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CONSTIT/CONSTEXT000047748782.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 16 février 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 6 février 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Faouzi DJEDOU, candidat aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 12e circonscription du département des Bouches-du-Rhône, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6221 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs notamment le troisième alinéa de son article 9-1 ; Au vu des pièces suivantes : -  les lettres recommandées avec demande d’avis de réception adressées les 17 février et 11 avril 2023 à M. FAOUZI à l’adresse figurant sur son compte de campagne, revenues avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse » ; - les courriers électroniques du bureau des élections politiques du ministère de l’intérieur et du parti « Gauche républicaine et socialiste » reçus les 29 mars et 11 avril 2023, confirmant, à la demande du Conseil constitutionnel, l’adresse du candidat ; - la lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée le 17 avril 2023 à Mme Aïta RENAUD, mandataire financier du candidat, revenue avec la mention « pli avisé et non réclamé » ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l’article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n’est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n’excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l’article L. 52-5 ou de l’article L. 52-6. 2. L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières. L’intitulé du compte précise que le titulaire agit en qualité de mandataire financier du candidat, nommément désigné. 3. Le compte de campagne de M. DJEDOU a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 6 février 2023 au motif que le mandataire financier qu’il avait désigné n’a pas ouvert de compte bancaire, en violation des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 52-6 du code électoral. 4. Cette circonstance est établie. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte de campagne. 5. L’article L.O. 136-1 du code électoral dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. 6. Si, devant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, M. DJEDOU a indiqué avoir effectué dix-sept demandes d’ouverture de compte et tenté vingt-trois fois de saisir la Banque de France, il n’a produit devant elle aucune pièce justifiant de ces démarches. 7. Dès lors, compte tenu de ce manquement à une règle dont M. DJEDOU ne pouvait ignorer la portée, il y a lieu de prononcer son inéligibilité à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - M. Faouzi DJEDOU est déclaré inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d’un an à compter de la présente décision. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et François SÉNERS. Rendu public le 22 juin 2023.
CONSTIT/CONSTEXT000047748783.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 16 février 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 6 février 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Stéphane RIBEIRO, candidat aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 12e circonscription du département des Bouches-du-Rhône, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6222 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs notamment le troisième alinéa de son article 9-1 ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par M. RIBEIRO, enregistrées le 13 mars 2023 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l’article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n’est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n’excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l’article L. 52-5 ou de l’article L. 52-6. 2. L’article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12. 3. M. RIBEIRO a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés à l’issue du scrutin dont le premier tour s’est tenu le 12 juin 2022. Le délai pour déposer son compte de campagne expirait le 19 août 2022 à 18 heures. Or, M. RIBEIRO a déposé son compte de campagne le 20 septembre 2022, soit après l’expiration de ce délai. Par ailleurs, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a relevé, dans sa décision, que le mandataire financier du candidat n’avait pas ouvert de compte bancaire. 4. D’une part, si M. RIBEIRO fait valoir qu’il n’avait pas connaissance du délai prescrit pour déposer son compte de campagne, cette circonstance n’est pas de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12. D’autre part, si M. RIBEIRO invoque le refus qui aurait été opposé par des établissements bancaires à sa demande d’ouverture d’un compte, cette circonstance, à la supposer établie, n’est pas de nature à faire obstacle à l’application des dispositions de l’article L. 52-6 du code électoral. 5. Dès lors, compte tenu de la particulière gravité de ces manquements, il y a lieu de prononcer l’inéligibilité de M. RIBEIRO à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - M. Stéphane RIBEIRO est déclaré inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée de trois ans à compter de la présente décision. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et François SÉNERS. Rendu public le 22 juin 2023.
CONSTIT/CONSTEXT000047748797.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 25 juin 2022 d’une requête présentée par Me Joanes Louis, avocat au barreau de Paris, pour Mme Thiaba BRUNI, candidate à l’élection qui s’est déroulée dans la 9ème circonscription des Français établis hors de France, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 5 et 19 juin 2022 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5760 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - l’arrêté du 16 mars 2022 relatif au traitement automatisé de données à caractère personnel prévu à l'article R. 176-3 du code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - les pièces du dossier desquelles il résulte que communication de la requête a été donnée à M. Karim BEN CHEICK, député, qui n'a pas produit d'observations ; - les observations présentées par la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, enregistrées le 19 septembre 2022 ; - le mémoire complémentaire présenté par Me Louis pour Mme BRUNI, enregistré le 24 octobre 2022 ; - la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 17 novembre 2022 approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. Karim BEN CHEÏCK ; - les autres pièces produites et jointes aux dossiers ; Après avoir entendu les parties et leurs conseils ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. En application de l’article L. 330-13 du code électoral applicable à l’élection des députés par les Français établis hors de France, les électeurs votent dans les bureaux ouverts en application de l'article L. 330-23 du même code et « peuvent également, par dérogation à l'article L. 54, voter par correspondance (…) par voie électronique au moyen de matériels et de logiciels permettant de respecter le secret du vote et la sincérité du scrutin », selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État. L’article R. 176-3-7 dispose que l’identité de l’électeur votant par voie électronique est attestée par un identifiant associé à un mot de passe, créés de manière aléatoire et transmis séparément à l’électeur, au plus tard avant le début de la période de vote, par des modes d’acheminement différents. En vertu de l’article 4 de l’arrêté du 16 mars 2022 mentionné ci-dessus, cette transmission à l’électeur de l’identifiant s’opère par courrier électronique et celle du mot de passe par message texte sur son téléphone mobile, respectivement à l’adresse courriel et au numéro de téléphone communiqués à cette fin. Enfin, en vertu de l’article R. 176-3-9 du code électoral, « pour voter par voie électronique, l'électeur, après s'être connecté au système de vote et identifié à l'aide de l'identifiant et du mot de passe prévus à l'article R. 176-3-7, exprime puis valide son vote au moyen d'un code de confirmation ». Ce code de confirmation lui est, conformément à l’article 4 de l’arrêté du 16 mars 2022, communiqué par voie électronique, à la même adresse électronique que celle utilisée pour la transmission de l’identifiant. 2. Mme BRUNI soutient que des dysfonctionnements dans l’organisation des opérations de vote par voie électronique, en particulier dans la délivrance par les opérateurs de téléphonie des messages contenant les mots de passe, ont empêché un nombre significatif d’électeurs de prendre part au vote et porté atteinte à la sincérité du scrutin. 3. Il résulte du procès-verbal du bureau de vote électronique relatif au premier tour du scrutin que le taux de délivrance aux électeurs inscrits ayant communiqué leurs coordonnées pour le vote électronique des messages téléphoniques contenant les mots de passe prévus par l’article R. 176-3-9 du code électoral n’a été que de 38% s’agissant des électeurs inscrits sur les listes électorales consulaires en Algérie. 4. Si les électeurs concernés conservaient le droit de prendre part au vote à l’urne en se déplaçant physiquement à l’un des bureaux de vote ouverts dans la 9ème circonscription, ce dysfonctionnement, qui n’a pas trouvé de résolution avant la clôture de la période de vote électronique le mercredi 1er juin 2022 à midi (heure de Paris), a néanmoins été de nature, eu égard aux caractéristiques de la circonscription, à empêcher plusieurs milliers d’électeurs de prendre part au vote au premier tour. Cette circonstance doit être regardée, compte tenu de l’écart des voix entre les candidats, comme ayant porté atteinte à la sincérité du scrutin. 5. Alors même que cette circonstance n’est imputable ni au candidat élu ni aux autres candidats, il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs soulevés par la requête, qu’il y a lieu d’annuler les opérations électorales contestées. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les opérations électorales qui ont eu lieu les 5 et 19 juin 2022 dans la 9ème circonscription des Français établis à l’étranger sont annulées. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 janvier 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 20 janvier 2023.
CONSTIT/CONSTEXT000047748768.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 30 janvier 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 18 janvier 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Pascal POINTUD, candidat aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 5e circonscription du département du Puy-de-Dôme, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6076 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs notamment le troisième alinéa de son article 9-1 ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par M. POINTUD, enregistrées le 27 février 2023 et, en réponse à une mesure d’instruction ordonnée par le Conseil constitutionnel, le 24 mars 2023 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l’article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n’est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n’excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l’article L. 52-5 ou de l’article L. 52-6. 2. L’article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12. 3. M. POINTUD a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés à l’issue du scrutin dont le premier tour s’est tenu le 12 juin 2022. Le délai pour déposer son compte de campagne expirait le 19 août 2022 à 18 heures. Or, M. POINTUD a déposé son compte de campagne le 20 août 2022, soit après l’expiration de ce délai. 4. Toutefois, M. POINTUD a produit devant le Conseil constitutionnel, une attestation de l’établissement auprès duquel le compte bancaire a été ouvert confirmant que ce compte n’a connu aucun mouvement. 5. Par suite, le manquement commis ne justifie pas que M. POINTUD soit déclaré inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Il n’y a pas lieu de déclarer M. Pascal POINTUD inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et François SÉNERS. Rendu public le 22 juin 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 16 février 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 25 janvier 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Jérôme DEBUIRE, candidat aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 5e circonscription du département de Loire-Atlantique, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6220 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs notamment le troisième alinéa de son article 9-1 ; Au vu des pièces suivantes : - les pièces du dossier desquelles il résulte que communication de la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a été donnée à M. DEBUIRE, qui n’a pas produit d’observations ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l’article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n’est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n’excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l’article L. 52-5 ou de l’article L. 52-6. 2. L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières. L’intitulé du compte précise que le titulaire agit en qualité de mandataire financier du candidat, nommément désigné. 3. Le compte de campagne de M. DEBUIRE a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 25 janvier 2023 au motif que le mandataire financier qu’il avait désigné n’a pas ouvert de compte bancaire, en violation des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 52-6 du code électoral. 4. Cette circonstance est établie. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte de campagne. 5. L’article L.O. 136-1 du code électoral dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. 6. Compte tenu de ce manquement à une règle dont M. DEBUIRE ne pouvait ignorer la portée, il y a lieu de prononcer son inéligibilité à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - M. Jérôme DEBUIRE est déclaré inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d’un an à compter de la présente décision. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et François SÉNERS. Rendu public le 22 juin 2023.
CONSTIT/CONSTEXT000047748795.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, sous le n° 2023-851 DC, le 22 mai 2023, par Mmes Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, MM. Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Mmes Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Clémentine AUTAIN, MM. Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Florian CHAUCHE, Mme Sophia CHIKIROU, MM. Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Jean-François COULOMME, Mme Catherine COUTURIER, MM. Hendrik DAVI, Sébastien DELOGU, Mmes Alma DUFOUR, Karen ERODI, Martine ÉTIENNE, M. Emmanuel FERNANDES, Mmes Sylvie FERRER, Caroline FIAT, M. Perceval GAILLARD, Mmes Raquel GARRIDO, Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mmes Mathilde HIGNET, Rachel KEKE, MM. Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Maxime LAISNEY, Arnaud LE GALL, Antoine LÉAUMENT, Mmes Elise LEBOUCHER, Charlotte LEDUC, M. Jérôme LEGAVRE, Mmes Sarah LEGRAIN, Murielle LEPVRAUD, Pascale MARTIN, Elisa MARTIN, MM. William MARTINET, Frédéric MATHIEU, Damien MAUDET, Mmes Marianne MAXIMI, Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mmes Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, MM. François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD’HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean-Hugues RATENON, Sébastien ROME, François RUFFIN, Aurélien SAINTOUL, Michel SALA, Mmes Danielle SIMONNET, Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH-TERRENOIR, Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, MM. Paul VANNIER, Léo WALTER, René PILATO, Mmes Cyrielle CHATELAIN, Christine ARRIGHI, M. Julien BAYOU, Mme Lisa BELLUCO, MM. Karim BEN CHEÏKH, Charles FOURNIER, Mme Marie-Charlotte GARIN, MM. Jérémie IORDANOFF, Hubert JULIEN-LAFERRIÈRE, Mme Julie LAERNOES, M. Benjamin LUCAS, Mme Francesca PASQUINI, M. Sébastien PEYTAVIE, Mme Marie POCHON, M. Jean-Claude RAUX, Mmes Sandra REGOL, Sandrine ROUSSEAU, Eva SAS, Sabrina SEBAIHI, M. Aurélien TACHÉ, Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN et M. Nicolas THIERRY, députés. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de la défense ; - le code de l’énergie ; - le code de l’environnement ; - le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ; - le code général de la propriété des personnes publiques ; - le code de la sécurité intérieure ; - le code de l’urbanisme ; - la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ; - l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire ; - le règlement du 11 mars 2022 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les déclarations de conformité à la Constitution ; Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 12 juin 2023 ; Après avoir entendu les députés représentant les auteurs de la saisine ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes. 2. Ils contestent sa procédure d’adoption et la place dans la loi des articles 1er et 3, de certaines dispositions de l’article 7, ainsi que des articles 24 et 26. Ils contestent également la conformité à la Constitution de ses articles 1er, 12, 14, 15 et 26 ainsi que de certaines dispositions de ses articles 7, 8, 9 et 13. Enfin, ils contestent la conformité à la Constitution du paragraphe I de l’article L. 593-7 du code de l’environnement qui serait, selon eux, indissociable de l’article 20. - Sur la procédure d’adoption de la loi : 3. Selon les députés requérants, les conditions d’adoption de la loi déférée auraient méconnu les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire. 4. À l’appui de ce grief, ils soutiennent qu’ils n’ont pu disposer des informations nécessaires afin d’apprécier la portée effective des dérogations prévues par la loi déférée pour accélérer la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires. Ils font valoir en particulier qu’ils n’ont pu ni examiner auparavant le projet de loi de programmation relative à l’énergie et au climat, dont l’adoption est pourtant prescrite avant le 1er juillet 2023, ni tirer les enseignements de certaines consultations organisées concomitamment par la Commission nationale du débat public. 5. Ils soutiennent en outre que, lors des débats parlementaires, le Gouvernement les aurait induits en erreur sur le caractère programmatique de certaines dispositions introduites au cours de l’examen du projet de loi. 6. Aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La loi est l’expression de la volonté générale ». Aux termes du premier alinéa de l’article 3 de la Constitution : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants ». Ces dispositions imposent le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire. 7. En premier lieu, d’une part, le Conseil constitutionnel se prononce sur la régularité de la procédure législative au regard des règles que la Constitution a elle-même fixées ou auxquelles elle a expressément renvoyé. Or, il ne résulte d’aucune exigence constitutionnelle ou organique que le dépôt du projet de loi à l’origine du texte déféré puis son examen par le Parlement soient subordonnés à l’achèvement de consultations du public ou à l’adoption de la loi déterminant les objectifs et fixant les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique, prévue par l’article L. 100-1-A du code de l’énergie. 8. D’autre part, les assemblées ont disposé, comme l’attestent tant les rapports des commissions saisies au fond ou pour avis que le compte rendu des débats, d’éléments d’information suffisants sur les dispositions du projet de loi en discussion. 9. En second lieu, contrairement aux affirmations des députés requérants, le Gouvernement s’est borné à réaffirmer lors des débats son souhait que ne figurent pas dans le texte adopté par le Parlement des dispositions de nature programmatique. 10. Il résulte de tout ce qui précède que la loi déférée a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution. - Sur l’article 1er : 11. L’article 1er modifie certaines dispositions du code de l’énergie relatives à la contribution, dans la production électrique française, de l’énergie nucléaire, et prévoit des modalités de révision simplifiée de la programmation pluriannuelle de l’énergie. 12. Les députés requérants soutiennent que l’article 1er, qui n’aurait qu’une portée programmatique, n’aurait pas sa place dans la loi au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution. Ils estiment en outre que cet article méconnaîtrait l’article 7 de la Charte de l’environnement, faute qu’ait préalablement été organisée la participation du public sur les choix de politique énergétique que traduisent ces dispositions. 13. En premier lieu, aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions introduites en méconnaissance de cette règle de procédure. 14. La loi déférée a pour origine le projet de loi déposé le 2 novembre 2022 sur le bureau du Sénat, première assemblée saisie. Ce projet comportait onze articles répartis en trois titres. 15. Son titre Ier rassemblait les mesures destinées à accélérer les procédures liées à des projets de construction de nouvelles installations nucléaires à proximité ou au sein d’une installation existante. Pour permettre la réalisation de ces projets, ce titre comportait des mesures permettant d’adapter la qualification de projet d’intérêt général et la procédure de mise en compatibilité des documents d’urbanisme, de simplifier les régimes d’autorisation de ces projets, d’autoriser la réalisation anticipée de certains travaux liés à ces projets dès la réception de l’autorisation environnementale, d’apporter certaines dérogations aux règles relatives à l’aménagement et la protection du littoral, de modifier le régime de concession d’utilisation du domaine public maritime, et d’appliquer la procédure de prise de possession immédiate de certains immeubles liés à ces projets. Le titre II, relatif au fonctionnement des installations nucléaires existantes, modifiait les modalités de réalisation des réexamens périodiques des réacteurs et la procédure de mise à l’arrêt des installations nucléaires de base. Le titre III comportait une disposition ratifiant l’ordonnance du 10 février 2016 mentionnée ci-dessus. 16. Les 1° et 3° du paragraphe I de l’article 1er de la loi déférée abrogent les dispositions de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, qui assignent à la politique énergétique nationale l’objectif « De réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2035 », et procèdent à plusieurs coordinations. Le 2° du même paragraphe I abroge l’article L. 311-5-5 du code de l’énergie interdisant qu’une autorisation administrative d’exploiter une nouvelle installation de production d’électricité soit délivrée lorsqu’elle aurait pour effet de porter la capacité totale autorisée de production d’électricité d’origine nucléaire au-delà de 63,2 gigawatts. Le paragraphe II du même article 1er prévoit que la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-1 du code de l’énergie fait l’objet d’une révision simplifiée pour tenir compte des dispositions de la loi dans un délai d’un an à compter de sa promulgation. 17. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles du titre Ier du projet de loi initial qui avaient pour objet de simplifier les procédures administratives liées à la construction de réacteurs électronucléaires. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté. 18. En second lieu, aux termes de l’article 7 de la Charte de l’environnement : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». Il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de mise en œuvre de ces dispositions. 19. Une disposition législative ne constitue pas une décision publique au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement. Le grief tiré de l’absence de procédure de participation du public à l’élaboration d’une telle disposition ne peut dès lors qu’être écarté. 20. Par conséquent, l’article 1er de la loi déférée, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution. - Sur certaines dispositions de l’article 7 : 21. L’article 7 détermine le champ d’application des mesures spécifiques, prévues par le titre II de la loi déférée, visant à accélérer les procédures liées à la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires à proximité de sites nucléaires existants. 22. Les députés requérants reprochent à ces dispositions, d’une part, de prévoir que ces mesures pourront s’appliquer à la réalisation des réacteurs électronucléaires pour lesquels une demande d’autorisation de création aura été déposée dans les vingt ans qui suivent la promulgation de la loi déférée et, d’autre part, de ne pas déterminer le nombre maximal de réacteurs susceptibles d’être autorisés durant cette période. Selon eux, le législateur aurait ainsi retenu une durée d’application manifestement inadéquate au regard de l’objectif d’accélération de la transition énergétique et n’aurait pas préservé la faculté pour les générations futures de modifier les conditions de production de l’électricité décarbonée. Il en résulterait une méconnaissance des exigences découlant des articles 1er et 6 de la Charte de l’environnement. 23. Les députés requérants reprochent par ailleurs au législateur d’avoir méconnu l’étendue de sa compétence en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de préciser la notion de « proximité immédiate » d’une installation nucléaire de base existante. 24. Ils soutiennent en outre que le paragraphe IV de l’article 7 n’aurait pas sa place dans la loi déférée au motif qu’il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution. . En ce qui concerne les paragraphes II et VI de l’article 7 : 25. En premier lieu, l’article 1er de la Charte de l’environnement dispose que « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Les limitations apportées par le législateur à l’exercice de ce droit doivent être liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi. 26. L’article L. 593-1 du code de l’environnement prévoit que les installations nucléaires de base sont soumises au régime légal défini par les dispositions des chapitres III et VI du titre IX du livre V de ce code. Parmi ces installations figurent, en application des 1° à 3° de l’article L. 593-2 du même code, les réacteurs nucléaires, les installations de préparation, d’enrichissement, de fabrication, de traitement ou d’entreposage de combustibles nucléaires ou de traitement, d’entreposage ou de stockage de déchets radioactifs, et les installations contenant des substances radioactives ou fissiles. L’article L. 593-7 de ce même code soumet à autorisation la création de telles installations. 27. Selon le paragraphe II de l’article 7 de la loi déférée, les mesures spécifiques prévues par le titre II de cette loi s’appliquent à la réalisation de nouveaux réacteurs électronucléaires dont l’implantation est envisagée à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base existante mentionnée aux 1° à 3° de l’article L. 593-2 du code de l’environnement et pour lesquels la demande d’autorisation de création est déposée au cours des vingt ans qui suivent la promulgation de la loi. Le paragraphe VI de l’article 7 prévoit qu’un décret en Conseil d’État précise la notion de « proximité immédiate ». 28. D’une part, il résulte des travaux préparatoires que, en adoptant des mesures propres à accélérer la réalisation de nouveaux réacteurs électronucléaires, le législateur a entendu créer les conditions qui permettraient d’augmenter les capacités de production d’énergie nucléaire afin notamment de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il a ainsi mis en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l’indépendance de la Nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique, et poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement. Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de rechercher si les objectifs que s’est assignés le législateur auraient pu être atteints par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas, en l’état des connaissances scientifiques et techniques, manifestement inappropriées à ces objectifs. 29. D’autre part, les dispositions contestées, qui se bornent à déterminer le champ d’application des mesures spécifiques prévues par le titre II de la loi déférée, n’ont ni pour objet ni pour effet de dispenser les projets de réalisation de réacteurs électronucléaires auxquels ces mesures s’appliqueront du respect des dispositions du code de l’environnement instituant le régime légal applicable aux installations nucléaires de base en raison des risques ou inconvénients qu’elles peuvent présenter pour la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l’environnement. 30. Par ailleurs, au regard des objectifs qu’il a poursuivis et compte tenu du délai nécessaire à la réalisation de nouveaux réacteurs électronucléaires, le législateur, qui n’était pas tenu de fixer un nombre maximal de réacteurs susceptibles d’être construits durant cette période, a pu prévoir que les mesures spécifiques prévues par le titre II de la loi déférée s’appliqueront à la réalisation des réacteurs pour lesquels la demande d’autorisation de création sera déposée au cours des vingt ans qui suivront la promulgation de la loi. 31. Le grief tiré de la méconnaissance de l’article 1er de la Charte de l’environnement doit donc être écarté. 32. En second lieu, il résulte des termes mêmes des paragraphes II et VI de l’article 7 de la loi déférée que la notion de « proximité immédiate » désigne la zone située à l’extérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base existante et que cette zone ne peut excéder le périmètre initial du plan particulier d’intervention existant, mentionné à l’article L. 741‑6 du code de la sécurité intérieure, lorsque l’installation nucléaire de base existante dispose d’un tel plan. 33. Dès lors, en renvoyant à un décret en Conseil d’État le soin de préciser la notion de « proximité immédiate », qui n’est ni imprécise ni ambiguë, le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence. 34. Il résulte de ce qui précède que les paragraphes II et VI de l’article 7, qui ne méconnaissent pas non plus l’article 6 de la Charte de l’environnement ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution. . En ce qui concerne la place du paragraphe IV de l’article 7 dans la loi déférée : 35. Le paragraphe IV de l’article 7 prévoit la remise au Parlement d’un rapport sur la faisabilité et l’opportunité d’étendre l’application des mesures prévues au titre II de la loi déférée à d’autres types de réacteurs nucléaires et à d’autres conditions d’implantation géographique, ainsi qu’à un autre type d’énergie. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles, précitées, du titre Ier du projet de loi initial. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution doit donc être écarté. - Sur certaines dispositions de l’article 8 : 36. Le paragraphe II de l’article 8 autorise l’autorité administrative compétente de l’État à engager la procédure de mise en compatibilité des documents d’urbanisme locaux pour permettre la réalisation d’un réacteur électronucléaire. 37. Les députés requérants reprochent à ces dispositions d’autoriser l’État à procéder directement à la mise en compatibilité des documents d’urbanisme, sans prévoir la possibilité pour les collectivités territoriales compétentes en matière d’urbanisme d’y procéder elles-mêmes. Il en résulterait une méconnaissance du principe de libre administration des collectivités territoriales. 38. Selon le troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus « dans les conditions prévues par la loi ». L’article 34 de la Constitution prévoit que la loi détermine les principes fondamentaux « de leurs compétences ». Ces dispositions impliquent que toute collectivité territoriale doit disposer d’une assemblée délibérante élue dotée par la loi d’attributions effectives, qu’il est loisible au législateur d’énumérer limitativement. 39. Les communes et leurs groupements sont compétents pour élaborer, modifier ou réviser la carte communale, le plan local d’urbanisme ou le schéma de cohérence territoriale. 40. Les dispositions contestées de l’article 8 prévoient que, lorsque l’autorité administrative compétente de l’État considère que l’un de ces documents d’urbanisme ne permet pas la réalisation d’un réacteur électronucléaire, elle engage sans délai sa mise en compatibilité. 41. En premier lieu, ces dispositions ne s’appliquent que dans le cas où la réalisation d’un réacteur électronucléaire est qualifiée de projet d’intérêt général par un décret en Conseil d’État ou à la suite d’une déclaration d’utilité publique qui emporte cette qualification. 42. En deuxième lieu, la mise en compatibilité des documents d’urbanisme ne peut porter que sur les dispositions des documents d’urbanisme dont la modification est nécessaire pour permettre la réalisation d’un réacteur électronucléaire qui, en application de l’article 7 de la loi déférée, ne peut être implanté qu’à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base existante. 43. En dernier lieu, ces dispositions prévoient que l’autorité administrative compétente de l’État informe la commune de la nécessité de la mise en compatibilité des documents d’urbanisme, de ses motifs, ainsi que des modifications qu’elle estime nécessaires. La commune peut alors présenter des observations sur les modifications envisagées. Le projet de mise en compatibilité arrêté par l’autorité administrative est ensuite examiné conjointement par l’État et la commune. 44. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe de libre administration des collectivités territoriales doit être écarté. 45. Par conséquent, le paragraphe II de l’article 8 de la loi déférée, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution. -  Sur certaines dispositions de l’article 9 : 46. Le paragraphe I de l’article 9 prévoit notamment que la conformité de la réalisation d’un réacteur électronucléaire aux règles d’urbanisme est vérifiée dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale ou d’autorisation de création du réacteur, dans des conditions fixées par décret, et dispense de toute formalité au titre du code de l’urbanisme les constructions, aménagements, installations et travaux liés à cette réalisation. 47. Les députés requérants soutiennent que, en renvoyant à un décret la fixation des conditions dans lesquelles l’autorité administrative vérifie la conformité de la réalisation d’un réacteur électronucléaire aux règles d’urbanisme, ces dispositions seraient entachées d’incompétence négative. Ils font également valoir que, en ne limitant pas dans le temps et en ne réservant pas à certaines situations la dispense de toute formalité au titre du code de l’urbanisme prévue pour cette réalisation, elles méconnaîtraient les exigences résultant des articles 1er, 3 et 6 de la Charte de l’environnement et l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement.  Enfin, selon eux, eu égard aux conséquences qu’elles auraient sur la possibilité d’exercer certains recours, ces dispositions méconnaîtraient le droit à un recours juridictionnel effectif. . En ce qui concerne le deuxième alinéa du paragraphe I de l’article 9 : 48. En vertu de l’article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux « de la préservation de l’environnement » et « du régime de la propriété ». 49. Le deuxième alinéa du paragraphe I de l’article 9 de la loi déférée prévoit que l’autorité administrative vérifie la conformité de l’ensemble du projet de réalisation d’un réacteur électronucléaire aux règles d’urbanisme dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale ou d’autorisation de création d’un réacteur. 50. Le législateur, qui a prévu que tout projet de réalisation d’un réacteur électronucléaire doit être conforme aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l’utilisation des sols, à l’implantation, à la destination, à la nature, à l’architecture, aux dimensions et à l’assainissement des constructions et à l’aménagement de leurs abords, a pu, sans méconnaître l’étendue de sa compétence, renvoyer à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les conditions dans lesquelles l’autorité administrative compétente procède à cette vérification. 51. Dès lors, le grief tiré de l’incompétence négative du législateur doit être écarté. 52. Par conséquent, le deuxième alinéa du paragraphe I de l’article 9 de la loi déférée, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution. . En ce qui concerne le troisième alinéa du paragraphe I de l’article 9 : 53. Le troisième alinéa du paragraphe I de l’article 9 prévoit notamment que les constructions, les aménagements, les installations et les travaux liés à la réalisation d’un réacteur électronucléaire sont dispensés de toute formalité au titre du code de l’urbanisme. 54. En premier lieu, si ces dispositions dispensent le porteur d’un tel projet de solliciter les autorisations prévues par le code de l’urbanisme, telles que les déclarations préalables, les permis de démolir et de construire, elles n’ont ni pour objet ni pour effet de le dispenser de présenter une demande d’autorisation environnementale ou d’autorisation de création d’un réacteur électronucléaire, à l’occasion de laquelle la conformité de cette réalisation aux règles d’urbanisme applicables sera appréciée par l’autorité administrative compétente. 55. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 1er de la Charte de l’environnement doit être écarté. 56. En second lieu, les dispositions contestées, qui n’ont ni pour objet ni pour effet de priver les justiciables de la possibilité de contester devant le juge administratif les autorisations délivrées dans ce cadre, ne méconnaissent pas le droit à un recours juridictionnel effectif. 57. Par conséquent, le troisième alinéa du paragraphe I de l’article 9 de la loi déférée, qui ne méconnaît pas non plus les articles 3 et 6 de la Charte de l’environnement ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution. - Sur l’article 12 : 58. L’article 12 prévoit que la réalisation d’un réacteur électronucléaire satisfaisant à certaines conditions est constitutive d’une raison impérative d’intérêt public majeur de nature à justifier la délivrance d’une dérogation aux interdictions de porter atteinte à des espèces protégées ainsi qu’à leurs habitats. 59. Les députés requérants soutiennent que ces dispositions instaureraient une présomption irréfragable que certains projets répondent à une raison impérative d’intérêt public majeur, ce qui empêcherait de rapporter la preuve contraire et favoriserait la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires au détriment de l’environnement, de la santé et du développement des énergies renouvelables. Il en résulterait, selon eux, une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif ainsi que des exigences découlant des articles 1er, 2, 5 et 6 de la Charte de l’environnement. 60. L’article L. 411-1 du code de l’environnement interdit toute atteinte aux espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées ainsi que la destruction, l’altération ou la dégradation d’habitats naturels ou des habitats de ces espèces, lorsqu’un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l’écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient leur conservation. En application du c du 4° du paragraphe I de l’article L. 411-2 du même code, des dérogations à ces interdictions peuvent être délivrées, sous certaines conditions, dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impérieuses d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique. 61. Les dispositions contestées prévoient que la réalisation de certains réacteurs électronucléaires est constitutive d’une raison d’intérêt public majeur. 62. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a, ainsi qu’il a été dit au paragraphe 28, mis en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l’indépendance de la Nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique, et poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement. 63. En second lieu, la présomption instituée par les dispositions contestées ne dispense pas les projets de réalisation de réacteurs électronucléaires auxquels elle s’applique du respect des autres conditions prévues pour la délivrance d’une dérogation aux interdictions prévues par l’article L. 411-1 du code de l’environnement. À cet égard, l’autorité administrative compétente s’assure, sous le contrôle du juge, qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. 64. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées ne méconnaissent pas l’article 1er de la Charte de l’environnement. 65. Par conséquent, l’article 12 de la loi déférée, qui ne méconnaît pas non plus les articles 2, 5 et 6 de la Charte de l’environnement, ni le droit à un recours juridictionnel effectif, ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution. - Sur certaines dispositions de l’article 13 : 66. Le paragraphe I de l’article 13 prévoit que la réalisation d’un réacteur électronucléaire n’est pas soumise aux dispositions relatives à l’aménagement et à la protection du littoral prévues par le code de l’urbanisme. 67. Les députés requérants critiquent l’ampleur de la dérogation introduite par ces dispositions au motif qu’elle permettrait de faire obstacle à l’application de l’ensemble des règles d’aménagement et de protection du littoral pour la réalisation d’un réacteur électronucléaire. Ils reprochent, en outre, à ces dispositions de ne pas conditionner cette dérogation à la prise en compte des risques pour l’environnement pouvant résulter de la présence de réacteurs électronucléaires sur des sites soumis à des aléas météorologiques, des risques naturels ou au recul du trait de côte. Il en résulterait une méconnaissance des articles 1er et 2 de la Charte de l’environnement. 68. S’il est loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, il ne saurait priver de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé consacré par l’article 1er de la Charte de l’environnement. 69. Les limitations apportées par le législateur à l’exercice de ce droit doivent être liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi. 70. Le chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’urbanisme comporte les dispositions relatives à l’aménagement et à la protection du littoral. Les dispositions contestées de l’article 13 de la loi déférée prévoient que la réalisation d’un réacteur électronucléaire ainsi que les constructions, aménagements, équipements, installations et travaux liés à son exploitation ne sont pas soumis à ces règles. 71. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a, ainsi qu’il a été dit au paragraphe 28, mis en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l’indépendance de la Nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique, et poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement. 72. En deuxième lieu, conformément au paragraphe II de l’article 7, les dispositions contestées ne s’appliquent qu’aux projets de réalisation d’un réacteur électronucléaire dont l’implantation est envisagée à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base existante et pour lesquels une demande d’autorisation est déposée au cours des vingt ans qui suivent la promulgation de la loi. 73. En dernier lieu, ces dispositions ne font pas obstacle à l’application du régime légal relatif aux installations nucléaires prévu aux chapitres III et VI du titre IX du livre V du code de l’environnement, en vertu duquel il revient à l’exploitant de démontrer que, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, il a pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir ou limiter de manière suffisante les risques ou inconvénients que l’installation présente pour la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l’environnement. 74. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance de l’article 1er de la Charte de l’environnement doit être écarté. 75. Par conséquent, le paragraphe I de l’article 13 de la loi déférée, qui ne méconnaît pas non plus l’article 2 de la Charte de l’environnement ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution. - Sur l’article 14 : 76. L’article 14 de la loi déférée détermine les conditions dans lesquelles est délivrée une concession d’utilisation du domaine public maritime nécessaire à la réalisation d’un réacteur électronucléaire. 77. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de méconnaître le principe de participation du public garanti par l’article 7 de la Charte de l’environnement. Ils font également valoir que la réalisation d’un réacteur électronucléaire étant de nature à affecter de manière grave et irréversible l’environnement, ces dispositions méconnaîtraient les exigences résultant des articles 1er, 2, 3 et 5 de la Charte de l’environnement ainsi que son Préambule et l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement. Enfin, ils font valoir que ces dispositions seraient entachées d’incompétence négative au motif qu’elles ne déterminent pas les engagements de l’exploitant de la concession. 78. En premier lieu, l’article L. 2124-2 du code général de la propriété des personnes publiques prévoit que, en dehors des zones portuaires et industrialo-portuaires, et sauf pour l’exécution de certaines opérations qu’il énumère, il ne peut être porté atteinte à l’état naturel du rivage de la mer sauf pour des ouvrages ou installations liés à l’exercice d’un service public ou l’exécution d’un travail public dont la localisation au bord de mer s’impose pour des raisons topographiques ou techniques impératives et qui ont donné lieu à une déclaration d’utilité publique. 79. Par dérogation à ces dispositions, l’article 14 de la loi déférée prévoit que la concession d’utilisation du domaine public maritime nécessaire à la réalisation d’un réacteur électronucléaire ne donne pas lieu à une déclaration d’utilité publique mais est délivrée à l’issue d’une enquête publique et approuvée par décret en Conseil d’État. 80. Il résulte des termes mêmes du dernier alinéa de l’article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques auquel renvoient les dispositions contestées que cette enquête publique est réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement relatif à la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement. 81. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 7 de la Charte de l’environnement doit être écarté. 82. En deuxième lieu, en ne définissant pas lui-même le contenu du cahier des charges de la concession d’utilisation du domaine public, le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence. 83. En dernier lieu, ces dispositions, qui se bornent à prévoir les conditions de délivrance d’une concession d’utilisation du domaine public maritime, n’ont ni pour objet ni pour effet de déterminer les règles de réalisation ou d’exploitation d’un réacteur électronucléaire. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 1er de la Charte de l’environnement ne peut qu’être écarté. 84. Il résulte de ce qui précède que l’article 14, qui ne méconnaît pas non plus les articles 2, 3 et 5 de la Charte de l’environnement ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution. - Sur l’article 15 : 85. L’article 15 de la loi déférée autorise le recours à une procédure spéciale d’expropriation avec prise de possession immédiate des biens dont l’acquisition est nécessaire à la réalisation d’un réacteur électronucléaire. 86. Les députés requérants soutiennent que ces dispositions priveraient les propriétaires de leurs biens sans prévoir le versement d’une juste et préalable indemnité, en méconnaissance des articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789. 87. Aux termes de l’article 17 de la Déclaration de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ». Afin de se conformer à ces exigences constitutionnelles, la loi ne peut autoriser l’expropriation d’immeubles ou de droits réels immobiliers que pour la réalisation d’une opération dont l’utilité publique a été légalement constatée. La prise de possession par l’expropriant doit être subordonnée au versement préalable d’une indemnité. Pour être juste, l’indemnisation doit couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l’expropriation. En cas de désaccord sur la fixation du montant de l’indemnité, l’exproprié doit disposer d’une voie de recours appropriée. 88. Toutefois, l’octroi par la collectivité expropriante d’une provision représentative de l’indemnité due n’est pas incompatible avec le respect de ces exigences si un tel mécanisme répond à des motifs impérieux d’intérêt général et est assorti de la garantie des droits des propriétaires intéressés. 89. En application de l’article L. 220-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, le transfert de propriété des immeubles faisant l’objet d’une procédure d’expropriation doit en principe être opéré, à défaut de cession amiable, par voie d’ordonnance du juge de l’expropriation. Cette ordonnance envoie alors l’expropriant en possession, sous réserve qu’il ait procédé au paiement de l’indemnité. Les articles L. 522-1 à L. 522-4 du même code instituent une procédure spéciale d’expropriation applicable à certains travaux pour l’exécution desquels la prise de possession des biens peut être autorisée par décret après le paiement d’une provision. 90. Les dispositions contestées de l’article 15 de la loi déférée rendent cette procédure applicable à la réalisation d’un réacteur électronucléaire et fixent le délai maximal dans lequel doit intervenir le décret autorisant la prise de possession. 91. En premier lieu, en vue de mettre en œuvre les exigences constitutionnelles mentionnées au paragraphe 28, ces dispositions permettent la prise de possession d’immeubles, bâtis ou non bâtis, nécessaires à la réalisation d’un réacteur électronucléaire dont l’implantation est envisagée à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base existante et ayant fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique. La procédure spéciale d’expropriation à laquelle il peut ainsi être recouru ne peut être mise en œuvre que lorsque l’exécution des travaux risque d'être retardée par des difficultés tenant à la prise de possession. 92. En second lieu, d’une part, la prise de possession ne peut avoir lieu qu’après le paiement provisionnel au propriétaire ou, en cas d’obstacle au paiement, à la consignation d’une somme égale à l’évaluation de l’autorité administrative compétente pour l’effectuer ou à l’offre de l’autorité expropriante, si celle-ci est supérieure. 93. D’autre part, cette prise de possession ne peut légalement intervenir qu’après avoir été autorisée par décret pris sur l’avis conforme du Conseil d’État, que l’exproprié peut contester devant le juge administratif, y compris en référé, au même titre que les actes de la phase administrative de la procédure d’expropriation. 94. En outre, il revient en tout état de cause au juge de l’expropriation, qui peut être saisi à l’initiative du propriétaire, de fixer le montant de l’indemnité définitive et d’attribuer, le cas échéant, une indemnité spéciale tenant compte du préjudice causé par la rapidité de la procédure. 95. Dès lors, le tempérament apporté à la règle du caractère préalable de l’indemnisation répond à des motifs impérieux d’intérêt général et est assorti de la garantie des droits des propriétaires intéressés. Le grief tiré de la méconnaissance de l’article 17 de la Déclaration de 1789 doit donc être écarté. 96. L’article 15, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution. - Sur le paragraphe I de l’article L. 593-7 du code de l’environnement : 97. Le paragraphe I de l’article L. 593-7 du code de l’environnement prévoit que la création d’une installation nucléaire de base est soumise à une autorisation. 98. Les députés requérants soutiennent que l’article 20 de la loi déférée serait indissociable de ces dispositions dont il tirerait les conséquences nécessaires. Ils demandent par conséquent au Conseil constitutionnel d’examiner la conformité à la Constitution du paragraphe I de l’article L. 593-7 du code de l’environnement auquel ils reprochent de méconnaître les articles 1er, 2 et 3 de la Charte de l’environnement. 99. La conformité à la Constitution d’une loi déjà promulguée peut être appréciée à l’occasion de l’examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine. 100. Les dispositions de l’article 20 de la loi déférée se bornent à modifier les dispositions de l’article L. 593-19 du code de l’environnement fixant les conditions dans lesquelles il est procédé au réexamen d’une installation nucléaire de base au-delà de la trente-cinquième année de fonctionnement d’un réacteur électronucléaire. 101. Elles ne modifient pas les dispositions déjà promulguées du paragraphe I de l’article L. 593-7 du code de l’environnement qui est relatif aux conditions dans lesquelles est délivrée une autorisation de création et de mise en service d’une installation nucléaire de base. Elles ne les complètent pas davantage, ni n’en affectent le domaine d’application. Les conditions dans lesquelles la conformité à la Constitution de ces dispositions peut être utilement contestée ne sont donc pas réunies. - Sur l’article 26 : 102. L’article 26 de la loi déférée modifie les articles L. 1333‑13‑12 à L. 1333‑13‑15 et L. 1333‑13‑18 du code de la défense afin d’aggraver le quantum des peines réprimant certaines atteintes aux règles relatives à la protection des installations nucléaires contre les intrusions. 103. Les députés requérants soutiennent que ces dispositions, de nature pénale, n’auraient pas leur place dans la loi au motif qu’elles auraient été introduites en première lecture selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution. Ils estiment en outre que cet article méconnaîtrait le principe de nécessité des peines et instituerait des sanctions manifestement disproportionnées au regard de la gravité des faits réprimés. 104. Introduit en première lecture, cet article ne présente pas de lien, même indirect, avec les dispositions de l’article 9 du projet de loi initial, relatif au réexamen périodique de certaines installations nucléaires, ni avec celles de son article 10, relatif à leurs conditions d’arrêt. Il ne présente pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre grief et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires. - Sur les autres dispositions dont la place dans la loi déférée est contestée : . En ce qui concerne l’article 3 : 105. L’article 3 modifie plusieurs dispositions du code de l’énergie afin de prendre en compte l’hydrogène bas-carbone dans les objectifs de la politique énergétique nationale et dans la programmation pluriannuelle de l’énergie. 106. Les députés requérants soutiennent que cet article n’a pas sa place dans la loi déférée au motif qu’il aurait été adopté selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution. 107. Introduit en première lecture, cet article, qui modifie des dispositions programmatiques pour y inclure des objectifs relatifs à l’hydrogène bas-carbone, ne présente pas de lien, même indirect, avec les dispositions précitées des articles 9 et 10 du projet de loi initial. Il ne présente pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de leur conformité aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, ces dispositions lui sont donc contraires. . En ce qui concerne l’article 24 : 108. L’article 24 de la loi déférée modifie l’article L. 592-12 du code de l’environnement afin de permettre à l’Autorité de sûreté nucléaire d’employer certains fonctionnaires et de recruter des agents contractuels de droit public et de droit privé. 109. Les députés requérants soutiennent que cet article n’a pas sa place dans la loi déférée au motif qu’il aurait été adopté selon une procédure contraire à l’article 45 de la Constitution. 110. Introduit en première lecture, cet article ne présente pas de lien, même indirect, avec les dispositions précitées des articles 9 et 10 du projet de loi initial. Il ne présente pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat. Dès lors, sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de leur conformité aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, ces dispositions lui sont donc contraires. - Sur d’autres dispositions de la loi déférée : 111. L’article 17 prévoit que le Gouvernement doit présenter certaines informations sur l’implantation de réacteurs électronucléaires. 112. La séparation des pouvoirs résulte de l’article 16 de la Déclaration de 1789. Aux termes du premier alinéa de l’article 20 de la Constitution : « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ». Le principe de la séparation des pouvoirs s’applique à l’égard du Gouvernement. 113. L’article 17 impose au Gouvernement d’établir, avant le dépôt du projet de loi prévu en application du paragraphe I de l’article L. 100‑1 A du code de l’énergie, une carte et une liste des sites potentiels d’installation de petits réacteurs modulaires d’une puissance installée supérieure à 150 mégawatts. Dans ce cadre, le Gouvernement doit présenter un bilan des avantages et des inconvénients de chacun des sites concernés et s’appuyer sur une consultation des collectivités territoriales et de leurs groupements volontaires. 114. Il est loisible au législateur de prévoir des dispositions assurant l’information du Parlement afin de lui permettre, conformément à l’article 24 de la Constitution, de contrôler l’action du Gouvernement et d’évaluer les politiques publiques. Toutefois, en subordonnant le dépôt d’un projet de loi à l’établissement de certains documents par le Gouvernement, le législateur a méconnu le principe de séparation des pouvoirs et l’article 20 de la Constitution. Dès lors, l’article 17 est contraire à la Constitution. - Sur la place d’autres dispositions dans la loi déférée : 115. L’article 4 modifie le contenu de la loi déterminant les objectifs et fixant les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique, prévue par l’article L. 100-1 A du code de l’énergie, et procède à une coordination à l’article L. 311-5-7 du même code. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles précitées des articles 9 et 10 du projet de loi initial. 116. Le paragraphe III de l’article 9 prévoit que, avant le 1er janvier 2024, une loi détermine les modalités dérogatoires de la prise en compte, au sein des documents de planification et d’urbanisme, au titre des obligations prévues par la loi du 22 août 2021 mentionnée ci-dessus, de l’artificialisation des sols et de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers résultant des grands projets d’envergure nationale. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles de l’article 3 du projet de loi initial, relatif à la simplification des régimes d’autorisation pour les projets de réacteurs électronucléaires et leurs équipements, ni avec celles de son article 5, prévoyant une dérogation aux règles d’aménagement et de protection du littoral pour la réalisation de ces projets. 117. L’article 19 de la loi déférée prévoit que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux besoins humains et financiers de l’Autorité de sûreté nucléaire, de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles précitées des articles 9 et 10 du projet de loi initial. 118. L’article 25 de la loi déférée modifie les règles de parité applicables à la composition du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles précitées des articles 9 et 10 du projet de loi initial. 119. L’article 27 de la loi déférée prévoit que le rapport annuel établi par l’Autorité de sûreté nucléaire comporte un compte rendu de l’activité de la commission des sanctions de cette autorité. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles précitées des articles 9 et 10 du projet de loi initial. 120. L’article 29 de la loi déférée prévoit que, avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2025, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les recettes fiscales liées aux réacteurs électronucléaires qui sont perçues par les collectivités territoriales. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles du paragraphe II de l’article 3 du projet de loi initial, qui visaient à assurer que les exploitants des réacteurs électronucléaires ayant bénéficié d’une dispense d’autorisation d’urbanisme en application de cet article demeurent redevables de la taxe d’aménagement. 121. Ces dispositions ne présentent pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat. 122. Sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires. - Sur les autres dispositions : 123. Le Conseil constitutionnel n’a soulevé d’office aucune autre question de conformité à la Constitution et ne s’est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes : - les articles 3 et 4 ; - le paragraphe III de l’article 9 ; - les articles 17, 19, 24 à 27 et 29. Article 2. - Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la même loi : - l’article 1er ; - les paragraphes II et VI de l’article 7 ; - le paragraphe II de l’article 8 ; - les deuxième et troisième alinéas du paragraphe I de l’article 9 ; - l’article 12 ; - le paragraphe I de l’article 13 ; - les articles 14 et 15. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 21 juin 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 17 février 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 8 février 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Arthur MEYER-ABBATUCCI, candidat aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 7e circonscription du département des Alpes-Maritimes, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6258 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par M. MEYER-ABBATUCCI, enregistrées les 15 mars et 12 avril 2023 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Il ressort également de l’article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n’est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n’excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l’article L. 52-5 ou de l’article L. 52-6. 2. Le compte de campagne de M. MEYER-ABBATUCCI a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 8 février 2023 pour défaut de présentation du compte par un membre de l’ordre des experts-comptables. 3. Cette circonstance est établie. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a considéré que le compte de campagne de M. MEYER-ABBATUCCI n’avait pas été présenté dans les conditions prévues par l’article L. 52-12 du code électoral. 4. L’article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12. 5. Postérieurement à la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, M. MEYER-ABBATUCCI a produit la certification de son compte par un membre de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés. Il n’y a pas lieu, par suite, de prononcer son inéligibilité. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Il n’y a pas lieu de déclarer M. Arthur MEYER-ABBATUCCI inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 22 juin 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 16 février 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 8 février 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de Mme Caroline PRIVAT MATTIONI, candidate aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 2e circonscription du département des Vosges, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6219 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs notamment le troisième alinéa de son article 9-1 ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par Mme PRIVAT MATTIONI, enregistrées le 7 mars 2023 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l’article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n’est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n’excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l’article L. 52-5 ou de l’article L. 52-6. 2. L’article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12. 3. Mme PRIVAT MATTIONI a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés à l’issue du scrutin dont le premier tour s’est tenu le 12 juin 2022. Le délai pour déposer son compte de campagne expirait le 19 août 2022 à 18 heures. Or, Mme PRIVAT MATTIONI a déposé son compte de campagne le 26 septembre 2022, soit après l’expiration de ce délai. 4. Si Mme PRIVAT MATTIONI fait valoir que son mandataire financier aurait opéré une confusion avec la date de dépôt du compte de campagne prévue pour l’élection des députés représentant les Français établis hors de France, cette circonstance n’est pas de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12. 5. Dès lors, les conclusions de Mme PRIVAT MATTIONI tendant à la réformation de la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ne peuvent qu’être rejetées et, compte tenu de ce manquement, il y a lieu de prononcer l’inéligibilité de Mme PRIVAT MATTIONI à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Mme Caroline PRIVAT MATTIONI est déclarée inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d’un an à compter de la présente décision. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et François SÉNERS. Rendu public le 22 juin 2023.
CONSTIT/CONSTEXT000047748766.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 15 décembre 2022 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 24 novembre 2022), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Jean-Hubert LELIÈVRE, candidat aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 2e circonscription du département de la Charente, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5931 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs notamment le troisième alinéa de son article 9-1 ; Au vu des pièces suivantes : - les pièces du dossier desquelles il résulte que communication de la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a été donnée à M. LELIÈVRE, qui n’a pas produit d’observations ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l’article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n’est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n’excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l’article L. 52-5 ou de l’article L. 52-6. 2. L’article L.O. 136-1 du même code dispose que le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12. Le dépôt tardif ou irrégulier par un candidat de son compte de campagne constitue, en principe, un manquement de nature à justifier une déclaration d’inéligibilité. 3. M. LELIÈVRE a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés à l’issue du scrutin dont le premier tour s’est tenu le 12 juin 2022. Le délai pour déposer son compte de campagne expirait donc le 19 août 2022 à 18 heures. M. LELIÈVRE a déposé son compte de campagne le 3 octobre 2022, soit après l’expiration de ce délai. En outre, les recettes du compte de campagne font apparaître un don émanant d’une personne morale en méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 52-8 du code électoral. 4. Il ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12.  Dès lors, eu égard au cumul et au caractère substantiel des obligations méconnues, dont M. LELIÈVRE ne pouvait ignorer la portée, il y a lieu de prononcer l’inéligibilité de M. LELIÈVRE à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - M. Jean-Hubert LELIÈVRE est déclaré inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée de trois ans à compter de la présente décision. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et François SÉNERS. Rendu public le 22 juin 2023.
CONSTIT/CONSTEXT000047748772.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 8 février 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 30 janvier 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de Mme Nathalie KRAWEZYNSKI       , candidate aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 3e circonscription du département de la Savoie, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6131 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour Mme KRAWEZYNSKI, par M. Jérôme Léron, avocat au barreau de Versailles, enregistrées le 14 mars 2023 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l’article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n’est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n’excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l’article L. 52-5 ou de l’article L. 52-6. 2. Le compte de campagne de Mme KRAWEZYNSKI a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au motif qu’elle avait présenté des pièces justificatives incomplètes ne permettant pas d’attester de la réalité et de la régularité de l’ensemble des opérations réalisées et n’avait produit aucun relevé bancaire, le relevé des opérations téléchargé sur le site internet de la banque ne constituant pas un justificatif suffisant. 3. Ces circonstances sont établies. Si Mme KRAWEZYNSKI soutient, dans ses observations, n’avoir reçu aucun des trois courriers recommandés par lesquels la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques l’avait invitée à fournir des pièces justificatives complémentaires et informée des griefs sur lesquels elle était susceptible de fonder sa décision de rejet de son compte de campagne, il résulte toutefois de l’instruction que ces courriers ont été envoyés à l’adresse mentionnée sur le compte de campagne qui est la seule dont la Commission avait connaissance. La candidate n’établit pas, par ailleurs, avoir pris les précautions nécessaires pour que le courrier lui soit adressé à sa nouvelle adresse, faute de produire le contrat de réexpédition souscrit auprès de La Poste. Dès lors, Mme KRAWEZYNSKI, qui n’a pas informé en temps utile la Commission de son changement d’adresse, n’est pas fondée à soutenir que cette dernière n’aurait pas respecté le caractère contradictoire de la procédure. 4. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de Mme KRAWEZYNSKI. 5. L’article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12. 6. Si Mme KRAWEZYNSKI produit devant le Conseil constitutionnel ses relevés bancaires, elle ne produit pas les autres pièces justificatives manquantes. Dès lors, compte tenu de ce manquement, il y a lieu de prononcer l’inéligibilité de Mme KRAWEZYNSKI à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Mme Nathalie KRAWEZYNSKI est déclarée inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d’un an à compter de la présente décision. Article 2. -  Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 22 juin 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 28 juin 2022 d’une requête présentée par Me Thomas Laval, avocat au barreau de Paris, pour M. Bruno CLAVET, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la 3ème circonscription du département du Pas-de-Calais, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 12 et 19 juin 2022 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5775 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - les mémoires en défense présentés pour M. Jean-Marc TELLIER, député, par Me Jean-Louis Peru, avocat au barreau de Paris, enregistrés les 18 octobre et 28 novembre 2022 ; - le mémoire en réplique présenté pour M. CLAVET par Me Laval, enregistré le 14 novembre 2022 ; - le mémoire en réplique présenté pour M. CLAVET par Me Laval, enregistré le 30 novembre 2022, qui, en application du quatrième alinéa de l'article 9 du règlement mentionné ci-dessus, n'a pas été communiqué ; - la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 13 octobre 2022 approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. TELLIER ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : - Sur les griefs relatifs à la campagne électorale : 1. Aux termes de l’article L. 51 du code électoral : « Pendant la durée de la période électorale, dans chaque commune, des emplacements spéciaux sont réservés par l’autorité municipale pour l’apposition des affiches électorales. / Dans chacun de ces emplacements, une surface égale est attribuée à chaque candidat, chaque binôme de candidats ou à chaque liste de candidats. / Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, tout affichage relatif à l’élection, même par affiches timbrées, est interdit en dehors de cet emplacement ou sur l’emplacement réservé aux autres candidats, ainsi qu’en dehors des panneaux d’affichage d’expression libre lorsqu’il en existe. / En cas d’affichage électoral apposé en dehors des emplacements prévus au présent article, le maire ou, à défaut, le préfet peut, après une mise en demeure du ou des candidats en cause, procéder à la dépose d’office des affiches ». 2. L’utilisation par M. TELLIER, candidat élu, d’un véhicule comportant un affichage électoral, ainsi que l’apposition d’affiches électorales sur des locaux utilisés pour sa campagne électorale, dénoncées par le requérant, sont constitutives d’une irrégularité. Toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que cette irrégularité aurait revêtu un caractère massif, prolongé ou répété. Elle ne peut dès lors avoir altéré la sincérité du scrutin. 3. Aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ». 4. Contrairement à ce que soutient le requérant, la page Facebook au nom de « Jean-Marc Tellier », utilisée à titre personnel par M. TELLIER en sa qualité de maire de la commune d’Avion, ne constitue pas la page officielle de cette commune sur ce réseau social, quand bien même un lien vers le site internet de la commune et un numéro de téléphone de la commune figurent parmi les informations renseignées par M. TELLIER sur cette page. Il ne résulte en outre pas de l’instruction que cette page personnelle de M. TELLIER aurait été administrée par des agents de la commune d’Avion agissant en cette qualité. Les griefs tirés de ce que les publications figurant sur cette page Facebook constitueraient une participation de la commune d’Avion au financement de la campagne de M. TELLIER, en méconnaissance des dispositions précitées de l’article L. 52-1 du code électoral, et un manquement des agents de la commune à leur devoir de neutralité ne peuvent donc qu’être écartés. - Sur le grief relatif aux opérations de vote : 5. Aux termes du dernier alinéa de l’article L. 62-1 du code électoral : « Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom sur la liste d’émargement ». Aux termes du second alinéa de l’article L. 64 du même code : « Lorsqu’un électeur se trouve dans l’impossibilité de signer, l’émargement prévu par le troisième alinéa de l’article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : "l’électeur ne peut signer lui-même" ». Il ressort de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l’encre, d’un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d’impossibilité dûment mentionnée sur la liste d’émargement. 6. Le requérant soutient que cent quatre-vingt-huit suffrages ont été irrégulièrement exprimés, aux motifs que des signatures sur les listes d’émargement présentent des différences significatives entre les deux tours de scrutin, que des signatures lors du second tour de scrutin sont identiques entre deux ou plusieurs électeurs et enfin que des électeurs ont apposé une croix dans la liste d’émargement sans que ne figure la mention « l’électeur ne peut signer lui-même ». 7. Il résulte toutefois de l’instruction, et notamment de l’examen des listes d’émargement des bureaux de vote concernés, que seules quatre signatures, respectivement dans les bureaux de vote n° 5 de la commune de Billy-Montigny et nos 1, 4 et 6 de la commune de Sallaumines, comportent des différences significatives entre les deux tours de scrutin qui ne sont pas justifiées. En revanche, les autres signatures contestées par le requérant soit ne comportent pas les irrégularités alléguées, soit ont été justifiées par les électeurs concernés, qui ont attesté avoir pris personnellement part au scrutin et avoir signé la liste d’émargement. 8. Par ailleurs, la circonstance que le nombre des émargements reporté sur le procès-verbal des opérations de vote du bureau de vote n° 3 de la commune d’Avion et le nombre des procurations indiqué sur le procès-verbal du bureau centralisateur de cette commune seraient erronés et que le nombre des émargements n’a pas été reporté sur le procès-verbal du bureau de vote n° 5 de la commune de Lens n’est pas de nature, par elle-même, à entraîner l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans ces bureaux de vote et dans ces communes. Les griefs ainsi soulevés par M. CLAVET, qui ne soutient pas que des suffrages n’auraient à tort pas été pris en compte pour le calcul des voix obtenues par chaque candidat, ne peuvent qu’être écartés. 9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. CLAVET doit être rejetée. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. -  La requête de M. Bruno CLAVET est rejetée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 janvier 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 27 janvier 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 28 juin 2022 d’une requête présentée par Me Étienne Tête, avocat au barreau de Lyon, pour M. Arnaud BONNET, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la 8e circonscription de Seine-et-Marne, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 12 et 19 juin 2022 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5769 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par le ministre de l’intérieur et des outre-mer, enregistrées le 14 septembre 2022 ; - les mémoires en défense présentés pour M. Hadrien GHOMI, député, par Me Jérôme Léron, avocat au barreau de Versailles, enregistrés les 18 octobre 2022 et 25 novembre 2022 ; - le mémoire en réplique présenté pour M. BONNET, enregistré le 3 novembre 2022 ; - la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 5 octobre 2022 approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. GHOMI ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu les parties et leurs conseils ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. En premier lieu, M. BONNET soutient qu’un tract particulièrement injurieux et diffamatoire a été distribué le vendredi précédant le second tour de scrutin. Il résulte toutefois de l’instruction que ce tract, qui a d’ailleurs circulé dès le mercredi 15 juin et dont le contenu portait uniquement sur les programmes respectifs de la majorité présidentielle et de la NUPES, n’excédait nullement les limites de la polémique électorale. 2. En deuxième lieu, en soulevant un grief tiré de la différence entre le nombre des enveloppes et bulletins trouvés dans l’urne et le nombre des émargements qui apparaissent sur les procès-verbaux de recensement des votes de certains bureaux, le requérant a saisi le Conseil constitutionnel de l’ensemble des opérations de décompte des suffrages exprimés dans les bureaux de vote qui font l’objet d’une contestation. Il appartient au Conseil constitutionnel, compte tenu du très faible écart des voix, d’examiner les listes d’émargement et les procès-verbaux de ces bureaux de vote et d’opérer les redressements nécessaires. 3. Le requérant fait valoir que la différence entre le nombre des enveloppes et bulletins trouvés dans l’urne et le nombre des émargements serait de trois dans le bureau de vote n° 7 de la commune de Bussy-Saint-Georges, de un dans le bureau de vote n° 3 de la commune de Montévrain ainsi que de un dans le bureau de vote n° 1 de la commune de Chanteloup-en-Brie. 4. La différence invoquée dans le bureau de la commune de Montévrain est expliquée par l’oubli d’un émargement dans le décompte effectué à l’issue du second tour et l’une des différences invoquée dans le bureau de la commune de Bussy-Saint-Georges est expliquée par la circonstance qu’au second tour, un électeur a émargé par erreur à l’emplacement correspondant au premier tour. En revanche, en raison des autres différences constatées, il y a lieu de réduire de trois voix le nombre de suffrages recueillis par M. GHOMI, candidat arrivé en tête. 5. En troisième lieu, aux termes du dernier alinéa de l’article L. 62-1 du code électoral : « Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom sur la liste d’émargement ». Aux termes du second alinéa de l’article L. 64 du même code : « Lorsqu’un électeur se trouve dans l’impossibilité de signer, l’émargement prévu par le troisième alinéa de l’article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : "l’électeur ne peut signer lui-même" ». Il ressort de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l’encre, d’un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d’impossibilité dûment mentionnée sur la liste d’émargement. 6. M. BONNET soutient que sept signatures figurant, pour les deux tours de scrutin, en marge du nom d’un même électeur présentent des différences établissant que le vote n’a pas été effectué par l’électeur. Il résulte toutefois de l’instruction, notamment de l’examen des listes d’émargement originales des bureaux de vote concernés, que les différences alléguées ne présentent pas un caractère anormal permettant de douter de l’authenticité des votes en cause. Au surplus, six des sept électeurs concernés ont reconnu formellement avoir voté en personne aux deux tours et avoir signé les listes d’émargement. 7. En quatrième lieu, M. BONNET, dans le dernier état de ses écritures, allègue que ne figurent pas sur les listes d’émargement du bureau de vote n° 1 de la commune de Chanteloup-en-Brie les mentions obligatoires en matière de vote par procuration, en particulier le nom du mandataire, apposé aux côtés du nom du mandant, comme le prévoit l’article R. 76-1 du code électoral. Toutefois, dans le premier cas invoqué, il ne résulte pas de l’instruction, et notamment de l’attestation produite par la personne qui a reçu procuration, que l’omission de l’indication du nom du mandataire aurait été à l’origine d’un vote irrégulier et, dans le second cas invoqué, l’électrice n’avait donné procuration que pour le premier tour de scrutin, ce qui prive de portée les critiques portant sur son émargement au titre du second tour. 8. En cinquième lieu, le grief tiré de l’irrégularité d’un émargement opéré par apposition d’une croix dans le bureau de vote n° 7 de la commune de Bussy-Saint-Georges n’est pas recevable, faute pour M. BONNET d’avoir soulevé, pour ce même bureau de vote, avant l’expiration du délai de recours, un grief tiré d’irrégularités dans les émargements. 9. En sixième lieu, M. GHOMI n’est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir qu’un bulletin comportant une déchirure en son centre a été, à tort, compté comme nul, dès lors que cette déchirure est, en l’espèce, susceptible de constituer un signe de reconnaissance. 10. Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a seulement lieu de déduire trois voix tant du nombre de voix obtenues par M. GHOMI, candidat proclamé élu, que du nombre de suffrages exprimés. Ces rectifications ne modifient pas l’ordre des candidats au second tour, M. GHOMI conservant une avance d’une voix. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête de M. BONNET LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. -  La requête de M. Arnaud BONNET est rejetée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 janvier 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 20 janvier 2023
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 8 février 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 19 janvier 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de Mme Annie-Claude dite Saphia BOUCHER, candidate aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 4e circonscription du département de La Réunion, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6134 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par Mme BOUCHER, enregistrées les 3 et 8 mars 2023 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l’article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n’est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n’excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l’article L. 52-5 ou de l’article L. 52-6. 2. Le compte de campagne de Mme BOUCHER a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 19 janvier 2023 pour plusieurs motifs. D’une part, si le compte de campagne déposé ne présentait ni dépense ni recette, six factures de location de véhicule, pour un montant total de 2 365,80 euros, n’ont pas été inscrites au compte de campagne et la preuve de leur paiement effectif n’a de surcroît pas été apportée à la date limite de dépôt des comptes de campagne, le compte apparaissant ainsi en déficit. D’autre part, aucun relevé bancaire n’a été joint au compte de campagne ou envoyé à la Commission dans le cadre de la procédure contradictoire. En outre, le compte de campagne n’a pas été présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables alors même que la candidate a obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés. 3. Il résulte de l’instruction que ces circonstances sont établies. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de Mme BOUCHER. 4. L’article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12. 5. Dans ses observations, Mme BOUCHER soutient que les factures litigieuses auraient été prises en charge par son parti. Toutefois, même dans cette hypothèse, ces factures auraient dû être ajoutées aux dépenses du compte de campagne, au titre des concours en nature des partis politiques. Par ailleurs, si elle fait état de difficultés rencontrées pour l’établissement de son compte de campagne qu’elle impute notamment à son mandataire financier et au délégué départemental de son parti, elle ne conteste pas les autres manquements qui lui sont reprochés. 6. Il ne résulte pas de l'instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l'article L. 52-12. Dès lors, compte tenu de la particulière gravité de ces manquements et de leur cumul, il y a lieu de prononcer l’inéligibilité de Mme BOUCHER à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Mme Annie-Claude dite Saphia BOUCHER est déclarée inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée de trois ans à compter de la présente décision. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 22 juin 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 21 décembre 2022 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 15 décembre 2022), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Jean-Marie DAURES, candidat aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 3e circonscription du département de l’Aveyron, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5940 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs notamment le troisième alinéa de son article 9-1 ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par M. DAURES, enregistrées le 9 janvier 2023 et, en réponse à une mesure d’instruction ordonnée par le Conseil constitutionnel, le 21 février 2023 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l’article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n’est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n’excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l’article L. 52-5 ou de l’article L. 52-6. 2. L’article L.O. 136-1 du code électoral dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12. 3. Alors que M. DAURES a obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés à l’issue du scrutin dont le premier tour s’est tenu le 12 juin 2022, son compte de campagne n’a pas été présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables. 4. Cette circonstance est établie. C’est donc à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a considéré que le compte de campagne de M. DAURES n’avait pas été présenté dans les conditions prévues par l’article L. 52-12 du code électoral. 5. Toutefois, postérieurement à la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, M. DAURES a produit la certification de son compte par un membre de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés. Il n’y a pas lieu, par suite, de prononcer son inéligibilité. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Il n’y a pas lieu de déclarer M. Jean-Marie DAURES inéligible en application des dispositions de l’article L.O. 136-1 du code électoral. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et François SÉNERS. Rendu public le 22 juin 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 31 janvier 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 16 janvier 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Cédric BRIOLAIS, candidat aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 10e circonscription du département des Yvelines, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6091 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour M. BRIOLAIS, par Me Jérôme Léron, avocat au barreau de Versailles, enregistrées le 20 février 2023 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l’article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n’est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n’excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l’article L. 52-5 ou de l’article L. 52-6. 2. L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières. L’intitulé du compte précise que le titulaire agit en qualité de mandataire financier du candidat, nommément désigné. 3. Le compte de campagne de M. BRIOLAIS a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au motif que le mandataire financier qu’il avait désigné n’a pas ouvert de compte bancaire, en violation des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 52-6 du code électoral. 4. Cette circonstance est établie. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte de campagne. 5. L’article L.O. 136-1 du code électoral dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. 6. Si M. BRIOLAIS invoque les difficultés auxquelles il s’est heurté pour obtenir l’ouverture d’un compte, il ressort des pièces produites que son mandataire financier n’a sollicité à cette fin un établissement bancaire que le 10 juin 2022 et que le refus qui a été opposé à sa demande est imputable à un manque de diligence à fournir les documents qui étaient exigés par l’établissement bancaire. Par ailleurs, le candidat ne justifie pas que son mandataire financier, qui n’a saisi le médiateur du crédit et la Banque de France que le 2 août 2022 après deux refus d’ouverture d’un compte, ait accompli toutes les diligences nécessaires auprès des établissements bancaires désignés par la Banque de France pour obtenir l’ouverture d’un compte. Enfin, s’il fait valoir que son parti a pris en charge l’ensemble de ses dépenses et que ce compte n’aurait dès lors retracé aucune opération, cette circonstance est sans incidence sur l’appréciation du manquement à l’obligation résultant de l’article L. 52-6. 7. Compte tenu de ce manquement, il y a lieu de prononcer l’inéligibilité de M. BRIOLAIS à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - M. Cédric BRIOLAIS est déclaré inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d’un an à compter de la présente décision. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 22 juin 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 1er février 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 19 janvier 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Flavio DALMAU, candidat aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 2e circonscription du département de l’Hérault, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6089 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par M. DALMAU, enregistrées le 13 février 2023 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l’article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n’est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n’excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l’article L. 52-5 ou de l’article L. 52-6. 2. L’article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12. 3. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté que M. DALMAU, qui a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés, n’a pas déposé de compte de campagne alors qu’il y était tenu dès lors qu’il n’avait pas restitué les carnets de reçus-dons délivrés à son mandataire en préfecture et ne pouvait donc pas être regardé comme n’ayant pas bénéficié de dons consentis par des personnes physiques. 4. L’absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques visées à l’article L. 52-8. 5. En l’espèce, il résulte de l’instruction que M. DALMAU qui a été contraint en juillet 2022 de quitter son domicile et ne peut plus depuis y accéder en raison d’un conflit familial, a été et demeure dans l’impossibilité matérielle de restituer les carnets de reçus-dons qui s’y trouvent. Dans les circonstances particulières de l’espèce, le manquement commis ne justifie pas que M. DALMAU soit déclaré inéligible sur le fondement de l’article L.O. 136-1 du code électoral. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Il n’y a pas lieu de déclarer M. Flavio DALMAU inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 22 juin 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 10 février 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 23 janvier 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Bahri CESUR, candidat aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 12e circonscription du département de Seine-Saint-Denis, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6154 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs notamment le troisième alinéa de son article 9-1 ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par M. CESUR, en réponse à la mesure d’instruction ordonnée par le Conseil constitutionnel, enregistrées le 21 février 2023 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l’article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n’est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n’excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l’article L. 52-5 ou de l’article L. 52-6. 2. L’article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12. 3. La Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques a constaté que M. CESUR, qui a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés, n’a pas déposé de compte de campagne alors qu’il y était tenu dès lors qu’il n’avait pas restitué les carnets de reçus-dons délivrés à son mandataire en préfecture et ne pouvait donc pas être regardé comme n’ayant pas bénéficié de dons consentis par des personnes physiques. 4. L’absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques visées à l’article L. 52-8. Cette présomption peut être combattue par tous moyens. 5. En l’espèce, il résulte de l’instruction que M. CESUR a restitué le 15 février 2023, les carnets de reçus-dons qu’il avait reçus à la préfecture de la Seine-Saint-Denis. 6. Par suite, il n’y a pas lieu de déclarer M. CESUR inéligible sur le fondement de l’article L.O. 136-1 du code électoral. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Il n’y a pas lieu de déclarer M. Bahri CESUR inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et François SÉNERS. Rendu public le 22 juin 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 14 février 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 1er février 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Frank TAPIRO, candidat aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 6e circonscription du département des Hauts-de-Seine, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6182 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par M. TAPIRO, enregistrées les 27 février, 24 et 28 avril 2023 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l’article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n’est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n’excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l’article L. 52-5 ou de l’article L. 52-6. 2. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 52-6 du code électoral : « Le candidat déclare par écrit à la préfecture de la circonscription électorale dans laquelle il se présente le nom du mandataire financier qu’il choisit. La déclaration doit être accompagnée de l’accord exprès du mandataire désigné. L’expert-comptable chargé de la présentation du compte de campagne ne peut exercer cette fonction ». En raison de la finalité poursuivie par ces dispositions, l’obligation ainsi faite au candidat de faire présenter son compte de campagne par un expert-comptable qui ne saurait être le mandataire constitue une formalité substantielle à laquelle il ne peut être dérogé. 3. L’article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12. 4. M. TAPIRO a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés à l’issue du scrutin dont le premier tour s’est tenu le 12 juin 2022. Le délai pour déposer son compte de campagne expirait le 19 août 2022 à 18 heures. Or, M. TAPIRO a déposé son compte de campagne le 2 septembre 2022, soit après l’expiration de ce délai. Par ailleurs, le compte de campagne déposé par M. TAPIRO auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a été présenté, en méconnaissance de l’article L. 52-6 du code électoral, par un expert-comptable qui était également son mandataire financier. 5. D’une part, si M. TAPIRO invoque le fait que son expert-comptable aurait été indisponible pour raisons de santé du 17 au 31 août 2022, cette circonstance n’est pas de nature à justifier la méconnaissance par le candidat de son obligation de dépôt de son compte de campagne dans le délai prévu à l’article L. 52-12 du code électoral. D’autre part, s’il était loisible à M. TAPIRO de régulariser la présentation de son compte en la faisant assurer par un autre membre de l’ordre des experts-comptables que son mandataire financier, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques n’était pas tenue de l’inviter à le faire, contrairement à ce qu’il soutient. 6. Dès lors, eu égard au cumul et au caractère substantiel des obligations méconnues, et sans que M. TAPIRO soit fondé à invoquer une méconnaissance des droits de la défense, il y a lieu de prononcer l’inéligibilité de M. TAPIRO à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - M. Frank TAPIRO est déclaré inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée de trois ans à compter de la présente décision. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 22 juin 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 15 février 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 6 février 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Raymond DELERIA, candidat aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 7e circonscription du département des Bouches-du-Rhône, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6213 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - les pièces du dossier desquelles il résulte que communication de la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a été donnée à M. DELERIA, qui n’a pas produit d’observations ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. Les personnes morales, à l’exception des partis et groupements politiques ainsi que des établissements de crédit ou sociétés de financement ayant leur siège social dans un Etat membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, ne peuvent ni consentir des prêts à un candidat, ni lui apporter leur garantie pour l’obtention de prêts ». 2. Par sa décision du 6 février 2023, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. DELERIA au motif qu’il a perçu d’une société commerciale un don de 1 000 euros. 3. Cette circonstance est établie et n’est pas contestée. Par suite, c’est à bon droit que, eu égard à la nature et au montant de cet avantage, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. DELERIA. 4. En vertu de l’article L.O. 136-1 du code électoral, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible, pour une durée maximale de trois ans, le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. 5. Compte tenu du manquement commis par M. DELERIA, il y a lieu de prononcer son inéligibilité à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - M. Raymond DELERIA est déclaré inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d’un an à compter de la présente décision. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 22 juin 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 16 février 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 1er février 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Adrien LEVEQUE, candidat aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 5e circonscription du département de la Somme, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6231 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs notamment le troisième alinéa de son article 9-1 ; Au vu des pièces suivantes : - les pièces du dossier desquelles il résulte que communication de la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a été donnée à M. LEVEQUE, qui n’a pas produit d’observations ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l’article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n’est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n’excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l’article L. 52-5 ou de l’article L. 52-6. 2. L’article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12. 3. M. LEVEQUE a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés à l’issue du scrutin dont le premier tour s’est tenu le 12 juin 2022. À l’expiration du délai prévu à l’article L. 52-12 du code électoral, il n’a pas déposé de compte de campagne alors qu’il y était tenu. 4. Il ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12. Dès lors, compte tenu de la particulière gravité de ce manquement, il y a lieu de prononcer l’inéligibilité de M. LEVEQUE à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - M. Adrien LEVEQUE est déclaré inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée de trois ans à compter de la présente décision. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et François SÉNERS. Rendu public le 22 juin 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 16 février 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 9 février 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. David MONGIN, candidat aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 3e circonscription du département de la Somme, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6232 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs notamment le troisième alinéa de son article 9-1 ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par M. MONGIN, enregistrées le 2 mars 2023 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l’article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n’est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n’excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l’article L. 52-5 ou de l’article L. 52-6. 2. L’article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12. 3. M. MONGIN a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés à l’issue du scrutin dont le premier tour s’est tenu le 12 juin 2022. Le délai pour déposer son compte de campagne expirait le 19 août 2022 à 18 heures. Or, M. MONGIN a déposé son compte de campagne le 3 octobre 2022, soit après l’expiration de ce délai. 4. Si M. MONGIN invoque des problèmes de santé et fait état de difficultés rencontrées avec son assureur dans le cadre d’un litige d’ordre privé, il ne démontre pas que ces circonstances auraient été de nature à justifier son retard dans la remise de son compte, en méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12 du code électoral. Dès lors, compte tenu de ce manquement, il y a lieu de prononcer l’inéligibilité de M. MONGIN à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - M. David MONGIN est déclaré inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d’un an à compter de la présente décision. