id
stringlengths
3
248
text
stringlengths
433
1.85M
Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 2.djvu/596
{{tiret2|plu|me}} en oreillers, traversin, matelats, ''&c.'' les œufs & la chair en sont bons. Il faut choisir les plus grosses, & donner huit ou dix femelles à chaque mâle : on leur jette à manger le soir & le matin avec le reste de la volaille, & la même nourriture. Elles sont carnacieres, cependant elles ne font point de dégât : elles commencent ordinairement leur ponte en Mars, & la continuent jusqu’à la fin de Mai ; il faut alors les retenir sous le toît jusqu’à ce qu’elles ayent pondu : on employe souvent les poules à couver les œufs d’oie & de ''cane'', parce qu’elles sont plus assidues ; qu’une poule peut couver une douzaine d’œufs, & que la ''cane'' n’en sauroit guere couver que six : il faut trente-un jour de couvée pour faire éclorre les ''canetons'' ; on les éleve comme les poussins ; on ne les laisse sortir qu’au bout de huit à dix jours. On ne donne que six femelles à chaque mâle de ''canes'' d’Inde : leurs ''canetons'' s’élevent plus difficilement que les autres ; on ne leur donne dans le commencement que des miettes de pain blanc détrempées dans le lait caillé. Les mâles d’entre les ''canes'' d’Inde se mêlent souvent avec les ''canes'' communes, & il en vient des ''canes'' bâtardes qui sont assez grosses, & qui s’elevent bien. <section end="CANE"/> <section begin="CANÉE"/><nowiki/> {{sc|Canée}}, ({{sc|la}}) ''Géog.'' ville forte de l’île de Candie, avec un port. ''Long. 41. 43. lat. 35. 28''. <section end="CANÉE"/> <section begin="CANELLE"/><nowiki/> CANELLE, s. f. (''Botanique exotique.'') c’est la seconde écorce & l’intérieure d’un arbre qui ne croît plus que dans l’île de Ceylan. Les Hollandois sont parvenus à faire seuls le commerce de la ''canelle''. Les histoires anciennes ne nous fournissent pas d’exemples de nation, qui ait fait dans le commerce en aussi peu de tems un progrès pareil à celui des Hollandois, surtout au milieu des guerres étrangeres & des divisions domestiques. Plusieurs causes ont concouru à procurer aux Hollandois ce grand avantage ; la nécessité de se domicilier dans un terroir ingrat, d’y subsister par artifice, de défendre des prises sur mer, les formerent d’abord à de petites courses, ensuite à des armemens, enfin à la navigation, à la création de puissantes compagnies, & au commerce le plus étendu dans les quatre parties du monde. Aussi cette nation possede en ce genre des qualités très-essentielles : de ce nombre sont un génie né pour la pêche, une frugalité naturelle, un goût dominant pour l’épargne, pour le travail, & pour la propreté, qui sert à conserver leurs vaisseaux & leurs équipages. Ajoûtez-y leur industrie & leur perséverance à supporter les plus grandes pertes sans se rebuter. Par tous ces moyens ils établirent dans l’île de Java un second siége de leur empire, conquirent sur les Portugais d’un côté les îles Molucques, produisant seules le girofle, ''voyez'' {{EncL|Girofle|GIROFLE|G|7}} ; & de l’autre l’île de Ceylan, autrefois ''Taprobane'', seule féconde en ''canelle'', écorce précieuse, d’un goût admirable, thrésor de luxe & de commerce, qui de superflu est devenu nécessaire. Entrons dans les détails ; M. Geoffroi me fournira ceux de Botanique ; les Hollandois, éclairés sur cette matiere, m’en ont confirmé l’exactitude. ''Description de la canelle''. La ''canelle commune, cinnamomum'' des boutiques, est une écorce mince, tantôt de l’épaisseur d’une carte à joüer, tantôt de la grosseur de deux lignes : elle est roulée en petits tuyaux ou cannules, de la longueur d’une coudée, d’une demi-coudée, plus ou moins, d’un pouce de large le plus souvent ; d’une substance ligneuse & fibreuse, cassante cependant, dont la superficie est quelquefois ridée, quelquefois unie, de couleur d’un jaune rougeâtre, ou tirant sur le fer ; d’un goût acre, piquant, mais agréable, douceâtre, aromatique, un peu astringent, d’une odeur douce & très-pénétrante. L’arbre qui la produit est le ''cinnamomum, foliis latis,''{{DeuxColonnes}} ''ovalis, frugiferum'', Burm. ''Ther. Zeyl. pag. 62. tab. 27. laurus foliis oblongo-ovatis, trinerviis, nitidis, planis'', Linn. Hort. Cliffort, 154. ''Description du canellier''. La racine de cet arbre est grosse, partagée en plusieurs branches, fibreuse, dure, couverte d’une écorce d’un roux grisâtre en dehors, rougeâtre en-dedans, qui approche de l’odeur du camphre ; le bois de cette racine est solide, dur, blanchâtre, & sans odeur. Le tronc s’éleve à trois ou quatre toises, & il est couvert aussi bien que les branches qui sont en grand nombre, d’une écorce qui est verte d’abord, & qui rougit ensuite avec le tems : elle enveloppe le bois avec une petite peau & une croute grise ; son goût est foible lorsqu’elle est verte, mais douceâtre, acre, aromatique, & très-agréable lorsqu’elle est seche ; cette écorce récente, séparée de sa croûte qui est grise & inégale, enlevée en son tems, & séchée au soleil, s’appelle ''canelle ;'' le bois est dur intérieurement, blanc, & sans odeur. Les feuilles naissent tantôt deux à deux, tantôt seule à seule : elles sont semblables aux feuilles du laurier ou du citronier ; elles sont longues de plus d’un palme, lisses, luisantes, ovalaires, terminées en pointe : lorsqu’elles sont tendres, elles ont la couleur de foie ; selon qu’elles sont plus vieilles, plus seches, elles sont d’un verd foncé en-dessus, & d’un verd plus clair en-dessous, soûtenues d’une queue d’un demi-pouce, épaisse, cannelée, terminée par trois filets nerveux qui s’étendent tout le long de la feuille, saillans des deux côtés, d’où partent de petites nervures transversales : enfin elles ont le goût & l’odeur de la ''canelle'', caractere qui les distingue principalement de la feuille du ''malabathrum''. Les fleurs sont petites, étoilées, à six pétales, blanchâtres, & comme disposées en gros bouquet à l’extrémité des rameaux, portées sur des pédicules d’un beau verd, d’une odeur agréable, & qui approche de celle du muguet. Au milieu de la fleur est renfermé un petit cœur composé de deux rangs d’étamines, avec un pistil verd, noirâtre au sommet, qui se change en une baie ovalaire, longue de quatre ou cinq lignes, lisse, verte, d’abord, ensuite d’un brun bleuâtre, tachetée de pointes blanchâtres, fort attachées à un calice un peu profond, un peu épais, verd, partagé en six pointes. Elle contient sous une pulpe verte, onctueuse, astringente, un peu acre & aromatique, un petit noyau cassant, qui renferme une amande ovalaire, acre, presque de couleur de chair, ou de pourpre légere. Cet arbre naît, & ne se trouve présentement que dans l’île de Ceylan, où il seroit aussi commun dans les forêts & dans les haies, que le coudrier l’est parmi nous, si on n’avoit grand soin de l’arracher. Aussi ne le cultive-t-on que dans un espace d’environ quatorze lieues le long de la mer : mais cette petite étendue de pays en produit si abondamment, que sur le pié de la consommation de ''canelle'' qui se fait aujourd’hui, Ceylan en pourroit fournir aisément à quatre mondes comme le nôtre. Les ''canelliers'' doivent avoir un certain nombre d’années avant qu’on enleve leur écorce : suivant même le terroir, la culture, & l’espece, ils donnent la ''canelle'' plus ou moins promptement. Ceux qui croissent dans des vallées couvertes d’un sable menu, pur & blanchâtre, sont propres à être écorcés au bout de trois ans ; au lieu que ceux qui sont plantés dans des lieux humides & marécageux, profitent beaucoup moins vîte. Ceux qui sont situés à l’ombre des grands arbres qui leur derobe les rayons du soleil, parviennent aussi plus tard à la maturité ; il y a même quelque différence entre les écorces des uns & des autres. L’écorce des ''canelliers'' plantés dans des lieux humides & ombragés, a un peu plus le goût du {{tiret|cam|phre}}<section end="CANELLE"/> </div> </div>
Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/22
disons-le entre parenthèses, en ces tout derniers temps, éveiller de nouveau un intérêt assez vif en France). Et d’abord racontons en peu de mots la vie de Leroux aussi peu connue de nos jours que ses théories. Né à Paris en 1798 de parents pauvres, Pierre Leroux fit ses études d’abord au lycée Charlemagne, puis au lycée de Rennes ; enfin il entra à l’École polytechnique, il paraît n’y pas avoir terminé ses études, sa pauvreté l’ayant forcé à trouver quelque gagne-pain. Il essaya tour à tour plusieurs métiers, il fut même tailleur de pierres, puis ouvrier typographe, plus tard prote, enfin gérant d’une typographie{{corr||.}} Il ne devint, et ceci encore dans un but spécial, propriétaire d’une typographie que sur le tard de sa vie. Il se maria très jeune, perdit sa femme, se remaria, et devint ainsi père d’une double famille (il eut neuf enfants), se chargea en outre de ses frères, — qui eux aussi étaient toujours menacés par la misère et nombreux ; — (il fut un temps où Leroux dut subvenir à nourrir trente personnes)<ref> Lettre inédite à George Sand du 24 septembre 1854, datée de Jersey. Voir plus loin. </ref>. Et en même temps il s’adonnait constamment à différentes inventions compliquées. C’est ainsi par exemple qu’il travailla vers 1843-1844 à fabriquer un clavier à caractères d’imprimerie, surnommé le ''pianotype'', qui devait faciliter le travail de prote. Il n’est que trop clair qu’il gaspillait son argent et son temps à ces inventions, car, à défaut de fortune, n’étant pas en état de louer un forgeron ou un serrurier, très souvent, au lieu d’écrire ses livres ou d’imprimer ceux d’autrui, il se faisait serrurier lui-même et maniait et martelait les parties métalliques de sa « machine ». Bien souvent aussi il devait avoir recours à l’aide pécuniaire de ses amis. Il y eut, dans sa vie, mainte invention pareille, mainte entreprise fantastique dont il s’engouait pour des mois et des mois ; toutes se terminaient par l’insuccès, par la faillite et la misère. Pourtant à cette époque il n’était déjà plus un obscur ouvrier, mais bien un écrivain conscient de sa valeur et de sa vocation. Dès 1824 un de ses condisciples du lycée l’invita à participer à la rédaction du ''Globe'' ; ce journal, fondé <references/>
Stein - Les Architectes des cathédrales gothiques, Laurens.djvu/102
{{Numérotation|LES ARCHITECTES|96}}connu ; il apparaît en 1451 et décède en 1463 ; aucun travail considérable n’a été entrepris sous sa direction. Les arcs-boutants sont rares aussi dans le sud de la France ; on ne les rencontre guère que dans les monuments imités, à partir de la seconde moitié du {{s|xiii}}, de l’architecture du Nord (cathédrales de Vienne, Rodez, Narbonne, Clermont-Ferrand, Limoges, Bordeaux, etc.) ; dans certains cas les contreforts épais conservent plutôt l’aspect roman. Dans le département de l’Hérault, les églises de Clermont-l’Hérault (1273-1313) et de Valmagne (1257-{{s|xiv}}), toutes deux à trois nefs, sont de beaux spécimens d’architecture gothique, et leurs élégantes proportions rappellent ce qui se voit dans le nord de la France. La cathédrale de Clermont-Ferrand, dont les travaux commencèrent en 1248, possède un chœur consacré à l’extrême fin du {{s|xiii}}, et une nef construite entre 1340 et 1345 ; l’architecte primitif, qui y a été inhumé, fut un maître d’œuvre nommé ''Jean Deschamps'', originaire des provinces septentrionales ; l’architecte de la nef fut ''Pierre de Cébazat'', qui à la même époque a donné les plans de l’église du monastère voisin de la Chaise-Dieu. Il y a de sérieuses analogies entre la cathédrale de Clermont et celle de Limoges, laquelle est incontestablement conçue par un étranger au pays ; les travaux furent entrepris en 1273 et se continuèrent assez parallèlement. Mais aucun nom de maître d’œuvre n’a encore été relevé avant un certain ''Étienne le Maçon'', qui fonctionna de 1357 jusqu’à sa mort survenue en 1370: après lui on cite ''Jean''<references />
Spenlé - Novalis.djvu/211
{{nr||PHILOSOPHIE DE LA NATURE|203}} agitait là-dedans formaient, d’après le même auteur, « la mixture la plus étrange » de concepts scientifiques et de rêveries mystiques. « De jeunes hommes, que rebutaient la discipline rigoureuse d’un enseignement philosophique comme aussi toute activité scientifique méthodique, s’accommodaient à merveille de ces jeux d’esprit, qui leur procuraient, sans beaucoup de peine, des idées en grand nombre. »<ref>Steffens. {{lang|de|Was ich erlebte}}. op. cit. T. 4, p. 90-91. Sur la méthode de Ritter on peut lire un article, rédigé sans doute par un de ses disciples, dans l’« Allgemeine literarische Zeitung » de Halle, Année 1805, 25 novembre. Pour les renseignements biographiques, voir Schubert (Gott, Heinrich von) Selbstbiographie, Erlangen, 1855. Tome 2, p. 386 et suiv.</ref> Ce sont ceux, dit Steffens, qui plus tard se firent les lecteurs les plus assidus des {{erratum|récits|écrits}} de Novalis. Vraisemblablement c’est aux mêmes agitations, plus ou moins occultes, que fait allusion Schubert, disciple et ami de Ritter (dont il adopta plus tard la fille) lorsqu’il parle d’un groupe de naturalistes mystiques, qui se réunissaient dans les environs d’Iéna, (Ritter habitait une maison de campagne à Belvédère), et où on pratiquait le magnétisme animal, la télépathie, la communication de la pensée, etc. « La plupart de ces phénomènes », ajoute-t-il, « se produisaient dans des moments d’exaltation religieuse ou avaient coutume d’affecter ce caractère. »<ref>{{lang|de|Schubert, Ansichten von der Nachtseite der Naturwissenschaft}}. — 1808. — p. 339 et p. 353.</ref> Solger, qui fut en 1801 un des auditeurs assidus de Schelling à Iéna, observait les mêmes symptômes parmi la jeunesse de son temps. Le diagnostic qu’il établit de ce naturalisme néo-mystique, s’il ne s’applique pas exclusivement au groupe des physiciens religieux qui entouraient Ritter, définit cependant très nettement, quoique d’un point de vue hostile, toutes les tendances similaires. Il s’agissait, dit-il « de transposer les lois et les activités de la nature dans l’ordre spirituel et moral et de fonder ainsi la morale sur la physique. Cette illusion dangereuse, qui ne mène qu’aux aberrations de la magie et qui fausse la connaissance de la nature pour l’employer à des fins de ce genre, est un {{tiret|symp|tôme}} <references/>
Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 82.djvu/374
peu importans, et il s’y était bien vite distingué de ses rivaux. Malgré l’éclat de sa précoce renommée, il se trouvait cette fois perdu dans la foule. Si légitime que fût son ambition d’en sortir et de marcher de pair avec les premiers, il était trop clairvoyant pour ne pas sentir tout ce qui lui manquait encore avant de se mesurer avec eux. Il s’appliqua donc courageusement à se fortifier dans cette science des formes humaines que, par l’étude du nu et par l’anatomie, les Florentins avaient déjà poussée à la perfection. Les modèles féminins qu’il pouvait désormais se procurer lui offraient des ressources nouvelles pour lui et que l’Ombrie lui aurait toujours refusées. Que d’enseignemens il allait aussi trouver dans les œuvres des sculpteurs ou des peintres ses devanciers! Sans aucune hésitation, ses instincts d’artiste et son bon sens pratique le guident sûrement dans les voies de progrès les plus prochaines. Aucun changement brusque dans ses allures ; il ne songe pas plus à renier son passé qu’à se laisser enchaîner par lui. De ce qu’il a déjà acquis, il garde ce qui mérite d’être conservé, mais il veut étendre ses conquêtes. Ainsi que l’a justement remarqué M. Ch. Clément, « génie plus intelligent que créateur, il se transforme sans parti-pris, à mesure que l’âge et les circonstances modifient ses impressions;., et dans un milieu nouveau, il se laisse pénétrer par de nouvelles influences. » A Florence, ces influences s’offraient à lui nombreuses, pleines de séduction ; tour à tour il s’abandonne aux plus diverses, mais jamais il ne se livre tout entier. Nous le voyons continuer sans relâche la production des tableaux religieux qui ont commencé sa réputation ; mais il arrive graduellement à donner plus d’ampleur et de mouvement, une expression de vie plus intense à ces figures de vierges dont la ''Belle jardinière'' et la ''Vierge du grand-duc'' demeurent pour la période florentine les types accomplis. En même temps que les productions de l’artiste sont de plus en plus goûtées, son savoir-vivre, sa bienveillance et sa distinction le font apprécier de ses confrères. Dans leurs ateliers fréquentés alors par la société la plus polie, il sait tenir sa place. Il y rencontre les esprits cultivés de ce temps, des hommes du monde, des lettrés qui l’initient à toutes les nobles curiosités, et des patrons, tels que ce Taddeo Taddei, qui, gagné par sa bonne grâce, lui offre chez lui l’hospitalité la plus cordiale. Avec un tact exquis, Raphaël justifie toutes les faveurs, toutes les affections dont il est l’objet. Le voilà bientôt très en vue, et les portraits qu’on lui demande lui fournissent, avec les modèles qui posent devant lui, l’occasion d’étudier la nature d’une manière plus suivie qu’il n’a fait jusqu’alors. Ce séjour à Florence est d’ailleurs coupé par des excursions aux environs, à Urbin sa chère patrie, à Pérouse où, dans la fresque de San-Severo <references/>
Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 51.djvu/368
de la Jeune-Syrie n’en est pas moins incontestable, il faut même ajouter : très ardent. Toutes ces qualifiés et tous ces mérites se tempèrent de défauts très graves, défauts que les Syriens partagent avec les autres Levantins. Mais, quoi qu’on puisse leur reprocher, on doit convenir que, chez eux, les principes essentiels de moralité restent saufs. Autant que les Juifs, et peut-être plus que les Hellènes, ils ont le culte de la famille. Ils sont riches d’enfans et, en général, fidèles époux. Les femmes surtout sont exemplaires. Un religieux, confesseur infatigable, me disait, un jour, en me parlant d’elles : « Ce sont des saintes, monsieur !... de véritables saintes. La perfection de quelques-unes nous humilie, nous autres prêtres ! Ah ! celles-là ne songent pas à l’adultère ! » — Et le bon religieux me disait encore, avec une pointe de gaîté rabelaisienne : « Comment voulez-vous qu’elles y pensent ? Elles ont des maris si ponctuels et si difficiles à contenter !... » Par-delà ces vertus bourgeoises, il y a, chez le Syrien de l’élite, une sentimentalité particulière, malaisée à définir avec des mots français, et qui lui poétise singulièrement l’amour, même conjugal. C’est un déconcertant mélange de chasteté et d’emportement sensuel, un lyrisme tantôt platonique et tantôt voluptueux qui s’exprime par les paroles de l’extase et de l’adoration, au point que le Bien-aimé et la Bien-aimée finissent par s’évanouir et se confondre avec l’Amour divin, comme dans le ''Cantique des cantiques''. Mais plutôt que de risquer une définition inexacte et incomplète, je préfère renvoyer le lecteur au roman<ref> ''Da’ad'', Paris, Eugène Fasquelle, 1908. </ref> que vient de publier M. Chékri Ganem, l’un des plus distingués écrivains que nous ait donnés la Syrie. En même temps que son livre inflige un victorieux démenti à nos ridicules préjugés sur la couleur locale orientale, il contient une étude copieuse et très fouillée d’un de ces cas de sentimentalité, que, seul, un homme de sa race pouvait traduire et transposer dans notre langue. L’auteur nous y raconte l’histoire d’une petite danseuse israélite, sœur adultérine d’un Chrétien qui, sans soupçonner, d’abord, le lien du sang qui les unit, en est éperdument amoureux. On sent tout de suite ce qu’il y a d’inquiétant dans un tel sujet : ce frère qui est aussi un amant, cette sœur qui, même avertie, continue à aimer le fils de son père et qui l’aime avec <references/>
Rolland Clerambault.djvu/284
des cœurs opprimés frissonnèrent d’espoir. Et dans chaque pays, plus d’un prépara sa cognée. Quant aux classes dirigeantes, d’un bout de l’Europe à l’autre, dans les deux camps ennemis, elles se hérissèrent contre le danger commun. Il n’était pas besoin de négociations entre elles pour s’entendre là-dessus. Leur instinct avait parlé. La presse des bourgeoisies ennemies de l’Allemagne donnait tacitement carte blanche au Kaiser, pour étrangler la Liberté russe, qui menaçait l’injustice sociale, dont toutes également vivaient. Dans l’absurdité de leur haine, elles cachaient mal leur joie de voir le militarisme prussien — le monstre qui devait ensuite se retourner contre elles — les venger de ces grands révoltés. Et naturellement, elles attisaient ainsi, dans les masses qui souffraient et chez le petit nombre d’esprits indépendants, l’admiration pour ceux qui tenaient tête à l’univers, — pour les Excommuniés. La chaudière bouillait. Pour l’arrêter, les gouvernements d’Europe l’avaient hermétiquement bouchée et s’asseyaient dessus. La stupide bourgeoisie dirigeante, en entretenant le feu, s’étonnait des grondements sinistrés. Elle attribuait la révolte des Éléments au mauvais esprit de quelques francs parleurs, à de mystérieuses intrigues, à l’or de l’ennemi, aux pacifistes. Et elle ne voyait point — ce qu’un enfant aurait vu — que la première chose à faire pour empêcher l’explosion était d’éteindre le feu. Le dieu de tous les pouvoirs, quelle que fût leur étiquette, empires ou républiques, était le poing, la Force, gantée, masquée <references/>
Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/761
mais il est certain qu’elles ne la possedent pas dans un fort grand degré, & qu’elles ne comparent leurs idées que par rapport à quelques circonstances sensibles attachées aux objets mêmes. Pour ce qui est de la puissance de comparer qu’on observe dans les hommes, qui roule sur les idées générales & ne sert que pour les raisonnemens abstraits, nous pouvons assûrer probablement qu’elle ne se rencontre pas dans les animaux. Il n’y a rien que l’esprit humain fasse si souvent, que des ''comparaisons :'' il compare les substances avec les modes ; il compare les substances entre elles, & les modes entre eux ; il s’applique à démêler ce qu’ils ont de commun d’avec ce qu’ils ont de différent, ce qu’ils ont de liaison d’avec ce qu’ils ont de contrariété ; & par tous ces examens il tâche de découvrir les relations que les objets ont entre eux. Toute ''comparaison'' roule pour le moins sur deux objets ; & il faut 1° que ces objets que l’on compare existent, ou puissent exister : car l’impossible ne se conçoit pas, & si on le concevoit, il ne seroit pas impossible : 2° il faut avoir l’idée de l’un & de l’autre, sans quoi l’esprit ne sauroit ce qu’il fait quand il les compare : 3° appercevoir ces deux idées d’un seul coup, & se les rendre présentes en même tems. Quand on compare, par exemple, deux pieces de monnoie, ou on les regarde l’une & l’autre d’un seul coup d’œil, ou l’on conserve l’idée de la premiere qu’on a vûe, & on la consulte dans le tems qu’on jette les yeux sur la seconde ; car si l’on n’avoit plus d’idée de cette premiere, il ne seroit pas possible de décider si elle est égale à la seconde, ou si elle en differe. Deux objets nous peuvent être présens en même tems, sans que nous les comparions : il y a donc un acte de l’esprit qui fait la ''comparaison ;'' & c’est cet acte qui constitue l’essence de ce qu’on appelle ''relation, rapport,'' lequel acte est tout entier chez nous. Comme en comparant des objets ensemble, il regne entre eux divers rapports de figure, d’étendue, de durée, & d’autres accidens, on se sert de ces rapports en qualité d’images & d’exemples pour illustrer ses pensées, soit en conversation, soit par écrit : mais il ne faut pas leur donner une valeur plus étendue, ni prendre les similitudes pour des identités ; ce seroit une source féconde d’erreurs & de méprises, dont on doit d’autant plus se garder, que nous sommes naturellement disposés à y donner notre acquiescement. Il est commode à l’esprit humain de trouver dans une idée familiere, l’image ressemblante d’un objet nouveau : voilà pourquoi ces images qui roulent sur les rapports lui plaisent ; & comme il les aime, parce qu’elles lui épargnent du travail, il ne se fatigue pas à les examiner, & il se persuade aisément qu’elles sont exactes. Bien-tôt il se livre aux charmes de cette idée, qui ne peut cependant tendre qu’à gâter le jugement, & à rendre l’esprit faux. Quelquefois même ce goût à chercher des rapports de ressemblance, fait qu’on en suppose où il n’y en a point, & qu’on voit dans les objets tout ce que l’imagination présente. Mais quand on ne supposeroit rien, quand ces ressemblances existeroient, quelque exactes qu’elles puissent être entre deux objets de différente espece, elles ne forment point une identité ; elles ne concluent donc rien en matiere de raisonnement. C’est pourquoi la Logique abandonne les images, les ressemblances, à la Rhétorique & à la Poésie, qui s’en sont emparées sous le nom de ''comparaisons,'' pour en faire le plus brillant usage, ainsi qu’on le verra dans l’article suivant. ''Cet article est de M. le Chevalier'' {{sc|de Jaucourt}}. {{sc|Comparaison,}} s. f. (''Rhét. & Poés.'') figure de Rhétorique & de Poésie, qui sert à l’ornement & à{{DeuxColonnes}} l’éclaircissement d’un discours ou d’un poëme. Les ''comparaisons'' sont appellées par Longin, & par d’autres rhéteurs, ''icones,'' c’est-à-dire images ou ressemblances. Telle est cette image, ''pareil à la foudre, il frappe,'' &c. ''il se jette comme un lion,'' &c. Toute ''comparaison'' est donc une espece de métaphore. Mais voici la différence. Quand Homere dit qu’''Achille va comme un lion,'' c’est une ''comparaison ;'' mais quand il dit du même héros, ''ce lion s’élançoit,'' c’est une métaphore. Dans la ''comparaison'' ce héros ressemble au lion ; & dans la métaphore, le héros est un lion. On voit par-là que quoique la ''comparaison'' se contente de nous apprendre à quoi une chose ressemble, sans indiquer sa nature, elle peut cependant avoir l’avantage au-dessus de la métaphore, d’ajoûter, quand elle est juste, un nouveau jour à la pensée. Pour rendre une ''comparaison'' juste, il faut 1° que la chose que l’on y employe soit plus connue, ou plus aisée à concevoir, que celle qu’on veut faire connoître : 2° qu’il y ait un rapport convenable entre l’une & l’autre : 3° que la ''comparaison'' soit courte autant qu’il est possible, & relevée par la justesse des expressions. Aristote reconnoît dans sa rhétorique, que si les ''comparaisons'' sont un grand ornement dans un ouvrage quand elles sont justes, elles le rendent ridicule quand elles ne le sont pas : il en rapporte cet exemple ; ''ses jambes sont tortues ainsi que le persil.'' Non-seulement les ''comparaisons'' doivent être justes, mais elles ne doivent être ni basses, ni triviales, ni usées, ni mises sans nécessité, ni trop étendues, ni trop souvent répétées. Elles doivent être bien choisies. On peut les tirer de toutes sortes de sujets, & de tous les ouvrages de la nature. Les doubles ''comparaisons'' qui sont nobles & bien prises, font un bel effet en Poésie ; mais en Prose l’on ne doit s’en servir qu’avec beaucoup de circonspection. Les curieux peuvent s’instruire plus amplement dans Quintilien, ''liv. V. ch. ij. & liv. VIII. ch. iij.'' Quoique nous adoptions les ''comparaisons'' dans toutes sortes d’écrits en Prose, il est pourtant vrai que nous les goûtons encore davantage dans ceux qui tracent la peinture des hommes, de leurs passions, de leurs vices, & de leurs vertus. ''Art. de M. le Chevalier'' {{sc|de Jaucourt.}} {{Ancre+|Comparaison d’Ecritures|fmt=sc}}, (''Jurispr.'') est la vérification qui se fait d’une écriture ou signature dont on ne connoît pas l’auteur, en la comparant avec une autre écriture ou signature reconnue pour être de la main de celui auquel on attribue l’écriture ou signature contestée. C’est une des preuves que l’on peut employer pour connoître quel est le véritable auteur d’une écriture ou signature : car la vérification peut en être faite en trois manieres ; savoir par la déposition des témoins qui attestent avoir vû faire en leur présence l’écriture dont il s’agit ; ou par la déposition de témoins qui n’ont pas à la vérité vû faire l’écrit, mais qui attestent qu’ils connoissent que l’écriture & signature est d’un tel, pour l’avoir vû écrire & signer plusieurs fois ; & enfin la derniere sorte de preuve que l’on employe en cette matiere, est la déposition des experts, qui après comparaison faite des deux écritures, déclarent si elles leur paroissent de la même main, ou de deux mains différentes. La ''comparaison d’écritures'' est usitée, tant en matiere civile qu’en criminelle. L’usage de cette preuve en matiere civile est fort ancien ; il en est parlé en quelques endroits du code & des novelles. Comme on admettoit pour pieces de ''comparaison'' des écritures privées, Justinien ordonna d’abord par la loi ''comparationes, ch. de fide instrum.'' qu’on se<section end="COMPARAISON"/> </div> </div>
Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/343
se tuer en franchissant haies et fossés. Les mouvements irréguliers et la disparition de ces petits corps, aussi bien que la confusion occasionnée par ceux qui cherchaient à passer tout droit, et, bien qu’inutilement, à fendre les rangs des montagnards malgré leurs malédictions, leurs jurements et leur résistance, contrastaient d’une manière pittoresque et bizarre avec l’ordre qui s’organisait dans l’armée. Tandis que Waverley contemplait à loisir ce singulier spectacle, que rendaient plus imposant encore les coups de canon tirés de temps à autre du château sur les sentinelles montagnardes, quand elles passaient aux environs pour rejoindre le corps principal, Callum, avec sa liberté ordinaire, lui rappela que le clan de Vich-Jan-Vohr se trouvait presque en tête de la colonne qui était encore éloignée, et « qu’on irait bon train une fois le canon tiré. » Waverley doubla donc le pas, mais non sans jeter souvent les yeux sur les masses sombres de guerriers réunies en face et au-dessous de lui. Mais de plus près, l’armée présentait peut-être un aspect moins imposant que lorsqu’on l’apercevait de loin. Les premières lignes de chaque clan étaient armées de sabres, de targes, de fusils ; tous avaient des poignards, presque tous des pistolets. Mais c’étaient des gentilshommes, c’est-à-dire des parents du chef, plus ou moins éloignés, et qui avaient droit à son appui et à sa protection. On n’eût pas choisi dans les armées d’Europe des hommes mieux faits et plus résolus ; habitués à vivre libres et indépendants, toutefois si dociles aux commandements du chef, et combattant d’après une tactique particulière aux montagnards, ils étaient aussi formidables par leur fermeté et leur courage individuel, que par leur intime conviction qu’il fallait agir de concert et donner à leur mode d’attaque national la plus grande chance de succès. Mais aux derniers rangs se trouvaient des soldats moins bien équipés, les paysans des montagnes : quoiqu’ils ne pussent supporter ce nom et qu’ils prétendissent souvent, avec une apparence de raison, que leurs familles étaient plus anciennes que celles des maîtres qu’ils servaient, ils portaient toutefois la livrée d’une extrême misère, étaient mal équipés et plus mal armés, presque nus, petits et laids. Chaque clan considérable avait à sa suite un certain nombre de ces ilotes. Ainsi les Mac-Couls, quoique descendants de Comhal, père de Finn ou Fingal, étaient une sorte de Gabaonites ou serviteurs héréditaires pour les Stuarts <references/>
Luzel - Gwerziou Breiz-Izel vol 2 1874.djvu/450
