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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1986 et réside à Ankara. Le 24 mai 2006, le requérant commença son service militaire obligatoire. Il intégra d’abord le commandement de formation du premier régiment de commandos (« le régiment de formation ») de Kayseri pour une durée de trois mois. Lors de la consultation médicale du 26 mai 2006, les médecins de la caserne diagnostiquèrent chez le requérant une maladie hémorroïdaire de grade 2. Ils lui prescrivirent un traitement médical et lui conseillèrent de suivre un régime alimentaire adéquat. À des dates non précisées courant 2006, le requérant se rendit à plusieurs reprises à l’hôpital militaire de Kayseri en raison de douleurs dues à des hémorroïdes. À ce sujet, le requérant indique qu’il souffrait modérément d’hémorroïdes avant le service militaire et que ses symptômes s’étaient aggravés depuis son intégration dans le régiment de formation. Cette aggravation aurait été due à de mauvaises conditions d’hygiène des toilettes et à une insuffisance en nombre de ces dernières. Toujours aux dires du requérant, le personnel médical de l’hôpital militaire de Kayseri l’avait informé qu’il ne pouvait se faire opérer dans un hôpital militaire tant qu’il était en période de formation. À une date non précisée en août 2006, à l’issue de sa période de formation, le requérant fut conduit à l’hôpital militaire de Diyarbakır en raison de l’aggravation de ses symptômes. À cet égard, le requérant dit que, le personnel médical avait refusé de l’opérer au motif que le régiment de formation n’avait pas fait suivre son dossier militaire à son régiment d’affectation. Le 1er septembre 2006, le requérant subit une hémorroïdectomie à l’hôpital militaire de Siirt, opération réalisée selon « la technique Milligan Morgan » d’après les registres de cet établissement. Mis en arrêt de travail pour une durée d’un mois, il retourna à son domicile à Ankara. À une date non précisée en septembre 2006, il se rendit au service des urgences de l’académie militaire de médecine Gülhane (« le GATA ») à Ankara. Il se plaignait de constipation et de gonflement abdominal. Les médecins lui prescrivirent un laxatif et le renvoyèrent chez lui. Le 19 septembre 2006, le requérant se rendit à nouveau au GATA en raison de l’aggravation de son état de santé. Le même jour, il y fut hospitalisé avec le diagnostic de rétrécissement anal. Le lendemain, il fut opéré pour le rétrécissement anal dont il souffrait, puis à nouveau mis en arrêt de travail pour une durée d’un mois. Le 9 octobre 2006, il se vit délivrer un nouvel arrêt de travail pour une durée d’un mois. Le diagnostic suivant fut consigné dans les registres du GATA : « 1. [Patient] opéré d’une hémorroïdectomie selon « la technique Whitehead » ; [souffre de] rétrécissement anal. » Le 8 novembre 2006, le requérant fut une nouvelle fois admis au GATA avec le diagnostic de rétrécissement anal. Le 20 novembre 2006, le requérant subit une fissurectomie avec anoplastie muqueuse. Un rapport médical du GATA du 18 décembre 2006 conclut à la prolongation de l’arrêt de travail de l’intéressé pour une durée d’un mois et demi. Ledit rapport se lisait comme suit en sa partie pertinente en l’espèce : « Lambeau d’avancement en « VY » en raison d’un rétrécissement anal, et [patient] opéré d’une anoplastie. » À une date non précisée, le requérant fut de nouveau conduit au GATA, où les médecins diagnostiquèrent une déficience du sphincter interne et externe. Les médecins décidèrent de lui prodiguer un traitement dénommé biofeedback-neurostimulateur (traitement par électrostimulation de la zone périnéale) et prolongèrent son arrêt de travail pour une durée de deux mois. Le 24 avril 2007, le requérant fut hospitalisé au service de chirurgie générale du GATA. Dans un rapport médical du 10 mai 2007, les médecins décidèrent de prolonger son arrêt de travail pour une nouvelle durée de deux mois, avec le diagnostic de déficience du sphincter anal. Le 11 juillet 2007, le requérant fut de nouveau admis au GATA, où il se vit prodiguer un traitement pour le rétrécissement anal dont il souffrait. Les médecins lui proposèrent une réparation chirurgicale du sphincter interne et externe. Le requérant refusa l’opération. Le 26 juillet 2007, l’intéressé fut examiné par le conseil de la santé du GATA, qui rendit une décision d’ajournement du service militaire, énoncée comme suit : « Diagnostic d’incontinence anale ; inapte au service militaire sur le fondement de l’article 68, catégorie B, alinéa 1er [de la liste annexée au règlement des forces armées turques sur l’aptitude au service militaire du point de vue de la santé]. » Le 9 octobre 2007, la décision susmentionnée fut confirmée par la direction de la santé de l’armée de terre des Forces armées turques et devint définitive. Le requérant forma, auprès du ministère de la Défense nationale, une demande préalable d’indemnisation d’un montant de 90 000 livres turques (TRY) pour préjudice matériel et d’un montant de 50 000 TRY pour préjudice moral. L’administration rejeta ses prétentions. Le 4 février 2008, le requérant saisit la Haute Cour administrative militaire (« la Haute Cour ») d’une action en réparation, par laquelle il sollicitait 140 000 TRY tous préjudices confondus. Le 7 novembre 2008, la Haute Cour ordonna une expertise judiciaire afin de déterminer : « – si les mauvaises conditions d’hygiène des toilettes au sein des régiments de formation et d’affectation, d’une part, et les activités sportives et de formation militaires, d’autre part, [avaient] pu avoir pour effet d’aggraver les hémorroïdes dont le [demandeur] souffrait avant d’intégrer l’armée, ou, – si cette maladie ou son aggravation résultaient de retards dans les interventions médicales, ou, – si la cause était idiosyncrasique ou si cette maladie avait d’autres causes. » Dans un rapport du 16 décembre 2008, un comité d’experts composé de trois enseignants de l’université de Gazi conclut comme suit : « (...) Si, d’après les registres de l’hôpital militaire de Siirt, l’opération effectuée apparaît comme « hémorroïdectomie selon la technique Milligan Morgan (au niveau 3-7-11) + sphinctérotomie latérale interne », l’indication de « patient opéré d’une hémorroïdectomie selon « la technique Whitehead » » dans les registres du service de chirurgie générale du GATA constitue une contradiction. Même si les deux techniques en cause peuvent être employées pour traiter les hémorroïdes, de nos jours, « la technique Whitehead » est un procédé rarement préféré en raison du nombre élevé de complications [postopératoires qu’il peut engendrer]. (...) il faut que ce point soit élucidé. (...) De par la nature de la maladie, [les symptômes peuvent] s’aggraver à une période donnée, puis s’apaiser à une autre. Plusieurs facteurs peuvent être à l’origine de l’apparition d’hémorroïdes, tels que les raisons idiosyncrasiques, la constipation, les habitudes nutritionnelles. (...) Il est dès lors peu probable que cette maladie puisse résulter du service militaire. Plusieurs hypothèses telles que la constipation ou la station debout prolongée peuvent être à l’origine de l’aggravation de la maladie ; de ce fait, l’aggravation de la maladie ne peut être mise en rapport avec les activités physiques pratiquées dans le cadre du service militaire ni avec l’utilisation de toilettes insalubres. (...) Notamment, en ce qui concerne l’opération chirurgicale pratiquée à l’hôpital militaire de Siirt, aucun « retard dans les interventions médicales » n’est en cause. Le diagnostic d’« incontinence anale », qui a donné lieu à la décision d’ajournement du service militaire du conseil de la santé du GATA, est une complication résultant de la première opération. Le rétrécissement anal et l’incontinence sont des complications qui peuvent apparaître consécutivement aux opérations des hémorroïdes. Dans l’hypothèse où la première opération est une « hémorroïdectomie selon la technique Milligan Morgan », il ne sera pas possible de relever une quelconque erreur dans les traitements prodigués ou opérations effectuées, et il conviendrait simplement de qualifier ce cas de figure de complication. Les comportements antisociaux et les influences sur la vie [privée] dont le [patient] s’est plaint sont le problème principal des malades atteints d’incontinence, et il est nécessaire de prodiguer des traitements tant pour [restaurer] la fonction anale que pour rétablir l’équilibre psychologique. » Le 9 janvier 2009, le requérant sollicita une contre-expertise afin que fussent déterminées la technique employée pour sa première opération et l’adéquation du traitement prodigué. Le 11 mars 2009, la Haute Cour interrogea le service du médecin en chef du GATA sur les raisons de la contradiction apparue entre les registres de l’hôpital militaire de Siirt et le rapport du GATA relativement à la technique employée pour la première opération, effectuée le 1er septembre 2006 à Siirt. Le 26 mai 2009, le personnel du service du médecin en chef du GATA indiqua notamment ce qui suit : « (...) d’après le compte-rendu chirurgical de l’hôpital militaire de Siirt, une « hémorroïdectomie selon la technique Milligan Morgan » (...) a été effectuée. Cependant, après examen du patient, les médecins [du GATA] ont été convaincus que l’opération en question avait été effectuée selon « la technique Whitehead ». Aussi, c’est cette dernière technique qui a été indiquée dans les registres du GATA. Quoi qu’il en soit, le rétrécissement anal peut être soigné par un traitement chirurgical. Cette opération a été préconisée et proposée au patient, mais l’intéressé n’a pas souhaité se faire opérer. » Par un arrêt du 17 juin 2009, la Haute Cour débouta le requérant de l’ensemble de ses demandes. Elle estima d’abord que l’affaire était en état d’être jugée. Se fondant sur la conclusion du rapport d’expertise du 16 décembre 2008 et sur la réponse du personnel du service du médecin en chef du GATA datée du 26 mai 2009, elle considéra ensuite que la maladie du requérant était idiosyncrasique, que le service militaire n’avait eu aucun effet sur l’apparition et le développement de la maladie et qu’il n’en était pas non plus la cause, et qu’il n’y avait eu aucune erreur, négligence, omission ou retard dans le diagnostic et les interventions médicales. S’agissant des plaintes du requérant relatives à son incontinence anale, la Haute Cour indiqua que les médecins s’étaient employés à soigner celui-ci avec les méthodes thérapeutiques reconnues et qu’ils avaient proposé une nouvelle intervention afin de traiter les complications liées à l’hémorroïdectomie, mais que l’intéressé avait refusé le traitement conseillé par les médecins du GATA et que, dès lors, il n’y avait pas de lien de causalité entre son état de santé au moment du contentieux devant elle et une quelconque faute de l’administration. Elle exclut toute responsabilité, pour faute ou sans faute, imputable à l’administration. Le 30 septembre 2009, la Haute Cour rejeta également le recours en rectification formé par le requérant. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS En ce qui concerne la législation concernant la Haute Cour et la composition de cette instance, la Cour renvoie à son arrêt Tanışma c. Turquie (no , §§ 29-50, 17 novembre 2015).
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LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1962 et réside à Istanbul. Le 26 mai 2000, vers 1 h 45, il fut agressé chez lui par un certain B.B. Le procès-verbal de sa déposition, dressé le même jour vers 3 h 30 par la police, exposait les informations suivantes : il avait fait la rencontre de son agresseur trois jours auparavant, de manière fortuite ; le jour de l’incident, B.B. était venu chez lui, accompagné de deux amis ; après un repas arrosé, les deux amis de B.B. étaient partis et il s’était retrouvé seul avec lui ; pendant le repas, B.B. avait sorti de sa poche une tablette de médicaments et avait voulu les mettre dans son verre ; il s’en était alors saisi et les avait jetés à la poubelle ; comme il refusait de les rendre à B.B., ce dernier l’avait agressé avec un couteau pris dans la cuisine ; B.B. lui avait arraché son collier et lui avait porté des coups de couteau ; il avait été secouru et conduit à l’hôpital par ses voisins, alertés par ses cris. L’examen médical du requérant révéla la présence de plusieurs plaies sur différentes parties de son corps. Le rapport médical établi le 1er juin 2000 par l’institut médicolégal conclut que les blessures observées sur le corps du requérant n’engageaient pas son pronostic vital et nécessitaient dix jours de repos. Le 7 juin 2000, B.B. fut inculpé de coups et blessures simples et renvoyé devant le tribunal d’instance pénal. Le 10 juillet 2000, l’institut médicolégal établit un second rapport indiquant que les blessures du requérant nécessitaient un repos de quinze jours. En conséquence, le 11 juillet 2000, le tribunal d’instance pénal se déclara incompétent et renvoya l’affaire devant le tribunal correctionnel. Lors de l’audience du 29 janvier 2001, le tribunal correctionnel auditionna le prévenu. Celui-ci déclara que, après une soirée arrosée, le requérant lui avait proposé de passer la nuit chez lui. Il dit que le requérant l’avait rejoint dans la chambre alors qu’il était allongé et que celui-ci avait commencé à le caresser. Il indiqua qu’il avait alors quitté la chambre, suivi par le requérant, que, en passant par la cuisine, il avait saisi un couteau, et qu’il avait été contraint de blesser le requérant pour se soustraire à lui. À ses dires, il avait quitté précipitamment l’appartement en laissant ses vêtements et ses effets personnels sur place. B.B. ajouta qu’il était en détention provisoire dans le cadre d’une autre procédure pénale, où il était accusé de vol. Au cours des audiences qui suivirent, le tribunal correctionnel recueillit les témoignages des riverains. Ceux-ci déclarèrent avoir vu le requérant en sang devant l’immeuble et un homme prendre la fuite, quasi nu, un couteau à la main. Le tribunal interrogea également l’institut médicolégal sur la nature des blessures, lequel répondit qu’elles n’étaient pas susceptibles de laisser des cicatrices visibles permanentes. Dans un mémoire adressé au tribunal, le requérant déclarait qu’il était un travesti. Il y expliquait également les circonstances de sa rencontre avec B.B. avant d’indiquer que, dès leur arrivée chez lui, le prévenu et ses amis s’étaient montrés intéressés par la valeur de sa télévision et de sa chaîne hi-fi ainsi que par celle de son collier et de son bracelet. Selon le requérant, au moment où il payait le livreur du repas, B.B. avait aperçu l’argent dans son portefeuille. Puis, au cours du repas, le requérant aurait surpris B.B. qui mettait un médicament dans son verre, médicament que l’intéressé aurait présenté comme un aphrodisiaque. Le requérant aurait alors jeté ce médicament à la poubelle, disant qu’il s’agissait de stupéfiants. Après le départ des deux amis de B.B., le requérant et B.B. seraient allés dans la chambre. Malgré de longs préliminaires, B.B. n’aurait pas eu d’érection et aurait quitté la chambre démoralisé. En le suivant, le requérant aurait remarqué que son portefeuille n’était plus à sa place. B.B., qui se serait trouvé à cet instant devant la porte de la cuisine, un couteau de cuisine à la main, lui aurait arraché son collier en agitant l’arme. Le requérant aurait tenté de se saisir du couteau, sans succès, et B.B. aurait alors déclaré : « Je te tuerai, toi et tous ceux qui sont comme toi ». Face à l’agressivité de B.B., le requérant aurait pris la fuite vers la cage d’escalier pour appeler à l’aide et tenter en même temps d’empêcher l’agresseur de quitter l’immeuble, et il aurait alors été secouru par ses voisins. B.B. se serait enfui avec ses deux amis qui l’attendaient à proximité de l’immeuble. Un voisin aurait tenté de se saisir du couteau de B.B. et de poursuivre les trois hommes, avant que B.B. ne jette l’arme alors qu’il s’enfuyait en voiture. Après cet incident, B.B. aurait demandé à des connaissances, dont une amie transsexuelle, de se rendre chez le requérant pour demander à celui-ci de ne pas porter plainte. Cette dernière aurait promis que B.B. rendrait les objets volés. B.B. aurait aussi appelé lui-même le requérant pour demander une conciliation, avant de le menacer. B.B. aurait aussi indiqué qu’il n’encourrait aucun risque en cas de plainte de la part du requérant et qu’il se défendrait en affirmant qu’il avait été victime de harcèlement sexuel de la part de ce dernier. Le requérant ajoutait que son orientation sexuelle avait eu un effet négatif sur le travail des policiers chargés de l’enquête. Selon lui, bien qu’il ait indiqué avoir été sauvagement agressé et avoir été victime de vol avec violences, l’enquête n’avait pas été menée avec la diligence requise. Le 18 janvier 2002, l’avocat du requérant adressa une requête au tribunal correctionnel ; eu égard à la gravité de l’incident, il soutenait que l’agression de son client devait être qualifiée de tentative d’homicide et de vol avec violences, et il demandait le renvoi de l’affaire devant la cour d’assises. L’avocat indiquait que, selon ses recherches, il existait cinq autres enquêtes et procédures pendantes contre le prévenu, et que, selon ces dossiers, l’intéressé avait eu des liaisons sentimentales avec des homosexuels et avait commis des infractions contre ceux-ci. Lors des audiences ultérieures, le tribunal entendit en qualité de témoins les deux amis de B.B. présents lors du dîner le soir de l’incident. L’avocat du requérant demanda au tribunal de se dessaisir au plus vite au profit de la cour d’assises et de ne pas laisser la procédure se prolonger davantage. Dans une requête du 4 septembre 2002, l’avocat du requérant répétait que les faits devaient être qualifiés de tentative d’homicide et de vol avec violences, soutenait que la police avait mené une enquête incomplète parce que son client était homosexuel et demandait le renvoi de l’affaire devant la cour d’assises. Il réitéra sa demande le 25 novembre 2002. Le 28 novembre 2002, le tribunal correctionnel décida de transmettre le dossier de l’affaire au procureur de la République pour que ce dernier se prononce sur la nécessité d’intenter une action pénale distincte pour vol qualifié. Au terme de son enquête, le 25 décembre 2002, le procureur de la République inculpa B.B. de vol qualifié aggravé, et un deuxième procès s’ouvrit devant la cour d’assises de Beyoğlu. Le 8 mai 2003, lors de la première audience devant la cour d’assises, le requérant fut entendu en ses déclarations et se constitua partie intervenante. Interrogé sur sa déposition à la police, il indiqua que, après concertation avec son avocat, il avait jugé utile de ne pas communiquer son orientation sexuelle à ce stade. Lors de l’audience du 18 septembre 2003, la cour d’assises releva que la déposition de l’accusé avait été recueillie par commission rogatoire ; elle en donna lecture et la versa au dossier. Dans une requête adressée à la cour d’assises le 7 janvier 2004, l’avocat du requérant demandait le placement de B.B. en détention, compte tenu de l’éventuelle requalification des faits en tentative d’homicide, de la nature de l’infraction et de la personnalité de l’accusé, lequel faisait l’objet de plusieurs enquêtes et procédures pénales. Lors de l’audience du 13 janvier 2004, la cour d’assises estima qu’il n’y avait pas lieu d’auditionner à nouveau les témoins et versa au dossier les déclarations faites par ceux-ci devant le tribunal correctionnel. Le dossier de la procédure entamée devant le tribunal correctionnel fut joint au dossier de la cour d’assises. Le 11 mai 2005, la cour d’assises décida de demander les documents médicaux concernant le requérant, en vue de les envoyer à l’institut médicolégal, et d’entendre à nouveau l’accusé en sa défense, compte tenu de la mise en œuvre probable des dispositions du code pénal relatives à l’homicide volontaire. Dans son rapport établi le 4 mars 2005, l’institut médicolégal concluait à nouveau que les blessures subies par le requérant lors de son agression n’avaient pas engagé son pronostic vital, qu’elles avaient nécessité quinze jours de repos, et que le requérant avait gardé des cicatrices visibles permanentes. Entre le 11 mai 2004 et le 13 juin 2006, il y eut sept ajournements d’audience parce que l’accusé ne pouvait être entendu. Pendant cette période, la cour d’assises rejeta les demandes visant au placement de B.B. en détention présentées par l’avocat du requérant et versa au dossier les décisions relatives à trois condamnations de l’accusé par différents tribunaux correctionnels. L’avocat du requérant fit également remarquer que certaines infractions risquaient d’être touchées par la prescription. Entendu lors de l’audience du 12 octobre 2006, l’accusé réitéra ses déclarations. Le 30 novembre 2006, la cour d’assises rendit sa décision. Elle reconnut B.B. coupable de coups et blessures aggravés eu égard à leurs conséquences (cicatrices visibles permanentes) et le condamna à une peine de prison de trois ans et neuf mois, en application de l’article 456 § 2 du code pénal en vigueur à l’époque des faits. S’agissant du chef de vol qualifié aggravé, la cour d’assises décida, par deux voix contre une, d’acquitter l’accusé. Elle considéra que le vol allégué par le requérant de son collier et de son argent n’était pas établi avec certitude. À la lumière des éléments du dossier, la cour d’assises releva qu’une dispute avait éclaté entre l’accusé et le requérant – selon l’accusé, en raison des avances du requérant, et, selon le requérant, en raison de l’usage par B.B. d’un médicament stupéfiant – qui s’était transformée en altercation. Elle constata que, au cours de cette rixe, l’accusé avait blessé le requérant avec un couteau de cuisine avant de prendre la fuite quasi nu, en laissant sur place ses vêtements, son portefeuille, ses clés de voiture et ses deux téléphones portables. Selon la cour d’assises, le fait pour une personne de prendre la fuite quasi nue, en abandonnant derrière elle ses effets personnels, allait à l’encontre du cours normal de la vie (hayatın olağan akışına aykırı). Aussi, en l’absence de preuves probantes et convaincantes suffisantes pour étayer une condamnation, elle considéra qu’il y avait lieu d’acquitter l’accusé de ce chef. Le 20 février 2007, le requérant forma un pourvoi en cassation, contestant d’une part la qualification de coups et blessures retenue par les juges de fond et demandant une requalification en tentative d’homicide, et contestant d’autre part l’acquittement de l’accusé pour vol qualifié. Ce dernier forma également un pourvoi en cassation, dirigé contre sa condamnation pour coups et blessures aggravés. Le 22 octobre 2009, l’avocat du requérant adressa une requête à la Cour de cassation, sollicitant l’accélération de l’examen du pourvoi. Il faisait observer que l’infraction de coups et blessures volontaires risquait d’être touchée par la prescription, et soulignait les retards qu’avait connus le procès. Il faisait part de sa crainte que l’agression de son client reste impunie. Il exposait que celui-ci, blessé à plusieurs endroits, avait gardé des cicatrices visibles permanentes, et que l’accusé n’avait même pas été placé une journée en détention pour cette infraction. Il évoquait la possibilité que l’enquête n’ait pas été effectuée avec sérieux en raison de l’orientation sexuelle de son client, que les policiers auraient remarquée à l’hôpital. Le 1er avril 2013, la Cour de cassation, observant que plus de sept ans et six mois s’étaient écoulés depuis la commission de l’infraction de coups et blessures volontaires, estima que cette infraction était touchée par la prescription. Elle cassa donc la condamnation de B.B. de ce chef et conclut à l’extinction de l’action pénale. Toutefois, elle cassa également la décision d’acquittement de B.B. du chef de vol qualifié aggravé ; à la lumière des éléments du dossier, elle considéra que la commission de cette dernière infraction était établie. Sur renvoi, le 12 juin 2014, la cour d’assises d’Istanbul reconnut B.B. coupable de vol qualifié avec circonstances aggravantes. Les circonstances aggravantes retenues furent la commission de l’infraction avec une arme, la commission de l’infraction au domicile de la victime, et la commission de l’infraction pendant la nuit. B.B. fut condamné à six ans et huit mois d’emprisonnement, en vertu de l’article 149 § 1 a), d) et h) du nouveau code pénal, plus favorable à l’accusé. Il ressort de la consultation du dossier sur le site Internet de la Cour de cassation () que l’arrêt de première instance a été confirmé par cette juridiction le 16 octobre 2017.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1962 et réside à Ankara. Depuis le 1er mai 1990, le requérant était salarié de la direction du sporttoto (Spor Toto Genel Müdürlüğü) (« la direction »), régissant les paris et autres loteries et subordonnée à la Direction nationale de la jeunesse et des sports. Le 6 juillet 1992, le requérant fut affecté à un poste de directeur d’unité à la direction. À la suite d’une décision adoptée le 30 décembre 1999 par le conseil exécutif de la direction, le requérant fut affecté à un nouveau poste au sein de la direction à compter du 15 janvier 2000. Selon le Gouvernement, le terme « fonctionnaire » (memur) employé lors de la procédure de nomination signifiait simplement que le nouveau poste auquel le requérant avait été nommé n’était pas pourvu d’un intitulé. Son nouveau salaire étant inférieur à celui qu’il percevait avant sa mutation, l’intéressé intenta une action civile devant le tribunal du travail d’Ankara (« le tribunal du travail ») le 3 août 2000. Exposant qu’il avait été affecté à un autre poste contre son gré, il réclamait réparation de toute perte de salaire consécutive à sa mutation forcée, au regard notamment de l’augmentation à laquelle il estimait pouvoir initialement prétendre sur le fondement des dispositions pertinentes de la convention collective applicable, ainsi que de la perte de primes. Il demanda ainsi une somme totale de 400 000 000 de livres turques (TRL) (soit environ 680 euros (EUR) à l’époque des faits) sous réserve de toute réclamation complémentaire qui pourrait être formulée au même titre. Le 1er novembre 2000, le contrat de travail du requérant fut résilié par la direction. Le 22 janvier 2001, un rapport d’expertise fut présenté devant le tribunal du travail. Il y était indiqué notamment que, en vertu de la l’article 60 de l’ancien code du travail (« la loi no 1475 »), la demande du requérant visant au paiement de la différence entre la rémunération qu’il percevait avant sa mutation et celle qu’il avait perçue après sa mutation, était fondée, au motif que le niveau de son salaire antérieur constituait un droit acquis. En revanche, selon le rapport, la demande du requérant relative aux augmentations de salaire prévues par la convention collective n’était pas fondée, au motif que ces augmentations avaient été appliquées à la rémunération qu’il percevait dans son nouveau poste. Le rapport concluait que l’intéressé aurait dû conserver le niveau de son salaire antérieur jusqu’à ce que le montant du salaire prévu pour son nouveau poste eût atteint celui de son salaire antérieur. Le 15 février 2001, le requérant demanda une contre-expertise. Il sollicita notamment l’application des augmentations prévues par la convention collective au montant de sa rémunération antérieure, alléguant en particulier qu’il aurait dû se voir accorder une augmentation de salaire de 42,20 % à partir du 1er mars 2000. Le 19 février 2001, le tribunal du travail chargea l’expert qui avait dressé le premier rapport de préparer un rapport d’expertise complémentaire en prenant en considération les contre-arguments des parties à la procédure. Le 19 mars 2001, cet expert présenta son rapport d’expertise complémentaire devant le tribunal du travail. Le rapport indiquait en premier lieu que le requérant ne pouvait valablement invoquer la convention collective pour solliciter une augmentation qui serait calculée sur la base de son salaire antérieur au motif qu’il n’occupait plus le poste de directeur d’unité durant la période concernée. Pour le cas où le tribunal estimerait que les augmentations de rémunération prévues par les clauses pertinentes de la convention collective devaient s’appliquer au montant de la rémunération antérieure du requérant, le rapport fournissait une simulation du montant. Le 29 mars 2001, le requérant contesta le rapport d’expertise complémentaire, répétant notamment que, comme le prévoiraient les dispositions pertinentes de la convention collective, un salaire ne pouvait être revu à la baisse. Le 2 avril 2001, le tribunal du travail donna partiellement gain de cause au requérant. Il estima ainsi : – que, sur la base du premier rapport d’expertise, l’intéressé aurait dû conserver le niveau de son salaire antérieur à sa mutation jusqu’à ce que le montant du salaire prévu pour son nouveau poste eût atteint celui de son salaire antérieur ; – que, en revanche, aucune autre créance ne pouvait naître sur le fondement des dispositions applicables à un poste que l’intéressé n’occupait plus activement. Le 9 avril 2001, le requérant se pourvut en cassation. Le 25 juin 2001, la Cour de cassation, considérant que l’intéressé avait le statut de fonctionnaire, annula le jugement attaqué au motif que les tribunaux administratifs étaient seuls compétents pour connaître du litige. Le 7 novembre 2001, le tribunal du travail se déclara ainsi incompétent pour examiner l’affaire. Le 5 décembre 2001, le requérant se pourvut en cassation. Le 24 décembre 2001, la Cour de cassation déclara le pourvoi du requérant irrecevable pour tardiveté. Le 14 février 2002, le requérant introduisit un recours devant le tribunal administratif d’Ankara (« le tribunal administratif »). Le 11 avril 2003, le tribunal administratif se déclara également incompétent et transmit le dossier au tribunal des conflits de compétence (Uyuşmazlık Mahkemesi). Le 29 décembre 2003, le tribunal des conflits de compétence désigna le tribunal du travail comme étant la juridiction compétente. Aussi la procédure se déroula-t-elle devant ce dernier. Le 5 avril 2004, le tribunal du travail donna partiellement gain de cause au requérant. Il estima que, en vertu de l’article 34 de la convention collective pertinente, si la rémunération prévue pour le poste auquel un employé avait été affecté était inférieure à sa rémunération antérieure, l’employé ne pouvait pas voir son salaire revu à la baisse. Il considéra ainsi que, en vertu de la loi et de l’article susmentionné de la convention collective, l’employeur du requérant aurait dû lui payer la différence entre ces deux rémunérations jusqu’à ce que le montant du salaire prévu pour son nouveau poste eût atteint celui de son salaire antérieur. Il estima cependant que l’intéressé ne pouvait prétendre à une augmentation de salaire correspondant à un poste qui n’était plus le sien durant la période concernée. Il nota enfin, en se basant sur le rapport d’expertise du 22 janvier 2001, que les augmentations prévues par la convention collective avaient été appliquées à la rémunération que le requérant percevait dans son nouveau poste. Le 25 mai 2004, le requérant se pourvut en cassation. Dans son pourvoi, il soumit un arrêt rendu par l’assemblée des chambres civiles de la Cour de cassation (« l’assemblée des chambres civiles ») en date du 19 juin 2002, qui concernait, à ses yeux, des faits similaires à ceux de son affaire. Le 3 mars 2005, la 9e chambre de la Cour de cassation confirma le jugement du tribunal du travail dans les termes suivants : « [décide de] rejeter toutes les objections (...) du pourvoi et [de] confirmer le jugement, qui est conforme à la loi et à la procédure, eu égard aux écrits figurant au dossier, aux preuves sur lesquelles s’appuie le jugement, aux raisonnements nécessaires et conformes à la loi ; et eu égard notamment à l’absence d’erreur dans l’appréciation des preuves. » Dans son arrêt, la haute juridiction ne se référa pas à l’arrêt du 19 juin 2002. Le 8 avril 2005, cet arrêt fut notifié au requérant. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS D’après l’article 60 de la loi no 1475 et l’article 62 du nouveau code du travail (« la loi no 4857 »), entré en vigueur le 10 juin 2003, un employeur ne peut pas, de quelque manière que ce soit, baisser le salaire d’un employé. Dans le cadre de la Direction générale de la jeunesse et des sports, une convention collective est entrée en vigueur le 1er mars 1999. L’article 30 de cette convention prévoyait différentes formes d’augmentation de salaire. D’après l’article 34 de la même convention, si le montant de la rémunération prévue pour le nouveau poste auquel un employé avait été affecté au sein de la direction du sport-toto était inférieur à celui de la rémunération antérieure, l’employé en question ne pouvait pas voir son salaire revu à la baisse. Dans un arrêt du 19 juin 2002 (E. 2002/9-454 – K. 2002/525), l’assemblée des chambres civiles de la Cour de cassation a statué dans une affaire relative au licenciement d’un salarié de la direction du sport-toto qui avait été muté à un autre poste au sein de cette dernière. La question principale qui se posait à la haute juridiction était celle de savoir si les augmentations de rémunération prévues par la convention collective en vigueur à l’époque des faits devaient s’appliquer à l’ancienne ou à la nouvelle rémunération de l’intéressé. L’arrêt a conclu que, à la lumière de la jurisprudence bien établie de la haute juridiction, la rémunération ne pouvait être revue à la baisse et, notamment, que la non-application des augmentations en question au montant de la rémunération antérieure de l’intéressé n’était pas compatible avec le principe d’égalité ni avec la règle de l’interdiction des baisses de salaire.
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La requérante est née en 1960 ; elle réside à Istanbul. Le 3 février 1997, la mère de la requérante, Hatice Acar, fut admise dans le service de cardiologie de l’hôpital Siyami Ersek à Istanbul. Les médecins décidèrent de pratiquer une angioplastie coronaire transluminale percutanée à une date ultérieure. Le 17 février 1997, l’angioplastie coronaire fut réalisée. Le 19 février 1997, Hatice Acar quitta l’hôpital. Le 21 février 1997, elle fut de nouveau admise à l’hôpital en raison d’un saignement à l’endroit où le cathéter avait été introduit. Le 25 février 1997, son état de santé s’aggrava. Le 26 février 1997, ses proches décidèrent de l’hospitaliser à l’hôpital Kadıköy Vatan. Des examens bactériologiques révélèrent la présence de pseudomonas aeruginosa résistante aux antibiotiques. Le 22 mars 1997, Hatice Acar fut victime d’une embolie cérébrale. Le 4 avril 1997, à la demande de sa famille, elle fut transférée à l’hôpital universitaire de Marmara. Les médecins relevèrent que la pathologie infectieuse que la patiente présentait avait été causée par plusieurs bactéries résistantes aux antibiotiques. Le 14 avril 1997, malgré les soins qui lui avaient été prodigués, Hatice Acar décéda d’une septicémie. A. L’instruction pénale Le 15 avril 1997, les proches de la défunte déposèrent auprès du parquet une plainte contre des médecins du service de cardiologie de l’hôpital Siyami Ersek pour homicide involontaire et négligence dans l’exercice de leurs fonctions. Le 16 avril 1997, le parquet d’Üsküdar transmit cette plainte à la sous-préfecture d’Üsküdar en vertu de la loi no 4483 sur la poursuite des fonctionnaires et autres agents publics. Selon l’article 3 de cette loi, le sous-préfet était compétent pour décider de l’opportunité d’ouvrir une instruction pénale contre les fonctionnaires de son ressort. Le 20 mai 1997, en réponse à la demande de la préfecture d’Istanbul, le ministère de la Santé chargea son inspecteur en chef A.Ö. de mener une enquête préliminaire. L’inspecteur entendit notamment les médecins mis en cause et prit connaissance du dossier médical de la défunte. Le 17 novembre 1998, l’inspecteur soumit son rapport définitif au ministère. Il y concluait que la patiente et sa famille n’avaient pas été suffisamment informées du traitement prodigué, que les soins postopératoires et le suivi médical de la patiente n’avaient pas été satisfaisants et que cela constituait une faute disciplinaire, mais qu’aucune mesure de nature pénale ne s’imposait à l’endroit des médecins. Le 8 décembre 1998, le sous-préfet refusa, en vertu de l’article 6 de la loi no 4483, l’ouverture de poursuites pénales. Le 31 mai 2000, le tribunal administratif régional d’Istanbul confirma cette décision au motif qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments à charge pour mettre en examen les médecins en cause. B. La procédure menée devant les juridictions administratives Entretemps, le 22 septembre 1998, la requérante avait introduit devant le tribunal administratif d’Istanbul une action en dommages et intérêts contre le ministère de la Santé. Dans le cadre de cette action, elle alléguait notamment : i. que sa mère était décédée à la suite d’une infection nosocomiale qu’elle aurait contractée à l’hôpital Siyami Ersek en raison du manque d’hygiène ; ii. que l’intervention avait été précipitée et qu’elle n’était pas indiquée pour sa mère en raison de son diabète ; iii. que le médicament prescrit après l’intervention était inapproprié. Le 22 février 2001, le tribunal administratif d’Istanbul rejeta ce recours pour cause de prescription. La requérante se pourvut en cassation contre ce jugement par l’intermédiaire de son avocat. Le 23 mai 2002, le Conseil d’État cassa le jugement attaqué. Le 25 décembre 2003, la 4e chambre du tribunal administratif d’Istanbul renvoya le dossier au tribunal administratif régional d’Istanbul afin que celui-ci déterminât le tribunal compétent pour juger l’affaire. Le 2 avril 2004, le tribunal administratif régional d’Istanbul considéra que la 2e chambre du tribunal administratif d’Istanbul était la juridiction compétente. Ce tribunal ordonna plusieurs expertises médicales. Les passages pertinents en l’espèce de ces expertises se lisent ainsi : Le conseil d’experts no 5 de l’institut médicolégal d’Istanbul : Rapport du 28 janvier 2008 « Les médicaments avaient été prescrits pour prévenir les complications postopératoires. Leur usage et dosage étaient adéquats. Il n’y avait pas de contre-indication à une angioplastie coronaire. La baisse des plaquettes sanguines était certainement liée à une infection. Cette infection était également à l’origine de la coagulation intravasculaire disséminée. » Le conseil d’experts no 1 de l’institut médicolégal d’Istanbul : Rapport du 11 juin 2008 « Le dossier médical de la défunte permet de comprendre qu’elle était diabétique et qu’elle est décédée d’une septicémie. Les éléments du dossier n’ont pas permis de déterminer le facteur déclencheur du sepsis. La coagulation intravasculaire disséminée avait été causée par le sepsis. » Le conseil d’experts no 3 de l’institut médicolégal d’Istanbul : Rapport du 14 janvier 2009 « Une angioplastie coronaire était médicalement indiquée dans le cas de Hatice Acar. Les thrombocytes étaient dans des valeurs qui pouvaient permettre de pratiquer une angioplastie coronaire. Il n’y avait pas de contre-indication à cette opération. Les interventions médicales nécessaires ont été effectuées lorsqu’il y a eu un saignement au niveau de la zone où le cathéter avait été introduit et un suivi médical a été mis en place. Les interventions médicales réalisées à l’hôpital Siyami Ersek étaient conformes aux règles médicales. » Le 15 octobre 2009, se fondant sur les rapports d’expertise médicale, le tribunal administratif d’Istanbul débouta la requérante. Il estima que l’administration défenderesse n’avait commis aucune faute de service. Le 4 janvier 2010, la requérante se pourvut en cassation contre ce jugement. Elle soutint que le sepsis de sa mère avait été causé par une infection nosocomiale et que l’hôpital était responsable de cette situation. Elle déplora également la durée de la procédure et soutint que les rapports d’expertise étaient contradictoires et qu’ils ne pouvaient servir de fondement à la décision du tribunal administratif. Le rapporteur près le Conseil d’État considéra dans son avis que les motifs invoqués par la requérante ne correspondaient à aucun motif légal de cassation et que le pourvoi devait être rejeté. Le procureur près le Conseil d’État estima quant à lui dans son avis que le jugement attaqué devait être cassé. Il indiqua que le rapport d’expertise médicale établi le 14 janvier 2009 par le conseil d’experts no 3 de l’institut médicolégal d’Istanbul concluait que les interventions médicales réalisées à l’hôpital Siyami Ersek étaient conformes aux règles médicales. Il souligna néanmoins qu’il ressortait notamment de l’analyse des trois expertises médicales que la patiente avait été opérée sans que son état de santé fût pris en considération, et que c’est après l’administration à la patiente des médicaments prescrits que le saignement avait commencé et qu’une infection nosocomiale résistante aux antibiotiques s’était développée. Il ajouta que le rapport d’expertise médicale du 28 janvier 2008 du conseil d’experts no 5 de l’institut médicolégal d’Istanbul concluait que cet état infectieux avait causé une coagulation intravasculaire disséminée. Selon le procureur près le Conseil d’État, cette situation démontrait que l’administration hospitalière avait commis une faute lourde concernant les soins postopératoires et les conditions d’hygiène à l’hôpital. Par un arrêt du 28 décembre 2010, le Conseil d’État confirma en toutes ses dispositions le jugement attaqué au motif qu’il était conforme tant aux règles procédurales qu’aux dispositions légales. Le 19 avril 2011, la requérante forma un recours en rectification de l’arrêt. Elle déplora la durée de la procédure et se plaignit d’avoir été déboutée en dépit des rapports médicaux qui concluaient que le décès de sa mère avait été causé par une septicémie liée à une infection nosocomiale. Le 21 décembre 2011, le Conseil d’État rejeta ce recours. Son arrêt fut notifié à la requérante le 27 janvier 2012.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1953 et réside à Istanbul. A. L’enchaînement des événements ayant abouti au décès du fils du requérant Le 22 juin 1999, un poteau de but non fixé au sol chuta sur le fils du requérant dans l’enceinte de son école primaire. L’enfant fut alors conduit dans un dispensaire où un médecin, M.T., lui fit prendre un antidouleur et le renvoya chez lui après l’avoir gardé en observation pendant quelques heures. Le requérant n’aurait pas été informé de l’accident. Vers 22 heures, constatant que son fils était mal en point, le requérant l’emmena à l’hôpital public Atatürk de Sinop où le médecin Y.A. effectua un certain nombre d’examens à l’issue desquels elle estima que l’état général du patient était bon. Elle décida néanmoins de demander une consultation de chirurgie générale. Elle fit part de la situation au médecin spécialiste de garde, K.C., qui lui demanda d’appeler S.Y., le chirurgien de garde. Y.A. contacta ledit chirurgien par téléphone en lui demandant de se rendre à l’hôpital pour examiner le fils du requérant. S.Y. lui aurait répondu qu’il n’était pas nécessaire qu’il se déplace et qu’il convenait de renouveler les examens et de garder le patient en observation jusqu’au lendemain. Le 23 juin 1999 à 8 heures, Y.A. appela à nouveau S.Y. et lui demanda de venir à l’hôpital. Ce dernier arriva à 8 h 30 et procéda à l’examen du patient. Il diagnostiqua une perforation des organes internes et décida de l’opérer. D’après les médecins, le requérant avait déclaré qu’il était affilié à l’Organisme de sécurité sociale (SKK) et qu’il était préférable d’opérer son fils dans un établissement relevant du système de couverture de cet organisme pour éviter les problèmes liés au paiement des frais d’hospitalisation. S.Y. aurait alors décidé de rediriger le patient vers l’hôpital SSK de Sinop. À 9 h 30, le fils du requérant fut admis aux services des urgences de cet établissement où il fut examiné par un chirurgien qui décida de le transférer d’urgence en ambulance et en compagnie d’une infirmière vers l’hôpital SSK de Samsun. Après avoir été examiné dans ce troisième établissement, le patient fut transféré à l’hôpital universitaire Ondokuz Mayıs de Samsun où il fut opéré en urgence à 16 heures. Il décéda le lendemain. B. Les procédures engagées par le requérant La procédure pénale Le 30 juin 1999, le requérant déposa une plainte auprès du parquet de Sinop à l’encontre du médecin du dispensaire, des médecins de l’hôpital public Atatürk de Sinop et du médecin de l’hôpital SSK de Sinop pour homicide involontaire. Après une enquête interne, les administrations compétentes autorisèrent le déclenchement de poursuites pénales à l’encontre de leurs agents dont la responsabilité pouvait être engagée. Ces décisions d’autorisation de poursuites pénales firent l’objet de recours devant les juridictions administratives, dont le Conseil d’État. Lesdits recours furent néanmoins rejetés. En conséquence, les intéressés furent mis en accusation devant le tribunal correctionnel de Sinop. Le 24 décembre 2002, le tribunal correctionnel de Sinop demanda une expertise au Conseil supérieur de la santé. Celui-ci rendit son rapport le 16 janvier 2004. Les seize experts consultés, dont dix professeurs d’université, estimèrent que : – la responsabilité de M.T., le médecin du dispensaire, était engagée à hauteur de 1/8 dès lors qu’il s’était montré négligent dans l’examen du patient et n’avait pas demandé de consultation de chirurgie générale ; – la responsabilité de S.Y., le chirurgien de garde de l’hôpital Atatürk, était engagée à hauteur de 8/8 ; – la responsabilité de K.C., le médecin spécialiste de garde de l’hôpital Atatürk, qui n’avait pas personnellement vu le patient et avait demandé à ce que la situation fût gérée par téléphone, était engagée à hauteur de 2/8 ; – la responsabilité du chirurgien de l’hôpital SSK de Sinop qui avait décidé de transférer le patient vers l’hôpital SSK de Samsun était engagée à hauteur de 8/8. Le 1er mars 2007, le tribunal correctionnel de Sinop décida de rayer l’affaire du rôle au motif que l’action publique était prescrite. La procédure civile Le 9 mars 2000, le requérant et son épouse introduisirent une action en réparation devant le tribunal de grande instance de Sinop (« le TGI ») à l’encontre du ministère de la Santé, du ministère de l’Éducation nationale, de la directrice et du professeur d’éducation sportive de l’école primaire de leur fils, du médecin du dispensaire, du médecin de l’hôpital public Atatürk de Sinop et du médecin de l’hôpital SSK de Sinop. Ils réclamaient une indemnité de 4 000 000 000 livres turques (TRL) pour préjudice moral ainsi que 500 000 000 TRL (250 000 000 TRL chacun) pour préjudice matériel, le tout assorti d’intérêts moratoires à compter de la date du décès de leur enfant. Ils demandaient par ailleurs une somme de 500 000 000 TRL destinée à rembourser les frais d’hospitalisation, de transport et d’inhumation. L’administration défenderesse soutint que le contentieux relevait de la compétence des juridictions administratives. Le TGI décida d’attendre l’issue de la procédure pénale pour statuer sur l’action engagée par le requérant et son épouse. Le 22 juin 2004, l’avocat du requérant introduisit une demande de réévaluation du montant de l’indemnité matérielle (« ıslah talebi »). Il réclamait une somme de 15 250 000 000 TRL assortie d’intérêts moratoires. Le 11 juin 2008, l’institut de médecine légale rendit un rapport d’expertise sur réquisition du TGI. Les experts ayant établi ce rapport estimaient que le médecin du dispensaire, M.T., s’était montré négligent en décidant de garder le patient en observation plutôt que de l’envoyer à l’hôpital. Ils considéraient que le chirurgien de l’hôpital Atatürk de Sinop, S.Y., avait commis une faute en prenant la décision de transférer le patient, qui se trouvait alors en état d’urgence, vers un autre hôpital au lieu de l’opérer. Ils indiquaient par ailleurs qu’ils avaient demandé au tribunal correctionnel de Sinop les éléments nécessaires à l’examen de la responsabilité du chirurgien de l’hôpital SSK de Samsun mais qu’ils ne les avaient pas obtenus. Le 22 mai 2009, un rapport d’expertise estima que le préjudice matériel causé au requérant s’élevait à 15 821 livres turques (TRY) et que l’épouse du requérant, décédée le 2 août 2003, n’avait souffert d’aucun préjudice. Le 1er juin 2010, un second rapport d’expertise évalua le préjudice causé au requérant à 15 250 TRY et indiqua qu’aucune indemnisation ne pouvait être accordée à son épouse décédée. Le 28 septembre 2010, le TGI se déclara compétent et il décida d’accorder une compensation morale de 2 000 TRY au requérant et à son épouse ainsi qu’une compensation matérielle de 15 250 TRY, assorties d’intérêts moratoires calculés depuis la date du décès de leur fils. Le 2 juillet 2012, la Cour de cassation cassa ce jugement au motif que le contentieux relevait de la compétence des juridictions administratives. Le 24 décembre 2012, elle rejeta la demande en rectification d’arrêt soumise par le requérant. Le 8 mars 2013, le TGI décida de se conformer à l’arrêt de la Cour de cassation et rejeta l’action du requérant. Le 5 juin 2013, la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé par le requérant. Les procédures disciplinaires Le 20 février 2000, à l’issue d’une enquête interne, le directeur départemental adjoint de l’éducation nationale infligea un avertissement à S.Y.A., la directrice de l’école primaire, au motif que celle-ci n’avait pas pris les mesures nécessaires à la fixation du poteau de but qui était tombé sur le fils du requérant. Le 22 février 2000, le directeur départemental adjoint de l’éducation nationale sanctionna également R.K., le professeur d’éducation physique de l’établissement. Le 7 mars 2000, le directeur départemental décida de lever la sanction disciplinaire qu’il avait infligée à S.Y.A. Le 11 janvier 2001, à l’issue d’une enquête interne au sein du ministère de la Santé, la direction départementale de ce dernier infligea un blâme à K.C., le médecin spécialiste de garde de l’hôpital Atatürk, au motif que celui-ci n’avait pas examiné personnellement le fils du requérant et qu’il n’avait pas non plus contacté lui-même le chirurgien de garde. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS L’article 53 du code des obligations (CO) en vigueur à l’époque des faits se lisait ainsi : Des relations entre le droit pénal et le droit civil Le jugement pénal ne lie pas le juge civil en ce qui concerne l’appréciation de la faute et la fixation du dommage. L’interprétation de ce texte faite par les juridictions turques se trouve résumée notamment dans un arrêt de l’Assemblée des chambres civiles de la Cour de cassation du 9 avril 2014 (E. 2013/4-1008 K. 2014/490). Les passages pertinents en l’espèce de cet arrêt se lisent comme suit : Compte tenu de cette disposition explicite [l’article 53 CO], il ne fait aucun doute que le juge civil n’est pas lié par un acquittement prononcé par le juge pénal, ni par les principes régissant la faute et l’appréciation de son degré, le montant du dommage, la capacité pénale de l’auteur et l’imputabilité de la faute. Toutefois, il convient de préciser d’emblée que, en vertu de la jurisprudence bien établie de la Cour de cassation et de la doctrine, le juge civil est entièrement lié par les faits matériels constatés par le juge pénal et particulièrement par la question de « l’illicéité de l’acte ». En d’autres termes, le jugement pénal constatant les faits matériels et l’existence d’un comportement incriminé constitue une preuve définitive au regard des parties (Cour de cassation, Assemblée des chambres civiles, 10.1.975, 1971/406 E., 1975/1 K. ; Cour de cassation, Assemblée des chambres civiles, 23.1.1985, 1983/10372 E., 1985/21 K. ; Cour de cassation, Assemblée des chambres civiles, 27.4.2011, 2011/17-50 E., 2011/231 K.). Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation et à ce qui est généralement admis par la doctrine, les constatations factuelles des jugements des juridictions répressives lient le juge civil. Lorsque l’existence ou l’absence d’un fait matériel a fait l’objet d’un jugement pénal passé en force de chose jugée, cette question ne peut plus être discutée devant un tribunal civil (Cour de cassation, Assemblée des chambres civiles, 11.10.1989, 1989/11-373 E., 472 K. ; Cour de cassation, Assemblée des chambres civiles, 27.4.2011, 2011/17-50 E., 2011/231 K.).
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1951 et réside à Athènes. Le requérant exerce la profession d’avocat depuis 1976. Le 19 juillet 2010, il loua de nouveaux locaux pour son cabinet au troisième étage de l’immeuble situé dans le quartier de Kallithea. Le contrat de location, qui précisait en sa deuxième page que le local sera utilisé comme cabinet d’avocat, fut déposé au Trésor public le 20 juillet 2010. Une plaque portant l’indication « cabinet d’avocat de Petros Leotsakos » était fixée sur la porte du cabinet. Dans sa déclaration annuelle pour 2011 au barreau du Pirée, faite le 1er mars 2011, le requérant indiquait cette adresse. Le 14 juillet 2010, la Direction de la sécurité de l’Attique (sousdirection de la lutte contre le crime organisé) soumit au procureur près le tribunal correctionnel d’Athènes des éléments relatifs à l’activité d’une organisation criminelle composée de plusieurs personnes de nationalité grecque et étrangère. Le procureur informa à son tour le procureur près la Cour de cassation, qui engagea une enquête préliminaire. Dans le cadre de cette enquête menée par le procureur près la Cour de cassation lui-même, ce dernier demanda au procureur adjoint près la cour d’appel d’Athènes, I.D., d’enquêter sur la commission par l’organisation criminelle en question d’infractions d’une gravité particulière, telles que blanchiment d’argent, corruption de magistrats, constitution d’une organisation criminelle et plusieurs autres infractions. Le 23 septembre 2010, le procureur I.D. envoya à la Direction de la sécurité de l’Attique l’ordre de perquisition suivant : « Sur le fondement de la décision no 2940/29-7-2010 du procureur près la Cour de cassation, nous effectuons une enquête pour vérifier si des infractions criminelles ont été commises, notamment celle de constitution d’une organisation criminelle (article 187 du code pénal) par S.G. et I.G. ainsi que par d’autres personnes liées à eux et agissant de pair avec eux. Au vu des éléments rassemblés jusqu’à présent et afin de ne pas risquer de perdre des éléments de preuve déterminants, nous ordonnons des perquisitions, en application des articles 253-259 du code de procédure pénale, aux domiciles et aux bureaux sis dans les rues suivantes : (...) [l’adresse exacte de l’immeuble] (...) En outre, si vous l’estimez nécessaire, effectuez des fouilles corporelles des personnes qui se trouveront dans ces domiciles et bureaux. Dans tous les cas, saisissez tout objet ou document qui s’y trouve et qui, à votre avis, a un lien avec l’affaire sous examen, et rédigez les rapports y relatifs que vous nous soumettrez par la suite dans les meilleurs délais (...) » Le 24 septembre 2010, sans que le requérant en eût été informé, une perquisition fut menée dans son cabinet. Elle dura douze jours (soit jusqu’au 4 octobre 2010). Elle fut menée par un officier de police accompagné d’un procureur adjoint. Une voisine n’ayant pas de connaissances juridiques y assista comme témoin. Les autorités confisquèrent des ordinateurs et des centaines des documents – dont des dossiers des clients relatifs à des procédures judiciaires et des documents de nature fiscale –, qui furent énumérés dans douze rapports de saisie d’un total de 372 pages. Une autre perquisition eut lieu aussi au domicile privé du requérant, en présence de l’épouse de celui-ci. Le procureur I.D. poursuivit l’enquête jusqu’au mois de mars 2012. En mai 2012, il engagea des poursuites contre certaines personnes, dont le requérant. Le 5 juin 2012, le requérant saisit la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Athènes, demandant que la perquisition et la saisie fussent déclarées illégales et que les objets et documents saisis lui fussent restitués. Il se plaignait que la procédure prévue par l’article 262 § 3 du code de procédure pénale qui visait à protéger le secret professionnel n’avait pas été respectée car la fouille avait eu lieu en son absence. En outre, il n’avait pas été convoqué pour y assister et n’avait pas pu se prévaloir du principe de la protection du secret professionnel. Le procureur I.D. fut désigné comme procureur chargé du dossier. Dans sa proposition à la chambre d’accusation, il préconisa le rejet du recours du requérant. Le procureur souligna que la perquisition litigieuse n’avait pas eu lieu dans un cabinet d’avocat, comme le soutenait de façon trompeuse le requérant, et que, par conséquent, les dispositions du code de procédure pénale relatives à la protection du secret professionnel n’étaient pas applicables. Il relevait que le requérant avait déclaré son cabinet au barreau du Pirée le 1er mars 2011, soit postérieurement à la fouille. Il notait qu’il ressortait des documents saisis que le requérant déclarait aussi d’autres adresses comme siège de son cabinet, alors qu’un avocat était obligé, de par la loi, de fixer son cabinet dans le lieu du barreau dont il est membre. Le procureur souligna aussi que la perquisition avait eu lieu légalement au cours de l’enquête préliminaire et non au cours de l’instruction préparatoire ou de l’instruction principale. Lors des perquisitions effectuées aux domiciles et aux locaux professionnels de tous les accusés, un grand nombre d’éléments de preuve fut découvert et confisqué. D’après le procureur, ces éléments constituaient des indices suffisants de nature à établir l’existence d’une organisation criminelle et la commission d’un grand nombre d’infractions de nature criminelle pour lesquelles des poursuites avaient été engagées. Un tel résultat aurait été impossible sans la collecte de tous ces éléments qui étaient déterminants et devaient faire partie du dossier car ils étaient très utiles pour l’examen de l’affaire par le procureur instructeur. Le procureur affirma qu’aucun autre acte d’instruction n’avait eu lieu, à part la perquisition et la saisie des documents effectués dans les locaux du requérant. Compte tenu de l’urgence, l’adoption d’une décision de la chambre d’accusation de la cour d’appel antérieurement ou postérieurement à la perquisition n’était pas nécessaire. Pour le procureur, l’absence du requérant lors de la perquisition n’affectait pas la légalité de celle-ci car la présence d’un procureur et d’un voisin du requérant comme témoin avait été assurée. Le 2 novembre 2012, la chambre d’accusation rejeta le recours comme mal fondé (décision no 2564/2012). Dans sa décision, elle déclara entériner en entier la proposition d’I.D. en invoquant la nécessité d’éviter des répétitions inutiles. Le 6 novembre 2012, le requérant demanda au procureur près la Cour de cassation de se pourvoir dans l’intérêt de la loi contre la décision précitée. Le 7 novembre 2012, le procureur rejeta la demande du requérant. Il écrivit sur le texte même du pourvoi qu’il n’y avait pas lieu de se pourvoir car la décision de la chambre d’accusation était suffisamment motivée et répondait correctement aux questions de fait et de droit soulevés par le requérant. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS Le droit et la pratique internes pertinents en l’espèce figurent dans l’arrêt Modestou c. Grèce (no 51693/13, §§ 16-24, 16 mars 2017). En outre, l’article 49 § 3 du décret no 3026/1954 portant code des avocats, tel qu’il était en vigueur à l’époque des faits, disposait : « La perquisition au domicile ou au cabinet d’un avocat, en application des articles 253 et suivants du code de procédure pénale, ainsi que les fouilles corporelles et la saisie des documents en sa possession, en application des articles 261 et suivant du même code, sont interdites, lorsque l’avocat est le fondé de pouvoir ou le représentant de l’accusé. » L’article 39 § 1 de la loi no 4194/2013, amendant le code des avocats, prévoit : Interdiction de perquisition et de saisie « Il est interdit de procéder à une perquisition pour rechercher de documents ou d’autres éléments de preuve ou de supports électroniques de stockage de ceux-ci, pour la période pendant laquelle ceux-ci se trouvent à la possession de l’avocat et relatifs à une affaire dont il a la charge. »
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1974 et réside à Wadowice. Il fut accusé de divulgation irrégulière d’informations obtenues à l’occasion de l’exercice de son activité professionnelle. Il ne se présenta pas à l’audience du 12 mars 2013 bien qu’il ait été informé de la date de celle-ci. Sa présence n’étant pas obligatoire, le tribunal poursuivit la procédure. Le 12 mars 2013, le tribunal de district de Wadowice (« le tribunal de district ») prononça la clôture de l’audience et ajourna le prononcé du jugement au 19 mars 2013 à 10 h 45. En raison de son absence de son domicile à ce moment-là, le requérant demanda à une tierce personne de déposer au tribunal de district sa demande, datée du 18 mars 2013, d’établissement et de notification des motifs du jugement du 12 mars 2013. La demande en question fut déposée au tribunal le 19 mars 2013 à 9 h 40. Par un jugement prononcé le 19 mars 2013 à 10 h 45, le tribunal de district déclara le requérant coupable des faits qui lui étaient reprochés et le condamna à une amende et au remboursement des frais de procédure. Le 25 mars 2013, en se référant à l’article 422 § 1 du code de procédure pénale (CPP), le tribunal de district refusa d’examiner la demande formulée par le requérant d’établissement des motifs du jugement dès lors que celle-ci avait été déposée avant le prononcé dudit jugement. Il indiqua qu’une telle demande était une déclaration de volonté portant sur un jugement rendu et que le fait pour le requérant de l’avoir déposée avant le prononcé du jugement en cause la rendait inefficace puisque l’intéressé n’était même pas sûr que le jugement fût rendu. Le 8 avril 2013, le requérant informa le tribunal de district que sa demande déposée le 19 mars 2013 concernait le jugement prononcé à cette dernière date. La décision du tribunal de district du 25 mars 2013 fut notifiée au requérant le 15 avril 2013. Le 22 avril 2013, le requérant forma un recours contre cette décision. Il alléguait que, en vertu de l’article 422 § 1 du CPP, il avait le droit de déposer une demande de notification du jugement avec ses motifs dans un délai de sept jours à compter de la date du prononcé du jugement rendu à son encontre. Le 28 novembre 2013, le tribunal régional de Cracovie (« le tribunal régional ») rejeta le recours du requérant en remarquant que celui-ci n’aurait pu décider de déposer la demande d’établissement des motifs du jugement qu’après avoir pris connaissance du contenu de celui-ci. Il ajouta que le délai de sept jours imparti par la loi pour introduire une telle demande était suffisamment long, qu’il avait commencé à courir à compter du 19 mars 2013 à 10 h 45 et que la demande en cause n’avait pas été déposée dans ce délai. Il indiqua en outre que, le requérant ayant été informé de l’audience du 12 mars 2013, le tribunal de district n’était pas obligé de l’informer de la date du prononcé du jugement. Selon lui, c’était au requérant de s’informer sur les actions procédurales décidées à l’audience du 12 mars 2013. Le tribunal régional déclara dans ce contexte que le requérant, par son manque de diligence, s’était privé de la possibilité d’entamer une procédure de recours dans le délai requis par la loi. Entre-temps, le 22 avril 2013, le requérant avait présenté une demande en relevé de forclusion pour déposer sa demande d’établissement des motifs du jugement et de notification de ces motifs avec ledit jugement. Il avait indiqué que la décision du tribunal de district du 25 mars 2013 de rejet de la demande en question au motif que celle-ci avait été déposée prématurément lui avait été notifiée le 15 avril 2013. Il avait ensuite avancé que la notification de la date du prononcé du jugement n’avait pas été effectuée et que celui-ci avait eu lieu en son absence. Par une décision du 30 juillet 2013, le tribunal de district avait rejeté la demande en relevé de forclusion en indiquant qu’il n’était pas obligé d’informer le requérant de la date du prononcé du jugement dès lors que celui-ci avait été dûment informé de l’audience du 12 mars 2013, date à laquelle la décision d’ajourner le prononcé du jugement avait été prise. Le 28 novembre 2013, la décision du tribunal de district du 30 juillet 2013 fut confirmée par la juridiction d’appel. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS A. Les dispositions pertinentes en l’espèce du code de procédure pénale Selon l’article 411 § 1 du CPP, le tribunal peut ajourner le prononcé d’un jugement pour une durée maximale de sept jours en cas de complexité de l’affaire ou pour d’autres motifs importants. Selon l’article 418 § 3 du CPP, après le prononcé du jugement, le président ou l’un des membres de la formation de jugement communique oralement aux parties les motifs les plus importants du jugement rendu. Selon l’article 422 § 1 du CPP, les motifs du jugement sont établis par écrit sur demande de la partie intéressée formulée dans un délai de sept jours à compter de la date du prononcé du jugement. Si l’accusé, privé de liberté et non assisté par un défenseur, n’était pas présent lors du prononcé du jugement, le délai mentionné ci-dessus commence à courir à partir de la date de la notification du jugement (article 422 § 2 du CPP). Selon l’article 445 § 1 du CPP, la partie à la procédure peut interjeter appel dans un délai de quatorze jours à compter de la date à laquelle le jugement de première instance avec ses motifs lui est notifié. Selon l’article 445 § 2 du CPP combiné avec les articles 445 § 1 et 422 § 1 de ce code, si, dans un délai de sept jours à compter de la date du prononcé du jugement, une partie à la procédure interjette appel au lieu de demander au préalable que ce jugement et ses motifs lui soient notifiés (« składa apelację wprost »), l’appel est considéré comme comportant une telle demande ; il en résulte que, après la notification à la partie intéressée du jugement avec ses motifs, celle-ci aura la faculté de modifier l’appel à la lumière desdits motifs. Selon l’article 422 § 3 du CPP, le tribunal refuse d’examiner une demande tendant à la notification du jugement avec ses motifs lorsqu’elle est formulée par une partie à la procédure après l’expiration du délai imparti en vertu du paragraphe 1 de cet article ou encore si celle-ci est introduite par une personne non autorisée. Selon l’article 123 § 1 du CPP, le délai commence à courir le jour qui suit la survenance d’un fait qui fait courir le délai au regard de la loi. Selon l’article 122 § 1 du CPP, un acte de procédure réalisé après l’expiration du délai prévu à cet effet est inefficace. B. La jurisprudence de la Cour suprême Selon la jurisprudence de la Cour suprême, la demande formulée par une partie à la procédure d’établir les motifs du jugement et de les lui notifier avec ce dernier ne concerne que le jugement rendu, ce qui implique qu’elle doit être déposée après le prononcé de celui-ci. Par conséquent, une telle demande introduite avant le prononcé du jugement doit être considérée comme inefficace, c’est-à-dire dépourvue d’effet juridique. Pour que la demande en cause soit efficace, la partie à la procédure doit soit confirmer sa demande soit la déposer à nouveau dans le délai prévu à l’article 422 § 1 du CPP (ordonnances de la Cour suprême du 19 février 2013, no II KZ 5/13, du 11 octobre 2002 WA 53/02, OSNKW 2003/1-2/15, du 19 août 2009 IV KZ 38/09, LEX 608562, du 1er juin 2010, IV KZ 30/10 OSNwSK 2010/1/1142). Néanmoins, par l’ordonnance du 22 mai 2014 (III KZ 15/14), la Cour suprême a jugé que, eu égard à l’importance, tant pour les parties à la procédure que pour la société, du droit à un jugement motivé, une demande tendant à la notification d’un jugement avec ses motifs ne peut être rejetée au seul motif que celle-ci a été déposée avant le prononcé du jugement. La Cour suprême a souligné dans ce contexte que, compte tenu du libellé de l’article 422 § 3 du CPP, le tribunal ne pouvait refuser l’examen de la demande en cause que si elle avait été déposée par une personne non autorisée ou après l’expiration du délai prévu pour son dépôt. Par l’ordonnance du 26 février 2015 (affaire no III KZ 6/15), la Cour suprême a jugé qu’une demande d’établissement et de notification des motifs du jugement à l’intéressé, déposée dans les circonstances prévues à l’article 422 § 2 du CPP, n’est pas ineffective si elle est déposée après le prononcé d’un jugement mais avant la notification de celui-ci à l’intéressé.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE À partir des années 1980, les sociétés agricoles italiennes, dont les requérantes, bénéficièrent d’une double réduction au travers d’avantages et d’exonérations des cotisations de sécurité sociale qu’elles versaient pour leurs employés. En juillet 1988, l’Institut national de la sécurité sociale (INPS) publia une circulaire selon laquelle les avantages et les exonérations n’étaient pas cumulatifs mais alternatifs (pour une analyse plus détaillée du contexte pertinent, voir l’arrêt Azienda Agricola Silverfunghi S.a.s. et autres c. Italie (nos 48357/07, 52677/07, 52687/07 et 52701/07, §§ 5-15, 24 juin 2014). À des dates diverses, les requérantes engagèrent des procédures contre l’INPS en contestant l’application de la circulaire. Les requérantes obtinrent gain de cause en première instance. L’INPS interjeta appel. En novembre 2003, alors que les procédures entamées par les requérantes étaient pendantes devant les cours d’appel, le législateur italien adopta la loi no 326/2003, qui énonçait expressément que les avantages et les exonérations n’étaient pas cumulatifs, mais alternatifs. Les juridictions internes, en application de ladite loi, rejetèrent les demandes des requérantes. Les requérantes restituèrent les sommes que les tribunaux de première instance leur avaient provisoirement accordées. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS Le droit et la pratique internes pertinents se trouvent décrits dans l’arrêt Azienda Agricola Silverfunghi S.a.s. et autres (précité).
