômes est d'occasionner des ecchymoses sur certaines parties du corps. Enfin, il ressort du dossier qu'il a la fâcheuse tendance à l'agressivité, preuve en est le licenciement pour faute grave dont il a fait l'objet en 2009, aux motifs qu'il avait cherché l'affrontement avec l'un de ses collègues et qu'il avait prononcé des injures, menaces, assorties d'intention meurtrière (P. 5/4).
H._ a reconnu avoir adopté un comportement civilement répréhensible, sous la forme d'une atteinte à la personnalité de S._ au sens de l'art. 28 CC (Code civil suisse du 10 décembre 1907, RS 210). Les lésions infligées à S._ sont largement documentées dans le dossier pour admettre la thèse qu'elles sont le fruit de violence de la part de H._, aucune autre cause ne les expliquant par ailleurs. Enfin, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, un tel comportement est de nature à provoquer l'ouverture d'une procédure pénale et les frais qu'elle entraîne. C'est donc à raison que le Tribunal de police a mis les frais de procédure à la charge de H._, ce que l'art. 158 CPP-VD l'autorisait à faire.
3.
En définitive, l'appel est manifestement infondé et doit être rejeté.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel sont mis à la charge de H._ (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
738a028f-1b07-481d-9636-c11d0f3c9843 | En fait :
A.
Par jugement du 11 mai 2015, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a constatéS._ s’est rendu coupable de mise en danger de la vie d’autrui, violation grave des règles de la circulation, conduite malgré une incapacité et violation de l’interdiction de conduire sous l’influence de l’alcool, tentative d’entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire, conduite sans autorisation, conduite sans permis de circulation, sans autorisation ou sans assurance responsabilité civile, et de contravention à la LStup (Loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 ; RS 812.12) (I), condamné S._ à une peine privative de liberté de 15 mois, ainsi qu’à une amende de 100 fr. (II), dit que la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l’amende sera d’un jour (III), arrêté l’indemnité de Me Isabelle Salomé Daïna à 2'486 fr. 10, TVA et débours compris (IV), et mis les frais par 6'884 fr. 85 à la S._, montant incluant l’indemnité à son conseil d’office, dont le remboursement à l’Etat ne sera exigible de lui que lorsque sa situation financière le permettra (V).
B.
Le prévenu a annoncé faire appel le 21 mai 2015. Le jugement motivé lui est parvenu le 1
er
juin 2015 et il a déposé une déclaration d'appel motivée le lundi 22 juin 2015 en concluant à sa libération de l'infraction de mise en danger de la vie d'autrui, à ce que sa peine soit réduite à 240 jours-amende à 30 fr. le jour, subsidiairement à ce qu'il soit condamné à une peine privative de liberté ferme de 8 mois et à une amende de 100 fr, ainsi qu'à la réduction des frais mis à sa charge en cas de libération de l'infraction de mise en danger.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
S._ est né le 4 février 1991 à Annemasse en France, pays dont il est ressortissant. Il vit en couple. Après avoir effectué sa scolarité obligatoire, il a entrepris un apprentissage de peintre en bâtiment sans l’achever. Il a ensuite effectué plusieurs petits boulots et de la plonge dans un hôpital, avant d’être incarcéré à deux reprises. Durant sa détention, il a acquis une formation de cariste, profession dans laquelle il cherche toujours un emploi, après une brève période d’activité restée sans suite. A ce jour, l'intéressé vit chez ses parents, perçoit une allocation de 330 € par mois et n’a pas de charges.
2.
2.1
Le casier judiciaire suisse d’S._ fait état des trois condamnations suivantes :
- 27 février 2012, Ministère public de l’arrondissement de La Côte, 60 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant 3 ans et amende de 600 fr., pour violation des règles de la circulation routière, conduite en état d’incapacité (véhicule autom., taux alcoolémie qualifié), conduite sans assurance responsabilité civile, entrée illégale et contravention selon art. 19a LStup ;
- 7 décembre 2012, Ministère public du canton de Genève, 45 jours-amende à 30 fr. le jour et amende 500 fr., pour entrée illégale et conduite d'un véhicule défectueux ;
- 31 janvier 2014, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, 120 jours-amende à 30 fr. le jour et amende de 200 fr., pour conduite en état d’incapacité (véhicule autom., taux alcoolémie qualifié), conduite d’un véhicule automobile sans permis de conduire, contravention à l’OCR (Ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 mars 1962 ; RS 741.11) ;
Le casier judiciaire d’S._ indique encore qu’une enquête a été ouverte devant le Ministère public du canton de Genève pour des infractions à la LCR (Loi sur la circulation routière du 19 décembre 1958; RS 741.01) commises le 30 mars 2015. Devant la cour de céans, le prévenu a déclaré que cette enquête avait abouti à sa condamnation à 80 jours amende à 30 fr. le jour pour conduite sous l’influence de l’alcool, soit un taux de 0.7‰, ainsi que pour conduite sous retrait du permis.
2.2
Le casier judiciaire français du prévenu mentionne les condamnations suivantes :
- 16 mai 2008, Tribunal pour enfants de Thonon-les-Bains, vol en réunion. Mise sous protection judiciaire en milieu ouvert jusqu’à sa majorité ;
- 24 septembre 2009, Tribunal pour enfants de Thonon-les-Bains, usage illicite de stupéfiants. 80 heures de travail d'intérêt général à accomplir dans un délai de 1 an à titre principal ;
- 7 décembre 2010, Tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains, usage illicite de stupéfiants. Amende de 500 Euros ;
- 16 décembre 2010, Tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains, conduite d’un véhicule sans permis. 80 heures de travail d'intérêt général à accomplir dans un délai de 1 an et 6 mois à titre principal ;
- 13 avril 2011, Tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains, cession ou offre de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle et détention non autorisée de stupéfiants. 4 mois d’emprisonnement avec sursis assorti de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général de 150 heures dans un délai de 1 an ;
- 09 novembre 2011, Tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains, usage illicite de stupéfiants. 4 mois d’emprisonnement avec sursis assorti d’une mise à l’épreuve pendant 2 ans et amende de 300 € ;
- 22 mai 2012, Tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains, offre ou cession non autorisée de stupéfiants, acquisition non autorisée de stupéfiants, détention non autorisée de stupéfiants, transport non autorisé de stupéfiants et usage illicite de stupéfiants. 8 mois d’emprisonnement et confiscation du véhicule ;
- 2 octobre 2012, Tribunal correctionnel de Lyon, conduite d’un véhicule à moteur malgré une suspension administrative ou judiciaire du permis de conduire. 1 mois d’emprisonnement et annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant 6 mois ;
- 23 novembre 2012, Tribunal correctionnel d’Annecy, récidive de conduite d’un véhicule en état d’ivresse manifeste et conduite d’un véhicule à moteur malgré l’annulation judiciaire du permis de conduire. 4 mois d’emprisonnement et confiscation du véhicule ;
- 18 décembre 2012, Tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains, offre ou cession non autorisée de stupéfiants et détention non autorisée de stupéfiants. 3 mois d’emprisonnement ;
- 14 mars 2013, Tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains, récidive de conduite d’un véhicule sous l’emprise d’un état alcoolique : concentration d’alcool par litre d’au moins 0.80 gramme (sang) ou 0.40 milligramme (air expiré). 2 mois d’emprisonnement et annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant 6 mois ;
- 27 février 2014, Tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains, détention non autorisée de stupéfiants. 6 mois d’emprisonnement.
2.3
Le fichier ADMAS du prévenu fait état de 9 mesures administratives prononcées entre le 1
er
janvier 2012 et le 10 février 2014, pour ébriété, inattention, conduite malgré retrait / interdiction et vol d’usage.
3.
S._, multirécidiviste notamment en matière d'infractions à la législation routière tant en France qu'en Suisse, circulait en ville de [...] dans la nuit du 10 février 2014, sans être titulaire d'un permis, au volant d'une[...] non assurée appartenant ou achetée à un ami. Il était pris de boisson, soit 1,5 ‰ au minimum, et sous l'emprise du cannabis. Il s'est soustrait à un premier contrôle de police à la [...] vers 1h35. Plus précisément, il a ralenti lorsqu'un policier lui a fait signe de s'arrêter en agitant sa Maglight à embout rouge, mais parvenu à la hauteur des deux policiers qui opéraient, il est reparti en trombe en direction [...] sans toutefois mettre ces agents en danger (P. 4 p. 2).
Vers 1h40, S._ a roulé, feux éteints, en descendant toujours en trombe l'avenue de [...], moteur tournant à très haut régime et bruit de crissements de pneus perceptible. Au bas de cette avenue, quelques mètres avant le cédez-le-passage donnant sur le giratoire de la [...] le W._ avait pris position sur la voie montante à proximité de la ligne de sécurité séparant les voies de circulation, alors que l’L._ se trouvait sur le côté extérieur de la voie descendante en amont du véhicule de gendarmerie garé sur le même côté
(cf. schéma annexé à P. 13).
La[...] conduite par le prévenu est arrivée à vive allure. Elle a déboulé dans la courbe à gauche selon son sens de marche, sous le pont, circulant ainsi quasiment à gauche de la ligne de sécurité, soit sur la voie montante. Le W._ lui a fait signe de s'arrêter, avec sa Maglight. Selon les termes du rapport des deux gendarmes (P. 13), lL._ a perçu que le véhicule avait ralenti quelque peu, alors que le W._ a perçu que ce véhicule a accéléré à faible distance de lui et qu'il a poursuivi sa route sans chercher à le contourner. Le W._ s’est alors élancé sur le côté de la route, manquant de peu d'être fauché, tout en lançant de la main droite son bâton lumineux dans le pare-brise (P. 13). Après avoir semé ses poursuivants, le véhicule à l'arrêt et son conducteur ont été retrouvés à[...] L'impact du bâton sur le pare-brise a causé un important étoilement du verre, situé au centre inférieur, légèrement à droite de l'emplacement du conducteur (P. 13, photos).
Bien que son pare-brise fût ainsi fissuré, le prévenu a continué sa route sans freiner et a semé ses poursuivants. Il cherchait à se soustraire à un contrôle de son état physique. Le dispositif mis en place a toutefois permis de l’interpeller à[...]. La prise de sang effectuée a déterminé un taux d’alcoolémie compris entre 1,55 et 2,19‰ au moment des faits (P. 8). Le prélèvement d’urine a encore révélé une consommation de cannabis (P. 12), le prévenu ayant consommé au moins un joint de cannabis (PV aud. 2, p. 1). Il a encore été constaté que l’intéressé conduisait sans permis un véhicule non assuré (P. 10, p. 3).
Entendu le 20 mai 2014 (PV aud. 3), le W._ a précisé s'être senti en danger, avoir eu l'impression que le conducteur voulait l'écraser et ne plus savoir de quel côté de la route il avait sauté, ni si le véhicule avait décéléré à la vue du contrôle puis accéléré ensuite dans sa direction. Il s'est dit surpris par l'absence de freinage ou de manœuvre d'évitement, même après l'impact de la Maglight.
Pour sa part, L._ (PV aud. 4) n'a pas vu [...] freiner, mais pense que son conducteur a lâché les gaz avant d'accélérer à nouveau lorsqu'il se trouvait à une dizaine de mètres de son collègue. Le conducteur n’a pas freiné, ni tenté de l'éviter. LeW._ a fait un saut de côté pour éviter la collision, puis a lancé sa lampe. S._ a d’abord refusé de répondre (PV aud. 1), puis il prétendu ne pas avoir vu le policier qui lui faisait signe de s'arrêter lors du deuxième contrôle et ne pas se souvenir de l'écart effectué par l'agent pour sortir de la trajectoire (PV aud. 2 p. 2). | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
Le prévenu ne remet pas en cause les faits et leurs qualifications juridiques, à l’exception de ceux constitutifs de l'infraction de mise en danger de la vie d’autrui.
3.1
Aux termes de l'art. 129 CP, celui qui, sans scrupules aura mis autrui en danger de mort imminent sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Du point de vue subjectif, il faut que l'auteur ait agi intentionnellement et que l'acte ait été commis sans scrupules. L'auteur doit avoir conscience du danger de mort imminent pour autrui et adopter volontairement un comportement qui le crée (ATF 121 IV 67 consid. 2d p. 75
in fine
). En revanche, il ne veut pas, même à titre éventuel, la réalisation du risque (ATF 107 IV 163 consid. 3
p. 165). Le dol éventuel ne suffit pas (arrêt 6S.3/2006 du 16 mars 2006 ; arrêt 6S. 426/2003 du 1
er
mars 2004).
La notion de danger de mort imminent implique d'abord un danger concret, c'est-à-dire un état de fait dans lequel existe, d'après le cours ordinaire des choses, la probabilité ou un certain degré de possibilité que le bien juridique protégé soit lésé, sans toutefois qu'un degré de probabilité supérieur à 50% soit exigé. Le danger de mort imminent représente cependant plus que cela. Il est réalisé lorsque le danger de mort apparaît si probable qu'il faut être dénué de scrupule pour négliger sciemment d'en tenir compte. Quant à la notion d'imminence, elle n'est pas aisée à définir. Elle implique en tout cas, outre la probabilité sérieuse de la réalisation du danger concret, un élément d'immédiateté qui est défini moins par l'enchaînement chronologique des circonstances que par le lien de connexité directe unissant le danger et le comportement de l'auteur (ATF 121 IV 67 consid. 2b/aa p. 70). La notion de mise en danger de mort imminent de l'art. 129 CP doit être interprétée de manière plus large que celle qui qualifie le degré le plus grave du brigandage (art. 140 ch. 4 CP), notamment parce qu'il ne s'agit pas seulement d'un élément aggravant mais d'un élément constitutif de l'infraction réprimée par cette disposition et parce que la peine menace prévue est moins lourde que celle sanctionnant le degré le plus grave du brigandage (ATF 121 IV 67 consid. 2b/bb et consid., 2c et 2d, p. 71 s. ).
Le Message du Conseil fédéral (FF 1985 II 10151) cite expressément l'exemple d'une mise en danger de mort de policiers disposés à un barrage routier par un automobiliste qui force le passage en fonçant dans leur direction.
L'auteur doit encore créer le danger "sans scrupules". Un acte est commis sans scrupules lorsque, compte tenu des moyens utilisés, des mobiles et de l'état de l'auteur ainsi que des autres circonstances, il apparaît comme contraire aux principes généralement admis des bonnes mœurs et de la morale. N'importe quelle mise en danger ne suffit pas, il faut qu'elle lèse gravement le sentiment moral (ATF 114 IV 103 consid. 2a p. 108). Il faut en quelque sorte qu'elle atteigne un degré qualifié de réprobation (cf. Peter Aebersold, Basler Kommentar, Strafgesetzbuch II, 2003, art. 129 CP n. 33). Plus le danger connu de l'auteur est grand et moins ses mobiles méritent attention, plus l'absence de scrupules apparaît comme évidente. Il s'agit également de savoir si les motifs de l'acte peuvent être approuvés ou être considérés comme compréhensibles, l'ampleur du danger créé étant également déterminante pour apprécier l'absence de scrupules (ATF 107 IV 163 consid. 3 p. 165/166).
3.2
Lors de l'audience de jugement (p. 3) S._ a déclaré :
"Si j'avais voulu les toucher délibérément, cela se serait passé. Lorsque je les ai vus, j'ai arrêté d'accélérer. J'ai vu qu'ils se sont écartés sur le côté, alors j'ai continué. J'ai attendu de voir leur réaction. S'ils étaient restés au milieu de la route, je me serais arrêté (...). J'ai vu leur signe de m'arrêter. Je ne l'ai pas respecté car je me savais. en infraction. J'étais sur la voie de droite et les policiers étaient au milieu de la route. Ils se sont écartés alors que j'étais à 5 ou 10 mètres d'eux. Lorsque le policier a tiré sur mon pare-brise avec son bâton, il s'était déjà écarté ".