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et François SÉNERS. Rendu public le 22 juin 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 14 février 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 2 février 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. André CHAMY, candidat aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 5e circonscription du département du Haut-Rhin, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6187 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par M. CHAMY, enregistrées le 22 février 2023 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il ressort de l’article L. 52-4 du code électoral qu’il appartient au mandataire financier désigné par le candidat de régler les dépenses engagées en vue de l’élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l’exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit font l’objet d’un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte bancaire ou postal. Si le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis, ce n’est qu’à la double condition que leur montant, tel qu’apprécié à la lumière de ces dispositions, c’est-à-dire prenant en compte non seulement les dépenses intervenues après la désignation du mandataire financier mais aussi celles réglées avant cette désignation et qui n’auraient pas fait l’objet d’un remboursement par le mandataire, soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées par l’article L. 52-11 du même code. 2. Le compte de campagne de M. CHAMY a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 2 février 2023, au motif que le candidat a réglé directement 1 994 euros de dépenses, soit 58,4 % du montant des dépenses du compte et 5,81 % du plafond légal des dépenses. 3. M. CHAMY admet avoir procédé lui-même, le 11 mai 2022, à une dépense de 1 816 euros, correspondant à la réservation d’un local de campagne. Par ailleurs, le montant de 178 euros correspond à trois factures réglées par son directeur de campagne. Ces dépenses, postérieures à la désignation du mandataire financier à laquelle M. CHAMY a procédé par un courrier du 10 mai 2022 adressé au préfet du Haut-Rhin, ne peuvent être regardées comme de menues dépenses. Par suite, c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de M. CHAMY. 4. En vertu du troisième alinéa de l’article L.O. 136-1 du code électoral, le juge de l’élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales. 5. Les dépenses engagées de manière irrégulière d’un montant de 1 994 euros représentent 58,4 % du montant des dépenses du compte et 5,81 % du plafond des dépenses autorisées dans la circonscription. Compte tenu du caractère substantiel de la règle ainsi méconnue, il y a lieu de prononcer l’inéligibilité de M. CHAMY à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - M. André CHAMY est déclaré inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d’un an à compter de la présente décision. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juin 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 22 juin 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 juin 2022 d’une requête présentée par Me Eric Spitz et Me Yves René Guillou, avocats au barreau de Paris, pour M. Jean-Michel BLANQUER, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la 4e circonscription du Loiret, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 12 et 19 juin 2022 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5781 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - les observations, présentés par M. Thomas MÉNAGÉ, député, enregistrées le 18 septembre 2022 ; - le mémoire en défense présenté par Me Jean-Louis Peru, avocat au barreau de Paris, pour M. Bruno NOTTIN, enregistré le 19 octobre 2022 ; - la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 12 octobre 2022 approuvant le compte de campagne de M. MÉNAGÉ ; - la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 12 octobre 2022 approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. NOTTIN ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. A l’issue du premier tour des opérations électorales en vue de l’élection d’un député dans la quatrième circonscription du Loiret, M. Thomas MÉNAGÉ est arrivé en tête, avec 31,45 % des suffrages exprimés et M. Bruno NOTTIN est arrivé en deuxième position, avec 19,43 % des suffrages exprimés. M. Jean-Michel BLANQUER, candidat arrivé en troisième position avec 18,89 % des suffrages exprimés, demande l’annulation de l’élection, au second tour de scrutin, de M. MÉNAGÉ. 2. En premier lieu, M. BLANQUER soutient que l’action, durant la campagne électorale, d’un groupe de personnes dénommé « collectif Ibiza » a constitué une manœuvre de nature à altérer la sincérité du premier tour de scrutin. Il résulte toutefois de l’instruction que l’exploitation, de manière humoristique et parodique, de la ressemblance physique entre M. BLANQUER et M. Nour Durand-Raucher, membre du collectif et soutien de M. NOTTIN, n’a pu, dans les circonstances de l’espèce, induire les électeurs en erreur sur l’identité des candidats au premier tour de scrutin ou sur le parti ou la nuance politique qui les soutenait. Il en va de même pour les autres actions menées par les membres de ce collectif. Enfin, si des membres de ce collectif, notamment M. Nour Durand-Raucher, ont distribué le 27 mai 2022 à Montargis un document se présentant comme un tract de M. « Planquer », le contenu de ce document révélait sans ambiguïté possible qu’il s’agissait d’une contrefaçon des tracts de campagne de M. BLANQUER. En outre, ce dernier a disposé du temps nécessaire pour répliquer utilement, avant le premier tour de scrutin, aux allégations qu’il contenait, relatives au bilan de son action en tant que ministre de l’éducation nationale. 3. En deuxième lieu, il résulte de l’instruction et n’est d’ailleurs pas contesté qu’un militant du parti communiste français a utilisé un procédé de publicité commerciale pour la publication sur les réseaux sociaux en faveur de M. NOTTIN, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 52-1 du code électoral. Toutefois, cette publicité commerciale d’un montant estimé à moins de 100 euros a duré moins d’une semaine et est intervenue un mois avant le premier tour de scrutin. Elle n’a ainsi pas été de nature, en l’espèce, à exercer une influence sur les résultats du premier tour de scrutin. 4. En troisième lieu, il résulte de l’instruction, notamment de la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 12 octobre 2022 approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. NOTTIN, et il n’est pas sérieusement contesté, que des dons au profit de ce candidat ont été recueillis par l’intermédiaire d’un prestataire de services de paiement sans que soient respectées les dispositions des articles L. 52-5, L. 52-6 et R. 39-1-1 du code électoral. Toutefois, eu égard à la nature des irrégularités constatées et au montant modeste des sommes ainsi recueillies, ce manquement n’est pas de nature, en l’espèce, à avoir eu une influence sur les résultats du premier tour de scrutin. 5. En dernier lieu, le « collectif Ibiza » n’étant pas une personne morale, le grief tiré de ce que le financement, par ce collectif, d’actions en faveur de M. NOTTIN aurait été réalisé en méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 52-8 du code électoral ne peut qu’être écarté. 6. Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la requête de M. BLANQUER. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. -  La requête de M. Jean-Michel BLANQUER est rejetée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 janvier 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 27 janvier 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 juin 2022 d’une requête présentée par Mme Céline LEMOINE, inscrite sur les listes électorales de la 5ème circonscription du département du Vaucluse, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 12 et 19 juin 2022 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5782 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par Mme Marie THOMAS de MALEVILLE, candidate, enregistrées le 31 août 2022 ; - les observations présentées par le ministre de l’intérieur et des outre-mer, enregistrées le 9 septembre 2022 ; - le mémoire en défense présenté pour M. Jean-François LOVISOLO, député, par la SELARL Drai associés, avocat au barreau de Paris, enregistré le 17 septembre 2022 ; - le mémoire en défense présenté pour M. LOVILOSO par la SELARL Drai associés, enregistré le 14 octobre 2022, qui, en application du quatrième alinéa de l'article 9 du règlement mentionné ci-dessus, n'a pas été communiqué ; - la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 12 octobre 2022 approuvant le compte de campagne de M. LOVISOLO ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. En premier lieu, aux termes de l’article L. 51 du code électoral : « Pendant la durée de la période électorale, dans chaque commune, des emplacements spéciaux sont réservés par l’autorité municipale pour l’apposition des affiches électorales. / Dans chacun de ces emplacements, une surface égale est attribuée à chaque candidat, chaque binôme de candidats ou à chaque liste de candidats. / Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, tout affichage relatif à l’élection, même par affiches timbrées, est interdit en dehors de cet emplacement ou sur l’emplacement réservé aux autres candidats, ainsi qu’en dehors des panneaux d’affichage d’expression libre lorsqu’il en existe. / En cas d’affichage électoral apposé en dehors des emplacements prévus au présent article, le maire ou, à défaut, le préfet peut, après une mise en demeure du ou des candidats en cause, procéder à la dépose d’office des affiches ». 2. L’utilisation par Mme THOMAS de MALEVILLE, candidate battue au second tour, d’un véhicule comportant un affichage électoral, dénoncée par la requérante, est constitutive d’une irrégularité. Toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que cette irrégularité aurait revêtu un caractère massif, prolongé ou répété. Elle ne peut dès lors avoir altéré la sincérité du scrutin. 3. En second lieu, la requérante fait état d’erreurs dans l’acheminement, avant le premier tour de scrutin, de la propagande électorale aux électeurs des bureaux de vote nos 10 et 11 de la commune de Carpentras et aux électeurs de la commune de Mirabeau, n’ayant pas permis à ces électeurs d’être correctement informés avant le vote. Toutefois, les pièces versées au dossier ne permettent pas d’établir que l’erreur dénoncée par la requérante aurait affecté l’ensemble de ces électeurs, alors que seulement deux d’entre eux, résidant dans la rue Quintine à Carpentras, où sont domiciliés trente-neuf électeurs, et aucun dans la commune de Mirabeau, se sont plaints d’avoir reçu les documents de propagande électorale d’une autre circonscription. Par ailleurs, il n’est pas non plus démontré que la distribution, par M. LOVISOLO, d’un tract tendant à informer ces électeurs de l’erreur commise dans la distribution de la propagande électorale, ait pu créer, entre les candidats, une rupture d’égalité. Eu égard au nombre de voix obtenues par chacun des candidats, et en l’absence de manœuvres, les faits allégués, à les supposer établis, n’ont pu avoir une influence sur l’issue du scrutin. 4. Il résulte de ce qui précède que la requête de Mme LEMOINE doit être rejetée. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. -  La requête de Mme Céline Lemoine est rejetée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 janvier 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 27 janvier 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 juin 2022 d’une requête présentée par Me Michaël Grienenberger-Fass, avocat au barreau de Paris, pour M. Yves HEMEDINGER, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la 1ère circonscription du département du Haut-Rhin, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 12 ou 19 juin 2022 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5790 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - les mémoires en défense présentés pour Mme Brigitte KLINKERT, députée, par Me Frédéric Scanvic, avocat au barreau de Paris, enregistrés le 13 septembre et 2 novembre 2022 ; - le mémoire en réplique présenté pour M. Yves HEMEDINGER, par Me Michaël Grienenberger-Fass, enregistré le 14 octobre 2022 ; - la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 12 octobre 2022, approuvant après réformation le compte de campagne de Mme KLINKERT ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : - Sur les griefs relatifs à la campagne électorale : 1. En premier lieu, aux termes de l’article L. 50 du code électoral : « Il est interdit à tout agent de l’autorité publique ou municipale de distribuer des bulletins de vote, professions de foi et circulaires des candidats ». 2. Il résulte de l’instruction qu’un agent de la commune d’Appenwihr a, pendant la matinée du 8 juin 2022, distribué des documents de propagande électorale de Mme KLINKERT dans cette commune. Cette méconnaissance de l’article L. 50 du code électoral n’est toutefois pas, contrairement à ce que soutient le requérant, susceptible d’entraîner par elle-même l’annulation des résultats dans l’ensemble de la circonscription, mais seulement dans la commune d’Appenwihr. Or, dans cette commune, au premier tour de scrutin, M. HEMEDINGER et Mme KLINKERT ont obtenu respectivement 62 et 61 voix et, au second tour de scrutin, respectivement 117 et 71 voix. Ainsi, à supposer que la distribution litigieuse ait pu avoir un effet sur le vote des électeurs, elle demeure en tout état de cause sans incidence sur la liste des candidats autorisés à se présenter au second tour et sur la proclamation de l’élection de Mme KLINKERT, laquelle a fait figurer la dépense correspondante dans son compte de campagne. Elle ne peut dès lors avoir altéré la sincérité du scrutin. 3. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 51 du code électoral : « Pendant la durée de la période électorale, dans chaque commune, des emplacements spéciaux sont réservés par l’autorité municipale pour l’apposition des affiches électorales. / Dans chacun de ces emplacements, une surface égale est attribuée à chaque candidat, chaque binôme de candidats ou à chaque liste de candidats. / Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, tout affichage relatif à l’élection, même par affiches timbrées, est interdit en dehors de cet emplacement ou sur l’emplacement réservé aux autres candidats, ainsi qu’en dehors des panneaux d’affichage d’expression libre lorsqu’il en existe. / En cas d’affichage électoral apposé en dehors des emplacements prévus au présent article, le maire ou, à défaut, le préfet peut, après une mise en demeure du ou des candidats en cause, procéder à la dépose d’office des affiches ». 4. L’utilisation par Mme KLINKERT, candidate élue, d’un véhicule comportant un affichage électoral, dénoncée par le requérant, est constitutive d’une irrégularité. Toutefois, M. HEMEDINGER, qui a au demeurant également commis cette irrégularité pendant la campagne électorale, se borne à produire une photographie de ce véhicule stationné avenue d’Alsace à Colmar et n’apporte aucun élément permettant d’établir que l’usage du véhicule de campagne par Mme KLINKERT aurait revêtu un caractère massif, prolongé ou répété. Le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 51 du code électoral doit, dès lors, être écarté. 5. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 52-1 du code électoral : « Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l’utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite. / A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s’applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l’organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu’il détient ou qu’il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre ». 6. La présence de Mme KLINKERT lors d’un concert de l’Orchestre de chambre de Colmar, le jeudi 3 mars 2022, ne peut être regardée comme une opération de propagande électorale prohibée par les dispositions précitées de l’article L. 52-1 du code électoral. Par ailleurs, la mention, sur les cartons d’invitation à cet événement, de la qualité de ministre de Mme KLINKERT n’est pas constitutive, dans les circonstances de l’espèce, d’une manœuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin. 7. En dernier lieu, aux termes de l’article L. 49 du code électoral : « A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de : 1° Distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents ; 2° Diffuser ou faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale ; 3° Procéder, par un système automatisé ou non, à l’appel téléphonique en série des électeurs afin de les inciter à voter pour un candidat ; 4° Tenir une réunion électorale ». 8. Les trois publications sur le réseau Facebook, le samedi 18 juin 2022, du maire de la commune de Colmar et de l’une de ses adjointes, relayant, sans référence au scrutin, la présence de Mme KLINKERT, le même jour, au prix de l’innovation alimentaire du marché couvert de Colmar et à la journée portes ouvertes du Carnaval de Colmar, dénoncées par le requérant, ne sont pas constitutives de messages ayant le caractère de propagande électorale prohibés par les dispositions précitées de l’article L. 49 du code électoral. La publication sur ce même réseau, le samedi 18 juin 2022, de deux messages rédigés par un particulier, se prononçant en faveur du vote pour Mme KLINKERT et dont il n’est pas démontré qu’il aurait un quelconque lien avec cette dernière, n’est en l’espèce pas susceptible d’avoir altéré la sincérité du scrutin. 9. Par ailleurs, si Mme KLINKERT était présente, le dimanche 19 juin, à la sortie de l’église Saint-Joseph de Colmar, il ne résulte pas de l’instruction qu’elle aurait, à cette occasion, poursuivi sa campagne électorale en méconnaissance des dispositions de l’article L. 49 du code électoral. 10. Enfin, il ne résulte pas de l’instruction que des affichages électoraux auraient été ajoutés, après le vendredi 17 juin, sur les panneaux de Mme KLINKERT, dans plusieurs communes de la circonscription. - Sur les griefs relatifs au déroulement du scrutin : 11. En premier lieu, aux termes de l’article L. 68 du code électoral : « Tant au premier tour qu’éventuellement au second tour de scrutin, les listes d’émargement de chaque bureau de vote, ainsi que les documents qui y sont réglementairement annexés, sont joints aux procès-verbaux des opérations de vote transmis immédiatement après le dépouillement du scrutin à la préfecture ou, pour les élections des conseillers départementaux et des conseillers municipaux, à la sous-préfecture. / S’il doit être procédé à un second tour de scrutin, le préfet ou le sous-préfet selon le cas, renvoie les listes d’émargement au maire, au plus tard le mercredi précédant le second tour (…) ». 12. Dans la commune d’Horbourg-Wihr, une copie différente de la liste d’émargement des électeurs a été utilisée pour chacun des deux tours de scrutin. Il ne résulte toutefois pas de l’instruction, et ainsi d’ailleurs que le reconnaît le requérant, que des électeurs auraient été, de ce fait, empêchés de voter, ni que cette circonstance a pu avoir une influence sur le vote des électeurs, qui émargent après avoir présenté leur enveloppe au président du bureau de vote pour le glisser dans l’urne. Le grief invoqué doit donc être écarté. 13. En second lieu, aux termes du dernier alinéa de l’article L. 62-1 du code électoral : « Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom sur la liste d’émargement ». Aux termes du second alinéa de l’article L. 64 du même code : « Lorsqu’un électeur se trouve dans l’impossibilité de signer, l’émargement prévu par le troisième alinéa de l’article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : "l’électeur ne peut signer lui-même" ». Il ressort de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l’encre, d’un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d’impossibilité dûment mentionnée sur la liste d’émargement. 14. Le requérant soutient que plusieurs centaines de signatures sur les listes d’émargement présentent des différences significatives entre les deux tours de scrutin. Il n’assortit cependant son moyen de précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé que pour cent-dix signatures. 15. Il résulte toutefois de l’instruction, et notamment de l’examen des listes d’émargement des bureaux de vote concernés, que le bureau de vote n° 47 de la commune de Colmar était dédié aux votes par correspondance des personnes détenues. La liste d’émargement utilisée pour ces votes est, conformément à l’article R. 85 du code électoral, signée par le président ou les membres du bureau de vote qu’il désigne à cet effet. En application de ces dispositions, une même personne a ainsi signé la liste d’émargement au nom des quatre-vingt-une personnes ayant voté dans ce bureau de vote lors du second tour de scrutin. 16. Il résulte également de l’instruction que, sur les vingt-neuf autres émargements contestés, quatorze signatures comportent des différences significatives entre les deux tours de scrutin qui ne sont pas justifiées. Les votes correspondants doivent être regardés comme irrégulièrement exprimés. En revanche, dans les autres cas, les différences constatées ne présentent pas un caractère anormal permettant de douter de l’authenticité des votes en cause. 17. Il y a ainsi lieu de déduire quatorze voix tant du nombre de suffrages obtenus au second tour par Mme KLINKERT que du nombre total de suffrages exprimés. L’écart de voix entre les deux candidats présents au second tour de scrutin s’établit ainsi à cent-cinq voix. Cette rectification ne modifie donc pas l’ordre des candidats au second tour. 18. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. HEMEDINGER doit être rejetée. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. -  La requête de M. Yves HEMEDINGER est rejetée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 janvier 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 27 janvier 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 juin 2022 d’une requête présentée par M. Valentin MANENT, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la 5e circonscription du Loiret, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 12 et 19 juin 2022 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5783 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - le mémoire en défense, présenté pour M. Anthony BROSSE, député, par Me Philippe Rainaud, avocat au barreau d’Orléans, enregistré le 16 septembre 2022 ; - le mémoire en réplique présenté par M. MANENT, enregistré le 12 octobre 2022 ; - la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 5 octobre 2022 approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. BROSSE ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. En premier lieu, aux termes de l’article L. 65 du code électoral : « … Si une enveloppe contient plusieurs bulletins, le vote est nul quand les bulletins portent des listes et des noms différents. Les bulletins multiples ne comptent que pour un seul quand ils désignent la même liste, le même binôme de candidats ou le même candidat » et aux termes de l’article L. 66 du même code : « Les bulletins ne contenant pas une désignation suffisante … sont annexés au procès-verbal … et contresignés par les membres du bureau. Chacun de ces bulletins annexés doit porter mention des causes de l’annexion ». Contrairement à ce que soutient le requérant, il ne résulte pas de ces dispositions, non plus que d’aucune autre disposition législative ou réglementaire, que les bulletins portant des noms différents trouvés dans une même enveloppe lors du dépouillement devraient être agrafés à cette enveloppe. En revanche, il résulte de l’instruction que, dans le bureau de vote n° 1 de la commune de Yèvre-la-Ville, une enveloppe contenant deux bulletins en faveur de M. MANENT a été regardée, à tort, comme contenant un suffrage nul. Il convient dès lors d'ajouter une voix à M. MANENT. 2. En deuxième lieu, si, dans la commune de Chanteau, il a été tenu un double de la liste électorale, il n’est pas établi que cette pratique ait été utilisée afin d'exercer des pressions sur les électeurs. 3. En troisième lieu, d’une part, si les feuilles de pointage de la commune d’Aulnay-la-Rivière mentionnent pour l’une, 104 voix en faveur de M. MANENT et 107 voix en faveur de M. BROSSE et, pour l’autre, un résultat inverse, aucune observation n’a été formulée à l’encontre des chiffres portés sur le procès-verbal lui-même, qui est revêtu de la signature de la présidente du bureau de vote et des trois assesseurs. Il y a donc lieu de retenir les chiffres, portés sur le procès-verbal, de 104 voix en faveur de M. MANENT et 107 voix en faveur de M. BROSSE. D’autre part, si l’une des feuilles de pointage de la commune de Montigny comporte une erreur matérielle, il résulte des pièces du dossier qu’il y a lieu de retenir les chiffres, portés sur le procès-verbal, de 96 votants et 92 suffrages exprimés, dont 53 en faveur de M. MANENT et 39 en faveur de M. BROSSE. 4. En quatrième lieu, il résulte des mentions portées sur le procès-verbal du bureau de vote n° 2 de la commune de Dadonville qu’un bulletin en faveur de M. BROSSE, « légèrement déchiré », a été regardé comme un suffrage valablement exprimé. Il n’y a pas lieu, en l’espèce, de remettre en cause l’appréciation portée par les membres du bureau de vote sur la validité de ce suffrage dès lors qu’il ne résulte pas de l’instruction que ce bulletin de vote aurait dû être regardé, en raison de cette déchirure, comme portant un signe de reconnaissance. 5. En cinquième lieu, il résulte de l’instruction que les tâches d’encre figurant sur un bulletin en faveur de M. MANENT invalidé par le bureau de vote dans la commune d’Estouy doivent être regardées comme d’origine purement accidentelle et non comme constituant un signe de reconnaissance. Il y a donc lieu de valider ce suffrage émis pour M. MANENT. 6. En sixième lieu, aux termes du dernier alinéa de l’article L. 62-1 du code électoral : « Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom sur la liste d’émargement ». Aux termes du second alinéa de l’article L. 64 du même code : « Lorsqu’un électeur se trouve dans l’impossibilité de signer, l’émargement prévu par le troisième alinéa de l’article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : "l’électeur ne peut signer lui-même" ». Il ressort de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l’encre, d’un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d’impossibilité dûment mentionnée sur la liste d’émargement. 7. Il résulte de l’instruction, notamment de l’examen des listes d’émargement des bureaux de vote contestés que, dans onze cas, les différences de signature alléguées, ou bien sont peu probantes, ou bien sont imputables au fait que le mandant a voté à l’un des deux tours ou à la circonstance que l’électeur a utilisé successivement un paraphe et sa signature ou encore, pour les femmes mariées, le nom patronymique ou le nom d’usage. En revanche, six votes, correspondant à des différences de signature significatives et inexpliquées, doivent être regardés comme irrégulièrement exprimés. Dès lors, il y a lieu de retirer six voix à M. BROSSE. 8. En dernier lieu, les autres griefs concernant des bureaux de vote des communes d’Audeville, Ascoux, Boesses, Briarres-sur-Essonne, Chilleurs-aux-Bois, Fleury-les-Aubrais, Nancray-sur-Rimard, Neuville-aux-Bois, Ondreville-sur-Essonne, Pithiviers, Sully-la-Chapelle et Vennecy, soit ne sont pas assortis des précisions suffisantes pour permettre d’en apprécier le bien-fondé, soit ne sont pas établis, soit ne sont pas de nature, à les supposer même fondés, à avoir altéré la sincérité du scrutin ou eu une influence sur ses résultats. 9. Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu, d’une part, d’ajouter deux voix au nombre de suffrages recueillis par M. MANENT et au nombre total de suffrages exprimés et, d’autre part, de déduire six voix tant du nombre de suffrages obtenus par M. BROSSE, candidat proclamé élu, que du nombre total de suffrages exprimés. Ces rectifications ne modifient pas l’ordre des candidats au second tour, M. BROSSE conservant une avance sur M. MANENT de trois suffrages. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête de M. MANENT. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. -  La requête de M. Valentin MANENT est rejetée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 janvier 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 20 janvier 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 juin 2022 d’une requête présentée par M. Maxime DA SILVA, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la 1ère circonscription du département de Seine-Maritime, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 12 et 19 juin 2022 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5799 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - les mémoires en défense présentés pour M. Damien ADAM, député, par Me Philippe Azouaou, avocat au barreau de Paris, enregistrés les 16 septembre et 2 décembre 2022 ; - le mémoire en réplique de M. DA SILVA présenté par Me Xavier Sauvignet, avocat au barreau de Paris, enregistré le 1er novembre 2022 ; - la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 5 octobre 2022, approuvant après réformation le compte de campagne de M. ADAM ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : - Sur les griefs relatifs au déroulement du scrutin pour le second tour : 1. Le requérant soutient que la mention sur le site internet de la mairie de Rouen d’une information erronée quant à l’heure de fermeture des bureaux de vote a privé de nombreux électeurs de la possibilité de voter. 2. Il résulte de l’instruction que lors des deux tours de scrutin, les bureaux de vote de la commune de Rouen ont fermé à 18 heures en application du premier alinéa de l’article R. 41 du code électoral. Si la rubrique générale du site internet de la mairie consacrée aux élections mentionnait une fermeture à 19 heures, la page « Actualités » de ce même site comme le compte Twitter de la mairie mentionnaient bien une fermeture à 18 heures et cette information a été largement relayée, notamment par la presse locale, avant le premier tour de scrutin. Par ailleurs et en tout état de cause, les attestations d’électeurs déclarant n’avoir pas pu participer au vote du fait de cette erreur, produites par le requérant, ne permettent pas d’établir que le nombre d’électeurs qui auraient été empêchés de voter serait supérieur à l’écart de voix séparant les deux candidats présents au second tour de scrutin. Par conséquent, l’erreur ainsi relevée par le requérant n’a pas été, dans les circonstances de l’espèce, de nature à altérer la sincérité du scrutin. 3. Le requérant soutient par ailleurs que la radio « Tendance Ouest » a annoncé par erreur qu’il était arrivé en deuxième position à l’issue du premier tour de scrutin, ce qui aurait eu pour conséquence d’influencer le comportement des électeurs en vue du second tour. Cette information a cependant été délivrée au début d’une émission se déroulant à l’issue du premier tour de scrutin, avec les précautions qui s’imposaient dès lors que les résultats définitifs n’étaient pas encore connus, et un article publié le lendemain sur le site internet de cette radio faisait bien état de l’arrivée en première position de M. DA SILVA.- Sur les griefs relatifs aux listes d’émargement et au décompte des suffrages exprimés : 4. En premier lieu, aux termes du dernier alinéa de l’article L. 62-1 du code électoral : « Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom sur la liste d’émargement ». Aux termes du second alinéa de l’article L. 64 du même code : « Lorsqu’un électeur se trouve dans l’impossibilité de signer, l’émargement prévu par le troisième alinéa de l’article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : "l’électeur ne peut signer lui-même" ». Il ressort de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l’encre, d’un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d’impossibilité dûment mentionnée sur la liste d’émargement. 5. Le requérant soutient que, en violation de ces dispositions, des différences notables de signature entre le premier et le second tours des élections ont été constatées, dans soixante-dix-neuf cas, sur les listes d’émargement de plusieurs bureaux de vote en face du nom d’un même électeur. 6. Il résulte toutefois de l’instruction, que, dans la plupart des cas, les différences alléguées ne sont pas probantes ou correspondent, soit à l’apposition d’un paraphe ou d’une signature abrégée à la place de la signature de l’électeur, soit à un vote par procuration, soit à la circonstance que l’électrice a utilisé tour à tour son nom patronymique et son nom d’usage. Par ailleurs, cinquante électeurs dont les signatures, selon le requérant, différent entre le premier et le second tours de scrutin ont reconnu formellement avoir voté en personne à ces deux tours et avoir signé les listes d’émargement. 7. En revanche, douze votes, comportant des différences de signature significatives entre les deux tours de scrutin, doivent être regardés comme irrégulièrement exprimés. Il y a ainsi lieu de déduire douze voix tant du nombre de suffrages obtenus au second tour par M. ADAM que du nombre total de suffrages exprimés. L’écart de voix entre les deux candidats présents au second tour de scrutin s’établit ainsi à soixante-six voix. Cette rectification ne modifie ainsi pas l’ordre des candidats au second tour. 8. En second lieu, si le requérant soutient que des erreurs ont affecté le décompte final des suffrages exprimés tel que le relèvent les procès-verbaux de trois bureaux de vote, les erreurs invoquées ne portent que sur neuf suffrages. À supposer ces irrégularités établies, leur addition, jointe à la rectification opérée au titre du précédent grief, ne saurait, en tout état de cause, conduire à l’annulation des opérations électorales compte tenu de l’écart de voix entre les deux candidats au second tour de scrutin. 9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. DA SILVA doit être rejetée. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. -  La requête de M. Maxime DA SILVA est rejetée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 janvier 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 27 janvier 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 30 juin 2022 d’une requête présentée par Mme Patricia MARC, candidate à l’élection qui s’est déroulée dans la 3e circonscription de la Côte-d’Or, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 12 et 19 juin 2022 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5805 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par le ministre de l’intérieur et des outre-mer, enregistrées le 16 septembre 2022 ; - les mémoires en défense, présentés pour Mme Fadila KHATTABI, députée, par Me Bruno Questel, avocat au barreau de Paris, enregistrés les 18 octobre  et 19 décembre 2022 ; - le mémoire en réplique présenté pour Mme MARC par Me Xavier Sauvignet, avocat au barreau de Paris, enregistré le 2 décembre 2022 ; - la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 3 octobre 2022 approuvant, après réformation, le compte de campagne de Mme KHATTABI ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. En premier lieu, si, dans le bureau de vote n° 5 de la commune de Longvic, deux listes d’émargement différentes ont été utilisées respectivement pour le premier et pour le second tours de scrutin, sur lesquelles les électeurs n’ont pas tous émargé dans la colonne correspondant au tour de scrutin considéré, il ne résulte pas de l’instruction que cette circonstance, pour regrettable qu’elle soit, ait fait obstacle au recensement des votes à chacun des tours de scrutin. 2. En deuxième lieu, aux termes du dernier alinéa de l’article L. 62-1 du code électoral : « Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom sur la liste d’émargement ». Aux termes du second alinéa de l’article L. 64 du même code : « Lorsqu’un électeur se trouve dans l’impossibilité de signer, l’émargement prévu par le troisième alinéa de l’article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : "l’électeur ne peut signer lui-même" ». Il ressort de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l’encre, d’un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d’impossibilité dûment mentionnée sur la liste d’émargement. 3. D’une part, Mme MARC conteste vingt-neuf émargements, en soutenant soit que les signatures figurant, pour les deux tours de scrutin, en marge du nom d’un même électeur présentent des différences établissant que le vote n’a pas été effectué par l’électeur, soit que l’électeur a émargé en apposant une croix. La requérante n’a pas précisé le nom des deux électeurs de la commune de Couternon dont elle conteste l’émargement. Il résulte par ailleurs de l’instruction, notamment de l’examen des listes d’émargement originales des bureaux de vote concernés, que deux autres électeurs, pour lesquels une différence de signature est alléguée, n’ont pas émargé au second tour et que les deux cas contestés dans lesquels l’électeur a signé d’une croix concernent le premier tour de scrutin. Enfin, pour les vingt-trois autres émargements contestés, il résulte de l’instruction que les différences de signature alléguées ou bien sont peu probantes, ou bien sont imputables au fait que le mandant a voté à l’un des deux tours ou encore, pour les femmes mariées, à l’utilisation du nom patronymique pour l’un des émargements et du nom d’usage pour l’autre. Au surplus, seize des vingt-trois électeurs concernés ont fourni une attestation par laquelle ils ont, soit reconnu formellement avoir voté en personne aux deux tours et avoir signé les listes d’émargement, soit justifié la différence observée entre les deux émargements les concernant. 4. D’autre part, la circonstance que onze émargements comportent des ratures ou des indications précisant le tour du scrutin auquel ils doivent être rattachés est, en l’espèce, sans incidence sur les résultats du second tour de scrutin. 5. En troisième lieu, d’une part, si Mme MARC soutient que, dans deux bureaux de vote, le nombre de suffrages exprimés qui a été décompté diffère de quelques unités de celui résultant des listes d’émargement, il résulte de l’instruction que le grief manque en fait. D’autre part, l’erreur alléguée dans le décompte des procurations, s’agissant d’un autre bureau de vote, est par elle-même sans incidence sur les résultats du scrutin. Il en est de même, en tout état de cause, de la circonstance qu’une voix lui a été retirée en raison de l’écart d’une voix entre le nombre de bulletins trouvés dans l’urne et le nombre d’émargements dans le bureau de vote n° 7 de la commune de Chenôve où elle est arrivée en tête. Enfin, si dans quatre bureaux de vote la liste d’émargement ne comportait pas l’indication du nombre total de votants et dans deux autres bureaux la liste n’a pas été signée par les membres du bureau, il ne résulte pas de l’instruction que les négligences commises dans la tenue de ces listes ont entraîné un décompte inexact des suffrages de nature à remettre en cause les résultats portés aux procès-verbaux. 6. En quatrième lieu, Mme MARC n’est pas fondée à se plaindre de ce que des procurations étaient renseignées de manière manuscrite sur les listes d’émargement dès lors que l’article R. 76 du code électoral prévoit expressément que la mention d’une procuration peut être portée par le maire sur la liste d’émargement de manière manuscrite, à côté du nom du mandant. Par ailleurs, la circonstance que Mme MARC n’ait pas pu avoir accès à l’ensemble des listes de procurations lors de la consultation du matériel électoral à la préfecture ou dans les locaux du Conseil constitutionnel ne constitue nullement une irrégularité, l’article R. 76-1 du code électoral prévoyant que le maire de chaque commune tient à la disposition de tout électeur un registre des procurations extrait du répertoire électoral unique. 7. En dernier lieu, si Mme MARC fait valoir qu’elle n’a pu consulter à la préfecture les bulletins nuls et blancs, elle n’allègue ni qu’elle n’aurait pas pu consulter ces pièces ultérieurement au cours de la procédure, ni que ces bulletins n’auraient pas été annexés aux procès-verbaux comme le prévoit l’article L. 66 du code électoral. Au demeurant, cet article prévoit également que, si l’annexion des bulletins n’a pas été faite, cette circonstance n’entraîne l’annulation des opérations qu’autant qu’il est établi qu’elle a eu pour but et pour conséquence de porter atteinte à la sincérité du scrutin. Alors même que de telles conséquences ne sont même pas alléguées, tel n’est pas le cas en l’espèce. 8. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme MARC ne peut qu’être rejetée. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. -  La requête de Mme Patricia MARC est rejetée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 janvier 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 27 janvier 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 juin 2022 d’une requête présentée par M. Alain OUELHADJ, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la 1ère circonscription des Français établis hors de France, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 4 et 18 juin 2022 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5795 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - les mémoires en défense présentés pour M. Roland LESCURE, député, par Me Philippe Azouaou, avocat au barreau de Paris, enregistrés le 18 septembre et le 20 novembre 2022 ; - les observations présentées par la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, enregistrées le 19 septembre 2022 ; - le mémoire en réplique présenté par M. OUELHADJ, enregistré le 1er novembre 2022 ; - la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 21 novembre 2022 approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. LESCURE ; - les autres pièces produites et jointes aux dossiers ; Après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : - Sur la propagande électorale : 1. M. OUELHADJ soutient que les circulaires pour le second tour ne sont parvenues aux électeurs qu’après le 18 juin 2022, jour du vote à l’urne dans la circonscription, et que ce retard d’acheminement a entaché d’insincérité le scrutin. 2. Toutefois, il n’établit pas, par les éléments qu’il produit, que cet acheminement tardif, qui ne résulte pas d’une manœuvre et a concerné de manière égale les deux candidats présents au second tour, aurait affecté un nombre significatif d’électeurs au regard de l’écart des voix. Au demeurant, les électeurs concernés ont pu prendre connaissance des professions de foi des candidats en version électronique. Dans ces conditions, le grief doit être écarté. - Sur les griefs relatifs au vote par correspondance électronique : 3. En premier lieu, il ne résulte pas de l’instruction que le remplacement, le 24 mai 2022, des identifiants et mots de passe de tous les électeurs pour des motifs techniques ait suscité une confusion les empêchant de prendre part au vote. 4. En deuxième lieu, M. OUELHADJ soutient que le blocage par plusieurs plateformes de messagerie électronique des messages contenant les identifiants des électeurs, le défaut de délivrance des mots de passe par certains fournisseurs de services téléphoniques à l’étranger et l’indisponibilité temporaire du portail de vote sur internet ont empêché un nombre significatif d’électeurs de prendre part au vote par voie électronique au premier tour. 5. Toutefois, d’une part, il n’est pas établi que les difficultés de délivrance des mots de passe par messages textes sur téléphone qu’il mentionne ont concerné un nombre significatif d’électeurs dans la circonscription et ont été susceptibles d’altérer la sincérité du scrutin eu égard à l’écart des voix. 6. D’autre part, si quelques fournisseurs de messagerie électronique ont, durant les premiers jours du vote par internet au titre du premier tour du scrutin, bloqué l’acheminement des courriers électroniques contenant les identifiants nécessaires à la participation au vote par internet, il résulte de l’instruction que ce blocage a pris fin le mardi 31 mai 2022 et que les électeurs touchés par ce problème ont ainsi disposé d’un temps suffisant pour prendre part au vote par voie électronique, en dépit de l’indisponibilité temporaire du portail de vote entre 2 h 20 et 7 heures du matin (heure de Paris) le mercredi 1er juin 2022. 7. Dans ces conditions, compte tenu de l’écart de voix entre les candidats et du caractère limité de ces dysfonctionnements, il n’est pas établi que, pour regrettables qu’ils soient, ces derniers ont empêché un nombre significatif d’électeurs de la circonscription de prendre part au vote par voie électronique et altéré la sincérité du scrutin. 8. En dernier lieu, si M. OUELHADJ fait valoir que le dispositif technique élaboré pour la mise en œuvre du vote par correspondance électronique n'a pas été suffisamment sécurisé pour vérifier l’identité réelle des votants et empêcher toute utilisation frauduleuse, il n'établit ni même n'allègue que des usurpations d’identité d’électeurs auraient été commises à l'occasion des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription. - Sur les griefs relatifs au vote par correspondance sous pli fermé : 9. En premier lieu, si M. OUELHADJ soutient qu’un acheminement tardif du matériel électoral pour le second tour a empêché un nombre significatif d’électeurs ayant choisi le vote par correspondance sous pli fermé de prendre part au vote, portant ainsi atteinte à la sincérité du scrutin et à l’égalité des électeurs devant le suffrage, il n’établit toutefois ni l’existence ni l’ampleur du retard d’acheminement qu’il allègue. 10. En second lieu, aux termes de l’article R. 176-4-4 du code électoral : « Chaque ambassadeur ou chef de poste consulaire chargé d'organiser les opérations de vote tient un registre du vote par correspondance sous pli fermé, composé de pages numérotées. Il est fait mention au registre des enveloppes d'identification reçues au fur et à mesure de leur arrivée. Sur chaque enveloppe est aussitôt apposé un numéro d'ordre. / Doivent être inscrits au registre sans délai le numéro d'ordre, la date, l'heure d'arrivée de l'enveloppe à l'ambassade ou au poste consulaire concerné, les nom et prénoms de l'électeur, son numéro d'inscription sur la liste électorale et le nom de l'agent ayant procédé à cet enregistrement. Le cas échéant, ce dernier signale les enveloppes d'identification qu'il estime relever des dispositions de l'article R. 176-4-6 (...) ». 11. Si M. OUELHADJ soutient que le dépouillement des votes par correspondance sous pli fermé s’est opéré au premier tour dans des conditions irrégulières, au motif que l’administration aurait procédé à celui-ci dès la réception des enveloppes d'identification, en l’absence de représentants des candidats, des délégués ou d’assesseurs préalablement désignés, il n’est pas établi que les ambassadeurs et chefs de postes consulaires auraient excédé les diligences qu’il leur revient d’accomplir, en application de l’article R. 176-4-4 du code électoral, et qu’ils auraient procédé au dépouillement des votes hors la présence des assesseurs. 12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. OUELHADJ doit être rejetée. - Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : 13.  Ces dispositions ne sont pas applicables devant le Conseil constitutionnel. Dès lors, de telles conclusions ne peuvent être accueillies. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La requête de M. Alain OUELHADJ est rejetée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 janvier 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 20 janvier 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 juin 2022 d’une requête présentée par Mme Caroline MECARY, candidate à l’élection qui s’est déroulée dans la 7ème circonscription de Paris, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 12 et 19 juin 2022 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5792 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - les mémoires en défense présentés pour M. Clément BEAUNE, député, par Me Philippe Azouaou, avocat au barreau de Paris, enregistrés les 18 septembre et 20 novembre 2022 ; - le mémoire en réplique présenté pour Mme MECARY, par Me Xavier Sauvignet, avocat au barreau de Paris, et enregistré le 1er novembre 2022 ; - le mémoire en réplique présenté pour Mme MECARY par Me Sauvignet, enregistré le 5 décembre 2022, qui, en application du quatrième alinéa de l'article 9 du règlement mentionné ci-dessus, n'a pas été communiqué ; - la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 5 octobre 2022 approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. BEAUNE ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. En premier lieu, Mme MECARY soutient que M. BEAUNE a irrégulièrement fait figurer certaines mentions sur sa page personnelle sur le réseau social « Twitter » et, en particulier, qu’a été utilisée jusqu’au 6 juin 2022, dans le cadre de la campagne électorale, une bannière constituée d’une photographie comportant deux drapeaux tricolores bleu, blanc, rouge. 2. D’une part, aux termes du premier alinéa de l’article R. 27 du code électoral : « Sont interdites, sur les affiches et circulaires ayant un but ou un caractère électoral, l’utilisation de l’emblème national ainsi que la juxtaposition des trois couleurs : bleu, blanc et rouge dès lors qu’elle est de nature à entretenir la confusion avec l’emblème national, à l’exception de la reproduction de l’emblème d’un parti ou groupement politique ». 3. Ces dispositions prohibent l’usage des couleurs officielles sur les affiches de campagne apposées sur les panneaux officiels réservés à cet effet, ainsi que sur les professions de foi adressées par voie postale aux électeurs. Cette interdiction ne s’étend cependant pas aux pages d’un réseau social utilisé dans le cadre de la campagne électorale. En outre, l’utilisation de l’emblème national par M. BEAUNE n’a pas, dans les circonstances de l’espèce, été de nature à exercer une influence sur les résultats du scrutin. 4. D’autre part, la mention « officiel du gouvernement » figurant sur la page de M. BEAUNE, ajoutée à l’initiative du réseau social « Twitter » s’agissant d’une personnalité exerçant des fonctions officielles de représentation du gouvernement, alors même qu’il s’agit de la page personnelle du candidat, ne peut être regardée comme manifestant le soutien officiel du gouvernement à la candidature de M. BEAUNE, et n’a pu, dans les circonstances de l’espèce, semer la confusion dans l’esprit des électeurs sur la nature du compte utilisé par M. BEAUNE, qui, à la date du scrutin, était ministre délégué en charge de l’Europe. 5. En deuxième lieu, l’utilisation par M. BEAUNE, sur certains de ses documents de propagande, de la mention « Ensemble ! » ou « Ensemble ! Majorité présidentielle » n’a pu induire les électeurs en erreur, comme le soutient la requérante, sur la réalité de l’investiture de l’intéressé par le parti « Ensemble ! », qui regroupait les candidats désignés pour représenter la majorité présidentielle lors des opérations électorales des 12 et 19 juin 2022. En particulier, ces mentions n’ont pu faire croire aux électeurs que M. BEAUNE était un candidat de la « NUPES » soutenu par l’association « Ensemble, mouvement pour une alternative de gauche écologiste et solidaire », créée en 2014. 6. En troisième lieu, la requérante soutient que la couverture médiatique dont a bénéficié M. BEAUNE l’a avantagé. 7. Toutefois, d’une part, la presse écrite est, en tout état de cause, libre de rendre compte, comme elle l’entend, de la campagne des différents candidats. D’autre part, si M. BEAUNE, en raison de sa notoriété, est intervenu à plusieurs reprises, entre le 12 et le 17 juin 2022, dans les émissions des services de communication audiovisuelle, il résulte de l’instruction que ses interventions ont essentiellement porté sur la situation politique nationale et internationale et, lorsque sa candidature dans la 7ème circonscription de Paris était abordée, qu’elles ne comportaient pas d’éléments nouveaux de polémique électorale. En outre, Mme MECARY, qui avait été invitée à débattre avec M. BEAUNE lors de l’une ces émissions, a également pu s’exprimer sur la campagne électorale à travers les mêmes services de communication audiovisuelle. Il ne résulte ainsi pas de l’instruction une rupture de l’égalité entre les deux candidats devant les moyens de communication audiovisuelle, ni un traitement discriminatoire de Mme MECARY par les émissions de télévision et de radiodiffusion contestées de nature à avoir altéré la sincérité du scrutin. 8. En quatrième lieu, Mme MECARY soutient qu’elle a fait l’objet, pendant la campagne électorale, de plusieurs propos diffamatoires, notamment des accusations d’antisémitisme et d’escroquerie. 9. Il résulte toutefois de l’instruction que Mme MECARY a disposé du temps nécessaire pour répondre aux « tweets » du 13 mai 2022 par lesquels deux journalistes réagissaient aux propos de l’intéressée sur « le crime d’apartheid commis par l’État d’Israël dans les territoires occupés ». Le nouveau « tweet » d’un de ces journalistes, le 18 juin, sur le même sujet, n’a pas apporté d’éléments nouveaux à la polémique électorale. Mme MECARY a également été en mesure de répondre au tract diffusé, le 16 juin, et aux messages apposés sur ses affiches électorales qui la mettaient en cause. En tout état de cause, l’ampleur de la diffusion du tract litigieux et des messages contestés n’est pas établie. Enfin, ni les propos tenus par M. BEAUNE dans certaines émissions radiodiffusées ni les messages qu’il a publiés sur le réseau social « Twitter » n’ont excédé les limites de la polémique électorale. Le grief soulevé, tiré de l’atteinte à la sincérité du scrutin, doit dès lors être écarté. 10. En dernier lieu, aux termes de l’article L. 49 du code électoral : « À partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de : 1° Distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents ; … 4° Tenir une réunion électorale ». 11. Il ne résulte pas de l’instruction que M. BEAUNE aurait, le 19 juin 2022, devant les bureaux de vote de la 7ème circonscription de Paris, poursuivi sa campagne électorale en méconnaissance des dispositions de l’article L. 49 du code électoral. 12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme MECARY doit être rejetée. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. -  La requête de Mme Caroline MECARY est rejetée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 janvier 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président,  Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 27 janvier 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 30 juin 2022 d’une requête présentée par M. Etuato MULIKIHAAMEA, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la circonscription des îles de Wallis et Futuna, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 12 et 19 juin 2022 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5825 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - le mémoire en défense présenté pour M. Mikaele SEO, député, par Me Cyrille Rollin, avocat au barreau de Paris, enregistré le 19 octobre 2022 ; - les observations présentées par le ministre de l’intérieur et des outre-mer, enregistrées le même jour ; - la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 12 octobre 2022 approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. SEO ; - les autres pièces produites et jointes aux dossiers ; Après avoir entendu le conseil de M. SEO ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : - Sur les griefs relatifs à la campagne électorale : 1. En premier lieu, M. MULIKIHAAMEA soutient que M. SEO s’est prévalu pendant la campagne de son appartenance au parti politique LREM et du soutien de la coalition Ensemble, alors qu’il n’est pas membre de ce parti et qu’aucune investiture ne lui a été accordée par ce mouvement. 2. S’il appartient au juge de l’élection de vérifier si des manœuvres ont été susceptibles de tromper les électeurs sur la réalité de l’investiture des candidats par les partis politiques, il ne lui appartient pas de vérifier la régularité de cette investiture au regard des statuts et des règles de fonctionnement des partis politiques. 3. En l’espèce, il ne résulte pas de l’instruction que M. SEO se serait expressément prévalu d’une investiture officielle du parti LREM et de la coalition Ensemble ni qu’il aurait soutenu être membre du parti LREM. Par suite, le grief doit être écarté. 4. En deuxième lieu, M. MULIKIHAAMEA soutient que M. SEO se serait de manière trompeuse prévalu, lors d’une interview télévisée diffusée le 17 juin 2022, du soutien de M. Lafaele TUKUMULI, conseiller territorial de Futuna. Toutefois, il résulte de l’instruction, notamment d’une attestation de celui-ci, que M. TUKUMULI avait apporté son soutien à M. SEO. Par suite, le grief ne peut qu’être écarté. 5. En troisième lieu, le requérant soutient que M. SEO a, en sa qualité de membre puis de président de la commission permanente de l’assemblée territoriale, aurait fait attribuer à des associations et des particuliers des subventions présentant le caractère de dons en argent en vue d’influencer le choix des électeurs. 6. Toutefois, il résulte de l’instruction que ces aides ont été décidées par la commission permanente, par délibérations collégiales, à une date à laquelle M. SEO n’était pas président de cette commission. Il ne résulte de l’instruction, ni que M. SEO aurait joué un rôle prépondérant dans l’attribution de ces subventions, ni qu’il s’en serait prévalu dans le cadre de la campagne. Par suite, le grief ne peut, en tout état de cause, qu’être écarté. 7. En quatrième lieu, le requérant soutient que M. SEO a pris part, alors qu’il n’est pas membre des commissions concernées, à un déplacement à Futuna du 9 au 11 mai 2022 de certaines commissions de l’assemblée territoriale, au cours duquel il aurait entamé sa campagne par des visites coutumières dont les cadeaux ont été financés par le budget territorial. 8. Il résulte toutefois de l’instruction, notamment d’une attestation du président de l’assemblée territoriale, que la participation de M. SEO à ce déplacement était alors justifiée par ses fonctions de président de la commission permanente de cette assemblée, et a eu pour objet de constater l’avancement de divers chantiers de construction, de rénovation ou d’aménagement d’infrastructures publiques. Il ne résulte pas de l’instruction que la candidature de M. SEO aux élections législatives, qui n’avait au demeurant à ces dates pas encore été déclarée, aurait été évoquée à cette occasion. Par suite, la participation à ce déplacement au cours duquel des cadeaux coutumiers ont été remis n’a constitué, ni une manœuvre ayant altéré la sincérité du scrutin, ni l’octroi d’un financement public à la campagne de M. SEO. - Sur les griefs relatifs aux opérations de vote : . En ce qui concerne le contrôle d’identité des électeurs : 9. S’il est soutenu que les électeurs ont été admis au vote sans qu’il soit exigé d’eux la production d’un titré d’identité, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 60 du code électoral, les dispositions de cet article ne sont pas applicables pour l’élection du député dans les îles de Wallis et Futuna, en vertu de l’article R. 204 du même code. Il ne résulte pas de l’instruction que des électeurs admis à voter auraient voté sous une fausse identité. Le grief doit donc être écarté. . En ce qui concerne les listes d’émargement : 10. Aux termes de l’article L. 62-1 du code électoral : « Pendant toute la durée des opérations électorales, une copie de la liste électorale certifiée par le maire et comportant les mentions prescrites par les articles L. 18 et L. 19 ainsi que le numéro d’ordre attribué à chaque électeur, reste déposée sur la table à laquelle siège le bureau. / Cette copie constitue la liste d’émargement. / Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom sur la liste d’émargement ». Aux termes du second alinéa de l’article L. 64 du même code : « Lorsqu’un électeur se trouve dans l’impossibilité de signer, l’émargement prévu par le troisième alinéa de l’article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : "l’électeur ne peut signer lui-même" ». Il ressort de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, d’une part, que seule la signature personnelle, à l’encre, d’un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d’impossibilité dûment mentionnée sur la liste d’émargement, et d’autre part, que les formalités prévues par l’article L. 64, ayant pour but d’assurer l’authentification du suffrage de l’électeur se trouvant dans l’impossibilité de signer lui-même la liste d’émargement, tout en laissant à celui-ci une pleine liberté de choix quant à la désignation de l’électeur devant la signer à sa place, présentent un caractère substantiel. Ces dispositions sont applicables à l’élection du député dans les îles de Wallis et Futuna. 11. Le requérant soutient en premier lieu que l’absence, sur les listes électorales de Futuna, de numéro d’ordre par électeur, a méconnu les dispositions citées au paragraphe précédent. Toutefois, dès lors que cette irrégularité n’a pas donné lieu à des observations ou incidents signalés au procès-verbal et qu’il n’est pas établi que cette irrégularité aurait empêché un électeur de voter, permis à des personnes sans qualité de voter ou favorisé les fraudes, la seule absence de numéro d’ordre sur les listes électorales de Futuna est demeurée sans incidence sur la sincérité du scrutin. 12. Si le requérant soutient en deuxième lieu que l’utilisation, à Wallis, de listes d’émargement distinctes au premier et au second tours a rendu plus difficile les comparaisons de signature entre les deux tours, l’utilisation d’une liste d’émargement distincte pour chacun des deux tours n’est interdite par aucune disposition législative ou réglementaire et ne révèle par elle-même aucune irrégularité. 13. Le requérant soutient en troisième lieu que, pour 93 votes, les signatures figurant sur les listes d’émargement présentent des différences significatives entre les deux tours, qui établissent que le vote n’a pas été émis par l’électeur. 14. Il résulte de l’instruction, notamment de l’examen des listes d’émargement des bureaux de vote contestés, que, dans la plupart des cas, les différences de signature alléguées ou bien sont peu probantes, ou bien sont imputables au fait que le mandant a voté à l’un des deux tours, ou à la circonstance que l’électeur a utilisé successivement ses initiales, un paraphe ou sa signature, ou encore résultent d’erreurs matérielles commises par des électeurs ayant signé dans une mauvaise case, ou bien enfin sont le fait d’électeurs ayant reconnu formellement avoir voté et signé en personne lors des deux tours. En revanche, deux votes, qui correspondent à des différences de signature significatives, doivent être tenus comme irrégulièrement exprimés. 15. Le requérant soutient en quatrième lieu que 104 votes n’ont donné lieu sur les listes d’émargement qu’à l’apposition de croix ou de simples marques ne présentant pas le caractère de signatures, sans que la mention « l’électeur ne peut voter lui-même » ait été apposée et qu’un autre ait signé à sa place. 16. Il résulte de l’instruction, notamment de l’examen des listes d’émargement, que pour 98 de ces votes, le grief manque en fait. Par ailleurs, deux électeurs et un mandataire ayant émargé par des croix au second tour, ont déclaré formellement avoir voté lors du scrutin. En revanche, trois votes, qui n’ont pas fait l’objet de telles déclarations, ont donné lieu à l’apposition sur les listes d’émargement de croix ou d’un simple trait ne présentant pas le caractère d’une signature, sans que les formalités prévues à l’article L. 64 du code électoral aient été respectées. Eu égard au nombre très faible des votes concernés, il ne saurait être soutenu que les personnes se trouvant dans l’impossibilité de signer ne pouvaient pas désigner un électeur en mesure d’attester de cette impossibilité en émargeant à leur place conformément aux dispositions de l’article L. 64 du code électoral. Ces trois votes doivent, dès lors, être tenus pour irréguliers. 17. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu’il y a lieu de déduire cinq voix, tant du nombre de voix obtenues par M. SEO, candidat élu, que du nombre de suffrages exprimés. L’écart de voix entre les deux candidats présents au second tour de scrutin s’établit, après cette déduction, à onze voix. - Sur les griefs relatifs aux listes électorales et aux votes par procuration : 18.  En premier lieu, la proportion importante de procurations établies dans la circonscription des îles de Wallis et Futuna ne saurait, par elle-même, faire présumer, et moins encore établir une fraude. Le requérant ne justifie dès lors pas, par sa seule invocation du nombre de procurations dans cette circonscription, la nécessité de diligenter l’enquête qu’il demande au sujet de la régularité de l’ensemble de ces procurations. 19. En second lieu, le requérant soutient que de nombreux électeurs étaient inscrits à la fois sur les listes électorales de Wallis-et-Futuna et de Nouvelle-Calédonie, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 10 du code électoral en vertu duquel « nul ne peut être inscrit sur plusieurs listes électorales », et que soixante-dix-sept d’entre eux ont fait établir, au titre de leur inscription sur la liste électorale des îles de Wallis et Futuna, des procurations qui ont été utilisées. Il soutient plus généralement que d’importants dysfonctionnements dans la tenue et la mise à jour des listes électorales à Wallis-et-Futuna, notamment l’absence de radiation d’électeurs ne remplissant plus les conditions pour figurer sur ces listes, ont altéré la sincérité du scrutin dans son ensemble. 20. Il n’appartient pas au juge de l’élection de se prononcer sur la régularité des inscriptions électorales au regard des conditions posées pour être inscrit sur la liste, sauf dans le cas où il y a eu manœuvre susceptible de porter atteinte à la sincérité du scrutin. 21. D’une part, il résulte de l’instruction, notamment des listes d’émargement des îles de Wallis et Futuna et de Nouvelle-Calédonie, que soixante-dix-sept électeurs étaient inscrits simultanément sur les listes électorales à Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie et ont fait établir des procurations au titre de leur inscription sur les listes électorales dans les îles de Wallis et Futuna. 22. Si la seule circonstance que ces électeurs ont fait établir des procurations alors qu’ils étaient simultanément inscrits sur la liste électorale de Nouvelle-Calédonie ne suffit pas à établir l’existence, de leur part, d’une manœuvre, il résulte de l’instruction que cinq de ces électeurs ont voté au second tour à la fois personnellement en Nouvelle-Calédonie et par procuration à Wallis-et-Futuna. Ces cinq suffrages doivent, dès lors, être regardés comme irréguliers et soustraits, par suite, tant du nombre des voix obtenues par M. SEO que du nombre total des suffrages exprimés au second tour. 23. D’autre part, le requérant invoque des dysfonctionnements structurels dans la tenue et la mise à jour des listes électorales de Wallis-et- Futuna dont il résulterait, selon lui, une atteinte à la sincérité du scrutin dans son ensemble. Il se prévaut notamment, au soutien de ce grief, de ce que le nombre d’électeurs inscrits sur les listes électorales de Wallis-et-Futuna est supérieur à celui des habitants majeurs de ces territoires. 24. Le ministre de l’intérieur et des outre-mer admet que le caractère manuel des radiations, à l’occasion de mises à jour périodiques des listes électorales de Wallis-et-Futuna, des électeurs inscrits sur ces listes ayant obtenu leur inscription sur les listes électorales de Nouvelle-Calédonie, a pu conduire aux quelques cas limités de doubles inscriptions évoqués aux paragraphes 21 et 22. Toutefois, pour regrettable que soit cette situation, le requérant n’apporte pas d’éléments de nature à établir, au-delà de la situation des soixante-dix-sept électeurs évoqués à ces paragraphes dont les conséquences sont demeurées limitées à cinq doubles votes, que les carences dans la mise à jour des listes électorales de Wallis-et-Futuna qu’il allègue auraient présenté une ampleur telle qu’elles auraient, compte tenu de l’écart des voix, entaché d’insincérité l’organisation du scrutin en favorisant l’établissement de fausses procurations, en facilitant les manœuvres et en permettant de nombreux doubles votes. 25. Compte tenu de l’ensemble des retranchements de suffrages irréguliers effectués, l’écart des voix entre les deux candidats au second tour s’établit à six voix. 26. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. MULIKIHAAMEA doit être rejetée. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. -  La requête de M. Etuato MULIKIHAAMEA est rejetée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 janvier 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 20 janvier 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 30 juin 2022 d’une requête présentée par M. Olivier VAGNEUX, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la 7ème circonscription du département de l’Essonne, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 12 et 19 juin 2022 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5823 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - les mémoires en défense présentés pour M. Robin REDA, député, par Me Arthur Fabre et Me Mathieu Gautier, avocats au barreau de Paris, enregistrés les 16 septembre et 2 novembre 2022 ; - le mémoire en réplique présenté par M. VAGNEUX, enregistré le 14 octobre 2022 ; - la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 10 octobre 2022, approuvant après réformation le compte de campagne de M. REDA ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : - Sur les griefs relatifs à la campagne électorale : 1. En premier lieu, ni la lettre de soutien à M. REDA diffusée par le maire de la commune de Savigny-sur-Orge avant le premier tour de scrutin, qui, en tout état de cause, n’a pas été imprimée en méconnaissance des dispositions relatives au financement des campagnes électorales, ni le message électronique envoyé à partir d’un service de messagerie personnelle, le 13 juin 2022, par un responsable local du parti « Les Républicains », par ailleurs mandataire financier de M. REDA, invitant les destinataires de ce message, qui ne sont au demeurant pas identifiés, à voter pour M. REDA, alors que le parti « Les Républicains » ne lui a pas apporté de soutien explicite pour le second tour de scrutin, ne présentent le caractère d’une manœuvre de nature à altérer les résultats du scrutin. 2. En deuxième lieu, le tract diffusé par M. REDA en vue du second tour de scrutin ne comporte aucun élément qui excède le cadre de la polémique électorale. 3. En troisième lieu, si le logo du parti « Les Républicains » figure sur le site internet de M. REDA, député élu en 2017 au titre de ce parti, il ne résulte pas de l’instruction que M. REDA, investi le 7 mai 2022 au nom d’« Ensemble », ait utilisé le logo de ce parti dans le cadre de la campagne électorale. Le grief tiré de la confusion qu’aurait entretenue M. REDA à l’égard des électeurs doit ainsi être écarté. 4. En quatrième lieu, aux termes de l’article L. 51 du code électoral : « Pendant la durée de la période électorale, dans chaque commune, des emplacements spéciaux sont réservés par l’autorité municipale pour l’apposition des affiches électorales (…) ». La circonstance, à la supposer établie, que, dans une commune de la circonscription, deux panneaux d’affichage réservés à Mme LEJEUNE, adversaire de M. REDA au second tour de scrutin, ont été retirés pendant plusieurs heures dans la matinée du mardi 14 juin 2022, est insusceptible d’avoir eu une influence sur les résultats du scrutin. 5. En dernier lieu, aux termes de l’article L. 49 du code électoral : « A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de : (…) 2° Diffuser ou faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale ». L’article publié le 19 juin 2022 sur le site internet du Parisien, intitulé « Duel serré dans la 7ème », ne peut être regardé comme constituant un message ayant le caractère de propagande électorale. Le grief tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 49 du code électoral doit donc être écarté. En outre, eu égard à son contenu, cet article n’est pas constitutif d’une manœuvre ayant pu altérer la sincérité du scrutin. - Sur les griefs relatifs au déroulement du scrutin : 6. En premier lieu, aux termes de l’article R. 30 du code électoral : « Les bulletins doivent être imprimés en une seule couleur sur papier blanc (…) ». Contrairement à ce que soutient le requérant, les bulletins de Mme Rabia DAAS, candidate au premier tour de scrutin, étaient imprimés en une seule couleur. 7. En second lieu, aux termes du dernier alinéa de l’article L. 62-1 du code électoral : « Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l'encre en face de son nom sur la liste d’émargement ». Aux termes du second alinéa de l’article L. 64 du même code : « Lorsqu'un électeur se trouve dans l’impossibilité de signer, l’émargement prévu par le troisième alinéa de l’article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : "l’électeur ne peut signer lui-même" ». Il ressort de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l’encre, d’un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d’impossibilité dûment mentionnée sur la liste d’émargement. 8. Le requérant soutient que quatre-cent deux signatures sur les listes d’émargement présentent des différences significatives ou litigieuses entre les deux tours de scrutin. 9. Il résulte de l’instruction, et notamment de l’examen des listes d’émargement des bureaux de vote concernés, que seules vingt-deux signatures comportent des différences significatives entre les deux tours de scrutin qui ne sont pas justifiées. Les votes correspondant doivent être regardés comme irrégulièrement exprimés. En revanche, dans les autres cas, les différences constatées ne sont pas probantes. Il y a ainsi lieu de déduire vingt-deux voix tant du nombre de suffrages obtenus au second tour par M. REDA que du nombre total de suffrages exprimés. Compte tenu toutefois de l’écart de voix au second tour de scrutin, les irrégularités constatées ne sont pas de nature à affecter le résultat de l'élection. 10. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. VAGNEUX doit être rejetée. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. -  La requête de M. Olivier VAGNEUX est rejetée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 janvier 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 27 janvier 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 juin 2022 d’une requête présentée par Me Juan Branco, avocat au barreau de Paris, pour M. Christian RODRIGUEZ, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la 2ème circonscription des Français établis hors de France, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 4 et 18 juin 2022 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5813 AN. Il a également été saisi le même jour d’une requête tendant aux mêmes fins présentée par M. Martin BIURRUN, candidat à la même élection. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5814 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - l’arrêté du 16 mars 2022 relatif au traitement automatisé de données à caractère personnel prévu à l'article R. 176-3 du code électoral ; - la décision n° 2022-5813 AN / QPC du 29 juillet 2022 ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - les mémoires en défense présentés pour Mme Eléonore CAROIT, députée, par Me Philippe Azouaou, avocat au barreau de Paris, enregistrés le 16 septembre 2022 ; - les observations présentées par la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, enregistrées le 19 septembre 2022 ; - la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 17 novembre 2022 approuvant, après réformation, le compte de campagne de Mme CAROIT ; - les autres pièces produites et jointes aux dossiers ; Après avoir entendu les parties et leurs conseils ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Les requêtes mentionnées ci-dessus sont dirigées contre la même élection. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision. - Sur les griefs relatifs au vote électronique : 2. En application de l’article L. 330-13 du code électoral applicable à l’élection des députés par les Français établis hors de France, les électeurs votent dans les bureaux ouverts en application de l'article L. 330-23 du même code et « peuvent également, par dérogation à l'article L. 54, voter par correspondance (…) par voie électronique au moyen de matériels et de logiciels permettant de respecter le secret du vote et la sincérité du scrutin », selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État. L’article R. 176-3-7 dispose que l’identité de l’électeur votant par voie électronique est attestée par un identifiant associé à un mot de passe, créés de manière aléatoire et transmis séparément à l’électeur, au plus tard avant le début de la période de vote, par des modes d’acheminement différents. En vertu de l’article 4 de l’arrêté du 16 mars 2022 mentionné ci-dessus, cette transmission à l’électeur de l’identifiant s’opère par courrier électronique et celle du mot de passe par message texte sur son téléphone mobile, respectivement à l’adresse courriel et au numéro de téléphone communiqués à cette fin. Enfin, en vertu de l’article R. 176-3-9 du code électoral, « pour voter par voie électronique, l'électeur, après s'être connecté au système de vote et identifié à l'aide de l'identifiant et du mot de passe prévus à l'article R. 176-3-7, exprime puis valide son vote au moyen d'un code de confirmation ». Ce code de confirmation lui est, conformément à l’article 4 de l’arrêté du 16 mars 2022, communiqué par voie électronique, à la même adresse électronique que celle utilisée pour la transmission de l’identifiant. 3. Les requérants soutiennent que des dysfonctionnements dans l’organisation des opérations de vote par voie électronique, en particulier dans la délivrance par les opérateurs de téléphonie des messages contenant les mots de passe, ont empêché un nombre significatif d’électeurs de prendre part au vote et porté atteinte à la sincérité du scrutin. 4. Il résulte du procès-verbal du bureau de vote électronique relatif au premier tour du scrutin que, à l’ouverture de la période de vote, seuls 11 % des messages téléphoniques contenant les mots de passe prévus par l’article R. 176-3-9 du code électoral et adressés aux électeurs inscrits sur les listes électorales consulaires en Argentine avaient été effectivement délivrés aux électeurs. Ce taux n’a atteint que 38 % à l’issue du premier tour, selon le procès-verbal du bureau de vote électronique relatif au second tour. 5. Si les électeurs concernés conservaient le droit de prendre part au vote à l’urne en se déplaçant physiquement à l’un des bureaux de vote ouverts dans la 2ème circonscription, ce dysfonctionnement a néanmoins été de nature, eu égard aux caractéristiques de la circonscription, à empêcher plusieurs milliers d’électeurs de prendre part au vote au premier tour. Cette circonstance doit être regardée, compte tenu de l’écart des voix entre les candidats, comme ayant porté atteinte à la sincérité du scrutin. 6. Alors même que cette circonstance n’est imputable ni à la candidate élue ni aux autres candidats, il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs soulevés par les requêtes, qu’il y a lieu d’annuler les opérations électorales contestées. - Sur les conclusions de M. BIURRUN tendant au remboursement de ses dépenses de campagne : 7. Les conclusions de M. BIURRUN tendant au remboursement de ses dépenses de campagne ne sont pas recevables devant le Conseil constitutionnel, lequel ne peut, selon l'article 33 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, être valablement saisi, par un électeur ou un candidat, de contestations autres que celles dirigées contre l'élection d'un député dans une circonscription déterminée. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les opérations électorales qui se sont déroulées les 4 et 18 juin 2022 dans la 2ème circonscription des Français établis à l’étranger sont annulées. Article 2. - Les conclusions de M. Martin BIURRUN tendant au remboursement de ses dépenses de campagne sont rejetées. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 janvier 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président,  Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 20 janvier 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 23 janvier 2023 par le Conseil d’État (décision n° 468567 du 20 janvier 2023), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour l’association Handi-social et Mme Odile M. par Me David Nabet-Martin, avocat au barreau de Toulouse. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-1039 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 146-5 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-220 du 6 mars 2020 visant à améliorer l’accès à la prestation de compensation du handicap. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l’action sociale et des familles ; - la loi n° 2020-220 du 6 mars 2020 visant à améliorer l’accès à la prestation de compensation du handicap ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les requérantes par Me Nabet-Martin, enregistrées le 8 février 2023 ; - les observations présentées par la Première ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour les requérantes par Me Nabet-Martin, enregistrées le 23 février 2023 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu M. Benoît Camguilhem, désigné par la Première ministre, à l’audience publique du 14 mars 2023 ; Au vu des pièces suivantes : - la note en délibéré présentée par Me Nabet-Martin pour les requérantes, enregistrée le 17 mars 2023 ; - la note en délibéré présentée par la Première ministre, enregistrée le 17 mars 2023 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 146-5 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction résultant de la loi du 6 mars 2020 mentionnée ci-dessus, prévoient : « Dans la limite des financements du fonds départemental de compensation, les frais de compensation ne peuvent excéder 10 % des ressources personnelles nettes d’impôts des personnes handicapées mentionnées au premier alinéa du présent article, dans des conditions définies par décret. « Le département, l’État, les autres collectivités territoriales, les organismes d’assurance maladie, les caisses d’allocations familiales, les organismes régis par le code de la mutualité, l’association mentionnée à l’article L. 323-8-3 du code du travail, le fonds prévu à l’article L. 323-8-6-1 du même code et les autres personnes morales concernées peuvent participer au financement du fonds. Une convention passée entre les membres de son comité de gestion prévoit ses modalités d’organisation et de fonctionnement ». 2. Les requérantes reprochent à ces dispositions, qui prévoient que les fonds départementaux de compensation du handicap sont chargés de verser des aides financières destinées à compenser les frais liés au handicap, de maintenir à la charge des personnes handicapées des frais pouvant représenter jusqu’à 10 % de leurs ressources personnelles. Elles font également valoir que ce plafond peut en outre ne pas être respecté dès lors que ces aides sont accordées dans la limite des financements disponibles et que les contributions à ces fonds ne sont pas obligatoires. Selon elles, il en résulterait une méconnaissance d’un « principe de solidarité et d’accessibilité de la société aux personnes handicapées », qu’elles demandent au Conseil constitutionnel de reconnaître, ainsi que des principes de fraternité et de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, et des exigences découlant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. 3. Il en résulterait, pour les mêmes motifs, des différences de traitement injustifiées entre les personnes handicapées selon le fonds départemental dont elles dépendent, entre les personnes handicapées et les bénéficiaires d’autres prestations sociales, et entre les personnes handicapées et les personnes qui ne sont pas en situation de handicap. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le deuxième alinéa de l’article L. 146-5 du code de l’action sociale et des familles et sur les mots « peuvent participer au financement du fonds » figurant au troisième alinéa du même article. 5. En premier lieu, aux termes des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. - Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». 6. Les exigences constitutionnelles résultant de ces dispositions impliquent la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur des personnes handicapées. Il est cependant possible au législateur, pour satisfaire à ces exigences, de choisir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées. 7. Selon l’article L. 114-1-1 du code de l’action sociale et des familles, les personnes handicapées ont droit à la compensation des conséquences de leur handicap quels que soient l’origine et la nature de leur déficience, leur âge ou leur mode de vie. À cette fin, elles peuvent bénéficier, sous certaines conditions, de la prestation de compensation du handicap prévue par l’article L. 245-1 du même code, qui constitue une prestation d’aide sociale reposant sur la solidarité nationale. 8. L’article L. 146-5 du même code confie aux maisons départementales des personnes handicapées la gestion d’un fonds départemental de compensation du handicap chargé d’accorder des aides financières aux personnes handicapées au titre des frais de compensation restant à leur charge, après déduction de la prestation de compensation du handicap. 9. Les dispositions contestées de cet article précisent que, dans la limite des financements dont disposent ces fonds départementaux, les frais de compensation ne peuvent excéder 10 % des ressources des personnes handicapées. Elles prévoient que les personnes morales qu’elles énumèrent peuvent participer au financement de ces fonds. 10. Il ressort des travaux parlementaires que, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu améliorer la prise en charge des conséquences du handicap en confiant aux fonds départementaux le versement d’aides facultatives, en complément des montants reçus au titre de la prestation de compensation. 11. Dans ce cadre, il était loisible au législateur de ne prévoir qu’un objectif non contraignant de réduction des frais de compensation restant à la charge des personnes handicapées après qu’elles ont bénéficié de la prestation obligatoire due au titre de l’article L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles et de ne pas imposer aux contributeurs des fonds départementaux un financement obligatoire. 12. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 doit être écarté. 13. En second lieu, selon l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. 14. D’une part, les personnes handicapées qui bénéficient des aides financières versées par les fonds départementaux de compensation sont, au regard de l’objet des dispositions de l’article L. 146-5 du code de l’action sociale et des familles, placées dans une situation différente de celles des bénéficiaires d’aides sociales obligatoires reposant sur la solidarité nationale et des personnes qui ne sont pas en situation de handicap. 15. D’autre part, le législateur a pu permettre à ces fonds départementaux d’accorder des aides financières facultatives sans méconnaître le principe d’égalité. 16. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant loi doit donc être écarté. 17. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent ni le principe de fraternité, ni le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le deuxième alinéa et les mots « peuvent participer au financement du fonds » figurant au troisième alinéa de l’article L. 146-5 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-220 du 6 mars 2020 visant à améliorer l’accès à la prestation de compensation du handicap, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 mars 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 24 mars 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 27 janvier 2023 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 152 du 26 janvier 2023), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Sami G. par Me Valérie Castel-Pagès, avocate au barreau de Rennes. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-1040 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique. Il a également été saisi le 27 janvier 2023 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 153 du 26 janvier 2023), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour Mme Sarah O. par Me Yann Sarfati, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-1041 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe II de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de la santé publique ; - la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations en intervention présentées pour l’association Cercle de réflexion et de proposition d’action sur la psychiatrie par Me Jean-Marc Panfili, avocat au barreau du Tarn-et-Garonne, enregistrées le 31 janvier 2023 ; - les observations en intervention présentées pour l’association Avocats, droits et psychiatrie par Me Corinne Vaillant, avocate au barreau de Paris, enregistrées les 8 et 10 février 2023 ; - les observations en intervention présentées pour le Conseil national des barreaux par Me Anne-Sophie Lépinard, avocate au barreau des Hauts-de-Seine, enregistrées le 14 février 2023 ; - les observations en intervention présentées pour l’ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine par Me Raphaël Mayet, avocat au barreau de Versailles, enregistrées le même jour ; - les observations présentées pour le requérant par la SCP Boutet - Hourdeaux, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 15 février 2023 ; - les observations présentées pour la requérante par Me Sarfati, enregistrées le même jour ; - les observations présentées par la Première ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour l’ordre des avocats au barreau de Paris par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour le syndicat des avocats de France, le syndicat de la magistrature et l’union syndicale de la psychiatrie par la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour l’ordre des avocats au barreau de Seine-Saint-Denis par Me Quentin Dekimpe, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis, enregistrées le même jour ; - les secondes observations en intervention présentées pour l’ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine par Me Mayet, enregistrées le 1er mars 2023 ; - les secondes observations présentées pour la requérante par Me Sarfati, enregistrées le 2 mars 2023 ; - les secondes observations en intervention présentées pour l’association Avocats, droits et psychiatrie par Me Vaillant, enregistrées le même jour ; - les secondes observations en intervention présentées pour le Conseil national des barreaux par Me Lépinard, enregistrées le même jour ; - les secondes observations en intervention présentées pour l’ordre des avocats au barreau de Paris par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées le même jour ; - les secondes observations en intervention présentées pour l’ordre des avocats au barreau de Seine-Saint-Denis par Me Dekimpe, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Clémence Hourdeaux, avocate au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour le requérant, Me Sarfati, pour la requérante, Me Emmanuel Piwnica, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour l’ordre des avocats au barreau de Paris, Me Paul Mathonnet, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour le syndicat des avocats de France, le syndicat de la magistrature et l’union syndicale de la psychiatrie, Me Lépinard, pour le Conseil national des barreaux, Me Mayet, pour l’ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine, Me Vaillant, pour l’association Avocats, droits et psychiatrie, Me Dekimpe, pour l’ordre des avocats au barreau de Seine-Saint-Denis, et M. Benoît Camguilhem, désigné par la Première ministre, à l’audience publique du 21 mars 2023 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il y a lieu de joindre les deux questions prioritaires de constitutionnalité pour y statuer par une seule décision. 2. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l’occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi, pour celles des dispositions dont la rédaction n’a pas été précisée, du paragraphe II de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique dans sa rédaction résultant de la loi du 22 janvier 2022 mentionnée ci-dessus. 3. L’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, dans cette rédaction, prévoit : « I.- L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical. « La mesure d’isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d’une durée totale de quarante-huit heures, et fait l’objet de deux évaluations par vingt-quatre heures. « La mesure de contention est prise dans le cadre d’une mesure d’isolement pour une durée maximale de six heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au même premier alinéa, dans la limite d’une durée totale de vingt-quatre heures, et fait l’objet de deux évaluations par douze heures. « II.- À titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-delà des durées totales prévues au I, les mesures d’isolement et de contention, dans le respect des conditions prévues au même I. Le directeur de l’établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention du renouvellement de ces mesures. Le juge des libertés et de la détention peut se saisir d’office pour y mettre fin. Le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical. « Le directeur de l’établissement saisit le juge des libertés et de la détention avant l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement ou de la quarante-huitième heure de contention, si l’état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de ces durées. « Le juge des libertés et de la détention statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter du terme des durées prévues au deuxième alinéa du présent II. « Si les conditions prévues au I ne sont plus réunies, il ordonne la mainlevée de la mesure. Dans ce cas, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d’éléments nouveaux dans la situation du patient qui rendent impossibles d’autres modalités de prise en charge permettant d’assurer sa sécurité ou celle d’autrui. Le directeur de l’établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la nouvelle mesure. « Si les conditions prévues au même I sont toujours réunies, le juge des libertés et de la détention autorise le maintien de la mesure d’isolement ou de contention. Dans ce cas, le médecin peut la renouveler dans les conditions prévues audit I et aux deux premiers alinéas du présent II. Toutefois, si le renouvellement d’une mesure d’isolement est encore nécessaire après deux décisions de maintien prises par le juge des libertés et de la détention, celui-ci est saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter de sa précédente décision et le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical. Le juge des libertés et de la détention statue avant l’expiration de ce délai de sept jours. Le cas échéant, il est à nouveau saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration de chaque nouveau délai de sept jours et statue dans les mêmes conditions. Le médecin réitère l’information susmentionnée lors de chaque saisine du juge des libertés et de la détention. « Pour l’application des deux premiers alinéas du présent II, lorsqu’une mesure d’isolement ou de contention est prise moins de quarante-huit heures après qu’une précédente mesure d’isolement ou de contention a pris fin, sa durée s’ajoute à celle des mesures d’isolement ou de contention qui la précèdent. « Les mêmes deux premiers alinéas s’appliquent lorsque le médecin prend plusieurs mesures dont la durée cumulée sur une période de quinze jours atteint les durées prévues auxdits deux premiers alinéas. « Les mesures d’isolement et de contention peuvent également faire l’objet d’un contrôle par le juge des libertés et de la détention en application du IV de l’article L. 3211-12-1. « Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent II. « III.- Un registre est tenu dans chaque établissement de santé autorisé en psychiatrie et désigné par le directeur général de l’agence régionale de santé pour assurer des soins psychiatriques sans consentement en application du I de l’article L. 3222-1. Pour chaque mesure d’isolement ou de contention, ce registre mentionne le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, un identifiant du patient concerné ainsi que son âge, son mode d’hospitalisation, la date et l’heure de début de la mesure, sa durée et le nom des professionnels de santé l’ayant surveillée. Le registre, établi sous forme numérique, doit être présenté, sur leur demande, à la commission départementale des soins psychiatriques, au Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou à ses délégués et aux parlementaires. « L’établissement établit annuellement un rapport rendant compte des pratiques d’admission en chambre d’isolement et de contention, la politique définie pour limiter le recours à ces pratiques et l’évaluation de sa mise en œuvre. Ce rapport est transmis pour avis à la commission des usagers prévue à l’article L. 1112-3 et au conseil de surveillance prévu à l’article L. 6143-1 ». 4. Le requérant, rejoint par certaines parties intervenantes, reproche à ces dispositions de ne pas prévoir, dès le début d’une mesure d’isolement ou de contention, la notification au patient de son droit de saisir le juge des libertés et de la détention d’une demande de mainlevée et de son droit à l’assistance d’un avocat. Il en résulterait une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif et des droits de la défense. Pour les mêmes motifs, ces dispositions méconnaîtraient en outre le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et la liberté d’aller et de venir. 5. La requérante, rejointe par certaines parties intervenantes, fait grief à ces dispositions de ne pas prévoir que le patient faisant l’objet d’une mesure d’isolement ou de contention est systématiquement assisté par un avocat lors du contrôle de cette mesure par le juge. Elles méconnaîtraient ainsi les droits de la défense et la liberté individuelle. Elles seraient en outre, pour les mêmes motifs, entachées d’incompétence négative dans des conditions affectant ces exigences constitutionnelles. 6. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les deux premières phrases du paragraphe I de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique. 7. Certaines parties intervenantes font par ailleurs valoir que, faute de prévoir la notification immédiate au patient de ses droits, les dispositions contestées méconnaîtraient les exigences de l’article 66 de la Constitution, le droit à un procès équitable et l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice. Elles seraient en outre entachées d’incompétence négative dans des conditions affectant ces exigences constitutionnelles. - Sur le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif : 8. Selon l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu’il ne doit pas être porté d’atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction. 9. En application des dispositions contestées, un patient en hospitalisation complète sans consentement peut, sur décision motivée d’un psychiatre, faire l’objet d’une mesure d’isolement ou de contention, dont la durée initiale ne peut excéder, respectivement, douze heures ou six heures, pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour lui-même ou pour autrui. Ces dispositions ne prévoient pas que le patient soit alors informé de son droit de saisir un juge aux fins de mainlevée de cette mesure. 10. En premier lieu, conformément à l’article L. 3211-12 du code de la santé publique, le patient faisant l’objet d’une telle mesure ainsi que les personnes susceptibles d’agir dans son intérêt, mentionnées par cet article, peuvent saisir à tout moment le juge des libertés et de la détention d’une demande de mainlevée. 11. En deuxième lieu, d’une part, lorsque le médecin renouvelle ces mesures au-delà d’une durée totale de quarante-huit heures, pour l’isolement, ou de vingt-quatre heures, pour la contention, le directeur de l’établissement de soins en informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut à tout moment se saisir d’office pour y mettre fin. D’autre part, si l’état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de soixante-douze heures d’isolement ou de quarante-huit heures de contention, ce magistrat doit obligatoirement être saisi, avant l’expiration de ces délais, par le directeur de l’établissement. 12. En dernier lieu, le patient peut exercer une action en responsabilité devant les juridictions compétentes pour obtenir réparation du préjudice résultant d’un placement irrégulier en isolement ou sous contention ou des conditions dans lesquelles s’est déroulée cette mesure. 13. Par conséquent, en ne prévoyant pas que le patient doit immédiatement être informé de son droit de demander la mainlevée de la décision de placement en isolement ou sous contention dont il fait l’objet, les dispositions contestées ne méconnaissent pas, compte tenu de l’ensemble des voies de droit ouvertes et du contrôle exercé par le juge judiciaire, le droit à un recours juridictionnel effectif. - Sur le grief tiré de la méconnaissance des droits de la défense : 14. L’article 16 de la Déclaration de 1789 garantit les droits de la défense. 15. D’une part, si les mesures d’isolement et de contention qui peuvent être décidées dans le cadre d’une hospitalisation complète sans consentement constituent une privation de liberté, de telles mesures ont uniquement pour objet de prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui. Ainsi, elles ne relèvent pas d’une procédure de recherche d’auteurs d’infractions et ne constituent pas une sanction ayant le caractère d’une punition. Dès lors, l’absence de notification au patient placé en isolement ou sous contention de son droit à l’assistance d’un avocat ne peut être contestée sur le fondement de l’article 16 de la Déclaration de 1789. 16. D’autre part, les conditions dans lesquelles un patient est assisté ou représenté par un avocat devant le juge des libertés et de la détention saisi d’une demande de mainlevée d’une mesure d’isolement ou de contention sont prévues par l’article L. 3211-12-2 du code de la santé publique, dont le Conseil constitutionnel n’est pas saisi. Dès lors, il n’y a pas lieu d’examiner l’argument tiré de ce que méconnaîtrait les droits de la défense le fait que le patient ne bénéficie pas obligatoirement d’une assistance ou d’une représentation par un avocat. 17. Le grief tiré d’une méconnaissance des droits de la défense ne peut donc qu’être écarté. 18. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d’incompétence négative et qui ne méconnaissent pas non plus le principe de sauvegarde de la dignité humaine, la liberté d’aller et venir, le droit à un procès équitable ou les exigences de l’article 66 de la Constitution, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les deux premières phrases du paragraphe I de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 mars 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 31 mars 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 27 janvier 2023 par le Conseil d’État (décision n° 466225 du même jour), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour le syndicat national unifié des personnels des forêts et de l’espace naturel par la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-1042 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit : - du paragraphe II de l’article L. 161-4 du code forestier, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2022-839 du 1er juin 2022 relative aux agents de l’Office national des forêts ; - de la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 161-7 du même code, dans sa rédaction résultant de la même ordonnance ; - des mots « et ceux habilités à les constater, sans les rechercher, » figurant au paragraphe II de l’article L. 161-8 du même code, dans la même rédaction ; - des mots « et les agents de l’Office national des forêts habilités à constater, sans les rechercher, des infractions » figurant à l’article L. 161-10 du même code, dans la même rédaction ; - des mots « et au II » figurant au premier alinéa de l’article L. 161-12 du même code, dans la même rédaction ; - de la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 174-9 du même code, dans la même rédaction ; - du 2° de l’article L. 222-6 du même code, dans la même rédaction ; - des mots « ou au II » figurant à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 363-4 du même code, dans la même rédaction ; - des mots « et, pour leur seule constatation, les agents mentionnés au II du même article, » figurant au 2° de l’article L. 216-3 du code de l’environnement, au 3° de l’article L. 231-5 du même code, au 2° de ses articles L. 341-20 et L. 362-5, au 2° du paragraphe I de son article L. 415-1, au 2° de son article L. 428-20, au 2° du paragraphe I de son article L. 437-1 et au 6° de son article L. 541-44, dans la même rédaction ; - de la seconde phrase du 2° de l’article L. 1324-1 du code de la santé publique, dans la même rédaction. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l’environnement ; - le code forestier ; - le code de la santé publique ; - la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique ; - l’ordonnance n° 2022-839 du 1er juin 2022 relative aux agents de l’Office national des forêts, prise sur le fondement de l’habilitation prévue à l’article 79 de la loi du 7 décembre 2020 mentionnée ci-dessus, dont le délai est expiré ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations en intervention présentées par l’association France nature environnement, enregistrées le 13 février 2023 ; - les observations présentées pour l’Office national des forêts, partie au litige à l’occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par Mes Rémi-Pierre Drai et Didier Girard, avocats au barreau de Paris, enregistrées le 15 février 2023 ; - les observations présentées par la Première ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations en intervention présentées par l’association France nature environnement, enregistrées le 2 mars 2023 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Olivier Coudray, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour le syndicat requérant, Me Girard, pour l’Office national des forêts, et M. Benoît Camguilhem, désigné par la Première ministre, à l’audience publique du 21 mars 2023 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le paragraphe II de l’article L. 161-4 du code forestier, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 1er juin 2022 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Sont habilités à constater, sans les rechercher, les infractions forestières, les agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts, commissionnés à raison de leurs compétences en matière forestière et assermentés à cet effet. « Ces agents peuvent constater d’autres infractions, dans les conditions prévues par les dispositions législatives les désignant à cet effet. Lorsqu’ils sont investis par le code de l’environnement de missions de constatation d’infractions, ils interviennent dans les conditions définies à l’article L. 172-7, au premier alinéa de l’article L. 172-8, au deuxième alinéa de l’article L. 172-10, aux articles L. 172-12 à L. 172-14 et à l’article L. 174-2 de ce code ». 2. La seconde phrase du second alinéa de l’article L. 161-7 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « Les agents mentionnés au II de l’article L. 161-4 peuvent constater, sans les rechercher, ces infractions dans tous les bois et forêts, quel que soit leur régime de propriété ». 3. Le paragraphe II de l’article L. 161-8 du même code, dans la même rédaction, prévoit que, dans les bois et forêts relevant du régime forestier ou gérés contractuellement par l’Office national des forêts, exercent leurs compétences dans les mêmes conditions que les agents de l’État les agents de cet établissement habilités à rechercher et constater des infractions : « et ceux habilités à les constater, sans les rechercher, ». 4. L’article L. 161-10 du même code, dans la même rédaction, prévoit que sont assermentés, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, différentes catégories d’agents habilités à rechercher et constater des infractions : « et les agents de l’Office national des forêts habilités à constater, sans les rechercher, des infractions ». 5. Le premier alinéa de l’article L. 161-12 du même code, dans la même rédaction, prévoit que l’original du procès-verbal dressé pour constater des infractions forestières est transmis, dans les cinq jours ouvrés à dater de sa clôture, par les agents mentionnés aux 1° et 2° du paragraphe I de l’article L. 161-4 de ce code : « et au II ». 6. La seconde phrase du second alinéa de l’article L. 174-9 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « Les agents mentionnés au II de l’article L. 161-4 peuvent constater, sans les rechercher, les infractions forestières dans tous les bois et forêts ». 7. Le 2° de l’article L. 222-6 du même code, dans la même rédaction, prévoit que l’Office national des forêts emploie : « Des agents contractuels de droit privé, régis par le code du travail, pour la réalisation de l’ensemble de ses missions, sous réserve des dispositions du II de l’article L. 161-4 du présent code ». 8. Le premier alinéa de l’article L. 363-4 du même code, dans la même rédaction, prévoit que, lorsqu’un agent habilité constate par procès-verbal un défrichement réalisé en infraction aux dispositions de son livre III, ce procès-verbal peut ordonner l’interruption des travaux et la consignation des matériaux et du matériel de chantier. Cette disposition s’applique aux agents désignés aux 1° et 2° du paragraphe I de l’article L. 161-4 : « ou au II ». 9. Selon le 2° de l’article L. 216-3 du code de l’environnement, dans la même rédaction, sont habilités à rechercher et constater les infractions aux dispositions des chapitres Ier à VII du titre Ier du livre II de ce code les agents publics de l’Office national des forêts mentionnés au paragraphe I de l’article L. 161-4 du code forestier : « et, pour leur seule constatation, les agents mentionnés au II du même article, ». 10. Selon le 3° de l’article L. 231-5 du même code, dans la même rédaction, sont habilités à rechercher et constater les infractions aux dispositions du titre III du livre II de ce code les agents publics de l’Office national des forêts mentionnés au paragraphe I de l’article L. 161-4 du code forestier : « et, pour leur seule constatation, les agents mentionnés au II du même article, ». 11. Selon le 2° de l’article L. 341-20 du même code, dans la même rédaction, sont habilités à rechercher et constater les infractions aux dispositions du titre IV du livre III de ce code les agents publics de l’Office national des forêts mentionnés au paragraphe I de l’article L. 161-4 du code forestier : « et, pour leur seule constatation, les agents mentionnés au II du même article, ». 12. Selon le 2° de l’article L. 362-5 du même code, dans la même rédaction, sont habilités à rechercher et constater notamment les infractions aux dispositions du titre VI du livre III de ce code les agents publics de l’Office national des forêts mentionnés au paragraphe I de l’article L. 161-4 du code forestier : « et, pour leur seule constatation, les agents mentionnés au II du même article, ». 13. Selon le 2° du paragraphe I de l’article L. 415-1 du même code, dans la même rédaction, sont habilités à rechercher et constater les infractions aux dispositions du titre Ier du livre IV de ce code les agents publics de l’Office national des forêts mentionnés au paragraphe I de l’article L. 161-4 du code forestier : « et, pour leur seule constatation, les agents mentionnés au II du même article, ». 14. Selon le 2° de l’article L. 428-20 du même code, dans la même rédaction, sont habilités à rechercher et constater les infractions aux dispositions du titre II du livre IV de ce code les agents publics de l’Office national des forêts mentionnés au paragraphe I de l’article L. 161-4 du code forestier : « et, pour leur seule constatation, les agents mentionnés au II du même article, ». 15. Selon le 2° du paragraphe I de l’article L. 437-1 du même code, dans la même rédaction, sont habilités à rechercher et constater les infractions aux dispositions du titre III du livre IV de ce code les agents publics de l’Office national des forêts mentionnés au paragraphe I de l’article L. 161-4 du code forestier : « et, pour leur seule constatation, les agents mentionnés au II du même article, ». 16. Selon le 6° de l’article L. 541-44 du même code, dans la même rédaction, sont habilités à rechercher et constater les infractions aux dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre V de ce code les agents publics de l’Office national des forêts mentionnés au paragraphe I de l’article L. 161-4 du code forestier : « et, pour leur seule constatation, les agents mentionnés au II du même article, ». 17. La seconde phrase du 2° de l’article L. 1324-1 du code de la santé publique, dans la même rédaction, prévoit : « Toutefois, les agents mentionnés au II de l’article L. 161-4 du code forestier, ne peuvent que constater ces infractions ». 18. Le syndicat requérant reproche aux dispositions renvoyées de l’article L. 222-6 du code forestier de permettre à l’Office national des forêts d’employer des agents contractuels de droit privé en vue notamment de l’accomplissement de ses missions de police administrative. Ce faisant, elles auraient pour effet de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative, en méconnaissance de l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. 19. Il soutient par ailleurs que, en confiant à ces mêmes agents contractuels de droit privé le pouvoir de constater un grand nombre d’infractions, les autres dispositions renvoyées méconnaîtraient l’article 66 de la Constitution dont il résulte que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire. 20. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les dispositions suivantes :- le paragraphe II de l’article L. 161-4 du code forestier ; - la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 161-7 du même code ; - les mots « et au II » figurant au premier alinéa de l’article L. 161-12 du même code ; - la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 174-9 du même code ; - le 2° de l’article L. 222-6 du même code ; - les mots « ou au II » figurant à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 363-4 du même code ; - les mots « et, pour leur seule constatation, les agents mentionnés au II du même article, » figurant au 2° de l’article L. 216-3 du code de l’environnement, au 3° de l’article L. 231-5 du même code, au 2° de ses articles L. 341-20 et L. 362-5, au 2° du paragraphe I de son article L. 415-1, au 2° de son article L. 428-20, au 2° du paragraphe I de son article L. 437-1 et au 6° de son article L. 541-44 ; - la seconde phrase du 2° de l’article L. 1324-1 du code de la santé publique. - Sur le 2° de l’article L. 222-6 du code forestier : 21. Selon l’article 12 de la Déclaration de 1789 : « La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ». Il en résulte l’interdiction de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l’exercice de la « force publique » nécessaire à la garantie des droits. 22. L’article L. 222-6 du code forestier énumère les différentes catégories de personnel employées par l’Office national des forêts. À ce titre, les dispositions contestées de cet article prévoient que peuvent être recrutés des agents contractuels de droit privé, régis par le code du travail, pour la réalisation de l’ensemble de ses missions, y compris de police administrative. 23. Il résulte de l’article L. 221-1 du même code que l’Office national des forêts, établissement public national placé sous la tutelle de l’État, est une personne morale de droit public. En prévoyant que cet établissement public peut employer des agents contractuels de droit privé accomplissant pour son compte des missions de police administrative, les dispositions contestées n’ont ni pour objet ni pour effet de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale. 24. Le grief tiré de la méconnaissance des exigences résultant de l’article 12 de la Déclaration de 1789 ne peut donc qu’être écarté. 25. Par conséquent, le 2° de l’article L. 222-6 du code forestier, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution. - Sur les autres dispositions contestées : 26. Aux termes de l’article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». Il en résulte que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire. . En ce qui concerne les pouvoirs confiés aux agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts en matière d’infractions forestières : 27. L’article L. 161-4 du code forestier habilite certaines catégories d’agents à rechercher et constater les infractions forestières. Les dispositions contestées du premier alinéa de son paragraphe II donnent compétence aux agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts pour constater ces infractions. 28. En application des dispositions contestées de l’article L. 161-7 du même code, ces agents peuvent procéder au constat des infractions forestières dans tous les bois et forêts, quel que soit leur régime de propriété. Les dispositions contestées de l’article L. 174-9 du même code rendent ces dispositions applicables à La Réunion. 29. En vertu des dispositions contestées de l’article L. 161-12 du même code, les agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts transmettent les procès-verbaux d’infractions qu’ils établissent au représentant du ministère public. 30. Les dispositions contestées de l’article L. 363-4 du même code prévoient que, lorsque ces agents constatent par procès-verbal un défrichement réalisé en infraction aux dispositions du livre III du code forestier, ils peuvent ordonner l’interruption des travaux et la consignation des matériaux et du matériel de chantier. 31. D’une part, il résulte des termes mêmes des dispositions contestées que les agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts sont uniquement habilités à constater, sans les rechercher, les délits et contraventions prévus par le code forestier et, dans le cas où ils constatent un défrichement illicite, à ordonner des mesures conservatoires. 32. D’autre part, les agents contractuels de droit privé, qui doivent être commissionnés et assermentés pour procéder à ces constatations, sont tenus de transmettre, dans les cinq jours, l’original des procès-verbaux qu’ils dressent au procureur de la République ou au directeur régional de l’administration chargée des forêts, selon que l’infraction est constitutive d’un délit ou d’une contravention, et simultanément la copie de ces procès-verbaux à l’autorité qui n’est pas destinataire de l’original. Lorsqu’ils constatent un défrichement illicite pour lequel ils ordonnent une mesure conservatoire, la copie du procès-verbal est transmise sans délai au ministère public. 33. Dès lors, compte tenu des prérogatives ainsi confiées à ces agents et de leurs modalités d’exercice, les dispositions contestées ne méconnaissent pas l’exigence de direction et de contrôle de l’autorité judiciaire sur la police judiciaire résultant de l’article 66 de la Constitution. . En ce qui concerne les pouvoirs confiés aux agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts en matière d’infractions au code de l’environnement et au code de la santé publique : 34. En application des dispositions contestées de l’article L. 1324-1 du code de la santé publique, les agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts sont compétents pour constater les infractions prévues au titre de la police des eaux potables et des eaux minérales naturelles. 35. Les dispositions contestées des articles L. 216-3, L. 231-5, L. 341-20, L. 362-5, L. 415-1, L. 428-20, L. 437-1 et L. 541-44 du code de l’environnement donnent compétence aux agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts pour constater les infractions prévues au titre des polices spéciales de l’eau, des milieux physiques, des sites naturels inscrits et classés, d’accès aux espaces naturels, de protection du patrimoine naturel, de la chasse, de la pêche en eau douce et de traitement des déchets. À cette fin, les dispositions contestées du second alinéa du paragraphe II de l’article L. 161-4 du code forestier prévoient que ces agents peuvent retenir l’auteur de l’infraction en cas de refus ou d’impossibilité de justifier de son identité, recueillir les déclarations de toute personne, requérir directement la force publique, procéder à la saisie des objets ayant notamment servi à la commission de l’infraction ou qui en sont le produit, procéder ou faire procéder à la destruction des végétaux et des animaux morts ou non viables ou au placement des animaux et végétaux viables saisis, prélever ou faire prélever des échantillons placés sous scellés en vue d’analyse ou d’essai, ou encore procéder à des communications d’informations et documents détenus ou recueillis dans l’exercice de leurs missions. 36. En premier lieu, il résulte des termes mêmes des dispositions contestées que les agents contractuels de droit privé de l’Office national des forêts sont uniquement habilités à constater, sans les rechercher, certaines infractions prévues par le code de l’environnement et le code de la santé publique. 37. En second lieu, d’une part, il résulte des articles L. 172-16 du code de l’environnement et L. 1324-2 du code de la santé publique que ces agents, qui doivent être commissionnés et assermentés pour procéder à ces constatations, sont tenus de transmettre au procureur de la République les procès-verbaux qu’ils dressent dans les cinq jours qui suivent leur clôture. 38. D’autre part, si, lorsqu’ils sont investis par le code de l’environnement d’une mission de constatation de certaines infractions, ces agents disposent des pouvoirs particuliers prévus au paragraphe II de l’article L. 161-4 du code forestier, ils ne peuvent les exercer que pour les besoins de cette mission et sous le contrôle, selon les cas, d’un officier de police judiciaire ou du procureur de la République. En particulier, ils ne peuvent retenir l’auteur d’une infraction que pendant le temps nécessaire à l’information et à la décision de l’officier de police judiciaire et doivent obtenir l’autorisation du procureur de la République pour pouvoir procéder au placement des animaux et végétaux viables saisis. 39. Dès lors, compte tenu des prérogatives ainsi confiées à ces agents et de leurs modalités d’exercice, ces dispositions ne méconnaissent pas l’article 66 de la Constitution. 40. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sont conformes à la Constitution : - le paragraphe II de l’article L. 161-4 du code forestier, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2022-839 du 1er juin 2022 relative aux agents de l’Office national des forêts ; - la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 161-7 du même code, dans la même rédaction ; - les mots « et au II » figurant au premier alinéa de l’article L. 161-12 du même code, dans la même rédaction ; - la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 174-9 du même code, dans la même rédaction ; - le 2° de l’article L. 222-6 du même code, dans la même rédaction ; - les mots « ou au II » figurant à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 363-4 du même code, dans la même rédaction ; - les mots « et, pour leur seule constatation, les agents mentionnés au II du même article, » figurant au 2° de l’article L. 216-3 du code de l’environnement, au 3° de l’article L. 231-5 du même code, au 2° de ses articles L. 341-20 et L. 362-5, au 2° du paragraphe I de son article L. 415-1, au 2° de son article L. 428-20, au 2° du paragraphe I de son article L. 437-1 et au 6° de son article L. 541-44, dans la même rédaction ; - la seconde phrase du 2° de l’article L. 1324-1 du code de la santé publique, dans la même rédaction. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 mars 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 31 mars 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 17 février 2023 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 328 du 14 février 2023), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Dominique B. par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-1044 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 171-1, L. 171-3 et L. 172-5 du code de l’environnement, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2012-34 du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l’environnement, de l’article L. 172-11 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, et de son article L. 172-12, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 11 janvier 2012 précitée. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l’environnement ; - le code de procédure pénale ; - l’ordonnance n° 2012-34 du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l’environnement, ratifiée par l’article 17 de la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable ; - la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour M. Sébastien C. et l’Office français de la biodiversité, parties au litige à l’occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par la SCP Marlange - de La Burgade, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 7 mars 2023 ; - les observations présentées pour le requérant par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, enregistrées le 8 mars 2023 ; - les observations présentées par la Première ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées par l’association France nature environnement, enregistrées le même jour ; - les secondes observations en intervention présentées par l’association France nature environnement, enregistrées le 23 mars 2023 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Géraud Mégret, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour le requérant, Me Denis de La Burgade, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour les parties au litige à l’occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, Me Alexandre Faro, avocat au barreau de Paris, pour la partie intervenante, et M. Benoît Camguilhem, désigné par la Première ministre, à l’audience publique du 4 avril 2023 ; Au vu de la note en délibéré présentée par la Première ministre, enregistrée le 6 avril 2023 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L’article L. 171-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 11 janvier 2012 mentionnée ci-dessus, prévoit : « I. - Les fonctionnaires et agents chargés des contrôles prévus à l’article L. 170-1 ont accès : « 1° Aux espaces clos et aux locaux accueillant des installations, des ouvrages, des travaux, des aménagements, des opérations, des objets, des dispositifs et des activités soumis aux dispositions du présent code, à l’exclusion des domiciles ou de la partie des locaux à usage d’habitation. Ils peuvent pénétrer dans ces lieux entre 8 heures et 20 heures et, en dehors de ces heures, lorsqu’ils sont ouverts au public ou lorsque sont en cours des opérations de production, de fabrication, de transformation, d’utilisation, de conditionnement, de stockage, de dépôt, de transport ou de commercialisation mentionnées par le présent code ; « 2° Aux autres lieux, à tout moment, où s’exercent ou sont susceptibles de s’exercer des activités soumises aux dispositions du présent code ; « 3° Aux véhicules, navires, bateaux, embarcations et aéronefs utilisés à titre professionnel pour la détention, le transport, la conservation ou la commercialisation des animaux, des végétaux ou de tout autre produit susceptible de constituer un manquement aux prescriptions du présent code. « II. - Les fonctionnaires et agents chargés des contrôles ne peuvent avoir accès aux domiciles et à la partie des locaux à usage d’habitation qu’en présence de l’occupant et avec son assentiment ». 2. L’article L. 171-3 du même code, dans la même rédaction, prévoit :« Les fonctionnaires et agents chargés des contrôles peuvent se faire communiquer et prendre copie des documents qui sont relatifs à l’objet du contrôle, quel que soit leur support et en quelques mains qu’ils se trouvent, et qui sont nécessaires à l’accomplissement de leur mission. Ils ne peuvent emporter les documents originaux qu’après en avoir établi la liste qui est contresignée par leur détenteur. Les documents originaux sont restitués dans le délai d’un mois après le contrôle. Lorsque les documents sont sous une forme informatisée, les fonctionnaires et agents ont accès aux logiciels et à ces données. Ils peuvent demander la transcription de ces données par tout traitement approprié dans des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle ». 3. L’article L. 172-5 du même code, dans la même rédaction, prévoit :« Les fonctionnaires et agents mentionnés à l’article L. 172-4 recherchent et constatent les infractions prévues par le présent code en quelque lieu qu’elles soient commises. « Toutefois, ils sont tenus d’informer le procureur de la République, qui peut s’y opposer, avant d’accéder : « 1° Aux établissements, locaux professionnels et installations dans lesquels sont réalisées des activités de production, de fabrication, de transformation, d’utilisation, de conditionnement, de stockage, de dépôt, de transport ou de commercialisation. Ils ne peuvent pénétrer dans ces lieux avant 6 heures et après 21 heures. En dehors de ces heures, ils y accèdent lorsque les locaux sont ouverts au public ou lorsqu’une des activités prévues ci-dessus est en cours ; « 2° Aux véhicules, navires, bateaux, embarcations et aéronefs professionnels utilisés pour la détention, le transport, la conservation ou la commercialisation des animaux, des végétaux ou de tout autre produit susceptible d’être l’objet d’une infraction prévue par le présent code. « Les domiciles et les locaux comportant des parties à usage d’habitation ne peuvent être visités qu’entre 6 heures et 21 heures, avec l’assentiment de l’occupant ou, à défaut, en présence d’un officier de police judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale relatives aux visites domiciliaires, perquisitions et saisies des pièces à conviction. Cet assentiment doit faire l’objet d’une déclaration écrite de la main de l’intéressé ou, si celui-ci ne sait écrire, il en est fait mention au procès-verbal, ainsi que de son assentiment ». 4. L’article L. 172-11 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 8 août 2016 mentionnée ci-dessus, prévoit :« Les fonctionnaires et agents mentionnés à l’article L. 172-4 peuvent demander la communication, prendre copie ou procéder à la saisie des documents de toute nature qui sont relatifs à l’objet du contrôle, quel que soit leur support et en quelques mains qu’ils se trouvent, et qui sont nécessaires à l’accomplissement de leur mission sans que puisse leur être opposée, sans motif légitime, l’obligation de secret professionnel. Lorsque les documents sont sous une forme informatisée, ils ont accès aux logiciels et aux données ; ils peuvent en demander la transcription, sur place et immédiatement, par tout traitement approprié dans des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle. « Ils peuvent également consulter tout document nécessaire à l’accomplissement de leur mission auprès des administrations publiques, des établissements et organismes placés sous le contrôle de l’État et des collectivités territoriales ». 5. L’article L. 172-12 du même code, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 11 janvier 2012, prévoit :« Les fonctionnaires et agents chargés des contrôles peuvent se faire communiquer et prendre copie des documents qui sont relatifs à l’objet du contrôle, quel que soit leur support et en quelques mains qu’ils se trouvent, et qui sont nécessaires à l’accomplissement de leur mission. Ils ne peuvent emporter les documents originaux qu’après en avoir établi la liste qui est contresignée par leur détenteur. Les documents originaux sont restitués dans le délai d’un mois après le contrôle. Lorsque les documents sont sous une forme informatisée, les fonctionnaires et agents ont accès aux logiciels et à ces données. Ils peuvent demander la transcription de ces données par tout traitement approprié dans des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle. « Les frais de transport, d’entretien et de garde des objets saisis sont supportés par l’auteur de l’infraction. « Les animaux ou les végétaux saisis peuvent être remis dans le milieu où ils ont été prélevés ou dans un milieu compatible avec leurs exigences biologiques ». 6. Le requérant reproche à ces dispositions de méconnaître le droit au respect de la vie privée et le droit à un recours juridictionnel effectif. 7. D’une part, il soutient que les dispositions relatives aux contrôles administratifs n’entourent d’aucune garantie les droits de visite et de communication reconnus aux agents chargés de la protection de l’environnement. Il considère en particulier que la seule possibilité d’exercer un recours de droit commun postérieurement à la mise en œuvre de ces prérogatives ne constituerait pas une garantie suffisante. 8. D’autre part, il fait valoir que les dispositions relatives aux contrôles aux fins de recherche et de constatation des infractions au code de l’environnement n’entoureraient pas de garanties suffisantes les droits de visite et de communication qu’elles prévoient, au motif notamment que leur exercice ne serait subordonné ni à l’existence de présomptions ou d’indices rendant vraisemblable la commission d’une infraction ni à l’autorisation du juge. En outre, il dénonce l’absence de toute garantie encadrant le droit de saisie prévu par ces dispositions. 9. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le 2° du paragraphe I de l’article L. 171-1 du code de l’environnement, la première phrase de l’article L. 171-3 du même code, son article L. 172-5, la première phrase de son article L. 172-11 et les quatre premiers alinéas de son article L. 172-12. - Sur les dispositions relatives aux contrôles administratifs : 10. Selon l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ». La liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de la vie privée. 11. Il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre l’objectif à valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et le droit au respect de la vie privée. . En ce qui concerne les dispositions contestées de l’article L. 171-1 du code de l’environnement : 12. L’article L. 171-1 du code de l’environnement reconnaît un droit de visite aux fonctionnaires et agents chargés des contrôles administratifs prévus par le code de l’environnement. Dans ce cadre, ceux-ci peuvent notamment accéder, sous certaines conditions, à des espaces clos et des locaux accueillant des installations, ouvrages, travaux, opérations, objets, dispositifs et activités régis par ce code, ainsi qu’aux domiciles et à la partie des locaux à usage d’habitation. 13. Les dispositions contestées de cet article prévoient qu’ils ont également accès, à tout moment, aux autres lieux où s’exercent ou sont susceptibles de s’exercer des activités régies par ce code. Elles n’autorisent ainsi les agents à procéder à ces contrôles administratifs que dans les lieux libres d’accès, tels que les espaces naturels ou terrains agricoles. 14. Dès lors, eu égard à la nature de ces lieux, les dispositions contestées ne portent pas atteinte au droit au respect de la vie privée. 15. Par conséquent, les dispositions contestées de l’article L. 171-1 du code de l’environnement, qui ne méconnaissent pas non plus le droit à un recours juridictionnel effectif ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. . En ce qui concerne les dispositions contestées de l’article L. 171-3 du code de l’environnement : 16. L’article L. 171-3 du code de l’environnement prévoit que les agents chargés des contrôles administratifs disposent d’un droit de communication. Les dispositions contestées de cet article précisent, à cet égard, qu’ils peuvent se faire communiquer des documents et en prendre copie quel que soit leur support et en quelques mains qu’ils se trouvent. 17. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public. 18. En deuxième lieu, ces dispositions limitent le droit de communication des agents aux seuls documents relatifs à l’objet du contrôle et qui sont nécessaires à l’accomplissement de leur mission de protection de l’environnement. 19. En dernier lieu, elles ne leur confèrent pas un pouvoir d’exécution forcée pour obtenir la remise de ces documents. Il en résulte que la communication d’un document doit être volontaire. La circonstance que le refus de communication des documents demandés puisse être à l’origine d’une sanction pénale ne confère pas une portée différente aux pouvoirs dévolus aux agents par les dispositions contestées. 20. Dès lors, ces dispositions ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée. 21. Par conséquent, les dispositions contestées de l’article L. 171-3 du code de l’environnement, qui ne méconnaissent pas non plus le droit à un recours juridictionnel effectif ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. - Sur les dispositions relatives aux contrôles aux fins de recherche et de constatation des infractions : 22. Il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, l’objectif à valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions et, d’autre part, le droit au respect de la vie privée et le principe de l’inviolabilité du domicile. . En ce qui concerne l’article L. 172-5 du code de l’environnement : 23. L’article L. 172-4 du code de l’environnement confie notamment aux inspecteurs de l’environnement et à certains agents de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics la mission de rechercher et de constater les infractions aux dispositions de ce code. 24. L’article L. 172-5 prévoit que, à cette fin, ces inspecteurs et agents disposent d’un droit de visite en quelque lieu que ces infractions soient commises. 25. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions. 26. En deuxième lieu, les agents ne peuvent procéder à des visites que sous certaines conditions qui diffèrent selon la nature des lieux faisant l’objet du contrôle. Dans le cas où la visite se déroule dans un domicile ou un local comportant une partie à usage d’habitation, celle-ci ne peut avoir lieu qu’entre 6 heures et 21 heures, avec l’assentiment de l’occupant ou, à défaut, en présence d’un officier de police judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale relatives aux visites domiciliaires, perquisitions et saisies des pièces à conviction. Dans le cas où la visite se déroule dans un établissement, un local professionnel ou une installation accueillant des activités de production, de fabrication, de transformation, d’utilisation, de conditionnement, de stockage, de dépôt, de transport ou de commercialisation, les agents doivent au préalable en informer le procureur de la République, qui peut s’y opposer, et ne peuvent pénétrer dans ces lieux qu’à certains horaires. Ils doivent également informer ce magistrat avant d’accéder aux moyens de transport professionnels utilisés pour la détention, le transport, la conservation ou la commercialisation des animaux, des végétaux ou de tout autre produit susceptible d’être l’objet d’une infraction prévue par le code de l’environnement. Enfin, lorsque la visite se déroule dans d’autres lieux, il ne peut s’agir que de lieux libres d’accès. 27. En dernier lieu, ce droit de visite n’est reconnu qu’à des agents publics spécialement habilités et aux inspecteurs de l’environnement, commissionnés et assermentés à cette fin. 28. Dès lors, les dispositions contestées de l’article L. 172-5 ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée. 29. Par conséquent, ces dispositions, qui ne méconnaissent pas non plus le droit à un recours juridictionnel effectif ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. . En ce qui concerne certaines dispositions de l’article L. 172-11 du code de l’environnement : 30. Les dispositions contestées de l’article L. 172-11 du code de l’environnement prévoient que les agents peuvent demander la communication, prendre copie ou procéder à la saisie de documents de toute nature, quel que soit leur support et en quelques mains qu’ils se trouvent, sans que puisse leur être opposée, sans motif légitime, l’obligation de secret professionnel. 31. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions. 32. En deuxième lieu, ces dispositions limitent le droit de communication des agents aux seuls documents relatifs à l’objet du contrôle et qui sont nécessaires à l’accomplissement de leur mission. 33. En troisième lieu, elles ne leur confèrent pas un pouvoir d’exécution forcée pour obtenir la remise de ces documents. Il en résulte que seuls les documents volontairement communiqués peuvent être copiés ou saisis. La circonstance que le refus de communication des documents demandés puisse être à l’origine d’une sanction pénale ne confère pas une portée différente aux pouvoirs dévolus aux agents par les dispositions contestées. 34. En dernier lieu, ce droit de communication n’est reconnu qu’à des agents publics spécialement habilités et aux inspecteurs de l’environnement, commissionnés et assermentés à cette fin. 35. Dès lors, les dispositions contestées de l’article L. 172-11 ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée. 36. Par conséquent, ces dispositions, qui ne méconnaissent pas non plus le droit à un recours juridictionnel effectif ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. . En ce qui concerne les dispositions contestées de l’article L. 172-12 du code de l’environnement : 37. Aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu’il ne doit pas être porté d’atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction. 38. L’article L. 172-12 du code de l’environnement confie un pouvoir de saisie aux agents chargés de rechercher et de constater les infractions au code de l’environnement. 39. Les dispositions contestées de cet article prévoient que la saisie peut porter sur l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction, sur les armes et munitions, objets, instruments et engins ayant servi à commettre l’infraction ou y étant destinés ainsi que sur les embarcations, automobiles et autres véhicules utilisés pour la commission de l’infraction, pour se rendre sur les lieux où elle a été commise ou s’en éloigner, ou pour transporter l’objet de l’infraction. 40. En application des articles 41-4 et 99 du code de procédure pénale, la personne dont les biens ont été saisis peut en demander la restitution au juge d’instruction au cours d’une information judiciaire et au procureur de la République dans les autres cas. Il en résulte que la personne faisant l’objet d’une saisie dispose d’un recours lui permettant d’obtenir sa restitution. 41. Dès lors, les dispositions contestées de l’article L. 172-12 du code de l’environnement ne méconnaissent pas le droit à un recours juridictionnel effectif. 42. Par conséquent, ces dispositions, qui ne méconnaissent pas non plus le droit au respect de la vie privée ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sont conformes à la Constitution : - le 2° du paragraphe I de l’article L. 171-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2012-34 du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l’environnement ; - la première phrase de l’article L. 171-3 du même code, dans la même rédaction ; - l’article L. 172-5 du même code, dans la même rédaction ; - la première phrase de l’article L. 172-11 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ; - les quatre premiers alinéas de l’article L. 172-12 du même code, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2012-34 du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l’environnement. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 avril 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 13 avril 2023.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 24 février 2022 par le Conseil d'État (décision nos 456190, 456272 et 456432 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour l'association Fédération nationale des collectivités de compostage et autres par Me Blaise Eglie-Richters, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-990 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du seizième alinéa du paragraphe I de l'article L. 541-1 du code de l'environnement. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l'environnement ; - l'ordonnance n° 2020-920 du 29 juillet 2020 relative à la prévention et à la gestion des déchets ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les associations requérantes par Me Eglie-Richters, enregistrées le 9 mars 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées par l'association France nature environnement, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour les associations requérantes par Me Eglie-Richters, enregistrées le 24 mars 2022 ; - les secondes observations en intervention présentées par l'association France nature environnement, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Eglie-Richters, pour les associations requérantes, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 5 avril 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du seizième alinéa du paragraphe I de l'article L. 541-1 du code de l'environnement dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 29 juillet 2020 mentionnée ci-dessus. 2. Le seizième alinéa du paragraphe I de l'article L. 541-1 du code de l'environnement, dans cette rédaction, prévoit : « Le service public de gestion des déchets décline localement les objectifs visés au 4° et au 4° bis du présent I pour réduire les quantités d'ordures ménagères résiduelles après valorisation. L'autorisation de nouvelles installations de tri mécano-biologiques, de l'augmentation de capacités d'installations existantes ou de leur modification notable est conditionnée au respect, par les collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale, de la généralisation du tri à la source des biodéchets. Ces installations ne font pas l'objet d'aides de personnes publiques. À compter du 1er janvier 2027, il est interdit d'utiliser la fraction fermentescible des déchets issus de ces installations dans la fabrication de compost. Les collectivités territoriales progressent vers la généralisation d'une tarification incitative en matière de déchets, avec pour objectif que quinze millions d'habitants soient couverts par cette dernière en 2020 et vingt-cinq millions en 2025 ». 3. Les associations requérantes soutiennent tout d'abord que, en conditionnant désormais le développement des installations de tri mécano-biologique au respect d'une obligation, au demeurant imprécise, de généralisation du tri à la source des biodéchets et en interdisant de subventionner ces installations, ces dispositions seraient de nature à entraver les choix opérés par les collectivités territoriales au titre de la compétence que la loi leur reconnaît en matière de gestion des déchets. Il en résulterait une méconnaissance du principe de libre administration des collectivités territoriales. 4. Pour les mêmes motifs, les dispositions renvoyées méconnaîtraient également le droit de propriété des collectivités territoriales ainsi que la sécurité juridique découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et seraient entachées d'inintelligibilité et d'incompétence négative. 5. Les associations requérantes dénoncent ensuite une différence de traitement injustifiée entre les collectivités territoriales qui ont mis en place une installation de tri mécano-biologique et celles qui n'ont pas fait un tel choix, dès lors que seules les premières seraient tenues de généraliser le tri à la source des biodéchets. 6. Elles estiment enfin que, en faisant obstacle au développement de la filière de traitement mécano-biologique des déchets, alors que celle-ci contribuerait à la valorisation des déchets ménagers, ces dispositions seraient contraires aux exigences découlant de l'article 2 de la Charte de l'environnement. 7. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les deuxième et troisième phrases du seizième alinéa du paragraphe I de l'article L. 541-1 du code de l'environnement. 8. L'article 34 de la Constitution réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources. En vertu du troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution, « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus ». 9. Si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations, ou les soumettre à des interdictions, c'est à la condition que celles-ci répondent à des exigences constitutionnelles ou concourent à des fins d'intérêt général, qu'elles ne méconnaissent pas la compétence propre des collectivités concernées, qu'elles n'entravent pas leur libre administration et qu'elles soient définies de façon suffisamment précise quant à leur objet et à leur portée. 10. L'article L. 541-1 du code de l'environnement est relatif à la politique nationale de prévention et de gestion des déchets. Le seizième alinéa de son paragraphe I prévoit que le service public de gestion des déchets décline localement les objectifs de réduction des quantités d'ordures ménagères résiduelles après valorisation. 11. Les dispositions contestées de cet alinéa conditionnent l'autorisation de nouvelles installations de tri mécano-biologique, de l'augmentation des capacités d'installations existantes ou de leur modification notable à la généralisation du tri à la source des biodéchets par les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale. Elles interdisent également aux personnes publiques d'apporter une aide à ces installations. 12. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu, pour mettre en œuvre les objectifs de réduction et de valorisation des déchets ménagers, privilégier le tri à la source des biodéchets plutôt que leur prise en charge par des installations de traitement mécano-biologique dont il a estimé que les performances en termes de valorisation étaient insuffisantes. Ce faisant, il a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement. Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé. 13. En second lieu, d'une part, les dispositions contestées se bornent à soumettre la création d'installations de tri mécano-biologique ou l'extension des capacités d'installations existantes au respect de la condition, qui n'est pas imprécise, de généralisation du tri à la source des biodéchets. Elles n'interdisent pas aux collectivités territoriales de recourir à de telles installations et ne font pas davantage obstacle à la poursuite de l'exploitation des installations existantes. 14. D'autre part, par l'interdiction des aides publiques, les dispositions contestées visent uniquement à empêcher les personnes publiques de contribuer au développement des capacités de tri mécano-biologique par la création de nouvelles installations ou l'accroissement des capacités des installations existantes. 15. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe de libre administration des collectivités territoriales. 16. Par ailleurs, ces dispositions n'instituent, par elles-mêmes, aucune différence de traitement entre les collectivités territoriales. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit donc être écarté. 17. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative et qui ne méconnaissent ni les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789, ni le droit de propriété, ni l'article 2 de la Charte de l'environnement non plus qu'aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les deuxième et troisième phrases du seizième alinéa du paragraphe I de l'article L. 541-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2020-920 du 29 juillet 2020 relative à la prévention et à la gestion des déchets, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 avril 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Jacqueline GOURAULT, Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 22 avril 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 30 décembre 2021 par le Conseil d'État (décision n° 457203 du 29 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Eurelec trading par Me Olivier Laude, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-984 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe VII de l'article L. 470-2 du code de commerce. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de commerce ; - l'ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la société requérante par Me Laude, enregistrées le 21 janvier 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour la société ITM Alimentaire international par Me Yann Utzschneider, avocat au barreau de Paris, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour la société requérante par Me Laude, enregistrées le 7 février 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Laude, pour la société requérante, Me Utzschneider, pour la société intervenante, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 15 mars 2022 ; Au vu de la note en délibéré présentée pour la société requérante par Me Laude, enregistrée le 18 mars 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du paragraphe VII de l'article L. 470-2 du code de commerce dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 9 mars 2017 mentionnée ci-dessus. 2. Le paragraphe VII de l'article L. 470-2 du code de commerce, dans cette rédaction, prévoit :« Lorsque, à l'occasion d'une même procédure ou de procédures séparées, plusieurs sanctions administratives ont été prononcées à l'encontre d'un même auteur pour des manquements en concours, ces sanctions s'exécutent cumulativement ». 3. La société requérante, rejointe par la partie intervenante, reproche à ces dispositions de méconnaître le principe de proportionnalité des peines, dès lors qu'elles ne prévoient aucun plafond au cumul des sanctions administratives prononcées pour des manquements en concours. Elle soutient également que ces dispositions méconnaîtraient le principe de légalité des délits et des peines, faute de définir la notion de « manquements en concours ». La partie intervenante dénonce enfin, comme contraire au principe non bis in idem, le cumul de sanctions administratives permis par ces dispositions. 4. Selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes énoncés par cet article s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition. 5. L'article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité des dispositions législatives soumises à son examen aux droits et libertés que la Constitution garantit. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue. 6. En vertu de l'article L. 470-2 du code de commerce, l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut prononcer des amendes administratives en cas de non-respect des obligations en matière de transparence, de pratiques restrictives de concurrence, d'autres pratiques prohibées ou d'inexécution d'une mesure d'injonction notifiée à un professionnel soumis à ces règles. 7. Selon les dispositions contestées, lorsqu'un manquement à ces règles a été commis par une personne avant que celle-ci ait été définitivement sanctionnée pour un autre manquement, les sanctions administratives prononcées à son encontre s'exécutent cumulativement. 8. En premier lieu, aucune exigence constitutionnelle n'impose que des sanctions administratives prononcées pour des manquements distincts soient soumises à une règle de non-cumul. 9. En second lieu, d'une part, les dispositions contestées n'ont pas pour objet de déterminer le montant des sanctions encourues pour chacun des manquements réprimés. D'autre part, elles ne font pas obstacle à la prise en compte par l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de la nature des manquements, de leur gravité et de leur répétition pour déterminer le montant des sanctions, en particulier lorsqu'elles s'appliquent de manière cumulative. 10. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines doit donc être écarté. 11. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas les principes de légalité et de nécessité des délits et des peines, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le paragraphe VII de l'article L. 470-2 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, Michel PINAULT et François SENERS. Rendu public le 25 mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 10 février 2022 par le Conseil d'État (décision n° 458277 du 8 février 2022), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Roland B. par Me Éric Planchat, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-988 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des deux premiers alinéas de l'article 1732 du code général des impôts. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - le livre des procédures fiscales ; - l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités, ratifiée par l'article 138 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par Me Planchat, enregistrées le 17 février 2022 ; - les observations en intervention présentées pour la société Byck consulting par Me Laura Jaricot, avocate au barreau de Lyon, enregistrées le 2 mars 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 3 mars 2022 ; - les secondes observations présentées pour le requérant par Me Planchat, enregistrées le 16 mars 2022 ; - les secondes observations en intervention présentées pour la société Byck consulting par Me Jaricot, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Planchat, pour le requérant, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 29 mars 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi des deux premiers alinéas de l'article 1732 du code général des impôts dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 7 décembre 2005 mentionnée ci-dessus. 2. Les deux premiers alinéas de l'article 1732 du code général des impôts, dans cette rédaction, prévoient : « La mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : « a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'État ». 3. Le requérant, rejoint par la partie intervenante, reproche à ces dispositions de sanctionner par une majoration de droits l'opposition à contrôle fiscal alors que les dispositions de l'article 1746 du code général des impôts prévoient également une peine d'amende en cas d'entrave aux fonctions des agents de l'administration fiscale. Il en résulterait une méconnaissance du principe non bis in idem. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le deuxième alinéa de l'article 1732 du code général des impôts. 5. La société intervenante soutient par ailleurs que l'application automatique de la majoration prévue par ces dispositions méconnaîtrait le principe de proportionnalité des peines. 6. Selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition. 7. En premier lieu, il découle du principe de nécessité des délits et des peines qu'une même personne ne peut faire l'objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux. Si l'éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues. 8. En application de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsqu'un contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. Les dispositions contestées prévoient que, dans ce cas, cette évaluation d'office entraîne l'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés et aux créances fiscales devant être restituées à l'État. 9. L'article 1746 du code général des impôts punit d'une amende correctionnelle le fait de mettre les agents habilités à constater les infractions à la législation fiscale dans l'impossibilité d'accomplir leurs fonctions. Cette infraction est constituée en particulier lorsqu'un contribuable s'oppose à la mise en œuvre d'un contrôle fiscal. 10. Toutefois, la seule circonstance que plusieurs incriminations soient susceptibles de réprimer un même comportement ne peut caractériser une identité de faits au sens des exigences résultant de l'article 8 de la Déclaration de 1789 que si ces derniers sont qualifiés de manière identique. 11. Or, l'article 1746 du code général des impôts réprime le comportement de toute personne visant à faire obstacle à l'accomplissement par les agents de l'administration de leurs fonctions, indépendamment de la mise en œuvre d'un contrôle fiscal et du fait que des droits aient ou non été éludés. La majoration prévue par les dispositions contestées ne peut, quant à elle, s'appliquer qu'à un contribuable qui s'est opposé à un contrôle fiscal à la suite duquel l'administration établit qu'il a éludé des droits. 12. Dès lors, ces dispositions ne tendent pas à réprimer de mêmes faits, qualifiés de manière identique. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de nécessité des délits et des peines doit donc être écarté. 13. En second lieu, si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue. 14. D'une part, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu réprimer les comportements visant à faire obstacle au contrôle fiscal. Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale. 15. D'autre part, en prévoyant une majoration des droits éludés, le législateur a instauré une sanction dont l'assiette est en lien avec la nature de l'infraction. Le taux de cette majoration n'est pas manifestement disproportionné au regard de la particulière gravité du comportement réprimé. 16. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines doit donc être écarté. 17. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le deuxième alinéa de l'article 1732 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 avril 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Jacqueline GOURAULT, Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 8 avril 2022.
CONSTIT/CONSTEXT000045545222.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 28 janvier 2022 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 245 du 26 janvier 2022), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Concept immo et Mme Leila B. par Me Jérôme Rousseau et Me Guillaume Tapie, avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-985 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 609 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 58-1296 du 23 décembre 1958 modifiant et complétant le code de procédure pénale. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - l'ordonnance n° 58-1296 du 23 décembre 1958 modifiant et complétant le code de procédure pénale ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les requérantes par Mes Rousseau et Tapie, enregistrées le 15 février 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 16 février 2022 ; - les observations en intervention présentées pour l'association des avocats pénalistes et l'association Ligue des droits de l'homme par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Rousseau, pour les requérantes, Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour les parties intervenantes, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 22 mars 2022 ; Au vu des pièces suivantes : - la note en délibéré présentée par le Premier ministre, enregistrée le 28 mars 2022 ; - la note en délibéré présentée pour les parties intervenantes par la SCP Spinosi, enregistrée le 29 mars 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 609 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 23 décembre 1958 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Lorsque la Cour de cassation annule un arrêt ou un jugement rendu en matière correctionnelle ou de police, elle renvoie le procès et les parties devant une juridiction de même ordre et degré que celle qui a rendu la décision annulée ». 2. Les requérantes, rejointes par les parties intervenantes, reprochent à ces dispositions de permettre à la cour d'appel saisie sur renvoi après cassation d'aggraver la peine antérieurement prononcée, même dans le cas où la cassation est intervenue sur le seul pourvoi du prévenu. Elles auraient ainsi pour effet de dissuader ce dernier de former un pourvoi, en méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif. 3. Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction. 4. En application des dispositions contestées, telles qu'interprétées par une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la cour d'appel de renvoi, statuant sur les appels qui avaient été formés par le prévenu et le ministère public, peut aggraver la peine antérieurement prononcée, y compris lorsque la cassation est intervenue sur le seul pourvoi du prévenu. 5. En premier lieu, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de limiter la possibilité pour la personne condamnée de former un pourvoi en cassation et d'obtenir l'annulation de la décision attaquée. 6. En second lieu, dans le cas où elle obtient cette annulation, la personne condamnée est replacée, dans les limites du pourvoi et de la cassation, dans la situation où elle se trouvait avant le prononcé de la décision. Son affaire sera à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi. La circonstance que cette juridiction puisse aggraver la peine antérieurement prononcée dans le cas où le ministère public avait fait appel de la décision de première instance est ainsi sans incidence sur l'effectivité du pourvoi en cassation. 7. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit donc être écarté. 8. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - L'article 609 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 58-1296 du 23 décembre 1958 modifiant et complétant le code de procédure pénale, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 31 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 1er avril 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 5 avril 2022 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêts nos 476 et 477 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, de deux questions prioritaires de constitutionnalité. Ces questions ont été respectivement posées pour M. Jonas A. par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et pour M. Noah W. par la SELARL Le Prado - Gilbert, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elles ont été enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous les nos 2022-996 QPC et 2022-997 QPC. Elles sont relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 173 du code de procédure pénale. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ; - l'arrêt de la Cour de cassation du 7 novembre 2000 (chambre criminelle, n° 00-85.221) ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour M. Jonas A. par la SCP Waquet, Farge, Hazan, enregistrées le 20 avril 2022 ; - les observations présentées pour M. Noah W. par la SELARL Le Prado - Gilbert, enregistrées le même jour ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour M. Jonas A. par la SCP Waquet, Farge, Hazan, enregistrées le 5 mai 2022 ; - les secondes observations présentées pour M. Noah W. par la SELARL Le Prado - Gilbert, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Raphaël Dokhan, avocat au barreau de Paris, et Me Élodie Le Prado, avocate au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour M. Noah W., Me Ronald Maman, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour M. Jonas A., et M. Antoine Pavageau, désigné par la Première ministre, à l'audience publique du 24 mai 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il y a lieu de joindre les deux questions prioritaires de constitutionnalité pour y statuer par une seule décision. 2. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi de l'article 173 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 23 mars 2019 mentionnée ci-dessus. 3. L'article 173 du code de procédure pénale, dans cette rédaction, prévoit : « S'il apparaît au juge d'instruction qu'un acte ou une pièce de la procédure est frappé de nullité, il saisit la chambre de l'instruction aux fins d'annulation, après avoir pris l'avis du procureur de la République et avoir informé les parties. « Si le procureur de la République estime qu'une nullité a été commise, il requiert du juge d'instruction communication de la procédure en vue de sa transmission à la chambre de l'instruction, présente requête aux fins d'annulation à cette chambre et en informe les parties. « Si l'une des parties ou le témoin assisté estime qu'une nullité a été commise, elle saisit la chambre de l'instruction par requête motivée, dont elle adresse copie au juge d'instruction qui transmet le dossier de la procédure au président de la chambre de l'instruction. La requête doit, à peine d'irrecevabilité, faire l'objet d'une déclaration au greffe de la chambre de l'instruction. Elle est constatée et datée par le greffier qui la signe ainsi que le demandeur ou son avocat. Si le demandeur ne peut signer, il en est fait mention par le greffier. Lorsque le demandeur ou son avocat ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente, la déclaration au greffe peut être faite au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Lorsque la personne mise en examen est détenue, la requête peut également être faite au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire. Cette déclaration est constatée et datée par le chef de l'établissement pénitentiaire qui la signe, ainsi que le demandeur. Si celui-ci ne peut signer, il en est fait mention par le chef de l'établissement. Ce document est adressé sans délai, en original ou en copie et par tout moyen, au greffe de la chambre de l'instruction. « Les dispositions des trois premiers alinéas ne sont pas applicables aux actes de procédure qui peuvent faire l'objet d'un appel de la part des parties, et notamment des décisions rendues en matière de détention provisoire ou de contrôle judiciaire, à l'exception des actes pris en application du chapitre IX du titre II du livre II du code de la sécurité intérieure. « Dans les huit jours de la réception du dossier par le greffe de la chambre de l'instruction, le président peut, par ordonnance non susceptible de recours, constater que la requête est irrecevable en application des troisième ou quatrième alinéas du présent article, de l'article 173-1, du premier alinéa de l'article 174 ou du IV de l'article 175 ; il peut également constater l'irrecevabilité de la requête si celle-ci n'est pas motivée. S'il constate l'irrecevabilité de la requête, le président de la chambre de l'instruction ordonne que le dossier de l'information soit renvoyé au juge d'instruction ; dans les autres cas, il le transmet au procureur général qui procède ainsi qu'il est dit aux articles 194 et suivants ». 4. Les requérants reprochent à ces dispositions de ne pas imposer à la chambre de l'instruction de statuer à bref délai lorsqu'elle est saisie d'une requête en nullité formée contre le mandat d'arrêt pour l'exécution duquel une personne est placée sous écrou extraditionnel à l'étranger. Il en résulterait une méconnaissance de la liberté individuelle, des droits de la défense et du droit à un recours juridictionnel effectif. Ils dénoncent également la différence de traitement injustifiée résultant de ces dispositions entre la personne placée sous écrou extraditionnel à l'étranger et celle placée en détention provisoire en France dont le recours doit être examiné à bref délai par la chambre de l'instruction. 5. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « dans les autres cas, il le transmet au procureur général qui procède ainsi qu'il est dit aux articles 194 et suivants » figurant à la seconde phrase du dernier alinéa de l'article 173 du code de procédure pénale. 6. Aux termes de l'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». 7. Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Est garanti par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif. 8. L'article 173 du code de procédure pénale prévoit les modalités selon lesquelles la chambre de l'instruction peut être saisie d'une requête en nullité d'un acte ou d'une pièce de la procédure par le juge d'instruction, le procureur de la République, les parties ou le témoin assisté. 9. Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que, sur le fondement de ces dispositions, une personne placée sous écrou extraditionnel à l'étranger pour l'exécution d'un mandat d'arrêt décerné par un juge d'instruction peut saisir la chambre de l'instruction d'une requête en nullité de ce mandat. 10. En application du deuxième alinéa de l'article 194 du même code, auquel renvoient les dispositions contestées, la chambre de l'instruction dispose de manière générale d'un délai de deux mois, dont la méconnaissance n'est assortie d'aucune sanction, pour statuer sur une requête en nullité. 11. Or, en matière de privation de liberté, le droit à un recours juridictionnel effectif impose que le juge judiciaire soit tenu de statuer dans les plus brefs délais. Il appartient aux autorités judiciaires, sous le contrôle de la Cour de cassation, de veiller au respect de cette exigence. 12. Dès lors, dans le cas où elle est saisie d'une requête en nullité d'un mandat d'arrêt pour l'exécution duquel une personne est placée sous écrou extraditionnel à l'étranger, il incombe à la chambre de l'instruction de statuer dans les plus brefs délais. 13. Sous cette réserve, les dispositions contestées ne portent pas atteinte aux exigences constitutionnelles précitées. 14. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus les droits de la défense, ni le principe d'égalité devant la loi, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent, sous la réserve énoncée au paragraphe 12, être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sous la réserve énoncée au paragraphe 12, les mots « dans les autres cas, il le transmet au procureur général qui procède ainsi qu'il est dit aux articles 194 et suivants » figurant à la seconde phrase du dernier alinéa de l'article 173 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 2 juin 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 3 juin 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 14 avril 2022 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 431 du 13 avril 2022), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour l'association pour le développement de l'accès aux soins dentaires par la SCP Alain Bénabent, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-998 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du second alinéa de l'article L. 6323-1-9 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2018-17 du 12 janvier 2018 relative aux conditions de création et de fonctionnement des centres de santé. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de la santé publique ; - l'ordonnance n° 2018-17 du 12 janvier 2018 relative aux conditions de création et de fonctionnement des centres de santé, ratifiée par l'article 77 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 27 avril 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour l'association requérante par Me Daphné Bès de Berc, avocate au barreau de Paris, enregistrées le 12 mai 2022 ; - les secondes observations présentées pour le syndicat des chirurgiens-dentistes de France et le syndicat des chirurgiens-dentistes de Seine-Saint-Denis, parties au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Bès de Berc, pour l'association requérante, Me Bertrand Périer, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le syndicat des chirurgiens-dentistes de France et le syndicat des chirurgiens-dentistes de Seine-Saint-Denis, Me Frédéric Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, et M. Antoine Pavageau, désigné par la Première ministre, à l'audience publique du 24 mai 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le second alinéa de l'article L. 6323-1-9 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 12 janvier 2018 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Toute forme de publicité en faveur des centres de santé est interdite ». 2. L'association requérante soutient que ces dispositions, en interdisant toute forme de publicité en faveur des seuls centres de santé, institueraient une différence de traitement injustifiée entre ceux-ci et les professionnels de santé. Elle fait valoir, en outre, que le caractère général et absolu de cette interdiction porterait une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre. 3. Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 4. Les centres de santé sont des structures sanitaires de proximité, qui ont pour mission de dispenser des soins de premier recours et, le cas échéant, de second recours et pratiquent à la fois des activités de prévention, de diagnostic et de soins. Selon le premier alinéa de l'article L. 6323-1-9 du code de la santé publique, les centres de santé informent le public sur leur localisation, sur les activités et actions de santé publique ou sociales qu'ils mettent en œuvre, sur les modalités et les conditions d'accès aux soins, ainsi que sur le statut de leur gestionnaire. 5. Les dispositions contestées interdisent, en revanche, toute forme de publicité en faveur de ces centres. Il en résulte une différence de traitement avec les professionnels de santé qui ne sont pas soumis à une telle interdiction. 6. Les centres de santé sont ouverts à toutes les personnes sollicitant une prise en charge médicale relevant de la compétence des professionnels qui y exercent. Ils pratiquent le mécanisme du tiers payant et ne facturent pas de dépassements d'honoraires. 7. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu éviter que ces centres, qui peuvent être créés et gérés notamment par des organismes à but lucratif, ne mettent en avant ces conditions de prise en charge pour développer une pratique intensive de soins contraire à leur mission et de nature à porter atteinte à la qualité des soins dispensés. Il a ainsi poursuivi un motif d'intérêt général. 8. Dans la mesure où l'interdiction de la publicité en faveur des centres de santé contribue à prévenir une telle pratique, la différence de traitement critiquée par l'association requérante est en rapport avec l'objet de la loi. 9. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être écarté. 10. Les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus la liberté d'entreprendre, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le second alinéa de l'article L. 6323-1-9 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2018-17 du 12 janvier 2018 relative aux conditions de création et de fonctionnement des centres de santé, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 2 juin 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 3 juin 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 18 mars 2022 par le Conseil d'État (décision n° 454827 du même jour) dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la commune de Nice par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-995 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 1401 du code général des impôts. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - la loi n° 2013-428 du 27 mai 2013 modernisant le régime des sections de commune ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le syndicat de copropriétaires de la résidence Agora, partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par Me Henri-Charles Lambert, avocat au barreau de Nice, enregistrées le 5 avril 2022 ; - les observations présentées pour la commune requérante par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées le 6 avril 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 7 avril 2022 ; - les secondes observations présentées pour la commune requérante par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées le 21 avril 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me François Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la commune requérante, et M. Antoine Pavageau, désigné par la Première ministre, à l'audience publique du 17 mai 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi de l'article 1401 du code général des impôts dans sa rédaction résultant de la loi du 27 mai 2013 mentionnée ci-dessus. 2. L'article 1401 du code général des impôts, dans cette rédaction, prévoit :« Les contribuables ne peuvent s'affranchir de l'imposition à laquelle les terres vaines et vagues, les landes et bruyères et les terrains habituellement inondés ou dévastés par les eaux doivent être soumis, que s'il est renoncé à ces propriétés au profit de la commune dans laquelle elles sont situées. « La déclaration détaillée de cet abandon perpétuel est faite par écrit, à la mairie de la commune, par le propriétaire ou par un fondé de pouvoir spécial. « Les cotisations des terrains ainsi abandonnés comprises dans les rôles établis antérieurement à l'abandon restent à la charge du contribuable imposé. « Pour les rôles postérieurs, la taxe foncière est supportée par la commune. « Le paiement de la taxe foncière afférente aux marais et terres vaines et vagues qui n'ont aucun propriétaire particulier ainsi qu'aux terrains connus sous le nom de biens communaux, incombe à la commune tant qu'ils ne sont point partagés. « La taxe due pour des terrains qui ne sont communs qu'à certaines portions des habitants d'une commune est acquittée par la section de commune ». 3. La commune requérante considère que ces dispositions, en permettant au propriétaire d'un terrain de l'abandonner à la commune sur le territoire de laquelle il se situe dans le but de s'affranchir de la taxe foncière et de se décharger de son entretien, sans que celle-ci ne puisse s'y opposer, porteraient atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, au droit de propriété de la commune ainsi qu'à l'objectif de valeur constitutionnelle de bon usage des deniers publics. Au soutien de ces griefs, elle fait valoir que ces dispositions ne poursuivraient aucun motif d'intérêt général et qu'elles ne définiraient pas de manière suffisamment précise les conséquences pouvant résulter de ce transfert de propriété pour la commune. 4. La commune requérante reproche également à ces dispositions d'accorder un avantage fiscal aux seuls propriétaires de terrains improductifs, sans en faire bénéficier d'autres propriétaires, en particulier ceux d'immeubles menaçant ruine ou en état de péril. Elles seraient ainsi contraires aux principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques. 5. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les quatre premiers alinéas de l'article 1401 du code général des impôts. 6. La propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. En l'absence de privation de propriété au sens de l'article 17, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi. 7. Les dispositions contestées permettent au propriétaire de certains terrains de s'affranchir de la taxe foncière en renonçant, par une déclaration écrite, à ces propriétés au profit de la commune dans laquelle elles sont situées. Cet abandon n'est pas subordonné à l'acceptation par la commune. 8. En imposant ainsi à la commune de devenir propriétaire de ces terrains, ces dispositions portent atteinte au droit de propriété. 9. Toutefois, en premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu que des terrains improductifs et délaissés par leur propriétaire puissent, en entrant dans le patrimoine de la commune, trouver un usage conforme à l'intérêt de la collectivité. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général. 10. En second lieu, ces dispositions ne s'appliquent, sous le contrôle du juge, qu'aux terres vaines et vagues, aux landes et bruyères ou aux terrains habituellement inondés ou dévastés par les eaux. En outre, selon une jurisprudence constante du Conseil d'État, parmi ces terrains, seuls ceux qui ne comportent aucun aménagement particulier de nature à les rendre propres à un usage agricole, industriel, commercial ou à des fins d'habitation, peuvent faire l'objet d'un transfert de propriété à la commune. Les autorités communales sont tenues de s'opposer à l'abandon de terrains qui n'entreraient pas dans le champ ainsi défini. 11. Dès lors, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété. Le grief tiré de la méconnaissance du droit de propriété doit donc être écarté. 12. Par conséquent, ces dispositions, qui ne méconnaissent pas non plus le principe de libre administration des collectivités territoriales, ni les principes d'égalité devant loi et devant les charges publiques, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les quatre premiers alinéas de l'article 1401 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-428 du 27 mai 2013 modernisant le régime des sections de commune, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 25 mai 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 25 mai 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 11 mars 2022 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 389 du 8 mars 2022), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Mohammed D. par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-994 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 115 du code de procédure pénale. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ; - l'arrêt de la Cour de cassation du 15 décembre 2021 (chambre criminelle, n° 21-85.670) ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par Me Bertrand Périer, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et Me Raphaël Chiche, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 30 mars 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour l'association des avocats pénalistes par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour le Conseil national des barreaux par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour le syndicat des avocats de France par la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour M. Kamel M. par Mes Périer, Chiche et Thomas Bidnic, avocat au barreau de Paris, enregistrées le même jour ; - les secondes observations en intervention présentées pour le Conseil national des barreaux par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées le 14 avril 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Chiche, pour le requérant, Me Emmanuel Piwnica, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le Conseil national des barreaux, Me Paul Mathonnet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le syndicat des avocats de France, Me Karine Bourdié, avocate au barreau de Paris, pour l'association des avocats pénalistes, Me Bidnic, pour M. Kamel M., et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 10 mai 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi de l'article 115 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 9 mars 2004 mentionnée ci-dessus. 2. L'article 115 du code de procédure pénale, dans cette rédaction, prévoit : « Les parties peuvent à tout moment de l'information faire connaître au juge d'instruction le nom de l'avocat choisi par elles ; si elles désignent plusieurs avocats, elles doivent faire connaître celui d'entre eux auquel seront adressées les convocations et notifications ; à défaut de ce choix, celles-ci seront adressées à l'avocat premier choisi. « Sauf lorsqu'il s'agit de la première désignation d'un avocat par une partie ou lorsque la désignation intervient au cours d'un interrogatoire ou d'une audition, le choix effectué par les parties en application de l'alinéa précédent doit faire l'objet d'une déclaration au greffier du juge d'instruction. La déclaration doit être constatée et datée par le greffier qui la signe ainsi que la partie concernée. Si celle-ci ne peut signer, il en est fait mention par le greffier. Lorsque la partie ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente, la déclaration au greffier peut être faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. « Lorsque la personne mise en examen est détenue, le choix effectué par elle en application du premier alinéa peut également faire l'objet d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire. Cette déclaration est constatée et datée par le chef de l'établissement qui la signe ainsi que la personne détenue. Si celle-ci ne peut signer, il en est fait mention par le chef de l'établissement. Ce document est adressé sans délai, en original ou en copie et par tout moyen, au greffier du juge d'instruction. La désignation de l'avocat prend effet à compter de la réception du document par le greffier. « Lorsque la personne mise en examen est détenue, le choix peut également résulter d'un courrier désignant un avocat pour assurer sa défense. La déclaration prévue au deuxième alinéa doit alors être faite par l'avocat désigné ; celui-ci remet au greffier une copie, complète ou partielle, du courrier qui lui a été adressé, et qui est annexée par le greffier à la déclaration. La personne mise en examen doit confirmer son choix dans les quinze jours selon l'une des modalités prévues aux deuxième et troisième alinéas. Pendant ce délai, la désignation est tenue pour effective ». 3. Le requérant, rejoint par les parties intervenantes, reproche à ces dispositions de permettre au juge d'instruction de refuser la délivrance d'un permis de communiquer aux collaborateurs ou associés de l'avocat de la personne mise en examen et détenue lorsqu'elle ne les a pas nominativement désignés. Il en résulterait une méconnaissance des droits de la défense. En outre, en laissant au juge d'instruction toute latitude pour délivrer ou non un tel permis de communiquer, les dispositions renvoyées seraient contraires au principe d'égalité devant la justice. Enfin, le requérant, rejoint par certaines parties intervenantes, soutient que ces dispositions méconnaîtraient l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « le nom de l'avocat choisi par elles » figurant au premier alinéa de l'article 115 du code de procédure pénale. 5. L'une des parties intervenantes fait par ailleurs valoir que, faute pour le législateur d'avoir prévu l'obligation pour le juge d'instruction de délivrer un permis de communiquer aux associés et collaborateurs de l'avocat désigné, les dispositions contestées seraient entachées d'incompétence négative dans des conditions affectant les exigences constitutionnelles précitées. 6. Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Sont garantis par ces dispositions les droits de la défense. 7. L'article 115 du code de procédure pénale prévoit les modalités selon lesquelles, dans le cadre d'une information judiciaire, les parties portent à la connaissance du juge d'instruction le nom du ou des avocats qu'elles ont choisis pour assurer leur défense. 8. Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que les dispositions contestées permettent au juge d'instruction de refuser la délivrance d'un permis de communiquer à un avocat qui n'a pas été nominativement désigné selon ces modalités par la personne détenue mise en examen. 9. En premier lieu, ces dispositions tendent à garantir la liberté de la personne mise en examen de choisir son avocat. 10. En second lieu, d'une part, la personne mise en examen peut à tout moment de l'information désigner un ou plusieurs avocats, appartenant le cas échéant à un même cabinet, qu'ils soient salariés, collaborateurs ou associés. Ce choix peut être effectué au cours d'un interrogatoire ou par déclaration au greffier du juge d'instruction, mais également, lorsque la personne mise en examen est détenue, résulter d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire ou d'un courrier de désignation remis au greffier par son conseil et annexé à la déclaration faite par ce dernier. 11. D'autre part, chacun des avocats ainsi désignés peut solliciter la délivrance d'un permis de communiquer que le juge d'instruction est tenu de lui délivrer. 12. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance des droits de la défense doit être écarté. 13. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative et ne méconnaissent pas non plus le principe d'égalité devant la justice, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « le nom de l'avocat choisi par elles » figurant au premier alinéa de l'article 115 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 mai 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Corinne LUQUIENS, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et François SÉNERS. Rendu public le 20 mai 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 11 mars 2022 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 387 du 8 mars 2022), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Lotfi H. par Me Raphaël Chiche, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-993 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 60-1 et 60-2 du code de procédure pénale, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par Me Bertrand Périer, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et Me Chiche, enregistrées le 30 mars 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour M. Ibrahim K. par Mes Périer et Chiche, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Chiche, pour le requérant et la partie intervenante, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 10 mai 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 60-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi du 23 mars 2019 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de ce dernier, l'agent de police judiciaire peut, par tout moyen, requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des informations intéressant l'enquête, y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces informations, notamment sous forme numérique, le cas échéant selon des normes fixées par voie réglementaire, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel. Lorsque les réquisitions concernent des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-5, la remise des informations ne peut intervenir qu'avec leur accord. « À l'exception des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-5, le fait de s'abstenir de répondre à cette réquisition dans les meilleurs délais et s'il y a lieu selon les normes exigées est puni d'une amende de 3 750 euros. « À peine de nullité, ne peuvent être versés au dossier les éléments obtenus par une réquisition prise en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ». 2. L'article 60-2 du même code, dans sa rédaction résultant de la même loi, prévoit : « Sur demande de l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de ce dernier, de l'agent de police judiciaire, intervenant par voie télématique ou informatique, les organismes publics ou les personnes morales de droit privé, à l'exception de ceux visés au deuxième alinéa du 3° du II de l'article 8 et au 2° de l'article 67 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, mettent à sa disposition les informations utiles à la manifestation de la vérité, à l'exception de celles protégées par un secret prévu par la loi, contenues dans le ou les systèmes informatiques ou traitements de données nominatives qu'ils administrent. « L'officier de police judiciaire, ou, sous le contrôle de ce dernier, l'agent de police judiciaire intervenant sur réquisition du procureur de la République préalablement autorisé par ordonnance du juge des libertés et de la détention, peut requérir des opérateurs de télécommunications, et notamment de ceux mentionnés au 1 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, de prendre, sans délai, toutes mesures propres à assurer la préservation, pour une durée ne pouvant excéder un an, du contenu des informations consultées par les personnes utilisatrices des services fournis par les opérateurs. « Les organismes ou personnes visés au présent article mettent à disposition les informations requises par voie télématique ou informatique dans les meilleurs délais. « Le fait de refuser de répondre sans motif légitime à ces réquisitions est puni d'une amende de 3 750 euros. « Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine les catégories d'organismes visés au premier alinéa ainsi que les modalités d'interrogation, de transmission et de traitement des informations requises ». 3. Le requérant, rejoint par la partie intervenante, reproche à ces dispositions de permettre au procureur de la République ou à l'officier de police judiciaire, dans le cadre d'une enquête de flagrance, de requérir la communication de données de connexion sans le contrôle préalable d'une juridiction indépendante. Il en résulterait une méconnaissance du droit au respect de la vie privée. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « , y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, » figurant à la première phrase du premier alinéa de l'article 60-1 du code de procédure pénale et sur les mots « contenues dans le ou les systèmes informatiques ou traitements de données nominatives qu'ils administrent » figurant au premier alinéa de l'article 60-2 du même code. 5. Aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression ». La liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de la vie privée. 6. En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. Il lui incombe d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infraction et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée. 7. L'article 60-1 du code de procédure pénale permet au procureur de la République, à un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de ce dernier, à un agent de police judiciaire, dans le cadre d'une enquête de flagrance, de requérir par tout moyen des informations intéressant l'enquête détenues par toute personne publique ou privée, y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel. 8. L'article 60-2 du même code prévoit notamment que l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de ce dernier, l'agent de police judiciaire peut requérir d'un organisme public ou de certaines personnes morales de droit privé, par voie télématique ou informatique, la mise à disposition d'informations utiles à la manifestation de la vérité non protégées par un secret prévu par la loi, contenues dans un système informatique ou un traitement de données nominatives. 9. En permettant de requérir des informations issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, les dispositions contestées de ces articles autorisent le procureur de la République ainsi que les officiers et agents de police judiciaire à se faire communiquer des données de connexion ou à y avoir accès. 10. Les données de connexion comportent notamment les données relatives à l'identification des personnes, à leur localisation et à leurs contacts téléphoniques et numériques ainsi qu'aux services de communication au public en ligne qu'elles consultent. Compte tenu de leur nature, de leur diversité et des traitements dont elles peuvent faire l'objet, les données de connexion fournissent sur les personnes en cause ainsi que, le cas échéant, sur des tiers, des informations nombreuses et précises, particulièrement attentatoires à leur vie privée. 11. En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions. 12. En deuxième lieu, d'une part, ces dispositions ne permettent les réquisitions de données que dans le cadre d'une enquête de police portant sur un crime flagrant ou un délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement. D'autre part, la durée de cette enquête est limitée à huit jours. Elle ne peut être prolongée, pour une nouvelle durée maximale de huit jours, sur décision du procureur de la République, que si l'enquête porte sur un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans et si les investigations ne peuvent être différées. 13. En dernier lieu, ces réquisitions ne peuvent intervenir qu'à l'initiative du procureur de la République, d'un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de ce dernier, d'un agent de police judiciaire. Ces officiers et agents étant placés sous la direction du procureur de la République, les réquisitions sont mises en œuvre sous le contrôle d'un magistrat de l'ordre judiciaire auquel il revient, en application de l'article 39-3 du code de procédure pénale, de contrôler la proportionnalité des actes d'investigation au regard de la nature et de la gravité des faits. 14. Dès lors, les dispositions contestées opèrent une conciliation équilibrée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et le droit au respect de la vie privée. 15. Par conséquent, ces dispositions, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « , y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, » figurant à la première phrase du premier alinéa de l'article 60-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, et les mots « contenues dans le ou les systèmes informatiques ou traitements de données nominatives qu'ils administrent » figurant au premier alinéa de l'article 60-2 du même code, dans sa rédaction résultant de la même loi, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 mai 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et François SÉNERS. Rendu public le 20 mai 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 17 décembre 2021 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 809 du 16 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. X, l'association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers et l'association Groupe d'information et de soutien des immigrés par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-983 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, et de l'article L. 222-1 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile ; - la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les requérants par la SCP Spinosi, enregistrées le 10 janvier 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers, l'association Cimade, le Conseil national des barreaux, le syndicat des avocats de France et le syndicat de la magistrature par la SCP Spinosi, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour les requérants par la SCP Spinosi, enregistrées le 25 janvier 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour les parties requérantes et intervenantes, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 8 mars 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 juillet 2015 mentionnée ci-dessus, prévoit : « L'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français peut être maintenu dans une zone d'attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international figurant sur une liste définie par voie réglementaire, dans un port ou à proximité du lieu de débarquement ou dans un aéroport, pendant le temps strictement nécessaire à son départ. « Le présent titre s'applique également à l'étranger qui demande à entrer en France au titre de l'asile, le temps strictement nécessaire pour vérifier si l'examen de sa demande relève de la compétence d'un autre État en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, si sa demande n'est pas irrecevable ou si elle n'est pas manifestement infondée. « Lorsque l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans le cadre de l'examen tendant à déterminer si la demande d'asile n'est pas irrecevable ou manifestement infondée, considère que le demandeur d'asile, notamment en raison de sa minorité ou du fait qu'il a été victime de torture, de viol ou d'une autre forme grave de violence psychologique, physique ou sexuelle, nécessite des garanties procédurales particulières qui ne sont pas compatibles avec le maintien en zone d'attente, il est mis fin à ce maintien. L'étranger est alors muni d'un visa de régularisation de huit jours. Dans ce délai, l'autorité administrative compétente lui délivre, à sa demande, une attestation de demande d'asile lui permettant d'introduire cette demande auprès de l'office. « Le maintien en zone d'attente d'un mineur non accompagné, le temps strictement nécessaire à l'examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas irrecevable ou manifestement infondée, n'est possible que de manière exceptionnelle et seulement dans les cas prévus aux 1° et 2° du I, au 1° du II et au 5° du III de l'article L. 723-2. « Les dispositions du présent titre s'appliquent également à l'étranger qui se trouve en transit dans une gare, un port ou un aéroport si l'entreprise de transport qui devait l'acheminer dans le pays de destination ultérieure refuse de l'embarquer ou si les autorités du pays de destination lui ont refusé l'entrée et l'ont renvoyé en France. « Le présent titre s'applique également à l'étranger qui arrive en Guyane par la voie fluviale ou terrestre. « Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. Il précise les modalités de prise en compte de la vulnérabilité du demandeur d'asile et, le cas échéant, de ses besoins particuliers ». 2. L'article L. 222-1 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 7 mars 2016 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Le maintien en zone d'attente au-delà de quatre jours à compter de la décision initiale peut être autorisé, par le juge des libertés et de la détention statuant sur l'exercice effectif des droits reconnus à l'étranger, pour une durée qui ne peut être supérieure à huit jours ». 3. Les requérants, rejoints par les parties intervenantes, reprochent à ces dispositions de permettre le maintien en zone d'attente d'un étranger pendant un délai de quatre jours sans l'intervention d'un juge judiciaire et sans préciser les règles de computation de ce délai. Il en résulterait une méconnaissance de la liberté individuelle et du droit à un recours juridictionnel effectif. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « au-delà de quatre jours à compter de la décision initiale » figurant à l'article L. 222-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 5. Aux termes de l'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». Dans l'exercice de sa compétence, le législateur peut fixer des modalités d'intervention de l'autorité judiciaire différentes selon la nature et la portée des mesures affectant la liberté individuelle qu'il entend édicter. La liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible. 6. En application de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'administration peut décider de maintenir en zone d'attente l'étranger qui n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français ainsi que l'étranger qui demande à entrer en France au titre de l'asile. 7. Les dispositions contestées prévoient que, au-delà d'un délai de quatre jours à compter de la décision de maintien de l'étranger en zone d'attente, la prolongation de cette mesure doit être autorisée par le juge des libertés et de la détention. Elles ont ainsi pour effet de permettre de le priver de liberté durant ce délai sans l'intervention du juge judiciaire. 8. En premier lieu, le maintien en zone d'attente est destiné à permettre à l'administration d'organiser le départ de l'étranger qui ne satisfait pas aux conditions d'entrée en France ou, dans le cas d'un étranger qui demande à entrer en France au titre de l'asile, de vérifier si l'examen de sa demande relève de la compétence d'un autre État membre ou si elle n'est pas irrecevable ou manifestement infondée. L'étranger ne peut être maintenu en zone d'attente que pour le temps strictement nécessaire à l'accomplissement de ces diligences. 9. En second lieu, selon les dispositions contestées, le délai de quatre jours commence à courir dès le prononcé de la décision initiale de maintien en zone d'attente. Ces dispositions ne prévoient, par ailleurs, aucun motif de prorogation de ce délai. 10. Dès lors, en permettant à l'administration de maintenir en zone d'attente un étranger pendant un délai maximal de quatre jours sans l'intervention du juge judiciaire, les dispositions contestées ne méconnaissent pas l'article 66 de la Constitution. 