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1955 et réside à Kocaeli. Le 10 décembre 1996, le contrat de travail du requérant fut résilié par son employeur, l’entreprise publique « Industrie d’engrais d’Istanbul ». Le 28 janvier 1997, le requérant introduisit devant le tribunal administratif de Sakarya (« le tribunal administratif ») une action en annulation de cette décision et en dommages et intérêts. Le 17 février 1997, le tribunal administratif demanda à l’entreprise publique employeuse (« l’entreprise ») de présenter les motifs de la résiliation litigieuse ainsi que les documents sur la base desquels cette décision avait été prise. Le 20 mars 1997, l’entreprise défenderesse présenta son mémoire en défense au tribunal administratif. Elle soutint que le contrat de travail du requérant avait été résilié conformément à la loi. Elle précisa que la direction générale de l’entreprise avait procédé à cette résiliation après avoir estimé qu’elle ne pouvait plus tirer profit des services du requérant. L’entreprise indiqua en outre, dans un document annexé à son mémoire en défense, que la décision de résiliation était notamment fondée sur les motifs contenus dans le document interne no 5257 du 18 novembre 1995, préparé par la direction des services d’entretien et de réparation où le requérant travaillait, et classé secret par la direction. Enfin, l’entreprise soumit au tribunal administratif les documents contenus dans le dossier personnel du requérant, dont le document interne no 5257. Le 31 mars 1997, le tribunal administratif se déclara incompétent au motif que, eu égard au statut du requérant au sein de l’entreprise, le règlement du contentieux relatif à la résiliation de son contrat de travail relevait des instances judiciaires. Le 23 mars 1998, le Conseil d’État infirma la décision d’incompétence du tribunal administratif et renvoya l’affaire devant cette dernière juridiction. La procédure reprit devant le tribunal administratif. Le 11 décembre 2000, le tribunal administratif demanda à la partie défenderesse de lui présenter un nouvel exemplaire du dossier personnel du requérant ainsi que des documents et des informations sur lesquels se fondait le document interne no 5257. Le 8 février 2001, l’entreprise soumit les documents demandés. Le 29 novembre 2001, le tribunal administratif rendit son arrêt. Il mentionna d’abord les comportements fautifs du requérant qui auraient contribué aux dysfonctionnements répétés des équipements dont il avait la charge, ainsi que son rapport à ses subordonnés, décrit comme de nature à dégrader l’ambiance de travail au sein de l’unité dont il assurait la supervision. Il nota que ces comportements avaient été notifiés à la direction générale de l’entreprise par le biais du document no 5257, classé secret. Il observa ensuite que, sur la base de ce dernier document, le requérant avait été destitué de sa fonction d’ingénieur en chef de l’unité de l’entretien technique ; qu’après cette destitution il n’avait pas respecté la discipline et l’harmonie dans le lieu de travail ; et qu’il avait été en congé ou en arrêt maladie pendant des périodes de travail intensif. À la lumière de ces observations, le tribunal conclut que la résiliation du contrat de travail du requérant était conforme à la loi dans la mesure où son employeur ne pouvait plus tirer profit de ses services. Il rejeta en conséquence la demande du requérant. Le 15 avril 2002, le requérant se pourvut en cassation. II reprocha notamment au tribunal administratif de s’être fondé, pour rejeter sa demande, sur un document interne de l’entreprise, classé secret, qui aurait été unilatéralement rédigé par l’employeur longtemps avant la résiliation de son contrat de travail. Par un arrêt du 8 février 2005, notifié au requérant le 13 juillet 2005, le Conseil d’État confirma le jugement du tribunal administratif. Dans son arrêt, le Conseil d’État, reprenant la motivation du tribunal administratif, conclut que la résiliation du contrat de travail du requérant était conforme à la loi. II. LE DROIT INTERNE PERTINENT La loi no 6384 relative au règlement, par l’octroi d’une indemnité, de certaines affaires portées devant la Cour européenne des droits de l’homme a été adoptée par la Grande Assemblée nationale de Turquie le 9 janvier 2013 et est entrée en vigueur le 19 janvier 2013 (pour des informations plus détaillées concernant cette loi, voir Turgut et autres c. Turquie ((déc.), no 4860/09, §§ 19-26, 26 mars 2013). L’article 16 de la loi no 2577 du 6 janvier 1982 relative à la procédure de contentieux administratif, intitulé « notification et réponse », dispose ce qui suit : « 1. Une copie de l’acte introductif d’instance et de ses annexes est notifiée à la partie défenderesse et le mémoire en défense de la partie défenderesse à la partie demanderesse. Le mémoire en réplique de la partie demanderesse est notifié à la partie défenderesse et le mémoire en duplique de la partie défenderesse à la partie demanderesse (...) Les parties peuvent répondre aux [mémoires] notifiés dans les trente jours suivant la date de notification (...) (...) »
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1965 et réside à Navlya. Par un jugement du 17 juillet 2006, le tribunal du district Navlinski de la région de Briansk, siégeant en une formation unipersonnelle composée de la juge M., reconnut le requérant coupable de viol et le condamna à trois ans d’emprisonnement avec sursis. Le 22 septembre 2006, la cour régionale de Briansk infirma ce jugement en appel au motif que le tribunal de première instance n’avait pas dûment motivé l’application du sursis à la peine infligée au requérant. L’affaire pénale dirigée contre le requérant fut donc renvoyée devant le tribunal de première instance pour un nouvel examen au fond et attribuée au juge D. Lors de l’audience du 20 mars 2007, tenue dans le cadre du nouvel examen de l’affaire pénale, le requérant déposa une demande de récusation dirigée contre le juge D., dénonçant un manque d’impartialité de ce magistrat. Cette demande était fondée sur les motifs suivants : - le juge D. avait rejeté certaines des demandes procédurales du requérant sans respecter la forme écrite qui, selon ce dernier, était exigée pour ce type de décisions, et il avait aussi rejeté, prétendument en violation de la loi procédurale, un appel interlocutoire introduit par l’intéressé le 1er février 2007 ; - avant de devenir juge, D. avait travaillé, de 1993 à 2002, dans le département de police du district Navlinskiy et il avait pris part à une enquête ayant impliqué le requérant au sujet d’un accident de la route, ce qui aurait généré des relations empreintes d’hostilité entre lui et l’intéressé ; - enfin, le juge D. était un ami de la juge M., dont le jugement du 17 juillet 2006 rendu précédemment à l’encontre du requérant avait été annulé par l’instance d’appel. Il ressort du procès-verbal de l’audience du 20 mars 2007 que, avant de se retirer dans la salle des délibérations pour rendre une décision sur la demande de récusation le visant, le juge D. s’est exprimé de la manière suivante : « Conformément à l’article 61 du [code de procédure pénale] (CPP), ne peuvent être retenus comme motifs pour la récusation d’un juge le fait d’examiner ou de rejeter des demandes procédurales portant sur la suspension de l’examen d’une affaire pénale, y compris en cas de saisine d’une instance de révision, le fait de rejeter un appel interlocutoire pour défaut de forme sur la base de l’article 375 du CPP, ainsi que le fait de réexaminer sur le fond une affaire pénale après l’annulation, par l’instance d’appel, du jugement de condamnation rendu par un autre juge du même tribunal. Cependant, il est vrai que, de 1993 à 2002, j’ai travaillé en tant qu’enquêteur et enquêteur en chef, dans le département de police du district Navlinskiy et j’ai pris part à plusieurs reprises à [l’enquête menée dans le cadre] d’une affaire pénale dans laquelle le [plaignant], qui avait été mis en cause dans un accident de la route, niait être coupable et retardait les investigations, ce qui avait généré entre nous des relations empreintes d’hostilité. En outre, jusqu’au 3 janvier 2006 et au moment de la commission de l’infraction par le [plaignant], ce dernier, ainsi que son épouse, ses enfants, D. et U., sa belle-mère, P., résidaient à l’adresse (...), dans le même immeuble que ma famille, ce qui nous a amenés à développer des relations empreintes d’hostilité de longue date. » Par une décision du 20 mars 2007, le juge D. fit droit à la demande de récusation introduite par le requérant. Il considéra que son impartialité et son objectivité pouvaient être mises en doute eu égard aux relations d’hostilités développées entre lui-même et le requérant dans les circonstances telles qu’exposées dans ses déclarations faites aux parties à l’affaire pénale (paragraphe 8 ci-dessus). Le 27 avril 2007, la cour régionale de Briansk annula la décision du 20 mars 2007 sur appel interlocutoire du procureur. Elle considéra que les motifs invoqués par le juge D. pour faire droit à la demande de récusation dirigée contre lui n’étaient pas suffisants, jugeant, notamment, que : « (...) Conformément à l’article 61 § 1 alinéa 2 du code de procédure pénale, un juge peut être récusé s’il a précédemment agi en tant qu’enquêteur dans le cadre de l’affaire pénale soumise à son examen ; or le cas d’espèce ne tombe pas dans cette catégorie. La conduite par [le juge D.], au moment de son travail en tant qu’enquêteur, d’une autre enquête pénale à l’encontre de [M. Filyutkin] ne peut alors être retenue comme un motif pour sa récusation. Le fait que [le juge D.] et sa famille étaient voisins avec [M. Filyutkin] au moment de la commission de l’infraction par ce dernier ne peut en tant que tel révéler l’existence de relations empreintes d’hostilité [entre eux] et ne permet pas de considérer que le juge ait un intérêt, direct ou indirect, à l’issue de l’affaire pénale. Les arguments de [M. Fulyutkin] concernant le rejet de ses demandes procédurales et de son appel interlocutoire ne peuvent constituer un fondement pour la récusation du juge car la loi de procédure pénale prévoit des voies de recours distinctes pour traiter de ces questions ». L’affaire pénale fut renvoyée au juge D. pour examen sur le fond. Par la suite, le requérant déposa quatre autres demandes de récusation dirigées contre le juge D., par lesquelles il dénonçait à nouveau, eu égard aux relations d’hostilité telles que reconnues par ce magistrat dans sa décision du 20 mars 2007, un manque d’impartialité de ce dernier. Le juge D. rejeta lesdites demandes, par des décisions en date des 5 et 31 juillet, du 21 août et du 4 septembre 2007, en se référant en substance aux mêmes motifs que ceux retenus par la cour régionale de Briansk le 27 avril 2007. Par ailleurs, il ordonna, par sa décision du 5 juillet 2007, le placement en détention provisoire de l’intéressé. Par un jugement du 14 septembre 2007, le tribunal du district Navlinski, siégeant en une formation unipersonnelle composée du juge D., reconnut le requérant coupable de viol et le condamna à trois ans d’emprisonnement ferme. Le requérant interjeta appel dudit jugement, arguant, notamment, que le juge D. avait manqué d’impartialité. Par un arrêt du 26 octobre 2007, la cour régionale de Briansk confirma le jugement du 14 septembre 2007. Rejetant les arguments avancés par le requérant quant à un manque d’impartialité du juge D., elle indiqua que la décision du 20 mars 2007 par laquelle ledit juge avait accueilli la demande de récusation dirigée à son encontre avait été annulée en appel. Elle jugea par conséquent que ce magistrat était en droit d’examiner l’affaire pénale diligentée contre le requérant. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS Les articles 61 à 65 du code de procédure pénale (CPP) régissent les cas de récusation et d’abstention des juges dans la procédure pénale. Les articles 61 et 63 du CPP énumèrent les circonstances dans lesquelles un juge ne peut participer à l’examen d’une affaire pénale : - si le juge en question est partie à l’affaire soumise à son examen (article 61 § 1 alinéa 1 du CPP) ; - s’il a auparavant pris part à l’examen de l’affaire pénale en une qualité différente (juré, expert, spécialiste, traducteur, témoin instrumentaire, greffier, défenseur, représentant légal de la victime, représentant de la partie civile demanderesse, représentant de la partie civile défenderesse, investigateur, enquêteur ou procureur) (article 61 § 1 alinéa 2 du CPP) ; - s’il a des liens de parenté avec une personne participant à la procédure (article 61 § 1 alinéa 3 du CPP) ; - en cas d’existence de toute autre circonstance laissant penser qu’il a un intérêt, direct ou indirect, à l’issue de l’affaire pénale (article 61 § 2 du CPP) ; - ou s’il a auparavant pris part à l’examen de l’affaire en tant que juge d’une instance de fond, d’appel ou de révision (article 63 du CPP). Selon l’article 62 du CPP, en présence des circonstances décrites aux articles 61 et 63, le juge doit s’abstenir de siéger lors de l’examen d’une affaire pénale (§ 1) et, à défaut, il peut être récusé à la demande des parties à la procédure pénale (§ 2). La procédure de récusation est détaillée à l’article 65 du CPP. La décision sur une demande de récusation et sur une décision d’abstention émanant d’un juge est prise par la formation judiciaire elle-même : - dans une formation judiciaire à juge unique, tant en ce qui concerne l’examen de l’affaire pénale sur le fond que celui des questions relatives à la détention provisoire et aux mesures d’instruction pénale (article 65 § 4 du CPP), c’est le juge unique lui-même qui rend une décision sur la demande de récusation dirigée à son encontre ; - dans une formation collégiale de trois juges, en cas de demande de récusation dirigée contre l’un des juges, ce sont les deux autres qui rendent une décision sur cette demande après avoir recueilli l’avis du juge visé par celle-ci (article 65 § 2 du CPP) ; si la demande de récusation concerne deux des juges ou tous les juges de la formation collégiale, c’est la formation ellemême qui rend une décision à la majorité simple des voix (article 65 § 3 du CPP). L’instance d’appel est chargée du contrôle de la décision prise sur le fondement de l’article 65 du CPP. Si cette décision porte rejet de la demande de récusation, elle n’est pas susceptible d’appel interlocutoire ; elle peut toutefois faire l’objet d’un grief inclus dans l’appel interjeté contre la décision sur le fond prise à l’issue de la procédure principale (décisions de la Cour constitutionnelle russe no 2084-O du 29 septembre 2016 et no 550O du 5 mars 2014). Si en revanche elle fait droit à la demande de récusation, elle peut faire l’objet d’un appel interlocutoire de la part des parties à la procédure. Lorsque la décision prise sur le fondement de l’article 65 du CPP fait droit à la demande de récusation, l’affaire pénale est soumise à l’examen d’une autre formation judiciaire une fois ladite décision devenue définitive (article 65 § 5 du CPP). Toute décision portant sur une abstention ou sur une demande de récusation formulée par les parties à la procédure est prise en la forme d’une décision écrite rendue après le retrait du (des) juge(s) dans la salle des délibérations (article 65 § 1 du CPP). La nécessité de motiver la décision prise sur le fondement de l’article 65 du CPP, y compris en appel, a été soulignée à plusieurs reprises par la Cour constitutionnelle russe (décisions no 2084-O du 29 septembre 2016, no 630-O-O du 27 mai 2010 et no 237OO du 19 mars 2009).
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE En 2009, plusieurs enquêtes pénales furent diligentées contre les membres présumés d’une organisation dénommée KCK (Koma Civakên Kurdistan – « Union des communautés kurdes »). Par plusieurs actes d’accusation, les procureurs de la République intentèrent des actions pénales devant les cours d’assises compétentes à l’encontre de plusieurs personnes auxquelles il était essentiellement reproché d’appartenir à une organisation terroriste. Selon les procureurs de la République, le KCK était une « branche urbaine » du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, une organisation armée illégale). D’après eux, le but du KCK était de mettre en place un système politique tel qu’indiqué dans la « Convention du KCK » (KCK Sözleşmesi) afin d’établir un État kurde indépendant et le « confédéralisme démocratique » prôné par Abdullah Öcalan, le chef du PKK (actuellement détenu à la prison d’İmralı). Dans le cadre des enquêtes pénales menées à l’encontre des requérants, à des dates inconnues, les juges assesseurs compétents ordonnèrent l’application d’une mesure de restriction d’accès au dossier de l’enquête à l’encontre des personnes soupçonnées et de leurs avocats, sur le fondement de l’article 10/d de la loi no 3713 relative à la lutte contre le terrorisme (« la loi no 3713 »). À différentes dates, entre les 13 février 2010 et 15 février 2012, les requérants furent arrêtés et placés en garde à vue. Ils étaient soupçonnés principalement d’appartenance au KCK. À la suite de leurs interrogatoires, à différentes dates entre les 16 février 2010 et 16 février 2012, les juges compétents ordonnèrent la mise en détention provisoire des intéressés. Par la suite, les requérants formèrent des recours par lesquels ils contestaient leur placement en détention provisoire et demandaient leur mise en liberté provisoire. Ils dénonçaient également la mesure de restriction d’accès au dossier d’enquête. À la suite d’un examen sur pièces du dossier, les cours d’assises compétentes rejetèrent ces recours, suivant en cela les avis des procureurs de la République, qui ne furent notifiés ni aux requérants ni à leurs représentants. Ces décisions furent rendues avant le 23 septembre 2012, soit avant l’entrée en vigueur d’amendements constitutionnels relatifs à l’introduction du recours individuel devant la Cour constitutionnelle dans le système juridique national. Par différents actes d’accusations, les parquets compétents accusèrent les requérants pour des infractions liées au terrorisme. Au cours des procédures pénales, les requérants subirent différentes durées de détention provisoire. La durée de celles-ci alla de quatre mois et dix jours (minimum) à quarante-sept mois et vingt-trois jours (maximum). Il ressort des éléments contenus dans le dossier que les procédures pénales engagées à l’encontre des requérants sont toujours en cours devant les juridictions nationales et que tous les requérants furent remis en liberté. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS Le droit et la pratique internes pertinents sont exposés dans l’arrêt de la Cour dans l’affaire Mustafa Avci c. Turquie (no 39322/12, §§ 27-46, 23 mai 2017).
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Les requérants sont nés en 1981 et forment un couple sans être mariés. Accusés de possession et d’importation de stupéfiants, les requérants furent arrêtés et détenus à partir du 18 décembre 2013, d’abord à la Direction des transfèrements de Thessalonique, puis, à compter du 20 décembre 2013, à la prison de Diavata où la seconde requérante se trouve encore. En août 2015, le premier requérant fut transféré à la prison de Patras. Le 1er avril 2015, la cour d’appel criminelle de Thessalonique les condamna à des peines de réclusion. Le 24 mai 2017, la deuxième requérante fut libérée en vertu de la loi no 4322/2015. A. Les conditions de détention des requérants La version des requérants a) Les conditions de détention des deux requérants dans la prison de Diavata La prison se trouve dans une zone industrielle, inappropriée pour y vivre en permanence en raison des émissions quotidiennes de gaz de butane. Cela oblige les détenus à garder fermées les fenêtres de leur chambrée qui ne disposent pas d’air conditionné. Les requérants soulignent que le Gouvernement ne produit pas des plans de la prison afin de prouver ses allégations quant à la taille des cellules et chambrées. Le requérant fut placé dans une chambrée de 10 personnes où il disposait d’un espace personnel de 2 m² environ. Huit de ses codétenus étaient fumeurs alors que lui était non-fumeur. La requérante était placée dans une chambrée de 17 m² avec quinze autres détenues pendant un an et demi. Par la suite, elle fut transférée dans une chambrée plus petite avec sept détenues où elle séjourna pendant un an environ. Enfin, elle fut placée à nouveau dans la première chambrée avec sept autres détenues. La chambrée contenait 4 lits superposés et une toilette avec douche d’une superficie entre 2 m² et 3 m². L’espace personnel pour huit détenues était donc de 9 m². Les matelas étaient vétustes et de mauvaise qualité et les détenues devaient empiler des couvertures pour « dormir décemment ». La chambrée était équipée d’une table en plastique et des deux petits tabourets, ce qui obligeait les détenus de prendre leurs repas sur leurs lits, ou d’attendre leur tour pour manger à table. La nourriture était insuffisante, le coût journalier des repas s’élevant à 2 euros par détenu. La fenêtre de la chambrée mesurant 4 cm X 80 cm ne laissait pas passer suffisamment de lumière, ce qui créait une ambiance dépressive pour les détenues. La lumière artificielle – une ampoule de faible puissance – ne suffisait pas pour la lecture. L’air conditionné dans la chambrée ne fonctionnait pas et les chauffages électriques disponibles n’étaient pas en nombre suffisant. Les toilettes, dépourvues de fenêtre, étaient de type turc et servaient aussi à l’évacuation des eaux de la douche qui consistait en un pommeau de douche accroché au mur. Les toilettes étaient aussi équipées d’un lavabo qui servait également pour le lavage des vêtements et sous-vêtements des détenues. Le lavage s’effectuait avec du liquide-vaisselle, seul produit d’entretien autorisé dans la prison. La requérante affirme que pendant les trois ans de sa détention, les détenues dans sa chambrée ne reçurent qu’une seule fois un petit verre avec de la javel alors que la chambrée était crasseuse et pas propice à l’habitation. Le manque d’eau chaude suffisante (fournie pendant deux heures par jour) causait des bagarres entre détenues car elle ne suffisait pas pour la douche ou le lavage des vêtements. Les détenues devaient programmer leurs douches longtemps à l’avance ou rester sans se laver pendant plusieurs jours. Les détenues accrochaient leurs vêtements lavés à différents endroits de la chambrée pour les faire sécher. La poubelle se trouvait à l’intérieur de la chambrée et les détritus débordaient souvent, ce qui aggravait encore plus les problèmes d’hygiène. Faute de casiers, les détenues étaient obligées de poser leurs affaires personnelles sur le sol en-dessous de leurs lits. Les détenues fumaient dans les chambrées au détriment des non-fumeuses. Aucun produit d’hygiène corporelle n’était distribué aux détenues, même pas des serviettes hygiéniques, de sorte que les détenues impécunieuses, comme la requérante, priaient leurs codétenus de leur donner des morceaux de coton. La requérante souligne que ses demandes à consulter un médecin furent ignorées ; ces demandes étaient inscrites sur un bout de papier qui était mis dans une boîte que le gardien récupérait dans un ordre fortuit. Le médecin généraliste visitait la prison tous les mardis et mercredis, le psychologue et le psychiatre une fois par semaine et les consultations était accaparées par les détenus de sexe masculin qui constituaient la grande majorité des détenus. Quant aux soins dentaires, la requérante ne put consulter un dentiste que très rarement et avait dû supporter elle-même le coût. En dépit du fait que la durée de la promenade était suffisamment longue, la cour de la prison n’était pas abritée, de sorte que les jours de pluie ou de chaleur, les détenus étaient obligés de rester dans leurs chambrées. De même, il n’y avait pas de bancs pour s’asseoir et les détenues devaient s’asseoir par terre sur leurs couvertures si elles souhaitaient rester dehors. Étant incarcérés dans la même prison, les requérants, qui formaient un couple de longue date, demandèrent aux autorités de la prison de leur permettre de se rencontrer, mais toutes leurs demandes furent rejetés pour des motifs de sécurité. b) Les conditions de détention du premier requérant dans la prison de Patras En août 2015, le requérant fut transféré à la prison de Patras. Il fut placé dans une cellule mesurant 20 m² avec dix ou onze autres détenus. Pendant longtemps, il dormit par terre. Huit à neuf de ces détenus étaient toxicomanes, prenaient des psychotropes et leurs réactions étaient imprévisibles, ce qui provoquait un grand stress chez le requérant. À part le requérant et un autre détenu, tous les autres étaient fumeurs, ce qui rendait l’atmosphère dans la cellule étouffante. L’hygiène et l’aération dans la cellule étaient pratiquement inexistantes. Dépourvue de médecin permanent, la prison conclut un contrat avec un médecin visiteur pour des visites de quelques heures une fois par semaine. Un détenu peut le consulter s’il met un « bout de papier dans une boîte » qui tient lieu de demande mais qui n’est enregistrée nulle part. La version du Gouvernement La requérante fut placée dans la chambrée no 2, d’une superficie de 24,98 m², au départ avec sept autres détenues, puis, après l’entrée en vigueur de la loi no 4322/2015 (le 27 avril 2015) visant à désengorger les prisons, avec cinq ou six autres détenues. Ainsi, son espace personnel varia de 3,12 m² à 4,99 m² après le 27 avril 2015. La dernière visite du CPT à cette prison eut lieu du 14 au 23 avril 2015, soit avant l’entrée en vigueur de la loi précitée dont la validité fut prolongée jusqu’en août 2017 afin de maintenir le nombre global des détenus dans les prisons grecques à moins de 10 000 personnes. Les chambrées disposaient d’une toilette et d’une douche avec fermeture, des tables, des tabourets, des tables de chevet et d’une poubelle. En plus du chauffage central, des chauffages électriques étaient disponibles pendant les jours froids de l’hiver. L’eau chaude était disponible pendant plusieurs heures dans la journée. Les vitres mesuraient 3,7 m X 1 m et l’éclairage artificiel était assuré par trois batteries électriques de trois ampoules chacune. Les détenu(e)s recevaient à intervalles réguliers des produits d’hygiène personnelle (savon, shampoing, papier hygiénique, mousse à raser). La prison employait aussi un coiffeur. Des efforts considérables étaient consacrés pour le maintien de la propreté des cellules, chambrées et espaces communs. Le linge de lit était nettoyé dans le pressing de la prison, auquel les détenus pouvaient aussi faire laver leurs vêtements. Les détenus recevaient trois repas par jour établis tous les quinze jours et approuvés par le médecin et le conseil de la prison. Ils pouvaient faire du sport pendant au moins une heure dans la cour de la prison ou sur des terrains jeu spécifiques. Ils pouvaient aussi participer à des activités récréatives. Les soins médicaux des détenus étaient assurés par deux médecins généralistes (rémunérés par consultation), un généraliste volontaire, un psychiatre permanent, un dentiste (rémunéré par consultation) et un infirmier. La requérante subit un examen par le médecin de la prison et fut transférée aussi à l’hôpital Papageorgiou de Thessalonique pour un examen hématologique. La requérante travailla pendant dix-huit mois dans la prison comme agent de nettoyage et le requérant pendant trois mois dans les cuisines. B. L’état de santé du premier requérant Du 8 au 14 mars 2014, le requérant fut hospitalisé à l’hôpital Papageorgiou à Thessalonique où il subit divers examens qui ne révélèrent pas de problème cardiaque. Aucun traitement ne lui fut prescrit. Le 20 février 2015, le requérant fut à nouveau transféré au même hôpital pour une échographie du pancréas et de la rate, puis encore une fois aux urgences, le 23 février, où on lui prescrit un traitement pour des vertiges. Le 21 septembre 2015, le requérant fut transféré à l’hôpital de Patras pour un examen radiologique du thorax. Le 28 septembre 2015, à la suite des problèmes respiratoires, le requérant fut transféré en urgence au même hôpital pour subir un examen coronarien. On lui diagnostiqua du liquide ascitique autour du foie et de la rate ainsi qu’une péricardite. Le requérant sortit de l’hôpital le 5 octobre 2015. Le certificat de sortie précisait qu’il devait faire l’objet d’un contrôle cardiologique régulier, comprenant le contrôle de la tension artérielle et de la température trois fois par jour. Il recommandait un nouvel examen pour apprécier la nécessité d’une opération cardiovasculaire. Faute de connaissance de la langue grecque, le requérant était dans l’impossibilité de comprendre son état de santé et le diagnostic des médecins. Il soutient que sa demande d’en être informé dans une langue qu’il comprenait avant tout acte médical sur lui fut interprété comme un refus de se faire opérer. Le 4 avril 2016, le médecin visiteur de la prison, répondant à une question du procureur concernant l’aptitude du requérant à comparaître à l’audience devant la cour d’appel criminelle de Thessalonique, précisa : « Le détenu Pekov Radostin souffre de péricardite et doit être pris en charge par un chirurgien spécialiste du cœur. Toutefois, il refuse de se faire examiner de sorte qu’il ne reçoit pas le traitement approprié. Plus particulièrement, il a refusé d’être transféré à la clinique cardiologique aux dates des 6 octobre 2015, 20 novembre 2015 et 12 février 2016 (...) Pour ces raisons, je ne suis pas en mesure d’affirmer qu’il puisse comparaître devant la cour d’appel criminelle de Thessalonique sans risque pour sa santé. Je considère que sa santé ne peut pas être adéquatement sauvegardée au sein de la prison. » Du 15 novembre 2016 au 15 février 2017, le requérant fit l’objet d’un traitement pharmaceutique par psychotropes. Le 30 janvier 2017, le requérant fut transféré à l’hôpital de Patras pour un examen radiologique du thorax. Après sa mise en liberté (à une date non précisée dans le dossier), le requérant fut opéré en Bulgarie où il s’était entretemps rendu. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS Pour le droit et la pratique internes pertinents, la Cour se réfère à l’arrêt Koureas et autres c. Grèce (no 30030/15, §§ 37-38, 18 janvier 2018). Il ressort des tableaux statistiques du ministère de la Justice que la prison de Diavata – d’une capacité officielle de 358 personnes – accueillait pendant le premier semestre 2017 un nombre des détenus variant entre 505 et 541. En outre, il ressort des tableaux statistiques du même ministère que la prison de Patras – d’une capacité officielle de 466 personnes – accueillait pendant le premier semestre 2017 un nombre des détenus variant entre 585 et 649, pendant le deuxième semestre 2017 un nombre variant entre 519 et 620 et pendant le premier semestre 2018 un nombre variant entre 496 et 524. III. LES CONSTATS DU COMITÉ POUR LA PRÉVENTION DE LA TORTURE ET DES PEINES OU TRAITEMENTS INHUMAINS OU DEGRADANTS (CPT) Dans son rapport du 5 juillet 2013, établi à la suite de sa visite du 4 au 16 avril 2013, le CPT relevait que la prison de Diavata, d’une capacité officielle de 250 détenus, en accueillait 590. La prison dispose de 53 cellules mesurant chacune 24 m² et accueillant chacune 10 détenus, de 10 cellules de 11 m² chacune et accueillant chacune 4 détenus et de 3 cellules où séjournent 34 détenues femmes. L’accès à la lumière naturelle et l’aération dans les cellules sont satisfaisants et il y a quelques tabourets. Les salles d’eau contiennent quatre toilettes ainsi qu’un évier qui sert aussi pour laver le linge et faire la vaisselle. Dans son rapport du 1er mars 2016, établi à la suite de sa visite du 14 au 23 avril 2015, le CPT relevait que la situation dans cette prison était inchangée par rapport à celle constatée lors de la visite de 2013. À la date de la visite, la prison accueillait 588 détenus pour une capacité de 370 places (cette capacité ayant été augmentée de plus de 100 en transformant les chambrées prévues pour 4 détenus – mesurant 24 m² – en chambrées pour 6. Les détenus de sexe masculin étaient placés par dix dans des chambrées de 24 m² et les 35 détenues de sexe féminin dans trois chambrées.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1937 et réside à Chișinău. Par un arrêt définitif du 22 décembre 2004, la Cour suprême de justice ordonna à I.N. et E.N. à verser au requérant la somme de 19 450 dollars américains (USD) (14 511, 61 euros (EUR) à l’époque). Le 28 janvier 2005, l’huissier de justice entama la procédure d’exécution. Le 5 juillet 2011, I.N. et E.N. exécutèrent intégralement l’arrêt. Le 26 décembre 2011, le requérant introduisit une action en justice contre l’État sur le fondement de la loi no 87. Il demanda 50 000 lei moldaves (MDL) (environ 3 260 EUR à l’époque) au titre du préjudice moral qu’il estimait avoir subi suite à l’exécution tardive de l’arrêt du 22 décembre 2004, ainsi que le préjudice matériel consistant de la somme des intérêts moratoires. Par un jugement du 14 mai 2012, le tribunal de Râșcani constata la violation de son droit à l’exécution d’une décision de justice dans un délai raisonnable et lui alloua 5 000 MDL (environ 333 EUR) au titre du préjudice moral. Il constata notamment que l’exécution tardive était imputables aux autorités étatiques. Pour rejeter les prétentions du requérant au titre du préjudice matériel, il constata que les intérêts moratoires devraient être réclamés aux débiteurs et non à l’État. Par un arrêt définitif du 22 novembre 2012, la cour d’appel rejeta l’appel du requérant et confirma le jugement du 14 mai 2012. Le 8 août 2012, le requérant intenta une action contre I.N. et E.N. et réclama le payement des intérêts moratoires suite à l’exécution tardive de leur obligation pécuniaire. Par un arrêt définitif du 12 mars 2014, la Cour suprême de justice, en se fondant sur l’absence de faute des débiteurs, rejeta l’action comme dépourvue de fondement. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS Les dispositions pertinentes du nouveau recours interne introduit par la loi no 87 sont résumées dans l’arrêt Botezatu c. République de Moldova, no 17899/08, § 12, 14 avril 2015. Quant à la modalité de calcul des intérêts moratoires, les dispositions pertinentes sont résumées dans l’arrêt Dacia S.R.L. c. Moldova (satisfaction équitable), no 3052/04, § 22, 24 février 2009. Dans le paragraphe 15 de la décision explicative no 9 du 24 décembre 2010, la Cour suprême de justice a relevé, entre autres, que le payement des intérêts moratoires en cas de retard dans l’exécution d’une obligation pécuniaire est de plein droit si les conditions suivantes sont remplies : la créance constitue une somme d’argent, la créance est liquide et exigible.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1950 et réside à Diyarbakır. Le 18 février 2009, une manifestation fut organisée à Diyarbakır. Le requérant fit l’objet de coups et d’usage de gaz lacrymogène par les policiers. Le 24 février 2009, le requérant déposa plainte pour tortures. Le lendemain, le procureur de la République de Diyarbakır (« le procureur ») recueillit sa déposition. Le requérant indiqua qu’il ne faisait que passer ce jour-là sans participer à la manifestation, qu’il avait vu des adolescents jeter des pierres aux policiers et qu’il les en avait empêché, mais qu’une fois que les policiers étaient arrivés, ils l’avaient insulté, avaient pulvérisé du gaz lacrymogène sur son visage et l’avaient frappé avec la crosse de leurs fusils. Le même jour, le requérant fut examiné par la branche de Diyarbakır de l’Institut médicolégal. Le rapport médical indique la présence d’une ecchymose autour de l’œil gauche du requérant, et des allégations de douleur aux jambes. Au vu de l’absence d’une autre lésion, traumatisme ou fracture, le rapport conclut que le diagnostic vital n’était pas engagé et que la blessure constatée était de nature légère. Le 10 mars 2009, le requérant fut examiné par un médecin privé, qui indiqua que le requérant souffrait d’une douleur chronique au genou droit et qu’il indiquait avoir subi un traumatisme dû à une chute une quinzaine de jours auparavant. Le 22 mai 2009, le requérant déposa une seconde pétition au parquet en indiquant que la scène avait été photographiée et publiée dans un quotidien et demanda à ce que le témoignage du journaliste ayant pris le cliché fut rajouté au dossier. Le procureur s’adressa à la direction du quotidien en question et obtint les clichés. Le 10 novembre 2009, le procureur qualifia les faits de délit commis par les forces de l’ordre dans l’exercice de leurs fonctions et demanda au bureau du gouverneur de Diyarbakır l’autorisation de poursuivre les deux policiers impliqués, en application de la loi no 4483 sur la poursuite des fonctionnaires. Le comité administratif départemental de Diyarbakır (« le comité administratif ») recueillit les dépositions des deux policiers. Ceux-ci indiquèrent que l’intéressé avait crié dans leur direction pour leur dire de ne pas utiliser de gaz lacrymogène et qu’il avait ensuite saisi le fusil de bombe à gaz des mains de l’agent S.K. L’agent S.K. avait alors tiré et poussé le fusil pour le dégager des mains du requérant, ce qui aurait fait chuté le requérant au sol. Les policiers affirmèrent également qu’ils n’avaient pas utilisé de spray lacrymogène directement sur l’intéressé et qu’ils ne l’avaient pas frappé, ni insulté. Le 19 décembre 2009, le comité administratif recueillit également les dépositions de trois témoins oculaires, qui confirmèrent la version donnée par les policiers. Le 28 décembre 2009, faisant référence aux éléments qui précèdent et aux photographies susmentionnées, le comité administratif décida de ne pas autoriser la poursuite des policiers accusés. Cette décision fut entérinée par le tribunal administratif régional de Diyarbakır le 31 mars 2010. Le 15 juin 2010, le procureur rendit un non-lieu. Il divisa les allégations en deux parties, les insultes et les coups. Puis il indiqua qu’à supposer que les insultes alléguées constituaient un délit à poursuivre sans autorisation administrative, aucune preuve tangible ne permettait de les établir pour entamer une enquête pénale à cet égard. Quant à l’allégation de coups, le procureur considéra qu’il ne s’agissait pas de torture ou de mauvais traitements au sens du droit pénal puisque les actes n’atteignaient pas le niveau requis, ni ne possédaient le caractère de continuité. Il qualifia donc les actes comme des gestes causant des blessures simples et ayant eu lieu au cours de l’exercice des fonctions, délit pour lequel l’autorisation administrative nécessaire n’avait pas été accordée. Le 24 août 2010, la cour d’assises de Siverek confirma le non-lieu. Elle indiqua dans sa décision ce qui suit : « Bien que les photographies versées au dossier montrent que les policiers ont frappé le plaignant, aucun élément ne permet de dire qu’ils connaissaient l’intéressé qui ne faisait que passer et qu’un acte ainsi réalisé de manière ponctuelle sans l’élément intentionnel, ne correspond pas à la définition de torture ou de mauvais traitements au sens de l’article 94 du code pénal ». Cette décision finale fut notifiée au requérant le 4 octobre 2010.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE La requérante est née en 1980 et réside à Istanbul. À l’époque des faits, elle était la rédactrice en chef d’un quotidien. Par un acte d’accusation du 15 décembre 2006, le procureur de la République de Beyoğlu inculpa la requérante de l’infraction de l’apologie de crime et de criminelle en raison de l’expression « le leader du peuple kurde, Abdullah Öcalan », utilisée dans deux articles publiés le 15 novembre 2006 dans le quotidien de la requérante. Le 16 mars 2009, la cour d’assises d’Istanbul reconnut la requérante coupable de l’infraction reprochée et la condamna à une amende judiciaire de 900 livres turques (411,81 euros à cette date) en application de l’article 215 du code pénal (CP). Elle considéra que l’expression susmentionnée constituait un éloge du fondateur et chef de l’organisation illégale PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), Abdullah Öcalan. Elle précisa en outre que, eu égard au montant de l’amende judiciaire, son arrêt n’était pas susceptible de pourvoi. II. LE DROIT INTERNE PERTINENT L’article 215 du CP (loi no 5237 du 26 septembre 2004, entrée en vigueur le 1er juin 2005), tel qu’il était en vigueur à l’époque des faits, se lisait comme suit : « Quiconque fait publiquement l’éloge d’un crime commis ou d’une personne en raison du crime qu’elle a commis est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement. »
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LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Les requérants sont nés respectivement en 1994, 1994 et 1993, et résident à Hakkari. A. Contexte de l’affaire Le 6 décembre 2009, des manifestations eurent lieu à Hakkari pour protester contre les conditions de détention d’Abdullah Öcalan, leader du PKK, une organisation illégale. La circulation étant bloquée, des heurts survinrent entre la police et les manifestants. Certains manifestants à visage couvert jetèrent des projectiles et des cocktails molotov sur les véhicules de la police. Les requérants, qui feraient partie de ces personnes furent arrêtés vers 18 h 30. B. Les rapports médicaux concernant les requérants Le 6 décembre 2009, vers 19 h 30, les requérants furent examinés à l’hôpital civil de Hakkari. D’après les rapports médicaux établis : - M. İşik ne présentait aucune lésion. - M. Beyter présentait un « petit œdème » (küçük kanama odağı) sur la partie externe de l’œil droit et une sensibilité sur le poignet droit. - M. Ertunç présentait des rougeurs sur le nez et sur le front, et une fracture sur la partie frontale du crâne. Le rapport indiquait que deux points de suture avaient été faits sur cette blessure. Le 7 décembre 2009, faisant droit à la demande de l’avocat des requérants, le procureur de la République de Hakkari (ci-après « le procureur ») ordonna de nouveaux examens médicaux. Les rapports établis en conséquence le 7 décembre 2009 par la branche de Hakkari de l’Institut médicolégal indiquent ce qui suit : - M. İşik ne présentait aucune lésion. - M. Beyter présentait des égratignures en croûte sur la partie zygomatique gauche et la partie orbitale gauche inférieure, un œdème de 2 x 2 cm sur la partie frontale, des égratignures de 2 x 1 cm et 1 x 0,5 cm en croûte sur la partie gauche sacrale, une enflure sur le poignet droit et une sensibilité sur palpation. - M. Ertunç présentait une coupure suturée dans la partie gauche frontale du cuir chevelu, une sensibilité sur palpation à l’extérieur du poignet droit et à la cinquième région carpale, et une égratignure de 1 x 1 cm sur le bras droit. Le rapport indiquait aussi que le requérant ne présentait pas de fracture au crâne. Les rapports concernant ces deux derniers requérants indiquaient que les lésions constatées n’engendraient aucun pronostic vital et qu’elles pouvaient être traitées par de simples interventions médicales. Le 7 décembre 2009, les requérants furent examinés à l’hôpital civil de Hakkari vers 14 heures à l’issue de leur garde à vue, puis encore une fois vers 18 heures. Selon les rapports afférant à ces examens, M. İşik présentait « une petite croûte » sur l’occipitale. Les lésions constatées sur M. Beyter et M. Ertunç étaient similaires à celles constatées par les rapports précédents. C. Les enquêtes à l’encontre des policiers et des requérants Le 6 décembre 2009, les dépositions de cinq policiers qui avaient arrêté les requérants furent recueillies par d’autres policiers. Ceuxci expliquèrent qu’une quinzaine de manifestants, dont les requérants, avaient jeté des pierres sur eux et leur véhicule, qu’une course-poursuite à pied avait alors eu lieu entre ces manifestants et les policiers, et qu’ils avaient dû faire usage de la force – toutefois de manière proportionnelle – à l’encontre des requérants car ceux-ci s’étaient opposés à leur arrestation. Selon le procès-verbal du même jour, alors qu’il avait été arrêté et se trouvait parmi les policiers, M. Ertunç avait été blessé à la tête par les pierres lancées par les manifestants. Les requérants furent ensuite transférés à un poste de police spécial pour mineurs et furent interrogés en présence d’un avocat commis d’office. Au cours des interrogatoires, les requérants nièrent les allégations d’attaque envers les policiers. MM. İşik et Ertunç déclarèrent avoir été maltraités par la police durant et après leur arrestation. Le 7 décembre 2009, le procureur recueillit la déposition des requérants accusés de soutien à une organisation terroriste et résistance aux forces de l’ordre. Les requérants nièrent ces accusations. M. Ertunç affirma aussi avoir été frappé par les policiers à la tête quand il avait été placé à l’intérieur de leur véhicule. M. İşik affirma avoir été menotté et frappé. Le même jour, le tribunal d’instance pénal interrogea les requérants et ordonna leur placement en détention provisoire. Le 11 décembre 2009, l’avocat des requérants introduisit une plainte contre les policiers pour mauvais traitements, et contre les médecins pour ne pas avoir procédé aux examens médicaux de manière appropriée. Le 9 février 2010, le procureur rendit un non-lieu concernant cette plainte. Il indiqua dans sa décision que M. İşik n’avait subi aucune blessure et que les blessures constatées sur les corps des deux autres requérants étaient de nature à être traitées par de simples interventions médicales, tel qu’indiqué par les rapports médicaux. Le procureur estima aussi que les blessures auraient pu être occasionnées tant lors des arrestations, durant lesquelles la police était autorisée à avoir recours à une force proportionnelle, que lors de la manifestation. Puis il fit référence au procès-verbal d’arrestation qui indiquait que M. Ertunç avait été touché à la tête par une pierre jetée par les manifestants. Le 8 mars 2010, la cour d’assises de Van rejeta sur dossier l’opposition formée par les requérants. Un certain E.A. arrêté le même jour avec les requérants dénonça lors de sa déposition les noms de plusieurs personnes qui auraient organisé ou forcé les jeunes à attaquer les policiers. Une enquête fut initiée à cet égard. Plusieurs correspondances furent découvertes entre les requérants et certaines personnes qui auraient orchestrés les événements. Le jour des manifestations la police saisit sur les lieux, des bouteilles, du carburant et des allumeurs, autant de matériels pour la fabrication de cocktails molotov, ainsi que des masques pour couvrir le visage. Le procureur se référa à ces éléments, ainsi qu’aux enregistrements visuels des faits versés au dossier pour introduire son acte d’accusation. Le 18 février 2010, la cour d’assises de Van condamna les requérants à quatre ans et deux mois d’emprisonnement pour soutien à une organisation terroriste et résistance aux forces de l’ordre. Elle ordonna toutefois leur libération au vu de leur jeune âge et de la durée qu’ils avaient passé en détention provisoire. Le 6 juin 2012, la Cour de cassation infirma ce jugement pour un vice de procédure. Selon les dernières informations figurant dans le dossier, l’affaire était pendante devant le tribunal d’instance pénal de Hakkari.