Les premiers juges ont retenu la version concordante des deux policiers selon laquelle seul l'écart ou le saut du sergent lui avait évité d'être fauché par la voiture. L'appelant soutient qu'il faut se fonder sur sa version d'audience selon laquelle, après avoir décéléré, il n'aurait poursuivi sur sa trajectoire en accélérant qu'une fois la voie dégagée par la réaction du policier donc avec la certitude de ne pas risquer de le heurter. Il en déduit qu'il n'y a eu ni mise en danger de mort, de surcroît imminente, ni absence de scrupules.
Pour tenter de faire prévaloir sa version, il soutient que les auditions des deux gendarmes, qui ont parlé de sensation ou d'impression, font ressortir des impressions et non des certitudes. En réalité, le rapport ou la note qu'ils ont tous deux établi et signé à la suite des faits ne comporte pas d'hésitation (P. 13) et leurs auditions ne comportent pas davantage d'incertitude : s'il n'avait pas sauté le gendarme aurait été happé par la voiture du prévenu. A cela s'ajoute que la version d'audience de l'appelant, outre qu'elle ne correspond pas à sa première déclaration où il disait ne pas se souvenir de la scène, est manifestement fantaisiste puisqu'elle fait intervenir la présence de deux policiers au milieu de la route et un double écart, alors que seul le W._ était sur sa trajectoire. De plus, la version du L._ est accréditée par le fait qu'il a lancé ou lâché sa lampe qui a heurté le milieu du pare-brise, ce geste le situant à l'avant du véhicule, à courte distance, dès lors qu'on conçoit mal qu'il ait lancé cet objet derrière lui, après avoir été dépassé par la voiture et qu'il l'aurait ainsi atteinte en dépit de sa vitesse. Le geste du policier peut résulter d'une réaction de frayeur, d'un mouvement brusque dû à un réflexe de survie.
En définitive, on retiendra, comme les premiers juges, la version concordante des policiers selon laquelle l'intéressé s'est abstenu de toute manœuvre destinée à éviter le W._. Ce faisant, il a mis concrètement ce policier en danger de mort imminent, démontrant son absence particulière de scrupules, puisqu'il a agi dans le seul but de se soustraire à un contrôle de police. Les conditions objectives et subjectives de l'art. 129 CP sont donc remplies.
Cela étant et au vu des agissements de l'intéressé décrits ci-dessus, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné S._ pour mise en danger de la vie d’autrui, violation grave des règles de la circulation, conduite malgré une incapacité et violation de l’interdiction de conduire sous l’influence de l’alcool, tentative d’entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire, conduite sans autorisation, conduite sans permis de circulation, sans autorisation ou sans assurance responsabilité civile et contravention à la LStup.
4.
Il faut examiner la peine à infliger à S._.
4.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1; 129 IV 6 consid. 6.1).
Pour choisir la nature de la peine, le juge doit prendre en considération l'opportunité de la sanction déterminée, ses effets sur l'auteur et son milieu social, ainsi que son efficacité préventive (ATF 134 IV 97 consid. 4; TF 6B_234/2010 du 4 janvier 2011 consid. 4.1.1). Une peine pécuniaire peut être exclue pour des motifs de prévention spéciale (TF 6B_128/2011 du 14 juin 2011 consid. 3.4).
Le droit au sursis s'examine selon les critères posés à l'art. 42 CP qui ont été rappelés dans l'arrêt publié aux ATF 135 IV 180 consid. 2.1. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (ATF 134 IV 5 consid. 4.2.2).
4.2
La culpabilité d'S._ est particulièrement lourde.
A la charge du prévenu, on retiendra que les infractions qu'il a commises sont en concours (art. 49 al. 1 CP), qu'il comparaît pour la quinzième fois devant une autorité judiciaire et qu'il a récidivé à plus de six reprises, y compris en cours d'enquête, dans les mêmes domaines d’infractions, en dépit de deux séjours en prison de 12 et 10 mois. Depuis des années et malgré une multitude de condamnations, S._ persiste à prendre le volant après avoir consommé de l’alcool et d’autres substances illicites et ainsi à mettre en danger les autres usagers de la route. Il n'a manifestement tiré aucune leçon de son passé judiciaire et s'est installé dans la délinquance routière.
Il n’y a aucun élément à retenir à la décharge de ce prévenu dont la responsabilité est par ailleurs présumée entière.
L'appelant soutient qu'il a fondamentalement évolué, changé de vie, et qu'il s'efforce de retrouver un travail. Compte tenu de la longue série de condamnations, ces déclarations ne sauraient démontrer une métamorphose effective. Il en est de même des propos rédempteurs qu'il a tenus à une psychologue française lors d'une évaluation, le 9 février 2015, des aptitudes à la conduite des véhicules dans le but de retrouver une autorisation de conduire (P. 19/1/4). Jusqu'au ce jour, rien, pas même la reprise d'un travail temporaire, n'a empêché la récidive.
Dans ces conditions, une peine privative de liberté s’impose (art. 40 CP) pour des raisons de prévention spéciale. Sa quotité sera de 15 mois et elle sera ferme, le pronostic étant clairement défavorable. Une amende sanctionnera la contravention à la LStup (art. 106 CP). Sur ce point également, le jugement attaqué doit être confirmé.
4.3
En définitive, l'appel est mal fondé et doit être rejeté.
5.
Il reste à statuer sur les frais et les indemnités.
D'après la jurisprudence fédérale, le tarif horaire de l'avocat d'office est de 180 fr. pour l'avocat breveté et de 110 fr. pour l'avocat-stagiaire, plus les débours et la TVA à 8 % (TF 6B_810/2010 du 25 mai 2011 consid. 2.4 ; ATF 132 I 201 consid. 8.7).
Il convient d'allouer à Me Isabelle Salomé Daïna, défenseur d'office d’S._, un montant de 1'760 fr. 40 pour la procédure de seconde instance. Ce montant tient compte de la nature de l'affaire et de la connaissance du dossier acquise en première instance. Pour l'essentiel, la défense a été assurée par une avocate-stagiaire, qui a d'ailleurs plaidé devant l'autorité de céans. Le
montant susmentionné comprend donc une heure de travail au tarif de l'avocat breveté (180 fr.), 12 heures de travail de l'avocat-stagiaire (110 fr.), une vacation de stagiaire à 80 fr., 50 fr. débours et 8 % de TVA.
S._ ne sera tenu de rembourser à l'Etat l'indemnité d'office accordée à son mandataire que lorsque sa situation financière le permettra.
Vu le sort de l'appel, les frais de seconde instance, de 3'590 fr. 40, y compris l'indemnité d'office du défenseur, sont mis à la charge du prévenu, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
73efb2ec-3e31-40f5-b547-ea86a5e3e1b3 | En fait :
A.
Par jugement du 17 juin 2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté que B._ s’est rendu coupable d’abus de confiance, vol en bande et par métier, dommages à la propriété, utilisation frauduleuse d’un ordinateur et tentative de cette infraction, violation de domicile et tentative de cette infraction, vol d’usage d’un véhicule automobile et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants (I), a condamné B._ à une peine privative de liberté de 23 mois, sous déduction de 16 jours de détention avant jugement, peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 16 mars 2011 par le Ministère public de l’arrondissement de La Côte (II), a suspendu l’exécution de la peine et fixé au condamné un délai d’épreuve de 5 ans (III), a condamné B._ à une amende de 500 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif étant fixée à 5 jours (IV), a révoqué le sursis accordé à ce dernier le 16 mars 2011 par le Ministère public de l’arrondissement de La Côte et ordonné l’exécution de la peine pécuniaire de 20 jours-amende à 30 fr. (V), a homologué pour valoir jugement les trois reconnaissances de dette souscrites le 17 juin 2013 (VI), a renvoyé [...] à agir devant le Juge civil (VII), a fixé à 6'328 fr. 80, débours et TVA compris, l’indemnité de Me Adrien Gutowski, défenseur d’office du prévenu (VIII), a ordonné la confiscation et la dévolution à l’Etat de 208 fr. 20 séquestrés sous fiche n° 52572 dont 108 fr. 20 à déduire du montant total des frais mis à la charge du condamné (IX), a mis à la charge de B._ les frais de la cause par 15'817 fr. 30, dont à déduire 108 fr. 20 (cf. chiffre IX ci-dessus) (X) et a dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité du défenseur d’office du prévenu, Me Adrien Gutowski, arrêtée à 6'328 fr. 80 et comprise dans le montant total des frais (ch. X ci-dessus), ne sera exigé que dans la mesure où la situation économique du condamné le permettra (XI).
B.
Par annonce du 21 juin 2013, puis déclaration du 11 juillet 2013, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne a formé appel contre ce jugement. Il a conclu, avec suite de frais, à la réforme des chiffres II et III du dispositif, en ce sens que B._ est condamné à une peine privative de liberté de 3 ans, sous déduction de 16 jours de détention avant jugement, et qu’une partie de cette peine portant sur 2 ans est suspendue, avec un délai d’épreuve de 5 ans.
Par courrier du 5 août 2013, B._ a déclaré qu’il n’entendait ni présenter de demande de non-entrée en matière ni déposer d’appel joint.
A l’audience d’appel, le Ministère public a confirmé ses conclusions. B._ a conclu au rejet de l’appel et produit un lot de pièces relatif à sa situation professionnelle.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
B._ est né le [...] 1989 en Espagne, pays dont il est ressortissant. Il a suivi sa scolarité dans son pays d’origine jusqu’à l’âge de onze ans. A son arrivée en Suisse, il a intégré une classe d’accueil pour apprendre le français, puis fréquenté une 7
ème
année VSO. Il a ensuite quitté l’école et entrepris un apprentissage de mécanicien automobile qu’il n’a toutefois pas achevé. En 2012, n’ayant pas retrouvé de place d’apprentissage, il a travaillé occasionnellement dans l’entreprise de mécanique de son beau-père. Pour cette activité, le prévenu ne percevait pas de salaire mais, en échange, sa famille le logeait, le nourrissait et l’entretenait financièrement. Depuis le 1
er
juillet 2013, il est employé auprès de l’entreprise de son beau-père en qualité d’aide-mécanicien et perçoit un revenu mensuel de 3'700 francs. Selon l’attestation de travail du 19 septembre 2013, il donne entière satisfaction à son employeur.
Le casier judiciaire de B._ comporte l’inscription suivante : 16 mars 2011, Ministère public de l’arrondissement de La Côte, dommages à la propriété, 20 jours-amende à 30 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans, amende de 300 francs.
Dans le cadre de la présente affaire, le prévenu a été détenu du 6 au 21 avril 2011, soit pendant 16 jours.
2.
2.1
Entre fin juillet et octobre 2009, B._, avec un ou deux comparses :
- à trente-six reprises, a dérobé divers objets et valeurs dans des voitures garées notamment dans des parkings souterrains d’immeubles, après avoir brisé une vitre ou forcé la serrure si le véhicule n’était pas ouvert;
- à une reprise, a fracturé le compteur à prépaiement d’une buanderie et volé la monnaie qu’il contenait;
- à cinq reprises, a cambriolé des caves après y avoir pénétré, au besoin en forçant les lattes;
- à deux reprises, a « emprunté » des voitures, non sans dégâts au véhicule;
- à une reprise, a pénétré sans droit dans un garage, fouillé les lieux et emporté divers objets.
2.2
En octobre 2010, B._ a gardé divers objets confiés par son ancien employeur (veste, clés, téléphone avec carte SIM).
2.3
Entre fin mars 2011 et avril 2011, le prénommé, avec un ou deux comparses :
- à cinq reprises, a dérobé divers objets et valeurs dans des voitures garées dans des parkings souterrains d’immeubles ou dans la rue, après avoir brisé une vitre ou forcé la serrure si le véhicule n’était pas ouvert;
- à trois reprises, a cambriolé des logements après y avoir pénétré, au besoin en forçant une ouverture.
2.4
En septembre 2011, B._ a prélevé en cinq fois un montant total de 590 fr. sur le compte bancaire de sa copine avec une carte oubliée chez lui, dont il connaissait le code. L’argent a été rendu en octobre 2011.
2.5
En janvier 2012, le prénommé, avec deux comparses, a dérobé un sac à main dans un établissement public et tenté de retirer de l’argent au bancomat avec une des cartes bancaires qu’il contenait.
2.6
Durant le premier semestre 2012, le prévenu a consommé deux joints de marijuana par jour. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (al. 1). La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (al. 3).
Interjeté dans les forme et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel formé par le Ministère public est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
L’appelant invoque une violation de l’art. 49 al. 2 CP. Il soutient que la peine privative de liberté prononcée par les premiers juges ne peut être partiellement complémentaire à la peine pécuniaire prononcée le 16 mars 2011, dès lors qu’il s’agit d’une peine d’un autre genre.
3.1
Aux termes de l'art. 49 CP, si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (al. 1). Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement (al. 2).
La condamnation à une peine d'ensemble au sens de l'art. 49 al. 1 CP n'est pas possible si les sanctions ne sont pas du même genre. Ces dernières doivent être prononcées de manière cumulative, car le principe de l'absorption s'applique seulement aux peines du même genre. Il en va de même en cas de concours rétrospectif au sens de l'art. 49 al. 2 CP. Il est par conséquent exclu de prononcer une peine privative de liberté, à titre de peine complémentaire, à une peine pécuniaire ordonnée précédemment (ATF 137 IV 57 c. 4.3.1). Si le juge estime qu’une peine privative de liberté doit être infligée pour réprimer le cas qui lui est soumis, il doit prononcer une peine autonome (ibid. c. 4.3.2).
3.2
En l’occurrence, il résulte de la jurisprudence qui précède que la décision des premiers juges est erronée sur ce point. Dans la mesure où ils estimaient qu’une peine privative de liberté devait être prononcée à l’encontre du prévenu, cette peine, d’un genre différent, ne pouvait être partiellement complémentaire à la peine pécuniaire prononcée le 16 mars 2011. Ils devaient dès lors prononcer une peine privative de liberté autonome.
Par conséquent, l’indication erronée doit être supprimée du chiffre II du dispositif du jugement et la peine doit être revue.
4.
L’appelant invoque une violation de l’art. 47 CP. Sans remettre en cause les éléments à charge et à décharge retenus par les premiers juges, il estime que la peine est trop clémente au regard de l’ampleur de l’activité délictueuse et de la récidive répétée en cours d’instruction.
4.1.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
4.1.2
Sous l’ancien droit pénal général, le Tribunal fédéral avait considéré qu’il convenait de tenir compte de la limite supérieure des peines au-delà de laquelle le sursis ne pouvait pas être accordé lors de la fixation de la peine, lorsque la durée de la peine envisagée n’était pas nettement supérieure à cette limite et que les conditions du sursis étaient réalisées. Selon la jurisprudence, cette pratique n’a plus sa place dans le nouveau droit. Toutefois, lorsque la fixation de la peine conduit au prononcé d’une peine privative de liberté qui se situe dans les limites légales du sursis ou du sursis partiel, le juge doit se demander si, en prononçant une sanction inférieure ou égale à cette limite, il demeure dans son pouvoir d’appréciation. Dans l’affirmative, il doit s’en tenir à cette quotité. Dans la négative, il peut prononcer une peine privative de liberté dépassant même légèrement la limite légale. Il n’est plus possible de relativiser la nouvelle limite légale par une interprétation de la loi (ATF 134 IV 17 c. 3). Selon l’art. 47 al. 1 in fine CP, le juge doit aussi avoir égard à l’effet de la peine sur l’avenir du condamné; il s’agit d’éviter les sanctions susceptibles de compromettre l’évolution favorable de ce dernier; cet aspect de prévention spéciale ne saurait toutefois conduire à prononcer une peine qui ne correspondrait plus à la culpabilité du condamné (ATF 134 IV 17 précité; TF 6B_706/2008 du 3 décembre 2008 c. 2.2; TF 6B_237/2007 du 5 octobre 2007 c. 2 2; TF 6B_14/2007 du 17 avril 2007 c. 5.2).