<poem> Le seigneur Le Glazon disait À son garçon d’écurie, cette nuit-là : — Attelle-moi mon carosse, Afin que j’aille au Glazon, cette nuit. Le seigneur Le Glazon demandait, En arrivant au manoir ''Ar Glaz'' : — Bonjour et joie à vous tous, dans cette maison, Qu’y a-t-il de nouveau ici ? Pourquoi personne ne vient-il me saluer ? Anne Lucas, où est-elle ? Et ses dix-huit frères répondirent, Au seigneur Le Glazon, quand ils l’entendirent : — Anne Lucas est allée en prison, Allez, vite, la chercher à Rennes. — Je n’irai pas seul la chercher. Vous viendrez avec moi, mes dix-huit frères. Anne Lucas demandait À la geôlière, ce jour là : — Qu’y a-t-il donc de nouveau en ville ? La prison tout entière tremble. À Anne Lucas, quand elle l’entendit : — Anne Lucas, consolez-vous, C’est Le Glazon qui vient vous chercher ; C’est Le Glazon qui vient vous chercher, Et avec lui dix-neuf carrosses accoutrés. Le seigneur Le Glazon demandait En arrivant dans la ville de Rennes : — Bonjour et joie à vous tous dans cette ville, Où est la prison ici ? Où est ici la prison Dans la quelle se trouve Anne Lucas ? Au seigneur Le Glazon, quand elle l’entendit : — {{corr|Aune|Anne}} n’est pas dans la prison. Il fallait faire honneur au Glazon ; Anne n’est pas dans la prison, Car elle est dans une chambre, avec mes filles ; Car elle est dans une chambre, avec mes filles ; Il fallait faire honneur au Glazon. </poem> <references/>
Crawford - Insaisissable amour, av1909.djvu/171
Elle cacha son visage dans ses mains et Totty l'embrassa affectueusement sur la tête. Son visage était rayonnant de joie, car elle sentait que la journée avait été bonne. Après son aveu, Mamie se mit à suivre aveuglément les conseils de sa mère pour arriver à conquérir le cœur de George. « Les hommes ont horreur d’être ennuyés, dit un jour Totty. Et on les ennuie très facilement, ma chérie. Ils aiment à ce qu’on fasse tout pour eux, mais leur satisfaction est amoindrie, s’ils s’aperçoivent que c’est spécialement pour eux. Les hommes ont un immense fond de traditions à soutenir, et ils les soutiennent en conservant autant que possible les apparences. Ils sont tous supposés braves, forts, honorables, endurants, et généreux, ils sont supposés ne jamais sentir la chaleur, dont, nous, nous souffrons, et ne jamais attraper de rhumes comme nous. Une partie de leur rôle est de n’avoir jamais peur de rien, et beaucoup sont plus timides que nous. Je ne veux pas dire que ce cher George n’ait pas toutes les qualités qu’un homme doit avoir. Loin de là. C’est même le garçon le plus accompli que j’aie jamais connu. Mais il ne tient pas à ce qu’on le remarque. Il veut qu’on le tienne pour dit. Voilà tout. Il serait désolé qu’on pensât qu’il pût jamais être ennuyé par toi ou par moi, mais pourtant il est convaincu que nous savons qu’il pourrait l’être, et il compte sur notre tact pour le laisser seul quelquefois, même pendant toute une journée. Il sera beaucoup plus content de nous revoir la première fois que nous le rencontrerons, et le prouvera en se donnant beaucoup plus de peine pour se rendre agréable. Il n’est pas vrai que si on se sauve, les hommes vous suivent. Ils sont beaucoup trop in- <references/>
Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/660
filleuls, qui avaient commencé, en entrant dans la vie, par saigner sa cave, car il était tenu de fournir le vin et l’eau-de-vie aux accouchées, dont c’était le meilleur remède, et d’arroser abondamment les fêtes du baptême. Les Gaspé et tous les seigneurs qu’ils connaissaient avaient été élevés dans le respect de leurs censitaires. On n’était pas encore éloigné du temps où les surprises des Indiens et les attaques des Anglais avaient établi entre tous les colons, nobles et paysans, la plus solide des fraternités, la fraternité militaire. Et cette aristocratie terrienne avait pour principe d’attendre patiemment les arrérages et de ne jamais poursuivre un cultivateur. ''Jean-Baptiste'', le ''Jacques'' du Canada, se présentait au mois de novembre chez son seigneur : « Je viens vous payer mes rentes, mon lieutenant, lui disait-il ; mais les temps sont si durs que je n’ai pas d’argent. » Le lieutenant, une longue plume d’oie fichée à l’oreille et son épée posée devant lui sur une table recouverte de drap vert, foudroyait d’une citation latine le censitaire qui se grattait la tête, et l’envoyait à la cuisine où une rasade d’eau-de-vie le consolait de sa pouliche morte au printemps. Le seigneur devait aussi, les jours de grande fête, héberger ses ''habitans'' ; et on l’eût accusé de lésinerie, si la table, à la fin du repas, n’avait pas été aussi encombrée de mets qu’au commencement. On vivait bien dans les manoirs du Canada. M. de Gaspé nous décrit complaisamment la salle à manger de ses parens, avec son tapis de laine à carreaux, ses tentures de laine aux couleurs vives et l’immense buffet qui montait jusqu’au plafond, et dont les barres transversales soutenaient un service en vaisselle bleue de Marseille. La porcelaine de Chine, le dessert, les carafes de vin blanc étaient rangés sur une table près du buffet. A un des angles de la pièce, une fontaine de faïence, en forme de baril, servait aux ablutions. A un autre angle, des flacons carrés garnissaient un cabaret de liqueurs. Sur la table, où le couvert était disposé, on commençait seulement à adopter l’usage des couteaux. Jusque-là, chacun apportait le sien, dans sa poche, s’il était à ressort, et, si c’était un couteau-poignard, suspendu à son cou dans une gaine de soie, de maroquin ou d’écorce de bouleau travaillée par les Sauvages. Le couteau des hommes avait d’ordinaire un manche d’ivoire ; celui des dames, un manche de nacre. On conserva longtemps, en guise de verres, des gobelets d’argent dorés à l’intérieur et qui <references/>
Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/207
Orléans ; ou bien, il ira se placer à la tête des armées à l’ouest de Versailles, et de là il menacera et Versailles et Paris. Ou bien encore il fuira vers la frontière de l’Est et attendra là-bas l’arrivée des armées allemandes et autrichiennes que les émigrés lui promettent. Toutes sortes d’influences s’entre-croisent ainsi au château : celle du duc d’Orléans qui rêve de s’emparer du trône après le départ de Louis, celle de « Monsieur » — le frère de {{roi|Louis|XVI}}, qui eût été enchanté si son frère, ainsi que Marie-Antoinette, à laquelle il en voulait personnellement, eussent pu disparaître. Depuis le mois de septembre, la Cour méditait une évasion, mais si l’on discutait tous les plans, on n’osait s’arrêter à aucun. Il est fort possible que {{roi|Louis|XVI}} et surtout sa femme rêvaient de refaire l’histoire de {{roi|Charles|Ier}}, et de livrer un combat en règle au parlement, mais avec plus de succès. L’histoire du roi anglais les hantait : on affirme même que l’unique livre que {{roi|Louis|XVI}} fit venir de sa bibliothèque de Versailles à Paris, après le 6 octobre, était l’histoire de {{roi|Charles|Ier}}. Cette histoire les fascinait ; mais il la lisaient, comme les détenus en prison lisent un roman policier. Ils n’en tiraient aucun enseignement sur la nécessité de céder à temps ; ils se disaient seulement : « Ici, il fallait résister ; là, il fallait ruser ; là encore il fallait oser ! » N’est-ce pas ainsi que le tsar russe lit aujourd’hui l’histoire de {{roi|Louis|XVI}} et celle de {{roi|Charles|Ier}} ?... — Et ils faisaient des plans que ni eux-mêmes ni leur entourage n’avaient la hardiesse de mettre à exécution. La Révolution les fascinait de son côté : ils voyaient le monstre qui allait les engloutir, et ils n’osaient ni se <references/>
Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 10.djvu/964
rapide, ce qui donne à croire que, malgré son âge, qui d’ailleurs n’est pas encore avancé, sa constitution est restée vigoureuse et saine. Il y a aujourd’hui toute raison d’espérer que son règne aura une durée normale, et c’est ce que tout le monde désire en Angleterre et au dehors : on attribue, en effet, à Edouard VII des tendances conciliantes et sages qui, dans les limites de ses pouvoirs constitutionnels, peuvent s’exercer avec efficacité pour le bien de son pays et pour le repos du monde. Quant au couronnement lui-même, il n’intéresse que les Anglais. La fête n’a pas eu tout l’éclat qui l’aurait entourée quelques semaines auparavant, si la maladie du roi n’était pas venue l’ajourner ; les missions étrangères n’y figuraient plus, et enfin il y a de certains frais qu’on ne peut pas renouveler deux fois ; mais la cérémonie, pour être plus intime, n’en a été que plus touchante. On a su gré au roi de l’effort de volonté qu’il avait fait pour que son couronnement eût lieu sans même attendre sa guérison complète. On a constaté avec joie qu’il avait repris les apparences de la santé. Le manifeste qu’il a adressé à son peuple a produit une émotion vive et profonde. Aussi les acclamations populaires ont-elles éclaté sur son passage avec un véritable enthousiasme. Sans doute, le couronnement d’Edouard VII ne change rien à rien ; mais les Anglais tiennent passionnément à toutes leurs vieilles traditions, et, après les inquiétudes pénibles qu’ils ont traversées, mêlées d’espoirs et de découragemens, ils regardent volontiers ce dénouement comme une sorte de succès. C’est une impression que le roi partage sans doute lui-même. En Europe, et notamment en France, l’opinion s’est associée en toute sincérité et cordialité à la satisfaction qu’éprouvait l’Angleterre. Les journaux ont rendu compte très longuement et très sympathiquement de tous les détails de la fête. On a senti que les deux peuples, lorsqu’une politique maladroite ne mettait pas leurs intérêts en conflit, n’avaient que de bons sentimens l’un pour l’autre et qu’ils étaient prêts à se réjouir mutuellement de ce qui leur arrivait d’heureux. <references/>
Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/289
{{tiret2|l’é|mailleur}} : ne devroit-elle pas exciter les artistes à placer dans leurs ''fourneaux'', à diverses distances le l’aliment du feu, des vaisseaux contenant des matieres qui pourroient leur donner de nouvelles lumieres sur son action ? Nous n’avons point examiné si le feu étoit plus fort par la structure des ''fourneaux'', qu’avec plusieurs soufflets. On ne trouve point de comparaison là-dessus dans les auteurs, qui la plûpart ont dit oüi & non. Je crois qu’il n’est pas nécessaire d’avertir que, si les soufflets ne peuvent donner un feu plus violent que celui que donne le ''fourneau'' de M. Pott par sa structure, il s’ensuit qu’il faut s’en tenir à cette derniere ; elle épargne les soufflets & leur embarras. Mais les figures elliptiques & paraboliques n’ont pas été seulement appliquées aux ''fourneaux'', Gauger en a encore fait usage pour ses cheminées ; il en a fait les jambages paraboliques, ou en quart d’ellipse, parce qu’il n’est question d’y refléchir la chaleur que vers leur partie inférieure, afin qu’elle entre dans la chambre : ainsi elles different des ''fourneaux'', en ce que ceux-ci contenant le vaisseau qui doit subir l’action du feu, ils peuvent être coniques ou elliptiques par le bas, pour refléchir la chaleur vers leur milieu. Ce n’est pourtant pas qu’il n’y en ait aussi dans le goût des cheminées, c’est-à-dire de paraboliques seulement par le haut ; mais ils ne doivent pas être aussi bons par les raisons que nous avons alléguées, quoique l’air pousse le feu en haut & supplée en quelque sorte aux fonctions des courbes. Mais le tuyau des cheminées de Gauger est trop large ; son contre-cœur devroit être parabolique comme ses jambages, sans qu’on pût craindre la fumée. Ses cheminées sont imitées en quelque sorte dans les cheminées à la ''Nanci'', qui sont en tôle & qu’on dit ne pas fumer ; ce que je crois volontiers. Leur tuyau est bien en ce qu’il n’a guere qu’un demi-pié de long sur quatre ou cinq pouces de large : mais si elles ont cet avantage sur celles de Gauger, en revanche elles ne sont pas si bien par le devant, qui fait une hotte à-peu-près parabolique comme les côtés. Ce devroit être le derriere ; il est vrai qu’elles n’auroient pas tant de grace, mais ce qui est bon doit être beau. Les jambages paraboliques de Gauger empêchent encore la fumée conjointement, avec ses ventouses & son soufflet ; on pense bien que c’est parce que cette fumée est concentrée sur la flamme, & en est brulée en partie : c’est ce qui doit arriver dans les cheminées à la ''Nanci'', dont le tuyau est encore plus étroit ; & je crois que cette méthode doit être admise, parce que ces sortes de cheminées peuvent encore chauffer considérablement par leur tuyau, qu’il faut prolonger en tuyau de poêle. ''Généralités ultérieures''. Il faut que les corpuscules du feu dégagés de leur combinaison, passent à-travers les pores du fer, d’un poêle par exemple, tels qu’ils sortent à-peu-près du charbon ; car on voit sur un poêle & même sur un ''fourneau'', le même fourmillement dans l’air que sur un réchaud dont les charbons ou la braise sont à l’air libre. On peut s’assûrer de ce phénomene en fixant la vûe sur un mur blanchi, un peu au-dessus du foyer qu’on voudra examiner ; on apperçoit un fourmillement qui fait vaciller la vûe sur le mur, soit que la direction des rayons de lumiere qui en viennent soit troublée, ou que la vapeur qui en est la cause soit visible ou fasse cette illusion. De quelque façon que cela soit, on appelle ce phénomene ''fourmillement'', parce qu’il paroît que la sensation est la même à-peu-près que dans la maladie qui porte ce nom. Enfin qu’elle soit due ou à l’air, ou au feu, ou à une action particuliere de l’un & de l’autre, elle n’en existe pas moins, & elle est même plus visible, si le soleil éclaire l’endroit où l’on fait l’expérience. Tout le monde connoît l’effet{{DeuxColonnes}} qu’elle produit sur les spirales qu’on attache aux poêles ; mais il faut qu’un chimiste sache que l’air qui monte avec cette vapeur, est autant de perdu pour l’intérieur de ses ''fourneaux'' : cet inconvénient n’est jamais plus sensible que quand on en allume plusieurs les uns près des autres. Le feu y est en partie suffoqué, en conséquence de la raréfaction & de la legereté de l’air environnant. La chose a également lieu quand le soleil, sur-tout en été, éclaire l’endroit où le ''fourneau'' est situé. On retient l’air qui est entraîné par cette vapeur, en fermant la cheminée & n’y laissant que le tuyau du ''fourneau'', ensorte que tout l’air du laboratoire ne peut passer que par son soupirail. L’effet n’est pas toûjours le même de la part du même appareil, quoiqu’on gouverne le feu avec la même exactitude : ces différences viennent de celle de l’atmosphere : car comme il est vrai à n’en pouvoir douter que tout charbon est d’autant plus animé que l’air est plus dense & le frappe avec plus de rapidité, ce qui est prouvé par le vent des soufflets ; il est évident que le feu des ''fourneaux'' sera beaucoup moins actif lorsque le tems sera chaud & mou, & que l’air de l’atmosphere sera plus leger. Barner remédie à cet inconvénient d’après Keslar & Glauber, en mettant au soupirail de ses ''fourneaux'' une trompe qui descend dans la cave ; & Charas en construisant son ''fourneau'' près d’un puits, dans lequel il descend tout près de l’eau un pareil tuyau qui aboutit à son soupirail. Tout corps qui passe d’un milieu plus large dans un plus étroit, disent quelques physiciens, prend une accélération de mouvement ; & l’on croit expliquer par-là pourquoi une riviere est plus rapide quand son lit s’étrécit, & pourquoi l’air qui passe à-travers un ''fourneau'' acquiert une rapidité qu’il n’avoit pas. On croit aussi par la même raison que ces deux cas sont précisément les mêmes. Nous allons tâcher de faire voir que c’est, comme on dit, le feu & l’eau. En premier lieu, nous croyons qu’une riviere ne devient plus rapide quand son lit s’étrécit, que parce que l’eau ne pouvant plus couler avec la même facilité, s’arrête, s’éleve & retarde celle qui est derriere, laquelle étant aussi devenue plus élevée, a nécessairement plus de poids, & doit pousser avec plus de violence l’eau qui est devant elle. Peu importe que ce soit à une écluse, ou à un pont, ou dans son lit, la chose est la même ; & il faut croire qu’elle perd encore de cette rapidité par le frottement que M. Bouchu a découvert qu’elle éprouvoit en passant dans un canal étroit ; mais elle peut gagner du terrein en-dessus, au lieu que l’air ne peut pas faire la même chose dans un tuyau dont toutes les parois ne lui laissent aucune ressource pour s’étendre : l’eau d’ailleurs reste la même, & l’air se raréfie. En second lieu, s’entend-on bien quand on dit que l’air accélere son mouvement, parce qu’il passe d’un lieu plus large dans un lieu plus étroit ? Si l’on approche la main du tuyau d’un ''fourneau'' horisontal qui n’est point allumé, on n’y sent point d’air du tout ; cependant l’air n’est jamais tranquille, & on devroit le sentir sans feu comme avec du feu dans un ''fourneau''. Gauger n’a dû sentir l’air sortir du tuyau de cuivre de quatre pouces de diametre, que quand il l’a exposé au feu, & point avant. Je sens qu’on me répondra que rien ne détermine l’air à enfiler un tuyau froid, & qu’il faut pour cela le concours du feu : mais le tuyau de Gauger étoit cylindrique ; d’ailleurs m’étant trouvé devant le soupirail d’un grand ''fourneau'' anglois, j’ai senti l’air frais qu’il attiroit, & cet air n’avoit certainement pas passé d’un endroit plus large dans un plus étroit, car il n’étoit pas <section end="FOURNEAU"/> </div></div>
Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/169
ce que demandait Jolibois, tel était le rêve modeste de ce champion de la démocratie. Pendant que Jolibois marchait en conquérant sur la Trélade, M. Levrault était en proie à de cruelles perplexités. Il avait passé une mauvaise nuit et se préparait à passer une triste journée. Le soleil était déjà haut dans le ciel ; l’ombre des arbres s’accourcissait à vue d’œil, le vicomte n’avait point reparu. M. Levrault avait erré toute la matinée, comme une ame en peine, dans le sentier qui menait à la vicomté. Si Laure ne l’eût surveillé de près, il n’est pas douteux que le brave homme n’eût poussé jusqu’au pigeonnier de Gaspard. — Tu le vois, disait-il à sa fille d’un air consterné, le vicomte ne revient pas. On n’outrage pas impunément un Montflanquin ; le vicomte est perdu pour nous. — Soyez tranquille, mon père, le vicomte reviendra, répliquait Laure avec une assurance qui, depuis la veille, ne s’était pas un instant démentie. M. Levrault branlait la tête et pleurait dans son cœur le gendre envolé. Un gendre d’un si bon rapport et qui lui eût coûté si peu ! Après le déjeuner, il s’était retiré dans son appartement, autant pour échapper aux obsessions de Laure, qui ne se lassait pas de le harceler, que pour se livrer tout entier à l’amertume de ses reflexions. Laure avait tant fait que son père ne savait plus à quoi s’arrêter ; elle était revenue tant de fois à la charge, que la tête du grand industriel ressemblait à une arène où les pensées les plus contraires se choquaient, se heurtaient avec acharnement et s’entre-détruisaient comme des bêtes fauves. M. Levrault ne s’était jamais trouvé dans une position si critique ; disons le mot, il était aux abois. Il y avait des instans où il voyait Gaspard blanc comme neige, et il voulait aller le chercher ; il y en avait d’autres où ses yeux se dessillaient à demi, et il osait se demander tout bas si sa fille n’avait pas raison. Tantôt il s’emportait contre la calomnie qui ne respecte rien, frappait du poing les meubles et faisait voler au vent de sa colère les pans de sa robe de chambre ; tantôt, dans une attitude recueillie, il méditait sur tout ce que Laure lui avait révélé. Ainsi, comme un navire ballotté par les flots, parfois Gaspard touchait aux nues, parfois il était près de s’abîmer dans un gouffre sans fond : lutte terrible, silencieuse, qui n’avait que Dieu pour témoin, et dont M. Levrault faisait à lui seul tous les frais. — Non, non, c’est impossible, s’écria tout à coup l’ancien marchand de drap en conjurant par un geste souverain les fantômes qui l’assiégeaient ; jamais un Montflanquin n’a trompé personne, et d’ailleurs ce n’est pas un Levrault qu’on joue, qu’on mystifie comme un petit bourgeois. Je me connais en gentilshommes. Si Gaspard n’était pas tout ce qu’il paraît être, je n’aurais pas attendu qu’on vînt m’en instruire ; je <references/>
Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/521
électoral, commencent à leur paraître des moyens tout aussi sûrs, quoique moins violens. Ils s’habituent, avant de prendre un parti, à en calculer les conséquences. Ils ne se lancent plus étourdiment dans la destruction d’une forme de gouvernement, sans se demander ce qu’ils mettront à la place. Ils comprennent le jeu des partis, ces transactions, ces concessions mutuelles, ces réunions et ces séparations successives, qui font la vie des nations libres. Les divergences qui auraient été pour eux, dans d’autres temps, des questions de gouvernement ou de dynastie, se rapetissent peu à peu, et sont déjà bien près de n’être plus que de simples questions ministérielles. On apprend à attendre, à se ménager, on n’est plus si près de se dévorer au moindre dissentiment. Les amis de l’ordre apprennent qu’il est conciliable avec la liberté, et les amis de la liberté, qu’elle est conciliable avec l’ordre. Il se forme peu à peu un grand parti monarchique constitutionnel, et mieux qu’un grand parti, une nation. Ce spectacle est d’autant plus consolant, que les Espagnols sont dignes de la liberté ; ils l’ont prouvé dans l’occasion récente. Nous, Français, si justement fiers d’une plus longue pratique du gouvernement libre, aurions-nous pu nous flatter de donner l’exemple qu’ils viennent de donner ? Supposons qu’un homme, un soldat, investi parmi nous du prestige militaire qui environne en Espagne Espartero, eût bombardé la seconde ville du royaume et menacé du même sort quiconque eût entrepris de lui résister, se serait-il trouvé dans le pays et assez d’énergie pour vaincre cet homme par les armes légales, et assez de sang-froid pour attendre de ces armes seules une juste réparation ? Peut-être est-il permis de dire que la France se serait insurgée ou aurait cédé ; l’Espagne n’a fait ni l’un ni l’autre, et elle a bien fait. Il s’est trouvé des journaux pour traduire le dictateur devant l’opinion publique, des députés pour mettre en accusation les ministres, et signer de leur nom l’acte vengeur ; cependant l’ordre matériel n’a pas été troublé, et l’Espagne ne s’est pas rejetée dans la tempête des révolutions. C’est là un courage et une patience, une intelligence et une fermeté qui font honneur à l’esprit public de nos voisins. Il faut espérer que les élections compléteront l’œuvre, et qu’elles s’accompliront librement et hardiment sous les baïonnettes. L’Espagne n’a plus que cette dernière épreuve à subir pour conquérir tout-à-fait sa place parmi les peuples libres. En même temps que la liberté se fortifie, la monarchie, cette compagne nécessaire de la liberté chez les grands peuples, se consolide aussi. Tout le monde sent maintenant que la monarchie sera le salut du pays. C’est un des sentimens qui font le plus d’honneur à l’humanité, que ce respect du droit qui est le fondement des monarchies. Voilà une jeune fille faible, désarmée, orpheline, une enfant de douze ans qui n’a d’autre force que ses larmes, et à côté d’elle un victorieux qui a mis fin à la guerre de Navarre, un général entouré de ses soldats obéissans, un homme dont la colère est terrible. Eh bien ! ce n’est pas à l’homme, c’est à l’enfant que s’adressent tous les hommages, <references/>
Tourgueniev - Mémoires d’un seigneur russe.djvu/236
l "220 ’ MÉMOIRES · teurs chevaux dexcharroi, de roulage, de trait, de labouit et simples rosses de paysan. Plusieurs, ·bien nourris a soigneusement étrillés, étaient ·dist-ribués par nuances dl :·pelage, couverts de housses bariolées, attachés de fort prèl à la haute traverse zdu fond des kibitkas, rangeant craintf pvement leur train de derrière sous l’ombre du fouet à eul trop bien connu de messieurs les maquignons leurs maîtres Les chevaux de seigneurs, envoyés par de riches gentilshont mes, d’un rayon de cent et de deux cents verstes, sous ll - garde de quelque vieux cocher et de deux ou trois intrépide garçons de haras, secouaient leur’longue encolure, piéti naient d’ennui et rongeaient les dossiers des télègues. IÀ juments de Viatka, aurpelage rouan vineux, se tenaieil étroitement serrées les· unes contre les autres ; on voyaitj contraire, immobiles comme des lions de bronze, se tenirs parés, à. distance presque égale et à quelques doigts l’un dl l’autre, les trotteurs aux larges croupes, aux fortes queues od duleuses, aux jambes velues au-dessus du sabot, à la robe gri pommelé, ou noire, ou alezan. C’était devant ceux-ci que ld amateurs s’arrêtaient avec une respectueuse admiration. Au milieu d’une cohue bigarée, dans les rues et dad les ruelles formées par les chariots, pullulaient des groul pes d’hommes de tout âge, de toute condition et de tout aspect ; c’étaient des maquignons en cafetans bleus, el hauts bonnets, qui scrutaient les allants et les venantsl et guettaient les acheteurs d’un œil très-subtil ; des bd hémiens aux yeux éraillés ou striés de bile, à la chel velure noire et bouclée, qui se croisaient en tout sensl s’agitant comme des ·chats échaudés, tout en regardant ld chevaux aux dents, tout en leur relevant les pieds et ll queue ; et ils criaient, s’injuriaient, ~se portaient média teurs, tiraient au sort, faisaient leur manège autour d’un rd monteur en casquette à passe-poil jaune ou bleu, ou rouge et en manteau militaire, à collet’de castor. Un gros et grant Cosaque passait a-cheval sur un hongre des plus maigres, encolure de cerf, qu’il vendait tout sellé et bridé. C’étaien des paysans en touloups déchirés à l’aisselle, qui se fai saient jour en vrais désespérés au travers de la foule comt <references/>
Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/300
regardait son ennui, le vide navrant de ses journées que les offices religieux ne suffisaient plus à remplir, ni la course aux prêches célèbres, ni les longues stations désheurées sur les tapis de Sainte-Clotilde. Son enfant était là pour la garder d’une faute ; mais ne pas faire le mal, est-ce assez dans la vie ?... « Ah ! Raverand a raison... Je suis implacable... » Elle l’était moins pourtant depuis quelques heures, comme si ces larmes de mère l’avaient attendrie, humanisée à leur chaleur vivante ; en tout cas le drame des Ebsen l’agitait, la tirait de cette torpeur mystique où elle n’entrevoyait comme but et délivrance que la mort. « Monsieur le comte est au salon avec Mademoiselle... » Pour la première fois depuis longtemps, le salon de l’hôtel était allumé, et devant le piano droit grand ouvert la petite fille, haut assise et surveillée par le profil moutonnier de sa vieille institutrice, jouait un morceau d’étude. M. le comte regardait les petits doigts de son enfant s’écarteler sur les touches, approuvait en mesure, toute cette scène intime prise dans le cercle lumineux d’une grosse lampe à abat-jour. <references/>
Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/1017
dans la tombe. Or, à l’époque même où les populations égyptiennes retombaient presque subitement dans leur corruption et dans leur impuissance séculaires, la moralité, la discipline, l’esprit de commandement, reprenaient au contraire quelque chose de leur ancienne vigueur dans la race ottomane. Les Turcs, chez lesquels l’esprit n’a point les allures très vives ni très démonstratives, mais qui possèdent à un très haut degré le don du bon sens calme, ont bientôt senti que la supériorité leur revenait ; ils ont compris toute la portée de cette révolution que la nature se chargeait elle-même d’opérer dans leur situation vis-à-vis de l’Égypte. Réfléchis par tempérament, patiens par religion, ils ont attendu que le moment fût venu de ressaisir les privilèges que les traités garantis par les grandes puissances européennes leur assurent en Égypte, et ils ne doutent plus aujourd’hui que l’heure n’ait sonné. On le sait, sous le pouvoir du personnage bizarre et fantasque qui gouverne l’héritage de Méhémet-Ali, les populations égyptiennes n’ont point jusqu’à présent possédé les garanties de sécurité accordées à toutes les autres populations de l’empire. Le recrutement arbitraire, la confiscation des propriétés, les corvées gratuites, tout le système d’exactions et de tyrannie particulier au vieil Orient a régné jusqu’ici en Égypte. En Turquie, les corvées et les confiscations n’existent plus ; le recrutement ne s’opère plus que par la voie du sort ; les fonctionnaires civils ou militaires ne peuvent plus impunément attenter à la liberté ou à la vie des sujets musulmans ou chrétiens du sultan ; les tribunaux font chaque jour des exemples dans tous les rangs. Que demandait le sultan au pacha d’Égypte ? C’est que le même régime fût introduit dans son gouvernement ; c’est que le ''hatti-schérif'' de Gulhané, où sont déposés les principes élémentaires de tous les droits compatibles avec la civilisation orientale, appliqué aujourd’hui avec succès aux provinces même les plus turbulentes de l’empire, la Syrie et la Bosnie, fût proclamé aussi en Égypte, et enfin que ce pays reconnût et acceptât la souveraineté du sultan dans l’ordre législatif et judiciaire. Le sultan, il faut le reconnaître, a apporté dans ce différend les dispositions les plus conciliantes : c’est ce que prouve la transaction récemment conclue en Égypte par le commissaire turc Fuad-Effendi. Il aurait pu obtenir davantage en prenant une attitude plus menaçante : il a préféré demander moins, afin de réussir plus vite et de couper court aux intrigues diplomatiques qui auraient pu s’agiter autour du pacha. Abbas s’engage d’ailleurs à adopter les principes du ''Tanzimat''. La sagesse de la Turquie, aidée du temps, fera le reste, si les puissances étrangères ne lui suscitent point de nouveaux obstacles. Tournez à présent vos yeux vers le Nouveau-Monde, vers ces états de la Plata qui ont le privilège, par leurs révolutions et leurs guerres, de tenir en suspens le jugement de l’Europe en attirant sans cesse son attention : tout n’est point terminé, il s’en faut, par la chute de Rosas, et on pourrait dire plutôt que c’est le commencement d’une situation où peuvent surgir d’un jour à l’autre des complications de tout genre. Ce n’est pas tout de secouer le joug d’un maître qui ne brillait point sans doute par le libéralisme et la douceur de son gouvernement : il faut savoir se gouverner soi-même, il faut justifier les prétentions qu’on a eues de mieux satisfaire aux besoins du pays, il faut prendre garde de laisser dégénérer les moyens qu’on a employés en élémens d’agitations nouvelles. Qu’arrive-t-il, par exemple, dans l’Uruguay ? On sait par quel <references/>
Duboscq - Unité de l'Asie.djvu/72
{{tiret2|retrou|vait}} pas quelque part en Russie ? Est-ce avancer un paradoxe que de dire que la victoire de l’Asiatique saisit tout autant et de la même manière sinon la population sibérienne, composée en partie de déportés et de colons, de gens aventureux plutôt disposés à critiquer Pétersbourg que de s’attarder à autre chose, du moins le petit peuple passif de la Russie d’Europe ? On oublie trop la géographie et le double visage de la Russie lorsqu’on parle seulement de la tristesse profonde de sa défaite de 1905. En réalité, si l’angoisse étreignait une partie de sa population, une autre partie avait au cœur un sentiment d’où n’était pas exclue une certaine admiration pour le vainqueur. Nous ne parlons pas des libéraux de l’époque qui souhaitaient de tout leur cœur la défaite des armées russes. « Si le tsar triomphait du Japon, c’est le peuple russe qui serait vaincu », proclamait Plekhanof, au congrès d’Amsterdam, en 1904. La guerre fut, en somme, extrêmement impopulaire en Russie. « Impopulaire dans tous le pays dès le premier jour, écrit M. Fernand Grenard, elle le devint davantage à mesure que les défaites se succédèrent. Aucune classe n’y trouvait avantage. Elle lésait les grands intérêts économiques de la nation, paraissait ne servir que les convoitises de quelques aventuriers et spéculateurs isolés, que malheureusement le tsar subventionnait en personne. Le peuple n’en comprenait pas le sens. S’il avait accepté de défendre le sol de la patrie contre l’un et l’autre Napoléon, s’il avait marché pour délivrer les frères chrétiens du joug païen, il répugnait à aller se battre <references/>
Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/178
caractère affectueux des rapports entre les membres de la famille impériale. A son fils le grand-duc Wladimir, elle disait : « Remercions Dieu du fond du cœur d’avoir détourné le danger. » A son mari, elle annonçait qu’elle faisait chanter un ''Te Deum'' à Cannes. Elle ajoutait : « Avec quelle ferveur je prierai pour toi. » Cependant, les assassins étaient résolus à recommencer. Le 18 février 1880, au Palais d’Hiver, à l’heure du dîner, l’Empereur était en conférence avec le prince Alexandre de Bulgarie, lorsque dans la salle à manger, où le couvert était dressé, une explosion formidable se fit entendre. Le diner s’étant trouvé retardé, aucun membre de la famille impériale ni personne de l’entourage ne fut atteint. Mais dans le corps de garde situé en sous-sol, où l’explosion avait eu lieu, dix hommes du régiment de Finlande furent tués et dix-sept blessés. C’était encore miracle que l’Empereur eût échappé à ce nouvel attentat. Comme toujours en pareil cas, des télégrammes de félicitations arrivèrent de toutes parts. A celui du président Grévy, l’Empereur répondait : « Je vous remercie cordialement des sentimens que vous m’exprimez. L’esprit du mal ne se lasse pas plus que la grâce divine. J’aime à compter sur la sympathie des gens de bien. » Cette réponse reconnaissante dissimule à peine la tristesse et le profond découragement que causaient à l’Empereur les tentatives criminelles dirigées contre sa personne et contre les représentans de son autorité. Son impuissance à pacifier les populations de l’Empire et à désarmer les assassins, tantôt par des rigueurs nouvelles et presque toujours arbitraires, tantôt par des réformes libérales qui eussent été plus larges, si la main qui les octroyait n’eût été arrêtée par d’incessans forfaits, lui rendaient de plus en plus lourd le poids de la couronne ; elle n’était pour lui qu’une charge dont il eût voulu se délivrer, niais qu’il continuait à porter parce qu’il s’y croyait obligé par le plus sacré des devoirs. Lorsque, du point où nous sommes arrivés, on embrasse d’un regard l’ensemble de son règne, on est conduit à constater que l’année 1880 en est la plus douloureuse. Dans les événemens qui s’y succèdent, qu’il regarde du côté de l’Allemagne ou qu’il tourne les yeux vers la France, tout semble fait pour assombrir son esprit, l’irriter ou exciter ses défiances. A la fin <references/>
Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/768
J’entends souvent considérer comme un progrès l’esprit de tolérance qui brise de toutes parts les vieilles lois anglaises ; mais si cette tolérance doit être le prix et n’est que le résultat du refroidissement religieux, elle arrivera à de tristes fins. Je conçois que M. Kingsley s’effraie des conversions catholiques. Ces conversions sont-elles un bien ou un mal pour l’Angleterre ? Cela ne nous regarde pas. Que le catholicisme gagne, selon nous, c’est un bien qui ne crée pas de dangers pour l’Angleterre. Le danger, c’est que le protestantisme ne vienne à mentir ; c’est qu’on ne vienne à découvrir qu’il était une erreur. Si ce jour arrivait jamais, l’Angleterre serait perdue ; elle n’aurait plus qu’à payer son expiation avec ses trésors amassés depuis trois siècles, qu’à rendre ses colonies et toutes les conquêtes qu’elle doit à sa religion, car c’est à sa religion seule qu’elle les doit. Nous avons pu, en France, devenir sceptiques sans trop de périls ; nous n’avions à perdre que nos ames, et Dieu sait pourtant les malheurs qui en sont résultés pour nous ! Mais notre grandeur nationale ne résultait pas aussi entièrement d’un principe religieux que la grandeur de l’Angleterre. Dans le temps où nous vivons, les catastrophes sont rapides et imprévues, et nous approchons avec vitesse du jour où les principes religieux succéderont aux principes politiques et se combattront mutuellement. L’Angleterre a été et est encore le champion du protestantisme ; du jour où elle le laisserait s’éteindre chez elle, quelle excuse aurait-elle aux yeux des nations ? quelle explication pourrait-elle donner de son histoire passée et présente ? J’entends d’ici ses ennemis s’écrier : Aucune, — si ce n’est un égoïsme colossal et un orgueil satanique ! Mais il n’en sera pas ainsi : les sombres nuages amoncelés s’évanouiront sans doute. L’Angleterre peut être fière de son état actuel, en dépit des signes sinistres qui depuis quelque temps s’accumulent. Nous voulons croire que ce ne sont que les ombres du tableau, et nous n’avons pour nous rassurer qu’à mettre en regard des éventualités possibles les faits réels et actuels, et à répéter avec un des personnages de M. Kingsley : « Regardez la somme énorme de bienveillance pratique qui lutte maintenant en vain contre le mal, il est vrai, mais seulement parce qu’elle est trop individuelle et trop divisée. Comment osez-vous, jeune homme, désespérer de votre nation, lorsque son aristocratie peut encore produire un Carlisle, un Ellesmere, un Ashley, un Robert Grosvenor, lorsque ses classes moyennes peuvent revendiquer un Faraday, un Stevenson, un Brooke, une Élisabeth Fry ? Quelle destinée que celle de cette terre, si vous aviez assez de foi pour voir tout ce qui vous honore ! Si je n’étais pas avant tout citoyen de mon pays, c’est Anglais que je voudrais être aujourd’hui. <references/>
NRF 19.djvu/347
CHRONIQUE DRAMATIQUE 345 L'intérêt qu'on prenait à l'action diminue. M. André Calmettes a joué à la perfection le rôle du père. Il est bien dommage que le Gymnase ait joué si tardive- ment dans la saison la comédie de MM. Jehan Bouvelet et Edgard Bradby : Barbe blonde. Cette pièce, pleine d'originalité, aurait peut-être eu le succès qu'elle méritait d'avoir. Elle n'est pas seulement amusante par son comique. Elle intéresse par son sujet, son action, le caractère de plusieurs de ses personnages. Clément (Barbe blonde) est un brave homme de notaire qui est affreusement marié depuis longtemps et qui a fini par se résigner. Sa femme, avec des allures de créature langoureuse et sentimentale, est acariâtre, tatillonne, quelque peu bigote, assez superstitieuse, se croit persécutée, s'occupe de spiritisme, en même temps qu'elle voudrait bien se faire faire la cour par un cousin à elle, cela sans succès, ce cousin étant épris de la petite bonne de la maison. Elle a même un autre travers, au dire des auteurs, sur lequel je reviendrai tout à l'heure. La pièce vient à peine de com- mencer, qu'une scène éclate entre les époux, amenée à propos de rien par la femme. Elle est probablement plus exaltée qu'à l'ordinaire, car, soudain, elle menace de se jeter par la fenêtre. Lui, par plaisanterie, approche une chaise. Elle monte dessus, de là s'assied sur la barre d'appui, répète à son mari qu'il prenne garde, bien garde, qu'elle va faire un malheur, qu'elle va se jeter pour de bon, et, en effet, par un mouve- ment maladroit, perdant l'équilibre, passe par dessus la barre d'appui et va choir sur le pavé, avant que le malheureux Clément, qui ne s'était pas ému autrement, habitué à ces scènes, ait eu le temps de faire le moindre mouvement pour la retenir. Jusqu'ici, rien de bien remarquable. Un accident de ménage, pas autre chose. Tout mari, tout amant est ex- posé à cette aventure. Au moins au début de cette aventure, car il est rare qu'elle soit poussée jusqu'au bout comme dans Barbe blonde. J'ai eu autrefois une maîtresse qui ressemblait assez à la femme de cet excellent notaire. Même caractère trépidant, même extravagance. Cela la rendait même souvent malade et l'obligeait à se coucher. Un jour qu'elle était ainsi au lit, comme je venais d'entrer dans sa chambre, une crise la prit. Tout comme la femme de Barbe blonde, elle me �� � <references/>
Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 11.djvu/549
{{Tiret2|son,}} en s’efforçant même de l’établir par le raisonnement, ce qui vraiment n’est pas un paralogisme d’un médiocre ridicule. M. Frédéric Schlegel se propose de publier un jour ses idées, mais il attend : il se trouve encore trop jeune pour cela, quoiqu’il ait au moins cinquante ans. D’ailleurs est-il parfaitement convaincu, et sa doctrine est-elle de tous points bien arrêtée? ou n’y a-t-il pas encore en lui du vieil homme, et sans hypocrisie ne se joue-t-il pas un peu de son esprit et de son instruction au service de sa cause nouvelle, comme il faisait autrefois pour une cause différente? C’est ce que je n’ai pas la prétention de décider ni même le désir de rechercher. On peut avoir très sincèrement changé d’opinion et n’avoir pas changé de nature. Sans me séduire, j’avoue que M. Frédéric Schlegel m’a beaucoup plu. Je n’ai pu voir en lui le Méphistophélès dont on avait voulu me faire peur, et j’échappai fort aisément aux pièges qu’il ne songeait pas à me tendre<ref> M. Frédéric Schlegel a fait à Vienne des leçons sur ''la Philosophie de l’histoire'', et d’autres sur la Philosophie de la vie, qui ne contiennent rien de fort original. Il est mort à Dresde en 1829. </ref>. J’allais donc quitter Francfort pour faire le tour de l’Allemagne, quand une rencontre inattendue vint changer mes desseins. M. Schlosser, venant d’être nommé professeur d’histoire et bibliothécaire à l’université d’Heidelberg, m’engagea à faire avec lui une excursion jusqu’à cette ville, et j’acceptai cette offre comme on accepte une partie de campagne, comme à Paris tout étranger va visiter Versailles ou Fontainebleau. Cette petite course me fit grand plaisir. Je vis en passant Darmstadt, qui est une charmante ville avec de magnifiques jardins. Pour Heidelberg, il n’y a pas un livre de voyage sur le Rhin qui ne célèbre avec raison sa situation sur les bords du Neckar, les ruines pittoresques de son vieux château, la beauté des environs, la variété des points de vue, tour à tour les plus rians ou les plus sauvages. Mais dans une ville d’université il fallait bien voir aussi quelques professeurs. M. Schlosser m’introduisit chez son ami M. Daub, le théologien philosophe dont il m’avait fait un si grand éloge. M. Daub était un homme d’une physionomie mâle et sérieuse. Le peu qu’il me dit avait l’accent de la conviction et de la force; mais il me fut impossible d’engager avec lui une conversation régulière, car il entendait à peine le français, et il me déclara, avec une modestie admirable, que si j’étais curieux de philosophie, ce n’était pas à lui qu’il fallait m’adresser, mais au professeur de philosophie de l’université d’Heidelberg, M. Hegel. Je me souvins que devant moi ce nom avait été prononcé entre plusieurs autres par M. Schlegel avec un éloge assez médiocre, et j’hésitais si je ferais visite à celui qui le portait. <references/>
Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/648
de la caricature. Une bonne charge du ''post-bag'' est la lettre du prince-régent à son compagnon de plaisir, le comte d’Yarmouth. Une autre bouffonnerie amusante est la lettre de congratulation écrite par un officier du prince à un M. Gould Francis Leckie. Ce M. Leckie avait eu l’extravagance de faire un livre en l’honneur du pouvoir absolu. Entre autres excentricités, cet original conseillait aux rois de l’Europe, pour éviter les embarras des mariages princiers, de prendre exemple sur le grand-turc et d’envoyer chercher leurs femmes en Géorgie et en Circassie. ''La Famille Fudge'' était de la même veine que ''la petite poste'', c’était aussi une satire épistolaire. Les ridicules des Anglais à Paris formaient la broderie ; le fond était la politique anti-libérale du gouvernement anglais de ce temps-là, présentée, appréciée, défendue en charge par des adeptes abjects, grossiers, grotesques de cette politique. Le prince-régent faisait encore les frais de cet amusant persiflage. Lord Castlereagh et lord Sidmouth étaient criblés de pointes. Pendant que Moore travaillait à ''la Famille Fudge'', lady Donegal lui envoya une liste de personnes quelle le priait d’épargner. « Votre liste m’embarrasse beaucoup, lui répondait Moore ; il faut étouffer au berceau de jeunes épigrammes. Vos noms cependant seront épargnés, excepté lord Sidmouth. » Lord Sidmouth (plus connu en France sous le nom de M. Addington, le ministre de la paix d’Amiens) était un bonhomme assez faible de caractère et de talent ; mais Moore ne pouvait lui pardonner l’odieux réseau de police dans lequel il avait essayé de garrotter la libre Angleterre. « Il serait contre nature, disait-il, que le patron des espions n’eût pas un trait ou deux. Je vous promets de ne pas l’appeler « vieille pécore, » et c’est tout ce que ses amis les plus chauds peuvent attendre de mieux pour son compte. » Un des gais morceaux de ''la Famille Fudge'' est en effet un parallèle burlesque de Tibère et de lord Sidmouth, Tib et Sid, comme dit Moore, où les rimes en ''tib'' et en ''sid'' se croisent et tombent de la façon la plus comique. Nous avons déjà vu Moore plusieurs fois en contact avec la politique : dans sa vie personnelle, lorsqu’il refuse par esprit d’indépendance la position de lauréat et l’intervention de lord Moira en sa faveur auprès des ministres ; dans ses œuvres, lorsque par les ''Mélodies irlandaises'' il devient l’organe et le poète d’une nation opprimée, et par ses satires livre au ridicule les sottes et basses tendances d’un gouvernement rétrogade. La tenue politique de Moore est un des beaux côtés de son caractère, et j’ajouterai une des harmonies de son talent, car nous ne savons que trop que l’esprit détonne et que le talent se fausse là où manque le caractère. Moore était libéral ; quoique Irlandais, il n’allait pas au-delà. Il était de ces esprits et de ces cœurs fermes, rares natures, il est vrai, qui dans nos temps <references/>
Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/92
{{tiret2|ver|nies}} qu’enlaçaient, comme les bandelettes d’un cothurne, les courroies du patin. Ceux-là, luttant de vitesse, glissaient sur un seul pied, profitant de la force d’impulsion, penchés en avant comme l’Hippomène et l’Atalante qu’on voit sous les marronniers dans un parterre des Tuileries. Le moyen de gagner la course, aujourd’hui comme autrefois, eût peut-être été de laisser tomber des pommes d’or devant ces Atalantes costumées par Worth ; mais il y en avait d’assez bonne maison pour qu’un nœud de brillants ne les arrêtât pas une minute. Ce fourmillement perpétuel de costumes d’une élégance bizarre et d’une riche originalité, cette espèce de bal masqué sur la glace, formait un spectacle gracieux, animé, charmant, digne du pinceau de Watteau, de Lancret ou de Baron. Certains groupes faisaient penser à ces dessus de porte des vieux châteaux représentant les quatre Saisons, où l’Hiver est figuré par de galants seigneurs poussant, dans des traîneaux à col de cygne, des marquises masquées de loups de velours, et faisant de leurs manchons une boîte aux lettres à billets doux. À vrai dire, le masque manquait à ces jolis visages fardés par les roses du froid, mais la demi-voilette étoilée d’acier ou frangée de jais pouvait au besoin en tenir lieu. Malivert avait arrêté son traîneau près du lac et regardait cette scène divertissante et pittoresque dont les principaux acteurs lui étaient connus. Il <references/>
Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/1006
qu’on ne se méprît pas sur l’application insultante qu’il prétendait faire de ce mot, il ajoute : « Bien des personnes comparent mon très gracieux seigneur, le duc Henri de Brunswick, à Hanswurst, parce que ledit seigneur est replet et corpulent<ref> ''Hanswurst'', Wittenherg, 1541, in-4e, cité par Floegel, ''Geschichte des groteskecomischen'', p. 118.</ref>. » Depuis deux siècles, le type physique et moral de Hanswurst a peu varié. Ce bouffon, suivant Lessing, possède deux qualités caractéristiques : il est balourd et vorace, mais d’une voracité qui lui profite, bien différent en cela d’Arlequin, à qui sa gloutonnerie ne profite pas, et qui reste toujours léger, svelte et alerte<ref> Lessing, ''Theatralischer Nachlass (Œuvres dramatiques posthumes''), t. I, p. 47. </ref>. En Hollande, Hanswurth ne fait plus depuis long-temps que l’office de Paillasse : il bat la caisse à la porte, et invite la foule à entrer. Comme acteur et comme marionnette, il a été supplanté par ''Hans Pickelhäring, Jean-Hareng-Salé'' (nous dirions plutôt ''dessalé''), et plus récemment par ''Jan Klaassen, Jean-Nicolas''<ref> Ce personnage a paru sur le théâtre d’Amsterdam dès la fin du XVIIe siècle, notamment dans une comédie où il joue le rôle d’un amoureux ridicule. Voyez un recueil de J. Jonker, intitulé ''De Vrolijke Bruiloftsgast'' (le joyeux convive des noces), Amsterdam, 1697, p. 162.</ref>. Celui-ci, devenu le héros des marionnettes hollandaises, s’est approprié, non sans succès, les mœurs turbulentes et gaiement scélérates du Punch anglais et du Polichinelle parisien. Son nom est aujourd’hui si populaire en Hollande, que l’on dit communément ''Jan Klaassen-Kast'' pour ''Poppe-Kast'' (le théâtre des marionnettes). En Allemagne, Hanswurst a eu plusieurs rivaux : il a dû céder plusieurs fois le pas à Arlequin, à Polichinelle et à Pickelhäring. Banni, au milieu du dernier siècle, du théâtre de Vienne par l’autorité classique de Gottsched, il a été remplacé par le joyeux paysan autrichien Casperle<ref> Floegel, ouvrage cité, p. 154 ; Prutz, Vorlesungen (''Leçons sur l’histoire du théâtre allemand''), p. 174.</ref>, qui s’empara tellement de la faveur publique, que le principal théâtre de marionnettes des faubourgs de Vienne reçut le nom de ''Casperle-Theater'', et qu’on appela ''Casperle'' une pièce de monnaie dont la valeur était celle d’une place de parterre à ce théâtre<ref> Voyez ''Das Puppenspiel vom Doctor Faust'' (Leipzig, 4850, in-8o), introd., p. XII. </ref>. Mais ne devançons pas l’ordre des faits. <center>III. – SCULPTURE MOBILE SUPPRIMEE DANS LES EGLISES REFORMEES, MAINTENUE DANS QUELQUES CONTREES CATHOLIQUES.</center> Avant que de courir les foires et de porter la joie dans les manoirs féodaux, la sculpture mobile avait servi en Allemagne, comme dans tout le reste de l’Europe, à augmenter sur l’imagination des fidèles l’effet des cérémonies sacrées. On a long-temps conservé, dans plusieurs <references/>
Féval - La Quittance de minuit, 1846 - tome 2.djvu/82
{{nr|74|DEUXIÈME PARTIE|}}plus fine qu’un voile de mariée, des mets dont j’ignorais le goût et le nom ; des liqueurs vermeilles rougissaient dans des flacons sans nombre, et les verres brillaient autour de la table comme les cristaux des grottes de Ranach. « Je repoussai tous les mets, et ma lèvre ne se trempa dans aucune liqueur. J’étais comme engourdie par le désespoir. « Mes compagnes, les pauvres filles, éblouies par l’éclat des lumières, enivrées par l’atmosphère chaude et parfumée qui régnait dans la salle, cessèrent de pleurer. Leurs verres s’emplirent et se vidèrent ; leurs joues pâles reprirent de vives couleurs. Et c’était pitié, Morris, de voir les pauvres victimes chanter et rire ! « Car elles riaient, car elles chantaient, oublieuses des larmes qui coulaient dans leurs chaumières... « Elles ne songeaient point au désespoir de leurs mères. Ont-ils raison, ces Saxons cruels, lorsqu’ils disent que l’enfance de l’Irlandais dure autant que sa vie ?... « Les pauvres filles étaient belles ! Les Saxons buvaient, buvaient sans cesse, et leurs yeux s’allumaient sur le rouge épais de leur face. « Ce fut une longue orgie : des cris, des rires, <references/>
Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/286
pas à séparer, tant leur rage est aveugle et leur soif de sang insatiable : on n’aura qu’une faible idée du spectacle que présenta bientôt l’Espagne. Les Visigoths d’un côté, de l’autre les confédérés suèves, alains et vandales, afin d’être moins gênés dans leurs projets de guerre, demandèrent comme une grace aux Romains de conserver entre eux la neutralité. Honorius, à sa grande stupéfaction, reçut des rois alano-vandales une lettre ainsi conçue : « Garde-nous la paix, prends nos otages et laisse-nous nous battre comme il nous convient, sans t’en mêler. Si nous sommes vaincus, nous qui t’écrivons, tant mieux pour toi ; si nous sommes vainqueurs, tant mieux encore, car nous nous serons affaiblis par notre victoire et nous aurons détruit ton ennemi, qui est aussi le nôtre. Est-il rien de plus désirable pour ton empire que de nous voir nous exterminer les uns les autres ? » Nous rejetterions une pareille lettre comme peu croyable, si elle ne nous était donnée par un auteur contemporain ordinairement bien informé, l’historien Paul Orose, qui s’en émerveille lui-même en y voyant un signe de l’aveuglement providentiel des barbares et de la protection de Dieu sur l’empire. Vallia, pendant ce temps-là, réclamait avec des formes moins sauvages l’honneur de servir César et de balayer à lui seul ces brigands qui osaient occuper une province romaine. Honorius les laissa faire comme il leur plut, et ils firent si bien qu’à la fin de l’année 418 les Vandales-Silinges étaient presque anéantis, les Vandales-Astinges en partie dispersés dans les chaînes intérieures de l’Espagne, en partie retranchés avec les Suèves dans la Galice, et les Alains si rudement châtiés, que leur domination avait disparu de l’Espagne pour toujours. Quand le terrain fut suffisamment déblayé, les Romains arrivèrent, et l’empereur fit inviter les Visigoths à lui remettre Barcelone, qui était leur place d’armes depuis quatre ans, et à évacuer l’Espagne pour aller reprendre en Gaule les anciens cantonnemens d’Ataülf, c’est-à-dire la première Aquitaine avec la Novempopulanie, et Toulouse détachée de la province Narbonnaise. Rome trouvait son compte à cet échange, attendu que laisser les Visigoths au midi des Pyrénées, c’était évidemment y laisser des maîtres dont rien ne pourrait plus affranchir l’Espagne, tandis que, placé en Aquitaine sous l’œil du préfet du prétoire, qui résidait à Arles, et sous l’épée des légions, ce peuple serait plus facilement contenu, plus promptement façonné à la sujétion, et mieux utilisé pour le service de l’empire. Quant aux Visigoths, ils paraissent avoir échangé sans regret des ruines toutes fraîches et un pays épuisé pour un autre qu’ils n’avaient quitté que malgré eux, et dont peut-être la riante image les avait suivis par-delà les monts. En effet, les provinces méridionales des Gaules jouissaient alors d’un grand renom <references/>
Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/602
en son honneur et en l’honneur de Byron sur un vaisseau de guerre anglais en station devant Livourne. Après la fête, il monta dans un bateau à voile, accompagné d’un seul ami nommé Williams, et se dirigea vers Lerisi ; c’est un petit village situé sur la côte orientale de la baie de la Spezzia, et non loin duquel s’élevait la villa du poète. Nous n’apprîmes que trop tôt le naufrage de nos deux compatriotes. Immédiatement je me rendis avec quelques amis à Viareggio, où le corps des deux victimes avait été rejeté par les vagues. Nous ne pouvions plus que nous acquitter envers eux des derniers devoirs de l’amitié. Les préjugés des Italiens contre la religion protestante, préjugés si grossiers encore à cette époque, ne nous permirent pas de donner une sépulture aux deux naufragés, et nous n’eûmes d’autre ressource que de brûler les cadavres. Je n’oublierai jamais le spectacle vraiment sublime de cette cérémonie, ajoutait le capitaine avec une visible émotion ; trente-cinq ans se sont écoulés depuis ce jour, et l’image qu’en a conservée ma mémoire est toujours aussi nette, aussi vivante à mes yeux. Un point du rivage où s’élevait une grande croix fut le lieu choisi pour l’accomplissement du rite funèbre. Devant nous s’étendait la mer avec ses belles îles ; derrière, la chaîne des Apennins fermait majestueusement l’horizon ; à droite et à gauche se prolongeait à perte de vue une véritable forêt de buissons, de taillis, tordus par le vent de mer en formes fantastiques. La Méditerranée était parfaitement calme ; les flots limpides se jouaient en murmurant sur le sable jaune du rivage, et le contraste de ce sable d’or avec le bleu profond du ciel offrait une magnificence tout orientale. C’est dans ce cadre splendide que je vois encore s’accomplir notre douloureux ministère. Les flammes qui consumaient les restes de nos amis atteignirent bientôt la croix au pied de laquelle était placé le bûcher, si bien que le symbole chrétien, enveloppé à sa base par le feu, apparut quelque temps comme séparé de la terre et suspendu dans le ciel. Nous réussîmes à soustraire le cœur du poète aux flammes qui dévoraient son corps, et ce cœur fut déposé plus tard, ainsi que les cendres, dans le cimetière protestant de Rome. On a dit et répété qu’une tempête soulevait la mer pendant cette fatale nuit du mois de juillet 1822, que Shelley avait voulu jeter une sorte de défi aux élémens, et plusieurs même ont donné à entendre que le poète du désespoir avait bien pu chercher la mort au fond des flots ; j’affirme que tout cela est inexact, ajoutait le vieux marin, pas un souffle n’agitait les vagues. Mon avis est que le bateau se sera jeté sur quelque roc, ou bien, ce qui est plus vraisemblable encore, que, violemment heurté dans l’ombre par quelque gros navire, il aura été coulé à fond... » <references/>
Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/109
Sophronisque au fils de Marie ? Quelle distance de l’un à l’autre ! Socrate, mourant sans douleur, sans ignominie, soutint aisément jusqu’au bout son personnage ; & si cette facile mort n’eût honoré sa vie, on douteroit si Socrate, avec tout son esprit, fut autre chose qu’un sophiste. Il inventa, dit-on, la morale ; d’autres avant lui l’avoient mise en pratique ; il ne fit que dire ce qu’ils avoient fait, il ne fit que mettre en leçons leurs exemples. Aristide avoit été juste avant que Socrate eût dit ce que c’étoit que justice ; Léonidas étoit mort pour son pays avant que Socrate eût fait un devoir d’aimer la patrie ; Sparte étoit sobre avant que Socrate eût loué la sobriété ; avant qu’il eut défini la vertu, la Grèce abondoit en hommes vertueux. Mais où jésus avait-il pris chez les siens cette morale élevée et pure dont lui seul a donné les leçons & l’exemple <ref>Voyez, dans le Discours sur la montagne, le parallèle qu’il fait lui-même de la morale de Moise à la sienne. (Matth., cap. v, vers. 21 & seq.). </ref> ? Du sein du plus furieux fanatisme la plus haute sagesse se fit entendre ; & la simplicité des plus héroïques vertus honora le plus vil de tous les peuples. La mort de Socrate, philosophant tranquillement avec ses amis, est la plus douce qu’on puisse désirer ; celle de Jésus expirant dans les tourments, injurié, raillé. maudit de tout un peuple, est la plus horrible qu’on puisse craindre. Socrate prenant la coupe empoisonnée bénit celui qui la lui présente & qui pleure ; Jésus, au milieu d’un supplice affreux, prie pour ses bourreaux acharnés. Oui, si la vie & la mort de Socrate <references/>
Racine - Abrégé de l’histoire de Port-Royal, éd. Gazier, 2e éd.djvu/250
aux religieuses de Port-Royal-des-Champs de la reconnaître pour abbesse. Ces saintes filles, voyant que la résolution de les perdre était irrévocablement prise, ne font plus aucune procédure, et attendent en paix et en patience ce que la divine Providence voudra faire d’elles... Le roi, pressé par le fameux Père Tellier, le plus fougueux jésuite qui ait jamais été, donne le 26 octobre un arrêt contre le plus saint monastère qu’il y eût dans l’univers, par lequel il donne commission à M. d’Argenson de se transporter à Port-Royal-des-Champs, d’y entrer de gré ou de force, de se saisir des archives, et de faire sortir dans le jour même les religieuses, pour être conduites en différents diocèses, et y être mises seule à seule dans des couvents séparés. Le 29 octobre, qui était un mercredi, M. d’{{NoteAHDPR|Argenson|258|224}} arrive à Port-Royal avec des carrosses et environ trois cents hommes, pour enlever et disperser une vingtaine de pauvres filles, qui n’avaient pas plus de défense qu’en auraient eu vingt brebis contre trois cents loups... Le moment étant arrivé auquel Dieu avait permis que le lieu saint fût profané, et que les vierges saintes qui l’habitaient fussent sacrifiées à leurs ennemis, M. d’Argenson se présente à sept heures du matin à la porte du monastère, comme les religieuses <references/>
Praviel - Le Roman conjugal de M. Valmore, 1937.pdf/38
}}permettaient pas de vivre. Comme à Rouen, beaucoup de fleurs, mais pas d’argent. Il lui en aurait fallu pourtant, non pas pour elle, mais pour son père, pour son oncle, pour son frère Félix : « Je pleure pour mon frère depuis l’âge de dix ans », avoua-t-elle un jour. Pour la première fois, elle songea au Théâtre de la Monnaie, à Bruxelles, qui, lui, rémunérait sérieusement ses pensionnaires. Elle en obtint la promesse de 4.800 francs par an : un éblouissement. Comment eût-elle tergiversé ? Elle dit adieu à Grétry, à Paris, à la gloire. À l’automne de 1807, elle reprenait son répertoire en Belgique, d’ailleurs alors territoire français. La vie théâtrale — comme toute vie artistique — a pour caractéristique essentielle l’instabilité. Notre forte seconde ingénuité n’eut pas le temps de jouir beaucoup de sa nouvelle situation. Pour s’être montré trop généreux peut-être, son directeur se heurta à de terribles embarras, fut obligé, dès le mois d’avril 1808, de déposer son bilan... Marceline et ses camarades, traînant l’aile et tirant le pied, s’échappèrent du navire qui faisait eau. Elle retomba sur le pavé de Paris, six mois après l’avoir quitté ! Elle y retombait sans engagement, et presque sans ressources. Recommençait pour elle, à peine majeure, la dure bataille pour le pain. Qui va l’aider, cette fois ? Ce ne sera plus Grétry. Le docteur Alibert, médecin de l’Opéra-Comique, rimeur aimable, le remplaça autant <references/>
Cottin - Œuvres complètes, Ménard, 1824, tome 12.djvu/48
— Hélas ! Phédora, que dites-vous ? reprit Springer avec un sentiment d’amertume. Qu’est-ce que ma vie ? sans moi seriez-vous ici ? savez-vous ce qui vous rendrait la liberté, à vous et à notre enfant ? le savez-vous ? » Sa femme l’interrompit par un cri douloureux : Élisabeth quitta sa place, vint auprès de son père, lui prit la main, et lui dit : « Mon père, tu le sais, élevée dans ces forêts, je ne connais point d’autre patrie ; ici, à tes côtés, ma mère et moi nous vivons heureuses ; mais j’atteste son cœur comme le mien, que dans aucun lieu de la terre nous ne pourrions vivre sans toi, fût-ce dans ta patrie. — Entendez-vous, M. de Smoloff, répliqua Springer ; vous croyez que de telles paroles devraient me consoler, et elles enfoncent au contraire le poignard plus avant dans mon sein : des vertus qui devaient faire ma joie font mon désespoir, quand je pense qu’à cause de moi, elles demeureront ensevelies dans ce désert ; qu’à cause de moi Élisabeth <references/>
Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/322
Il résulté de cette explication que chacun des doute sons de l’octave peut être fondamental ou relatif, suivant la maniere dont il sera employé, avec cette distinction que la disposition de l’ut naturel dans l’échelle des tons, le rend fondamental naturellement, mais qu’il peut toujours devenir relatif à tout autre son que son voudra choisir pour fondamental ; au lieu que ces autres sons naturellement relatifs à celui d’ut, ne deviennent fondamentaux que par une détermination particuliere. Au reste ; il est évident que c’est la nature même qui nous conduit à cette distinction de fondement & de rapports dans les sons : chaque son peut être fondamental naturellement puisqu’il fait entendre les harmoniques, c’est-a-dire, sa tierce majeure & sa quinte, qui sont les cordes essentielles du ton dont il est le fondement, & chaque son peut encore être naturellement relatif, puisqu’il n’en est aucun qui ne soit une des harmoniques ou des cordes essentielles d’un son fondamental, & qui n’en puisse être engendre en cette qualité. On verra dans la suite pourquoi j’ai insiste sur ces observations. Nous avons donc douze sons qui servent de fondemens ou de toniques aux douze tons majeurs, pratiques dans la Musique, & qui, en. cette qualité, sont parfaitement semblables quant aux modifications qui résultent de chacun d’eux, traite comme fondamental, à regard du mode mineur, il ne tous est point indique par la nature, & comme nous ne trouvons aucun son qui en fasse entendre les nous ne pouvons concevoir qu’il n’à point de son fondamental absolu, & qu’il ne peut exister qu’eu vertu du rapport qu’il <references/>
Sue - Mathilde, tome 4.djvu/132
impunément... Eh bien ! oui, ce qui a porté le comble à ma rage contre vous, ç’a été de vous me voir traitée devant vous avec le dernier mépris par ma belle-mère. — Mais vous le voyez bien, cette liaison existait ; ce mépris, vous le méritiez ! — Et c’est justement cela qui m’exaspère... vous me diriez que je suis laide et bossue comme mademoiselle de Maran que je ne m’en inquiéterais pas. — Mais... — Mais, je ne veux pas me faire meilleure que je ne le suis, je ne discute pas... je ne dis pas que j’ai raison d’éprouver ainsi... je dis que j’éprouve ainsi ; le hasard a fait que par vous ou à cause de vous j’ai été blessée dans ce que j’avais de plus irritable... je m’en prends à vous et je vous hais. Ceci n’est peut-être pas logique, mais c’est réel... Ce langage vous étonne ?... oh... c’est que le chagrin et l’isolement avancent et développent singulièrement l’intelligence, Mathilde !... D’abord j’ai dû à ces maîtres rudes et cruels la science de dissimuler et d’attendre. J’étais humiliée à cause de vous, que <references/>
Allart - La Femme et la democratie de nos temps.djvu/73
{{nr||62}}esprits à part, cette aristocratie s’est divisée en deux partis : la vérité, dont chacun des partis soutient un côté, marche ainsi tout entière. On a intéressé fortement deux classes à l’ordre établi, l’aristocratie et le commerce, qui en ont le profit. Le peuple suit le char de ces classes ; s’il souffre dans les campagnes, c’est en vain, car il n’a pas de moyen d’agir. Son ambition dans les villes devient plus dangereuse. En France, nulle classe ne trouve un immense profit à l’ordre, nulle ne le soutient passionnément ; la passion y est contraire ; il y a à la fois moins de force en haut et plus en bas. En constituant l’État, les Anglais n’ont pas fait seulement la force du pays, protégé la conquête, agrandi le commerce, ils ont créé une science profonde, animée, avec le charme de la pensée et de l’action, et qui prête aux hommes une habileté qu’ils n’ont pas ; individuellement ils sont peu de chose : organes d’une doctrine, d’un parti, ils sont beaucoup ; des droits consacrés, appuyés sur les terres, une histoire derrière eux, une tradition qui leur sert d’école, donnent à leur langage l’importance : les formes ont agrandi les hommes. Jetons un regard sur la dernière crise : le duc de Wellington a voulu, il y a un an, remettre au pouvoir les tories, effrayés des réformes qui menaceront tout à l’heure l’aristocratie même ; derrière le duc se serre un parti habile ; le duc, d’une main hardie, s’empare de l’administration, sous le poids d’une responsabilité formidable ; le premier ministre qu’il a désigné est en Italie ; on l’envoie chercher, sans savoir s’il acceptera ; l’Europe a les yeux fixés sur Rome, ou sir Robert Peel apprend, en sortant du bal, la crise de son pays et l’appel de son parti : il accepte. Fils d’un fabricant riche, parvenu aux affaires par sa fortune et ses talens, espoir et appui de l’aristocratie, la circonstance peint la constitution : une aristocratie recrutée <references/>
Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/869
sur le premier voleur, mon cœur s'est comme roulé sur lui-même pour se faire petit ; il a senti d’avance le coup qu’il allait recevoir. Je crois que ce mouvement peut être justement appelé frayeur, mais c’i .-t le seul que j’aie éprouvé ; car lorsque j’ai été . frappé, manqué, el ’i 11 " je me suis vu vivant, alors il m’a monté au cœur un feu, une force, une audace supérieure. Sur mou Dieu ! je u vainqueur, el tout ce que j’ai fait delà en avant n’a plus été que l’effet d’une exaltation rurieuse qui m’a tellement masqué le dan i tait absolument nul pour moi. A peine ai je senti couper ma main : mais j’étais féroce, el plus avide du sang de mon adversaire qu’il ne Pavai mon argent. Celait un délice pour moi de si ntir que j’allais le tuer, el la Cuite de sou can pu seule lui sauver la vie : mais la diminution du péril m’a sur-le-champ rendu à moi-même ; et j’ai senti toute l’horreur de l’action que j’allais commettre. , sitôt qu je la pouvais commettre impunément. Mais lorsque je réfléchis qu m n second mouvemenl a été de le blesser seulement, je juge que je n’étais pas encore de sang-froid ; car cette seconde idée me semble mille fois plus or [ue la première. Mon ami, l’inspiration à jamais glorieuse a mes yeux est la noble audace avec laquellej’ai pu changer le lâche projel de tu< r un homme sans défense eu celui d’en faire mon prisonnier. Si j’en suis un peu vain dans ce moment-ci, je l’étais mille lois davantage dans ce moment-là. C’est dans la première joie de me trouver si supérieur au ressentiment personnel, que j’ai jeté au loin le rouleau ; car j’ai infiniment regretté d’avoir blessé cel homme aux reins en coupant sa ceinture, quoique je ne l’eusse fait que par maladn sse. Il entrait aussi dans tout cela je ne sais quel orgueil de l’honneur qu’allait me faire l’arrivée d’un homme outrageusement blessé, et livrant à la vindicte publique un de ses agresseurs garrotté. Ce n’est pas là ce qu’il y a de plus vraiment noble dans mon affaire ; mais il faut être de bon compte, je ne valais pas mieux que cela alors. Et je crois bien que c’est ta rage de voir ce Lriomphe insensé m’échapper, qui m’a fait brutalemenl casser la mâchoire à ee malheureux lorsque ses camarades sont accourus pour me l’arracher ; car il n’y a pas le sens commun à cette action : ce u’e^t là qu’un jeu de la plus misérable vanité. Tout le reste a été froid et physique. Voilà, mon ami, mon aveu entier, el le plus franc que je puisse faire. Je me confesse à vous, mon cher Gudin : donnez-moi l’absolution. Si toul i nait mal, vous savez, mou ami, combien vous avez de gens à consoler : d’abord vous, car vous perdriez un homme qui vous aime bien ; ensuite les femmes : pour les hommes, mon père excepté, ils ont en général beaucoup de force contre ces sortes de pertes. Mais si je rattrape ma santé, écoutez donc, mou ami, je ne vous dis pas alors de brûler cette lettre, je vous ordonne de me la remettre. On ne laisse pas traîner son examen de con el vous sentez bien que >i je me mets sur le ton de vomir, comme je l’ai fait ce matii qui me suffoque, faute de se digérer dans mon estomac, cet horrible alimenl une lois expulsé je suis sur mes pieds. Adieu ; je suis las d’écrire, el même de penser. Je vais me mettre à végéti r, -i je puis ; cela vaut mieux pour des blessures que d’écrire, quelque vaguemenl qu’on laisse aller sa plume. Sache/ ci pem ami, que je u’ai . nlre affaire q m n tablir. .1 ai i xminé à ma satisfaction tous les objets de mon voyage. Il n’y a pas à me rép Ire, car j’arrêterai maintenant le moins que je pourrai. vous embra er joyeusement encore une fois. Allez voir, je vous prie, mon pauvre petil favori, car toul ceci est bien forl pour des têtes de femmes. Allez voir aussi Julie, je vous en remercierai en arrivant. El ma petite Doligny, allez la voir aussi. Elle m’a montré un si tendre intérêt au tempsdema grande détresse. La pauvre marquise, ci la va sans dire. Le 1 -. au soir. Mon bon ami, tant qu’on ne trouve point de poste, ■ i qu’il reste du papier, la lettre n’esl point finie. J’ai dormi el rêvé qu’on m’assassinait : je me suis l’éveillé dans une crise mortelle. Mais que c’est une chose agréable que de vomir de gros et longs caillots de sang dans le Danube ! Comme la sueur chaude qui mouillait mon visage glacé est i .i ; respire librement ! 1 o suyer mes yeux, donl l’effort a exprimé quelques larmes, comme ma vision est nette ! Les montagnes les plus hérissées sonl couvertes de vigm - des deux côtés du fleuve. Tout ce que je vois esl mi tour de force en culture. La pente est si roide, qu’il a fallu tailler les montagnes eu escalier, et flanquer chaque gradin d’un petit mur. pour empêcher l’éboulement des terres : c’est le travail de [’nom [ui boira le vin. Mais la vigne, qui ne boira rien, si vous voyiez comme elle suce de toute sa force le suc pierreux et vitriolique des rochers presque nus sur lesquels elle s’accroche ! vous diriez comme moi : chacun fait de son mieux ici. Dans ce lieu même, le fleuve esl si -erré’ qu’il bouilloi ; el le Qol me rappelle en petit noir- . de Boulogne à Calais, où nous fûmes si malades. Je l’étais pourtant moin- qu’aujourd’hui, quoique je souffrisse davantage. Mais j’ai bonne e p ements nient le sac, et la succession d’une souffrance amie el .1 un sou parfait n’e-i point le pire étal que doive craindre un ressuscité ; il esl même raisonnable de faire aller le bien pour le mal : d’ailleurs, je cours au-devant du soulagement. Encore 25 lieues d’Allemagne, c’est-à-dire 37 lieues de fiance, et je serai dans <references/>
Brébeuf - Relation de ce qui s’est passé dans le pays des Hurons en l’année 1636.djvu/185
honorer les Morts ; ils n’ont rien d’assez precieux pour cet effet ; ils prostituent les robbes, les haches, & la Pourcelaine en telle quantité, que vous iugeriez à les voir en ces occasions, qu’ils n’en font aucun estat, & toutefois ce sont toutes les richesses du Pays ; vous les verrez souuent en plein hyuer quasi tous nuds, pendant qu’ils ont de belles & bonnes robbes en leurs quaisses qu’ils mettent en reserue pour les Morts ; aussi est-ce là leur point d’honneur. C’est en cette occasion qu’ils veulent sur tout paroistre magnifiques. Mais ie ne parle icy que de leurs funerailles particulieres. Ces bonnes gens ne sont pas comme beaucoup de Chrestiens, qui ne peuuent souffrir qu’on leur parle de la mort, & qui dans vne maladie mortelle, vous mettent en peine toute vne maison pour trouuer moyen de faire porter cette nouuelle au malade, sans le faire mourir par auance. Icy quand on desespere de la santé de quelques-vns, non seulement on ne fait point de difficulté de leur dire, que c’est fait de leur vie ; mais mesme on prepare en leur presence tout ce qui est necessaire pour leur sepulture : on leur monstre souuent la robbe, les chausses, les {{Tiret|sou|liers}} <references/>
Stevenson - Le Roman du prince Othon.djvu/78
{{Numérotation|<small>LE ROMAN DU PRINCE OTHON</small>|62|}}Mais avec toi, c’était différent. Tu étais bien toi-même, sans accommodement : c’était gentil à voir. Je l’ai toujours dit : il n’est personne au monde qui ait si peu d’affectation qu’Othon. — Ni affectation ni effort ! s’écria Othon. Un chien mort flottant dans un canal a plus d’énergie que moi. La question, Gotthold, la question à laquelle il me faut faire face, la voici : ne me serait-il pas possible, à force de travail et de sacrifices, ne me serait-il pas possible de devenir un souverain passable ? — Jamais ! répliqua Gotthold. Chasse vite cette idée-là. Du reste, mon fils, tu n’essaierais jamais. — Gotthold, ne tente pas de me donner le change ! fit Othon. Si je suis foncièrement incapable de régner, que fais-je donc ici, avec cet argent, ce palais, ces gardes ? Et alors, moi, voleur, dois-je faire exécuter la loi par les autres ? — J’admets la difficulté, répondit Gotthold. — Eh bien, donc, ne puis-je essayer ? continua Othon. Ne suis-je même pas tenu d’essayer ? Et avec les conseils et l’aide d’un homme tel que toi... — Moi ! s’écria le bibliothécaire. Ah ! pour ça, Dieu m’en préserve ! Othon n’était guère d’humeur souriante, mais il ne put réprimer un sourire. — Cependant, fit-il, je me suis laissé dire, la nuit dernière, qu’avec un homme tel que moi pour représenter, et un homme comme toi pour faire mouvoir les ressorts, on pourrait composer un gouvernement fort possible. <references/>
Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 92.djvu/81
moins complètes, sur la côte de l’Orisa, vers les abords de l’Himalaya, au sud du Guzerat et jusqu’au-delà de l’Indus, dans la vallée du fleuve de Caboul ; la série des sept édits sur piliers, à Allahabad, au confluent de la Jumna et du Gange, plus au nord à Radhia, plus à l’ouest autour de Dehli; puis des édits détachés, soit isolés comme à Sahasaram, vers la limite septentrionale du Dekkan, soit rapprochés des séries plus étendues, comme à Dhauli dans l’Orissa. On voit que ces monumens jalonnent les frontières d’un vaste empire, embrassant au moins l’Inde du nord tout entière. En présence de textes écrits dans une langue indéterminée et avec des alphabets inconnus, c’était un beau succès de retrouver la clé de l’écriture, d’identifier l’idiome et de le remettre à sa place historique. Ce n’était pas tout, il s’agissait d’en déterminer l’auteur. N’est-il pas étrange que la question ait pu seulement se poser, que des documens si authentiques et relativement si étendus n’aient pas, dès le premier jour, fait à cet égard la lumière? Les inscriptions plus modernes sont pleines de généalogies, de détails hyperboliques, mais circonstanciés. Tel n’est pas le ton de notre roi. Sa préoccupation est si uniquement tendue vers son but, si détachée de sa personne, qu’il ne nous a laissé aucune indication sur ses origines ni sur sa famille. Chose qui paraîtra plus bizarre, le nom même d’Açoka que nous lui donnons n’est prononcé en aucun passage ! Le goût des titres pompeux, des noms de bon augure, est très vif chez les rois de l’Inde. Leur puissance, souvent moins solide que fastueuse, semble devoir mieux miroiter dans les facettes des épithètes laudatives. La multiplicité des noms royaux devient ainsi de bonne heure une habitude qui, en bien des cas, contribue fâcheusement à embrouiller les souvenirs qui, par une voie ou par l’autre, nous sont parvenus du passé. Dans le cas présent, c’est peut-être un excès de modestie qui a fait ce qu’a fait ailleurs un excès de prétention. Le fait est que, dans nos inscriptions, le roi se nomme du seul nom de Priyadarçin<ref> ''Piyadasi'' dans le dialecte des inscriptions. </ref>, « aimable à voir, bienveillant. » Inconnu à la tradition littéraire, il commença par déconcerter beaucoup Prinsep. Heureusement la date certaine des monumens, la puissance exceptionnelle de leur auteur, circonscrivaient le champ des recherches. Des chroniques religieuses compilées à Ceylan, qui embrassent l’histoire générale des premiers temps du bouddhisme, et qui constituent la source d’informations historiques la plus riche et la plus sûre que nous ait transmise la littérature de l’Inde, furent retrouvées et étudiées très opportunément au moment même où la lumière se faisait sur nos inscriptions. L’analogie des situations, <references/>
Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/73
{{nr||MONTRÉAL|67}}{{tiret2|con|servateur}} modéré, qu’il prit le nom qu’il porte actuellement. {{M.|Siméon Lesage}}, aujourd’hui sous-ministre des travaux publics à Québec, succéda à {{M.|Royal}} comme rédacteur en chef. Vinrent ensuite {{M.|Cléophas Beausoleil}}, passé depuis dans le camp libéral ; {{M.|Alphonse Desjardins}}, aujourd’hui président de la banque Jacques-Cartier et représentant d’Hochelaga aux Communes, où il jouit d’une grande influence parmi la députation française ; {{M.|Frédéric Houde}}, ancien député de Maskinongé à Québec, mort en 1883 ; {{M.|F. X. Demers}} ; {{MM.|Provencher et Blumhart}}, que nous retrouverons à la ''Presse'', et enfin {{M.|Fabien Vanasse}}, député d’Yamaska aux Communes, entre les mains duquel se trouve la direction du ''Monde'' depuis 1884. Le journal appartient à la Compagnie d’imprimerie et de publication du Canada, refondue depuis 1884, et qui en a toujours eu la propriété. Le ''Monde'' a trois éditions par jour : midi, 3 et 5 heures, au prix de 1 centin le numéro ou 3 piastres par an. Le samedi paraît un supplément littéraire. Le tirage moyen est de {{formatNum:14 000}} exemplaires ; le samedi il atteint {{formatNum:18 000}}. En outre le ''Monde'' a une édition hebdomadaire de huit pages, résumant tous les faits de la semaine, dont le tirage arrive à {{formatNum:15,000}} exemplaires, destinés, pour les deux tiers, aux Canadiens des États-Unis. Le ''Monde'' est un journal de nouvelles et une feuille populaire. Il peut revendiquer l’honneur d’avoir créé, dans la presse française, le journal à bon marché, rempli de renseignements et de nouvelles, politiques aussi bien que variées. Il est fait sur le modèle des grands journaux anglais. Pour un sou il donne quatre grandes pages d’impression, à huit colonnes chacune avec des caractères très fins ; aussi le lecteur ne peut-il se plaindre de ne pas en avoir pour son argent. Comme opinion politique le ''Monde'' soutient les intérêts conservateurs et reçoit les inspirations de sir Hector Langevin, ministre des travaux publics à Ottawa. Tout autre est le journal la ''Patrie''. Le 23 février 1879, au lendemain de la disparition du ''National'', organe libéral du district, mort d’anémie après avoir longtemps végété, un groupe de libéraux se trouvait réuni chez le sénateur Thibaudeau. Il s’agissait de trouver ''tout de suite'' un successeur au défunt. Pour cela il fallait une direction, un local et des fonds. La chose semblait impossible, car il était admis qu’un journal de langue française ne <references/>
Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 64.djvu/464
{{Tiret2|iden|tité}} graphique absolue, ce ne serait pas une raison pour qu’elles ne fussent point authentiques; on en verra plus bas le motif. Dans tous les cas, animé du désir de pousser à ce sujet l’enquête aussi loin que possible, j’ai voulu m’éclairer des lumières des hommes du métier les plus compétens. Et d’abord un fait évident, indiscutable, c’est que Marie-Antoinette, à partir de l’année 1774, avait une écriture fixée, qui se soutint constamment la même jusqu’à sa mort. La preuve en est, pour nous appuyer uniquement sur les documens viennois, que les caractères du ''fac simile'' d’une lettre du 17 décembre 1774 fourni par M. d’Arneth sont identiquement les mêmes que ceux des derniers billets écrits par cette princesse dans la prison du Temple au courageux baron de Jarjayes, qu’ils sont les mêmes que ceux de sa dernière lettre à Mme Elisabeth, testament écrit en 1793, tout près de l’échafaud. Que tantôt, dans l’intervalle, l’écriture ait été plus serrée ou plus lâche, tantôt plus penchée ou plus droite, plus grosse ou plus fine dans telle ou telle circonstance, peu importe (exemple : les ''fac simile'' de février, du 17 décembre 1774, de février 1775 et d’avril 77, — recueil Arneth). La différence de plume, la variété des impressions morales et physiques sous lesquelles on écrit changent le mouvement et les effets de main, comme disent les experts; mais, après tout, le fond de l’écriture reste le même, et là est la question entière : base typique, en dehors de laquelle la discussion ne serait que vaine et puérile. L’examen ne devait donc porter que sur les lettres des quatre premières années. Or nous avions en présence deux écritures différentes, antithétiques : celle de 1770 à 1774, fournie par les documens de Vienne, et celle de 74 à 93, qui est partout. Quelle était la vraie? quelle était la supposée, s’il y avait supposition? Étaient-elles authentiques toutes les deux aux époques correspondantes, bien que l’une d’elles dût ne pas être essentiellement autographe? Remontons d’abord à l’éducation qu’avait reçue Marie-Antoinette avant d’arriver en France, et suivons-la à Versailles. Quand l’abbé de Vermond, qui avait un si grand intérêt à ramener une dauphine accomplie, était arrivé à Vienne auprès de la jeune archiduchesse, il s’était tout d’abord employé à connaître la tournure d’esprit de son élève et le degré d’instruction où elle était parvenue. Il avait reconnu que la comtesse de Brandis, à qui avait été confiée son enfance, cette femme excellente qui l’aimait beaucoup, l’avait fort gâtée et ne l’avait gênée pour aucune espèce d’obligation. Dans une lettre du 21 janvier 1769 au comte de Mercy, l’abbé écrivait de Vienne que l’on ne pouvait guère dater l’instruction de la princesse que depuis environ neuf mois qu’elle était <references/>
Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/136
étude scientifique, dit M. Claude Bernard, il ne faut pas vouloir identifier les phénomènes, il faut bien distinguer la généralisation, qui simplifie et éclaire, de l’uniformisation, qui confond et embrouille. » Soit, il est évidemment dangereux de chercher à tout prix l’identité et de forcer les faits à entrer, bon gré, mal gré, dans un cadre unique; il y a tout intérêt à mettre en saillie les variétés phénoménales, et c’est là sans doute une des conditions du progrès; mais il y a un intérêt aussi évident à rechercher ce qui est identique dans deux phénomènes différens afin de réduire la différence à ce qu’elle a d’essentiel. Sous cette réserve, il est impossible de méconnaître la grande loi qu’énonce M. Claude Bernard quand il dit que les différences des élémens physiologiques se multiplient à mesure que l’on s’élève dans l’échelle des êtres. Chez les animaux tout à fait inférieurs, les systèmes musculaires et nerveux sont confondus. A un degré plus avancé, ils se séparent et l’on peut suivre les progrès de ce divorce; de même pour les élémens nerveux. On a constaté chez un petit coléoptère, le dytique, des ganglions dont la face supérieure donne lieu à des mouvemens sans provoquer de douleur, et dont la face inférieure manifeste, quand on l’excite, une vive sensibilité. On voit donc là les deux systèmes, moteur et sensitif, à la fois confondus et près de se séparer. Parmi les êtres supérieurs, les fonctions nerveuses vont certainement en se spécialisant. M. Claude Bernard signale à cet égard des différences marquées entre les diverses races de chevaux et de chiens, et il ajoute que, pour lui, ce qu’on appelle ordinairement le ''sang'' dans les races animales réside dans les propriétés du système nerveux. Que la distinction essentielle soit dans les propriétés mêmes ou seulement dans les fonctions des nerfs, il est certain que la physiologie trouve dans l’étude de ces dissemblances un vaste champ d’essais à poursuivre. Quoi qu’il en soit de ces débats, qui ont, comme il arrive d’ordinaire, apporté à la science une moisson féconde d’expériences, la physiologie contemporaine suit assez nettement dans ses parties principales le jeu des systèmes musculaire et nerveux. A travers la complexité des mécanismes vitaux, elle reconnaît toujours quatre termes: un élément nerveux sensitif, un élément central ou cellule nerveuse, un élément nerveux moteur, un élément contractile ou musculaire. L’élément sensitif reçoit les impressions, soit qu’elles viennent du dehors, soit qu’elles naissent dans le corps même. Il les transmet à la cellule centrale, où, dans le cas de sensibilité inconsciente, l’action sensitive est comme transformée ou ''réfléchie'' en action motrice pour aller agir sur le muscle. C’est pourquoi on appelle ces mouvemens involontaires des actions ''réflexes''. Dans les animaux vertébrés, la plus grande partie des cellules centrales est <references/>
Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 129.djvu/264
Marmont alla porter le mot d’ordre dans les divisions ; elles y répondirent par un écho formidable. « Tremblez ! écrit la division d’Augereau : de l’Adige au Rhin et à la Seine, il n’y a qu’un pas... Vos iniquités sont comptées, et le prix en est au bout de nos baïonnettes ! » « La route de Paris offre-t-elle plus d’obstacles que celle de Vienne ? » écrivit la division Masséna. Bernadotte, était-ce instinct de roi latent ? se montra seul modéré ; mais Joubert : « Il faut que les armées purifient la France ; nous passerons comme la foudre. » Bonaparte enfin, dans une proclamation à l’armée : « Les mêmes hommes qui ont fait triompher la patrie de l’Europe coalisée sont là. Des montagnes nous séparent de la France ; vous les franchiriez avec la rapidité de l’aigle, s’il le fallait, pour maintenir la constitution, défendre la liberté, protéger le gouvernement et les républicains... Les royalistes, dès l’instant qu’ils se montreront, auront vécu... » Il envoya le tout au Directoire, le 15 juillet : « L’indignation est à son comble dans l’armée... citoyens Directeurs, il est imminent que vous preniez un parti. Il n’y a pas un homme qui n’aime mieux périr les armes à la main que de se faire assassiner dans un cul-de-sac de Paris... Je vois que le club de Clichy veut marcher sur mon cadavre pour arriver à la destruction de la République. ? s’est-il plus en France de républicains ?... Vous pouvez, d’un seul coup, sauver la République, deux cent mille têtes peut-être qui sont attachées à son sort, et conclure la paix en vingt-quatre heures : faites arrêter les émigrés ; détruisez l’influence des étrangers. Si vous avez besoin de force, appelez les armées. Faites briser les presses des journaux vendus à l’Angleterre, plus sanguinaires que ne le fut jamais Marat... Quant à moi... s’il n’y a point de remède pour faire finir les maux de la patrie, pour mettre un terme aux assassinats et à l’influence de Louis XVIII, je demande ma démission. » Il y avait des moyens, et c’étaient précisément ceux qu’il possédait : de l’argent et des soldats. Cependant Lavalette lui mande de Paris « qu’il ternirait sa gloire », en mettant lui-même la main au coup d’Etat ; « qu’on ne lui pardonnerait pas de se lier avec le Directoire pour opérer le renversement de la constitution et de la liberté. » Bonaparte pense au lendemain du coup d’État ; ce lendemain sera son jour. Le succès même du Directoire rendra le Directoire odieux ; le retour à la révolution jacobine sera impopulaire ; les modérés, à peine remis de la crainte d’une rentrée des émigrés, tomberont dans la peur des Jacobins. Le pouvoir appartiendra à l’homme qui rassurera tout le monde, contre tous les excès. <references/>
Reid - Aventures de terre et de mer, Hetzel, 1891.djvu/493
« Partez, dit-il au plus proche, et vite amenez du renfort. Et vous autres, venez me dégager. Ah ! ah ! vous ne me tenez pas encore, Hick Ilolt, et vous autres, les faux Indiens, je suis encore votre maître. » Mais les anges destructeurs étaient déconcertés de la défection de Holt, et, tenus en respect par les rifles qui pointaient au-dessus des rochers, ils ne bougèrent point. « Ne faites pas de telles manœuvres de côté, cria le squatter ; ne détournez pas votre face de moi, ou sinon je vous envoie une balle dans le dos. Maintenant, avouez la vérité. » Stebbins vit bien qu’il y aurait imprudence à tarder plus longtemps, et il répondit d’une voix contrainte : « Vous n’avez point commis de meurtre, Holt ; je n’ai jamais dit cela. — Non ; mais vous m’avez menacé de m’en accuser, et vous avez inventé des preuves pour vous rendre maître de moi. Confessez-le... vite, ou vous êtes un homme mort. — Oui, je l’avoue, murmura le misérable. — Assez ; vous pouvez partir ; agissez mieux envers d’autres, si votre conscience vous le permet. — Non ! s’écria Franck Wingrove qui s’était approché peu à peu du squatter. J’ai un compte à régler avec ce coquin-là. Un homme capable de tels complots ne doit pas rester impuni ; ce serait nuire à la sécurité générale. Et vous ne le laisseriez pas aller, Hickmann Holt, si vous saviez ce qu’il voulait faire de vos filles. — Quoi donc ? demanda le squatter avec un étonnement qui montrait son ignorance du but poursuivi par Stebbins. — Les femmes, c’est-à-dire les servantes et les esclaves à jamais misérables de cet odieux fou qui se dit le prophète Mormon. L’être abject qui pour de l’or était capable de tout faire, ne mérite pas notre pitié. » Un cri de fauve, qui s’échappa des lèvres du squatter, suivit ces derniers mots de Wingrove, et se mêla au bruit d’une détonation. Un nuage de fumée enveloppa Holt un instant. Puis un cheval sans cavalier se mit à tourner follement dans la vallée ; Stebbins apparut couché sur le gazon. Il était mort. Un trou pourpre à son front marquait la trace où avait pénétré la balle vengeresse.<includeonly> [[File:Reid-Aventures-Terre-Mer-d491.png|350px|center]] {{c|Un cri de fauve s’échappa.|fs=80%}}</includeonly> Les anges destructeurs tirèrent une volée de coups de fusil qui n’atteignit personne, tant les Mormons étaient troublés. On y répondit du haut de la barricade des rochers, et deux de ces hommes tombèrent. Les quatre autres, jugeant la journée perdue, tournèrent bride et s’enfuirent par la ravine. « Ô mes enfants ! s’écria le squatter en ouvrant ses bras à ses deux filles, voulez-vous, pouvez-vous me pardonner ?... et maintenant... — Et maintenant, père, lui dit Marian, ne parlez plus jamais de pardon. Il n’y a plus rien à pardonner, et peut-être pas beaucoup à regretter, puisque les périls que nous avons traversés nous ont prouvé notre affection mutuelle. Après avoir échappé à tant de dangers, nous retournerons chez nous, heureux d’être ensemble et de revoir le Tennessee et notre chère clairière. — Ah ! ma fille, elle ne m’appartient plus, Nous n’avons plus un toit où abriter notre pauvre famille. — Pardonnez-moi, Hickmann Holt, dit Édouard Warfield avec émotion. Il ne dépend que de vous que la clairière soit à vous comme par le passé. Si j’ai pu être utile à votre fille Marian, je vous demande, pour toute récompense, de vouloir bien vous établir de nouveau dans votre habitation, comme si elle n’avait jamais cessé d’être vôtre. Quand vous me connaîtrez mieux, vous me direz si vous me trouvez digne de l’habiter avec vous et de n’y pas être à titre d’ami seulement et encore moins d’étranger... — Lilian a rougi, dit le squatter en tendant la main au capitaine. Je vois bien que vous avez gagné son cœur. Est-ce que je me tromperais ? ajouta-t-il tout à coup en s’apercevant que Lilian le tirait par le bras pour lui reprocher d’avoir révélé un sentiment qu’elle croyait si bien caché. Est-ce que je me tromperais, capitaine ? Serait-ce de Marian que vous me parlez ? — J’aime Marian comme une sœur, dit Édouard Warfield en tendant la main à la chasseresse, c’est vous dire que, même pour l’amour d’elle, je ne voudrais pas me faire le rival, l’ennemi de mon cher Franck Wingrove. — Allons ! Wingrove, dit le squatter, j’ai eu des torts envers toi. Pardonne à ton vieil ami, et partons vite d’ici pour nous en aller au Mud-Creek former une seule famille. » Le voyage se poursuivit sans obstacles jusqu’au campement des Utahs. Wa-ka-ra, tou- <references/>