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LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1990 et réside à SaintPétersbourg. A. Les poursuites pénales dirigées à l’encontre du requérant, la détention provisoire de celui-ci et sa condamnation pour meurtre et vol aggravé Les poursuites pénales dirigées à l’encontre du requérant et la détention provisoire de celui-ci Le 27 février 2007, I., un enfant âgé de 11 ans, fut retrouvé assassiné à son domicile. La victime résidait avec sa famille dans le même immeuble que le requérant. Le 28 février 2007, la police arrêta le requérant, alors âgé de 17 ans, ainsi que S., une autre personne du même âge. Elle les soupçonnait d’avoir tué I. et d’avoir commis un vol aggravé des biens appartenant à la famille de la victime. Le 2 mars 2007, le requérant fut placé à la maison d’arrêt no IZ47/1 de la ville de SaintPétersbourg, où il fut détenu avec d’autres mineurs. Pendant les dix mois qui suivirent l’arrestation du requérant, sa détention provisoire fut prolongée à plusieurs reprises sans que l’intéressé fît appel de ces décisions. Au stade de l’instruction préliminaire, le requérant avait reconnu une partie des faits incriminés. Il avait notamment avoué avoir planifié et commis avec S. le vol à main armée au domicile de I. Il niait toutefois son implication dans le meurtre de I., soutenant que l’auteur en était S. Le 17 décembre 2007, à l’issue de l’instruction préliminaire, les autorités de poursuite dressèrent l’acte d’accusation à l’encontre du requérant et de S., et l’affaire pénale fut transmise pour jugement. a) La décision du 21 décembre 2007 et son maintien par l’instance d’appel Par une décision du 21 décembre 2007, le tribunal de l’arrondissement Petrodvoretski de la ville de Saint-Pétersbourg reconduisit la détention provisoire du requérant jusqu’au 18 janvier 2008. Le tribunal se fondait sur les éléments suivants : – la gravité des charges portées à l’encontre du requérant ; – les caractéristiques négatives relatives au comportement du requérant avant l’incarcération : l’intéressé était décrit comme une personne agressive envers les autres, participant à des rixes, ne travaillant pas et ne poursuivant pas d’études ; – les caractéristiques négatives provenant de l’administration des établissements pénitentiaires dans lesquels le requérant était détenu concernant, notamment, la participation alléguée de l’intéressé à une mutinerie dans la maison d’arrêt no IZ–47/1 (voir, à ce sujet, les paragraphes 5354 cidessous), et son placement dans une cellule disciplinaire dans la maison d’arrêt no IZ–47/2 pour détention d’un objet interdit (voir, à ce sujet, le paragraphe 43 ci-dessous). Eu égard à ces éléments, le tribunal considéra qu’il existait des raisons de croire que, une fois remis en liberté et nonobstant son jeune âge, le requérant risquait de poursuivre une activité criminelle, de menacer des témoins ou d’entraver d’une autre manière le cours de la justice. Le requérant, assisté d’un avocat commis d’office, Me Ya., ne voulut pas se prononcer sur la question de son maintien en détention. En revanche, la mère du requérant, agissant en tant que sa représentante légale, s’opposa à la reconduction de la détention provisoire de son fils et demanda qu’on remplaçât cette mesure par une mesure de placement sous la surveillance d’un représentant légal, comme l’aurait prévu l’article 105 du code de procédure pénale (CPP). Le tribunal rejeta cette demande, estimant que la mère de l’intéressé n’était pas en mesure d’assurer le contrôle de son fils. Le tribunal jugea enfin que la paternité récente du requérant lui-même était sans incidence sur la question de la reconduction de la mesure provisoire. Le 29 décembre 2007, le requérant interjeta appel contre cette décision, invoquant, entre autres, l’article 5 § 3 de la Convention. Le 17 janvier 2008, son mémoire d’appel fut transmis de la maison d’arrêt au tribunal de l’arrondissement Petrodvoretski. Le 11 février 2008, le procureur soumit ses observations sur le mémoire d’appel du requérant et, le 13 février 2008, le dossier fut transmis au tribunal de la ville de Saint-Pétersbourg pour examen au fond. Le 12 mars 2008, le tribunal de la ville de Saint-Pétersbourg, faisant siennes les conclusions du tribunal de première instance, rejeta l’appel du requérant. b) La décision du 29 décembre 2007 et son maintien par l’instance d’appel Par une décision du 29 décembre 2007, le tribunal de la ville de SaintPétersbourg, siégeant en une formation de juge unique et statuant en l’absence des parties, fit droit à la demande du coaccusé du requérant visant à la tenue d’une audience préliminaire en l’affaire pénale, qu’il fixa au 10 janvier 2008. Le dispositif de cette décision se lisait notamment comme suit : « La mesure préventive prise à l’égard de M. Tkachuk et de [son coaccusé] est à maintenir sans changement – [à savoir prolonger] la détention provisoire. » Le 11 janvier 2008, le requérant reçut une copie de la décision du 29 décembre 2007. Les 22 et 23 janvier 2008, il interjeta appel de ladite décision, indiquant, entre autres, qu’elle avait été prise en son absence et sans qu’il eût eu l’occasion de présenter ses arguments sur son maintien en détention provisoire. Le 28 janvier 2008, le procureur remit ses observations en réplique. À une date non spécifiée dans le dossier, l’appel du requérant et les observations du procureur furent transmis à l’instance d’appel pour examen au fond. Le 31 mars 2008, la Cour suprême de la Fédération de Russie (« la Cour suprême ») rejeta l’appel du requérant. Elle indiqua que, en adoptant la décision du 29 décembre 2007, le juge de première instance n’avait fait que confirmer l’existence d’une mesure provisoire qui aurait été reconduite antérieurement à l’égard du requérant jusqu’au 18 janvier 2008. c) La décision du 18 janvier 2008 et son maintien par l’instance d’appel Le 10 janvier 2008, le requérant demanda le tribunal de remplacer Me Ya., l’avocat commis d’office, par Me Belinskaya, l’avocate de son choix. Lors de l’audience du 18 janvier 2008, le tribunal accueillit la demande du requérant. Lors de la même audience, le tribunal invita les parties à la procédure à se prononcer sur le maintien du requérant et de son coaccusé en détention provisoire. Le requérant et son avocate ne voulurent pas se prononcer sur la question et laissèrent la décision à la discrétion du juge. Par une décision du 18 janvier 2008, le tribunal de la ville de SaintPétersbourg reconduisit à nouveau la détention provisoire du requérant. Il reprit le raisonnement suivi dans la décision du 21 décembre 2007 par le tribunal de l’arrondissement Petrodvoretski en ce qui concerne la gravité des charges portées à l’encontre du requérant et la personnalité de ce dernier. Il indiqua en outre que la phase d’audience préliminaire n’était pas encore terminée en raison de la nécessité d’examiner des demandes introduites par la défense. Le 28 janvier 2008, le requérant interjeta appel contre cette décision. Invoquant l’article 5 § 3 de la Convention et la jurisprudence de la Cour y relative, il soutenait que la gravité des charges dirigées contre lui n’était pas suffisante pour que sa détention fût prorogée. Il contestait les motifs retenus par le tribunal de première instance à cet égard, arguant, entre autres, qu’il avait occupé un emploi stable jusqu’au mois de janvier 2007 et qu’au moment de son arrestation il était à la recherche d’un emploi, qu’il avait de bonnes appréciations de son employeur précédent et qu’il n’avait pas été inscrit par la police sur le registre des délinquants. Il reprochait enfin au tribunal de ne pas avoir examiné la possibilité de choisir une autre mesure préventive parmi celles qui auraient été prévues par le CPP. Le 11 février 2008, le procureur soumit ses observations en réplique. À une date non spécifiée dans le dossier, l’appel du requérant et les observations du procureur furent transmis à l’instance d’appel pour examen au fond. Le 31 mars 2008, la Cour suprême rejeta l’appel du requérant. Elle nota que, lors de l’audience du 18 janvier 2008, le requérant, assisté par son avocate, avait retiré sa demande de remise en liberté et laissé la question de son maintien en détention provisoire à la discrétion du juge. Elle fit par ailleurs siennes les conclusions du juge de première instance quant à la nécessité de reconduire la mesure de détention provisoire du requérant. d) La décision du 4 février 2008 et son maintien par l’instance d’appel Lors de l’audience du 1er février 2008, le tribunal invita les parties à la procédure à se prononcer sur le maintien du requérant et de son coaccusé en détention provisoire. Le requérant et son avocate ne voulurent pas se prononcer sur la question et laissèrent la décision à la discrétion du juge. Le 4 février 2008, le tribunal de la ville de SaintPétersbourg, se prononçant sur diverses demandes procédurales du requérant et de son coaccusé, ordonna le maintien des intéressés en détention provisoire. Il indiquait qu’ils étaient accusés d’infractions particulièrement graves, que les circonstances ayant servi de fondement à leur placement en détention n’avaient pas changé et qu’eux-mêmes risquaient de persister dans leur activité criminelle. Le 12 février 2008, le requérant interjeta appel contre cette décision. Il réitérait ses arguments quant à l’absence de motifs suffisants pour justifier son maintien en détention et indiquait en outre que la décision litigieuse était « collective » dans le sens où elle aurait visé à la fois lui-même et son coaccusé. Le 31 mars 2008, la Cour suprême rejeta l’appel du requérant. Elle nota que, lors de l’audience du 4 janvier 2008, le requérant, assisté par un avocat de son choix, avait laissé la question de son maintien en détention provisoire à la discrétion du juge. S’agissant de la durée de la détention, elle indiqua que, conformément à l’article 255 du CPP, cette durée ne pouvait normalement excéder six mois. Elle fit par ailleurs siennes les conclusions du juge de première instance quant à la nécessité de reconduire la mesure de détention provisoire du requérant. e) La décision du 17 mars 2008 et son annulation par l’instance d’appel Le 17 mars 2008, le tribunal de la ville de SaintPétersbourg décida de reporter l’audience en raison de la non-comparution des avocats du coaccusé, et elle ordonna en même temps le maintien de ce dernier et du requérant en détention provisoire sans indiquer la durée de la mesure ni les motifs la sous-tendant. Le 25 mars 2008, le requérant interjeta appel contre cette décision, alléguant, entre autres, qu’il n’avait pas eu l’occasion de présenter ses arguments sur la question de son maintien en détention provisoire et que la décision litigieuse était « collective ». Le 12 mai 2008, la Cour suprême annula la décision du 17 mars 2008. Elle présenta cependant des motifs différents de ceux soulevés par le requérant dans son appel. Elle considéra que le délai de six mois prévu par l’article 255 du CPP n’avait pas expiré à la date de l’adoption de la décision litigieuse et qu’il n’y avait pas lieu pour le juge de se prononcer sur le maintien de la mesure préventive à l’égard du requérant dès lors que cette mesure aurait été dûment reconduite par les décisions du 21 décembre 2007 et des 18 janvier et 4 février 2008. Le requérant et le procureur ne furent pas présents à l’audience du 12 mai 2008. Le procès pénal et la condamnation du requérant Le 18 février 2008, le requérant demanda au juge président à ne pas être placé derrière une grille en métal au motif qu’un tel placement constituait une violation de son droit à la présomption d’innocence et qu’il risquait d’influencer le jury. Le 4 mars 2008, le juge rejeta cette demande en invoquant l’application des normes de sécurité en vigueur. Dans le discours d’ouverture du procès qu’il tint devant les jurés le 4 mars 2008, le juge président indiqua, entre autres, que les accusés bénéficiaient de la présomption d’innocence. Dans ses instructions au jury du 15 mai 2008, le juge président réitéra ce principe et indiqua, en outre, que le placement du requérant derrière une grille en métal dans le prétoire ne devait pas être perçu par les jurés comme une démonstration de la culpabilité de l’intéressé. Au cours du procès, le requérant réitéra sa position selon laquelle, le 27 février 2007, S. et lui-même avaient pénétré dans le domicile de I. et menacé l’enfant avec un couteau pour voler des biens se trouvant dans le logement. Il nia toutefois toute implication dans le meurtre de I., alléguant que c’était S. qui l’avait perpétré. À la fin du procès, le jury estima prouvé que le requérant et S. avaient commis ensemble un vol à main armée ainsi que le meurtre prémédité de I., à qui ils auraient tous deux porté des coups de couteau. Par un jugement du 25 mai 2008, le tribunal de la ville de SaintPétersbourg, se basant sur le verdict du jury, condamna le requérant à neuf ans d’emprisonnement. Le tribunal qualifia les actes du requérant d’assassinat commis en groupe organisé sur une personne en état de vulnérabilité (article 105 § 2, alinéas 3, 6 et 7, du code pénal (CP)) et de vol à main armée (article 162 § 4, alinéa 3, du CP). Saisie en appel, la Cour suprême confirma ce jugement par un arrêt du 14 août 2008. Le 6 octobre 2010, le présidium de la Cour suprême, statuant en instance de révision, annula l’arrêt du 14 août 2008 au motif que le requérant n’avait pas été assisté par un avocat lors de l’audience tenue à cette dernière date et il renvoya l’affaire devant la Cour suprême pour un nouvel examen d’appel. Le 8 décembre 2010, la Cour suprême débouta le requérant de son appel et entérina l’arrêt du 25 mai 2008. B. Les mauvais traitements allégués et la vérification menée sur ces allégations Le 21 septembre 2007, à la suite de la mutinerie de détenus dans la maison d’arrêt no IZ47/1 (voir, à ce sujet, les paragraphes 5354 cidessous), le requérant fut transféré à la maison d’arrêt no IZ47/2 de la ville de Tikhvine (région de Saint-Pétersbourg). Il soutient qu’il n’a pas été examiné par un médecin à son arrivée dans cet établissement. Il soutient en outre que, pendant son séjour à la maison d’arrêt no IZ47/2 de la ville de Tikhvine, il a été régulièrement battu par des gardiens de cet établissement. Le 12 octobre 2007, le requérant fut placé dans une cellule disciplinaire pour détention d’un objet interdit. Le 17 octobre 2007, il fut renvoyé à la maison d’arrêt no IZ47/1 de la ville de SaintPétersbourg. Il soutient qu’il n’a pas été examiné par un médecin à son arrivée dans cet établissement et que, le même jour, il a été forcé de signer une demande de placement en isolement. Le 29 octobre 2007, la mère du requérant aurait demandé à l’administration de la maison d’arrêt no IZ47/1 de mettre fin à la détention de son fils en isolement en raison des mauvaises conditions de détention qui auraient découlé d’un tel régime. Le 2 novembre 2007, elle adressa une lettre au service du procureur de la ville de SaintPétersbourg. Elle y décrivait les lésions qu’elle aurait constatées sur son fils lors de sa visite du 30 octobre 2007 et y relatait les mauvais traitements que celui-ci aurait subis pendant sa détention. Elle se plaignait également de la détention de son fils en isolement ainsi que de ses mauvaises conditions matérielles de détention. Par une lettre du 3 décembre 2007, le procureur de la ville de SaintPétersbourg informa la mère du requérant qu’aucune violation des droits de son fils n’avait été constatée lors du contrôle effectué par son service. Il se référa, en particulier, aux résultats de la visite d’un représentant de son service à la maison d’arrêt no IZ47/1 qui aurait eu lieu le 30 novembre 2007 et au cours de laquelle le requérant n’aurait présenté aucune plainte. Par des lettres du 24 décembre 2007 et du 30 avril 2008, le service du procureur réitéra ses conclusions quant à l’absence de violation des droits du requérant. Notamment, dans sa lettre du 24 décembre 2007, le procureur indiqua que le requérant avait été détenu en isolement à la suite de sa propre demande du 17 octobre 2007 à l’administration de la maison d’arrêt no IZ47/1. L’avocate du requérant contesta en justice les réponses susmentionnées du service du procureur. Elle reprocha notamment au procureur de n’avoir pris aucune mesure d’instruction pour établir les faits et d’avoir omis de prendre une décision formelle de refus d’ouvrir une instruction pénale comme le prévoyait selon elle le CPP. Par une décision du 14 juillet 2008, le tribunal de l’arrondissement Kalininski de la ville de SaintPétersbourg rejeta la contestation. Le 1er octobre 2008, le tribunal de la ville de SaintPétersbourg confirma cette décision en appel. C. La condamnation du requérant pour mutinerie Auparavant, le 20 septembre 2007, certains détenus mineurs de la maison d’arrêt no IZ47/1, dont le requérant, avaient refusé d’obtempérer aux ordres de gardiens. À une date non spécifiée dans le dossier, le requérant fut poursuivi pour mutinerie, infraction réprimée par l’article 321 § 2 du CP. Notamment, eu égard aux évènements du 20 septembre 2007 dans la maison d’arrêt no IZ47/1, il fut accusé de refus d’obtempérer aux ordres et de voies de fait à l’égard d’un gardien n’ayant pas entraîné de dommage pour la santé de ce dernier. Par un jugement du 21 octobre 2008, le tribunal de l’arrondissement Kalininski de la ville de SaintPétersbourg reconnut le requérant coupable de tous les chefs d’accusation et le condamna à une peine d’emprisonnement de deux ans. D. Les conditions de détention du requérant dans les maisons d’arrêt et au tribunal de la ville de SaintPétersbourg, ainsi que les conditions de transfert de l’intéressé vers et depuis ledit tribunal La version du requérant Le requérant relate ses conditions de détention et de transfert comme suit. Du 17 octobre 2007 au 4 avril 2008, il a été détenu à la maison d’arrêt no IZ–47/1 de la ville de SaintPétersbourg. Il a occupé, en régime d’isolement, les cellules nos 127, 128 et 130 de la section no 2/1. Les cellules étaient délabrées et infestées de rongeurs. La section no 2/1 servait à la détention des personnes condamnées à la réclusion à perpétuité. Il s’est vu appliquer le même régime que les détenus majeurs : il ne se déplaçait que menotté et accompagné de gardiens. Du 4 avril 2008 au 5 mars 2009, il a été détenu à la maison d’arrêt no IZ–47/4 de la ville de SaintPétersbourg, dans les cellules nos 162, 169 et 177, qui auraient été surpeuplées. Les toilettes étaient dépourvues de porte, ce qui aurait exclu toute intimité. Les détenus ne bénéficiaient que de deux heures de promenade quotidienne et de quinze minutes de douche par semaine. Les jours des audiences relatives au procès pénal dont il était l’objet, il était d’abord placé dans une « cellule de rassemblement », puis, après une longue attente, il était transféré au tribunal dans un fourgon cellulaire. Les fourgons n’étaient pourvus ni de fenêtres ni de système de ventilation, et la superficie de leurs compartiments ne dépassait pas 1 m². Il était placé seul ou avec un autre détenu dans un de ces compartiments, et le nombre de détenus de chaque transfert excédait toujours la capacité des fourgons. Une fois arrivé au tribunal de la ville de SaintPétersbourg, il était placé dans une cellule temporaire qui aurait été dépourvue de fenêtres, de toilettes et de point d’eau. Il y était reconduit à chaque pause d’audience. De plus, il ne pouvait pas prendre de repas. Par ailleurs, il était systématiquement menotté lors de son transfert dans les fourgons et lors de ses déplacements à l’intérieur du tribunal. Certains jours, il a passé jusqu’à douze heures avec les menottes aux poignets. Dans une lettre du 1er novembre 2008, le service du procureur a informé la mère du requérant que l’utilisation des menottes à l’encontre de son fils était motivée par les tendances suicidaires de celuici, ainsi que par le souci de prévenir toute tentative de fuite dès lors qu’il se serait montré enclin à l’insubordination et à l’incitation à l’insubordination. Au cours des audiences de première instance, il était placé dans une cage dont les parois auraient été constituées de barreaux métalliques et dans laquelle il n’y aurait eu qu’un banc pour s’asseoir. Des policiers armés étaient en faction à côté de la cage et une zone de sécurité dans laquelle personne n’aurait été admis à entrer avait été délimitée autour de la cage. Son avocate ne pouvait communiquer avec lui qu’avec la permission d’un policier de garde et toujours en présence de celui-ci. Enfin, il avait également été placé dans une cage métallique au cours de l’audience en appel du 14 août 2008. La version du Gouvernement Le Gouvernement indique que, du 17 octobre 2007 au 4 mars 2008, le requérant a été détenu à la maison d’arrêt no IZ–47/1 de la ville de SaintPétersbourg et, du 4 mars 2008 au 5 mars 2009, à la maison d’arrêt no IZ–47/4 de la ville de SaintPétersbourg. S’agissant des conditions de détention dans la maison d’arrêt no IZ47/1, il expose que le requérant a été détenu dans les cellules nos 130, 52 et 127, qui auraient mesuré 8 m² et compté chacune deux lits. Il ajoute que, contrairement à l’allégation du requérant, celui-ci n’a pas été détenu seul dans les cellules, mais qu’il a partagé celles-ci avec au moins un autre détenu. Il indique encore que le requérant était séparé des détenus adultes, qu’il disposait de linge de lit et de couverts, et qu’il bénéficiait de deux heures quotidiennes de promenade en plein air séparément des détenus adultes. S’agissant des conditions de détention dans la maison d’arrêt no IZ47/4, le Gouvernement indique que le requérant était détenu dans des cellules dont la superficie aurait été conforme aux standards internationaux et qui auraient été équipées de tout le matériel et de toutes les commodités nécessaires : lit, lavabo, table, etc. Le requérant aurait également bénéficié d’une promenade en plein air, il aurait été suivi par des médecins, notamment des psychologues, et il aurait reçu sans restriction la visite d’avocats et de proches. À l’appui de ses déclarations, le Gouvernement soumet diverses attestations délivrées à cet effet les 21 et 22 juin 2016 par les administrations des maisons d’arrêt concernées ainsi que des copies – de mauvaise qualité – de certaines pages de la fiche carcérale du requérant, mentionnant les numéros des cellules que l’intéressé aurait occupées, les dates auxquelles il y aurait été placé ainsi que le matériel et les vêtements qui auraient été mis à sa disposition. Le Gouvernement produit également des copies de certaines pages de la fiche médicale de l’intéressé. S’agissant des conditions de transfert vers et depuis le tribunal de la ville de SaintPétersbourg, le Gouvernement indique que le requérant a effectué vingt-quatre fois le trajet. Il expose qu’il ne lui est pas possible de fournir la documentation relative aux conditions de transfert au motif que les registres de transport relatifs à la période concernée ont été détruits à l’expiration du délai de conservation de cinq ans. Il ajoute qu’il ne saurait être tiré une conclusion défavorable du fait de la destruction des registres en question. Il confirme par ailleurs que le requérant était menotté lors de son transfert, mais il soutient que cette mesure était nécessaire en raison de tendances suicidaires du requérant et de la nécessité de prévenir toute tentative de fuite ou d’insubordination. S’agissant des conditions de détention du requérant dans l’enceinte du tribunal de la ville de SaintPétersbourg, le Gouvernement indique qu’il y avait dix cellules dont la superficie totale était de 37 m² et que les détenus en transit devaient disposer d’au moins 3 m² d’espace personnel. Il ajoute que les détenus ne s’y trouvaient pas tous simultanément puisqu’ils auraient participé à tour de rôle aux audiences judiciaires. Il soutient en outre que les cellules étaient ventilées et que les détenus pouvaient se rendre aux toilettes à la demande. Enfin, s’agissant des conditions de détention du requérant dans le prétoire, le Gouvernement indique que le requérant y était placé derrière une grille de protection en métal et qu’il pouvait s’asseoir sur un banc.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1991 et réside à Bistriţa. Depuis son jeune âge, le requérant souffrait de troubles psychiques et était suivi à l’hôpital départemental de Bistriţa, dans le service des maladies psychiques. À l’époque des faits, il était élève dans un lycée de Bistriţa. Le 18 janvier 2011, un vol avec violence eut lieu près du domicile du requérant. Une enquête pénale fut alors ouverte contre celui-ci par la police et un mandat de perquisition fut délivré à son nom. A. L’interrogatoire du requérant le 21 janvier 2011 Le 21 janvier 2011, un certain C.P.O., qui, aux dires du Gouvernement, s’était déplacé au poste de police pour y récupérer des documents, fut invité par les policiers à participer en tant que témoin certificateur (martor asistent) à la perquisition qui devait se dérouler au domicile du requérant (paragraphe 6 ci-dessus), ce qu’il accepta. Le même jour, deux policiers de l’inspection de la police de BistriţaNăsăud interpellèrent le requérant pendant les heures de cours à son lycée et le conduisirent à son domicile, au motif qu’un mandat de perquisition avait été délivré à son nom. La perquisition fut réalisée par les policiers M.S., S.S. et H.F. de 9 h 50 à 11 h 10, en présence du requérant, de ses parents et des témoins certificateurs C.P.O. et S.A.I. Un procès-verbal de perquisition fut dressé de 11 h 45 à 11 h 50 ; aucune mention n’y fut inscrite quant à l’état physique du requérant. À la fin de la perquisition, les policiers demandèrent au requérant de les accompagner au poste de police pour qu’il y fît une déclaration. Aux dires du requérant, sa mère a informé les policiers qu’il souffrait de troubles psychiques et elle leur a demandé de ne pas le frapper. Les versions des parties divergent sur la manière dont l’interrogatoire du requérant s’est déroulé au poste de police. La version du requérant Le requérant indique que, à son arrivée au poste de police, vers 12 heures, il a été interrogé sur le vol avec violence dont il était accusé par le policier M.N. en présence d’autres policiers, parmi lesquels M.S. et S.S., et du témoin certificateur C.P.O, qu’il a nié les faits reprochés, et qu’il a informé le policier M.N. qu’à la date de l’accomplissement de l’infraction reprochée il se trouvait dans un autre endroit en compagnie d’un ami. Le requérant ajoute que le policier M.S. a commencé à le frapper afin de lui faire avouer le vol avec violence. Cet agent l’aurait brutalisé par séquences successives de trois-quatre minutes pendant environ deux heures : il l’aurait giflé au niveau des oreilles, l’aurait frappé avec un bâton ressemblant à une batte de baseball sur les paumes des mains et lui aurait asséné des coups de poing et de pied sur le corps. En raison des fortes douleurs et de la peur ressenties lors de cet épisode, le requérant aurait fini par faire ses besoins sur lui. Le requérant dit aussi que, au cours de cet incident, il a demandé de l’aide aux autres policiers présents dans la pièce. Ces derniers auraient refusé d’intervenir et le policier S.S. lui aurait répondu : « Tu vois ce qui t’arrive si tu n’avoues pas : tu as des problèmes [dai de nașpa] ! » La version du Gouvernement Le Gouvernement indique qu’aucun acte de violence n’a été exercé sur le requérant lors de son interrogatoire. Il expose que celui-ci a été questionné d’abord par le policier S.S. et par la suite par le policier M.S. Le chef du département de la police, M.I., aurait été présent par intermittence lors de cet interrogatoire. Quant au témoin C.P.O., le Gouvernement dit qu’il attendait de participer à deux autres actes d’enquête organisés par la police dans l’affaire et qu’il était présent dans la pièce tout au long de l’interrogatoire du requérant. B. La réalisation d’autres actes d’enquête dans l’affaire du requérant Toujours le 21 janvier 2011, à la suite de l’interrogatoire du requérant, vers 15 h 30 aux dires de ce dernier ou vers 16 heures, la police organisa une parade d’identification avec un groupe de personnes dont l’intéressé faisait partie. C.P.O., A.M.N., S.A.I. et C.C.I., qui ne connaissaient pas le requérant et n’étaient pas des policiers, observèrent le déroulement de cette parade en tant que témoins certificateurs. Cet acte fit l’objet d’un enregistrement vidéo. Vers 16 h 30, le requérant put quitter le poste de police. Il ne ressort pas du dossier que son départ du poste de police ou son état de santé à ce moment-là ont été consignés dans un quelconque document officiel. Après être rentré chez lui, le requérant, qui se sentait mal, fut amené par ses parents au service des urgences de l’hôpital départemental (paragraphes 21 et 22 ci-dessous) Dans la soirée du 21 janvier 2011, alors qu’il se trouvait au service des urgences de l’hôpital (paragraphe 22 ci-dessous), le requérant fut convoqué au poste de police pour une confrontation avec un témoin oculaire. Le père du requérant mandata l’avocat R.S. pour défendre son fils dans l’enquête pénale pour vol avec violence menée à l’encontre de celui-ci et pour déposer une plainte pénale contre le policier M.S. Aux dires du requérant, cet avocat a constaté qu’il avait été agressé physiquement et il lui a conseillé de ne pas déposer une plainte pénale contre le policier M.S. le soir même pour ne pas inciter les policiers, de par sa plainte, à fabriquer de fausses preuves à charge. Ils auraient décidé ensemble d’attendre quelques jours avant de déposer la plainte pénale contre le policier M.S. Le requérant se présenta au poste de police accompagné de l’avocat R.S. et de son père. Entendu par le policier L.P. de 21 heures à 22 h 15, il nia les faits reprochés. Il fut ensuite confronté à M.G. Il maintint sa position et continua à nier les faits reprochés. Le requérant ne mentionna pas au cours de cette audition qu’il avait été maltraité par les enquêteurs lors de son interrogatoire mené quelques heures plus tôt. C. Les examens médicaux du requérant Après avoir quitté le poste de police dans l’après-midi du 21 janvier 2011 (paragraphe 16 ci-dessus), le requérant arriva chez lui à 17 heures. Il appela un ami, qui prit des photographies de ses mains, qui étaient enflées, et de ses vêtements, qui étaient souillés. Étant donné qu’il avait le visage rouge et les paumes des mains enflées, qu’il n’entendait plus d’une oreille et qu’il se sentait mal, ses parents le conduisirent au service des urgences de l’hôpital départemental. Le médecin C.H. examina le requérant à 18 h 38. Dans le certificat médical (fisa medicala) établi à la suite de l’examen, le médecin nota que le requérant déclarait avoir fait l’objet d’une agression, et qu’il présentait des douleurs au niveau de l’abdomen, des deux mains et de l’oreille droite. Il nota également que les lésions avaient pu être causées huit heures avant l’examen médical. Un examen d’oto-rhino-laryngologie (ORL) fut recommandé au requérant. Étant donné que le 21 janvier 2011 était un vendredi et que le soir le service de médecine légale était déjà fermé, le requérant ne put se soumettre à un examen médicolégal ce jour-là, et il décida de passer celui-ci le lundi suivant. Le 22 janvier 2011, le requérant fut examiné à l’hôpital ORL de Cluj, où un diagnostic de perforation du tympan fut posé. Le 24 janvier 2011, le requérant se rendit au service de médecine légale, où il fut examiné. Le certificat médicolégal établi à cette occasion indiquait ce qui suit : « 1. Les deux éminences thénars sont modérément tuméfiées, avec des ecchymoses de couleur violacée ; du côté droit l’ecchymose est de forme allongée, avec un centre pâle. Région rétro-auriculaire gauche, ecchymose pâle [de couleur] violacée de 3/3 cm. Au niveau postérieur du pavillon de l’oreille droite, à 1/3 supérieur, ecchymose pâle [de couleur] violacée de 3/2 cm, et [au niveau de la région] rétro-auriculaire, [ecchymose] de 2/2 cm. Au niveau latéral du bras gauche, à 1/3 moyen, tuméfaction pâle [de couleur] violacée de 4/3 cm. [Le patient se plaint de] douleurs au niveau de l’abdomen. » Le certificat médicolégal concluait que : « 1. [Le patient] (...) présente des lésions qui ont pu être causées par des coups [portés] à l’aide d’un objet dur de forme allongée ; Les lésions traumatiques nécessitent de 8 à 9 (huit-neuf) jours de soins médicaux ; Les lésions traumatiques peuvent dater du 21 janvier 2011. » D. L’enquête pénale pour vol avec violence menée contre le requérant Des poursuites pénales furent entamées contre le requérant du chef de vol avec violence. Par une ordonnance du 10 décembre 2012, le parquet près le tribunal de première instance de Bistriţa rendit un non-lieu en faveur du requérant, au motif que, d’après les preuves produites dans l’affaire, ce dernier n’avait pas commis les faits reprochés. Il ressort du dossier que ce nonlieu est devenu définitif. E. La plainte pénale du requérant contre le policier M.S. Le 10 février 2011, le requérant saisit le parquet près le tribunal départemental de Bistriţa-Năsăud (« le parquet ») d’une plainte pénale contre le policier M.S., qu’il accusait de torture. Plus particulièrement, il reprochait à cet agent de lui avoir infligé des mauvais traitements et de l’avoir torturé lors de son interrogatoire du 21 janvier 2011, en profitant, à ses dires, de son jeune âge et de ses faiblesses psychologiques, afin de lui faire avouer une infraction qu’il disait ne pas avoir commise. Le parquet interrogea le requérant, l’agent M.S. et les autres policiers présents lors de l’interrogatoire du 21 janvier 2011, ainsi que le témoin C.P.O. Les policiers nièrent les allégations de mauvais traitements. Ils déclarèrent que, lors de son interrogatoire, le requérant tremblait et était incohérent dans sa présentation, et que son comportement leur avait par conséquent fait penser qu’il avait consommé des substances narcotiques. Le témoin certificateur C.P.O. déclara que le requérant n’avait pas été agressé par les policiers. Les policiers et C.P.O. refusèrent d’être confrontés au requérant. À la demande du requérant, le parquet interrogea également des personnes que celui-ci avait rencontrées sur le chemin du retour à son domicile. Ces témoins déclarèrent que l’intéressé présentait des traces d’agression et que, ayant fait ses besoins sur lui, il sentait très mauvais. Le 31 mai 2011, le parquet rendit un non-lieu en faveur de M.S., au motif qu’il ne ressortait pas des preuves directes que le requérant avait été agressé au poste de police. Par un jugement définitif du 2 novembre 2011, sur recours du requérant, le tribunal départemental de Bistriţa-Năsăud (« le tribunal départemental ») renvoya l’affaire au parquet aux fins de reprise de l’enquête et d’ouverture de poursuites pénales contre M.S. Il indiqua au parquet qu’il lui incombait de confronter le requérant avec les policiers présents lors de l’interrogatoire et avec le témoin C.P.O., d’interroger les camarades de lycée du requérant pour établir si ce dernier présentait déjà des traces d’agression lors de son interpellation par les policiers, et de procéder à une reconstitution quant au trajet effectué par l’intéressé du poste de police jusqu’à son domicile pour vérifier si celui-ci avait pu être blessé après son départ du poste de police. De plus, le tribunal départemental indiqua qu’il serait utile de clarifier les conclusions des certificats médicaux concernant le requérant, et ce d’autant plus que, selon les heures indiquées dans ces documents, l’intéressé avait été blessé huit heures avant son examen médical, soit pendant la réalisation de la perquisition. Il demanda également au parquet de vérifier les conversations téléphoniques du père du requérant dans la soirée du 21 janvier 2011. Le parquet reprit l’enquête pénale. Il interrogea le requérant et les policiers, qui tous maintinrent leurs déclarations antérieures. Les policiers indiquèrent que ni le requérant ni son avocat ne leur avaient reproché lors de l’audition organisée dans la soirée du 21 janvier 2011 (paragraphe 20 cidessus) d’avoir agressé l’intéressé. Ils déclarèrent que la plainte du requérant constituait un acte d’intimidation à leur encontre, motivé, selon eux, par le fait qu’ils étaient chargés d’effectuer l’enquête pour l’infraction de vol avec violence reprochée à l’intéressé (paragraphe 27 ci-dessus). Le 17 mai 2012, le médecin C.H. déclara avoir examiné le requérant lors de son arrivée à l’hôpital (paragraphe 22 ci-dessus). Il indiqua que les mentions concernant l’agression avaient été faites sur déclaration de l’intéressé et qu’il avait constaté et soigné les blessures de ce dernier. Le procureur chargé de l’enquête visionna l’enregistrement de la parade d’identification réalisée le 21 janvier 2011 (paragraphe 15 cidessus) et nota qu’aucun acte d’agression n’était visible sur la personne du requérant. A.M.N., S.A.I. et C.C.I., témoins certificateurs de cette parade, furent interrogés et déclarèrent qu’ils n’avaient pas remarqué l’existence de traces d’agression sur la personne du requérant. Par une décision du 28 juin 2012, le parquet rendit un non-lieu en faveur de M.S., au motif qu’il ne ressortait pas des preuves que ce dernier avait agressé le requérant. Sur recours du requérant, par un jugement définitif du 21 novembre 2012, le tribunal départemental cassa le non-lieu et renvoya l’affaire au parquet, au motif que celui-ci n’avait pas ouvert de poursuites pénales contre M.S. et qu’il n’avait pas effectué tous les actes d’enquête indiqués dans son jugement du 2 novembre 2011 (paragraphe 33 ci-dessus). Par une décision du 25 janvier 2013, le parquet ouvrit des poursuites pénales contre M.S. Les témoins proposés par le requérant maintinrent leurs déclarations antérieures (paragraphe 31 ci-dessus). Les 27 février et 21 juin 2013, le parquet constata que le requérant était interné dans un centre spécialisé pour le traitement de ses troubles psychiques et le suivi d’une cure de désintoxication pour toxicomanie. Il en conclut que le requérant ne pouvait donc être soumis au test du détecteur de mensonges, lequel se révèlerait non pertinent étant donné l’état psychologique de l’intéressé. Interrogé de nouveau par le parquet, l’agent M.S. nia les faits qui lui étaient reprochés. Il proposa comme témoins à décharge les policiers M.N, S.S., H.F. et L.P. et le témoin certificateur C.P.O. Il refusa d’être soumis au test du détecteur de mensonges. Le parquet entendit les policiers M.N. et S.S., qui maintinrent leurs déclarations antérieures (paragraphe 29 ci-dessus) et refusèrent d’être confrontés au requérant. Le 17 septembre 2013, C.P.O. déclara qu’il n’avait pas vu les policiers frapper le requérant. Il indiqua que lors de l’interrogatoire ce dernier avait eu un comportement bizarre, précisant qu’il avait donné l’impression d’être « sous l’influence de la drogue » et qu’il répétait ce que les policiers lui disaient. Il ajouta qu’il avait été toujours présent dans la pièce où le requérant avait été interrogé. À la fin de sa déclaration, C.P.O. s’exprima comme suit : « Je n’ai aucun intérêt à défendre les policiers parce qu’alors que j’étais âgé de dixsept ans j’ai été moi aussi battu par les policiers de la ville de B. pour un fait que j’avais en effet commis. Je n’ai jamais dénoncé cet abus, j’ai eu peur, mais cela n’a pas empêché qu’à présent mes meilleurs amis soient des policiers. » Le 24 octobre 2013, le requérant fut informé que toutes les personnes interrogées sur l’incident refusaient d’être confrontées à lui. Le parquet interrogea deux camarades de lycée du requérant. Ceuxci déclarèrent que l’intéressé ne présentait aucune trace de violence quand il avait quitté l’établissement scolaire accompagné des policiers (paragraphe 8 ci-dessus) et qu’il n’avait eu aucune altercation avec d’autres personnes ce jour-là. Ils déclarèrent également que le requérant leur avait raconté qu’il avait été battu par les policiers. Les enquêteurs établirent que le trajet du poste de police au domicile du requérant pouvait être parcouru en dix minutes. Le parquet demanda au service de médecine légale de BistriţaNăsăud d’indiquer l’emplacement des lésions du requérant et de préciser comment ces lésions avaient pu être occasionnées. Le 14 février 2013, le service de médecine légale, se fondant sur le certificat médicolégal du 24 janvier 2011 (paragraphes 25-26 ci-dessus), rendit un rapport dans lequel il concluait que les lésions du requérant avaient pu être causées le 21 janvier 2011 par des coups portés avec un objet dur ayant une forme allongée. Il indiquait toutefois ne pas pouvoir exclure avec certitude « la possibilité que les blessures constatées au niveau des éminences thénars avaient pu être provoquées par une chute survenue sous l’effet de la précipitation (mecanismul de precipitare) ». À une date non précisée, le téléphone de M.S. fut mis sur écoute pour une durée de trente jours. Cette mesure ne permit de recueillir aucune preuve pertinente. Par une décision du 30 octobre 2013, le parquet cessa les poursuites pénales contre M.S. au motif qu’il ne ressortait pas des preuves du dossier que celui-ci avait agressé le requérant. Le requérant introduisit un recours contre cette décision. Il alléguait, entre autres, que le parquet n’avait pas effectué tous les actes d’enquête prescrits par le tribunal départemental dans ses jugements antérieurs (paragraphes 33 et 38 ci-dessus), et, en se fondant sur la déclaration faite par le témoin C.P.O. (paragraphe 43 ci-dessus), il mettait en doute la crédibilité de ce dernier, qu’il soupçonnait d’être dépendant des agents de police. En outre, il dénonçait l’attitude des policiers en ce que ceux-ci auraient tous remarqué son état de trouble apparent lors de son interrogatoire du 21 janvier 2011, mais n’auraient pas pour autant estimé nécessaire de le faire assister par un avocat. Il reprochait également au parquet d’avoir accordé plus de poids aux déclarations des témoins présents lors de son interrogatoire et d’avoir ainsi écarté les preuves indirectes des faits dénoncés par lui. Or, à ses dires, il était difficile pour une victime de mauvais traitements de prouver son agression par des preuves directes. Par un jugement définitif du 6 mai 2014, le tribunal départemental rejeta la plainte du requérant. Il releva que tous les policiers interrogés et le témoin C.P.O. avaient déclaré de manière constante que M.S. n’avait pas agressé le requérant au poste de police. Il jugea que les déclarations des témoins proposés par le requérant, selon lesquelles ce dernier avait été agressé au poste de police, n’étaient pas de nature à écarter la valeur probante des dépositions des témoins directs, oculaires, présents au poste de police lors de l’enquête menée sur l’intéressé. Il jugea aussi que le certificat médical versé au dossier (paragraphe 22 ci-dessus) ne prouvait pas l’existence de lésions d’une intensité telle que celle mentionnée par le requérant dans sa plainte (paragraphe 28 ci-dessus). Se référant au rapport médical du 14 février 2013 (paragraphe 48 ci-dessus), le tribunal départemental nota que les lésions du requérant avaient pu être causées par des coups portés avec un objet dur ayant une forme allongée, même s’il ne pouvait être exclu avec certitude que « les blessures constatées au niveau des éminences thénars avaient pu être provoquées par une chute survenue sous l’effet de la précipitation ». Le tribunal souligna également que le requérant avait attendu trois jours avant de se présenter à un examen médicolégal (paragraphe 25 cidessus) et vingt jours avant de déposer une plainte pénale contre M.S. (paragraphe 28 ci-dessus). Il considéra que le refus du requérant de se soumettre au test du détecteur de mensonges était à tout le moins « bizarre ». Il releva que M.S. avait également refusé de se soumettre audit test (paragraphe 41 ci-dessus), mais indiqua que la charge de la preuve revenait au requérant. Le tribunal départemental conclut qu’il ne ressortait pas avec certitude des preuves instruites que les lésions du requérant avaient été occasionnées au poste de police ni qu’elles avaient été causées par M.S. II. LE DROIT INTERNE PERTINENT L’article 104 3) du code de procédure pénale (CPP), tel qu’en vigueur à l’époque des faits, prévoyait que la perquisition domiciliaire devait se dérouler en présence de témoins certificateurs. Le CPP ne réglementait pas la manière dont ces témoins étaient désignés. L’article 92 2) du CPP précisait que les mineurs âgés de moins de quatorze ans, les personnes ayant un intérêt dans l’affaire et celles rattachées à la même structure que les personnes faisant partie de l’organe qui réalisait l’acte de procédure ne pouvaient pas être témoins certificateurs.
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LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE La liste des sociétés requérantes figure en annexe. Les requêtes concernent la non-exécution par le service local de gestion par l’État de la santé publique (Azienda Sanitaria Locale, « l’ASL ») d’ordonnances portant injonction de payer (decreti ingiuntivi) délivrées en faveur des sociétés requérantes (voir détail en annexe). Les lois de finances en vigueur à l’époque des faits (lois no 191 de 2009, no 220 de 2010, no 111 de 2011 et no 189 de 2012) empêchaient les intéressées d’entamer des procédures judiciaires afin d’obtenir le paiement des dettes de l’ASL. En 2007, les sociétés requérantes souscrivirent des contrats d’affacturage avec la société UniCredit Factoring S.p.A., à laquelle elles cédèrent certaines créances qui n’avaient pas encore été recouvrées, dont celles détenues sur l’ASL. Les contrats subirent des modifications en 2010. Selon les informations fournies par le Gouvernement, il s’agit d’actes authentiques qui ont été enregistrés le 10 mars 2010 auprès de l’administration fiscale (Agenzia delle entrate). À des dates comprises entre 2009 et 2010, le tribunal de Naples rendit des ordonnances portant injonction de payer les sommes dont l’ASL était débitrice envers les sociétés requérantes. Par son arrêt no 186 du 12 juillet 2013, la Cour constitutionnelle déclara l’inconstitutionnalité, notamment, de la loi de finances no 220 de 2010. Par la suite, à des dates non précisées, l’ASL s’acquitta de l’intégralité (requêtes nos 39189/11, 39190/11 et 39194/11) ou d’une partie de ses dettes (requêtes nos 39186/11, 39187/11, 39192/11, 39193/11, 39196/11, 39197/11, 39198/11) auprès des sociétés requérantes.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Les requérants sont nés respectivement en 1981 et 1969 et résident à Samara. Les requérants, militaires en retraite, avaient fait leur service dans une unité militaire cantonnée dans la république Tchétchène. Après avoir pris leur retraite, les requérants introduisirent leur recours visant au paiement des traitements et émoluments. Dans un premier temps, ils introduisirent une demande devant le tribunal militaire de Samara qui renvoya le dossier, avec l’accord des requérants, au tribunal du ressort de l’unité militaire défenderesse, à savoir, le tribunal militaire de la garnison de Grozny. Le dossier fut renvoyé par courrier (adresse postale: 103400, Moscou-400, village de Khankala, république Tchétchène). A. M. Azovtsev Par une décision du 3 décembre 2004, le tribunal de la garnison, rejeta la demande. Le requérant tenta d’interjeter appel. Cependant, le bureau de poste refusa de prendre en charge la lettre recommandée. Selon le requérant, il envoya ses conclusions d’appel par une lettre simple qui ne parvint pas au destinataire. Par une lettre du 29 juillet 2009, la représentante informa le greffe qu’elle avait perdu tout contact avec le requérant et qu’elle refusait en conséquence de le représenter devant la Cour. La lettre en recommandée du 21 août 2009, adressée au requérant l’interrogeant s’il souhaite poursuivre sa requête est restée sans réponse. B. M. Trifonov Par une décision avant dire droit du 13 septembre 2004, le tribunal de garnison déclara l’extinction de l’instance au motif que le requérant ne s’était pas présenté à l’audience, ce qu’il qualifia de renonciation tacite. Saisie d’un recours du requérant, la cour de la circonscription du Caucase du Nord annula cette décision et renvoya la demande pour un nouvel examen. Le 26 septembre 2005, le tribunal de garnison, statuant en l’absence des parties, rejeta la demande. Selon le requérant, il n’a pas reçu de copie de cette décision et n’a pris connaissance de cette décision que par des observations du Gouvernement présentées à la Cour. II. LE DROIT INTERNE PERTINENT Pour un résumé des dispositions pertinentes, il convient de se rapporter à l’arrêt Ivanova et Ivashova c. Russie, (nos 797/14 et 67755/14, §§ 24-32, 26 janvier 2017).
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Les requérants, qui appartiennent tous à l’ethnie rom, sont nés respectivement en 1976, en 1986 et en 1985 et résident à Cluj-Napoca. A. La communauté rom de Pata Rât Les versions des parties divergent quant à la constitution d’une communauté rom près de la décharge d’ordures de la ville de Cluj–Napoca, à l’endroit connu sous le nom de Pata Rât. La version des requérants Les requérants disent avoir vécu pendant sept ans près de la ville de Cluj-Napoca, dans un endroit nommé Făget. À une date non précisée en 2003, les autorités locales leur auraient demandé de quitter leur campement de Făget et les auraient conduits près de la décharge d’ordures de la ville de Cluj-Napoca, à Pata Rât. Les requérants indiquent qu’une communauté rom, composée de plusieurs dizaines d’habitants, se forma à cet endroit. Ils déclarent y avoir bâti, avec les autres membres de la communauté, des baraques avec des matériaux trouvés dans la décharge d’ordures. Ils ajoutent qu’ils tiraient des revenus de la vente de la ferraille et des déchets de métal récupérés dans la décharge publique et qu’ils vivaient dans des conditions matérielles très précaires. La version du Gouvernement Se fondant sur des informations qui lui auraient été transmises par l’Inspection de la police départementale de Cluj (Inspectoratul de poliție județean ; « l’IPJ de Cluj »), le Gouvernement soutient que les autorités n’ont jamais transféré la communauté rom de Făget à Pata Rât en 2003. Il indique que, au moment de l’intervention policière du 8 novembre 2005 menée à Pata Rât, aucun des requérants n’avait son domicile enregistré à Cluj-Napoca ou à Pata Rât. Il déclare que le premier requérant n’avait aucun domicile enregistré par les autorités, que le deuxième requérant avait pour domicile enregistré la localité de Recea Cristur et que la requérante avait pour domicile enregistré la localité de Mintiu. B. Les interventions des autorités dans la communauté de Pata Rât La descente de police du 5 novembre 2005 Au cours de l’année 2005, la police fut saisie d’un nombre croissant de plaintes pénales pour vol formulées par des personnes qui habitaient dans les villages avoisinant Pata Rât. Le 5 novembre 2005, la police d’Apahida fut saisie de trois plaintes pénales pour vol. À la suite d’une enquête sur les lieux des vols, les chiens policiers conduisirent les enquêteurs vers la communauté rom de Pata Rât. Compte tenu de ce fait, la police de ClujNapoca organisa le même jour une descente dans cette communauté. Lors de cette descente, cinq agents de police se déplacèrent à Pata Rât et constatèrent que seuls quelques femmes et enfants, dont aucun n’avait de papiers d’identité, étaient sur place. Ils retrouvèrent un certain nombre d’objets déclarés volés et interpellèrent L.A. et L.F.T. Ces derniers, qui étaient suspectés de vol, furent arrêtés et, par la suite, renvoyés en jugement du chef de vol. Il ne ressort pas des documents dont la Cour dispose que des armes aient été trouvées sur place. L’intervention policière du 8 novembre 2005 En raison de la découverte de certains biens volés et de la présence d’indices selon lesquels la communauté rom de Pata Rât abritait d’autres personnes suspectées d’avoir commis des infractions de vol (paragraphe 10 ci-dessus), le 7 novembre 2005, l’IPJ de Cluj approuva l’organisation d’une intervention policière avec des effectifs étendus (cu efective mărite) à Pata Rât pour le 8 novembre 2005. Le chef du département de la police rurale près la police de la municipalité de Cluj-Napoca établit le plan de l’intervention. L’objectif de cette action était « de trouver les personnes contre lesquelles des mandats avaient été émis ». Selon ce plan établi au préalable, l’intervention avait été organisée pour : prévenir les vols et d’autres infractions ; identifier les personnes poursuivies au niveau local ou national, identifier les mineurs qui avaient quitté les institutions où ils avaient été placés ou leur famille et qui se trouvaient en situation de vagabondage, identifier les suspects dont les empreintes avaient été relevées lors de la descente de police du 5 novembre 2005, identifier et clarifier la situation des personnes qui ne pouvaient pas justifier leur présence à l’endroit visé par l’intervention, identifier les biens et les animaux volés dans les villages environnants. Les forces de l’ordre appelées à intervenir étaient les suivantes : trois agents de la police criminelle, sept policiers du détachement de la police d’intervention rapide, trente gendarmes et douze policiers membres des différents bureaux de police de la municipalité de Cluj-Napoca. Selon le plan de l’intervention, l’action devait se dérouler à la décharge d’ordures de Pata Rât « où [étaient] construits les abris et les baraques des Tziganes ». Aucune mention dans le plan d’intervention n’indiquait que les personnes recherchées étaient armées ou dangereuses. L’intervention était organisée selon les articles 2 § 1 et 19 lettres e) et g) de la loi no 550/2004 concernant l’organisation et le fonctionnement de la gendarmerie roumaine, l’article 26 de la loi no 218/2002 concernant l’organisation et le fonctionnement de la police et les dispositions pertinentes du code de procédure pénale en vigueur à l’époque des faits (« le CPP »). Le 8 novembre 2005, l’intervention débuta à 6 heures et prit fin à 10 heures. Les gendarmes furent déployés pour encercler la zone où la communauté rom s’était installée. Les policiers entrèrent ensuite dans chaque habitation et firent sortir toutes les personnes qui s’y trouvaient. Les habitants de la communauté refusèrent de quitter leurs maisons. L’opération déclencha un vacarme général. Les hommes, y compris les requérants, furent séparés de leurs femmes et de leurs enfants et furent allongés sur le sol. Certains autres hommes de la communauté furent menottés les uns aux autres. Les requérants refusèrent de quitter leurs maisons et en furent sortis de force par les policiers. Ils indiquent avoir été agressés verbalement, menacés et frappés par les agents de police. Devant les juridictions internes, ils détaillèrent les traitements qu’ils disaient avoir subis de la part de ces derniers. a) Le premier requérant Le premier requérant déclara que l’un des agents des forces de l’ordre était entré dans son habitation et l’avait frappé au visage, alors qu’il dormait. Il indiqua avoir été ensuite sorti de sa maison et jeté à terre. Il ajouta que sa fille de neuf ans, qui s’était accrochée à son bras, fut entraînée dans sa chute. b) Le deuxième requérant D’après l’enquête interne menée à ce sujet, les policiers demandèrent au deuxième requérant de sortir de son habitation. L’intéressé s’enfuit alors vers l’habitation de son beau-père, échappant aux policiers qui l’avaient auparavant appréhendé. Il entra dans l’habitation de son beau-père et se cacha derrière ce dernier pour échapper aux policiers. Aux dires des agents, le deuxième requérant aurait jeté une casserole contenant un liquide dans leur direction (paragraphes 26 et 34 ci-dessous). La compagne du deuxième requérant aurait pris dans ses bras leur fille âgée de deux ans et aurait menacé de la jeter par terre. Les policiers réussirent à faire sortir le deuxième requérant de l’habitation en question. Alors qu’il se trouvait par terre avec son enfant en bas âge dans ses bras, près de sa compagne, deux policiers lui demandèrent de les suivre vers l’endroit où les hommes étaient triés. Le deuxième requérant laissa son enfant à sa compagne et partit avec les policiers qui le tenaient chacun par un bras. Après quelque pas, l’un des policiers lui asséna un coup de matraque au niveau de la nuque. Le deuxième requérant tomba par terre et refusa de se relever. Il fut traîné par les policiers jusqu’à l’endroit où les hommes avaient été rassemblés et allongés par terre. c) La requérante La requérante indiqua avoir reçu des coups à plusieurs reprises alors qu’elle était enceinte de deux mois. Elle ajouta qu’elle avait été frappée avec une latte, jusqu’à ce que celle-ci se casse, pour le simple fait d’avoir osé demander où était emmené son mari et d’avoir voulu retourner dans sa maison pour récupérer des affaires. La fin de l’intervention policière Au cours de cette intervention, soixante-quatorze personnes furent retrouvées sur les lieux, dont seule une partie avait des papiers d’identité. Aucune des personnes présentes ne fut en mesure de présenter des documents prouvant sa résidence à Cluj-Napoca. Onze des personnes susmentionnées furent emmenées au siège de la police pour être identifiées et quatre personnes se virent infliger une contravention. Des biens déclarés volés furent retrouvés, à savoir deux cochons, un harnais et des couvertures, des tapis et du linge de lit. Les personnes restées libres, y compris le premier requérant et la requérante, furent renvoyées à leur domicile. Plusieurs suspects furent identifiés et renvoyés ultérieurement en jugement, dont le deuxième requérant. Après avoir fait sortir des baraques toutes les personnes présentes, les policiers y mirent le feu. Des chaînes locales de télévision étaient présentes lors de cette intervention policière. Les images enregistrées correspondaient aux faits dénoncés par le deuxième requérant et montraient le premier requérant se faire projeter au sol par un agent de police. Une copie de ces images a été versée au dossier de l’affaire devant la Cour. Par un réquisitoire du 1er mars 2007, le parquet près le tribunal de première instance de Cluj-Napoca renvoya en jugement le deuxième requérant des chefs de recours à une fausse identité et de vol qualifié. C. La sanction disciplinaire du policier A.A.J. Les images vidéo enregistrées lors de l’intervention policière du 8 novembre 2005 (paragraphe 23 ci-dessus) furent diffusées par les chaînes locales de télévision. Le chef de la police locale fut interrogé par les journalistes sur le comportement des policiers lors de ladite intervention. Il déclara que la force avait été utilisée et qu’une enquête allait être menée. Le policier qui avait frappé le deuxième requérant fut identifié en la personne d’A.A.J. Une enquête disciplinaire fut ouverte contre lui. Un rapport dressé le 17 novembre 2005 notait que, pour ce qui était du déroulement des faits concernant le deuxième requérant, il n’était pas établi que ce dernier s’était opposé aux ordres des policiers : bien que ceux-ci avaient déclaré que le requérant leur avait jeté une casserole contenant du liquide lorsqu’ils étaient à l’intérieur de l’habitation (paragraphe 18 cidessus), le requérant et son beau-père, interrogés lors de l’enquête, nièrent avoir fait cela ; en outre, il ne ressortait pas des images enregistrées que le requérant s’était opposé aux policiers après avoir été sorti de l’habitation. La commission de discipline chargée de l’affaire nota que A.A.J. avait frappé le deuxième requérant au motif que celui-ci aurait opposé de la résistance. Après avoir interrogé A.A.J., elle conclut que le fait qui lui était reproché, eu égard à l’impact de la diffusion des images en cause par les chaînes de télévision, constituait une faute disciplinaire, et proposa qu’il soit démis de ses fonctions. Par une décision du 2 décembre 2005, le chef de l’IPJ de Cluj établit que A.A.J. était responsable de la faute disciplinaire de « comportement inadéquat dans ses fonctions ayant porté atteinte à l’honneur, à la probité professionnelle du policier et au prestige de l’institution » et prononça la sanction suivante à son encontre : « l’ajournement de sa promotion à des grades professionnels [supérieurs] pour une période de deux ans ». En raison des très bons résultats au travail de A.A.J., par une décision du 20 novembre 2007, le chef de l’IPJ de Cluj le récompensa par la levée de la sanction susmentionnée, à compter du 1er décembre 2007. D. La plainte pénale des requérants Le 21 décembre 2005, les requérants, représentés par un avocat de leur choix, saisirent le parquet près le tribunal de première instance de ClujNapoca d’une plainte pénale contre tous les policiers et gendarmes qui avaient participé aux opérations du 5 et du 8 novembre 2005. Les requérants les accusaient de comportement abusif simple et aggravé en raison des violences verbales qu’ils auraient proférées à leur encontre, de coups et blessures, de menaces et de destruction par incendie, des infractions punies par les articles 250 §§ 1 et 2, 181, 193 et 217 § 4 du code pénal en vigueur à l’époque des faits. À une date non précisée, les requérants complétèrent leur plainte par une accusation de vol aggravé. Les requérants reprochèrent aux mis en cause d’avoir utilisé la force de manière disproportionnée et de les avoir intimidés et menacés lors des opérations de police organisées les 5 et 8 novembre 2005. Ils ne se plaignirent pas de ce que les autorités internes étaient entrées dans leurs maisons sans avoir un mandat de perquisition. Les requérants ont été représentés par le même avocat mandaté en leur nom par Romano CRISS (paragraphe 2 ci-dessus) tout au long de la procédure concernant leur plainte pénale (paragraphe 30 ci-dessus). Tous les policiers et les gendarmes qui avaient participé aux opérations furent identifiés. Le policier A.A.J. fut interrogé. Il déclara que le deuxième requérant n’avait pas obéi à sa sommation, qu’il lui avait lancé une casserole contenant un liquide et que, par la suite, il s’était enfui vers une autre habitation, d’où il fut sorti par des policiers. A.A.J. indiqua que, avec un autre policier, il avait accompagné le requérant vers l’endroit où avaient été rassemblés les hommes. Il admit que, pendant ce trajet, il avait asséné un coup de matraque dans le dos du requérant de manière préventive. Il ajouta qu’il avait été victime en 2004 d’une infraction d’outrage de la part d’un citoyen rom. Des Roms qui se trouvaient à Pata Rât furent interrogés et ils déclarèrent que les policiers les avaient menacés et agressés. Après plusieurs transferts du dossier entre différents parquets pour déterminer le parquet compétent selon le grade des policiers mis en cause, à une date non précisée en 2007, le dossier fut transféré au parquet près la cour d’appel de Cluj (« le parquet »). Le 22 octobre 2008, se fondant sur l’article 10 § 1 a), d) et f) du CPP, le parquet rendit un non-lieu en faveur de tous les mis en cause pour tous les chefs d’accusation. Il estima que les actions des policiers avaient été légales et conformes aux dispositions applicables en matière d’intervention policière. Concernant le coup porté par A.A.J. au deuxième requérant, le parquet estima qu’il ne constituait pas une infraction au motif que le policier n’avait pas agi intentionnellement. Pour ce qui était des accusations d’agression formulées par les autres requérants, le parquet nota qu’elles n’étaient pas étayées par des certificats médicolégaux, ce qui prouvait selon lui que la force utilisée n’avait pas dépassé les limites légales. Il ajouta qu’il n’y avait aucune information ni indice selon lesquels les agents de l’État avaient commis l’infraction de menaces. Le 28 novembre 2008, le procureur en chef du parquet confirma le non-lieu du 22 octobre 2008. Sur plainte des requérants, par un jugement du 7 avril 2009, la cour d’appel de Cluj confirma le bien-fondé du non-lieu rendu en l’espèce. Les requérants formèrent un recours (recurs) contre ce jugement auprès de la Haute Cour de cassation et de justice (« la Haute Cour »). Lors de l’audience en recours tenue le 14 octobre 2009 devant la Haute Cour, l’avocat des requérants indiqua que le CD contenant l’enregistrement de l’intervention ne figurait plus au dossier et déclara qu’il avait fait des démarches afin d’en obtenir une nouvelle copie et de la verser au dossier. Par un arrêt définitif du 14 octobre 2009, se référant à l’article 3 de la Convention, la Haute Cour fit droit au recours des requérants. Elle jugea que, bien que les allégations d’agression physique des requérants n’étaient pas étayées par des certificats médicolégaux, les déclarations des intéressés étaient confortées par celles des autres personnes interrogées. La Haute Cour nota ensuite qu’une partie des actes de l’enquête préliminaire avaient été réalisés par des procureurs militaires qui ne remplissaient pas la condition d’indépendance par rapport aux gendarmes impliqués dans les événements et que le parquet avait repris les actes de l’enquête préliminaire réalisés par les procureurs militaires. La Haute Cour expliqua que certaines références des autorités à l’honnêteté et au mode de vie des requérants pouvaient être, en l’absence de toute preuve, discriminatoires. Elle considéra que le procureur aurait dû examiner si les agissements des policiers à l’égard des requérants visaient à les humilier et à les rabaisser et si, par leurs effets, ces actes avaient porté atteinte à la dignité des requérants, qui étaient d’ethnie rom. La Haute Cour renvoya le dossier au parquet, avec les consignes suivantes : – interroger le journaliste et le caméraman de la chaîne de télévision A., qui avaient assisté aux événements ; – verser au dossier une copie du reportage réalisé par la chaîne de télévision P. ; – interroger les policiers dont le nom avait été mentionné ; – verser au dossier les documents médicaux concernant le premier requérant qui avait déclaré avoir été transporté, à la suite des incidents, à l’hôpital par la représentante d’une association caritative de protection des Roms ; – réinterroger les parties lésées. Le parquet réalisa une partie des actes d’enquête demandés par la Haute Cour. Le 2 septembre 2011, il rendit un non-lieu en faveur des mis en cause. Les requérants contestèrent ce non-lieu : ils soutenaient avoir été victimes de violences injustifiées, que l’ampleur de l’intervention policière était disproportionnée par rapport à la réalité des faits et que son objectif était de disperser la communauté rom de Pata Rât. Ils précisèrent également que le non-lieu était mal fondé et indiquèrent que « les forces de l’ordre étaient entrées dans leurs maisons et les avaient perquisitionnées en ignorant les dispositions de l’article 100 du CPP [régissant la procédure en cas de perquisition] ». Par un jugement définitif du 9 mai 2012, la cour d’appel d’Oradea, à qui l’affaire fut entre-temps transférée, cassa le non-lieu, au motif que ce dernier n’avait pas réalisé tous les actes d’enquête demandés par la Haute Cour. La cour d’appel d’Oradea renvoya le dossier au parquet, avec les consignes suivantes : interroger à nouveau les policiers qui avaient participé aux évènements et les victimes ; interroger le journaliste et le caméraman de la chaîne de télévision A., qui avaient assisté aux événements ; identifier l’hôpital où le premier requérant aurait été soigné le lendemain des évènements et obtenir les documents médicaux pertinents le concernant. Le parquet ouvrit des poursuites pénales contre A.A.J. du chef de comportement abusif et des poursuites pénales in rem pour tous les chefs d’accusation invoqués par les requérants. Interrogés, le journaliste et le caméraman de la chaîne de télévision A. déclarèrent que « l’intervention policière s’était déroulée normalement, sans comportement abusif des forces de l’ordre. » Le caméraman ajouta que le deuxième requérant avait été frappé avec une matraque après avoir refusé d’obéir aux ordres des policiers. L’hôpital des urgences et l’hôpital clinique de Cluj-Napoca, interrogés sur les soins médicaux fournis au premier requérant, informèrent le parquet que ce dernier ne figurait pas sur la liste des personnes soignées dans leurs établissements. Les policiers mentionnés par la Haute Cour et les requérants furent interrogés. Le parquet indiqua que les gendarmes ayant participé à l’intervention policière n’étaient pas entrés en contact avec les requérants, étant donné que leur mission était d’encercler la zone, à une distance de quelques centaines de mètres des baraques des requérants. Le 27 juin 2013, se fondant sur l’article 10 § 1 a) et d) du CPP, le parquet cessa les poursuites pénales contre A.A.J., classa sans suite les poursuites pénales engagées in rem et rendit un non-lieu en faveur de tous les mis en cause. Le parquet constata que, compte tenu de la manière dont l’intervention policière s’était déroulée – « très tôt le matin, quand il faisait encore nuit, dans un endroit à l’égard duquel il n’y avait pas d’informations suffisantes quant au nombre de personnes présentes, à l’identité et à la position exacte de celles-ci, ni d’informations selon lesquelles les personnes présentes pouvaient être armées et dangereuses » – et de la personne de A.A.J, « victime [auparavant] d’un outrage, ayant peur d’être à nouveau attaqué », il était évident que celui-ci avait agi sans avoir conscience d’avoir eu un comportement abusif. Le parquet constata que, en tout état de cause, le comportement de A.A.J. avait été sanctionné par une sanction disciplinaire (paragraphe 28 ci-dessus) et que, compte tenu du temps écoulé depuis la commission des faits, sa responsabilité pénale était prescrite. Les requérants formèrent une plainte contre ce non-lieu auprès du procureur en chef du parquet. Ils dénoncèrent l’utilisation injustifiée d’une force disproportionnée lors de l’intervention policière en cause. Le premier requérant indiqua qu’il était visible sur l’enregistrement vidéo versé au dossier qu’il avait été jeté par terre par un policier. Le deuxième requérant exposa que la violence utilisée à son égard par A.A.J. n’était aucunement justifiée par son comportement. Les requérants présentèrent dans leur plainte un point intitulé « la justification de la violence » dans lequel l’un des arguments était tiré de « la légitimité de l’entrée dans leurs maisons ; le problème du mandat de perquisition ». Ils dénonçaient dans le cadre de ce sous-titre le comportement des agents de l’État qui, selon eux, étaient entrés dans leurs maisons sans mandat de perquisition. Par une décision du 24 juillet 2013, le procureur en chef du parquet confirma le non-lieu du 27 juin 2013 (paragraphe 52 ci-dessus). Les requérants saisirent la cour d’appel d’Oradea d’une plainte contre la décision du parquet du 27 juin 2013 (paragraphe 52 ci-dessus). Ils réitéraient leurs arguments concernant l’absence de proportionnalité de la force utilisée et l’absence de preuve quant au fait que les membres de la communauté rom étaient « armés et dangereux ». Dans la partie de leur plainte intitulée « La cause et le but de l’intervention policière », ils contestaient les buts de l’intervention du 8 novembre 2008. Ils indiquaient à cet égard que, malgré le but de prévention des infractions, « les autorités ne s’étaient pas souciées d’obtenir un mandat de perquisition pour entrer dans leurs maisons ». Ils soutenaient ensuite que l’intervention avait eu pour but d’éradiquer la communauté des Roms de Pata Rât. Par un jugement définitif du 5 juin 2014, la cour d’appel d’Oradea rejeta la plainte des requérants et confirma le non-lieu rendu dans l’affaire. Pour ce faire, elle constata d’abord que le parquet s’était conformé aux instructions données par la Haute Cour (paragraphe 44 ci-dessus). Elle indiqua ensuite que les interventions des 5 et 8 novembre 2005 s’étaient déroulées selon des plans légalement approuvés et que leurs buts étaient d’identifier les personnes qui ne pouvaient justifier leur présence à Pata Rât et d’interpeller des suspects, buts confirmés, d’ailleurs, par les résultats de l’intervention (paragraphe 21 ci-dessus). Elle nota que les autorités avaient fait usage de la force dans le respect des dispositions légales, à l’exception d’A.A.J., qui avait été sanctionné par voie disciplinaire à cause de son comportement envers le deuxième requérant. Elle constata que les autres requérants n’avaient pas présenté de certificats médicaux pour étayer leurs allégations de mauvais traitements. La cour d’appel d’Oradea tint ensuite le raisonnement suivant : « Il convient de noter que les forces de l’ordre détenaient des renseignements selon lesquels les citoyens roms de Pata Rât étaient agressifs et armés ; à cause de cela, elles ont agi avec une grande précaution lors de l’interpellation des hommes qui ont été soumis à une fouille, menottés et conduits dans le camion de la gendarmerie ; cependant, les Roms de la communauté étaient devenus très agités et ils avaient commencé à crier lorsqu’ils avaient vu agir les policiers ; ils ont eu un comportement hostile [qui s’est traduit] par le lancement d’objets et la profération des menaces, comme [celle de maltraiter] leurs propres enfants. Il convient de constater que le policier A.A.J. (...) a demandé à Lăcătuş Trandafir [le deuxième requérant] (...) de se déplacer vers l’endroit où les hommes étaient triés et lui a asséné un coup de matraque afin de l’intimider, au motif que [Lăcătuş Trandafir] n’avait pas répondu à sa demande et s’était enfui en essayant de se cacher ; [le] comportement [de A.A.J.], comparé à l’ampleur de l’action organisée par les forces de l’ordre et au grand nombre des personnes trouvées sur place, à savoir soixante-quatorze, ne réunit pas les éléments constitutifs de l’infraction de comportement abusif, prévu par l’article 250 alinéa 3 du code pénal. (...) Le tribunal considère que, une fois la présence des suspects confirmée au sein de la communauté rom, ces derniers, même s’ils n’ont rien à voir avec la commission d’infractions contre le patrimoine ou de délits d’une autre nature, s’exposent de manière consciente aux actions qui seront déployées par les forces de l’ordre et qui visent à supprimer la délinquance, avec toutes les conséquences qu’implique ce type d’intervention urgente et en force des agents de police. À la suite de ces actions, il est difficile d’identifier ou de mesurer une certaine proportion entre les actions des agents de l’État et le comportement de chacune des personnes lésées séparément ; parmi ces derniers, certains s’étaient enfuis et les autres avaient fait preuve d’agressivité ; toutefois, compte tenu de l’ampleur des interventions policières, de la zone visée, du nombre des personnes impliquées dans les deux camps, de l’absence d’actes médicaux [à la suite de] l’atteinte à l’intégrité corporelle [alléguée] et de l’identification de plusieurs personnes suspectées et des biens volés, il convient de conclure que, en l’espèce, un équilibre juste et raisonnable a été gardé dans le rétablissement de l’ordre, action qui ne pouvait se réaliser que par une action rapide et en force des organes de police. (...) La cour d’appel considère qu’il n’est pas nécessaire de faire des commentaires supplémentaires sur la motivation retenue dans le non-lieu concernant le harcèlement des représentants des autorités publiques avec des plaintes pénales ; l’instruction de la présente affaire et toute la procédure qui a suivi est une preuve de plus que les requérants n’ont pas subi de discrimination concernant l’accès libre et effectif à la justice sans lequel l’État de droit ne peut pas fonctionner (...). » II. LE DROIT INTERNE ET LES DOCUMENTS INTERNATIONAUX PERTINENTS Le droit interne pertinent concernant l’intervention des forces spéciales ainsi que les documents pertinents émanant du Conseil de l’Europe sont présentés dans l’affaire Ciorcan et autres c. Roumanie, (nos 29414/09 et 44841/09, §§ 71-72 et 77-80, 27 janvier 2015). Conformément aux dispositions de l’article 31 de la loi no 218/2002 sur l’organisation de la police roumaine, la police pouvait procéder à des interventions lorsqu’il y avait des indices quant à la perpétration d’infractions, à l’existence de biens provenant d’infractions ou à la présence de personnes recherchées par les autorités. Le règlement no 115 du 10 août 2001 concernant l’exécution des mesures et des activités de la police définissait l’intervention policière comme un ensemble d’actions visant à identifier les personnes suspectées d’avoir commis des infractions et à appréhender les personnes poursuivies, avec la participation d’un nombre important de policiers et de représentants des autres institutions publiques. L’intervention policière pouvait être d’envergure (razia totală) ou limitée (razia parţială). Selon l’article 106 de ce règlement, l’intervention policière d’envergure était menée sur une localité entière et pouvait concerner la totalité des problèmes relevant de la compétence de la police. L’intervention policière limitée ciblait des activités spécifiques à un certain quartier ou à une certaine zone et concernait seulement certaines des actions relevant de la compétence de la police. L’intervention policière d’envergure impliquait l’encerclement de la zone visée et le contrôle et l’identification de toutes les personnes retrouvées dans ce périmètre. Une intervention limitée supposait de placer les agents de la police dans certains endroits ou autour de la zone visée dans son entier et d’intercepter seulement certaines catégories de personnes ou de véhicules qui entraient ou sortaient de la zone.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE La requérante est née en 1944 et réside à Stamata. La requérante est propriétaire d’un terrain situé à l’île de Mykonos. Par une décision ministérielle du 14-28 juin 1963, la ville de Mykonos et une enceinte de 200 mètres autour d’elle fut classé comme zone nécessitant une protection renforcée car elle présentait une importance particulière de point de vue de l’architecture populaire insulaire et de la beauté naturelle. Le 5 octobre 1973, le ministre de la Culture étendit la zone de protection et, le 10 septembre 1974, le même ministre classa la ville de Mykonos comme site archéologique protégé. Par un décret du 13 août 1976, les conditions de construction inclus dans le plan d’urbanisme de Mykonos furent modifiées afin de mieux protéger le caractère traditionnel de la ville et notamment celui de ses anciens quartiers. Le 18 octobre 1991, un permis de construire fut délivré à la requérante autorisant la construction de quatre bâtiments. Le 13 décembre 1994, alors que les travaux de construction des bâtiments étaient en partie achevés, la direction d’urbanisme des Cyclades (Διεύθυνση Πολεοδομίας Κυκλάδων) ordonna la cessation des travaux au motif que le terrain de la requérante était situé en dehors des limites du secteur déterminé par un décret et dans lequel il était autorisé de construire. Le 7 janvier 1999, la requérante écrivit à la direction d’urbanisme des Cyclades et demanda que soit autorisé la reprise des travaux ou que lui soit délivré un permis de construire révisé. Le 1er février 1999, la direction d’urbanisme rejeta ladite demande au motif notamment que les bâtiments portaient atteinte à la physionomie du quartier des moulins de Mykonos. Le 22 mars 1999, la requérante saisit le Conseil d’État d’une demande en annulation du rejet de sa demande. Le 12 novembre 2001, le président de la 4e Chambre du Conseil d’État renvoya l’affaire à la cour d’appel administrative du Pirée pour des raisons relevant de la compétence des juridictions. Par un arrêt no 755/2003 du 31 mars 2003, la cour d’appel administrative débouta la requérante. Elle considéra que le refus de l’administration d’accueillir la demande de reprise des travaux par la requérante contenait indirectement un refus de révocation de la décision d’interrompre les travaux. Or, ce refus n’avait pas de caractère exécutoire car il constituait une simple confirmation de la décision d’interrompre les travaux. Le 23 septembre 2003, la requérante introduisit un appel contre cet arrêt devant le Conseil d’État. L’audience initialement fixée au 1er décembre 2004, fut ajournée d’office au 13 avril 2005, puis au 25 janvier 2006. À cette dernière date, elle fut encore ajournée en application d’une décision du ministère de la Justice laquelle suspendait le fonctionnement de tous les tribunaux du pays en raison des conditions climatiques extrêmes. Par la suite, l’audience fut à nouveau ajournée aux 8 novembre 2006, 17 janvier, 21 février, 30 mai, 13 juin et 10 octobre 2007, date à laquelle elle eut lieu. Le 31 décembre 2010, le Conseil d’État (arrêt no 4446/2010) rejeta définitivement la demande de la requérante considérant que la délivrance du permis de construire en l’espèce n’était pas conforme à la loi et que les autorités avaient à juste titre refusé la continuation des travaux et la révision du permis. Plus précisément, le Conseil d’État releva que la délimitation de la ville de Mykonos avant 1923 n’était pas valide car le décret présidentiel qui devait la délimiter n’avait jamais été adopté. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS Les articles 104 et 105 de la loi d’accompagnement du Code civil se lisent comme suit : Article 104 « L’État est responsable, conformément aux dispositions du code civil relatives aux personnes morales, des actes ou omissions de ses organes concernant des rapports de droit privé ou son patrimoine privé. » Article 105 « L’État est tenu de réparer le dommage causé par les actes illégaux ou omissions de ses organes lors de l’exercice de la puissance publique, sauf si l’acte ou l’omission a eu lieu en méconnaissance d’une disposition destinée à servir l’intérêt public. La personne fautive est solidairement responsable avec l’État, sous réserve des dispositions spéciales sur la responsabilité des ministres. » Ces dispositions établissent le concept d’acte dommageable spécial de droit public, créant une responsabilité extracontractuelle de l’État. Cette responsabilité résulte d’actes ou omissions illégaux. Les actes concernés peuvent être, non seulement des actes juridiques, mais également des actes matériels de l’administration, y compris des actes non exécutoires en principe. La recevabilité de l’action en réparation est soumise à une condition : la nature illégale de l’acte ou de l’omission. Selon les informations fournies par le Gouvernement, lorsque la prétention qui fait l’objet de l’action en dommages-intérêts d’un acte est née d’un administratif illégal, l’action constitue une voie de recours autonome par rapport à l’action en annulation de l’acte dont la légalité est examinée par le tribunal de manière incidente (Conseil d’État, arrêts no 2312/1995 et 231/1997). Ainsi pour introduire une action en dommages-intérêts sur le fondement de l’article 105 précité, l’annulation préalable de l’acte préjudiciable à l’origine de la prétention d’indemnisation n’est pas nécessaire. Enfin, le délai de prescription de l’action en dommages-intérêts est interrompu par l’exercice d’une action en annulation contre l’acte administratif dont l’illégalité constitue la base de la prétention indemnitaire (Conseil d’État, arrêts no 4402/2015 et 2152/2010 et jurisprudence citée dans ces arrêts). L’article 24 § 6 de la Constitution dispose : « Les monuments et les sites et éléments traditionnels sont placés sous la protection de l’État. La loi détermine les mesures restrictives de la propriété qui sont nécessaires pour la réalisation de cette protection, ainsi que les modalités et la nature de l’indemnisation des propriétaires. » Depuis 1986, le Conseil d’État a jugé que malgré l’absence d’une loi d’application de la disposition constitutionnelle précitée, l’administration a l’obligation d’indemniser le propriétaire d’un terrain, en vertu de cet article, lorsque des mesures qui tendent à protéger l’environnement ou le patrimoine culturel restreignent considérablement l’usage de celui-ci. Il s’agit là d’une jurisprudence constante et étoffée (arrêts du Conseil d’État nos. 3146/1986, 2801/1991, 1517/1993, 3963/1995, 2725/1997, 4575/1998, 784/1999, 3337/1999, 1432/2002, 530/2003, 2876/2004, 3627/2004, 3000/2005, 3009/2006 et 1920/2007), suivie par les tribunaux administratifs de première instance et les cours d’appel (voir, par exemple, l’arrêt 4401/2004 du tribunal administratif de première instance d’Athènes et l’arrêt 2962/2005 de la Cour d’appel administrative d’Athènes). Le Conseil d’État a souligné qu’une prétention pour se faire indemniser est née, au sens de l’article 24 § 6 de la Constitution, après l’écoulement d’un laps de temps raisonnable depuis l’imposition de mesures restrictives, si le propriétaire saisit l’administration ou le tribunal compétent d’une action en dommages-intérêts pour la fixation desquels est prise en considération la nature des terrains concernés. Le propriétaire qui subit ces mesures peut réclamer une indemnité pour la diminution de la valeur de son bien en raison des limitations apportées aux possibilités d’exploitation et de mise en valeur de celui-ci. A l’appui de son action et afin de faciliter la détermination de la diminution de la valeur précitée, il peut invoquer de quelle façon il comptait exploiter son bien.
