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Un texte datant du 4 avril 1461 rapporte qu'il y a eu au total 28 000 morts, nombre que Charles Ross et d'autres historiens pensent exagéré. C'est toutefois le nombre qui est proclamé par les estimations des hérauts et qui est cité dans des lettres d'Édouard IV et de l'évêque de Salisbury. D'autres sources de la même époque donnent des nombres encore plus élevés, allant de 30 000 à 38 000, Édouard Hall avançant celui, très précis, de 36 776,. Les Annales rerum anglicarum font exception puisqu'elles déclarent que 9 000 Lancastriens ont péri, une estimation que Ross trouve plus envisageable. La noblesse fidèle à la maison de Lancastre a beaucoup souffert de la bataille, Andrew Trollope et Henry Percy ayant notamment été tués. Ralph Dacre, un proche d'Henri VI, est tué par un archer embusqué dans un arbuste. À l'inverse, un seul membre important de la noblesse soutenant la maison d'York, Robert Horne, a été tué à Towton.
La déroute se poursuit durant toute la nuit, avant qu'au matin du 30 mars les débris de l'armée lancastrienne n'atteignent York dans la panique la plus totale. En apprenant la nouvelle de la défaite, Henri VI et Marguerite d'Anjou fuient en Écosse et y sont rejoints plus tard par Henri Beaufort, Henri Holland et quelques autres nobles survivants de la bataille. Celle-ci affaiblit gravement le pouvoir de la maison de Lancastre, car ses principaux partisans à la Cour sont morts ou ont fui le pays, et met fin à sa domination sur le nord de l'Angleterre. Édouard IV exploite au maximum la situation en proclamant comme traîtres 14 pairs d'Angleterre fidèles aux Lancastre. Environ 96 Lancastriens ayant le rang de chevalier ou un rang inférieur, dont 24 sont membres du Parlement, sont également déclarés félons. Le nouveau roi préfère cependant rallier ses ennemis à sa cause car ceux qui sont déchus sont ceux qui sont morts pendant la bataille ou qui refusent de se soumettre. Les domaines de quelques-uns de ces nobles sont confisqués par la couronne mais la majorité est laissée à leurs familles. Le roi pardonne par la suite à beaucoup de ceux qu'il a déclarés traîtres après la soumission de ceux-ci.
Bien qu'Henri VI et son fils se soient réfugiés en Écosse, la bataille met fin, pour un temps, à la lutte pour le trône qui durait depuis l'acte d'accord, Édouard IV régnant désormais de façon incontestée sur l'Angleterre. Le nouveau roi s'attache désormais à consolider son pouvoir en ralliant la population à sa cause et en matant les rébellions déclenchées par les quelques irréductibles partisans des Lancastre qui restent. Il élève au rang de chevalier ou de pair d'Angleterre plusieurs de ses partisans ; Lord Fauconberg est nommé comte de Kent et Richard Neville est le plus grand bénéficiaire des largesses royales puisqu'il reçoit une partie des domaines du comte de Northumberland et de Lord Clifford et qu'il est nommé « lieutenant du roi dans le nord et amiral d'Angleterre ». Édouard IV accorde aussi à Neville plusieurs autres fonctions prestigieuses, accroissant ainsi encore plus l'influence et la richesse considérables de celui-ci.
En 1464, à la suite des batailles de Hedgeley Moor et de Hexham, la maison d'York anéantit les dernières résistances des Lancastre au nord de l'Angleterre. Édouard IV règne sans interruption jusqu'en 1470 mais ses relations avec Neville se détériorent progressivement, ce dernier finissant par se rallier à la Maison de Lancastre. Neville oblige Édouard IV à fuir l'Angleterre et restaure Henri VI sur le trône. Cette restauration est toutefois de courte durée, car Édouard IV reconquiert le trône après avoir vaincu Neville et les Lancastre lors des batailles de Barnet et de Tewkesbury en 1471.
À la fin du XVIe siècle, William Shakespeare écrit plusieurs pièces de théâtre centrées sur des personnages historiques et ayant pour toile de fond l'histoire de l'Angleterre lors des deux siècles précédents, ce qui rend ces pièces plus réalistes. Shakespeare écrit notamment Henri VI, une pièce en trois parties qui s'appuie fortement sur la chronique d'Édouard Hall. Sa vision de la bataille de Towton, présentée comme le plus sanglant engagement de la guerre des Deux-Roses dans la scène 5 de l'acte II de la troisième partie d’Henri VI, est devenue un morceau d'anthologie sur la « terreur de la guerre civile, une terreur nationale qui est essentiellement familiale ». L'historien Bertram Wolffe écrit que c'est en raison de la représentation de la bataille par Shakespeare, où Henri VI désire ardemment avoir été né berger plutôt que roi, que le souvenir du faible et incompétent monarque ne s'est pas effacé de la mémoire collective anglaise.