Demanche - Au Canada et chez les Peaux-Rouges, 1890.djvu/122
{{nr|110|{{sc|au canada et chez les peaux–rouges}}|}}Saint-Boniface possède aussi un collège fondé par {{Mgr|Taché}} et dirigé depuis trois ans par les jésuites. C’est le seul établissement catholique d’enseignement supérieur du Manitoba et on y suit à {{corr|la la|la}} fois des cours classiques et commerciaux. Comme à l’école supérieure des filles, presque tous les élèves sont Canadiens-Français, il y a aussi quelques Métis et un jeune Sauvage de la tribu des Pieds-Noirs, dont la physionomie reflète l’intelligence en même temps que l’espièglerie. Sur notre proposition, le recteur demande aux élèves s’ils feraient opposition à un jour de congé. Personne ne répond, mais une salve d’applaudissements éclate sur tous les bancs. Le système adopté pour l’enseignement public dans la confédération canadienne est celui de la liberté absolue sur la base des écoles séparées selon les cultes. L’instruction est ainsi une affaire exclusivement provinciale, ce qui explique l’absence d’un département de l’instruction publique dans le cabinet fédéral. Au Manitoba, l’enseignement public n’a pas de ministre dans le cabinet de la province, mais relève du secrétaire provincial. Au-dessous de lui se trouve le bureau d’éducation formé de deux sections, une catholique et une protestante, au prorata de la population par culte. Ce bureau, qui est le conseil supérieur de chaque province, est souverain pour les affaires d’instruction publique. Quand il s’agit d’affaires confessionnelles, ce n’est pas le conseil lui-même, mais la section du culte intéressé qui examine et tranche les questions qui lui sont soumises. Il y a en outre deux surintendants (un catholique et un protestant) indépendants l’un de l’autre comme les sections. Ce sont les agents exécutifs du bureau d’éducation. La province est divisée en arrondissements scolaires et chaque arrondissement a ses affaires d’instruction régies par trois commissaires élus par les contribuables assujettis à la taxe scolaire. Les sommes nécessaires aux frais de l’instruction publique proviennent du budget provincial, du budget local et de la taxe scolaire. Ce système est assez ingénieux. Les crédits votés par l’Assemblée législative sont répartis par le gouvernement provincial entre les deux sections proportionnellement au nombre d’enfants en âge de fréquenter l’école, c’est-à-dire de 5 à 15 ans. Ces crédits sont distribués en deux fois. Chaque école fonctionnant depuis six mois au moins, reçoit une somme fixe de <references/>
La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 9.djvu/149
cette suie sur une feuille de papier bien sec : c’est le noir dont on se sert pour faire l’encre fine et luisante. La suie qui ne tombe point avec la plume est la plus grossière, et ne s’emploie que pour l’encre commune. Celle qu’on a recueillie sur le papier doit être bien broyée dans un mortier ; on y mêle du musc ou quelque eau odoriférante avec de bonne colle de cuir de bœuf pour incorporer les ingrédiens. Lorsque cette composition a pris la consistance de pâte, on la met dans des moules, pour lui donner sa forme, après quoi l’usage est de graver dessus, avec un cachet, des caractères ou des figures en bleu, en rouge ou en or : on fait ensuite sécher les bâtons, au soleil ou à un vent sec. Dans la ville de Hoeï-cheou, célèbre, comme on l’a remarqué, par la beauté de son encre, les marchands ont de petites chambres où ils entretiennent nuit et jour des lampes allumées ; chaque chambre est distinguée par l’huile qu’on y brûle, et par l’espèce d’encre qui s’y fait. Les Chinois ne se servent, pour écrire, ni de plumes comme nous, ni de canne ou de roseau comme les Arabes, ni de crayon comme les Siamois : ce sont des pinceaux de poil, particulièrement de poil de lapin, qui est le plus doux. Quand ils veulent écrire, ils ont sur la table un petit marbre poli, avec un trou à l’extrémité, pour y mettre de l’eau : ils y trempent leur bâton d’encre, qu’ils frottent plus ou <references/>
Ibn Khaldoun - Prolégomènes, Slane, 1863, tome III.djvu/557
��541 ��MoSNED. Signification de ce terme, II, i85. — Les Mosneds, 47a. MosNAD, espèce d'écriture, II, 896; III, a66. Mosquées. Il y en a deux espèces, I, 446. Leur administration, ibid. — Les mos- quées et temples les plus illustres, II, a53 et suiv. — Le temple de la Mecque, a 54 et suiv. — Le parvis de la Caaba forme la mosquée, a6o. — Le temple de Jérusalem, a63 et suiv. MosTANCER (El-), le Hafsidie. Date de sa mort, 1, InlTod. xvi. MosTANCEHiYA (El-), nom d'un collège à Baghdad, III, ao. MoscL, I, i45, MoswEDDA, terme qui désignait les Abba- cides, II, 5i. MoTAMAOuwEL. Signification de ce terme, II, Sao, note. MoTAMED (El-), traité de jurisprudence, III. 33. MoTARREF, docteur œalekile, III, 18. MoTARREF, poète espagnol, III, 43o. MoTARREF Ibn Tarif, Iraditionniste, II, 167, note. MoTASSEL , terme de métaphysique , III , 94. MoTAZELiTES (Les), I, 190, note. Leur opinion relativement à la possibililéd'un prodige opéré par un saint, I, 191,193. — Leur doctrine, III, 56, 58 noie. — Leur opinion au sujet des attributs di- vins, 70. MoTECHABEH ('vl-*»).Parce terme on dé- signe les mois el les versets du Coran dont le sens est obscur, III , a , 53 , note. — Eclaircissements à ce sujet, 64 et suiv. 67. — Ce qu'Aïcha en disait, 67. — La vraie signification des expressions motechabeh nous est inconnue, ibid. MoTENEBBi (El-). Quelques critiques re- ��fusent à ses compositions le titre de poèmes, III, 375, note, 38o. MoTEKELLEMÎN (Lcs), théologiens dogma- tiques, I, 18g. — Voyez ScoLASTiQ LES. MoTEsouwEFi (aspirant au soufisme), III, 86,468. MoTEzz (Ibn EL-), III, 385, note, 397. MoTHENNA. Voyez Sabbah (Ibn el-). MoTi (Ibn ) , grammairien , III , 3 1 a , note. Mots. Les vertus secrètes des mots, III, 191, 19a, 193. — Nécessité de con- naître la signification des mois, a8o, 3o3 el suiv. — Les mots peuvent s'ex- primer de deux manières, a8o. — Les mots primitifs et secondaires, 3iy. — La signification des mots ne peut pas s'obtenir par la déduction analogique, 3ao. Moubedan (Le), I, 80, note. — Son songe, aa4. — Fable qu'il raconte au roi des Perses, II , 107. — Les conseils qu'il lui donna, 107, io8. MouçA Ibn Abi 'l-Afià , émir des Miknaça , I, 293, note. MouçA Ibn Chaker, m, 1 43, noie. Mouça Ibn Saleh , devin , II , 207. MoDÇA (Abou) el-Acharj, I, 4i6, note, 449, note; II, 417, note Moudjez (El-), traité de logique, III, i56. M0DEDDIN (Ali Ibn el-), poêle de Tlem- cen, III, 44y. MouHEL (Ibn), poêle espagnol, III, 4a8. Mowahhedîn. Origine de cette dénomina- tion, I, 467. MowAiED (El-) , khalife omeïade espagnol , I,38o. Mowalled. Les deux significations de ce mot, III, 3oo, noie, et 344, note. Mowascheh A , espèce de poème , III , 4a a . — Signification de ce mot, ibid. note. MowATTA , titre d'un corps de traditions �� � <references/>
Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/56
rouge, je dus accepter de la femme de chambre un solide coup de brosse, avant de quitter la clinique. À l’hôtel ''Cendrillon'', j’affrontai l’accueil gouailleur des Ricourt, en demandant, de l’air le plus naturel : — Et votre excursion à Saint-Maximin ? Elle s’est bien passée ? — Pas mal, ricana Géo. Et toi, hier ? On ne t’a pas vu de la soirée. — Nous étions inquiets, dit la vieille dame. Nous vous croyions en panne dans la colline avec le docteur Alburtin. Luce me toisait d’un air sardonique. — Ah ! Tonton, tu lâches la peinture pour la médecine... et le camionnage... Mais je t’en veux d’avoir filé comme ça tout à l’heure. J’aurais aimé que tu me présentes ta jolie aviatrice. Comme je détestais Luce ! comme je la trouvais vulgaire, avec son américanisme de contrebande, son rire bruyant et aurifié ! Quel mépris j’avais pour elle, désormais ; et que j’eus de peine, ce soir, à supporter ses brocards sans lui jeter au nez mon opinion toute nue ! Mais la pensée d’Aurore me soutenait, et ce fut d’un front d’airain que j’inventai les mensonges nécessaires pour répondre aux questions sur « Mlle Constantin », son pays, d’où elle arrivait, etc. Mais je faillis rougir quand Luce me dit : <references/>
Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 5.djvu/415
{{Tiret2|hom|mes}}, comme il paroît par les arrêts rapportés par M. Loüet, ''lett. N. n. 1. 2 & 3''. Il est dit par le second chef, qu’au regard des biens à icelles veuves acquis par dons & libéralités de leurs défunts maris, elles n’en pourront faire aucune part à leurs nouveaux maris ; mais qu’elles seront tenues de les réserver aux enfans communs d’entr’elles & leurs maris, de la libéralité desquels ces biens leur seront avenus : que la même chose sera observée pour les biens avenus aux maris par dons & libéralités de leurs défuntes femmes, tellement qu’ils n’en pourront faire don à leurs secondes femmes, mais seront tenus les réserver aux enfans qu’ils ont eus de leurs premieres. Ce même article ajoûte que l’''édit'' n’entend pas donner aux femmes plus de pouvoir de disposer de leurs biens, qu’il ne leur est permis par les coûtumes du pays. ''Voyez'' {{EncL|Secondes noces|SECONDE|S|14}}. (''A'') {{sc|Edit de la subvention des Procès}} : on donna ce nom à un ''édit'' du mois de Novemb. 1563, portant que ceux qui voudroient intenter quelque action, seroient tenus préalablement de consigner une certaine somme, selon la nature de l’affaire. Cet ''édit'' fut révoqué par une déclaration du premier Avril 1568 : il fut ensuite rétabli par un autre ''édit'' du mois de Juillet 1580 ; mais celui-ci fut à son tour révoqué par un autre ''édit'' du mois de Février 1583, portant établissement d’un denier parisis durant neuf ans, pour les épices des jugemens des procès. Il y eut des lettres patentes pour l’exécution de cet ''édit'', le 26 Mai 1583. ''Voyez'' Fontanon, ''tome IV. p. 706''. Corbin, ''rec. de la cour des aides, pag. 54''. (''A'') {{sc|Edit d’union}} : on donna ce nom à un ''édit'' du 12 Février 405, que l’empereur Honorius donna contre les Manichéens & les Donatistes, parce qu’il tendoit à réunir tous les peuples à la religion catholique. Il procura en effet la réunion de la plus grande partie des Donatistes. ''Voyez l’Hist. ecclés''. à l’année 405. (''A'') <section end="EDIT"/> <section begin="EDITEUR"/><nowiki/> <nowiki>*</nowiki> EDITEUR, s. m. (''Belles-Lett''.) on donne ce nom à un homme de Lettres qui veut bien prendre le soin de publier les ouvrages d’un autre. Les Bénédictins ont été ''éditeurs'' de presque tous les peres de l’Église. Les PP. {{erratum|Lallemant|Labbe}} & Hardoüin ont donné des éditions des conciles. On compte parmi les ''éditeurs'' du premier ordre, les docteurs de Louvain, Scaliger, Petau, Sirmond, ''&c''. Il y a deux qualités essentielles à un ''éditeur ;'' c’est de bien entendre la langue dans laquelle l’ouvrage est écrit, & d’être suffisamment instruit de la matiere qu’on y traite. Ceux qui nous ont donné les premieres éditions des anciens auteurs grecs & latins, ont été des hommes savans, laborieux & utiles. ''Voyez l’art''. {{EncL|Critique|CRITIQUE|C|4}}. ''Voyez aussi'' {{EncL|Erudition|ERUDITION|E|5}}, {{EncL|Texte|TEXTE|T|16}}, {{EncL|Manuscrit|MANUSCRIPT|M|10}}, {{EncL|Commentateurs|COMMENTATEURS|C|3}}, ''&c''. Il y a tel ouvrage dont l’édition suppose plus de connoissances qu’il n’est donné à un seul homme d’en posséder. L’Encyclopédie est singulierement de ce nombre. Il semble qu’il faudroit pour sa perfection, que chacun fût ''éditeur'' de ses articles ; mais ce moyen entraîneroit trop de dépenses & de lenteur. Comme les ''éditeurs'' de l’Encyclopédie ne s’arrogent aucune sorte d’autorité sur les productions de leurs collegues, il seroit aussi mal de les blâmer de ce qu’on y pourra remarquer de foible, que de les loüer de ce qu’on y trouvera d’excellent. Nous ne dissimulerons point qu’il ne nous arrive quelquefois d’appercevoir dans les articles de nos collegues, des choses que nous ne pouvons nous empêcher de desapprouver intérieurement, de même qu’il arrive, selon toute apparence, à nos collegues d’en appercevoir dans les nôtres, dont ils ne peuvent s’empêcher d’être mécontens.{{DeuxColonnes}} Mais chacun a une maniere de penser & de dire qui lui est propre, & dont on ne peut exiger le sacrifice dans une association où l’on n’est entré que sur la convention tacite qu’on y conserveroit toute sa liberté. Cette observation tombe particulierement sur les éloges & sur les critiques. Nous nous regarderions comme coupables d’une infidélité très-repréhensible envers un auteur, si nous nous étions jamais servis de son nom pour faire passer un jugement favorable ou défavorable ; & le lecteur seroit très-injuste à notre égard, s’il nous en soupçonnoit. S’il y a quelque chose de nous dans cet ouvrage que nous fassions scrupule d’attribuer à d’autres, c’est le bien & le mal que nous pouvons y dire des ouvrages. ''Voyez'' {{EncL|Eloge|ELOGE|E|5}}. <section end="EDITEUR"/> <section begin="EDITION"/><nowiki/> EDITION, s. f. (''Belles-Lett''.) ce mot est relatif au nombre de fois que l’on a imprimé un ouvrage, ou à la maniere dont il est imprimé. On dit dans le premier sens, ''la premiere, la seconde édition ;'' & dans le second, ''une belle édition, une édition fautive''. Les gens de Lettres doivent rechercher les ''éditions'' correctes. La recherche des belles ''éditions'' n’est qu’une espece de luxe ; & quand elle est poussée à l’excès, elle n’est plus qu’une branche de la bibliomanie. ''Voyez'' {{EncL|Bibliomanie|BIBLIOMANIE|B|2}}. Souvent on a la fureur d’insérer dans les ''éditions'' qu’on publie des ouvrages d’un auteur après sa mort, quantité de productions qu’il avoit jugées indignes de lui, & qui lui ôtent une partie de sa réputation. Ceux qui sont à la tête de la Librairie, ne peuvent apporter trop de soin pour prévenir cet abus ; ils montreront par leur vigilance dans cette occasion, qu’ils ont à cœur l’honneur de la nation, & la memoire de ses grands hommes. (''O'') <nowiki>*</nowiki> {{sc|Edition}}, (''Hist. anc''.) L’''édition'' des Latins se disoit de ces spectacles que le peuple avoit imposés à certains magistrats, qu’ils donnoient à leurs frais, qu’on désignoit par ''{{lang|la|munus editum, edere munus}},'' dont ils étoient appellés les éditeurs, ''{{lang|la|editores}},'' & qui en ruinerent un si grand nombre. Les questeurs, les préteurs, ''&c''. étoient particulierement obligés à cette dépense. S’il arrivoit à un magistrat de s’absenter, le fisc la faisoit pour lui, & en poursuivoit le remboursement à son retour. Ceux qui s’y soûmettoient de bonne grace, indiquoient le jour par des affiches, le nombre & l’espece des gladiateurs, le détail des autres jeux, & cela s’appelloit ''{{lang|la|munus ostendere, prænuntiare}}''. Cette largesse donnoit le droit de porter ce jour la prétexte, de se faire précéder de licteurs, de traverser le cirque sur un char à deux chevaux, & quelquefois l’honneur de manger à la table de l’empereur. Si les spectacles étoient poussés fort avant dans la nuit, on étoit obligé de faire éclairer le peuple avec des flambeaux. <section end="EDITION"/> <section begin="EDITUE"/><nowiki/> <nowiki>*</nowiki> EDITUE, s. m. (''Histoire anc''.) celui à qui la garde des temples du Paganisme étoit confiée : ils y exerçoient les mêmes fonctions que nos sacristains : ils étoient appellés ''éditui'', du mot ''{{lang|la|ædes}}'', temple. <section end="EDITUE"/> <section begin="EDMONDSBURY"/><nowiki/> EDMONDSBURY, (''Géograph. mod''.) ville de la province de Suffolk en Angleterre. ''Longit. 18. 30. latit. 52. 20''. <section end="EDMONDSBURY"/> <section begin="EDONIDES"/><nowiki/> <nowiki>*</nowiki> EDONIDES, s. f. plur. (''Mythol''.) Bacchantes qui célébroient les mysteres du dieu auquel elles étoient attachées, sur le mont Edon, aux confins de la Thrace & de la Macédoine. ''Voyez'' {{EncL|Bacchus|BACCHUS|B|2}} ''&'' {{EncL|Bacchantes|BACCHANTES|B|2}}. <section end="EDONIDES"/> <section begin="EDREDON ou EDERDON"/><nowiki/> EDREDON ''ou'' EDERDON, s. m. (''Ornitholog''.) duvet que l’on tire d’un canard de mer appellé ''eider''. Worm l’a désigné par ces mots, ''{{lang|la|anas plumis mollissimis}}'', canard à plumes très-douces. Le mâle ressemble beaucoup à un canard ordinaire, pour la figure ; il a le bec noir & applati, plus ressemblant au bec de l’oie qu’à celui du canard. Ce bec est dentelé sur<section end="EDREDON ou EDERDON"/> </div> </div>
Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/539
{{nr||{{sc|'''reinach'''.}} — {{sc|le nouveau livre de hartmann}}|533}}{{tiret2|méta|physique}}, mais de faire voir ce qu’elle serait, à supposer qu’elle existât. Les philosophes spiritualises, par exemple M. Janet dans son livre sur ''La morale'', postulent : 1° qu’il y a parmi les choses des degrés d’excellence ; 2° qu’il y a une obligation de rechercher les choses les plus excellentes de préférence aux autres. On pourrait multiplier les exemples. De tous, il ressort que le seul moyen de critiquer un système de morale, c’est de vérifier si les principes métaphysiques qu’il admet sont solides, indépendamment de leur valeur éthique, puis si ses parties sont bien d’accord entre elles et si les conclusions ne détruisent pas les prémisses. Ce résultat n’est point en contradiction avec le rôle éminent de la morale comme critérium de la métaphysique. Quand on dit que les systèmes ne résistent généralement pas à l’épreuve de l’application à la morale, on n’entend pas qu’ils donnent une loi morale fausse, ce qui supposerait connue la vraie, mais qu’ils n’en donnent pas du tout, ou n’en donnent une qu’en se contredisant. Or, si l’on peut dire que le postulat de toute morale est : « Je crois en une métaphysique ; » inversement, le postulat de toute métaphysique doit être : « Je crois en une morale. » Sans cela, l’on retombe dans l’erreur des philosophes qui nient l’éthique et l’esthétique, parce qu’ils ne parviennent pas à les fonder. Nous pourrions nous contenter, pour écarter les prétentions de M. de Hartmann aux avantages de la méthode inductive, d’avoir montré, d’une part le démenti que sa conduite donne à ses préceptes, de l’autre l’impossibilité théorique de fonder une morale solide sur la simple observation des faits. Mais, pour qu’il ne puisse subsister aucun doute sur ce point capital, nous allons étudier avec l’aide de notre auteur deux systèmes qui se sont, eux, véritablement conformés aux prescriptions qu’il ne fait qu’énoncer. Ces systèmes sont tout à fait inexpugnables sur le terrain où s’est placé Hartmann ; si donc, comme nous le pensons, il a le droit de les rejeter, c’est qu’il admet implicitement, dès le début, certains postulats que des scrupules exagérés l’empêchent seuls d’énoncer franchement. {{t3|La réfutation de la pseudo-morale.|V}} Épicure et Schopenhauer trouvent tous les deux dans l’âme humaine certains ressorts naturels qui la font agir, et ils {{corr|apellent|appellent}} ''bons'' les actes qui en procèdent ; la seule différence, et elle est essentielle, <references/>
Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/656
''lériens'' charmés de voir en moi un confrère. Que d’infamie le temps balaye ! Fox est le seul de vos hommes d’État qui ait souhaité sincèrement la paix ; les autres ont fourni des bâtiments pour débarquer des assassins ; ils leur ont même donné de l’argent : ne se sont-ils pas ainsi rendus complices de l’attentat ? » Après avoir redemandé à l’Empereur s’il n’avait jamais eu la pensée d’être en réalité le maître de l’univers, il m’a répondu non ; et comme il a déjà fait, il a discuté pour démontrer que l’existence de cette souveraineté universelle était impossible. « La France, dit-il, a des bornes naturelles, je ne voulais pas les franchir ; mon objet était tout simplement de détruire la prédominance de l’Angleterre. Aujourd’hui vos ministres s’efforcent de diminuer le mérite de mes travaux civils. On va jusqu’à dire que je n’accordai le rappel des émigrés qu’aux intercessions de Joséphine ; mais qu’importent ces mensonges ! encore quelques années, il n’en restera plus de traces dans les esprits. Joséphine était assurément la meilleure des femmes, mais je ne lui laissais aucune influence sur ma politique. » L’Empereur a reçu sir Pultney, lady Malcolm et trois capitaines. L’un de ces officiers paraissait très-étonné de trouver en Bonaparte un homme doux, très-poli, et de la conversation la plus spirituelle. L’Empereur est revenu sur différents détails de la bataille de Waterloo. Le 15, à Charleroy, il avait battu les Prussiens avant que Wellington le sût ; il avait gagné quarante-huit heures de manœuvres sur lui, ce qui était un grand point ; si ses généraux eussent exécuté ses ordres comme autrefois, il aurait pu, sans donner bataille, surprendre l’armée anglaise dans ses cantonnements. « Mes généraux pensaient qu’ils ne devaient rencontrer partout que des armées de cent mille hommes. Il y avait chez eux, dans ce moment, les craintes les plus exagérées. Attaché sans interruption par la diversité et l’immensité des affaires générales, je ne pouvais, malgré mon désir, prêter une attention plus longue aux détails des corps, je ne pouvais faire marcher moi-même les officiers supérieurs ; alors l’ensemble n’était plus le même ; ma pensée n’était plus exécutée avec confiance, énergie. Cette fois, en raison de ces difficultés que j’appréciais bien, j’avais compté racheter ces inconvénients par la rapidité des opérations générales ; j’avais compté surprendre mes adversaires et les battre partiellement. Je sus l’arrivée de Bulow à onze heures, mais je n’y fis pas attention ; j’avais en ma faveur quatre-vingts chances sur cent.
Nerval - Lorely, 1852.djvu/58
Et, d’ailleurs, rien qui vienne déranger ce petit monde romanesque. Vous arrivez, non par une route pavée et boueuse, mais par les chemins sablés d’un jardin anglais. À droite, des bosquets, des grottes taillées, des ermitages, et même une petite pièce d’eau, ornement sans prix, vu la rareté de ce liquide, qui se vend au verre dans tout le pays de Baden ; à gauche, une rivière (sans eau) chargée de ponts splendides et bordée de saules verts qui ne demanderaient pas mieux que d’y plonger leurs rameaux. Avant de traverser le dernier pont qui conduit à la poste'' grand-ducale'', on aperçoit la rue commerçante de Baden, qui n’est autre chose qu’une vaste allée de chênes, le long de laquelle s’étendent des étalages magnifiques : des toiles de Saxe, des dentelles d’Angleterre, des verreries de Bohème, des porcelaines, des marchandises des Indes, etc., toutes magnificences prohibées chez nous, dont l’attrait porte les dames de Strasbourg à des crimes politiques que nos douaniers répriment avec ardeur. L’hôtel d’Angleterre est le plus bel hôtel de Baden, et la salle de son restaurant est plus magnifique qu’aucune des salles à manger parisiennes. Malheureusement la grande table d’hôle est servie à une heure (c’est l’heure où l’on dine dans toute l’Allemagne), et, quand on arrive plus tard, on ne peut faire mieux que d’aller diner à la maison de conversation. <references/>
Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/113
souvenirs d’Orient sans se donner la peine de composer un tableau. Si M. Marilliat ne se hâte de prendre sa revanche, il réussira bientôt à faire oublier l’éclat de ses débuts. La vue du ''Château d’Arques'' de M. Paul Huet offre plusieurs parties recommandables : je crois pouvoir louer en toute assurance la couleur de la colline, le fond et le ciel ; mais je ne saurais approuver le ton des arbres placés sur le devant du tableau, toute cette partie de la toile est d’une crudité qui fait tache. Tout en respectant le contraste que M. Huet a voulu établir entre le second et le troisième plan de son tableau, il conviendrait, je crois, d’adoucir le ton des arbres et de leur donner un peu plus de légèreté. Les paysages de M. Cabat n’offrent pas toutes les qualités de ses précédens ouvrages, et les défauts de l’auteur deviennent plus sensibles à mesure qu’il agrandit le cercle de ses compositions. Égaré par l’amour de la précision, il se croit obligé d’amener au même degré d’exécution tous les plans de ses tableaux ; ainsi, dans la vue du ''Lac de Némi'', les fonds sont aussi faits que les devants, ce qui nuit singulièrement à l’effet. Cet amour exagéré de la précision choque plus vivement encore dans la toile que M. Cabat nomme ''le Samaritain'' ; la route placée à droite du tableau offre d’un bout à l’autre la même solidité, de telle sorte que l’extrémité supérieure paraît être aussi voisine de l’œil que l’extrémité inférieure. Toute la partie gauche du tableau est traitée avec une rare habileté ; mais, quel que soit le mérite de cette composition, nous croyons que l’importance du paysage ne s’accorde pas avec l’étendue de la toile : réduit aux deux tiers de son étendue, le paysage de M. Cabat aurait certainement plus de valeur. Quant à la parabole chrétienne que M. Cabat croit avoir encadrée dans son paysage, je dois dire qu’elle ne me semble pas faire partie de la composition. Lorsque Poussin conçoit un paysage historique, il a toujours soin de placer ses personnages de façon à les rendre nécessaires ; s’ils disparaissaient, le paysage serait incomplet. Or, dans ''le Samaritain'' de M. Cabat, les personnages, loin d’être nécessaires, ne sont pas même utiles ; qu’ils soient absous ou présens, le paysage a le même sens et la même valeur. M. Cabat a donc maintenant deux choses à étudier, le côté optique et le côté poétique du paysage ; il faut qu’il tienne compte de l’éloignement dans l’exécution des différens morceaux, et qu’il apprenne l’art si difficile de relier étroitement les figures et le paysage. La ''Vue de Constantinople'', de M. Gudin, est un lazzi pareil aux précédentes improvisations de d’auteur. Dans cette toile dont la couleur <references/>
Chastaing - Vingt-deux jours de captivité, 1849.djvu/11
{{nr||10|}}après, le pain dans les mêmes balles qui avaient servi à l’enlèvement de ces immondices et l’on en fut quitte pour gratter la croute avec un couteau. Je ne dis pas que c’ait été fait à dessein, mais cela annonce une incurie bien grande. La police régne en souveraine dans les caves de l’Hôtel-de-Ville et c’est sous ses auspices qu’on a pu vendre les premiers jours soixante centimes une bouteille de vin qui n’avait rien de commun avec le litre. Un agent à qui quelqu’un se plaignait, lui répondit : « C’est que le règne des voraces est passé, » faisant ainsi allusion à leur devise. Le fromage et le tabac résolvaient aussi un problème économique : compenser la diminution dans la quantité et l’infériorité de la qualité par l’élévation du prix. J’ai appris que plus tard on avait en partie remédié à cet abus ; c’est ainsi qu’on agit toujours en France : on n’a jamais su rien prévenir{{corr|,|.}} Je trouvai là un grand nombre de personnes qui me reconnurent ; j’obtins, par leurs complaisances amicales, un premier adoucissement. Je ne citerai personne, de crainte de contrarier, à mon insu, quelque susceptibilité, quoiqu’il n’y ait aucun déshonneur dans une arrestation politique. Sur les quatre heures on fit monter un certain nombre de prisonniers, au nombre desquels je me trouvais, pour subir un interrogatoire. Introduits dans une salle d’attente, nous passions un à un. Ceux qui étaient élargis s’en allaient par une issue sur la place de la Comédie, les autres revenaient prendre place dans nos rangs. Deux scènes vinrent rompre la monotonie de l’attente. L’agent de police, gardien de cette salle, s’étant opposé à la sortie d’un de ses collègues qu’il ne connaissait pas, eut avec lui une explication à coups de poing, et les deux champions se vomirent des injures telles que celui qui se les serait permises, sans appartenir à leur noble corporation, aurait encouru, de la part de magistrats bénignes au moins six mois de prison. Nous n’avons aucun intérêt à rechercher jusqu’à quel point ces deux honorables boxeurs ont pu réciproquement dire la vérité. L’autre scène a eu quelque chose de triste, car il y a de la lâcheté à outrager des hommes sans défense. Un prévenu, acquitté depuis, ne rejoignant pas son rang assez vite fut apostrophé par ces mots : « ''Va donc, peuple souverain, ou je te ferai marcher plus vite''. » Cet homme le regarda avec un air de mépris dont l’agent ne parut pas s’apercevoir. Ce même agent folâtrait avec une fille publique, notre compagne, dont le parquet venait d’ordonner le transfert dans sa commune. Je fus appelé et mon interrogatoire se borna à une simple comparution. Si la prudence ne m’eût retenu, j’aurais dit à ces messieurs : Il ne valait pas la peine de me faire venir. <references/>
Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/634