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LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1957 et réside à Istanbul. À l’époque des faits, il était chroniqueur au quotidien Sabah. Le 14 février 2008, R.H.B., procureur de la République de Kartal à l’époque des faits, introduisit une action en dommages et intérêts contre le requérant, alléguant qu’un article de ce dernier, intitulé « Une plaisanterie de l’atroce » (Vahşet şakası) et publié le 10 décembre 2017 dans Sabah, avait porté atteinte à sa réputation. Le passage de l’article mis en cause par R.H.B. se lisait comme suit : « De nombreux fonctionnaires exercent leurs fonctions avec loyauté. Mais certains sont « main dans la main avec les tueurs ». Une culture fasciste, qui pense qu’[avoir] des affinités avec cette bassesse qui tire dans la nuque des gens et avec cette atrocité qui tranche des gorges est « un service [rendu] à l’État et à la nation », est le plus grand ennemi interne de « l’État de droit ». Bien sûr, de cette façon, ils diffusent un poison social maudit et une culture de la violence et de la haine collectives en exacerbant les tendances « fachos ordinaires » des gens ordinaires. Les relations que certains « officiels » entretiennent à Trabzon, à Malatya ou ailleurs, par indifférence ou délibérément, à l’instar des cellules [criminelles], sont sans doute dues au fait qu’ils comptent sur la tradition [selon laquelle] « le bras taché de sang aussi reste dans la chemise ». La raison pour laquelle ils s’en vantent réside dans le fait qu’on n’a pas pu faire une [notion] respectable et une conduite étatique d’une culture humanitaire selon laquelle s’enorgueillir de l’offense, de la honte et de l’atrocité n’est pas compatible avec (...) l’État, la morale, la religion, la république et la conscience. Le fait que le procureur de la République visé par les articles de presse [relatant] qu’il avait téléphoné à l’un des prévenus dans l’affaire des atrocités de Malatya puisse accuser les journalistes [auteurs de ces articles] doit être une plaisanterie de l’État de droit démocratique. » Le 29 mars 2011, le tribunal de grande instance de Bakırköy, considérant que l’article du requérant était attentatoire à la réputation de R.H.B. et que, en l’espèce, la protection des droits de ce dernier l’emportait sur l’intérêt public, condamna le requérant à payer à R.H.B. 15 000 livres turques (TRY) assorties d’intérêts courant à partir de la date de la publication de l’article. Il nota à cet égard que le demandeur – un procureur de la République – avait donné accès à l’un de ses proches à une ligne téléphonique enregistrée à son propre nom, qu’il avait été constaté, dans le cadre de l’affaire dite du « massacre de Malatya », qu’une conversation téléphonique avait eu lieu avec l’un des prévenus de cette affaire par le biais de cette ligne téléphonique et que la presse nationale avait relayé cette information. Considérant que l’article du requérant visait R.H.B., le tribunal estima que les expressions utilisées dans l’article litigieux outrepassaient les limites du droit à la liberté d’expression et que cet article contenait des mots ne reflétant pas la réalité. Il fit référence à cet égard aux passages suivants de l’article : « certains sont ‘main dans la main avec les tueurs’ », « [l]es relations [qu’ils] entretiennent (...) à l’instar des cellules [criminelles] », « sans doute dues au fait qu’ils comptent sur la tradition [selon laquelle] ‘le bras taché de sang aussi reste dans la chemise’ » et « le procureur de la République visé par les articles de presse [relatant] qu’il avait téléphoné à l’un des prévenus dans l’affaire des atrocités de Malatya ». Le 5 octobre 2011, statuant sur un pourvoi en cassation formé par les deux parties, la Cour de cassation infirma le jugement de première instance, estimant que la partie demanderesse devait être déboutée de son action. La haute juridiction releva en effet que, dans son article, le requérant qualifiait de « plaisanterie » les plaintes de R.H.B. contre les journalistes auteurs des articles portant sur l’appel passé sur la ligne téléphonique de l’intéressé et qu’il critiquait ainsi les procédures pénales engagées à la suite de ces plaintes. Elle considéra que l’article litigieux, par son contenu et son style, était d’actualité, qu’il reflétait la réalité, qu’il était équilibré dans sa substance et sa forme, et qu’il ne contenait pas d’expression susceptible de porter atteinte aux droits de la personnalité du demandeur. Le 16 février 2012, la Cour de cassation, saisie d’un recours en rectification d’arrêt formé par R.H.B., annula son arrêt du 5 octobre 2011 et confirma le jugement du tribunal de grande instance du 29 mars 2011. Elle estima que les passages suivants, contenus dans l’article du requérant, avaient outrepassé « les limites de la critique » : « certains sont ‘main dans la main avec les tueurs’ et [l]es relations que certains ‘officiels’ entretiennent (...) par indifférence ou délibérément, à l’instar des cellules [criminelles] »
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Les requérants, Mmes Seyhan Alacatay (Özdemir), Besra Orak et Filiz Yılmaz et MM. Senai Sayın et İzzet Baran, sont des ressortissants turcs nés respectivement en 1975, en 1966, en 1972, en 1953 et en 1977 et résidant à Mersin. La requérante Seyhan Alacatay était la présidente de l’association d’entraide pour les familles des détenus et condamnés d’İçel (İçel Tutuklu ve Hükümlü Aileleri Yardımlaşma Derneği, « l’association ») au moment des faits. Les autres requérants auraient été les membres du conseil d’administration et de la commission de contrôle de cette association. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit. Le 23 septembre 2003, le préfet adjoint de la ville de Mersin envoya au procureur de la République de Mersin (« le procureur ») une note selon laquelle l’association avait mené des activités illégales. Après avoir énuméré certaines irrégularités dans le fonctionnement de celle-ci, cette note indiquait : – que l’association avait accepté, en violation de la loi no 2908 sur les associations, les demandes d’adhésion d’une personne qui avait été condamnée pour aide et soutien au PKK et d’une autre personne qui avait été poursuivie pénalement pour vol ; – qu’elle avait demandé à la préfecture des autorisations pour organiser des campagnes de signatures contre la peine capitale et pour obtenir une amnistie générale, y compris pour Abdullah Öcalan, ainsi que pour produire des affiches dans le cadre d’un concours de contes et de poèmes au sujet des prisons et des prisonniers ; – que plusieurs plaintes avaient été déposées auprès du parquet contre l’association pour des motifs tels que vol d’électricité, recueil de dons sans autorisation préalable, utilisation de documents appartenant à une association dissoute, présence de publications interdites dans la bibliothèque de l’association, ainsi que pour plusieurs autres activités contraires à la loi no 2908 ; – que des procédures pénales avaient été engagées à l’encontre de certains dirigeants de l’association pour les discours qu’ils auraient prononcés à différentes dates, ainsi qu’à l’encontre de cinquante et un membres de l’association pour aide et soutien à des organisations illégales ; – que l’un des fondateurs de l’association avait été arrêté pour avoir participé à une manifestation illégale organisée dans le but de soutenir des membres du PKK dans leur grève de la faim et que le président, le viceprésident ainsi que certains membres du conseil d’administration de l’association avaient été arrêtés alors qu’ils participaient à une grève de la faim. Enfin, la note précisait que l’un des fondateurs de l’association avait également fondé une autre association qui avait été dissoute et que cette situation était contraire à la loi no 2908. Le 26 septembre 2003, le procureur introduisit une action en dissolution de l’association devant le tribunal de grande instance de Mersin (« le tribunal »). Il soutenait que plusieurs membres du conseil d’administration de l’association avaient commis des délits réprimés par la loi no 2908 sur les associations, la loi no 2860 relative à la collecte d’aides (yardım toplama kanunu), la loi no 2911 relative aux réunions et manifestations publiques et la loi no 3713 sur la lutte contre le terrorisme. Selon le procureur, ces personnes avaient ainsi mené des activités illégales, étrangères aux buts énoncés dans les statuts de l’association. L’action en dissolution fut notifiée à M. N. Çelik, qui fut invité en tant que président de l’association à participer à l’audience du 11 novembre 2008 devant le tribunal. M. Çelik participa à cette audience, au cours de laquelle il déclara qu’il n’était plus président de l’association, que durant son mandat de président l’association n’avait mené aucune activité contraire à la loi, et qu’il n’avait pas connaissance des activités menées après la fin de son mandat. Par un jugement rendu le jour même, le tribunal prononça la dissolution de l’association. Dans ses attendus, le tribunal estima notamment que : « (...) eu égard aux informations et documents figurant dans le dossier et aux motifs avancés dans les observations du procureur de la République, il est établi que l’association défenderesse n’a pas fait état d’activités conformes à son but et que sous le couvert de l’association des activités illégales ont été menées. Il s’avère donc nécessaire de dissoudre l’association (...) » Le 1er décembre 2003, la requérante Seyhan Alacatay, agissant en tant que présidente de l’association, se pourvut en cassation. À l’appui de son recours, elle arguait, dans son mémoire, d’un non-respect par le tribunal des règles procédurales : à ses dires, le procès aurait dû être dirigé contre l’association elle-même mais en aucun cas contre son ancien président. Estimant ainsi que l’action n’avait pas été notifiée à la personne habilitée à représenter l’association devant le tribunal, elle alléguait une violation des droits de la défense de l’association en tant que personne morale. Quant au fond, elle soutenait que le tribunal n’avait aucune compétence pour se prononcer sur les infractions réprimées par les lois autres que la loi sur les associations. En outre, elle indiquait que, s’il ressortait du dossier du tribunal que des procédures pénales avaient été engagées à l’encontre de certains des membres de l’association, aucun jugement de condamnation à l’issue de ces procédures ne figurait dans le dossier. Enfin, elle plaidait que l’association ne pouvait pas être tenue pour responsable des activités menées par ses membres à titre personnel. Par un arrêt du 19 février 2004, la Cour de cassation confirma le jugement attaqué, se ralliant à la motivation qui y était exprimée. Le 4 août 2004, la requérante Seyhan Alacatay, agissant en tant que présidente de l’association, forma un recours en rectification contre cet arrêt. Le 20 octobre 2004, la Cour de cassation rejeta ce recours. II. LE DROIT INTERNE PERTINENT Le droit interne pertinent en l’espèce relatif aux associations est exposé dans l’arrêt Tunceli Kültür ve Dayanışma Derneği c. Turquie (no 61353/00, §§ 18-20, 10 octobre 2006). Selon l’article 53 de la loi no 2908 sur les associations, une association peut être définitivement dissoute s’il est établi : – que ses dirigeants ont commis des infractions ayant des buts politiques ou idéologiques ou que ses dirigeants et ses membres ont participé à de telles infractions ; – que ses dirigeants ont contribué par incitation, contrainte, aide ou facilitation à la commission d’infractions ayant des buts politiques ou idéologiques par les membres de l’association ; – par un jugement définitif que l’association est devenue un foyer d’actes criminels. La loi no 2860 du 26 juin 1983 relative à la collecte d’aides (yardım toplama kanunu) règlemente les modalités de la collecte d’aides et détermine quels personnes et organismes sont habilités à procéder à pareille collecte. Le droit interne pertinent en l’espèce concernant la loi no 2911 relative au déroulement des réunions et manifestations est exposé dans l’arrêt Özbent et autres c. Turquie (nos 56395/08 et 58241/08, §§ 20-23, 9 juin 2015). Le droit interne pertinent en l’espèce relatif à la loi no 3713 sur la lutte contre le terrorisme est décrit dans l’arrêt Özalp c. Turquie (no 53717/07, §§ 15-17, 18 juillet 2017).
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LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Les requérants sont nés respectivement en 1977, 1979 et 1979 et résident à Manisa. A. Contexte de l’affaire Le 13 août 2004, un proche des requérants fut arrêté pour homicide. Alors qu’il se trouvait en garde à vue, les requérants se rendirent au commissariat d’Akhisar. Selon les requérants, des policiers les auraient agressés dès leur arrivée alors qu’ils voulaient s’enquérir du sort de leur proche. Selon les procès-verbaux relatifs aux faits, une dizaine de personnes agitées, dont les requérants, se seraient rendues au commissariat, auraient scandé des slogans, injurié et agressé les policiers à l’entrée du bâtiment, lancé des pierres, puis après deux tirs d’avertissement, se seraient éloignés en brisant les vitres des magasins aux alentours du commissariat. Les requérants furent maîtrisés après l’arrivée des renforts de police, et placés en garde à vue. D’autres individus auraient pris la fuite dans la confusion générale. B. Les rapports médicaux Les rapports médicaux du 13 août 2004 établissent en particulier les constats suivants. Cengiz Güngör : une fracture au péroné gauche, une blessure de 5 cm sur l’os occipital, une blessure de 3 cm sur l’os pariétal, plusieurs ecchymoses au dos. Kerem Güngör : une égratignure de 2 cm x 0,2 cm sur le nez, une ecchymose de 0,5 cm sur la droite des lèvres, des ecchymoses sur la nuque, et sur l’avant-bras droit. Behçet Güngör : une lésion d’un cm sur le sourcil gauche et un cas d’amnésie rétrograde. Les requérants furent réexaminés le 20 août 2004. Les rapports y afférent indiquent des constats similaires à ceux susmentionnés. Le 15 mai 2009, l’institut médicolégal rendit des avis médicaux et indiqua que les lésions constatées sur les requérants nécessitaient des interruptions temporaires de travail de quinze, sept et cinq jours respectivement. Un rapport médical datant du jour des faits relève sur un agent de police des égratignures de 10 cm x 0,3 cm sur l’avant-bras gauche, et une hyperémie superficielle sur l’avant-bras droit. C. Les procédures pénales Le 24 août 2004, les requérants déposèrent plainte pour mauvais traitements. À des dates non précisée, les policiers déposèrent plainte contre les requérants pour agressions contre des agents en fonction, menaces, coups et blessures. Les commerçants aussi déposèrent plainte contre les requérants, pour agressions et atteinte aux biens. Le 13 avril 2005, le procureur de la République (« le procureur ») introduisit un acte d’accusation pour mauvais traitements à l’encontre de deux policiers. Le 22 septembre 2011, le tribunal correctionnel d’Akhisar constata la prescription des faits pour toutes les accusations mutuelles susmentionnées et raya de son rôle ces affaires, qui avaient été jointes dans l’intervalle. Une multitude de témoins oculaires furent entendus durant la procédure. Les requérants formèrent un pourvoi quant à leurs allégations de mauvais traitements. Le 29 novembre 2012, la Cour de cassation infirma cette décision pour incompétence ratione materiae du tribunal correctionnel au vu de la qualification éventuelle des mauvais traitements comme étant de la torture. Le 31 décembre 2013, la cour d’assises d’Akhisar qualifia les faits de mauvais traitements et décida de rayer de son rôle l’affaire pour prescription. Le 25 septembre 2017, la Cour de cassation considéra que les faits étaient prescrits à supposer même qu’ils puissent être qualifiés de torture et raya du rôle l’affaire. D. Les demandes d’indemnisations Par des décisions rendues en 2008, le tribunal administratif de Manisa rejeta les demandes d’indemnisation introduites par les requérants au motif que le recours à la force avait été rendu nécessaire par leurs propres agissements et qu’il ne pouvait pas être qualifié d’excessif par rapport au but d’assurer la sûreté publique.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE La requérante est née en 1960 et réside à Istanbul. À l’époque des faits, elle était présidente de l’Association de solidarité sociale et de culture des migrants. Par un acte d’accusation du 13 août 2002, le procureur de la République près la cour de sûreté de l’État d’Istanbul inculpa la requérante de l’infraction d’incitation du peuple à la haine et à l’hostilité sur la base d’une distinction fondée sur l’appartenance à une race et à une région. Il mettait en cause à cet égard le contenu d’un rapport commandé par ladite association, qui portait sur les migrations forcées qui auraient eu lieu en Turquie et que l’intéressée avait lu lors d’une déclaration à la presse le 17 avril 2002. Il requit la condamnation de la requérante en application de l’article 312 § 2 de l’ancien code pénal (« l’ACP »), en vigueur à l’époque des faits. Le 16 novembre 2009, le tribunal correctionnel de Fatih condamna la requérante à une peine d’emprisonnement de dix mois en application de l’article 312 § 2 de l’ACP, jugé plus favorable à l’intéressée que les dispositions du nouveau code pénal entré en vigueur le 1er juin 2005, avant de surseoir au prononcé de ce jugement. Dans sa motivation, il mentionna d’abord les allégations contenues dans le rapport litigieux, selon lesquelles l’État aurait commis des violences à l’encontre de citoyens vivant dans la région sud-est du pays et les aurait forcés à émigrer en brûlant leurs maisons et en tuant leurs animaux, et selon lesquelles les populations vivant dans différentes régions auraient subi de telles pratiques en raison de leurs origines. Il considéra ensuite que ces allégations incitaient les différentes parties de la population à la haine et à l’hostilité mutuelles en raison de leur race et de leur région d’une manière qui aurait représenté une menace pour l’ordre public. Le 17 décembre 2009, la cour d’assises d’Istanbul rejeta l’opposition formée par la requérante contre la décision du tribunal correctionnel de surseoir au prononcé du jugement. Le 15 décembre 2010, la Cour de cassation, statuant sur un pourvoi exceptionnel formé par le procureur de la République de Fatih, raya l’affaire du rôle pour cause de prescription. II. LE DROIT INTERNE PERTINENT L’article 312 § 2 de l’ACP (loi no 765 du 1er mars 1926 abrogée par le nouveau code pénal entré en vigueur le 1er juin 2005), tel qu’il était en vigueur à l’époque des faits, disposait ce qui suit : « (...) Est passible d’un à trois ans d’emprisonnement (...) quiconque, sur la base d’une distinction fondée sur l’appartenance à une classe sociale, à une race, à une religion, à une secte ou à une région, incite le peuple à la haine et à l’hostilité de manière à mettre en péril l’ordre public. (...) »
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1964 et était détenu à Nijni Taguil (région de Sverdlovsk) jusqu’à sa libération conditionnelle le 4 septembre 2015. Depuis 1992, il était employé au département régional de Belgorod du ministère de l’Intérieur. Le 19 décembre 2012, une enquête pénale pour détournement de fonds fut ouverte à l’encontre d’une collègue du requérant. Le 16 janvier 2013, le département régional du ministère de l’Intérieur adopta une décision de licenciement à l’encontre du requérant pour perte de confiance, conformément à l’article 82 § 1, 22) de la loi relative à la police (voir la partie « Le droit interne pertinent »). Dans la décision de licenciement, il était indiqué que, lors de l’enquête pénale, des données quant à l’implication du requérant dans le délit de détournement de fonds avaient été obtenues. À un moment non précisé dans le dossier, le requérant fut mis en examen pour détournement de fonds aggravé et pour détention d’armes non autorisée. Le 14 février 2013, il saisit la justice en contestant la décision de licenciement. Le 11 mars 2013, la cour régionale de Belgorod, estimant que le licenciement était conforme à l’article 82 § 1, 22) de la loi relative à la police, rejeta l’action du requérant. Elle se prononça en particulier comme suit : « La participation (причастность) de Ruzhnikov V.I. au délit pénal de détournement de fonds commis par sa subordonnée [B.] (...) a été établie lors de l’examen de la présente affaire (...) Vu que [B.], au su du chef du département de l’Intérieur Ruzhnikov V.I., qui n’avait pas pris de mesures pour mettre fin aux actes illégaux de sa subordonnée, ainsi que Ruzhnikov V.I. lui-même ont obtenu des fonds, et [que si ce dernier] était laissé en fonction, il aurait pu continuer à obtenir illégalement des avantages pécuniaires (...) » Le requérant fit appel de ce jugement. Il invoquait entre autres une violation de son droit d’être présumé innocent et estimait que son licenciement, intervenu avant qu’il n’eût été condamné pénalement, était prématuré. Le 14 juin 2013, la Cour suprême de Russie rejeta l’appel du requérant. Le 20 mars 2014, la cour régionale de Belgorod jugea le requérant coupable des délits incriminés et le condamna à deux ans et deux mois d’emprisonnement. Les recours de l’intéressé contre le jugement de condamnation furent rejetés pour l’essentiel. II. LE DROIT INTERNE PERTINENT Selon l’article 14 § 1 du code de procédure pénale, la personne accusée d’une infraction pénale est réputée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit prouvée conformément à la loi et établie dans un jugement définitif de condamnation. Selon l’article 82 § 1, 22) et § 4 de la loi fédérale no 342-FZ du 30 novembre 2011 relative à la police, en vigueur à l’époque des faits, l’un des fondements pour le licenciement d’un employé du ministère de l’Intérieur était la perte de confiance de son employeur.
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LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1967 et réside à Independenţa. Le 19 avril 2012, le requérant a été incarcéré à la prison de Galaţi pour purger une peine de sept ans et huit mois de prison pour escroquerie. Pendant sa détention, il a été transféré pour de courtes périodes – environ trois mois et deux semaines au total – dans d’autres centres de détention. Lors de la présentation des dernières observations par les parties, à savoir en octobre 2016, le requérant était toujours détenu à la prison de Galaţi. A. Les conditions matérielles de détention à la prison de Galaţi Le requérant indique que, pendant sa détention, il a partagé des cellules d’environ 17 m2 avec quatorze autres détenus. Les cellules n’auraient été dotées que d’un seul WC et l’eau n’aurait été fournie que pendant quelques heures par jour. L’hygiène y aurait été précaire et la literie aurait été infestée d’insectes. Selon les informations fournies par le Gouvernement, fondées sur une lettre en provenance de la direction de l’administration nationale des pénitenciers (« l’ANP »), pendant sa détention du 11 juin 2012 au 5 mai 2015 le requérant a partagé des cellules d’une superficie d’environ 24 m² avec un nombre variable d’autres détenus, allant de onze à quatorze : il a bénéficié donc d’un espace personnel entre 1,6 m² et 2 m². Le requérant aurait toujours eu son propre lit. Après le 5 mai 2015, le requérant aurait partagé sa cellule avec neuf autres détenus, bénéficiant ainsi d’un espace personnel de 2,4 m². Toujours selon la direction de l’ANP, les détenus avaient tous accès à l’eau, ils bénéficiaient de deux douches par semaine jusqu’au 1er mai 2016 et, après cette date, de trois par semaine, d’une nourriture suffisante et appropriée, et de bonnes conditions d’hygiène. B. Le traitement médical Lors de son placement en détention, le requérant souffrait d’ulcères. Il déclara être fumeur depuis l’âge de 7 ans. À la suite des visites médicales réalisées à l’hôpital-prison de Poarta Albă du 27 août 2014 au 6 novembre 2014, différentes pathologies, à savoir « hypertension artérielle, gastro-duodénite chronique et spondylose lombaire » lui furent diagnostiquées. Un traitement médical fut prescrit au requérant pour l’hypertension artérielle et la gastro-duodénite chronique, traitement qu’il reçut de manière constante. D’après les documents médicaux versés au dossier, le requérant a fait l’objet d’un suivi régulier et spécialisé pour ses maladies. De même, le traitement médical recommandé a été régulièrement fourni au requérant, celui-ci étant tenu d’attester par sa signature la remise des médicaments. Pendant sa détention, le requérant aurait bénéficié d’un régime alimentaire spécifique réservé aux personnes malades.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1952. Les parties n’ont pas informé la Cour du lieu de résidence actuel du requérant. Le requérant est le leader d’un mouvement connu sous le nom de « Mouvement pour l’intégration spirituelle dans l’absolu » (« le MISA »). La création et le fonctionnement du MISA ainsi que les actes d’enquête réalisés par les autorités nationales à l’égard de certains des membres du MISA sont décrits dans les affaires Amarandei et autres c. Roumanie (no 1443/10, §§ 714, 26 avril 2016), Mouvement pour l’intégration spirituelle dans l’absolu c. Roumanie ((déc.), no 18916/10, §§ 4-9, 2 septembre 2014) et Bivolaru c. Roumanie (no 28796/04, § 8, 28 février 2017). A. L’ouverture des poursuites pénales contre le requérant Par une ordonnance du 12 mars 2004, le parquet près la cour d’appel de Bucarest ordonna l’ouverture de poursuites pénales in rem pour évasion fiscale, crime organisé et blanchiment d’argent, infractions qui auraient été commises par des membres du MISA. L’ordonnance mentionnait des informations relatives à la vente d’images pornographiques sur Internet par des membres du MISA qui auraient agi sous la coordination du requérant. Le 18 mars 2004, plusieurs membres de la police spéciale perquisitionnèrent les domiciles de plus de seize membres du MISA, parmi lesquels celui du requérant et de M.D., âgée de dix-sept ans à l’époque. Lors de ces perquisitions, certains membres du MISA ont été victimes de brutalités policières (voir, à ce sujet, Amarandei et autres, précité, §§ 122166). Le même jour, M.D. fut interrogée, en tant que témoin, par le parquet près la cour d’appel de Bucarest pendant plusieurs heures, sans qu’elle fût assistée par un avocat ou un membre de sa famille. Il ressortait de sa déclaration que le requérant avait entretenu des rapports sexuels avec elle en 2002. Le parquet près la cour d’appel de Bucarest qualifia cette déclaration de plainte pénale contre le requérant et considéra que M.D. était partie lésée dans la procédure. Le jour suivant, M.D. retira cette déclaration et déposa une plainte pour abus contre le procureur ayant procédé à son interrogatoire, l’accusant de l’avoir forcée à déposer. Cette plainte fut rejetée à une date non précisée en 2004 au motif que M.D. avait été interrogée en qualité de témoin et non pas de partie lésée. Dans l’intervalle, le 16 mars 2004, la mère de M.D., interrogée comme témoin, avait déclaré que sa fille avait quitté le domicile familial pour partir à Bucarest sous l’influence de « personnes qui pratiquaient le yoga » et que le requérant lui avait fourni différents biens. Elle réitéra la teneur de sa déclaration le 22 mars 2004. Le 26 mars 2004, le parquet près la cour d’appel de Bucarest ordonna des poursuites à l’encontre du requérant des chefs de rapports sexuels avec un mineur et de perversion sexuelle. Le 28 mars 2004, le requérant fut interpellé à la frontière, alors qu’il essayait de passer en Hongrie depuis la Roumanie. Le 29 mars 2004, le parquet près la cour d’appel de Bucarest informa le requérant, en présence de deux avocats de son choix, qu’il était accusé des infractions de rapports sexuels avec un mineur, de perversion sexuelle et de tentative de passage illégal de la frontière. Le procèsverbal dressé à cette occasion comportait l’indication des articles de loi réprimant ces infractions et contenait un résumé des faits reprochés. Également le 29 mars 2004, le requérant fut interrogé à deux reprises par le parquet, d’abord en qualité de prévenu puis d’inculpé, et il nia les faits reprochés. Le même jour, le parquet ordonna une expertise médicolégale sur M.D. Le 1er avril 2004, celle-ci, accompagnée par son avocat, se présenta à l’Institut national de médecine légale de Bucarest afin de se soumettre à l’examen médicolégal. Une manifestation fut organisée en même temps devant cette institution par les membres du MISA, ce qui aurait déterminé M.D. à refuser ledit examen. M.D. déclara au parquet qu’elle se soumettrait à l’examen à une date ultérieure, mais elle ne se représenta pas. En mai 2004, deux autres personnes, M.A.A. et S.I., déposèrent des plaintes pénales contre le requérant, qu’elles accusaient du chef de rapports sexuels avec un mineur ; ces plaintes furent jointes au dossier pénal concernant M.D. Dans l’intervalle, du 30 mars au 1er avril 2004, le requérant avait été placé en détention provisoire au motif qu’il y avait des indices permettant de soupçonner qu’il avait commis les infractions de rapports sexuels avec un mineur, de perversion sexuelle et de tentative de passage illégal de la frontière. Après sa libération, il n’avait plus été retrouvé par les autorités et il avait été représenté dans la procédure subséquente par un ou plusieurs avocats de son choix. Pour de plus amples détails concernant l’interpellation, la détention et la remise en liberté du requérant, il convient de se référer à l’arrêt Bivolaru c. Roumanie (précité, §§ 25-50). B. Le départ du requérant pour la Suède À une date non précisée et dans des circonstances inconnues, le requérant partit pour la Suède, où, le 24 mars 2005, il déposa une demande d’asile politique. Les 11 et 15 avril 2005, le ministère roumain de l’Intérieur formula deux demandes d’extradition du requérant en raison de l’affaire pénale concernant les infractions à caractère sexuel susmentionnées. Le 21 octobre 2005, la Cour suprême suédoise rejeta ces demandes au motif que, du fait de ses convictions découlant de ses activités dans le cadre du MISA, le requérant risquait d’être persécuté en cas d’extradition vers la Roumanie. Le 2 janvier 2006, les autorités suédoises délivrèrent au requérant un titre de séjour permanent en tant que réfugié ainsi qu’une nouvelle identité. Le 10 février 2007, le requérant reçut des documents officiels lui permettant de voyager en tant que réfugié, en vertu de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés. Le passeport délivré au requérant portait la mention « valable dans tous les États, sauf la Roumanie ». C. La procédure pénale contre le requérant Par un réquisitoire du 13 août 2004, le parquet renvoya le requérant en jugement par défaut devant le tribunal départemental de Bucarest des chefs de rapports sexuels avec un mineur, de perversion sexuelle et de corruption de mineur – infractions régies par les articles 198 §§ 2 et 3, 201 §§ 3 et 3-1 et 202 § 3 du code pénal en vigueur à l’époque des faits (CP) –, ainsi que des chefs de traite des personnes, réprimée par la loi no 678/2001 concernant la prévention et la lutte contre la traite des personnes (« la loi no 678/2001 »), et de passage illégal de la frontière, prévu par l’article 70 § 1 de l’ordonnance du gouvernement no 105/2001 concernant les frontières de la Roumanie (« l’OUG no 105/2001 »). Par le même réquisitoire, F.M.M., une personne avec qui M.D. avait habité, et F.F.Z., qui aurait aidé le requérant à traverser illégalement la frontière, furent renvoyés en jugement, respectivement pour le chef de corruption de mineur – infraction punie par l’article 202 1) combiné avec l’article 41 3) du CP – et pour le chef de trafic de migrants – infraction prévue par l’article 71 1) de l’OUG no 105/2001 modifiée par l’article 29 de la loi no 39/2003. M.D. était partie lésée dans la procédure, et M.A.A. et S.I. se constituèrent parties civiles. Par un arrêt du 24 novembre 2004, la Haute Cour de cassation et de justice (« la Haute Cour ») ordonna le transfert du dossier au tribunal départemental de Sibiu, faisant ainsi droit à une demande du requérant. La procédure en première instance Le 13 janvier 2005, le dossier fut enregistré au rôle du tribunal départemental de Sibiu. Le requérant, représenté par l’avocat de son choix, fut cité à comparaître à deux adresses à Bucarest et, par voie d’affichage, à l’adresse de la mairie de son domicile. Entre février et avril 2005, l’affaire fut ajournée trois fois pour défaut de citation correcte de la partie lésée et en raison de l’absence de certains témoins. Le 11 mai 2005, le tribunal départemental de Sibiu fut informé que le requérant se trouvait en Suède. L’affaire fut ajournée quatre fois pour défaut de citation correcte du requérant, dont l’adresse en Suède n’était pas connue. Le 9 novembre 2005, par un jugement avant dire droit, le tribunal départemental prit note que l’avocat du requérant indiquait, à sa demande, l’adresse de son client à l’étranger et sollicitait que tous les actes de procédure y fussent notifiés. L’affaire fut ajournée par la suite quatre fois pour défaut de procédure lié à la comparution de la partie civile M.A.A., qui devait être citée au Japon, et en raison de l’absence des témoins. À la demande du tribunal, M.A.A. indiqua l’adresse d’un nouveau domicile, en Roumanie, aux fins de sa citation à comparaître. Le 31 mai 2006, l’affaire fut ajournée pour défaut de citation légale du requérant, l’accusé de réception de la citation de ce dernier en Suède ayant été retourné au tribunal avec la mention « a déménagé ». L’avocat du requérant fut invité par le tribunal à indiquer « dans un délai raisonnable » une autre adresse à laquelle son client pouvait être cité. Du 11 juillet 2006 au 11 avril 2007, le tribunal départemental de Sibiu sursit à statuer afin de permettre à la Cour constitutionnelle d’examiner une exception de nonconstitutionnalité soulevée par l’intéressé concernant les dispositions de la loi no 678/2001, exception qui fut rejetée par ladite juridiction. Le 11 avril 2007, l’affaire fut ajournée pour défaut de procédure lié à la citation du requérant, qui avait sa résidence en Suède. Le parquet sollicita un ajournement à une date ultérieure afin de permettre la citation du requérant en Suède, et l’affaire fut ajournée au 28 juin 2007. Ultérieurement, l’affaire fut ajournée quatre fois en raison d’un défaut de procédure lié à la citation du requérant et de F.M.M. ou bien en raison de l’absence des témoins, pour lesquels la procédure de mandat d’amener n’avait pas été respectée. Le 4 février 2008, le tribunal départemental de Sibiu demanda aux services postaux de prendre les mesures nécessaires, sous peine de sanction, afin de communiquer en urgence les actes de procédure au requérant en Suède. Le 17 mars 2008, les avocats du requérant, au nombre de deux, soutinrent que la procédure de citation à comparaître de leur client en Suède était viciée, au motif que celui-ci n’avait pas reçu la convocation pour l’audience dans le délai prévu à l’article 177 alinéa 81 du CPP, à savoir au plus tard quarante jours avant la date de ladite audience (paragraphe 102 cidessous). Le parquet répliqua que le choix du domicile de l’intéressé à l’étranger avait pour finalité de tergiverser et que les procès pénaux devaient être conduits avec célérité. Le tribunal départemental ajourna l’affaire au 14 mai 2008 pour permettre la bonne conduite de la procédure de citation du requérant. Lors de l’audience du 11 juillet 2008, l’un des avocats du requérant et certains témoins demandèrent l’ajournement de la procédure en raison de leurs congés respectifs. Les avocats de la partie lésée et des inculpés sollicitèrent l’ajournement de l’affaire à une date postérieure au 30 septembre 2008. Le tribunal départemental ajourna l’affaire au 3 octobre 2008. Par la suite, l’affaire fut ajournée à trois reprises pour défaut de procédure lié à la comparution de la partie civile M.A.A., laquelle devait à nouveau être citée au Japon, et en raison de l’absence de certains témoins, qui devaient être cités avec mandat d’amener. Le 9 février 2009, le requérant, par le biais de son avocat, présenta au tribunal départemental ses demandes de preuve. Le 17 avril 2009, l’affaire fut ajournée pour permettre la citation légale de la partie civile M.A.A. et pour donner au requérant la possibilité de verser au dossier un enregistrement contenant sa déclaration concernant les faits reprochés. Le 19 juin 2009, l’avocat du requérant versa au dossier un enregistrement vidéo comportant une déclaration de son client accompagnée d’une transcription, déclaration dans laquelle l’intéressé présentait sa position sur les accusations formulées contre lui. Pour justifier son absence à la procédure, le requérant se référait au rejet par la Cour suprême suédoise de la demande d’extradition formulée par la Roumanie, et il précisait que ce rejet était fondé sur un risque pour lui de subir de graves persécutions de la part des autorités roumaines en raison de ses convictions (paragraphe 21 cidessus). Il clamait également son innocence quant aux faits pour lesquels il était poursuivi. Au cours de l’audience tenue le même jour, le tribunal départemental visionna cet enregistrement en présence des parties et des avocats. Il entendit M.D. également ce jour-là. Lors de la même audience, toujours par le biais de son avocat, le requérant demanda au tribunal départemental d’ordonner au parquet de verser au dossier les mandats émis à son nom pour autoriser l’interception de ses conversations téléphoniques. Le parquet indiqua que ces documents étaient classés « secret d’État », qu’il convenait de respecter les règles relatives à la protection des documents classifiés et que seul un représentant du tribunal devait bénéficier d’un accès à ce type de renseignements. Les mandats ne furent pas versés au dossier. Le 14 septembre 2009, l’affaire fut ajournée en raison d’un mouvement de protestation des magistrats en Roumanie. Par la suite, lors des deux audiences suivantes, des preuves furent instruites et l’affaire fut ajournée une fois en raison de vices de procédure. Les débats au fond eurent lieu le 26 mars 2010. Le 23 avril 2010, l’avocat du requérant versa au dossier un autre enregistrement contenant les conclusions de son client sur le fond de l’affaire ainsi que leur transcription. Par un jugement du même jour, le tribunal départemental prononça l’acquittement du requérant des chefs de rapports sexuels avec un mineur, de perversion sexuelle et de traite des personnes commis sur la personne de M.D. et de rapports sexuels avec un mineur commis sur la personne de S.I. En outre, il clôtura l’affaire pour cause de prescription en ce qui concernait les infractions de corruption de mineur commise sur la personne de M.D., de rapports sexuels avec un mineur commis sur la personne de M.A.A. et de passage illégal de la frontière. La procédure d’appel Le parquet interjeta appel du jugement du tribunal départemental de Sibiu. Le 28 février 2011, le requérant fit part à la cour d’appel de son refus de faire une déclaration supplémentaire. En outre, par le biais de son avocat, il versa au dossier ses propres conclusions écrites, lesquelles comportaient une analyse des preuves instruites dans l’affaire ainsi que son opinion quant aux raisons de sa mise en accusation, et il demanda que l’appel du parquet fût rejeté. Par un arrêt du 14 mars 2011, la cour d’appel d’Alba Iulia rejeta l’appel du parquet et confirma le jugement rendu en première instance. La procédure de pourvoi en recours Le parquet forma un pourvoi en recours contre l’arrêt de la cour d’appel. Le 15 décembre 2011, le requérant versa au dossier, par le biais de ses avocats, une déclaration par laquelle il informait la Haute Cour de son souhait de ne pas faire de déclarations supplémentaires et par laquelle il proclamait son innocence. Par un arrêt du 12 avril 2012, se référant aux articles 3859 § 17² et 38515 § 2 d) du code de procédure pénale et à l’article 6 de la Convention, la Haute Cour fit droit au pourvoi en recours du parquet et cassa l’arrêt rendu en appel, au motif qu’il y avait eu en l’espèce une application erronée du droit. Elle renvoya à la position des juridictions inférieures quant à l’admission, en tant que preuves, des enregistrements téléphoniques et à la procédure d’interrogatoire de certains témoins protégés. La Haute Cour observait dans son arrêt que, afin de se conformer à la jurisprudence de la Cour, elle devait examiner directement les preuves instruites, étant donné que le requérant avait été acquitté en première instance et en appel, et qu’elle devait examiner le fond de l’affaire. Elle indiquait « qu’elle devait prendre des mesures positives pour clarifier des questions essentielles concernant les faits [mentionnés dans le cadre du] pourvoi en recours et donner aux inculpés la possibilité de se défendre ». Lors de ses audiences successives, la Haute Cour interrogea les témoins cités dans l’affaire ainsi que M.D. a) La commission rogatoire Le 13 juillet 2012, l’un des conseils du requérant demanda à la Haute Cour d’interroger l’intéressé sur commission rogatoire en Suède. La Haute Cour demanda au requérant de présenter des documents attestant de son statut de réfugié en Suède. Le 3 septembre 2012, le requérant versa au dossier des documents en ce sens. La Haute Cour demanda aux autorités roumaines de confirmer le statut de réfugié du requérant en Suède. Faute de réponse, elle adressa directement au Conseil suédois de l’immigration une demande d’informations concernant le statut de réfugié et l’adresse du requérant en Suède. Pour l’audience du 21 novembre 2012 tenue devant la Haute Cour, les autorités suédoises envoyèrent les informations ainsi demandées. Lors de la même audience, la Haute Cour demanda au requérant s’il acceptait d’être interrogé par vidéoconférence, tout en précisant que cette modalité d’interrogatoire avait pour but d’assurer une perception directe de la déclaration de l’intéressé. Le 12 décembre 2012, se référant à l’article 178 § 9 de la loi no 302/2004 sur la coopération judiciaire internationale en manière pénale, le requérant indiqua que l’interrogatoire par vidéoconférence ne pouvait être réalisé sans son consentement. Il déclara qu’il ne donnait pas son accord à son interrogatoire par vidéoconférence et qu’il entendait être interrogé sur commission rogatoire. Le 18 décembre 2012, la Haute Cour accepta la demande du requérant d’être interrogé sur commission rogatoire. Elle transmit aux autorités suédoises, par l’intermédiaire du ministère roumain de la Justice, une demande d’assistance judiciaire et une liste de questions à poser au requérant. Elle précisait dans sa demande que celle-ci présentait un caractère urgent, étant donné que l’affaire était pendante devant les instances judiciaires roumaines depuis 2005. Le 26 février 2013, les autorités suédoises informèrent la Haute Cour qu’elles n’avaient pas pu exécuter la commission rogatoire dans le délai indiqué, à savoir avant le 20 février 2013. La Haute Cour leur communiqua alors la date d’une nouvelle audience et insista sur la nécessité d’exécuter la commission rogatoire. Le 22 mars 2013, les autorités suédoises informèrent la Haute Cour qu’elles ne pouvaient pas exécuter la commission rogatoire dans le délai requis par elle. Le 11 avril 2013, la Haute Cour demanda aux autorités suédoises les raisons pour lesquelles la commission rogatoire n’avait toujours pas été exécutée trois mois après sa demande initiale et si le retard était causé par la conduite du requérant ou par la procédure prévue par la loi suédoise en la matière. Le 30 avril 2013, le ministère suédois de la Justice informa la Haute Cour que le retard était dû à la procédure suédoise, qu’il n’était pas imputable au requérant et que ce dernier n’avait même pas encore été contacté. Il indiqua également que la commission rogatoire ne pourrait pas être exécutée dans le délai imparti par la haute juridiction roumaine et qu’il était impossible d’estimer le délai nécessaire pour le faire. Le 9 mai 2013, la Haute Cour demanda aux autorités suédoises de lui fournir des détails sur les raisons de la non-exécution de la commission rogatoire, en soulignant que les faits reprochés avaient été commis en 2000, que l’affaire était pendante devant les juridictions pénales roumaines depuis 2005 et que la procédure était dans une phase avancée. Faisant observer que tous les documents avaient été transmis aux autorités suédoises depuis le début de l’année 2013, elle demanda par ailleurs que la commission rogatoire fût exécutée avec sérieux et en urgence. Le 23 mai 2013, le Bureau national d’Eurojust (Unité de coopération judiciaire de l’Union européenne) du Royaume de Suède informa la Haute Cour que le bureau du Procureur général s’occupait de l’affaire, tout en précisant que la tâche ne serait pas facile étant donné que le gouvernement suédois avait déjà rejeté une demande concernant le requérant en 2006. Il ne fournit aucun délai quant à l’exécution de la commission rogatoire. La Haute Cour adressa une lettre aux autorités suédoises dans laquelle elle indiquait que le comportement de celles-ci dans l’exécution de la commission rogatoire était incompréhensible. Elle ajoutait que la demande rejetée en 2006 concernait une demande d’extradition du requérant, et non pas une demande d’interrogatoire sur commission rogatoire. Sur ce point, elle précisait que cet acte de procédure avait été sollicité par le requérant même et qu’il représentait l’un des derniers actes de procédure permettant de trancher définitivement l’affaire. Le 31 mai 2013, le ministère suédois de la Justice indiqua que le bureau du Procureur général n’avait pas encore pris une décision quant à la demande d’assistance judiciaire, que le dossier devait faire l’objet d’une appréciation et que celle-ci prenait du temps en raison de la nécessité pour d’autres autorités suédoises de recueillir des renseignements. Il mentionna également qu’une décision sur la demande d’assistance judiciaire serait prise au plus tôt à l’automne 2013 et que, si la demande était accueillie, le dossier serait attribué à un parquet chargé de traiter celle-ci. Par un jugement avant dire droit du 6 juin 2013, après une audience tenue en présence des avocats du requérant, la Haute Cour estima qu’il ne convenait plus d’attendre la réponse des autorités suédoises quant à l’audition de l’intéressé sur commission rogatoire. Pour fonder sa décision, elle indiqua ce qui suit : « (...) compte tenu des réponses des autorités suédoises, d’où il ressort non seulement qu’il n’est pas possible d’envisager l’époque à laquelle cette preuve [consistant en l’audition] pourrait être [recueillie], mais aussi que [la] réalisation [de l’audition] même est incertaine (...) ; compte tenu de ce que la demande a été formulée six mois auparavant, il convient de renoncer à la mesure ordonnée, à savoir l’audition de l’inculpé Gregorian Bivolaru et de ne plus attendre la réponse des autorités du Royaume de Suède à cet égard. » Ce jugement n’était pas susceptible d’un recours spécifique. Lors de la même audience, la Haute Cour fit droit à la demande des avocats du requérant de verser au dossier des preuves circonstancielles et ajourna l’affaire au 14 juin 2013. b) L’interception des conversations téléphoniques La Haute Cour lui ayant demandé de verser au dossier les mandats émis pour l’interception des conversations téléphoniques du requérant, le parquet déclassifia les trois mandats émis au nom de ce dernier le 13 novembre 2002 et les 11 février et 9 mai 2003 et les versa au dossier de l’affaire. En examinant la légalité de ces mandats, la Haute Cour constata que ceux-ci avaient été émis par le procureur conformément à la loi no 51/1991 sur la sûreté nationale de la Roumanie (« la loi no 51/1991 ») en vigueur à l’époque des faits. Se référant à l’arrêt Dumitru Popescu c. Roumanie (no 2) (no 71525/01, 26 avril 2007), elle indiqua que, bien que la loi no 51/1991 méconnaissait l’article 8 de la Convention puisqu’elle ne permettait pas de protéger un requérant contre l’arbitraire des autorités, l’utilisation des enregistrements comme preuve par le juge national ne privait pas l’intéressé d’un procès équitable. Elle conclut que, dans les circonstances de l’espèce, les enregistrements pouvaient constituer des preuves. c) L’arrêt rendu dans le cadre de la procédure de pourvoi en recours Le 13 juin 2013, le requérant réitéra sa demande d’interrogatoire sur commission rogatoire et versa au dossier des preuves circonstancielles. Lors de l’audience du 14 juin 2013, les avocats du requérant et ceux de son coïnculpé F.F.Z., demandèrent que F.M.M., également inculpée, fût à nouveau interrogée. La Haute Cour rejeta cette demande. Les débats devant la Haute Cour eurent lieu. La position du requérant fut défendue par deux avocats choisis par celui-ci. Par un arrêt définitif du 14 juin 2013, se fondant sur les preuves du dossier (déclarations des témoins, écrits, les enregistrements des conversations), la Haute Cour condamna le requérant à une peine de six ans d’emprisonnement du chef de rapports sexuels avec un mineur commis sur la personne de M.D. Elle l’acquitta en revanche pour les infractions de traite des personnes commise sur la personne de M.D., de rapports sexuels avec un mineur commis sur la personne de S.I. et de perversion sexuelle commise sur la personne de M.D. En outre, elle décida de clôturer l’affaire pour prescription en ce qui concernait les infractions de rapports sexuels avec un mineur commis sur la personne de M.A.A., de corruption de mineur commise sur la personne de M.D. et de passage illégal de la frontière. Dans son arrêt, en examinant si le requérant avait été interrogé pendant la procédure, la Haute Cour nota ce qui suit : l’intéressé avait été interrogé au début des poursuites pénales ; après sa remise en liberté, il ne s’était plus présenté au procès ; il avait transmis ses propres déclarations aux juridictions inférieures ; il avait indiqué, avant que le recours ne fût déclaré recevable, ne pas vouloir faire de déclarations supplémentaires devant la Haute Cour ; lors de l’examen au fond du recours, il n’avait pas consenti à son interrogatoire par vidéoconférence, et la procédure d’interrogatoire sur commission rogatoire n’avait pas abouti. La Haute Cour motiva sa décision de ne pas poursuivre cette procédure ainsi : « Compte tenu du laps de temps très long écoulé depuis qu’elle [la Haute Cour] a adressé sa demande aux autorités suédoises, de l’absence de certitude quant à une réponse positive de la part de celles-ci et d’une absence de justification quant à la longueur de cette procédure ([il est fait état de] la difficulté de l’affaire, [de] l’existence d’une demande antérieure rejetée – probablement [mise en] lien avec la demande d’extradition rejetée antérieurement – sans qu’il soit constaté qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle demande d’extradition mais d’une [demande d’]audition de l’inculpé, [dont le seul but est d’obtenir] des réponses à certaines questions), mais également de [l’absence] d’un délai dans lequel la demande (éventuellement accueillie) sera [concrétisée] par l’audition de l’inculpé ; tous ces éléments, [qui remettent] en question la volonté réelle des autorités judiciaires suédoises d’accorder l’assistance judiciaire aux autorités homologues de l’État roumain, membre de l’Union européenne, combinés avec la phase très avancée de la procédure de réexamen du fond de l’affaire (la nouvelle administration des preuves étant quasiment clôturée) et avec la durée très longue de la procédure pénale (le dossier est pendant devant les juridictions internes depuis 2005 pour des infractions présumées commises de 2000 à 2004), [ont conduit] la Haute Cour, lors de l’audience du 6 juin 2013, à revenir sur l’acceptation de la [demande de l’inculpé d’une audition sur] commission rogatoire, admise le 18 décembre 2012. » Le 17 juin 2013, le tribunal