4.2
En l’occurrence, la culpabilité de B._ doit être qualifiée d’importante. A de multiples occasions et en seulement deux ans, le prévenu a commis des infractions de gravité non négligeable contre le patrimoine. Le butin – à partager entre deux, parfois trois comparses – se compose d’environ 6'550 fr., 14 GPS, 5 téléphones portables, 4 lecteurs DVD, 8 ordinateurs portables, 3 appareils photo, 3 appareils MP3, 9 autoradios, 1 caméra, 4 consoles et des jeux, 1 vélo, des montres, des bijoux, 3 couteaux, 11 paires de lunettes, du matériel audio et des CD, des pièces de voitures, de l’outillage, des vêtements, du matériel de sport, des parfums, des sacs à main, des cigarettes, des boissons, un grill, des cartes bancaires, des papiers et des clés.
A charge, il est tenu compte du concours d’infractions, du fait que le prévenu s’est facilement laissé entraîner dans la délinquance par plaisir et appât du gain, qu’il a trahi la confiance de son employeur en le cambriolant et qu’il a récidivé à réitérées reprises en cours d’instruction. De surcroît, les cambriolages se sont aggravés, dans la mesure où ils visaient d’abord des voitures ou des caves, puis des maisons, ce qui montre l’audace et la confiance grandissantes des voleurs.
A décharge, la Cour de céans retiendra le jeune âge du prévenu, qui n’avait pas vingt ans révolus au moment des premiers agissements. Il sera également tenu compte d’une sérieuse amorce de prise de conscience, se traduisant par un comportement actuellement correct, des regrets sincères et des projets d’avenir sérieux. Enfin, bien qu’il s’agisse de l’entreprise de son beau-père, depuis quelques mois, l’intimé exerce une activité lucrative et contribue à son entretien. Toutefois, celui-ci a déclaré en première instance consommer toujours de la marijuana. En procédure d’appel, il a indiqué n’avoir pas commencé à indemniser les lésés comme il s’était engagé à le faire, attendant qu’ils se manifestent. Cela indique qu’il se trouve encore au stade des bonnes intentions, plutôt que de la preuve faite.
Compte tenu de ces éléments, notamment du nombre d’infractions commises et de la récidive répétée, une peine privative de liberté de 30 mois réprime adéquatement la culpabilité de B._.
5.
Invoquant une violation de l’art. 42 CP, l’appelant fait valoir que les conditions d’un sursis entier ne sont pas réunies, compte tenu notamment des multiples récidives en cours d’enquête.
5.1
Selon l’art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits. L’art. 43 CP prévoit que le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine pécuniaire d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur (al. 1). La partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (al. 2). En cas de sursis partiel à l’exécution d’une peine privative de liberté, la partie suspendue, de même que la partie à exécuter, doivent être de six mois au moins. Les règles d’octroi de la libération conditionnelle ne lui sont pas applicables (al. 3).
De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP (ATF 134 IV 1 c. 5.3.1; cf. aussi TF 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 c. 3.2.1; TF 6B_353/2008 du 30 mai 2008 c. 2.3). Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le nouveau droit pose des exigences moins élevées quant au pronostic pour l'octroi du sursis. Auparavant, il fallait que le pronostic soit favorable. Désormais, il suffit qu'il n'y ait pas de pronostic défavorable. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 précité c. 3.1.2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2).
5.2
Au vu de la quotité de la peine retenue (cf. supra c. 4.2), seul le sursis partiel est envisageable.
En l’occurrence, le prévenu a commis une première série d’infractions en 2009. Il a été interpellé en flagrant délit le 7 octobre 2009, mais a néanmoins commis un autre vol entre le 9 et le 10 octobre 2009. Malgré l’enquête en cours et ses auditions en 2010, il a récidivé au printemps 2011, visant cette fois également des logements, ce qui lui a valu 16 jours de détention préventive en avril 2011. Par ailleurs, à la même époque, soit le 16 mars 2011, il a été condamné par ordonnance pénale pour des dommages à la propriété commis en 2009. Cela ne l’a toutefois pas dissuadé de voler, au mois de septembre 2011, de l’argent sur le compte bancaire de sa copine. II a été entendu sur ces faits en novembre 2011 et pourtant, en janvier 2012, il a volé une nouvelle fois un sac à main. Ce n’est qu’après cette période que l’intimé a commencé à travailler. Les premiers juges ont relevé qu’il subsistait chez lui une certaine fragilité. Ce constat est toujours justifié à ce jour. En effet, malgré son activité salariale, l’évolution du prévenu reste fragile, dans la mesure où il bénéficie de l’encadrement de sa famille.
Dans ces circonstances, le pronostic est mitigé. Vu le jeune âge de l’intimé et l’absence d’antécédents sérieux, il se justifie de suspendre partiellement l’exécution de la peine. Une quotité de 6 mois fermes constituera un avertissement suffisant.
Au surplus, la sanction de 30 mois de privation de liberté, dont 24 suspendus, n’affectera pas l’avenir professionnel du prévenu, dès lors que celui-ci semble remplir les conditions d’une exécution sous forme de semi-détention (art. 77b CP), ce qui lui permettra de garder son nouvel emploi.
6.
En définitive, l’appel du Ministère public est partiellement admis en ce sens que B._ est condamné à une peine privative de liberté de 30 mois, dont 6 mois fermes et 24 mois assortis du sursis, le délai d’épreuve étant fixé à 5 ans.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, comprenant l’émolument d’arrêt, par 1’720 fr. (art. 21 TFJP [Tarifs des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), et l'indemnité allouée au défenseur d’office de l’intimé, par 1'344 fr. 60, TVA et débours compris, sont mis par deux tiers à la charge de B._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
L’intimé ne sera tenu de
rembourser à l’Etat les deux tiers de l’indemnité allouée à son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra
. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
744ccf24-6220-41f6-8744-5f21d0e5f9fb | En fait :
A.
Par jugement du 25 février 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a libéré D._ du chef d’accusation d’escroquerie (I), l’a déclaré coupable de faux dans les titres et l’a condamné à 120 jours-amende à 50 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans (II), a renvoyé P._ à faire valoir ses prétentions en dommages-intérêts devant le juge civil (III), a alloué à Me Ana Rita Perez, conseil d’office de P._, une indemnité de 3'847 fr. 50, débours et TVA compris (IV), a arrêté les frais de la cause à 5'597 fr. 50, en a mis la moitié, par 2'798 fr. 75, à la charge d’D._ et a laissé le solde à la charge de l’Etat (V) et a dit ne pas y avoir lieu à indemniser D._ au titre de l’art. 429 CPP (VI).
B.
Le 26 février 2015, D._ a déposé une annonce d’appel contre ce jugement.
Par déclaration d’appel motivée du 20 mars 2015, il a conclu, principalement, à la réforme du jugement précité en ce sens qu’il est libéré du chef d’accusation de faux dans les titres, que les frais sont laissés à la charge de l’Etat et que P._ est condamné à lui verser une indemnité de 7'875 fr. 45 au titre de l’art. 429 CPP et, subsidiairement, à l’annulation du jugement et au renvoi du dossier de la cause à l’autorité de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Le 26 mars 2015, le Ministère public a annoncé qu'il s'en remettait à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et qu'il renonçait à déclarer un appel joint.
Par courrier du 15 avril 2015, P._ a annoncé qu’il n’entendait présenter aucune demande de non-entrée en matière ou appel joint.
A l’audience d’appel, P._, par son conseil d’office, a conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
D._ est né en 1973. Il a repris de son père l’exploitation de l’entreprise [...] SA, entreprise de maçonnerie. La faillite de cette société a été prononcée le [...]. Le prévenu exerce désormais la profession de chauffeur de taxi indépendant. Il réalise un revenu mensuel moyen net de 5'500 francs. Divorcé et remarié, il est père de trois enfants.
Son casier judiciaire mentionne une condamnation, le 15 avril 2008, par le Juge d’instruction de l’Est vaudois, à vingt jours-amende de 60 fr., avec sursis pendant deux ans, pour actes d’ordre sexuel avec un(e) enfant.
2.
Après avoir travaillé quelque temps au noir comme manutentionnaire au service de l’entreprise [...] SA, au [...], P._ a été engagé, dès le 1
er
juillet 2011, par D._, par contrat de travail de durée indéterminée signé le 15 juin 2011. P._ était l'unique employé de cette entreprise. Le contrat prévoyait un salaire horaire brut de 34 francs. Il a été établi en un seul exemplaire, qui a été donné à P._, sans qu’D._ en garde une copie pour lui-même.
Après la signature du contrat, D._ a eu des doutes quant au salaire normalement dû à un manœuvre non qualifié et a, hors la présence de son employé, appelé la [...] ([...]) pour se renseigner sur ce point. Celle-ci lui a répondu que le salaire usuel était de 26 francs.
En août 2011, D._ a annoncé à la [...] un salaire horaire de 28 fr. 50. Le salaire versé pour les mois de juillet à octobre 2011 l’a été sur la base de ce montant, ce dont P._ s'est aperçu à réception de son premier bulletin de salaire en septembre 2011.
A une date indéterminée, mais postérieure à la signature du contrat, D._ a fait signer à P._ un nouveau contrat de travail – également daté du 15 juin 2011 – prévoyant un salaire brut de 28 fr. 50 de l'heure.
Du 27 octobre 2011 au 8 janvier 2012, P._ a été en incapacité de travail et a perçu des indemnités journalières sur la base du salaire horaire de 28 fr. 50, montant que son employeur avait communiqué à son assurance perte de gain.
[...] SA ayant été déclarée en faillite le [...], le contrat de travail de P._ a été résilié par lettre de l'Office des faillites de l'arrondissement de l'Est vaudois du 3 janvier 2012
P._ a déposé plainte le 19 juillet 2012. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les forme et délai légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
Invoquant une violation de la présomption d’innocence, l’appelant conteste sa condamnation pour faux dans les titres. Il fait en particulier grief au premier juge d'avoir suivi le plaignant dans ses explications en retenant que "le prévenu a fait signer à P._, en novembre 2011, la dernière page d'un prétendu nouvel exemplaire du contrat de travail sans lui avoir indiqué qu'il avait modifié le salaire horaire à 28 fr. 50" (jugt, p. 17).
3.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
3.2
En l'espèce, il est admis que le 15 juin 2011, les parties ont signé un contrat de travail prévoyant un salaire horaire brut de 34 fr., que ce contrat a été établi en un seul exemplaire (PV aud. 1, lignes 59, 89 et 90; jugt, p. 4), qu'en août 2011, D._ a annoncé à la [...] un salaire horaire de 28 fr. 50 (pièces 18 et 19) et que le salaire versé pour les mois de juillet à octobre 2011 l'a été sur la base de ce montant (pièces 6/2 et 6/3 ; PV aud. 1, lignes 63 et 64). Il est également admis qu'un second contrat – également daté du 15 juin 2011 – a été signé par les deux parties, prévoyant un salaire horaire de 28 fr. 50 (pièce 6/5). Il ne s'agissait pas d'un duplicata (ou nouvel exemplaire) du contrat signé en juin 2011, comme l'a prétendu l'intimé et l'a retenu le premier juge, mais bel et bien d'un nouveau contrat. Il suffit de relever à cet égard que le montant du salaire et les signatures ne sont pas les mêmes. Ce qu'on ignore, en revanche, c'est la date à laquelle ce second contrat a été signé. Le prévenu a soutenu que la signature avait eu lieu le même jour que celle du premier contrat, après avoir, en présence de P._, téléphoné à la [...] pour se renseigner sur le salaire usuellement versé à un manœuvre non qualifié (PV aud. 1, lignes 53 à 58; jugt, p. 4). Ces explications ne sont toutefois pas crédibles, comme l'a également relevé le premier juge. Tout d'abord, on ne comprendrait pas que le plaignant soit parti avec un contrat fixant le salaire horaire à 34 fr. si les parties étaient finalement tombées d'accord pour un salaire de 28 fr. 50 de l'heure. En outre, le prévenu a varié dans ses explications dans une telle proportion qu'il en a perdu toute crédibilité sur ce point. En effet, pendant l'enquête, il a soutenu que l'unique exemplaire du premier contrat avait été subtilisé par le plaignant (PV aud 1, lignes 60 et 61), puis il a, aux débats de première instance, nié avoir signé un contrat prévoyant un salaire à 34 fr. de l'heure, avant de l'admettre tout en faisant valoir qu'il avait donné ce contrat à son employé et qu'il avait conservé pour lui le second contrat fixant le salaire horaire à 28 fr. 50, dont il aurait envoyé un exemplaire à la [...], ce que cette dernière n'a pas confirmé, la pièce 19 (fiche personnelle et de mutation) étant le seul document en sa possession (cf. pièce 18). Cela dit, la version du plaignant selon laquelle il aurait signé le second contrat en novembre 2011 et selon laquelle ce n'est qu'à son retour à domicile qu'il se serait demandé "s'[il] ne [s]'étai[t]pas fait avoir par D._" (PV aud. 1, lignes 103 à 111) n'est guère plus crédible. Cette version se heurte aux explications ressortant de la plainte, dans laquelle l'intimé a admis avoir constaté la différence de salaire déjà au début septembre 2011, soit à réception du premier bulletin de salaire (pièce 5, p. 2
in initio
); on ne comprendrait pas, dans ces circonstances, et même dans l'hypothèse où il aurait effectivement cru, comme il le prétend, qu'il s'agissait d'un duplicata du contrat du 15 juin 2011, qu'il ait signé ce document sans vérifier le montant du salaire prévu ni même interpeller son employeur sur ce point pour le seul motif, selon ses dires, qu'il faisait confiance à ce dernier et que ce contrat portait la même date que le précédent.
Au vu de tous ces éléments, il y a lieu de retenir que le second contrat fixant le salaire horaire à 28 fr. 50 a été signé postérieurement à l'établissement du premier contrat, sans que l'on puisse toutefois dire, comme l'a fait le premier juge, qu'il l'a été en novembre 2011. Il apparaît par ailleurs invraisemblable que le prévenu ait, selon ses explications, fait signer à son employé un duplicata du contrat en novembre 2011 car il en avait besoin pour ses dossiers (PV aud. 1, lignes 122), dans la mesure où il a ensuite lui-même affirmé que ce contrat avait d'emblée été établi en deux exemplaires et qu'il en avait gardé un pour lui (jugt, p. 4). Il n'est pas non plus crédible lorsqu'il affirme qu'il avait besoin d'un exemplaire pour sa caisse maladie et que celle-ci s'est finalement directement arrangée avec la [...] pour en obtenir une copie, dès lors que celle-ci n'a jamais reçu de contrat, comme on l'a vu ci-avant.