11. Par conséquent, ces dispositions, qui ne méconnaissent pas non plus le droit à un recours juridictionnel effectif, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « au-delà de quatre jours à compter de la décision initiale » figurant à l'article L. 222-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, MM. Alain JUPPÉ, Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 17 mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 10 décembre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêts nos 1590 et 1591 du 7 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, de deux questions prioritaires de constitutionnalité. Ces questions ont été respectivement posées pour M. Habib A. et M. Samy B. par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elles ont été enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous les nos 2021-976 QPC et 2021-977 QPC. Elles sont relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des paragraphes II et III de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code des postes et des communications électroniques ; - la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les deux requérants par Me Bertrand Périer, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et Me Raphaël Chiche, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 3 janvier 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour M. Lazreg B. et autres par Mes Périer et Chiche, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour M. Pierre R. par Me Périer et Me Joanna Grauzam, avocate au barreau de Paris, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour l'association Ligue des droits de l'homme et l'association des avocats pénalistes par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour les associations La quadrature du net et Franciliens.net par Me Alexis Fitzjean Ó Cobhthaigh, avocat au barreau de Paris, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour les associations La quadrature du net et Franciliens.net par Me Fitzjean Ó Cobhthaigh, enregistrées le 18 janvier 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Chiche, pour les requérants et pour M. Lazreg B. et autres, Me Grauzam, pour M. Pierre R., Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'association Ligue des droits de l'homme et l'association des avocats pénalistes, Me Fitzjean Ó Cobhthaigh, pour les associations La quadrature du net et Franciliens.net, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 15 février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il y a lieu de joindre les deux questions prioritaires de constitutionnalité pour y statuer par une seule décision. 2. Le paragraphe II de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, dans sa rédaction résultant de la loi du 18 décembre 2013, prévoit : « Les opérateurs de communications électroniques, et notamment les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne, effacent ou rendent anonyme toute donnée relative au trafic, sous réserve des dispositions des III, IV, V et VI. « Les personnes qui fournissent au public des services de communications électroniques établissent, dans le respect des dispositions de l'alinéa précédent, des procédures internes permettant de répondre aux demandes des autorités compétentes. « Les personnes qui, au titre d'une activité professionnelle principale ou accessoire, offrent au public une connexion permettant une communication en ligne par l'intermédiaire d'un accès au réseau, y compris à titre gratuit, sont soumises au respect des dispositions applicables aux opérateurs de communications électroniques en vertu du présent article ». 3. Le paragraphe III de ce même article, dans la même rédaction, prévoit : « Pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales ou d'un manquement à l'obligation définie à l'article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle ou pour les besoins de la prévention des atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données prévues et réprimées par les articles 323-1 à 323-3-1 du code pénal, et dans le seul but de permettre, en tant que de besoin, la mise à disposition de l'autorité judiciaire ou de la haute autorité mentionnée à l'article L. 331-12 du code de la propriété intellectuelle ou de l'autorité nationale de sécurité des systèmes d'information mentionnée à l'article L. 2321-1 du code de la défense, il peut être différé pour une durée maximale d'un an aux opérations tendant à effacer ou à rendre anonymes certaines catégories de données techniques. Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine, dans les limites fixées par le VI, ces catégories de données et la durée de leur conservation, selon l'activité des opérateurs et la nature des communications ainsi que les modalités de compensation, le cas échéant, des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations assurées à ce titre, à la demande de l'État, par les opérateurs ». 4. Les requérants, rejoints par les parties intervenantes, reprochent à ces dispositions d'imposer aux opérateurs de communications électroniques la conservation générale et indifférenciée des données de connexion, sans la réserver à la recherche des infractions les plus graves ni la subordonner à l'autorisation ou au contrôle d'une juridiction ou d'une autorité indépendante. L'une des parties intervenantes ajoute qu'une telle conservation ne serait pas nécessaire en raison de l'existence d'autres moyens d'investigation. Il en résulterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée, ainsi qu'une méconnaissance du droit de l'Union européenne. 5. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales » et « de l'autorité judiciaire ou » figurant à la première phrase du paragraphe III de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques. - Sur le fond : 6. La liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 implique le droit au respect de la vie privée. 7. En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. Il lui incombe d'assurer la conciliation entre, d'une part, les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée. 8. L'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques est relatif au traitement des données à caractère personnel dans le cadre de la fourniture au public de services de communications électroniques. Son paragraphe II prévoit que les opérateurs de communications électroniques effacent ou rendent anonymes les données relatives au trafic enregistrées à l'occasion des communications électroniques dont ils assurent la transmission. 9. Par dérogation, les dispositions contestées du paragraphe III prévoient que ces opérateurs peuvent être tenus de conserver pendant un an certaines catégories de données de connexion, dont les données de trafic, pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, en vue de la mise à disposition de telles données à l'autorité judiciaire. 10. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a poursuivi les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions. 11. Toutefois, en premier lieu, les données de connexion conservées en application des dispositions contestées portent non seulement sur l'identification des utilisateurs des services de communications électroniques, mais aussi sur la localisation de leurs équipements terminaux de communication, les caractéristiques techniques, la date, l'horaire et la durée des communications ainsi que les données d'identification de leurs destinataires. Compte tenu de leur nature, de leur diversité et des traitements dont elles peuvent faire l'objet, ces données fournissent sur ces utilisateurs ainsi que, le cas échéant, sur des tiers, des informations nombreuses et précises, particulièrement attentatoires à leur vie privée. 12. En second lieu, d'une part, une telle conservation s'applique de façon générale à tous les utilisateurs des services de communications électroniques. D'autre part, l'obligation de conservation porte indifféremment sur toutes les données de connexion relatives à ces personnes, quelle qu'en soit la sensibilité et sans considération de la nature et de la gravité des infractions susceptibles d'être recherchées. 13. Il résulte de ce qui précède qu'en autorisant la conservation générale et indifférenciée des données de connexion, les dispositions contestées portent une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée. 14. Par conséquent, elles doivent être déclarées contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 15. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 16. D'une part, les dispositions déclarées contraires à la Constitution, dans leur rédaction contestée, ne sont plus en vigueur. 17. D'autre part, la remise en cause des mesures ayant été prises sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution méconnaîtrait les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions et aurait ainsi des conséquences manifestement excessives. Par suite, ces mesures ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales » et « de l'autorité judiciaire ou » figurant à la première phrase du paragraphe III de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, sont contraires à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées aux paragraphes 16 et 17 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 février 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 25 février 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 10 décembre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1560 du 7 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Roger C. par Me Marie-Emmanuelle Beloncle, avocate au barreau de Nantes. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-975 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit, d'une part, de l'article 77-1 du code de procédure pénale et, d'autre part, de l'article 706-112-2 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 30 décembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Manuela Grévy, avocate au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le requérant, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 15 février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi, pour celle des dispositions dont la rédaction n'a pas été précisée, de l'article 77-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 23 mars 2019 mentionnée ci-dessus. 2. L'article 77-1 du code de procédure pénale, dans cette rédaction, prévoit : « S'il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l'officier ou l'agent de police judiciaire, a recours à toutes personnes qualifiées. « Les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 60 sont applicables ». 3. L'article 706-112-2 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 23 mars 2019, prévoit : « Lorsque les éléments recueillis au cours d'une procédure concernant un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement font apparaître qu'une personne devant être entendue librement en application de l'article 61-1 fait l'objet d'une mesure de protection juridique, l'officier ou l'agent de police judiciaire en avise par tout moyen le curateur ou le tuteur, qui peut désigner un avocat ou demander qu'un avocat soit désigné par le bâtonnier pour assister la personne lors de son audition. Si le tuteur ou le curateur n'a pu être avisé et si la personne entendue n'a pas été assistée par un avocat, les déclarations de cette personne ne peuvent servir de seul fondement à sa condamnation ». 4. Le requérant reproche aux dispositions de l'article 77-1 du code de procédure pénale de ne pas prévoir que la personne mise en cause soit informée de son droit de garder le silence lorsqu'elle est entendue sur les faits qui lui sont reprochés par une personne qualifiée requise par le procureur de la République. Il en résulterait une méconnaissance du droit de se taire. 5. Il fait par ailleurs valoir que les dispositions de l'article 706-112-2 du même code ne prévoiraient pas que le tuteur ou le curateur, lorsqu'il est avisé de l'audition libre du majeur protégé, soit informé de la possibilité qu'il a de désigner ou de faire désigner un avocat pour l'assister. Elles seraient ainsi contraires aux droits de la défense et, pour les mêmes motifs, entachées d'incompétence négative. 6. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte, d'une part, sur les mots « a recours à toutes personnes qualifiées » figurant au premier alinéa de l'article 77-1 du code de procédure pénale et, d'autre part, sur la première phrase de l'article 706-112-2 du même code. - Sur les dispositions contestées de l'article 77-1 du code de procédure pénale : 7. Selon l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». Il en résulte le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire. 8. Les dispositions contestées permettent au procureur de la République d'avoir recours, dans le cadre d'une enquête préliminaire, à toutes personnes qualifiées pour procéder à des constatations ou examens techniques ou scientifiques. 9. En application de ces dispositions, il peut, en particulier, requérir une telle personne pour procéder à l'examen psychologique ou psychiatrique de la personne soupçonnée d'avoir commis une infraction afin, notamment, de s'assurer des conditions préalables à l'exercice des poursuites. 10. Au cours de cet examen, la personne requise a la faculté d'interroger la personne mise en cause sur les faits qui lui sont reprochés. Cette dernière peut ainsi être amenée, en réponse aux questions qui lui sont posées, à reconnaître sa culpabilité. 11. Or, le rapport établi à l'issue de cet examen, dans lequel sont consignées les déclarations de la personne mise en cause, est susceptible d'être porté à la connaissance de la juridiction de jugement. 12. Dès lors, en ne prévoyant pas que la personne soupçonnée d'avoir commis une infraction doit être informée de son droit de se taire lors d'un examen au cours duquel elle peut être interrogée sur les faits qui lui sont reprochés, les dispositions contestées de l'article 77-1 du code de procédure pénale méconnaissent les exigences de l'article 9 de la Déclaration de 1789. Par conséquent, elles doivent être déclarées contraires à la Constitution. - Sur les dispositions contestées de l'article 706-112-2 du code de procédure pénale : 13. Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Sont garantis par ces dispositions les droits de la défense. 14. En vertu de l'article 61-1 du code de procédure pénale, la personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement ne peut être entendue librement sur ces faits qu'après avoir été informée de ses droits, notamment de celui d'être assistée par un avocat choisi par elle ou, à sa demande, désigné d'office par le bâtonnier de l'ordre des avocats. 15. Les dispositions contestées prévoient que, lorsque les éléments recueillis au cours de la procédure font apparaître que la personne devant être entendue librement fait l'objet d'une mesure de protection juridique, l'officier ou l'agent de police judiciaire doit aviser par tout moyen son tuteur ou son curateur. Elles prévoient également que, dans ce cas, ce dernier peut désigner un avocat ou demander la désignation d'un avocat commis d'office afin d'assister le majeur protégé lors de son audition. 16. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu que le majeur protégé soit, au cours de son audition libre, assisté dans l'exercice de ses droits et, en particulier, dans l'exercice de son droit à l'assistance d'un avocat. 17. Ainsi, les dispositions contestées impliquent nécessairement que, lorsqu'il est avisé de l'audition libre du majeur protégé, le tuteur ou le curateur est informé par les enquêteurs de la possibilité qu'il a de désigner ou faire désigner un avocat pour assister ce dernier. 18. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance des droits de la défense ne peut qu'être écarté. 19. Par conséquent, les dispositions contestées de l'article 706-112-2 du code de procédure pénale, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative et qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 20. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 21. En l'espèce, d'une part, les dispositions de l'article 77-1 du code de procédure pénale déclarées contraires à la Constitution, dans leur rédaction contestée, ne sont plus en vigueur. 22. D'autre part, la remise en cause des mesures ayant été prises sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution méconnaîtrait les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions et aurait ainsi des conséquences manifestement excessives. Par suite, ces mesures ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « a recours à toutes personnes qualifiées » figurant au premier alinéa de l'article 77-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, sont contraires à la Constitution. Article 2. - La première phrase de l'article 706-112-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, est conforme à la Constitution. Article 3. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées aux paragraphes 21 et 22 de cette décision. Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 février 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 25 février 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 17 décembre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1599 du 14 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Jean-Mathieu F. par Me Jean-Sébastien de Casalta, avocat au barreau de Bastia. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-981 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa de l'article L. 172-13 du code de l'environnement, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l'environnement ; - la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par Me de Casalta, enregistrées le 10 janvier 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour le requérant par Me de Casalta, enregistrées le 19 janvier 2022 ; - les observations présentées pour M. Lucien P., partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par Me Cynthia Costa Sigrist, avocate au barreau de Bastia, enregistrées le 3 février 2022 ; - les observations présentées pour l'Office de l'environnement de la Corse, partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par Me Sébastien Mabile, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 4 février 2022 ; - les observations présentées pour M. Sylvain M., partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par Me Anne-Marie Antonetti, avocate au Barreau de Bastia, enregistrées le 10 février 2022 ; - les nouvelles observations présentées pour le requérant par Me de Casalta, enregistrées 14 février 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Lia Simoni, avocate au barreau de Bastia, pour le requérant, Me Mabile, pour l'Office de l'environnement de la Corse, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 8 mars 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le premier alinéa de l'article L. 172-13 du code de l'environnement, dans sa rédaction résultant de la loi du 8 août 2016 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Lorsqu'ils les ont saisis, les fonctionnaires et agents mentionnés à l'article L. 172-4 peuvent procéder ou faire procéder à la destruction des végétaux et des animaux morts ou non viables ». 2. Le requérant, rejoint par certaines parties au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, reproche à ces dispositions de permettre la destruction des animaux morts ou non viables saisis à la suite de la constatation d'une infraction au code de l'environnement sans prévoir que la personne mise en cause ou des témoins n'assistent à leur décompte. Il en résulterait une méconnaissance des droits de la défense et du principe du contradictoire. 3. Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Sont garantis par cette disposition les droits de la défense et le principe du contradictoire qui en est le corollaire. 4. Selon l'article L. 172-12 du code de l'environnement, les agents publics spécialement habilités et les inspecteurs de l'environnement, commissionnés et assermentés à cette fin, peuvent, dans le cadre de leur mission de recherche et de constatation des infractions au code de l'environnement, saisir notamment les animaux et végétaux qui sont l'objet d'une telle infraction. 5. Les dispositions contestées de l'article L. 172-13 du même code prévoient que, lorsque ces végétaux et animaux sont morts ou non viables, ces fonctionnaires et agents peuvent procéder ou faire procéder à leur destruction. 6. D'une part, tant la saisie des végétaux et animaux objet d'une infraction que la destruction de ceux qui seraient morts ou non viables sont constatées par procès-verbal versé au dossier de la procédure, en application respectivement du quatrième alinéa de l'article L. 172-12 et du dernier alinéa de l'article L. 172-13. 7. D'autre part, les dispositions contestées ne font pas obstacle à ce que la personne mise en cause puisse contester les procès-verbaux sur le fondement desquels elle est poursuivie, ceux-ci faisant foi jusqu'à preuve contraire qui peut être apportée par écrit ou par témoins. 8. Dès lors, la personne intéressée est mise en mesure de contester devant le juge les conditions dans lesquelles ont été recueillis les éléments de preuve qui fondent sa mise en cause. 9. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit donc être écarté. 10. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le premier alinéa de l'article L. 172-13 du code de l'environnement, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, MM. Alain JUPPÉ, Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 17 mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 16 décembre 2021 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 911 du 15 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société H. et autres par Me Romain Laffly, avocat au barreau de Lyon. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-980 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - le livre des procédures fiscales ; - la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 ; - l'arrêt de la Cour de cassation du 6 décembre 2016 (chambre commerciale, n° 15-14.554) ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les requérants par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 7 janvier 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour les requérants par la SCP Spinosi, enregistrées le 24 janvier 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Aurélie Carrara, avocate au barreau de Lyon, pour les requérants, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 22 février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2016 mentionnée ci-dessus, prévoit : « I. - Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. « II. - Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. « Lorsque ces lieux sont situés dans le ressort de plusieurs juridictions et qu'une visite simultanée doit être menée dans chacun d'eux, une ordonnance unique peut être délivrée par l'un des juges des libertés et de la détention territorialement compétents. « Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite. « L'ordonnance comporte : « a) L'adresse des lieux à visiter ; « b) Le nom et la qualité du fonctionnaire habilité qui a sollicité et obtenu l'autorisation de procéder aux opérations de visite ; « c) L'autorisation donnée au fonctionnaire qui procède aux opérations de visite de recueillir sur place, dans les conditions prévues au III bis, des renseignements et justifications auprès de l'occupant des lieux ou de son représentant et, s'il est présent, du contribuable mentionné au I, ainsi que l'autorisation de demander à ceux-ci de justifier pendant la visite de leur identité et de leur adresse, dans les mêmes conditions. « d) La mention de la faculté pour le contribuable de faire appel à un conseil de son choix. « L'exercice de cette faculté n'entraîne pas la suspension des opérations de visite et de saisie. « Le juge motive sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée. « Si, à l'occasion de la visite, les agents habilités découvrent l'existence d'un coffre dans un établissement de crédit ou une société de financement dont la personne occupant les lieux visités est titulaire et où des pièces et documents se rapportant aux agissements visés au I sont susceptibles de se trouver, ils peuvent, sur autorisation délivrée par tout moyen par le juge qui a pris l'ordonnance, procéder immédiatement à la visite de ce coffre. Mention de cette autorisation est portée au procès-verbal prévu au IV. « Si, à l'occasion de la visite, les agents habilités découvrent des éléments révélant l'existence en d'autres lieux de pièces et documents se rapportant aux agissements mentionnés au I, ils peuvent, en cas d'urgence, sur autorisation délivrée par tout moyen par le juge qui a pris l'ordonnance, procéder immédiatement à la visite de ces lieux aux fins de saisie de ces pièces et documents. Mention de cette autorisation est portée au procès-verbal prévu au IV. « La visite et la saisie de documents s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. À cette fin, il donne toutes instructions aux agents qui participent à ces opérations. « Il désigne le chef du service qui nomme l'officier de police judiciaire chargé d'assister à ces opérations et de le tenir informé de leur déroulement. « Lorsqu'elles ont lieu en dehors du ressort de son tribunal de grande instance, il délivre une commission rogatoire, pour exercer le contrôle mentionné au treizième alinéa du présent II, au juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel s'effectue la visite. « Le juge peut, s'il l'estime utile, se rendre dans les locaux pendant l'intervention. « À tout moment, il peut décider la suspension ou l'arrêt de la visite. « L'ordonnance est exécutoire au seul vu de la minute. « L'ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite, à l'occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal prévu au IV. En l'absence de l'occupant des lieux ou de son représentant, l'ordonnance est notifiée, après la visite, par lettre recommandée avec avis de réception. La notification est réputée faite à la date de réception figurant sur l'avis. « À défaut de réception, il est procédé à la signification de l'ordonnance par acte d'huissier de justice. « Le délai et la voie de recours sont mentionnés dans l'ordonnance. « L'ordonnance peut faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le juge a autorisé la mesure. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat. « Suivant les règles prévues par le code de procédure civile, cet appel doit être exclusivement formé par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou, à compter du 1er janvier 2009, par voie électronique, au greffe de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter soit de la remise, soit de la réception, soit de la signification de l'ordonnance. Cet appel n'est pas suspensif. « Le greffe du tribunal de grande instance transmet sans délai le dossier de l'affaire au greffe de la cour d'appel où les parties peuvent le consulter. « L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation, selon les règles prévues par le code de procédure civile. Le délai du pourvoi en cassation est de quinze jours. « III. - La visite, qui ne peut être commencée avant six heures ni après vingt et une heures, est effectuée en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant ; en cas d'impossibilité, l'officier de police judiciaire requiert deux témoins choisis en dehors des personnes relevant de son autorité ou de celle de l'administration des impôts. « Les agents de l'administration des impôts mentionnés au I peuvent être assistés d'autres agents des impôts habilités dans les mêmes conditions que les inspecteurs. « Les agents des impôts habilités, l'occupant des lieux ou son représentant et l'officier de police judiciaire peuvent seuls prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie. « L'officier de police judiciaire veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale ; l'article 58 de ce code est applicable. « III bis. - Au cours de la visite, les agents des impôts habilités peuvent recueillir, sur place, des renseignements et justifications concernant les agissements du contribuable mentionné au I auprès de l'occupant des lieux ou de son représentant et, s'il est présent, de ce contribuable, après les avoir informés que leur consentement est nécessaire. Ces renseignements et justifications sont consignés dans un compte rendu annexé au procès-verbal mentionné au IV et qui est établi par les agents des impôts et signé par ces agents, les personnes dont les renseignements et justifications ont été recueillis ainsi que l'officier de police judiciaire présent. « Les agents des impôts peuvent demander à l'occupant des lieux ou à son représentant et au contribuable, s'ils y consentent, de justifier de leur identité et de leur adresse. « Mention des consentements est portée au compte rendu ainsi que, le cas échéant, du refus de signer. « IV. - Un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur-le-champ par les agents de l'administration des impôts. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé s'il y a lieu. Le procès-verbal et l'inventaire sont signés par les agents de l'administration des impôts et par l'officier de police judiciaire ainsi que par les personnes mentionnées au premier alinéa du III ; en cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal. « Si l'inventaire sur place présente des difficultés, les pièces et documents saisis sont placés sous scellés. L'occupant des lieux ou son représentant est avisé qu'il peut assister à l'ouverture des scellés qui a lieu en présence de l'officier de police judiciaire ; l'inventaire est alors établi. « IV bis. - Lorsque l'occupant des lieux ou son représentant fait obstacle à l'accès aux pièces ou documents présents sur un support informatique, à leur lecture ou à leur saisie, mention en est portée au procès-verbal. « Les agents de l'administration des impôts peuvent alors procéder à la copie de ce support et saisir ce dernier, qui est placé sous scellés. Ils disposent de quinze jours à compter de la date de la visite pour accéder aux pièces ou documents présents sur le support informatique placé sous scellés, à leur lecture et à leur saisie, ainsi qu'à la restitution de ce dernier et de sa copie. Ce délai est prorogé sur autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention. « À la seule fin de permettre la lecture des pièces ou documents présents sur le support informatique placé sous scellés, les agents de l'administration des impôts procèdent aux opérations nécessaires à leur accès ou à leur mise au clair. Ces opérations sont réalisées sur la copie du support. « L'occupant des lieux ou son représentant est avisé qu'il peut assister à l'ouverture des scellés, à la lecture et à la saisie des pièces et documents présents sur ce support informatique, qui ont lieu en présence de l'officier de police judiciaire. « Un procès-verbal décrivant les opérations réalisées pour accéder à ces pièces et documents, à leur mise au clair et à leur lecture est dressé par les agents de l'administration des impôts. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé, s'il y a lieu. « Le procès-verbal et l'inventaire sont signés par les agents de l'administration des impôts et par l'officier de police judiciaire ainsi que par l'occupant des lieux ou son représentant ; en son absence ou en cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal. « Il est procédé concomitamment à la restitution du support informatique et de sa copie. En l'absence de l'occupant des lieux ou de son représentant, l'administration accomplit alors sans délai toutes diligences pour les restituer. « V. - Les originaux du procès-verbal et de l'inventaire sont, dès qu'ils ont été établis, adressés au juge qui a autorisé la visite ; une copie de ces mêmes documents est remise à l'occupant des lieux ou à son représentant. Une copie est également adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'auteur présumé des agissements mentionnés au I, nonobstant les dispositions de l'article L. 103. « Les pièces et documents saisis sont restitués à l'occupant des locaux dans les six mois de la visite ; toutefois, lorsque des poursuites pénales sont engagées, leur restitution est autorisée par l'autorité judiciaire compétente. « Le procès-verbal et l'inventaire mentionnent le délai et la voie de recours. « Le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le juge a autorisé la mesure connaît des recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat. « Suivant les règles prévues par le code de procédure civile, ce recours doit être exclusivement formé par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou, à compter du 1er janvier 2009, par voie électronique, au greffe de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter de la remise ou de la réception soit du procès-verbal, soit de l'inventaire, mentionnés au premier alinéa. Ce recours n'est pas suspensif. « L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure civile. Le délai du pourvoi en cassation est de quinze jours. « VI. - L'administration des impôts ne peut opposer au contribuable les informations recueillies, y compris celles qui procèdent des traitements mentionnés au troisième alinéa, qu'après restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction et mise en œuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 47. « Toutefois, si, à l'expiration d'un délai de trente jours suivant la notification d'une mise en demeure adressée au contribuable, à laquelle est annexé un récapitulatif des diligences accomplies par l'administration pour la restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction, ceux-ci n'ont pu être restitués du fait du contribuable, les informations recueillies sont opposables à ce dernier après mise en œuvre des procédures de contrôle mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 47 et dans les conditions prévues à l'article L. 76 C. « En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés saisie dans les conditions prévues au présent article, l'administration communique au contribuable, au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76, sous forme dématérialisée ou non au choix de ce dernier, la nature et le résultat des traitements informatiques réalisés sur cette saisie qui concourent à des rehaussements, sans que ces traitements ne constituent le début d'une procédure de vérification de comptabilité. Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui, et sous le contrôle desquels, les opérations sont réalisées ». 2. Les requérants reprochent à ces dispositions de permettre à l'administration fiscale de saisir toutes les données accessibles ou disponibles depuis les supports informatiques présents dans les lieux visités, y compris lorsque ces données sont stockées dans des lieux distincts de ceux dont la visite a été autorisée par le juge et appartiennent à des tiers à la procédure. Il en résulterait une méconnaissance du droit au respect de la vie privée et du principe de l'inviolabilité du domicile. 3. Ils reprochent également à ces dispositions de ne pas prévoir l'information des tiers à la procédure en cas de saisie d'un document informatique leur appartenant lors d'une visite domiciliaire, ce qui les priverait ainsi de la possibilité de contester utilement une telle opération. Il en résulterait une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif et des droits de la défense. 4. Pour les mêmes motifs, les requérants soutiennent que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant les exigences constitutionnelles précitées. 5. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « ou d'être accessibles ou disponibles » figurant au paragraphe I de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. - Sur le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée : 6. Selon l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression ». La liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de la vie privée. 7. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale et le droit au respect de la vie privée. 8. L'article L. 16 B du livre des procédures fiscales permet aux agents habilités de l'administration fiscale d'effectuer des visites en tous lieux, même privés, où sont susceptibles d'être détenus des pièces et documents se rapportant à des agissements frauduleux en matière d'impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de taxes sur le chiffre d'affaires. 9. En application des dispositions contestées, ces agents peuvent procéder à la saisie des documents accessibles ou disponibles depuis les locaux visités, notamment ceux présents sur un support informatique, quand bien même ces documents sont stockés sur des serveurs informatiques situés dans des lieux distincts. 10. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu adapter les prérogatives de l'administration fiscale à l'informatisation des données des contribuables et à leur stockage à distance sur des serveurs informatiques. Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale. 11. En deuxième lieu, d'une part, le droit de saisie reconnu aux agents habilités de l'administration des impôts ne peut être mis en œuvre qu'au titre d'une visite ayant pour objet la recherche de la preuve d'agissements de fraude fiscale, dans le cas où il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts. 12. D'autre part, si peuvent être saisis à cette occasion des documents n'appartenant pas aux personnes visées par ces présomptions, ce n'est qu'à la condition qu'ils se rapportent à de tels agissements. 13. En dernier lieu, d'une part, la saisie ne peut intervenir qu'à l'occasion d'une visite autorisée par le juge des libertés et de la détention, qui doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise comporte tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite. Sa décision doit être motivée par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée. 14. D'autre part, les opérations de visite et de saisie s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention, qui est tenu informé du déroulement de ces opérations et peut donner des instructions aux agents, se rendre dans les locaux durant l'intervention et décider à tout moment la suspension ou l'arrêt de la visite. 15. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées procèdent à une conciliation équilibrée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale et le droit au respect de la vie privée. - Sur le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif : 16. Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction. 17. L'article L. 16 B du livre des procédures fiscales prévoit que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la visite des agents de l'administration des impôts peut faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel dans un délai de quinze jours. Ce dernier connaît également des recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie. Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que ces recours peuvent être formés non seulement par la personne visée par l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et l'occupant des lieux visités, mais aussi par toute personne ayant qualité et intérêt à contester la régularité de la saisie d'un document. 18. Le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif doit donc être écarté. 19. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative et ne méconnaissent ni le principe d'inviolabilité du domicile ni les droits de la défense, non plus qu'aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « ou d'être accessibles ou disponibles » figurant au paragraphe I de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 11 mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 15 décembre 2021 par la Cour de cassation (troisième chambre civile, arrêt n° 892 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour Mme Pascale G. par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-978 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa de l'article L. 411-58 du code rural et de la pêche maritime. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code rural et de la pêche maritime ; - la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 6 janvier 2022 ; - les secondes observations présentées pour la requérante par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, enregistrées le 18 janvier 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Frédéric Rocheteau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la requérante, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 22 février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du troisième alinéa de l'article L. 411-58 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction résultant de la loi du 13 octobre 2014 mentionnée ci-dessus. 2. Le troisième alinéa de l'article L. 411-58 du code rural et de la pêche maritime, dans cette rédaction, prévoit : « Si le bailleur entend reprendre le bien loué à la fin de la période de prorogation, il doit donner de nouveau congé dans les conditions prévues à l'article L. 411-47 ». 3. La requérante reproche à ces dispositions de prévoir que le bailleur ayant valablement délivré un congé pour reprise, auquel le preneur s'est opposé en raison de son âge pour obtenir la prorogation du bail, doit délivrer un nouveau congé pour pouvoir reprendre son bien à l'issue de cette prorogation. Elle fait également valoir que, dans certains cas, le bailleur serait placé dans l'impossibilité de délivrer ce nouveau congé. Il en résulterait une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre. - Sur le fond : 4. Il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. 5. L'article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime prévoit que le bailleur qui entend refuser le renouvellement d'un bail rural aux fins de reprise de l'exploitation doit délivrer au preneur, dix-huit mois au moins avant l'expiration du bail, un congé présentant les motifs et les conditions de cette reprise. En application du deuxième alinéa de l'article L. 411-58 du même code, le preneur peut toutefois s'y opposer s'il se trouve à moins de cinq ans de l'âge de la retraite retenu pour les exploitants agricoles ou de l'âge lui permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein. Le bail est alors prorogé de plein droit pour une durée égale à celle lui permettant d'atteindre l'âge correspondant. 6. Les dispositions contestées imposent au bailleur qui souhaite reprendre son bien au terme de la période de prorogation de délivrer, au moins dix-huit mois avant son expiration, un nouveau congé au preneur. 7. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu garantir la continuité des exploitations agricoles en s'assurant qu'à l'issue de la période de prorogation, le bailleur souhaite toujours reprendre son bien en vue de l'exploiter et remplit les conditions pour ce faire. 8. Toutefois, il résulte des dispositions contestées que, dans le cas où le preneur s'oppose à la reprise moins de dix-huit mois avant l'expiration de la période de prorogation, le bailleur est placé dans l'impossibilité de notifier un nouveau congé, dans le délai imparti. 9. Dès lors, ces dispositions portent au droit de propriété une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi. Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, elles doivent donc être déclarées contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 10. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 11. En l'espèce, l'abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles entraînerait des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 31 décembre 2022 la date de l'abrogation de ces dispositions. 12. En revanche, afin de faire cesser l'inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il y a lieu de juger que, jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi ou jusqu'à la date de l'abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles, en cas d'opposition du preneur à la reprise du bail dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 411-58 du code rural et de la pêche maritime, le bailleur n'est pas tenu de délivrer un nouveau congé en application des dispositions déclarées inconstitutionnelles si la durée de la prorogation du bail résultant de cette opposition est inférieure à dix-huit mois. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le troisième alinéa de l'article L. 411-58 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, est contraire à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées aux paragraphes 11 et 12 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 11 mars 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 16 décembre 2021 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 910 du 15 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Prologue par la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-979 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code monétaire et financier ; - la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la société requérante par la SCP Melka-Prigent-Drusch, enregistrées le 5 janvier 2022 ; - les observations présentées pour l'Autorité des marchés financiers, partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par la SCP Ohl et Vexliard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 7 janvier 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour la société requérante par la SCP Melka-Prigent-Drusch, enregistrées le 20 janvier 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Marie-Paule Melka, avocate au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et Me Frank Martin-Laprade, avocat au barreau de Paris, pour la société requérante, Me Claude Ohl, avocate au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'Autorité des marchés financiers, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 22 février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le troisième alinéa de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de la loi du 30 décembre 2014 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Les décisions prononcées par la commission des sanctions peuvent faire l'objet d'un recours par les personnes sanctionnées et par le président de l'Autorité des marchés financiers, après accord du collège. En cas de recours d'une personne sanctionnée, le président de l'autorité peut, dans les mêmes conditions, former un recours ». 2. La société requérante reproche à ces dispositions de prévoir que, dans le cas où la personne sanctionnée forme un recours contre la décision de sanction, le président de l'Autorité des marchés financiers peut former un recours incident, sans ouvrir la même possibilité pour la personne sanctionnée lorsque ce dernier forme un recours contre la décision de sanction. Il en résulterait une méconnaissance du principe d'égalité devant la justice, du droit à un recours juridictionnel effectif et des droits de la défense. Ces dispositions seraient également entachées, pour les mêmes motifs, d'incompétence négative dans des conditions affectant ces exigences constitutionnelles. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier. 4. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties. 5. En application de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, les décisions prononcées par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers à l'encontre de personnes autres que celles soumises à sa régulation peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge judiciaire. Ce recours principal peut être formé par la personne sanctionnée et par le président de l'Autorité des marchés financiers. 6. Les dispositions contestées prévoient que, lorsque la personne sanctionnée a formé un recours contre la décision de sanction, le président de l'Autorité des marchés financiers peut former un recours incident. 7. D'une part, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu, par dérogation au principe général du droit selon lequel la situation de la personne sanctionnée ne peut être aggravée sur son seul recours, permettre à l'autorité de poursuite de solliciter l'aggravation de la sanction dans le cas où la personne sanctionnée forme un recours contre cette sanction. Dans ces conditions, ces dispositions ne procèdent pas à une distinction procédurale injustifiée. 8. D'autre part, les dispositions contestées n'ont, par elles-mêmes, ni pour objet ni pour effet de priver une personne sanctionnée, en cas de recours principal du président de l'Autorité des marchés financiers contre une décision de la commission des sanctions, de la possibilité de présenter des demandes reconventionnelles tendant à l'annulation ou à la réformation de la sanction prononcée. 9. Au demeurant, il appartient aux juridictions d'apprécier la recevabilité de telles demandes en garantissant le caractère juste et équitable de la procédure ainsi que l'équilibre des droits des parties. 10. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la justice doit être écarté. 11. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative et qui ne méconnaissent ni les droits de la défense, ni le droit à un recours juridictionnel effectif, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 mars 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD et François PILLET. Rendu public le 11 mars 2022.
CONSTIT/CONSTEXT000045410357.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 10 décembre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1559 du 7 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Youcef Z. par Me Karim Morand-Lahouazi, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-974 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2021-952 QPC du 3 décembre 2021 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 30 décembre 2021 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 15 février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 77-1-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi du 24 décembre 2020 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l'officier ou l'agent de police judiciaire, peut, par tout moyen, requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des informations intéressant l'enquête, y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces informations, notamment sous forme numérique, le cas échéant selon des normes fixées par voie réglementaire, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel. Lorsque les réquisitions concernent des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-5, la remise des informations ne peut intervenir qu'avec leur accord. « En cas d'absence de réponse de la personne aux réquisitions, les dispositions du second alinéa de l'article 60-1 sont applicables. « Le dernier alinéa de l'article 60-1 est également applicable. « Le procureur de la République peut, par la voie d'instructions générales prises en application de l'article 39-3, autoriser les officiers ou agents de police judiciaire, pour des catégories d'infractions qu'il détermine, à requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique, de leur remettre des informations intéressant l'enquête qui sont issues d'un système de vidéoprotection. Le procureur est avisé sans délai de ces réquisitions. Ces instructions générales ont une durée qui ne peut excéder six mois. Elles peuvent être renouvelées ». 2. Le requérant reproche à ces dispositions de permettre au procureur de la République, sans contrôle préalable d'une juridiction indépendante, de requérir des données de connexion. Ce faisant, ces dispositions méconnaîtraient le droit au respect de la vie privée, ainsi que les droits de la défense et le droit à un recours juridictionnel effectif. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « , y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, » figurant à la première phrase du premier alinéa de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale. 4. Aux termes du troisième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». 5. L'autorité des décisions visées par cette disposition s'attache non seulement à leur dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et en constituent le fondement même. Elle fait obstacle à ce que le Conseil soit saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la même version d'une disposition déclarée contraire à la Constitution, sauf changement des circonstances. 6. Dans sa décision du 3 décembre 2021 mentionnée ci-dessus, le Conseil constitutionnel a déclaré les mots « , y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, » figurant à la première phrase du premier alinéa de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi du 24 décembre 2020, contraires à la Constitution et décidé de reporter leur abrogation au 31 décembre 2022. 7. Dès lors, en l'absence de changement des circonstances, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Il n'y a pas lieu de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les mots « , y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, » figurant à la première phrase du premier alinéa de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 février 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 25 février 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, sous le n° 2022-835 DC, le 17 janvier 2022, par Mme Mathilde PANOT, MM. André CHASSAIGNE, Bertrand PANCHER, Alain BRUNEEL, Mme Marie-George BUFFET, MM. Pierre DHARRÉVILLE, Jean-Paul DUFRÈGNE, Mme Elsa FAUCILLON, MM. Sébastien JUMEL, Jean-Paul LECOQ, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Hubert WULFRANC, Jean-Philippe NILOR, Moetai BROTHERSON, Mmes Manuéla KÉCLARD-MONDÉSIR, Karine LEBON, Clémentine AUTAIN, MM. Ugo BERNALICIS, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Mme Caroline FIAT, MM. Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, Jean-Luc MÉLENCHON, Mme Danièle OBONO, MM. Loïc PRUD'HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean-Hugues RATENON, Mmes Muriel RESSIGUIER, Sabine RUBIN, M. François RUFFIN, Mme Bénédicte TAURINE, MM. Jean-Félix ACQUAVIVA, Jean-Michel CLÉMENT, Paul-André COLOMBANI, Charles de COURSON, Mme Frédérique DUMAS, MM. François-Michel LAMBERT, Jean LASSALLE, Paul MOLAC, Sébastien NADOT, Mme Jennifer De TEMMERMAN, MM. Michel ZUMKELLER, Pascal BRINDEAU, Grégory LABILLE, Mme Agnès THILL, MM. Jérôme LAMBERT, Guillaume CHICHE, Mmes Delphine BAGARRY, Émilie CARIOU, MM. Aurélien TACHÉ, Régis JUANICO, Hubert JULIEN-LAFERRIÈRE, Mme Albane GAILLOT, M. André VILLIERS, Mme Nicole SANQUER, MM. Olivier FALORNI, Michel CASTELLANI, Xavier BRETON, le 18 janvier 2022, par M. Pierre MOREL-À-L'HUISSIER et, le 19 janvier 2022, par Mme Martine WONNER, députés. Il a également été saisi, le même jour, par MM. Patrick KANNER, David ASSOULINE, Joël BIGOT, Hussein BOURGI, Mme Isabelle BRIQUET, M. Rémi CARDON, Mme Marie-Arlette CARLOTTI, MM. Yan CHANTREL, Gilbert-Luc DEVINAZ, Jérôme DURAIN, Vincent ÉBLÉ, Jean-Luc FICHET, Mme Martine FILLEUL, MM. Hervé GILLÉ, Jean-Michel HOULLEGATTE, Éric JEANSANNETAS, Bernard JOMIER, Éric KERROUCHE, Mme Annie LE HOUEROU, MM. Jean-Yves LECONTE, Jean-Jacques LOZACH, Didier MARIE, Serge MÉRILLOU, Mme Michelle MEUNIER, M. Jean-Jacques MICHAU, Mme Marie-Pierre MONIER, M. Sebastien PLA, Mme Angèle PRÉVILLE, MM. Christian REDON-SARRAZY, Lucien STANZIONE, Jean-Pierre SUEUR, Jean-Claude TISSOT, Mickaël VALLET, André VALLINI, Yannick VAUGRENARD, Maurice ANTISTE, Mmes Viviane ARTIGALAS, Florence BLATRIX CONTAT, Nicole BONNEFOY, M. Denis BOUAD, Mmes Catherine CONCONNE, Hélène CONWAY-MOURET, M. Thierry COZIC, Mmes Marie-Pierre de la GONTRIE, Frédérique ESPAGNAC, M. Rémi FÉRAUD, Mmes Corinne FÉRET, Laurence HARRIBEY, M. Olivier JACQUIN, Mme Victoire JASMIN, M. Patrice JOLY, Mmes Gisèle JOURDA, Monique LUBIN, MM. Victorin LUREL, Jacques-Bernard MAGNER, Franck MONTAUGÉ, Mme Émilienne POUMIROL, M. Claude RAYNAL, Mme Sylvie ROBERT, M. Gilbert ROGER, Mme Laurence ROSSIGNOL, MM. Rachid TEMAL, Jean-Marc TODESCHINI et Mme Sabine VAN HEGHE, sénateurs. Le 18 janvier 2022, le Premier ministre a demandé au Conseil constitutionnel de statuer selon la procédure d'urgence prévue au troisième alinéa de l'article 61 de la Constitution. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de la santé publique ; - la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions ; - la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire ; - le décret n° 2021-1828 du 27 décembre 2021 déclarant l'état d'urgence sanitaire dans certains territoires de la République ; - le décret n° 2022-9 du 5 janvier 2022 déclarant l'état d'urgence sanitaire dans certains territoires de la République ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2021-819 DC du 31 mai 2021 ; Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 18 janvier 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique. Ils contestent la conformité à la Constitution de certaines dispositions de son article 1er. Les députés requérants contestent également son article 16. - Sur certaines dispositions de l'article 1er : . En ce qui concerne les dispositions subordonnant l'accès à certains lieux, établissements, services ou événements à la présentation d'un « passe vaccinal » : 2. L'article 1er de la loi déférée modifie le A du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 mentionnée ci-dessus afin notamment de permettre au Premier ministre de subordonner l'accès à certains lieux à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, dit « passe vaccinal ». 3. En premier lieu, les députés et sénateurs requérants font valoir que ces dispositions méconnaîtraient la liberté d'aller et de venir, la liberté de se réunir et le droit d'expression collective des idées et des opinions. Les députés requérants soutiennent en outre qu'elles méconnaîtraient le droit au respect de la vie privée, le droit de mener une vie familiale normale, le droit à l'emploi ainsi que l'intérêt supérieur de l'enfant. 4. Au soutien de ces griefs, les députés requérants estiment que ces dispositions doivent être regardées comme instaurant une obligation vaccinale qui, au regard des effets et de l'état d'avancement des vaccins, ne serait ni nécessaire ni proportionnée. À cet égard, ils soutiennent en particulier que l'application de ces dispositions aux mineurs de plus de seize ans ne serait pas justifiée dès lors que ces derniers ne développeraient que rarement des formes graves de la maladie. Ils estiment également que le « motif impérieux d'ordre familial ou de santé » qui permet, par exception, d'accéder aux transports publics interrégionaux sans présenter un justificatif de statut vaccinal serait imprécis et trop restrictif, en particulier pour les déplacements de ces mineurs et les déplacements professionnels. 5. Au soutien de leurs griefs, les sénateurs requérants font valoir que ces dispositions conduiraient à exiger la présentation d'un justificatif vaccinal par des personnes qui ne sont pas en mesure de se faire vacciner pour avoir déjà contracté le virus ou présenter une contre-indication à la vaccination. 6. En second lieu, les députés requérants soutiennent que, en renvoyant au pouvoir réglementaire la détermination des cas dans lesquels un certificat de rétablissement ou un justificatif d'engagement dans un schéma vaccinal pourrait se substituer à la présentation d'un « passe vaccinal », ainsi que des cas dans lesquels il pourrait être exigé à la fois un justificatif de statut vaccinal et le résultat négatif d'un examen de dépistage virologique, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence. 7. Aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation « garantit à tous … la protection de la santé ». Il en découle un objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. 8. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre cet objectif de valeur constitutionnelle et le respect des droits et libertés constitutionnellement garantis. Parmi ces droits et libertés figurent la liberté d'aller et de venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le droit au respect de la vie privée garanti par cet article 2, ainsi que le droit d'expression collective des idées et des opinions résultant de l'article 11 de cette déclaration. 9. Les dispositions contestées prévoient que le Premier ministre peut subordonner à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 l'accès des personnes âgées d'au moins seize ans à certains lieux, établissements, services ou événements où sont exercées des activités de loisirs et des activités de restauration ou de débit de boissons ainsi qu'aux foires, séminaires et salons professionnels, aux transports publics interrégionaux pour des déplacements de longue distance et à certains grands magasins et centres commerciaux. 10. Ces dispositions, qui sont susceptibles de limiter l'accès à certains lieux, portent atteinte à la liberté d'aller et de venir et, en ce qu'elles sont de nature à restreindre la liberté de se réunir, au droit d'expression collective des idées et des opinions. 11. Toutefois, en premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures visant à lutter contre l'épidémie de covid-19 par le recours à la vaccination. Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. 12. D'une part, le législateur a estimé que, en l'état des connaissances scientifiques dont il disposait et qui sont notamment corroborées par les avis du comité de scientifiques du 24 décembre 2021 et du 13 janvier 2022, les personnes vaccinées présentent des risques de transmission du virus de la covid-19 et de développement d'une forme grave de la maladie bien plus faibles que les personnes non vaccinées. 13. D'autre part, les mesures permises par les dispositions contestées ne peuvent être prononcées que jusqu'au 31 juillet 2022, période durant laquelle le législateur a estimé, au regard de la dynamique de l'épidémie, du rythme prévisible de la campagne de vaccination et de l'apparition de nouveaux variants du virus plus contagieux, que persisterait un risque important de propagation de l'épidémie. 14. Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause l'appréciation par le législateur de ce risque ni de rechercher si l'objectif de protection de la santé aurait pu être atteint par d'autres voies, dès lors que, comme c'est le cas en l'espèce, ni cette appréciation ni les modalités retenues par la loi, qui impose de mettre fin aux mesures qu'elle permet dès qu'elles ne sont plus nécessaires, ne sont pas, en l'état des connaissances, manifestement inadéquates au regard de l'objectif poursuivi et de la situation présente. 15. En deuxième lieu, d'une part, en prévoyant l'application de ces mesures aux foires, séminaires et salons professionnels, aux déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux ainsi qu'aux grands magasins et centres commerciaux, le législateur a réservé leur application à des activités qui mettent en présence simultanément un nombre important de personnes en un même lieu et présentent ainsi un risque accru de propagation du virus. De même, en prévoyant l'application de ces mêmes mesures aux activités de loisirs, de restauration ou de débit de boissons à l'exception de la restauration collective, de la vente à emporter de plats préparés et de la restauration professionnelle routière et ferroviaire, le législateur a circonscrit leur application à des lieux dans lesquels l'activité exercée présente, par sa nature même, un risque particulier de diffusion du virus. 16. D'autre part, le législateur a entouré de plusieurs garanties l'application de ces mesures. S'agissant de leur application aux grands magasins et centres commerciaux, il a prévu qu'elles devaient garantir l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi qu'aux moyens de transport accessibles dans l'enceinte de ces magasins et centres. Il a prévu également qu'elles ne pouvaient être décidées qu'au-delà d'un certain seuil défini par décret et par une décision motivée du représentant de l'État dans le département lorsque les caractéristiques de ces lieux et la gravité des risques de contamination le justifient. S'agissant des déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux, le législateur a prévu que, en cas d'urgence faisant obstacle à l'obtention du justificatif requis, aucun document sanitaire n'est exigé et, par des dispositions qui ne sont pas imprécises, que l'exigence de présentation d'un « passe vaccinal » est remplacée par celle de présentation d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination à la covid-19 en cas de « motif impérieux d'ordre familial ou de santé ». Par ailleurs, comme le Conseil constitutionnel l'a jugé dans sa décision du 31 mai 2021 mentionnée ci-dessus, la notion « d'activité de loisirs » exclut notamment une activité politique, syndicale ou cultuelle. 17. En outre, les mesures contestées ne peuvent être prises que dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre l'épidémie de covid-19 et si la situation sanitaire le justifie au regard de la circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé, appréciées en tenant compte des indicateurs sanitaires tels que le taux de vaccination, le taux de positivité des tests de dépistage, le taux d'incidence ou le taux de saturation des lits de réanimation. Elles doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. 18. En troisième lieu, d'une part, si les dispositions contestées prévoient que l'accès du public à certains lieux peut être subordonné à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal, ces dispositions ne sauraient être regardées, eu égard à la nature des lieux et des activités qui y sont exercées, comme instaurant une obligation de vaccination. 19. D'autre part, le législateur a prévu qu'un décret, pris après avis de la Haute autorité de santé, déterminera les cas de contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination et permettant la délivrance aux personnes concernées d'un document pouvant être présenté dans les lieux, services ou établissements où sera exigée la présentation d'un « passe vaccinal ». En outre, le législateur a prévu qu'un décret déterminera les conditions dans lesquelles un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 pourra se substituer au justificatif de statut vaccinal. Ce faisant, il a exclu que puisse être exigée la présentation d'un justificatif de statut vaccinal par des personnes qui ne peuvent pas, pour des raisons médicales, être vaccinées. 20. Enfin, si le législateur a prévu que le Premier ministre pourrait dans certains cas prévoir que serait exigée la présentation cumulée d'un justificatif de statut vaccinal et du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, il n'a réservé une telle possibilité que pour les activités qui, par leur nature même, ne permettent pas de garantir la mise en œuvre des mesures de nature à prévenir les risques de propagation de la covid-19. Ces dispositions ne sauraient toutefois, sans méconnaître la liberté d'aller et de venir, s'appliquer aux déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux. 21. En quatrième lieu, le législateur a prévu qu'un décret déterminera les conditions dans lesquelles un justificatif d'engagement dans un schéma vaccinal vaudra, sous réserve de la présentation du résultat négatif d'un examen de dépistage virologique, justificatif de statut vaccinal. 22. En dernier lieu, le législateur a pu estimer, en l'état des connaissances scientifiques dont il disposait, que les mineurs de plus de seize ans sont, comme les majeurs, vecteurs de la diffusion du virus et prévoir en conséquence de leur appliquer l'obligation de présentation d'un « passe vaccinal » pour l'accès à certains lieux. 23. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative, opèrent, sous la réserve énoncée au paragraphe 20, une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées. 24. Par conséquent, les mots « Subordonner à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 l'accès des personnes âgées d'au moins seize ans à certains lieux, » figurant au premier alinéa du 2° du A du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, les mots « motif impérieux d'ordre familial ou de santé, sous réserve de présenter le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19. Le présent e n'est pas applicable en cas d'urgence faisant obstacle à l'obtention du justificatif requis » figurant au e du même 2°, le vingtième alinéa du A du paragraphe II du même article 1er ainsi que, sous la réserve énoncée au paragraphe 20, son dix-neuvième alinéa, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution. . En ce qui concerne les obligations imposées au titre du « passe vaccinal» à certains salariés et agents publics : 25. L'article 1er de la loi déférée modifie le A du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 afin notamment de permettre au Premier ministre de subordonner l'exercice de certaines activités à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19. 26. Les députés requérants soutiennent que ces dispositions instaureraient une obligation vaccinale qui méconnaîtrait le droit à l'emploi. 27. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés constitutionnellement garantis. Parmi ces droits et libertés figurent la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, et le droit pour chacun d'obtenir un emploi qui résulte du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. 28. Les dispositions contestées prévoient que le Premier ministre peut subordonner à la présentation d'un « passe vaccinal » l'accès des personnes qui travaillent dans les lieux où sont exercées des activités de loisirs ou de restauration commerciale, dans les foires, séminaires et salons professionnels, dans les transports publics interrégionaux ainsi que dans certains grands magasins et centres commerciaux. Dans ce cas, les personnes qui ne satisfont pas à cette obligation peuvent voir leur contrat de travail suspendu. 29. Eu égard à leurs conséquences pour les professionnels concernés, ces dispositions doivent être regardées comme les soumettant à une obligation ayant la même portée qu'une obligation de vaccination contre la covid-19. 30. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a, ainsi qu'il a été dit au paragraphe 11, poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. 31. En deuxième lieu, il a estimé, en l'état des connaissances scientifiques dont il disposait et qui sont notamment corroborées par les avis du comité de scientifiques du 24 décembre 2021 et du 13 janvier 2022, que les personnes vaccinées présentent des risques de transmission du virus de la covid-19 et de développement d'une forme grave de la maladie bien plus faibles que les personnes non vaccinées. 32. Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause, au regard de l'état des connaissances scientifiques, les dispositions prises par le législateur ni de rechercher si l'objectif de protection de la santé que s'est assigné le législateur aurait pu être atteint par d'autres voies, dès lors que, comme c'est le cas en l'espèce, les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé. 33. En troisième lieu, d'une part, les dispositions contestées ne s'appliquent, ainsi qu'il a été dit au paragraphe 15, qu'à des lieux où sont exercées des activités qui mettent en présence simultanément un nombre important de personnes en un même lieu et présentent ainsi un risque accru de propagation du virus ou qui présentent, par leur nature même, un risque particulier de diffusion du virus. 34. D'autre part, ces dispositions prévoient que l'exigence de présentation d'un « passe vaccinal » peut être prononcée par le Premier ministre à l'égard des personnes qui travaillent dans de tels lieux uniquement lorsque la gravité des risques de contamination en lien avec l'exercice de leur activité professionnelle le justifie, au regard notamment de la densité de population observée ou prévue. Le paragraphe IV de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 prévoit que cette exigence doit être strictement proportionnée aux risques sanitaires encourus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu. Il appartient ainsi au pouvoir réglementaire de restreindre l'application de ces dispositions aux seules personnes occupant des postes et fonctions qui se trouvent effectivement exposés à un risque particulier de contamination. 35. Enfin, au demeurant, le législateur a, ainsi qu'il a été dit au paragraphe 19, exclu que puisse être exigée la présentation d'un justificatif de statut vaccinal par des personnes qui ne peuvent pas, pour des raisons médicales, être vaccinées. 36. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées opèrent une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées. 37. Par conséquent, le dix-huitième alinéa du A du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution. . En ce qui concerne la production d'un document officiel lors du contrôle de la détention du « passe vaccinal » et du « passe sanitaire » : 38. Le paragraphe I de l'article 1er complète le B du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 afin de permettre aux personnes et services autorisés à contrôler la détention d'un « passe » vaccinal ou sanitaire de demander à son détenteur la production d'un document officiel comportant sa photographie lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que le document présenté ne se rattache pas à la personne qui le présente. 39. Les sénateurs et députés requérants soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient l'article 12 de la Déclaration de 1789 au motif qu'elles conduiraient à déléguer à des personnes privées des missions de police administrative. Les sénateurs requérants leur reprochent en outre de méconnaître le droit au respect de la vie privée en permettant à ces personnes d'accéder à des données personnelles. 40. En premier lieu, selon l'article 12 de la Déclaration de 1789 : « La garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ». Il en résulte l'interdiction de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l'exercice de la « force publique » nécessaire à la garantie des droits. 41. Les dispositions contestées se bornent à permettre à l'exploitant d'un lieu dont l'accès est soumis à la présentation d'un « passe » vaccinal ou sanitaire de demander à une personne qui souhaite y accéder de produire un document officiel comportant sa photographie, aux seules fins de vérifier la concordance entre les éléments d'identité mentionnés sur ces documents. Le refus de la personne de produire un tel document ne peut avoir pour autre conséquence que l'impossibilité pour elle d'accéder à ce lieu. 42. Dès lors, les dispositions contestées ne délèguent pas des compétences de police administrative générale inhérentes à l'exercice de la « force publique » nécessaire à la garantie des droits. Le grief tiré de la méconnaissance des exigences découlant de l'article 12 de la Déclaration de 1789 doit donc être écarté. 43. En deuxième lieu, d'une part, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu assurer l'effectivité de l'obligation de détention d'un « passe » vaccinal ou sanitaire pour l'accès à certains lieux. Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. 44. D'autre part, en application de ces dispositions, la personne contrôlée ne peut se voir inviter à produire qu'un document officiel comportant sa photographie et des éléments d'identité figurant également sur son « passe » vaccinal ou sanitaire. Il est fait interdiction aux personnes et services autorisés à demander la production d'un tel document de le conserver ou de le réutiliser ainsi que les informations qu'il contient, sous peine de sanctions pénales. 45. Le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée doit dès lors être écarté. 46. En dernier lieu, la mise en œuvre des dispositions contestées ne saurait, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi, s'opérer qu'en se fondant sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes. 47. Il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, le dernier alinéa du B du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution. . En ce qui concerne la répression des manquements aux obligations de contrôle de la détention d'un « passe vaccinal » ou d'un « passe sanitaire » : 48. Le paragraphe I de l'article 1er réécrit la dernière phrase du troisième alinéa du D du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 afin de réprimer, dès le premier manquement, le défaut de contrôle de la détention du « passe » vaccinal ou sanitaire par l'exploitant d'un lieu ou d'un établissement ou le professionnel responsable d'un événement soumis à cette obligation. 49. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de prévoir des peines disproportionnées au regard des manquements susceptibles d'être reprochés à ces professionnels. 50. Selon l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». 51. L'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue. 52. En application du troisième alinéa du D du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, l'exploitant d'un lieu ou d'un établissement ou le professionnel responsable d'un événement qui ne contrôle pas la détention d'un « passe sanitaire » par les personnes qui souhaitent y accéder est mis en demeure par l'autorité administrative, sauf en cas d'urgence ou d'événement ponctuel, de se conformer à cette obligation. La dernière phrase de cet alinéa prévoit que, lorsqu'un tel manquement est constaté à plus de trois reprises au cours d'une période de quarante-cinq jours, l'exploitant ou le professionnel peut être condamné à un an d'emprisonnement et à 9 000 euros d'amende. 53. Les dispositions contestées réécrivent cette dernière phrase afin de prévoir que le manquement aux obligations de contrôle de la détention du « passe » vaccinal ou sanitaire est sanctionné dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 3136-1 du code de la santé publique réprimant la violation des mesures de mise en quarantaine et de placement ou de maintien en isolement. Il s'ensuit qu'un tel manquement sera désormais puni, dès la première infraction, de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. 54. Au regard de la nature du comportement réprimé, les peines instituées par les dispositions contestées ne sont pas manifestement disproportionnées. 55. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines doit être écarté. 56. Par conséquent, le mot « troisième » figurant à la dernière phrase du troisième alinéa du D du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution. . En ce qui concerne la cause d'extinction de l'action publique applicable à certaines infractions relatives au défaut de détention régulière du « passe vaccinal » ou du « passe sanitaire » : 57. Le paragraphe I de l'article 1er insère un D bis au sein du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 afin de créer une cause d'extinction de l'action publique bénéficiant aux personnes qui, postérieurement à la commission d'une infraction relative au défaut de détention régulière d'un « passe » vaccinal ou sanitaire, justifient s'être fait administrer une dose de l'un des vaccins contre la covid-19. 58. Les sénateurs requérants reprochent à ces dispositions d'instituer un « droit de repentir » dans des conditions qui porteraient atteinte au principe d'égalité devant la loi pénale et au principe d'indépendance des juridictions protégé par l'article 16 de la Déclaration de 1789 et l'article 64 de la Constitution. 59. Il résulte des articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789 que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant aux conditions d'extinction de l'action publique. 60. Les dispositions contestées prévoient que l'action publique pour l'application des peines encourues en cas de méconnaissance de l'obligation de présentation d'un « passe » vaccinal ou sanitaire, de présentation d'un « passe » appartenant à autrui et d'usage ou de détention d'un faux « passe » en vue de son usage personnel est éteinte si, dans un délai de trente jours à compter de la date de l'infraction, la personne concernée justifie s'être fait administrer une dose de vaccin contre la covid‑19 prise en compte pour la délivrance du justificatif de statut vaccinal. 61. Ces dispositions s'appliquent à toute personne ayant commis l'une des infractions visées, quelle que soit la procédure susceptible d'être mise en œuvre à son encontre. Elles n'instaurent ainsi en elles-mêmes aucune distinction entre les justiciables. 62. Au demeurant, ces dispositions n'ont pas vocation à s'appliquer aux personnes présentant une contre-indication médicale à la vaccination contre la covid-19 et qui disposent d'un certificat médical de contre-indication vaccinale. 63. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la procédure pénale ne peut donc qu'être écarté. 64. Par conséquent, la première phrase du D bis du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, qui ne méconnaît pas non plus les principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution. . En ce qui concerne les dispositions permettant de subordonner l'accès à une réunion politique à la présentation d'un « passe sanitaire » : 65. Les quatrième et cinquième alinéas du g du 2° du paragraphe I de l'article 1er de la loi complètent le F du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 afin de permettre à la personne responsable de l'organisation d'une réunion politique d'en subordonner l'accès à la présentation d'un « passe sanitaire ». 66. Les députés auteurs du premier recours font valoir que ces dispositions méconnaîtraient, d'une part, le droit d'expression collective des idées et des opinions, dès lors qu'elles conduiraient à obliger les personnes non vaccinées à effectuer un test de dépistage payant pour se rendre à une réunion politique et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée au motif qu'elles obligeraient les personnes se rendant à une réunion politique à révéler leur identité. 67. Les sénateurs auteurs du second recours demandent au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité à la Constitution de ces dispositions, notamment au regard du droit d'expression collective des idées et des opinions ainsi que du principe du pluralisme des courants d'idées et d'opinions. 68. Aux termes de l'article 11 de la Déclaration de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». La liberté d'expression et de communication, dont découle le droit d'expression collective des idées et des opinions, est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés. Il s'ensuit que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté et de ce droit doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi. 69. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés constitutionnellement garantis. Parmi ces droits et libertés figurent le droit au respect de la vie privée garanti par l'article 2 de la Déclaration de 1789, ainsi que le droit d'expression collective des idées et des opinions résultant de l'article 11 de cette déclaration. 70. Les dispositions du F du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 prévoient que, hors les cas où le Premier ministre a subordonné l'accès de certains lieux à la présentation d'un « passe » vaccinal ou sanitaire, nul ne peut exiger la présentation d'un tel document pour l'accès à d'autres lieux. 71. Les dispositions contestées prévoient que, par dérogation, la personne responsable de l'organisation d'une réunion politique peut en subordonner l'accès à la présentation soit du résultat négatif d'un examen de dépistage virologique, soit d'un justificatif de statut vaccinal, soit d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination. 72. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu permettre que soit subordonné à la présentation d'un « passe sanitaire » l'accès à des réunions qui présentent un risque accru de propagation de l'épidémie du fait de la rencontre ponctuelle d'un nombre important de personnes susceptibles de venir de lieux éloignés. Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. 73. Toutefois, contrairement aux dispositions qui précisent les conditions dans lesquelles le Premier ministre peut subordonner l'accès de certains lieux à la présentation de documents sanitaires, les dispositions contestées n'ont soumis l'édiction de telles mesures par l'organisateur de la réunion politique ni à la condition qu'elles soient prises dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre l'épidémie de covid-19, ni à celle que la situation sanitaire les justifie au regard de la circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé, ni même à celle que ces mesures soient strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. 74. Dans ces conditions, les dispositions contestées n'opèrent pas une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées. 75. Par conséquent, les quatrième et cinquième alinéas du g du 2° du paragraphe I de l'article 1er de la loi déférée sont contraires à la Constitution. . En ce qui concerne la prorogation de l'état d'urgence sanitaire dans certains territoires d'outre-mer : 76. Le 4° du paragraphe I de l'article 1er de la loi réécrit l'article 3 de la loi du 31 mai 2021 afin notamment de proroger jusqu'au 31 mars 2022 l'état d'urgence sanitaire déclaré, d'une part, sur les territoires de la Martinique et de La Réunion par le décret du 27 décembre 2021 mentionné ci-dessus et, d'autre part, sur ceux de la Guadeloupe, de la Guyane, de Mayotte, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin par le décret du 5 janvier 2022 mentionné ci-dessus. 77. Selon les députés requérants, en prorogeant ce régime sur ces territoires, ces dispositions permettraient la mise en œuvre de mesures qui porteraient, au regard de leur durée et de la situation sanitaire sur ces territoires, une atteinte disproportionnée aux droits et libertés constitutionnellement garantis de leurs résidents. 78. La Constitution n'exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d'état d'urgence sanitaire. Il lui appartient, dans ce cadre, d'assurer la conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. 79. En premier lieu, l'état d'urgence sanitaire vise à permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures afin de faire face à une crise sanitaire grave. Le législateur a estimé, au regard des données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire des territoires de La Réunion, de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane, de Mayotte, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, que l'épidémie de covid-19 connaît une progression contribuant, compte tenu des capacités hospitalières de ces territoires et de la couverture vaccinale de leur population, à un état de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population. Il a par ailleurs considéré, au regard de la dynamique de l'épidémie, que cet état devrait perdurer au moins durant les deux mois à venir. Cette appréciation est corroborée par l'avis du 24 décembre 2021 du comité de scientifiques prévu par l'article L. 3131-19 du code de la santé publique. Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause l'appréciation par le législateur de l'existence d'une catastrophe sanitaire et du risque qu'elle persiste dans les deux prochains mois, dès lors que, comme c'est le cas en l'espèce, cette appréciation n'est pas, en l'état des connaissances, manifestement inadéquate au regard de la situation présente de ces territoires. 80. En deuxième lieu, en vertu du premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, les mesures prévues dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire ne peuvent en tout état de cause être prises qu'aux seules fins de garantir la santé publique. Selon le paragraphe III du même article, elles doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. Le juge est chargé de s'assurer que de telles mesures sont adaptées, nécessaires et proportionnées à la finalité qu'elles poursuivent. 81. En dernier lieu, quand la situation sanitaire le permet, il doit être mis fin à l'état d'urgence sanitaire par décret en conseil des ministres avant l'expiration du délai fixé par la loi le prorogeant. 82. Il résulte de ce qui précède que le législateur a pu, sans méconnaître aucune exigence constitutionnelle, proroger jusqu'au 31 mars 2022 l'état d'urgence sanitaire dans les territoires de La Réunion, de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane, de Mayotte, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. Par conséquent, le premier alinéa de l'article 3 de la loi du 31 mai 2021, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution. - Sur l'article 16 : 83. L'article 16 modifie les paragraphes II et III de l'article 11 de la loi du 11 mai 2020 mentionnée ci-dessus afin d'ajouter aux systèmes d'information mis en œuvre pour lutter contre l'épidémie de covid-19 une nouvelle finalité relative aux mesures de mise en quarantaine et d'isolement, et de permettre aux agents habilités des services préfectoraux d'accéder à certaines données. 84. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de méconnaître le droit au respect de la vie privée dès lors que la nouvelle finalité ainsi introduite poursuivrait principalement un objectif de contrôle de ces mesures et que ne seraient précisées ni la liste des agents des services préfectoraux spécialement habilités à accéder à ces données ni les conditions de leur transmission. 85. La liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration de 1789 implique le droit au respect de la vie privée. Par suite, la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif. Lorsque sont en cause des données à caractère personnel de nature médicale, une particulière vigilance doit être observée dans la conduite de ces opérations et la détermination de leurs modalités. 86. L'article 11 de la loi du 11 mai 2020 prévoit les conditions dans lesquelles les données relatives à la santé des personnes atteintes par le virus responsable de la covid-19 et des personnes en contact avec elles sont, le cas échéant sans leur consentement, traitées et partagées dans le cadre de systèmes d'information. 87. Les dispositions contestées prévoient que ces systèmes d'information pourront être utilisés aux fins d'adapter la durée des mesures de mise en quarantaine ou d'isolement pouvant être prescrites par le ministre de la santé. À cet effet, elles autorisent les agents spécialement habilités par les services préfectoraux à recevoir des données issues de ces systèmes d'information. 88. D'une part, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu améliorer le contrôle du respect des mesures de mise en quarantaine et d'isolement prises dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de covid-19. Ce faisant, il a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. 89. D'autre part, seuls les agents des services préfectoraux ayant à connaître des mesures de mises en quarantaine et d'isolement pourront être spécialement habilités à recevoir des données issues des systèmes d'information. Ils n'auront accès qu'à celles strictement nécessaires à l'adaptation de l'organisation des contrôles de ces mesures en fonction des dates et des résultats des examens de dépistages virologiques des personnes concernées. En outre, ces agents sont soumis au secret professionnel et encourent les sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal en cas de révélation d'une information issue de ces données. 90. Il résulte de ce qui précède que ces dispositions ne méconnaissent pas le droit au respect de la vie privée. 91. Par conséquent, le 6° du paragraphe II de l'article 11 de la loi du 11 mai 2020 ainsi que la troisième phrase du premier alinéa de son paragraphe III, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution. - Sur les autres dispositions : 92. Le Conseil constitutionnel n'a soulevé d'office aucune question de conformité à la Constitution et ne s'est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les quatrième et cinquième alinéas du g du 2° du paragraphe I de l'article 1er de la loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique sont contraires à la Constitution. Article 2. - Sous les réserves énoncées ci-dessous, sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes : - sous la réserve énoncée au paragraphe 20, le dix-neuvième alinéa du A du paragraphe II de l'article 1er de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa rédaction résultant de l'article 1er de la loi déférée ; - sous la réserve énoncée au paragraphe 46, le dernier alinéa du B du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, dans sa rédaction résultant de l'article 1er de la loi déférée. Article 3. - Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes : - les mots « Subordonner à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 l'accès des personnes âgées d'au moins seize ans à certains lieux, » figurant au premier alinéa du 2° du A du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, dans sa rédaction résultant de l'article 1er de la loi déférée ; - les mots « motif impérieux d'ordre familial ou de santé, sous réserve de présenter le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19. Le présent e n'est pas applicable en cas d'urgence faisant obstacle à l'obtention du justificatif requis » figurant au e du 2° du A du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, dans sa rédaction résultant de l'article 1er de la loi déférée ; - les dix-huitième et vingtième alinéas du A du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, dans sa rédaction résultant de l'article 1er de la loi déférée ; - le mot « troisième » figurant à la dernière phrase du troisième alinéa du D du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, dans sa rédaction résultant de l'article 1er de la loi déférée ; - la première phrase du D bis du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021, dans sa rédaction résultant de l'article 1er de la loi déférée ; - le premier alinéa de l'article 3 de la loi du 31 mai 2021, dans sa rédaction résultant de l'article 1er de la loi déférée ; - le 6° du paragraphe II de l'article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions ainsi que la troisième phrase du premier alinéa de son paragraphe III, dans sa rédaction résultant de l'article 16 de la loi déférée. Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 janvier 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 21 janvier 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 18 novembre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1539 du 17 novembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Cédric L. par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et pour la société Sogeres, par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-966 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 2141-1 et L. 3123-1 du code de la commande publique, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession ; - la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE ; - le code de la commande publique ; - l'ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées le 7 décembre 2021 ; - les observations présentées pour la société requérante par Me Claire Waquet, avocate au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 8 décembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour le requérant par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées le 22 décembre 2021 ; - les secondes observations présentées pour la société requérante par la SCP Waquet, Farge, Hazan, enregistrées le 23 décembre 2021 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Marie Molinié, avocate au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le requérant, Me Waquet, pour la société requérante, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 18 janvier 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 2141-1 du code de la commande publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 26 novembre 2018 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Sont exclues de la procédure de passation des marchés les personnes qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive pour l'une des infractions prévues aux articles 222-34 à 222-40, 225-4-1, 225-4-7, 313-1, 313-3, 314-1, 324-1, 324-5, 324-6, 421-1 à 421-2-4, 421-5, 432-10, 432-11, 432-12 à 432-16, 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-3, 435-4, 435-9, 435-10, 441-1 à 441-7, 441-9, 445-1 à 445-2-1 ou 450-1 du code pénal, aux articles 1741 à 1743, 1746 ou 1747 du code général des impôts, ou pour recel de telles infractions, ainsi que pour les infractions équivalentes prévues par la législation d'un autre État membre de l'Union européenne. « La condamnation définitive pour l'une de ces infractions ou pour recel d'une de ces infractions d'un membre de l'organe de gestion, d'administration, de direction ou de surveillance ou d'une personne physique qui détient un pouvoir de représentation, de décision ou de contrôle d'une personne morale entraîne l'exclusion de la procédure de passation des marchés de cette personne morale, tant que cette personne physique exerce ces fonctions. « Sauf lorsque la peine d'exclusion des marchés a été prononcée pour une durée différente par une décision de justice définitive, l'exclusion de la procédure de passation des marchés au titre du présent article s'applique pour une durée de cinq ans à compter du prononcé de la condamnation ». 2. L'article L. 3123-1 du même code, dans la même rédaction, prévoit :« Sont exclues de la procédure de passation des contrats de concession les personnes qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive pour l'une des infractions prévues aux articles 222-34 à 222-40, 313-1, 313-3, 314-1, 324-1, 324-5, 324-6, 421-1 à 421-2-4, 421-5, 432-10, 432-11, 432-12 à 432-16, 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-3, 435-4, 435-9, 435-10, 441-1 à 441-7, 441-9, 445-1 à 445-2-1 ou 450-1 du code pénal, aux articles 1741 à 1743, 1746 ou 1747 du code général des impôts, et pour les contrats de concession qui ne sont pas des contrats de concession de défense ou de sécurité aux articles 225-4-1 et 225-4-7 du code pénal, ou pour recel de telles infractions, ainsi que pour les infractions équivalentes prévues par la législation d'un autre État membre de l'Union européenne. « La condamnation définitive pour l'une de ces infractions ou pour recel d'une de ces infractions d'un membre de l'organe de gestion, d'administration, de direction ou de surveillance ou d'une personne physique qui détient un pouvoir de représentation, de décision ou de contrôle d'une personne morale entraîne l'exclusion de la procédure de passation des contrats de concession de cette personne morale, tant que cette personne physique exerce ces fonctions. « L'exclusion de la procédure de passation des contrats de concession au titre du présent article s'applique pour une durée de cinq ans à compter du prononcé de la condamnation ». 3. Selon les requérants, en prévoyant l'exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession de toute personne ayant fait l'objet d'une condamnation prononcée par un jugement définitif pour certaines infractions, ces dispositions institueraient une peine. Or, elles ne prévoiraient ni que cette peine doit être prononcée par la juridiction de jugement, ni la possibilité pour cette juridiction de la moduler ou celle, pour la personne condamnée, d'en obtenir le relèvement. Il en résulterait une méconnaissance des principes de nécessité et d'individualisation des peines ainsi que du droit à un recours juridictionnel effectif. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « Sont exclues de la procédure de passation des marchés les personnes qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive » figurant au premier alinéa de l'article L. 2141-1 du code de la commande publique et sur les mots « Sont exclues de la procédure de passation des contrats de concession les personnes qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive » figurant au premier alinéa de l'article L. 3123-1 du même code. 5. Aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : « La République participe à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 ». La transposition d'une directive ou l'adaptation du droit interne à un règlement ne sauraient aller à l'encontre d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti. En l'absence de mise en cause d'une telle règle ou d'un tel principe, le Conseil constitutionnel n'est pas compétent pour contrôler la conformité à la Constitution de dispositions législatives qui se bornent à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises d'une directive ou des dispositions d'un règlement de l'Union européenne. Dans cette hypothèse, il n'appartient qu'au juge de l'Union européenne, saisi le cas échéant à titre préjudiciel, de contrôler le respect par cette directive ou ce règlement des droits fondamentaux garantis par l'article 6 du traité sur l'Union européenne. 6. En application de l'article 38 de la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 et de l'article 57 de la directive 2014/24/UE du même jour, les autorités adjudicatrices doivent exclure un opérateur économique des procédures de passation des concessions et des marchés lorsque cet opérateur a fait l'objet d'une condamnation définitive pour l'une des infractions que ces articles énumèrent. 7. Les dispositions contestées des articles L. 2141-1 et L. 3123-1 du code de la commande publique visent à assurer la transposition de ces directives en prévoyant que sont exclues respectivement de la procédure de passation des marchés et de la procédure de passation des contrats de concession les personnes ayant fait l'objet d'une condamnation définitive pour l'une des infractions que ces articles visent. 8. Ces dispositions se bornent ainsi à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises de ces directives. 9. Par conséquent, le Conseil constitutionnel n'est compétent pour contrôler la conformité des dispositions contestées aux droits et libertés que la Constitution garantit que dans la mesure où elles mettent en cause une règle ou un principe qui, ne trouvant pas de protection équivalente dans le droit de l'Union européenne, est inhérent à l'identité constitutionnelle de la France. 10. Or, en premier lieu, d'une part, les dispositions contestées, qui n'ont pas pour objet de punir les opérateurs économiques mais d'assurer l'efficacité de la commande publique et le bon usage des deniers publics, n'instituent pas une sanction ayant le caractère d'une punition. D'autre part, les principes de nécessité et d'individualisation des peines, qui sont protégés par le droit de l'Union européenne, ne constituent pas des règles ou principes inhérents à l'identité constitutionnelle de la France. 11. En second lieu, le droit à un recours juridictionnel effectif, qui est également protégé par le droit de l'Union européenne, ne constitue pas non plus une règle ou un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France. 12. Par suite, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les mots « Sont exclues de la procédure de passation des marchés les personnes qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive » figurant au premier alinéa de l'article L. 2141-1 du code de la commande publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique, et sur les mots « Sont exclues de la procédure de passation des contrats de concession les personnes qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive » figurant au premier alinéa de l'article L. 3123-1 du même code, dans la même rédaction. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 janvier 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 28 janvier 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 4 novembre 2021 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 869 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Novaxia développement et autres par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-965 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du f du paragraphe II et du c du paragraphe III de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code monétaire et financier ; - le code pénal ; - la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les sociétés requérantes par Me Jean-Philippe Pons-Henry, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 26 novembre 2021 ; - les observations présentées pour l'Autorité des marchés financiers, partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par la SCP Ohl et Vexliard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour les sociétés requérantes par Me Pons-Henry, enregistrées le 13 décembre 2021 ; - les secondes observations présentées pour l'Autorité des marchés financiers par la SCP Ohl et Vexliard, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Pons-Henry, pour les sociétés requérantes, Me Claude Ohl, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'Autorité des marchés financiers, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 18 janvier 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le f du paragraphe II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de la loi du 9 décembre 2016 mentionnée ci-dessus, prévoit que l'Autorité des marchés financiers peut prononcer une sanction à l'encontre de : « Toute personne qui, dans le cadre d'une enquête ou d'un contrôle effectués en application du I de l'article L. 621-9, sur demande des enquêteurs ou des contrôleurs et sous réserve de la préservation d'un secret légalement protégé et opposable à l'Autorité des marchés financiers, refuse de donner accès à un document, quel qu'en soit le support, et d'en fournir une copie, refuse de communiquer des informations ou de répondre à une convocation, ou refuse de donner accès à des locaux professionnels ». 