départemental délivra un mandat d’arrêt européen au nom du requérant en vue de l’exécution de la peine de six ans d’emprisonnement infligée par l’arrêt définitif du 14 juin 2013 de la Haute Cour. D. L’action en responsabilité civile délictuelle Entre-temps, le 1er juin 2012, se fondant sur les articles 998, 999 et 1000 § 3 du code civil en vigueur à l’époque des faits et sur les articles 8 et 13 de la Convention, le requérant saisit le tribunal de première instance de Bucarest (« le tribunal de première instance ») d’une action en responsabilité civile délictuelle contre l’État, représenté par le ministère des Finances, et contre le parquet près la Haute Cour pour dénoncer une illégalité des mandats émis les 13 novembre 2002 et 9 mai 2003 et des écoutes téléphoniques et pour demander réparation du préjudice qu’il disait avoir subi du fait de ces enregistrements. Le requérant demandait 20 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral. À cet égard, il expliquait que les mandats d’interception de ses conversations téléphoniques, qui avaient selon lui été illégalement et arbitrairement émis, lui avaient causé un préjudice grave puisqu’ils auraient porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée et que les enregistrements obtenus par ce biais auraient été utilisés pour constituer un dossier pénal contre lui. Il ajoutait que l’interception de ses conversations lui avait occasionné un préjudice psychique incontestable et un fort sentiment d’insécurité, eu égard également à la persécution qu’il aurait subie pendant le régime communiste. Par un jugement du 15 janvier 2013, le tribunal de première instance déclara l’action irrecevable. Sur recours du requérant, par un arrêt du 29 janvier 2014, le tribunal départemental de Bucarest cassa le jugement susmentionné et renvoya l’affaire au tribunal de première instance. Par un jugement du 27 janvier 2015, ce tribunal rejeta l’action comme mal fondée. Le requérant forma un pourvoi en recours. Par un arrêt définitif du 23 juin 2015, le tribunal départemental de Bucarest fit droit au pourvoi du requérant et admit l’action de celui-ci. Après avoir noté que les mandats émis au nom du requérant étaient fondés sur la loi no 51/1991 et que la compatibilité de celle-ci avec la Convention avait été examinée par la Cour dans l’affaire Dumitru Popescu (no 2) (précitée), et après avoir rappelé les critères établis par la Cour dans cette affaire, le tribunal départemental jugea que les mandats autorisant l’interception des conversations de l’intéressé avaient porté atteinte au droit à la vie privée de ce dernier. Il notait que le requérant n’avait pas bénéficié des garanties concernant la sauvegarde et la destruction des enregistrements et qu’au moment de la réalisation de ceux-ci il n’existait pas une autorité indépendante qui aurait pu attester leur réalité et leur fiabilité. Le tribunal départemental concluait que l’ingérence dans le droit du requérant au respect de sa vie privée n’était pas proportionnée au but poursuivi, à savoir la protection de la sécurité nationale. Quant à la réparation à octroyer, considérant que le constat de violation de l’article 8 de la Convention constituait en soi une réparation équitable suffisante pour le dommage moral subi par le requérant, le tribunal départemental octroya à ce dernier une somme symbolique de 1 leu roumain (RON, soit environ 0,30 EUR). Pour justifier sa décision quant au montant du préjudice moral, le tribunal départemental tint le raisonnement suivant : « Pour ce qui est de l’existence du préjudice moral allégué, celui-ci ressort de la méconnaissance même du droit à la vie privée protégé par l’article 8 de la Convention, le tribunal retenant le lien de causalité entre le fait illicite et le préjudice subi par le requérant. Dans ce contexte, le tribunal considère que l’action en justice (...) est bien fondée et il convient (...) d’y faire droit, en obligeant l’État roumain, par le ministère des Finances, à payer au demandeur la somme de 1 leu (RON) au titre du préjudice moral. Certaines précisions s’imposent quant à l’établissement du montant du dommage moral dans la présente affaire. Ainsi, le fait d’accorder 1 leu au titre du préjudice moral a, de manière évidente, une valeur symbolique, en renforçant l’effet de la décision par laquelle il est fait droit à l’action en raison de la méconnaissance du droit à la vie privée. Dans ce contexte, le fait d’accueillir l’action et le constat de la méconnaissance [du droit au respect de la vie privée] offrent au requérant une réparation suffisante du préjudice moral subi, étant donné qu’il n’y a pas de lien de causalité entre les faits qui étaient à l’origine de la violation constatée et la somme d’argent sollicitée par l’intéressé, [somme] qui n’a aucunement été [étayée] et ne peut pas être évaluée. Par conséquent, les circonstances spécifiques de l’affaire, le comportement du requérant – qui s’était soustrait à l’enquête pénale et à la condamnation prononcée par les instances roumaines –, la circonstance que la culpabilité de l’intéressé a été établie dans le cadre de la procédure pénale sur la base de toutes les preuves instruites, et non pas uniquement sur la base des enregistrements contestés, ne justifient pas l’octroi de la somme sollicitée par l’intéressé au titre du préjudice moral, étant donné que ce recours n’est pas mis à la disposition d’une partie comme un moyen d’enrichissement, mais comme un moyen d’obtention d’une satisfaction équitable pour le préjudice subi en raison de la méconnaissance du droit à la vie privée. » E. L’évolution ultérieure des faits L’extradition du requérant vers la Roumanie Le 26 février 2016, le requérant fut appréhendé à Paris alors qu’il circulait sous une fausse identité. Par un arrêt du 8 juin 2016, la cour d’appel de Paris ordonna la remise du requérant aux autorités judiciaires roumaines. Pour décider ainsi, la cour d’appel de Paris nota d’abord ce qui suit : « (...) la décision du Royaume de Suède d’accorder [à l’intéressé] le statut de réfugié politique à une date où la Roumanie n’était pas membre encore de l’Union européenne n’avait pas pour effet d’imposer à la chambre de l’instruction de refuser la remise de l’intéressé aux autorités judiciaires roumaines, au titre des dispositions de la Convention de Genève sur les réfugiés, dans la mesure où un tel refus contreviendrait à l’indication, mise à la charge de l’autorité judiciaire de l’[État] membre d’exécution, de refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen pour un autre motif que ceux exhaustivement énumérés de non-exécution obligatoire prévus à l’article 3 de la décision-cadre [de 2002 relative au mandat d’arrêt européen] ou de non-exécution facultative prévus aux articles 4 et 4 bis de cette même décision-cadre (...) ». Ensuite, considérant qu’il lui appartenait de rechercher s’il y avait des motifs obligatoires ou facultatifs de refus de la remise de l’intéressé aux autorités roumaines, la cour d’appel de Paris se pencha en particulier sur les questions de savoir, premièrement, s’il était établi que le mandat d’arrêt européen émis par les autorités judiciaires roumaines visait à la condamnation du requérant pour ses opinions politiques ou s’il pouvait être porté atteinte à la situation de celui-ci pour cette raison, et, deuxièmement, si le requérant avait été condamné en son absence. Pour ce qui était de l’argument relatif à une persécution de l’intéressé pour des raisons politiques liées à ses convictions, la cour d’appel de Paris reprit de manière détaillée le raisonnement que la Cour avait tenu dans l’arrêt Amarandei et autres c. Roumanie, (no 1443/10, §§ 239 à 248, 26 avril 2016) pour déclarer manifestement mal fondé un grief tiré des articles 9 et 14 de la Convention. Dans cette affaire, les membres du MISA alléguaient avoir fait l’objet de persécutions, ensemble avec leur leader (à savoir le requérant de la présente affaire), pour des raisons liées à leurs convictions. La Cour avait conclu qu’en l’occurrence la preuve de la condamnation du leader du MISA en raison de ses opinions politiques n’avait pas été rapportée et qu’il n’était pas établi qu’il pourrait être porté atteinte à la situation de celui-ci en Roumanie pour cette même raison. Concernant la condamnation par défaut du requérant, la cour d’appel de Paris nota que ce dernier avait été représenté dans la procédure par un avocat de son choix et par un deuxième conseil. Elle ajouta ce qui suit : « (...) [que,] dès le début du procès, [l’intéressé] a été cité à plusieurs adresses en Roumanie et en Suède, où il s’était réfugié, que la citation dans ce dernier pays avait été effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception et qu’il avait signé la preuve [de l’]accomplissement de la procédure de citation, qu’il avait refusé de s’expliquer devant ses juges par visioconférence, qu’il avait été donné une suite favorable à sa demande d’audition par commission rogatoire [et] que c’était uniquement en raison de l’inertie des autorités suédoises que la Haute Cour a[vait] renoncé à cette audition (...) » La cour d’appel de Paris constata qu’en l’espèce les conditions étaient réunies pour autoriser la remise de l’intéressé aux autorités roumaines. Un pourvoi fut introduit contre l’arrêt du 8 juin 2016 ; il fit l’objet d’une décision de rejet le 12 juillet 2016. Le 22 juillet 2016, le requérant fut conduit en Roumanie, où il fut placé en détention. La demande du requérant de réouverture de la procédure pénale Le 2 août 2016, se fondant sur l’article 466 du nouveau code de procédure pénale (« le NCPP » ; paragraphe 107 ci-dessous) et sur l’article 6 de la Convention, le requérant demanda au tribunal départemental de Sibiu la réouverture du procès ayant abouti à sa condamnation par l’arrêt définitif de la Haute Cour du 14 juin 2013 (paragraphe 76 ci-dessus). Il tirait argument du fait que le procès s’était déroulé en son absence et qu’il n’avait pas été interrogé par la Haute Cour. Il exposait que, lors du procès initial, il s’était trouvé dans une impossibilité objective d’y participer, ce qui selon lui ressortait de la décision des autorités suédoises de lui accorder le statut de réfugié, et qu’à aucun moment il n’avait manifesté de manière non équivoque son intention de ne pas participer au procès. Il expliquait qu’il s’était trouvé en situation de force majeure, étant titulaire d’un passeport comportant la mention de sa validité dans tous les États sauf la Roumanie (paragraphe 23 cidessus), et qu’il aurait subi des persécutions en cas de retour en Roumanie. Par un jugement du 11 novembre 2016, après avoir examiné les pièces du dossier, le tribunal départemental de Sibiu rejeta la demande de réouverture du procès. Pour décider ainsi, le tribunal départemental nota que, d’après l’article 466 du NCPP, le condamné qui avait mandaté un avocat pour le représenter dans la procédure ne pouvait pas être considéré comme ayant été jugé par contumace, et que, en l’espèce, le requérant avait été représenté par des avocats de son choix tout au long de la procédure, y compris pendant les poursuites pénales. Le tribunal départemental de Sibiu indiqua ensuite que, bien que la solution de l’affaire fût certaine – étant donné que le requérant avait été représenté par des avocats dans la procédure –, il allait répondre également aux affirmations du requérant selon lesquelles celui-ci s’était trouvé dans une impossibilité objective de participer au procès compte tenu de son statut de réfugié. À cet égard, le tribunal nota que, par un arrêt du 21 octobre 2005, la Cour suprême suédoise avait rejeté la demande d’extradition du requérant formulée par les autorités roumaines. Il estima qu’il convenait toutefois de tenir compte également de l’arrêt du 8 juin 2016 de la cour d’appel de Paris (paragraphes 86 à 90 ci-dessus), laquelle avait examiné la situation du requérant et avait jugé qu’il ne pouvait pas être retenu que celui-ci avait été pénalement condamné en raison de ses opinions politiques ni qu’il existait un risque que lors de son retour en Roumanie l’intéressé fût soumis à des persécutions en raison de ses convictions. En outre, il exposa que, dans son arrêt Amarandei et autres (précité, §§ 239 et 244), la Cour avait déclaré manifestement mal fondé le grief des membres du MISA tiré des articles 9 et 14 de la Convention, après avoir constaté que les actions des agents de l’État n’avaient pas poursuivi un but discriminatoire portant atteinte au droit des intéressés de manifester leurs convictions. Le tribunal considéra que, en l’espèce, même si le requérant avait obtenu le statut de réfugié, il n’avait pas été confronté à un cas de force majeure l’ayant empêché de revenir en Roumanie, son retour n’ayant dépendu que de sa propre volonté. Le tribunal départemental de Sibiu nota également que le requérant n’avait pas été dans l’impossibilité d’informer les juridictions roumaines de son impossibilité de participer au procès, mais que, au contraire, il les avait prévenues, dans ses déclarations, qu’il n’avait pas l’intention de se présenter en personne au procès. Le tribunal constata donc que le requérant ne se trouvait pas non plus dans le deuxième cas de figure prévu par la première phrase de l’article 466 § 2 du NCPP (paragraphe 107 ci-dessous). Le tribunal départemental de Sibiu examina ensuite si, à la lumière de la jurisprudence de la Cour, le requérant se trouvait dans une situation qui aurait imposé la réouverture de la procédure. À ce sujet, le tribunal départemental nota qu’il ressortait clairement du dossier que le requérant s’était vu notifier les accusations pénales portées contre lui et qu’il avait été représenté dans la procédure par ses avocats, avec lesquels il avait collaboré de manière permanente et effective. Il ajouta que l’intéressé, qui avait transmis ses déclarations écrites ou enregistrées sur bande vidéo, par le biais de ses avocats, pour versement au dossier, n’avait jamais sollicité l’ajournement du procès en arguant de son impossibilité à se présenter devant le tribunal et qu’il avait demandé aux différentes juridictions d’examiner l’affaire sur la base des preuves du dossier en indiquant qu’il ne se présenterait pas en personne. Le tribunal nota également que le requérant avait demandé à être interrogé sur commission rogatoire, mais que cette modalité d’interrogatoire ne permettait pas d’assurer un contact direct entre la formation de jugement et l’accusé. Il souligna qu’il avait été loisible au requérant d’être interrogé par vidéoconférence, mais que celui-ci n’avait pas consenti à cette modalité d’interrogatoire. Pour le tribunal départemental, ces éléments prouvaient que le requérant avait eu connaissance du procès et qu’il avait renoncé de manière non équivoque à son droit de comparaître en personne. Le requérant interjeta appel de ce jugement, tirant argument, entre autres, de ce qu’il n’avait pas été entendu par la Haute Cour. Il soutenait que les autorités suédoises lui avaient conseillé de ne pas consentir à un interrogatoire par vidéoconférence pour que sa vie et son intégrité physique ne fussent pas mises en danger. À cet égard, il exposait qu’il avait été agressé en 2005 au cours de sa détention en Suède, qu’après sa remise en liberté dans ce pays il avait reçu des lettres de menaces, que les autorités suédoises lui avaient alors indiqué ne pas être en mesure d’assurer sa protection permanente, et qu’elles lui avaient demandé de signer une déclaration par laquelle il s’engageait à être prudent et à assurer lui-même sa protection contre d’éventuelles agressions. Il ajoutait que, dans l’affaire Amarandei et autres (précitée), l’État roumain avait été condamné pour des abus commis par ses agents sur les membres du MISA ce qui, selon lui, prouvait que ses craintes d’être persécuté en Roumanie étaient fondées. 100. Par un arrêt définitif du 8 mars 2017, la cour d’appel d’Alba Iulia rejeta l’appel du requérant et confirma le bien-fondé du jugement du 11 novembre 2016. Elle ajouta que les allégations du requérant selon lesquelles les autorités suédoises lui avaient conseillé de ne pas accepter la vidéoconférence pour des raisons liées à sa propre sécurité n’étaient pas étayées par des preuves. Elle indiqua aussi qu’il n’y avait pas non plus de preuves démontrant que les actes d’agression commis sur la personne du requérant et les menaces proférées à son encontre étaient dus ou liés aux autorités roumaines ou à des personnes intéressées dans la présente affaire. La remise en liberté du requérant 101. Le 13 septembre 2017, le requérant fut remis en liberté conditionnelle. II. LE DROIT INTERNE ET INTERNATIONAL PERTINENT A. Les dispositions du code de procédure pénale 102. Les articles pertinents en l’espèce du CPP tel qu’en vigueur au cours de la procédure étaient ainsi libellés : Article 177 « 81. Afin d’établir le délai permettant d’assurer la présence de (...) l’inculpé se trouvant à l’étranger, il convient de prendre en compte les normes internationales applicables dans les rapports avec l’État sur le territoire duquel se trouve l’inculpé et, à défaut de telles normes, la nécessité de recevoir la citation à comparaître au plus tard quarante jours avant la date établie pour l’audience. » Article 3859 « Peut faire l’objet d’un pourvoi en recours : (...) 17². l’arrêt qui est contraire à la loi ou dans lequel une application erronée de la loi a été faite (...) » Article 38514 « 1. Lorsque le tribunal statue sur le pourvoi en recours, il doit interroger l’inculpé présent, conformément aux dispositions du chapitre II [Le procès en première instance] du titre II de la Partie spéciale, lorsque ce dernier n’a pas été entendu par les juridictions ayant statué sur le fond et en appel ou encore lorsque ces juridictions n’ont pas prononcé antérieurement une décision de condamnation. » Article 38515 « Lorsqu’il statue sur le pourvoi en recours, le tribunal peut (...) faire droit au pourvoi, infirmer la décision attaquée et (...) d) retenir l’affaire pour la juger à nouveau (...) » Article 38516 « Lorsque le tribunal qui a statué sur le pourvoi en recours retient l’affaire pour la juger à nouveau, conformément à l’article 38515 par. 2 d), il se prononce également, par une décision, sur les questions relatives à l’administration des preuves et fixe une date pour les débats. Lors des débats, le tribunal doit entendre l’inculpé présent, conformément aux dispositions prévues dans la Partie spéciale, Titre II, Chapitre II, lorsque ce dernier n’a pas été entendu par les juridictions ayant statué sur le fond et en appel ou encore lorsque ces juridictions n’ont pas prononcé antérieurement une décision de condamnation. » B. Les dispositions légales nationales et internationales concernant la coopération judiciaire internationale en manière pénale 103. La loi no 302/2004 sur la coopération judiciaire internationale en manière pénale (« la loi no 302/2004 »), telle qu’en vigueur à l’époque de la procédure initiale ayant abouti à la condamnation du requérant, prévoyait en son article 171 que l’assistance judiciaire internationale comprenait des actions telles que la commission rogatoire et l’audition par vidéoconférence. 104. Selon la même loi, la commission rogatoire internationale en matière pénale consistait en le pouvoir (împuternicirea) qu’une autorité judiciaire de l’État demandeur donnait à l’autorité d’un autre État afin que celle-ci procédât, à sa place et en son nom, à des actes judiciaires dans le cadre d’un procès pénal (article 173). L’audition du suspect ou de l’inculpé pouvait faire l’objet d’une commission rogatoire (article 174 § 1 a)). 105. L’article 178 de la loi no 302/2004 régissait l’audition par vidéoconférence. Les déclarations de l’inculpé se trouvant à l’étranger pouvaient être recueillies par vidéoconférence lorsqu’il n’était pas souhaitable ou pas possible que la personne en cause fût présente en personne sur le territoire de la Roumanie (article 178 § 11). La demande d’audition par vidéoconférence devait exposer le motif pour lequel la personne qui devait être interrogée ne pouvait pas comparaître en personne (article 178 § 3). L’audition était effectuée directement par l’autorité judiciaire compétente de l’État demandeur, ou sous sa direction, conformément au droit interne de ce dernier (article 178 § 6 c)). L’article 178 § 9 de la même loi prévoyait que les dispositions concernant l’audition par vidéoconférence pouvaient être appliquées pour l’audition du suspect ou de l’inculpé « si la personne en cause y consentait » et s’il existait un accord entre les autorités roumaines et les autorités de l’État requis. 106. L’article 9 du deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale et l’article 10 de la Convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l’Union européenne concernant l’audition par vidéoconférence sont cités dans l’arrêt Marcello Viola c. Italie (no 45106/04, §§ 23 et 24, CEDH 2006XI (extraits)). C. Les dispositions du nouveau code de procédure pénale concernant la réouverture d’un procès pénal 107. L’article 466 du NCPP, en vigueur depuis le 1er février 2014, se lit ainsi en ses parties pertinentes en l’espèce : « 1) La personne condamnée [par un arrêt] définitif en son absence peut demander la réouverture du procès pénal dans un délai d’un mois à partir du moment où elle a pris connaissance, par toute [forme de] notification officielle, qu’un procès pénal a été conduit contre elle. 2) Est considérée comme ayant été jugée par défaut (en son absence) la personne condamnée qui n’a pas été citée à comparaître au procès et n’a pas pris connaissance par un autre moyen officiel de l’existence de celui-ci, ou bien [celle] qui a eu connaissance de l’existence du procès et s’est absentée de manière justifiée sans avoir eu la possibilité d’en informer le tribunal. N’est considérée comme ayant été jugée par défaut ni la personne condamnée qui a désigné un avocat de son choix ou un mandataire si ces derniers se sont présentés [à un certain moment] (oricand) au cours du procès, ni la personne qui, après la communication du jugement de condamnation, effectuée conformément à la loi, n’a pas fait appel, a renoncé [à faire appel] ou a retiré son appel. » D. Les dispositions légales concernant les écoutes téléphoniques 108. Les dispositions pertinentes en l’espèce de la loi no 51/1991 et du CPP applicables en matière d’interception des conversations téléphoniques, telles qu’en vigueur à l’époque des faits, sont citées dans les affaires Dumitru Popescu (no 2) (précitée, §§ 41, 44 et 45) et Bucur et Toma c. Roumanie (no 40238/02, §§ 55 et suiv., 8 janvier 2013). 109. L’essentiel de la réglementation générale en matière de responsabilité civile délictuelle, à savoir les articles 998-1000 du code civil, en vigueur à l’époque des faits, est décrit dans les arrêts Iambor c. Roumanie (no 1) (no 64536/01, § 142, 24 juin 2008) et Pantea c. Roumanie (no 33343/96, § 153, CEDH 2003VI (extraits)).
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LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1967. Il est détenu à Tekirdağ. Le 9 avril 2003, le requérant fut arrêté durant une opération policière menée à Istanbul contre une organisation terroriste. La police saisit deux fusils automatiques, sept autres armes à feu et une multitude de munitions dans l’appartement occupé par le requérant et sa compagne. Le rapport médical du même jour indique une égratignure de 3 x 1 cm sur le poignet droit du requérant, une égratignure de 0,3 cm sur le pouce de sa main gauche, et une « lésion ancienne » sur l’intérieur de sa cuisse gauche. Un procès-verbal du 12 avril 2003, indique que le requérant, durant son interrogatoire, a agressé le policier H.I. à coups de poings et a mordu son bras. Un rapport médical indique que les blessures constatées sur ce policier nécessitent un arrêt temporaire de travail de dix jours. Le 13 avril 2003, à la fin de sa garde à vue, le requérant fut conduit à nouveau à l’hôpital. Trois procès-verbaux signés par les policiers et le médecin indique que le requérant a refusé l’examen médical, a agressé les policiers, puis a été maitrisé, et qu’il a été blessé à l’œil et au sourcil droit au cours de ces faits. Le même jour, le juge assesseur près la cour de sûreté de l’État d’Istanbul interrogea le requérant accusé d’homicides, de multiples attaques à la bombe et attaques à main armée, puis ordonna sa mise en détention provisoire. Le 18 avril 2003, le requérant fut examiné par le médecin de l’établissement pénitentiaire de Tekirdağ, lequel constata une croute de 2 cm sur la partie dorsale du poignet droit du requérant et une ecchymose sous son œil droit. Le requérant indiqua au médecin avoir été maltraité tant durant son arrestation que sa garde à vue en étant frappé, injurié, menacé, et placé debout devant l’appareil de climatisation. Il allégua également qu’il lui fut « administré des médicaments ». Le directeur de la prison communiqua au procureur de la République (« le procureur ») les documents ainsi établis. Le 6 mai 2003, le procureur recueillit la déposition du requérant concernant ses allégations. Celui-ci indiqua qu’il s’agissait de coups, de menaces, de privation de sommeil, de l’administration de médicaments, et d’être mis en station debout devant la climatisation. Le 20 février 2004, à l’issue de son enquête, le procureur introduisit un acte d’accusation à l’encontre de cinq policiers pour mauvais traitements. Alors que le requérant se trouvait en détention provisoire dans le cadre de la procédure menée à son encontre pour terrorisme, les autorités judiciaires chargés de l’enquête pénale contre les policiers pour mauvais traitements tentèrent de notifier les actes à l’adresse préalable du requérant ou bien chez ses parents, durant environ deux ans. La déposition du requérant fut finalement recueillie par commission rogatoire le 27 mars 2006 par le tribunal correctionnel de Tekirdağ, ville où le requérant se trouvait en détention. Le requérant indiqua brièvement avoir été frappé, menacé, insulté, et qu’il s’était vu administré des médicaments. Le 26 juillet 2007, considérant la force utilisée à l’égard du requérant comme étant nécessaire et proportionnelle tant lors de son arrestation qu’ultérieurement, la cour d’assises de Fatih acquitta les policiers, interrogés dans l’intervalle au cours des dix audiences tenues. La cour d’assises indiqua dans ses motifs qu’il était établi que le requérant avait agressé les policiers et que ceux-ci ont dû le maîtriser en ayant recours à la force, que les blessures sur le requérant correspondaient à cette lutte et au port de menottes, qu’il n’y avait pas d’incohérences entre les rapports médicaux et le procès-verbal d’arrestation. La cour d’assises conclut qu’aucun élément ne permettait de dire que les policiers avaient eu recours à la force de manière arbitraire et disproportionnel et qu’aucune preuve ne permettait de les condamner. Le requérant se pourvut en cassation en indiquant en particulier que le rapport médical établi lors de son entrée dans la prison de Tekirdağ était superficiel, mais que même les blessures constatées par ce rapport étaient suffisantes pour soutenir ses allégations de torture. Le 18 mars 2010, la Cour de cassation constata la prescription des faits et raya du rôle l’affaire. Dans l’intervalle, le 6 juillet 2005, le requérant fut condamné à une amende judiciaire de 150 livres turques pour avoir agressé le policier H.İ.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le 4 juin 2008, le 27 juillet 2009, le 2 octobre 2009 (deux amendes à cette date) et le 5 mars 2010, le requérant se vit infliger cinq amendes administratives par la préfecture d’İzmir et par les sous-préfectures de Karşıyaka, Konak et Bornova, dont les montants étaient respectivement de 1 000 livres turques (TRY) (soit 523,56 euros (EUR) à l’époque des faits), de 500 TRY (soit 238 EUR à l’époque des faits), de 250 TRY (soit 115,66 EUR à l’époque des faits), de 500 TRY (soit 231,31 EUR à l’époque des faits) et de 500 TRY (soit 237,87 EUR à l’époque des faits), pour apposition d’affiches sur les lieux publics sans autorisation, infraction prévue à l’article 42 de loi no 5326 sur les contraventions. Sur les affiches litigieuses apparaissaient le nom et le logo du requérant. À différentes dates, l’avocat du requérant introduisit des recours en annulation de ces amendes. Il soutenait notamment que les affiches en cause avaient été apposées aux endroits prévus en vertu d’autorisations préalablement accordées par les autorités concernées. En outre, alléguant que le requérant n’était pas responsable de l’apposition de ces affiches, il reprochait aux autorités de ne pas avoir fait le nécessaire pour établir clairement l’identité des personnes ayant apposé les affiches et de ne pas avoir obtenu les observations en défense du requérant avant d’infliger les amendes litigieuses. Enfin, dans son recours relatif à l’amende du 4 juin 2008, il invoquait le droit de son client de se livrer à des activités politiques et celui, en tant que parti politique, à la liberté d’expression. Par des décisions rendues le 26 janvier 2009, le 3 août 2009, le 28 décembre 2009, le 5 janvier 2010 et le 2 novembre 2010, les tribunaux d’instance pénaux de Karşıyaka et d’İzmir, statuant à titre définitif, rejetèrent ces recours. Relevant que, en application de l’article 42 de la loi no 5326, un parti politique pouvait être sanctionné par une amende administrative lorsqu’il apposait des affiches à des endroits interdits à l’affichage et qu’il pouvait bénéficier d’emplacements d’affichage en ayant recours aux prestations payantes de la société publicitaire de la municipalité, ils considérèrent que les amendes infligées au requérant étaient conformes à la procédure et à la loi. II. LE DROIT INTERNE PERTINENT L’article 42 de la loi no 5326 du 30 mars 2005 sur les contraventions est libellé comme suit : Apposition d’affiches « 1) Quiconque appose une affiche ou banderole en toile, en papier ou autre dans des places [publiques] ou des parcs, ou sur les murs et dans les endroits [se trouvant] en marge des boulevards ou des rues sera sanctionné d’une amende administrative pouvant aller de 100 à 3 000 livres turques (...) 2) Le premier paragraphe ne s’applique pas aux affiches et banderoles apposées conformément à une autorisation claire délivrée par écrit par les autorités compétentes. Cette autorisation doit indiquer explicitement la période pendant laquelle l’affiche ou la banderole sera apposée. À la fin de cette période, les affiches ou les banderoles en question doivent être immédiatement enlevées par la personne physique ou morale qui avait obtenu l’autorisation en question. En cas de non-respect de l’obligation d’enlèvement, une amende administrative est infligée en application du premier paragraphe. (...) »
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LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1971 et réside à Thessalonique. Le 7 juin 2005, le requérant comparut devant le juge d’instruction près le tribunal correctionnel de Thessalonique, qui l’informa qu’il était inculpé d’association de malfaiteurs (εγκληματική οργάνωση) et de faux qualifié en réunion et à répétition (πλαστογραφία από κοινού, κατ’έξακολούθηση). Le 13 juin 2005, le requérant déposa son mémoire en défense (απολογητικό υπόμνημα) auprès du juge d’instruction. L’audience devant la cour d’appel de Thessalonique, siégeant en formation de trois juges, fut fixée au 16 mars 2011. Le 28 mars 2011, la cour d’appel, siégeant en formation de trois juges, condamna le requérant à une peine d’emprisonnement de quatre ans (jugement no 918/2011). Le même jour, le requérant interjeta appel contre ce jugement. L’audience devant la cour d’appel de Thessalonique, siégeant en formation de cinq juges, fut fixée au 23 septembre 2011. Le 29 septembre 2011, la cour d’appel de Thessalonique, siégeant en formation de cinq juges, rejeta l’appel du requérant (arrêt no 1977/2011). Le 2 décembre 2011, le requérant se pourvut en cassation. Le 29 novembre 2013, la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant (arrêt no 1475/2013).
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LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1980. Il est actuellement détenu à Krasnoyarsk. Le 6 septembre 2006, il fut arrêté car il était soupçonné de plusieurs infractions en bande organisée. Il fut placé en détention provisoire. A. Le procès pénal et la condamnation du requérant Le 12 février 2008, la Cour suprême de la république de Mordovie commença l’examen du fond de l’affaire pénale dirigée à l’encontre de dix personnes, dont le requérant. Celui-ci était représenté par un avocat, Me S. Par un jugement du 7 août 2008, la Cour suprême de la république de Mordovie reconnut le requérant coupable de la plupart des chefs d’accusation portés contre lui et le condamna à une peine de quinze ans d’emprisonnement assortie d’une amende. Le requérant et certains de ses coaccusés interjetèrent appel dudit jugement. Dans son mémoire d’appel du 24 novembre 2008, le requérant demandait à comparaître personnellement devant l’instance d’appel. Entretemps, son avocat, Me S., avait cessé d’assurer sa représentation juridique. Le 26 février 2009, la Cour suprême de la Fédération de Russie tint une audience lors de laquelle elle examina l’appel du requérant ainsi que ceux de ses autres coaccusés. L’audience eut lieu dans une salle d’audience située dans le bâtiment de la Cour suprême russe, à Moscou. Le requérant et deux de ses coaccusés, V. et L., y participèrent par vidéoconférence depuis une salle située dans le bâtiment de la maison d’arrêt no IZ13/1 de la ville de Saransk. Dans cette salle se trouvaient également des agents d’escorte pénitentiaire. Au début de l’audience, les juges informèrent le requérant que Ch., une avocate commise d’office et exerçant à Moscou, avait été nommée pour assurer sa défense. Le requérant sollicita une consultation en privé avec Ch., qui se trouvait dans la salle d’audience à Moscou. Selon lui, les juges quittèrent la salle d’audience pendant quelques minutes, mais ses coaccusés V. et L. et les agents d’escorte pénitentiaire ne sortirent pas de la salle de vidéoconférence dans la maison d’arrêt no IZ13/1. Le requérant soutient avoir ainsi été empêché de discuter de sa situation personnelle avec son avocate hors de portée d’ouïe de ces derniers. Il soutient aussi que les juges n’ont pas répondu à sa nouvelle demande de consultation en privé avec Ch. Toujours le 26 février 2009, à la fin de l’audience, les juges se retirèrent dans la salle des délibérations. Selon le requérant, ils retournèrent dans la salle d’audience cinq minutes plus tard et donnèrent lecture du dispositif de l’arrêt adopté à cette même date. Par cet arrêt, la Cour suprême réforma le jugement du 7 août 2008 à l’égard du requérant ayant prononcé l’abandon de poursuites pénales pour un des chefs d’accusation et réduisit la condamnation du requérant à quatorze ans d’emprisonnement toujours assortie d’une amende. Le requérant soutient avoir reçu la version intégrale de l’arrêt quelques jours après l’audience du 26 février 2009. B. Les conditions de détention et de transfert du requérant Les conditions de détention dans la maison d’arrêt no IZ-13/1 Du 6 octobre 2006 au 19 août 2008, le requérant fut détenu dans la maison d’arrêt no IZ-13/1 située dans la ville de Saratov, dans la région de Mordovie. À ses dires, il y a été détenu dans des cellules surpeuplées et dans de mauvaises conditions d’hygiène. Les conditions de transfert du requérant entre la maison d’arrêt no IZ13/1 et la Cour suprême de la république de Mordovie Le requérant indique que, entre le 12 février et le 8 août 2008, il a été transféré à cinquante-trois reprises entre la maison d’arrêt no IZ-13/1 et la Cour suprême de la république de Mordovie. Il dit avoir été transporté dans des fourgons cellulaires qui disposaient d’un compartiment collectif conçu pour cinq personnes et de six compartiments individuels. Il allègue que le nombre de détenus placés dans ces fourgons variait entre cinq et onze personnes. Il soutient avoir été placé à quelques reprises dans un compartiment individuel avec un autre détenu et que, en raison du manque de place, l’un d’eux était assis sur un banc et l’autre sur les genoux du premier. Selon lui, la durée des trajets variait entre vingt minutes et une heure. Il affirme que les fourgons n’avaient pas été ventilés. Le Gouvernement déclare que le requérant a fait l’objet de quarantetrois transferts entre la maison d’arrêt no IZ13/1 et la Cour suprême de la république de Mordovie. Le trajet aurait pris dix minutes. Le Gouvernement allègue que le nombre de personnes transportées dans les fourgons spécialisés ne dépassait jamais le nombre maximal de places. Il soumet à cet effet des copies des registres des personnes transférées (постовые ведомости) établis aux dates de transfert du requérant. Il indique que la ventilation des fourgons s’effectuait par une fenêtre ou par des buses d’aération situées respectivement sur le toit et les parois des véhicules. En outre, s’agissant des caractéristiques des fourgons utilisés pour le transport du requérant, il indique que chaque personne disposait de 0,30 à 0,53 m2, tous types de compartiments confondus. Les conditions de détention dans le bâtiment de la Cour suprême de la république de Mordovie Le requérant indique que les cellules du bâtiment du tribunal du district dans lesquelles il avait été détenu étaient dépourvues de fenêtres et de ventilation. Il soutient y avoir été détenu avec cinq ou sept autres personnes. Le Gouvernement déclare qu’il y avait quatre cellules d’une superficie variant entre 6,1 m2 et 6,5 m2 dans le bâtiment la Cour suprême de la république de Mordovie, qu’elles étaient prévues chacune pour six personnes, qu’elles étaient équipées d’un système de ventilation mais dépourvues de fenêtres. Selon le Gouvernement, il n’était pas possible d’établir dans quelle cellule le requérant avait été placé ni le nombre de personnes qui l’avaient occupée en même temps que lui puisque la législation interne ne prévoyait pas la tenue de registres à cet effet. Le Gouvernement soutient que le requérant n’a été placé dans ces cellules que pour de très brèves périodes avant et après les audiences judiciaires.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Les requérants sont ou étaient détenus dans la prison de Corfou. La prison, construite en 1830, comprend dix ailes de deux étages chacune. Le requérant Michail-Aggelos Chrysikopoulos est détenu depuis le 7 août 2015 dans la cellule no 10 de l’aile D. Il a été transféré à deux reprises à l’hôpital de Corfou pour y subir des examens et a travaillé au sein de la prison pendant deux cent cinquante-neuf jours. Le requérant Todor Kostov est détenu depuis le 17 mars 2016 dans la cellule no 4 de l’aile D. Il a été transféré à cinq reprises à l’hôpital de Corfou, où il a été hospitalisé du 18 au 24 mars 2016. Le requérant Milosz-David Majcher est détenu depuis le 6 mai 2015 dans la cellule no 10 de l’aile D. Il a travaillé au sein de la prison pendant deux cent onze jours. Le requérant Zenel Keci est détenu depuis le 16 avril 2015 dans la cellule no 4 de l’aile D. Il a été transféré à trois reprises à l’hôpital de Corfou et a travaillé au sein de la prison pendant deux cent huit jours. Le requérant Agim Zotaj est détenu depuis le 21 mars 2016 dans la cellule no 12 de l’aile E. Il a travaillé au sein de la prison pendant cent quarante et un jours. Le requérant Malkit Rai est détenu depuis le 20 juin 2013 dans la cellule no 2 de l’aile A. Il a travaillé au sein de la prison pendant quatre cent un jours. Le requérant Stefan-Lucian Gavriliu est détenu depuis le 19 février 2015 dans la cellule no 3 de l’aile B. Il a été transféré à cinq reprises à l’hôpital de Corfou et a travaillé au sein de la prison pendant trois cent trente-quatre jours. Le requérant Mazloom Abdo a été détenu du 9 décembre 2013 au 19 août 2014 (date à laquelle il a été libéré) dans la cellule no 12 de l’aile I. Le requérant Ciurar Adam a été détenu du 1er août 2013 au 27 avril 2016 (date à laquelle il a été libéré) dans la cellule no 9 de l’aile I. Il a été transféré à quatre reprises à l’hôpital de Corfou et a travaillé au sein de la prison pendant trente-huit jours. Le requérant Agalliu Nertil a été détenu du 2 mai 2013 au 4 août 2014 (date à laquelle il a été libéré) dans la cellule no 7 de l’aile I. Il a travaillé au sein de la prison pendant quatre-vingt-dix jours. Le requérant Florin Cimpoieru a été détenu du 3 juin 2013 au 24 juin 2014 (date à laquelle il a été transféré à la prison de Korydallos) dans la cellule no 15 de l’aile I. Il a travaillé au sein de la prison pendant trois cent trente-sept jours. Le requérant Cil Servet a été détenu du 23 novembre 2010 au 21 juin 2016 (date à laquelle il a été transféré à la prison de La Canée) dans la cellule no 15 de l’aile I. Il a travaillé au sein de la prison pendant mille cent soixante-seize jours. Le requérant Ahmet Hashimi a été détenu du 5 août 2013 au 11 novembre 2016 (date à laquelle il a été libéré) dans la cellule no 4 de l’aile I. Il a été transféré à huit reprises à l’hôpital de Corfou et a travaillé au sein de la prison pendant deux cent soixante-dix-huit jours. Le requérant Sasho Katikaridis a été détenu du 23 mai 2013 au 15 février 2017 (date à laquelle il a été transféré à la prison de Korydallos) dans la cellule no 10 de l’aile I. Il a travaillé au sein de la prison pendant quatre cent dix-neuf jours. Le requérant Mehmood Nasir a été détenu du 22 août 2013 au 11 mars 2014 (date à laquelle il a été libéré) dans la cellule no 6 de l’aile I. Le requérant Radu Misu a été détenu du 24 octobre 2013 au 16 juillet 2015 (date à laquelle il a été libéré) dans la cellule no 5 de l’aile I. Il a été transféré à deux reprises à l’hôpital de Corfou et a travaillé au sein de la prison pendant soixante-neuf jours. Le requérant Sami Nofal a été détenu du 4 avril 2013 au 31 juillet 2015 (date à laquelle il a été transféré pour des motifs disciplinaires) dans la cellule no 5 de l’aile I. Il a travaillé au sein de la prison pendant quatrevingt-dix-sept jours. Le requérant Nurel Sabri a été détenu du 3 mars 2011 au 21 janvier 2016 (date à laquelle il est décédé à l’hôpital de Corfou où il était hospitalisé depuis le 4 janvier 2016) dans la cellule no 7 de l’aile I. Il avait été transféré à six reprises à l’hôpital de Corfou et avait travaillé au sein de la prison pendant trois cent soixante-sept jours. Le requérant Volkan Oksak est détenu depuis le 19 octobre 2010 dans la cellule no 2 de l’aile H. Il a été transféré à trois reprises à l’hôpital de Corfou et a travaillé au sein de la prison pendant sept cent cinquante-trois jours. Le requérant Stylianos Palliginis a été détenu du 8 août 2013 au 18 décembre 2014 (date à laquelle il a été transféré à la prison de Chalkida) dans la cellule no 1 de l’aile I. Il a travaillé au sein de la prison pendant cinquante-deux jours. Le requérant Mir Ali Khill Shafullah a été détenu du 5 mai 2011 au 5 février 2015 (date à laquelle il a été libéré) dans la cellule no 9 de l’aile I. Il a travaillé au sein de la prison pendant soixante-treize jours. Le requérant Shahzad Khurram a été détenu du 26 septembre 2013 au 26 janvier 2016 (date à laquelle il a été transféré à la prison de Korydallos) dans la cellule no 4 de l’aile I. Il a travaillé au sein de la prison pendant quarante-deux jours. Quant au requérant Mohammed Khan, le Gouvernement indique qu’il ne figure pas dans les archives de la prison. A. Les conditions de détention selon les requérants Tous les requérants ont été (ou sont toujours) détenus dans des cellules de la prison ayant une superficie de 5,50 m², la majorité d’entre eux depuis 2013 et les autres depuis plus longtemps. Ils ont décrit leurs conditions de détention comme suit. Dans chaque cellule, il y avait deux lits et, le cas échéant, un matelas au sol. Les cellules étaient équipées de toilettes (sans porte) et d’un lavabo dans un espace supplémentaire de 2,50 m². Pendant une longue période, lorsque le nombre de détenus dans la prison dépassait 280, ils ont partagé leur cellule avec deux autres détenus. L’un des trois occupants dormait par terre. La situation s’était améliorée seulement à partir du deuxième semestre 2016. Lorsque la cellule était occupée par trois détenus, l’espace personnel de chacun était de 1,60 m² et lorsqu’elle était occupée par deux détenus (après le deuxième semestre 2016), cet espace est passé à 2,80 m², mobilier compris. Les cellules n’étaient pas suffisamment aérées et chauffées et l’eau chaude n’était disponible que pour très peu de temps dans la journée. La quantité quotidienne de nourriture était réduite. Elle correspondait à une valeur de 2 euros par jour et était d’une qualité nutritionnelle médiocre. La prison ne disposait pas de réfectoires et les détenus étaient dès lors obligés de prendre leurs repas sur leur lit. Les requérants passaient seize heures par jour dans leur cellule, assis ou couchés sur leur lit. Ils avaient peu de distractions. La cour dont disposait chaque aile de la prison ne permettait pas de satisfaire les besoins d’exercice physique des détenus. B. Les conditions de détention selon le Gouvernement Le Gouvernement indique que, par une loi du 27 avril 2015, le législateur a pris des mesures afin de remédier aux problèmes de surpopulation dans les prisons. Il précise que, plus particulièrement en ce qui concerne la prison de Corfou, l’occupation moyenne pendant la période de la détention des requérants était de 200 personnes, pour une capacité de 250 personnes. Il ajoute que chaque aile de la prison contient 15 cellules d’une superficie de 6,20 m² chacune, à l’exception d’une cellule dans huit des dix ailes, d’une superficie de 5,85 m². Le Gouvernement présente les conditions de détention des requérants comme suit. Tous les requérants étaient (ou sont toujours) placés dans des cellules d’une superficie de 6,20 m², augmentées d’un local de 2,50 m² comportant toilettes et douche. Chacun des requérants partageait sa cellule avec un seul autre détenu. Compte tenu de la dimension et de l’occupation des cellules, l’espace personnel de chacun des requérants était de 3,10 m². Chaque cellule était équipée de deux lits, d’une table, de deux chaises et d’un téléviseur. Les cellules étaient chauffées pendant trois heures le soir et deux heures le matin, et disposaient en continu d’eau chaude. Elles bénéficiaient d’un éclairage naturel grâce à deux fenêtres, celle de la cellule mesurant 1,20 x 0,90 m et celle des toilettes 0,80 x 0,40 m. Dans chacune des ailes, les détenus pouvaient accéder à la cour, d’une superficie de 400 m2, de 8 heures à 12 heures et de 15 heures au coucher de soleil, y faire de l’exercice et jouer au football et au basketball. Ils pouvaient rester jusqu’à 20 heures dans les couloirs de chaque aile. Chaque couloir était d’une superficie de 40 m² environ. Il était équipé de 68 chaises, de 3-4 tables en plastique, de 2 réfrigérateurs, d’1 four et de 3 téléphones à carte. Les détenus indigents recevaient des produits d’hygiène corporelle et de ménage (papier hygiénique, brosse à dents, dentifrice, savon et détergent). La prison disposait d’un dispensaire tenu par un médecin stagiaire et un médecin généraliste exerçant à l’extérieur, ainsi que d’un cabinet dentaire ouvert deux fois par semaine. En cas de besoin, les détenus étaient transférés à l’hôpital de Corfou. Le nettoyage des cellules et des espaces communs était assuré par les détenus sous la surveillance des autorités pénitentiaires. Une désinfection avait lieu mensuellement. Les couvertures et les draps étaient lavés dans les machines à laver professionnelles de la prison. Les repas, composés d’aliments variés, étaient pris trois fois par jour selon des menus renouvelés chaque semaine. II. LE DROIT INTERNE PERTINENT L’article 572 du code de procédure pénale dispose : « 1. Le procureur près le tribunal correctionnel du lieu où la peine est purgée exerce les compétences prévues par le code [de procédure pénale] concernant le traitement des détenus, et il contrôle l’exécution des peines et l’application des mesures de sécurité, conformément aux dispositions du présent code, du code pénal et des lois y afférentes. En vue d’exercer les fonctions susmentionnées, le procureur près le tribunal correctionnel visite la prison au moins une fois par semaine. Lors de ces visites, il entend les détenus qui ont préalablement sollicité une audition. (...) » L’article 6 du code pénitentiaire (loi no 2776/1999) se lit ainsi : « 1. Les détenus ont le droit de s’adresser par écrit et à des intervalles raisonnables au conseil de la prison, en cas d’acte ou d’ordre illégal à leur encontre et si les dispositions du présent code ne prévoient pas d’autre recours. Dans les quinze jours suivant la notification d’une décision de rejet ou un mois après le dépôt de la demande, si l’administration a omis de prendre une décision, les détenus ont le droit de saisir le tribunal compétent de l’exécution des peines. Si le tribunal fait droit au recours, il ordonne les mesures susceptibles de remédier à l’acte ou à l’ordre illégal (...) » III. LES CONSTATS DES INSTITUTIONS NATIONALES Dans un document adressé par le ministère de la Justice au Parlement hellénique et relatif à la capacité des prisons en Grèce et au nombre des détenus dans chacune d’elles, le ministre indiquait que la prison de Corfou avait une capacité de 160 personnes et que, à la date du 1er avril 2014, elle en accueillait 313. Les requérants produisent des tableaux qui ont été établis par le ministère de la Justice pour toutes les prisons grecques pour le premier semestre des années 2015 et 2016 et qui indiquent la capacité de chaque prison ainsi que l’occupation au 1er et au 16 de chaque mois. En ce qui concerne la prison de Corfou, la capacité de la prison était de 160 détenus et l’occupation a varié ainsi : – en 2015 : 1er janvier : 310 ; 16 janvier : 289 ; 1er février : 305 ; 16 janvier : 276 ; 1er mars : 282 ; 16 mars : 277 ; 1er avril : 269 ; 16 avril : 286 ; 1er mai : 275 ; 16 mai : 262 ; 1er juin : 250, et 16 juin : 230 ; – en 2016 : 1er janvier : 209 ; 16 janvier : 204 ; 1er février : 214 ; 16 février : 200 ; 1er mars : 196 ; 16 mars : 203 ; 1er avril : 206 ; 16 avril : 197 ; 1er mai : 197 ; 16 mai : 189 ; 1er juin : 182, et 16 juin : 173. Un autre tableau relatif à l’année 2017 indique que la capacité était de 138 détenus et que, le 2 mai 2017, l’occupation était de 166 détenus. Dans un document, daté du 10 mai 2017 et accompagnant ces tableaux, le Secrétaire général de la politique anticriminelle du ministère précisait que les critères établis par le CPT (CPT/Inf [2015] 44), soit 4 m² par détenu, étaient pris en considération aux fins du calcul de la capacité maximale de chaque prison. Auparavant, le 10 février 2014, des représentants du parti politique Syriza s’étaient rendus à la prison de Corfou et ils avaient été informés par le directeur de la prison des problèmes liés au fonctionnement de celle-ci, notamment la surpopulation (60 détenus dormaient à même le sol), le manque de soins médicaux adéquats et l’insuffisance de financement. IV. LES CONSTATS DU COMITÉ POUR LA PRÉVENTION DE LA TORTURE ET DES PEINES OU TRAITEMENTS INHUMAINS ET DÉGRADANTS Dans son rapport du 13 septembre 2001 (CPT/Inf (2001) 18 [Part 1], le Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants (CPT) notait que, à la prison de Corfou, les cellules, d’une superficie de 6 m², étaient en principe destinées à une occupation individuelle, mais que, en raison des travaux d’entretien, elles accueillaient deux prisonniers, qui auraient ainsi disposé d’un espace personnel très restreint. Le CPT soulignait que cette situation devait prendre fin aussitôt que possible. Quant à l’équipement des cellules (lits, tables, chaises), le CPT le décrivait comme acceptable. Il constatait aussi que les cellules disposaient de sanitaires séparés en bon état, incluant des toilettes, un lavabo et une douche, et que la lumière naturelle, la lumière artificielle et la ventilation étaient satisfaisantes.