On retiendra donc en définitive que les parties ont signé, en juin 2011, un contrat prévoyant un salaire à 34 fr. de l'heure, qu'après le départ du plaignant, le prévenu a eu des doutes quant au salaire normalement dû à un manœuvre non qualifié, qu'il a, en l'absence de son employé, appelé la [...], que celle-ci lui a répondu que le salaire usuel était de 26 fr., que se rendant compte d'avoir fixé un salaire trop élevé dans le contrat, le prévenu a annoncé un salaire plus bas à la [...] sans en parler au plaignant, qu'il a eu ensuite besoin d'un contrat justifiant cette annonce erronée et qu'il a fait signer, à une date indéterminée, mais postérieure à la signature du contrat, un autre contrat prévoyant un salaire horaire de 28 fr. 50. L'état de fait retenu par le premier juge doit ainsi être rectifié dans ce sens.
3.3
Il reste à déterminer si, sur la base de l'état de fait ainsi rectifié, le comportement d'D._ est constitutif d'un faux dans les titres.
3.3.1
Aux termes de l’art. 251 al. 1 CP, celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d’autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d’autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d’un tel titre, sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
L’art. 251 CP vise le faux matériel et le faux intellectuel. Il y a faux matériel lorsqu'une personne fabrique un titre dont l'auteur réel ne coïncide pas avec l'auteur apparent. Le faussaire crée un titre qui trompe sur l'identité de celui dont il émane en réalité. En principe, il importe peu que le nom utilisé soit connu, appartienne à un tiers, soit fictif, que le faussaire se soit déjà fait connaître, avant la signature du titre, sous son faux nom auprès de la partie adverse ou qu'il le signe en présence de cette dernière. Lorsqu'il y a création d'un titre faux, il est alors sans importance de savoir si le contenu d'un tel titre est mensonger ou non (ATF 132 IV 57 c. 5.1.1 et les références citées). Le Tribunal fédéral a notamment jugé que la signature apposée à un contrat ou à un titre semblable devait permettre de retrouver sans difficulté les parties en cause au cas où le document en question devait être administré comme moyen de preuve dans le cadre, par exemple, d'une poursuite pour dettes ou d'un procès civil. Il a ainsi admis qu'il y avait faux dès qu'il y avait tromperie sur le nom et que l'ignorance de l'identité véritable de l'auteur du titre empêchait le cocontractant de faire valoir ses droits (TF 6B_243/2014 c. 4.3.2 et la référence à l'ATF 132 IV 57 c. 5.1.3 précité).
Le faux intellectuel vise un titre qui émane de son auteur apparent mais qui est mensonger dans la mesure où son contenu ne correspond pas à la réalité. Un document dont le contenu est mensonger ne peut toutefois être qualifié de faux intellectuel que s'il a une capacité accrue de convaincre, parce qu'il présente des garanties objectives de la véridicité de son contenu. Il doit résulter des circonstances concrètes ou de la loi que le document est digne de confiance, de telle sorte qu'une vérification par le destinataire n'est pas nécessaire et ne saurait être exigée (ATF 138 IV 130, JT 2013 IV 47 c. 2.1).
3.3.2
En l'occurrence, on ne voit pas en quoi le second contrat, prévoyant un salaire horaire de 28 fr. 50, pourrait constituer un faux matériel. En effet, ce contrat n'a pas été falsifié, puisqu'il s'agissait d'un contrat distinct du premier. Aucun élément ne permet par ailleurs de dire qu'une page du contrat aurait été remplacée par une autre après signature, en d'autres termes que la signature visait un autre texte, qu'on aurait substitué par une manipulation du document.
Il n'y a pas non plus faux intellectuel. Dès lors que l'on sait que le salaire de 28 fr. 50 de l'heure est celui qui avait été annoncé dès fin août 2011 à la [...] et que le plaignant était effectivement rémunéré à ce tarif horaire, ce dont il s'est rendu compte au plus tard dès réception du premier bulletin de salaire au début du mois de septembre 2011 (pièce 5, p. 2
in initio
), le second contrat prévoyant ce tarif horaire ne contient aucune déclaration mensongère. Le seul fait, pour le prévenu, d'avoir fait signer ce contrat à son employé "sans lui avoir indiqué qu'il avait modifié le salaire horaire à 28 fr. 50", comme l'a retenu le premier juge (jugt, p. 17), ne suffirait de toute manière pas à fonder une condamnation pour faux dans les titres intellectuel, dans la mesure où l'on ne peut pas exclure que le plaignant ait accepté le second contrat en connaissance de cause. Par ailleurs, dans l'hypothèse où le plaignant, selon sa propre version, aurait constaté la différence de salaire au début septembre 2011 et aurait signé le second contrat postérieurement, on pouvait exiger de lui qu'il vérifie, à ce moment-là, si le salaire fixé correspondait à celui initialement prévu (c. 3.3.1
supra
).
Il s'ensuit qu'D._ doit être libéré du chef d'accusation de faux dans les titres au sens de l'art. 251 CP.
4.
En définitive, l'appel doit être admis et D._ purement et simplement acquitté, de sorte que la part de frais de première instance mise à sa charge doit être laissée à la charge de l'Etat.
4.1
Conformément à ses conclusions, le prénommé, acquitté, a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées pour l'exercice raisonnable de ses droits de procédure en première instance (art. 429 al. 1 let. a CPP). Les défenseurs successifs du prévenu ont produit deux listes des opérations effectuées en première instance totalisant 22,25 heures. Ce chiffre est trop élevé. Plus particulièrement, le transfert du dossier entre deux avocats de la même étude ne peut justifier la comptabilisation par le second d'une heure pour la connaissance du dossier et il est injustifié de facturer systématiquement du temps pour les opérations consistant à envoyer à un tiers copie d'un courrier adressé à une partie ou au tribunal. A cela s'ajoute que le temps pour les déplacements doit être indemnisé forfaitairement à hauteur de 120 fr. par déplacement, selon la pratique constante de la Cour de céans. S’agissant dans le cas présent d’une cause de police relativement simple et compte tenu de l’ensemble des circonstances, il paraît adéquat de fixer l’indemnité due au prévenu sur la base d’un tarif horaire de 300 fr. (art. 26a TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale ; RSV 312.03.1]). Le montant de l’indemnité sera donc de 4'500 fr. correspondant à 15 heures au tarif horaire de 300 fr., montant auquel s’ajoutent 360 fr. de déplacements et 34 fr. de débours, soit un total de 4'894 francs. Cette indemnité sera mise par un quart, soit 1'223 fr., à la charge du plaignant en application de l'art. 432 al. 1 CPP et par trois quarts, soit 3'671 fr., à la charge de l'Etat.
L'appelant n'ayant en revanche pas chiffré les dépens d'appel qu'il réclame (p. 4
supra
) – malgré l'invitation expresse à le faire mentionnée dans la citation à comparaître du 29 avril 2015 –, il n'y a pas matière à les allouer.
4.2
Les frais de la procédure d'appel seront mis à la charge de l’intimé, qui, ayant conclu au rejet de l'appel, succombe (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, ces frais comprennent l’indemnité allouée au conseil d’office du plaignant, qui, après réduction du temps d’audience estimé figurant sur la liste des opérations (pièce 52), doit être fixée à 1’620 fr. correspondant à 9 heures au tarif horaire de 180 fr., auxquels il y a lieu d’ajouter un montant forfaitaire de 120 fr. à titre de vacation, plus la TVA par 139 fr. 20, soit à un montant total de 1’879 fr. 20, les frais de photocopie et d’enveloppe faisant partie des frais généraux.
P._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat l'indemnité allouée à son conseil d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP, applicable par renvoi de l'art. 138 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7486e3b6-6572-4bea-9ec3-03f206e83fdf | En fait :
A.
Par jugement du 18 juin 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté que K._ s'est rendu coupable d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants et de recel d'importance mineure (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 2 ans sous déduction de 77 jours de détention avant jugement (II), a suspendu l'exécution d'une partie de la peine portant sur 18 mois et fixé à K._ un délai d'épreuve de
3 ans (III), a ordonné la confiscation et la dévolution à l'Etat du téléphone potable séquestré sous fiche n
o
13946/12 (P. 56) (IV), a ordonné le maintien au dossier au titre de pièces à conviction des deux CD inventoriés sous fiche n
o
14019/13 (P. 60) (V), a pris acte de la renonciation de K._ à toute indemnisation au sens de l'art. 431 CPP pour les jours de détentions provisoires passés à la zone carcérale de la police cantonale dans des conditions illicites (VI), a alloué à Me Rodolphe Petit, défenseur d'office de K._, une indemnité de 8'422 fr., débours et TVA compris, sous déduction d'un montant de 3'600 fr. versé en cours d'enquête (VII), a mis à la charge de K._ les frais de la cause qui s'élèvent à 19'020 fr., y compris l'indemnité due au défenseur d'office, Me Rodolphe Petit (VIII) et dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité de son défenseur d’office ne pourra être exigé de K._ que si et dans la mesure où sa situation financière s'améliore (IX).
B.
Par annonce du 23 juin 2015, suivie d’une déclaration motivée datée du 10 juillet 2015, K._ a fait appel contre ce jugement. Il a conclu, avec suite de frais et dépens, à son acquittement des chefs d’accusation d’infraction grave à la la loi fédérale sur les stupéfiants et de recel, les frais de la cause étant laissés à la charge de l’Etat. A titre subsidiaire, il a conclu à sa réforme en ce sens qu’il est condamné à une peine privative de liberté de 12 mois, sous déduction de 77 jours de détention provisoire, la peine étant assortie du sursis pendant trois ans.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
K._ est né le [...] 1969 à [...]. Il est arrivé en Suisse en 2001, après avoir fait une première demande d'asile qui avait été refusée. Il s'est alors marié avec P._ et le couple a eu deux enfants, qui sont handicapés. Le prévenu s'est séparé d'avec sa femme en 2011 et ils ont divorcé fin 2014. K._ a eu encore deux autres enfants de sa compagne actuelle, qui sont âgés de 2 ans et demi et d'une année. Il vit cependant seul dans une partie d’une villa qu'il loue à un particulier pour un montant de 1'000 fr. par mois. Ses enfants vivent avec leurs mères. K._ a exercé diverses activités, le plus souvent comme manutentionnaire, pour plusieurs employeurs, essentiellement par le biais d’agences de placement. À l'heure actuelle, il travaille à plein temps pour une entreprise de nettoyage située dans le canton de [...], pour un salaire mensuel moyen de l’ordre de 3'500 fr. à 4'000 francs. Il est au bénéfice d'aides sociales pour le surplus. Sa compagne travaille également à 70 %. Il a indiqué ne pas verser de pension alimentaire à son ex-épouse, précisant qu’il allait tout prochainement le faire, à raison de 50 fr. par mois, ce qui correspond à l’amortissement de l’arriéré des pensions versées par l’Etat à ses enfants. Il a également expliqué continuer à prendre des cours de français en vue de se présenter aux examens pour devenir chauffeur de bus. K._ a déclaré avoir des dettes pour un montant d’environ 20'000 fr., correspondant à des dettes privées ainsi que des arriérés de contributions d'entretien avancées par l'Etat.
Pour les besoins de la présente cause, K._ a été détenu en cours d'instruction du 19 septembre 2012 au 4 décembre 2012, soit pendant
77 jours.
Le casier judiciaire suisse de K._ ne fait état d’aucune condamnation.
2.
Dès l’été 2012, et sous les ordres du Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois, un agent infiltré a été engagé dans le cadre d’une investigation secrète menée par la police de sûreté vaudoise à [...] pour mettre à jour les acteurs d’un trafic de cocaïne actifs dans la région depuis plusieurs années et dont le chef s’est avéré être V._ (condamné séparément). Le
5 septembre 2012, V._ a vendu 65 g de cocaïne au dit agent infiltré. Son raccordement téléphonique a alors été mis sous contrôle dès le 6 septembre 2012. Les investigations policières ont permis de récolter les informations utiles à l’interpellation de V._, ainsi qu’à celle de quatre de ses complices, dont K._ et O._ (alias [...], déféré séparément) en date du 19 septembre 2012.
2.1
Le 19 septembre 2012, K._ a conduit O._, de [...] à [...], au moyen de son véhicule BMW immatriculée VD-[...]. Il a ainsi permis à O._ de transporter 603,2 g de cocaïne, conditionnés en un bloc de 503,8 g et en deux parachutes d’un total de 99,4 g, qui devaient être livrés à V._. Afin d’organiser ce transport, K._ et O._ se sont entretenus téléphoniquement à de nombreuses reprises dès la veille de la livraison. Il était prévu entre les deux comparses que tous deux rentrent ensemble au moyen du véhicule de K._ une fois la transaction effectuée. Toutefois, dans la mesure où O._ a été interpellé à l’insu de K._, celui-ci a attendu le retour de son comparse une demi-heure au pied de l’immeuble sis à la [...] à [...]. Il a fini par adresser le SMS « Moi je par » à O._, avant d’être à son tour interpellé par la police. Des traces de cocaïne ont été décelées sur ses vêtements, ses mains ainsi que dans son véhicule.
L’analyse de la cocaïne a révélé un taux de pureté de 45,5% pour le bloc de 503,8 g, de 45,1% pour le parachute de 69.7 g et de 55.2% pour le parachute de 29,7 g, soit une masse de cocaïne pure totale de 277 grammes (P. 59).
2.2
Entre le 15 septembre 2012 et le 19 septembre 2012, K._ a acquis auprès d’un tiers indéterminé la carte SD d’un téléphone portable dérobé à X._.
X._ a déposé plainte en date du 22 septembre 2014. | En droit :
1.
Interjeté dans les forme et délai légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant qualité à recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011,
n. 19 ad art. 398 CPP).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP).
3.
L’appelant reproche aux premiers juges d’avoir conclu à sa culpabilité sans qu’aucun élément du dossier ne l’incrimine véritablement. Il fait valoir que rien ne permet d’établir qu’il aurait eu l’intention de transporter de la drogue au moment où il a conduit O._ de [...] à [...]. Par ce moyen, l’appelant se prévaut d’une violation du principe de la présomption d’innocence.
3.1
3.1.1
Aux termes de l’art. 19 LStup, celui qui, sans droit, entrepose, expédie, transporte, importe, exporte des stupéfiants ou les passe en transit est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (c. 1 let. b). S’il sait ou ne peut ignorer que l’infraction peut directement ou indirectement mettre en danger la santé de nombreuses personnes, l’auteur de l’infraction est puni d’une peine privative de liberté d’un an au moins, cette sanction pouvant être cumulée avec une peine pécuniaire (ch. 2).
3.1.2
L'art. 10 CPP dispose que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, il s’agit de l’acte par lequel le juge du fond évalue librement la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. Le juge peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP; Kistler Vianin, in : Commentaire romand, op. cit., nn. 19 ss ad art. 398 CPP, et les références jurisprudentielles citées).
Le principe de l'appréciation des preuves interdit d'attribuer d'entrée de cause une force probante accrue à certains moyens de preuve, comme par exemple des rapports de police (TF 1P_283/2006 du 4 août 2006 c. 2.3). Toute force probante ne saurait en revanche d'emblée être déniée à un tel document. Celui-ci est en effet, par sa nature, destiné et propre à servir de moyen de preuve dans la mesure où le policier y reproduit des faits qu'il a constatés et il est fréquent que l'on se fonde, dans les procédures judiciaires sur les constatations ainsi transcrites (TF 6S_703/1993 du 18 mars 1994 c. 3b ; CREP 8 janvier 2013/10).
Lorsque l'autorité a forgé sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble. Le principe in dubio pro reo est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables au prévenu sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a; cf. aussi, quant à la notion d’arbitraire,
ATF 136 III 552 c. 4.2).