2. Le c du paragraphe III du même article, dans la même rédaction, prévoit : « Pour les personnes autres que l'une des personnes mentionnées au II de l'article L. 621-9, auteurs des faits mentionnés aux c à h du II du présent article, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d'euros ou au décuple du montant de l'avantage retiré du manquement si celui-ci peut être déterminé ; les sommes sont versées au Trésor public ». 3. Les sociétés requérantes soutiennent que ces dispositions ne définiraient pas précisément le manquement qu'elles répriment et institueraient une sanction manifestement excessive. Il en résulterait une méconnaissance des principes de légalité des délits et des peines et de proportionnalité des peines. 4. Elles dénoncent également, comme contraire au principe de nécessité des délits et des peines, le cumul possible entre la sanction administrative prévue par ces dispositions et les sanctions pénales prévues à l'article L. 642-2 du code monétaire et financier en cas d'obstacle à une mission de contrôle ou d'enquête de l'Autorité des marchés financiers. 5. Elles soutiennent en outre que, en permettant à l'Autorité des marchés financiers de sanctionner des personnes qui ne sont pas soumises à des obligations qu'elle a pour mission de contrôler, ces dispositions lui octroieraient un pouvoir qui empiéterait sur celui de l'autorité judiciaire, en méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs. 6. Elles critiquent enfin l'absence de possibilité de s'opposer aux demandes de l'autorité alors même qu'elles conduiraient la personne sollicitée à révéler des éléments relevant de la vie privée ou qu'elles tendraient à l'obtention d'aveux. Il en résulterait une méconnaissance du droit au respect de la vie privée et du droit de ne pas s'auto-incriminer. - Sur le fond : . En ce qui concerne les griefs autres que celui tiré de la méconnaissance du principe de nécessité des délits et des peines : 7. L'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes énoncés par cet article s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition. En vertu du principe de légalité des délits et des peines, le législateur ou, dans son domaine de compétence, le pouvoir réglementaire, doivent fixer les sanctions ayant le caractère d'une punition en des termes suffisamment clairs et précis. 8. L'article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité des dispositions législatives soumises à son examen aux droits et libertés que la Constitution garantit. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue. 9. Les dispositions contestées punissent d'une sanction pécuniaire toute personne dont le comportement entrave le déroulement d'une enquête ou d'un contrôle diligenté par l'Autorité des marchés financiers. 10. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de ces dispositions que, sauf dans le cas d'un secret légalement protégé et opposable à l'Autorité des marchés financiers, peut être sanctionné le refus opposé par toute personne, après une demande en ce sens des enquêteurs ou contrôleurs, de donner accès à un document, quel qu'en soit le support, et d'en fournir une copie, de communiquer des informations ou de répondre à une convocation, ou de donner accès à des locaux professionnels. Ainsi, le législateur a précisément défini les éléments constitutifs du manquement ainsi que les personnes auxquelles il peut être reproché. 11. En second lieu, d'une part, en instituant une sanction pécuniaire destinée à assurer l'efficacité des enquêtes et contrôles de l'Autorité des marchés financiers, le législateur a poursuivi l'objectif de préservation de l'ordre public économique. Un tel objectif implique que le montant des sanctions fixées par la loi soit suffisamment dissuasif pour remplir la fonction de prévention des manquements assignée à la punition. 12. D'autre part, si l'amende peut atteindre cent millions d'euros ou le décuple de l'avantage retiré du manquement, ce montant ne constitue qu'un plafond et doit, en application du paragraphe III ter du même article L. 621-15, être modulé, sous le contrôle du juge, en fonction notamment de la gravité du manquement, de sa situation financière, des manquements commis précédemment et de toute circonstance propre à la personne en cause. Dès lors, ces dispositions n'instituent pas une peine manifestement disproportionnée au regard de la gravité des manquements réprimés. 13. Il résulte de ce qui précède que doivent être écartés les griefs tirés de la méconnaissance des principes de légalité des délits et des peines et de proportionnalité des peines. Il en va de même des griefs tirés de la violation du principe de la séparation des pouvoirs, du droit au respect de la vie privée et du principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser. . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe de nécessité des délits et des peines : 14. Il découle du principe de nécessité des délits et des peines qu'une même personne ne peut faire l'objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux. Si l'éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues. 15. En premier lieu, l'article L. 642-2 du code monétaire et financier punit de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 300 000 euros le fait, pour toute personne, de faire obstacle à une mission de contrôle ou d'enquête de l'Autorité des marchés financiers ou de lui communiquer des renseignements inexacts. 16. Les refus opposés aux demandes des enquêteurs et contrôleurs de l'Autorité des marchés financiers étant susceptibles de constituer également des obstacles à une mission de contrôle ou d'enquête, les dispositions contestées du f du paragraphe II de l'article L. 621-15 tendent ainsi à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique que ceux visés par l'article L. 642-2. 17. En deuxième lieu, la sanction administrative instaurée par les dispositions contestées vise, comme la sanction pénale prévue à l'article L. 642-2, à assurer l'efficacité des investigations conduites par l'Autorité des marchés financiers. Ces deux répressions protègent ainsi les mêmes intérêts sociaux. 18. En dernier lieu, le délit prévu à l'article L. 642-2 du code monétaire et financier est puni, lorsque sont en cause des personnes physiques, de deux ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende et, lorsque sont en cause des personnes morales, conformément aux règles énoncées par l'article 131-38 du code pénal, d'une amende de 1 500 000 euros. Ces sanctions ne sont pas d'une nature différente de celle de l'amende prévue par les dispositions contestées du c du paragraphe III de l'article L. 621-15, dont le montant maximal est fixé à cent millions d'euros ou au décuple du montant de l'avantage retiré du manquement. 19. Dès lors, la répression administrative du manquement d'entrave aux enquêtes et contrôles de l'Autorité des marchés financiers prévue par les dispositions contestées du f du paragraphe II de l'article L. 621-15 et la répression pénale organisée par l'article L. 642-2 du code monétaire et financier tendent à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux. 20. Il résulte de ce qui précède que, dans ces conditions, les dispositions du f du paragraphe II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, qui permettent de poursuivre les refus opposés aux demandes des enquêteurs et contrôleurs de l'Autorité des marchés financiers, méconnaissent le principe de nécessité des délits et des peines et doivent être déclarées contraires à la Constitution. 21. En revanche, le c du paragraphe III du même article, qui ne méconnaît pas le principe de nécessité des délits et des peines, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 22. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 23. D'une part, les dispositions déclarées contraires à la Constitution, dans leur rédaction contestée, ne sont plus en vigueur. 24. D'autre part, la déclaration d'inconstitutionnalité peut être invoquée dans les procédures en cours par la personne poursuivie en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution lorsqu'elle a préalablement fait l'objet de poursuites sur le fondement de l'article L. 642-2 du code monétaire et financier. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le f du paragraphe II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, est contraire à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées aux paragraphes 23 et 24 de cette décision. Article 3. - Le c du paragraphe III de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans la même rédaction, est conforme à la Constitution. Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 janvier 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD et François PILLET. Rendu public le 28 janvier 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 13 octobre 2021 par le Conseil d'État (décision n° 455024 du 8 octobre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour l'association française des producteurs de cannabinoïdes par Me Frédéric Scanvic, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-960 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 5132-1, L. 5132-7 et L. 5132-8 du code de la santé publique. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de la santé publique ; - l'ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de la santé publique ; - l'ordonnance n° 2011-1922 du 22 décembre 2011 portant adaptation du code du travail, du code de la santé publique et du code de l'environnement au droit de l'Union européenne en ce qui concerne la mise sur le marché des produits chimiques ; - la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations en intervention présentées pour le syndicat professionnel du chanvre par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 2 novembre 2021 ; - les observations en intervention présentées pour l'association Auto-support et réduction des risques parmi les usagers et ex-usagers de drogues et autres par Me Nicolas Hachet, avocat au barreau de Bordeaux, enregistrées le 3 novembre 2021 ; - les observations en intervention présentées pour l'union des professionnels du CBD et autres par Me Xavier Pizarro, avocat au barreau de Marseille, enregistrées le même jour ; - les observations présentées pour l'association française des producteurs de cannabinoïdes par Me Scanvic, enregistrées le 4 novembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations en intervention présentées pour l'union des professionnels du CBD et autres par Me Pizarro, enregistrées le 17 novembre 2021 ; - les secondes observations en intervention présentées pour le syndicat professionnel du chanvre, par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, enregistrées le 18 novembre 2021 ; - les secondes observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 19 novembre 2021 ; - les secondes observations en intervention présentées pour l'association Auto-support et réduction des risques parmi les usagers et ex-usagers de drogues et autres par Me Hachet, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Scanvic, pour l'association française des producteurs de cannabinoïdes, Me Cédric Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le syndicat professionnel du chanvre, Me Hachet, pour l'association Auto-support et réduction des risques parmi les usagers et ex-usagers de drogues et autres, Me Pizarro, pour l'union des professionnels du CBD et autres, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 14 décembre 2021 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi de l'article L. 5132-1 du code de la santé publique dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 22 décembre 2011 mentionnée ci-dessus, de l'article L. 5132-7 du même code dans sa rédaction résultant de la loi du 7 décembre 2020 mentionnée ci-dessus et de l'article L. 5132-8 du même code dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 15 juin 2000 mentionnée ci-dessus. 2. L'article L. 5132-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 22 décembre 2011, prévoit :« Sont comprises comme substances vénéneuses : « 1° (Supprimé) ; « 2° Les substances stupéfiantes ; « 3° Les substances psychotropes ; « 4° Les substances inscrites sur la liste I et la liste II définies à l'article L. 5132-6. « Au sens de cette présente partie : « On entend par "substances" les éléments chimiques et leurs composés comme ils se présentent à l'état naturel ou tels qu'ils sont produits par l'industrie, contenant éventuellement tout additif nécessaire à leur mise sur le marché. « On entend par "préparations" les mélanges ou solutions composés de deux substances ou plus ». 3. L'article L. 5132-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi du 7 décembre 2020, prévoit :« Les plantes, substances ou préparations vénéneuses sont classées comme stupéfiants ou comme psychotropes ou sont inscrites sur les listes I et II par décision du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, sans préjudice des dispositions réglementaires applicables aux plantes, substances ou préparations vénéneuses inscrites sur les listes I et II mentionnées au 4° de l'article L. 5132-1 contenues dans des produits autres que les médicaments à usage humain ». 4. L. 5132-8 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 15 juin 2000, prévoit :« La production, la fabrication, le transport, l'importation, l'exportation, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition et l'emploi de plantes, de substances ou de préparations classées comme vénéneuses sont soumises à des conditions définies par décrets en Conseil d'État. « Ces décrets peuvent prohiber toute opération relative à ces plantes et substances ; ils peuvent notamment, après avis des Académies nationales de médecine et de pharmacie, interdire la prescription et l'incorporation dans des préparations de certaines de ces plantes et substances ou des spécialités qui en contiennent. « Les conditions de prescription et de délivrance de telles préparations sont fixées après avis des conseils nationaux de l'ordre des médecins et de l'ordre des pharmaciens ». 5. L'association requérante, rejointe par une partie intervenante, reproche à ces dispositions de ne pas définir la notion de « substance stupéfiante » et de renvoyer ainsi au pouvoir règlementaire la détermination du champ d'application de la police spéciale qui réglemente ces substances. Ce faisant, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant la liberté d'entreprendre. 6. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le 2° de l'article L. 5132-1 du code de la santé publique ainsi que sur le mot « stupéfiants » figurant à l'article L. 5132-7 du même code. 7. Certaines parties intervenantes soutiennent en outre que, dans la mesure où les dispositions pénales qui répriment le trafic et l'usage illicite de stupéfiants renvoient à l'article L. 5132-7 pour définir la notion de stupéfiants, il résulterait des dispositions contestées de cet article une méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines, du principe de nécessité et de proportionnalité des peines et du principe d'égalité devant la loi pénale. - Sur l'admission des interventions : 8. Selon le deuxième alinéa de l'article 6 du règlement intérieur du 4 février 2010 mentionné ci-dessus, seules les personnes justifiant d'un « intérêt spécial » sont admises à présenter une intervention. 9. Le Premier ministre conclut à l'irrecevabilité de l'intervention du syndicat professionnel du chanvre au motif que son mémoire ne développerait aucun grief à l'encontre des dispositions contestées. 10. Le syndicat professionnel du chanvre, qui rejoint l'association requérante au soutien du grief qu'elle soulève et conclut à ce qu'il y soit fait droit, justifie d'un intérêt spécial. Les conclusions aux fins d'irrecevabilité de son intervention doivent donc être rejetées. 11. L'association Auto-support et réduction des risques parmi les usagers et ex-usagers de drogues et autres, l'union des professionnels du CBD et autres et l'association française des producteurs de cannabinoïdes justifient également d'un intérêt spécial. Leurs interventions sont admises par le Conseil constitutionnel. - Sur le fond : 12. En premier lieu, la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit. 13. En vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant « les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques » et détermine les principes fondamentaux « du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ». Il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34. 14. La liberté d'entreprendre découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. 15. Les articles L. 5132-1 à L. 5132-10 du code de la santé publique soumettent les substances vénéneuses à une police administrative spéciale visant notamment à réglementer leur production, leur commerce et leur emploi. 16. Les dispositions contestées de l'article L. 5132-1 prévoient que les substances vénéneuses comprennent notamment les substances stupéfiantes. Les dispositions contestées de l'article L. 5132-7 prévoient, quant à elles, que les plantes, substances ou préparations vénéneuses sont classées comme stupéfiants par décision du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. 17. La notion de stupéfiants désigne des substances psychotropes qui se caractérisent par un risque de dépendance et des effets nocifs pour la santé. En incluant ces substances parmi les substances nocives pour la santé humaine, le législateur n'a pas adopté des dispositions imprécises. 18. En renvoyant à l'autorité administrative le pouvoir de classer certaines substances dans cette catégorie, il n'a pas non plus conféré au pouvoir réglementaire la compétence pour fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de procéder à ce classement en fonction de l'évolution de l'état des connaissances scientifiques et médicales. 19. Le grief tiré de la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant la liberté d'entreprendre doit donc être écarté. 20. En second lieu, les dispositions contestées n'instituent pas une sanction pénale. Les griefs tirés de la méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des peines ainsi que de l'égalité devant la loi pénale ne peuvent qu'être écartés comme inopérants. 21. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, sont conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le 2° de l'article L. 5132-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2011-1922 du 22 décembre 2011 portant adaptation du code du travail, du code de la santé publique et du code de l'environnement au droit de l'Union européenne en ce qui concerne la mise sur le marché des produits chimiques, ainsi que le mot « stupéfiants » figurant à l'article L. 5132-7 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 janvier 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 7 janvier 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 6 décembre 2021 par le Conseil d'État (décision nos 456524, 456525, 456528 et 456529 du 3 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée par l'association France nature environnement. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-971 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 142-7, L. 142-8 et L. 142-9 du code minier et de la seconde phrase de l'article L. 144-4 du même code, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code minier ; - l'ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier, ratifiée par l'article 1er de la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement ; - la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par l'association requérante, enregistrées le 17 décembre 2021 ; - les observations en intervention présentées pour la société Compagnie minière Montagne d'or par Me Malik Memlouk, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 23 décembre 2021 ; - les observations en intervention présentées par l'association Guyane nature environnement, enregistrées le 27 décembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 28 décembre 2021 ; - les observations en intervention présentées pour l'association Fédération des opérateurs miniers de Guyane par Mes Frédéric Scanvic et Corentin Chevallier, avocats au barreau de Paris, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées par l'association requérante, enregistrées le 6 janvier 2022 ; - les secondes observations en intervention présentées pour la société Compagnie minière Montagne d'or par Me Memlouk, enregistrées le 12 janvier 2022 ; - les secondes observations en intervention présentées pour l'association Fédération des opérateurs miniers de Guyane par Mes Scanvic et Chevallier, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Jeanne Bonacina Lhommet, avocate au barreau de Paris, pour l'association requérante, Me Memlouk, pour la société Compagnie minière Montagne d'or, Me Alexandre Faro, avocat au barreau de Paris, pour l'association Guyane nature environnement, Me Scanvic, pour l'association Fédération des opérateurs miniers de Guyane, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 8 février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 142-7 du code minier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 20 janvier 2011 mentionnée ci-dessus, prévoit : « La durée d'une concession de mines peut faire l'objet de prolongations successives, chacune d'une durée inférieure ou égale à vingt-cinq ans ». 2. L'article L. 142-8 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « La prolongation d'une concession est accordée par décret en Conseil d'État ». 3. L'article L. 142-9 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « Au cas où, à la date d'expiration de la période de validité en cours, il n'a pas été statué sur la demande de prolongation, le titulaire de la concession reste seul autorisé, jusqu'à l'intervention d'une décision de l'autorité administrative, à poursuivre ses travaux dans les limites du ou des périmètres sur lesquels porte la demande de prolongation ». 4. L'article L. 144-4 du code minier, dans la même rédaction, prévoit que les anciennes concessions minières perpétuelles expirent le 31 décembre 2018. Sa seconde phrase prévoit : « La prolongation des concessions correspondant à des gisements exploités à cette date est accordée de droit dans les conditions prévues à la sous-section 2 de la section 1 du chapitre 2 du présent titre ». 5. L'association requérante, rejointe par l'une des parties intervenantes, soutient que ces dispositions permettraient la prolongation de certaines concessions minières sans que l'autorité administrative n'ait à prendre en compte les effets sur l'environnement d'une telle décision. Il en résulterait une méconnaissance des exigences découlant des articles 1er, 2 et 3 de la Charte de l'environnement. 6. Elle estime, en outre, qu'un tel régime de prolongation priverait d'effet utile la participation du public à l'élaboration de cette décision, en méconnaissance de l'article 7 de la Charte de l'environnement. 7. L'association requérante reproche enfin à ces dispositions d'instituer une différence de traitement injustifiée entre les exploitants de concessions minières puisque seuls ceux qui exploitent une ancienne concession perpétuelle bénéficient de ce régime de prolongation. 8. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur la seconde phrase de l'article L. 144-4 du code minier. - Sur le fond : 9. Selon l'article 1er de la Charte de l'environnement : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Son article 3 dispose : « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences ». Il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés par cet article, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions. 10. En application de l'article L. 144-4 du code minier, les concessions minières initialement instituées pour une durée illimitée devaient expirer le 31 décembre 2018. Les dispositions contestées prévoient que ces concessions sont prolongées de droit lorsque les gisements sur lesquels elles portent sont encore exploités à cette date. 11. En premier lieu, la décision de prolongation d'une concession minière détermine notamment le cadre général et le périmètre des travaux miniers. Au regard de son objet et de ses effets, elle est ainsi susceptible de porter atteinte à l'environnement. 12. En second lieu, avant l'entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021 mentionnée ci-dessus, les dispositions contestées ne soumettaient la prolongation de la concession à aucune autre condition que celle de l'exploitation du gisement au 31 décembre 2018. Ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ne prévoyaient que l'administration prenne en compte les conséquences environnementales d'une telle prolongation avant de se prononcer. À cet égard, est indifférente la circonstance que certaines de ces conséquences pouvaient être, le cas échéant, prises en considération ultérieurement à l'occasion des autorisations de recherches et de travaux devant se dérouler sur le périmètre de la concession. 13. Par conséquent, le législateur a méconnu, pendant cette période, les articles 1er et 3 de la Charte de l'environnement. 14. Toutefois, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021, l'article L. 114-3 nouveau du code minier prévoit à son paragraphe II notamment que la demande de prolongation d'une concession est refusée si l'administration émet un doute sérieux sur la possibilité de procéder à l'exploitation du gisement sans porter une atteinte grave aux intérêts environnementaux mentionnés à l'article L. 161-1 du même code. Le paragraphe III de l'article L. 114-3 précise, en outre, que l'administration peut imposer à l'exploitant de respecter un cahier des charges, annexé à l'acte octroyant le titre minier, pouvant notamment prévoir l'interdiction de certaines techniques de recherche ou d'exploitation. En application de l'article 67 de la même loi, ces dispositions s'appliquent à toutes les demandes en cours d'instruction à cette date. 15. Dès lors, depuis l'entrée en vigueur de cette loi, le fait que les dispositions contestées prévoient que la prolongation des anciennes concessions perpétuelles est de droit ne saurait être interprété comme faisant obstacle à la prise en compte des conséquences sur l'environnement de la décision de prolongation de ces concessions. 16. Par conséquent, depuis cette date et sous cette réserve, ces dispositions ne méconnaissent plus les articles 1er et 3 de la Charte de l'environnement. Elles ne méconnaissent pas non plus les articles 2 ou 7 de la Charte de l'environnement, ni le principe d'égalité, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit. 17. Il résulte de tout ce qui précède que ces dispositions doivent être déclarées contraires à la Constitution avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021 et, sous la réserve énoncée au paragraphe 15, conformes à celle-ci à compter de cette date. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 18. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 19. D'une part, l'entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021 a mis fin à l'inconstitutionnalité constatée. Il n'y a donc pas lieu de prononcer l'abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles. 20. D'autre part, aucun motif ne justifie de reporter la prise d'effet de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. Elle est applicable aux instances introduites à cette date et non jugées définitivement. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La seconde phrase de l'article L. 144-4 du code minier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier, est contraire à la Constitution avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Article 2. - Sous la réserve énoncée au paragraphe 15, la seconde phrase de l'article L. 144-4 du code minier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier, est conforme à la Constitution à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Article 3. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 20 de cette décision. Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 février 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD et François PILLET. Rendu public le 18 février 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 6 décembre 2021 par le Conseil d'État (décision nos 448305, 454144 et 455519 du 3 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour les associations Avocats pour la défense des droits des étrangers et Informations sur les mineurs isolés étrangers par la SCP Zribi et Texier, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et pour l'association Gisti, le syndicat des avocats de France et le Conseil national des barreaux par Me Vincent Lassalle-Byhet, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-972 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe II de l'article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour l'association Gisti, le syndicat des avocats de France et le Conseil national des barreaux par Me Lassalle-Byhet, enregistrées le 24 décembre 2021 ; - les observations présentées pour les associations Avocats pour la défense des droits des étrangers et Informations sur les mineurs isolés étrangers par la SCP Zribi et Texier, enregistrées le 27 décembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 28 décembre 2021 ; - les secondes observations présentées pour l'association Gisti, le syndicat des avocats de France et le Conseil national des barreaux par Me Lassalle-Byhet, enregistrées le 12 janvier 2022 ; - les secondes observations présentées pour les associations Avocats pour la défense des droits des étrangers et Informations sur les mineurs isolés étrangers par la SCP Zribi et Texier, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Isabelle Zribi, avocate au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour les associations Avocats pour la défense des droits des étrangers et Informations sur les mineurs isolés étrangers, Me Lassalle-Byhet, pour l'association Gisti, le syndicat des avocats de France et le Conseil national des barreaux, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 8 février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le paragraphe II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019 mentionnée ci-dessus prévoit : « Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet. « La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. « Un décret en Conseil d'État précise les actes publics concernés par le présent II et fixe les modalités de la légalisation ». 2. Les parties requérantes reprochent d'abord à ces dispositions d'imposer à une personne la légalisation d'un acte public étranger dont elle entend se prévaloir en France, sans garantir que l'examen de sa demande intervienne dans un délai utile, ni prévoir de recours en cas de refus de légalisation par l'autorité compétente. Il en résulterait une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif, des droits de la défense et d'un « droit à la preuve » qui découlerait également de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Elles font enfin valoir qu'en déléguant au pouvoir réglementaire la détermination des modalités de la légalisation de tels actes, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant les droits précités. 3. Certaines parties requérantes soutiennent également que, au regard des conséquences de l'absence de légalisation sur une demande de titre de séjour, ces dispositions seraient contraires au droit de mener une vie familiale normale, au droit d'asile ainsi qu'à un droit à l'identité. Selon elles, ces dispositions méconnaîtraient en outre l'exigence constitutionnelle de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant, dès lors qu'elles priveraient les mineurs étrangers de la possibilité de prouver leur minorité. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les premier et troisième alinéas du paragraphe II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019. - Sur le fond : 5. La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit. 6. En vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant « la nationalité, l'état et la capacité des personnes ». Il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34. 7. Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction. 8. Aux termes du paragraphe II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019, la légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. 9. En application des dispositions contestées de ce même paragraphe, sauf engagement international contraire, toute personne qui entend faire produire des effets en France à un acte public établi par une autorité étrangère doit en obtenir la légalisation. 10. Toutefois, d'une part, il résulte de la jurisprudence du Conseil d'État, telle qu'elle ressort notamment de la décision de renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité, que le juge administratif ne se reconnaît pas compétent pour apprécier la légalité d'une décision de refus de légalisation d'un acte de l'état civil. D'autre part, ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative ne permettent aux personnes intéressées de contester une telle décision devant le juge judiciaire. 11. Au regard des conséquences qu'est susceptible d'entraîner cette décision, il appartenait au législateur d'instaurer une voie de recours. 12. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées sont entachées d'incompétence négative dans des conditions qui portent atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif. 13. Par conséquent, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, les premier et troisième alinéas du paragraphe II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019 doivent être déclarés contraires à la Constitution. 14. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 15. En l'espèce, l'abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles entraînerait des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 31 décembre 2022 la date de leur abrogation. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les premier et troisième alinéas du paragraphe II de l'article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice sont contraires à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 15 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 février 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD et François PILLET. Rendu public le 18 février 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 18 octobre 2021 par le Conseil d'État (décision n° 452773 du 13 octobre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour les époux B. par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-962 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe I de l'article 150-0 A du code général des impôts. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code civil ; - le code général des impôts ; - la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 9 novembre 2021 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 6 janvier 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du paragraphe I de l'article 150-0 A du code général des impôts dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2013 mentionnée ci-dessus. 2. Le paragraphe I de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans cette rédaction, prévoit : « 1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu. « 2. Le complément de prix reçu par le cédant en exécution de la clause du contrat de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux par laquelle le cessionnaire s'engage à verser au cédant un complément de prix exclusivement déterminé en fonction d'une indexation en relation directe avec l'activité de la société dont les titres sont l'objet du contrat, est imposable au titre de l'année au cours de laquelle il est reçu. « Le gain retiré de la cession ou de l'apport d'une créance qui trouve son origine dans une clause contractuelle de complément de prix visée au premier alinéa est imposé dans les mêmes conditions au titre de l'année de la cession ou de l'apport. « 3. (abrogé) « 4. Les sommes ou valeurs attribuées en contrepartie de titres pour lesquels l'option pour l'imputation des pertes a été exercée dans les conditions du deuxième alinéa du 12 de l'article 150-0 D sont imposables au titre de l'année au cours de laquelle elles sont reçues, à hauteur de la perte imputée ou reportée ». 3. Les requérants reprochent à ces dispositions de ne pas prévoir la possibilité pour le contribuable d'obtenir la réduction de l'imposition acquittée sur une plus-value de cession de valeurs mobilières lorsqu'une partie du prix de cette cession n'a pas été effectivement versée par le cessionnaire, notamment dans le cadre d'un crédit-vendeur. Or, selon eux, les capacités contributives du contribuable ne peuvent s'apprécier qu'au regard des sommes qu'il a effectivement encaissées. Il en résulterait une méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « les gains nets retirés des cessions à titre onéreux » figurant au 1 du paragraphe I de l'article 150-0 A du code général des impôts. 5. Selon l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 6. L'exigence de prise en compte des facultés contributives, qui résulte du principe d'égalité devant les charges publiques, implique qu'en principe, lorsque la perception d'un revenu ou d'une ressource est soumise à une imposition, celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource. S'il peut être dérogé à cette règle, notamment pour des motifs de lutte contre la fraude ou l'évasion fiscales, de telles dérogations doivent être adaptées et proportionnées à la poursuite de ces objectifs. 7. L'article 12 du code général des impôts prévoit que l'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. 8. Les dispositions contestées prévoient que sont soumises à l'impôt sur le revenu les plus-values de cession à titre onéreux de valeurs mobilières, de droits sociaux et de titres assimilés. Il résulte d'une jurisprudence constante du Conseil d'État que la date à laquelle la cession doit être regardée comme réalisée est celle à laquelle s'opère le transfert de propriété, indépendamment des modalités de paiement et des événements postérieurs à ce fait générateur. 9. En premier lieu, en application de l'article 1583 du code civil, la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ». Ainsi, à la date de la vente, le contribuable a acquis une créance certaine dont il peut disposer librement. 10. En second lieu, d'une part, le fait qu'une partie du prix de cession doive être versée de manière différée par le cessionnaire au contribuable, le cas échéant par le biais d'un crédit-vendeur, relève de la forme contractuelle qu'ils ont librement choisie. D'autre part, la circonstance que des événements postérieurs affectent le montant du prix effectivement versé au contribuable est sans incidence sur l'appréciation de ses capacités contributives au titre de l'année d'imposition. 11. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant les charges publiques. 12. Par conséquent, ces dispositions, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « les gains nets retirés des cessions à titre onéreux » figurant au 1 du paragraphe I de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 janvier 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 14 janvier 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 novembre 2021 par le Conseil d'État (décision n° 456187 du 26 novembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la fédération nationale des activités de dépollution par Me Frédéric Scanvic, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-968 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 541-30-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l'environnement ; - la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la fédération requérante par Me Scanvic, enregistrées le 21 décembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Scanvic, pour la fédération requérante, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 1er février 2022 ; Au vu des pièces suivantes : - la note en délibéré présentée par le Premier ministre, enregistrée le 4 février 2022 ; - la note en délibéré présentée pour la fédération requérante par Me Scanvic, enregistrée le 9 février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 541-30-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 10 février 2020 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Tout exploitant d'une installation de stockage de déchets non dangereux non inertes est tenu d'y réceptionner les déchets produits par les activités mentionnées aux a, b et c du 2° du II de l'article L. 541-1 ainsi que les résidus de tri qui en sont issus, lorsqu'elles traitent des déchets issus d'une collecte séparée et satisfont à des critères de performance définis par arrêté du ministre chargé des installations classées. « L'obligation définie au premier alinéa du présent article est soumise aux conditions suivantes : « 1° Le producteur ou le détenteur des déchets a informé l'exploitant de l'installation de stockage de la nature et de la quantité des déchets à réceptionner avant le 31 décembre de l'année précédente et au moins six mois avant leur réception effective ; « 2° La réception des déchets dans l'installation de stockage est, au regard de leur nature, de leur volume et de leur origine, conforme à l'autorisation prévue au 2° de l'article L. 181-1 ; « 3° La quantité de déchets à réceptionner, répondant aux critères prévus au premier alinéa du présent article, est justifiée par le producteur ou le détenteur des déchets au moyen de données chiffrées en prenant notamment en compte la capacité autorisée et la performance de son installation. « Le producteur ou détenteur des déchets est redevable du prix de traitement des déchets pour les quantités réservées. « L'exploitant de l'installation de stockage ne peut facturer au producteur des déchets un prix hors taxes supérieur au prix habituellement facturé pour des déchets de même nature, selon des modalités définies par décret. « La mise en œuvre de l'obligation définie au premier alinéa n'ouvre droit à aucune indemnisation ni de l'exploitant de l'installation de stockage soumis aux dispositions du présent article, ni des producteurs ou détenteurs dont le contrat avec cet exploitant n'aurait pu être exécuté en tout ou partie pour permettre l'admission de déchets répondant aux critères et aux conditions posés, respectivement, au même premier alinéa ainsi qu'aux 1° et 2°, quelle que soit la date de conclusion du contrat ». 2. La fédération requérante reproche à ces dispositions d'obliger les exploitants d'installations de stockage de déchets à réceptionner certains déchets à un prix déterminé. Il en résulterait une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre. 3. Elle fait également valoir que, en ne précisant pas suffisamment les conditions dans lesquelles les exploitants sont tenus de réceptionner ces déchets, ni les modalités de détermination du prix de leur traitement, ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative dans des conditions affectant les exigences constitutionnelles précitées. 4. En outre, elle soutient que, dans un contexte de saturation des capacités de stockage des installations existantes, l'obligation de réception mise à la charge des exploitants pourrait les conduire à refuser le traitement d'autres déchets, en méconnaissance des contrats préalablement conclus avec leurs apporteurs. Les dispositions renvoyées seraient ainsi contraires au droit au maintien des conventions légalement conclues. 5. La fédération requérante dénonce enfin la rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques qui résulterait, en application des dispositions renvoyées, de l'exclusion de toute indemnisation des préjudices subis par les exploitants et les apporteurs de déchets. - Sur le fond : 6. Le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. 7. Les dispositions contestées imposent aux exploitants des installations de stockage de déchets non dangereux et non inertes de réceptionner les déchets ultimes produits par les filières industrielles de réemploi, de recyclage et de valorisation des déchets dès lors qu'elles satisfont à certains critères de performance. Les producteurs ou détenteurs de déchets de ces filières sont redevables du prix de traitement des déchets qu'ils apportent, qui ne peut être facturé par l'exploitant de l'installation de stockage à un montant supérieur à celui habituellement facturé pour des déchets de même nature. 8. En obligeant les exploitants à réceptionner, par priorité, certains déchets ultimes, les dispositions contestées sont susceptibles de faire obstacle à l'exécution des contrats qu'ils ont préalablement conclus avec les apporteurs d'autres déchets. Elles portent donc atteinte au droit au maintien des conventions légalement conclues. 9. Il ressort des travaux préparatoires que, dans un contexte de raréfaction des capacités de stockage, le législateur a entendu garantir un exutoire aux déchets ultimes de certaines installations de valorisation et favoriser ainsi une gestion plus vertueuse des déchets. Ce faisant, il a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement. 10. Toutefois, en premier lieu, les dispositions contestées obligent l'exploitant à réceptionner tous les déchets ultimes qui lui sont apportés par certaines filières industrielles, quand bien même elles ne rencontreraient pas de difficultés pour procéder à leur traitement. 11. En deuxième lieu, les dispositions contestées prévoient que l'exploitant doit être informé de la nature et de la quantité des déchets ultimes qu'il est tenu de prendre en charge au plus tard le 31 décembre de l'année précédant leur réception et au moins six mois avant celle-ci. Néanmoins, ce délai n'est pas de nature à garantir qu'il sera en mesure, à la date de réception de ces déchets, d'exécuter les contrats préalablement conclus avec les apporteurs d'autres déchets, dès lors que les dispositions contestées ne prévoient aucune exception à son obligation de réception. 12. En dernier lieu, les apporteurs de déchets dont le contrat avec un exploitant n'aura pu être exécuté, en tout ou partie, du fait des dispositions contestées, sont privés, quelle que soit la date de conclusion de leur contrat, de la possibilité de demander réparation des conséquences de cette inexécution. 13. Dès lors, si pour mettre en œuvre l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement, il est loisible au législateur d'instituer une obligation pour les installations de stockage de réceptionner certains déchets ultimes, les dispositions contestées portent une atteinte manifestement disproportionnée au droit au maintien des conventions légalement conclues. 14. Par conséquent, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs, ces dispositions doivent être déclarées contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 15. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 16. En l'espèce, d'une part, aucun motif ne justifie de reporter la prise d'effet de cette déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. 17. D'autre part, la déclaration d'inconstitutionnalité ne peut pas être invoquée lorsque le producteur ou le détenteur de déchets a régulièrement informé, avant cette même date, l'exploitant d'une installation de stockage de déchets non dangereux et non inertes de la nature et de la quantité de déchets à réceptionner en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - L'article L. 541-30-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, est contraire à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées aux paragraphes 16 et 17 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 février 2022, où siégeaient : M. Alain JUPPÉ exerçant les fonctions de Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 11 février 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 26 novembre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1570 du 24 novembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Nicolas F. par la SCP Krivine et Viaud, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-967 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 222-41 du code pénal et de l'article L. 5132-7 du code de la santé publique. Il a également été saisi le 9 décembre 2021 par le Conseil d'État (décision n° 456556 du 8 décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Anthony D. par Me Nicolas Hachet, avocat au barreau de Bordeaux. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-973 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 5132-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code pénal ; - le code de la santé publique ; - la loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes ; - la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé ; - la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour M. Nicolas F. par Me Hachet, enregistrées le 15 décembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour le syndicat professionnel du chanvre par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour l'union des professionnels du CBD et autres par Me Xavier Pizarro, avocat au barreau de Marseille, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour le syndicat professionnel du chanvre par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, enregistrées le 24 décembre 2021 ; - les observations présentées pour M. Anthony D., partie requérante, et pour l'association Groupe de recherche et d'études cliniques sur les cannabinoïdes, partie à l'instance à l'occasion de laquelle la seconde question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par Me Hachet, enregistrées le 29 décembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour l'association Auto-support et réduction des risques parmi les usagers et ex-usagers de drogues et autres par Me Hachet, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour l'union des professionnels du CBD et autres par Me Pizarro, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour M. Nicolas F. par Me Hachet, enregistrées le 30 décembre 2021 ; - les secondes observations en intervention présentées pour l'union des professionnels du CBD et autres par Me Pizarro, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour M. Anthony D. et pour l'association Groupe de recherche et d'études cliniques sur les cannabinoïdes par Me Hachet, enregistrées le 13 janvier 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Hachet, pour les requérants, pour l'association Groupe de recherche et d'étude cliniques sur les cannabinoïdes et pour l'association Auto-support et réduction des risques parmi les usagers et ex-usagers de drogues et autres, Me Pizarro, pour l'union des professionnels du CBD et autres, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 1er février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Il y a lieu de joindre les deux questions prioritaires de constitutionnalité pour y statuer par une seule décision. 2. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi, pour celles des dispositions dont la rédaction n'a pas été précisée, de l'article 222-41 du code pénal dans sa rédaction issue de la loi du 22 juillet 1992 mentionnée ci-dessus et de l'article L. 5132-7 du code de la santé publique dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2011 mentionnée ci-dessus. 3. L'article 222-41 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi du 22 juillet 1992, prévoit : « Constituent des stupéfiants au sens des dispositions de la présente section les substances ou plantes classées comme stupéfiants en application de l'article L. 5132-7 du code de la santé publique ». 4. L'article L. 5132-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2011, prévoit : « Les plantes, substances ou préparations vénéneuses sont classées comme stupéfiants ou comme psychotropes ou sont inscrites sur les listes I et II par arrêté du ministre chargé de la santé pris sur proposition du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ». 5. L'article L. 5132-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi du 7 décembre 2020 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Les plantes, substances ou préparations vénéneuses sont classées comme stupéfiants ou comme psychotropes ou sont inscrites sur les listes I et II par décision du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, sans préjudice des dispositions réglementaires applicables aux plantes, substances ou préparations vénéneuses inscrites sur les listes I et II mentionnées au 4° de l'article L. 5132-1 contenues dans des produits autres que les médicaments à usage humain ». 6. Les requérants, rejoints par les parties intervenantes, reprochent à ces dispositions de ne pas définir la notion de « stupéfiants » et ainsi de renvoyer au pouvoir réglementaire la détermination du champ d'application des infractions relevant du trafic de stupéfiants. Ce faisant, le législateur aurait méconnu le principe de légalité des délits et des peines. Pour les mêmes motifs, et au regard des peines prévues pour de telles infractions, ils reprochent également à ces dispositions de méconnaître les principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines ainsi que le principe d'égalité devant la loi pénale. 7. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur l'article 222-41 du code pénal ainsi que sur les mots « par arrêté du ministre chargé de la santé » figurant à l'article L. 5132-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2011, et sur les mots « par décision du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé » figurant au même article, dans sa rédaction résultant de la loi du 7 décembre 2020. 8. En premier lieu, l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose : « nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant ... la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ». Le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration de 1789, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire. 9. Les articles 222-34 à 222-40 du code pénal répriment les crimes et délits relevant du trafic de stupéfiants. 10. L'article 222-41 du même code prévoit que constituent des stupéfiants, au sens de ces dispositions, les substances ou plantes classées comme telles en application de l'article L. 5132-7 du code de la santé publique. 11. Les dispositions contestées de l'article L. 5132-7, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2011, prévoient que les plantes, substances ou préparations vénéneuses sont classées comme stupéfiants par décision du ministre de la santé. Les dispositions contestées de cet article, dans sa rédaction résultant de la loi du 7 décembre 2020, prévoient que ce classement est effectué par décision du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. 12. La notion de stupéfiants, qui désigne des substances psychotropes se caractérisant par un risque de dépendance et des effets nocifs pour la santé, est suffisamment claire et précise pour garantir contre le risque d'arbitraire. 13. Ainsi, en renvoyant à l'autorité administrative le pouvoir de classer certaines substances comme stupéfiants, le législateur n'a pas conféré au pouvoir réglementaire la compétence pour déterminer les éléments constitutifs des infractions qui s'y réfèrent. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de procéder à ce classement en fonction de l'évolution de l'état des connaissances scientifiques et médicales. 14. Dès lors, en faisant de la notion de stupéfiants un élément dont dépend le champ d'application de certaines infractions pénales, le législateur n'a pas méconnu le principe de légalité des délits et des peines. 15. En second lieu, les dispositions contestées n'instituent, par elles-mêmes, aucune incrimination. Les griefs tirés de la méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines, ainsi que du principe d'égalité devant la loi pénale, ne peuvent qu'être écartés. 16. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sont conformes à la Constitution : - l'article 222-41 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes ; - les mots « par arrêté du ministre chargé de la santé » figurant à l'article L. 5132-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé ; - les mots « par décision du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé » figurant à l'article L. 5132-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 février 2022, où siégeaient : M. Alain JUPPÉ exerçant les fonctions de Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 11 février 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 18 octobre 2021 par le Conseil d'État (décision nos 454719, 454775, 455105 et 455150 du 12 octobre 2021) dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée par l'union syndicale des magistrats administratifs, pour le syndicat de la juridiction administrative par la SCP Delamarre et Jéhannin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'association des anciens élèves de l'École nationale d'administration et autres par la SCP Foussard-Froger, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et pour l'association des magistrats de la Cour des comptes par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-961 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit : - de l'article 6 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État ; - des articles L. 133-12-3 et L. 133-12-4 du code de justice administrative, dans leur rédaction issue de la même ordonnance ; - des articles L. 122-9 et L. 122-10 du code des juridictions financières, dans la même rédaction. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code des juridictions financières ; - le code de justice administrative ; - la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique ; - la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ; - l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État, prise sur le fondement de l'habilitation prévue à l'article 59 de la loi du 6 août 2019 mentionnée ci-dessus, dont le délai, prolongé par l'article 14 de la loi du 23 mars 2020 mentionnée ci-dessus, est expiré ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour l'association des anciens élèves de l'École nationale d'administration et autres par la SCP Foussard-Froger, enregistrées le 8 novembre 2021 ; - les observations présentées pour l'association des magistrats de la Cour des comptes par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées le même jour ; - les observations présentées par l'union syndicale des magistrats administratifs, enregistrées le même jour ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 9 novembre 2021 ; - les observations en intervention présentées par M. Renaud F., enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées par l'union syndicale des magistrats administratifs, enregistrées le 23 novembre 2021 ; - les secondes observations présentées pour l'association des anciens élèves de l'École nationale d'administration et autres par la SCP Foussard-Froger, enregistrées le 24 novembre 2021 ; - les secondes observations présentées pour l'association des magistrats de la Cour des comptes par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations en intervention présentées par M. Renaud F., enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Anthony Baudiffier, avocat au barreau de Paris, pour l'union syndicale des magistrats administratifs, Me Manuel Delamarre, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le syndicat de la juridiction administrative, Me Régis Froger, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'association des anciens élèves de l'École nationale d'administration et autres, Me Emmanuel Piwnica, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'association des magistrats de la Cour des comptes, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 6 janvier 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 6 de l'ordonnance du 2 juin 2021 mentionnée ci-dessus prévoit : « Les nominations, parcours de carrière et mobilités au sein des services d'inspection générale dont les missions le justifient et dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État sont régis par les dispositions qui suivent. « Les chefs de ces services sont nommés par décret en conseil des ministres pour une durée renouvelable. Il ne peut être mis fin à leurs fonctions avant le terme de cette durée qu'à leur demande ou en cas d'empêchement ou de manquement à leurs obligations déontologiques, après avis d'une commission dont la composition est fixée par décret en Conseil d'État. Le sens de cet avis est rendu public avec la décision mettant fin aux fonctions. « Les agents exerçant des fonctions d'inspection générale au sein des mêmes services sont recrutés, nommés et affectés dans des conditions garantissant leur capacité à exercer leurs missions avec indépendance et impartialité. « Lorsqu'ils ne sont pas régis par les statuts particuliers des corps d'inspection et de contrôle, ces agents sont nommés pour une durée renouvelable. Pendant cette durée, il ne peut être mis fin à leurs fonctions qu'à leur demande ou, sur proposition du chef du service de l'inspection générale concernée, en cas d'empêchement ou de manquement à leurs obligations déontologiques. « Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article ». 2. L'article L. 133-12-3 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue de la même ordonnance, prévoit : « La commission d'intégration comprend : « 1° Le vice-président du Conseil d'État, ou son représentant ; « 2° Un membre du Conseil d'État en exercice ayant au moins le grade de conseiller d'État et un membre du Conseil d'État en exercice ayant le grade de maître des requêtes, nommés par le vice-président du Conseil d'État ; « 3° Une personne particulièrement qualifiée en raison de ses compétences dans le domaine des ressources humaines, nommée par le Président de la République ; « 4° Une personne particulièrement qualifiée en raison de ses compétences dans le domaine de l'action publique, nommée par le président de l'Assemblée nationale ; « 5° Une personne particulièrement qualifiée en raison de ses compétences dans le domaine du droit, nommée par le président du Sénat ; « Le mandat des membres de la commission, à l'exception de celui du vice-président est de quatre ans. Il n'est pas renouvelable immédiatement. « Les cinq membres de la commission mentionnés aux 2° à 5° comprennent au moins deux personnes de chaque sexe. Un décret en Conseil d'État précise les modalités permettant d'assurer le respect de cette règle. « Les membres de la commission doivent présenter des garanties d'indépendance et d'impartialité propres à prévenir toute interférence des autorités législatives ou exécutives dans les délibérations de la commission ou tout conflit d'intérêts ». 3. L'article L. 133-12-4 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « La commission d'intégration propose la nomination au grade de maître des requêtes des auditeurs et des maîtres des requêtes en service extraordinaire après audition des candidats. Elle procède de manière distincte pour les auditeurs, pour les maîtres des requêtes en service extraordinaire mentionnés aux articles L. 133-9 et L. 133-12 et pour les maîtres des requêtes en service extraordinaire relevant de l'article 9 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État et des règles de recrutement et de mobilité des membres des juridictions administratives et financières. « Elle prend en compte, au vu notamment de l'expérience résultant de la période d'activité au sein du Conseil d'État, l'aptitude des candidats à exercer les fonctions consultatives et contentieuses et à participer à des délibérations collégiales, leur compréhension des exigences déontologiques attachées à ces fonctions ainsi que leur sens de l'action publique. Elle rend publiques les lignes directrices guidant son évaluation des candidats. « À l'issue des auditions, la commission arrête la liste des candidats retenus par ordre de mérite dans la limite du nombre fixé par le vice-président. « Sur demande du candidat, elle lui communique les motifs pour lesquels elle a refusé de proposer son intégration. « Les nominations sont prononcées dans l'ordre établi par la commission ». 4. L'article L. 122-9 du code des juridictions financières, dans la même rédaction, prévoit : « La commission d'intégration comprend : « 1° Le premier président de la Cour des comptes, ou son représentant ; « 2° Un magistrat de la Cour des comptes en exercice ayant au moins le grade de conseiller maître et un magistrat de la Cour des comptes en exercice ayant le grade de conseiller référendaire, nommés par le premier président de la Cour des comptes ; « 3° Deux personnes particulièrement qualifiées en raison de leurs compétences dans le domaine des finances publiques et de l'évaluation des politiques publiques, nommées par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ; « 4° Une personne particulièrement qualifiée en raison de ses compétences dans le domaine des ressources humaines, nommée par le Président de la République. « Le mandat des membres de la commission, à l'exception de celui du premier président est de quatre ans. Il n'est pas renouvelable immédiatement. « Les cinq membres de la commission mentionnés aux 2° à 4° comprennent au moins deux personnes de chaque sexe. Un décret en Conseil d'État précise les modalités permettant d'assurer le respect de cette règle. « Les membres de la commission doivent présenter des garanties d'indépendance et d'impartialité propres à prévenir toute interférence des autorités législatives ou exécutives dans les délibérations de la commission ou tout conflit d'intérêts ». 5. L'article L. 122-10 du code des juridictions financières, dans la même rédaction, prévoit : « La commission d'intégration décide de la nomination au grade de conseiller référendaire des auditeurs et des conseillers référendaires en service extraordinaire. Elle procède de manière distincte pour les auditeurs, pour les conseillers référendaires en service extraordinaire mentionnés à l'article L. 112-7 et pour les conseillers référendaires en service extraordinaire relevant de l'article 9 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État et des règles de recrutement et de mobilité des membres des juridictions administratives et financières. « Elle prend en compte, au vu notamment de l'expérience résultant de la période d'activité au sein de la Cour des comptes, l'aptitude des candidats à exercer les fonctions de magistrat et à participer à des délibérations collégiales, leur compréhension des exigences déontologiques attachées à ces fonctions ainsi que leur sens de l'action publique. Elle rend publiques les lignes directrices guidant son évaluation des candidats. « À l'issue des auditions, la commission arrête la liste des candidats par ordre de mérite dans la limite du nombre fixé par le Premier président. « Sur demande du candidat, elle lui communique les motifs pour lesquels elle a refusé de proposer son intégration. « Les nominations sont prononcées dans l'ordre établi par la commission. « Les modalités d'application du présent article sont précisées par un décret en Conseil d'État ». 6. Certains requérants reprochent aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 2 juin 2021 de ne pas viser les services d'inspection générale relevant de leur champ d'application et de ne pas entourer de garanties suffisantes les conditions d'exercice des fonctions de leurs agents et de leurs chefs de service. Ces dispositions seraient dès lors entachées d'incompétence négative dans une mesure affectant le principe constitutionnel d'indépendance des membres des services d'inspection générale de l'État, qu'ils demandent au Conseil constitutionnel de reconnaître sur le fondement de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi que, le cas échéant, de son article 16. Ils dénoncent également, pour les mêmes motifs, la méconnaissance directe, par ces dispositions, de ce même principe. 7. Les parties requérantes critiquent les autres dispositions renvoyées en ce qu'elles prévoient que les commissions chargées de proposer la nomination aux grades de maître des requêtes au Conseil d'État et de conseiller référendaire à la Cour des comptes sont composées pour moitié de personnalités nommées par le Président de la République et les présidents des assemblées parlementaires, sans prévoir de règle de départage des voix. Il en résulterait une méconnaissance des principes d'indépendance et d'impartialité des fonctions juridictionnelles ainsi que de la séparation des pouvoirs, protégés par l'article 16 de la Déclaration de 1789, en raison du risque d'immixtion des pouvoirs législatif et exécutif dans l'exercice des missions juridictionnelles et de blocage de l'activité des commissions. Pour les mêmes motifs, ils reprochent à ces dispositions d'être entachées d'incompétence négative dans une mesure affectant ces mêmes principes. 8. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur l'article 6 de l'ordonnance du 2 juin 2021, sur l'article L. 133-12-3 du code de justice administrative et sur l'article L. 122-9 du code des juridictions financières. - Sur l'intervention : 9. Selon le deuxième alinéa de l'article 6 du règlement intérieur du 4 février 2010 mentionné ci-dessus, seules les personnes justifiant d'un « intérêt spécial » sont admises à présenter une intervention. 10. La seule qualité d'inspecteur général de l'administration n'est pas de nature à conférer à M. Renaud F. un intérêt spécial à intervenir dans la procédure. Par conséquent, son intervention n'est pas admise. - Sur l'article 6 de l'ordonnance du 2 juin 2021 : 11. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ». Le Conseil constitutionnel ne peut être saisi dans les conditions prévues par cet article que de dispositions de nature législative. 12. Si les dispositions d'une ordonnance adoptée selon la procédure prévue à l'article 38 de la Constitution acquièrent valeur législative à compter de sa signature lorsqu'elles ont été ratifiées par le législateur, elles doivent être regardées, dès l'expiration du délai de l'habilitation, comme des dispositions législatives au sens de l'article 61-1 de la Constitution dans les matières qui sont du domaine législatif. 13. D'une part, aucune exigence constitutionnelle n'impose que soit garantie l'indépendance des services d'inspection générale de l'État. 14. D'autre part, en vertu de l'article 34 de la Constitution, « La loi fixe les règles concernant ... les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'État ». 15. L'article 6 de l'ordonnance du 2 juin 2021, qui se borne à définir les conditions d'affectation à des emplois au sein de services d'inspection générale de l'État, ne met pas en cause des règles concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires de l'État. Par conséquent, ces dispositions ne peuvent être regardées comme des dispositions législatives au sens de l'article 61-1 de la Constitution. 16. Il n'y a donc pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur leur conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution. - Sur les autres dispositions contestées : 17. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Les principes d'indépendance et d'impartialité sont indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles. 18. L'article L. 133-12-3 du code de justice administrative fixe la composition de la commission d'intégration chargée de proposer la nomination au grade de maître des requêtes au Conseil d'État des auditeurs et des maîtres des requêtes en service extraordinaire. Cette commission est composée de trois membres du Conseil d'État et de trois personnalités qualifiées nommées respectivement par le Président de la République et les présidents des assemblées parlementaires. 19. L'article L. 122-9 du code des juridictions financières fixe quant à lui la composition de la commission d'intégration chargée de décider de la nomination au grade de conseiller référendaire à la Cour des comptes des auditeurs et des conseillers référendaires en service extraordinaire. Cette commission est composée de trois magistrats de la Cour des comptes et de trois personnalités qualifiées nommées respectivement par le Président de la République et les présidents des assemblées parlementaires. 20. En premier lieu, il résulte des termes mêmes des dispositions contestées que les personnalités qualifiées membres de ces commissions sont désignées en raison de leurs compétences dans un domaine précis et doivent présenter des garanties d'indépendance et d'impartialité propres à prévenir toute interférence des autorités législatives ou exécutives dans les délibérations de la commission ou tout conflit d'intérêts. 21. En deuxième lieu, les articles L. 133-12-4 du code de justice administrative et L. 122-10 du code des juridictions financières précisent que la commission prend en compte l'aptitude des candidats à exercer les fonctions auxquelles ils se destinent et, en particulier, leur compréhension des exigences déontologiques attachées à ces fonctions ainsi que leur sens de l'action publique. 22. En dernier lieu, l'absence de règle de départage des voix au sein des commissions d'intégration, qui conduit à ce que ne peuvent être proposés à la nomination que des candidats pour lesquels une majorité s'est dégagée, est sans incidence sur l'indépendance et l'impartialité des juridictions. 23. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit être écarté. 24. Les articles L. 133-12-3 du code de justice administrative et L. 122-9 du code des juridictions financières, qui ne sont pas entachés d'incompétence négative et qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent donc être déclarés conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Il n'y a pas lieu de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 6 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État. Article 2. - L'article L. 133-12-3 du code de justice administrative et l'article L. 122-9 du code des juridictions financières, dans leur rédaction issue de la même ordonnance, sont conformes à la Constitution. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 janvier 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 14 janvier 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 3 décembre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1582 du 1er décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour Mme B. et les sociétés Beralto, Crystal, Pralong et Jaze irrevocable trust par Me Hervé Temime, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-969 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 713-36, 713-38, 713-39 et 713-41 du code de procédure pénale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, et des articles 713-37 et 713-40 du même code. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale ; - la loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 de programmation relative à l'exécution des peines ; - la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les requérantes par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 27 décembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour les requérantes par la SCP Spinosi, enregistrées le 11 janvier 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour les requérantes, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 1er février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi, pour celles des dispositions dont la rédaction n'a pas été précisée, de l'article 713-37 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 27 janvier 2017 mentionnée ci-dessus et de l'article 713-40 du même code dans sa rédaction résultant de la loi du 27 mars 2012 mentionnée ci-dessus. 2. L'article 713-36 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 9 juillet 2010 mentionnée ci-dessus, prévoit : « En l'absence de convention internationale en disposant autrement, les articles 713-37 à 713-40 sont applicables à l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères, tendant à la confiscation des biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, ayant servi ou qui étaient destinés à commettre l'infraction ou qui paraissent en être le produit direct ou indirect ainsi que de tout bien dont la valeur correspond au produit de cette infraction ». 3. L'article 713-37 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 27 janvier 2017, prévoit : « Sans préjudice de l'application de l'article 694-4, l'exécution de la confiscation est refusée : « 1° Si les faits à l'origine de la demande ne sont pas constitutifs d'une infraction selon la loi française ; « 2° Si les biens sur lesquels elle porte ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une confiscation selon la loi française ; « 3° Si la décision étrangère a été prononcée dans des conditions n'offrant pas de garanties suffisantes au regard de la protection des libertés individuelles et des droits de la défense ; « 4° S'il est établi que la décision étrangère a été émise dans le but de poursuivre ou de condamner une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle ou identité de genre ; « 5° Si le ministère public français avait décidé de ne pas engager de poursuites pour les faits à raison desquels la confiscation a été prononcée par la juridiction étrangère ou si ces faits ont déjà été jugés définitivement par les autorités judiciaires françaises ou par celles d'un État autre que l'État demandeur, à condition, en cas de condamnation, que la peine ait été exécutée, soit en cours d'exécution ou ne puisse plus être ramenée à exécution selon les lois de l'État de condamnation ; « 6° Si elle porte sur une infraction politique ». 4. L'article 713-38 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 9 juillet 2010, prévoit : « L'exécution de la confiscation ordonnée par une autorité judiciaire étrangère en application de l'article 713-36 est autorisée par le tribunal correctionnel, sur requête du procureur de la République. « L'exécution est autorisée à la condition que la décision étrangère soit définitive et exécutoire selon la loi de l'État requérant. « L'autorisation d'exécution ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits licitement constitués au profit des tiers, en application de la loi française, sur les biens dont la confiscation a été prononcée par la décision étrangère. Toutefois, si cette décision contient des dispositions relatives aux droits des tiers, elle s'impose aux juridictions françaises à moins que les tiers n'aient pas été mis à même de faire valoir leurs droits devant la juridiction étrangère dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française. « Le refus d'autoriser l'exécution de la décision de confiscation prononcée par la juridiction étrangère emporte de plein droit mainlevée de la saisie. Il en est de même lorsque les poursuites engagées à l'étranger ont pris fin ou n'ont pas conduit à la confiscation des biens saisis ». 5. L'article 713-39 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « S'il l'estime utile, le tribunal correctionnel entend, le cas échéant par commission rogatoire, le propriétaire du bien saisi, la personne condamnée ainsi que toute personne ayant des droits sur les biens qui ont fait l'objet de la décision étrangère de confiscation. « Les personnes mentionnées à l'alinéa précédent peuvent se faire représenter par un avocat. « Le tribunal correctionnel est lié par les constatations de fait de la décision étrangère. Si ces constatations sont insuffisantes, il peut demander par commission rogatoire à l'autorité étrangère ayant rendu la décision, la fourniture, dans un délai qu'il fixe, des informations complémentaires nécessaires ». 6. L'article 713-40 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 27 mars 2012, prévoit : « L'exécution sur le territoire de la République d'une décision de confiscation émanant d'une juridiction étrangère entraîne transfert à l'État français de la propriété des biens confisqués, sauf s'il en est convenu autrement avec l'État requérant. « Les biens ainsi confisqués peuvent être vendus selon les dispositions du code du domaine de l'État. « Les frais d'exécution de la décision de confiscation sont imputés sur le total des montants recouvrés. « Les sommes d'argent recouvrées et le produit de la vente des biens confisqués, déduction faite des frais d'exécution, sont dévolus à l'État français lorsque ce montant est inférieur à 10 000 € et dévolus pour moitié à l'État français et pour moitié à l'État requérant dans les autres cas. « Si la décision étrangère prévoit la confiscation en valeur, la décision autorisant son exécution rend l'État français créancier de l'obligation de payer la somme d'argent correspondante. À défaut de paiement, l'État fait recouvrer sa créance sur tout bien disponible à cette fin. Le montant recouvré, déduction faite de tous les frais, est partagé selon les règles prévues au présent article ». 7. L'article 713-41 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 9 juillet 2010, prévoit : « Pour l'application de la présente section, le tribunal correctionnel compétent est celui du lieu de l'un des biens objet de la demande ou, à défaut, le tribunal correctionnel de Paris ». 8. Les requérantes soutiennent, tout d'abord, que ces dispositions méconnaîtraient les droits de la défense, le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit de propriété. À l'appui de ces griefs, elles font valoir que les dispositions renvoyées n'imposeraient ni la tenue d'un débat contradictoire devant le tribunal correctionnel, ni la notification de la décision prise par cette juridiction, ni la possibilité de la contester. Elles reprochent en outre à ces dispositions de ne pas déterminer les pièces produites par le procureur de la République et celles communiquées aux personnes concernées. 9. Elles font valoir, ensuite, qu'en ne prévoyant pas les cas dans lesquels les personnes sont entendues par le tribunal correctionnel et les conditions dans lesquelles les pièces leur sont communiquées, ces dispositions seraient contraires aux principes d'égalité devant la loi et devant la justice. 10. Enfin, pour les mêmes motifs, les dispositions renvoyées seraient entachées d'incompétence négative dans des conditions affectant les droits précités et méconnaîtraient le principe de clarté de la loi. 11. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le premier alinéa des articles 713-38 et 713-39 du code de procédure pénale. 12. Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ainsi que le respect des droits de la défense. 13. Les dispositions des articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale prévoient les conditions dans lesquelles les juridictions françaises compétentes peuvent autoriser ou refuser l'exécution sur le territoire national d'une décision de confiscation prononcée par une autorité judiciaire étrangère. 14. En application des dispositions contestées, le tribunal correctionnel peut, sur requête du procureur de la République, autoriser l'exécution d'une telle décision sans être tenu d'entendre préalablement les personnes intéressées. 15. En premier lieu, d'une part, le tribunal correctionnel ne se prononce que sur l'exécution en France de la décision de confiscation prononcée par une autorité judiciaire étrangère, ayant un caractère définitif et exécutoire selon la loi de l'État requérant. Il ne lui appartient donc pas de se prononcer sur le bien-fondé de la décision de confiscation. D'autre part, les dispositions contestées permettent au tribunal correctionnel d'entendre, s'il estime utile, l'ensemble des personnes intéressées. 16. En second lieu, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, telle qu'elle ressort de la décision de renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité, que les personnes intéressées bénéficient, selon les conditions de droit commun, d'un droit d'appel contre la décision du tribunal correctionnel autorisant l'exécution de la décision étrangère de confiscation. Le droit d'exercer un tel recours implique nécessairement que cette décision soit portée à leur connaissance. 17. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit être écarté. 18. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative et qui ne méconnaissent pas non plus les principes d'égalité devant la loi et devant la justice ou le droit de propriété, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le premier alinéa de l'article 713-38 du code de procédure pénale et le premier alinéa de l'article 713-39 du même code, dans leur rédaction issue de la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 février 2022, où siégeaient : M. Alain JUPPÉ exerçant les fonctions de Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 11 février 2022 .
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 20 octobre 2021 par le Conseil d'État (décision n° 454722 du 15 octobre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la fédération nationale des chasseurs par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-963 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du troisième alinéa de l'article L. 421-5 du code de l'environnement, ainsi que de l'article L. 426-3 et des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 426-5 du même code. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l'environnement ; - la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt ; - la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations en intervention présentées pour la fédération départementale des chasseurs du Gard par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 5 novembre 2021 ; - les observations en intervention présentées pour la fédération départementale des chasseurs du Gers par Me Antoine Tugas, avocat au barreau de Bayonne, enregistrées le 8 novembre 2021 ; - les observations en intervention présentées pour la fédération départementale des chasseurs des Landes par Me Tugas, enregistrées le même jour ; - les observations présentées pour la fédération requérante par la SCP Spinosi, enregistrées le 10 novembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations en intervention présentées pour la fédération départementale des chasseurs du Gard par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, enregistrées le 25 novembre 2021 ; - les secondes observations présentées pour la fédération requérante par la SCP Spinosi, enregistrées le 26 novembre 2021 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la fédération requérante, Me Cédric Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la fédération départementale des chasseurs du Gard, Me Tugas, pour les fédérations départementales des chasseurs du Gers et des Landes, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 11 janvier 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du troisième alinéa de l'article L. 421-5 du code de l'environnement et des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 426-5 du même code dans leur rédaction résultant de la loi du 24 juillet 2019 mentionnée ci-dessus, ainsi que de l'article L. 426-3 du même code dans sa rédaction résultant de la loi du 13 octobre 2014 mentionnée ci-dessus. 2. L'article L. 421-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction résultant de la loi du 24 juillet 2019, est relatif aux fédérations départementales des chasseurs. Son troisième alinéa prévoit : « Elles conduisent des actions de prévention des dégâts de gibier et assurent l'indemnisation des dégâts de grand gibier dans les conditions prévues par les articles L. 426-1 et L. 426-5 ». 3. L'article L. 426-3 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 13 octobre 2014, prévoit : « L'indemnisation mentionnée à l'article L. 426-1 pour une parcelle culturale n'est due que lorsque les dégâts sont supérieurs à un seuil minimal. Un seuil spécifique, inférieur à ce seuil minimal, peut être fixé pour une parcelle culturale de prairie. S'il est établi que les dégâts constatés n'atteignent pas ces seuils, les frais d'estimation des dommages sont à la charge financière du réclamant. « En tout état de cause, l'indemnité fait l'objet d'un abattement proportionnel. « En outre, cette indemnité peut être réduite s'il est constaté que la victime des dégâts a une part de responsabilité dans la commission des dégâts. La Commission nationale d'indemnisation des dégâts de gibier, visée à l'article L. 426-5, détermine les principales règles à appliquer en la matière. « Dans le cas où les quantités déclarées détruites par l'exploitant sont excessives par rapport à la réalité des dommages, tout ou partie des frais d'estimation sont à la charge financière du réclamant. « Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État ». 4. Les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 426-5 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 24 juillet 2019, prévoient : « Dans le cadre du plan de chasse mentionné à l'article L. 425-6, il est institué, à la charge des chasseurs de cerfs, daims, mouflons, chevreuils et sangliers, mâles et femelles, jeunes et adultes, une contribution par animal à tirer destinée à financer l'indemnisation et la prévention des dégâts de grand gibier. Le montant de ces contributions est fixé par l'assemblée générale de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs sur proposition du conseil d'administration. « La fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs prend à sa charge les dépenses liées à l'indemnisation et à la prévention des dégâts de grand gibier. Elle en répartit le montant entre ses adhérents ou certaines catégories d'adhérents. Elle exige une participation des territoires de chasse ; elle peut en complément exiger notamment une participation personnelle des chasseurs de grand gibier, y compris de sanglier, une participation pour chaque dispositif de marquage ou une combinaison de ces différents types de participation. Ces participations peuvent être modulées en fonction des espèces de gibier, du sexe, des catégories d'âge, des territoires de chasse ou unités de gestion ». 5. La fédération requérante, rejointe par les parties intervenantes, reproche à ces dispositions de méconnaître le principe d'égalité devant les charges publiques, au motif qu'elles font peser sur les seules fédérations départementales des chasseurs la charge de l'indemnisation des dégâts de grand gibier, alors que son montant a augmenté en raison de la prolifération de certaines espèces et que les chasseurs ne sont pas responsables de ces dégâts. Pour les mêmes motifs, il en résulterait également une méconnaissance du droit de propriété. 6. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « et assurent l'indemnisation des dégâts de grand gibier dans les conditions prévues par les articles L. 426-1 et L. 426-5 » figurant au troisième alinéa de l'article L. 421-5 du code de l'environnement et sur les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 426-5 du même code. 7. Selon l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Si cet article n'interdit pas de faire supporter, pour un motif d'intérêt général, à certaines catégories de personnes des charges particulières, il ne doit pas en résulter de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 8. Les dispositions contestées de l'article L. 421-5 du code de l'environnement prévoient que les fédérations départementales des chasseurs assurent l'indemnisation des dégâts causés par le grand gibier dont, en application des dispositions contestées de l'article L. 426-5 du même code, le financement est réparti entre leurs adhérents. 9. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu assurer le financement de l'indemnisation des dégâts causés par le grand gibier aux cultures et récoltes agricoles. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d'intérêt général. 10. En deuxième lieu, il résulte de l'article L. 421-5 du code de l'environnement que les fédérations départementales des chasseurs sont chargées de participer à la gestion de la faune sauvage, de coordonner l'action des associations communales et intercommunales de chasse agréées, de conduire des actions de prévention des dégâts de gibier et d'élaborer un schéma départemental de gestion cynégétique, dans lequel figurent notamment les plans de chasse et les plans de gestion. Ainsi, la prise en charge par ces fédérations de l'indemnisation des dégâts causés par le grand gibier est directement liée aux missions de service public qui leur sont confiées. 11. En dernier lieu, d'une part, seuls les dégâts causés aux cultures, aux inter-bandes des cultures pérennes, aux filets de récoltes agricoles ou aux récoltes agricoles peuvent donner lieu à indemnisation. En outre, l'indemnisation, dont le montant est déterminé sur la base de barèmes fixés par la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage, n'est due que lorsque les dégâts sont supérieurs à un seuil minimal et fait l'objet d'un abattement proportionnel. D'autre part, l'indemnité peut être réduite s'il est établi que l'exploitant a une part de responsabilité dans la survenance des dégâts et aucune indemnité n'est due si les dommages ont été causés par des gibiers provenant de son propre fonds. Par ailleurs, la fédération départementale des chasseurs a toujours la possibilité de demander elle-même au responsable de lui verser le montant de l'indemnité qu'elle a accordée à l'exploitant. 12. Il résulte de tout ce qui précède que, compte tenu de la charge financière que représente en l'état l'indemnisation des dégâts causés par le grand gibier, les dispositions contestées n'entraînent pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 13 de la Déclaration de 1789 doit dès lors être écarté. 13. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus le droit de propriété ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « et assurent l'indemnisation des dégâts de grand gibier dans les conditions prévues par les articles L. 426-1 et L. 426-5 » figurant au troisième alinéa de l'article L. 421-5 du code de l'environnement ainsi que les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 426-5 du même code, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 janvier 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 20 janvier 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 28 octobre 2021 par le Conseil d'État (décision n° 455017 du 27 octobre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société civile immobilière et agricole du Mesnil par Mes Hélène Thouy et Olivier Vidal, avocats au barreau de Bordeaux. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-964 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 425-5-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-325 du 7 mars 2012 portant diverses dispositions d'ordre cynégétique. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l'environnement ; - la loi n° 2012-325 du 7 mars 2012 portant diverses dispositions d'ordre cynégétique ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 18 novembre 2021 ; - les observations en intervention présentées pour la fédération nationale des chasseurs par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour la société requérante par Mes Thouy et Vidal, enregistrées le 3 décembre 2021 ; - les secondes observations en intervention présentées pour la fédération nationale des chasseurs par la SCP Spinosi, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Thouy, pour la société requérante, Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la partie intervenante, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 11 janvier 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 425-5-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2012 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Lorsque le détenteur du droit de chasse d'un territoire ne procède pas ou ne fait pas procéder à la régulation des espèces présentes sur son fonds et qui causent des dégâts de gibier, il peut voir sa responsabilité financière engagée pour la prise en charge de tout ou partie des frais liés à l'indemnisation mentionnée à l'article L. 426-1 et la prévention des dégâts de gibier mentionnée à l'article L. 421-5. « Lorsque l'équilibre agro-sylvo-cynégétique est fortement perturbé autour de ce territoire, le représentant de l'État dans le département, sur proposition de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs ou de la chambre départementale ou interdépartementale d'agriculture, après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage réunie dans sa formation spécialisée pour l'indemnisation des dégâts de gibier aux cultures et aux récoltes agricoles, peut notifier à ce détenteur du droit de chasse un nombre d'animaux à prélever dans un délai donné servant de référence à la mise en œuvre de la responsabilité financière mentionnée au premier alinéa ». 2. La société requérante reproche à ces dispositions de permettre au préfet d'imposer à une personne que soient abattus des animaux sur sa propriété, à l'encontre de ses convictions personnelles. Il en résulterait une méconnaissance de la liberté de conscience. Elle dénonce également la violation de l'article 2 de la Charte de l'environnement qui résulterait de cette obligation. 3. Elle soutient en outre que, lorsque la personne ne procède pas à ce prélèvement et que des dommages sont causés par le grand gibier provenant de son fonds, le juge judiciaire serait tenu de retenir sa responsabilité financière en considération de l'arrêté préfectoral. Il en résulterait une méconnaissance du principe de la séparation des pouvoirs et du droit à un recours juridictionnel effectif, protégés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « peut notifier à ce détenteur du droit de chasse un nombre d'animaux à prélever dans un délai donné servant de référence à la mise en œuvre de la responsabilité financière mentionnée au premier alinéa » figurant au second alinéa de l'article L. 425-5-1 du code de l'environnement. 5. Aux termes de l'article 10 de la Déclaration de 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». Il en résulte la liberté de conscience. 6. Les dispositions contestées prévoient que le préfet peut notifier au détenteur du droit de chasse d'un territoire un nombre d'animaux à prélever dans un délai donné, servant le cas échéant de référence à la mise en œuvre de sa responsabilité financière en cas de dommages causés par le grand gibier provenant de son fonds. 7. En premier lieu, le détenteur du droit de chasse ne peut se voir notifier un nombre d'animaux à prélever que lorsque l'équilibre agro-sylvo-cynégétique est fortement perturbé autour de son territoire. En autorisant le préfet à prendre une telle mesure, ces dispositions tendent à sauvegarder l'équilibre entre la présence durable d'une faune sauvage et les activités agricoles et sylvicoles en prévenant les dégâts de gibier. 8. En second lieu, les dispositions contestées ne remettent pas en cause le droit du détenteur du droit de chasse d'interdire, au nom de ses convictions personnelles, la pratique de la chasse sur son territoire. Au demeurant, sa responsabilité financière ne peut être engagée qu'en cas de dégâts causés par le grand gibier provenant de son fonds. 9. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées ne portent pas une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté de conscience. 10. Par ailleurs, les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de limiter le pouvoir d'appréciation reconnu à la juridiction judiciaire pour la mise en œuvre de la responsabilité financière du détenteur du droit de chasse en cas de dommages causés par le gibier provenant de son fonds. Le grief tiré de la méconnaissance des exigences résultant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ne peut donc, en tout état de cause, qu'être écarté. 11. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus l'article 2 de la Charte de l'environnement, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « peut notifier à ce détenteur du droit de chasse un nombre d'animaux à prélever dans un délai donné servant de référence à la mise en œuvre de la responsabilité financière mentionnée au premier alinéa » figurant au second alinéa de l'article L. 425-5-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-325 du 7 mars 2012 portant diverses dispositions d'ordre cynégétique, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 janvier 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 20 janvier 2022.
CONSTIT/CONSTEXT000045243093.xml
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 3 décembre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1583 du 1er décembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Patrick S. par la SCP Nicolaÿ - de Lanouvelle - Hannotin, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-970 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du deuxième alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par Me François Mazon, avocat au barreau de Marseille, enregistrées le 27 décembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Mazon, pour le requérant, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 8 février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du deuxième alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 23 mars 2019 mentionnée ci-dessus. 2. Le deuxième alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale, dans cette rédaction, est relatif à la restitution des objets placés sous main de justice. Il prévoit : « Il n'y a pas lieu à restitution lorsque celle-ci est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, lorsque le bien saisi est l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction ou lorsqu'une disposition particulière prévoit la destruction des objets placés sous main de justice ; la décision de non-restitution prise pour l'un de ces motifs ou pour tout autre motif, même d'office, par le procureur de la République ou le procureur général peut être déférée par l'intéressé au président de la chambre de l'instruction ou à la chambre de l'instruction, dans le délai d'un mois suivant sa notification, par déclaration au greffe du tribunal ou de la cour ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; ce recours est suspensif ». 3. Le requérant fait valoir que, faute de prévoir que la notification de la décision de refus de restitution d'un bien placé sous main de justice doive comporter l'indication des voies et délais de recours, ces dispositions priveraient la personne intéressée de la possibilité de contester en temps utile cette décision. Il en résulterait une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif ainsi que du droit de propriété. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « dans le délai d'un mois suivant sa notification » figurant au deuxième alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale. 5. Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction. 6. L'article 41-4 du code de procédure pénale donne compétence au procureur de la République ou au procureur général pour statuer, d'office ou sur requête de toute personne intéressée, sur la restitution des objets placés sous main de justice au cours de l'enquête, lorsqu'aucune juridiction n'a été saisie ou que la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans statuer sur le sort de ces objets. 7. La décision de refus de restitution peut faire l'objet d'un recours suspensif de la personne intéressée devant le président de la chambre de l'instruction ou la chambre de l'instruction. 8. D'une part, en application des dispositions contestées, la personne intéressée dispose d'un délai d'un mois pour former un tel recours par déclaration au greffe du tribunal ou de la cour ou par lettre recommandée avec avis de réception. 9. D'autre part, ces dispositions prévoient que ce délai ne commence à courir qu'à compter du jour où la décision de refus de restitution a été effectivement portée à sa connaissance. 10. Dans ces conditions, la personne est mise à même d'exercer un recours contre la décision de refus de restitution d'un objet placé sous main de justice. Par conséquent, en ne prévoyant pas que la notification de cette décision doit faire mention des voies et délais de recours, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le droit à un recours juridictionnel effectif. 11. Il résulte de ce qui précède que ces dispositions, qui ne méconnaissent pas non plus le droit de propriété ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « dans le délai d'un mois suivant sa notification » figurant au deuxième alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 février 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD et François PILLET. Rendu public le 18 février 2022.