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LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1979 et réside à Berezniki. A. Les poursuites pénales dirigées à l’encontre du requérant, la détention provisoire de ce dernier et sa condamnation L’arrestation du requérant Soupçonnant le requérant et son frère d’être des vendeurs de stupéfiants, le service fédéral de contrôle des stupéfiants (« le FSKN ») mit en place une opération policière de « livraison contrôlée ». Dans le cadre de celle-ci, il arrêta d’abord un dénommé N., qui avait vendu des stupéfiants à un certain Mk. le 26 mars 2007. Lors de son interrogatoire, N. avoua être un revendeur de stupéfiants et se fournir auprès du requérant et de son frère. Toujours dans le cadre de cette opération, le 27 mars 2007, N. rencontra le requérant et son frère, qui étaient à bord d’une voiture, et procéda, sous le contrôle du FSKN, à l’achat d’héroïne auprès de ces derniers. Immédiatement après la transaction, les agents du FSKN arrêtèrent le requérant et son frère. Ensuite, ils saisirent un paquet contenant 19,95 grammes d’héroïne empaquetés dans vingt-huit sachets dans la voiture des intéressés, ainsi qu’un autre paquet, jeté du véhicule au moment de l’interpellation, qui contenait 59,33 grammes d’héroïne sous forme de six boules empaquetées dans du film plastique. En outre, lors d’une fouille corporelle, ils saisirent 1,74 gramme d’héroïne sur le requérant. Lors de son interrogatoire de première comparution, le requérant déclara que l’héroïne saisie sur lui lors de sa fouille était pour sa consommation personnelle. Il déclara également qu’il ignorait que son frère se livrait à des activités illicites de vente de stupéfiants. Par la suite, le requérant et son frère furent également poursuivis pour le vol d’une voiture commis en décembre 2006. Le requérant fut assisté par un avocat commis d’office, Me Ch., au cours de l’enquête policière et de l’instruction. La détention provisoire du requérant Le 29 mars 2007, le tribunal de la ville de Berezniki de la région de Perm (« le tribunal ») ordonna le placement du requérant en détention provisoire. Par la suite, il reconduisit la détention du requérant successivement jusqu’au 27 juin, au 27 juillet et au 27 août 2007 par des décisions en date du 21 mai, du 18 juin et du 24 juillet 2007, respectivement. Le requérant n’interjeta pas appel desdites décisions, qui devinrent définitives. Au mois d’août 2007, le tribunal se vit attribuer l’affaire pénale dirigée à l’encontre du requérant et de son frère pour jugement. Le 16 août 2007, le tribunal rendit une décision de procédure, sans tenir d’audience. Par cette décision, il fixa au 27 août 2007 la tenue de la première audience dans l’affaire pénale dirigée à l’encontre du requérant et de son frère. En outre, il indiqua que ceux-ci devaient être maintenus en détention provisoire au motif que « les raisons pour lesquelles le tribunal avait ordonné [leur] placement en détention [n’avaient] pas changé ». Dans sa décision, le tribunal précisa que celle-ci pouvait faire l’objet d’un appel auprès de la cour régionale de Perm dans un délai de dix jours à compter de la date de son adoption. Le requérant allègue avoir pris connaissance de la décision du 16 août 2007 le lendemain de son adoption. Il indique avoir estimé, à l’époque, ne plus être en mesure de faire appel de cette décision eu égard à la mention manuscrite « devenue définitive le 16 août 2007, assistant au juge [signature, nom] » apposée sur cette décision – décision dont il a soumis une copie à la Cour, comportant la signature du greffier, le sceau du tribunal et ladite mention. Le procès pénal et la condamnation du requérant Le 27 août 2007, le tribunal tint une première audience dans l’affaire pénale. Au cours de cette audience, le procureur demanda le remplacement de Me Ch. dans les fonctions assumées par celui-ci dans le cadre de la procédure au motif que cet avocat avait précédemment assisté N., entendu comme témoin, et qu’il se trouvait ainsi en situation de conflit d’intérêts. Accédant à la demande du procureur, le tribunal décida le remplacement de l’avocat Ch. Ce dernier forma un appel interlocutoire pour contester cette décision (paragraphe 21 ci-dessous). Par la suite, le requérant fut assisté par une avocate de son choix, Me B. Lors du procès, le tribunal examina des preuves matérielles, des procès-verbaux relatifs à des actes d’instruction et à l’opération de « livraison contrôlée », ainsi que des rapports d’expertises effectuées au stade de l’instruction. Le tribunal entendit également plusieurs témoins, notamment Sh. et M., agents du FSKN, ainsi que Mk. et N. À cette occasion, les agents Sh. et M. déclarèrent ce qui suit : le FSKN disposait d’informations selon lesquelles le requérant et son frère vendaient des stupéfiants par le biais de N. ; celui-ci avait été arrêté le 26 mars 2007 dans le cadre d’une opération de « livraison contrôlée » alors qu’il vendait de l’héroïne à Mk. ; et il avait avoué qu’il revendait des stupéfiants achetés auprès du requérant et de son frère. Quant à Mk., qui avait acheté des stupéfiants à N. lors de l’opération du 26 mars 2007, il déclara, entre autres, qu’il était toxicomane et qu’il achetait régulièrement de la drogue à N. Enfin, N., qui avait acheté des stupéfiants au requérant et à son frère lors de l’opération du 27 mars 2007, déclara notamment qu’il était toxicomane et qu’il achetait régulièrement de l’héroïne aux intéressés depuis 2006. Devant le tribunal, le requérant déclara ce qui suit : il se trouvait dans la voiture le 27 mars 2007 lorsque N. avait remis quelque chose à son frère par la fenêtre de la voiture ; il ne connaissait pas la nature des objets ainsi remis ; il n’avait pas entendu les conversations de son frère et de N. à cause de la musique ; et il n’avait jeté aucun paquet de la voiture lors de son interpellation. Le requérant maintint en outre que la quantité de 1,74 gramme d’héroïne saisie sur lui lors de la fouille corporelle était pour sa consommation personnelle. Lors des plaidoiries, le procureur proposa la requalification des faits concernant la vente de stupéfiants reprochés au requérant et à son frère, estimant qu’ils devaient être qualifiés non d’« actes préparatoires » à l’infraction, mais de « tentative » d’infraction. À ce sujet, le requérant indique qu’il s’agissait là d’un revirement brutal survenu juste avant la clôture des débats qui l’aurait empêché de modifier sa ligne de défense avec son conseil. Par un jugement du 21 septembre 2007, le tribunal de la ville de Berezniki retint cette nouvelle qualification et condamna le requérant à douze ans de réclusion criminelle pour complicité de trafic de stupéfiants et vol. Pour parvenir à la conclusion de la culpabilité du requérant, le tribunal se fonda sur l’ensemble des preuves examinées lors du procès. Le 4 octobre 2007, la cour régionale de Perm rejeta l’appel interlocutoire formé par l’avocat Ch. contre la décision du 27 août 2007, ayant confirmé l’existence d’une situation de conflit d’intérêts telle que relevée dans la décision relative à son remplacement. Le 8 novembre 2007, la cour régionale de Perm confirma en appel le jugement de condamnation du 21 septembre 2007, après avoir fait siennes les conclusions du tribunal de première instance. B. Les conditions de détention et de transport du requérant Les conditions de détention à la maison d’arrêt no IZ-59/3 de la ville de Kizel De mars à novembre 2007, le requérant fut incarcéré à la maison d’arrêt no IZ-59/3 de la ville de Kizel de la région de Perm. Les parties ont présenté des versions différentes quant aux conditions de détention de l’intéressé pendant la période considérée. Le requérant décrit ses conditions de détention de la manière suivante : il a été placé dans la cellule no 10, qui mesurait 18 m2 et accueillait de sept à huit détenus ; cette cellule était équipée de trois lits superposés sur deux niveaux, en nombre inférieur à celui des détenus ; il n’y avait pas d’eau chaude, et les toilettes, dépourvues de chasse d’eau, étaient installées près de la table où les détenus prenaient leurs repas et n’en étaient séparées que par une barrière ; la nourriture servie aux prisonniers était de mauvaise qualité ; les détenus devaient entreposer leurs provisions à même le sol faute de disposer de meubles dans leur cellule, et l’air y était difficilement respirable en raison de la fumée de cigarette ; les fenêtres n’étaient que partiellement vitrées, ce qui était insupportable par temps froid, et l’éclairage nocturne était trop puissant ; les promenades quotidiennes, d’une durée d’une heure, avaient lieu dans des cours intérieures bétonnées. En se référant à des attestations établies le 11 août 2010 par l’administration de la maison d’arrêt no IZ-59/3, le Gouvernement indique que le requérant a séjourné dans les cellules nos 6 et 10 de cet établissement au cours des périodes suivantes : du 10 avril au 18 mai, du 31 mai au 9 juin, du 25 juin au 21 juillet, du 7 août au 25 août et du 26 septembre au 16 novembre 2007. Il ajoute que la cellule no 6 mesurait 21 m² et comptait dix lits, et que la cellule no 10 mesurait 13 m² et comptait six lits. Toujours en s’appuyant sur les attestations du 11 août 2010, le Gouvernement affirme que le nombre de détenus hébergés dans les cellules nos 6 et 10, parmi lesquels le requérant, était compris entre quatre et huit pour la première cellule et entre trois et cinq pour la deuxième cellule. En outre, il indique que toutes les cellules disposaient d’un lavabo, que les toilettes se trouvaient à côté de l’entrée des cellules et derrière une séparation constituée d’un mur de briques mesurant au moins 1,45 m de haut et munie de portes, et que la distance entre les toilettes et la table était comprise entre 2 m et 4,30 m et celle entre les toilettes et les lits entre 1 m et 2 m. Il ajoute que la ventilation des cellules était assurée de manière mécanique et naturelle, grâce aux fenêtres, et que l’état sanitaire des cellules était régulièrement contrôlé. Enfin, selon le Gouvernement, tous les détenus bénéficiaient d’au moins une heure d’exercice par jour dans des cours aménagées en plein air. Les conditions de détention dans le centre de détention provisoire de la ville de Berezniki (« l’IVS ») Pendant le déroulement du procès pénal, le requérant fut placé dans l’IVS. L’intéressé soutient que ses séjours à l’IVS ont duré de quatorze à trente jours et qu’il a été détenu dans des cellules mesurant 4 m2 et accueillant de cinq à neuf personnes. Il indique que ces cellules étaient équipées d’un châlit en planches mesurant 1,30 x 1,80 m, que ce châlit était dépourvu de matelas et d’autres éléments de literie, et que certains détenus pouvaient dormir dessus tandis que les autres devaient rester accroupis ou assis sur le sol. Il ajoute que les toilettes n’étaient ni équipées de chasse d’eau ni séparées du reste de la cellule. Il dit aussi que la nourriture était de mauvaise qualité et qu’elle n’était servie qu’une fois par jour. Il indique également qu’il n’a pas eu la possibilité de se doucher. Enfin, à ses dires, les cellules étaient dépourvues de fenêtres et d’un système de ventilation, l’éclairage y restait allumé jour et nuit, et les insectes y pullulaient. S’appuyant sur une attestation du ministère de l’Intérieur non datée, le Gouvernement expose que le requérant a été détenu à l’IVS dans la cellule no 4 plusieurs jours, à savoir du 27 mars au 10 avril, du 18 au 31 mai, du 9 au 20 juin, du 21 juillet au 1er août, du 25 août au 6 septembre et du 24 septembre au 1er octobre 2007, ainsi que dans la cellule no 12 un jour. Il précise que la cellule no 4 mesurait 5 m² et était prévue pour cinq personnes, et qu’elle était équipée de châlits en planches et disposait d’une fenêtre. Il ajoute que les toilettes n’étaient pas séparées par une cloison du reste de la cellule et qu’elles n’étaient pas munies d’un système de chasse d’eau mais d’un robinet situé au-dessus. Il assure aussi que le linge de lit n’était pas fourni par l’administration de l’IVS mais qu’il pouvait être transmis par les proches des détenus. Enfin, il indique que le requérant pouvait se doucher une fois par semaine ou sur demande. Le Gouvernement a soumis des extraits de registres des personnes détenues à l’IVS couvrant trente-trois jours de la détention du requérant. Parmi ces extraits, ceux du 6 juillet, du 2 au 7 août et du 19 au 23 septembre 2007 ne concernent pas les périodes indiquées par le Gouvernement dans ses observations (paragraphe 28 ci-dessus). Il ressort desdits extraits que du 1er au 8 avril 2007 le requérant a été détenu seul et que pendant les autres périodes couvertes par lesdits extraits le nombre de détenus dans la cellule no 4 variait entre deux et cinq. Le transport du requérant entre la maison d’arrêt et l’IVS Le requérant soutient qu’il a été transféré à sept reprises entre la maison d’arrêt et l’IVS, et qu’à chaque fois il a dû se lever à 2 heures du matin, puis patienter dans une cellule de rassemblement jusqu’à 5 heures. Il décrit comme suit les conditions de transfert entre les deux établissements : les détenus étaient conduits à la gare ferroviaire dans un véhicule comportant huit à dix sièges, où ils étaient entassés à vingt-cinq ou trente, les uns assis sur les genoux des autres ; puis ils étaient installés dans un wagon divisé en compartiments prévus pour sept personnes, mais qui accueillaient en réalité de treize à dix-sept détenus ; enfin, après trois heures de route, ils étaient escortés à l’IVS, puis conduits au tribunal. Le Gouvernement indique que le requérant a été transporté entre la maison d’arrêt et l’IVS les 18 et 31 mai, les 9 et 25 juin, le 21 juillet et le 7 août 2007. Les trajets auraient duré en moyenne 3 h 30. Le Gouvernement précise que, au cours de ces trajets, le requérant était d’abord conduit jusqu’à la gare ferroviaire dans des fourgons spécialisés pour le transfert de détenus et prévus pour transporter vingt et une personnes, de type GAZ3307-AZ. Excepté cette indication, le Gouvernement n’a pas fourni d’éléments sur les caractéristiques de ces fourgons, notamment quant à leur superficie. Il n’a pas non plus indiqué le nombre de personnes transportées en même temps que le requérant les jours de transfèrement de ce dernier. Le Gouvernement ajoute que, une fois arrivé à la gare, le requérant était ensuite placé dans des wagons spécialisés pour le transport de détenus. Il déclare que, conformément à la réglementation en la matière (Instruction sur le fonctionnement du service de convois du Ministère de l’exécution des peines du 24 mai 2006, paragraphe 166), les grands compartiments étaient prévus pour le transport de douze personnes et les petits compartiments pour le transport de cinq personnes, sans toutefois fournir d’informations sur les caractéristiques des wagons, notamment quant à la superficie des compartiments. En outre, il indique que le nombre de détenus transportés avec le requérant était de onze le 18 mai 2007, de trois le 31 mai 2007, de sept le 9 juin 2007, de onze le 25 juin 2007, de deux le 21 juillet 2007 et de douze le 7 août 2007. C. L’annulation de la décision du 16 août 2007 en sa partie relative au maintien en détention provisoire du requérant et l’action en indemnisation pour détention illégale intentée par ce dernier À une date non spécifiée dans le dossier, le requérant contesta, par la voie du recours en révision, la décision du tribunal du 16 août 2007 en sa partie portant sur son maintien en détention provisoire, alléguant qu’elle était illégale. Il reprochait au tribunal de s’être prononcé sur la mesure litigieuse en son absence et en celle de son avocat, et de ne pas avoir dûment motivé sa décision. Le 19 décembre 2008, à l’issue d’une instance en révision, le présidium de la cour régionale de Perm cassa la décision du 16 août 2007 en sa partie concernant le maintien du requérant en détention provisoire (paragraphe 13 ci-dessus). Il indiqua que cette décision était illégale en la partie susmentionnée au motif qu’elle avait été rendue en l’absence du requérant et de son avocat. Il ne se prononça pas sur la question de savoir si la décision litigieuse avait été dûment motivée. Au mois de novembre 2009, le requérant saisit la justice d’une action en dédommagement du préjudice moral qu’il estimait avoir subi en raison de l’illégalité, alléguée par lui, de sa détention pendant la période allant du 16 août au 8 novembre 2007, date à laquelle sa condamnation était devenue définitive. Il demandait la somme de 1 000 000 roubles russes (RUB) à titre de dédommagement. Le 17 septembre 2010, le tribunal de l’arrondissement Sverdlovski de la ville de Perm accueillit partiellement son action. Ayant égard à la décision du présidium de la cour régionale de Perm du 19 décembre 2008, ce tribunal jugea que le requérant avait été privé de sa liberté en violation de la législation nationale, et qu’il avait droit à une compensation en vertu des articles 1 070 et 1 100 du code civil russe ainsi qu’en vertu de l’article 5 § 5 de la Convention. Il estima cependant que la période de la détention illégale de l’intéressé avait débuté le 28 août 2007, date à laquelle avait expiré le délai d’un mois indiqué dans la décision du tribunal de la ville de Berezniki du 24 juillet 2007. En ce qui concernait la fin de la période de la détention illégale du requérant, il considéra qu’elle devait être établie au jour du prononcé du jugement de condamnation de l’intéressé en première instance, c’est-à-dire au 21 septembre 2007, au motif que ledit jugement indiquait que la détention provisoire du requérant devait être maintenue, le cas échéant, jusqu’à l’issue de l’examen de l’affaire pénale en appel. Diminuant le montant du dédommagement du préjudice moral à 10 000 RUB, le tribunal de l’arrondissement Sverdlovski prit en considération, entre autres, le fait que la période de la détention litigieuse avait été incluse dans le calcul de la durée totale de la peine infligée à l’intéressé par le jugement du 21 septembre 2007. Il ressort des pièces du dossier dont dispose la Cour que la décision du tribunal de l’arrondissement Sverdlovski du 17 septembre 2010 a été annulée et que l’affaire a été renvoyée devant la même juridiction pour un nouvel examen au fond. Le 28 février 2011, le tribunal de l’arrondissement Sverdlovski de la ville de Perm se prononça à nouveau sur l’action du requérant par une décision au contenu en substance identique à celui de la décision du 17 septembre 2010. La Cour ne dispose pas d’informations sur le point de savoir si cette décision a fait l’objet d’un examen par l’instance d’appel.
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LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1981 et réside à Niemce. Le 31 mai 2010, le requérant, inculpé de trafic de stupéfiants et de brigandage, fut placé en détention provisoire. Cette mesure fut reconduite à plusieurs occasions, entre autres le 22 février 2011 en application d’une décision du tribunal régional de Lublin. Le 16 mars 2011, la cour d’appel de Lublin, statuant sur un recours que le requérant avait interjeté à l’encontre de la décision susmentionnée, confirma celle-ci pour l’essentiel mais abrégea la période pendant laquelle l’intéressé devait être détenu. Prenant en compte, notamment, la multiplicité des infractions reprochées et la sévérité de la peine encourue en cas de condamnation, la cour d’appel considéra que la détention du requérant était toujours nécessaire. Elle déclara notamment ce qui suit : « (...) la réalité de la punition [de l’inculpé] par une peine sévère est en l’espèce étayée par des circonstances [ayant entouré] la commission des deux premières infractions reprochées, en particulier par le fait que [l’intéressé] les avait commises (dopuścił się ich popełnienia) dans le cadre d’une action concertée avec les autres individus, selon un plan établi et dans le but de se procurer un avantage financier. » Le 30 mai 2011, le requérant se plaignit au président de la cour d’appel de Lublin des déclarations effectuées par cette juridiction dans les motifs de sa décision du 16 mars 2011. En retour, par un courrier daté du 20 juin 2011, il fut informé que ladite décision était insusceptible de recours. La Cour n’a pas été informée de l’issue de la procédure pénale dirigée contre le requérant. GRIEFS Citant l’article 6 § 2 de la Convention, le requérant se plaint d’une violation de son droit à la présomption d’innocence en raison des déclarations faites par la cour d’appel de Lublin dans les motifs de sa décision du 16 mars 2011.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1959 et réside à Gabrovo. Il exerce à son compte, sous le statut de commerçant (едноличен търговец), le métier d’installateur de réseaux de télécommunication pour les services de radio et de télévision. Par trois décisions (наказателни постановления) datées, pour la première, du 1er juillet 2009, et, pour les deux autres, du 15 juillet 2009, le directeur adjoint de la direction nationale de l’inspection du bâtiment (Дирекция за национален строителен контрол) (« le directeur adjoint ») constata que le requérant avait installé des structures de câbles de télécommunication et qu’il les utilisait sans avoir obtenu les permis exigés à cet égard par la loi de 2001 sur l’aménagement du territoire (Закон за устройство на територията) (« la loi sur l’aménagement du territoire »). Il estima, dès lors, que l’intéressé avait commis des infractions à l’article 137, alinéa 3, à l’article 148, à l’article 177, alinéa 3, et à l’article 178, alinéa 1, de cette loi et il lui infligea trois sanctions administratives distinctes de nature pécuniaire d’un montant de 5 000 levs bulgares (BGN) (soit environ 2 500 euros (EUR)) chacune. Le requérant contesta la légalité de ces décisions devant le tribunal de district (районен съд) de Kazanlak (« le tribunal de district »). Le 15 décembre 2009, le tribunal de district déclara irrecevable le recours formé par le requérant contre la décision du 1er juillet 2009. Par une décision définitive du 29 décembre 2009, le tribunal administratif (административен съд) de Stara Zagora (« le tribunal administratif ») confirma la décision du tribunal de district. Les deux juridictions s’appuyaient sur l’article 239, alinéa 4, de la loi sur l’aménagement du territoire, tel qu’en vigueur à l’époque des faits, selon lequel étaient exclues du contrôle juridictionnel les décisions administratives infligeant des sanctions pécuniaires d’un montant inférieur ou égal à 5 000 BGN aux particuliers ayant le statut de commerçant. Par ailleurs, selon les éléments versés au dossier devant la Cour, au cours du mois de novembre ou décembre 2009, le tribunal de district déclara également irrecevable le recours formé par le requérant contre les deux décisions du directeur adjoint du 15 juillet 2009, pour le même motif. Le requérant ne contesta pas cette décision du tribunal de district devant le tribunal administratif. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS A. La loi de 2001 sur l’aménagement du territoire La loi sur l’aménagement du territoire, dans sa version en vigueur à l’époque des faits, comportait les dispositions suivantes. D’après l’article 137, alinéa 3, et l’article 148, la réalisation de toute construction nécessitait l’obtention d’un permis délivré dans le respect des conditions prévues par cette loi, ainsi que dans le respect des prévisions du plan territorial détaillé et des projets d’investissement coordonnés et approuvés selon les modalités et les procédures prévues par cette même loi. D’après l’article 237, alinéa 1, point 1, le nonrespect de cette exigence par des personnes morales ou par des particuliers ayant le statut de commerçant était puni d’une sanction pécuniaire allant de 5 000 à 50 000 BGN. L’article 178, alinéa 1, combiné avec l’article 177, alinéa 3, interdisait l’usage des constructions, en tout ou partie, tant qu’un permis d’exploitation n’avait pas été délivré par l’organe ayant autorisé la réalisation de celles-ci. L’article 237, alinéa 1, point 4, disposait que toute infraction à cette règle par une personne morale ou par un particulier ayant le statut de commerçant était punie d’une sanction pécuniaire d’un montant compris entre 1 000 et 10 000 BGN. Conformément aux articles 220 et 237, ces sanctions étaient imposées par la direction nationale de l’inspection du bâtiment, une structure rattachée au ministère du Développement régional et des Travaux publics, chargée de constater et de réprimer les infractions administratives aux règles de construction et d’usage des constructions. D’après l’article 233, l’infraction à l’une des règles susmentionnées commise par un particulier n’ayant pas le statut de commerçant était punie d’une amende d’un montant compris entre 100 et 500 BGN (voir, entre autres, решение от 29.02.2012 г. на АдмС - Стара Загора по к. а. н. д. № 13/2012 г. ; реш. от 9.01.2009 г. на АдмС - София по к. н. а. х. д. № 6594/2008 г., 6-ти кас. с-в ; реш. от 21.04.2011 г. на РС - Ивайловград по а. н. д. № 37/2011 г. ; реш. № 190 от 28.12.2011 г. на АдмС - Кърджали по к. а. н. д. № 184/2011 г.). Il est précisé que, en 2009, le salaire minimum mensuel en Bulgarie s’élevait à 240 BGN (environ 120 EUR). D’après l’article 239, alinéas 3 et 4, les décisions administratives prises en application de la loi sur l’aménagement du territoire et infligeant une sanction administrative consistant en une amende inférieure ou égale à 100 BGN n’étaient pas susceptibles de recours juridictionnel, et la légalité des décisions imposant des sanctions pécuniaires d’un montant inférieur ou égal à 5 000 BGN aux personnes morales et aux particuliers ayant le statut de commerçant ne pouvait pas non plus faire l’objet d’un recours auprès des juridictions internes. Toutefois, au début de l’année 2011, des tribunaux internes ont accepté d’examiner au fond, malgré l’interdiction légale explicite, des recours formés contre les décisions administratives visées par les dispositions susmentionnées de la loi sur l’aménagement du territoire. En effet, ces tribunaux ont considéré que l’impossibilité prévue par la loi de contester les décisions en question était contraire à l’article 6 § 1 de la Convention et que les recours introduits devaient être examinés au fond, au motif que cette disposition était applicable sous son volet pénal (voir, entre autres, опред. от 1.04.2011 г. на АдмС - Велико Търново по адм. д. № 10078/2011 г., кас. с-в ; опред. № 11 от 13.04.2011 г. на АдмС - Велико Търново по к. н. а. х. д. № 10090/2011 г., кас. с-в ; реш. от 19.04.2011 г. на РС - Козлодуй по а. н. д. № 34/2011 г. ; реш. от 29.04.2011 г. на РС - Силистра по а. н. д. № 229/2011 г.). Les alinéas 3 et 4 de l’article 239 de la loi sur l’aménagement du territoire ont été abrogés le 9 octobre 2012. B. Le code de procédure administrative de 2006 Selon l’article 239, alinéa 6, du code de procédure administrative, toute partie intéressée peut demander la réouverture d’une procédure administrative dans le cas où « un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à la violation de la [Convention] ».
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Le requérant est né en 1926 et réside à Kruth, en France. I. LA PROCÉDURE PRINCIPALE Le 3 novembre 1998, le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Colmar fut saisi de deux informations judiciaires contre personne non dénommée des chefs de favoritisme, faux et usage, à la suite d’anomalies dénoncées par la chambre régionale des comptes dans la gestion du Syndicat mixte pour l’aménagement du site du Hohlandsbourg (SMASH), institué pour la restauration du château situé sur ce site. Ces deux instructions furent jointes par une ordonnance du 20 novembre 1998. Afin de tenir compte d’éléments nouveaux relevés par les enquêteurs, trois réquisitoires supplétifs furent délivrés par le procureur de la République les 4 février, 18 juin et 16 juillet 1999. Le 22 juin 1999, le requérant, ancien président du conseil général du Haut-Rhin et sénateur honoraire, fut placé en garde à vue. Le 23 juin 1999, il fut mis en examen du chef de délit de favoritisme et placé sous contrôle judiciaire, en sa qualité de président du SMASH au moment des faits. Le 16 juillet 1999, un réquisitoire supplétif contre X du chef de recel de favoritisme fut délivré. Plusieurs commissions rogatoires adressées par le juge d’instruction aux enquêteurs furent exécutées. Celle du 20 novembre 1998 fut retournée le 15 septembre 1999 et celle du 8 novembre 1999 fut retournée le 30 novembre 2000. En exécution de ces commissions rogatoires, les services enquêteurs procédèrent à diverses investigations : auditions de nombreux témoins, réquisitions adressées aux établissements bancaires et à la direction générale des impôts, vérifications portant sur la réalité de travaux et prestations payées, exploitation des informations bancaires, transport sur les lieux et saisies, etc. Le 12 décembre 2000, les enquêteurs adressèrent au juge d’instruction deux courriers du SMASH et d’une entreprise participant à la réhabilitation du château afin qu’il soit répondu sur leur demande concernant les matériaux entreposés au sein de cette entreprise. Un nouveau juge d’instruction, désigné en novembre 2001, rendit le 11 mars 2002 une ordonnance aux fins de poursuite de l’information. Le 27 juin 2002, ce juge demanda par écrit aux enquêteurs de lui communiquer les statuts d’une société, puis il délivra deux commissions rogatoires le 27 septembre 2002 et le 25 septembre 2003, aux fins de recherche d’adresses. Une demande de clôture de l’instruction formée par le requérant fut rejetée le 13 novembre 2003 par le juge d’instruction et, le 5 janvier 2004 par le président de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Colmar. Entre le 12 février 2004 et, le 5 avril 2005, le juge d’instruction procéda à plusieurs interrogatoires et confrontations ainsi qu’à une audition de témoin assisté. Il effectua notamment le 3 juin 2004 une confrontation entre le requérant et un autre mis en examen. Le 23 juin 2004, le juge d’instruction leva le contrôle judiciaire du requérant et, le 5 septembre 2005, il rendit un avis de fin d’information. Le 20 septembre 2005, le conseil du requérant demanda l’audition du magistrat de la chambre régionale des comptes ayant participé à l’instruction de la procédure sur la gestion du SMASH. Le 7 octobre 2005, le juge d’instruction rendit une ordonnance de rejet de cette demande ainsi qu’une ordonnance de refus de mesures d’instruction complémentaires sollicitées par les parties. Le 8 février 2006, le procureur de la République prit un réquisitoire définitif de non-lieu et le 6 octobre 2006, le juge d’instruction rendit une ordonnance de non-lieu. II. LA PROCÉDURE EN INDEMNISATION Le 9 juillet 2007, le requérant assigna l’agent judiciaire du Trésor, dans le cadre d’une action en responsabilité de l’État sur le fondement de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire et de l’article 6 de la Convention, afin d’d’obtenir la condamnation de l’État à lui payer la somme d’un million d’euros à titre de dommages-intérêts. Il se plaignait de la durée excessive de la procédure et alléguait avoir été victime de poursuites pénales abusives pendant plus de sept ans, ayant entraîné un préjudice moral d’une gravité exceptionnelle. Par un jugement en date du 11 juillet 2008, le tribunal de grande instance de Colmar débouta le requérant de sa demande aux motifs suivants : « Attendu qu’il résulte de la lecture de cette chronologie que des actes ont été régulièrement diligentés par le juge d’instruction depuis la mise en examen de M. Goetschy ; que la durée de l’instruction ne résulte ainsi aucunement de l’inactivité du ou des juges chargés de l’instruction mais exclusivement de son caractère complexe et de la multiplicité des investigations à mener. Attendu qu’il est également important de prendre en considération le changement de magistrat instructeur consécutif à une mutation intervenue en septembre 2001 qui a nécessité, pour le nouveau juge d’instruction, un temps de prise de connaissance de l’ensemble des dossiers affectés à son cabinet ainsi que de la présente procédure, particulièrement volumineuse et compliquée. » Le tribunal souligna, enfin, que le magistrat instructeur avait instruit le dossier de façon complète, minutieuse, avec sérénité et que le requérant avait bénéficié d’une instruction, certes longue, mais menée avec objectivité, sans faille, dans le détail le plus infime pour finalement bénéficier au terme de l’ensemble des investigations d’un non-lieu particulièrement motivé. Le 22 octobre 2010, la cour d’appel de Colmar confirma le jugement avec la motivation suivante : « Attendu qu’en ce qui concerne le prétendu déni de justice en raison de la durée exceptionnelle de la procédure d’instruction, laquelle mettait en cause non seulement M. Goetschy mais également plusieurs autres personnes mises en examen pour escroquerie, faux et usage de faux, le tribunal a souligné à bon droit l’importance, la complexité et la spécificité des investigations rendues nécessaires par la multiplicité des marchés conclus dans le cadre de la réhabilitation du château de Hohlandsbourg, mais surtout a relevé, au vu de la chronologie des principaux actes de la procédure d’instruction, que cette longue durée ne résultait pas d’une inactivité fautive ni du juge d’instruction, ni des services d’enquête (...) » Par un arrêt du 29 février 2012, la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1961 et réside à Chișinău. À l’époque des faits, il exerçait le métier d’avocat. À une date non spécifiée en 2000, le requérant installa son cabinet dans des locaux situés au centre de Chișinău. Il ressort du dossier que la propriété de ces locaux était revendiquée par le requérant, par le ministère de l’Intérieur et par le conseil municipal de Chișinău. Le 1er juillet 2004, des policiers mirent sous scellés les locaux en question. Ils dressèrent un procès-verbal comprenant la liste des objets s’y trouvant, dont des meubles de bureau et de nombreux livres de droit. A. Plaintes pénales du requérant Le 12 juillet 2004, le requérant déposa une plainte auprès des autorités étatiques pour dénoncer les actions des policiers, illégales à ses yeux. Par une ordonnance du 15 avril 2005, le parquet de Chișinău décida de classer sans suite la plainte. Il considéra qu’aucune infraction n’était caractérisée dans ses éléments constitutifs. Par un jugement avant dire droit du 29 août 2005, le tribunal de Rîşcani confirma, sur recours du requérant, l’ordonnance de classement sans suite susmentionnée. À une date non spécifiée, le requérant forma un recours en annulation de ce jugement. Par une décision du 13 décembre 2005, la Cour suprême de justice accueillit le recours. Elle releva notamment que les instances inférieures n’avaient pas répondu à la question de savoir quelle était la base légale exacte de l’intervention policière litigieuse. Par un jugement avant dire droit définitif du 16 mars 2006, le tribunal de Rîşcani confirma à nouveau le classement sans suite du parquet. Il n’apporta pas de réponse à la question soulevée par la Cour suprême de justice. B. Autres procédures Le 16 janvier 2005, le requérant assigna en justice le ministère de l’Intérieur, revendiquant la propriété des locaux litigieux. Invoquant l’article 8 de la Convention, il demanda également la réparation des préjudices matériel et moral qu’il aurait subis à la suite des actions de la police. Le 25 mars 2005, le tribunal de Rîşcani rejeta l’action au motif que le requérant n’avait fourni aucun document attestant de son droit de propriété ou de possession sur les locaux. Ce jugement fut confirmé par la cour d’appel de Chișinău, le 2 juin 2005, et par la Cour suprême de justice, le 10 août 2005. Par la suite, une série de procédures civiles et administratives opposèrent le requérant, le ministère de l’Intérieur et le Conseil municipal de Chișinău en vue de déterminer le propriétaire des locaux en litige. Au final, les tribunaux jugèrent que le droit de propriété appartenait aux autorités locales de Chișinău. En même temps, ils estimèrent que l’éviction du requérant des locaux litigieux avait été faite en violation flagrante des dispositions légales selon lesquelles la protection des droits civils devait se faire par voie judiciaire. II. LE DROIT INTERNE PERTINENT Les passages pertinents en l’espèce des dispositions de la loi no 1545 du 4 juin 1998 sur les modalités de réparation du préjudice causé par les actes illicites des autorités de poursuite pénale, du parquet et des tribunaux (« la loi no 1545 »), dans leur rédaction en vigueur au moment des faits, étaient libellés comme suit : « Article 4 Le droit à réparation, selon le quantum et les modalités prévus par la présente loi, naît lorsque : a) un acquittement est prononcé ; b) l’affaire pénale est classée sans suite (...) ; c) le tribunal adopte une décision d’annulation de la détention administrative (...) ; d) la Cour européenne des droits de l’homme (...) adopte un arrêt relatif à la réparation du préjudice (...) ; e) des mesures d’investigation sont effectuées en violation des dispositions légales (...). » Le 2 février 2007, un nouvel article a été introduit dans la loi no 1545, dont les passages pertinents en l’espèce se lisent ainsi : « Article 1 La présente loi constitue l’acte législatif de base qui régit (...) les conditions de la responsabilité patrimoniale de l’État pour le préjudice causé par les actions illicites commises dans le cadre des procédures pénales et administratives par les autorités de poursuite pénale, par le parquet et par les tribunaux. »
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Les requérants, MM. Ahmet Sami Belek et İsmail Muzaffer Özkurt, sont nés l’un en 1953 et l’autre en 1978. À l’époque des faits, ils étaient respectivement propriétaire et rédacteur en chef du quotidien Günlük Evrensel, dont le siège se trouve à Istanbul. Le 10 mars 2004, Günlük Evrensel publia deux articles intitulés respectivement « Exécution extrajudiciaire à Mazgirt (Mazgirt’te yargısız infaz) » et « Interrogation par le JİTEM dans la prison (Cezaevinde JİTEM sorgusu) ». Le premier article portait sur un homicide qui eut lieu dans un village de Mazgirt (province de Tunceli). Après avoir énoncé les faits, l’article rapportait les pièces d’un entretien réalisé avec les parents de la victime. La mère de la victime relatait que le jour de l’incident, entre 21 h 30 et 22 heures, deux personnes armées et à visages couverts étaient venues chercher son fils en disant qu’ils voulaient parler avec lui. Elle poursuivait que son fils était sorti avec eux et, après un moment de discussion, ils l’avaient fusillé alors qu’il voulait s’éloigner d’eux. L’article mentionnait en outre que la mère de la victime se disait convaincue que son fils a été tué par des gendarmes. Quant au père de la victime, il relatait que précédemment au mois d’octobre, lors d’une rencontre avec les villageois, le commandant de gendarmerie de Bulgurcular leur avait dit qu’il avait connaissance de l’identité de ceux qui procuraient de la nourriture aux terroristes. Le père mentionnait en outre que, quelques jours après cette rencontre, son fils avait été appelé au poste de gendarmerie où ledit commandant l’avait menacé en disant « cette foi, ta peine serait une balle ». Le second article portait principalement sur un interrogatoire qui aurait été mené par quatre gendarmes membres du JİTEM (Service des renseignements et de la lutte antiterroriste de la gendarmerie). Selon l’article, ceux-ci avaient illégalement interrogé un détenu dans la prison de type F de Tekirdağ et l’avaient contraint à être repenti (itirafçı). L’article rapportait en outre que l’avocat dudit détenu ainsi que neuf autres détenus avaient porté plainte contre l’administration de la prison ayant permis l’interrogatoire en cause, mais que ces plaintes s’étaient soldées par des non-lieux. Il mentionnait enfin que le procureur de la République de Tekirdağ, H.E., avait intenté un procès pénal contre les détenus en cause en leur reprochant d’avoir insulté la personnalité morale du Ministère de la justice et de l’ensemble des tribunaux. Aucun de ces deux articles ne citait les noms des fonctionnaires en cause. Par un acte d’accusation du 8 avril 2004, le procureur de la République près la cour de sûreté de l’État accusa les requérants, en vertu de l’article 6 §§ 1 et 4 de la loi no 3713 relative à la lutte contre le terrorisme, d’avoir désigné les fonctionnaires chargés de la lutte contre le terrorisme comme cibles aux organisations terroristes en divulguant leurs noms et identités de manière à ce qu’on puisse les identifier. Renvoyés devant la cour d’assises et après l’abolition des cours de sûreté, les requérants invoquèrent pour leur défense les articles 6 et 10 de la Convention. Le 2 décembre 2008, la cour d’assises d’Istanbul condamna les requérants au paiement d’une amende de 1 370 livres turques (TRY) pour M. Belek et 685 TRY pour M. Özkurt (soit respectivement 680 et 340 euros (EUR) environ, selon le taux de change en vigueur à l’époque pertinente) sur le fondement de l’article 6 §§ 1 et 4 de la loi no 3713. A l’appui de sa conclusion, elle constata que les articles litigieux désignaient les fonctionnaires chargés de la lutte contre le terrorisme comme cibles à l’organisation terroriste, et ce de manière à ce qu’on puisse les identifier. Elle précisa également que son jugement était définitif en vertu de l’article 305 du code de procédure pénale. II. LE DROIT INTERNE PERTINENT L’article 6 §§ 1 et 4 de la loi no 3713, tel qu’il était en vigueur à l’époque des faits, disposait, en ses parties pertinentes en l’espèce : Est puni d’une amende de 5 à 10 millions de livres turques quiconque déclare, oralement ou dans une publication, que des organisations terroristes commettront une infraction contre une personne, en divulguant ou non son (...) identité mais de manière qu’on puisse l’identifier, ou dévoile l’identité de fonctionnaires ayant participé à des missions de lutte contre le terrorisme ou, pareillement, désigne une personne comme cible. (...) Lorsque les faits décrits aux paragraphes ci-dessus sont commis par la voie des périodiques visés à l’article 3 de la loi no 5680 sur la presse, l’éditeur est également condamné à une amende égale à 90 % de la moyenne du chiffre des ventes du mois précédent si la fréquence de parution du périodique est inférieure à un mois, ou du chiffre des ventes réalisé par le dernier numéro du périodique si celui-ci paraît une fois par mois ou moins fréquemment (...) Toutefois, l’amende ne peut être inférieure à 50 millions de livres turques. Le rédacteur en chef du périodique est condamné à la moitié de la peine infligée à l’éditeur. » Selon l’article 305 § 2 du code de procédure pénale, tel qu’il était en vigueur à l’époque des faits, les décisions portant condamnation à une amende judiciaire inférieure à 2 000 TRY n’étaient pas susceptibles de pourvoi en cassation.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Les requérants sont propriétaires de terrains agricoles situés à Bingöl. À l’époque des faits, ils cultivaient des légumes sur leurs terres respectives. En 1996, le conseil départemental de Bingöl (Bingöl İl Özel İdaresi) entama la construction d’un aérodrome sur des terrains mitoyens de ceux des requérants. Entre le 29 août et le 26 novembre 1997, quatre recours de plein contentieux furent introduits par Haydar Abay (requérant), Haydar Gökalp (requérant), Hüseyin Kışlakçı (de cujus de quatorze requérants) et Mehmet Görçüm (de cujus de dix requérants) devant le tribunal administratif de Malatya contre le conseil départemental de Bingöl et le ministère des Transports. Par ces recours, les intéressés visaient à obtenir la réparation du préjudice qu’ils estimaient avoir subi du fait de la construction de l’aérodrome, celle-ci ayant, selon eux, mis hors d’état de fonctionner le système d’irrigation de leurs terres agricoles. Le 6 mars 1998, Mehmet Görçüm décéda. Par la suite, ses héritiers, dont les requérants Nizam Görçüm, Gülfidan Görçüm, Fakide Görçüm, Esma Görçüm, Asiye Görçüm, Gülçin Kıtay, Gülsen Deniz et Baran Çetkin, décidèrent de poursuivre la procédure de recours. Le 11 février 1999, Hüseyin Kışlakçı décéda. Par la suite, ses héritiers, dont les requérants Fatma Kışlakçı, Mine Kışlakçı, Mehmet Kışlakçı, Ahmet Kışlakçı, Celal Kışlakçı, Bilal Kışlakçı, Aysen Kışlakçı, Yılmaz Kışlakçı, Beyhan Kışlakçı, Perihan Yıldız, Esma Gülbedenbegün, Remziye Baraç, Reyhan Gerboğa et Ayfer Görhan, décidèrent de poursuivre son action. Le 16 février 1999, le tribunal administratif demanda à la préfecture de Bingöl de lui fournir des informations actualisées sur l’état du système d’irrigation des terres appartenant aux requérants. Par une lettre du 10 mars 1999, la préfecture répondit que la zone en question disposait de quatre canaux d’irrigation, qu’un certain nombre d’aménagements avaient été effectués en raison de la construction de l’aérodrome, que faute d’alternative l’un des canaux avait été supprimé (le canal Y2-12) mais que les trois autres fonctionnaient parfaitement et que, en tout état de cause, l’irrigation des terrains appartenant aux requérants s’était poursuivie jusqu’à la fin de la saison agricole de 1998. Les requérants ne se virent fournir aucune copie de ce document. Le 23 mars 1999, le tribunal administratif de Malatya rejeta les recours respectifs des intéressés par quatre jugements. Il nota qu’il ressortait de la réponse de la préfecture que, contrairement aux allégations des requérants, les possibilités d’irrigation avaient été supprimées non pas à la date d’introduction de leurs recours, en 1997, mais en 1998, et ce à la fin de la saison agricole. Il mentionna par ailleurs l’intention de la préfecture de reconstruire dans l’avenir les canaux d’irrigation. Il considéra que les intéressés ne pouvaient dès lors se prétendre victimes d’un préjudice certain, constaté de manière objective, et qu’ils avaient introduit leurs recours dans le but d’obtenir l’indemnisation d’un préjudice futur dont la réalisation n’était pas certaine. Par conséquent, selon le tribunal administratif, ni la responsabilité pour faute ni la responsabilité sans faute de l’administration ne pouvait être engagée. Le 21 mai 1999, les requérants, à l’exception de Remzi Görçüm et de Necmettin Görçüm, d’Ahmet Kışlakçı et de Mehmet Kışlakçı, introduisirent une demande en constatation de préjudice devant le tribunal de grande instance de Bingöl. Le 24 mai 1999, celui-ci procéda à une visite des lieux en compagnie de deux experts agricoles et de deux témoins. Les experts rendirent leur rapport le 28 mai 1999. Ils y indiquaient que les terres agricoles appartenant aux requérants étaient par le passé irriguées par le canal Y2-12, mais que ce canal avait été détruit pour permettre la construction d’une piste d’atterrissage et qu’en conséquence les terres agricoles en question n’étaient plus irrigables depuis 1997. Ils se livraient ensuite à une estimation du préjudice lié à la transformation d’une terre agricole irriguée (sulu tarım arazisi) en une terre agricole non irriguée (susuz tarım arazisi) et concluaient que les terrains avaient perdu environ 76 % de leur valeur. Dans une lettre du 8 juillet 1999 adressée au tribunal de grande instance, le ministère des Transports indiquait qu’il ne souscrivait pas au rapport d’expertise. Il rappelait que le réseau d’irrigation avait été mis en place par l’État et qu’il avait par la suite été modifié par lui pour les besoins du service public, en l’occurrence la construction d’un aérodrome. Il affirmait ensuite que la perte de valeur subie par les terrains des requérants n’engageait pas la responsabilité de l’État et qu’il n’y avait pas lieu de procéder à une évaluation du préjudice. Il indiquait par ailleurs que la décision de procéder à une visite des lieux en compagnie d’experts ne lui avait pas été notifiée et qu’il ne s’était pas vu offrir la possibilité d’y participer. Enfin, il contestait la validité de la méthode de calcul utilisée par les experts, laquelle n’avait, selon le ministère des Transports, pas respecté les principes dégagés en la matière par la jurisprudence de la Cour de cassation. Dans l’intervalle, le 27 mai 1999, les requérants avaient adressé une demande d’information à l’administration propriétaire des canaux d’irrigation, à savoir la direction générale de l’eau du ministère de l’Urbanisme et des Travaux publics (Bayındırlık ve İskan Bakanlığı Devlet Su İşleri Genel Müdürlüğü). Le lendemain, l’administration avait répondu que les terrains litigieux étaient par le passé irrigués par le biais du canal Y2-12, que celui-ci se trouvait désormais recouvert par la piste d’atterrissage du nouvel aérodrome et qu’il n’existait pas d’autre possibilité d’irrigation pour ces terrains. Le 31 mai 1999, les requérants, à l’exception de Remzi Görçüm et de Necmettin Görçüm, formèrent des pourvois contre le jugement du tribunal administratif. Ils contestaient la version des faits retenue par celui-ci. À l’appui de leurs allégations, ils présentaient les constatations des experts agricoles nommés par le tribunal de grande instance ainsi que la lettre de la direction générale de l’eau du 28 mai 1999. Ils reprochaient au tribunal administratif d’avoir considéré comme établie la version des faits présentée par l’administration défenderesse, sans avoir procédé à une visite des lieux ou ordonné une expertise. Ils lui reprochaient également d’avoir adressé une demande d’information à la préfecture, selon eux partie au litige, et non à la direction générale de l’eau, propriétaire des canaux. Par ailleurs, ils se plaignaient de ne pas avoir été informés de la lettre de la préfecture datée du 10 mars 1999 et de ne pas s’être vu offrir l’opportunité d’y répondre. Par quatre arrêts du 1er octobre 2001, le Conseil d’État rejeta les pourvois, sur conclusions contraires du parquet général. Le parquet général avait considéré qu’il convenait de censurer les jugements du tribunal administratif dans la mesure où ce dernier n’aurait pas apporté de réponse claire à la question de savoir si c’était en 1998, comme l’affirmait la préfecture, ou en 1997, comme l’affirmaient les experts missionnés par le tribunal de grande instance, que l’irrigation avait cessé. Par quatre arrêts du 22 mars 2005, notifiés aux représentants des requérants les 20 et 23 mai 2005, la haute juridiction administrative rejeta également les demandes de rectification d’arrêt des requérants, à nouveau sur conclusions contraires identiques aux précédentes. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS Pour le droit et la pratique internes pertinents, la Cour renvoie à son arrêt Gereksar et autres c. Turquie (nos 34764/05, 34786/05, 34800/05 et 34811/05, § 21, 1er février 2011). GRIEFS Invoquant l’article 6 de la Convention, les requérants soutiennent que les règles élémentaires d’un procès équitable ont été bafouées par les juridictions ayant eu à connaître de leur cause. Invoquant également l’article 13 de la Convention, ils allèguent que la durée de la procédure est excessive. Enfin, sans invoquer aucune disposition de la Convention ou de ses Protocoles, ils soutiennent que leur droit de propriété n’a pas été respecté.
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Le requérant est né en 1985 et réside à Eskişehir. Le 22 août 2004, le requérant fut admis à l’académie militaire turque (« l’académie »). Le 2 août 2005, se plaignant de fièvre et de fatigue, il se rendit au dispensaire. Les médecins diagnostiquèrent une infection des voies respiratoires supérieures. Le 11 août 2005, le requérant indiqua souffrir d’une perte de capacité de mouvement de l’auriculaire droit. Le 13 août 2005, ses parents l’emmenèrent au service de neurologie de l’hôpital militaire d’Eskişehir. Les médecins, estimant que l’intéressé avait le syndrome de Guillain-Barré, le transférèrent en ambulance à l’hôpital militaire de Gülhane d’Ankara (« le GATA »). Le 14 août 2005, les neurologues de cet hôpital constatèrent que le requérant souffrait d’une quadriparésie. Des examens complémentaires permirent de comprendre qu’il s’agissait de polyneuropathie, une affection des nerfs localisés dans le système nerveux périphérique. Un traitement médicamenteux fut administré au requérant, ce qui permit d’améliorer son état de santé. Le 6 septembre 2005, l’intéressé sortit de l’hôpital et fut transféré au centre de réhabilitation des forces armées turques (« le centre de réhabilitation »). Le 24 novembre 2005, il fut mis en arrêt maladie pour une durée de trois mois. Le 27 février 2006, il fut de nouveau transféré au centre de réhabilitation pour des exercices de rééducation et de renforcement des muscles. Le 30 mars 2006, il fut une nouvelle fois mis en arrêt maladie pour une durée de quatre mois. Le 31 juillet 2006, le conseil de santé du GATA décida que le requérant était apte à poursuivre sa formation militaire mais qu’il devait être exempté des activités sportives. Les 29 septembre et 1er novembre 2006, le requérant fut examiné au service de neurologie du GATA pour connaître l’évolution de sa polyneuropathie. Il bénéficia également d’une consultation psychologique le 10 novembre 2006 pour dépression. Le 3 août 2007, le conseil de santé du GATA rendit un nouveau rapport par lequel il constatait l’inaptitude du requérant au service militaire en raison de sa polyneuropathie. Le 13 décembre 2007, le conseil supérieur d’éducation et de formation de l’académie militaire décida que le requérant ne pouvait pas poursuivre sa formation à l’académie pour cause d’inaptitude médicale au service militaire. Le 1er septembre 2008, le requérant introduisit auprès du ministère de la Défense une demande préalable d’indemnisation de 30 000 livres turques (TRY) pour préjudice matériel et de 15 000 TRY au titre du préjudice moral qu’il disait avoir subi en raison, selon lui, de l’apparition de sa maladie du fait des activités liées au service militaire, du retard dans l’administration des traitements médicaux qui lui avaient été fournis et de l’insuffisance de ceux-ci, ainsi que de l’obligation qui lui aurait été imposée de subir des conditions de vie incompatibles avec son état de santé et qui auraient eu pour conséquence de le rendre inapte au service militaire. L’administration garda le silence, ce qui valait rejet implicite de la demande. Le 29 décembre 2008, le requérant saisit alors la Haute Cour administrative militaire (« la Haute Cour ») d’une demande en indemnisation. La Haute Cour ordonna une expertise. Par un rapport du 2 février 2010, un comité d’experts, composé de trois professeurs médecins neurologues de la faculté de médecine de l’université de Gazi, émit l’avis que le requérant souffrait du syndrome de Guillain-Barré et qu’il s’agissait d’une maladie idiosyncrasique qui n’était pas déclenchée en raison du service militaire. Le comité d’experts estimait que le diagnostic avait été effectué par l’hôpital militaire d’Eskişehir dans les deux jours suivant l’apparition de la maladie, ce qui excluait toute hypothèse de retard de diagnostic, que le requérant avait bénéficié de tous les soins adéquats lors de son séjour à l’hôpital du GATA et au centre de réhabilitation et que le fait pour l’intéressé d’être soumis à des épreuves écrites et de suivre des formations n’avait pas eu d’incidence sur l’évolution de sa maladie. Le 17 mars 2010, se fondant sur le rapport d’expertise du 2 février 2010, la Haute Cour débouta le requérant au motif qu’il n’existait pas de lien de causalité entre la maladie dont il souffrait et le service militaire. Elle ajouta que l’intéressé avait bénéficié de soins adéquats dans les hôpitaux militaires. Le requérant forma un recours en rectification de l’arrêt. Le 2 juin 2010, la Haute Cour rejeta également ce recours.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE La requérante est née en 1958 et réside à İstanbul. Le 7 septembre 2003, la requérante tint un discours lors d’un rassemblement organisé à Van. Par un acte d’accusation du 5 juillet 2004, le procureur de la République de Van engagea une action publique contre la requérante. Il soutenait que le discours susmentionné tenu par cette dernière faisait l’apologie d’une organisation illégale et de son chef. Le 17 mars 2008, la cour d’assises de Van (« la cour d’assises ») reconnut la requérante coupable de l’infraction d’apologie de crime et d’un criminel et la condamna, en application de l’article 215 du code pénal (CP), à une amende judiciaire de 2 000 livres turques (TRY) (soit environ 1054 euros (EUR) à la date du prononcé de l’arrêt). Elle précisa en outre que, étant donné le type et le quantum de la peine infligée, son arrêt était définitif. Pour décider ainsi, la cour d’assises considéra que le discours de l’intéressée constituait un éloge public du fondateur et chef de l’organisation illégale PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), Abdullah Öcalan, qui avait été condamné pour avoir perpétré des actes visant à la sécession d’une partie du territoire de l’État. Elle retint les passages suivants du discours litigieux, à l’appui de son arrêt de condamnation : « Bonjour à ceux qui n’acceptent pas la [campagne de] repentir, organisée par la préfecture de Van et qui disent « nous ne sommes pas repentis, nous sommes fiers » (...) de nos jours, dans le contexte pacifique qui dure depuis 5 ans, ils veulent susciter (...) des tensions, par des plans faits avec les États-Unis dans le but de dissoudre le KADEK [Congrès pour la liberté et la démocratie au Kurdistan – une organisation illégale armée], par l’adoption des lois de repentir, [et] par le refus de résoudre les problèmes de santé de Monsieur Abdullah Öcalan à la prison d’İmralı et le refus de le transférer dans une autre prison, alors que le droit à une vie saine est un droit universel (...) et que personne ne peut être privé de ce droit quelle que soit sa situation (...) venez, faisons un pas courageux et ouvrons aux discussions la feuille de route proposée par le KADEK. Nous croyons que le peuple de Turquie, [qui est sensé], prendra la meilleure décision et que cette décision sera en faveur de la paix (...) » Le 15 mai 2008, cet arrêt fut notifié à la requérante. II. LE DROIT INTERNE PERTINENT L’article 215 du CP (loi no 5237 du 26 septembre 2004, entrée en vigueur le 1er juin 2005), tel qu’il était en vigueur à l’époque des faits, se lisait comme suit : « Quiconque fait publiquement l’éloge d’un crime commis ou d’une personne en raison du crime qu’elle a commis est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement. » Selon l’article 305 § 2 de l’ancien code de procédure pénale (loi no 1412 du 4 avril 1929), tel que modifié le 14 juillet 2004 par la loi no 5219, les décisions de justice condamnant les justiciables à une amende inférieure à 2 000 livres turques (TRY) (auparavant deux milliards d’anciennes livres turques) n’étaient pas susceptibles de pourvoi en cassation. En vertu de l’article 8 de la loi no 5320 du 23 mars 2005 relative à l’entrée en vigueur et à l’application du nouveau code de procédure pénale, en vigueur depuis le 1er juin 2005, l’article 305 § 2 de l’ancien code de procédure pénale restait applicable pour les décisions de justice rendues avant l’entrée en fonction des cours d’appel régionales, intervenue le 20 juillet 2016.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE A. La détention des requérants et leur demande aux autorités de la prison de Patras À des dates différentes (figurant en annexe), les requérants furent placés à la prison de Patras, pour des durées de détention distinctes. Plus précisément, les requérants figurant sous les numéros 5, 23, 26 et 31 furent libérés respectivement le 5 août 2011, le 16 décembre 2011, le 23 novembre 2011 et le 28 décembre 2011. Les requérants figurant sous les numéros 3, 16, 25, 35 et 39 furent transférés dans d’autres établissements pénitentiaires respectivement le 7 novembre 2011, le 8 août 2011, le 27 septembre 2011, le 1er juillet 2011 et le 6 septembre 2011. Les requérants figurant sous les numéros 1, 4, 8, 9, 11, 12, 14, 15, 18, 21, 28, 36, 37, 42, 44 et 45 furent transférés à différentes dates, entre le 1er février 2012 et le 31 juillet 2012, dans d’autres établissements pénitentiaires. Le 18 novembre 2011, tous les requérants, à l’exception du requérant figurant sous le numéro 45, ainsi que d’autres détenus, adressèrent une demande au conseil de discipline de la prison. Dans cette demande, ils dénonçaient plusieurs problèmes, à savoir une nonséparation des détenus selon la gravité de l’infraction commise, un état de surpopulation carcérale, un risque de contamination par des maladies contagieuses et une absence d’activités récréatives. Ils sollicitaient l’amélioration de leurs conditions de détention. Le 19 janvier 2012, les requérants saisirent le médiateur de la République afin de se plaindre de leurs conditions de détention. B. Les conditions de détention à la prison de Patras La version des requérants Les requérants décrivent comme suit les conditions de leur détention à la prison de Patras. La prison de Patras, d’une capacité de 350 détenus, en accueillait 820 au cours de la période litigieuse. Les conditions de vie y étaient déplorables. Les détenus dormaient dans des couchettes réparties dans quatre grandes ailes. Les ailes A, B et C comprenaient neuf à dix dortoirs chacune et l’aile D en comprenait quatre. Dans chaque dortoir étaient détenues quinze à vingt personnes, qui se partageaient un WC. Chacun des requérants disposait de 2 m2 environ. Les détenus passaient dix-sept heures enfermés dans les dortoirs, et ils étaient obligés de rester confinés sur leurs lits ou dans l’espace libre, qui avait une superficie de 1,30 m2. Ils n’avaient pas un accès suffisant à des activités récréatives et éducatives, et la sélection des détenus pour l’affectation aux postes de travail disponibles et l’octroi des permissions de sortie n’était pas transparente et objective. En l’absence de salle à manger, les détenus étaient obligés de manger dans leurs dortoirs, sur leurs lits. Les conditions d’hygiène étaient mauvaises ; tant les cours extérieures que l’intérieur de la prison n’étaient pas nettoyés. Plusieurs des requérants souffraient de maladies graves, qui n’étaient pas traitées. Les requérants restés en bonne santé couraient le risque d’être contaminés par ces pathologies en raison de la promiscuité. Les détenus malades ne bénéficiaient pas de soins satisfaisants à l’intérieur de la prison ; notamment, ceux souffrant de maladies chroniques se voyaient uniquement fournir des soins par le médecin de la prison, à l’exclusion de toute autre assistance médicale (entre autres, aucun soin n’était prodigué en milieu hospitalier). Les toxicomanes ne faisaient l’objet d’aucun soin. Il n’y avait pas de soutien psychologique ou psychiatrique au sein de la prison. En outre, il n’y avait pas d’eau potable, d’eau chaude, de ventilation et de chauffage dans les dortoirs. Seules six douches étaient opérationnelles pour 220 détenus. Par ailleurs, la loi no 2776/1999 (code pénitentiaire) prévoyant la séparation des détenus selon la gravité de l’infraction commise n’était pas respectée. Les détenus purgeant une peine d’emprisonnement ou une peine de réclusion partageaient le même espace. La version du Gouvernement Le Gouvernement décrit comme suit les conditions de détention à la prison de Patras. La prison de Patras a une capacité de 360 personnes. L’espace personnel disponible pour chacun des requérants était de 2,25 m2 dans les dortoirs des ailes A, B et C et de 3 m2 dans ceux de l’aile D (sur ce point, le Gouvernement indique que les requérants mentionnent le même espace, mais qu’ils essayent de le diminuer en déduisant la superficie occupée par les meubles). Chaque dortoir comportait un WC séparé et une douche. Il n’y avait pas d’eau chaude dans les dortoirs, mais les requérants pouvaient utiliser les douches communes situées au rez-de-chaussée de leurs ailes. Chaque dortoir disposait de deux fenêtres mesurant 1,54 m x 1,62 m et garantissant une lumière naturelle et une ventilation suffisantes. Dans chaque dortoir, en plus des lits des détenus, il y avait des tables de chevet et des tabourets en nombre égal à celui des détenus, une table, une télévision et une poubelle. La prison était chauffée par un système de chauffage central. Dans chaque dortoir, il y avait un radiateur, qui était en marche du 15 novembre au 15 mars, de 06 h 30 à 08 h 30 et de 20 h 30 à 22 heures. En cas de basses températures, ces plages horaires étaient adaptées. La prison était reliée au réseau d’approvisionnement en eau de la région et l’eau du robinet était potable. Tous les nouveaux arrivants recevaient un matelas, un oreiller et une assiette plastique. Les détenus pouvaient utiliser leurs propres couvertures, linge de lit et serviettes. Les détenus recevaient des repas trois fois par jour. Ils mangeaient dans les dortoirs et jetaient leurs déchets dans les poubelles placées dans les dortoirs ou dans celles placées dans les couloirs, auxquels ils avaient accès juste après les repas. Les poubelles des dortoirs étaient vidées dans celles des couloirs. Ces dernières étaient vidées deux fois par jour, le matin à 9 heures et l’après-midi à 15 heures. Les déchets jetés dans la cour par les détenus depuis les fenêtres étaient ramassés au plus tard dans les cinq heures. Les espaces intérieurs et extérieurs étaient nettoyés quotidiennement par les détenus eux-mêmes avant la fermeture des portes des dortoirs, et ce deux fois par jour. Le nombre de détenus affectés au nettoyage de la prison s’élevait à 157. De plus, des sociétés privées de désinfection effectuaient régulièrement des nettoyages plus spécifiques pour lutter contre les insectes et les souris. Tous les détenus étaient soumis à un examen médical lors de leur admission à la prison. Un médecin généraliste travaillait quotidiennement au sein de la prison. Tous les examens médicaux subis, à différentes périodes, par les requérants montrent que ceux-ci ont reçu des soins appropriés. Les détenus avaient accès à une cour, où ils pouvaient pratiquer de l’exercice physique, de 8 heures à 12 heures et de 15 heures jusqu’au coucher du soleil. Au cours de la période litigieuse, des activités récréatives étaient proposées au sein de la prison (le Gouvernement en fournit une liste), et une bibliothèque était à la disposition des requérants. Ces derniers étaient obligés de rester dans les dortoirs six heures par jour, déduction faite des heures de sommeil, de travail et d’activités récréatives, ainsi que des heures pendant lesquelles ils pouvaient circuler dans l’aile dans laquelle se trouvait leur dortoir (le Gouvernement donne une description du quotidien des requérants). La plupart des requérants ont travaillé au sein de la prison ou ont suivi des formations. Quinze des requérants ont également bénéficié de permissions de sortie. En ce qui concerne la question de la séparation des détenus selon la gravité de l’infraction commise, d’après le Gouvernement, même à supposer que les allégations des requérants correspondent à la réalité, la nonséparation des détenus n’a aucunement affecté les intéressés. Selon un document produit par le directeur de la prison de Patras, fourni par le Gouvernement, cet établissement hébergeait 814 personnes pendant la période litigieuse, et il disposait de trois ailes d’une capacité de 360 détenus, ainsi que d’une aile annexe pour les « employés » (à savoir les prisonniers y travaillant), d’une capacité de 60 personnes. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS Le droit et la pratique internes pertinents en l’espèce sont exposés dans les affaires Chatzivasiliadis c. Grèce (no 51618/12, §§ 17-21, 26 novembre 2013), Kanakis c. Grèce (no 2) (no 40146/11, §§ 62-68, 12 décembre 2013), et Kavouris et autres c. Grèce (no 73237/12, § 11, 17 avril 2014). III. LES CONSTATS DU COMITÉ EUROPÉEN POUR LA PRÉVENTION DE LA TORTURE ET DES PEINES OU TRAITEMENTS INHUMAINS OU DÉGRADANTS (CPT) Dans son rapport du 17 novembre 2010, établi à la suite de sa visite en Grèce du 17 au 29 septembre 2009, le CPT a relevé ce qui suit au sujet des conditions régnant dans la prison de Patras. La prison, construite en 1974, est située dans la zone industrielle de la ville et accueille des détenus condamnés. Elle comporte trois ailes principales – les ailes A, B et C –, chacune ayant trois étages, et une aile plus petite – l’aile D – réservée aux détenus y travaillant. À la date de la visite, la prison, d’une capacité de 380 détenus, en accueillait 709. Les ailes A, B et C consistaient en des dortoirs ayant une superficie de 22,50 m² et accueillant jusqu’à dix détenus chacun. En plus de cinq séries de lits superposés, chaque dortoir était équipé d’une table, de quelques chaises, de casiers individuels, d’une télévision et d’un réfrigérateur. En dépit de la surpopulation, la lumière, artificielle et naturelle, ainsi que la ventilation étaient suffisantes. Chaque dortoir disposait d’un local annexe comprenant un WC, un robinet (qui servait aussi pour faire la vaisselle) et une douche (avec de l’eau froide). En outre, des douches communes se trouvaient au rezdechaussée de chaque aile. Plusieurs détenus se plaignaient d’un manque d’intimité, notamment en raison du fait que la plupart d’entre eux purgeaient de longues peines, et de mauvaises conditions d’hygiène dues à un manque de produits de nettoyage. Les conditions dans les quatre dortoirs de l’aile D, qui accueillait au total 60 détenus, étaient acceptables dans l’ensemble, bien que chaque détenu disposait de moins de 3 m².