3.2
En l’espèce, les premiers juges ont retenu qu’il ne faisait aucun doute que K._ avait servi de chauffeur à O._ au moyen de son véhicule afin de permettre à celui-ci de transporter de la cocaïne de [...] à [...]. Afin d'organiser ce transport, les deux intéressés se sont entretenus téléphoniquement à de nombreuses reprises la veille de la livraison. Arrivés sur place, K._ a attendu son comparse qui devait effectuer la transaction, puis rentrer avec lui. Ne le voyant plus revenir, compte tenu de son arrestation, il a perdu patience et lui a signifié qu'il repartait par SMS. Pour le Tribunal également, ce voyage a été préparé à l'avance. Il a nécessité une dizaine de coups de téléphone. Le prévenu devait ainsi, à tout le moins, concevoir que le transport de drogue portait sur une quantité conséquente, si O._ ne le lui avait pas indiqué précisément. Les propos tenus par son ex-épouse, P._, ainsi que les nombreuses traces relevées sur lui et dans le véhicule, plaidaient également dans ce sens (jgt., pp. 19-20).
L’appréciation des faits à laquelle ont procédé les premiers juges ne prête pas le flanc à la critique et doit être confirmée. En effet, l’appelant tente en vain d’isoler des éléments de conviction sans prendre en compte l’ensemble des éléments probatoires qui ressortent du dossier, pour conclure à une appréciation erronée des faits et à une violation du principe de la présomption d’innocence. En premier lieu, il convient de rappeler que O._, qui n’a aucune raison d’incriminer à tort l’appelant, a dès le début indiqué que ce dernier, qu’il surnomme [...], lui a servi de chauffeur pour le conduire de [...] à [...] le soir de leur interpellation (PV aud. 5, R. 9 ; PV aud. 11, l. 42-44 ; PV aud. 2, R. 13). Au cours de la procédure, l’appelant a, en outre, considérablement varié dans ses explications s’agissant de sa présence à [...] avec O._ : dans un premier temps, il a indiqué avoir rencontré ce dernier par hasard alors qu’il se trouvait à [...] pour y visiter des surfaces commerciales à louer (PV aud. 2, R. 8), pour ensuite expliquer avoir convenu la veille de son interpellation, qu’il conduirait O._ de [...] à [...] sans toutefois prévoir qu’il ferait le voyage de retour à Lausanne, qu’il avait prévu d’aller à Payerne pour trouver un appartement alors qu’il revenait d’[...], où il avait rencontré un marchand de meubles qui devait lui donner des chaises et des tables à envoyer en Afrique (PV aud. 14, R. 7 et R. 8), pour ensuite déclarer aux débats de première instance que O._ était intéressé à lui acheter une voiture pour le prix de 1'700 fr., qu’après avoir payé un premier acompte de 1'000 fr., O._ lui avait expliqué qu’il devait aller à [...] pour y rencontrer une personne qui lui devait de l’argent et qu’après avoir vu cette personne, il pourrait lui payer le solde du prix de la voiture. Arrivés à [...], l’appelant a déclaré avoir parqué sa voiture près de la gendarmerie et avoir attendu le retour de O._ en réparant son autoradio (jgt., p. 5). On rappelle toutefois que les policiers présents pour, notamment, surveiller les agissements de O._, ont pu observer que l’appelant avait conduit ce dernier à un endroit précis de la ville avant d’attendre son retour, ce qui contredit toutes les thèses selon lesquelles l’appelant avait fortuitement rencontré son comparse à la gare de Payerne ou selon lesquelles il était à la recherche d’un appartement dans cette ville. En effet, ni l’heure à laquelle se déroulaient les faits, soit à 22 heures, ni le comportement de l’appelant qui attend dans sa voiture le retour de O._ ne permettent d’accréditer l’hypothèse de la recherche d’un appartement. La vingtaine de contacts téléphoniques passée la veille de l’opération avec O._ – replacée dans le contexte de l’affaire – permet de conclure que l’appréciation des premiers juges, selon laquelle le trajet entre Lausanne et Payerne avait été préparé minutieusement, est exacte. Enfin, il est établi que l’appelant a adressé un message sur le téléphone portable de O._ lorsqu’il s’est inquiété de ne pas le voir revenir, ce qui établit qu’il était question de le reconduire à [...]. Au vu de ce qui précède, l’appelant ne peut décemment soutenir qu’il n’a pas donné des explications totalement fantaisistes sur sa présence à [...] et sur le trajet effectué entre [...] et [...]. S’il pensait réellement que O._ était « net » comme il l’affirme, l’appelant n’aurait eu aucune raison de mentir sur les circonstances de leur présence à [...] le soir de leur interpellation. S’agissant de la présence de traces de cocaïne sur ses mains, ses vêtements et dans sa voiture, l’appelant a livré des explications aussi diverses que fantaisistes. Il a d’abord expliqué avoir laissé monter dans son véhicule des gens qu’il ne connaissait pas et qu’en lavant sa voiture, il avait trouvé « trois trucs sur le siège arrière » qu’il avait mis dans sa poche avant de les jeter dans une poubelle, précisant qu’en ouvrant l’emballage, « des bouts » étaient « tombés par terre » qu’il avait lavé avec de l’eau (PV aud. 10, l. 55-61), pour déclarer ensuite qu’il avait pris des gens en charge pour les amener à la Route de Genève à Lausanne et que le lendemain, il avait trouvé trois sachets de poudre blanche entre les sièges arrières de sa voiture, qu’il les avait ouverts et mis de l’eau dessus pour les éliminer (PV aud. 14, R. 11), expliquant enfin aux débats de première instance, que, quelques jours avant son interpellation il avait embarqué des passagers, que l’un d’eux avait vomi et que lorsqu’il avait nettoyé sa voiture à une station service, il avait retrouvé deux boules blanches sous la banquette dont il s’était débarrassé sans ouvrir l’emballage (jgt., p. 6), sans pouvoir expliquer les traces de cocaïne retrouvées notamment dans les poches de son pantalon. Enfin, le film vidéo enregistré sur le téléphone portable de l’appelant, dans lequel son épouse l’accuse d’être un dealer et déclare qu’il s’en sortait toujours parce qu’il faisait « le taxi » accrédite les éléments d’enquête le mettant en cause, nonobstant ses dénégations et explications. Le grief de l’appelant selon lequel les virements d’argent qu’il avait effectués ne permettaient pas de l’incriminer est vain, les premiers juges n’ayant retenu cet élément qu’à titre d’indice supplémentaire de l’implication du prévenu dans le milieu des stupéfiants.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il ne subsiste aucun doute raisonnable quant à la culpabilité de l’appelant s’agissant de l’infraction grave à la LStup.
4.
L’appelant soutient également que l’élément subjectif de l’infraction de recel ne serait pas réalisé.
4.1
L’art. 160 ch. 1 CP prévoit que celui qui aura acquis, reçu en don ou en gage, dissimulé ou aidé à négocier une chose dont il savait ou devait présumer qu’un tiers l’avait obtenue au moyen d’une infraction contre le patrimoine sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Le recel est une infraction intentionnelle, mais il suffit que l’auteur sache ou doive présumer, respectivement qu’il accepte l’éventualité que la chose provienne d’une infraction contre le patrimoine. Il en va ainsi lorsque les circonstances suggèrent le soupçon de la provenance délictueuse (ATF 129 IV 230 c. 5.3.2). Une connaissance précise de l’infraction préalable, des circonstances entourant sa commission ou de l’auteur de cette dernière n’est pas nécessaire (ATF 119 IV 242 c. 2b ; ATF 101 IV 402 c. 2b). Il y a dol éventuel lorsque l'auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait, même s'il ne le souhaite pas (ATF 135 IV 152 c. 2.3.2 ; ATF 133 IV 9 c. 4.1 ; ATF 131 IV 1 c. 2.2 et les arrêts cités). Il y a en revanche négligence lorsque l'auteur, par une imprévoyance coupable, c'est-à-dire pour n'avoir pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle, a agi sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte (cf. art. 12 al. 3 CP).
4.2
En l’espèce, les premiers juges ont retenu qu’en achetant dans la rue, à un inconnu, une carte SD comportant des fichiers informatiques appartenant à un tiers, l’appelant ne pouvait ignorer que ce support avait une provenance illicite. Il devait au moins s’en douter, le dol éventuel étant suffisant s’agissant du recel de sorte que l’appelant s’était rendu coupable de recel d’importance mineure compte tenu de la valeur de la carte SD acquise (jgt., p. 20-21).
C’est en vain que l’appelant reproche aux premiers juges de ne pas avoir précisé les précautions dont il aurait dû faire preuve lors de l’acquisition de la carte SD volée à X._ en même temps que son téléphone portable le
12 septembre 2012. En effet, il mentionne lui-même dans sa déclaration d’appel ces précautions – soit introduire la carte dans son propre téléphone pour vérifier qu’elle ne contient aucun fichier informatique appartenant à un tiers avant d’acheter la carte SD en question – qui relèvent d’ailleurs du bon sens. En achetant cette carte dans la rue à un inconnu pour le prix de 10 fr. sans procéder à ces vérifications préalables, l’appelant a accepté l’éventualité qu’elle provienne d’un vol.
Au vu de ce qui précède, les éléments objectifs et subjectifs de l’infraction de recel étant dès lors réalisés. Sa condamnation pour ce chef d’inculpation doit dès lors être confirmée.
5.
A titre subsidiaire, l’appelant requiert que la peine prononcée à son encontre soit assortie du sursis complet.
5.1
L'art. 42 al. 1 CP prévoit que le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2).
5.2
En l’espèce, la question déterminante est celle du pronostic à poser. Nonobstant les dénégations de l’appelant, il convient de tenir compte du fait qu’il est socialement bien intégré : il semble en particulier faire face à ses responsabilités professionnelles et familiales, en particulier par une présence régulière auprès de ses enfants handicapés. Il n’a pas d’antécédents et n’a en outre plus attiré défavorablement l’attention des autorités pénales depuis les infractions ici en cause. Il s’ensuit que le pronostic ne peut être tenu pour défavorable. Une peine ferme ne paraît dès lors pas nécessaire pour le détourner d'autres crimes ou délits. Ce qui précède justifie l'octroi d’un sursis complet (cf. art. 42 al. 1 CP), le délai d'épreuve étant maintenu à trois ans (cf. art. 44 al. 1 CP).
6.
En définitive, l’appel de K._ est partiellement admis en ce sens que la peine prononcée à son encontre est intégralement assortie du sursis. Le jugement rendu le 18 juin 2015 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois est modifié sur ce point et confirmé pour le surplus.
L’appelant obtenant gain de cause uniquement sur une conclusion subsidiaire, les frais de la procédure d'appel seront mis par deux tiers à sa charge, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1, 1ère phrase, CPP). Outre l'émolument, par 1'720 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office de l’appelant, qui sera fixée à 2’259 fr. 80, TVA et débours inclus, selon la liste d’opérations produite aux débats d’appel.
K._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat les deux tiers de l'indemnité allouée à son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
752b0c67-d454-4ce7-af16-25fa551449e9 | En fait :
A.
Par jugement du 11 avril 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que X._ s’était rendu coupable d’une faute de circulation de très peu de gravité, l’a exempté de toute peine (I) et a mis une part des frais par 250 fr. à sa charge, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (lI).
B.
Le 28 avril 2014, le Ministère public central a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel du même jour, il a conclu à sa réforme en ce sens que X._ est condamné pour violation simple des règles de la circulation à une amende de 500 fr., convertible en cinq jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement dans le délai qui sera imparti (I) et à la mise à sa charge des frais de première et de seconde instance (II).
Par acte du 22 mai 2014, X._ a déposé une déclaration d’appel joint, concluant, avec suite de frais et dépens, à son acquittement.
Par avis du 5 juin 2014, la Présidente de céans a informé les parties que l’appel serait traité en procédure écrite et par un juge unique.
Dans le délai imparti à cet effet, le Ministère public a indiqué, par courrier du 20 juin 2014, qu’il ne souhaitait pas déposer un mémoire motivé, sa déclaration d’appel l’étant déjà. Il a conclu au rejet de l’appel joint de X._.
Par mémoire motivé déposé dans le délai prolongé au 30 juillet 2014, X._ a conclu principalement à son acquittement de toute sanction et subsidiairement à la confirmation du jugement attaqué.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
Né en 1995, X._ est chauffeur poids lourds. Le 21 août 2013, sur l’autoroute A1 Lausanne-Berne, par circulation dense, il circulait au volant d’un camion sur la chaussée lac. Dans l’échangeur d’Ecublens, il s’est rabattu sur une voie de présélection à droite pour emprunter l’autoroute A9. Il n’a pas vu la voiture conduite sur cette voie par Z._, qui se trouvait alors dans son angle mort. L’avant droit du camion a percuté la voiture, qui a fait une embardée et percuté la berme centrale. | En droit :
1.
1.1
Interjetés dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel et l’appel joint sont recevables.
1.2
S'agissant d'un appel concernant une contravention, la procédure applicable est écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause ressort de la compétence d'un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009; RSV 312.01]).
1.3
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné et que l’état de fait est établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22 et 23 ad art. 398 CPP).
2.
L’appel joint portant sur le principe même de la condamnation et l’appel principal sur la sanction et le sort des frais, il convient d’examiner en premier lieu l’appel joint.
Le prévenu soutient qu’aucune faute ne lui est imputable. Il affirme avoir regardé à plusieurs reprises dans ses rétroviseurs et avoir mis son clignotant droit avant de changer de voie. Il dit n’avoir à aucun moment vu la voiture conduite par Z._. Il estime qu’il ne pouvait pas faire plus, parce qu’il devait aussi vouer son attention à la circulation.
2.1
L’art. 34 al. 3 LCR (Loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 ; RS741.01) prévoit que le conducteur qui veut modifier sa direction de marche, par exemple pour obliquer, dépasser, se mettre en ordre de présélection ou passer d’une voie à l’autre, est tenu d’avoir égard aux usagers de la route qui viennent en sens inverse ainsi qu’aux véhicules qui le suivent. L’art. 39 al. 1 LCR prescrit qu’avant de changer de direction, le conducteur manifestera à temps son intention au moyen des indicateurs de direction. Selon l’alinéa 2 de celle disposition, le conducteur qui signale son intention aux autres usagers de la route n’est pas dispensé pour autant d’observer les prescriptions nécessaires. Selon l’art. 44 al. 1 LCR, sur les routes marquées de plusieurs voies pour une même direction, le conducteur ne peut passer d’une voie à une autre que s’il n’en résulte pas de danger pour les autres usagers de la route.
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’angle mort est un facteur inhérent au mode de construction d’un véhicule et il appartient en principe au conducteur d’en tenir compte. Il n’est donc pas possible d’attribuer au hasard le fait qu’un usager de la route reste caché et de rejeter sur les autres usagers le risque lié à l’angle mort. Le conducteur doit au contraire se préoccuper d’éliminer tous les risques d’un tel facteur. Il doit être conscient des dangers inhérents au problème de l’angle mort et prendre toutes les mesures pour écarter ce danger lorsque, au vu des circonstances, il se peut qu’un usager de la route se trouve dans l’angle mort, du côté droit de son véhicule. Dans cette perspective, il doit notamment accorder une importance toute particulière à ce danger, dans le sens d’une anticipation, et observer l’évolution du trafic dans la perspective de la manoeuvre prévue (ATF 127 IV 34, JT2001 1456).