sont pleines d’idées, de nombre, d’harmonie, de fiction, de feu, & de chaleur. Après une longue méditation & un long travail, il est incertain qu’on eût mieux fait. <section end="IMPROVISTER, IMPROVISTEUR"/> <section begin="IMPROUVER"/><nowiki/> IMPROUVER, v. act. (''Gramm''.) synonyme de ''desapprouver. Voyez'' {{EncL|Approuver|APPROUVER|A|1}} ''&'' {{sc|Desapprouver}}. <section end="IMPROUVER"/> <section begin="IMPRUDENCE"/><nowiki/> IMPRUDENCE, s. f. (''Morale''.) manque de précaution, de réflexion, de délibération, de prévoyance, soit dans le discours, soit dans la conduite ; car la prudence consiste à régler l’un & l’autre. ''Voyez'' {{EncL|Prudence|PRUDENCE|P|13}}. L’''imprudence'', apanage ordinaire de l’humanité, est si souvent la cause de ses malheurs, que le cardinal de Richelieu avoit coûtume de dire, qu’''imprudent'' & malheureux étoient deux termes synonymes. Il est du moins certain, que les ''imprudences'' consécutivement répétées, sont de très-grandes fautes en matiere d’état ; qu’elles conduisent aux desastres des gouvernemens, & qu’elles en sont les tristes avant-coureurs. (''D. J''.) <section end="IMPRUDENCE"/> <section begin="IMPUBERES"/><nowiki/> IMPUBERES, s. m. pl. (''Jurisprud''.) sont ceux qui n’ont pas encore atteint l’âge de puberté, qui est de 14 ans accomplis pour les mâles, & 12 pour les filles. On distingue entre les ''impuberes'', ceux qui sont encore en enfance, c’est-à-dire au-dessous de sept ans ; ceux qui sont proches de l’enfance, c’est-à-dire qui sont encore plus près de l’enfance que de la puberté ; enfin, ceux qui sont proches de la puberté. Suivant le Droit romain, les ''impuberes'' étant encore en enfance, ou proche de l’enfance, ne pouvoient rien faire par eux-mêmes ; ceux qui étoient proche de la puberté, pouvoient sans l’autorité de leur tuteur, faire leur condition meilleure ; au lieu qu’ils ne pouvoient rien faire à leur desavantage sans être autorisés de leur tuteur. En France même, en pays de droit écrit, les ''impuberes'' ne peuvent agir par eux-mêmes, & leur tuteur ne les autorise point, il agit pour eux. En matiere criminelle, on suit la distinction des lois romaines, qui veulent que les ''impuberes'' étant encore en enfance, ou proche de l’enfance, ne soient pas soumis aux peines établies par les lois, parce qu’on présume qu’ils sont encore incapables de dol ; au lieu que les ''impuberes'' qui sont proche de la puberté, étant présumés capables de dol, doivent être punis pour les délits par eux commis : mais en considération de la foiblesse de leur âge, on adoucit ordinairement la peine portée par la loi. C’est pourquoi il est rare qu’ils soient punis de mort ; on leur inflige d’autres peines plus légeres, comme le fouet, la prison, selon l’atrocité du crime. ''Voyez'' la loi 7. cod. ''de pœn. Voyez'' la Peirere au mot ''Crime ;'' Peleus, ''quest. 16''. Soefve, ''tome I.cent. 1. chap. lviij''. (''A'') <section end="IMPUBERES"/> <section begin="IMPUDENCE"/><nowiki/> IMPUDENCE, s. f. (''Morale''.) manque de pudeur pour soi-même, & de respect pour les autres. Je la définis une hardiesse insolente à commettre de gaieté de cœur des actions dont les lois, soit naturelles, soit morales, soit civiles, ordonnent qu’on rougisse ; car on n’est point blâmable, de n’avoir pas honte d’une chose, qu’aucune loi ne défend ; mais il est honteux d’être insensible aux choses qui sont deshonnêtes en elles-mêmes. Ce vice a différens degrés, & des nuances différentes, selon le caractere des peuples. Il semble que l’''impudence'' d’un françois brave tout, avec des traits qui font rire, en même tems que la réflexion porte à en être indigné : l’''impudence'' d’un italien est affectueuse & grimaciere ; celle d’un anglois est fiere & chagrine ; celle d’un écossois est avide ; celle d’un irlandois est flatteuse, légere, & grotesque. J’ai connu, dit Adisson dans le spectateur, un de ces ''impudens'' irlandois, qui trois mois après avoir quitté le{{DeuxColonnes}} manche de la charrue, prit librement la main d’une demoiselle de la premiere qualité, qu’un de nos anglois n’auroit pas osé regarder entre les deux yeux, après avoir étudié quatre années à Oxford, & deux ans au Temple. Mais sous quelque aspect que l’''impudence'' se manifeste, c’est toûjours un vice qui part d’une mauvaise éducation, & plus encore d’un caractere sans pudeur, en sorte que tout ''impudent'' est une espece de proscrit naturellement par les lois de la société. ''Voyez'' {{EncL|Effronté|EFFRONTÉ|E|5}}. {{sc|Impudence}}, (''Antiq. greq''.) l’''Impudence'', ainsi que l’Injure ou l’Outrage, eurent dans la ville d’Athènes un temple commun, dont voici l’histoire en peu de mots. Il y avoit à l’Aréopage deux especes de masses d’argent taillées en siéges, sur lesquelles on faisoit asseoir l’accusateur & l’accusé. L’une de ces deux masses étoit consacrée à l’''Injure'', & l’autre à l’''Impudence''. Cette ébauche de culte fut perfectionnée par Epiménides, qui commença par élever à ces deux especes de divinités allégoriques, des autels dans les formes ; & bien-tôt après, il leur bâtit un temple, dont Ciceron parle ainsi dans son II. livre des lois : ''{{lang|la|illud vitiosum Athenis, quòd Cylonis scelere expiato, Epimenide Cretensi suadente, fecerunt contumeliæ fanum &'' impudentiae. ''Virtutes}}'', ajoute l’orateur romain, ''{{lang|la|non vitia consecrare decet}}''. Sans doute qu’il faut consacrer les vertus & non pas les vices : mais, quoi qu’en dise Ciceron, ce que les Athéniens firent ici, ne s’écartoit point de son principe ; ils en remplissoient parfaitement l’idée ; leur temple à l’Outrage & à l’''Impudence'', n’indiquoit point qu’ils honorassent ces deux vices ; il désignoit tout au contraire, qu’ils les détestoient. C’est ainsi que les Grecs & les Romains sacrifierent à la peur, à la fiévre, à la tempête, aux dieux des enfers ; ils n’invoquoient en un mot toutes les divinités nuisibles, & ne leur rendoient un culte, que pour les détourner de nuire. Au reste, le temple dont il s’agit présentement, répondoit à celui qu’Oreste avoit consacré aux Furies, qui en l’amenant à Athènes, lui procurerent la protection de Minerve, comme nous l’apprenons de Pausanias, ''in Attic''. (''D. J''.) <section end="IMPUDENCE"/> <section begin="IMPUDICITÉ, IMPUDIQUE"/><nowiki/> IMPUDICITÉ, IMPUDIQUE, (''Gramm''.) qui est contraire à la pudeur. ''Voyez'' {{EncL|Pudeur|PUDEUR|P|13}}. <section end="IMPUDICITÉ, IMPUDIQUE"/> <section begin="IMPUISSANCE"/><nowiki/> IMPUISSANCE, s. f. (''Med''.) nom formé du mot ''puissance'', & de la particule négative ''in'' ou ''im'', qui désigne cette maladie, dans laquelle les hommes d’un âge requis ne sont pas propres à l’acte vénérien, ou du-moins ne peuvent pas l’accomplir exactement. Il faut pour une copulation complette non-seulement l’érection de la partie destinée à cette fonction, mais outre cela son intromission dans le vagin ; & cet acte n’est qu’une peine inutile, s’il n’est pas suivi de l’éjaculation : ce qui constitue trois especes particulieres d’''impuissance'', & qui en établit les trois causes générales. 1°. L’érection est une suite & un effet assez ordinaire de l’irritation singuliere occasionnée par la semence ; ainsi 1°. le défaut ou la rapidité de cette liqueur peuvent l’empêcher ; ce qui arrive à cette espece d’homme que l’avarice ou la brutalité ont privé du caractere le plus distinctif de la virilité. (''Voyez'' {{EncL|Eunuque|EUNUQUE|E|6}}.) Ceux qui ont fait un usage immodéré de remedes trop froids, tels que sont principalement le nénuphar, dont l’usage continué environ douze jours empêche, suivant le rapport de Pline, la génération de la semence ; l’''agnus castus'' passe pour avoir cette propriété ; les vierges athéniennes pour conserver avec moins de peine leur virginité, parsemoient leurs lits de branches de cet arbre : quelques moines chrétiens ont aussi par le même remede diminué le mérite de leur continence forcée. On assûre que la semence de cet arbre produit le même effet<section end="IMPUISSANCE"/> </div> </div>
Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/452
était dans un désordre d’esprit singulier, étrange ; non qu’il fût troublé de son crime ; il l’était en réalité de voir qu’engagé aux Autrichiens et leur cédant tout sans combat, il n’avait d’eux nul engagement, nulle parole écrite. Il appartenait déjà à l’étranger, à l’ennemi, et ne savait pas ce que ses maîtres feraient et lui feraient faire. Les trois envoyés du ministre ne purent en rien tirer de net, sinon de vaines bravades : Qu’il allait marcher sur Paris, qu’il était assez fort pour se battre devant et derrière. Entre autres folies pareilles, il leur dit qu’il fallait un roi : « Peu importe qu’il s’appelle ''Louis'' ou ''Jacobus''... — Ou ''Philippus ''», dit Proly. Dumouriez s’emporta fort d’être indiscrètement deviné. La Convention, pour sommer Dumouriez de comparaître à sa barre, avait choisi des hommes qui pouvaient le rassurer, le vieux constituant Camus, deux députés de la droite Bancal et Quinette, un seul Montagnard, Lamarque. Ils furent accompagnés du ministre de la guerre, Beurnonville, ami personnel du général et qu’il nommait son élève. Ils avaient ordre de l’arrêter s’il refusait de venir. Commission périlleuse. Dumouriez était aimé. Certains corps lui restaient aveuglément dévoués. Ils commençaient cependant à s’étonner fort, le voyant si bien avec l’ennemi, jusqu’à mettre dans les mains des Autrichiens (pour les mieux garder) des Français qu’il accusait de déclamer contre lui ou de vouloir l’assassiner. <references/>
Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 69.djvu/213
allait le rejoindre à Bayonne. Parmi les aides-de-camp nouvellement nommés, il y avait un colonel Guy, dont M. Rousset a raconté les mésaventures dans une des pages les plus agréables de son livre. C’était un brave officier, mais il n’avait pas de chance. Il vient trouver Clermont-Tonnerre, lui propose de faire route de compagnie, à frais communs. Clermont accepte ; mais pendant qu’on charge les bagages, l’autre se ravise et dit : « Je vous gênerais sans doute ; si cela vous convenait, nous renoncerions à voyager ensemble. — Soit ; comme il vous plaira. » Le soir, au palais, Clermont rencontre Guy, qui s’excuse de le laisser dans l’embarras. « Point du tout, répondit-il en riant; je suis fort aise. Vous avez la physionomie malheureuse; vous m’auriez fait arriver quelque accident, » Là-dessus, ils se quittent fort bons amis. Guy part, Clermont le suit à douze heures d’intervalle. En arrivant à Fondi, il aperçoit une voiture couchée sur le flanc; c’est la voiture de Guy, dont l’essieu s’est rompu. Il passe, en lui souhaitant bon voyage. Mais le guignon s’en mêlant, le nouvel essieu a été mal remis; au bout de quelques lieues, autre accroc, et voilà encore notre homme par terre. Lorsque l’infortuné atteignit Bayonne, Clermont-Tonnerre avait sur lui trente heures d’avance. Ainsi va la vie. Les Guy sont impatiens, ils partent, brûlent le pavé, leur essieu casse, et ils restent en chemin ; les Clermont-Tonnerre sont moins pressés, ils prennent leur temps et ils arrivent. L’homme le plus heureux du monde a ses déceptions, ses déconvenues, mais elles tournent à son profit ; c’est à ce signe qu’on reconnaît son étoile. M. de Clermont-Tonnerre avait pris difficilement son parti d’être attaché à la personne du roi Joseph, il aurait voulu rester au service de France. Joseph avait de l’amitié pour lui et poussait la confiance jusqu’à lui déclarer dans ses heures de mélancolie et de dépit que son terrible frère était un profond scélérat, que les Espagnols avaient raison de vouloir le tuer, que sa conduite avec eux avait été infâme, que les prétendus grands hommes étaient le fléau des peuples, qu’au surplus ce foudre de guerre n’avait que la bravoure de la lunette, que Joseph avait celle de l’épée et du poignard. Malheureusement les affections de Joseph étaient tièdes. Il ne fit rien pour son aide-de-camp, qui finit par se piquer et le pria en 1811 d’agréer sa démission. Ce colonel mis à pied passa dans la retraite les dernières années de l’empire; il lui en coûta beaucoup. « Chaque fois qu’arrivait le bruit de plus en plus lointain d’une bataille, sa fibre militaire tressaillait et le cœur lui battait violemment dans la poitrine. » Mais quand l’empire croula, il se trouvait libre de tout engagement, libre d’obéir à ses penchans naturels, et il en résulta qu’à trente-cinq ans, il était pair de France et maréchal de camp, à la tête de la brigade des grenadiers à cheval. Sept ans après, il devenait ministre de la marine, puis ministre <references/>
Claretie - Jules Sandeau, 1883.djvu/33
{{T|hommage dont il sera touché, s’il nous entend devant cette tombe. Je veux réjouir son âme en l’honorant dans son œuvre la plus chère et la moins connue, dans ce fils qu’il a tant aimé et dont la mort l’a tué... Oui, tué ! car ce coup terrible, en l’abattant, lui a ôté tout désir de se relever. « Pourquoi, me disait-il un jour, pourquoi voulez-vous que je me soigne ? Mon petit Jules est mort ! » Et cette adoration n’était pas l’aveuglement de l’amour paternel. Jamais fils n’en fut plus digne.|90}} {{T|Celui que son père appelait encore le petit Jules était un des officiers les plus énergiques de notre marine... Ce vaillant jeune homme eut le chagrin de ne pas prendre part à la lutte de 1870. L’occasion parut pourtant s’offrir un jour, mais pour se dérober aussitôt. C’était dans les mers du Japon, en rade de Yokohama. Sandeau montait la frégate ''la Vénus'', mouillée auprès d’une frégate allemande, ''la Méduse'', quand la nouvelle de la guerre arriva dans ces lointains parages. Aussitôt le commandant français leva l’ancre en faisant savoir au Prussien qu’il allait l’attendre au large ; en attendant cette rencontre qui ne devait pas avoir lieu, car le Prussien préféra rester dans la neutralité de la rade, Sandeau écrivait à ses parents une lettre que je vous demande la permission de vous lire. Elle est digne de mémoire :|90}} {{T|{{d|« Yokohama, dans la nuit du 13 an 14 octobre 1870.|2}}|85}} {{points|62}} {{T|« Dans quelques heures nous serons aux prises avec l’ennemi, nous combattrons à forces à peu près équivalentes. — Je suis parfaitement calme et sûr de moi ! J’ai votre chère pensée dans le cœur ; elle me gardera, j’en suis certain. Pourtant, si je suis tué, mes pauvres chers bien-aimés, dites-vous dans votre peine que votre enfant est mort en accomplissant le premier des devoirs, en défendant l’honneur de son pays.|85}} <references/>
Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/471
Ce rêve de sa jeunesse, Disraeli l’a réalisé plus tard dans sa carrière politique ; il est devenu lui-même le héros de roman qu’il avait conçu. Ou encore, en d’autres termes, il a toujours envisagé la politique comme une aventure, et où le seul objet à poursuivre pour lui était sa réussite personnelle. « Ne partageant aucun de nos préjugés communs, il calculait les différentes forces en jeu comme un ingénieur calcule la solidité et la résistance de ses matériaux. Et le résultat qu’il avait à obtenir n’était point le succès d’une cause, succès qui pouvait dépendre de mille élémens hors de sa portée, mais bien son propre succès : ce qui lui rendait la tâche infiniment plus simple. » par-là s’explique que, aidé d’un concours exceptionnel de « causes secondaires, » il ait pu s’élever ainsi qu’il l’a fait. Dans cette hypothèse seulement nous comprenons qu’il n’ait pas eu besoin d’autres dons naturels que ceux que lui reconnaît M. Bryce : un détachement complet de tout principe supérieur, une aptitude extraordinaire à s’absorber dans une même poursuite, un désir passionné de réussir à tout prix. Il avait en outre, au service de son ambition, une remarquable connaissance des faiblesses humaines, comme aussi une verve d’ironie et de sarcasme qui, habilement entremêlée de flatterie, a dû être un des principaux facteurs de sa fortune. Ce qui reste de lui, désormais, se réduit surtout à une série de « mots ; » mais quelques-uns sont vraiment délicieux. Un jour que, en sa présence, le fameux doyen de Westminster, Stanley<ref> Sur le doyen Stanley, voyez, dans la ''Revue'' du 1{{er}} mai 1903, l’article de M. Thureau-Dangin, ''Une page de l’histoire de l’anglicanisme''. </ref>, se plaignait de l’importance excessive attribuée au dogme dans l’Église d’Angleterre : « Permettez-moi cependant de vous rappeler une chose, monsieur le Doyen, lui dit aimablement lord Beaconsfield : c’est que, sans dogme, pas de doyen ! » Spirituel et cynique, ambitieux et libre de scrupules, passionnément dévoué à la satisfaction de son égoïsme : tel aurait été Disraeli, d’après son nouveau biographe. Mais, en admettant même que cette hypothèse suffît à expliquer la brillante carrière du personnage, toute une partie du « problème » reste encore à résoudre, sur laquelle M. Bryce ne nous apprend rien : et nous continuons toujours à nous demander comment, si Disraeli n’a été rien de plus que l’aventurier politique qu’il nous montre, des Anglais peuvent se trouver, aujourd’hui comme il y a trente ans, « pour révérer en lui un profond penseur et un noble caractère, animé du plus pur patriotisme. » La glorieuse fortune du rival de Disraeli, Gladstone, n’est pas, elle <references/>
Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/657
Ce fut le dimanche 7 octobre 1571, dans cet ancien golfe de Corinthe qui se prolonge entre la côte de l’Albanie et la presqu’île de Morée, près du détroit où s’était livrée la bataille d’Actium, que le génie romain gagnait, au profit d’un maître, contre l’amas confus et les pavillons barbares de l’Orient. La flotte ottomane, forte de plus de deux cents galères poussées par les rames d’esclaves chrétiens, et traînant à sa suite une foule de navires, s’était embossée au rivage. La flotte chrétienne longea du nord au sud la côte d’Albanie, marchant à l’ennemi, précédée de six galéasses vénitiennes, ou grands vaisseaux, dont le haut bord et les feux étaient irrésistibles. Là commandait don Juan, élevé par son courage au-dessus des conseils timides de quelques généraux de Philippe II. Sa principale force en navires et en soldats était italienne, ou plutôt italienne et grecque ; car c’est un fait aujourd’hui vérifié, qu’à part les douze galères du pape, les galères de Savoie, de Gênes et de quelques villes, ou même de quelques généreux citoyens d’Italie, les Vénitiens avaient seuls cent quatre galères, et sur cette escadre un grand nombre de Grecs, soit réfugiés de la Morée, soit recrutés de Candie, de Corfou et des autres îles soumises encore au pouvoir de Venise. Selon la dureté jalouse de la politique vénitienne, aucun de ces sujets de la république n’avait de commandement maritime, ni de grade militaire ; mais ils combattirent vaillamment sous ce drapeau que teignaient aussi de leur sang quinze capitaines des Vénitiens et leur premier amiral. Don Juan d’Autriche avait disposé lui-même l’ordre du combat et parcouru l’avant-garde et les côtés de la flotte, debout sur un esquif, un crucifix à la main, exhortant du geste et de la voix tous les confédérés, dont il avait mêlé les ''pavillons'' pour ne faire qu’un seul peuple. Puis, remonté à son bord, où l’entourait une élite de jeunes nobles castillans et de soldats sardes, après que les grands navires vénitiens eurent porté les premiers coups et fait une large trouée, il s’était acharné lui-même à l’attaque du vaisseau amiral turc, et par cette prise et la mort de l’amiral avait puissamment hâté la victoire. Comme il était arrivé jadis aux Romains dans leurs premières batailles de mer contre Carthage, les galères des deux partis se heurtant et s’accrochant avec des crampons de fer, le combat était devenu souvent un duel de pied ferme et corps à corps, où les vieilles bandes d’Espagne, les Italiens et les Grecs vainquirent après cinq heures de lutte. Le désastre des Ottomans fut immense. L’enceinte resserrée du détroit semblait toute couverte de débris fumans et de cadavres. <references/>
Darby - La sainte Bible, édition de 1885-88.pdf/399
Tiendra-t-il compte de tes richesses ? Non ; — ni de l’or, ni de toutes les ressources de la puissance. Ne soupire pas après la nuit qui enlèvera les peuples de leur place. Prends garde à toi ! Ne te tourne pas vers l’iniquité, car c’est ce que tu as choisi plutôt que l’affliction. Voici, Dieu se montre élevé dans sa puissance : qui enseigne comme lui ? Qui lui a prescrit son chemin, et qui a dit : Tu as mal agi ? Souviens-toi de glorifier son œuvre, que les hommes célèbrent : Tout homme la contemple, le mortel la regarde de loin. Voici, Dieu est grand, et nous ne le connaissons pas ; le nombre de ses années, nul ne le sonde. Car il attire les gouttes d’eau : des vapeurs qu’il forme elles distillent la pluie, Que les nuages font couler ; ils tombent en gouttes sur les hommes, abondamment. Mais qui peut comprendre le déploiement de la nuée, le fracas de son tabernacle ? Voici, il étend sa lumière autour de lui, et couvre le fond de la mer. Car par ces choses il juge les peuples, il donne la nourriture en abondance. Il couvre ses mains de l’éclair, et lui commande où il doit frapper ; Son bruit l’annonce, le bétail même en présage la venue ! Chapitre 37 À cause de cela aussi mon cœur tremble, et tressaille comme s’il sortait de sa place. Écoutez donc le bruit éclatant de sa voix et le grondement qui sort de sa bouche ! Il le dirige sous tous les cieux, et son éclair, jusqu’aux extrémités de la terre : Après lui une voix rugit. Il tonne de sa voix majestueuse, et il ne retient pas ses éclairs quand il fait entendre sa voix. Dieu tonne merveilleusement de sa voix, faisant de grandes choses que nous ne comprenons pas. Car il dit à la neige : Tombe sur la terre ! et aussi aux averses de pluie, et aux averses des pluies de sa force. Il met un sceau sur la main de tout homme, afin que tous les hommes connaissent son œuvre. Les bêtes sauvages rentrent dans leurs gîtes, et demeurent dans leurs repaires. Des chambres [du midi] vient le tourbillon, et des vents du nord, le froid. Au souffle de Dieu se forme la glace, et la largeur des eaux se resserre. Il charge d’eau le nuage ; sa lumière dissipe les nuées ; Et sous sa conduite elles tournoient en tout sens, pour accomplir leur œuvre, tout ce qu’il leur commande sur la face du cercle de la terre, Soit qu’il les fasse venir comme verge, ou pour sa terre, ou en bonté. Écoute ceci, Job ; tiens-toi là, et discerne les œuvres merveilleuses de Dieu. Sais-tu comment Dieu les a disposées et comment il fait briller l’éclair de sa nue ? Comprends-tu le balancement des nuages, les œuvres merveilleuses de celui qui est parfait en connaissance, — Pourquoi tes vêtements sont chauds quand il donne du repos à la terre par le vent du midi ? As-tu étendu avec lui la voûte céleste, aussi ferme qu’un miroir de fonte ? Fais-nous savoir ce que nous lui dirons ! Nous ne savons préparer [des paroles], à cause de [nos] ténèbres. Lui racontera-t-on que je parle ? Si quelqu’un lui parle, il sera sûrement englouti. Et maintenant on ne voit pas la lumière brillante, elle est [cachée] dans les nues ; mais le vent passe et les [chasse, et] produit un ciel clair. L’or vient du nord ; — par devers Dieu est la majesté terrible. Le Tout-puissant, nous ne le trouvons pas ; grand en force, en jugement et en beaucoup de justice, il n’opprime pas. C’est pourquoi les hommes le craindront ; aucun des sages de cœur ne le contemplera. Chapitre 38 Et l’Éternel répondit à Job du milieu du tourbillon, et dit : Qui est celui-ci qui obscurcit le conseil par des discours sans connaissance ? Ceins tes reins comme un homme, et je t’interrogerai et tu m’instruiras ! Où étais-tu quand j’ai fondé la terre ? Déclare-le-moi, si tu as de l’intelligence. Qui lui a établi sa mesure, — si tu le sais ? Ou qui a étendu le cordeau sur elle ? Sur quoi ses bases sont-elles assises, ou qui a placé sa pierre angulaire, Quand les étoiles du matin chantaient ensemble, et que tous les fils de Dieu éclataient de joie ? Et qui a renfermé la mer dans des portes, quand elle rompit [les bornes] et sortit de la matrice, Quand je fis de la nuée son vêtement, et de l’obscurité ses langes ; Quand je lui découpai ses limites et lui mis des barres et des portes, Et que je dis : Tu viendras jusqu’ici et tu n’iras pas plus loin, et ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots ? <references/>
Régnier - Escales en Méditerranée.djvu/152
Asie c’est Beyler-bey. À côté de ces palais impériaux s’élèvent de belles demeures, résidences de pachas ou de gens considérables, généralement bâties à l’italienne, dominant le détroit de leurs terrasses sur beaucoup desquelles on voit se promener un factionnaire. Il y a aussi d’agréables habitations particulières, certaines construites en bois à la mode turque, quelques-unes sur pilotis avec des hangars pour les caïques. Après avoir dépassé Bebek et Kandeli on arrive à Roumeli-Hissar. Un haut mur crénelé monte au flanc de la colline jusqu’aux grosses tours de la forteresse. Au bord de l’eau, parmi ses cyprès, un petit cimetière avec ses tombes enturbanées, pacifique enclos funèbre dont le repos fait contraste avec la vivante violence du courant qui passe auprès et que considère, debout sur la berge, un vieux turc barbu, roulant entre ses doigts les grains de son « tesbi », à côté d’un chien jaune qui rôde là, famélique et efflanqué. Loti nous a conduits à une mosquée qu’il aime, à la Mehmed Zoccoli Pacha Djami. Elle est toute proche de l’At-Meïdan et de Sainte-Sophie. Une rue solitaire y mène où nous ne
Froissart - Les Chroniques de Sire Jean Froissart, revues par Buchon, Tome III, 1835.djvu/166
{{Nr|160|CHRONIQUES DE J. FROISSART.|[1392]}}par routes l’un çà et l’autre là. Le roi chevauchoit assez à part lui pour lui faire moins de poudrière. Le duc de Berry et le duc de Bourgogne parlant ensemble chevauchoient sus son senestre, ainsi comme deux arpens de terre en sus de lui. Les autres seigneurs, le comte de la Marche, messire Jacques de Bourbon, messire Charles de la Breth, messire Philippe d’Artois, messire Henry et messire Philippe de Bar, messire Pierre de Navarre et tous les seigneurs chevauchoient par routes. Le duc de Bourbon, le sire de Coucy, messire Charles de Hangiers, le baron d’Ivery en tous autres, et sus et hors de la route du roi ; et devisoient et parloient les uns aux autres ; et ne se donnoient garde de ce qui soudainement avint, et sur le plus grand chef de la compagnie ; ce fut sur le propre corps du roi. Et pour ce sont les œuvres de Dieu moult manifestées et ses verges crueuses, et sont à douter à toutes créatures. Et on a vu en l’ancien testament et nouvel moult de figures et d’exemples. N’avons-nous pas de Nabuchodonosor, roi des Assyriens, lequel régna un temps en telle puissance que dessus lui il n’étoit nouvelle de nul autre ; et soudainement, en sa greigneur force et règne, le souverain roi, Dieu, sire du ciel et de la terre, et formeur et ordonneur de toutes choses l’appareilla tel que il perdit sens et règne, et fut sept ans en cel état ; et vivoit de glans et des pommes sauvages, et avoit le goût et l’appétit d’un pourcel ; et quand il eut fait pénitence, Dieu lui rendit sa mémoire ; et adonc dit-il à Daniel le prophète ; que dessus le Dieu de Israël il n’étoit nul autre Dieu. À parler par raison et à éclaircîr vérité, Dieu le père, le Fils et le Saint-Esprit, trois en un nom et tout un en une substance, fut, est, et sera à toujours aussi puissant pour montrer ses œuvres comme il fut oncques, ni on ne se doit émerveiller ni ébahir de quoi qu’il fasse. À revenir à ce propos pourquoi je dis ces paroles, une influence du ciel merveilleuse descendit ce jour sur le roi de France, et ce fut sa coulpe, ce disent les plusieurs ; car selon la disposition de son corps et l’état où il étoit, et que ses médecins le savoient et jugeoient, qui justement la connoissance avoir en devoient, il ne dut pas avoir chevauché en si chaud jour, ni à celle heure, fors du matin ou du soir à la froidure ; et pour ce en furent inculpés, demandés et déshonorés ceux qui le menoient et qui conseillé l’avoient, et par lesquels consaulx le plus pour ce temps il usoit et se gouvernoit, et s’étoit usé et gouverné. Ainsi que le roi de France chevauchoit en la chaleur du soleil sur un plain et un sablonnis, et faisoit si merveilleusement chaud que devant ni puis, pour celle saison, il n’avoit fait ni fit si chaud ; et avoit vêtu un noir jaque<ref>Justaucorps.</ref> de velours, qui moult réchauffoit, et avoit sur son chef un single<ref>Simple.</ref> chaperon de vermeille écarlate, et un chapelet de blancs et grosses perles que la roine sa femme lui avoit donné au prendre congé ; et étoit un sien page qui chevauchoit derrière soi et portoit sur son chef un chapel de Montauban, fin, clair et net tout d’acier qui resplendissoit au soleil ; et derrière ce page, chevauchoit encore un page du roi qui portoit une lance vermeille, toute enfannonée<ref>De ''fannon,'' étendard.</ref> de soie, ainsi que pour le roi ; et avoit la lance un fer d’acier large, clair et fin ; et en avoit le sire de la Rivière, du temps qu’il séjourna à Toulouse, fait forger une douzaine, dont celui-là en étoit l’un ; car tous douze il les avoit données au roi ; et le roi en avoit donné trois au duc d’Orléans, et trois au duc de Bourbon : advint, tout en chevauchant en l’arroi et état que je vous conte, ainsi que enfans et pages qui en chevauchant se desroient<ref>Sortent de leurs rangs.</ref> par leurs chevaux ou par leur négligence, le page qui portoit la lance du roi se desroya ou s’endormit, et n’y pensoit point ; et celle lance laissa, et le fer, cheoir sur le chapel d’acier que l’autre page avoit sur son chef. Si sonnèrent haut les aciers l’un par l’autre. Le roi qui étoit si près, que les pages chevauchoient aux esclots<ref>Sur les pas, sur les traces.</ref> de son cheval, tressaillit soudainement ; et frémit son esprit, car il avoit encore en imagination l’impression des paroles que le fol homme ou le sage lui avoit dit en la forêt du Mans ; et vint au roi en avision que grand’foison de ses ennemis lui courussent sus pour occire. En celle abusion, il se desroya par foiblesse de chef ; et saillit avant en poignant son cheval, et trait, son épée et se tourna sur ses pages, et en perdit la connoissance et de tous autres hommes ; et cuida bien <references/>
Hérondas - Mimes, trad. Dalmeyda, 1893.djvu/77
n’était autrefois qu’Artimmès a fait tout cela sans respecter ni loi, ni prostate, ni archonte. Allons, greffier, donne lecture de la loi sur les sévices, et toi, mon cher, bouche le trou<ref>''Bouche le trou''. Le texte grec est ici beaucoup plus vulgaire que la traduction.</ref> de la clepsydre tandis qu’il parle, de peur que<ref>''De peur que''... Nous avons adopté, faute de mieux, l’interprétation de Buecheler : elle est d’un réalisme qui n’est pas fait pour nous surprendre, de la part de Battaros. Crusius a proposé plusieurs explications : la dernière de toutes serait de beaucoup là meilleure : ''de peur que je ne sois berné'' ({{lang|grc|μὴ ὁ τάπης ληΐης κύρσῃ}}). Mais il resterait à expliquer {{lang|grc|μὴ πρός τε κυσός φησι}}. La traduction : « {{lang|de|damit das Loch nicht dazu spricht}} » ou « {{lang|de|damit er nicht zum Loche spricht}} » est inadmissible (''{{lang|de|Untersuchungen}}'', {{pg|32-33 et{{lié}}179|expl=pages}}).</ref>, comme dit le proverbe, on ne nous arrache à la fois cul et chemise. {{Personnage|LE GREFFIER.|c||sm}} Item, si un homme libre maltraite une esclave ou l’enlève de force, il paiera le double du dommage. {{Personnage|BATTAROS.|c||sm}} Et c’est Chairondas, juges, qui a édicté cette loi, non point Battaros, par haine de Thalès. Pour une porte enfoncée, dit-il encore, il paiera une mine ; s’il a donné des coups de poing, encore une mine ; s’il a mis le feu à la maison ou violé les limites d’une propriété, l’amende est de mille drachmes ; s’il a fait quelque dégât, il paiera deux fois la valeur de l’objet. — C’est qu’il habitait une cité, Thalès, mais toi tu ignores ce que c’est qu’une cité, et comment une cité s’administre. Aujourd’hui tu demeures <references/>
Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/963
{{c|CINQUIÈME PÉRIODE. — LXXVII{{e}} ANNÉE.|lh=3}} {{—}} {{c|[[Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/963|TRENTE-HUITIÈME VOLUME.]]|fs=150%|lh=2}}{{—|lh=1}} {{c|MARS — AVRIL}} {{—|lh=1}} {{d|Pages.}} {{table|indentation=-2|titre={{sc|Trois artisans de l’idéal classique au xvi{{e}} siècle : Henri Estienne. — Jacques Amyot. — Jean Bodin}}, par [[Auteur:Ferdinand Brunetière |Ferdinand BRUNETIÈRE]] |page={{pli|5|4}} |largeurp=30}} {{table|indentation=-2|titre={{sc|Le Grief secret}}, dernière partie, par M. [[Auteur:Henry Rabusson|Henry RABUSSON]] |page={{pli|40|4}} |largeurp=30}} {{table|indentation=-2|titre=[[À Algésiras - La Crise décisive|{{sc|À Algésiras - La Crise décisive}}]], par M. [[Auteur:André Tardieu|André TARDIEU]] |page={{pli|81|4}} |largeurp=30}} {{table|indentation=-2|titre={{sc|Lettres inédites de Joseph de Maistre. — II. Autour de la campagne de 1812}}, par M. [[Auteur:Ernest Daudet|Ernest DAUDET]] |page={{pli|113|4}} |largeurp=30}} {{table|indentation=-2|titre={{sc|Honneur militaire. — II. Guerre de France (1870)}}, par *** |page={{pli|149|4}} |largeurp=30}} {{table|indentation=-2|titre={{sc|Un siècle de poésie américaine}}, par Mrs [[Auteur:Bessie van Vorst|{{sc|John VAN VORST}}]] |page={{pli|176|4}} |largeurp=30}} {{table|indentation=-2|titre={{sc|Poésies}}, par M. [[Auteur:Fernand Gregh|Fernand GREGH]] |page={{pli|201|4}} |largeurp=30}} {{table|indentation=-2|titre={{sc|Revue musicale. — Trois opéras d’Extrême-Orient}}, par M. [[Auteur:Camille Bellaigue|Camille BELLAIGUE]] |page={{pli|209|4}} |largeurp=30}} {{table|indentation=-2|titre={{sc|Essais et notices. — Les Reliques du manuscrit des}} ''Martyrs'', par M. [[Auteur:Victor Giraud|Victor GIRAUD]] |page={{pli|220|4}} |largeurp=30}} {{table|indentation=-2|titre=[[Chronique de la quinzaine - 28 février 1907|{{sc|Chronique de la quinzaine, histoire politique}}<includeonly> - 28 février 1907</includeonly>]], par M. [[Auteur:Francis Charmes|Francis CHARMES]] |page={{pli|229|4}} |largeurp=30}} {{table|indentation=-2|titre={{sc|L’Émigré}}, première partie, par M. [[Auteur:Paul Bourget|Paul BOURGET]], de l’Académie française |page={{pli|241|4}} |largeurp=30}} {{table|indentation=-2|titre={{sc|Un essai d’église séparée en France au xv{{e}} siècle. — La Pragmatique sanction}}, par M. [[Auteur:Louis Madelin|Louis MADELIN]] |page={{pli|294|4}} |largeurp=30}} {{table|indentation=-2|titre={{sc|La grande navigation et les ports français}}, par M. [[Auteur:Jules Charles-Roux|J. CHARLES-ROUX]] |page={{pli|332|4}} |largeurp=30}} <references/>
Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 24.djvu/806
de regret en vous rappelant les arts, la poésie, la beauté, l’amour, les palais, les chansons et le soleil de là-bas. — Quoi donc ! moi qui reviens de Nice et de Gênes, de Lucques et de Florence, moi qui étais naguère Toscan et Lombard, il faut que je gravisse ces rudes sommets ! Voilà donc là-haut là-haut les neiges et la froidure qui m’attendent ! — Cependant on prend son manteau, et l’on se met péniblement à gravir ces roches pénibles. Quels rochers ! Certes, ceux-là ne vont point s’aplanissant sous vos pas comme la rivière, d’Orient ou de Gênes mais plus vous marchez, et plus ils se dressent devant vous, mystérieux, sombres, silencieux. Nous étions encore loin de l’hiver il est vrai, mais nous parcourions les domaines de l’hiver. Dans ces montagnes, tout appartient à l’hiver, même la fleur dans l’herbe, même le fruit sur l’arbre, même le flot dans le lac. La fleur est pâle et mourante, le fruit est vert, l’eau du lac est glacée. La glace est si près de nous, la neige est si proche ! La glace et la neige se sont éloignées de quelques pas à peine, et au premier signal de leur maître et seigneur, l’hiver, elles vont découvrir toutes choses, maisons, vergers, fondrières ; la vie s’arrêtera tout d’un coup, tout d’un coup la vallée sera comblée, et vous n’aurez plus qu’une masse de glace sans mouvement, sans bruit, sans couleur. O l’Italie ! ô le soleil ! ô la couleur ! ô l’Arioste ! ô Raphaël ! ô la Fornarina divine ! Ainsi, vous marchez tout le jour comme marchent les ombres dans Virgile. Le cheval ne hennit plus, le chien n’aboie plus, l’homme ne pense plus, on marche et voilà tout. Seulement, car le bon Dieu est si bon, de temps à autre, à l’abri de la montagne, dans le coin le plus catin du côteau, vous rencontrez encore un petit jardin presque verdoyant, un buisson chargé de ses baies éclatantes, une poule qui se chauffe au soleil, et sur le toit de la chaumière, à côté de la transparente fumée, un coq qui chante ses triomphes, dont il est étonné lui-même. En même temps, du haut de la montagne, descendent à pas lents d’immenses troupeaux de bœufs, des moutons bêlans, des chèvres capricieuses, des bergers joufflus ; les uns et les autres, ils ont vécu pendant six mois là-haut, tout là-haut, au-dessus des glaces et des neiges, dans une herbe épaisse, dans une rosée bienfaisante, sur les bords d’un lac nourricier, heureux, libres et riches comme on ne l’est pas. Mais en même temps que l’hiver descendait ici, l’hiver remontait là-haut ; l’hiver a chassé de leurs pâturages et de leur toit de chaume ces troupeaux et ces bergers ; aussi faut-il voir l’étonnement et la terreur des jeunes taureaux, et des génisses nés près du soleil, sous les doux abris du printemps, et tout d’un coup se trouvant transportés dans <references/>
Meresse Histoire du Cateau 1906.djvu/84
{{nr|70|{{sc|histoire du cateau}}|}}qui appartenoient aux possesseurs des fiefs de l’Empire, le roi d’Espagne n’avoit prétendu dans aucun temps en être le souverain, Le Cateau étoit donc resté dans son ancien état, ne connaissant de maître que l’archevêque de Cambrai et n’ayant de relation avec l’empereur que dans les cas de la mouvance et du ressort... Cette petite ville ne fut prise ni par l’armée française, ni cédée par le traité de Nimègue ; elle conserva ses lois, ses usages et sa liberté... Si donc le Cateau fut regardé depuis le traité de Nimègue, non comme une partie, mais comme une dépendance du royaume de France, ce fut en vertu de la protection que Louis {{rom-maj|xiv|14}} lui avoit promise en prenant ce petit État sous sa sauvegarde par des lettres patentes de 1664, accordées aux archevêques de Cambrai dans un temps où l’Espagne possédoit tout le reste de leur État ; mais ces lettres patentes mêmes avoient reconnu et confirmé tous les droits, privilèges, coutumes et libertés de ce pays. Aussi, depuis le traité de Nimègue, les traitants tentèrent en vain de conquérir pour eux un État dont le Roi n’avait point fait la conquête. Les intendants des provinces de Flandre et du Hainaut essayèrent aussi inutilement de le soumettre à l’administration française. Sa Majesté a, dans tous les temps, eu la bonté de reconnaître que le Cateau-Cambraisis devait conserver sa liberté et ses privilèges et que les archevêques de Cambrai n’avoient jamais perdu l’exercice d’une puissance publique qui ne peut admettre de concurrence. Peu de temps après la paix de Nimègue, les officiers de la maîtrise des <references/>
Audoux - La Fiancee.djvu/251
avaient de la peine à déchiffrer une page embrouillée. Puis, la femme, les deux mains levées, eut l’air d’offrir une très belle chose, tandis que le père Sylvain arrondissait son bras comme s’il s’apprêtait à soutenir un objet très fragile. Ils prirent encore le temps de se sourire, ainsi que des gens parfaitement d’accord, et aussitôt, le père Sylvain consolida d’un coup d’épaule son bissac et s’en alla à grands pas sonores vers l’endroit où Tati venait de disparaître. Bientôt après, sur la route opposée, la femme poussait devant elle ses deux garçons qui pleuraient en appelant leur petite sœur. Le soir, à la nuit tombante, quand le père Sylvain déposa Tati sur la table où la soupière fumait déjà, la mère Sylvain tout intriguée demanda en s’approchant : — Ça, dit tout joyeux le père Sylvain, c’est encore un petit oiseau tombé du nid. Et, devant l’air stupéfait de sa femme, il ajouta en soulevant les coudes pointus de Tati : — C’est un oiseau rare, mais tu n’auras <references/>
Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/55
de congé étaient plus gais au dehors ! toute ma journée, à moi, était gâtée par l’appréhension de la rentrée, le soir. Ma famille consultait sa montre. « Il faut se dépêcher, disait ma mère, l’heure avance. » Je quittais la table, après le second plat, j’emportais mon dessert dans ma poche, et alors, après les recommandations et les embrassades, j’étais reconduit par Irma, la bonne. Les rues pleines de monde me serraient le cœur. Je voyais des enfants qui s’attardaient devant des boutiques criblées de lumière. J’enviais la misère des mioches du peuple qui galopinaient sur les trottoirs. Ceux-là étaient libres ! moi, je devais presser le pas, afin d’arriver à l’heure. O les rues, ce soir-là ! la rumeur des cafés remplis de monde, les affiches des théâtres qui me semblaient inviter à des bonheurs inouïs, tout cela me jetait la mort dans l’âme ! J’essayais de marcher moins vite, mais la bonne avait hâte de se débarrasser de moi, pour aller rejoindre, sans doute, un amoureux. Elle doublait les enjambées, nous étions enfin devant la triste loge où Piffard veillait derrière les vitres d’une cage. Dès que je mettais les pieds dans cette salle, un grand froid me tombait sur les épaules, comme si j’étais entré dans une cave ; le dos de la bonne qui partait me donnait envie de pleurer et de fuir. Tu te souviens, on regagnait le dortoir ; le pion vous menaçait d’une privation de sortie pour le dimanche suivant parce que nos talons sonnaient trop fort. L’on se déchaussait et, sans pantoufles, dans ce dortoir éclairé comme pour une <references/>
Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 15.djvu/957
le jeune voyageur recueillit de nombreuses observations astronomiques, forma une collection botanique, et constata que les vastes plaines basses et déprimées que le Shari et ses affluens arrosent au sud du Tsad sont formées par une couche calcaire de coquillages d’eau douce, et ont dû, à une époque dont le souvenir traditionnel ne s’est pas conservé parmi les indigènes, être occupées par une vaste mer intérieure. À son retour à Kukawa, Vogel entendit affirmer que Barth avait péri en revenant de Timbuktu. Soit pour vérifier cette désastreuse nouvelle, qui par bonheur était fausse, soit pour reprendre et continuer l’œuvre de son devancier, Vogel se mit en marche dans la direction du Niger. Barth cependant entrait dans Kano après avoir bravé heureusement tous les genres de périls ; les deux voyageurs suivaient, sans le savoir, la même route en sens inverse, et le 1{{er}} décembre 1854, dans une immense forêt qui est située non loin d’une localité appelée Bundi, à mi-chemin entre Kano et la ville de Ngurutuwa, qui avait été la dernière étape de Richardson, les deux compatriotes eurent le bonheur inattendu et inespéré de se voir et de s’embrasser. Désormais l’un avait accompli sa tache : chargé d’une ample moisson, devenu justement célèbre, il allait revenir en Europe pour nous instruire et nous charmer. Les sociétés savantes lui tenaient en réserve tous leurs honneurs et toutes leurs récompenses ; Hambourg, sa ville natale, justement fière d’un tel fils, lui décernait une médaille d’or avec cette inscription : ''A l’intrépide et heureux explorateur de l’Afrique, le docteur Henri Barth, né à Hambourg, le sénat''. L’autre était réservé à une triste destinée : animé d’une noble émulation, plein de confiance et se sentant fort de son courage et de sa jeunesse, il se proposait d’agrandir la sphère des découvertes et des observations faites par ceux qui l’avaient précédé. À l’est du Tsad s’étend cette contrée du Waday, où Barth n’a pas pu pénétrer, et qui est aujourd’hui dans le Soudan la seule où les Européens n’aient pas encore mis le pied ; elle ne nous est connue que par la relation intéressante, mais superficielle, d’un Tunisien, le cheik Mohammed. C’est par là que Vogel résolut de se diriger, afin de gagner, s’il était possible, les régions du Haut-Nil et de compléter avec Barth un ensemble de travaux s’étendant sur tout le Soudan, de Timbuktu à Khartum, au confluent du Nil-Blanc et du Nil-Bleu. Effectivement il pénétra dans le Waday, mais il paraît que le sultan de ce pays, pour tirer vengeance d’une prétendue injustice que lui aurait fait subir le consul anglais de Tripoli, s’est saisi du voyageur et l’a fait décapiter. Un instant cette nouvelle a été contredite, on a fait espérer que le chef du Waday n’avait pas tué Vogel, et qu’il avait l’intention de le mettre à rançon. En voyant au milieu de nous M. Barth, qu’on avait cru longtemps mort, nous avons senti renaître un peu de confiance ; mais les mois se succèdent sans que rien vienne confirmer notre faible espoir, et il est maintenant trop probable que le sabre d’une brute a tranché la tête de ce jeune homme plein d’intelligence et de savoir, qui s’en allait porter à l’Afrique des espérances d’affranchissement et de civilisation. <references/>
Segur - Lettres de la comtesse de Segur.djvu/212
quoij’en suis effrayée et attristée. Tu sais que je pars d’ici le 29... ; je ne resterai que deux heures à Paris pour dîner chez Gaston ; ce voyage sera fatigant et, si je le fais, c’est par tendresse pour Henriette, déjà désespérée du retard de quinze jours qu’il a subi. Gaston me conseille de retourner aux Nouettes et d’y rester jusqu’à Noël ; je n’hésiterais pas à suivre ce conseil, si je ne craignais de chagriner profondément la pauvre Henriette, déjà affligée outre mesure de mon voyage à Bruxelles Nathalie partira le 4 ou 5 novembre. Adieu, ma pauvre petite ; je serais tentée de te reprocher tes trois jours de silence, mais je crains trop qu’ils ne soient motivés par tes inquiétudes et tes fatigues pour Paul. Je t’embrasse bien tendrement avec les chers enfans et Émile. <div style="text-align:right">Bruxelles, 24 octobre 1863.</div> Chère petite, ce n’est qu’hier, vendredi, que j’ai été rassurée sur mon petit Paul. Pendant trois jours j’en ai été fort inquiète, n’ayant pas de nouvelles et ne pouvant croire que tu me laisserais trois longs jours dans l’incertitude de la tournure que prendrait cette maladie, à moins d’aggravation. Dieu merci, tout s’est terminé pour le mieux et j’espère que les dents qui restent à percer n’amèneront pas de pareils accidens... Si toi ou l’un des tiens vous aviez réellement <references/>
Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 144.djvu/923
l’exaltation romantique, un retour vers le naturel et le vrai. A travers une étude de Taine, un roman de Flaubert, un poème de Leconte de Lisle, un drame de Dumas, une même tendance se fait jour. A la théorie de la littérature personnelle se substitue celle de l’objectivité dans l’art. Cela même est le naturalisme, et loin qu’on songe à lui faire son procès, il faut lui savoir gré d’avoir ramené notre littérature dans les voies de sa tradition. Cette tendance n’est pas épuisée, et en dépit d’un malaise passager, il est probable qu’elle continuera à développer son action dans l’avenir et à diriger la littérature vers une imitation plus docile de la réalité. Mais ce qui caractérise l’école de 1875, c’est son étroitesse. Elle n’a pas eu un poète, quoique Maupassant ait écrit ''Des vers'', M. Daudet ''les Amoureuses'' et que M. Zola lui-même ait aligné des rimes ; c’est en dehors d’elle ou contre elle que s’est développée la poésie, héroïque avec M. de Heredia, rêveuse ou philosophique avec M. Sully Prudhomme, sentimentale avec M. Coppée, maladive et mystique avec Verlaine. Elle n’a pas eu un écrivain de théâtre ; et si curieuse d’ailleurs qu’ait pu être l’entreprise du Théâtre-Libre, il n’en est sorti ni une œuvre viable ni une acquisition certaine pour l’art dramatique. Elle n’a pas eu un critique ; les manifestes de M. Zola, les panégyriques et les éreintemens qu’il a consacrés à ses confrères sont la parodie de la critique ; Taine, responsable malgré lui d’un mouvement issu en partie de l’''Essai sur Balzac'', de l’''Histoire de la littérature anglaise'', et du livre de ''l’Intelligence'' désavouait hautement sa paternité ; et les critiques contemporains pouvaient bien reconnaître les qualités personnelles de quelques-uns des écrivains du groupe, l’acuité de vision des Concourt, la force de M. Zola, la grâce de M. Daudet, la concision de Maupassant ; mais ils dénonçaient l’esthétique de l’école, les uns avec plus d’âpreté, les autres avec plus de malice souriante, ou plutôt ils se refusaient à admettre que l’école eût une esthétique. Mis en suspicion par tous les lettrés, tenus à l’écart par tous les hommes d’étude et de pensée, les littérateurs de 1875 ont formé moins qu’une école, un groupe, confiné dans le roman, et prisonnier, dans le roman lui-même, d’une formule exclusive et restreinte.il faut que ce rétrécissement de la littérature tienne à quelque cause. Il faut qu’il procède de quelque vice caché. Il faut que ce vice soit enfermé dans le principe lui-même dont on se recommande. Ce principe consiste dans le culte et dans la superstition de la modernité. Tandis que Flaubert déclare qu’ « il n’y a rien à faire du moderne » et que le moderne lui répugne, ou, comme il dit plus énergiquement, « lui pue au nez », tout au contraire les Goncourt s’écrient : <references/>
Austen - Mansfield-Park.djvu/50
nôtre. Je ne vous demande que de lire le premier acte avec ma mère et ma tante que voilà, et je suis sûr que vous y renoncerez. „ „ Je conviens, » dit Marie, « qu’il y a quelques petits retranchemens à faire dans le premier acte, mais rien n’est si facile, et alors tout le reste est parfaitement convenable. Vous voyez bien que miss Crawford n’a fait aucune objection. „ » J’en suis fâché, » répondit Edmond, mais dans ce genre de choses, c’est à vous à donner le ton. Si vous vous montrez scrupuleusement délicate, votre exemple raménera les autres. „ Marie fut flattée de l’influence que son frère attriboit à son opinion, mais elle représenta la difficulté de revenir en arrière sur ce qui avoit été arrêté définitivement. “ C’est justement ce que j’allois vous dire, » interrompit mistriss Norris. ” A présent que tout va être prêt et que l’on a déjà déboursé bien de l’argent, il seroit vraiment ridicule d’en rester là. Je ne connois pas la pièce, mais s’il y a, comme vous dites, des passages un peu scabreux, on les retranchera, et quant à Marie, puisque Rushworth doit en être, tout est dans l’ordre. Seulement, c’est bien dommage que mon neveu n’aît pas mieux su d’abord ce qu’il y avoit à faire <references/>
Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 23.djvu/177
envier aux gymnases helléniques. A peine était-il devenu propriétaire à Tusculum, qu’il avait écrit à son ami Atticus de lui expédier de Grèce, sans regarder à la dépense ni craindre « d’épuiser son coffre, » « tout ce qui lui paraîtrait digne » de sa nouvelle demeure : statues en marbre de Mégare, hermès en pentélique et têtes de bronze pour l’Académie, bas-reliefs à encastrer dans la paroi de son atrium, couvercles de puits à figures sculptées pour sa terrasse. L’affranchi Tiron s’occupait de sa bibliothèque, la rangeait, en dressait le catalogue. Une allée couverte, en l’abritant du soleil et de la pluie, lui permettait de faire des promenades par tous les temps. Il y avait disposé, de distance en distance, des sièges en forme d’exèdres qui invitaient au repos. Par-devant, s’étendait peut-être la pelouse où il s’asseyait avec Brutus et Atticus pour passer en revue les maîtres de l’éloquence. Non loin, la statue de Platon, le philosophe préféré, semblait par sa gravité souriante donner le ton à l’entretien, et présidait aux causeries à la fois doctes et enjouées. Vraiment, il y avait dans sa villa de quoi satisfaire tous les goûts d’un artiste et d’un lettré comme lui, et nous comprenons qu’il y ait été si heureux. Ainsi, vers la fin de la République, les Romains, longtemps réfractaires aux plaisirs de la campagne, avaient fini les uns ou les autres par trouver quelque motif de s’y laisser gagner. A Tusculum même, parmi les voisins de Cicéron, outre Lucullus, Hortensius et Pompée, nous pourrions citer d’autres noms que l’histoire a retenus : Brutus, le meurtrier de César, M. Æmilius Scaurus, célèbre par son théâtre dont la scène était de marbre, de verre et d’or, Lentulus Spinther, qui fit rappeler d’exil le grand orateur, Gabinius, tribun, consul et gouverneur de Syrie, l’historien Luccéius, l’Espagnol Cornélius Balbus, homme de confiance et d’affaires du dictateur. Après l’établissement de l’Empire, c’est bien autre chose encore. À ces magistrats chargés du gouvernement de la cité, à ces orateurs qui vivaient sur la place publique dans le tumulte des passions populaires, Auguste, devenu le maître unique, fait des loisirs. Plus que jamais, on se rejette vers la littérature, qui est un dérivatif pour beaucoup d’activités laissées sans emploi. En même temps, la vie de société <references/>
Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/858
en si grande abondance serait reçue avec faveur par la Grande-Bretagne. C’est pour répondre à tous ces besoins, à toutes ces demandes, qu’un canal depuis longtemps réclamé sur la rive droite de la Seine, entre Le Havre et Tancarville, est en ce moment à l’étude. Ce canal partira de l’extrémité du bassin de l’Eure, et suivra la rive droite de la Seine jusqu’au point qu’on nomme le Nais de Tancarville. D’autres préféreraient, mais à tort, utiliser le canal Vauban, qui relie déjà Le Havre à Harfleur ; le malheur est que ce canal est en partie comblé et inaccessible aux bateaux. Il y a plus d’un siècle qu’il est presque hors d’usage ; mieux vaut recourir à un ouvrage entièrement neuf. Rouen à son tour fait au canal projeté, quel qu’il soit, une opposition absolue, comme si le port de Rouen cesserait, par la mise à exécution de ce travail, d’être l’intermédiaire obligé entre Paris et Le Havre et perdrait toutes ses prérogatives, toutes ses facultés manufacturières. Il ne s’agit pas de détrôner Rouen ; il est simplement question de donner à l’un de nos premiers ports et aux navires marchands qui le fréquentent une partie de ce fret d’exportation qu’en tous lieux on réclame si vivement, et qui doit contribuer au salut de notre navigation extérieure, si grandement en souffrance partout. Le canal projeté entre Tancarville et Le Havre vient d’être soumis à la double enquête réglementaire, l’enquête nautique et celle d’utilité publique. Il n’a pour but, comme le dit si bien le rapport de l’ingénieur des ponts et chaussées qui en a dressé l’avant-projet, que de permettre à la batellerie fluviale d’arriver aux bassins du Havre en évitant les dangers de la traversée maritime dans l’estuaire de la Seine. Il aura 25 kilomètres de long, avec une largeur de 43m,60 au niveau de l’eau, 25 mètres au fond, et un mouillage ou profondeur d’eau de 3m,50. Ce mouillage est supérieur de 30 centimètres à celui où doit être portée prochainement la Seine entre Paris et Rouen. D’Harfleur au Havre, le canal devra être accessible aux bricks, aux goélettes et aux bateaux à vapeur charbonniers qui viennent de Cardiff, de Swansea, de Sunderland ou de Newcastle. Le tirant d’eau en sera par conséquent porté à 4m,50. Si cela devenait nécessaire, il pourrait même être amené à 6 mètres, et cela par un simple draguage. On estime que le mouillage de 4m,50 sera pour longtemps suffisant ; car, sur 4,743 navires qui ont pris place dans les bassins du Havre en 1876, plus de la moitié, c’est-à-dire 2,974, calaient au plus 4 mètres. Les chalands dits rouennais, lesquels font un service régulier entre Paris et Rouen, ayant une largeur de moins de 8 mètres, le canal pourra donner passage à deux convois de chalands à la fois marchant en sens contraire l’un de l’autre, sans que ceux-ci soient <references/>
Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/211
grondait derrière ces envahisseurs qu’ils achevaient les blessés pour les soustraire aux tortures expiatoires que l’ennemi leur eût sans doute infligées. Et afin que nul ne fût pris vivant, les soldats dans la bataille se liaient les uns aux autres avec des chaînes. Mais une force mystérieuse poussait Stellus à combattre seul. En vain il voulait se rapprocher de ses frères d’armes ; une invincible puissance l’écartait. Dans les nuits d’alarmes, il galopait seul vers les postes périlleux ; il fut le solitaire porteur de torches qui explorait les bois barbares ; il fut le défenseur unique des arrière-gardes, celui qu’on laissait derrière soi comme une martiale offrande aux dieux guerriers pendant la fuite des rois et des capitaines. Et pourtant comme il aurait voulu se mêler à ses compagnons, boire avec eux dans les coupes volées le vin des pillages, chanter avec eux autour des bivouacs ! Comme il enviait ceux qui, les veilles de massacres, dormaient ensemble sous les toiles claquantes des tentes leur sommeil fraternel ! Mais jamais il n’eut de compagnons. Il songeait aux jours des premières batailles. « Sans doute, étant de race noble, je ne puis me plaire parmi les soudards ; je serais heureux <references/>
Tourgueniev - Fumée.djvu/184
pas que peut-être tout cela ne serait pas arrivé si vous aviez autrement agi à mon égard... Sans doute, je suis seul coupable, ma présomption m’a perdu ; je suis justement puni et vous ne pouviez nullement vous attendre... ; sans doute, vous ne pouviez pressentir que le danger eût été moins grand pour moi si vous n’aviez pas si vivement ressenti votre faute... votre soi-disant faute, et si vous n’aviez pas désiré la réparer... Mais à quoi bon revenir sur le passé ! J’ai seulement voulu vous expliquer ma position : elle est déjà suffisamment pénible. Du moins, il n’existera plus, comme vous dites, de malentendus ; et la franchise de mon aveu diminuera, je l’espère, la mortification que vous devez éprouver. Litvinof parlait sans lever les yeux ; du reste, s’il avait regardé Irène, il n’aurait pas pu voir ce qui se passait sur son visage, car elle le tenait comme auparavant caché dans ses mains. Cependant ce qui se passait sur ce visage l’aurait probablement surpris : c’était de la terreur et de la joie, un calme étrange et un effroi plus étrange encore ; ses yeux se cachaient à demi sous ses paupières baissées, une respiration longue et saccadée glaçait ses lèvres entr’ouvertes. Litvinof se tut, attendant un réponse, un son... Rien ! — Il ne me reste plus, reprit-il, qu’à m’éloigner ; je suis venu prendre congé de vous. Irène laissa ses mains tomber lentement sur ses genoux. <references/>
Le Tour du monde - 09.djvu/92
cédé par un riche Chinois, qui avait déjà voulu précédemment loger chez lui les généraux et les ambassadeurs. Ce rusé négociant, qui avait beaucoup gagné dans les fournitures de vivres faites aux armées alliées, pensait se faire bien voir, et son zèle pour les Européens était certainement entaché de ménagement pour ses intérêts particuliers. Le ''yamoun'' de la légation, situé dans une position charmante près des bords du Peï-ho, contenait un parc planté de beaux arbres ; les pavillons, séparés par des cours et des jardins, étaient dans un bon état d’entretien. <ref>Note de Mme de Bourboulon.</ref> « L’intérieur de notre nouvelle habitation, quoique aussi chinois que possible, est très-élégant et réjouit l’œil par la bizarrerie de son aménagement et l’éclat de ses peintures fraîchement vernies. « J’ai jeté mon dévolu sur deux pièces, dont j’ai fait un salon et un boudoir. « On y voit toutes les couleurs de l’arc-en-ciel : des paysages avec la mer, des lacs et des forêts ; une scène représente une chasse impériale dans la forêt de ''Ge-Holl''<ref>Ge-holl, résidence impériale au nord de Pékin, est le Versailles des empereurs chinois. Nous aurons l’occasion d’en parler plus tard.</ref> ; antilopes et chevreuils fuient de tous côtés percés de flèches, et poursuivis par des chiens avec la queue en trompette ; il y a aussi des scènes de mœurs plaisantes, et plus que plaisantes. Voilà pour le salon. [[Fichier:Le Tour du monde-09-p092.jpg|thumb|center|500px|{{c|Sampans ou navires du commerce et pont de bateaux, à Tien-Tsin. — Dessin de Lebreton d’après un dessin chinois.}}]] « Je préfère le boudoir avec son merveilleux encadrement de bois sculpté, fouillis inimitable de feuilles, de fleurs et d’animaux découpés dans le bois de fer. Les Chinois sont d’étonnants ornemanistes. Je n’ai rien vu de plus beau en Europe, de plus réellement artistique que ces boiseries sculptées à jour. « Au fond du boudoir et du salon, près des fenêtres, sont les inévitables ''kangs'', qui servent à la fois dans le nord de la Chine, de lits et de cheminées. « Qu’on se figure une estrade élevée de deux pieds, et de six de large qui tient tout un côté de la pièce, sur laquelle on place des paillasses et des couvertures en feutre, et où on peut coucher à l’aise quatre personnes ; l’intérieur de cette boîte est maçonné avec de la brique, et par une bouche de four pratiquée au dehors et en contre-bas de la maison, on allume un grand feu de charbon dans ce poêle d’une nouvelle espèce ; dans les maisons riches, on a un domestique spécial pour ce service ; voilà ce qu’est un ''kang''. « Les miens servent seulement de cheminées, et le dessus en est couvert de belles porcelaines et des chinoiseries que nous récoltons. <ref follow="p91" >mur, qui servent d’habitation aux mandarins ; ce mot est l’équivalent d’hôtel ou plutôt de palais.</ref> <references/>
Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/731
{{c|LES INDES HOLLANDAISES EN 1848. <center>DEUXIEME PARTIE.<br/> HISTOIRE ET ORGANISATION DU GOUVERNEMENT COLONIAL.<ref>Voyez la première partie dans la livraison du 1er novembre.</ref> </center> {{séparateur}} C’est un beau spectacle que celui de l’intelligence et de la sagesse humaine s’appliquant à l’organisation de ces grandes familles, de ces sociétés lointaines qui augmentent incessamment le domaine et les forces du monde civilisé, mais plus le foyer d’où rayonne l’action organisatrice est petit, plus aussi l’éclat et l’importance des résultats obtenus méritent d’être constatés. « La nation hollandaise, dit Mac-Gregor, peut ne pas être admirée par bien des gens en Europe, mais elle occupe un rang élevé dans l’opinion de ceux qui la jugent d’après ses actes. » En effet, la Hollande a été grande chez elle avant de l’être au dehors. Son territoire a été conquis sur l’Océan. Sur ce terrain de construction factice, elle a élevé de vastes cités, de grands édifices, des monumens publics, avec des matériaux que lui refusait son propre sol <references/>
Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/348
grands travaux de port, car, avec les rouages administratifs actuels et toutes les formalités qu’ils entraînent, les travaux, non seulement sont effectués d’une façon extrêmement coûteuse, mais encore avec une lenteur telle que l’on peut dire, sans crainte d’être démenti, que, lorsqu’ils sont terminés, ils se trouvent déjà insuffisans pour les besoins qui avaient été envisagés, lors de leur conception. Quant aux dépenses, elles sont incomparablement plus élevées que si on avait recours à l’entreprise privée et à forfait. C’est, du reste, ce dernier procédé qui est employé généralement à l’étranger. Aussi, voyons-nous dans les grands ports anglais, allemands, américains, etc., des travaux considérables s’effectuer en très peu de temps, ce qui est le point capital pour les besoins toujours croissans et très variables de l’industrie maritime. Nous avons, en ce moment, un exemple des plus probans de la rapidité avec laquelle nos concurrens savent agir. Le port de Southampton actuel devenant insuffisant par suite de l’arrivée des navires de la White Star Line, qui quittent Liverpool, de grandes améliorations vont y être entreprises. La Compagnie London South Western, qui exploite Southampton, ne va pas procéder par voie d’enquête administrative, demander aux pouvoirs publics de préparer des projets, appelés à suivre une filière éternelle d’enquêtes et contre-enquêtes. Elle n’a pas à s’adresser à l’Etat, car elle jouit de sa liberté d’action. Aussi a-t-elle préparé, par ses propres moyens, un projet comportant, non seulement l’amélioration de Southampton, mais la création d’un nouveau port d’escale à Limington, auprès de l’île de Wight. Il s’agit d’un vaste programme, puisqu’il doit y avoir sur ce point de la côte anglaise un grand quai, une forme de radoub de 300 mètres et, bien entendu, toutes les constructions accessoires : gare maritime, hangars, outillage, etc. C’est donc une organisation puissante à créer de toutes pièces. Combien prévoit-on de temps pour l’exécution de ces travaux ? Deux années à partir de 1907... Et, si l’on s’en rapporte aux précédens, en ce qui concerne ce genre d’entreprise, on peut facilement croire que nos voisins resteront, pour l’exécution totale, dans les délais prévus. Ce simple exemple permet d’établir une comparaison instructive avec ce qui se passe au Havre en ce moment. Aussi est-il très probable que Limington sera prêt en même temps que <references/>
Labiche - Théâtre complet, Calman-Lévy, 1898, volume 04.djvu/452
{{PersonnageD|Trébuchard|c|vivement, se frappant le front.}} Pristi !... je n’y avais pas songé ! J’en suis bien fâchée, monsieur ; mais notre mariage, dans ces conditions, est tout à fait impossible ! {{di|Elle remonte.}} {{PersonnageD|Trébuchard|c|la suivant désolé.}} Que faire ? Je n’en sais rien... Mais ce qu’il y a de certain, c’est que je ne vous épouserai pas avec une pareille fille ! Je ne peux pourtant pas la supprimer. {{PersonnageD|Claire|c|gagnant sa chambre.}} Ca ne me regarde pas... J’aime mieux retourner à Reims. {{PersonnageD|Trébuchard|c|la suivant.}} Mademoiselle, je vous en prie... {{PersonnageD|Claire|c|sur le seuil de sa porte.}} Non, monsieur... jamais ! jamais ! jamais ! {{di|Elle entre vivement dans sa chambre.}} {{Scène|XIV}} {{Acteurs|Trébuchard ; puis Prudenval}} "Jamais ! jamais ! jamais !..." Me voilà bien !... Ah ! je comprends le sacrifice d’Iphigénie en Tauride ; mais nous n’y sommes pas, et ici, c’est prohibé par les règlements de <references/>