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1949 et réside à Zam. En avril 2009, L.S. saisit les autorités de la police de Zam d’une plainte pénale contre le requérant. Il alléguait que ce dernier avait proféré des menaces de mort à son encontre et qu’il l’avait insulté. Le 3 juin 2009, le parquet près le tribunal de première instance de Deva (« le parquet ») ouvrit des poursuites pénales à l’encontre du requérant. Le 13 juin 2009, la police de Zam entendit L.S., lequel réitéra sa plainte. Le même jour, la police entendit les époux O., O.I. et O.M., des témoins à charge. O.I. déclara que, le 9 avril 2009, il discutait avec L.S. dans la rue lorsque le requérant, qui portait une fourche, les avait approchés et avait proféré des menaces de mort à l’encontre de L.S. Quant à O.M., elle déclara avoir vu dans la rue, toujours le 9 avril 2009, le requérant qui paraissait nerveux et qui agitait une fourche. Elle indiqua que, lorsqu’elle était rentrée chez elle, O.I. lui avait raconté l’incident survenu entre le requérant et L.S. Selon le requérant, O.I. et O.M. furent entendus en son absence et sans qu’il ne soit informé de leur audition. Les déclarations des témoins envoyées par le Gouvernement, rédigées sur des formulaires standardisés, comportent une partie manuscrite qui détaille la déclaration des témoins ainsi que deux signatures en bas du formulaire. Il s’agit de la signature de l’agent de police chargé de l’enquête pénale, accompagnée de son tampon, et de la signature du témoin. La police de Zam tenta d’entendre le requérant. Selon les procèsverbaux rédigés par la police et envoyés par le Gouvernement, le requérant refusa de faire une déclaration devant un agent de police, mais se déclara prêt à la faire devant le parquet ou un tribunal. Le 16 novembre 2009, le parquet cita le requérant en vue de son audition, qui devait avoir lieu le 4 décembre 2009. À cette dernière date, l’épouse du requérant, qui avait la qualité de suspect dans le dossier, se présenta au siège du parquet et demanda l’ajournement de la procédure afin d’engager un avocat. Le 7 janvier 2010, le requérant conclut un contrat d’assistance juridique avec un avocat chargé de le représenter dans la procédure. Le 26 mars 2010, le requérant fut entendu par le parquet en la présence de son avocat. Il dit ne pas avoir été convoqué par la police pour faire une déclaration. Il nia les faits qui lui étaient reprochés et soutint que L.S. l’avait frappé par le passé et que, pour ces faits de violence, celui-ci faisait l’objet de poursuites pénales qui étaient en cours. Le requérant déclara qu’il pensait que L.S. avait déposé une plainte à son encontre pour s’exonérer de sa responsabilité pénale dans le dossier qui le visait. Le 30 mars 2010, le requérant demanda au parquet l’audition des témoins N.V. et M.D. en sa défense. Le 30 avril 2010, N.V. déclara devant le parquet qu’il n’avait pas connaissance de l’incident du 9 avril 2009, mais qu’il savait qu’il y avait un conflit antérieur entre les personnes impliquées. Il déclara également qu’il connaissait le requérant et qu’il ne le croyait pas capable de proférer des menaces ou des injures. La déclaration de N.V., envoyée par le Gouvernement et rédigée sur un formulaire standardisé, comporte une partie dactylographiée détaillant la déclaration et, en bas du formulaire, la signature du procureur accompagnée de son tampon et la signature du témoin. Bien que cité par le parquet, M.D. ne se présenta pas afin de faire une déclaration. Par une décision du 12 mai 2010, le parquet décida de clôturer les poursuites du chef de menaces (scoaterea de sub urmărire penală), au motif que les faits qui étaient reprochés au requérant n’atteignaient pas le degré de gravité requis pour retenir la qualification d’infraction (nu prezintă gradul de pericol social al unei infracţiuni). Sur la base de l’article 91 du code pénal en vigueur au moment des faits (paragraphe 23 ci-dessous), le parquet condamna l’intéressé à payer une amende administrative d’un montant de 100 lei roumains, soit environ 24 euros (EUR). Le parquet décida en même temps de clôturer les poursuites du chef d’insulte, au motif que le requérant n’avait pas injurié L.S. Sur plainte du requérant, cette décision fut confirmée le 17 juin 2010 par le procureur en chef du parquet. Le requérant contesta les décisions du parquet devant le tribunal de première instance de Deva (« le tribunal de première instance »), alléguant ne pas avoir commis les faits qui lui avaient été reprochés. Son avocat soutint que, si la procédure interne ne permettait pas à ce stade une nouvelle audition des témoins entendus pendant l’enquête, l’article 6 de la Convention et l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Grecu c. Roumanie (no 75101/01, 30 novembre 2006) prescrivaient une nouvelle audition. Le tribunal de première instance rejeta la contestation du requérant par un jugement du 21 septembre 2010, ainsi libellé dans ses parties pertinentes en l’espèce : « Les décisions contestées par le demandeur exposent les raisons ayant motivé la décision (...) et il est ressorti, sans doute aucun, des éléments de preuve examinés pendant les poursuites que, le 9 avril 2009, le demandeur a proféré des menaces de mort à l’encontre de L.S. et que ces menaces ont été de nature à angoisser ce dernier, ainsi qu’il ressort des déclarations des témoins O.M. et O.I. (...) Dès lors, la situation de fait a été correctement et entièrement établie et la solution juridique adoptée est correcte. » Le requérant forma un recours contre cette décision, exposant que ni lui ni son avocat n’avaient été informés des actes de poursuite accomplis et que les témoins avaient été entendus en son absence. Le tribunal départemental de Hunedoara (« le tribunal départemental ») rejeta ce recours par un arrêt du 23 novembre 2010, dont les parties pertinentes en l’espèce se lisent ainsi : « La juridiction de premier ressort a vérifié la décision contestée (...) sur la base des éléments de preuve examinés pendant les poursuites pénales et a décidé à juste titre que la décision du procureur était légale et bien fondée. Les preuves administrées confirment le fait que, le 9 avril 2009, le demandeur Toma Petru a proféré des menaces de mort à l’encontre de la victime. Cette situation de fait résulte de la combinaison des déclarations de la victime avec celles des témoins O.I. et O.M. » Le requérant fut représenté devant le tribunal de première instance et devant le tribunal départemental par un autre avocat que celui qui l’avait représenté devant le parquet. À une date non précisée dans le dossier, le requérant paya l’amende qui lui avait été infligée et les frais de la procédure menée à son encontre. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS Le code pénal en vigueur au moment des faits comportait les dispositions suivantes : Article 91 – les sanctions à caractère administratif « Lorsqu’il décide de remplacer la responsabilité pénale [par la responsabilité administrative] (înlocuirea răspunderii penale), le tribunal applique l’une des sanctions à caractère administratif suivantes : a) la réprimande ; b) la réprimande avec avertissement ; c) l’amende de 10 à 1 000 lei. » Article 193 – la menace « Le fait de menacer une personne de l’accomplissement d’une infraction ou d’un autre acte de nature à porter préjudice à cette personne, au conjoint ou à un parent proche de celle-ci, s’il est de nature à inquiéter la personne menacée, est puni d’une peine de trois mois à un an de prison ou d’une amende, sans que la peine appliquée ne puisse dépasser la sanction prévue par la loi pour l’infraction faisant l’objet de la menace. » L’article 10 § b1 du code de procédure pénale (« le CPP ») en vigueur au moment des faits disposait qu’il ne pouvait pas y avoir ouverture ou poursuite d’une procédure pénale si les faits n’atteignaient pas le degré de gravité requis pour être qualifiés d’infraction. Le CPP comportait en outre les dispositions suivantes : Article 172 – les droits du défenseur « 1. Pendant les poursuites pénales, le défenseur du suspect ou de l’inculpé a le droit d’assister au déroulement de tout acte de poursuite pénale qui implique l’audition ou la présence du suspect ou de l’inculpé, dont il peut assurer la défense, et il peut former des demandes ou déposer des mémoires. L’absence du défenseur n’empêche pas la réalisation de l’acte de poursuite pénale, s’il existe la preuve que le défenseur a été informé de la date et de l’heure de la réalisation de l’acte. La notification se fait par téléphone, par fax, par internet ou par tout autre moyen similaire, en rédigeant en ce sens un procès-verbal. » Article 202 – le rôle actif de l’autorité chargée des poursuites pénales (organul de urmărire penală) « 1. L’autorité des poursuites pénales est obligée de recueillir les preuves nécessaires afin d’établir la vérité et d’éclaircir tous les aspects de l’affaire, en vue de son juste examen. L’autorité des poursuites recueille des preuves tant à charge qu’à décharge du suspect ou de l’inculpé. (...) L’autorité des poursuites pénales est obligée d’expliquer au suspect ou à l’inculpé ainsi qu’aux autres parties leurs droits processuels. (...) » Les dispositions de l’article 2781 du CPP, qui permettaient à toute personne intéressée de se plaindre devant les tribunaux de la décision du parquet de mettre fin aux poursuites pénales sont détaillées dans l’arrêt Centre de ressources juridiques au nom de Valentin Câmpeanu c. Roumanie ([GC] no 47848/08, § 50, CEDH 2014). Les dispositions pertinentes en l’espèce de cet article étaient ainsi rédigées : « (...) Lors de l’examen de l’affaire, le juge apprécie la décision litigieuse en se fondant sur les actes et pièces existants, et sur tout nouveau document porté à sa connaissance. Le juge statue de l’une des manières suivantes : a) il rejette la plainte pour tardiveté, irrecevabilité ou défaut de fondement, et confirme la décision litigieuse ; b) il accueille la plainte, annule la décision litigieuse et renvoie l’affaire au procureur afin qu’il ouvre ou rouvre l’enquête pénale. Le juge doit exposer les motifs du renvoi et, en même temps, indiquer les faits et les circonstances à élucider, ainsi que les éléments pertinents à produire ; c) il accueille la plainte, annule la décision litigieuse et, si les pièces du dossier sont suffisantes, conserve l’affaire pour plus ample examen, suivant les règles de procédure applicables, en première instance puis, le cas échéant, en appel (...) » La Cour constitutionnelle roumaine a jugé, dans deux décisions de 2004 et 2006, citées par le Gouvernement dans ses observations, que la limitation des moyens de preuve qui pouvaient être examinés dans le cadre de la procédure prévue par l’article 2781 du CPP était justifiée par la nature juridique spécifique de cette procédure. En effet, celle-ci ne visait pas l’examen sur le fond de l’affaire, mais seulement la vérification de la légalité des actes du parquet. La Cour constitutionnelle a exprimé l’avis que, dans le cadre de cette procédure, le tribunal examinait, sur la base des documents versés au dossier pénal qui avaient fondé la décision du parquet, la question de savoir si cette décision avait été adoptée légalement ou non.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE La requérante est née en 1981 et réside à Sofia. Le 13 septembre 2007, elle stationna son véhicule sur un trottoir près de son lieu de travail à Sofia. À son retour, le véhicule ne s’y trouvait plus. Plus tard dans la journée, la requérante le récupéra à la fourrière. Elle se vit présenter un acte constatant la commission d’une infraction administrative pour stationnement illégal qu’elle signa en présentant des objections. Le 17 septembre 2007, elle présenta des objections écrites auprès du directeur de la police de Sofia en demandant à ce dernier de ne pas prononcer de sanction à son égard. Par décision du 24 octobre 2007, l’adjoint au directeur de la police de Sofia infligea à la requérante une sanction administrative sous la forme d’une amende de 30 levs bulgares (BGN, soit environ 15 euros - EUR). La décision contenait une mention expresse selon laquelle elle n’était pas susceptible de contrôle juridictionnel. La décision fut notifiée à la requérante le 2 juin 2008. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS Les parties pertinentes de la loi sur la circulation routière (Закон за движението по пътищата) du 5 mars 1999, la législation en matière de contrôle des décisions infligeant des sanctions administratives pour des infractions routières, ainsi que l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 1er mars 2012 ont été résumés dans l’arrêt Varadinov c. Bulgarie (no 15347/08, §§ 10, et 16-19, 5 octobre 2017).
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Le requérant est né en 1967 et réside dans la ville d’Astrakhan. I. LES POURSUITES PÉNALES DIRIGÉES À L’ENCONTRE DU REQUÉRANT ET L’ACCÈS DE L’INTÉRESSÉ AUX SOINS MÉDICAUX PENDANT SA DÉTENTION Le 27 mai 2005, le requérant, soupçonné d’extorsion de pot-de-vin, fut arrêté par la police et placé en garde à vue dans un centre de détention temporaire. Le 28 mai 2005, le requérant, qui se trouvait toujours dans ledit centre, se sentit mal. Il fut examiné par un médecin de l’ambulance qui avait été appelée. Celui-ci prescrivit une hospitalisation d’urgence. Escorté par deux policiers, le requérant fut transporté par la même ambulance à l’hôpital régional OKB no 1 (« l’hôpital no 1 ») où on lui diagnostiqua une angine de poitrine et une cardiopathie ischémique. Les premiers soins lui furent prodigués et un examen auprès du service de cardiologie de l’hôpital municipal MKB no 3 (« l’hôpital no 3 ») lui fut prescrit. Selon le requérant, les policiers qui l’escortaient refusèrent de l’emmener à l’hôpital no 3 le soir même et le ramenèrent au centre de détention temporaire. Le 29 mai 2005, le requérant fut transféré à la maison d’arrêt no IZ30/1 de la région d’Astrakhan. Le même jour, il fut emmené en ambulance à l’hôpital no 3, où il resta jusqu’au lendemain, avant d’être à nouveau transféré à la maison d’arrêt. Le 22 juin 2005, le requérant fut élargi. Par un arrêt du 19 février 2007, le tribunal de l’arrondissement Troussovski de la ville d’Astrakhan reconnut le requérant coupable de plusieurs infractions et le condamna à une peine d’emprisonnement. Le 16 mars 2007, dans le cadre de la mise à exécution de la peine infligée par l’arrêt du 19 février 2007, le requérant fut arrêté et conduit dans un commissariat de police. Arrivé au commissariat, il se sentit mal. Il fut examiné par un médecin de l’ambulance qui avait été appelée. Celui-ci, après avoir diagnostiqué chez le requérant une angine de poitrine et une cardiopathie ischémique, prescrivit une hospitalisation d’urgence. Selon le requérant, les policiers présents au commissariat refusèrent de l’hospitaliser. Toujours le 16 mars 2007, le requérant fut incarcéré dans la maison d’arrêt no IZ-30/2 de la région d’Astrakhan. Il ressort des pièces du dossier dont dispose la Cour que le requérant fut à plusieurs reprises examiné au sein du service médical de cet établissement. Le 24 juin 2007, le requérant fut transféré dans un autre établissement pénitentiaire. II. LES CONDITIONS DE DÉTENTION DU REQUÉRANT ENTRE LE 16 MARS ET LE 24 JUIN 2007 Entre le 16 mars et le 24 juin 2007, le requérant fut détenu dans la cellule no 46 de la maison d’arrêt no IZ-30/2. Les parties ont présenté des versions différentes quant aux conditions de détention de l’intéressé pendant la période considérée. Le requérant soutient que la cellule mesurait approximativement 3 x 5 mètres et que les détenus y avaient parfois été jusqu’à onze pour seulement quatre lits. Il indique que les occupants de la cellule devaient dormir à tour de rôle et que les toilettes, qui se trouvaient à moins de 1,5 mètre de la table et des lits, étaient dépourvues de portes. Le Gouvernement déclare que la cellule no 46 mesurait 16,3 m², qu’elle comptait quatre lits et que le nombre de détenus n’y a jamais été supérieur au nombre de lits. En outre, il indique que ladite cellule disposait d’un lavabo, que les toilettes se trouvaient à côté de l’entrée de la cellule, qu’elles étaient séparées du reste de celle-ci par une cloison en briques d’au moins 1,2 mètre de hauteur munie de portes, et que la distance entre les toilettes et la table était de 1,5 mètre et celle entre les toilettes et les lits de 2,6 mètres. Enfin, selon le Gouvernement, tous les détenus bénéficiaient d’au moins une heure d’exercice par jour dans des cours aménagées en plein air.
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LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1984 et réside à İzmit. Le 21 mai 2010, des gendarmes menèrent une opération dans la province de Batman. Les procès-verbaux d’incident établis à la suite de cette opération faisaient état des éléments suivants : les officiers avaient découvert deux sacs à dos et un fusil d’assaut dans un champ de blé ; après avoir parcouru le champ pendant environ une heure, ils avaient découvert le requérant rampant sur le sol ; ils l’avaient sommé de se lever et de se retourner ; l’intéressé avait alors tenté d’atteindre un fusil posé à terre à côté de lui et de s’enfuir, avant d’être maîtrisé à la suite d’un corps-à-corps ; deux fusils d’assaut, quatre grenades, des munitions, du matériel de campement ainsi que des objets personnels se trouvant dans les deux sacs à dos avaient été saisis. Après son arrestation, le requérant fut transféré à la clinique de Beşiri à midi. Selon le rapport établi le même jour par le médecin N.K., le requérant présentait des ecchymoses autour de l’œil gauche, un ptosis (abaissement de la paupière supérieure) du même œil, une enflure du côté gauche du menton ainsi que « des coupures et des brûlures sur les extrémités, des coupures sur le corps et d’autres problèmes liés à des chocs ». Aucune lésion ne fut détectée sur la partie inférieure du corps du requérant. Le médecin conclut que les blessures constatées n’engageaient pas le pronostic vital de l’intéressé et que le placement en détention de ce dernier n’était pas contre-indiqué. Le même jour, le requérant fut placé en garde à vue. Il fut examiné tous les jours afin d’avoir un suivi médical rapproché sur l’évolution de son état de santé. Ainsi, le requérant fut réexaminé le 22 mai 2010 par le même médecin, lequel mentionna dans son rapport des ecchymoses sur l’œil gauche et un ptosis du même œil, une enflure du côté gauche du menton et « des ecchymoses, coupures et blessures sur différentes parties du corps ». Le 23 mai 2010, à 16 h 45, le requérant fut réexaminé, dans la même clinique, par le médecin H.D. Dans son rapport, celui-ci indiquait que les signes vitaux du requérant étaient normaux, que l’intéressé présentait une ecchymose de 2 x 3 cm autour de l’œil gauche, un léger saignement dans le même œil, une enflure légère de la mâchoire, des ecchymoses sur le côté droit de la poitrine, et plusieurs autres ecchymoses et égratignures sur diverses parties du corps. Il concluait que les blessures constatées n’engageaient pas le pronostic vital du requérant et qu’elles pouvaient être traitées par des interventions simples. Le 24 mai 2010, à 16 h 45, un quatrième rapport fut établi, dans la même clinique, par le médecin E.A. Selon ce rapport, le requérant souffrait d’une ecchymose et d’un saignement à l’œil gauche, d’ecchymoses sur la poitrine et le bras gauche, et présentait de nombreuses cicatrices sur le bras droit. Le médecin précisa que ces blessures ne nécessitaient aucune intervention. Dans le cinquième et dernier rapport, établi le 25 mai 2010, à 11 heures, le médecin A.H.Ç. constatait une ecchymose irrégulière de 5 x 3 cm sur la partie supérieure du bras droit du requérant et une coupure couverte d’une croûte de 0,2 x 0,2 cm sur le côté gauche de sa poitrine. Il mentionnait aussi que le requérant se plaignait d’une sensibilité au niveau de la poitrine et d’une difficulté à respirer, ce qui, selon le médecin, n’avait pas pu être évalué correctement en raison du manque de matériel de radiologie à l’infirmerie. Il indiquait que le pronostic vital du patient n’était pas engagé. Le requérant fut ensuite transféré à l’hôpital civil de Batman, où il subit des examens radiologiques. Le médecin qui examina les clichés ne signala aucune trace de violence physique. Toujours le 25 mai 2010, le tribunal d’instance pénal ordonna le placement en détention provisoire du requérant. Celui-ci fut transféré à la prison de Batman, où il fut examiné par un médecin à son arrivée. Le rapport y afférent faisait état d’une ecchymose autour de l’œil gauche de l’intéressé, d’une ecchymose irrégulière de 3 x 13 cm sur la partie supérieure du bras droit, d’une difficulté motrice du bras droit, d’une cicatrice de 1 x 1 cm sur le côté gauche de la poitrine, d’une cicatrice de 0,5 x 4 cm au niveau de l’aine gauche. Il indiquait en outre que le requérant se plaignait d’une douleur et d’une sensibilité dans une zone située entre la poitrine et l’abdomen. Le 27 mai 2010, le requérant fut réexaminé par le médecin de la prison, qui indiqua dans son rapport que l’intéressé ne présentait « pas de pathologie urgente ». A. Enquête menée sur les allégations de mauvais traitements Le 28 mai 2010, le requérant introduisit une plainte pour mauvais traitements. Il allégua avoir été trainé par terre, battu, avoir eu la tête plongée dans un bassin rempli d’eau et avoir été soumis à des chocs électriques. Le procureur de la République à Beşiri (« le procureur ») recueillit la déposition du requérant, lequel déclara ne pas être en mesure d’identifier les personnes qui lui auraient infligé des mauvais traitements, et ce en raison de pertes de connaissance fréquentes. Le 6 août 2010, le requérant fut de nouveau examiné à l’hôpital civil de Batman. Le rapport établi à la suite de cet examen mentionnait de nombreuses traces anciennes correspondant à des brûlures de cigarette sur le bras gauche du requérant, du coude jusqu’à l’épaule, et une trace similaire sur la poitrine. S’étant plaint d’un engourdissement du côté droit du corps, l’intéressé fut aussi examiné par un neurologiste ; aucune pathologie ne fut découverte à la suite de cet examen complété par des actes de radiologie. Selon le rapport final, les blessures du requérant n’engageaient pas son pronostic vital. Le 13 décembre 2010, à la demande du procureur, le commandement de la gendarmerie de Batman dressa la liste des noms des officiers en service au moment de l’arrestation du requérant jusqu’au transfert de ce dernier devant le procureur. Douze officiers furent ainsi cités. Six avaient participé à l’arrestation du requérant, deux avaient recueilli sa déposition, et quatre avaient enregistré son entrée en garde à vue et sa sortie. Les 21 et 22 décembre 2010, le procureur interrogea en tant que témoins deux gendarmes responsables de la garde à vue du requérant. Ceuxci nièrent avoir maltraité le requérant et soutinrent que, aux dires de leurs collègues, l’intéressé avait été blessé en raison de sa tentative de fuite lors de son arrestation. Le 18 février 2011, le procureur demanda à l’institut médicolégal de Batman d’émettre un avis médical après analyse des conclusions de tous les rapports précédemment établis. Les parties pertinentes dudit avis, rendu le 31 mars 2011, se lisent ainsi : « 1) Les causes des ecchymoses autour de l’œil gauche et sur différentes parties du corps [du requérant], le ptosis à l’œil gauche et le gonflement du menton ne peuvent être déterminées avec certitude, car elles pourraient résulter de traumatismes externes, d’un coup de pied ou d’un coup de poing ou encore d’une chute de l’intéressé lui-même sur le sol ou sur une surface rugueuse lors de son arrestation musclée. En ce qui concerne les brûlures constatées sur les extrémités et les coupures sur le corps [de l’intéressé], il n’est pas possible d’établir comment celles-ci se sont produites, car les rapports médicaux ne précisent ni leur localisation ni leurs caractéristiques exactes. 2) Les ecchymoses qui n’étaient pas mentionnées dans le rapport du 21 mai 2010 mais qui l’étaient dans les rapports ultérieurs ont pu être causées lors de l’arrestation musclée de l’intéressé mais n’être apparues que plus tard. Cependant, elles pourraient tout aussi bien avoir été causées par un traumatisme externe subi pendant la garde à vue. La couleur [de ces ecchymoses] n’étant pas indiquée dans les rapports, une distinction médicale ne peut pas être établie [à cet égard]. 3) Les lésions mentionnées pour la première fois dans les rapports du 25 mai 2010, comme la coupure de 0,2 x 0,2 cm et la coupure de 1 x 1 cm sur la poitrine, peuvent correspondre à la définition générale de « coupures sur le corps » figurant sur le rapport médical d’entrée en garde à vue. Néanmoins, la nature de ces lésions n’étant pas détaillée, aucun commentaire médical ne peut être fait sur l’origine desdites lésions. 4) La lésion décrite pour la première fois dans un des rapports du 25 mai 2010 comme étant une cicatrice de 0,5 x 4 cm au niveau de l’aine gauche pourrait correspondre à la définition générale de « coupures sur le corps » donnée dans le rapport du 21 mai 2010. Cependant, la nature de cette blessure n’y est pas indiquée (coupure, égratignure, lacération, etc.) ; la présence ou l’absence d’œdème ou d’ecchymose autour de cette blessure n’y est pas indiquée non plus. Par conséquent, aucun commentaire médical ne peut être effectué. 5) Les cicatrices correspondant à des brûlures de cigarettes constatées deux mois et demi plus tard, le 2 août 2010, n’ont pas été notées dans les rapports établis lors de la garde à vue de l’intéressé. Cependant, il n’est pas possible de préciser ni quand ni comment ces brûlures se sont produites, car les cicatrices ne sont pas décrites en détail ; de plus, puisqu’il s’agit [maintenant] de cicatrices, il est impossible d’établir médicalement quand et comment les brûlures sont survenues. » Le 4 avril 2011, le procureur rendit une décision de non-lieu à poursuivre en se référant aux éléments susmentionnés. Il tint pour établi que les blessures du requérant s’étaient produites lorsque l’intéressé avait rampé dans le champ et qu’il avait tenté de fuir, déclenchant un corps-à-corps. Il indiqua également qu’il n’y avait aucune preuve permettant d’établir que les cicatrices constatées deux mois et demi après l’arrestation du requérant étaient le résultat de mauvais traitements infligés lors de la garde à vue de ce dernier et il ajouta que les blessures en cause avaient « dû se produire ultérieurement en prison pour diverses raisons ». Il conclut que les allégations du requérant n’étaient pas étayées par des éléments de preuve suffisants pour qu’il fût possible d’engager des poursuites pénales contre les officiers de gendarmerie ou contre les médecins en fonction à la clinique de Beşiri. Le 11 juin 2012, la cour d’assises de Midyat rejeta l’opposition formée par le requérant. B. Procédure pénale contre le requérant Durant la phase d’instruction préliminaire – y compris la garde à vue – et les audiences devant la cour d’assises de Diyarbakır, le requérant fut représenté par un avocat. Le 28 décembre 2010, la cour d’assises de Diyarbakır le condamna à des peines d’emprisonnement de sept ans et six mois pour appartenance à une organisation armée illégale, de sept ans et six mois pour possession illégale d’armes et de quatre ans et deux mois pour possession illégale d’explosifs. Dans ses attendus, elle s’appuya en particulier sur les conditions dans lesquelles l’arrestation du requérant avait été conduite, ainsi que sur des expertises balistiques et des empreintes génétiques réalisées sur les armes et les objets personnels saisis lors de l’arrestation. Elle appliqua une remise de peine pour bonne conduite au cours de la procédure et acquitta le requérant du chef de tentative de meurtre sur des membres des forces de sécurité, pour absence de preuve. Le 4 juillet 2011, la Cour de cassation rejeta la demande de tenue d’une audience introduite par le requérant au motif que les conditions prévues à cet effet n’étaient pas réunies en l’espèce – la limite légale de dix ans d’emprisonnement étant considérée séparément pour chaque condamnation – puis, après avoir analysé les moyens de droit qui lui étaient soumis par le requérant, et qui avait déjà été débattus en audience publique devant la cour d’assises de Diyarbakır, confirma le jugement eu égard aux motifs retenus par les juges de la première instance et au contenu du dossier.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE La requérante est née en 1983 et réside à Socu. En 2004, la requérante se maria avec G.M.O.V. De leur union naquit, le 21 décembre 2004, un garçon, O.C. À une date non précisée, la requérante et son mari se rendirent en Italie pour trouver du travail ; en l’absence de ses parents, l’enfant demeurait chez sa grand-mère paternelle. En 2010, G.M.O.V. retourna en Roumanie et s’installa chez sa mère avec l’enfant. La requérante indique être restée en Italie. A. La procédure de divorce En 2011, G.M.O.V. engagea une procédure de divorce devant le tribunal de première instance de Motru. Il demanda également la garde exclusive de l’enfant et la condamnation de la requérante à lui verser une pension alimentaire. Il indiqua dans sa demande que la requérante était en Italie, mais déclara ne pas connaître son adresse. La requérante fut citée à comparaître au domicile commun des époux. Le 25 janvier 2011, la citation qui lui était adressée fut remise à son époux. Les 23 février et 24 mai 2011, d’autres citations à comparaître adressées à la requérante furent remises à la mère de G.M.O.V. Pour l’audience du 16 juin 2011, la requérante fut citée à comparaître par une annonce publiée dans un journal. Par un jugement du même jour, le tribunal de première instance prononça le divorce des époux, octroya la garde de l’enfant au père et condamna la requérante à lui payer une pension alimentaire mensuelle de 150 lei roumains, soit environ 35 euros (EUR). Le tribunal nota que la requérante avait été légalement citée à comparaître mais qu’elle ne s’était pas présentée et qu’elle n’avait pas non plus déposé de conclusions. Le jugement du 16 juin 2011 fut communiqué par publication (comunicare prin publicitate). Les parties n’ont pas indiqué où ni comment cette publication a été réalisée. La date de la publication est également incertaine (paragraphe 15 ci-dessous). La requérante allègue ne pas avoir eu connaissance de ce jugement et avoir continué à communiquer avec G.M.O.V. depuis l’Italie, surtout pour se renseigner sur l’éducation de l’enfant, et à lui envoyer de l’argent. En août 2012, la requérante retourna en Roumanie pour les vacances ; elle soutient avoir appris à cette occasion l’existence du jugement du 16 juin 2011 susmentionné. Le 10 août 2012, la requérante interjeta appel et fit une demande d’autorisation d’appel hors délai (repunere în termen). Elle indiquait qu’elle avait été citée à comparaître au domicile de son ex-époux ou par publication alors qu’elle était partie chercher du travail en Italie, où elle avait obtenu un contrat en octobre 2011, et qu’elle n’avait pas eu connaissance de la procédure de divorce à son encontre. Par un arrêt du 16 octobre 2012, le tribunal départemental de Gorj rejeta son appel pour tardiveté. Le tribunal reprocha à la requérante de ne pas avoir informé les juridictions de son changement d’adresse. En outre, il constata qu’elle avait interjeté appel en dehors du délai légal de trente jours à compter de la communication par publication du jugement en question. À cet égard, l’arrêt comportait le passage suivant : « De même, sur la base des documents [versés au] dossier, le tribunal note que le jugement [du 16 juin 2011] a été communiqué par publicité le 22 août 2012 et que l’appel a été interjeté le 10 août 2012, soit après l’expiration du délai légal pour interjeter appel. » La requérante forma un recours (recurs). Il ressort des documents présentés par le Gouvernement devant la Cour que la requérante avait versé au dossier une copie de la carte d’identité délivrée par les autorités italiennes le 20 novembre 2010, comportant entre autres mention de son adresse et de sa profession en Italie. La cour d’appel de Craiova rejeta le recours de la requérante par un arrêt du 29 janvier 2013, qui est ainsi libellé dans ses parties pertinentes en l’espèce : « Même si la requérante défenderesse a soutenu être partie en Italie en octobre 2011 et qu’à la date d’examen de l’action en première instance (16.06.2011) elle était à son domicile de la commune de Băleşti, village de Găvăneşti, dans le département de Gorj, ce dont le requérant [demandeur] aurait été au courant [et que] ce dernier a fait usage de mauvaise foi de la procédure de citation par notification, le document nouvellement déposé en recours prouve que, pendant l’intégralité de l’année 2011 (în tot cursul anului 2011), la défenderesse était en Italie. Ainsi, la requérante défenderesse a versé [au dossier] la copie de sa carte d’identité selon laquelle elle avait élu domicile en Italie à compter du 20 novembre 2010 et y travaille, comme en attestent les déclarations des témoins. Même si la défenderesse est revenue au pays, elle n’a pas été à même de prouver que le requérant [demandeur] a demandé de mauvaise foi sa citation par publicité puisque, selon ses papiers, elle avait déjà élu domicile en Italie et, lorsqu’elle a été citée au domicile qu’elle indique également en recours, elle ne s’y trouvait pas, la citation [à comparaître] ayant été signée par un membre de la famille. » La cour d’appel conclut que la citation de la requérante par publicité et la communication du jugement rendu en première instance également par publicité avaient été décidées de manière légale et que le délai pour interjeter appel devait se calculer à compter de la communication du jugement susmentionné par publicité. Enfin, elle estima que l’appel interjeté par la requérante était tardif car introduit en dehors du délai légal. B. Les développements ultérieurs En février 2013, la requérante saisit le tribunal de première instance de Târgu-Jiu (« le tribunal de première instance ») d’une action visant à faire établir le domicile de son enfant chez elle en Roumanie. Elle faisait état de ses craintes que le père ne s’occupât pas de façon adéquate de l’enfant et indiquait qu’elle n’avait pas été dûment informée de la procédure de divorce. En mai 2015, elle informa le tribunal qu’elle renonçait à son action parce que le témoin qu’elle entendait citer ne pouvait pas se présenter devant le tribunal pour témoigner. Le 23 juillet 2013, elle saisit le tribunal de première instance d’une action en référé afin de se voir reconnaître, de manière provisoire, un droit de visite à l’égard de son fils jusqu’à la solution de son action principale ayant le même objet (paragraphe 23 ci-dessous). Par un jugement du 29 août 2013, le tribunal de première instance fit droit à sa demande. Après avoir entendu G.M.O.V. et l’enfant et examiné un rapport des services sociaux, le tribunal jugea qu’il était dans l’intérêt de l’enfant que celui-ci maintînt des relations personnelles avec sa mère. Entre-temps, le 30 mai 2013, la requérante avait saisi le tribunal de première instance d’une action afin d’obtenir un droit de garde partagée et un droit de visite à l’égard de l’enfant. Elle avait indiqué vouloir maintenir des relations personnelles et directes avec son enfant et que G.M.O.V. s’y opposait. Le tribunal entendit G.M.O.V. et l’enfant ainsi que les témoins proposés par les parties. Il demanda en outre aux services sociaux de procéder à l’évaluation psychologique de l’enfant. Selon un rapport dressé en janvier 2014, l’évolution et le développement de l’enfant étaient conformes à son âge. Il fut toutefois conseillé aux parents de faire preuve de flexibilité dans la mise en œuvre du droit de visite et de prendre en compte les souhaits exprimés par l’enfant. Par un jugement du 7 mars 2014, le tribunal de première instance accueillit la demande de la requérante et lui octroya la garde de l’enfant conjointement avec le père ainsi qu’un droit de visite. Le Gouvernement précise que le jugement du 7 mars 2014 est devenu définitif. II. LE DROIT INTERNE PERTINENT Les dispositions du code de procédure civile (« le CPC ») en vigueur jusqu’au 15 février 2013 relatives aux citations à comparaître sont décrites dans l’affaire S.C. Raïssa M. Shipping S.R.L. c. Roumanie (no 37576/05, § 18, 8 janvier 2013). En particulier, l’article 95 du CPC autorisait la partie demanderesse à demander la citation de la partie défenderesse par publicité lorsqu’elle avait pris toutes les mesures pour identifier l’adresse de cette dernière, mais sans succès ; en pareil cas, la citation était affichée au tribunal et, si celui-ci le jugeait nécessaire, elle était publiée dans le Bulletin officiel et dans un journal de grande diffusion. L’article 103 du même code autorisait la partie défenderesse à exercer les voies de recours en dehors des délais légaux si elle prouvait avoir été empêchée de le faire par une circonstance indépendante de sa volonté. L’article 266 du CPC disposait qu’une copie des décisions judiciaires était communiquée aux parties lorsque cela était nécessaire pour le calcul du délai pour interjeter appel ou pour former un pourvoi en recours. En ce qui concernait la procédure de divorce, l’article 616 du CPC prévoyait que, lorsque la citation de l’époux défendeur avait été faite par voie d’affichage et qu’il ne s’était pas présenté à l’audience, le tribunal devait demander des éléments de preuve ou procéder à une enquête afin de vérifier si le défendeur avait son domicile au lieu indiqué dans la demande de divorce. Si le tribunal constatait qu’il n’y avait pas son domicile, il devait le citer à son domicile et, le cas échéant, à son lieu de travail. Selon l’article 619 du même code, le délai pour interjeter appel ou pour former un pourvoi en recours dans la procédure de divorce était de 30 jours à compter de la communication de la décision de justice. Le nouveau code civil, entré en vigueur le 1er octobre 2011, dispose en son article 397 que l’autorité parentale revient, après le divorce, aux deux parents, sauf si le juge en décide autrement. Selon l’article 401 de ce code, le parent qui n’habite pas avec l’enfant a le droit de garder des relations personnelles avec lui. L’article 403 du même code dispose en outre que, lorsque les circonstances de fait ont subi un changement, le juge peut, à la demande notamment de l’un des parents ou d’un membre de la famille, décider de modifier les mesures relatives aux droits et obligations des parents divorcés envers leurs enfants mineurs.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Par une décision du 21 janvier 1967, émise conformément aux dispositions de la loi no 5351/1932 «sur les antiquités», le ministre de la Présidence du gouvernement classa le site de Phylakopi sur l’île de Milos comme site archéologique et délimita sa zone de protection. Par une décision du 16 novembre 1979, le ministre de la Culture étendit les limites de la zone de protection du site de Phylakopi et de son environnement direct. Les nouvelles limites incluent la propriété du requérant et de son père Emmanouil, d’une superficie totale d’environ 75 000 m², située en dehors du plan de la ville. Toutefois, le dessin accompagnant la décision n’indiquait pas la position exacte des monuments protégés (trois cimetières et des tombes isolées). Le 23 septembre 1981, le Conseil national de l’Aménagement du territoire et de l’environnement définit l’affectation générale des sols de l’île de Milos, y compris du site de Phylakopi qui fut classé notamment site de développement de l’agriculture, du tourisme et de l’habitation à l’exclusion de toute activité minière ou industrielle. Le 25 juin 1990, le ministre de la Culture proposa l’inclusion du site archéologique de Phylakopi dans la zone A de protection absolue où aucune construction n’était autorisée. Néanmoins la procédure ne fut pas achevée en raison de la non-publication de la décision ministérielle dans le Journal Officiel. La même année, le Conseil central d’archéologie (le C.C.A.) formula une nouvelle proposition pour la délimitation des zones de protection des sites archéologiques de l’île de Milos, sans que la procédure y relative soit menée à bout par l’émission d’une décision ministérielle. Suite à des demandes déposées par le requérant et son père tendant à faire exclure leur propriété des zones de protection A et B, ainsi qu’à effectuer de travaux de construction dans une bâtisse déjà existante, le ministère de la Culture accorda une autorisation de rénovation de la maison en question. Le 19 novembre 1998, le ministère de la Culture procéda à la délimitation des zones de protection des sites archéologiques de l’île, à l’exception du site de Phylakopi, pour lequel il fut prévu qu’une nouvelle décision ministérielle serait émise dans l’avenir. Le 12 septembre 2000, le C.C.A. examina la question de la délimitation des zones de protection ainsi que les demandes déposées par le requérant et son père pour la délivrance d’une autorisation de construire quatre maisons indépendantes à étage unique, de style cycladique, sur une partie de leur propriété. Le C.C.A. reporta l’adoption d’une décision concernant les deux questions, afin de permettre à ses membres de procéder à une descente sur les lieux, qui eut lieu les 30 et 31 août 2001. Finalement, lors de sa réunion du 9 octobre 2001, le C.C.A. proposa le rejet de la demande des requérants, en raison du dommage que cela causerait tant aux antiquités situées dans cette propriété (le cimetière d’une ville préhistorique) qu’à l’environnement immédiat du lotissement préhistorique de Phylakopi. Le C.C.A. se déclara en faveur de la recherche de la possibilité d’édifier deux constructions à étage unique aux extrémités de la partie sud de leur propriété, à condition que ces constructions ne soient pas visibles depuis le site archéologique clôturé. Entre-temps, le 6 octobre 2001, le requérant et son père saisirent le tribunal administratif d’Athènes d’une action en dommages-intérêts sur le fondement de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil, aux termes de laquelle ils réclamaient la réparation du dommage qu’ils avaient subi du fait des actes et omissions illicites des organes de l’État. Lesdits actes consistaient : a) au refus d’autoriser des activités de construction en invoquant l’inclusion de leur propriété dans la zone A, laquelle n’avait jamais été dûment délimitée ; b) au maintien en suspens pendant une longue période de la question de la délimitation de la zone de protection ; et c) à l’information de l’opinion publique et des acquéreurs potentiels que la propriété était située dans la zone A, ce qui aurait conduit à la dépréciation totale de celle-ci. Ils demandaient que l’État soit obligé de verser à chacun d’eux certaines sommes au titre du manque à gagner en raison de l’annulation de la vente de leur propriété en 1990 ou, sinon, de l’annulation de la vente de leur propriété l’an 2000 ou, sinon, en raison de la dépréciation de leurs biens. Ils demandaient aussi la réparation de leur dommage moral. Par un jugement no 13628/2003, le tribunal administratif d’Athènes admit en partie l’action du requérant et de son père mais rejeta comme dénuées de fondement leurs demandes en réparation du fait de l’annulation de la vente de la propriété en 1990 et 2000 et de la dépréciation de leurs terres. En outre, il estima que, en raison du retard pris pour la délimitation des zones de protection du site archéologique, le requérant et son père avaient subi un préjudice moral, en réparation duquel l’État devait verser à chacun d’eux la somme de 7 000 euros. Par deux arrêts no 2473/2005 et no 3829/2011, la cour administrative d’appel d’Athènes et le Conseil d’État respectivement confirmèrent le jugement précité. La question de la délimitation des zones de protection fut réexaminée par le C.C.A., lors de sa réunion du 10 juillet 2002 sous le régime de la nouvelle loi archéologique no 3028/2002. Par une décision du 9 octobre 2002, le ministre de la Culture délimita, d’une part, la zone A, de protection absolue où il était interdit de procéder à toute construction et à toute modification du sol, et, d’autre part, la zone B, qui incluait la zone A et constituait l’environnement plus large du site archéologique de Phylakopi. Par une deuxième décision de la même date, le ministre interdit toute construction dans la partie nord de la propriété du requérant et de son père, mais accepta d’examiner la possibilité d’édifier deux maisons à étage unique aux extrémités de la partie sud de leur propriété, à condition que ces maisons ne soient pas visibles depuis le site archéologique clôturé. Les 12 décembre 2002 et 13 janvier 2003, le requérant et son père saisirent le Conseil d’État respectivement de deux recours en annulation : d’une part, de la décision du ministre de la Culture ayant délimité les zones A et B à Phylakopi et, d’autre part, de la décision du même ministre interdisant la construction sur la partie nord de leur propriété. Par l’arrêt no 3964/2008 (rendu le 31 décembre 2008 et certifié conforme le 23 mars 2010), le Conseil d’État rejeta le premier recours. Il souligna que la délimitation de zones de protection n’était pas contraire aux principes de l’égalité et de la proportionnalité, que la décision du ministre était légale et suffisamment motivée et que le droit à indemnité des propriétaires des terrains concernées ne se trouvait pas affecté. Plus particulièrement, sur ce dernier point, le Conseil d’État affirma que l’article 24 de la Constitution établissait une protection renforcée de l’environnement culturel qui consistait à préserver de manière pérenne tant les monuments que l’espace qui les entourait, ainsi qu’à imposer des restrictions au droit de propriété. Ces restrictions pouvaient avoir une étendue plus large que les restrictions générales de la propriété prévues par l’article 17 de la Constitution. Toutefois, si elles rendaient inerte ou limitaient excessivement la propriété, elles créaient une obligation d’indemniser le propriétaire qui en était affecté, conformément au paragraphe 6 de l’article 24 de la Constitution. En l’espèce, la délimitation des zones de protection du site de Phylakopi, et en particulier la délimitation de la zone A dans laquelle seules des constructions légères étaient autorisées avait été décidée pour la protection et la mise en valeur du lotissement préhistorique et de très importantes découvertes. Si les propriétaires affectés estimaient que les restrictions imposées portaient atteinte à la substance de leur droit de propriété, ils avaient droit à percevoir une indemnité. Par un arrêt no 783/2016, le Conseil d’État rejeta aussi par des motifs similaires que dans l’arrêt no 3964/2008 le deuxième recours précité. Il se référa à nouveau à la possibilité pour le requérant de demander une indemnité sur le fondement de l’article 24 § 6 de la Constitution. Le 15 avril 2003, le C.C.A. formula un avis par lequel il proposait le rachat ou l’expropriation d’une partie de la propriété du requérant et de son père, d’une surface totale de 66 925 m². Suite à cet avis, la Direction de l’expropriation et de la propriété immobilière du ministère de la Culture demanda que soit effectué un contrôle des titres de propriété des biens à racheter. Toutefois, l’examen releva que les titres de propriété du requérant ne correspondaient pas à l’ensemble des terrains destinés au rachat. En plus, il s’avéra que sur certaines parties des terrains à racheter, l’État invoquait des droits de propriété, et que certaines autres parties appartenaient déjà à l’État, après avoir été expropriées à l’occasion de la rénovation de la route Plaka–Pollonia sur l’île de Milos. Suite à cela, le 3 août 2010, le ministre des Finances, décida de ne pas procéder au rachat de la propriété du requérant, mais d’engager une procédure d’expropriation, car il n’avait pas été prouvé avec certitude que les terrains à racheter, tels qu’ils étaient définis par la Direction de l’expropriation et de la propriété immobilière du ministère de la Culture, étaient inclus dans leur ensemble dans les titres produits par le requérant. Le 22 novembre 2016, le C.C.A. émit un avis en faveur de l’expropriation des biens dont le requérant se prétend propriétaire, d’une surface totale de 66 503,34 m². II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS L’article 24 § 6 de la Constitution dispose : « Les monuments et les sites et éléments traditionnels sont placés sous la protection de l’État. La loi détermine les mesures restrictives de la propriété qui sont nécessaires pour la réalisation de cette protection, ainsi que les modalités et la nature de l’indemnisation des propriétaires. » L’article 19 de la loi no 3028/2002, relative à la protection des antiquités et de l’héritage culturel, prévoit : «1. Afin de protéger de monuments, de sites archéologiques ou de lieux historiques ou de mener des fouilles, le Ministre de la Culture peut imposer la privation provisoire ou définitif ou restreindre l’usage d’un bien immobilier. En cas de restriction provisoire substantielle ou de privation provisoire substantielle de l’usage suivant sa destination du bien immobilier dans son ensemble, il est payé une indemnité calculée sur la base du rendement moyen du bien immobilier suivant sa destination avant la restriction ou la privation de l’usage, en tenant aussi compte de la qualité du bien comme monument, si tel est le cas. En cas de restriction définitive substantielle ou de privation définitive substantielle de l’usage suivant sa destination du bien immobilier dans son ensemble, il est payé une indemnité complète. Dans ce cas aussi, il est tenu compte de la qualité du bien comme monument, si tel est le cas. En cas de privation provisoire de l’usage suivant sa destination de tout ou partie du bien immobilier dans lequel il y a des monuments ou d’autres biens immobiliers adjacents, lorsque cela est nécessaire à la protection de ces monuments, toute personne lésée pour réclamer une indemnité pour le calcul de laquelle s’appliquent les dispositions du paragraphe 2 (...) » L’article 24 de la Constitution, tel qu’il a été interprété par la jurisprudence, consacre la protection de l’environnement culturel, à savoir des monuments et des autres éléments provenant de l’activité humaine et composant le patrimoine historique, artistique et généralement culturel du pays. Cette protection consiste au maintien pour toujours de l’inaltérabilité desdits monuments et éléments, ainsi que du site qui les entoure, et elle implique la possibilité d’imposer les mesures et les restrictions de la propriété nécessaires à cet effet. Lorsque ces restrictions rendent inerte ou limitent excessivement la propriété, elles créent une obligation d’indemniser le propriétaire qui en est affecté (Conseil d’État, arrêt numéro 3009/2006). La prétention à une indemnité est née dès l’écoulement d’une période raisonnable à compter de l’imposition des mesures restrictives, à condition que l’intéressé sollicite la réparation de son dommage auprès de l’administration ou directement devant la juridiction administrative compétente (Conseil d’État siégeant en formation plénière, arrêts no3146/1986 et 2801/1991, et Conseil d’État, arrêts no1517/1993, 3963/1995, 784/1999, 3337/1999, 2876/2004, 3627/2004, 982/2005 et 3000/2005). Par ailleurs, d’abord par l’article 91 de la loi no 1892/1990 et ensuite par l’article 13 de la loi no 3028/2002, le législateur a introduit une procédure de délimitation de zones de protection des sites archéologiques situés hors des limites des agglomérations existantes, et notamment en fonction des caractéristiques spéciales et de la physionomie de chaque site. Les sites classés dans la zone A, bénéficient d’une protection absolue, et ceux classés dans la zone B, bénéficient d’une protection relative, où la construction est autorisée, mais dans les conditions fixées par le ministre de la Culture. En outre, selon l’article 13 de la loi précitée, dans le but de la meilleure protection et de la mise en valeur des sites archéologiques, le ministre de la Culture peut aussi imposer des conditions et des restrictions plus particulières à l’usage des biens immobiliers tombant dans le champ de la zone A, telles que par exemple des restrictions se rapportant à l’exploitation agricole, lorsque celle-ci risque de nuire aux antiquités (Conseil d’État, arrêts no 3888/2000, 3337/1999, 736/1997, 3964-65/1995 et 1517/1993). La loi no 3028/2002 contient aussi des dispositions sur la question de l’indemnité du propriétaire du bien grevé des restrictions aux fins de la protection des éléments de l’environnement culturel. Pour réclamer une indemnité, le propriétaire concerné doit déposer une demande et au sujet laquelle le ministre de la Culture se prononce par une décision émise sur l’avis du comité prévu par le paragraphe 6 de l’article 19 de cette loi.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Les requérants sont nés respectivement en 1975 et en 1972 et résident à Varna. A. Le contexte de l’affaire Les requérants sont un couple marié. À l’époque des faits, la requérante travaillait en tant que chef comptable de la société des transports en commun de Varna. Entre décembre 2009 et avril 2010, le ministère bulgare de l’Intérieur mena plusieurs opérations policières qui visaient à démanteler différents groupes criminels. Ces opérations suscitèrent l’intérêt du grand public et plusieurs hommes politiques et magistrats furent régulièrement sollicités par les médias pour commenter les arrestations effectuées dans ce cadre et les poursuites pénales subséquentes. Les événements entourant l’une de ces opérations, baptisée « Méduses », se trouvent à l’origine de la présente requête et des requêtes Gutsanovi c. Bulgarie (no 34529/10, 15 octobre 2013) et Slavov et autres c. Bulgarie (no 58500/10, 10 novembre 2015). B. Les poursuites pénales contre la requérante et la perquisition au domicile des requérants Le 30 octobre 2009, le parquet de la ville de Sofia ouvrit des poursuites pénales contre X pour abus de pouvoir par un fonctionnaire et détournement de fonds publics ayant entraîné un préjudice important pour la société municipale des transports en commun de Varna. Les faits en cause avaient eu lieu entre 2003 et 2007. Le 8 février 2010, le procureur général ordonna le transfert du dossier de l’enquête pénale en cause au parquet régional de Varna. L’instruction devait être menée par la police de Varna sous la direction et la surveillance du parquet régional de la même ville. Dans le cadre de cette enquête pénale, le 31 mars 2010, vers 6 h 30, une équipe d’agents de police se rendit au domicile des requérants. Entre 6 h 55 et 8 h 15, les policiers procédèrent à la perquisition de l’appartement des requérants en présence de trois témoins, d’un expert et de la requérante. Le procès-verbal dressé par les policiers mentionnait que la perquisition avait été effectuée en vertu de l’article 161, alinéa 2, du code de procédure pénale bulgare, c’est-à-dire sans l’autorisation préalable d’un juge, au motif qu’il s’agissait du seul moyen de préserver et recueillir des preuves en lien avec la procédure pénale en cause. Le formulaire de procèsverbal comportait une phrase standard invitant la requérante à présenter aux policiers tous les objets, documents ou systèmes informatiques contenant des informations relatives à l’enquête pénale no 128/10 menée par la direction de la police de Varna. Aucun objet lié à l’enquête pénale ne fut trouvé lors de la perquisition. Sur sa première page, le procès-verbal de perquisition porte le cachet du tribunal régional de Varna, le nom, le prénom et la signature de l’une des juges de ce tribunal et la mention « J’approuve ». Cette approbation est datée du 31 mars 2010, à 17 h 20. Le 31 mars 2010, à la fin de la perquisition de son domicile, la requérante fut emmenée par les policiers dans les locaux de la comptabilité de la compagnie municipale des transports en commun de Varna, où ceux-ci procédèrent à la perquisition de son bureau entre 8 h 55 et 12 h 04. Les policiers y trouvèrent et saisirent plusieurs documents, un CD et un ordinateur portable. La requérante expliqua qu’il s’agissait de documents et objets liés à ses fonctions au sein de la compagnie. Entre-temps, à 6 h 45, un officier de police avait ordonné la détention de la requérante pour vingt-quatre heures, au motif qu’elle était soupçonnée d’avoir commis une infraction pénale. À 22 h 45, en présence de son avocat, la requérante fut formellement inculpée par un enquêteur des infractions pénales suivantes : i) participation en sa qualité de fonctionnaire, entre 2003 et 2007, à un groupe criminel, composé de fonctionnaires municipaux et de particuliers, dont l’activité impliquait la passation de contrats dommageables pour la municipalité et l’abus d’autorité par un fonctionnaire, infraction réprimée par l’article 321, alinéa 3, point 2, du code pénal ; ii) abus d’autorité par un fonctionnaire, commis entre 2005 et 2007, consistant en la passation de commandes pour la livraison de 31 autobus à des conditions préjudiciables pour la société, infraction pénale relevant des articles 282, alinéa 2, et 20, alinéa 2, du code pénal ; iii) falsification de documents officiels entre janvier et mars 2010, infraction pénale relevant des articles 311, alinéa 1, et 20, alinéa 2, du code pénal. Le même jour, l’ordonnance d’inculpation fut contresignée par un procureur du parquet régional de Varna. La requérante fut détenue jusqu’au 13 avril 2010, date à laquelle la cour d’appel de Varna décida de lui imposer une simple mesure de contrôle judiciaire et ordonna sa libération. La requérante n’a pas précisé quelle a été la suite donnée aux poursuites pénales à son encontre. C. La couverture médiatique des événements L’opération policière « Méduses » reçut une large couverture médiatique. Le 31 mars 2010, le site Internet www.news.bg publia un article intitulé « L’opération « Méduses » contre les agents municipaux à Varna » et dont la partie pertinente en l’espèce se lisait comme suit : « (...) L’homme d’affaires Daniel Slavov, plus connu à Varna sous le sobriquet de Dankata, et la comptable en chef de Gradski Transport AD, Yana Krasteva, ont également été arrêtés. Ils sont tous détenus pour soixante-douze heures. Un cinquième suspect est recherché (...). Les quatre détenus ont assisté à des perquisitions. D’après radio Varna, qui se réfère au ministre de l’Intérieur, les détenus sont suspectés d’abus de position officielle. Toutes ces personnes sont impliquées dans l’appropriation des fonds municipaux de Varna destinés à l’acquisition d’autobus neufs et d’occasion, et une grande partie de ces fonds a été détournée au profit de certaines personnes. « Ainsi, les contribuables de Varna ont été lésés ». C’est ainsi que s’est exprimé le ministre de l’Intérieur Ts.Ts. à la télévision nationale (...) » Le même jour, le quotidien national Standart publia sur son site Internet un article qui nommait les quatre personnes arrêtées lors de l’opération policière en cause et dont la partie pertinente en l’espèce se lisait ainsi : « (...) Les arrestations du directeur exécutif de la compagnie municipale Gradski Transport, P.P., et de la chef comptable de l’entreprise, Yoanna Krasteva, ont eu lieu sans autant d’agitation. (...) Le parquet de Varna a expliqué que les quatre personnes font l’objet d’une enquête pénale pour pratiques abusives dans l’entreprise municipale Gradski Transport, liées à l’achat d’autobus d’occasion d’Allemagne et de France en 2003, 2005 et 2007. « Les données initiales démontrent que les malversations s’élèvent à deux millions d’euros. En pratique, la somme d’argent détournée est deux fois plus élevée que le prix payé », a dit le procureur régional de Varna V.Ch. » II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS Un résumé du droit et de la pratique internes pertinents peut être trouvé dans l’arrêt Gutsanovi c. Bulgarie (no 34529/10, §§ 59, 60 et 67, CEDH 2013).