Une des conditions de l’existence d’une violation d’un devoir de prudence est la prévisibilité du résultat. Une violation du devoir de prudence ne peut pas être imputée au chauffeur lorsqu’il n’aurait absolument pas pu constater la présence d’autres usagers de la route dans l’angle mort de son véhicule, même en faisant preuve de toute la prudence requise, et que, au vu des circonstances, il ne devait pas compter sur une telle présence. Il faut tenir compte des circonstances concrètes du cas d’espèce pour savoir si le conducteur a respecté son devoir de prudence. Le degré de prudence dont les chauffeurs de camion doivent faire preuve est élevé en raison de la dangerosité de leur véhicule ; il ne doit toutefois pas être placé à un niveau tel qu’il soit impossible de le respecter même en cas de manoeuvres parfaitement courantes ou que le respect d’une obligation entraîne nécessairement la violation d’une autre qui doit également être respectée. Si l’essentiel de l’attention doit porter sur certains points, une attention moins grande peut être admise pour d’autres (ATF 127 IV 34 précité).
Le Tribunal fédéral a admis qu’il n’est pas imprévisible qu’un cycliste remonte par la droite un camion arrêté à un feu rouge (ATF 127 IV 34 précité), ou qu’un motocycliste dépasse par la droite un camion placé en présélection à gauche de la chaussée, même s’il a enclenché son indicateur droit et si ce dépassement est illicite (TF 6S.201/2006 du 15 juin 2006), ou encore que des piétons passent devant un trolleybus arrêté (ATF 107 IV 55, JT 1981 1438).
2.2
En l’occurrence, le prévenu voulait changer de voie de présélection sur l’autoroute. II savait que d’autres usagers pouvaient circuler à sa droite, cas échéant plus vite que lui, puisque, selon ses explications, il a regardé à plusieurs reprises le trafic à sa droite avant de se déplacer à droite. II indique toutefois n’avoir jamais vu la voiture de Z._ avant de la heurter alors qu’elle était dans son angle mort. Il ne ressort cependant pas de l’état de fait que la voiture de Z._ est constamment restée dans l’angle mort du camion et n’aurait pas pu être vue par une observation préalable adéquate du trafic. Conformément à la jurisprudence précitée, le prévenu aurait dû anticiper sa manoeuvre en observant l’évolution du trafic. Une telle observation, qui concerne tous les côtés du camion, n’aurait pas été de nature à l’empêcher de vouer son attention à la circulation dense ; au contraire elle constituait un aspect de cette attention.
C’est donc à juste titre que le premier juge a retenu une inattention et donc une violation fautive des règles de la circulation et l’appel joint doit être rejeté.
3.
Le Ministère public soutient que c’est à tort que le premier juge a considéré que la faute était de très peu de gravité au sens de l’art. 100 ch. 1 deuxième phrase LCR.
3.1
La jurisprudence subordonne l’admission d’un cas de très peu de gravité à des exigences élevées (TF 6B_299/2011, 6B_332/2011 du 1
er
septembre 2011). Toute négligence ne peut être considérée comme particulièrement légère (ATF 117 IV 302 c. 3b/cc). Cette disposition ne peut pas être appliquée de façon générale chaque fois que l’acte punissable ne revêt qu’une importance minime et ne provoque qu’une lésion peu importante de l’ordre juridique, sinon la plupart des contraventions aux prescriptions de stationnement, par exemple, échapperaient à toute sanction. Pour que l’art. 100 ch. 1 deuxième phrase LCR soit applicable, il faut, outre le fait que l’infraction ait causé une lésion de peu d’importance à l’ordre juridique, que la faute de l’auteur soit si légère qu’une peine d’amende, même minime, apparaisse en soi d’une sévérité choquante (TF 6S.443/2006 du 19 décembre 2006 ; ATF 91 IV 149 c. 3 ; cf. aussi JT 1972 I 487 n. 92). En d’autres termes, il s’agit de cas bagatelle où même une amende très modérée apparaîtrait inappropriée (TF 6S.219/2005 du 24 juin 2005). Savoir si le cas est de très peu de gravité dépend de l’ensemble des circonstances objectives et subjectives pertinentes pour l’appréciation de la faute (ATF 124 IV 184 c. 3a).
3.2
En l’espèce, le prévenu, au volant d’un camion, véhicule particulièrement dangereux par sa taille et son poids, a commis une inattention en changeant de voie sur l’autoroute, alors que le trafic était dense et qu’il devait s’attendre à la présence de véhicules à sa droite. Cette manoeuvre a provoqué un accident. La faute n’est pas si légère qu’une sanction apparaît choquante.
L’appel du Parquet doit donc être admis et une amende infligée au prévenu.
3.3
L’amende doit être fixée en tenant compte de la situation de l’auteur et de la faute commise (art. 106 al. 3 CP). En l’occurrence, le Ministère public propose une amende de 500 francs. La quotité de la peine demandée n’est pas critiquée en tant que telle par le prévenu. Elle paraît adéquate eu égard à la faute commise et à la situation financière du prévenu.
4.
Le Ministère public fait valoir que, compte tenu de la déclaration de culpabilité du prévenu, il n’y a aucune raison de renoncer à mettre l’entier des frais de la cause à la charge de celui-ci.
4.1
Selon l’art. 426 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s’il est condamné (al. 1). Il ne supporte pas les frais que le canton a occasionnés par des actes de procédure inutiles ou erronés (aI. 3 let. a).
4.2
En l’espèce, le Ministère public a fait opposition à une ordonnance préfectorale de classement. En première instance, le prévenu, qui concluait à son acquittement, a succombé sur le sort de l’action pénale. Il se justifie donc de mettre à sa charge l’entier des frais de première instance, qui s’élèvent à 662 francs. L’appel doit également être admis sur ce point.
5.
En conclusion, l’appel principal doit être admis et le jugement réformé dans le sens des considérants qui précèdent. L’appel joint doit être rejeté.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, comprenant l'émolument d’arrêt, par 630 fr. (art. 21 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), doivent être mis à la charge de X._. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
754a7fd8-523f-453a-8250-a445b329f6fd | En fait :
A.
Par jugement du 7 décembre 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a libéré W._ des chefs de prévention de lésions corporelles simples et de voies de fait (I), a renvoyé O._ à agir par la voie civile contre W._ (II) et a laissé les frais de la cause à la charge de l'Etat (III).
B.
Le 13 décembre 2011, la plaignante O._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 19 décembre 2011, l'appelante, sans prendre de conclusion formelle, a contesté l'ensemble du jugement. Sous réserve des pièces produites à l'appui de son appel, figurant déjà au dossier, l'appelante n'a pas requis l'administration de preuves.
Le 13 janvier 2012, le Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois a annoncé qu'il s'en remettait à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et qu'il renonçait à déclarer un appel joint.
Par courrier du 18 janvier 2012, l'intimée, qui n'a pas déposé d'appel joint, a présenté une demande de non-entrée en matière, que la Présidente de la cour de céans a rejetée par lettre du 24 janvier 2012 pour le motif que les moyens invoqués relevaient du fond et non de la recevabilité de l'appel.
Le Ministère public a, par courrier du 8 février 2012, déclaré qu'il renonçait à déposer des conclusions.
A l'audience du 6 mars 2012, les parties ont chacune confirmé leurs déclarations précédentes. L'appelante a confirmé son appel et maintenu sa plainte. L'intimée a, quant à elle, plaidé son innocence.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Née le 29 juin 1956 à l'Ile Maurice, ressortissante suisse, W._ vit à Yverdon-les-Bains dans un appartement dont le loyer mensuel est de 1'320 fr., charges comprises. Elle est divorcée et ne travaille pas. Elle est au bénéfice d'une rente AI et de prestations complémentaires pour un montant mensuel total de 2'700 fr. ainsi que de subsides couvrant intégralement ses primes d'assurance-maladie. Elle fait l'objet d'une poursuite à concurrence de 6'381 fr. 50 pour laquelle un acte de défaut de bien a été délivré à [...]; cette poursuite concernerait une dette de son fils découlant d'un contrat de leasing. Son casier judiciaire est vierge.
2.
2.1
Le 18 novembre 2010, vers 10h00, W._ est entrée dans le bar [...], sis à la rue [...], à Yverdon-les-Bains, exploité par son fils J._ et sa belle-fille O._, née en 1976, épouse du prénommé, afin de régler un problème de factures concernant son fils. Il s'en est suivi une altercation entre W._ et sa belle-fille, seule présente à ce moment-là dans l'établissement.
Les versions des parties divergent quant au déroulement de cette altercation. O._, enceinte de quatre mois au moment des faits, soutient que sa belle-mère lui a asséné des coups de poing ainsi qu'un coup de parapluie, l'a griffée et lui a tiré les cheveux. Elle affirme n'avoir fait que se protéger sans frapper.
W._ prétend que, sans pouvoir se défendre, c'est elle qui a été physiquement agressée par sa belle-fille, qui l'aurait traînée par les cheveux, l'aurait jetée à terre, se serait assise sur elle pendant une quinzaine de minutes en essayant de l'étouffer avec son manteau et lui aurait donné des coups de poing à la nuque.
Les versions des prénommées convergent sur le fait, corroboré par les pièces du dossier, qu'à la suite de la dispute, O._ a appelé la police, que celle-ci est arrivée peu avant le retour de J._ au bar et que ce dernier a alors demandé à sa mère de quitter l'établissement, ce qu'elle a fait.
Chacune des parties a déposé plainte pénale, l'appelante quelques heures après les faits, l'intimée à l'issue de son audition comme prévenue par la police le lendemain.
O._ a produit un certificat médical du 19 novembre 2010, attestant de deux hématomes, l'un de 2 cm sur 1 cm sur la face latérale du bras droit, l'autre de 10 cm sur 7 cm sur la face latérale du bras gauche, et d'une contracture cervicale bilatérale présentant une limitation de la rotation de la tête. Elle a pris des conclusions civiles à hauteur de 10'000 francs.
W._ a également produit un certificat médical du 18 novembre 2010, faisant état de dermabrasions dans la région postérieure de l'épaule gauche et de douleurs à la palpation dorso-lombaire et thoracique antérieur dans la région du sternum.
Le procureur a rendu une ordonnance de classement en faveur de O._, qui a maintenu sa plainte, et un acte d'accusation à l'encontre de W._.
2.2
Face aux versions contradictoires des parties quant au déroulement des faits et constatant qu'il n'y avait aucun témoin de la scène, le tribunal a procédé à l'audition de J._, qui a confirmé ses précédentes déclarations à la police et souligné que sa mère avait, par le passé, plusieurs fois malmené son épouse. Le premier juge a considéré que les propos dudit témoin devaient être appréciés avec la plus grande prudence, vu ses relations avec les deux protagonistes et le profond contentieux qui l'opposait à sa mère. Il a relevé que les lésions subies par la prévenue semblaient, certes, moins importantes que celles de la plaignante, mais que cela ne signifiait pas qu'elle était l'agresseur. Il a également indiqué que les quelques divergences émaillant les propos de l'intimée, qui en outre ne maîtrisait pas bien le français, ne suffisaient pas pour écarter purement et simplement sa version. Il en a conclu qu'un doute subsistait sur le déroulement des faits, en particulier sur l'ordre et la nature des coups, et que ce doute devait conduire à l'acquittement de la prévenue et au rejet des conclusions civiles, au demeurant non justifiées par pièces. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
On comprend des motifs invoqués dans sa déclaration d'appel, même s'ils ne sont pas d'une grande clarté, que O._, qui agit seule, conteste l'ensemble du jugement, à savoir les faits retenus par le tribunal, l'acquittement de sa belle-mère et le rejet de ses conclusions civiles. La prénommée, qui confirme ses déclarations précédentes, invoque divers éléments d'appréciation tendant à établir sa version des faits, soit qu'elle a été agressée par la prévenue et qu'elle s'est limitée à se protéger sans frapper.
3.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
La présomption d'innocence, qui est garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme règle d'appréciation des preuves, elle est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 précité c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a).
3.2
En l'espèce, le tribunal a considéré que s'il y avait bel et bien eu une altercation physique entre les deux intéressées à l'heure et à l'endroit précités, il n'était toutefois pas possible de déterminer comment avait débuté la dispute, en d'autres termes qui avait donné le premier coup, qui en était la principale responsable et la nature des coups échangés. Ne pouvant pas retenir avec certitude que W._ s'en était prise violemment et gratuitement à sa belle-fille, le premier juge l'a libérée au bénéfice du doute.
L
a Cour d'appel pénale, en se fondant sur les pièces du dossier et après avoir entendu chacune des protagonistes, est d'avis qu'il convient d'ajouter foi aux accusations de la plaignante. La cour de céans fonde sa conviction sur les motifs suivants.
Tout d'abord, on relèvera que malgré la mauvaise entente qui régnait entre les parties depuis longtemps déjà – ce qui est admis (cf. pièce 10/1 p. 3 et pièces 11, 17 et 42/1) –, W._ s'est rendue au bar [...] pour régler des factures concernant son fils, alors qu'elle pouvait s'attendre à y rencontrer sa belle-fille, qui travaille dans cet établissement en qualité de serveuse (pièce 11). C'est donc elle qui est venue chercher la confrontation.
Ensuite, il est admis que c'est O._ qui a appelé la police (PV aud. 2, p. 2). Or, dans l'hypothèse où, comme le prétend la prévenue, la jeune femme serait à l'origine de l'altercation et où elle l'aurait rouée de coups et étouffée dans l'intention de la tuer sans qu'elle puisse se défendre, on voit mal pourquoi c'est elle qui aurait contacté la police pour se dénoncer.
On rappellera également que la plaignante était enceinte de quatre mois au moment des faits, ce qui rend peu vraisemblable une agression de sa part, telle que décrite par l'intimée, qui affirme que sa belle-fille l'aurait traînée par les cheveux, l'aurait jetée à terre et se serait assise sur elle pendant une quinzaine de minutes (PV aud. 2).
A cela s'ajoute que si O._ a déposé plainte quelques heures seulement après les faits, W._ n'a, quant à elle, porté plainte que le lendemain, après avoir été convoquée par la police (pièce 10/1, p. 6) et à l'issue de son audition comme prévenue.
S'agissant encore des blessures subies par les parties, le premier juge indique que les certificats médicaux figurant au dossier (pièces 6 et 7) ne se prononcent pas sur leur causalité (jugt, p. 11
in intio
). Ce constat est exact, mais il n'exclut pas l'existence des coups. On remarquera d'ailleurs que les blessures constatées dans le certificat du 19 novembre 2010 corroborent les déclarations claires et précises de O._ (pièce 42/1, p. 2); en particulier, l'hématome sur son bras droit, visible sur la photo figurant au dossier sous pièce 14, peut tout à fait avoir été provoqué par un coup de parapluie, comme la jeune femme l'a affirmé (
ibidem
). En revanche, ces constatations sont plus difficilement compatibles avec la version présentée par la prévenue.