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Le Conseil constitutionnel, Saisi le 19 novembre 1973 par le Premier Ministre, dans les conditions prévues à l'article 37, alinéa 2, de la Constitution d'une demande tendant à l'appréciation de la nature juridique des dispositions ci-après : - du code rural : - article 44 tel qu'il résulte de l'article 19 de la loi n° 60-808 du 5 août 1960 ; article 45 tel qu'il résulte de l'article 19 de la loi n° 60-808 du 5 août 1960, en tant qu'il contient les mots : " . . .pris après avis du Conseil supérieur de l'aménagement rural." ; - article 188-1, alinéa 7, tel qu'il résulte de l'article 5 de la loi n° 72-9 du 3 janvier 1972, en tant qu'il contient les mots : "… par arrêté du Ministre de l'Agriculture, pris sur proposition du préfet après avis de la Commission départementale des structures." ; - article 188-9, 1°, tel qu'il résulte de l'article 8 de la loi n° 62-933 du 8 août 1962 ; - article 799, alinéa 2, dernière phrase, telle qu'ajoutée par l'article 2 de l'ordonnance n° 59-71 du 7 janvier 1959 ; - article 808, avant-dernier alinéa, tel qu'il résulte de l'article 8 de la loi n° 61-1378 du 19 décembre 1961 ; article 842, premier alinéa, tel qu'il résulte de l'article 6 de la loi n° 63-1331 du 30 décembre 1963, en tant qu'il contient les mots : " …cette notification doit être donnée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire." ; - article 845-2, alinéa 3, tel qu'il résulte de l'article 4 de la loi n° 72-9 du 3 janvier 1972, en tant qu'il contient les mots : "Cette notification doit être donnée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire ..." ; - article 848, premier alinéa, 1, tel qu'il résulte de l'article 4 de la loi n° 67-560 du 12 juillet 1967, en tant qu'il contient les mots : " …par arrêté préfectoral, après avis de la commission consultative des baux ruraux …" ; - article 849, alinéas 2 et 3, tels qu'ils résultent de l'article premier de la loi n° 72-598 du 5 juillet 1972, en tant qu'ils contiennent respectivement les mots : "lorsqu'il est procédé à une expertise, celle-ci doit être établie conformément à un plan d'inventaire déterminé par arrêté du Ministre de l'Agriculture et préciser la nature, le coût et la date des améliorations apportées par le preneur … La rémunération des experts est assurée d'après un barème forfaitaire." - article 850, alinéa 1, 2 et dernier, tels qu'ils résultent de l'article 5 de la loi n° 67-560 du 12 juillet 1967, en tant qu'ils contiennent respectivement les mots : "… par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception … par arrêté préfectoral pris après avis de la Commission consultative départementale des baux ruraux par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire … par ordonnance du président du tribunal paritaire statuant en la forme des référés." ; - article 862, premier alinéa, tel qu'il résulte de l'article 131 de la loi n° 63-1332 du 30 décembre 1963, en tant qu'il contient les mots : "… par acte extrajudiciaire …" ; - article 870-4, alinéa 2, tel qu'il résulte de l'article 2 de la loi n° 68-1147 du 20 décembre 1968, en tant qu'il contient les mots : "… par lettre recommandée avec demande d'avis de réception." ; - article 870-19, premier alinéa, tel qu'il résulte de l'article 5 de la loi n° 68-1147 du 20 décembre 1968, en tant qu'il contient les mots : "… par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception." ; - article 870-25, alinéas 4 et dernier, tels qu'ils résultent de l'article premier de la loi n° 72-9 du 3 janvier 1972, en tant qu'ils contiennent respectivement les mots : "… par acte extrajudiciaire signifié par acte extrajudiciaire …" ; - de la loi n° 60-808 du 5 août 1960 : - article 15, alinéa 2, en tant qu'il contient les mots : "… par le Ministre de l'Agriculture et le Ministre des Finances et des Affaires économiques." ; - de la loi n° 62-917 du 8 août 1962 : - article 8, premier alinéa, en tant qu'il contient les mots :" par lettre recommandée avec accusé de réception …" ; - de la loi n° 63-1236 du 17 décembre 1963 : - article 4, premier alinéa, en tant qu'il contient les mots : "… arrêté préfectoral pris après avis de la commission consultative des baux ruraux" ; Vu la Constitution, notamment son préambule et ses articles 34, 37, 62 et 66 ; Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 24, 25 et 26 ; Vu le code rural ; Vu la loi n° 60-808 du 5 août 1960 d'orientation agricole, notamment son article 15 ; Vu la loi n° 62-917 du 8 août 1962 relative aux groupements agricoles d'exploitation en commun, notamment son article 8 ; Vu la loi n° 63-1236 du 17 décembre 1963 relative au bail à ferme dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion, notamment son article 4 ; En ce qui concerne les dispositions des articles 45, 1881, alinéa 7, 848, premier alinéa, 1, 850, alinéa 2, deuxième phrase, du code rural et de l'article 4, premier alinéa, de la loi n° 63-1236 du 17 décembre 1963 soumises à l'examen du Conseil constitutionnel : 1. Considérant que, si l'autorité réglementaire a toujours la faculté d'instituer une fonction consultative dans tout domaine où elle a un pouvoir de décision, le législateur dispose également de pareille faculté dans les domaines qui lui sont réservés par la Constitution, compte tenu notamment des distinctions fixées par l'article 34 ; qu'il a, dès lors, la possibilité dans ces mêmes domaines de faire procéder la décision d'une autorité administrative de l'avis d'une commission même créée par voie réglementaire ; 2. Considérant que la commission départementale des structures a été instituée par le législateur (art 1882 du code rural modifié par la loi du 8 août 1962) ; que les dispositions de l'article 1881, alinéa 7, du code rural, soumises à l'appréciation du Conseil constitutionnel, font précéder de l'avis de ladite commission tout arrêté ministériel rendant applicable une législation qui soumet, dans certains cas, à l'autorisation préalable du préfet, "tous cumuls et réunions d'exploitations ou de fonds agricoles" ; que lesdites dispositions doivent, être considérées comme concernant les principes fondamentaux "du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales" et qu'elles ont, en conséquence, le caractère législatif, en vertu des dispositions de l'article 34 de la Constitution ; 3. Considérant que, si le conseil supérieur de l'aménagement rural ainsi que le comité consultatif de l'aménagement rural qui lui a succédé, ont été créés par des actes du pouvoir réglementaire, les dispositions de l'article 45 du code rural, soumises à l'examen du Conseil constitutionnel, font précéder de l'avis dudit organisme l'intervention du décret en Conseil d'Etat fixant "notamment la définition des terres incultes" qui malgré l'opposition de leur propriétaire peuvent être soit vendues, soit concédées à un tiers ; que lesdites dispositions doivent être considérées comme concernant les principes fondamentaux "du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales" et qu'elles ont, en conséquence, le caractère législatif en vertu des dispositions de l'article 34 de la Constitution ; 4. Considérant que la commission consultative des baux ruraux a été instituée par le pouvoir réglementaire ; que les dispositions de l'article 848 du code rural, alinéa premier, modifié par la loi du 12 juillet 1967, telles qu'elles sont soumises à l'appréciation du Conseil constitutionnel, font précéder de l'avis de ladite commission l'établissement par le préfet "des tables d'amortissement déterminées à partir d'un barème national" permettant de réduire l'indemnité due, en fin de bail, par le bailleur au preneur, pour les améliorations que ce dernier a apportées au fonds loué ; que l'établissement de ces tables d'amortissement ne constitue qu'une modalité de l'application d'un barème national et ne porte pas atteinte à un principe fondamental "du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales" et qu'elle ressortit à la compétence du pouvoir réglementaire, à condition, toutefois, que ne soit pas dénaturé le principe même de l'indemnisation ; qu'il en résulte que les dispositions de l'article 848, premier alinéa, 1, du code rural, soumises à l'appréciation du Conseil constitutionnel, ont le caractère réglementaire ; 5. Considérant que les dispositions de l'article 850, alinéa 2, deuxième phrase, soumises à l'examen du Conseil constitutionnel en ce qu'elles prévoient la désignation de l'autorité administrative habilitée à exercer, au nom de l'Etat, des attributions dévolues à l'autorité réglementaire dans ses limites strictement fixées par la loi et en ce qu'elles précisent que la décision de cette autorité sera prise après avis de la commission consultative des baux ruraux, ne portent pas non plus atteinte aux principes fondamentaux rappelés ci-dessus et ressortissent, dès lors, à la compétence du pouvoir réglementaire ; 6. Considérant que les dispositions de l'article 4, premier alinéa, de la loi du 17 décembre 1963, soumises au Conseil constitutionnel, font procéder de l'avis de la commission consultative des baux ruraux l'arrêté préfectoral déterminant la ou les denrées, ainsi que leur quantité "devant servir de base au calcul des baux" ; 7. Considérant que les principes qui sont ici en cause, à savoir la libre disposition de son bien par tout propriétaire, l'autonomie de la volonté des contractants et l'immutabilité des conventions, doivent être appréciés dans le cadre des limitations de portée générale qui y ont été introduites par la législation antérieure pour permettre certaines interventions jugées nécessaires de la puissance publique dans les relations contractuelles entre particuliers ; 8. Considérant que, s'agissant plus spécialement de la matière des baux à ferme, les pouvoirs publics ont pu ainsi, sans mettre en cause l'existence des principes susrappelés, limiter le champ de la libre expression des volontés des bailleurs et des preneurs en imposant certaines conditions d'exécution de leurs conventions, notamment en ce qui concerne les modalités de calcul et de révision du montant des fermages ; que les dispositions soumises à l'examen du Conseil constitutionnel ne font que préciser les modalités du calcul des baux dont le principe de limitation a été fixé par la loi ; qu'elles ont, en conséquence, le caractère réglementaire. En ce qui concerne les dispositions de l'article 44 du code rural soumises à l'examen du Conseil constitutionnel : 9. Considérant que les dispositions susvisées tendent seulement à préciser que les fonctionnaires chargés de veiller au respect des règles concernant la mise en valeur des terres incultes récupérables peuvent demander toutes explications écrites aux bénéficiaires des parcelles concédées et que ceux-ci sont tenus d'y répondre ; que ces dispositions ne mettent en cause aucun des principes fondamentaux ni aucune des règles que l'article 34 de la Constitution a placés dans le domaine de la loi et ont, dès lors, un caractère réglementaire ; En ce qui concerne les dispositions de l'article 1889, 1, du code rural soumises à l'examen du Conseil constitutionnel : 10. Considérant que les dispositions susvisées tendent à réprimer d'une peine de 500 à 2000 F le défaut de demande d'autorisation préalable ou de souscription de déclaration préalable en cas de cumul ou de réunion d'exploitation agricoles ou de certains autres cumuls ; 11. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées du préambule, des alinéas 3 et 5 de l'article 34 et de l'article 66 de la Constitution, que la détermination des contraventions et des peines qui leur sont applicables est du domaine réglementaire lorsque lesdites peines ne comportent pas de mesure privative de liberté ; 12. Considérant qu'il ressort des dispositions combinées des articles premier et 466 du code pénal que les peines d'amende dont le maximum n'excède pas deux mille francs constituent des peines de police réprimant des contraventions ; que, dès lors, les dispositions susvisées de l'article 1889 du code rural qui ne prévoient qu'une peine d'amende ne dépassant pas deux mille francs, ressortissent à la compétence du pouvoir réglementaire ; En ce qui concerne les dispositions des articles 799, alinéa 2, dernière phrase, 808, avant-dernier alinéa, 842, premier alinéa, 8452, alinéa 3, 849, alinéas 2 et 3,850, alinéas 1 et 2, quatrième phrase, 862, premier alinéa, 8704, 87019, premier alinéa, 87025, alinéas 4 et dernier, ainsi que de l'article 8, premier alinéa, de la loi n° 62-917 du 8 août 1962, soumises à l'examen du Conseil constitutionnel : 13. Considérant que les dispositions susvisées, soumises à l'examen du Conseil constitutionnel, tendent seulement à définir les modalités selon lesquelles doivent être accomplies diverses formalités relatives à l'exercice du droit de préemption ainsi qu'à l'exécution ou la résiliation du contrat de bail ; que ces dispositions ne touchent pas aux principes fondamentaux "du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales" ni à aucun des autres principes non plus qu'à aucune des règles que l'article 34 de la Constitution a placés dans le domaine de la loi ; que, dès lors, ces dispositions ont un caractère réglementaire ; En ce qui concerne les dispositions de l'article 850, dernier alinéa, du code rural soumises à l'examen du Conseil constitutionnel : 14. Considérant que les dispositions susvisées sont soumises à l'examen du Conseil constitutionnel en tant qu'elles précisent que l'homme de l'art chargé de diriger et de contrôler les travaux affectant le gros oeuvre d'un bâtiment inclus dans un bail rural, est désigné, à défaut d'accord amiable entre le preneur et le bailleur, "par ordonnance du président du tribunal paritaire statuant en la forme des référés" ; 15. Considérant que ces dispositions, dans la mesure où elles donnent compétence à l'autorité judiciaire pour désigner l'expert qu'elles visent, tendent à apporter une garantie aux parties au contrat de bail et touchent ainsi aux principes fondamentaux "du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales" ; qu'elles sont, dès lors, de nature législative dans la mesure indiquée ci-dessus ; 16. Considérant, toutefois, que les dispositions susvisées sont de nature réglementaire dans la mesure où elles précisent quelle est l'autorité judiciaire compétente pour procéder à la désignation qu'elles prévoient et fixent la procédure selon laquelle ladite autorité pourra intervenir ; En ce qui concerne les dispositions de l'article 15, deuxième alinéa, de la loi n° 60-808 du 5 août 1960, soumises à l'examen du Conseil constitutionnel : 17. Considérant que les dispositions susvisées ne sont soumises à l'examen du Conseil constitutionnel que dans la mesure où elles précisent que l'agrément des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, dont la création est prévue à l'alinéa 2, du même article 15, doit être prononcé par le Ministre de l'Agriculture et le Ministre des Finances et des Affaires économiques ; 18. Considérant que ces dispositions qui tendent seulement à désigner l'autorité habilitée à exercer, au nom du Gouvernement, des attributions qui, en vertu de la loi, appartiennent à celui-ci, ne mettent pas en cause les principes fondamentaux "du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales" ni aucun des autres principes ou aucune des règles que l'article 34 de la Constitution a placés dans le domaine de la loi et ressortissent, dès lors à la compétence du pouvoir réglementaire ; Article premier : Ont le caractère législatif dans la mesure précisée dans les visas et par les motifs de la présente décision, les dispositions susvisées des articles 45, 1881, alinéa 7 et 850, dernier alinéa, du code rural. Article 2 : Les autres dispositions soumises à l'examen du Conseil constitutionnel ont le caractère réglementaire dans la mesure précisée dans les visas et les motifs de la présente décision. Article 3 : La présente décision sera notifiée au Premier Ministre et publiée au Journal officiel de la République française.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 septembre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1275 du 28 septembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Specitubes par Me Arnaud Cabanes, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-953 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 171-8 du code de l'environnement et du paragraphe II de l'article L. 173-1 du même code. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l'environnement ; - la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations en intervention présentées par l'association France nature environnement, enregistrées le 19 octobre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 20 octobre 2021 ; - les secondes observations présentées pour la société requérante par Me Cabanes, enregistrées le 21 octobre 2021 ; - les secondes observations en intervention présentées par l'association France nature environnement, enregistrées le 2 novembre 2021 ; - les nouvelles observations présentées pour la société requérante par Me Cabanes, enregistrées le 3 novembre 2021 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Cabanes, pour la société requérante, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 23 novembre 2021 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi de l'article L. 171-8 du code de l'environnement et du paragraphe II de l'article L. 173-1 du même code dans leur rédaction résultant de la loi du 24 juillet 2019 mentionnée ci-dessus. 2. L'article L. 171-8 du code de l'environnement, dans cette rédaction, prévoit : « I. - Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe, par le même acte ou par un acte distinct, les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement. « II. - Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, aux mesures d'urgence mentionnées à la dernière phrase du I du présent article ou aux mesures ordonnées sur le fondement du II de l'article L. 171-7, l'autorité administrative compétente peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives suivantes : « 1° Obliger la personne mise en demeure à consigner entre les mains d'un comptable public avant une date déterminée par l'autorité administrative une somme correspondant au montant des travaux ou opérations à réaliser. « Cette somme bénéficie d'un privilège de même rang que celui prévu à l'article 1920 du code général des impôts. Il est procédé à son recouvrement comme en matière de créances de l'État étrangères à l'impôt et au domaine. « L'opposition à l'état exécutoire pris en application d'une mesure de consignation ordonnée par l'autorité administrative devant le juge administratif n'a pas de caractère suspensif ; « 2° Faire procéder d'office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l'exécution des mesures prescrites. Les sommes consignées en application du 1° du présent II sont utilisées pour régler les dépenses ainsi engagées ; « 3° Suspendre le fonctionnement des installations ou ouvrages, l'utilisation des objets et dispositifs, la réalisation des travaux, des opérations ou des aménagements ou l'exercice des activités jusqu'à l'exécution complète des conditions imposées et prendre les mesures conservatoires nécessaires, aux frais de la personne mise en demeure ; « 4° Ordonner le paiement d'une amende administrative au plus égale à 15 000 €, recouvrée comme en matière de créances de l'État étrangères à l'impôt et au domaine, et une astreinte journalière au plus égale à 1 500 € applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu'à satisfaction de la mise en demeure ou de la mesure ordonnée. Les deuxième et dernier alinéas du même 1° s'appliquent à l'astreinte. « Les amendes et les astreintes sont proportionnées à la gravité des manquements constatés et tiennent compte notamment de l'importance du trouble causé à l'environnement. « L'amende ne peut être prononcée au-delà d'un délai de trois ans à compter de la constatation des manquements. « Les mesures mentionnées aux 1° à 4° du présent II sont prises après avoir communiqué à l'intéressé les éléments susceptibles de fonder les mesures et l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations dans un délai déterminé. « L'autorité administrative compétente peut procéder à la publication de l'acte arrêtant ces sanctions, sur le site internet des services de l'État dans le département, pendant une durée comprise entre deux mois et cinq ans. Elle informe préalablement la personne sanctionnée de la mesure de publication envisagée, lors de la procédure contradictoire prévue à l'avant-dernier alinéa du présent II ». 3. Le paragraphe II de l'article L. 173-1 du même code, dans sa rédaction résultant de la même loi, prévoit : « II. - Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende le fait d'exploiter une installation ou un ouvrage, d'exercer une activité ou de réaliser des travaux mentionnés aux articles cités au premier alinéa, en violation : « 1° D'une décision prise en application de l'article L. 214-3 d'opposition à déclaration ou de refus d'autorisation ; « 2° D'une mesure de retrait d'une autorisation, d'un enregistrement, d'une homologation ou d'une certification mentionnés aux articles L. 214-3, L. 512-1, L. 512-7, L. 555-1, L. 571-2, L. 571-6 et L. 712-1 ; « 3° D'une mesure de fermeture, de suppression, de suspension ou de remise des lieux en état d'une installation ou d'un ouvrage prise en application de l'article L. 171-7 de l'article L. 171-8, de l'article L. 514-7 ou du I de l'article L. 554-9 ; « 4° D'une mesure d'arrêt, de suspension ou d'interdiction prononcée par le tribunal en application de l'article L. 173-5 ; « 5° D'une mesure de mise en demeure prononcée par l'autorité administrative en application de l'article L. 171-7 ou de l'article L. 171-8 ». 4. La société requérante dénonce comme contraire au principe non bis in idem le cumul possible entre l'amende administrative et les sanctions pénales prévues par ces dispositions en cas de violation d'une mise en demeure prononcée par l'autorité administrative en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement. Il en résulterait, selon elle, une méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines. 5. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « Ordonner le paiement d'une amende administrative au plus égale à 15 000 € » figurant à la première phrase du 4° du paragraphe II de l'article L. 171-8 du code de l'environnement et sur le 5° du paragraphe II de l'article L. 173-1 du même code. 6. Selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition. Il découle du principe de nécessité des délits et des peines qu'une même personne ne peut faire l'objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux. Si l'éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues. 7. Selon l'article L. 171-8 du code de l'environnement, en cas de méconnaissance des prescriptions applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement, l'autorité administrative compétente met en demeure l'exploitant de l'installation ou de l'ouvrage classé d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. 8. D'une part, les dispositions contestées du même article prévoient que l'exploitant qui ne s'est pas conformé à cette mise en demeure à l'expiration du délai imparti peut se voir infliger une amende administrative d'un montant maximum de 15 000 euros. 9. D'autre part, les dispositions contestées de l'article L. 173-1 du même code prévoient qu'une personne physique reconnue coupable du délit d'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement en violation de cette mise en demeure encourt une peine de deux ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende. Lorsqu'il s'applique à une personne morale, ce même délit est, selon l'article L. 173-8 du même code, puni d'une amende de 500 000 euros qui peut s'accompagner, notamment, des peines de dissolution de la personne morale, de placement sous surveillance judiciaire, de fermeture temporaire ou définitive ou d'exclusion des marchés publics à titre temporaire ou définitif. 10. Ainsi, à la différence de l'article L. 171-8 qui prévoit uniquement une sanction de nature pécuniaire, l'article L. 173-1 prévoit une peine d'amende et une peine d'emprisonnement pour les personnes physiques ou, pour les personnes morales, une peine de dissolution, ainsi que les autres peines précédemment mentionnées. 11. Dès lors, les faits prévus et réprimés par les dispositions contestées doivent être regardés comme susceptibles de faire l'objet de sanctions de nature différente. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des peines doit être écarté. 12. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « Ordonner le paiement d'une amende administrative au plus égale à 15 000 € » figurant à la première phrase du 4° du paragraphe II de l'article L. 171-8 du code de l'environnement et le 5° du paragraphe II de l'article L. 173-1 du même code, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 2 décembre 2021, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 3 décembre 2021.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 11 octobre 2021 par le Conseil d'État (décision n° 451784 du 5 octobre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour l'union fédérale des syndicats de l'État - CGT, la fédération CGT des services publics, la confédération générale du travail, la fédération syndicale unitaire, la fédération CGT de l'action sociale et de la santé et l'union syndicale Solidaires Fonction Publique par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-956 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe III de l'article 8 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2021-174 du 17 février 2021 relative à la négociation et aux accords collectifs dans la fonction publique. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique ; - l'ordonnance n° 2021-174 du 17 février 2021 relative à la négociation et aux accords collectifs dans la fonction publique, prise sur le fondement de l'habilitation prévue à l'article 14 de la loi du 6 août 2019 mentionnée ci-dessus, dont le délai est expiré ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les parties requérantes par la SCP Waquet, Farge, Hazan, enregistrées le 29 octobre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 2 novembre 2021 ; - les secondes observations présentées pour les parties requérantes par la SCP Waquet, Farge, Hazan, enregistrées le 15 novembre 2021 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Claire Waquet, avocate au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour les parties requérantes, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 30 novembre 2021 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 8 octies de la loi du 13 juillet 1983 mentionnée ci-dessus, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 17 février 2021 mentionnée ci-dessus, est relatif aux accords collectifs conclus dans la fonction publique. Son paragraphe III prévoit : « Ces accords peuvent être modifiés par des accords conclus dans le respect de la condition de majorité déterminée au I de l'article 8 quater et selon des modalités précisées par voie réglementaire. « L'autorité administrative signataire d'un accord peut suspendre l'application de celui-ci pour une durée déterminée en cas de situation exceptionnelle et dans des conditions précisées par voie réglementaire. « Les accords peuvent faire l'objet d'une dénonciation totale ou partielle par les parties signataires selon des modalités prévues par voie réglementaire. Lorsqu'elle émane d'une des organisations syndicales signataires, la dénonciation doit répondre aux conditions prévues au I de l'article 8 quater. Les clauses réglementaires que, le cas échéant, comporte un accord faisant l'objet d'une telle dénonciation restent en vigueur jusqu'à ce que le pouvoir réglementaire ou un nouvel accord les modifie ou les abroge ». 2. Les parties requérantes soutiennent que, en ne permettant pas à des organisations syndicales représentatives de demander la révision ou la dénonciation d'un accord conclu dans la fonction publique au motif qu'elles n'en seraient pas signataires, les dispositions renvoyées méconnaîtraient la liberté syndicale et le principe de participation des travailleurs. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le premier alinéa et les deux premières phrases du dernier alinéa du paragraphe III de l'article 8 octies de la loi du 13 juillet 1983. 4. Aux termes du sixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ». Aux termes du huitième alinéa du même préambule : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ». 5. Il incombe au législateur, compétent en vertu de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'État, de poser des règles propres à garantir la participation des organisations syndicales à la détermination collective des conditions de travail. 6. Les organisations syndicales représentatives de fonctionnaires et les autorités administratives et territoriales compétentes ont qualité pour conclure des accords. Ces derniers sont valides s'ils sont signés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur des organisations habilitées à négocier lors des dernières élections professionnelles. 7. Les dispositions contestées du premier alinéa du paragraphe III de l'article 8 octies de la loi du 13 juillet 1983 prévoient que les accords collectifs conclus dans la fonction publique peuvent être modifiés par des accords adoptés dans le respect de la condition de majorité précitée. 8. Les dispositions contestées du dernier alinéa du même paragraphe permettent la dénonciation totale ou partielle d'un accord par les parties signataires, et sous réserve, pour les organisations syndicales, du respect de la même condition de majorité. 9. En premier lieu, les dispositions contestées du premier alinéa du paragraphe III n'ont, par elles-mêmes, ni pour objet ni pour effet d'interdire aux organisations syndicales représentatives qui n'étaient pas signataires d'un accord collectif de prendre l'initiative de sa modification. 10. En second lieu, d'une part, en réservant le droit de dénoncer un accord aux seules organisations qui sont à la fois signataires de cet accord et représentatives au moment de sa dénonciation, les dispositions contestées du dernier alinéa du même paragraphe III ont pour objectif d'inciter à la conclusion de tels accords et d'assurer leur pérennité. 11. D'autre part, les organisations syndicales représentatives respectant la condition de majorité peuvent, même sans être signataires d'un accord, demander d'ouvrir une négociation en vue de sa modification ou participer à la négociation d'un nouvel accord, dans le cadre prévu par l'article 8 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. 12. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées ne méconnaissent pas l'exigence découlant des sixième et huitième alinéas du Préambule de 1946. 13. Par conséquent, ces dispositions, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le premier alinéa et les deux premières phrases du dernier alinéa du paragraphe III de l'article 8 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2021-174 du 17 février 2021 relative à la négociation et aux accords collectifs dans la fonction publique, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 décembre 2021, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 10 décembre 2021.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 23 septembre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1230 du 21 septembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Omar Y. par Me Sarah Bensaber et Me Pierre-Jean Gribouva, avocats au barreau de Douai. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-952 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 77-1-1 et 77-1-2 du code de procédure pénale. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ; - la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 13 octobre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour le requérant par la SCP Spinosi, enregistrées le 28 octobre 2021 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le requérant, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 23 novembre 2021 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi du 24 décembre 2020 mentionnée ci-dessus, et de l'article 77-1-2 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 23 mars 2019 mentionnée ci-dessus. 2. L'article 77-1-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi 24 décembre 2020, prévoit : « Le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l'officier ou l'agent de police judiciaire, peut, par tout moyen, requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des informations intéressant l'enquête, y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces informations, notamment sous forme numérique, le cas échéant selon des normes fixées par voie réglementaire, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel. Lorsque les réquisitions concernent des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-5, la remise des informations ne peut intervenir qu'avec leur accord. « En cas d'absence de réponse de la personne aux réquisitions, les dispositions du second alinéa de l'article 60-1 sont applicables. « Le dernier alinéa de l'article 60-1 est également applicable. « Le procureur de la République peut, par la voie d'instructions générales prises en application de l'article 39-3, autoriser les officiers ou agents de police judiciaire, pour des catégories d'infractions qu'il détermine, à requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique, de leur remettre des informations intéressant l'enquête qui sont issues d'un système de vidéoprotection. Le procureur est avisé sans délai de ces réquisitions. Ces instructions générales ont une durée qui ne peut excéder six mois. Elles peuvent être renouvelées ». 3. L'article 77-1-2 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 23 mars 2019, prévoit : « Sur autorisation du procureur de la République, l'officier ou l'agent de police judiciaire peut procéder aux réquisitions prévues par le premier alinéa de l'article 60-2. « Sur autorisation du juge des libertés et de la détention saisi à cette fin par le procureur de la République, l'officier ou l'agent de police peut procéder aux réquisitions prévues par le deuxième alinéa de l'article 60-2. « Les organismes ou personnes concernés mettent à disposition les informations requises par voie télématique ou informatique dans les meilleurs délais. « Le fait de refuser de répondre sans motif légitime à ces réquisitions est puni conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l'article 60-2 ». 4. Le requérant reproche à ces dispositions de permettre au procureur de la République d'autoriser, sans contrôle préalable d'une juridiction indépendante, la réquisition d'informations issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, qui comprennent les données de connexion. Il en résulterait une méconnaissance, d'une part, du droit de l'Union européenne et, d'autre part, du droit au respect de la vie privée, ainsi que des droits de la défense et du droit à un recours juridictionnel effectif. Pour les mêmes motifs, le législateur aurait en outre méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant les droits précités. 5. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « , y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, » figurant à la première phrase du premier alinéa de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale et « aux réquisitions prévues par le premier alinéa de l'article 60-2 » figurant au premier alinéa de l'article 77-1-2 du même code. - Sur le fond : 6. Aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression ». La liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de la vie privée. 7. En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. Il lui incombe d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infraction et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée. 8. L'article 77-1-1 du code de procédure pénale permet au procureur de la République ou, sur son autorisation, à un officier ou à un agent de police judiciaire, dans le cadre d'une enquête préliminaire, de requérir, par tout moyen, des informations détenues par toute personne publique ou privée y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel. 9. L'article 77-1-2 prévoit que, sur autorisation du procureur de la République, l'officier ou l'agent de police judiciaire peut requérir d'un organisme public ou de certaines personnes morales de droit privé, par voie télématique ou informatique, la mise à disposition d'informations non protégées par un secret prévu par la loi, contenues dans un système informatique ou un traitement de données nominatives. 10. En permettant de requérir des informations issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, les dispositions contestées autorisent ainsi le procureur de la République et les officiers et agents de police judiciaire à se faire communiquer des données de connexion ou à y avoir accès. 11. D'une part, les données de connexion comportent notamment les données relatives à l'identification des personnes, à leur localisation et à leurs contacts téléphoniques et numériques ainsi qu'aux services de communication au public en ligne qu'elles consultent. Compte tenu de leur nature, de leur diversité et des traitements dont elles peuvent faire l'objet, les données de connexion fournissent sur les personnes en cause ainsi que, le cas échéant, sur des tiers, des informations nombreuses et précises, particulièrement attentatoires à leur vie privée. 12. D'autre part, en application des dispositions contestées, la réquisition de ces données est autorisée dans le cadre d'une enquête préliminaire qui peut porter sur tout type d'infraction et qui n'est pas justifiée par l'urgence ni limitée dans le temps. 13. Si ces réquisitions sont soumises à l'autorisation du procureur de la République, magistrat de l'ordre judiciaire auquel il revient, en application de l'article 39-3 du code de procédure pénale, de contrôler la légalité des moyens mis en œuvre par les enquêteurs et la proportionnalité des actes d'investigation au regard de la nature et de la gravité des faits, le législateur n'a assorti le recours aux réquisitions de données de connexion d'aucune autre garantie. 14. Dans ces conditions, le législateur n'a pas entouré la procédure prévue par les dispositions contestées de garanties propres à assurer une conciliation équilibrée entre, d'une part, le droit au respect de la vie privée et, d'autre part, la recherche des auteurs d'infractions. 15. Par conséquent, sans qu'il soit besoin de se prononcer ni sur le grief tiré de la méconnaissance du droit de l'Union européenne qu'il n'appartient pas, au demeurant, au Conseil constitutionnel d'examiner, ni sur les autres griefs, les dispositions contestées doivent être déclarées contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 16. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 17. En l'espèce, l'abrogation immédiate des dispositions contestées entraînerait des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 31 décembre 2022 la date de l'abrogation des dispositions contestées. D'autre part, les mesures prises avant cette date ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots «, y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, » figurant à la première phrase du premier alinéa de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, et « aux réquisitions prévues par le premier alinéa de l'article 60-2 » figurant au premier alinéa de l'article 77-1-2 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, sont contraires à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 17 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 2 décembre 2021, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 3 décembre 2021.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 25 novembre 2021, par le Premier ministre, sous le n° 2021-831 DC, conformément au cinquième alinéa de l'article 46 et au premier alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ; - la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ; - la loi n° 73-1150 du 27 décembre 1973 de finances pour 1974 ; - le décret n° 76-832 du 24 août 1976 relatif à l'organisation financière de certains établissements ou organismes de coopération et de diffusion culturelle dépendant du ministère des affaires étrangères ; - la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-658 DC du 13 décembre 2012 ; Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 16 décembre 2021 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel comporte trente-trois articles répartis en trois titres. Elle a été adoptée dans le respect des règles de procédure prévues par les trois premiers alinéas de l'article 46 de la Constitution. - Sur la portée de l'habilitation constitutionnelle : 2. Aux termes de l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ». L'examen des lois de finances constitue un cadre privilégié pour la mise en œuvre du droit garanti par cet article de la Déclaration. 3. Aux termes du dix-huitième alinéa de l'article 34 de la Constitution : « Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ». Le premier alinéa de son article 47 dispose : « Le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique ». 4. Aux termes du dix-neuvième alinéa de l'article 34 de la Constitution : « Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ». Le premier alinéa de son article 47-1 dispose : « Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique ». 5. Aux termes du vingt-et-unième alinéa de l'article 34 de la Constitution : « Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ». 6. Aux termes du vingt-deuxième alinéa de l'article 34 de la Constitution : « Les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique ». Sur ce fondement, des dispositions de nature organique peuvent être prises pour fixer le cadre des lois de programmation relatives aux orientations pluriannuelles des finances publiques. 7. Dans l'exercice de la compétence qui lui est ainsi dévolue tant par les dix-huitième, dix-neuvième et vingt-deuxième alinéas de l'article 34 que par le premier alinéa de l'article 47 et par le premier alinéa de l'article 47-1 de la Constitution, le législateur organique doit respecter les principes et les règles de valeur constitutionnelle. - Sur les dispositions relatives à la programmation des finances publiques : 8. L'article 1er de la loi déférée insère, au sein de la loi organique du 1er août 2001 mentionnée ci-dessus, un titre préliminaire relatif à la programmation des finances publiques comportant les articles 1er A à 1er K. Il abroge également les chapitres Ier et II de la loi organique du 17 décembre 2012 mentionnée ci-dessus. . En ce qui concerne les articles 1er A et 1er B : 9. L'article 1er A reprend les dispositions de l'article 1er de la loi organique du 17 décembre 2012 relatives à l'objectif à moyen terme des administrations publiques fixé par la loi de programmation des finances publiques. Il complète ces dispositions en prévoyant que cette loi détermine, au titre de chacun des exercices de la période de programmation, un objectif, exprimé en volume, d'évolution des dépenses des administrations publiques et une prévision, exprimée en milliards d'euros courants, de ces dépenses en valeur. Il prévoit également que cette loi établit, pour l'ensemble de la période de programmation, une prévision d'évolution exprimée en volume ainsi qu'une prévision exprimée en milliards d'euros courants du montant de celles de ces dépenses considérées comme des dépenses d'investissement. 10. L'article 1er B reprend les dispositions de l'article 2 de la même loi organique relatives au contenu des orientations pluriannuelles des finances publiques définies par la loi de programmation des finances publiques. Il complète ces dispositions en prévoyant notamment que ces orientations comprennent une déclinaison, par sous-secteur d'administration publique, de l'objectif d'évolution en volume et de la prévision en milliards d'euros des dépenses. 11. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au considérant 12 de la décision du 13 décembre 2012 mentionnée-ci-dessus, les articles 1er A et 1er B ne sont pas contraires à la Constitution. . En ce qui concerne les articles 1er C à 1er G : 12. L'article 1er C reprend les dispositions de l'article 3 de la loi organique du 17 décembre 2012 relatives à la durée minimale de la période couverte par la loi de programmation. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au considérant 14 de la décision du 13 décembre 2012, l'article 1er C n'est pas contraire à la Constitution. 13. L'article 1er D reprend les dispositions de l'article 4 de la même loi organique qui déterminent le domaine facultatif partagé des lois de programmation des finances publiques. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux considérants 16 et 17 de la décision du 13 décembre 2012, cet article n'est pas contraire à la Constitution. 14. L'article 1er E reprend les dispositions de l'article 5 de la même loi organique relatives au contenu du rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques. Il complète ces dispositions en prévoyant que ce rapport comporte, pour l'ensemble de la période de programmation, une présentation des principales dépenses des administrations publiques considérées comme des dépenses d'investissement et, pour chacun des exercices de la période de programmation, les perspectives de recettes, de dépenses, de solde et d'endettement des administrations publiques et de chacun de leurs sous-secteurs. Cet article n'est pas contraire à la Constitution. 15. L'article 1er F prévoit que la loi de programmation des finances publiques comporte quatre parties distinctes relatives au cadre financier pluriannuel de l'ensemble des administrations publiques, des administrations publiques centrales, des administrations publiques locales et des administrations de sécurité sociale. Cet article n'est pas contraire à la Constitution. 16. L'article 1er G reprend les dispositions de l'article 6 de la loi organique du 17 décembre 2012 qui énonce le principe de sincérité des lois de programmation des finances publiques et précise que sa sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler. La sincérité de la loi de programmation devra être appréciée notamment en prenant en compte l'avis du Haut conseil des finances publiques rendu, en application du paragraphe III de l'article 61 de la loi organique du 1er août 2001, sur les prévisions macroéconomiques sur lesquelles repose le projet de loi de programmation des finances publiques. L'article 1er G n'est pas contraire à la Constitution. . En ce qui concerne les articles 1er H et 1er I : 17. En premier lieu, l'article 1er H reprend les dispositions de l'article 7 de la loi organique du 17 décembre 2012 relatives à l'article liminaire des lois de finances, des lois de finances rectificatives et des lois de financement rectificatives de la sécurité sociale. Il précise le contenu du tableau de synthèse présenté par cet article liminaire et prévoit que les lois de finances de fin de gestion comprennent également un tel article. 18. L'article 1er I reprend certaines dispositions de l'article 8 de la loi organique du 17 décembre 2012 afin de prévoir que la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année comprend un article liminaire présentant un tableau de synthèse. Il précise également le contenu de ce tableau. 19. En second lieu, les derniers alinéas des articles 1er H et 1er I prévoient que, dans l'exposé des motifs des projets de loi de finances, de finances rectificative, de financement rectificative de la sécurité sociale et relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année, il est indiqué si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer, pour cette même année, dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques. 20. Ces dispositions, qui ont pour objet d'améliorer l'information du Parlement, ne peuvent faire obstacle à l'examen des projets de loi de finances de l'année, des projets de loi de finances rectificatives et des projets de loi de financement rectificatives de la sécurité sociale dans les conditions fixées par les articles 47 et 47-1 de la Constitution. 21. Les articles 1er H et 1er I ne sont pas contraires à la Constitution. . En ce qui concerne les articles 1er J et 1er K : 22. L'article 1er J reprend les dispositions de l'article 9 de la loi organique du 17 décembre 2012 relatives au contenu du rapport, annexé au projet de loi de finances de l'année, qui présente l'évaluation prévisionnelle de l'effort structurel et du solde effectif détaillée par sous-secteur des administrations publiques. Cet article n'est pas contraire à la Constitution. 23. L'article 1er K prévoit que, au plus tard quinze jours avant la présentation par le Gouvernement aux institutions européennes des documents prévus par le droit de l'Union européenne dans le cadre des procédures de coordination des politiques économiques et budgétaires, le Gouvernement transmet l'ensemble de ces documents au Parlement et y joint, dans la perspective de l'examen et du vote du projet de loi de finances de l'année suivante, un rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques. 24. Une éventuelle méconnaissance de cette procédure ne saurait faire obstacle à la mise en discussion d'un projet de loi de finances. La conformité de la loi de finances à la Constitution serait alors appréciée au regard tant des exigences de la continuité de la vie nationale que de l'impératif de sincérité qui s'attache à l'examen des lois de finances pendant toute la durée de celui-ci. Sous cette réserve, l'article 1er K n'est pas contraire à la Constitution. - Sur les dispositions relatives aux lois de finances : . En ce qui concerne l'article 2 : 25. L'article 2 de la loi déférée modifie l'article 1er de la loi organique du 1er août 2001 afin de donner le caractère de loi de finances à la « loi de finances de fin de gestion ». Il modifie également ce même article 1er et l'article 41 de cette même loi afin de substituer l'appellation « loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année » à celle de « loi de règlement ». Ces dispositions n'appellent aucune remarque de constitutionnalité. . En ce qui concerne l'article 3 : 26. L'article 3 de la loi déférée modifie l'article 2 de la loi organique du 1er août 2001 afin de préciser les conditions dans lesquelles des impositions de toutes natures peuvent être directement affectées à certaines personnes morales autres que l'État. 27. Il prévoit qu'une imposition de toutes natures peut être directement affectée, d'une part, aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics et aux organismes de sécurité sociale et, d'autre part, à d'autres personnes morales si cette imposition est en lien avec les missions de service public qui leur sont confiées. Il prévoit également que l'affectation totale ou partielle à un tiers d'une ressource établie au profit de l'État ne peut résulter que d'une disposition d'une loi de finances. Par ailleurs, il ressort des dispositions des articles 34 et 51 de la loi organique du 1er août 2001 que la perception des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l'État est autorisée par la loi de finances et que le projet de loi de finances de l'année est accompagné d'une annexe explicative comportant la liste et l'évaluation, par bénéficiaire ou catégorie de bénéficiaires, des ressources affectées à des personnes morales autres que l'État. 28. Ces dispositions, qu'il était loisible au législateur d'adopter en application du premier alinéa de l'article 47 de la Constitution, ne sont contraires ni aux articles 13 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 ni à aucune autre exigence constitutionnelle. . En ce qui concerne l'article 4 : 29. L'article 4 de la loi déférée modifie l'article 3 de la loi organique du 1er août 2001 qui énumère les catégories de ressources budgétaires de l'État afin de distinguer parmi les fonds de concours ceux qui financent des dépenses d'investissement de ceux qui financent d'autres dépenses. Ces dispositions n'appellent aucune remarque de constitutionnalité. . En ce qui concerne l'article 5 : 30. L'article 5 de la loi déférée modifie l'article 4 de la loi organique du 1er août 2001 relatif à la rémunération de services rendus par l'État. Il supprime l'obligation de ratification dans la plus prochaine loi de finances des décrets en Conseil d'État pris pour établir et percevoir ces rémunérations et prévoit que ces décrets seront désormais joints au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année, afférent à l'année concernée. Ces dispositions tendent à assurer l'information du Parlement sur les décrets pris au cours de l'année concernée en vue de permettre la perception de ces rémunérations. L'article 5 n'est pas contraire à la Constitution. . En ce qui concerne l'article 6 : 31. L'article 6 de la loi déférée ajoute aux dépenses d'investissement de l'État énumérées à l'article 5 de la loi organique du 1er août 2001, les subventions pour charges d'investissement. Ces dispositions n'appellent pas de remarque de constitutionnalité. . En ce qui concerne l'article 7 : 32. L'article 7 de la loi déférée modifie les dispositions de l'article 6 de la loi organique du 1er août 2001 relatives aux recettes de l'État qui sont rétrocédées directement au profit des collectivités territoriales ou de l'Union européenne. 33. Il prévoit, à son paragraphe I, que ces prélèvements sur les recettes de l'État doivent désormais être institués par une loi de finances qui précise leur objet ainsi que les catégories de collectivités territoriales qui en sont bénéficiaires. Par ailleurs, le montant de ces prélèvements est évalué de façon précise et distincte dans la loi de finances. 34. Si ces dispositions dérogent à la règle générale rappelée au premier alinéa de l'article 6 de la loi organique selon lequel « Les ressources … de l'État sont retracées dans le budget sous forme de recettes… », le législateur organique, dans l'exercice des compétences qu'il tient de l'article 34 de la Constitution, a pu prévoir une telle dérogation, dès lors que sont précisément et limitativement définis les bénéficiaires et l'objet des prélèvements sur les recettes de l'État, et que sont satisfaits les objectifs de clarté et d'efficacité du contrôle parlementaire. 35. À cet effet, d'une part, le 4° du paragraphe I de l'article 34 de la loi organique prévoit que chacun de ces prélèvements fait l'objet d'une évaluation dans la première partie de la loi de finances. D'autre part, le paragraphe III de l'article 7 de la loi déférée rétablit dans la même loi organique un article 52 selon lequel est joint au projet de loi de finances de l'année un rapport portant notamment sur l'évolution et l'efficacité des transferts financiers entre l'État et les collectivités territoriales. 36. Toutefois, aux mêmes fins, les documents joints au projet de loi de finances de l'année en application de l'article 51 de cette même loi organique devront comporter des justifications aussi précises sur ces prélèvements qu'en matière de recettes et de dépenses. En outre, l'analyse des prévisions de chaque prélèvement sur les recettes de l'État devra figurer dans une annexe explicative. 37. Sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, l'article 7 n'est pas contraire à la Constitution. . En ce qui concerne l'article 8 : 38. L'article 8 de la loi déférée complète l'article 10 de la loi organique du 1er août 2001 afin de prévoir que les crédits relatifs aux remboursements, restitutions et dégrèvements des impositions de toutes natures revenant à l'État ne sont pas pris en compte pour l'évaluation des recettes et la présentation du tableau d'équilibre prévues à l'article 34 de la même loi organique. Il n'appelle aucune remarque de constitutionnalité. . En ce qui concerne l'article 9 : 39. L'article 9 de la loi déférée complète le premier alinéa de l'article 11 de la loi organique du 1er août 2001 selon lequel « En tant que de besoin, les crédits ouverts sur la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles sont répartis par programme, par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances ». Il prévoit que, lorsque ce décret occasionne une répartition de crédits excédant 100 millions d'euros, le ministre chargé des finances informe, trois jours au moins avant sa publication, les présidents et rapporteurs généraux des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances du montant et du motif de cette répartition ainsi que des programmes concernés. 40. Ces dispositions ont pour objet d'améliorer l'information du Parlement en cas d'utilisation de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles au-delà d'un certain montant. Elles trouvent leur fondement dans l'habilitation conférée à la loi organique par le premier alinéa de l'article 47 de la Constitution et sont de nature à assurer le respect de l'exigence de suivi de l'emploi des fonds publics inscrite à l'article 14 de la Déclaration de 1789. 41. L'article 9, qui n'a pas pour objet de porter atteinte à la liberté d'appréciation et d'adaptation que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution dans la détermination et la conduite de la politique de la Nation ni, en cas d'urgence et de nécessité impérieuse d'intérêt national, de subordonner au respect de l'obligation d'information préalable du Parlement la publication du décret de répartition, n'est pas contraire à la Constitution. . En ce qui concerne l'article 10 : 42. L'article 10 de la loi déférée modifie le paragraphe II de l'article 15 de la loi organique du 1er août 2001 relatif notamment aux reports de crédits de paiement. D'une part, il interdit le report sur l'année suivante des crédits inscrits sur le titre des dépenses de personnel, sauf dans le cas où ces crédits proviendraient d'un fonds de concours. D'autre part, il prévoit que le plafond de 3 % du montant de l'ensemble des crédits initiaux applicable aux reports de crédits inscrits sur les autres titres du programme peut être majoré par une disposition dûment motivée de la loi de finances, sans pouvoir excéder 5 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année, sauf dérogation autorisée par la loi de finances en cas de nécessité impérieuse d'intérêt national. 43. Ces dispositions, dont l'objet est d'assurer une exécution budgétaire conforme aux autorisations votées en loi de finances, sont au nombre des conditions et réserves que peut prévoir la loi organique en vertu de l'article 34 de la Constitution. L'article 10 n'est donc pas contraire à la Constitution. . En ce qui concerne l'article 11 : 44. L'article 11 de la loi déférée se borne à avancer au 15 mars la date limite de publication des arrêtés de report prévue au paragraphe IV de l'article 15 de la loi organique du 1er août 2001. Il n'appelle aucune remarque de constitutionnalité. . En ce qui concerne l'article 12 : 45. L'article 12 de la loi déférée modifie l'article 18 de la loi organique du 1er août 2001 afin notamment de permettre l'inscription, sur des budgets annexes, des opérations associées aux opérations donnant lieu au paiement de redevances. Le législateur organique a ainsi entendu étendre le périmètre des opérations susceptibles d'être retracées dans un budget annexe. Ce faisant, il a prévu des conditions conformes à l'habilitation qu'il tient de l'article 34 de la Constitution. L'article 12, dont les autres dispositions n'appellent pas de remarque de constitutionnalité, n'est donc pas contraire à la Constitution. . En ce qui concerne l'article 13 : 46. L'article 13 de la loi déférée complète l'article 21 de la loi organique du 1er août 2001 pour prévoir que les versements du budget général au profit du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » qui excèdent 10 % des crédits initiaux de ce compte donnent lieu à une information préalable des présidents et des rapporteurs généraux des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances, portant sur le montant et le motif de ces versements. 47. Ces dispositions, dont l'objet est de renforcer l'information du Parlement en cas de mobilisation de crédits exceptionnels au titre des participations financières de l'État, trouvent leur fondement dans l'habilitation conférée à la loi organique par le premier alinéa de l'article 47 de la Constitution. 48. L'article 13, qui n'a pas pour objet de porter atteinte à la liberté d'appréciation et d'adaptation que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution dans la détermination et la conduite de la politique de la Nation, est conforme à la Constitution. . En ce qui concerne l'article 14 : 49. L'article 14 de la loi déférée modifie l'article 27 de la loi organique du 1er août 2001 afin de prévoir la mise en œuvre par l'État d'une comptabilité analytique des différentes actions engagées dans le cadre des programmes. Il n'appelle pas de remarque de constitutionnalité. . En ce qui concerne l'article 15 : 50. L'article 15 de la loi déférée modifie l'article 34 de la loi organique du 1er août 2001 qui énumère, dans l'ordre des articles de la loi de finances de l'année, le contenu de sa première et de sa seconde parties, respectivement traitées par ses paragraphes I et II. S'agissant des dispositions relatives à la première partie de la loi de finances de l'année : 51. Le 2° du paragraphe I de l'article 34 de la même loi organique est modifié afin de prévoir que la première partie de la loi de finances peut comporter des dispositions relatives aux ressources de l'État, y compris lorsqu'elles n'affectent pas l'équilibre budgétaire. Ces dispositions, qui sont sans incidence sur le fait que toutes les dispositions affectant l'équilibre budgétaire figurent en première partie de la loi de finances de l'année concernée, ne sont pas contraires au principe de l'annualité de la loi de finances, qui découle de l'article 47 de la Constitution. 52. Le 3° bis inséré au paragraphe I de l'article 34 prévoit que la première partie de la loi de finances « peut comporter des dispositions relatives à l'assiette, au taux, à l'affectation et aux modalités de recouvrement des impositions de toutes natures affectées à une personne morale autre que l'État ». Par coordination, le a du 7° du paragraphe II du même article 34 qui permettait de faire figurer en seconde partie de loi de finances des dispositions portant sur des impositions de toutes natures qui n'affectent pas l'équilibre budgétaire, est supprimé. 53. Le 5° bis inséré au paragraphe I de l'article 34 prévoit que la première partie de la loi de finances présente la liste et le produit prévisionnel de l'ensemble des impositions de toutes natures dont le produit est affecté à une personne morale autre que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les organismes de sécurité sociale et décide, le cas échéant, d'attribuer totalement ou partiellement ce produit à l'État. 54. En adoptant les dispositions prévues aux 3° bis et 5° bis, le législateur organique a entendu réserver l'examen des impositions affectées à des tiers à la première partie de la loi de finances, qu'elles aient ou non un effet sur l'équilibre budgétaire. 55. Le 7° du paragraphe I de l'article 34 relatif aux données générales de l'équilibre budgétaire est modifié afin de prévoir que le tableau d'équilibre dans lequel ces données sont présentées distingue les ressources de fonctionnement et d'investissement et les charges de fonctionnement et d'investissement prévues par le projet de loi de finances. Il décrit, en outre, le contenu de chacune de ces catégories. S'agissant des dispositions relatives à la seconde partie de la loi de finances de l'année : 56. Le 2° bis inséré au paragraphe II de l'article 34 prévoit que la seconde partie de la loi de finances de l'année fixe le plafond d'autorisation des emplois des opérateurs de l'État par mission, le plafond d'autorisation des emplois des établissements à autonomie financière ainsi que le plafond d'autorisation des emplois des autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale. 57. Le 4° bis inséré au même paragraphe II prévoit que la seconde partie de la loi de finances définit des objectifs de performance et des indicateurs associés à ces objectifs pour chaque mission du budget général, chaque budget annexe et chaque compte spécial. 58. En adoptant ces dispositions, le législateur organique a entendu permettre par voie d'amendement tant l'introduction de nouveaux objectifs et indicateurs au cours de l'examen de la loi de finances que la modification de ceux déjà prévus pour chaque mission par le projet de loi de finances. 59. Ces dispositions n'ont pas pour objet de permettre la modification des cibles fixées par le Gouvernement pour chaque objectif et indicateur dans les projets annuels de performance annexés au projet de loi de finances. 60. Le 4° ter inséré au même paragraphe II prévoit que la seconde partie de la loi de finances récapitule, pour chaque mission du budget général, d'une part, le montant des crédits de paiement, en distinguant les crédits de subventions aux opérateurs et ceux finançant des dépenses d'investissement et, d'autre part, les montants respectifs des dépenses fiscales, des ressources affectées, des prélèvements sur recettes et des crédits des comptes spéciaux qui concourent à la mise en œuvre des politiques publiques financées par cette mission. 61. Le b du 7° du même paragraphe II est modifié afin de prévoir que les dispositions affectant directement les dépenses budgétaires peuvent porter soit sur la seule année concernée par la loi de finances, soit sur cette année et sur une ou plusieurs années ultérieures. Ces dispositions peuvent donc, sous réserve d'avoir un effet sur les crédits ouverts au titre de l'année concernée, être temporaires ou permanentes. 62. Le c du 7° du même paragraphe II est complété de manière à prévoir que peuvent figurer au sein de la seconde partie de la loi de finances non seulement les modalités de répartition des concours de l'État aux collectivités territoriales mais également des recettes fiscales affectées à ces dernières et à leurs établissements publics. 63. Ces dispositions n'ont pas pour objet de permettre l'adoption en loi de finances de modalités de répartition de recettes fiscales affectées entre des collectivités territoriales ou leurs établissements publics. 64. Le f du 7° du même paragraphe II est modifié pour prévoir que la seconde partie de la loi de finances peut comporter toute disposition relative à la comptabilité publique et non plus seulement à la comptabilité de l'État. En outre, le g inséré au même 7° prévoit que cette partie peut également comporter des dispositions autorisant le transfert de données fiscales, lorsque celui-ci permet de limiter les charges ou d'accroître les ressources de l'État. 65. L'article 15, dont les autres dispositions n'appellent pas de remarque de constitutionnalité, n'est pas contraire à la Constitution. . En ce qui concerne l'article 16 : 66. L'article 16 de la loi déférée modifie l'article 35 de la loi organique du 1er août 2001 afin de définir le domaine des lois de finances de fin de gestion. 67. Il prévoit que, comme les lois de finances rectificatives, les lois de finances de fin de gestion doivent fixer les plafonds des dépenses du budget général et de chaque budget annexe, les plafonds des charges de chaque catégorie de comptes spéciaux ainsi que le plafond d'autorisation des emplois rémunérés par l'État et arrêter les données générales de l'équilibre budgétaire, présentées dans un tableau d'équilibre. 68. En revanche, les lois de finances de fin de gestion ne peuvent comporter aucune des dispositions relatives aux ressources de l'État ou à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toutes natures affectées à une personne morale autre que l'État. Elles ne peuvent pas non plus comporter de dispositions relevant du domaine facultatif de la seconde partie de la loi de finances, à l'exception de celles affectant directement les dépenses budgétaires de l'année. Elles peuvent toutefois comporter des dispositions tendant à modifier, pour l'année en cours, l'affectation d'impositions de toutes natures. 69. Ces dispositions sont sans incidence sur les prérogatives que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution, dès lors qu'il lui est toujours loisible de déposer un projet de loi de finances rectificative ou un projet de loi ordinaire en vue de l'adoption de dispositions exclues du domaine ainsi assigné aux lois de finances de fin de gestion. L'article 16 n'est pas contraire à la Constitution. . En ce qui concerne l'article 17 : 70. L'article 17 de la loi déférée modifie notamment l'article 39 de la loi organique du 1er août 2001 relatif à la date et aux modalités de dépôt du projet de loi de finances de l'année et de ses annexes afin de prévoir que chaque annexe générale destinée à l'information et au contrôle du Parlement est déposée sur le bureau des assemblées avant le début de l'examen du projet de loi en séance publique par l'Assemblée nationale. 71. Ce délai a pour objet d'assurer l'information du Parlement en temps utile pour se prononcer en connaissance de cause sur les projets de lois de finances soumis à son approbation. Un éventuel retard dans le dépôt de tout ou partie de ces annexes ne saurait faire obstacle à l'examen du projet de loi de finances de l'année. La conformité de la loi de finances à la Constitution serait alors appréciée au regard tant des exigences de continuité de la vie nationale que de l'impératif de sincérité qui s'attache à l'examen des lois de finances pendant toute la durée de celui-ci. 72. Sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, l'article 17 n'est pas contraire à la Constitution. . En ce qui concerne l'article 18 : 73. L'article 18, qui remplace, au sein de la loi organique du 1er août 2001, la mention de la « procédure d'urgence » par celle de la « procédure accélérée », n'appelle pas de remarque de constitutionnalité. . En ce qui concerne l'article 19 : 74. L'article 19 modifie l'article 44 de la loi organique du 1er août 2001 afin de remplacer le décret répartissant, notamment, par programme ou par dotation les crédits ouverts en loi de finances par un décret portant désignation des ministres bénéficiaires des crédits ouverts sur chaque programme, dotation ou compte spécial. Ces dispositions n'appellent pas de remarque de constitutionnalité. . En ce qui concerne l'article 20 : 75. L'article 20 de la loi déférée modifie l'article 46 de la loi organique du 1er août 2001 afin d'avancer la date de dépôt du projet de loi de règlement, désormais dénommé « projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année », et de ses annexes au 1er mai de l'année suivant celle de l'exécution du budget auquel le texte se rapporte. 76. Sous la même réserve que celle énoncée au paragraphe 71, l'article 20 est conforme à la Constitution. . En ce qui concerne l'article 21 : 77. L'article 21 complète l'article 6 de la loi organique du 1er août 2001 afin de prévoir que, par dérogation au principe d'universalité budgétaire, les recettes de certains établissements à autonomie financière sont affectées directement à leurs dépenses. 78. D'une part, la dérogation que le législateur organique a instituée est circonscrite aux établissements et organismes de diffusion culturelle ou d'enseignement situés à l'étranger et dépendant du ministère des affaires étrangères, visés à l'article 66 de la loi de finances pour 1974 mentionnée ci-dessus, qui répondent aux conditions définies par le décret du 24 août 1976 mentionné ci-dessus et figurent sur la liste fixée par arrêté conjoint du ministre de l'économie et des finances et du ministre des affaires étrangères. 79. D'autre part, le législateur organique a prévu, pour permettre le contrôle du Parlement, que les recettes et les dépenses consolidées de ces établissements, à l'exception des dotations de l'État, soient retracées au sein d'états financiers joints au projet de loi de finances de l'année. 80. L'article 21 n'est pas contraire à la Constitution. - Sur les dispositions relatives à l'information et au contrôle sur les finances publiques : . En ce qui concerne l'article 22 : 81. L'article 22, qui modifie les intitulés du titre V de la loi organique du 1er août 2001 et de son chapitre II, n'appelle pas de remarque de constitutionnalité. . En ce qui concerne l'article 23 : 82. L'article 23 de la loi déférée réécrit l'article 48 de la loi organique du 1er août 2001 relatif au rapport sur l'économie nationale et l'orientation des finances publiques. Son paragraphe I prévoit, en vue de l'examen et du vote du projet de loi de finances de l'année suivante par le Parlement, la remise chaque année par le Gouvernement, avant le 15 juillet, d'un rapport comprenant, notamment, les plafonds de crédits envisagés pour l'année à venir pour chaque mission du budget général. Ce rapport indique également la liste des missions, des programmes et des indicateurs de performance envisagés. Son paragraphe II prévoit que le Gouvernement présente, avant le début de la session ordinaire, un rapport analysant la trajectoire, les conditions de financement et la soutenabilité de la dette de l'ensemble des administrations publiques et de leurs sous-secteurs. 83. L'objet de ces dispositions est de prévoir les conditions dans lesquelles les membres du Parlement sont informés de l'exécution des lois de finances, de la gestion des finances publiques et des prévisions de ressources et de charges de l'État avant d'examiner les projets de loi de finances. Elles trouvent leur fondement dans l'habilitation conférée à la loi organique par le premier alinéa de l'article 47 de la Constitution. Toutefois, une éventuelle méconnaissance de ces procédures ne saurait faire obstacle à la mise en discussion d'un projet de loi de finances. La conformité de la loi de finances à la Constitution serait alors appréciée au regard tant des exigences de la continuité de la vie nationale que de l'impératif de sincérité qui s'attache à l'examen des lois de finances pendant toute la durée de celui-ci. 84. Sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, l'article 23 n'est pas contraire à la Constitution. . En ce qui concerne l'article 24 : 85. L'article 24 de la loi déférée modifie l'article 50 de la loi organique du 1er août 2001 relatif au rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la Nation qui est joint au projet de loi de finances de l'année. Il prévoit notamment que ce rapport présente, pour chacun des exercices de la loi de programmation des finances publiques en vigueur, les écarts cumulés entre les prévisions des dépenses des administrations publiques et les dépenses réalisées ou prévues, ainsi que, le cas échéant, les mesures prévues par le Gouvernement pour les réduire. 86. Ces dispositions, qui visent à améliorer l'information du Parlement, ne portent pas atteinte aux prérogatives que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution. L'article 24 n'est pas contraire à la Constitution. . En ce qui concerne l'article 25 : 87. L'article 25 modifie l'article 51 de la loi organique du 1er août 2001 afin de compléter ou préciser la liste des documents qui doivent être joints au projet de loi de finances de l'année. Ces dispositions sont destinées à renforcer l'information du Parlement en temps utile afin que celui-ci se prononce en connaissance de cause sur les projets de lois de finances soumis à son approbation. 88. Sous la même réserve que celle énoncée au paragraphe 71, l'article 25 n'est pas contraire à la Constitution. . En ce qui concerne l'article 26 : 89. L'article 26 de la loi déférée modifie l'article 57 de la loi organique du 1er août 2001 relatif aux missions et prérogatives de contrôle des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances afin, notamment, de permettre au président et au rapporteur des commissions des finances de chaque assemblée, ainsi qu'aux agents publics désignés par eux, d'accéder à des informations relevant de la statistique publique ou recueillies par l'administration fiscale. 90. Aux termes de l'article 2 de la Déclaration de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression ». La liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de la vie privée. Pour être conformes à la Constitution, les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et mises en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif. 91. Le troisième alinéa nouveau de l'article 57 de la même loi organique autorise le président et le rapporteur des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances « ainsi que les agents publics qu'ils désignent conjointement » à accéder à l'ensemble des informations qui relèvent de la statistique publique ainsi qu'à celles recueillies à l'occasion des opérations de détermination de l'assiette, de contrôle, de recouvrement ou de contentieux des impôts, droits, taxes et redevances et qui sont, le cas échéant, couvertes par le secret statistique ou fiscal. Les données susceptibles d'être communiquées dans ce cadre peuvent comporter des informations de nature à porter atteinte au droit au respect de la vie privée des personnes intéressées. 92. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu renforcer les pouvoirs conférés aux commissions des finances de chaque assemblée pour le contrôle de l'exécution des lois de finances et l'évaluation de toute question relative aux finances publiques. Ces dispositions visent ainsi à mettre en œuvre, conformément au premier alinéa de l'article 47 de la Constitution, les procédures d'information et de contrôle sur la gestion des finances publiques nécessaires à un vote éclairé du Parlement sur les projets de lois de finances. 93. En deuxième lieu, d'une part, les informations communiquées ne peuvent porter atteinte au respect du secret de l'instruction et du secret médical. D'autre part, l'accès à ces informations s'effectue dans des conditions préservant leur confidentialité et les travaux issus de leur exploitation ne peuvent en aucun cas faire état des personnes auxquelles elles se rapportent ni permettre leur identification. 94. En dernier lieu, si le législateur organique pouvait ouvrir ce droit d'accès au président et au rapporteur des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances, eu égard à leurs fonctions, il ne pouvait en revanche, sans porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée, prévoir que ce droit puisse être ouvert dans les mêmes conditions à « tous les agents publics qu'ils désignent conjointement à cet effet ». 95. Par conséquent, les mots « ainsi que les agents publics qu'ils désignent conjointement à cet effet » figurant à la première phrase du second alinéa du 2° de l'article 26 de la loi déférée sont contraires à la Constitution. 96. Le reste de l'article 26 est conforme à la Constitution. . En ce qui concerne l'article 27 : 97. L'article 27 de la loi déférée insère un alinéa 3° bis au sein de l'article 53 de la loi organique du 1er août 2001 fixant la liste des documents qui doivent accompagner le dépôt du projet de loi de finances rectificative ou de fin de gestion. Il prévoit que sont joints des tableaux récapitulant, pour chaque mission du budget général, chaque budget annexe et chaque compte spécial le montant des autorisations d'engagement et des crédits de paiement consommés et disponibles au jour de la transmission du projet de loi au Conseil d'État. 98. Sous la même réserve que celle énoncée au paragraphe 71, l'article 27 n'est pas contraire à la Constitution. . En ce qui concerne les articles 28 et 29 : 99. L'article 28 de la loi déférée complète l'article 54 de la loi organique du 1er août 2001 fixant la liste des documents qui doivent accompagner le dépôt du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année afin de prévoir que les données chiffrées mentionnées dans plusieurs de ces documents sont publiées sous forme électronique. 100. L'article 29 modifie l'article 58 de la même loi organique qui définit la mission d'assistance du Parlement confiée à la Cour des comptes. Il actualise la référence au fondement constitutionnel de cette mission et précise que la Cour des comptes réalise la certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l'État au regard des règles applicables à la comptabilité générale de l'État. 101. Ces dispositions n'appellent pas de remarque de constitutionnalité. . En ce qui concerne l'article 30 : 102. L'article 30 remplace le titre VI de la loi organique du 1er août 2001 par un nouveau titre intitulé « Dispositions relatives au Haut conseil des finances publiques et au mécanisme de correction », comportant les articles 61 et 62. S'agissant de l'article 61 de la loi organique du 1er août 2001 : 103. L'article 61 de la loi organique du 1er août 2001, tel que réécrit par le paragraphe I de l'article 30, reprend certaines des dispositions relatives au Haut conseil des finances publiques auparavant prévues au chapitre III de la loi organique du 17 décembre 2012, dont les dispositions sont abrogées par le paragraphe III de ce même article. 104. L'article 61 prévoit désormais, en ses paragraphes IV et V, que l'avis du Haut conseil des finances publiques sur les prévisions macroéconomiques et l'estimation du produit intérieur brut potentiel, sur lesquelles reposent les projets de loi de finances de l'année, de loi de financement de la sécurité sociale de l'année, de loi de finances rectificative, de loi de finances de fin de gestion et de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, porte également sur le « réalisme des prévisions de recettes et de dépenses » de ces projets de loi. Ces mêmes paragraphes ajoutent que, pour chacun de ces projets de loi, l'avis du Haut conseil est joint au projet de loi lors de la saisine du Conseil d'État, puis lors de son dépôt à l'Assemblée nationale. 105. L'article 61 prévoit en outre, en son paragraphe VII, que le Haut conseil des finances publiques est saisi par le Gouvernement des dispositions des projets de loi de programmation ayant une incidence sur les finances publiques. Il dispose que, au plus tard quinze jours avant que le Conseil d'État soit saisi d'un tel projet de loi, le Gouvernement transmet au Haut conseil les éléments de ce projet de loi lui permettant d'évaluer la compatibilité de ces dispositions avec les objectifs de dépenses prévus par la loi de programmation des finances publiques en vigueur ou, à défaut, par l'article liminaire de la dernière loi de finances. L'avis du Haut conseil est joint au projet de loi de programmation des finances publiques lors de sa transmission au Conseil d'État, puis lors de son dépôt à l'Assemblée nationale. 106. Aux termes de la première phrase du deuxième alinéa de l'article 39 de la Constitution : « Les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres après avis du Conseil d'État et déposés sur le bureau de l'une des deux assemblées ». Si le conseil des ministres délibère sur les projets de loi et s'il lui est possible d'en modifier le contenu, c'est, comme l'a voulu le constituant, après avoir reçu l'avis du Conseil d'État. Par suite, l'ensemble des questions posées par le texte adopté par le conseil des ministres doivent avoir été soumises au Conseil d'État lors de sa consultation. 107. Si, par suite des circonstances, l'avis du Haut Conseil des finances publiques venait à être rendu postérieurement à l'avis du Conseil d'État, le Conseil constitutionnel apprécierait, le cas échéant, le respect des dispositions des paragraphes IV, V et VII de l'article 61 au regard des exigences de la continuité de la vie de la Nation. 108. Sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, les dispositions de cet article ne sont pas contraires à la Constitution. S'agissant de l'article 62 de la loi organique du 1er août 2001 : 109. L'article 62 de la loi organique du 1er août 2001, tel que réécrit par le paragraphe I de l'article 30, reprend les dispositions relatives au mécanisme de correction auparavant prévues au chapitre IV de la loi organique du 17 décembre 2012, dont les dispositions sont abrogées par le paragraphe III de ce même article. 110. Il prévoit désormais que l'avis rendu public par le Haut conseil des finances publiques sur le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année porte également sur le respect des objectifs de dépenses des administrations publiques au regard des résultats de l'exécution de l'année écoulée et, au moins une fois tous les quatre ans, sur les écarts entre les prévisions macroéconomiques de recettes et de dépenses des lois de finances et de financement de la sécurité sociale et leur réalisation. 111. Cet article n'est pas contraire à la Constitution. 112. Les autres dispositions de la loi organique déférée n'appellent pas de remarque de constitutionnalité. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « ainsi que les agents publics qu'ils désignent conjointement à cet effet » figurant à la première phrase du second alinéa du 2° de l'article 26 de la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, sont contraires à la Constitution. Article 2. - Sous les réserves énoncées ci-dessous, sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes : - sous la réserve énoncée au paragraphe 24, l'article 1er K de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, dans sa rédaction issue de la loi déférée ; - sous la réserve énoncée au paragraphe 36, l'article 7 de la loi déférée ; - sous la réserve énoncée au paragraphe 71, les articles 17, 20, 25 et 27 de la loi déférée ; - sous la réserve énoncée au paragraphe 83, l'article 23 de la loi déférée ; - sous la réserve énoncée au paragraphe 107, l'article 61 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, dans sa rédaction résultant de la loi déférée. Article 3. - Les autres dispositions de la loi organique déférée sont conformes à la Constitution. Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 décembre 2021, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 23 décembre 2021.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi, le 31 janvier 2012, par MM. Jacques MYARD, Michel DIEFENBACHER, Jean AUCLAIR, Jean-Paul BACQUET, Jean BARDET, Christian BATAILLE, Jean-Louis BERNARD, Marc BERNIER, Claude BIRRAUX, Jean-Michel BOUCHERON, Christophe BOUILLON, Bruno BOURG-BROC, Loïc BOUVARD, Pascal BRINDEAU, Yves BUR, Christophe CARESCHE, Gilles CARREZ, Gérard CHARASSE, Jean-Louis CHRIST, Pascal CLÉMENT, François CORNUT-GENTILLE, René COUANAU, Olivier DASSAULT, Jean-Pierre DECOOL, Lucien DEGAUCHY, Mme Sophie DELONG, M. Jean-Louis DUMONT, Mmes Cécile DUMOULIN, Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Jean-Paul GARRAUD, Daniel GARRIGUE, Claude GATIGNOL, Hervé GAYMARD, Paul GIACOBBI, Franck GILARD, Jean-Pierre GORGES, François GOULARD, Mme Arlette GROSSKOST, MM. Michel HEINRICH, Antoine HERTH, Mme Françoise HOSTALIER, MM. Denis JACQUAT, Yves JÉGO, Jérôme LAMBERT, Jacques LAMBLIN, Mme Laure de LA RAUDIÈRE, MM. Jacques LE GUEN, Apeleto Albert LIKUVALU, Jean-François MANCEL, Alain MARTY, Didier MATHUS, Jean-Philippe MAURER, Jean-Claude MIGNON, Pierre MORANGE, Jean-Marc NESME, Michel PIRON, Didier QUENTIN, Michel RAISON, Jean-Luc REITZER, Jean-Marie ROLLAND, Daniel SPAGNOU, Eric STRAUMANN, Lionel TARDY, André WOJCIECHOWSKI, ainsi que par MM. Abdoulatifou ALY, Jean-Paul ANCIAUX, Paul DURIEU, Mmes Sylvia PINEL, Chantal ROBIN-RODRIGO, M. Philippe VIGIER et le 2 février 2012, par M. Gwendal ROUILLARD, Mme Laurence DUMONT, MM. Jean MICHEL, Jack LANG et Mme Dominique ORLIAC, députés ; Et le même jour par M. Jacques MÉZARD, Mme Leila AÏCHI, MM. Nicolas ALFONSI, Alain ANZIANI, Mme Aline ARCHIMBAUD, MM. Bertrand AUBAN, Gilbert BARBIER, Jean-Michel BAYLET, Mme Esther BENBASSA, M. Michel BILLOUT, Mmes Marie-Christine BLANDIN, Corinne BOUCHOUX, MM. Didier BOULAUD, Christian BOURQUIN, Alain CHATILLON, Jean-Pierre CHEVÈNEMENT, Christian COINTAT, Yvon COLLIN, Pierre-Yves COLLOMBAT, Mme Hélène CONWAY-MOURET, MM. Ronan DANTEC, Jean-Pierre DEMERLIAT, Marcel DENEUX, Yves DÉTRAIGNE, Claude DILAIN, Mme Muguette DINI, MM. André DULAIT, Jean-Léonce DUPONT, Mmes Josette DURRIEU, Anne-Marie ESCOFFIER, M. Alain FAUCONNIER, Mme Françoise FÉRAT, MM. François FORTASSIN, Alain FOUCHÉ, Christian-André FRASSA, René GARREC, Patrice GÉLARD, Gaëtan GORCE, Mmes Nathalie GOULET, Jacqueline GOURAULT, Sylvie GOY-CHAVENT, MM. François GROSDIDIER, Robert HUE, Jean-Jacques HYEST, Pierre JARLIER, Mmes Fabienne KELLER, Bariza KHIARI, Virginie KLÈS, M. Joël LABBÉ, Mme Françoise LABORDE, M. Jean-René LECERF, Mme Claudine LEPAGE, MM. Jeanny LORGEOUX, Jean-Louis LORRAIN, Roland du LUART, Philippe MADRELLE, Jean-Pierre MICHEL, Mme Catherine MORIN-DESAILLY, MM. Jean-Marc PASTOR, Jean-Claude PEYRONNET, Jean-Jacques PIGNARD, François PILLET, Jean-Vincent PLACÉ, Jean-Pierre PLANCADE, Christian PONCELET, Hugues PORTELLI, Mme Gisèle PRINTZ, MM. Roland RIES, Gilbert ROGER, Yves ROME, Robert TROPEANO, Raymond VALL, Jean-Marie VANLERENBERGHE, François VENDASI, Jean-Pierre VIAL, André VILLIERS, Richard YUNG, ainsi que par M. Michel BERSON, le 2 février 2012, par MM. Aymeri de MONTESQUIOU, Jean-Claude MERCERON, Jean-Jacques LASSERRE et le 3 février 2012, par M. Jean-Jacques LOZACH, sénateurs. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; Vu le code pénal ; Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 15 février 2012 ; Vu les observations en réplique présentées par les députés requérants, enregistrées le 21 février 2012 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que les députés et sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi ; 2. Considérant que l'article 1er de la loi déférée insère dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse un article 24 ter ; que cet article punit, à titre principal, d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ceux qui « ont contesté ou minimisé de façon outrancière », quels que soient les moyens d'expression ou de communication publiques employés, « l'existence d'un ou plusieurs crimes de génocide défini à l'article 211-1 du code pénal et reconnus comme tels par la loi française » ; que l'article 2 de la loi déférée modifie l'article 48-2 de la même loi du 29 juillet 1881 ; qu'il étend le droit reconnu à certaines associations de se porter partie civile, en particulier pour tirer les conséquences de la création de cette nouvelle incrimination ; 3. Considérant que, selon les auteurs des saisines, la loi déférée méconnaît la liberté d'expression et de communication proclamée par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que le principe de légalité des délits et des peines résultant de l'article 8 de cette Déclaration ; qu'en réprimant seulement, d'une part, les génocides reconnus par la loi française et, d'autre part, les génocides à l'exclusion des autres crimes contre l'humanité, ces dispositions méconnaîtraient également le principe d'égalité ; que les députés requérants font en outre valoir que le législateur a méconnu sa propre compétence et le principe de la séparation des pouvoirs proclamé par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; que seraient également méconnus le principe de nécessité des peines proclamé à l'article 8 de la Déclaration de 1789, la liberté de la recherche ainsi que le principe résultant de l'article 4 de la Constitution selon lequel les partis exercent leur activité librement ; 4. Considérant que, d'une part, aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi est l'expression de la volonté générale... » ; qu'il résulte de cet article comme de l'ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l'objet de la loi que, sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution, la loi a pour vocation d'énoncer des règles et doit par suite être revêtue d'une portée normative ; 5. Considérant que, d'autre part, aux termes de l'article 11 de la Déclaration de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » ; que l'article 34 de la Constitution dispose : « La loi fixe les règles concernant... les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques » ; que, sur ce fondement, il est loisible au législateur d'édicter des règles concernant l'exercice du droit de libre communication et de la liberté de parler, d'écrire et d'imprimer ; qu'il lui est également loisible, à ce titre, d'instituer des incriminations réprimant les abus de l'exercice de la liberté d'expression et de communication qui portent atteinte à l'ordre public et aux droits des tiers ; que, toutefois, la liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés ; que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi ; 6. Considérant qu'une disposition législative ayant pour objet de « reconnaître » un crime de génocide ne saurait, en elle-même, être revêtue de la portée normative qui s'attache à la loi ; que, toutefois, l'article 1er de la loi déférée réprime la contestation ou la minimisation de l'existence d'un ou plusieurs crimes de génocide « reconnus comme tels par la loi française » ; qu'en réprimant ainsi la contestation de l'existence et de la qualification juridique de crimes qu'il aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle à l'exercice de la liberté d'expression et de communication ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, l'article 1er de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution ; que son article 2, qui n'en est pas séparable, doit être également déclaré contraire à la Constitution, D É C I D E : Article 1er.- La loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi est contraire à la Constitution. Article 2.-La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 février 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING et Pierre STEINMETZ.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 22 février 2017 par Mmes Danielle AUROI, Laurence ABEILLE, Sylviane ALAUX, Brigitte ALLAIN, MM. Pouria AMIRSHAHI, François ASENSI, Christian ASSAF, Mme Isabelle ATTARD, MM. Bruno-Nestor AZEROT, Alexis BACHELAY, Frédéric BARBIER, Serge BARDY, Mme Delphine BATHO, MM. Laurent BAUMEL, Philippe BAUMEL, Mmes Huguette BELLO, Karine BERGER, MM. Jean-Pierre BLAZY, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Mmes Michèle BONNETON, Kheira BOUZIANE, Isabelle BRUNEAU, Marie-George BUFFET, Sabine BUIS, MM. Jean-Jacques CANDELIER, Jean-Noël CARPENTIER, Patrice CARVALHO, Christophe CAVARD, Mme Nathalie CHABANNE, MM. Jean-Paul CHANTEGUET, Gaby CHARROUX, André CHASSAIGNE, Pascal CHERKI, Jean-Michel CLÉMENT, Sergio CORONADO, Mme Valérie CORRE, MM. Jean-Jacques COTTEL, Marc DOLEZ, Mmes Jeanine DUBIÉ, Cécile DUFLOT, M. Jean-Louis DUMONT, Mme Laurence DUMONT, MM. Philippe DURON, Olivier FALORNI, Hervé FÉRON, Christian FRANQUEVILLE, Mmes Jacqueline FRAYSSE, Geneviève GAILLARD, MM. Yann GALUT, Jean-Marc GERMAIN, Jean-Patrick GILLE, Joël GIRAUD, Yves GOASDOUÉ, Mmes Linda GOURJADE, Édith GUEUGNEAU, MM. Benoît HAMON, Mathieu HANOTIN, Serge JANQUIN, Régis JUANICO, Laurent KALINOWSKI, Philippe KEMEL, Mme Chaynesse KHIROUNI, MM. Jacques KRABAL, Jean-Luc LAURENT, Mme Annie LE HOUEROU, M. Patrick LEMASLE, Mme Catherine LEMORTON, MM. Christophe LÉONARD, Michel LESAGE, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, MM. Jean-Pierre MAGGI, Noël MAMÈRE, Mme Marie-Lou MARCEL, M. Alfred MARIE-JEANNE, Mme Martine MARTINEL, M. Jean-René MARSAC, Mme Véronique MASSONNEAU, MM. Kléber MESQUIDA, Pierre-Alain MUET, Jean-Philippe NILOR, Philippe NOGUÈS, Christian PAUL, Rémi PAUVROS, Mme Christine PIRES-BEAUNE, MM. Dominique POTIER, Michel POUZOL, Joaquim PUEYO, Mmes Catherine QUÉRÉ, Valérie RABAULT, Monique RABIN, Marie-Line REYNAUD, MM. Denys ROBILIARD, Frédéric ROIG, Mme Barbara ROMAGNAN, MM. Jean-Louis ROUMÉGAS, Nicolas SANSU, Mme Éva SAS, M. Gérard SÉBAOUN, Mmes Julie SOMMARUGA, Suzanne TALLARD, M. Stéphane TRAVERT, Mmes Catherine TROALLIC, Cécile UNTERMAIER, MM. Michel VERGNIER, Jean-Michel VILLAUMÉ, Mme Paola ZANETTI, et le 20 mars 2017, par MM. Paul MOLAC, Philippe NAILLET et Mme Aurélie FILIPPETTI, députés, en application de l'article 54 de la Constitution, de la question de savoir si l'autorisation de ratifier l'accord économique et commercial global entre le Canada, d'une part, et l'Union européenne et ses États membres, d'autre part, signé le 30 octobre 2016 à Bruxelles et approuvé par le Parlement européen le 15 février 2017, doit être précédée d'une révision de la Constitution. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 88-1 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - le traité sur l'Union européenne ; - l'avis 2/15 de la Cour de justice de l'Union européenne du 16 mai 2017 ; - la décision (UE) 2017/38 du Conseil du 28 octobre 2016 relative à l'application provisoire de l'accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada, d'une part, et l'Union européenne et ses États membres, d'autre part ; Et après avoir entendu les rapporteurs ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'accord économique et commercial global entre le Canada, d'une part, et l'Union européenne et ses États membres, d'autre part, a été signé le 30 octobre 2016. Il a été approuvé par le Parlement européen le 15 février 2017. Le Conseil constitutionnel est saisi afin d'apprécier si cet accord comporte une clause contraire à la Constitution. 2. Les députés requérants soutiennent que l'accord introduit des règles contraignantes pour l'élaboration des normes de droit interne dans une mesure qui affecte les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. Ils contestent également la constitutionnalité des stipulations de la section F du chapitre 8 de l'accord relatif à l'investissement et font valoir que l'accord méconnaît le principe de précaution énoncé à l'article 5 de la Charte de l'environnement. Ils estiment enfin que les stipulations relatives à l'application provisoire de l'accord et à sa dénonciation sont contraires à la Constitution. 3. L'accord comporte trente chapitres. Le chapitre 1er énonce l'objet et les finalités de l'accord et comporte un ensemble de définitions générales. Le chapitre 2 concerne le traitement national et l'accès aux marchés pour les marchandises. Le chapitre 3 porte sur les recours commerciaux. Les chapitres 4 et 5 concernent les obstacles non tarifaires aux échanges de marchandises résultant de réglementations techniques et de mesures sanitaires et phytosanitaires. Le chapitre 6 contient des stipulations en matière de douanes. Le chapitre 7 est relatif aux subventions. Le chapitre 8 porte sur les investissements et institue, à sa section F, un mécanisme de règlement des différends relatifs aux investissements entre investisseurs et États. Le chapitre 9 concerne le commerce transfrontière des services. Le chapitre 10 comporte des stipulations relatives à l'admission et au séjour temporaires des personnes physiques à des fins professionnelles. Le chapitre 11 est relatif à la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles. Le chapitre 12, intitulé « Réglementation intérieure », s'applique aux octrois de licences. Les chapitres 13 à 16 concernent les services financiers, les services de transport maritime international, les télécommunications et le commerce électronique. Le chapitre 17 est relatif à la politique de la concurrence. Le chapitre 18 porte sur les entreprises d'État, monopoles et entreprises bénéficiant de droits ou de privilèges spéciaux. Les chapitres 19 et 20 sont relatifs aux marchés publics et à la propriété intellectuelle. Le chapitre 21 traite de la coopération en matière de réglementation. Les chapitres 22 à 24 comportent des stipulations transversales relatives au commerce et au développement durable, au commerce et au travail et au commerce et à l'environnement. Le chapitre 25 concerne la coopération et les dialogues bilatéraux. Le chapitre 26 est relatif aux dispositions administratives et institutionnelles. Le chapitre 27 est consacré à la transparence. Le chapitre 28 est relatif à certaines exceptions. Le chapitre 29 instaure des procédures de règlement des différends. Le chapitre 30 contient des stipulations générales et finales. 4. Ces chapitres sont complétés par un instrument interprétatif commun, par trente-huit déclarations et par des annexes. Ainsi que l'indique l'article 30.1 de l'accord, les « protocoles, annexes, déclarations, déclarations communes, mémorandums d'accord et notes de bas de page » de l'accord en font partie intégrante. - SUR LES NORMES DE RÉFÉRENCE ET LE CONTRÔLE EXERCÉ PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL : 5. Par le préambule de la Constitution de 1958, le peuple français a proclamé solennellement « son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 ». 