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE La requérante est née en 1959 et réside à Moscou. A. Les activités de la requérante et les poursuites pénales dirigées contre celle-ci De 2003 à 2009, la requérante exerça les fonctions de directeur général d’une société commerciale, la société G. Le 13 août 2009, elle fut licenciée. Dans l’intervalle, le 15 septembre 2005, une banque avait prêté 5 millions de dollars américains à la société G. et 21,5 millions de dollars à une autre société. Le 8 avril 2008, après une renégociation des prêts, la société G. était devenue la seule emprunteuse de cette banque pour un montant total de plus de 23 millions de dollars. Le 7 juillet 2010, un enquêteur en chef du département de l’intérieur de Moscou ouvrit une instruction contre X pour escroquerie aggravée (article 159 § 4 du code pénal) commise lors de l’obtention desdits prêts. Le 3 décembre 2010, la requérante fut inculpée d’escroquerie aggravée. Elle était accusée d’avoir conclu, en tant que directrice générale de la société G., les contrats de prêts sans avoir eu l’intention de rembourser ceux-ci et, ainsi, avec des personnes non identifiées, de s’être approprié une somme dépassant 590 millions de roubles (RUB) (soit plus de 14 millions d’euros (EUR) à l’époque des faits) appartenant à la banque et d’en avoir disposé. Le 9 août 2011, l’acte d’accusation définitif fut signifié à la requérante. Le 30 novembre 2011, le tribunal du district Taganski de Moscou fixa l’ouverture du procès de la requérante. Le 26 décembre 2011, le tribunal du district déclara la requérante coupable des faits incriminés et la condamna à trois ans d’emprisonnement avec sursis et à une amende. Il fit également droit à une action civile de la banque. Le 30 mai 2012, la cour de la ville de Moscou, statuant en appel, annula le jugement rendu par ce tribunal en sa partie concernant l’action civile et le confirma pour le reste. B. La détention de la requérante Le 2 décembre 2010, la police arrêta la requérante et perquisitionna son domicile. Le 4 décembre 2010, le tribunal du district Tverskoï de Moscou autorisa le placement en détention provisoire de la requérante. Par la suite, la mesure de détention provisoire fit l’objet, à six reprises, d’une prolongation, confirmée à chaque fois en appel par la cour de Moscou. Dans toutes leurs décisions, les juridictions motivèrent le maintien de la mesure par le risque de fuite ou d’entrave à la justice, en se référant à la gravité des accusations portées contre la requérante, à une résistance opposée par cette dernière à l’entrée des policiers dans son logement, à l’absence de preuves de l’incompatibilité de l’état de santé de l’intéressée avec la détention, à la fourniture des soins médicaux nécessaires en détention, ainsi qu’à la complexité de l’affaire pénale. À chaque fois, les juridictions rejetèrent implicitement ou explicitement les demandes de libération sous caution formulées par la requérante. De même, les juridictions rejetèrent à chaque fois, implicitement ou explicitement, les moyens tirés de la nature de l’infraction reprochée à la requérante, que celle-ci qualifiait d’entrepreneuriale (une telle qualification excluant l’application de la mesure de détention provisoire – voir la partie « Le droit et la pratique internes pertinents »). Se référant à l’article 2 du code civil, elles considéraient en effet que l’infraction incriminée ne se rapportait pas à des activités entrepreneuriales. En particulier, dans sa décision du 6 septembre 2011 ayant ordonné la prolongation de la détention provisoire de la requérante, le tribunal du district Tverskoï se prononça comme suit : « (...) le tribunal rejette comme infondés les arguments [de la défense] selon lesquels l’infraction incriminée se rapporte à des activités entrepreneuriales ; il ressort des circonstances de la commission de l’infraction que [l’accusée avait pour but] l’appropriation frauduleuse des biens d’autrui en utilisant des documents contenant [de fausses] informations ; de plus, dans ce schéma frauduleux d’obtention des prêts bancaires ont été utilisés une société (...) contrôlée par [l’accusée], ainsi que des gages sans [garanties] et des cautionnements de sociétés fictives. » Le 19 octobre 2011, la cour de Moscou annula, en appel, une décision de prolongation de la détention en date du 4 octobre 2011, renvoya l’affaire devant le tribunal de district pour réexamen et ordonna le maintien en détention de la requérante jusqu’au 24 octobre 2011. La cour considérait qu’il n’était pas démontré que l’intéressée présentait un état de santé permettant son maintien en détention après l’intervention chirurgicale subie par elle (voir infra). Le 24 octobre 2011, le tribunal du district Tverskoï prorogea la détention de la requérante jusqu’au 7 novembre 2011. En plus des motifs exposés dans ses décisions antérieures, le tribunal ajouta que l’intéressée avait exercé des pressions sur un témoin. Il rejeta de nouveau l’argument de la requérante tiré de la nature de l’infraction en cause, qualifiée d’entrepreneuriale par celle-ci, considérant que, « compte tenu des circonstances et de la nature de l’infraction incriminée » et « eu égard au mode de fraude employé », les faits reprochés à l’intéressée ne se rapportaient pas à des activités entrepreneuriales. Le 2 novembre 2011, la cour de Moscou modifia la décision du tribunal de district. Pour ce faire, elle nota que l’enquête pénale était déjà achevée, que les preuves avaient été rassemblées, et qu’aucun risque de fuite ou d’entrave à la justice n’avait été démontré. Elle prit aussi en compte la situation personnelle et l’état de santé de l’intéressée. La cour ordonna ainsi la libération de la requérante sous la condition du versement, au plus tard le 7 novembre 2011, de la somme de 100 millions de RUB (soit 2 380 000 EUR à l’époque des faits) fixée à titre de cautionnement. La requérante ne versa pas cette somme. Le 7 novembre 2011, le tribunal du district Tverskoï prorogea la détention provisoire de l’intéressée, et il rejeta la demande de libération sous condition de versement de 7 millions de RUB (soit 165 850 EUR à l’époque des faits) et de gage de ses biens formulée par l’intéressée. Le tribunal considérait que les motifs justifiant la prolongation de la détention n’avaient pas changé. Le 28 novembre 2011, la cour de Moscou confirma la décision de ce tribunal en appel. Le 30 novembre 2011, le tribunal du district Taganski prorogea la détention provisoire de la requérante jusqu’au 18 mai 2012. Dans son jugement de condamnation du 26 décembre 2011 (paragraphe 13 ci-dessus), le tribunal du district Taganski ordonna la remise en liberté de la requérante sous contrôle judiciaire jusqu’à ce que ledit jugement devînt définitif. La requérante fut libérée à l’issue de l’audience. C. L’état de santé et le traitement médical de la requérante pendant sa détention Le Gouvernement a fourni une copie du dossier médical complet de la requérante tenu par l’administration pénitentiaire, ainsi que sa retranscription saisie sur ordinateur. La requérante n’a pas remis en cause le caractère complet et exact de ce dossier, et elle a aussi présenté des documents médicaux. Il ressort de ces documents que, avant son placement en détention, la requérante souffrait de plusieurs maladies, dont une hypertension artérielle, une cholécystite non calculeuse chronique et un myome utérin (tumeur bénigne), décelé en 2004. Il ressort aussi de ces documents que, lorsque le myome a été décelé, l’utérus de la requérante avait une taille correspondant à celle de l’utérus d’une femme enceinte de quatre semaines, et que, à une date non précisée, il était recommandé de prévoir le traitement chirurgical du myome. Le 9 décembre 2010, la requérante fut placée à la maison d’arrêt no 6 de Moscou. À son arrivée dans cet établissement, elle se plaignit de saignements utérins périodiques, de fatigue et de palpitations. Entre le 10 décembre 2010 et le 11 janvier 2011, la requérante fut examinée par un médecin généraliste à cinq reprises, elle passa des radiographies du thorax et fut soumise à des analyses de sang et d’urines, et elle commença un traitement médicamenteux. Dans l’intervalle, le 29 décembre 2010, après examen de la requérante, un gynécologue avait confirmé l’existence du myome (la taille de l’utérus de l’intéressée correspondait alors à celle de l’utérus d’une femme enceinte de huit-neuf semaines) et recommandé de surveiller l’état de santé de la patiente (диспансерный учет). Le 16 janvier 2011, la requérante, se plaignant d’hypertension artérielle, de troubles urinaires et de saignements utérins périodiques, fut placée à l’hôpital de la maison d’arrêt no 1 de Moscou, où elle resta jusqu’au 3 mars 2011. Le 19 janvier 2011, elle fut soumise à un électrocardiogramme, et à une échographie du bassin, des reins, de la vessie et de l’abdomen. Ces examens révélèrent une tachycardie et un grand volume résiduel d’urines dans la vessie. En outre, ils confirmèrent l’existence de la cholécystite non calculeuse chronique et du myome, l’utérus ayant alors une taille correspondant à celle de l’utérus d’une femme enceinte de dix semaines. Par la suite, également en janvier 2011, un médecin généraliste, un chirurgien et un urologue examinèrent la requérante et posèrent un diagnostic d’atonie et de dysfonctionnement neurogène de la vessie. L’urologue prescrivit le drainage de la vessie par un cathéter, la prise de médicaments antimicrobiens et diurétiques, ainsi que la réalisation d’une échographie de contrôle. La requérante refusa la mise en place du cathéter. Le 8 février 2011, une nouvelle échographie de l’abdomen de la requérante confirma l’existence d’une cholécystite chronique. Le 2 mars 2011, une nouvelle échographie de la vessie et des reins révéla une « augmentation brusque du volume résiduel de la vessie ». Le 5 mars 2011, un chirurgien confirma le diagnostic d’atonie de la vessie et recommanda de nouvelles consultations par un urologue et un neurologue. Le 11 mars 2011, la requérante, se plaignant de troubles urinaires aigus, fut de nouveau placée à l’hôpital de la maison d’arrêt, où elle resta jusqu’au 21 avril 2011. Il ressort du dossier médical de la requérante que : dès le mois de mars 2011, un cathéter permanent avait été inséré dans la vessie de la patiente ; il avait été retiré à certaines périodes, puis remis en place à cause des difficultés rencontrées par l’intéressée pour uriner sans ce dispositif ; celle-ci s’était vu recommander un drainage de la vessie via un nettoyage quotidien de ce cathéter avec une solution antibactérienne ou du sérum physiologique. Selon la requérante, certains jours, le cathéter n’était nettoyé qu’avec de l’eau du robinet et, d’autres jours, il ne l’était pas du tout. Il ressort également de ce dossier médical que les urologues ayant régulièrement examiné la requérante tout au long de sa détention avaient à chaque fois prescrit des médicaments antibactériens et diurétiques à celle-ci, qu’ils s’étaient assurés du bon fonctionnement du cathéter et qu’ils avaient recommandé de changer celui-ci tantôt tous les huit à dix jours, tantôt toutes les trois semaines, tantôt tous les mois. Les dates suivantes de remplacement du cathéter figurent dans le dossier médical de la requérante : le 10 mars, le 1er avril, une date non précisée fin avril, le 14 mai, le 14 juin, une date non précisée en août, le 31 août, le 6 octobre, le 26 octobre, et le 14 novembre 2011. Le 16 mars 2011, la requérante fit l’objet d’une échographie de l’utérus, de la vessie, des reins et des glandes surrénales. Cet examen révéla la présence de deux myomes utérins. Le même jour, un gynécologue examina la requérante, qui se plaignait de saignements utérins. Il estima que son utérus avait un volume correspondant à celui de l’utérus d’une femme enceinte de huit-neuf semaines, et il lui prescrivit des médicaments à prendre pendant les saignements. Ultérieurement, également en mars 2011, la requérante effectua une radiographie de la zone lombo-sacrée, qui révéla, en plus des pathologies constatées précédemment, une ostéochondrose. En mars et avril 2011, un médecin généraliste, un urologue et un chirurgien examinèrent la requérante à plusieurs reprises. À l’occasion de ces examens, le chirurgien estima qu’il n’était pas nécessaire d’opérer la requérante en urgence pour ses troubles urinaires. Le 11 avril 2011, la requérante effectua une imagerie par résonnance magnétique (IRM) du rachis lombaire et du bassin à l’hôpital municipal no 20 de Moscou. Cet examen révéla, entre autres, des pathologies de la colonne vertébrale – dont une ostéochondrose et une hernie discale, une baisse de tonus de la vessie et plusieurs myomes utérins, dont un de grande taille. Le même jour, un neurochirurgien d’un hôpital municipal examina la requérante et analysa les résultats de l’IRM. Il conclut que les pathologies de l’intéressée pouvaient avoir été causées par une compression d’une artère et ainsi par une altération de la circulation sanguine dans la moelle épinière, et que ses pathologies du dos avaient pour origine une hernie discale. Il suggéra d’opérer la hernie dans une unité de neurochirurgie à une date non précisée et nota qu’il était très peu probable d’observer un rétablissement des organes du bassin. Le 13 avril 2011, la requérante passa un électrocardiogramme, ainsi qu’une échographie de l’abdomen, des reins et du bassin. L’existence d’un myome de grande taille fut confirmée. Le 21 avril 2011, une commission de médecins de l’hôpital pénitentiaire (специальная медицинская комиссия) décida de faire subir à la requérante une expertise médicale (медицинское освидетельствование) à l’hôpital municipal no 20 pour déterminer l’aptitude de l’intéressée à la détention. Consécutivement, du 22 au 29 avril 2011, la requérante fut placée dans cet établissement. Elle y fut soumise à des analyses de sang et d’urines, à des cardiogrammes et à une échographie (la taille de son utérus correspondait à celle de l’utérus d’une femme enceinte de dix semaines). Elle fut examinée par un urologue, un gynécologue et un neurochirurgien, et prit des médicaments sur prescription. Les médecins lui recommandèrent de planifier (в плановом порядке) une opération chirurgicale pour les myomes, d’effectuer ultérieurement une urographie de la vessie et des reins, puis de consulter un urologue, et, en attendant, de continuer le drainage de la vessie à l’aide d’un cathéter. Ils lui prescrivirent des médicaments antimicrobiens, ainsi qu’un traitement contre la tension artérielle et contre les troubles neurogènes affectant le tonus des muscles de la vessie. Le 29 avril 2011, une commission de médecins (врачебная комиссия) de l’hôpital municipal no 20 conclut que la requérante souffrait d’une hypertension artérielle, d’une ostéochondrose généralisée, d’une hernie discale, d’un calcul rénal, d’une pyélonéphrite chronique, de troubles urinaires causés par le dysfonctionnement neurogène de la vessie, et de myomes utérins. Elle estima que l’état de la requérante était relativement satisfaisant. Elle conclut que la patiente ne souffrait pas de maladies figurant sur la liste des maladies graves empêchant la détention provisoire et elle la renvoya à l’hôpital de la maison d’arrêt, où l’intéressée resta jusqu’au 1er août 2011. Le 6 mai 2011, conformément à la recommandation des médecins du 29 avril 2011 (paragraphe 45 ci-dessus), la requérante subit une urographie excrétrice. Cet examen montra que les capacités de concentration et d’élimination des reins n’étaient pas affectées. Le 16 mai 2011, un chirurgien conclut qu’un dysfonctionnement de l’innervation du bassin était à l’origine des troubles urinaires de la patiente et qu’il n’était pas nécessaire d’opérer celleci en urgence. Le 18 mai 2011, une nouvelle échographie des reins et de la vessie de la requérante montra des signes d’une cystite. Le 14 juin 2011, un gynécologue examina la requérante. Il estima que la taille de son utérus correspondait à celle de l’utérus d’une femme enceinte de neuf-dix semaines, et il recommanda à l’intéressée de se soumettre à une analyse de sang, à une échographie du bassin et à un suivi gynécologique. Le 28 juin 2011, un neurochirurgien et un gynécologue de l’hôpital municipal de Botkine de Moscou examinèrent la requérante. Le premier estima qu’une intervention neurochirurgicale n’était pas nécessaire, et le second constata une augmentation de la taille de l’utérus de la patiente (volume correspondant à celui de l’utérus d’une femme enceinte de treizequatorze semaines) et recommanda de planifier une opération chirurgicale du myome. Le 11 juillet 2011, un neurologue examina la requérante. Il conclut que celle-ci avait une ostéochondrose généralisée et une hernie discale. Il lui prescrivit des médicaments, ainsi qu’un suivi par un neurologue et un neurochirurgien. Le 1er août 2011, la requérante fut placée à l’unité gynécologique de l’hôpital de Botkine, où elle resta jusqu’au 23 août 2011. Pendant son hospitalisation, elle fut soumise à des analyses de sang et d’urines, et fut examinée par un médecin généraliste, un urologue et un neurologue. Se plaignant de douleurs au bas-ventre et de nouveaux saignements utérins, le 4 août 2011, la requérante subit une opération chirurgicale urgente du myome, qui impliqua l’ablation de son utérus. Le 22 août 2011, un collège de médecins (консилиум врачей) de l’hôpital de Botkine conclut, entre autres, que le dysfonctionnement neurogène de la vessie était probablement à l’origine des troubles urinaires présentés par la requérante, et que les efforts poursuivis pour rétablir la fonction de la vessie avaient été vains. Les médecins recommandèrent à l’intéressée d’effectuer une IRM de la colonne vertébrale afin de déterminer une stratégie thérapeutique pour les troubles urinaires. Le 23 août 2011, la requérante fut de nouveau placée à l’hôpital de la maison d’arrêt, où elle resta jusqu’au 10 septembre 2011, puis elle y fut réadmise le 19 septembre 2011 et y demeura jusqu’à son placement à l’hôpital urologique (voir infra). Au cours de son séjour à l’hôpital de la maison d’arrêt, elle fut examinée par un neurochirurgien d’un hôpital municipal, un urologue et des médecins généralistes à plusieurs reprises. Ceux-ci constatèrent, entre autres, que la patiente présentait une pyélonéphrite et une cystite chroniques, et ils considérèrent qu’il n’était pas nécessaire de l’opérer. Ils lui prescrivirent des médicaments diurétiques, anti-inflammatoires et antibactériens, notamment contre les infections urinaires et la pyélonéphrite. À la demande des avocats de la requérante, le 11 octobre et le 28 octobre 2011 respectivement, un urologue d’une polyclinique et un urologue d’une clinique pluridisciplinaire de Moscou analysèrent un extrait du dossier médical de l’intéressée. Le premier confirma le diagnostic de dysfonctionnement neurogène de la vessie, et il recommanda d’effectuer une exploration urodynamique complexe afin de préciser ce diagnostic et de déterminer une stratégie thérapeutique. Le second préconisa un examen de la requérante dans un hôpital urologique, un nettoyage quotidien de sa vessie et un remplacement du cathéter tous les mois. Il recommanda à l’intéressée de boire beaucoup et de prendre des médicaments antibactériens en fonction des résultats des analyses d’urines. Il émit un avis selon lequel le drainage prolongé par un cathéter (plus de trois semaines) pouvait entraîner le développement d’une pyélonéphrite aiguë et des infections urinaires chroniques. Également à la demande de l’un des avocats de la requérante, le 8 novembre 2011, un professeur urologue de l’université d’État médicostomatologique de Moscou examina le dossier médical de l’intéressée. À cette occasion, il fit les conclusions suivantes : i) la nécessité de procéder à l’ablation de l’utérus de la patiente témoignait d’une détérioration de l’état de santé de celleci ; ii) l’intéressée n’avait pas reçu de « soins spécifiques » destinés à rétablir les fonctions de la vessie ; iii) la pose prolongée du cathéter urétral pouvait causer des infections urinaires. Entre-temps, le 20 octobre 2011, conformément à la recommandation du collège des médecins (paragraphe 54 ci-dessus), la requérante avait passé une IRM de la colonne vertébrale. Cet examen avait révélé des hernies discales et une ostéochondrose généralisée. Le 16 novembre 2011, la requérante fut à nouveau soumise à une échographie de l’abdomen, des reins et de la vessie. Cet examen révéla des symptômes de rétention pyélocalicielle consécutive à la pyélonéphrite. Le 22 novembre 2011, la requérante fut transférée à l’hôpital urologique no 47 de Moscou, où elle séjourna jusqu’au 30 novembre 2011. Dans cet établissement, la requérante fut examinée par un médecin généraliste, un neurologue et un neurochirurgien. En outre, elle y fut soumise à des analyses de sang et d’urines, à une échographie des reins et de la vessie, à des urographies d’ensemble et excrétrice, à une scintigraphie rénale dynamique et à une exploration urodynamique complexe. À l’issue de ces examens, le 30 novembre 2011, les médecins conclurent que la requérante avait des pathologies du dos, une hypertension artérielle, un spasme du sphincter externe de la vessie, une néphroptose (descente d’un rein) de premier degré, ainsi qu’une pyélonéphrite et une cystite chroniques. Ils qualifièrent son état de satisfaisant et conclurent que l’intéressée ne souffrait pas de maladies figurant sur la liste des maladies graves empêchant la détention provisoire. Ils estimèrent qu’il n’était pas nécessaire d’opérer les hernies discales, et recommandèrent un suivi médical par un urologue, un neurologue et un cardiologue, un contrôle de la tension artérielle, et un drainage intermittent de la vessie trois fois par jour. Ils prescrivirent un traitement médicamenteux à la requérante, comprenant notamment des médicaments contre les troubles urinaires, des antispasmodiques et des antibiotiques. Afin de préciser les causes du dysfonctionnement neurogène de la vessie, le neurochirurgien recommanda également la réalisation d’une exploration électro-physiologique de la vessie et de la zone génitale de la requérante. Le 1er décembre 2011, la requérante retourna à l’hôpital de la maison d’arrêt, où elle séjourna jusqu’à sa remise en liberté. Conformément à la recommandation des médecins, le drainage de sa vessie fut poursuivi avec un cathéter intermittent deux à trois fois par jour. Les jours où elle se rendait aux audiences au tribunal, l’intéressée était munie d’un cathéter permanent. En décembre 2011, un chirurgien et un médecin généraliste examinèrent la requérante à plusieurs reprises. Ils qualifièrent son état de santé de satisfaisant et conclurent que le traitement qui lui était administré était conforme aux recommandations des médecins de l’hôpital urologique. D. Les faits ultérieurs Le 27 février 2012, une commission médico-sociale déclara que la requérante souffrait d’une invalidité de première catégorie (инвалидность первой группы) – c’est-à-dire une invalidité nécessitant le recours à l’assistance d’une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie –, et cela pour une période allant jusqu’au 1er mars 2014. Selon la requérante, cette invalidité était due au dysfonctionnement de sa vessie. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS A. Sur les soins médicaux administrés aux détenus et sur les recours en justice concernant la qualité des soins Les dispositions pertinentes pour la présente affaire en matière d’assistance médicale aux détenus sont exposées dans l’arrêt Vasyukov c. Russie (no 2974/05, §§ 36-39, 5 avril 2011). Les dispositions pertinentes pour la présente affaire, en vigueur à l’époque des faits, du code civil (articles 1064, 1069, 1070 et 1099) et du chapitre 25 du code de procédure civile (CPC) sont exposées dans l’arrêt Koryak c. Russie (no 24677/10, §§ 49-57, 13 novembre 2012). B. Sur la détention provisoire Dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits, le nouvel article 108 § 1.1 du code de procédure pénale (CPP), entré en vigueur le 9 avril 2010, prévoyait que, sauf circonstances exceptionnelles – non pertinentes pour la présente affaire –, la mesure de détention provisoire ne pouvait pas être appliquée aux personnes soupçonnées ou accusées des infractions visées par les articles 159 (escroquerie, c’est-à-dire appropriation illégale des biens d’autrui ou des droits sur les biens d’autrui commise par voie de fraude ou d’abus de confiance), 160 (détournement de fonds) et 165 (abus de confiance) du code pénal lorsque ces infractions avaient été commises dans le « domaine d’activité entrepreneurial » (в сфере предпринимательской деятельности). Dans sa directive no 15 du 10 juin 2010, le plénum de la Cour suprême de Russie a exposé aux juridictions inférieures les particularités de l’application de l’article 108 § 1, alinéa 1er susmentionné. Il s’est notamment prononcé comme suit : « (...) les infractions visées par les articles 159, 160 et 165 du code pénal doivent être considérées comme ayant été commises dans le domaine d’activité entrepreneurial si elles ont été commises par des personnes exerçant une activité entrepreneuriale ou participant à une telle activité et si ces infractions sont directement liées à cette activité. Pour déterminer si une activité est entrepreneuriale, les juridictions doivent se référer à l’article 2 § 1 du code civil de Russie, selon lequel une activité entrepreneuriale est une activité indépendante exercée par des personnes enregistrées [à ce titre] selon les modalités prévues par la loi, à leurs propres risques, [dans le but d’obtenir] des revenus réguliers de l’utilisation de biens, de la vente [de biens], de la prestation de services. » Les autres dispositions pertinentes en l’espèce, relatives à la détention provisoire, sont exposées dans l’arrêt Isayev c. Russie (no 20756/04, §§ 67-76, 22 octobre 2009).
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Les requérants sont nés respectivement en 1956, en 1957, en 1956 et en 1950 et résident à Trabzon. Les trois premiers requérants sont membres du syndicat Eğitim-Sen et le quatrième requérant est le président de la section locale de Trabzon du syndicat Tarım-Orkam-Sen. Ces deux syndicats sont rattachés à la confédération syndicale des salariés du secteur public (Kamu Emekçileri Sendikaları Konfederasyonu – KESK). Le 24 avril 2005, les requérants participèrent à une déclaration à la presse organisée par le syndicat Eğitim-Sen devant la préfecture de Trabzon et visant à informer le public, entre autres, sur les sujets suivants : le risque de la politisation du recrutement dans l’éducation nationale, la tendance à la privatisation des établissements d’éducation, la sécurité de l’emploi, la mutation massive des enseignants, la nécessité d’une éducation scientifique, laïque et démocratique ainsi que l’issue du recours en dissolution engagé contre ledit syndicat. Le 15 juillet 2005, chacun des requérants se vit notifier un procès-verbal d’amende administrative d’un montant de 100 livres turques (TRY) (environ 50 euros (EUR)), établi par la préfecture de Trabzon sur le fondement de l’article 66 du code pénal et se référant à l’article 32 de la loi no 5326 sur les fautes administratives, pour contravention à l’arrêté préfectoral no 2005/1 du 12 avril 2005 qui interdisait toute déclaration à la presse devant les établissements publics et en particulier les préfectures. A. La procédure de contestation de l’amende Le 4 août 2005, les requérants contestèrent cette décision devant le tribunal d’instance pénal de Trabzon en arguant de leur liberté d’expression et d’association. Ils exposèrent qu’ils étaient membres d’un syndicat des agents publics œuvrant dans le domaine de l’éducation nationale, que celui-ci comptait 98 branches et 200 000 membres, que la déclaration à la presse en cause avait été organisée par ce syndicat en raison de la tenue d’une audience dans la procédure de dissolution engagée à son encontre et qu’il s’agissait donc d’une activité syndicale. Ils soutinrent que l’amende qui leur avait été infligée était contraire au droit national et international. Ils dénoncèrent l’absence de base légale autorisant la préfecture à leur infliger une telle amende, alléguant que, selon l’article 13 de la Constitution, les libertés fondamentales ne pouvaient être limitées que par une loi et non par un arrêté préfectoral. Par des jugements rendus les 22 et 27 septembre 2005 et 4 et 6 octobre 2005, notifiés aux requérants le 20 et le 21 octobre 2005, le tribunal d’instance pénal rejeta la contestation des intéressés sans examiner le fond du litige, après avoir considéré que l’amende administrative, fondée sur la décision du 12 avril 2005, était conforme à la loi. Il nota que l’amende avait été infligée conformément à la loi no 5326 relative aux fautes administratives. Il constata qu’il existait une décision administrative interdisant de faire des déclarations à la presse devant les établissements publics et notamment les préfectures, que cette décision avait fait l’objet d’une notification en bonne et due forme et que l’amende infligée était conforme à la loi. Il considéra qu’il ne lui appartenait pas de contrôler ni de juger si l’interdiction en cause était appropriée dans le contexte de l’exercice par les requérants de leur liberté d’expression et d’association. Il indiqua que, s’il l’avait fait, il se serait mis à la place de l’administration et aurait pris des décisions administratives. Il précisa que son contrôle se limitait à un « contrôle d’opportunité » qui n’avait pas pour objectif d’apprécier la décision administrative elle-même. Selon les observations des requérants présentées à la cour de céans, eu égard au montant de l’amende infligée, les jugements rendus étaient définitifs et ne pouvaient faire l’objet d’un recours devant une autre instance nationale. B. La procédure de recours en annulation de l’arrêté préfectoral et de la circulaire ministérielle À une date non précisée, la KESK introduisit un recours en annulation dirigé contre la préfecture d’Osmaniye et le ministère de l’Intérieur devant le Conseil d’État. Elle demandait l’annulation de certaines dispositions de l’arrêté préfectoral no 2004/1 du 10 août 2004 ainsi que celles de la circulaire du ministère de l’Intérieur no 2004/100 du 11 juin 2004, qui constituait la base légale de cet arrêté. Elle alléguait que les limitations prévues dans ces deux actes à propos des déclarations à la presse étaient contraires aux articles 13 et 26 de la Constitution. Le 19 février 2007, le Conseil d’État rejeta la demande de la KESK. À une date non précisée, la KESK introduisit un recours en rectification contre cet arrêt. Dans leurs observations du 23 février 2010, les requérants versèrent au dossier un document selon lequel le recours était pendant devant les chambres administratives réunies du Conseil d’État. Depuis cette date, les parties n’ont pas informé la Cour de la suite de cette affaire. À une date non précisée, la KESK forma un recours en annulation dirigé contre la préfecture de Trabzon et le ministère de l’Intérieur devant le Conseil d’État. Elle demandait l’annulation de certaines dispositions de l’arrêté préfectoral no 2005/1 du 12 avril 2005 ainsi que celles de la circulaire du ministère de l’Intérieur no 2004/100 du 11 juin 2004, qui constituait la base légale de cet arrêté. Elle alléguait que les limitations prévues dans ces deux actes à propos des déclarations à la presse étaient contraires aux articles 13 et 26 de la Constitution. Les administrations concernées soutinrent que les réglementations en questions étaient conformes à la Constitution et aux lois nos 5442 et 2911 (§ 22 ci-desous). La procureure près le Conseil d’État émit un avis selon lequel l’arrêté préfectoral et la circulaire devaient être annulés. Après avoir évoqué les dispositions de la Constitution concernant la liberté d’expression, les conditions dans lesquelles les droits de l’homme et les libertés fondamentales pouvaient être limités ainsi que la nécessité d’une base légale pour les restrictions et la place accordée aux conventions internationales dans le droit interne turc ainsi que les articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, elle nota que, malgré l’absence en droit turc d’une loi réglementant les conditions et les modalités de l’organisation des déclarations à la presse, le droit de communiquer une idée et de manifester une réaction était protégé par la Constitution. Elle proposa l’annulation de ces deux réglementations au motif qu’elles n’auraient pas eu de base légale. Le 6 mai 2008, le Conseil d’État rejeta la demande de la KESK. En examinant les dispositions des réglementations en question à la lumière de l’article 26 de la Constitution relatif à la liberté d’expression, il souligna que la déclaration à la presse entrait dans le champ d’application des droits à la liberté d’expression et à la diffusion de la pensée et que la circulaire du ministère de l’Intérieur avait pour but d’assurer l’organisation de cette activité conformément aux nécessités dans une société démocratique sans porter atteinte à la sécurité nationale, à la sûreté publique et à l’ordre public. Ni la KESK ni les autres parties ne s’opposèrent à cet arrêt. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS Le droit et la pratique internes pertinents sont exposés dans les arrêts Yılmaz Yıldız et autres c. Turquie, (no 4524/06, §§ 17-22, 14 octobre 2014) et Akarsubaşı c. Turquie (no 70396/11, §§ 14-26, 21 juillet 2015). Selon la circulaire du ministère de l’Intérieur no 2004/100 du 11 juin 2004, les préfets autorisés, ayant évalué les besoins en matière de sécurité, peuvent interdire l’organisation de déclarations à la presse à proximité de certaines institutions. L’arrêté préfectoral no 2005/1 du 12 avril 2005 Le 12 avril 2005, en se référant à l’article 26 de la Constitution et aux dispositions pertinentes de la loi no 2991 relative au déroulement des réunions et manifestations et de la loi no 5442 relative à l’ordre dans les villes, le préfet d’Adana a pris un arrêté sur les conditions relatives à l’organisation de déclarations à la presse. Celui-ci indiquait que les endroits autorisés et ceux interdits pour la tenue de déclarations publiques à la presse avaient été déterminés conformément aux dispositions pertinentes des lois susmentionnées. Cet arrêté de sûreté précisait que son but était de permettre aux déclarations publiques à la presse d’avoir lieu dans le respect de la sûreté publique et sans enfreindre l’ordre public. Il indiquait également que ceux qui organiseraient une déclaration à la presse en dehors des lieux autorisés feraient l’objet de procédures judiciaires, administratives et pénales en application des dispositions pertinentes des lois susmentionnées ainsi que du code pénal.
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I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE A. L’affaire Gyoshev (requête no 46257/11) Le 20 février 2010, vers minuit, le requérant circulait en voiture aux environs de Borovetz. Il fut contrôlé par des agents de la police routière. Ceux-ci constatèrent par un acte administratif établi sur le lieu que le requérant faisait usage des feux de brouillard par temps clair, une infraction aux règles de la circulation prévue et réprimée par la loi. Le 22 février 2010, le requérant soumit des objections écrites prétendant un non-respect des normes matérielles et de procédure par les agents de police à l’occasion de l’établissement de l’acte en question. Par une décision du 12 mars 2010, le directeur de la police régionale infligea au requérant une sanction administrative sous la forme d’une amende d’un montant de 30 levs bulgares (BGN, soit environ 15 euros (EUR), accompagnée d’un retrait de cinq points de contrôle. La décision indiquait qu’elle n’était pas susceptible d’appel. Toutefois, le 5 mai 2010, le requérant contesta la décision du directeur de la police régionale devant le tribunal de district de Samokov. Il exposa en particulier que malgré la disposition explicite de la loi excluant un tel contrôle l’article 6 de la Convention lui offrait un accès à un tribunal pour faire examiner sa cause. Par une décision du 5 octobre 2010, le tribunal de district de Samokov déclara le recours du requérant irrecevable. Le 26 octobre 2010, le requérant contesta cette décision devant la cour administrative de Sofia. Par une décision rendue le 30 novembre 2010, cette dernière confirma la décision du tribunal inférieur. La cour administrative estima en particulier que l’article 6 de la Convention ne renfermait pas un droit absolu à un procès équitable, mais permettait aux États de restreindre ou d’exclure totalement l’accès à un tribunal pour contester certains actes administratifs. Dans la mesure où le contrôle judiciaire en l’espèce était exclu par la loi sur la circulation routière et que la Cour constitutionnelle n’avait pas examiné la compatibilité conventionnelle et constitutionnelle de cette disposition, les tribunaux étaient tenus de se conformer à la loi nationale. La cour administrative rajouta que les décisions infligeant des amendes contraventionnelles inférieures à 50 BGN avaient un caractère purement administratif et échappaient à la matière pénale. Quant au retrait des points de contrôle, celui-ci ne constituait ni une sanction séparée de l’amende, ni une mesure administrative de contrainte, mais simplement un moyen de contrôle sur les infractions commises par le conducteur. Dès lors, le retrait de points ne pouvait faire l’objet d’un contrôle de la part du juge indépendamment de l’examen de la légalité de la sanction administrative imposée. B. L’affaire Peycheva (requête no 59267/11) Par une décision du 27 octobre 2010 de la police régionale, la requérante se vit infliger une sanction administrative sous la forme d’une amende pour un montant de 30 BGN (environ 15 EUR), accompagnée d’un retrait de quatre points de contrôle. La requérante introduisit un recours contre cette décision devant le tribunal de district de Sofia. Par une décision du 10 décembre 2010, ce dernier mit fin à la procédure car le recours judiciaire était exclu par la législation applicable. Sur recours de la requérante, par une décision du 18 février 2011, la cour administrative de Sofia confirma la décision de fin de procédure du tribunal de district. Les tribunaux précisèrent que le retrait des points du permis était une conséquence de l’imposition d’une sanction administrative et ne pouvait être contesté indépendamment de la décision respective. Lorsque celle-ci était exclue du contrôle judiciaire, il n’était pas possible que le retrait des points pouvait faire l’objet d’un tel contrôle. C. L’affaire Tashev (requête no 59789/11) Par une décision du 25 octobre 2010 de la police régionale, le requérant se vit imposer une amende pour un montant de 50 BGN (environ 25 EUR) pour usage d’un téléphone mobile sans kit mains libres. Le requérant fut également informé que selon la législation en vigueur neuf points de son permis de conduire seraient également retirés dès que la décision devenait définitive. Le requérant introduisit un recours contre cette décision auprès du tribunal de district de Sofia. Par une décision du 18 janvier 2011, celui-ci mis fin à la procédure au motif que la décision n’était pas susceptible de contrôle judiciaire. Par une décision du 29 mars 2011, la cour administrative de Sofia confirma la décision du tribunal de district. D. L’affaire Rusanov (requête no 66350/11) Le 16 juillet 2010, le requérant circulait en voiture et fut contrôlé par des agents de police routière. Ceux-ci établirent deux actes administratifs contre le requérant : le premier concernait le non-respect du panneau de signalisation indiquant l’obligation de s’arrêter, et le deuxième le non-port de ceinture de sécurité. Par une décision du 27 juillet 2010, le directeur de la police régionale de Zlatni piasatsi - Varna imposa au requérant deux amendes administratives à hauteur de 20 BNG (environ 10 EUR) et de 50 BGN (environ 25 EUR), respectivement, pour les infractions en cause. Le requérant tenta un recours contre cette décision devant le tribunal de district de Varna. Il renvoya en particulier à l’article 6 de la Convention en soumettant qu’il avait droit à ce qu’un tribunal statue sur sa cause malgré la disposition explicite du droit interne qui excluait le recours judiciaire dans son cas. Par une décision du 7 janvier 2011, ce dernier mit fin à la procédure au motif que la décision ne pouvait faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Sur recours du requérant, le 14 mars 2011, la cour administrative de Varna confirma cette décision. Concernant l’argument du requérant que l’article 6 de la Convention lui offrait le droit à un recours devant les tribunaux, la cour administrative estima que les sanctions imposées au requérant ne relevaient pas de la « matière pénale » envisagée par cette disposition, compte tenu de la faible nature de l’infraction et du seuil modeste des amendes fixé par la loi. Elle considéra qu’en tout état de cause, même si l’article 6 de la Convention devait s’appliquer, la restriction au droit d’accès à un tribunal était prévue par la loi et visait la protection de l’ordre. Le système de non-contestation devant les juridictions des décisions infligeant des sanctions mineures pour de faibles infractions aux règles de la circulation permettait de satisfaire les objectifs de la répression, ainsi que de collecter rapidement les créances fiscales provenant des amendes. E. L’affaire Milanov (requête no 74169/11) Par une décision du 11 décembre 2009, le directeur de la police régionale de Samokov infligea au requérant deux sanctions administratives. La première était relative au non-port de la ceinture de sécurité et représentait une amende d’un montant de 50 BGN (environ 25 EUR), tandis que la deuxième sanctionnait le non-respect du marquage au sol et représentait une amende à hauteur de 30 BGN (environ 15 EUR). La décision précisait qu’en vertu de la législation applicable, ces sanctions entrainaient le retrait de huit points de contrôle pour la première infraction, et quatre points pour la deuxième. À une date non précisée, le requérant introduisit un recours contre cette décision devant le tribunal de district de Samokov. Il renvoya en particulier à l’article 6 de la Convention en soumettant qu’il avait droit à ce qu’un tribunal statue sur la sanction malgré la disposition explicite du droit interne qui excluait le recours judiciaire dans son cas. Par une décision du 3 décembre 2010, le tribunal de district de Samokov mis fin à la procédure au motif qu’il n’avait pas la compétence d’examiner la légalité de la décision du directeur de police. Le requérant recourut contre la décision du tribunal de district. Par une décision du 18 mai 2011, la cour administrative de Sofia confirma la décision du tribunal inférieur. Relativement à l’argument du requérant tiré du droit d’accès à un tribunal selon l’article 6 de la Convention, la cour administrative considéra que cette disposition ne prévoyait pas un droit absolu d’accès à un tribunal. En effet, il n’était pas contraire à la Convention de retirer certains actes administratifs du contrôle du juge, si cela était prévu par la loi. Dans la mesure où le contrôle judiciaire en l’espèce était exclu par la loi sur la circulation routière et que la Cour constitutionnelle n’avait pas examiné la compatibilité conventionnelle et constitutionnelle de cette disposition, les tribunaux étaient tenus de se conformer à la loi nationale. Le tribunal mit en avant qu’il s’agissait en l’espèce de vérifier si la restriction imposée au requérant était proportionnée au but légitime, notamment l’amélioration de la sécurité routière qui relevait du but plus général de protéger la sécurité, la santé et les biens d’autrui. Il trouva à cet égard que compte tenu du montant relativement faible des amendes, les intérêts des personnes réprimées n’étaient affectés que d’une manière insignifiante, alors que les résultats du processus administratif étaient meilleurs – les amendes étaient promptement encaissées et les sanctions étaient effectives. Ainsi, la sanction administrative présentait un effet préventif optimal. Concernant le retrait des points du permis de conduire, la cour administrative estima que celui-ci ne constituait ni une sanction séparée de l’amende, ni une mesure administrative de contrainte, mais simplement un moyen de contrôler les infractions commises par le conducteur. Dès lors, ce retrait de points ne pouvait faire l’objet d’un contrôle de la part du juge indépendamment de l’examen de la légalité de la sanction administrative imposée. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS Les parties pertinentes de la loi sur la circulation routière (Закон за движението по пътищата) du 5 mars 1999, la législation en matière de contrôle des décisions infligeant des sanctions administratives pour des infractions routières, ainsi que l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 1er mars 2012 ont été résumés dans l’arrêt Varadinov c. Bulgarie (no 15347/08, §§ 10, et 16-19, 5 octobre 2017).
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LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE Le requérant est né en 1979 et réside à Istanbul. Le 23 octobre 2007, il fut arrêté durant une manifestation menée contre l’installation des caméras de surveillance dans le quartier de Gazi à Istanbul. Le requérant allègue avoir été frappé durant son arrestation. Les rapports de l’hôpital Haseki datant du jour de l’arrestation, de l’hôpital Burat du 24 octobre 2007 et l’avis médical de l’institut médicolégal du 1er novembre 2007 font état de plusieurs lésions sur le requérant, en particulier des ecchymoses aux paupières, une ecchymose de 2 x 3 cm sur la région maxillaire gauche, une lésion de 4 x 4 cm sur le coude droit. Le 1er novembre 2007, le procureur de la République de Gaziosmanpaşa (« le procureur ») recueillit la déposition du requérant en tant que plaignant. Le 16 décembre 2009, le procureur de la République rendit un non-lieu. Il indiqua que les procès-verbaux et l’acte d’accusation contre les manifestants indiquaient que « le requérant, parmi plusieurs autres personnes, avait pris la fuite et s’était opposé à son arrestation, qu’une photographie dans la presse montrait qu’un policier était debout au chevet du requérant alors que celui-ci était au sol, et que le requérant avait attendu 7-8 jours avant de porter plainte ». Le procureur reprit ensuite le texte des dispositions législatives autorisant le recours à la force et conclut par ce qui suit : « les agissements du plaignant correspondent à un cas où la police peut recourir à la force, les blessures sur le requérant peuvent avoir eu lieu lors de l’arrestation du requérant. Il est aussi fort probable que le requérant apporte des allégations pour se dégager des accusations contre lui. Aucun élément ne soutient les allégations selon lesquelles les policiers auraient dépassé le cadre déterminé par la loi dans l’usage de la force pour neutraliser l’intéressé ». Le 3 juin 2010, la 5ème chambre de la cour d’assises d’Istanbul rejeta l’opposition du requérant. Le 4 avril 2013, le requérant fut acquitté dans l’affaire pénale initiée contre les manifestants au motif qu’il était de passage sur les lieux et qu’aucun élément de preuve ne permettait d’établir sa participation au mouvement durant lequel des biens publics avaient été endommagés et la police attaquée.
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A. Les poursuites pénales dirigées contre le requérant et la condamnation de ce dernier Le 17 avril 2006, L., un homme d’affaires et membre du conseil municipal du district Olginski de la région Primorski, déposa une plainte contre le requérant auprès du bureau de la région Primorski du service fédéral de sécurité (« le FSB »). Dans sa plainte, il alléguait que le requérant, procureur du district Olginski à l’époque des faits, sollicitait de lui un pot-de-vin en échange de la clôture de poursuites pénales dirigées à son encontre. Le FSB décida de mettre en place une opération secrète visant le requérant. Il fut notamment décidé que L. effectuerait une remise de fonds au requérant sous le contrôle d’agents du FSB et que l’opération ferait l’objet d’un enregistrement audio et vidéo. En outre, le 30 avril 2006, le FSB obtint deux autorisations judiciaires permettant de mettre en place des écoutes téléphoniques sur deux lignes de téléphonie mobile utilisées par le requérant. La remise des fonds au requérant eut lieu en deux étapes, le 30 avril 2006 et le 4 mai 2006. À chaque fois, L. remit au requérant 5 000 dollars américains avec des billets dont les numéros avaient été préalablement enregistrés. Des enregistrements audio et vidéo des rencontres entre L. et le requérant aux dates indiquées furent effectués par le FSB à l’aide de dispositifs techniques. Le 4 mai 2006, après s’être vu remettre les fonds par L., le requérant fut arrêté par des agents du FSB. Ceux-ci trouvèrent sur lui et dans sa voiture des billets de banque dont les numéros correspondaient à ceux utilisés pour l’opération secrète. Le 5 mai 2006, le tribunal du district Leninski de Vladivostok autorisa l’ouverture d’une instruction à l’encontre du requérant, soupçonné de corruption passive. Le soir même, le procureur régional ouvrit une enquête pénale. Le 6 mai 2006, le tribunal du district Leninski de la ville de Vladivostok autorisa le placement du requérant en détention provisoire. L’intéressé y fut maintenu tout au long de la procédure pénale. Le 16 mai 2006, le FSB déclassifia certains éléments du dossier constitué lors de l’opération secrète, notamment des enregistrements audio et vidéo des rencontres qui avaient eu lieu entre L. et le requérant les 30 avril et 4 mai 2006. Ces éléments furent transmis au procureur chargé de l’affaire pénale dirigée à l’endroit du requérant. Les enregistrements des conversations téléphoniques du requérant effectués sur la base des autorisations judiciaires du 30 avril 2006 ne furent pas inclus dans le dossier transmis au procureur. Ils furent détruits le 30 octobre 2006 (paragraphe 45 ci-dessous) Le 12 septembre 2006, la cour régionale Primorski (« la cour régionale ») commença l’examen du fond de l’affaire pénale dirigée à l’encontre du requérant. Lors de l’audience tenue le même jour, la cour régionale entendit entre autres L., en tant que témoin. La défense interrogea ce dernier sur les épisodes des 30 avril et 4 mai 2006, ainsi que sur les circonstances de son implication dans l’opération secrète. Aux audiences des 3 et 8 novembre 2006, la cour régionale procéda à l’écoute de trois cassettes audio versées par l’accusation, supposées contenir les enregistrements des conversations échangées entre le requérant et L. lors de leurs rencontres des 30 avril et 4 mai 2006. Après avoir écouté les enregistrements en question, le requérant déclara qu’il ne reconnaissait pas sa voix. Il demanda à la cour régionale d’ordonner une expertise des cassettes afin de déterminer si l’une des voix enregistrées lui appartenait, si les enregistrements présentaient des signes de montage ou d’altération, si ces enregistrements avaient été effectués sans interruption, si les cassettes versées par l’accusation étaient les originaux, et quel était le type de dispositif utilisé pour effectuer les enregistrements. La cour régionale fit partiellement droit à cette demande, décidant de ne pas inclure les deux dernières questions dans le champ de l’expertise. Le 3 avril 2007, la cour régionale reçut un rapport établi dans le cadre de l’expertise des cassettes. Selon ce rapport, les enregistrements sur les cassettes versées par l’accusation ne présentaient pas de signes de montage ou d’altération et les voix enregistrées appartenaient au requérant et à L. Le requérant prit connaissance dudit rapport sans formuler d’objections quant à son contenu ou à ses conclusions. Aux audiences des 10 et 11 avril 2007, le requérant demanda l’exclusion du dossier pénal d’un certain nombre de preuves, notamment celles obtenues au cours de l’opération secrète menée par le FSB, au motif que l’opération entière avait été irrégulière. Il arguait entre autres que la destruction des enregistrements des conversations téléphoniques n’était pas légale. La cour régionale rejeta sa demande. Le 4 mai 2007, la cour régionale condamna le requérant du chef de corruption passive à huit ans d’emprisonnement. Elle rejeta le grief tiré d’une prétendue provocation à la commission de l’infraction, considérant que ni les agents du FSB ni L., qui avait agi sous le contrôle de ces agents, n’avaient créé, par leur comportement, d’éléments constitutifs d’une infraction ou de preuves contre le requérant. Elle estima établi que la sollicitation et la réception des sommes d’argent en contrepartie d’une décision de non-lieu dans la procédure dirigée contre L. avaient été effectuées à l’initiative du requérant. Selon la cour régionale, à la suite de la plainte de L., un dispositif technique et une surveillance avaient été mis en place de manière légale, sans que le requérant eût été privé de sa liberté d’action ou contraint d’accepter les sommes d’argent en question. La cour régionale releva que le requérant avait lui-même déterminé les modalités de la cessation des poursuites dirigées contre L. et l’échelonnement des versements des fonds, et que les agissements des agents du FSB s’étaient résumés à l’établissement des preuves de cette activité délictueuse. Par ailleurs, la cour régionale rejeta les réquisitions du ministère public par lesquelles celui-ci l’invitait à qualifier les agissements du requérant de corruption passive commise « avec recours à l’extorsion ». Le requérant interjeta appel du jugement du 4 mai 2007. Il se plaignait entre autres d’une provocation à la commission de l’infraction ainsi que d’une illégalité des enregistrements de ses conversations téléphoniques et de la destruction de ceux-ci. Le 5 février 2008, la Cour suprême de Russie rejeta l’appel du requérant. Elle considéra entre autres que ce dernier ne pouvait tirer grief d’une illégalité des enregistrements des conversations téléphoniques dès lors que ceux-ci n’avaient pas été versés comme preuves à charge ni discutés au cours des débats. Elle fit siennes les conclusions de la cour régionale quant au grief tiré d’une prétendue provocation à la commission de l’infraction. B. Les conditions de détention du requérant du 6 mai 2006 au 26 avril 2008 Du 6 mai 2006 au 26 avril 2008, le requérant fut détenu à la maison d’arrêt no IZ-25/1 de Vladivostok. Les parties ont présenté des versions différentes quant aux conditions de détention de l’intéressé pendant la période considérée. Le requérant soutient qu’il a été détenu dans des cellules d’une superficie de 8 à 20 m2, aménagées pour accueillir huit à vingt détenus, où chaque détenu aurait ainsi disposé de moins de 3 m2 d’espace personnel. Il indique que les occupants des cellules devaient dormir à tour de rôle, faute d’un nombre suffisant de lits. Il ajoute avoir souffert, dans le centre de détention, d’une carence de soins médicaux, de mauvaises odeurs en raison d’une absence de ventilation, de la présence d’insectes dans les cellules, d’un dysfonctionnement du système d’alimentation en eau, d’une mauvaise qualité de la nourriture, ainsi que d’une restriction dans la fréquence et la durée des douches (limitées à sept minutes par semaine). Le Gouvernement indique que le requérant a été placé dans les cellules nos 5053 et 57. Il décrit comme suit les conditions de détention de l’intéressé : - les cellules nos 5053 mesuraient chacune 8,50 m² et disposaient chacune de deux lits ; chaque cellule était dotée d’une fenêtre mesurant 1,20 x 1,65 m, recouverte de grillage à l’extérieur ; la ventilation était assurée de manière mécanique et naturelle ; le lavabo et les toilettes se trouvaient à côté de l’entrée de la cellule, et ils étaient séparés du reste de celle-ci par un mur en briques, mesurant au moins 1,20 à 1,30 m de hauteur, ainsi que par une porte ; la distance entre les toilettes et la table était de 1 m et celle entre les toilettes et les lits de 1,50 m. - la cellule no 57 mesurait 23,50 m² et disposait de cinq lits ; elle était dotée de deux fenêtres mesurant 1,20 x 1,65 m, recouvertes de grillage à l’extérieur ; la ventilation était assurée de manière mécanique et naturelle ; le lavabo et les toilettes se trouvaient à côté de l’entrée de la cellule, et ils étaient séparés du reste de celle-ci par un mur en briques, mesurant au moins 1,20 à 1,30 m de hauteur, ainsi que par une porte ; les toilettes se trouvaient à une distance de 1,80 m de la table et des lits. Le Gouvernement soutient que le nombre de détenus dans les cellules susmentionnées n’a jamais été supérieur au nombre de lits, que toutes les cellules étaient dans un bon état sanitaire, que tous les détenus bénéficiaient d’au moins une heure d’exercice par jour dans des cours aménagées en plein air, et que la qualité de la nourriture servie correspondait aux normes établies en la matière. En outre, il indique que le requérant a bénéficié de soins médicaux adéquats. Pour étayer sa thèse, le Gouvernement a soumis un certain nombre de documents, parmi lesquels des extraits des registres consignant le nombre de personnes détenues dans chacune des cellules susmentionnées, établis à différentes dates au cours de la période allant du 6 mai 2006 au 25 avril 2008 (couvrant 118 jours de cette période). C. La correspondance du requérant avec la Cour Il ressort du dossier que la première lettre du requérant, datée du 13 mars 2008, est parvenue au greffe de la Cour accompagnée d’une note de l’administration pénitentiaire indiquant le nombre de pages de cette lettre. Par ailleurs, les lettres adressées par le requérant à la Cour les 10 juin et 27 décembre 2008 portent des tampons apposés par l’administration pénitentiaire. De plus, la lettre du 10 juin 2008 était accompagnée d’une note signée par un représentant de l’administration pénitentiaire (en l’occurrence le chef de la colonie pénitentiaire no IK-3), indiquant le contenu de la lettre et invitant la Cour à fournir sa réponse en deux exemplaires – l’un à l’attention du requérant et l’autre pour le dossier pénitentiaire de celui-ci.
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