Enfin et surtout, le témoin J._, dont les propos tenus en cours d'instruction et aux débats sont cohérents, a clairement expliqué, après avoir admis qu'il n'était pas présent au moment des faits litigieux, que par le passé, sa mère s'en était prise plusieurs fois à sa femme tant verbalement que physiquement. Le premier juge a considéré que les explications de ce témoin devaient être appréciées avec la plus grande prudence, vu ses relations familiales avec les deux intéressées et la mauvaise relation qu'il entretenait avec sa mère. La cour de céans, s'écartant de l'appréciation du tribunal, est d'avis que rien ne permet de douter de l'objectivité dudit témoin. Bien au contraire, le fait que J._, qui n'a pas d'intérêt particulier à l'issue de la cause, ait des liens de parenté étroits avec l'une et l'autre des parties permet de tenir son témoignage pour probant. Au surplus, on remarquera que la prévenue a requis l'assignation et l'audition de son fils à l'audience de première instance en qualité de témoin (pièce 35) et qu'après les faits litigieux, ce dernier a continué à s'occuper des affaires de sa mère (PV aud. 4, p. 2
in fine
), ce qui démontre que leur relation, certes tendue, n'était pas si mauvaise que l'a retenu le tribunal (jugt, p. 10). A cela s'ajoute que l'intimée a finalement renoncé à faire entendre les époux [...] (pièces 36 et 37; cf. jugt, p. 2, d'où il ressort que la prévenue n'a soulevé aucune réquisition d'entrée de cause), dont l'audition aurait permis, selon elle, d'attester des violences conjugales au sein du couple J._, à l'origine, toujours selon elle, des blessures subies par l'appelante (pièce 31).
On peut également mentionner qu'aux débats d'appel, la plaignante a manifesté une émotion qui a paru sincère et une retenue qui la rend crédible.
Au vu de tous ces éléments concordants, l
a cour de céans estime que la version des faits de O._ doit être privilégiée par rapport à celle de W._
. S'il n'existe pas de preuve absolue, des indices
sont toutefois des preuves qui, ensemble, forment en l’espèce un tout convaincant. En effet, l'ensemble des constatations observées ci-avant, l'attitude de W._, ses propos exagérés et peu crédibles et le témoignage de J._ permettent d'exclure tout doute sérieux quant au fait que c'est bien la prévenue qui est à l'origine de l'altercation litigieuse et
que la plaignante s'est contentée, peut-être, de riposter à l'attaque de sa belle-mère
.
En conséquence, le tribunal a apprécié de manière erronée les preuves administrées en cours d'enquête et aux débats en concluant qu'il était impossible de déterminer comment avait débuté l'altercation et qui en était la principale responsable. Le moyen tiré d'une constatation erronée des faits est donc bien fondé et doit être admis.
4
Cela étant, il y a lieu de déterminer si les blessures subies par O._ sont constitutives de lésions corporelles simples ou de voies de fait.
4.1
L'infraction de lésions corporelles simples prévue à l'art. 123 CP réprime les lésions portées au corps humain et les atteintes à la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. Il s'agit d'une infraction intentionnelle de résultat, qui se caractérise précisément par les lésions corporelles que l'auteur veut infliger ou accepte de provoquer (Corboz,
Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2010
, n. 1 et 3 ad art. 123 CP). L'art. 123 CP vise en particulier toutes les dégradations du corps humain, que la lésion soit externe ou interne, à la suite d’un choc ou de l’emploi d’un objet, telles les fractures sans complications, les foulures, les coupures et les hématomes (Corboz, op. cit., n. 7 ss ad art. 123 CP; ATF 119 IV 25 c. 2a; ATF 107 IV 40 c. 5c).
Lorsqu'il s'agit de meurtrissures, d'écorchures, de griffures et de contusions provoquées par des coups ou d'autres causes du même genre, la distinction entre les voies de fait et les lésions corporelles simples est délicate. Il faut tenir compte de l'importance de la douleur provoquée afin de déterminer s'il s'agit de lésions corporelles simples ou de voies de fait (Corboz, op. cit., n. 11 ad. art. 123 CP; ATF 107 IV 40, précité).
4.2
En l'espèce, la plaignante a subi deux hématomes,
l'un de 2 cm sur 1 cm sur la face latérale du bras droit, l'autre de 10 cm sur 7 cm sur la face latérale du bras gauche, et une contracture cervicale bilatérale présentant une limitation de la rotation de la tête.
Ces lésions ne sont certes pas particulièrement graves, mais dépassent le cadre de simples voies de fait. W._ doit donc être reconnue coupable d'infraction de lésions corporelles simples au sens de l'art. 123 CP.
5.
Il reste à fixer la peine.
Les faits ne sont pas en soi d'une grande gravité, mais ils ont néanmoins causé des blessures à O._ qui ont nécessité un arrêt de travail de deux jours (pièce 7/1) et ont fortement effrayé la jeune femme, alors enceinte de quatre mois. W._
a persisté à nier les faits et n'a pas manifesté le moindre regret, même après que les policiers l'ont informée que sa belle-fille était enceinte, à supposer qu'elle n'en ait eu connaissance qu'à ce moment-là. La prévenue ne remet en aucune manière son propre comportement en cause; elle rejette au contraire la faute sur la jeune femme, allant jusqu'à affirmer, comme on l'a vu ci-avant, que les blessures que celle-ci a subies seraient dues à des violences conjugales. Rien ne permet de dire qu'elle a été provoquée.
D'autre part, W._ a eu
un comportement agressif unique, à notre connaissance. EIle n'a pas d'antécédents, de sorte qu'on peut espérer que cette infraction restera isolée. En ce sens, une peine modérée assortie du sursis est possible.
En définitive, une peine pécuniaire de dix jours-amende (art. 34 CP) est adéquate pour réprimer le comportement de la prévenue (
ATF 134 IV 82 c. 4.1; TF 6B_541/2007 du 13 mai 2008)
. Il convient de fixer à 10 fr., soit le minimum prévu par la jurisprudence
(ATF 135 IV 180, c. 1.4.2), le montant du jour-amende, vu la situation financière de l'intimée, qui est à l'AI.
6.
6.1
Concernant les conclusions civiles prises par O._, l'art. 119 al. 2 let. b CPP prévoit que le lésé peut, dans la déclaration par laquelle il exprime vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil, faire valoir des conclusions civiles déduites de l’infraction (action civile) par adhésion à la procédure pénale.
Selon l'art. 123 CPP, la partie plaignante chiffre, dans la mesure du possible, ses conclusions civiles dans sa déclaration en vertu de l'art. 119 CPP et les motive par écrit; elle cite les moyens de preuves qu’elle entend invoquer (al. 1). Le calcul et la motivation des conclusions civiles doivent être présentés au plus tard durant les plaidoiries (al. 2).
En application de l'art. 126 CPP, le tribunal statue également sur les conclusions civiles présentées lorsqu’il rend un verdict de culpabilité à l’encontre du prévenu (al. 1 let. a). Il renvoie la partie plaignante à agir par la voie civile notamment lorsque la partie plaignante n’a pas chiffré ses conclusions de manière suffisamment précise ou ne les a pas suffisamment motivées (al. 2 let. b). Dans le cas où le jugement complet des conclusions civiles exigerait un travail disproportionné, le tribunal peut traiter celles-ci seulement dans leur principe et, pour le surplus, renvoyer la partie plaignante à agir par la voie civile (al. 3).
6.2
En l'espèce, O._ a demandé la somme de 10'000 fr. "à titre de dédommagement", sans toutefois indiquer à quoi correspond ce montant, se limitant à préciser que la prévenue "doit comprendre qu'elle ne doit pas mentir" (jugt, p. 5). Elle ne prétend pas avoir eu des frais médicaux non remboursés ou avoir subi un autre dommage matériel. Si elle entend par là demander une réparation du tort moral, le montant réclamé est clairement excessif pour deux hématomes et une contracture cervicale, et les éléments du dossier ne permettent par ailleurs pas de déterminer si et dans quelle mesure l'appelante aurait particulièrement souffert. C'est donc à juste titre que le premier juge a renvoyé la plaignante à agir par la voie civile.
7.
En conclusion, l'appel de O._ est admis pour l'essentiel et le jugement attaqué modifié dans le sens des considérants qui précèdent.
8.
Vu l'issue de la cause, W._ doit supporter l'entier des frais de première instance (art. 426 al. 1, 1
ère
phrase, CPP).
Quant aux frais de la procédure d'appel, ils seront laissés à la charge de l'Etat.
L'appelante n'a, pour le surplus, pas fait valoir de prétention en dépens (art. 433 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
754bd03d-44ca-4c4d-9327-1c2b23f512a5 | En fait :
A.
Par jugement du 13 mai 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a constaté que B._ s'était rendu coupable de faux dans les certificats (I), condamné B._ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende (II), fixé le montant du jour-amende à 30 fr. (III) et mis les frais de justice, par 1'137 fr., à la charge de B._ (IV).
La confiscation d'un diplôme versé au dossier sous fiche de pièce à conviction n° 13835/12, bien qu'évoquée dans les considérants du jugement, n'est pas mentionnée dans le dispositif.
B.
Par déclaration motivée du 11 juin 2014, B._ a formé appel contre ce jugement, concluant en substance à son acquittement.
Par déterminations parvenues au greffe de la Cour de céans le 3 juillet 2014, le Ministère public a conclu au rejet de l'appel, les frais étant mis à la charge de l'appelant.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
Le prévenu B._ est né le [...] 1979 au Zaïre, aujourd'hui République démocratique du Congo, Etat dont il est ressortissant. Il est divorcé.
Le prévenu poursuit des études en sciences de l'éducation à l'Université de Genève. En parallèle, il travaille comme éducateur accompagnant auprès de la société [...], ce qui lui procure un revenu mensuel variable compris entre 1'000 et 4'000 francs. Sur le plan des charges, il est sur le point d'emménager avec son amie dans un nouvel appartement, dont ils partageront le loyer, de 2'200 fr. par mois. Le prévenu a des dettes, qui correspondent selon ses estimations à des poursuites en cours pour environ 2'000 fr. et à des actes de défaut de biens pour près de 12'000 francs.
1.2
Le casier judiciaire du prévenu comporte l'inscription suivante :
- 21.12.2004 : Juge de Police de la Sarine, injure, 5 jours d'emprisonnement avec sursis pendant 2 ans.
2.
Le prévenu est soupçonné d'avoir falsifié un "Diplôme d'Etat" censé lui avoir été délivré par une autorité de République démocratique du Congo ou de s'être procuré ce faux, puis d'en avoir fait usage le 30 avril 2012, en l'envoyant à l'Université de Lausanne à l'appui d'une demande d'immatriculation.
Le 23 juillet 2012, la Direction de l'Université de Lausanne a dénoncé le prévenu auprès du Ministère public. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel du prévenu est recevable s'agissant d'un jugement communiqué aux parties directement avec sa motivation (cf. ATF 138 IV 157 c. 2).
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves (TF 6B_78/2012 du 27 août 2012). L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP).
3.
L'appelant conteste en substance que le diplôme soit falsifié. Subsidiairement, il soutient qu'il aurait ignoré que ce dernier était un faux lorsqu'il l'a présenté en vue de son inscription.
3.1
L'autorité n'est liée ni par les conclusions ni par les motifs invoqués par les parties, sauf lorsqu'elle statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).
Selon l'art. 409 CPP, si la procédure de première instance présente des vices importants auxquels il est impossible de remédier en procédure d'appel, la juridiction d'appel annule le jugement attaqué et renvoie la cause au tribunal de première instance pour qu'il soit procédé à de nouveaux débats et pour qu'un nouveau jugement soit rendu (al. 1). La juridiction d'appel détermine les actes de procédure qui doivent être répétés ou complétés (al. 2). Le tribunal de première instance est lié par les considérants de la décision de renvoi et par les instructions visées à l'al. 2 (al. 3). En règle générale, il appartient à la juridiction d'appel de corriger elle-même les erreurs commises par le tribunal de première instance dans l'établissement des faits et l'application du droit (cf. art. 408 CPP). L'annulation et le renvoi doivent rester l'exception (Schmid, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 2
e
éd., Zurich/Saint-Gall 2013, n. 1 ad art. 409 CPP; Hug/Scheidegger, in : Donatsch/Hansjakob/Lieber [éd.], Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung, 2
e
éd., Zurich/Bâle/Genève 2014, n. 1 ad art. 409 CPP). L'art. 409 CPP s'applique lorsque les erreurs affectant la procédure ou le jugement de première instance sont si graves que le renvoi au juge de première instance est la seule solution pour respecter les droits des parties, et notamment pour garantir la double instance. Ce n'est que si le condamné n'a pas pu bénéficier de débats réguliers de première instance que la juridiction d'appel devra casser le jugement de première instance et renvoyer la cause à l'autorité précédente. Le cas visé est principalement celui du non-respect du droit d'être entendu des parties (Message du Conseil fédéral relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 pp. 1057 ss, spéc. p. 1302; cf. ég. Moreillon/Parein-Reymond, Petit Commentaire du Code de procédure pénale, Bâle 2013, n. 2 ad art. 409 CPP).
3.2
3.2.1
En l'espèce, la Cour de céans constate l'existence de vices formels dans le déroulement de la procédure devant le Tribunal de police en relation, principalement, avec le complément de preuves ordonné par le Tribunal de police lors de l'audience de jugement du 18 février 2014 (c. 3.2.2 infra), ainsi qu'avec la production du dossier du Service de la population du canton de Vaud (ci-après : SPOP) concernant l'appelant (c. 3.2.3 infra).
3.2.2
Lorsqu'au cours des débats, il apparaît que l'affaire n'est pas en état d'être jugée, le tribunal décide de compléter les preuves, puis de reprendre les débats (art. 349 CPP).
En l'espèce, lors de l'audience de jugement, tenue le 18 février 2014, le Tribunal de police a suspendu les débats afin de requérir des déterminations sur les faits de la cause de la part de l'Université de Fribourg (jugement entrepris, p. 6). A réception de celles-ci (P. 26), l'Université de Fribourg ayant indiqué que les documents pertinents censés être en sa possession avaient été détruits, le Tribunal de police a invité par écrit le prévenu à chiffrer et justifier une éventuelle demande d'indemnité au sens de l'art. 429 CPP (P. 27), ce à quoi le prévenu a donné suite (P. 28). Le Tribunal de police a ensuite avisé par écrit le prévenu qu'il entendait rendre un jugement sans reprendre de débats et lui a imparti un délai pour se déterminer sur ce point (P. 29). Par courrier du 10 avril 2014 (P. 30), le prévenu s'est déterminé sur les faits de la cause et a requis la mise en œuvre d'une nouvelle expertise. Le Tribunal de police a ensuite rendu le jugement entrepris sans reprendre les débats. Dans les considérants de son jugement, il a refusé de mettre en œuvre l'expertise requise (c. 2e du jugement entrepris, p. 11).
Les procédures pénales ne peuvent être exécutées et closes que dans les formes prévues par la loi (art. 2 al. 2 CPP). Or aucune disposition ne permet à l'autorité de première instance de s'écarter de la marche du procès prévue par la loi et de remplacer les débats par une procédure écrite, contrairement à ce qui est prévu dans certains cas en procédure d'appel (cf. art. 406 CPP). En l'espèce, cette façon de procéder a entraîné l'absence de clôture de la procédure probatoire et la suppression de l'occasion donnée aux parties de proposer l'administration de nouvelles preuves (cf. art. 345 CPP), de plaider la défense (cf. art. 346 al. 1 let. d CPP), la possibilité pour le prévenu de s'exprimer en dernier (cf. art. 347 al. 1 CPP) et de clore les débats (cf. art. 347 al. 2 CPP).
Selon certains auteurs (cf. p. ex. Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., n. 7 ad art. 347 CPP), le seul fait que le prévenu n'ait pas pu s'exprimer une dernière fois avant la clôture des débats entraîne déjà l'annulation du jugement rendu. Les vices constatés en l'espèce sont importants et imposent l'annulation du jugement entrepris en application de l'art. 409 al. 1 CPP, la cause étant renvoyée au Tribunal de police pour qu'il soit procédé à de nouveaux débats et pour qu'un nouveau jugement soit rendu.