6. Dans son article 3, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 énonce que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation ». L'article 3 de la Constitution de 1958 dispose, dans son premier alinéa, que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». 7. Le préambule de la Constitution de 1946 proclame, dans son quatorzième alinéa, que la République française se « conforme aux règles du droit public international » et, dans son quinzième alinéa, que « sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix ». 8. Dans son article 53, la Constitution de 1958 consacre l'existence de « traités ou accords relatifs à l'organisation internationale ». Ces traités ou accords ne peuvent être ratifiés ou approuvés par le Président de la République qu'en vertu d'une loi. 9. La République française participe à l'Union européenne dans les conditions prévues par le titre XV de la Constitution. Aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : « La République participe à l'Union européenne, constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 ». Le constituant a ainsi consacré l'existence d'un ordre juridique de l'Union européenne intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre juridique international. 10. Tout en confirmant la place de la Constitution au sommet de l'ordre juridique interne, ces dispositions constitutionnelles permettent à la France de participer à la création et au développement d'une organisation européenne permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l'effet de transferts de compétences consentis par les États membres. 11. Toutefois, lorsque des engagements souscrits à cette fin ou en étroite coordination avec celle-ci contiennent une clause contraire à la Constitution, remettent en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, l'autorisation de les ratifier appelle une révision constitutionnelle. 12. Dans le cas où le Conseil constitutionnel est saisi, sur le fondement de l'article 54 de la Constitution, d'un accord qui devait être signé et conclu tant par l'Union européenne que par chacun des États membres de celle-ci, il lui appartient de distinguer entre, d'une part, les stipulations de cet accord qui relèvent d'une compétence exclusive de l'Union européenne en application d'engagements antérieurement souscrits par la France ayant procédé à des transferts de compétences consentis par les États membres et, d'autre part, les stipulations de cet accord qui relèvent d'une compétence partagée entre l'Union européenne et les États membres ou d'une compétence appartenant aux seuls États membres. 13. S'agissant des stipulations de l'accord qui relèvent d'une compétence partagée entre l'Union européenne et les États membres ou d'une compétence appartenant aux seuls États membres, il revient au Conseil constitutionnel, comme il est rappelé au paragraphe 11, de déterminer si ces stipulations contiennent une clause contraire à la Constitution, remettent en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. 14. S'agissant, en revanche, des stipulations de l'accord qui relèvent d'une compétence exclusive de l'Union européenne, il revient seulement au Conseil constitutionnel, saisi afin de déterminer si l'autorisation de ratifier cet accord implique une révision constitutionnelle, de veiller à ce qu'elles ne mettent pas en cause une règle ou un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France. En l'absence d'une telle mise en cause, il n'appartient qu'au juge de l'Union européenne de contrôler la compatibilité de l'accord avec le droit de l'Union européenne. 15. C'est au regard de ces principes qu'il revient au Conseil constitutionnel de procéder à l'examen de l'accord économique et commercial global entre le Canada, d'une part, et l'Union européenne et ses États membres, d'autre part, tel que défini aux paragraphes 3 et 4. - SUR LA DISTINCTION ENTRE LES STIPULATIONS DE L'ACCORD QUI RELÈVENT DE LA COMPÉTENCE EXCLUSIVE DE L'UNION EUROPÉENNE ET CELLES QUI RELÈVENT D'UNE COMPÉTENCE PARTAGÉE AVEC LES ÉTATS MEMBRES : 16. L'accord a comme objectif, selon son préambule, de créer un marché élargi et sûr pour les marchandises et les services des parties et d'établir des règles claires, transparentes, prévisibles et mutuellement avantageuses pour régir leurs échanges commerciaux et leurs investissements. 17. Il se déduit des principes dégagés par l'avis du 16 mai 2017 de la Cour de justice de l'Union européenne mentionné ci-dessus que ne relèvent de la compétence exclusive de l'Union européenne ni les stipulations de l'accord figurant au chapitre 8 relatives aux investissements autres que directs, ni celles qui définissent, à sa section F, la procédure de règlement des différends relatifs aux investissements entre investisseurs et États. Il en va de même des stipulations des chapitres 1er, 21, 26, 27, 28, 29 et 30, pour autant que celles-ci concernent une compétence partagée entre l'Union européenne et ses États membres. - SUR LES STIPULATIONS DU CHAPITRE 8 QUI RELÈVENT D'UNE COMPÉTENCE PARTAGÉE ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET SES ÉTATS MEMBRES : 18. Le chapitre 8 de l'accord est relatif à l'investissement. Sa section A contient des définitions, fixe le champ d'application du chapitre et comporte les stipulations relatives à ses relations avec les autres chapitres. Les stipulations du chapitre 8 s'appliquent ainsi à « tout type d'actif qu'un investisseur détient ou contrôle, directement ou indirectement, et qui présente les caractéristiques d'un investissement, y compris une certaine durée ainsi que d'autres caractéristiques telles que l'engagement de capitaux ou d'autres ressources, l'attente de gains ou de profits, ou l'acceptation du risque ». La section B porte sur l'« établissement d'investissements » et traite en particulier de l'accès aux marchés. La section C est relative au traitement non discriminatoire. La section D énonce les principes qui régissent la protection des investissements. La section E couvre les réserves et les exceptions. La section F institue un mécanisme de règlement des différends relatifs aux investissements entre investisseurs et États. 19. Le chapitre 8 de l'accord reconnaît ainsi aux investisseurs entrant dans le champ d'application de l'accord certains droits substantiels, tels que le traitement national, le traitement de la nation la plus favorisée, le traitement juste et équitable et la protection contre les expropriations directes ou indirectes. 20. Ces investisseurs relèvent en outre, en cas de litige avec l'État d'accueil de l'investissement ou l'Union européenne, d'une procédure spécifique de règlement des différends, qui comporte notamment un « Tribunal » et un « Tribunal d'appel ». Après une phase de consultations prévue par l'article 8.19, et compte tenu de la possibilité offerte par l'article 8.20 de recourir à la médiation, l'investisseur peut, passé un délai de quatre-vingt-dix jours suivant la présentation de la demande de consultations, présenter une demande de détermination du défendeur à l'Union européenne. Selon l'article 8.21, l'Union détermine s'il s'agit d'un État membre ou de l'Union elle-même. Selon l'article 8.22, une fois la procédure engagée, qui doit respecter plusieurs exigences formelles, aucune procédure n'est plus possible devant un tribunal ou une cour en vertu du droit interne ou international. Suivant l'article 8.25, le défendeur consent au règlement du différend par le tribunal. Le mécanisme de règlement des différends est composé de deux niveaux de juridiction, les articles 8.27 et 8.28 étant respectivement relatifs au tribunal et au tribunal d'appel. Le tribunal compte quinze membres, cinq ressortissants d'États membres de l'Union, cinq ressortissants du Canada et cinq ressortissants de pays tiers. Le « comité mixte », prévu à l'article 26.1 de l'accord peut toutefois procéder à des nominations additionnelles par multiples de trois. Des exigences de qualification sont prévues. La durée du mandat des membres est déterminée. Les demandes sont instruites par un panel de trois membres. Les membres du tribunal sont rémunérés. La sentence rendue par le tribunal peut être contestée devant le tribunal d'appel pour des causes limitativement énumérées. L'article 8.30 énonce les règles d'éthique qui s'appliquent aux membres du tribunal et du tribunal d'appel. Les articles 8.32 à 8.38 fixent les règles de procédure. L'article 8.39 est relatif au pouvoir de décision du tribunal, qui peut accorder des dommages et intérêts ou la restitution de biens. L'article 8.41 est relatif à l'exécution des sentences du tribunal. Son 4 prévoit que « L'exécution de la sentence est régie par la législation relative à l'exécution des jugements ou des sentences qui est en vigueur là où l'exécution est demandée ». 21. Les députés requérants soutiennent que les stipulations de l'article 8 sont contraires au principe de précaution. Ils estiment en outre que les stipulations de la section F du chapitre 8 sont contraires à la Constitution. Selon eux, le mécanisme de règlement des différends qu'elles instituent serait contraire aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale et à l'article 88-1 de la Constitution aux motifs, d'une part, qu'il permettrait aux investisseurs du Canada, à leur seule discrétion, d'échapper à la compétence des juridictions françaises pour mettre en cause la France devant le tribunal institué par l'accord et, d'autre part, qu'il porterait atteinte aux compétences exclusives de la Cour de justice de l'Union européenne. Les règles relatives à la constitution du tribunal seraient en outre contraires aux principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions. Enfin, en accordant un privilège de juridiction aux investisseurs canadiens qui ne serait justifié ni par une différence de situation ni par un motif d'intérêt général, l'accord méconnaîtrait le principe d'égalité devant la loi. . En ce qui concerne le respect des conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale : 22. En premier lieu, il ressort de l'ensemble des stipulations de l'accord que celui-ci poursuit l'objectif de réduire ou supprimer les obstacles au libre-échange entre les parties. Dans ce cadre, le chapitre 8 a pour objet de contribuer à la protection des investissements réalisés dans les États parties par des investisseurs couverts par l'accord, sans faire obstacle à toute mesure que les États sont susceptibles de prendre en matière de contrôle des investissements étrangers. 23. En deuxième lieu, les pouvoirs attribués au tribunal et au tribunal d'appel sont définis par l'article 8.39 de l'accord et couvrent exclusivement « le versement de dommages pécuniaires et tout intérêt applicable » et « la restitution de biens ». En outre, s'agissant des mesures provisoires, le tribunal, en application de l'article 8.34, ne peut « ordonner une saisie ou interdire l'application de la mesure dont il est allégué qu'elle constitue une violation visée à l'article 8.23 ». Le tribunal ne détient, suivant les termes mêmes de l'accord, aucun pouvoir d'interprétation ou d'annulation des décisions prises par des organes de l'Union européenne ou de ses États membres. Selon le 4 de l'article 8.41 relatif à l'exécution des sentences : « L'exécution de la sentence est régie par la législation relative à l'exécution des jugements ou des sentences qui est en vigueur là où l'exécution est demandée ». 24. En troisième lieu, le mécanisme de règlement des différends institué par le chapitre 8 ne s'applique, selon l'article 8.18, qu'en cas de méconnaissance d'une obligation prévue, en matière de traitement non discriminatoire, « à la section C, en ce qui concerne l'expansion, la direction, l'exploitation, la gestion, le maintien, l'utilisation, la jouissance et la vente ou disposition » de son investissement ou, en matière de protection des investissements, « à la section D, si l'investisseur affirme avoir subi une perte ou un dommage en raison de la violation alléguée ». 25. En quatrième lieu, d'une part, il résulte des stipulations des articles 8.27 et 8.28 de l'accord que le tribunal et le tribunal d'appel comportent autant de membres désignés par l'Union européenne que par le Canada. Ceux-ci sont désignés par le comité mixte, dont les compétences et les modalités de décision sont décrites au paragraphe 50 ci-dessous. La désignation des membres du tribunal et du tribunal d'appel s'effectue par « consentement mutuel » entre les parties en application du 3 de l'article 26.3. La position de l'Union européenne doit alors être fixée d'un commun accord avec les États membres. 26. D'autre part, l'article 8.27 impose que les « membres du Tribunal possèdent les qualifications requises dans leurs pays respectifs pour la nomination à des fonctions judiciaires, ou sont des juristes possédant des compétences reconnues. Ils auront fait la preuve de leurs connaissances spécialisées en droit international public. Il est souhaitable qu'ils possèdent des connaissances spécialisées plus particulièrement dans les domaines du droit de l'investissement international, du droit commercial international et du règlement des différends découlant d'accords internationaux en matière d'investissement ou d'accords commerciaux internationaux ». 27. Enfin, en vue d'éviter les conflits ou les divergences entre les tribunaux institués par l'accord et les juridictions de droit interne, l'article 8.22 impose à l'investisseur de renoncer à introduire une procédure devant une juridiction interne ou internationale relativement à une mesure dont il est allégué qu'elle constitue une violation visée par sa plainte et, le cas échéant, de se retirer ou de se désister d'une telle procédure si elle est en cours. En outre, afin de garantir l'interprétation que font les parties des stipulations de l'accord, le 3 de l'article 8.31 prévoit qu'une interprétation adoptée par le comité mixte lie le tribunal. 28. En dernier lieu, le fait de relever du champ d'application de l'accord n'interdit pas aux investisseurs étrangers de porter par préférence, s'ils le souhaitent, le différend devant le juge national plutôt que devant le tribunal institué par l'accord. 29. Ainsi, eu égard à l'objet de l'accord, aux pouvoirs confiés au tribunal et au tribunal d'appel, à leur composition et au champ d'application du mécanisme de règlement des différends, les stipulations instituant ce mécanisme ne méconnaissent pas les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. Pour ces motifs et ceux énoncés aux paragraphes 44 à 52, les stipulations du chapitre 8 qui ne concernent pas une compétence exclusive de l'Union européenne, ne portent aucune atteinte à ces conditions. . En ce qui concerne le respect de l'article 88-1 de la Constitution : 30. Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi en application de l'article 54 de la Constitution, d'examiner la compatibilité d'un engagement international avec les autres engagements internationaux et européens de la France. L'article 88-1 de la Constitution ne lui attribue pas davantage la compétence de contrôler la compatibilité d'un engagement international avec les stipulations des traités mentionnés à cet article. Par suite, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de confronter les stipulations de la section F du chapitre 8 aux prescriptions du droit de l'Union européenne qui régissent la compétence de la Cour de justice de l'Union européenne. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 88-1 de la Constitution doit, en conséquence, être écarté. . En ce qui concerne le respect des principes d'indépendance et d'impartialité : 31. L'article 16 de la Déclaration de 1789 prévoit : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Les principes d'indépendance et d'impartialité sont indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles. 32. En premier lieu, selon le 1 de l'article 8.30 de l'accord, consacré aux « Règles d'éthique » : « Les membres du Tribunal sont indépendants. Ils n'ont d'attache avec aucun gouvernement. Ils ne suivent les instructions d'aucune organisation ou d'aucun gouvernement en ce qui concerne les questions liées au différend. Ils ne participent pas à l'examen d'un différend qui donnerait lieu à un conflit d'intérêts direct ou indirect. Ils se conforment aux Lignes directrices de l'Association internationale du barreau (International Bar Association) sur les conflits d'intérêts dans l'arbitrage international, ou à toutes règles complémentaires adoptées en vertu de l'article 8.44.2. En outre, dès leur nomination, ils s'abstiennent d'agir à titre d'avocat-conseil, de témoin ou d'expert désigné par une partie dans tout différend relatif aux investissements en instance ou nouveau relevant du présent accord ou de tout autre accord international ». Le 2 du même article prévoit : « Une partie au différend qui estime qu'un membre du Tribunal se trouve en position de conflit d'intérêts peut demander au président de la Cour internationale de Justice de rendre une décision sur la contestation de la nomination de ce membre. Tout avis de contestation est envoyé au président de la Cour internationale de Justice dans les 15 jours suivant la date à laquelle la composition de la division du Tribunal a été communiquée à la partie au différend, ou dans les 15 jours suivant la date à laquelle cette partie a eu connaissance des faits pertinents, si elle n'avait pas pu raisonnablement en avoir connaissance au moment de la constitution de la division. L'avis de contestation énonce les motifs de la contestation ». Selon son 4, « Sur recommandation motivée du président du Tribunal ou à leur initiative conjointe, les Parties peuvent, par décision du Comité mixte … révoquer un membre du Tribunal dont la conduite n'est pas conforme aux obligations énoncées au paragraphe 1 et est incompatible avec la qualité de membre du Tribunal ». Les stipulations de l'article 8.30 s'appliquent, selon le 4 de l'article 8.28, au tribunal d'appel. 33. En second lieu, le 5 de l'article 8.27 prévoit que les membres du tribunal sont en principe nommés pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois. 34. Il résulte de ce qui précède que les stipulations de la section F du chapitre 8 qui régissent la procédure de règlement des différends relatifs aux investissements entre investisseurs et États ne méconnaissent pas les principes d'indépendance et d'impartialité. . En ce qui concerne le respect du principe d'égalité devant la loi : 35. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 36. En premier lieu, les stipulations du chapitre 8 de l'accord comportent, en faveur des investisseurs non ressortissants de l'État d'accueil de l'investissement, des prescriptions touchant à certains droits substantiels. Celles-ci, qui sont relatives en particulier au traitement national, au traitement de la nation la plus favorisée, au traitement juste et équitable et à la protection contre les expropriations directes ou indirectes, ont pour seul objet d'assurer à ces investisseurs des droits dont bénéficient les investisseurs nationaux. Ainsi, le a du paragraphe 6 de l'instrument interprétatif commun prévoit que l'accord « ne conduira pas à accorder un traitement plus favorable aux investisseurs étrangers qu'aux investisseurs nationaux ». Dès lors, les stipulations du chapitre 8 ne créent sur ce point aucune différence de traitement. 37. En second lieu, en revanche, la section F du chapitre 8 crée une différence de traitement entre les personnes investissant en France en réservant l'accès aux tribunaux qu'elle institue aux seuls investisseurs canadiens. 38. Cette différence de traitement entre les investisseurs canadiens et les autres investisseurs étrangers en France répond toutefois au double motif d'intérêt général tenant, d'un côté, à créer, de manière réciproque, un cadre protecteur pour les investisseurs français au Canada et, de l'autre, à attirer les investissements canadiens en France. 39. Ce motif d'intérêt général étant en rapport direct avec l'objet de l'accord, qui est de favoriser les échanges entre les parties, les stipulations du chapitre 8 pouvaient donc instituer un mécanisme procédural de règlement des différends susceptible de s'appliquer, s'agissant d'investissements réalisés en France, aux seuls investisseurs canadiens. 40. Il résulte de ce qui précède que les stipulations du chapitre 8 de l'accord ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la loi. 41. Par ailleurs, pour les motifs énoncés aux paragraphes 56 à 59, les stipulations du chapitre 8 ne méconnaissent pas le principe de précaution. 42. Il résulte de tout ce qui précède que les stipulations du chapitre 8 qui relèvent d'une compétence partagée entre l'Union européenne et ses États membres ne contiennent aucune clause contraire à la Constitution, ne remettent pas en cause les droits constitutionnellement garantis et ne portent pas atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. Elles n'impliquent donc aucune révision de la Constitution. - SUR LES STIPULATIONS DES CHAPITRES 1er, 21, 26, 27, 28, 29 ET 30 QUI CONCERNENT UNE COMPÉTENCE PARTAGÉE ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET SES ÉTATS MEMBRES : . En ce qui concerne le respect des conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale par les stipulations relatives à l'édiction de normes : 43. Les députés requérants soutiennent que l'accord comporte des règles contraignantes pour l'élaboration des normes de droit interne dans une mesure qui affecte les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. Ils font valoir que c'est en particulier le cas de certaines stipulations de l'article 8.4, relatif à l'accès aux marchés dans le cadre de la protection des investissements. L'association du Canada à l'édiction de normes nationales, qui serait prévue notamment aux chapitres 21 et 27 de l'accord, aurait également pour effet d'imposer la révision de la Constitution. Les attributions conférées par l'accord au comité mixte constitueraient un autre empiètement sur la compétence normative nationale de nature à faire obstacle à la ratification du traité sans révision constitutionnelle préalable. Il en irait de même du dispositif de règlement des différends portant sur l'interprétation ou l'application des stipulations de l'accord prévu à son chapitre 29. 44. Dès lors que la France aura ratifié l'accord et que celui-ci sera entré en vigueur, les règles qui y figurent s'imposeront à elle. La France sera liée par ces stipulations qu'elle devra appliquer de bonne foi en application des « règles du droit public international ». L'accord aura, en application de l'article 55 de la Constitution, une autorité supérieure à celle des lois. Il appartiendra aux divers organes de l'État de veiller à l'application de cet accord dans le cadre de leurs compétences respectives. Ainsi, l'ordre juridique interne défini par la Constitution impose au législateur de respecter les stipulations des traités et accords internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés. Il incombe toutefois au Conseil constitutionnel de s'assurer que la capacité à édicter des normes de droit interne n'est pas limitée dans une mesure telle qu'il en résulterait une atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. 45. En premier lieu, l'accord comporte des stipulations qui rappellent la capacité des parties à légiférer et à réglementer. Ainsi, selon le 2 de l'instrument interprétatif commun, l'accord « préserve la capacité de l'Union européenne et de ses États membres ainsi que du Canada à adopter et à appliquer leurs propres dispositions législatives et réglementaires destinées à réglementer les activités économiques dans l'intérêt public, à réaliser des objectifs légitimes de politique publique tels que la protection et la promotion de la santé publique, des services sociaux, de l'éducation publique, de la sécurité, de l'environnement et de la moralité publique, la protection sociale ou des consommateurs, la protection de la vie privée et la protection des données, ainsi que la promotion et la protection de la diversité culturelle ». S'agissant du chapitre 8 de l'accord, l'article 8.9 prévoit : « 1. Pour l'application du présent chapitre, les Parties réaffirment leur droit de réglementer sur leurs territoires en vue de réaliser des objectifs légitimes en matière de politique, tels que la protection de la santé publique, de la sécurité, de l'environnement ou de la moralité publique, la protection sociale ou des consommateurs, ou la promotion et la protection de la diversité culturelle. - 2. Il est entendu que le simple fait qu'une Partie exerce son droit de réglementer, notamment par la modification de sa législation, d'une manière qui a des effets défavorables sur un investissement ou qui interfère avec les attentes d'un investisseur, y compris ses attentes de profit, ne constitue pas une violation d'une obligation prévue dans la présente section ». 46. En deuxième lieu, d'une part, si le 1 de l'article 8.4 prohibe différentes mesures de limitation ou de restriction de nature à entraver les accès aux marchés couverts par l'accord, ces mesures ont vocation à s'appliquer aux investissements directs, qui relèvent de la compétence exclusive de l'Union européenne. D'autre part, le 2 de l'article 8.4 exclut du champ d'application du 1 différentes catégories de mesures. Il en va ainsi, en particulier, des mesures « restreignant la concentration de la propriété dans le but d'assurer une concurrence loyale » ou « visant à assurer la conservation et la protection des ressources naturelles et de l'environnement ». 47. En troisième lieu, le chapitre 21 stipule, à son article 21.2, que les parties « s'engagent à développer davantage leur coopération en matière de réglementation en tenant compte de leur intérêt mutuel » en vue d'atteindre différents objectifs. Toutefois, d'une part, le 6 de l'article 21.2 prévoit que « Les Parties peuvent entreprendre des activités de coopération en matière de réglementation sur une base volontaire. Il est entendu qu'une Partie n'est pas tenue de participer à une quelconque activité de coopération en matière de réglementation et peut refuser ou cesser de coopérer ». D'autre part, l'instrument interprétatif commun stipule que « Cette coopération s'effectuera sur une base volontaire, les autorités de réglementation pouvant choisir librement de coopérer, sans y être contraintes ou sans devoir mettre en œuvre les résultats de leur coopération ». 48. En quatrième lieu, le comité mixte institué par l'article 26.1, composé de représentants de l'Union européenne et de représentants du Canada, a pour principales fonctions celles qui sont énumérées par le 4 de cet article, en particulier celles de superviser et faciliter la mise en œuvre et l'application de l'accord, promouvoir ses objectifs généraux, superviser les travaux des comités spécialisés et résoudre les différends pouvant survenir quant à l'interprétation ou l'application de l'accord dans certains domaines. Le 5 du même article 26.1 confère en outre différentes prérogatives au comité mixte et, en particulier, celle d'adopter des interprétations des stipulations de l'accord qui lient les tribunaux institués en application de la section F du chapitre 8 et du chapitre 29. L'article 26.3 prévoit enfin que le comité mixte dispose, en vue d'atteindre les objectifs de l'accord, « du pouvoir décisionnel pour toute question » dans les cas prévus par l'accord. En vertu du 2 de ce même article, les décisions prises par le comité mixte « lient les Parties ». 49. Cependant, d'une part, si le 2 de l'article 30.2 de l'accord attribue au comité mixte le pouvoir de décider d'amender les protocoles et annexes, cette compétence ne trouve pas à s'appliquer s'agissant des annexes 8-A et 8-B du chapitre 8, relatives à l'expropriation et à la dette publique. 50. D'autre part, les décisions du comité mixte qui lient les parties ne peuvent être adoptées, selon le 3 de l'article 26.3, que « par consentement mutuel » entre les représentants de l'Union européenne et les représentants du Canada qui composent le comité mixte. Par ailleurs, dans une telle hypothèse, la position de l'Union européenne doit être établie par le Conseil en application de la procédure prévue au paragraphe 9 de l'article 218 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne mentionné ci-dessus. Dans ce cas, selon la déclaration n° 19 du Conseil et des États membres du 14 janvier 2017, dès lors qu'une décision du comité mixte relève de la compétence des États membres, la position de l'Union et de ses États membres au sein du comité mixte « est adoptée d'un commun accord » au Conseil. 51. Enfin, si une interprétation adoptée par le comité mixte lie le tribunal institué en vertu de la section F du chapitre 8, cette stipulation a pour objet de garantir que l'Union européenne, ses États membres et le Canada, parties à l'accord, ne se voient pas imposer par le tribunal une interprétation distincte de celle qui recueille leur assentiment. 52. En dernier lieu, d'une part, le chapitre 29 de l'accord se borne, selon les termes de son article 29.2, à instituer une procédure de règlement des différends « portant sur l'interprétation ou l'application » de ses stipulations. D'autre part, le mécanisme d'arbitrage ainsi prévu et l'exigence qui pèse sur les parties de prendre les mesures nécessaires pour se conformer, selon les termes du chapitre 29, aux « conclusions » du « rapport final » du groupe d'arbitrage ont pour seul objet de veiller à la bonne application de l'accord. En conséquence, ces stipulations n'ont, par elles-mêmes, pas pour effet d'affecter l'élaboration des normes de droit interne. 53. Il résulte de tout ce qui précède que les stipulations des chapitres 1er, 21, 26, 27, 28, 29 et 30, qui comportent des prescriptions se rapportant à l'élaboration de normes de droit interne et qui relèvent d'une compétence partagée entre l'Union européenne et les États membres, ne contiennent aucune clause contraire à la Constitution, ne remettent pas en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis et ne portent pas atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. . En ce qui concerne le respect du principe de précaution : 54. Les députés requérants reprochent à l'accord de ne faire aucune référence au principe de précaution et de n'imposer aux parties aucune obligation en la matière, y compris en cas de risques graves et irréversibles. Le principe de précaution serait, en outre, méconnu par plusieurs stipulations de l'accord. 55. Aux termes de l'article 5 de la Charte de l'environnement : « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par l'application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ». Ces dispositions, comme l'ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement, ont valeur constitutionnelle. Dès lors, il incombe au Conseil constitutionnel, saisi en application de l'article 54 de la Constitution, de déterminer si un engagement international soumis à son examen méconnaît le principe de précaution. 56. En premier lieu, dans le chapitre 22 consacré au commerce et au développement durable, les parties à l'accord « reconnaissent que le développement économique, le développement social et la protection de l'environnement sont interdépendants et forment des composantes du développement durable qui se renforcent mutuellement, et elles réaffirment leur engagement à promouvoir le développement du commerce international d'une manière qui contribue à la réalisation de l'objectif de développement durable ». Les parties visent, à ce titre, les objectifs suivants : « favoriser le développement durable par une coordination et une intégration accrues de leurs politiques et mesures respectives en matière de travail, d'environnement et de commerce … promouvoir le dialogue et la coopération entre elles en vue de resserrer leurs relations commerciales et économiques d'une manière qui appuie leurs mesures et leurs normes respectives en matière de protection du travail et de l'environnement … améliorer l'application de leur droit respectif en matière de travail et d'environnement … favoriser la consultation et la participation du public dans la discussion des questions de développement durable ». 57. En deuxième lieu, d'une part, l'absence de mention expresse du principe de précaution dans les stipulations de l'accord qui relèvent d'une compétence partagée entre l'Union européenne et les États membres n'emporte pas de méconnaissance de ce principe. En outre, les décisions du comité mixte prises dans les conditions rappelées aux paragraphes 48 à 50 ci-dessus sont soumises au respect du principe de précaution protégé par le droit de l'Union européenne, notamment par l'article 191 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. 58. Le 2 de l'article 24.8 de l'accord stipule : « Les parties reconnaissent que, en cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne sert pas de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures économiquement efficaces visant à prévenir la dégradation de l'environnement ». Ces stipulations autorisent les parties à prendre des mesures économiquement efficaces visant à prévenir la dégradation de l'environnement en cas de risque de dommages graves ou irréversibles. 59. Enfin, selon le a du paragraphe 9 de l'instrument interprétatif commun « l'Union européenne et ses États membres ainsi que le Canada sont tenus d'assurer et d'encourager des niveaux élevés de protection de l'environnement, et de s'efforcer d'améliorer continuellement leur législation et leurs politiques en la matière de même que les niveaux de protection sur lesquels elles reposent ». Selon son b, l'accord « reconnaît expressément au Canada ainsi qu'à l'Union européenne et à ses États membres le droit de définir leurs propres priorités environnementales, d'établir leurs propres niveaux de protection de l'environnement et d'adopter ou de modifier en conséquence leur législation et leurs politiques en la matière, tout en tenant compte de leurs obligations internationales, y compris celles prévues par des accords multilatéraux sur l'environnement ». 60. Ainsi, l'ensemble de ces stipulations sont propres à garantir le respect du principe de précaution issu de l'article 5 de la Charte de l'environnement. 61. Il résulte de ce qui précède que les stipulations des chapitres 1er, 21, 26, 27, 28, 29 et 30 qui concernent une compétence partagée entre l'Union européenne et les États membres ne portent pas atteinte au principe de précaution. . En ce qui concerne l'application provisoire de l'accord : 62. Selon le a du 3 de l'article 30.7 de l'accord : « Les Parties peuvent appliquer provisoirement le présent accord à compter du premier jour du mois suivant la date à laquelle elles se sont notifié réciproquement l'accomplissement de leurs obligations et procédures internes respectives nécessaires à l'application provisoire du présent accord, ou à toute autre date convenue entre les Parties ». Selon son c, « Une partie peut mettre fin à l'application provisoire du présent accord par un avis écrit à l'autre Partie. L'application provisoire prend fin le premier jour du deuxième mois suivant cette notification ». 63. Les députés requérants soutiennent que la faculté des États membres de mettre fin à l'application provisoire de l'accord sur le fondement de ces stipulations est incertaine. Dès lors que cette application provisoire concernerait des stipulations qui relèvent de la compétence des États membres, cette incertitude mettrait en cause les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. 64. D'une part, compte tenu du paragraphe 17 de la présente décision, il ressort de la décision du 28 octobre 2016 du Conseil de l'Union européenne mentionnée ci-dessus qu'aucune stipulation de l'accord relevant d'une compétence partagée entre l'Union européenne et les États membres ou d'une compétence appartenant aux seuls États membres ne fait l'objet de l'application provisoire décidée par les parties à l'accord. 65. D'autre part, ainsi que le prévoit la déclaration n° 20 du Conseil du 14 janvier 2017, si la ratification de l'accord « échoue de façon définitive en raison d'une décision prononcée par une Cour constitutionnelle, ou à la suite de l'aboutissement d'un autre processus constitutionnel et d'une notification officielle par le gouvernement de l'État concerné, l'application provisoire devra être et sera dénoncée. Les dispositions nécessaires seront prises conformément aux procédures de l'Union européenne ». 66. Ainsi, dès lors que l'application provisoire de l'accord ne porte que sur des stipulations relevant de la compétence exclusive de l'Union européenne et que l'accord prévoit la possibilité d'interrompre cette application provisoire en cas d'impossibilité pour une partie de le ratifier, les stipulations critiquées par les députés requérants ne portent pas atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. . En ce qui concerne les conditions de dénonciation de l'accord : 67. Selon l'article 30.9 de l'accord : « 1. Une Partie peut dénoncer le présent accord en donnant un avis écrit d'extinction au Secrétariat général du Conseil de l'Union européenne et au ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement du Canada, ou à leurs successeurs respectifs. Le présent accord s'éteint 180 jours après la date de cet avis. La Partie qui donne un avis d'extinction fournit aussi une copie de l'avis au Comité mixte … 2. Nonobstant le paragraphe 1, dans l'éventualité de l'extinction du présent accord, les dispositions du chapitre Huit (Investissement) restent en vigueur pendant une durée de 20 ans après la date d'extinction du présent accord, en ce qui concerne les investissements effectués avant cette date ». 68. Les députés requérants font valoir que l'accord lierait irrévocablement la France, ce qui porterait atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. 69. L'adhésion irrévocable à un engagement international touchant à un domaine inhérent à la souveraineté nationale porte atteinte aux conditions essentielles de son exercice. 70. Toutefois, d'une part, il ressort des termes mêmes de l'article 30.9 que les parties ne sont pas liées irrévocablement par l'accord soumis à l'examen du Conseil constitutionnel. D'autre part, l'accord ne touche pas, eu égard à son objet, à un domaine inhérent à la souveraineté nationale. 71. Dès lors, les conditions de dénonciation de l'accord prévues par les stipulations précitées ne portent pas atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. 72. Il résulte de ce qui précède que les stipulations des chapitres 1er, 21, 26, 27, 28, 29 et 30 qui concernent une compétence partagée entre l'Union européenne et ses États membres ne contiennent aucune clause contraire à la Constitution, ne remettent pas en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis et ne portent pas atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. Elles n'impliquent donc pas de révision de la Constitution. - SUR LES AUTRES STIPULATIONS DE L'ACCORD : 73. Les autres stipulations de l'accord ne contiennent pas de clause contraire à la Constitution, ne remettent pas en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis, ne portent pas atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale et, à plus forte raison, ne mettent en cause aucune règle ou principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France. 74. Dès lors, aucune des autres stipulations de l'accord soumis au Conseil constitutionnel au titre de l'article 54 de la Constitution n'implique de révision de celle-ci. - SUR L'ENSEMBLE DE L'ACCORD : 75. Pour les motifs ci-dessus énoncés, l'accord économique et commercial global entre le Canada, d'une part, et l'Union européenne et ses États membres, d'autre part, ne comporte pas de clause contraire à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - L'accord économique et commercial global entre le Canada, d'une part, et l'Union européenne et ses États membres, d'autre part, signé le 30 octobre 2016 à Bruxelles, ne comporte pas de clause contraire à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 juillet 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Valéry GISCARD d'ESTAING, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 31 juillet 2017.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 février 2013 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1087 du 19 février 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jeremy F., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du quatrième alinéa de l'article 695-46 du code de procédure pénale. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le traité sur l'Union européenne ; Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et notamment son protocole n° 3 sur le statut de la Cour de justice de l'Union européenne ; Vu le code de procédure pénale ; Vu la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, notamment son article 17 ; Vu la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures, notamment son article 130 ; Vu la décision-cadre n° 2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres ; Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Vu les observations en intervention produites pour le requérant par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 21 et 28 mars 2013 ; Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 21 mars 2013 ; Vu les pièces produites et jointes au dossier ; Me Claire Waquet, pour le requérant et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 2 avril 2013 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que la décision-cadre du 13 juin 2002 susvisée a institué le mandat d'arrêt européen afin de simplifier et d'accélérer l'arrestation et la remise entre les États de l'Union européenne des personnes recherchées pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté ; que l'article 17 de la loi du 9 mars 2004 susvisée a inséré, dans le code de procédure pénale, les articles 695-11 à 695-51 relatifs au mandat d'arrêt européen ; 2. Considérant que l'article 695-46 du code de procédure pénale fixe les règles de la procédure concernant les décisions prises par les autorités judiciaires françaises postérieurement à la remise aux autorités d'un autre État membre de l'Union européenne d'une personne arrêtée en France en vertu d'un mandat d'arrêt européen émis par ces autorités ; que, dans leur rédaction résultant de la loi du 12 mai 2009 susvisée, les deux premiers alinéas de l'article 695-46 confient à la chambre de l'instruction la compétence pour statuer sur toute demande émanant des autorités compétentes de l'État membre qui a émis le mandat d'arrêt européen en vue de consentir soit à des poursuites ou à la mise à exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté prononcées pour d'autres infractions que celles ayant motivé la remise et commises antérieurement à celles-ci, soit à la remise de la personne recherchée à un autre État membre en vue de l'exercice de poursuite ou de l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté pour un fait quelconque antérieur à la remise et différent de l'infraction qui a motivé cette mesure ; qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 695-46 du code de procédure pénale : « La chambre de l'instruction statue sans recours après s'être assurée que la demande comporte aussi les renseignements prévus à l'article 695-13 et avoir, le cas échéant, obtenu des garanties au regard des dispositions de l'article 695-32, dans le délai de trente jours à compter de la réception de la demande » ; 3. Considérant que, selon le requérant, en excluant tout recours contre la décision de la chambre de l'instruction autorisant, après la remise d'une personne à un État membre de l'Union européenne en application d'un mandat d'arrêt européen, l'extension des effets de ce mandat à d'autres infractions, les dispositions du quatrième alinéa de l'article 695-46 précité portent atteinte au principe d'égalité devant la justice et au droit à un recours juridictionnel effectif ; 4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; qu'il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction ; qu'aux termes de son article 6, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ; 5. Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article 88-2 de la Constitution : « La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris par les institutions de l'Union européenne » ; que, par ces dispositions particulières, le constituant a entendu lever les obstacles constitutionnels s'opposant à l'adoption des dispositions législatives découlant nécessairement des actes pris par les institutions de l'Union européenne relatives au mandat d'arrêt européen ; que, par suite, il appartient au Conseil constitutionnel saisi de dispositions législatives relatives au mandat d'arrêt européen de contrôler la conformité à la Constitution de celles de ces dispositions législatives qui procèdent de l'exercice, par le législateur, de la marge d'appréciation que prévoit l'article 34 du Traité sur l'Union européenne, dans sa rédaction alors applicable ; 6. Considérant que, selon le paragraphe 3 de son article 1er, la décision cadre « ne saurait avoir pour effet de modifier l'obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu'ils sont consacrés par l'article 6 du traité sur l'Union européenne » ; que son article 27 prévoit les conditions dans lesquelles l'autorité judiciaire qui a ordonné la remise d'une personne en application d'un mandat d'arrêt européen statue sur une demande des autorités à qui la personne a été remise, tendant à ce que cette personne puisse être poursuivie, condamnée ou privée de liberté pour une infraction commise avant sa remise autre que celle qui a motivé celle-ci ; que son article 28 fixe les conditions dans lesquelles cette même autorité judiciaire consent à ce que la personne soit ultérieurement remise à un autre État membre ; que la dernière phrase du paragraphe 4 de l'article 27 ainsi que le c) du paragraphe 3 de l'article 28 indiquent que « la décision est prise au plus tard trente jours après réception de la demande » ; 7. Considérant que, pour juger de la conformité du quatrième alinéa de l'article 695-46 du code de procédure pénale aux droits et libertés que garantit la Constitution, il appartient au Conseil constitutionnel de déterminer si la disposition de ce texte qui prévoit que la chambre de l'instruction « statue sans recours dans le délai de trente jours. . . À compter de la réception de la demande » découle nécessairement de l'obligation faite à l'autorité judiciaire de l'État membre par le paragraphe 4 de l'article 27 et le c) du paragraphe 3 de l'article 28 de la décision-cadre de prendre sa décision au plus tard trente jours après la réception de la demande ; qu'au regard des termes précités de la décision-cadre, une appréciation sur la possibilité de prévoir un recours contre la décision de la juridiction initialement saisie au-delà du délai de trente jours et suspendant l'exécution de cette décision exige qu'il soit préalablement statué sur l'interprétation de l'acte en cause ; que, conformément à l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la Cour de justice de l'Union européenne est seule compétente pour se prononcer à titre préjudiciel sur une telle question ; que, par suite, il y a lieu de la lui renvoyer et de surseoir à statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. F. ; 8. Considérant que, compte tenu du délai de trois mois dans lequel le Conseil constitutionnel est tenu, en application de l'article 23-10 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée, d'examiner la question prioritaire de constitutionnalité, de l'objet de la question préjudicielle posée relative à l'espace de liberté, de sécurité et de justice, et de la privation de liberté dont le requérant fait l'objet dans la procédure à l'origine de la présente question prioritaire de constitutionnalité, il y a lieu de demander la mise en œuvre de la procédure d'urgence prévue par l'article 23 bis du protocole n° 3 au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne sur le statut de la Cour de justice de l'Union européenne, D É C I D E : Article 1er.- Il y a lieu de demander à la Cour de justice de l'Union européenne de statuer à titre préjudiciel sur la question suivante : Les articles 27 et 28 de la décision-cadre n° 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à ce que les États membres prévoient un recours suspendant l'exécution de la décision de l'autorité judiciaire qui statue, dans un délai de trente jours à compter de la réception de la demande, soit afin de donner son consentement pour qu'une personne soit poursuivie, condamnée ou détenue en vue de l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté, pour une infraction commise avant sa remise en exécution d'un mandat d'arrêt européen, autre que celle qui a motivé sa remise, soit pour la remise d'une personne à un État membre autre que l'État membre d'exécution, en vertu d'un mandat d'arrêt européen émis pour une infraction commise avant sa remise ? Article 2.- Il est demandé à la Cour de justice de l'Union européenne de statuer selon la procédure d'urgence. Article 3.- Il est sursis à statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jeremy F. Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française, notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée ainsi qu'au président de la Cour de justice de l'Union européenne. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 avril 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI. Rendu public le 4 avril 2013.
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LE PRÉSIDENT DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son titre VII ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu la décision n° 2021-149 ORGA du 14 octobre 2021 portant nomination de rapporteurs adjoints auprès du Conseil constitutionnel pour la période octobre 2021 - octobre 2022 ; Vu la lettre du vice-président du Conseil d'État en date 28 avril 2022 ; En application de la délibération du Conseil constitutionnel en date du 12 mai 2022, D É C I D E : Article 1er. - Madame Mireille LE CORRE, maître des requêtes au Conseil d'État, est nommée rapporteure adjointe auprès du Conseil constitutionnel, en remplacement de Madame Cécile BARROIS de SARIGNY. Article 2. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Fait à Paris, le 12 mai 2022 Laurent FABIUS
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2005-1613 du 22 décembre 2005 portant application de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ; - le décret n° 2022-66 du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - le code électoral en ses dispositions rendues applicables par les textes mentionnés ci-dessus ; Au vu des pièces suivantes : - les procès-verbaux établis par les commissions de recensement ainsi que les procès-verbaux des opérations de vote portant mention des réclamations présentées par des électeurs et les pièces jointes, pour l'ensemble des départements, la Polynésie française, les îles Wallis et Futuna, la Nouvelle-Calédonie, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon ; - les résultats consignés dans les procès-verbaux des commissions électorales instituées respectivement par l'article 14 de la loi organique du 31 janvier 1976 mentionnée ci-dessus et le paragraphe VI de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ainsi que les réclamations présentées par des électeurs et mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote ; - les réclamations qui ont été adressées au Conseil constitutionnel ; - les rapports des délégués du Conseil constitutionnel ; Après avoir entendu les rapporteurs ; Après avoir rejeté comme irrecevables les réclamations parvenues directement au Conseil constitutionnel en méconnaissance du premier alinéa de l'article 30 du décret du 8 mars 2001 mentionné ci-dessus ; Après avoir statué sur les réclamations mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote, opéré diverses rectifications d'erreurs matérielles, procédé aux redressements qu'il a jugé nécessaires et aux annulations énoncées ci-après ; S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : - Sur les opérations électorales : 1. Dans la commune de Fakarava (Polynésie française), dans laquelle 635 suffrages ont été exprimés, le tract d'un candidat a été agrafé à certaines enveloppes adressées à chaque électeur contenant les déclarations des candidats ainsi que les bulletins de vote à leur nom. Ces faits étant de nature à altérer la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans cette commune. 2. Dans la commune de Léchelle (Pas-de-Calais), dans laquelle ont été exprimés 30 suffrages, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté que, en méconnaissance de l'article R. 40 du code électoral, le maire avait pris l'initiative d'organiser les opérations de vote à son domicile. En outre, les lieux ne faisaient l'objet d'aucune signalisation et étaient dépourvus d'isoloir. Cette situation a perduré en dépit des observations du magistrat délégué. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans cette commune. 3. Dans la commune de Chenevelles (Vienne), alors que l'arrêté du 25 mars 2022 du préfet de la Vienne n'avait institué qu'un seul bureau de vote, la commune a créé, en méconnaissance de l'article R. 40 du code électoral, un second bureau sur la liste duquel deux électeurs étaient inscrits. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'annuler les suffrages exprimés dans ce bureau. 4. Dans le bureau de vote n° 15 du douzième arrondissement de Paris, dans lequel 1 252 suffrages ont été exprimés, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté, lors de son passage, qu'aucun membre du bureau de vote n'était présent. Une telle irrégularité étant de nature à entraîner des erreurs et à favoriser la fraude, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ce bureau. 5. Dans le bureau de vote n° 2 de la commune de Roisel (Somme), dans lequel 422 suffrages ont été exprimés, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté, lors de son passage, qu'aucun membre du bureau n'était présent à son arrivée. Une telle irrégularité étant de nature à entraîner des erreurs et à favoriser la fraude, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ce bureau. 6. Dans le bureau de vote n° 1 de la commune de Beautheil-Saints (Seine-et-Marne), dans lequel 627 suffrages ont été exprimés, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté, lors de son passage, que tant le président du bureau de vote que les assesseurs étaient absents. Une telle irrégularité est de nature à entraîner des erreurs et à favoriser la fraude. Par suite, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ce bureau. 7. Dans la commune de Cargèse (Corse-du-Sud), dans laquelle 570 suffrages ont été exprimés, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté que les électeurs étaient invités à signer la liste d'émargement avant d'introduire leur bulletin dans l'urne, en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 62-1 du code électoral. Le président du bureau de vote, à qui le magistrat délégué a signalé cette irrégularité, a refusé d'y mettre fin. Il y a donc lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans cette commune. 8. Dans la commune de Condat-sur-Vézère (Dordogne), dans laquelle 534 suffrages ont été exprimés, les électeurs étaient invités à signer la liste d'émargement avant d'introduire leur bulletin dans l'urne, en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 62-1 du code électoral. Cette irrégularité s'est poursuivie en dépit des observations du magistrat délégué du Conseil constitutionnel, auxquelles le président du bureau de vote a refusé de donner suite. Dès lors, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans cette commune. 9. Dans la commune de Wail (Pas-de-Calais), dans laquelle 170 suffrages ont été exprimés, le maire a refusé de communiquer au magistrat délégué du Conseil constitutionnel le procès-verbal sur lequel ce dernier souhaitait porter une mention. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans cette commune. 10. Dans la commune de Dénipaire (Vosges), dans laquelle 162 suffrages ont été exprimés, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a été, de manière agressive, empêché d'exercer sa mission de contrôle par le président du bureau de vote. Il y a donc lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans cette commune. 11. Dans la commune de Secondigné-sur-Belle (Deux-Sèvres), dans laquelle 311 suffrages ont été exprimés, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté, lors de son passage en fin de journée, que l'urne n'était pas verrouillée. Une telle irrégularité étant de nature à favoriser la fraude, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans cette commune. 12. Dans la commune de Lieudieu (Isère), dans laquelle 192 suffrages ont été exprimés, le bureau de vote a fermé prématurément à 18 heures en méconnaissance des dispositions du paragraphe II bis de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 en vertu desquelles le scrutin ne peut être clos avant 19 heures. Cette irrégularité étant de nature à empêcher des électeurs d'exercer leur droit de suffrage, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans la commune. 13. Dans la commune de Nandax (Loire), dans laquelle 325 suffrages ont été exprimés, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté que, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 52 du code électoral, le procès-verbal des opérations de vote n'était pas mis à disposition des électeurs et que la représentante d'un candidat n'avait pu, malgré sa demande, y avoir accès. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans cette commune. 14. Dans le bureau de vote n° 27 de Grasse (Alpes-Maritimes), dans lequel 843 suffrages ont été exprimés, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté, lors de son passage, que l'urne était ouverte, de sorte qu'il était possible d'y introduire des bulletins de vote par une autre ouverture que celle prévue à cette fin. Une telle irrégularité étant de nature à favoriser la fraude, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ce bureau. 15. Dans le bureau de vote n° 308 de Nice (Alpes-Maritimes), dans lequel 475 suffrages ont été exprimés, la commission départementale de recensement a relevé des discordances importantes et inexpliquées entre le nombre de suffrages exprimés, le nombre de bulletins blancs ou nuls et le nombre des émargements. Une telle discordance mettant le Conseil constitutionnel dans l'impossibilité d'exercer son contrôle sur la régularité des votes, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ce bureau. 16. Dans le bureau de vote n° 130 de la commune de Toulouse (Haute-Garonne), dans lequel 1 479 suffrages ont été exprimés, la commission départementale de recensement a relevé des discordances importantes et inexpliquées entre les chiffres inscrits dans le procès-verbal retraçant les résultats et ceux figurant dans les feuilles de dépouillement. Le Conseil constitutionnel n'étant pas en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité des votes, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ce bureau. 17. Dans les communes de Blérancourt et de Besmé (Aisne), dans lesquelles ont été respectivement exprimés 627 et 93 suffrages, la commission départementale de recensement a constaté que la liste d'émargement était manquante. Cette circonstance rend impossible un contrôle de la régularité et de la sincérité des suffrages émis dans ces bureaux. Par suite, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ces communes. 18. Dans le bureau de vote n° 1 de la commune de Plessis-Belleville (Oise), dans lequel 562 suffrages ont été exprimés, le procès-verbal des opérations de vote n'a pas été transmis immédiatement à la préfecture à l'issue du dépouillement, en méconnaissance de l'article L. 68 du code électoral. Ce manquement rend impossible le contrôle de la régularité et de la sincérité du scrutin. Il y a donc lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ce bureau de vote. 19. Dans les communes d'Hodenc-l'Évêque, de Maysel et de Ponchon (Oise), dans lesquelles ont été respectivement exprimés 163, 153 et 589 suffrages, les listes d'émargement n'ont pas été transmises à la préfecture après le dépouillement du scrutin, en méconnaissance de l'article L. 68 du code électoral. Ce manquement rend impossible le contrôle de la régularité et de la sincérité du scrutin. Il y a donc lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ces communes. - Sur l'ensemble des résultats du scrutin : 20. Aucun candidat n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour de scrutin. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCLARE : Article 1er. - Les résultats du scrutin pour l'élection du Président de la République, auquel il a été procédé les 9 et 10 avril 2022, sont les suivants : Électeurs inscrits : 48 747 876 Votants : 35 923 707 Bulletins blancs : 543 609 Bulletins nuls : 247 151 Suffrages exprimés : 35 132 947 Majorité absolue : 17 566 474 Ont obtenu : Mme Nathalie ARTHAUD : 197 094 M. Fabien ROUSSEL : 802 422 M. Emmanuel MACRON : 9 783 058 M. Jean LASSALLE : 1 101 387 Mme Marine LE PEN : 8 133 828 M. Éric ZEMMOUR : 2 485 226 M. Jean-Luc MÉLENCHON : 7 712 520 Mme Anne HIDALGO : 616 478 M. Yannick JADOT : 1 627 853 Mme Valérie PÉCRESSE : 1 679 001 M. Philippe POUTOU : 268 904 M. Nicolas DUPONT-AIGNAN : 725 176 Article 2. - La proclamation des résultats de l'ensemble de l'élection interviendra dans les conditions prévues par le décret du 8 mars 2001. Article 3. - La présente déclaration sera publiée sans délai au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 11, 12 et 13 avril 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 13 avril 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2005-1613 du 22 décembre 2005 portant application de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ; - le décret n° 2022-66 du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - le code électoral en ses dispositions rendues applicables par les textes mentionnés ci-dessus ; - la déclaration du Conseil constitutionnel du 13 avril 2022 relative aux résultats du premier tour de scrutin de l'élection du Président de la République ; - la décision du Conseil constitutionnel du 13 avril 2022 arrêtant la liste des candidats habilités à se présenter au second tour de l'élection du Président de la République ; Au vu de la décision du Conseil constitutionnel du 10 mai 2017 proclamant M. Emmanuel MACRON Président de la République et de la date à laquelle celui-ci a pris ses fonctions ; Au vu des pièces suivantes : - les procès-verbaux établis par les commissions de recensement ainsi que les procès-verbaux des opérations de vote portant mention des réclamations présentées par des électeurs et les pièces jointes, pour l'ensemble des départements, la Polynésie française, les îles Wallis et Futuna, la Nouvelle-Calédonie, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon ; - les résultats consignés dans les procès-verbaux des commissions électorales instituées respectivement par l'article 14 de la loi organique du 31 janvier 1976 mentionnée ci-dessus et le paragraphe VI de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 mentionnée ci-dessus ainsi que les réclamations présentées par des électeurs et mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote ; - les réclamations qui ont été adressées au Conseil constitutionnel ; - les rapports des délégués du Conseil constitutionnel ; Après avoir entendu les rapporteurs ; Après avoir rejeté comme irrecevables les réclamations parvenues directement au Conseil constitutionnel en méconnaissance du premier alinéa de l'article 30 du décret du 8 mars 2001 mentionné ci-dessus ; Après avoir statué sur les réclamations mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote, opéré diverses rectifications d'erreurs matérielles, procédé aux redressements qu'il a jugé nécessaires et aux annulations énoncées ci-après ; S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : - Sur les opérations électorales : 1. Dans la commune de Lourdios-Ichère (Pyrénées-Atlantiques), dans laquelle 90 suffrages ont été exprimés, il résulte de l'instruction que M. Jean LASSALLE a publiquement mis en scène, dans le bureau de vote, son abstention et a pris la parole, face à des caméras présentes dans ce bureau, pour exprimer, devant l'urne, son refus de participer à l'élection. Il a immédiatement diffusé sur les réseaux sociaux cette vidéo, ainsi que des commentaires sur son geste. M. LASSALLE a, d'une part, ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 49 du code électoral prohibant la diffusion de messages à caractère de propagande électorale la veille et le jour du scrutin et, d'autre part, par son comportement, porté atteinte au respect dû à la dignité des opérations électorales auxquelles il a participé en qualité de candidat au premier tour. Ces agissements ont, eu égard à la notoriété de M. LASSALLE dans la commune de Lourdios-Ichère et à sa qualité de député et d'ancien maire, été de nature à altérer la sincérité du scrutin dans cette commune. Il y a lieu, par suite, indépendamment des éventuelles poursuites pénales qui seraient susceptibles d'être engagées, d'annuler les suffrages exprimés dans cette commune. 2. Dans la commune de Cizancourt (Somme), dans laquelle 25 suffrages ont été exprimés, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté que le scrutin s'est déroulé dans une église où le confessionnal servait d'isoloir. Le déroulement du scrutin dans ce lieu de culte étant de nature à porter atteinte à la liberté et à la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans cette commune. 3. Dans le bureau de vote n° 1 de la commune d'Audincthun (Pas-de-Calais), dans lequel 291 suffrages ont été exprimés, dans la commune de Besse (Cantal), dans laquelle 80 suffrages ont été exprimés, dans la commune de Grâce-Uzel (Côtes-d'Armor), dans laquelle 244 suffrages ont été exprimés, dans les bureaux de vote n° 1 et n° 2 de la commune de Montigny-sur-Loing (Seine-et-Marne), dans lesquels ont été respectivement exprimés 769 et 765 suffrages, ainsi que dans la commune de Meilleray (Seine-et-Marne), dans laquelle 233 suffrages ont été exprimés, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté, lors de son passage, qu'aucun membre du bureau n'était présent, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 42 du code électoral. Une telle irrégularité étant de nature à entraîner des erreurs et à favoriser la fraude, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ces bureaux de vote. 4. Dans la commune de Saint-Jean-Saint-Germain (Indre-et-Loire), dans laquelle 427 suffrages ont été exprimés, dans le bureau de vote n° 3 de la commune de Descartes (Indre-et-Loire), dans lequel 601 suffrages ont été exprimés, dans la commune de Mondion (Vienne), dans laquelle 64 suffrages ont été exprimés, dans la commune de Cannelle (Corse-du-Sud), dans laquelle 34 suffrages ont été exprimés, dans la commune de Nogaro (Gers), dans laquelle 894 suffrages ont été exprimés, dans les quatre bureaux de vote de la commune d'Éauze (Gers), dans lesquels 1 974 suffrages ont été exprimés, dans le bureau de vote n° 2 de la commune de Gambsheim (Bas-Rhin), dans lequel 718 suffrages ont été exprimés ainsi que dans la commune de Beauclair (Meuse), dans laquelle 52 suffrages ont été exprimés, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté, lors de son passage, qu'un seul membre du bureau de vote était présent, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 42 du code électoral. Une telle irrégularité étant de nature à entraîner des erreurs et à favoriser la fraude, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ces bureaux de vote. 5. Dans le bureau de vote n° 1 de la commune de Harnes (Pas-de-Calais), dans lequel 663 suffrages ont été exprimés, un assesseur régulièrement désigné par l'un des candidats s'est vu refuser l'accès au bureau de vote, en violation des dispositions de l'article R. 44 du code électoral. En raison de la méconnaissance de ces dispositions destinées à assurer la régularité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ce bureau de vote. 6. Dans le bureau de vote n° 1 de la commune de Ghyvelde (Nord), dans lequel 627 suffrages ont été exprimés, la présentation d'un titre d'identité n'a pas été exigée des électeurs comme le prescrit l'article R. 60 du code électoral pour les communes de plus de 1 000 habitants. Cette irrégularité s'est poursuivie en dépit des observations du magistrat délégué du Conseil constitutionnel. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ce bureau de vote. 7. Dans les communes de Talus-Saint-Prix (Marne) et de Rémelfang (Moselle) ainsi que dans le bureau n° 1 de la commune de Chambray-lès-Tours (Indre-et-Loire), dans lesquels ont été respectivement exprimés 55, 97 et 625 suffrages, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté que le procès-verbal des opérations de vote n'était pas tenu à la disposition des électeurs, en méconnaissance de l'article R. 52 du code électoral. Cette irrégularité s'est poursuivie en dépit des observations du magistrat délégué. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ces bureaux de vote. 8. Dans la commune de Molring (Moselle), dans laquelle 15 suffrages ont été exprimés, la composition du bureau de vote, en l'absence d'assesseurs et de secrétaire, ne respectait pas les conditions prévues par l'article R. 42 du code électoral. En outre, aucun isoloir n'a été mis à la disposition des électeurs en méconnaissance de l'article L. 62 du même code et le procès-verbal des opérations de vote n'était pas tenu à la disposition des électeurs en méconnaissance de l'article R. 52 de ce code. Ces irrégularités s'étant poursuivies en dépit des observations faites par le magistrat délégué du Conseil constitutionnel, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans cette commune. 9. Dans les communes de Le Titre (Somme), de Saint-Sulpice (Nièvre) de Montrevel (Isère) et de Saint-Lager-Bressac (Ardèche), dans lesquelles ont été respectivement exprimés 210, 231, 254 et 500 suffrages, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté que les clés de l'urne étaient détenues dans des conditions contraires aux dispositions de l'article L. 63 du code électoral. Cette irrégularité s'est poursuivie en dépit des observations du magistrat délégué du Conseil constitutionnel. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ces communes. 10. Dans les bureaux de vote n° 1 et n° 2 de la commune de Froideconche (Haute-Saône), dans lesquels ont été respectivement exprimés 578 et 555 suffrages, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté que le scrutin se déroulait dans des conditions contraires aux dispositions de l'article L. 62 du code électoral. Cette irrégularité s'est poursuivie en dépit des observations du magistrat délégué. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler les résultats de ces deux bureaux de vote. 11. Dans la commune de Guinecourt (Pas-de-Calais), dans laquelle 13 suffrages ont été exprimés ainsi que dans la commune de Glux-en-Glenne (Nièvre), dans laquelle 55 suffrages ont été exprimés, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté, à 13 heures pour la première commune et à 18 heures pour la seconde, que l'unique bureau de vote était fermé. Le président de chaque bureau de vote a ainsi contrevenu aux dispositions du paragraphe II bis de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962, en vertu desquelles le scrutin ne peut être clos avant 19 heures. Une telle irrégularité ayant été, en l'espèce, de nature à empêcher des électeurs d'exercer leur droit de suffrage, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ces communes. 12. Dans les bureaux de vote n° 3 et n° 4 de la commune de Francheville (Rhône), dans lesquels ont été respectivement exprimés 588 et 619 suffrages, dans la commune de La Bauche (Savoie), dans laquelle 244 suffrages ont été exprimés ainsi que dans les bureaux n° 1 et n° 2 de la commune de Saint-Paul-en-Chablais (Haute-Savoie), dans lesquels ont été respectivement exprimés 762 et 642 suffrages, des bulletins blancs ont été mis à la disposition des électeurs en méconnaissance des dispositions de l'article L. 58 du code électoral. La présence de documents autres que les bulletins de vote des candidats constitue une irrégularité de nature à influencer les électeurs et à porter atteinte à la sincérité du scrutin. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler les suffrages exprimés dans ces bureaux de vote. 13. Dans la commune de Herbitzheim (Bas-Rhin), dans laquelle 1 098 suffrages ont été exprimés, les électeurs étaient invités à signer la liste d'émargement avant de déposer leur bulletin dans l'urne, en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 62-1 du code électoral. Cette irrégularité a été constatée peu avant la clôture des opérations de vote par le magistrat délégué du Conseil constitutionnel. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans cette commune. 14. Dans la commune de Les Aires (Hérault), dans laquelle 335 suffrages ont été exprimés, les électeurs ont été invités à signer la liste d'émargement avant d'introduire leur bulletin dans l'urne, en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 62-1 du code électoral. Cette irrégularité s'est poursuivie en dépit des observations faites par le magistrat délégué du Conseil constitutionnel, auxquelles le président de bureau de vote a refusé de donner suite. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans cette commune. 15. Dans le bureau n° 7 de la commune de Kourou et dans le bureau n° 1 de la commune d'Apatou (Guyane), dans lesquels ont été respectivement exprimés 359 et 177 suffrages, le scrutin a été interrompu, l'urne a été ouverte et les bulletins ont été transférés dans une nouvelle urne au seul motif que le compteur de l'urne utilisée depuis le début du scrutin ne fonctionnait pas. Ces faits ayant été de nature à altérer la sincérité du scrutin, il y a donc lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ces bureaux de vote. 16. Dans le bureau de vote n° 62 du seizième arrondissement de Paris, dans lequel 1 098 suffrages ont été exprimés, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté, lors de son passage en fin de journée, que l'urne n'était pas verrouillée et qu'aucun cadenas n'était installé. Une telle irrégularité étant de nature à favoriser la fraude, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ce bureau de vote. 17. Dans la commune de Saint-Lon-les-Mines (Landes), dans laquelle 708 suffrages ont été exprimés, le magistrat délégué du Conseil constitutionnel a constaté, lors de son passage, qu'il était possible d'introduire dans l'urne des bulletins de vote par une autre ouverture que celle prévue à cette fin. Une telle irrégularité étant de nature à favoriser la fraude, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans cette commune. 18. Dans le bureau de vote n° 8 de la commune de Marmande (Lot-et-Garonne), dans lequel 597 suffrages ont été exprimés, il a été procédé aux premières étapes des opérations de dépouillement hors la présence des électeurs dont l'un d'eux s'est, au demeurant, vu refuser l'accès au bureau de vote, en méconnaissance des articles L. 65 et R. 63 du code électoral. Les électeurs ont ainsi été privés, sans justification, de la possibilité d'exercer leur droit à surveiller le dépouillement des votes. En raison de cette méconnaissance de dispositions destinées à assurer la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau de vote. 19. Dans le bureau de vote n° 704 de la commune de Perpignan (Pyrénées-Orientales), dans lequel 609 suffrages ont été exprimés, il a été procédé aux opérations de dépouillement sans double contrôle ni lecture à haute voix des bulletins dépouillés ni comptage des bulletins au fur et à mesure du dépouillement. Ces manquements rendent impossible le contrôle de la régularité et de la sincérité du scrutin. Il y a donc lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ce bureau de vote. 20. Dans la commune de La Salvetat-Saint-Gilles (Haute-Garonne), le bureau centralisateur a, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 69 du code électoral, modifié les résultats du bureau de vote n° 1, dans lequel 512 suffrages ont été exprimés, sans qu'aucune justification ne soit apportée. En outre, il existait des discordances importantes et inexpliquées entre les résultats du procès-verbal de ce bureau de vote et les chiffres figurant dans les feuilles de dépouillement. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans ce bureau de vote. 21. Dans la commune d'Excideuil (Dordogne), dans laquelle 507 suffrages ont été exprimés, le procès-verbal des opérations de vote n'a pas été transmis à la préfecture à l'issue du dépouillement, en méconnaissance de l'article L. 68 du code électoral. Ce manquement rend impossible le contrôle de la régularité et de la sincérité du scrutin. Il y a donc lieu d'annuler l'ensemble des suffrages exprimés dans cette commune. - Sur l'ensemble des résultats du scrutin : 22. Les résultats du second tour pour l'élection du Président de la République, auquel il a été procédé les 23 et 24 avril 2022, sont les suivants : Électeurs inscrits : 48 752 339 Votants : 35 096 478 Bulletins blancs : 2 233 904 Bulletins nuls : 805 249 Suffrages exprimés : 32 057 325 Majorité absolue : 16 028 663 Ont obtenu : M. Emmanuel MACRON : 18 768 639 Mme Marine LE PEN : 13 288 686 Ainsi, M. Emmanuel MACRON a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés requise pour être proclamé élu. EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL PROCLAME M. Emmanuel MACRON Président de la République française à compter du 14 mai 2022 à 0 heure. Les résultats de l'élection seront publiés au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 25, 26 et 27 avril 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 27 avril 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment ses articles 6, 7 et 58 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ; - le décret n° 2022-66 du 26 janvier 2022 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ; - la déclaration du Conseil constitutionnel de ce jour faisant connaître les résultats du premier tour ; S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Chacun des deux candidats habilités à se présenter au second tour a porté à la connaissance du Conseil constitutionnel qu'il maintenait sa candidature. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les deux candidats habilités à se présenter au second tour de l'élection du Président de la République sont : Monsieur Emmanuel MACRON et Madame Marine LE PEN. Article 2. - La présente décision sera publiée sans délai au Journal officiel et notifiée, par les soins du Gouvernement, aux représentants de l'État dans les départements, en Polynésie française, aux îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre-et-Miquelon, aux ambassadeurs et aux chefs de poste consulaire. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 avril 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 13 avril 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 18 février 2022 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 314 du 15 février 2022), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Alexander V. par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-989 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 695-11 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le traité sur l'Union européenne ; - la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par Me Bertrand Périer, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, et par Me Frédéric Bélot, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 8 mars 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 9 mars 2022 ; - les secondes observations présentées pour le requérant par Mes Périer et Bélot, enregistrées le 22 mars 2022 ; - les observations présentées pour M. Gilles P., partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par Mes Jérôme Rousseau et Guillaume Tapie, avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 24 mars 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Bélot pour le requérant et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 5 avril 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 695-11 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 9 mars 2004 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Le mandat d'arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre de l'Union européenne, appelé État membre d'émission, en vue de l'arrestation et de la remise par un autre État membre, appelé État membre d'exécution, d'une personne recherchée pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté. « L'autorité judiciaire est compétente, selon les règles et sous les conditions déterminées par le présent chapitre, pour adresser aux autorités judiciaires des autres États membres de l'Union européenne ou pour exécuter sur leur demande un mandat d'arrêt européen ». 2. Le requérant reproche à ces dispositions de ne prévoir aucun recours permettant de contester la légalité de la condition de renvoi à laquelle l'État d'exécution a subordonné la remise de la personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen à l'État qui a émis ce mandat. Il en résulterait une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif. À cet égard, il soutient que ces dispositions ne découleraient pas nécessairement de la décision-cadre du 13 juin 2002 mentionnée ci-dessus et demande, au besoin, au Conseil constitutionnel de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle. 3. En outre, il fait valoir que ces dispositions seraient contraires au principe d'égalité devant la loi. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le second alinéa de l'article 695-11 du code de procédure pénale. 5. Selon l'article 88-2 de la Constitution : « La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris par les institutions de l'Union européenne ». Par ces dispositions particulières, le constituant a entendu lever les obstacles constitutionnels s'opposant à l'adoption des dispositions législatives découlant nécessairement des actes pris par les institutions de l'Union européenne relatives au mandat d'arrêt européen. Par suite, il appartient au Conseil constitutionnel, saisi de dispositions législatives relatives au mandat d'arrêt européen, de contrôler la conformité à la Constitution de celles de ces dispositions législatives qui procèdent de l'exercice, par le législateur, de la marge d'appréciation que prévoit l'article 34 du traité sur l'Union européenne, dans sa rédaction alors applicable. 6. La décision-cadre du 13 juin 2002 a institué le mandat d'arrêt européen afin de simplifier et d'accélérer l'arrestation et la remise entre les États de l'Union européenne des personnes recherchées pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté. L'article 695-11 du code de procédure pénale reproduit la définition de ce mandat prévue au 1 de l'article 1er de la décision-cadre du 13 juin 2002 et attribue à l'autorité judiciaire, en application de son article 6, la compétence pour mettre en œuvre cette procédure. 7. D'une part, les dispositions contestées de l'article 695-11 du code de procédure pénale ont pour seul objet de prévoir que l'autorité judiciaire est compétente pour adresser aux autorités judiciaires des autres États membres de l'Union européenne un tel mandat ou pour l'exécuter sur leur demande. 8. D'autre part, les conditions dans lesquelles une personne condamnée en France peut être remise à un autre État membre de l'Union européenne pour effectuer sa peine, le cas échéant en application de la condition de renvoi à laquelle cet État a subordonné l'exécution du mandat d'arrêt européen, sont définies à l'article 728-15 du code de procédure pénale, dont le Conseil constitutionnel n'est pas saisi. 9. Dès lors, l'absence alléguée de recours contre l'application de cette condition de renvoi ne pourrait résulter, en tout état de cause, que de ce dernier article et non des dispositions contestées. 10. Par conséquent, ces dispositions découlant nécessairement de la décision-cadre du 13 juin 2002, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Il n'y a pas lieu de statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité portant sur le second alinéa de l'article 695-11 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 avril 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Jacqueline GOURAULT, Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 22 avril 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 24 février 2022 par le Conseil d'État (décision nos 456190, 456272 et 456432 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour l'association Fédération nationale des collectivités de compostage et autres par Me Blaise Eglie-Richters, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-990 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du seizième alinéa du paragraphe I de l'article L. 541-1 du code de l'environnement. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l'environnement ; - l'ordonnance n° 2020-920 du 29 juillet 2020 relative à la prévention et à la gestion des déchets ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les associations requérantes par Me Eglie-Richters, enregistrées le 9 mars 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées par l'association France nature environnement, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour les associations requérantes par Me Eglie-Richters, enregistrées le 24 mars 2022 ; - les secondes observations en intervention présentées par l'association France nature environnement, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Eglie-Richters, pour les associations requérantes, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 5 avril 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi du seizième alinéa du paragraphe I de l'article L. 541-1 du code de l'environnement dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 29 juillet 2020 mentionnée ci-dessus. 2. Le seizième alinéa du paragraphe I de l'article L. 541-1 du code de l'environnement, dans cette rédaction, prévoit : « Le service public de gestion des déchets décline localement les objectifs visés au 4° et au 4° bis du présent I pour réduire les quantités d'ordures ménagères résiduelles après valorisation. L'autorisation de nouvelles installations de tri mécano-biologiques, de l'augmentation de capacités d'installations existantes ou de leur modification notable est conditionnée au respect, par les collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale, de la généralisation du tri à la source des biodéchets. Ces installations ne font pas l'objet d'aides de personnes publiques. À compter du 1er janvier 2027, il est interdit d'utiliser la fraction fermentescible des déchets issus de ces installations dans la fabrication de compost. Les collectivités territoriales progressent vers la généralisation d'une tarification incitative en matière de déchets, avec pour objectif que quinze millions d'habitants soient couverts par cette dernière en 2020 et vingt-cinq millions en 2025 ». 3. Les associations requérantes soutiennent tout d'abord que, en conditionnant désormais le développement des installations de tri mécano-biologique au respect d'une obligation, au demeurant imprécise, de généralisation du tri à la source des biodéchets et en interdisant de subventionner ces installations, ces dispositions seraient de nature à entraver les choix opérés par les collectivités territoriales au titre de la compétence que la loi leur reconnaît en matière de gestion des déchets. Il en résulterait une méconnaissance du principe de libre administration des collectivités territoriales. 4. Pour les mêmes motifs, les dispositions renvoyées méconnaîtraient également le droit de propriété des collectivités territoriales ainsi que la sécurité juridique découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et seraient entachées d'inintelligibilité et d'incompétence négative. 5. Les associations requérantes dénoncent ensuite une différence de traitement injustifiée entre les collectivités territoriales qui ont mis en place une installation de tri mécano-biologique et celles qui n'ont pas fait un tel choix, dès lors que seules les premières seraient tenues de généraliser le tri à la source des biodéchets. 6. Elles estiment enfin que, en faisant obstacle au développement de la filière de traitement mécano-biologique des déchets, alors que celle-ci contribuerait à la valorisation des déchets ménagers, ces dispositions seraient contraires aux exigences découlant de l'article 2 de la Charte de l'environnement. 7. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les deuxième et troisième phrases du seizième alinéa du paragraphe I de l'article L. 541-1 du code de l'environnement. 8. L'article 34 de la Constitution réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources. En vertu du troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution, « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus ». 9. Si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations, ou les soumettre à des interdictions, c'est à la condition que celles-ci répondent à des exigences constitutionnelles ou concourent à des fins d'intérêt général, qu'elles ne méconnaissent pas la compétence propre des collectivités concernées, qu'elles n'entravent pas leur libre administration et qu'elles soient définies de façon suffisamment précise quant à leur objet et à leur portée. 10. L'article L. 541-1 du code de l'environnement est relatif à la politique nationale de prévention et de gestion des déchets. Le seizième alinéa de son paragraphe I prévoit que le service public de gestion des déchets décline localement les objectifs de réduction des quantités d'ordures ménagères résiduelles après valorisation. 11. Les dispositions contestées de cet alinéa conditionnent l'autorisation de nouvelles installations de tri mécano-biologique, de l'augmentation des capacités d'installations existantes ou de leur modification notable à la généralisation du tri à la source des biodéchets par les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale. Elles interdisent également aux personnes publiques d'apporter une aide à ces installations. 12. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu, pour mettre en œuvre les objectifs de réduction et de valorisation des déchets ménagers, privilégier le tri à la source des biodéchets plutôt que leur prise en charge par des installations de traitement mécano-biologique dont il a estimé que les performances en termes de valorisation étaient insuffisantes. Ce faisant, il a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement. Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé. 13. En second lieu, d'une part, les dispositions contestées se bornent à soumettre la création d'installations de tri mécano-biologique ou l'extension des capacités d'installations existantes au respect de la condition, qui n'est pas imprécise, de généralisation du tri à la source des biodéchets. Elles n'interdisent pas aux collectivités territoriales de recourir à de telles installations et ne font pas davantage obstacle à la poursuite de l'exploitation des installations existantes. 14. D'autre part, par l'interdiction des aides publiques, les dispositions contestées visent uniquement à empêcher les personnes publiques de contribuer au développement des capacités de tri mécano-biologique par la création de nouvelles installations ou l'accroissement des capacités des installations existantes. 15. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe de libre administration des collectivités territoriales. 16. Par ailleurs, ces dispositions n'instituent, par elles-mêmes, aucune différence de traitement entre les collectivités territoriales. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit donc être écarté. 17. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative et qui ne méconnaissent ni les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789, ni le droit de propriété, ni l'article 2 de la Charte de l'environnement non plus qu'aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les deuxième et troisième phrases du seizième alinéa du paragraphe I de l'article L. 541-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2020-920 du 29 juillet 2020 relative à la prévention et à la gestion des déchets, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 avril 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Jacqueline GOURAULT, Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 22 avril 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 8 mars 2022 par le Conseil d'État (décision n° 459292 du même jour) dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée par l'association France nature environnement et autres. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-991 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 214-18-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-227 du 24 février 2017 ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l'autoconsommation d'électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d'électricité et de gaz et aux énergies renouvelables. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l'environnement ; - la loi n° 2017-227 du 24 février 2017 ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l'autoconsommation d'électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d'électricité et de gaz et aux énergies renouvelables ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par les associations requérantes, enregistrées le 23 mars 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour la Fédération française des associations de sauvegarde des moulins et autres par Mes Jean-François Remy et Julien Goudemez, avocats au barreau de Nancy, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique par la SCP Zribi et Texier, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées par les associations requérantes, enregistrées le 7 avril 2022 ; - les secondes observations en intervention présentées pour la Fédération française des associations de sauvegarde des moulins et autres par Mes Remy et Goudemez, enregistrées le même jour ; - les secondes observations en intervention présentées pour la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique par la SCP Zribi et Texier, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Thomas Dubreuil, avocat au barreau de Vannes, pour les associations requérantes, Me Stéphane-Laurent Texier, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique, Me Remy, pour la Fédération française des associations de sauvegarde des moulins et autres, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 19 avril 2022 ; Au vu des pièces suivantes : - la note en délibéré présentée pour la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique par la SCP Zribi et Texier, enregistrée le 20 avril 2022 ; - la note en délibéré présentée par le Premier ministre, enregistrée le 22 avril 2022 ; - les notes en délibéré présentées par les associations requérantes, enregistrées les 2 et 5 mai 2022 ; - la note en délibéré présentée pour la Fédération française des associations de sauvegarde des moulins et autres par Mes Remy et Goudemez, enregistrée le 3 mai 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 214-18-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 24 février 2017 mentionnée ci-dessus, prévoit :« Les moulins à eau équipés par leurs propriétaires, par des tiers délégués ou par des collectivités territoriales pour produire de l'électricité, régulièrement installés sur les cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux mentionnés au 2° du I de l'article L. 214-17, ne sont pas soumis aux règles définies par l'autorité administrative mentionnées au même 2°. Le présent article ne s'applique qu'aux moulins existant à la date de publication de la loi n° 2017-227 du 24 février 2017 ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l'autoconsommation d'électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d'électricité et de gaz et aux énergies renouvelables ». 2. Les associations requérantes, rejointes par l'une des parties intervenantes, reprochent à ces dispositions d'exempter désormais les moulins à eau de toutes les obligations et prescriptions que l'administration peut édicter pour assurer la migration des poissons et le transport des sédiments. Il en résulterait une méconnaissance du droit de vivre dans un environnement équilibré protégé par l'article 1er de la Charte de l'environnement, dont la préservation de la continuité écologique des cours d'eau serait une composante, ainsi que de ses articles 2 à 4. 3. Elles reprochent en outre à ces dispositions d'être entachées d'inintelligibilité et d'instituer une différence de traitement injustifiée entre les moulins à eau équipés pour la production hydroélectrique et les autres ouvrages hydrauliques. 4. L'article 1er de la Charte de l'environnement dispose que « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». 5. S'il est loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, il ne saurait priver de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé consacré par l'article 1er de la Charte de l'environnement. 6. Les limitations apportées par le législateur à l'exercice de ce droit doivent être liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi. 7. Le 2° du paragraphe I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement prévoit que les ouvrages installés sur les cours d'eau pour lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs doivent être gérés, entretenus et équipés selon des règles définies par l'autorité administrative. 8. Les dispositions contestées de l'article L. 214-18-1 du code de l'environnement exemptent les moulins à eau équipés pour produire de l'électricité de ces règles qui tendent à préserver la continuité écologique de ces cours d'eau. 9. Toutefois, en premier lieu, il ressort des travaux parlementaires que le législateur a entendu non seulement préserver le patrimoine hydraulique mais également favoriser la production d'énergie hydroélectrique qui contribue au développement des énergies renouvelables. Il a, ce faisant, poursuivi des motifs d'intérêt général. 10. En deuxième lieu, d'une part, cette exemption ne concerne que les moulins à eau équipés pour produire de l'électricité et qui existent à la date de publication de la loi du 24 février 2017. D'autre part, elle ne s'applique pas aux ouvrages installés sur les cours d'eau en très bon état écologique, qui jouent le rôle de réservoir biologique ou dans lesquels une protection complète des poissons est nécessaire. 11. En dernier lieu, les dispositions contestées ne permettent de déroger qu'aux règles découlant du 2° du paragraphe I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement et ne font pas obstacle, en particulier, à l'application de l'article L. 214-18, qui impose de maintenir un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces aquatiques. 12. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 1er de la Charte de l'environnement doit être écarté. 13. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus les articles 2, 3 et 4 de la Charte de l'environnement, ni le principe d'égalité, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - L'article L. 214-18-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-227 du 24 février 2017 ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l'autoconsommation d'électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d'électricité et de gaz et aux énergies renouvelables, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 mai 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 13 mai 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 9 mars 2022 par la Cour de cassation (chambre commerciale, arrêt n° 267 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Les roches par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-992 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 2° du 2 de l'article 1920 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 de finances pour 1985. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 de finances pour 1985 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la société requérante par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, enregistrées le 22 mars 2022 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 23 mars 2022 ; - les secondes observations présentées pour la société requérante par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, enregistrées le 7 avril 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Thomas Lyon-Caen, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la société requérante, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 19 avril 2022 ; Au vu de la note en délibéré présentée par le Premier ministre, enregistrée le 22 avril 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le 2° du 2 de l'article 1920 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 1984 mentionnée ci-dessus, prévoit que le privilège du Trésor s'exerce : « Pour la taxe foncière sur les récoltes, fruits, loyers et revenus des biens immeubles sujets à la contribution ». 