Féval - Le Bossu (1857) vol 4-6.djvu/93
{{nr||LE BOSSU.|87}}de la taille d’Aurore, qui cria au secours. Elle ne cria qu’une fois, parce qu’Albret, qui s’était glissé derrière elle, lui mit un mouchoir de soie sur la bouche. — Mais une fois suffit. Le domino noir mit l’épée dans la main gauche. De la droite, il saisit Chaverny par la nuque et l’envoya tomber à dix pas de là. Albret eut le même sort. Dix rapières furent tirées. Le domino, reprenant la sienne de la main droite, désarma de deux coups de fouet {{Corr|Givonne|Gironne}} et Nocé, qui étaient en avant. — Oriol, voyant cela, ne fit ni une ni deux. Gagnant tout d’un temps ses éperons, ce gentilhomme nouveau prit la fuite en criant : À l’aide ! — Montaubert et Choisy chargèrent : Montaubert tomba à genoux d’un fendant qu’il eut sur l’oreille ; Choisy, moins heureux, reçut une balafre en plein visage. Les gardes françaises arrivaient, cependant, au bruit. Nos coureurs d’aventures, tous plus ou moins malmenés, se dispersèrent comme une volée d’étourneaux. — Les gardes françaises ne trouvèrent plus personne sous le berceau, car le domino noir et la jeune fille avaient aussi disparu comme par enchantement. Ils entendirent seulement le bruit de la porte de maître le Bréant qui se refermait. <references/>
Gwennou - Santez Trifina.djvu/80
59 ", , Et avec ces herbes une potion sera faite p Si réconfortante que sera aussitôt gnerie ~ q La lepre d’Abacarus, et que sera le roi Plein de force, o Kervoura, et sain commeazm pozsszm, q · A W Necessaire sera a nous, par exemple, de repandre dans ma poele Goutte a goutte le sang chaud d’un petit enfant. ’ Sinon cela, mon remède ne vaudrait rien, Et Je perdrais net nia peine à le préparer l.., $~, c, I(crvoura ’ V ’ En entendant tes paroles, je suis saisi d’épouvante, Et, de la plus grande horreur, j’entends mon cœur, Battre, sorcières. Repandre goutte à goutte ’ Le sang chaud d’un petit enfant ! Pourquoi ? Je pense Pour faire je ne sais quel remède maudit Sans force et sans pouvoir pour redonner la santé A un pauvre malheureux par la mort attendu". Va-t-en, et va vite, vieille fille de chienne damnee ! ’ La Sorcière Que soit faite toute chose comme tul’as dit, Kervoura ! Trop longtemps avec toi je suis restee ! Au revoir, mais rappelle-toi bien de mes dernières paroles ? Au revoir, prince.... ! Et cependant, j’avais Envie de te dévoiler la manière indubitable De gagner trône, pouvoir, épouse et couronne. Je m’en vais, men fils ! ’l’oi, oublie mon nom ! 4 Retourne vitcpchez toi, crotte sale !... p W il te faut une quenouille au lieu d’un sceptre ?, » · Iiervourà Parle donc, chenille ! Que te faut-il 7 A La Sorcière ’ Voici ! Quand nous aurons bien saigne l’enfant, t Je mettrai ma potion bouillante en une ecuelle, Pour se bien clarifier, pour refroidir un brin, , Et, ensuite, par morceaux nous couperons la chair Pour la frire en ma poele et la donner au roi, Quand il demandera à manager, .Iiervuura Jamais, o mon Dieu, Je n’entendis autant ! Saigner un enfant, l·’rire sa chair tendre, les mettre enune ecuelle, Pour donner manger a un malade ! O crime épouvantable ! Non, non ! mieux vaut pour moi vivre longtemps malheureux, Etre gardeur de cochons ou chevalde meunier !, ~. <references/>
Perochon - Nene.djvu/254
{{nr|248|NÊNE.}}sous les arbres. Quand ils furent sur la route, ils s’embrassèrent. Puis elle dit : — Va ! Et, lentement, il s’en alla. Il était près de minuit quand Madeleine fut de retour aux Moulinettes. La porte était entrebâillée, telle qu’elle l’avait laissée, car Michel avait passé par les derrières comme il faisait toujours. Elle entra sur la pointe des pieds, et puis, vite, vite, sans prendre haleine, elle se dévêtit et se jeta au lit. Les deux enfants avaient glissé dans la ruelle ; elle les sépara, se coucha entre eux et, passant ses bras sous les deux petits corps, elle s’immobilisa, les yeux ouverts, crucifiée. Sa tête bourdonnait ; aucune pensée, aucun souvenir ; plus rien que le vertige des pauvres bêtes qu’on assomme. Un poids énorme était sur sa poitrine ; elle étouffait. Elle dégagea ses bras et se mit sur son séant ; les petits remuèrent ; avec d’infinies précautions elle les ramena vers elle, les coucha en travers sur ses jambes. À l’horloge, la première heure sonna. Madeleine sentit sur son front comme un vent froid ; ses cheveux se dressèrent. Elle ne pouvait pas pleurer ; elle ne pouvait pas prendre haleine, non plus. Sa tête se renversait, sa bouche s’ouvrait, exhalant une plainte rauque. <references/>
Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/424
attentats sur les enfants de 539 à 651. Ces derniers crimes représentent aujourd’hui les six dixièmes des condamnations portées contre les hommes, alors qu’en 1830 ils ne représentaient qu’un dixième. La moyenne de ces crimes est, en France, de 700 par année, tandis qu’en Italie, pays de la plus forte criminalité générale, elle oscille entre 250 et 300. La moyenne des infanticides en France est de 180 par année, en Italie de 80. Outre l’augmentation générale de la criminalité sous toutes ses formes, on remarque (fort heureusement) une sorte de spécialisation du crime, surtout pour les actes de violence, qui se renferment de plus en plus dans une certaine classe, celle des récidivistes. Le chiffre de ces derniers, qui était de 30 pour 100 en 1850, est monté à 65 pour 100. En somme, la criminalité a triplé chez nous depuis cinquante ans, quoique la population ait à peine augmenté. Quand un écrivain parle de « l’armée du crime », il fait parfois sourire. Mais considérez les chiffres : il y a eu pendant l’année 1892, dans les prisons, 516 671 entrées, 468 007 sorties. Au 31 décembre 1892, l’effectif des condamnés était de 48 664. Le total des journées de détention a été de 17 081 391 ; 516 671 cliens de la prison par an, n’est-ce pas véritablement une « armée » ? Le côté le plus lamentable de la statistique criminelle est celui qui regarde les enfans et jeunes gens. Déjà, de 1826 à 1880, tandis que les délits de droit commun avaient triplé chez les adultes, la criminalité des jeunes gens de seize à vingt et un ans avait quadruplé, celle des jeunes filles presque triplé. Quant aux enfans poursuivis, le nombre en avait doublé. Dans la seconde période, 1880 à 1893, la criminalité grandit encore beaucoup plus rapidement ; en dix ans, on voit le nombre des enfans criminels s’accroître du quart, tandis que celui des adultes s’accroît seulement d’un neuvième. Aujourd’hui, la criminalité de l’enfance dépasse presque du double celle des adultes. Et cependant, les mineurs de sept à seize ans ne représentent pas 7 millions d’âmes, tandis que les adultes en comptent plus de 20. A Paris, plus de la moitié des individus arrêtés ont moins de vingt et un ans, et presque tous ont commis des fautes graves ; en une seule année (1880), 30 assassinats, 39 homicides, 3 parricides, 2 empoisonnemens, 114 infanticides, 4 212 coups et blessures, 25 incendies, 153 viols, 80 attentats à la pudeur. 458 vols qualifiés, 11 862 vols simples ; voilà le bilan de cette belle jeunesse ! Aujourd’hui, c’est bien pire encore. La précocité, a-t-on dit, est une des marques <references/>
Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/1383
est vrai qu’il y ait quelque chose de ce genre dans ce travail qu’on remarque ; il y a aussi à prévoir la reprise d’hostilités plus dangereuses peut-être et plus décisives, de même qu’il y aura encore à rendre irrévocables par des mesures concertées les résultats acquis jusqu’ici. Sur tous ces points, la France et l’Angleterre ont-elles été, sont-elles constamment d’accord ? Il est des esprits fort occupés à observer les nuages qui s’élèvent, et ce serait certainement trop dire que de nier qu’il puisse y avoir parfois des nuages. La France peut être plus particulièrement touchée de toutes les considérations de la paix, de la nécessité d’associer l’Autriche, si cela est possible, à l’œuvre commune, et par conséquent de ne point dépasser certaines limites. L’Angleterre peut être plus décidée à agir sur tous les points et sous toutes les formes, avec ou sans le concours du cabinet de Vienne. Qu’il y ait eu ou qu’il y ait de la part des gouvernemens des appréciations différentes de certaines questions déterminées, rien ne serait moins surprenant ; mais il est à nos yeux un fait supérieur à tous ces incidens, à ces divergences secondaires : c’est la nécessité de la permanence de cette union qui existe aujourd’hui entre la France et l’Angleterre. Ces deux nations ont été bien souvent divisées durant la dernière paix par de misérables querelles, par des rivalités quelquefois puériles. Le jour où une grande question s’est élevée dans le monde, la France et l’Angleterre, en dépit de tout ce qui semblait les diviser plus que jamais, se sont trouvées alliées sans effort et ont été les seules à prendre d’intelligence une résolution virile. C’était l’intérêt de leur grandeur et de leur prépondérance, dira-t-on ; il est vrai, c’était l’intérêt de la position qu’elles occupent dans le monde, mais c’était aussi l’intérêt de la sécurité et de l’indépendance de tous. La guerre s’arrêtât-elle aujourd’hui, pense-t-on que cette question d’Orient, à laquelle est peut-être attachée la civilisation occidentale, fût résolue par cela même que l’accord des deux pays, des deux politiques cesserait d’être nécessaire ? Croit-on que la France et l’Angleterre n’auraient point longtemps encore à agir en commun soit à Constantinople, soit dans les cours de l’Occident, pour assurer le développement des principes qu’elles auront fait passer dans le droit public ? Que cette alliance eût à subir quelque refroidissement sérieux, il ne pourrait y avoir de plus grand triomphe pour la politique moscovite. Qu’on le remarque bien du reste, ce n’est pas l’ambition de la Russie qui seule rend nécessaire cette forte et efficace alliance. Les deux nations peuvent avoir à défendre les mêmes principes dans l’Atlantique, dans le Nouveau-Monde. Elles auront à arrêter par leur imposante attitude cette remuante ambition américaine ou peut-être à la combattre quelque jour. L’alliance anglo-française a donc de toutes parts des raisons d’être. De toutes les combinaisons politiques, c’est celle qui est la plus protectrice pour l’Europe. Entre la France et l’Angleterre, il ne peut y avoir de traité de Tilsitt livrant à l’une le continent, à l’autre l’empire des mers. La divergence même des intérêts des deux pays, leurs rivalités, leurs tendances à se surveiller mutuellement, sont la plus sûre et la plus naturelle garantie de toutes les indépendances, en même temps que leur force est la plus invincible barrière contre tous les envahissemens. De quelque façon qu’on la considère, l’union des deux peuples ne peut avoir que de libérales conséquences ; elle s’est formée au nom <references/>
Thory - Monographie ou histoire naturelle du groseillier, 1829.djvu/83
{{c|ο. {{abréviation|G.|GROSEILLE}} À LONG PÉDONCULE, |fs=90%}} {{c|''{{lang|la|Ribes uva crispa, longipedata.}}''|fs=90%}} {{c|{{sc|Fig}} 18.|fs=90%}} {{lang|la|{{abréviation|R.|Ribes}} ''baccis lutescentibus pedonculis elongatis''.}} {{sc|Thory}}. {{sc|Cet}} arbrisseau est en tout semblahle aux précédens, quant aux tiges et aux épines. Les feuilles sont d’un vert foncé en dessus, plus pâles en dessous ; elles sont portées sur de longs pétioles couverts de duvet. La fleur est encore d’un blanc sale ; il lui succède des baies longues jaunâtres, supportées par un pédicelle muni de bractées persistantes, attaché et comme soudé à un pédoncule qui semble tiré et allongé par une force supérieure ; ce pédoncule est long de près de quinze lignes. La groseille est toujours solitaire. Sa saveur est excellente. Elle reste sur les branches jusqu’à la fin d’août. {{c|ξ. {{abréviation|G.|GROSEILLE}} À DEUX COULEURS, |fs=90%}} {{c|''{{lang|la|Ribes uva crispa, discolor.}}''|fs=90%}} {{c|{{sc|Fig}} 19.|fs=90%}} {{lang|la|{{abréviation|R.|Ribes}} ''baccis albidis, hemisphæricis, fulvo-maculatis''.}} {{sc|Thory}}. {{sc|Les}} branches adultes de l’arbrisseau sont grisâtres et munies d’épines de la même couleur ; celles de l’année sont jaunâtres, avec des épines longues et fortes. Les feuilles, à trois ou cinq <references/>
Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/218
aux exemples. Si je les avais pris chez les autres, il en serait résulté que la portion la moins désagréable du livre, ne m’appartiendrait pas, et que je n’aurais à revendiquer en propre que celle qui renferme ce qu’il y a de plus aride et d’inusité. C’est encore un désavantage que j’ai voulu éviter. Tels sont les motifs qui m’ont empêché, tout en approuvant les Grecs comme inventeurs de l’art, de ne pas suivre leur opinion sur le choix des exemples. Il est temps de passer à présent aux règles de l’élocution. Nous l’envisagerons sous deux points de vue. Nous parlerons d’abord des divers genres dans lesquels l’élocution doit être renfermée tout entière ; nous montrerons ensuite quelles qualités elle doit toujours avoir. '''VIII.''' Il y a trois genres, ou, comme nous le disons, trois caractères de style auxquels se ramène tout discours soumis aux règles ; le style sublime, le style tempéré, et le style simple. Le sublime résulte de l’emploi d’expressions nobles, grandes et ornées. Le tempéré fait usage de termes moins relevés, mais qui n’ont rien de trop bas ni de trop vulgaire. Le simple s’abaisse jusqu’au langage le plus familier d’une conversation correcte. Le discours appartiendra au genre sublime, si l’on y fait entrer les expressions les plus ornées qu’il sera possible de trouver sur chaque sujet, et si on les y approprie, soit dans leur sens naturel, soit dans leur sens figuré ; si l’on fait choix de pensées nobles, susceptibles de se prêter à l’amplification et au pathétique ; et si, parmi les figures de pensées ou de mots dont nous parlerons plus tard, on emploie celles qui ont de la grandeur. L’exemple suivant donnera l’idée de ce genre : « Qui de vous en effet, juges, pourrait imaginer un châtiment assez sévère pour celui qui a formé le projet de livrer sa patrie aux ennemis ? Quel crime peut se comparer à celui-là, et quel supplice trouvera-t-on qui le puisse expier dignement ? Pour punir ceux qui auraient attenté à une femme libre, déshonoré une mère de famille, maltraité ou mis à mort un citoyen, nos ancêtres imaginèrent les plus cruels supplices, et ils n’en ont point trouvé pour le plus cruel, pour le plus coupable des forfaits ? Et cependant les autres crimes ne portent préjudice qu’à une seule personne, ou qu’à un petit nombre de citoyens, tandis que les auteurs d’un pareil attentat menacent d’un seul coup tous les citoyens des plus horribles malheurs. Ô cœurs farouches, ! ô projets barbares ! ô hommes dénaturés ! vous avez osé exécuter, concevoir même un dessein qui permettait à nos ennemis de fondre victorieux sur la ville, après avoir dispersé les tombeaux de nos pères et renversé nos murailles ; de dépouiller les temples des dieux, d’égorger nos citoyens les plus illustres, de traîner les autres en servitude ; de livrer les mères de famille, les femmes libres à la brutalité des soldats, et la ville, aux horreurs de l’incendie ! Les misérables ! ils pensent avoir encore quelque chose à désirer, tant qu’ils n’ont pas vu tomber en cendres les murs sacrés de la patrie ! Je ne puis, juges, peindre par des paroles, toute l’atrocité de leur dessein ; mais je m’en console, parce que vous n’avez pas besoin de mes efforts. Vos cœurs, dans lesquels l’amour <references/>
Henri IV - Lettres Missives - Tome7.djvu/768
DE HENRI IV. 751 entiere que je la fais pour moy-mesme : priant Dieu, mon Cousin, vous avoir en "sa saincte garde. Escript à Monceaux, ce XI11Jc301`1S1l 1-609. roaear. ' 1609. — il ; Aoûr. — II". Orig. — Archives du canton de Soleure. Envoi de M. le ministre de France en Suisse. A NOS TRES CHERS ET GRANDS AMYS, ALLIEZ ET CONFEDEBEZ LES ADVOYERS ET CONSEIL DE LA VILLE DE SOLEURE. Tres chers let grands amys, alliez et confederez, Ayans pris en bonne part la recommandation que vous nous aves faicte par vostre lettre du remier de ce mois en faveur d’un bour eois de vostre ville, P S nommé Ursfriesemberg, qui est en nos galleres, nous en escrivons presentement au general d’icelles la lettre que vous donnera de nostre part le s' de Refuge, nostre ambassadeur ; suivant laquelle le general le fera relascher et le vous renverra, desirans qu’il s’oIlre quelque . meilleure occasion de vous tesmoi ner la continuation de nostre g bonne volonté, ams ue vous dira nostre ambassadeur. A tant nous Y (I . prions Dieu, Tres chers et grands amys, alliez et confederez, qu'il vous ayt dans sa tres saincte et digne garde. Escript à Monceaux, le xm_]° jour d’aoust l609. ~ ' V HENRY. nnutaar. [1609. —vnas LA M1-Aoûrl.] _ Imprimé. — (Economics royales, édit. orig. t. III, cb. 3A.' A [AU DUC DE SULLY.] U — Mon amy, Depuis vostre partement l’archiduc Leopold a envoyé vers moy homme exprès pour m’advertir de sa venue es estats de ' Voyez ci-après la lettre du 23 août à Tarchiduc Albert. . ' <references/>
Ferrandière - Œuvres, 1816.pdf/35
{{em|3}}Pour rentrer plutôt dans son gîte. La plus vieille grenouille, en trottant, se lassoit, {{em|3}}Et parmi les joncs s’enlaçoit. Voyant son embarras, un brochet lui disoit : {{em|3}}D’où vient donc regagner si vite, {{em|1}}Vos ennuyeux, vos misérables trous ? {{em|3}}Pourquoi ne pas vivre avec nous ? Nos ondes sont toujours si brillantes, si claires ! Ah ! nos mœurs ont changé, nous traitons maintenant {{em|3}}Comme égaux, comme tendres frères, {{em|2}}Tout ce qui vit dans l’humide élément ; Vous n’auriez, parmi nous, que des amis sincères. La grenouille reprit : Si quelque barbillon {{em|3}}Me tenoit un pareil langage, {{em|3}}Ou bien le modeste goujon, Je dirois à mes sœurs : quittons ce marécage Et courons habiter avec lui sans façon ; Mais le grand fondateur de l’empire aquatique {{em|2}}Grava chez nous cette sage leçon : Pour la prospérité de votre république, {{em|3}}Fuyez toujours le gros poisson. </poem> <section end="f23"/> <section begin="f24"/>{{-|l}} {{t4|LE VILLAGEOIS ET LA FAUVETTE.|FABLE {{rom-maj|XXIV|5}}.}} {{em|3}}{{t|P|200}}{{sc|our}} mieux jouir d’une fauvette {{em|3}}Qui gazouilloit dans un buisson, Un jeune villageois dénicha la pauvrette. Joyeux de la tenir, il gagne sa maison, Et lui fait au plus vîte habiter une cage {{em|3}}Que les oiseaux nomment prison. </poem><section end="f24"/> <references/>
Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 16.djvu/111
{{nr||L’ÉMIGRATION EUROPÉENNE DANS LE NOUVEAU-MONDE|105}}arrivaient à la frontière non-seulement des passe-ports en règle, mais encore la représentation de leur billet d’embarquement payé à l’avance et la preuve qu’ils possédaient une somme suffisante pour acquitter leurs dépenses de route jusqu’à la mer. Ces mesures, justifiées par une nécessité évidente, ont éloigné de notre territoire, au profit de la voie du Rhin et des ports belges ou hollandais, une partie de l’émigration allemande. Aujourd’hui que Strasbourg et le Havre sont directement reliés par les chemins de fer, on jugera sans doute à propos de tempérer la rigueur des règlemens, car les émigrans qui montent dans le wagon à la gare de Strasbourg sont amenés rapidement et en quelque sorte sans toucher terre au quai du Havre, et la police n’a plus à surveiller que le point de départ et celui d’arrivée. Les profits que les compagnies retireront du transport des Allemands et des Suisses ne seront pas à dédaigner ; en même temps, la clientèle régulière de ces nombreux passagers accroîtra l’importance de notre principale place de commerce sur l’Océan. Dans cette prévision, il semble urgent de compléter, pour l’ensemble de l’émigration transatlantique, le décret du 27 mars 1852, qui a réglementé les transports des passagers à destination de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de l’île de la Réunion. Quand on contemple l’élan irrésistible qui entraîne une fraction si considérable de la grande famille germanique, on demeure à bon droit saisi d’étonnement. Pour les peuples qui habitent les côtes, l’émigration est un fait naturel et simple ; les relations établies par le négoce, la vue continuelle des navires qui abordent ou qui partent, et surtout la perspective de cet océan sans cesse agité dont l’imagination se plaît à suivre sous d’autres cieux les vagues voyageuses, provoquent et entretiennent les idées d’expatriation. Ici nous nous trouvons en présence de populations méditerranéennes qui désertent leurs champs et leurs montagnes, franchissent péniblement de vastes espaces, traversent des territoires étrangers et n’hésitent pas à braver les périls des mers. Il faut que l’attrait soit bien puissant ou la nécessité bien impérieuse. À quelle limite s’arrêtera ce grand mouvement ? Nul ne saurait le prévoir. L’Allemagne n’a point de colonies, mais elle envoie dans le Nouveau-Monde une race virile qui paie noblement son tribut à la loi du travail et qui honore l’émigration européenne. {{t4|III. — L’EMIGRATION EUROPEENNE AUX ETATS-UNIS.}} Les hommes d’état qui, depuis la lutte glorieuse de l’indépendance, ont présidé avec tant de sagesse et de succès au développement de l’Union, n’ont jamais perdu de vue les élémens de richesse, de force et de grandeur qu’apportaient au sein de leur jeune république les populations de l’ancien monde. Ils se sont donc appliqués, dès le principe, à attirer les étrangers, soit en facilitant l’acquisition de la propriété foncière, soit en accordant avec un extrême libéralisme la naturalisation, ainsi que la jouissance des droits politiques et civils. Aussi la population émigrée, qui, en 1790, ne dépassait pas 4 millions d’ames, s’élevait-elle, en 1820, à près de 10 millions, et dans ce dernier chiffre les étrangers d’origine figuraient pour 1,500,000. On reconnut cependant que la colonisation ne pouvait être absolument livrée au hasard. La première loi du <references/>
Proudhon - Théorie de la propriété, 1866.djvu/63
un certain nombre de catholiques. il n’y a donc pas lieu de s’étonner du concours que j’ai reçu d’eux de 1848 à 1851. Mes études de réforme économique dans la même période ont surtout porté sur le côté ''objectif'' de la question. Nous étions débordés par la sensiblerie fraternitaire, communautaire ; il semblait que la solution du problème du prolétariat fût simplement affaire de prédication et de propagande ; que les Juifs et les Philistins, suffisamment sermonnés, évangélisés, allaient se dessaisir spontanément, se faire nos chefs de file et nos commis pour l’organisation de l’égal-échange. Dans mon livre de la JUSTICE, troisième étude, les ''Biens'', j’ai repris toutes ces questions d’un point de vue plus élevé, que l’ardeur et les exigences de la polémique ne m’avaient pas laissé le temps de développer durant la période de lutte révolutionnaire. Je venais de poser un grand principe, l’immanence de la Justice dans l’humanité ; et c’est d’après ce critère que j’entendais juger toutes les institutions. Ce fut la première fois que je cherchai d’une façon quelque peu approfondie la légitimation de la propriété dans son côté ''subjectif'', la dignité du propriétaire. J’avais écrit en 1852 (''la'' ''Révolution'' ''sociale'' ''démontrée'' ''par'' ''le'' ''coup'' ''d’État'') : « Les principes sur lesquels repose, depuis 89, la société française, disons toute société libre, principes antérieurs et supérieurs à la notion même de gouvernement, sont : 1o la ''propriété'' ''libre'' ; 2o le ''travail'' ''libre'' ; ''3''o la ''distinction'' ''naturelle'', ''égalitaire'' ''et'' ''libre'' des <references/>
Gautier - Portraits du XIXe siècle, Poëtes et romanciers.djvu/285
des eaux claires, des chants d’oiseaux. Il a fait, dans ses ''Contes du Bocage'', de beaux mélanges de ce sentiment de la nature avec le sentiment plus mâle de son indignation contre les tyrans de 1793. Des herbages charmants, un pays admirable, et du sang dessus : voilà les ''Contes du Bocage''. Plusieurs estiment qu’ils sont le chef-d’œuvre d’Ourliac. Je ne suis pas de ceux-là. Combien je leur préfère ces ''Contes enfantins et rustiques'' parmi lesquels je publierais certaines nouvelles dont je ne puis prononcer le nom sans éprouver une émotion sincère, et que je ne puis jamais lire sans pleurer de ces bonnes larmes cachées dans le meilleur coin de tout notre être. En voici quatre que je proclame hautement les perles de cet écrin, et qui sont en effet d’inimitables modèles de simplicité, de charme honnête et pur, de style délicat et classique : ''Manette, la Petite Loiseau, Tambour et Trompette, la Procession de Mazières''. Ce dernier morceau est célèbre. Je ne pense pas qu’il soit possible de mêler plus harmonieusement les larmes et le rire, le sublime et le ridicule. Mazières est un petit, un tout petit village de la Touraine, et cette procession c’est celle de la Fête-Dieu. « Je veux être vrai et voici quelques détails qui vous aideront à concevoir cet ensemble villageois. La tunique des jeunes fleuristes était de grosse toile, et ce n’était, je crois bien, que des chemises dont on avait rogné les pans. Plusieurs de ces lévites laissaient voir, sous l’auguste vêtement, les deux jambes d’un pantalon de cotonnade rayée. L’un d’eux, gros garçon, grave et joufflu, déployait en haut de son aube un immense col de chemise serré par une cravate des dimanches, et qui entourait sa tête comme ce grand papier dont on enveloppe un bouquet. Que dirai-je de plus ? La dalmatique du cruciger, antique et flétrie, <references/>
May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/336
— Eh bien ! oui, nous en avons certainement deux. — Ou trois ? — Non, deux seulement. — Bien ; mais si j’en découvrais trois, tu serais perdu. — Pardonne, Emir. Peut-être en trouverez-vous plus de deux ; alors il y en aura trois. — Alors ? — Oui. — Et si nous ne la trouvons pas, cette troisième place, il n’y en aura que deux ? — Émir, je te dirai la vérité : il y en a trois. — Ah !... quatre, peut-être ? — Émir, tu voudrais en trouver dix. — Tu es un Abou Hamed, tu ne perdrais pas volontiers ce que tu as gagné par tes rapines. Je ne te presserai pas davantage ; mais prends garde ! — Nous en avons quatre, Émir ! soupira le malheureux prisonnier. — Bien, tais-toi ; je vais moi-même me rendre compte de vos richesses. » J’interrogeai l’horizon avec ma longue-vue, et je découvris au loin quelques points où se mouvaient des hommes et des bêtes. J’appelai le chef des Haddedîn qui me suivait ; c’était un guerrier vaillant et résolu, sur lequel je pouvais compter ; je lui demandai : « Nous avons quarante Abou Hamed avec nous ; crois-tu pouvoir les maintenir avec trente de tes hommes ? — Je les garderais avec dix hommes, Émir ; ils n’ont point d’armes. — Eh bien ! je vais prendre les devants en compagnie de Halef Omar pour examiner un peu les choses ; quand le soleil aura atteint ce buisson que tu vois là-bas, si nous ne sommes pas revenus, envoie-moi trente hommes, ils me retrouveront sur les pâturages. » J’allai ensuite parler à Lindsay, qui chevauchait à peu de distance. « J’ai une mission importante à vous confier, sir, lui dis-je. — Well ! — Je pars à la découverte. Je voudrais me rendre compte des <references/>
Bibaud - Les fiancés de St-Eustache, 1910.djvu/159
{{nr||LES FIANCÉS DE ST-EUSTACHE|151}}armes aux Anglais, tous furent exterminés. Ici aujourd’hui, comme alors, en ce pays, on veut notre avilissement, notre perte, on veut faire disparaître au Canada l’élément français ; que deviendrions-nous si nous imitions la soumission des Acadiens ? Non, non, il faut vaincre ou mourir ; mais non d’une mort vile, il faut mourir en braves les armes à la main. La jeune femme avec angoisse se pressa sur le cœur de son mari. — Ne dis pas cela, Olivier, ne le dis pas, fit-elle avec un sanglot. L’enlaçant de ses deux bras le docteur la couvrit de baisers. — Je t’aime, je t’aime, murmura-t-il, et des larmes brûlantes coulèrent lentement sur ses joues. Elle avait caché sa tête dans son sein et leurs sanglots se mêlaient. L’ombre de la nuit était descendue dans la chambre : ils étaient environnés de ténèbres et leurs âmes saisies de lugubres pressentiments ; c’était un adieu suprême qu’ils échangeaient, ils le sentaient et dans férus tendres épanchements, ils se disaient : — Pourquoi, pourquoi mourir, puisque nous nous aimons, puisque la vie serait si belle, alors que notre tendresse la dore. Mourir à trente ans lorsqu’on est chéri d’une compagne aimée, lorsqu’on a reçu d’elle un {{tiret|en|fant}} <references/>
Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/378
» Dès que leurs petits sont en état de voler, les Pluviers se réunissent de nouveau par troupes, mais restent sur les marais jusqu’au commencement de l’hiver. Ce n’est qu’alors qu’ils gagnent les champs ; et quand la saison est trop rigoureuse, ils se retirent sur les terrains bas, près des bords de la mer. Pendant les longues gelées ils cherchent leur nourriture sur les sables et les rivages rocailleux, à la marée descendante ; et en général, tant que dure la mauvaise saison, ils ne s’éloignent guère de la mer. » Quand une troupe s’abat sur un champ, les divers individus se dispersent et courent chacun de leur côté avec une grande activité, en récoltant ce qui se trouve. Il y en a de si peu farouches, qu’on peut s’en approcher à quinze mètres ; et souvent j’ai fait plusieurs fois le tour d’une de ces troupes éparpillées, pour les ramener ensemble avant de tirer. Dans les temps de vent, ils se foulent à ras de terre, et j’ai lieu de penser que d’ordinaire ils gardent cette position durant la nuit. Sur les Hébrides, j’ai été maintes fois à la chasse de ces oiseaux au clair de lune ; et je ne les trouvais pas moins occupés et moins actifs que dans le jour ; ce qui, je crois, est aussi le cas pour les bécassines. Mais rarement faisais-je capture, attendu la difficulté de bien apprécier la distance dans les ténèbres. Le nombre des Pluviers qui fréquentent, en cette saison, les pâturages sablonneux et les Hébrides sporades<ref>''Outer Hebrides''. C’est l’archipel qui comprend les îles éparses et les plus éloignées de la côte d’Écosse.</ref> est véritablement étonnant. <references/>
Chateaubriand - Œuvres complètes t1.djvu/373
��AV. J.-C. 509, ^<)L. 61. M houleaux ■'', devoit offrir à Orphée des images consonnantes à la tendresse de son génie; et lorsqu'un amour malheureux eut prêté à sa voix les accents de la mélancolie 1 , alors les chênes s'attendrirent et l'enfer même parut touché. De plusieurs ouvrages qu'on attribue à ce poète, il n'y a que les fragments que je vais donner, qui soient vraiment de lui 2 . Les Argo- nautes n'en sont pas. Tout ce qui appartient à l'univers : Farche hardie de l'immense voûte des cieux , la vaste étendue des flots indomptés, l'incommensurable Océan, le pro- fond Tartare , les fleuves et les fontaines les Im- mortels même , dieux et déesses , sont engendrés dans Jupiter. Jupiter tonnant est le commencement , le milieu ■ C'est en partie la peinture de la mission du Père Auhry. Nouv. Ed. 1 Virgile, Georg., 1. îv. Le Qualis populea de Virgile a été traduit ainsi par l'abbé Uelille : Telle sur un rameau, durant la nuit obscure, Philomèle plaintive attendrit la nature, \ccuse en gémissant l'oiseleur inhumain Qui, glissant dans son lit une furtive main, Ravit ces tendres fruits que l'amour fit éclore, Et qu'un léger duvet ne couvroit point encore! 2 II n est pas même certain qu'ils en soient, mais cela est trèfrpiobable. Ciceron a nié qu'il eut jamais existé un Orphée. �� � <references/>