La version shakespearienne de la bataille compte une scène notable qui vient immédiatement après le monologue d'Henri VI. Dans celle-ci, le roi est le témoin des lamentations de deux soldats qui ont participé à la bataille. L'un des deux a tué un ennemi dans l'espoir d'un butin et découvre que sa victime est son fils, alors que l'autre s'aperçoit qu'il a tué son père. Tous les deux ont agi par appât du gain et sont accablés de chagrin après avoir découvert leurs méfaits. Le spécialiste de Shakespeare Arthur Percival Rossiter considère cette scène comme l'une des plus remarquables des « rituels » théâtraux suivis par l'auteur. La scène suit le modèle d'un opéra ; après un long discours, on suit alternativement deux acteurs qui déclament une ligne à tour de rôle au public chacun de leur côté. Shakespeare s'écarte de la pratique en vigueur qui consiste à utiliser des personnages historiques pour exposer des thèmes pendant que l'on médite sur leurs actions à travers des personnages fictifs. À l'inverse, ce sont ici des personnages fictifs anonymes qui illustrent les souffrances de la guerre civile tandis que le roi médite sur leurs destins. Le professeur émérite de littérature anglaise Michael Hattaway commente que l'intention de Shakespeare est de montrer la tristesse d'Henri VI plus que la guerre elle-même, afin d'obtenir la même émotion auprès du public et d'exposer l'incompétence d'Henri en tant que roi.
La bataille de Towton est également examinée par Geoffrey Hill dans son poème Funeral Music (1968). Hill présente l'événement à travers les voix des combattants et contemple l'agitation de cette période avec leur regard,. Les soldats issus du commun se plaignent de leur inconfort physique et des sacrifices qu'ils ont consentis au nom des idées glorifiées par leurs chefs. Ils partagent cependant la détermination de ces derniers à détruire leurs adversaires, même au coût de leur vie. Hill dépeint comme une farce la croyance des soldats selon laquelle la bataille était prédestinée et de la plus haute importance ; le monde suit son cours sans considération pour la bataille de Towton. Bien qu'impressionné par le nombre de victimes qu'a fait l'engagement, Hill estime qu'il n'a pas apporté de grands changements pour le peuple anglais.
En 1483, Richard III, le frère cadet d'Édouard IV, commence à faire construire une chapelle en commémoration de la bataille. Mais le monarque meurt à la bataille de Bosworth deux ans plus tard et la construction n'est jamais achevée. Laissée à l'abandon, elle finit par s'écrouler. Les ruines de cette structure sont encore visibles cinq siècles plus tard. En 1929, une croix en pierre provenant supposément de la chapelle est utilisée pour ériger la Towton Cross (aussi connue sous le nom de Lord Dacre's Cross) en mémoire des victimes de la bataille. Il est possible que quelques tertres présents sur le champ de bataille contiennent des restes de victimes, bien que les historiens pensent qu'il s'agit de tumulus plus anciens,. D'autres lieux de sépulture en rapport avec la bataille se trouvent sur Chapell Hill et aux alentours de Saxton. Ralph Dacre est enterré à la Church of All Saints de Saxton et sa tombe a relativement bien résisté au passage du temps. L'arbuste sur lequel l'archer ayant tué Ralph Dacre était monté a été coupé à la fin du XIXe siècle. Des reliques de la bataille telles que des anneaux, des pointes de flèches et des pièces de monnaie ont été trouvées dans la région des siècles après l'événement. En 1996, des ouvriers travaillant sur un chantier de construction près de Towton ont découvert un charnier dont les archéologues pensent qu'il contient les restes d'hommes tués pendant la bataille. Les squelettes révèlent de graves blessures : les bras et les crânes étant cassés ou fracassés. Un spécimen, connu sous le nom de Towton 25, a eu l'avant du crâne coupé en deux par une blessure faite à l'arme blanche. Le crâne présente également une autre blessure, faite horizontalement par une lame depuis l'arrière.
La population anglaise de l'ère élisabéthaine a gardé le souvenir de la bataille telle qu'elle a été mise en scène par Shakespeare, et son image de charnier où de nombreux Anglais ont été massacrés est demeurée pendant des siècles. Néanmoins, au début du XXIe siècle, la « plus sanglante bataille à avoir jamais été livrée sur le sol anglais » s'est effacée de la conscience collective. Plusieurs journalistes britanniques se sont lamentés du fait que la plupart des gens ignorent tout de la bataille de Towton et de sa signification,,. Selon l'English Heritage, la bataille a été de « la plus haute importance », ayant été l'une des plus grandes, si ce n'est la plus grande, à s'être déroulée en Angleterre et ayant eu pour conséquence le remplacement d'une dynastie royale par une autre. Le chiffre fréquemment cité de 28 000 victimes de la bataille équivaut à environ 1 % de la population anglaise de l'époque, et fait de cette journée la plus sanglante de l'histoire de l'Angleterre.
La bataille est associée à une tradition qui a perduré pendant des siècles dans le village de Tysoe, dans le Warwickshire. À chaque anniversaire de la bataille, les villageois nettoyaient la colline du Vale of the Red Horse pour y exposer le géoglyphe d'un cheval taillé dans l'argile rouge qui a donné son nom au lieu. Ils prétendaient accomplir cela pour honorer la mémoire de Richard Neville et la résolution de se battre aux côtés de ses hommes qu'il avait montrée en tuant son cheval. Mary Dormer Harris, une historienne locale, pense que les villageois ont modifié le cheval rouge originel, qui datait de la préhistoire, afin de le faire ressembler à un cheval médiéval. La tradition a pris fin en 1798 quand le mouvement des enclosures a transformé le terrain communal sur lequel le géoglyphe était situé, en propriété privée,. Ce nettoyage a été brièvement remis en vogue au début du XXe siècle avant de s'arrêter à nouveau,. La Towton Battlefield Society est une organisation créée pour s'occuper de la préservation du champ de bataille et promouvoir le souvenir de l'engagement auprès du public. Elle organise également annuellement une reconstitution de la bataille, pour le dimanche des Rameaux.
Ouvrages :
Sources en ligne :