3.2.3
Selon l'art. 100 al. 1 CPP, un dossier doit être constitué pour chaque affaire pénale; il doit notamment contenir les pièces réunies par l'autorité pénale (let. b). Les parties à la procédure pénale ont en principe le droit de consulter le dossier de celle-ci (cf. art. 101 CPP). Pour assurer le respect du droit d'être entendu et pour qu'il soit utile de consulter le dossier, il est important qu'il y figure tout ce qui est relatif à l'affaire en cause (Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., n. 4 ad art. 100 CPP). La violation de constituer un dossier complet porte atteinte au droit d'être entendu car la constitution de documents secrets est interdite (ibidem et les références citées).
Selon l'art. 331 al. 1 CPP, la direction de la procédure détermine les preuves qui seront administrées lors des débats (1
re
phrase). Elle fait connaître aux parties la composition du tribunal et les preuves qui seront administrées (2
e
phrase).
En l'espèce, le 12 août 2013, à la demande du Tribunal de police, le SPOP a transmis à ce dernier le dossier de police des étrangers du prévenu
(cf. P. 17). Le Tribunal de police s'y est référé dans la motivation du jugement entrepris, en particulier pour déterminer à quel moment le prévenu était entré en possession du diplôme litigieux (jugement entrepris, c. 2d). Selon ce qui ressort du dossier de la cause, le Tribunal de police n'a toutefois pas avisé l'appelant de la production du dossier en question et ne lui a pas donné l'occasion de se déterminer sur son contenu. Il a semble-t-il en outre renvoyé le dossier au SPOP sans tirer de copies des pièces pertinentes, puisque le dossier de la procédure pénale ne comporte plus aucun élément issu du dossier du SPOP. Une telle façon de procéder a violé les dispositions précitées et a porté atteinte au droit d'être entendu de l'appelant. Ce vice s'ajoute à ceux constatés ci-dessus (cf. c. 3.2.2 supra) et il devra également y être remédié.
4.
En définitive, l'appel du prévenu doit être admis, le jugement entrepris annulé et la cause renvoyée au Tribunal de police pour nouveau jugement dans le sens des considérants.
Les frais de la procédure d'appel, constitués en l'espèce uniquement de l'émolument de jugement (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), par 1'060 fr., seront laissés à la charge de l'Etat (cf. art. 428 al. 4 CP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
754eb75c-afa5-406d-b21e-070aaf48b5fa | En fait :
A.
Par jugement du 9 mai 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté que K.J._ s'est rendu coupable d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (I), l'a condamné à trente-six mois de peine privative de liberté, sous déduction de 114 jours de détention avant jugement (II), a suspendu l'exécution d'une partie de la peine portant sur vingt-quatre mois et lui a fixé un délai d'épreuve de trois ans (III), a ordonné la confiscation et la dévolution à l'Etat de divers objets et valeurs (IV et V), a mis les frais par 38'134 fr. 55 à la charge de K.J._ (VI) et a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité de 845 fr. allouée au défenseur d'office de K.J._, l'avocat Yann Jaillet, sera exigible pour autant que sa situation économique se soit améliorée (VII).
B.
Le 14 mai 2012, le Ministère public a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel motivée du 31 mai 2012, le Procureur a conclu à la modification du jugement en ce sens que K.J._ est condamné à une peine privative de liberté de six ans, sous déduction de la détention provisoire subie avant jugement, frais à sa charge.
L'intimé n'a pas déposé d'écriture. Aux débats, il a conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Cinquième d’une famille de sept enfants, K.J._ est né le
1
er
mars 1965 au Kosovo. Son père étant décédé quand il avait deux ans, il a été élevé par sa mère. Il a suivi l’école primaire pendant quatre ans, jusqu’à l’âge de 10 ans. Il a ensuite travaillé dans l’exploitation agricole familiale. En 1986, il est venu dans le canton de Zoug comme saisonnier dans l’agriculture. En 1987, il est retourné en ex-Yougoslavie, plus précisément en Croatie, pour faire son service militaire. En 1989, il s'est marié avec W._. En 1994, il est revenu en Suisse, où il a demandé l’asile. Il a été attribué à Nyon et logeait à Begnins. En 1998, son épouse, ses enfants et sa mère l’ont rejoint. Le couple a eu trois enfants, L.J._, née en 1991, F.J._, né en 1993, et M.J._, née en 2005.
Avant son arrestation le 9 décembre 2009, le prévenu avait une conciergerie et recevait l’aide sociale pour le surplus. Son épouse n’avait pas d’activité lucrative. Depuis sa sortie de prison le 1
er
avril 2010, il n'a exercé aucune activité professionnelle. Il déclare être très malade. Il reçoit 1'200 fr. par mois de l’Etablissement Vaudois d'Accueil des Migrants (EVAM) pour sa femme, sa fille cadette et lui-même. Sa fille aînée L.J._ est mariée, alors que F.J._ fait un apprentissage de commerce et vit toujours dans la famille. L’EVAM paye le loyer de l'appartement à la rue [...] à Yverdon par 1'350 fr. et F.J._ verse 450 fr. de pension. Le prévenu dit chercher une conciergerie, mais n'en trouve pas. Son épouse souffre d’hypertension. Il ne possède aucun bien immobilier. Il n’a pas d'économies, mais des dettes pour un montant de l’ordre de 11'000 fr. en relation avec une condamnation prononcée le 23 juin 2003. Son assurance-maladie est payée par l’EVAM. Il ne paye pas d'impôts. Il est au bénéfice d’une admission provisoire (permis F). Son objectif est de rester en Suisse près de ses enfants.
Le prévenu a été détenu provisoirement du 9 décembre 2009 au 1
er
avril 2010, soit pendant 114 jours.
Selon le certificat médical du 6 novembre 2012 (P. 141), K.J._ souffre de Lombosciatalgies, de sténoses artérielles et de douleurs thoraciques. L'atteinte lombaire n'est pas compatible avec un travail lourd. Il a été vu deux fois en 2012 par son médecin traitant qui lui prescrit une médication.
Le casier judiciaire de K.J._ mentionne une condamnation :
- 23 juin 2003, Tribunal criminel de la Côte, dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis pendant cinq ans pour entrave à l'action pénale. L'un des frères du prévenu avait tué son épouse et il avait aidé ce dernier à enfouir le corps.
2.
Les faits, qui ne sont pas contestés, sont les suivants:
2.1
Au début novembre 2009 à Bâle, K.J._ a acheté 700 grammes d'héroïne et 2 kilos de produits de coupage pour un montant de 14'000 fr., qui lui avaient été avancés.
2.2
A Bâle, entre la fin du mois de novembre et le 9 décembre 2009, le prévenu a obtenu 200 grammes d'héroïne pour un montant de 5'000 fr. auprès de T._. Quelques jours plus tard, il a rendu la marchandise et récupéré son argent, car la drogue était de mauvaise qualité.
2.3
Sur le trajet Corcelettes-Yverdon le 25 novembre 2009, le prévenu a facilité le transport de 50 grammes d'héroïne en dépassant volontairement B.V._ afin d'ouvrir la voie et de sécuriser ce convoi. Il n'a rien reçu pour ce service.
2.4
A Yverdon ou à Yvonand, au début décembre 2009, le prévenu a vendu 50 grammes d'héroïne à B._ pour 2'000 francs.
2.5
A Härkingen le 9 décembre 2009, jour de son arrestation, le prévenu s'est fait remettre entre 450 et 500 grammes d'héroïne et un kilo de produit de coupage par [...]. Il a ramené cette marchandise avec sa voiture et l'a déposée dans son appartement clandestin à Corcelettes. Elle lui avait été avancée.
2.6
A Corcelettes le 9 décembre 2009, lors de la fouille de l'appartement clandestin du prévenu, la police a découvert 846 grammes d'héroïne et 1'440 grammes de produit de coupage. Sur cette quantité, 599 grammes d'héroïne et 1'020 grammes de produit de coupage appartenaient au prévenu. Ils se trouvaient sous son lit. Le reste appartenait à B.V._ et se trouvait dans un coffre.
2.7
L'analyse de la drogue par l'Institut de police scientifique de l'université de Lausanne a révélé des taux de pureté oscillant entre 6,4 % et 37,6 % (P. 45). | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour le faire (art. 381 al. 1 CPP) et contre un jugement d'un tribunal ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
Le Ministère public invoque une violation de l'art. 47 CP et soutient que K.J._ doit être condamné à une peine privative de liberté de six ans.
3.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
Pour fixer la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, lorsqu'il fonde sa décision sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, lorsqu'il omet de prendre en considération des éléments prévus par cette disposition ou lorsqu'il a abusé de son pouvoir d'appréciation en fixant une peine exagérément sévère ou excessivement clémente (TF 6B_327/2011 du 7 juillet 2011 c. 2.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
En matière de trafic de stupéfiants, même si elle ne joue pas un rôle prépondérant, la quantité de drogue – à l’instar du degré de pureté de celle-ci – constitue un élément important pour la fixation de la peine, qui perd cependant de l’importance au fur et à mesure que s’éloigne la limite à partir de laquelle le cas est grave au sens de l’art. 19 ch. 2 litt. a LStup (ATF 122 IV 299 c. 2c). Le type et la nature du trafic en cause sont déterminants. Aussi l’appréciation sera-t-elle différente selon que l’auteur a agi de manière autonome ou comme membre d’une organisation. Dans ce dernier cas, tant la nature de sa participation que sa position au sein de l’organisation doivent être prises en compte. L’étendue géographique du trafic entre également en considération: l’importation en Suisse de drogue a des répercussions plus graves que le seul transport à l’intérieur des frontières. S’agissant d’apprécier les mobiles qui ont poussé l’auteur à agir, le juge doit distinguer le cas de celui qui est lui-même toxicomane et agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l’appât du gain (TF 6B_265/2010 du 13 août 2010 c. 2.3). Le comportement du délinquant lors de la procédure peut aussi jouer un rôle. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l’aveu ou de la bonne coopération de l’auteur de l’infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d’élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs (ATF 121 IV 202 c. 2d/aa; ATF 118 IV 342 c. 2d).
3.2
L'appelant reproche d'abord aux premiers juges d'avoir retenu globalement le taux de pureté le plus bas de 6,4%. Les premiers juges ont en effet retenu que le prévenu avait contribué à écouler plus de 1'400 grammes d'héroïne au taux le plus bas de 6,4%, soit 89 grammes de drogue pure, dépassant ainsi le seuil du cas grave fixé à 12 grammes (jgt, p. 16).
En réalité, si le prévenu a contribué à écouler plus de 1'400 grammes d'héroïne, son trafic a porté sur 1'600 grammes puisque les 200 grammes achetés puis restitués faute pour cette dernière quantité d'avoir été de bonne qualité doivent être ajoutés aux 1'400 grammes calculés par les premiers juges. Il résulte de l'analyse scientifique (P. 45) que le taux de pureté des 599 grammes d'héroïne retrouvée sous le lit du prévenu était de 37,6 pour le paquet de 99 grammes, de 35,8 pour le paquet de 249 grammes et de 36,2 pour le paquet de 251 grammes, soit en moyenne 36,5. Ainsi, la quantité de drogue pure représente pour la part de 599 grammes 218 grammes d'héroïne pure. Pour le reste de l'héroïne trafiquée, le taux de 6,4% peut être retenu, ce qui représente 1'000 grammes à 6,4%, soit 64 grammes de drogue pure.
Au total, la quantité de drogue pure trafiquée s'élève ainsi à 282 grammes (218 + 64), non pas à 89 grammes comme l'ont retenu les premiers juges.
Le moyen doit donc être admis.
3.3
L'appelant reproche ensuite aux premiers juges d'avoir retenu à décharge que le prévenu avait bien collaboré avec la justice.
Comme le retiennent les premiers juges, le prévenu a d'abord nié les faits durant ses trois premières auditions avant de les admettre mais de se rétracter en partie aux débats (jgt, p. 4). En l'occurrence, cette rétractation n'est pas anodine dans la mesure où elle concerne la plus grande quantité retenue, soit 700 grammes d'héroïne et 2 kilos de produit de coupage. Il est donc en effet exagéré de retenir une bonne collaboration. Seule une collaboration relativement modeste sera finalement retenue à décharge du prévenu.
Le moyen doit ainsi être admis.
3.4
L'appelant reproche enfin aux premiers juges d'avoir retenu à décharge le mauvais état de santé du prévenu en se fondant sur ses seules déclarations.
Aux débats d'appel, le prévenu a produit un certificat médical dans lequel il est fait état des problèmes de santé qu'il rencontre. Le médecin traitant a confirmé qu'il souffrait d'une atteinte lombaire et radiculaire incompatible avec un travail lourd.
Dès lors, l'état de santé du prévenu doit effectivement être pris en considération comme élément à décharge.
Le moyen doit donc être écarté.
3.5
Au vu de ce qui précède, il faut déterminer la peine qu'il convient d'infliger à K.J._.
En l'espèce, le prévenu s'est adonné à un trafic de stupéfiants qui a duré une quarantaine de jours seulement mais qui jouissait d'une certaine logistique et dont les quantités en cause sont importantes. En effet, le trafic a porté sur 1'600 grammes d'héroïne, étant précisé que la quantité de drogue pure trafiquée s'élève à 282 grammes, soit une quantité très largement supérieure à la limite de 12 grammes à partir de laquelle le Tribunal fédéral considère que le cas est grave. Les premiers juges ont par ailleurs fait peu de cas des 3 kilos de produit de coupage acquis, ce qui démontre pourtant que le trafic devait se développer et porter sur des quantités brutes d'héroïne très élevées, touchant autant de consommateurs de plus. Ensuite, le fait de vendre de la drogue coupée dénote une intention délictueuse intense et d'un certain professionnalisme. Le prévenu n'est pas toxicomane et ne peut pas faire valoir qu'il aurait agi pour assurer sa propre consommation. A charge toujours, il convient de tenir compte du rôle important joué par l'intimé, ce dernier ayant participé à chaque étape d'un trafic international, soit à l'achat, au coupage, à l'entreposage et à la vente de la drogue. De plus, le prévenu, qui passait pour un chef aux dires de B._ (PV audition 8, p. 2), avait mis en place une certaine infrastructure sous la forme d'un appartement utilisé comme base arrière ainsi que l'acquisition d'un matériel élaboré. On peut d'ailleurs s'étonner du fait qu'il ait été impliqué aussi vite dans ce trafic et avec une telle logistique. Enfin, il a déjà été condamné en 2003.
A décharge, il convient de tenir compte de la collaboration relativement modeste du prévenu, des regrets qu'il a exprimés et du fait qu'il semble avoir pris conscience de la gravité de ses actes quand bien même il est revenu sur une partie de ses déclarations lors des débats de première instance. Enfin, on prendra en considération son état de santé précaire.
Compte tenu de l'ensemble de ce qui précède, la culpabilité du prévenu doit être qualifiée de lourde. La peine de 36 mois infligée par les premiers juges est ainsi excessivement clémente, tandis que la peine de 6 ans demandée par le Ministère public est trop lourde. C'est ainsi une peine privative de liberté de quatre ans et demi qui paraît adéquate pour sanctionner le comportement répréhensible du prévenu. La question d'un sursis partiel ne se pose donc pas.
4.
En définitive, l'appel formé par le Ministère public est partiellement admis.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel sont mis à la charge de K.J._ qui succombe largement puisqu'il a conclu au rejet de l'appel (art. 428 al. 1 CPP).
Au vu des opérations effectuées en appel, il se justifie d'arrêter à
2'441 fr., TVA et débours compris, l'indemnité allouée au défenseur d'office de l'intimé. Ce dernier ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
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