2. La société requérante reproche à ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, de permettre au Trésor public, en cas de transfert de propriété de l'immeuble, de poursuivre le recouvrement d'une créance de taxe foncière auprès du nouveau propriétaire, alors qu'il n'en est pas le redevable légal. Elles porteraient ainsi une atteinte disproportionnée à l'exercice du droit de propriété. Elle soutient en outre que, faute pour le législateur d'avoir prévu lui-même ce droit de suite, ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative dans des conditions affectant le droit à un recours juridictionnel effectif. Enfin, elles méconnaîtraient le principe de séparation des pouvoirs et l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi. - Sur le fond : 3. Il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. 4. En application du 1 de l'article 1920 du code général des impôts, le privilège du Trésor en matière de contributions directes et taxes assimilées s'exerce sur les meubles et effets mobiliers appartenant aux redevables. 5. Les dispositions contestées prévoient que, pour le recouvrement de la taxe foncière, ce privilège s'exerce en outre sur les récoltes, fruits, loyers et revenus des biens immeubles sujets à la contribution. 6. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu garantir le recouvrement des créances publiques. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général. 7. Toutefois, les dispositions contestées, telles qu'interprétées par la jurisprudence constante de la Cour de cassation, permettent que, en cas de transfert de propriété de l'immeuble, la créance de taxe foncière de l'ancien propriétaire puisse être recouvrée sur les loyers dus au nouveau propriétaire. En mettant cette créance à la charge de ce dernier, alors qu'il n'est ni le redevable légal de cet impôt ni tenu solidairement à son paiement, ces dispositions portent à son droit de propriété une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi. 8. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, elles doivent donc être déclarées contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 9. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 10. En l'espèce, d'une part, les dispositions déclarées contraires à la Constitution, dans leur rédaction contestée, ne sont plus en vigueur. 11. D'autre part, la déclaration d'inconstitutionnalité est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de publication de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le 2° du 2 de l'article 1920 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 de finances pour 1985, est contraire à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité prend effet dans les conditions fixées aux paragraphes 10 et 11 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 mai 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 13 mai 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 13 octobre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1254 du 6 octobre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Manuel R. par Mes Camille Friedrich et Jean-Baptiste de Gubernatis, avocats au barreau d'Aix-en-Provence. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-959 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du second alinéa de l'article 728-48 du code de procédure pénale et du deuxième alinéa de l'article 728-52 du même code, dans leur rédaction issue de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par Mes Friedrich et de Gubernatis, enregistrées le 4 novembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Mes Friedrich et de Gubernatis pour le requérant, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 14 décembre 2021 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 728-48 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 5 août 2013 mentionnée ci-dessus, détermine notamment les conditions dans lesquelles peut être contestée une décision du procureur de la République prise sur une demande de reconnaissance et d'exécution sur le territoire français d'une peine privative de liberté prononcée par une juridiction d'un autre État membre de l'Union européenne. Son second alinéa prévoit :« Toutefois, la personne condamnée n'est pas recevable à saisir la chambre des appels correctionnels en cas de refus d'exécution opposé dans le cas prévu au 3° de l'article 728-11 ». 2. Le deuxième alinéa de l'article 728-52 du même code, dans la même rédaction, prévoit :« Si la demande de reconnaissance et d'exécution présentée par l'autorité compétente de l'État de condamnation entre dans les prévisions du 3° de l'article 728-11 et si le procureur général déclare ne pas consentir à l'exécution, la chambre des appels correctionnels lui en donne acte et constate que la peine ou la mesure de sûreté privative de liberté ne peut être mise à exécution en France ». 3. Le requérant reproche à ces dispositions de priver une personne condamnée par une juridiction d'un autre État membre de toute possibilité de contester le refus du procureur de la République de consentir à l'exécution sur le territoire français de sa peine. Ces dispositions méconnaîtraient, d'une part, le droit à un recours juridictionnel effectif et, d'autre part, au regard des conséquences qu'emporte un tel refus sur la situation personnelle de la personne condamnée, le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale. 4. Il soutient également que ces dispositions priveraient les seules personnes de nationalité étrangère de la possibilité de saisir le juge de ce refus, en méconnaissance du principe d'égalité. - Sur le fond : 5. Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction. 6. Le procureur de la République est compétent pour se prononcer sur les demandes de reconnaissance et d'exécution sur le territoire français des décisions de condamnation à une peine privative de liberté prononcées par les juridictions des autres États membres. En application du 3° de l'article 728-11 du code de procédure pénale, une telle reconnaissance est subordonnée au consentement du procureur de la République lorsque la personne condamnée est de nationalité étrangère. 7. Selon l'article 728-43 du même code, le procureur de la République peut refuser de donner son consentement notamment s'il estime que l'exécution en France de la condamnation n'est pas de nature à favoriser la réinsertion sociale de la personne concernée. Dans ce cas, les dispositions contestées de l'article 728-48 prévoient que cette personne n'est pas recevable à saisir la chambre des appels correctionnels pour contester ce refus. 8. Les dispositions contestées de l'article 728-52 prévoient, quant à elles, que, lorsque la chambre des appels correctionnels est saisie d'un recours formé contre une décision de refus fondée sur un autre motif que celui prévu au 3° de l'article 728-11, le procureur général peut invoquer cette disposition pour refuser de consentir à l'exécution de la peine en France. La chambre des appels correctionnels doit alors lui en donner acte et constater que la peine privative de liberté ne peut être mise à exécution en France. 9. Il résulte ainsi des dispositions contestées que les personnes qui se voient opposer une décision de refus sur le fondement du 3° de l'article 728-11 ne peuvent pas la contester devant une juridiction. 10. Au regard des conséquences qu'est susceptible d'entraîner pour ces personnes une telle décision, l'absence de voie de droit permettant la remise en cause de cette décision méconnaît les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789. 11. Par conséquent, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, les dispositions contestées doivent être déclarées contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 12. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 13. En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. Elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le second alinéa de l'article 728-48 du code de procédure pénale et le deuxième alinéa de l'article 728-52 du même code, dans leur rédaction issue de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France, sont contraires à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 13 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 6 janvier 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 7 janvier 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 novembre 2021 par le Conseil d'État (décision n° 456187 du 26 novembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la fédération nationale des activités de dépollution par Me Frédéric Scanvic, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-968 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 541-30-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de l'environnement ; - la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la fédération requérante par Me Scanvic, enregistrées le 21 décembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Scanvic, pour la fédération requérante, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 1er février 2022 ; Au vu des pièces suivantes : - la note en délibéré présentée par le Premier ministre, enregistrée le 4 février 2022 ; - la note en délibéré présentée pour la fédération requérante par Me Scanvic, enregistrée le 9 février 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 541-30-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 10 février 2020 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Tout exploitant d'une installation de stockage de déchets non dangereux non inertes est tenu d'y réceptionner les déchets produits par les activités mentionnées aux a, b et c du 2° du II de l'article L. 541-1 ainsi que les résidus de tri qui en sont issus, lorsqu'elles traitent des déchets issus d'une collecte séparée et satisfont à des critères de performance définis par arrêté du ministre chargé des installations classées. « L'obligation définie au premier alinéa du présent article est soumise aux conditions suivantes : « 1° Le producteur ou le détenteur des déchets a informé l'exploitant de l'installation de stockage de la nature et de la quantité des déchets à réceptionner avant le 31 décembre de l'année précédente et au moins six mois avant leur réception effective ; « 2° La réception des déchets dans l'installation de stockage est, au regard de leur nature, de leur volume et de leur origine, conforme à l'autorisation prévue au 2° de l'article L. 181-1 ; « 3° La quantité de déchets à réceptionner, répondant aux critères prévus au premier alinéa du présent article, est justifiée par le producteur ou le détenteur des déchets au moyen de données chiffrées en prenant notamment en compte la capacité autorisée et la performance de son installation. « Le producteur ou détenteur des déchets est redevable du prix de traitement des déchets pour les quantités réservées. « L'exploitant de l'installation de stockage ne peut facturer au producteur des déchets un prix hors taxes supérieur au prix habituellement facturé pour des déchets de même nature, selon des modalités définies par décret. « La mise en œuvre de l'obligation définie au premier alinéa n'ouvre droit à aucune indemnisation ni de l'exploitant de l'installation de stockage soumis aux dispositions du présent article, ni des producteurs ou détenteurs dont le contrat avec cet exploitant n'aurait pu être exécuté en tout ou partie pour permettre l'admission de déchets répondant aux critères et aux conditions posés, respectivement, au même premier alinéa ainsi qu'aux 1° et 2°, quelle que soit la date de conclusion du contrat ». 2. La fédération requérante reproche à ces dispositions d'obliger les exploitants d'installations de stockage de déchets à réceptionner certains déchets à un prix déterminé. Il en résulterait une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre. 3. Elle fait également valoir que, en ne précisant pas suffisamment les conditions dans lesquelles les exploitants sont tenus de réceptionner ces déchets, ni les modalités de détermination du prix de leur traitement, ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative dans des conditions affectant les exigences constitutionnelles précitées. 4. En outre, elle soutient que, dans un contexte de saturation des capacités de stockage des installations existantes, l'obligation de réception mise à la charge des exploitants pourrait les conduire à refuser le traitement d'autres déchets, en méconnaissance des contrats préalablement conclus avec leurs apporteurs. Les dispositions renvoyées seraient ainsi contraires au droit au maintien des conventions légalement conclues. 5. La fédération requérante dénonce enfin la rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques qui résulterait, en application des dispositions renvoyées, de l'exclusion de toute indemnisation des préjudices subis par les exploitants et les apporteurs de déchets. - Sur le fond : 6. Le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. 7. Les dispositions contestées imposent aux exploitants des installations de stockage de déchets non dangereux et non inertes de réceptionner les déchets ultimes produits par les filières industrielles de réemploi, de recyclage et de valorisation des déchets dès lors qu'elles satisfont à certains critères de performance. Les producteurs ou détenteurs de déchets de ces filières sont redevables du prix de traitement des déchets qu'ils apportent, qui ne peut être facturé par l'exploitant de l'installation de stockage à un montant supérieur à celui habituellement facturé pour des déchets de même nature. 8. En obligeant les exploitants à réceptionner, par priorité, certains déchets ultimes, les dispositions contestées sont susceptibles de faire obstacle à l'exécution des contrats qu'ils ont préalablement conclus avec les apporteurs d'autres déchets. Elles portent donc atteinte au droit au maintien des conventions légalement conclues. 9. Il ressort des travaux préparatoires que, dans un contexte de raréfaction des capacités de stockage, le législateur a entendu garantir un exutoire aux déchets ultimes de certaines installations de valorisation et favoriser ainsi une gestion plus vertueuse des déchets. Ce faisant, il a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement. 10. Toutefois, en premier lieu, les dispositions contestées obligent l'exploitant à réceptionner tous les déchets ultimes qui lui sont apportés par certaines filières industrielles, quand bien même elles ne rencontreraient pas de difficultés pour procéder à leur traitement. 11. En deuxième lieu, les dispositions contestées prévoient que l'exploitant doit être informé de la nature et de la quantité des déchets ultimes qu'il est tenu de prendre en charge au plus tard le 31 décembre de l'année précédant leur réception et au moins six mois avant celle-ci. Néanmoins, ce délai n'est pas de nature à garantir qu'il sera en mesure, à la date de réception de ces déchets, d'exécuter les contrats préalablement conclus avec les apporteurs d'autres déchets, dès lors que les dispositions contestées ne prévoient aucune exception à son obligation de réception. 12. En dernier lieu, les apporteurs de déchets dont le contrat avec un exploitant n'aura pu être exécuté, en tout ou partie, du fait des dispositions contestées, sont privés, quelle que soit la date de conclusion de leur contrat, de la possibilité de demander réparation des conséquences de cette inexécution. 13. Dès lors, si pour mettre en œuvre l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement, il est loisible au législateur d'instituer une obligation pour les installations de stockage de réceptionner certains déchets ultimes, les dispositions contestées portent une atteinte manifestement disproportionnée au droit au maintien des conventions légalement conclues. 14. Par conséquent, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs, ces dispositions doivent être déclarées contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 15. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 16. En l'espèce, d'une part, aucun motif ne justifie de reporter la prise d'effet de cette déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. 17. D'autre part, la déclaration d'inconstitutionnalité ne peut pas être invoquée lorsque le producteur ou le détenteur de déchets a régulièrement informé, avant cette même date, l'exploitant d'une installation de stockage de déchets non dangereux et non inertes de la nature et de la quantité de déchets à réceptionner en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - L'article L. 541-30-2 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, est contraire à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées aux paragraphes 16 et 17 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 février 2022, où siégeaient : M. Alain JUPPÉ exerçant les fonctions de Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 11 février 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 6 octobre 2021 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 703 du 30 septembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour Mme Fatma M. par Me Solal Cloris, avocat au barreau du Val-de-Marne. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-954 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 153 du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de la loi n° 60-752 du 28 juillet 1960 portant modification de certaines dispositions du code de la nationalité. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de la nationalité française ; - la loi n° 60-752 du 28 juillet 1960 portant modification de certaines dispositions du code de la nationalité ; - la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973 complétant et modifiant le code de la nationalité française et relative à certaines dispositions concernant la nationalité française ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la requérante par Me Cloris, enregistrées le 28 octobre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Cloris, pour la requérante, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 30 novembre 2021 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 153 du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de la loi du 28 juillet 1960 mentionnée ci-dessus, détermine les effets de la déclaration recognitive de nationalité française souscrite sur le fondement de l'article 152 du même code. Il prévoit : « Les enfants mineurs de dix-huit ans, non mariés, des personnes ayant bénéficié des dispositions de l'article 152 suivront la condition : « 1° S'ils sont légitimes, de leur père ou, en cas de prédécès de celui-ci, de leur mère survivante ; « 2° S'ils sont enfants naturels, du parent à l'égard duquel leur filiation est d'abord établie ou, en cas de prédécès de celui-ci, de l'autre parent survivant ». 2. La requérante reproche à ces dispositions de prévoir que seule la déclaration recognitive de nationalité souscrite par le père bénéficie à ses enfants légitimes mineurs, alors que la même déclaration souscrite par leur mère n'emporte un tel effet qu'en cas de prédécès du père. Il en résulterait une différence de traitement contraire au principe d'égalité devant la loi et au principe d'égalité entre les hommes et les femmes. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le 1° de l'article 153 du code de la nationalité française. - Sur le fond : 4. Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 5. Le troisième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 dispose : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme ». 6. L'article 152 du code de la nationalité française prévoit que les personnes domiciliées dans certains territoires ayant accédé à l'indépendance, auxquelles une autre nationalité est conférée par disposition générale alors qu'elles possèdent la nationalité française, peuvent se voir reconnaître cette dernière nationalité par déclaration reçue par le juge compétent du lieu où elles établissent leur domicile sur le territoire de la République française. 7. Les dispositions contestées de l'article 153 du même code prévoient que les enfants légitimes mineurs de dix-huit ans non mariés suivent la condition de leur père lorsque celui-ci a souscrit une déclaration recognitive de nationalité française. En revanche, lorsque cette déclaration a été souscrite par leur mère, ils suivent la condition de cette dernière uniquement en cas de prédécès du père. Dès lors, ces dispositions instaurent une différence de traitement, d'une part, entre les enfants légitimes selon que la déclaration a été souscrite par le père ou la mère, d'autre part, entre le père et la mère. 8. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu maintenir une unité familiale en s'assurant que tous les enfants légitimes mineurs d'un même couple possèdent la même nationalité. 9. Toutefois, un tel motif n'est pas de nature à justifier la différence de traitement résultant de ce que seule la déclaration recognitive de nationalité souscrite par le père produise des effets à l'égard des enfants du couple. Cette différence de traitement n'est pas davantage justifiée par une différence de situation. 10. Par conséquent, les dispositions contestées méconnaissent les exigences résultant de l'article 6 de la Déclaration de 1789 et du troisième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et doivent donc être déclarées contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 11. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 12. D'une part, les dispositions déclarées inconstitutionnelles ont été abrogées par la loi du 9 janvier 1973 mentionnée ci-dessus. 13. D'autre part, la remise en cause des situations juridiques résultant de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles aurait des conséquences manifestement excessives si cette inconstitutionnalité pouvait être invoquée par tous les descendants d'un enfant légitime qui ne s'est pas vu reconnaître la nationalité française du fait que la déclaration recognitive de nationalité a été souscrite uniquement par sa mère. 14. Par conséquent, il y a lieu de prévoir que la déclaration d'inconstitutionnalité du 1° de l'article 153 du code de la nationalité française prend effet à compter de la publication de la présente décision. Elle ne peut être invoquée que par les enfants légitimes dont la mère a souscrit, dans les délais prescrits, une déclaration recognitive de nationalité sur le fondement de l'article 152 du code de la nationalité française, alors qu'ils étaient mineurs, âgés de moins de dix-huit ans et non mariés. Leurs descendants peuvent également se prévaloir des décisions reconnaissant que, compte tenu de cette inconstitutionnalité, ces personnes ont la nationalité française. Cette déclaration d'inconstitutionnalité peut être invoquée dans toutes les instances en cours ou à venir. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le 1° de l'article 153 du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de la loi n° 60-752 du 28 juillet 1960 portant modification de certaines dispositions du code de la nationalité française, est contraire à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées aux paragraphes 12 à 14 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 décembre 2021, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 10 décembre 2021.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 23 septembre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1230 du 21 septembre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Omar Y. par Me Sarah Bensaber et Me Pierre-Jean Gribouva, avocats au barreau de Douai. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-952 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 77-1-1 et 77-1-2 du code de procédure pénale. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ; - la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 13 octobre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour le requérant par la SCP Spinosi, enregistrées le 28 octobre 2021 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le requérant, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 23 novembre 2021 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi du 24 décembre 2020 mentionnée ci-dessus, et de l'article 77-1-2 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 23 mars 2019 mentionnée ci-dessus. 2. L'article 77-1-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi 24 décembre 2020, prévoit : « Le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l'officier ou l'agent de police judiciaire, peut, par tout moyen, requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des informations intéressant l'enquête, y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces informations, notamment sous forme numérique, le cas échéant selon des normes fixées par voie réglementaire, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel. Lorsque les réquisitions concernent des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-5, la remise des informations ne peut intervenir qu'avec leur accord. « En cas d'absence de réponse de la personne aux réquisitions, les dispositions du second alinéa de l'article 60-1 sont applicables. « Le dernier alinéa de l'article 60-1 est également applicable. « Le procureur de la République peut, par la voie d'instructions générales prises en application de l'article 39-3, autoriser les officiers ou agents de police judiciaire, pour des catégories d'infractions qu'il détermine, à requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique, de leur remettre des informations intéressant l'enquête qui sont issues d'un système de vidéoprotection. Le procureur est avisé sans délai de ces réquisitions. Ces instructions générales ont une durée qui ne peut excéder six mois. Elles peuvent être renouvelées ». 3. L'article 77-1-2 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 23 mars 2019, prévoit : « Sur autorisation du procureur de la République, l'officier ou l'agent de police judiciaire peut procéder aux réquisitions prévues par le premier alinéa de l'article 60-2. « Sur autorisation du juge des libertés et de la détention saisi à cette fin par le procureur de la République, l'officier ou l'agent de police peut procéder aux réquisitions prévues par le deuxième alinéa de l'article 60-2. « Les organismes ou personnes concernés mettent à disposition les informations requises par voie télématique ou informatique dans les meilleurs délais. « Le fait de refuser de répondre sans motif légitime à ces réquisitions est puni conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l'article 60-2 ». 4. Le requérant reproche à ces dispositions de permettre au procureur de la République d'autoriser, sans contrôle préalable d'une juridiction indépendante, la réquisition d'informations issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, qui comprennent les données de connexion. Il en résulterait une méconnaissance, d'une part, du droit de l'Union européenne et, d'autre part, du droit au respect de la vie privée, ainsi que des droits de la défense et du droit à un recours juridictionnel effectif. Pour les mêmes motifs, le législateur aurait en outre méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant les droits précités. 5. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « , y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, » figurant à la première phrase du premier alinéa de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale et « aux réquisitions prévues par le premier alinéa de l'article 60-2 » figurant au premier alinéa de l'article 77-1-2 du même code. - Sur le fond : 6. Aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression ». La liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de la vie privée. 7. En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. Il lui incombe d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infraction et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée. 8. L'article 77-1-1 du code de procédure pénale permet au procureur de la République ou, sur son autorisation, à un officier ou à un agent de police judiciaire, dans le cadre d'une enquête préliminaire, de requérir, par tout moyen, des informations détenues par toute personne publique ou privée y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel. 9. L'article 77-1-2 prévoit que, sur autorisation du procureur de la République, l'officier ou l'agent de police judiciaire peut requérir d'un organisme public ou de certaines personnes morales de droit privé, par voie télématique ou informatique, la mise à disposition d'informations non protégées par un secret prévu par la loi, contenues dans un système informatique ou un traitement de données nominatives. 10. En permettant de requérir des informations issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, les dispositions contestées autorisent ainsi le procureur de la République et les officiers et agents de police judiciaire à se faire communiquer des données de connexion ou à y avoir accès. 11. D'une part, les données de connexion comportent notamment les données relatives à l'identification des personnes, à leur localisation et à leurs contacts téléphoniques et numériques ainsi qu'aux services de communication au public en ligne qu'elles consultent. Compte tenu de leur nature, de leur diversité et des traitements dont elles peuvent faire l'objet, les données de connexion fournissent sur les personnes en cause ainsi que, le cas échéant, sur des tiers, des informations nombreuses et précises, particulièrement attentatoires à leur vie privée. 12. D'autre part, en application des dispositions contestées, la réquisition de ces données est autorisée dans le cadre d'une enquête préliminaire qui peut porter sur tout type d'infraction et qui n'est pas justifiée par l'urgence ni limitée dans le temps. 13. Si ces réquisitions sont soumises à l'autorisation du procureur de la République, magistrat de l'ordre judiciaire auquel il revient, en application de l'article 39-3 du code de procédure pénale, de contrôler la légalité des moyens mis en œuvre par les enquêteurs et la proportionnalité des actes d'investigation au regard de la nature et de la gravité des faits, le législateur n'a assorti le recours aux réquisitions de données de connexion d'aucune autre garantie. 14. Dans ces conditions, le législateur n'a pas entouré la procédure prévue par les dispositions contestées de garanties propres à assurer une conciliation équilibrée entre, d'une part, le droit au respect de la vie privée et, d'autre part, la recherche des auteurs d'infractions. 15. Par conséquent, sans qu'il soit besoin de se prononcer ni sur le grief tiré de la méconnaissance du droit de l'Union européenne qu'il n'appartient pas, au demeurant, au Conseil constitutionnel d'examiner, ni sur les autres griefs, les dispositions contestées doivent être déclarées contraires à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 16. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 17. En l'espèce, l'abrogation immédiate des dispositions contestées entraînerait des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 31 décembre 2022 la date de l'abrogation des dispositions contestées. D'autre part, les mesures prises avant cette date ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots «, y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, » figurant à la première phrase du premier alinéa de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, et « aux réquisitions prévues par le premier alinéa de l'article 60-2 » figurant au premier alinéa de l'article 77-1-2 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, sont contraires à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 17 de cette décision. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 2 décembre 2021, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 3 décembre 2021.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 11 octobre 2021 par la Cour de cassation (deuxième chambre civile, arrêt n° 1037 du 7 octobre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Vincent T. et Mme Stéphanie T. par Me Didier Le Prado, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-957 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 114-1 du code des assurances. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code des assurances ; - le code civil ; - la loi du 13 juillet 1930 relative au contrat d'assurance ; - la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 ; - le décret n° 76-666 du 16 juillet 1976 relatif à la codification des textes législatifs concernant les ‎assurances ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les requérants par Me Le Prado, enregistrées le 2 novembre 2021 ; - les observations présentées pour la société Garantie mutuelle des fonctionnaires, partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par Me Jérôme Rousseau et Me Guillaume Tapie, avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour la fédération française de l'assurance par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour les requérants par Me Charles Fribourg, avocat au barreau de Clermont-Ferrand, enregistrées le 17 novembre 2021 ; - les secondes observations présentées pour la société Garantie mutuelle des fonctionnaires par Me Rousseau et Me Tapie, enregistrées le même jour ; - les secondes observations en intervention présentées pour la fédération française de l'assurance par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Rousseau, pour la partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, Me Emmanuel Piwnica, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour la partie intervenante, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 7 décembre 2021 ; Au vu de la note en délibéré présentée pour la fédération française de l'assurance par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrée le 13 décembre 2021 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. La question prioritaire de constitutionnalité doit être considérée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Dès lors, le Conseil constitutionnel est saisi de l'article L. 114-1 du code des assurances dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 mentionnée ci-dessus. 2. L'article L. 114-1 du code des assurances, dans cette rédaction, prévoit :« Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. « Toutefois, ce délai ne court : « 1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance ; « 2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là. « Quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier. « La prescription est portée à dix ans dans les contrats d'assurance sur la vie lorsque le bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur et, dans les contrats d'assurance contre les accidents atteignant les personnes, lorsque les bénéficiaires sont les ayants droit de l'assuré décédé. « Pour les contrats d'assurance sur la vie, nonobstant les dispositions du 2°, les actions du bénéficiaire sont prescrites au plus tard trente ans à compter du décès de l'assuré ». 3. Les requérants reprochent à ces dispositions de n'accorder qu'un délai de deux ans à l'assuré non professionnel pour intenter une action contre son assureur tandis que les autres consommateurs bénéficient du délai de droit commun de cinq ans pour intenter une action contre un professionnel. Or, l'assuré non professionnel et les autres consommateurs seraient placés dans une situation identique en raison de leur position de faiblesse face à leurs cocontractants. 4. Ils critiquent également l'application d'un même délai de prescription de deux ans aux actions intentées par l'assureur et à celles intentées par l'assuré, sans que soit prise en considération la position de faiblesse de ce dernier. 5. Il en résulterait une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi et la justice. 6. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le premier alinéa de l'article L. 114-1 du code des assurances. - Sur les conclusions aux fins de non-lieu : 7. La partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée soutient qu'il n'y aurait pas lieu pour le Conseil constitutionnel de statuer sur la conformité des dispositions contestées aux droits et libertés que la Constitution garantit, dans la mesure où, selon elle, ces dispositions ne seraient pas de nature législative. 8. Aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ». Le Conseil constitutionnel ne peut être saisi dans les conditions prévues par cet article que de dispositions de nature législative. 9. Les dispositions contestées, issues de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1930 mentionnée ci-dessus, ont été codifiées à l'article L. 114-1 du code des assurances par le décret du 16 juillet 1976 mentionné ci-dessus. Cette codification est intervenue à droit constant. 10. Par suite, les dispositions contestées revêtent le caractère de dispositions législatives au sens de l'article 61-1 de la Constitution. Il y a lieu pour le Conseil constitutionnel d'en connaître. - Sur le fond : 11. Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Il n'en résulte pas pour autant que le principe d'égalité oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes. 12. En application de l'article 2224 du code civil, le délai de prescription de droit commun des actions civiles, personnelles ou mobilières, est de cinq ans. 13. Par dérogation, les dispositions contestées de l'article L. 114-1 du code des assurances prévoient que toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. 14. En premier lieu, le contrat d'assurance se caractérise en particulier par la garantie d'un risque en contrepartie du versement d'une prime ou d'une cotisation. Il se distingue à cet égard des autres contrats, en particulier des contrats soumis au code de la consommation. Ainsi, le législateur a pu prévoir, pour les actions dérivant des contrats d'assurance, un délai de prescription différent du délai de prescription de droit commun de cinq ans applicable, en l'absence de dispositions spécifiques, aux autres contrats. 15. La différence de traitement critiquée par les requérants, qui est ainsi fondée sur une différence de situation, est en rapport avec l'objet de la loi. 16. En second lieu, en prévoyant l'application d'un même délai de prescription de deux ans tant aux actions des assurés qu'à celles des assureurs, les dispositions contestées n'instituent aucune différence de traitement entre les parties à un contrat d'assurance. 17. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être écarté. 18. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus le principe d'égalité devant la justice ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Le premier alinéa de l'article L. 114-1 du code des assurances, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 décembre 2021, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD et François PILLET. Rendu public le 17 décembre 2021.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 11 octobre 2021 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1339 du 6 octobre 2021), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Théo S. par Me Xantiana Cachenaut, avocate au barreau de Bayonne. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-958 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 706-19 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par Me Cachenaut, enregistrées le 2 novembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Cachenaut, pour le requérant, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 7 décembre 2021 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 706-19 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi du 24 décembre 2020 mentionnée ci-dessus, prévoit :« La juridiction saisie en application de la présente section reste compétente quelles que soient les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l'affaire, sous réserve de l'application des articles 181 et 469. Si les faits constituent une contravention, le juge d'instruction prononce le renvoi de l'affaire devant le tribunal de police compétent en application de l'article 522 ». 2. Le requérant reproche à ces dispositions de maintenir la compétence des juridictions parisiennes pour connaître des infractions terroristes alors même que la qualification terroriste des faits a été écartée en cours de procédure. Il en résulterait une différence de traitement injustifiée entre les personnes mises en cause, selon que les faits qui leur sont reprochés ont ou non reçu initialement une telle qualification, en méconnaissance du principe d'égalité devant la loi et la justice. Il soutient également qu'en raison de la distance qui peut exister entre ces juridictions et le domicile du prévenu ou le lieu de commission de l'infraction, ces dispositions seraient susceptibles de faire peser des contraintes sur l'organisation de la défense, de nature à porter atteinte au droit à un procès équitable et aux droits de la défense. 3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur la première phrase de l'article 706-19 du code de procédure pénale. 4. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales. 5. L'article 706-17 du code de procédure pénale prévoit que, pour la poursuite, l'instruction et le jugement des actes de terrorisme et des infractions en lien avec de tels actes, le procureur de la République antiterroriste, le juge d'instruction, le tribunal correctionnel et la cour d'assises de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des règles de compétence territoriale de droit commun. 6. En application des dispositions contestées, ces juridictions d'instruction et de jugement demeurent compétentes pour connaître des faits de nature délictuelle dont elles ont été saisies sous une qualification terroriste, même dans le cas où cette qualification n'est pas retenue lors du règlement ou du jugement de l'affaire. 7. D'une part, les dispositions contestées ont pour objet d'éviter que l'abandon en cours de procédure de la qualification terroriste des faits conduise au dessaisissement de la juridiction initialement saisie et au renvoi de l'affaire vers une autre juridiction. 8. D'autre part, ces dispositions se bornent à prévoir une règle spéciale de compétence territoriale. La juridiction parisienne compétente est formée et composée dans les conditions de droit commun et fait application des mêmes règles de procédure et de fond que celles applicables devant les autres juridictions. Sont ainsi assurées aux justiciables des garanties égales. 9. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la justice doit être écarté. 10. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus le droit à un procès équitable ou les droits de la défense, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La première phrase de l'article 706-19 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 décembre 2021, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT. Rendu public le 17 décembre 2021.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 16 septembre 2021 par le Conseil d'État (décision n° 453763 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la société Coyote system par Mes Yann Aguila et Guillaume Froger, avocats au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-948 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 130-11 et L. 130-12 du code de la route, dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le règlement délégué (UE) n° 886/2013 de la Commission du 15 mai 2013 complétant la directive 2010/40/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les données et procédures pour la fourniture, dans la mesure du possible, d'informations minimales universelles sur la circulation liées à la sécurité routière gratuites pour les usagers ; - le code de la route ; - la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la société requérante par Mes Aguila et Froger, enregistrées le 30 septembre 2021 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 6 octobre 2021 ; - les secondes observations présentées pour la société requérante par Mes Aguila et Froger, enregistrées le 21 octobre 2021 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Froger, pour la société requérante, et M. Antoine Pavageau, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 16 novembre 2021 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 130-11 du code de la route, dans sa rédaction issue de la loi du 24 décembre 2019 mentionnée ci-dessus, prévoit : « I. - Lorsqu'est réalisé sur une voie ouverte ou non à la circulation publique un contrôle routier impliquant l'interception des véhicules et destiné soit à procéder aux opérations prévues aux articles L. 234-9 ou L. 235-2 du présent code ou aux articles 78-2-2 ou 78-2-4 du code de procédure pénale, soit à vérifier que les conducteurs ou passagers ne font pas l'objet de recherches ordonnées par les autorités judiciaires pour des crimes ou délits punis d'au moins trois ans d'emprisonnement ou ne sont pas inscrits dans le fichier mentionné à l'article 230-19 du même code à raison de la menace qu'ils constituent pour l'ordre ou la sécurité publics ou parce qu'ils font l'objet d'une décision de placement d'office en établissement psychiatrique ou se sont évadés d'un tel établissement, il peut être interdit par l'autorité administrative à tout exploitant d'un service électronique d'aide à la conduite ou à la navigation par géolocalisation de rediffuser au moyen de ce service tout message ou toute indication émis par les utilisateurs de ce service dès lors que cette rediffusion est susceptible de permettre aux autres utilisateurs de se soustraire au contrôle. « L'interdiction de rediffusion mentionnée au premier alinéa du présent I consiste, pour tout exploitant d'un service électronique d'aide à la conduite ou à la navigation par géolocalisation, à occulter, pour toutes les voies ou portions de voies qui lui sont désignées par l'autorité compétente, tous les messages et indications qu'il aurait habituellement rediffusés aux utilisateurs dans un mode de fonctionnement normal du service. La durée de cette interdiction ne peut excéder deux heures si le contrôle routier concerne une opération prévue aux articles L. 234-9 ou L. 235-2 du présent code ou douze heures s'il concerne une autre opération mentionnée au premier alinéa du présent I. Les voies ou portions de voies concernées ne peuvent s'étendre au-delà d'un rayon de dix kilomètres autour du point de contrôle routier lorsque celui-ci est situé hors agglomération et au-delà de deux kilomètres autour du point de contrôle routier lorsque celui-ci est situé en agglomération. « II. - L'interdiction mentionnée au I du présent article ne s'applique pas, sur le réseau routier national défini à l'article L. 121-1 du code de la voirie routière, aux évènements ou circonstances prévus à l'article 3 du règlement délégué (UE) n° 886/2013 de la Commission du 15 mai 2013 complétant la directive 2010/40/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les données et procédures pour la fourniture, dans la mesure du possible, d'informations minimales universelles sur la circulation liées à la sécurité routière gratuites pour les usagers. « III. - Les modalités de détermination des voies ou portions de voies concernées par l'interdiction mentionnée au I, les modalités de communication avec les exploitants de service électronique d'aide à la conduite ou à la navigation par géolocalisation aux fins de mise en œuvre de cette interdiction ainsi que les mesures destinées à assurer la confidentialité des informations transmises à ces exploitants sont définies par un décret en Conseil d'État ». 2. L'article L. 130-12 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi, prévoit : « Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende le fait pour tout exploitant d'un service électronique d'aide à la conduite ou à la navigation par géolocalisation : « 1° De contrevenir à l'interdiction de diffusion mentionnée à l'article L. 130-11 dès lors qu'elle lui aura été communiquée dans les conditions prévues par le décret en Conseil d'État mentionné au III du même article L. 130-11 ; « 2° De diffuser les informations qui lui auront été communiquées aux fins de mise en œuvre de cette interdiction ou de les exploiter à une autre fin que celle prévue audit article L. 130-11 ». 3. La société requérante reproche à ces dispositions de permettre à l'administration, afin de renforcer l'efficacité des contrôles routiers, d'interdire aux exploitants de systèmes électroniques d'aide à la conduite ou à la navigation de rediffuser à leurs utilisateurs certaines informations. 4. Elle fait valoir, en premier lieu, que ces dispositions s'appliquent à des informations ne constituant pas un abus de la liberté d'expression et de communication et qu'elles porteraient à cette liberté une atteinte qui ne serait ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée à l'objectif poursuivi par le législateur. 5. La société requérante soutient, en deuxième lieu, que les dispositions renvoyées méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi en instaurant plusieurs différences de traitement injustifiées entre les exploitants de ces services, selon qu'ils sont établis ou non en France, entre leurs utilisateurs, selon le type de réseau routier qu'ils empruntent, et selon les technologies de diffusion d'informations utilisées. 6. En troisième lieu, elle considère que les dispositions renvoyées priveraient d'intérêt ces services tout en entraînant pour eux des coûts exorbitants. Il en résulterait une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre et une méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques. 7. En quatrième lieu, la société requérante reproche à ces dispositions de méconnaître l'article 34 de la Constitution et le droit à la vie, faute de garantir la confidentialité de la transmission par l'administration aux exploitants de la localisation des agents publics chargés de mettre en œuvre les contrôles routiers. 8. En dernier lieu, ces dispositions méconnaîtraient le principe de légalité des délits et des peines, compte tenu de l'insuffisante précision de l'obligation mise à la charge des exploitants, dont la méconnaissance est pénalement sanctionnée. 9. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur l'article L. 130-11 et le 1° de l'article L. 130-12 du code de la route. - Sur le fond : . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'expression et de communication : 10. Aux termes de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». En l'état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l'expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d'accéder à ces services et de s'y exprimer. 11. L'article 34 de la Constitution dispose : « La loi fixe les règles concernant ... les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ». Sur ce fondement, il est loisible au législateur d'édicter des règles de nature à concilier la poursuite de l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions avec l'exercice du droit de libre communication et de la liberté de parler, écrire et imprimer. Cependant, la liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés. Il s'ensuit que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi. 12. L'article L. 130-11 du code de la route prévoit que l'autorité administrative peut, à l'occasion de certains contrôles routiers, interdire aux exploitants d'un service électronique d'aide à la conduite ou à la navigation par géolocalisation de rediffuser les messages et indications émis par les utilisateurs de ce service. Le 1° de l'article L. 130-12 du même code punit de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende le fait pour ces exploitants de méconnaître une telle interdiction. 13. Ces dispositions, qui permettent à l'autorité administrative de priver des utilisateurs de services de communication au public en ligne de la possibilité d'échanger certaines informations, portent atteinte à la liberté d'expression et de communication. 14. En premier lieu, ces dispositions, qui ont pour objet d'éviter que les automobilistes puissent se soustraire à certains contrôles de police, poursuivent l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions. 15. En deuxième lieu, d'une part, l'interdiction prévue par l'article L. 130-11 du code de la route ne s'applique qu'aux services électroniques dédiés spécifiquement à l'aide à la conduite et à la navigation routières. D'autre part, cette interdiction ne peut être prononcée que dans le cas de contrôles routiers impliquant l'interception des véhicules, et pour procéder à des contrôles d'alcoolémie et de l'usage de stupéfiants, à certains contrôles d'identité, visites de véhicules et fouilles de bagages, à des recherches ordonnées par les autorités judiciaires pour des crimes ou délits punis d'au moins trois ans d'emprisonnement et à des vérifications concernant l'inscription des conducteurs ou passagers dans le fichier des personnes recherchées à raison de la menace qu'ils constituent pour l'ordre ou la sécurité publics ou parce qu'ils font l'objet d'une décision de placement d'office en établissement psychiatrique ou se sont évadés d'un tel établissement. Cette interdiction ne s'applique qu'à ces contrôles limitativement énumérés, au nombre desquels ne figurent pas les contrôles de vitesse. 16. En troisième lieu, la durée de l'interdiction est limitée à deux heures en cas de contrôle d'alcoolémie ou de stupéfiants, et à douze heures dans les autres cas. En outre, le périmètre de cette interdiction ne peut s'étendre au-delà d'un rayon de dix kilomètres autour du point de contrôle routier lorsque celui-ci est situé hors agglomération et au-delà de deux kilomètres en agglomération. 17. En dernier lieu, le paragraphe II de l'article L. 130-11 prévoit que sur le réseau routier national, cette interdiction ne peut porter sur les informations relatives aux événements et circonstances liés à la sécurité routière prévus à l'article 3 du règlement délégué de la Commission européenne du 15 mai 2013 mentionnée ci-dessus, c'est-à-dire celles portant sur le caractère glissant de la chaussée, la présence d'obstacle sur la route, une zone d'accident ou de travaux, une visibilité réduite, un conducteur à contresens, une obstruction non gérée ou des conditions météorologiques exceptionnelles. 18. En revanche, hors du réseau routier national, cette interdiction vise, sans exception, toute information habituellement rediffusée aux utilisateurs par l'exploitant du service. Ainsi, elle est susceptible de s'appliquer à de nombreuses informations qui sont sans rapport avec la localisation des contrôles de police. Dans ces conditions, cette interdiction porte à la liberté d'expression et de communication une atteinte qui n'est pas adaptée, nécessaire et proportionnée au but poursuivi. 19. Il en résulte que les mots « , sur le réseau routier national défini à l'article L. 121-1 du code de la voirie routière, » figurant au paragraphe II de l'article L. 130-11 du code de la route méconnaissent la liberté d'expression et de communication et doivent être déclarés contraires à la Constitution. . En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi : 20. Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 21. En premier lieu, les systèmes d'aide à la conduite ou à la navigation par géolocalisation sont spécifiquement dédiés à la conduite et leur usage est autorisé au volant. Au regard de l'objet de la loi, les exploitants de tels systèmes sont dans une situation différente de ceux proposant d'autres services de communication au public en ligne. 22. En deuxième lieu, les dispositions contestées s'appliquent à tous les exploitants des systèmes utilisés sur le territoire français, que leur lieu d'établissement se situe en France ou à l'étranger. Elles n'instituent donc aucune différence de traitement entre ces exploitants. 23. En dernier lieu, compte tenu de la déclaration d'inconstitutionnalité mentionnée au paragraphe 19 de la présente décision, il ne saurait, en tout état de cause, être reproché aux dispositions contestées d'établir une différence de traitement entre les utilisateurs des systèmes d'aide à la conduite selon qu'ils se situent ou non sur le réseau routier national. 24. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté. 25. Il résulte de tout ce qui précède que, à l'exception des mots déclarés contraires à la Constitution au paragraphe 19, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent ni la liberté d'entreprendre, ni le principe d'égalité devant les charges publiques, ni l'article 34 de la Constitution, ni le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, ni le principe de légalité des délits et des peines, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. - Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité : 26. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières. 27. En l'espèce, aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de la présente décision. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « , sur le réseau routier national défini à l'article L. 121-1 du code de la voirie routière, » figurant au paragraphe II de l'article L. 130-11 du code de la route, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, sont contraires à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions prévues au paragraphe 27 de cette décision. Article 3. - Le reste de l'article L. 130-11 du code de la route et le 1° de l'article L. 130-12 du même code, dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, sont conformes à la Constitution. Article 4. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 novembre 2021, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mme Dominique LOTTIN, MM. Jacques MÉZARD et Michel PINAULT. Rendu public le 24 novembre 2021.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 8 juin 2016 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 803 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Pierre D. par la SCP Nicolas Boullez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-560 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du sixième alinéa de l'article 1397 du code civil. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code civil ; - la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour le requérant par la SCP Nicolas Boullez, enregistrées les 30 juin et 18 juillet 2016 ; - les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 30 juin 2016 ; - les pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Nicolas Boullez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 2 août 2016 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Selon l'article 1397 du code civil, les époux peuvent, dans certaines conditions, changer de régime matrimonial par acte notarié. Cet acte notarié est soumis à homologation judiciaire en présence d'enfants mineurs ou en cas d'opposition formée par les personnes parties au contrat modifié, par les enfants majeurs de chaque époux ou les créanciers des époux. Le sixième alinéa de l'article 1397 du code civil dans sa rédaction résultant de la loi du 5 mars 2007 mentionnée ci-dessus dispose : « Le changement a effet entre les parties à la date de l'acte ou du jugement qui le prévoit et, à l'égard des tiers, trois mois après que mention en a été portée en marge de l'acte de mariage. Toutefois, en l'absence même de cette mention, le changement n'en est pas moins opposable aux tiers si, dans les actes passés avec eux, les époux ont déclaré avoir modifié leur régime matrimonial ». 2. Le requérant soutient qu'en prévoyant que le changement de régime matrimonial prend effet, entre les époux, à des dates différentes selon que l'acte notarié y procédant est soumis ou non à homologation judiciaire, les dispositions contestées instituent une différence de traitement entre les conjoints, notamment selon qu'ils ont ou non des enfants mineurs, contraire au principe d'égalité devant la loi. 3. Le requérant conteste uniquement le choix du législateur de fixer différemment la date de prise d'effet entre les époux du changement de régime matrimonial selon que l'acte notarié est soumis ou non à homologation judiciaire. La question prioritaire de constitutionnalité porte donc sur les mots « entre les parties à la date de l'acte ou du jugement qui le prévoit et, » figurant dans la première phrase du sixième alinéa de l'article 1397 du code civil. 4. Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 5. Les dispositions contestées font dépendre la date de prise d'effet du changement de régime matrimonial de l'existence ou non d'une homologation judiciaire. Or, les époux dont le changement de régime matrimonial doit faire l'objet d'un acte notarié soumis à homologation par le juge, que ce soit en raison de l'opposition formée par les titulaires de ce droit ou de la présence d'enfants mineurs, ne se trouvent pas dans la même situation que les époux dont le changement de régime matrimonial n'est pas soumis à une telle procédure qui vise à protéger des personnes dont les intérêts sont ou pourraient être lésés. Dès lors, pour les époux dont le changement de régime matrimonial doit faire l'objet d'un acte notarié soumis à homologation par le juge, en retenant comme date de prise d'effet de ce changement de régime celle du jugement d'homologation, le législateur a établi une différence de traitement en rapport direct avec l'objet de la loi qui est de fixer la date à laquelle le changement de régime matrimonial est acquis. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être écarté. 6. Les mots « entre les parties à la date de l'acte ou du jugement qui le prévoit et, » figurant dans la première phrase du sixième alinéa de l'article 1397 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi du 5 mars 2007, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er.- Les mots « entre les parties à la date de l'acte ou du jugement qui le prévoit et, » figurant dans la première phrase du sixième alinéa de l'article 1397 du code civil dans sa rédaction résultant de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs sont conformes à la Constitution. Article 2.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 septembre 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT. Rendu public le 8 septembre 2016.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 27 juillet 2022 par le Conseil d'État (décision n° 440070 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Bruno M. par la SCP Nicolaÿ - de Lanouvelle, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-1019 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 49 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable, dans sa rédaction résultant de la loi n° 94-679 du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, et de l'article 50 de la même ordonnance, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2004-279 du 25 mars 2004 portant simplification et adaptation des conditions d'exercice de certaines activités professionnelles. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable ; - la loi n° 94-679 du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier ; - l'ordonnance n° 2004-279 du 25 mars 2004 portant simplification et adaptation des conditions d'exercice de certaines activités professionnelles, ratifiée par l'article 78 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour M. Thierry M., partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par la SCP Duhamel, Rameix, Gury, Maitre, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 5 août 2022 ; - les observations présentées pour le Conseil national de l'ordre des experts-comptables, partie au litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 16 août 2022 ; - les observations présentées pour le requérant par la SCP Nicolaÿ - de Lanouvelle, enregistrées le 17 août 2022 ; - les observations présentées par la Première ministre, enregistrées le 18 août 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Jean-Philippe Duhamel, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour M. Thierry M., Me Fabrice Sebagh, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour le Conseil national de l'ordre des experts-comptables, et M. Antoine Pavageau, désigné par la Première ministre, à l'audience publique du 18 octobre 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 49 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 mentionnée ci-dessus, dans sa rédaction résultant de la loi du 8 août 1994 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Il est institué auprès de chaque conseil régional de l'ordre une chambre régionale de discipline. « La chambre régionale de discipline est composée : « 1° D'un président désigné par le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle est situé le conseil régional parmi les magistrats du siège de cette cour ; « 2° De deux membres du conseil régional de l'ordre, élus par ce conseil lors de chaque renouvellement. « Un président et des membres suppléants sont désignés dans les mêmes conditions ». 2. L'article 50 de la même ordonnance, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 25 mars 2004 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Il est institué auprès du conseil supérieur de l'ordre une chambre nationale de discipline. « La chambre nationale de discipline est composée : « 1° D'un président désigné par le garde des sceaux, ministre de la justice, parmi les présidents de chambre de la cour d'appel de Paris ; « 2° D'un conseiller référendaire à la Cour des comptes et d'un fonctionnaire, désignés par le ministre de l'économie et des finances ; « 3° De deux membres du conseil supérieur de l'ordre, élus par ce conseil lors de chaque renouvellement. « La chambre nationale de discipline statue en appel sur les décisions prises par la commission mentionnée à l'article 49 bis. Dans ce cas, un des membres du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables est remplacé par un représentant des associations de gestion et de comptabilité désigné par les fédérations mentionnées au 3° de l'article 49 bis. « Un président et des membres suppléants sont désignés dans les mêmes conditions ». 3. Le requérant reproche à ces dispositions de ne pas prévoir la séparation entre les fonctions de poursuite et d'instruction et celles de jugement dans la procédure devant les instances disciplinaires de l'ordre des experts-comptables. Elles méconnaîtraient ainsi les principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions. 4. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Sont garantis par ces dispositions les principes d'indépendance et d'impartialité, indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles. 5. Les dispositions contestées instituent les chambres régionales de discipline et la chambre nationale de discipline de l'ordre des experts-comptables, qui sont compétentes pour connaître, en première instance et en appel, des manquements de ces professionnels aux obligations légales, réglementaires et déontologiques auxquelles ils sont soumis. 6. En premier lieu, ces dispositions, qui se bornent à définir la composition de la chambre régionale de discipline et de la chambre nationale de discipline, n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre qu'un membre de ces juridictions qui aurait engagé des poursuites disciplinaires ou accompli des actes d'instruction siège au sein de la formation de jugement. 7. En second lieu, la procédure disciplinaire applicable aux experts-comptables, soumise aux principes d'indépendance et d'impartialité, ne relève pas du domaine de la loi mais, sous le contrôle du juge compétent, du domaine réglementaire. 8. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de ce que les dispositions législatives contestées n'institueraient pas les règles de procédure garantissant le respect de ces principes doit être écarté. 9. Par conséquent, ces dispositions, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - L'article 49 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable, dans sa rédaction résultant de la loi n° 94-679 du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, et l'article 50 de la même ordonnance, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2004-279 du 25 mars 2004 portant simplification et adaptation des conditions d'exercice de certaines activités professionnelles, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 octobre 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 27 octobre 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 16 mai 2022 par le Conseil d'État (décision n° 459000 du 12 mai 2022), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée par l'association Groupe d'information et d'action sur les questions procréatives et sexuelles. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-1003 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de la santé publique ; - la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par l'association requérante, enregistrées le 25 mai 2022 ; - les observations présentées par la Première ministre, enregistrées le 27 mai 2022 ; - les secondes observations présentées par l'association requérante, enregistrées le 8 juin 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Magaly Lhotel, avocate au barreau de Paris, pour l'association requérante, et M. Antoine Pavageau, désigné par la Première ministre, à l'audience publique du 28 juin 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 2141-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi du 2 août 2021 mentionnée ci-dessus, prévoit : « L'assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d'un homme et d'une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l'assistance médicale à la procréation après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l'équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire effectués selon les modalités prévues à l'article L. 2141-10. « Cet accès ne peut faire l'objet d'aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l'orientation sexuelle des demandeurs. « Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent consentir préalablement à l'insémination artificielle ou au transfert des embryons. « Lorsqu'il s'agit d'un couple, font obstacle à l'insémination ou au transfert des embryons : « 1° Le décès d'un des membres du couple ; « 2° L'introduction d'une demande en divorce ; « 3° L'introduction d'une demande en séparation de corps ; « 4° La signature d'une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités prévues à l'article 229-1 du code civil ; « 5° La cessation de la communauté de vie ; « 6° La révocation par écrit du consentement prévu au troisième alinéa du présent article par l'un ou l'autre des membres du couple auprès du médecin chargé de mettre en œuvre l'assistance médicale à la procréation. « Une étude de suivi est proposée au couple receveur ou à la femme receveuse, qui y consent par écrit. « Les conditions d'âge requises pour bénéficier d'une assistance médicale à la procréation sont fixées par décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Agence de la biomédecine. Elles prennent en compte les risques médicaux de la procréation liés à l'âge ainsi que l'intérêt de l'enfant à naître. « Lorsqu'un recueil d'ovocytes par ponction a lieu dans le cadre d'une procédure d'assistance médicale à la procréation, il peut être proposé de réaliser dans le même temps une autoconservation ovocytaire ». 2. L'association requérante reproche à ces dispositions de priver de l'accès à l'assistance médicale à la procréation les hommes seuls ou en couple avec un homme, alors même que ceux d'entre eux qui, nés femmes à l'état civil, ont changé la mention de leur sexe, peuvent être en capacité de mener une grossesse. Ce faisant, elles institueraient une différence de traitement injustifiée entre les personnes disposant de capacités gestationnelles selon la mention de leur sexe à l'état civil. Elles seraient ainsi contraires aux principes d'égalité devant la loi et d'égalité entre les hommes et les femmes. Pour les mêmes motifs, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant les principes précités. 3. Selon l'association requérante, les dispositions renvoyées porteraient en outre atteinte à la liberté personnelle et au droit de mener une vie familiale normale, dès lors qu'elles contraindraient les hommes transgenres à renoncer à modifier la mention de leur sexe à l'état civil pour conserver la possibilité d'accéder à l'assistance médicale à la procréation. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « Tout couple formé d'un homme et d'une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l'assistance médicale à la procréation » figurant à la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique. 5. Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel. L'article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité des dispositions législatives soumises à son examen aux droits et libertés que la Constitution garantit. 6. Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 7. Les dispositions contestées ouvrent l'accès à l'assistance médicale à la procréation aux couples formés d'un homme et d'une femme ou de deux femmes ainsi qu'aux femmes non mariées. Elles privent ainsi de cet accès les hommes seuls ou en couple avec un homme. Il s'ensuit que les personnes, nées femmes à l'état civil, qui ont obtenu la modification de la mention relative à leur sexe tout en conservant leurs capacités gestationnelles, en sont exclues. 8. Il ressort des travaux préparatoires que, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu permettre l'égal accès des femmes à l'assistance médicale à la procréation, sans distinction liée à leur statut matrimonial ou à leur orientation sexuelle. Ce faisant, il a estimé, dans l'exercice de sa compétence, que la différence de situation entre les hommes et les femmes, au regard des règles de l'état civil, pouvait justifier une différence de traitement, en rapport avec l'objet de la loi, quant aux conditions d'accès à l'assistance médicale à la procréation. Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en cette matière, d'une telle différence de situation. 9. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté. 10. Les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative et ne méconnaissent pas non plus le droit de mener une vie familiale normale, la liberté personnelle, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les mots « Tout couple formé d'un homme et d'une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l'assistance médicale à la procréation » figurant à la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, sont conformes à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 juillet 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 8 juillet 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 18 mai 2022 par le Conseil d'État (décision nos 461800 et 461803 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour l'union des associations diocésaines de France et autres par la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-1004 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 19-1 et 19-2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, dans leur rédaction issue de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ainsi que des articles 4, 4-1 et 4-2 de la loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes, dans leur rédaction résultant de la même loi du 24 août 2021. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ; - la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État ; - la loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes ; - la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour les requérants par la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, enregistrées le 1er juin 2022 ; - les observations présentées par la Première ministre, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées pour les requérants par la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, enregistrées le 16 juin 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Guillaume Valdelièvre, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour les requérants, et M. Antoine Pavageau, désigné par la Première ministre, à l'audience publique du 5 juillet 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905 mentionnée ci-dessus, dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021 mentionnée ci-dessus, prévoit : « Pour bénéficier des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles prévus par les dispositions législatives et réglementaires, toute association constituée conformément aux articles 18 et 19 de la présente loi doit déclarer sa qualité cultuelle au représentant de l'État dans le département, sans préjudice de la déclaration prévue à l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association. « Le représentant de l'État dans le département peut, dans les deux mois suivant la déclaration, s'opposer à ce que l'association bénéficie des avantages mentionnés au premier alinéa du présent article s'il constate que l'association ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions prévues aux articles 18 et 19 de la présente loi ou pour un motif d'ordre public. Lorsqu'il envisage de faire usage de son droit d'opposition, il en informe l'association et l'invite à présenter ses observations dans un délai d'un mois. « En l'absence d'opposition, l'association qui a déclaré sa qualité cultuelle bénéficie des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles pendant une durée de cinq années, renouvelable par déclaration au représentant de l'État dans le département dans les conditions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article. « Le représentant de l'État dans le département peut, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au deuxième alinéa, retirer le bénéfice des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles, après mise en œuvre d'une procédure contradictoire. « Les modalités d'application du présent article, notamment les documents permettant à l'association de justifier de sa qualité cultuelle, les conditions dans lesquelles est renouvelée la déclaration et les conditions dans lesquelles s'exerce le droit d'opposition de l'administration, sont précisées par décret en Conseil d'État ». 2. L'article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905, dans la même rédaction, prévoit : « I. - Le financement des associations cultuelles est assuré librement dans les conditions prévues au présent article et à l'article 19-3. « II. - Les associations cultuelles peuvent recevoir les cotisations prévues à l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association et le produit des quêtes et collectes pour les frais du culte. Elles peuvent percevoir des rétributions pour les cérémonies et services religieux, même par fondation, pour la location des bancs et sièges et pour la fourniture des objets destinés au service du culte, au service des funérailles dans les édifices religieux ainsi qu'à la décoration de ces édifices. « Elles peuvent recevoir, dans les conditions prévues au II de l'article 910 et à l'article 910-1 du code civil, les libéralités entre vifs ou par testament destinées à l'accomplissement de leur objet ou grevées de charges pieuses ou cultuelles. « Elles peuvent posséder et administrer tous immeubles acquis à titre gratuit, sans préjudice des 2° et 3° de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 précitée. « Les ressources annuelles qu'elles tirent des immeubles qu'elles possèdent et qui ne sont ni strictement nécessaires à l'accomplissement de leur objet, ni grevés de charges pieuses ou cultuelles, à l'exclusion des ressources provenant de l'aliénation de ces immeubles, ne peuvent représenter une part supérieure à 50 % de leurs ressources annuelles totales. « Elles peuvent verser, sans donner lieu à perception de droits, le surplus de leurs recettes à d'autres associations constituées pour le même objet. « III. - Elles ne peuvent, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'État ni des collectivités territoriales ou de leurs groupements. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations ainsi que pour travaux d'accessibilité aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques ». 3. L'article 4 de la loi du 2 janvier 1907 mentionnée ci-dessus, dans sa rédaction résultant de la loi du 24 août 2021, prévoit : « Indépendamment des associations soumises au titre IV de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, l'exercice public d'un culte peut être assuré par voie de réunions tenues sur initiatives individuelles en application de la loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion et dans le respect des articles 25, 34, 35, 35-1, 36 et 36-1 de la loi du 9 décembre 1905 précitée. « L'exercice public d'un culte peut également être assuré au moyen d'associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association. « Ces associations sont soumises aux articles 1er, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 9 bis et 17 de la loi du 1er juillet 1901 précitée ainsi qu'au troisième alinéa de l'article 19 et aux articles 19-3, 25, 34, 35, 35-1, 36, 36-1 et 36-2 de la loi du 9 décembre 1905 précitée ». 4. L'article 4-1 de la loi du 2 janvier 1907, dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021, prévoit : « Les associations mentionnées au deuxième alinéa de l'article 4 de la présente loi sont également soumises aux deux premières phrases du premier alinéa et aux deuxième à cinquième alinéas de l'article 21 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État. Elles établissent leurs comptes annuels de sorte que leurs activités en relation avec l'exercice public d'un culte constituent une unité fonctionnelle présentée séparément. Elles sont tenues de consacrer un compte ouvert dans un établissement mentionné à l'article L. 521-1 du code monétaire et financier à l'exercice de l'ensemble des transactions financières liées à leur activité d'exercice public du culte. « Lorsqu'elles perçoivent des ressources collectées par un appel public à la générosité destiné à soutenir l'exercice du culte, elles sont soumises à l'article 4 de la loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique, dans des conditions définies par un décret en Conseil d'État, qui fixe notamment le seuil à compter duquel le même article 4 s'applique. « Elles assurent la certification de leurs comptes, sans préjudice de l'application de l'article 4-1 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat et du dernier alinéa du II de l'article 19-3 de la loi du 9 décembre 1905 précitée : « 1° Lorsqu'elles délivrent des documents tels que certificats, reçus, états, factures ou attestations permettant à un contribuable d'obtenir une réduction d'impôt en application des articles 200 et 238 bis du code général des impôts ; « 2° Lorsque le montant des subventions publiques reçues annuellement dépasse un seuil défini par décret en Conseil d'État ; « 3° Lorsque leur budget annuel dépasse un seuil défini par décret en Conseil d'État. « Les deux derniers alinéas de l'article 23 de la loi du 9 décembre 1905 précitée sont applicables en cas de non-respect du présent article ». 5. L'article 4-2 de la loi du 2 janvier 1907, dans la même rédaction, prévoit : « Le représentant de l'État dans le département, lorsqu'il constate qu'une association mentionnée au deuxième alinéa de l'article 4 ne prévoit pas dans son objet l'accomplissement d'activités en relation avec l'exercice public d'un culte, met en demeure l'association, dans un délai qu'il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois, de mettre son objet en conformité avec ses activités. « À l'expiration du délai prévu au premier alinéa, le représentant de l'État dans le département peut, si l'association n'a pas satisfait à la mise en demeure, prononcer une astreinte d'un montant maximal de 100 € par jour de retard. « Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent article ». 6. Les requérants soutiennent d'abord que, en obligeant les associations à déclarer leur caractère cultuel pour bénéficier des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles, l'article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905 instituerait un régime d'autorisation préalable conduisant l'État à reconnaître certains cultes. Ils font également valoir que, les obligations imposées à ces associations ayant été alourdies, ces dispositions permettraient au représentant de l'État de refuser ou de retirer cette qualité cultuelle dans de nombreux cas. Il en résulterait une méconnaissance du principe de laïcité, de la liberté d'association et de la liberté de religion et de culte. Ils estiment par ailleurs que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence en ne définissant pas suffisamment les « avantages propres » auxquels la reconnaissance du caractère cultuel de l'association ouvre ainsi droit. 7. Les requérants critiquent ensuite le plafonnement du montant des ressources annuelles que les associations cultuelles peuvent tirer de leurs immeubles, prévu par l'article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905, au motif que d'autres associations n'y seraient pas soumises. Il en résulterait une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi, ainsi que des libertés d'association, de religion et de culte. 8. Les requérants dénoncent enfin le caractère excessif des contraintes imposées par les articles 4 et 4-1 de la loi du 2 janvier 1907 aux associations assurant l'exercice public d'un culte, en méconnaissance de la liberté d'association, de la liberté de religion et de culte, ainsi que de la liberté de réunion. Par ailleurs, faute pour le législateur d'avoir défini à l'article 4-2 de la même loi les « activités en lien avec l'exercice d'un culte » prises en compte par l'administration lorsqu'elle met en demeure une association de mettre ses statuts en conformité avec ses activités, ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative dans des conditions de nature à affecter ces exigences constitutionnelles. 9. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur l'article 19-1 et sur le quatrième alinéa du paragraphe II de l'article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905, sur les mots « ainsi qu'au troisième alinéa de l'article 19 et aux articles 19-3, 25, 34, 35, 35-1, 36, 36-1 et 36-2 de la loi du 9 décembre 1905 précitée » figurant au troisième alinéa de l'article 4 de la loi du 2 janvier 1907 et sur les articles 4-1 et 4-2 de la même loi. - Sur l'article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905 : 10. En premier lieu, aux termes de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». Aux termes des trois premières phrases du premier alinéa de l'article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». Le principe de laïcité figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit. Il en résulte notamment que la République ne reconnaît aucun culte et qu'elle garantit le libre exercice des cultes. 11. Les associations qui ont la qualité d'association cultuelle bénéficient d'avantages dans les conditions définies par la loi et le règlement. Les dispositions contestées de l'article 19-1 prévoient que, pour bénéficier de ces avantages, ces associations doivent déclarer leur qualité cultuelle au représentant de l'État dans le département. Elles bénéficient de ces avantages pendant une durée de cinq années renouvelable dans les mêmes conditions. Le représentant de l'État dans le département peut toutefois, sous certaines conditions, s'opposer à ce qu'elles bénéficient de ces avantages ou leur retirer ce bénéfice. 12. D'une part, les dispositions contestées ont pour seul objet d'instituer une obligation déclarative en vue de permettre au représentant de l'État de s'assurer que les associations sont éligibles aux avantages propres aux associations cultuelles. Elles n'ont ni pour objet ni pour effet d'emporter la reconnaissance d'un culte par la République ou de faire obstacle au libre exercice du culte, dans le cadre d'une association régie par la loi du 1er juillet 1901 ou par voie de réunions tenues sur initiatives individuelles. 13. D'autre part, le représentant de l'État ne peut s'opposer à ce qu'une association bénéficie des avantages propres aux associations cultuelles ou procéder au retrait de ces avantages qu'après une procédure contradictoire et uniquement pour un motif d'ordre public ou dans le cas où il constate que l'association n'a pas pour objet exclusif l'exercice d'un culte ou que sa constitution, sa composition et son organisation ne remplissent pas les conditions limitativement énumérées aux articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905. 14. Dès lors, les dispositions contestées, qui ne privent pas de garanties légales le libre exercice des cultes, ne méconnaissent pas le principe de laïcité. Le grief tiré de la méconnaissance de ce principe doit donc être écarté. 15. En second lieu, le principe de la liberté d'association figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République solennellement réaffirmés par le Préambule de la Constitution. Les atteintes portées à cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi. 16. La déclaration imposée aux associations par les dispositions contestées pour bénéficier de certains avantages n'a pas pour objet d'encadrer les conditions dans lesquelles elles se constituent et exercent leur activité. 17. En revanche, le retrait par le représentant de l'État du bénéfice de ces avantages est susceptible d'affecter les conditions dans lesquelles une association exerce son activité. Dès lors, ce retrait ne saurait, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'association, conduire à la restitution d'avantages dont l'association a bénéficié avant la perte de sa qualité cultuelle. 18. Il résulte de ce qui précède que, sous la réserve figurant au paragraphe précédent, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'association doit être écarté. 19. Il résulte de tout ce qui précède que l'article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905, qui n'est pas non plus entaché d'incompétence négative et ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit doit, sous la même réserve, être déclaré conforme à la Constitution. - Sur le quatrième alinéa du paragraphe II de l'article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905 : 20. Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 21. Les dispositions contestées du quatrième alinéa du paragraphe II de l'article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905 limitent à 50 % des ressources annuelles totales des associations cultuelles la part des ressources annuelles qu'elles peuvent tirer des immeubles de rapport dont elles sont propriétaires. Ce faisant, elles établissent une différence de traitement entre ces associations et celles exerçant des activités d'intérêt général ou reconnues d'utilité publique qui peuvent tirer des revenus de certains de leurs immeubles sans être soumises à un tel plafonnement. 22. Les associations constituées sur le fondement de la loi du 9 décembre 1905 sont, eu égard à leur objet exclusif qui est d'assurer l'exercice du culte, dans une situation différente des associations qui poursuivent un but d'intérêt général ou sont reconnues d'utilité publique. 23. Dès lors, la différence de traitement résultant des dispositions contestées, fondée sur une différence de situation, est en rapport avec l'objet de la loi, qui est de permettre aux associations cultuelles de retirer des ressources de leur patrimoine immobilier tout en s'assurant que leur financement demeure en rapport avec les ressources recueillies auprès de leurs fidèles. 24. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit donc être écarté. 25. Par conséquent, le quatrième alinéa du paragraphe II de l'article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905, qui ne méconnaît pas non plus la liberté d'association, le principe de laïcité, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution. - Sur les dispositions contestées des articles 4, 4-1 et 4-2 de la loi du 2 janvier 1907 : 26. L'exercice public d'un culte peut être assuré au moyen d'associations régies par la loi du 1er juillet 1901. 27. Dans ce cas, les dispositions contestées des articles 4 et 4-1 de la loi du 2 janvier 1907 imposent à ces associations diverses obligations administratives et financières. Les dispositions contestées de son article 4-2 permettent par ailleurs au représentant de l'État de mettre en demeure une association ayant des activités en relation avec l'exercice public d'un culte, sans que son objet ne le prévoie, de rendre ce dernier conforme à ces activités. 28. Ces dispositions sont ainsi de nature à porter atteinte à la liberté d'association et au libre exercice des cultes. 29. Toutefois, en premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu renforcer la transparence de l'activité et du financement des associations assurant l'exercice public d'un culte. Ce faisant, il a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public. 30. En deuxième lieu, en application des dispositions contestées des articles 4 et 4-1 de la loi du 2 janvier 1907, les associations sont soumises à des obligations consistant, en particulier, à établir une liste des lieux dans lesquels elles organisent habituellement le culte, à présenter les documents comptables et le budget prévisionnel de l'exercice en cours sur demande du représentant de l'État, à établir une comptabilité faisant apparaître séparément les opérations relatives à leurs activités cultuelles, et à certifier leurs comptes lorsqu'elles ont bénéficié de financements étrangers pour des montants dépassant un seuil fixé par décret, qu'elles ont émis des reçus fiscaux, qu'elles ont perçu un montant minimal de subventions publiques ou que leur budget annuel dépasse un seuil minimal également fixé par le pouvoir réglementaire. 31. Si de telles obligations sont nécessaires et adaptées à l'objectif poursuivi par le législateur, il appartiendra toutefois au pouvoir réglementaire de veiller, en fixant les modalités spécifiques de mise en œuvre de ces obligations, à respecter les principes constitutionnels de la liberté d'association et du libre exercice des cultes. 32. En dernier lieu, en prévoyant à l'article 4-2 de la loi du 2 janvier 1907 que le représentant de l'État peut mettre en demeure une association de rendre son objet social conforme à ses activités lorsqu'elle exerce des « activités en lien avec l'exercice d'un culte », le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant les exigences constitutionnelles précitées. Au demeurant, il résulte en particulier d'une jurisprudence constante du Conseil d'État que ces activités sont celles notamment relatives à l'acquisition, la location, la construction, l'aménagement et l'entretien des édifices servant au culte ainsi qu'à l'entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l'exercice du culte. 33. Dès lors, le législateur n'a pas porté à la liberté d'association et au libre exercice des cultes une atteinte qui ne serait pas nécessaire, adaptée et proportionnée. 34. Sous la réserve énoncée au paragraphe 31, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'association et du libre exercice des cultes doit donc être écarté. 35. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus le droit d'expression collective des idées et des opinions, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent, sous la même réserve, être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sous les réserves énoncées ci-dessous, sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes : - sous la réserve énoncée au paragraphe 17, l'article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ; - sous la réserve énoncée au paragraphe 31, les mots « ainsi qu'au troisième alinéa de l'article 19 et aux articles 19-3, 25, 34, 35, 35-1, 36, 36-1 et 36-2 de la loi du 9 décembre 1905 précitée » figurant au troisième alinéa de l'article 4 de la loi du 2 janvier 1907 dans sa rédaction résultant de la même loi du 24 août 2021, ainsi que l'article 4-1 de la même loi, dans la même rédaction. Article 2. - Sont conformes à la Constitution : - le quatrième alinéa du paragraphe II de l'article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ; - l'article 4-2 de la loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes, dans sa rédaction issue de la même loi du 24 août 2021. Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juillet 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 22 juillet 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 24 juin 2022 d'une requête présentée par M. Olivier de GUYENRO, candidat à l'élection qui s'est déroulée dans la 3ème circonscription du département de la Haute-Garonne, tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 12 et 19 juin 2022 en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5754 AN. Il a également été saisi le 27 juin 2022 d'une requête tendant aux mêmes fins, présentée par Mme Emmanuelle Laure DESSART, inscrite sur les listes électorales de la commune de Toulouse, située dans la même circonscription, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5766 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le code de procédure civile ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - le mémoire en défense présenté pour Mme Corinne VIGNON, députée, par Me Laurent De Caunes, avocat au barreau de Toulouse, enregistré le 2 septembre 2022 ; - le mémoire en réplique présenté par Mme DESSART, enregistré le 29 septembre 2022 ; - le mémoire en réplique présenté par M. de GUYENRO, enregistré le 29 octobre 2022 ; - les observations présentées par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, enregistrées le 15 septembre 2022 ; - la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 12 octobre 2022 approuvant après réformation le compte de campagne de Mme VIGNON ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Les requêtes mentionnées ci-dessus sont dirigées contre la même élection. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision. - Sur le grief relatif à l'absence des bulletins de vote au nom de M. de GUYENRO dans certains bureaux de vote : 2. Il résulte de l'instruction que M. de GUYENRO, candidat éliminé au premier tour de scrutin, avait fourni à la préfecture de la Haute-Garonne 20 000 bulletins à son nom destinés uniquement à être mis à disposition des électeurs dans les bureaux de vote. Or, aucun bulletin à son nom n'était présent dans les bureaux de vote situés sur le territoire de la commune de Toulouse. Selon les requérants, cette irrégularité, à laquelle se seraient ajoutés selon M. de GUYENRO divers manquements dont il fournit une liste « non exhaustive », aurait ainsi entaché la sincérité du scrutin. 3. Toutefois, d'une part, il n'est pas établi ni même allégué que l'absence de bulletins de vote dans les bureaux de Toulouse ait eu le caractère d'une manœuvre. D'autre part, M. de GUYENRO a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés à l'issue du premier tour de scrutin. Au vu des résultats qu'il a obtenus dans les bureaux de vote des quinze autres communes de la circonscription, dans lesquels des bulletins à son nom étaient mis à disposition des électeurs, cette situation, pour profondément regrettable qu'elle soit, n'a pas été de nature à altérer la sincérité du premier tour de scrutin, ni, par suite, celle du second. 4. Par ailleurs, eu égard à l'écart des voix, les autres irrégularités alléguées par M. de GUYENRO n'ont pu, en tout état de cause, exercer une influence déterminante sur les résultats du scrutin. - Sur les conclusions subsidiaires présentées par M. de GUYENRO tendant au remboursement de ses dépenses de campagne : 5. Les conclusions de M. de GUYENRO tendant au remboursement de ses dépenses de campagne, présentées au demeurant après l'expiration du délai de dix jours fixé par l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, ne sont pas recevables devant le Conseil constitutionnel, lequel ne peut, selon ce même article, être valablement saisi, par un électeur ou un candidat, de contestations autres que celles dirigées contre l'élection d'un député dans une circonscription déterminée. - Sur les conclusions présentées par M. de GUYENRO tendant au remboursement des frais exposés dans l'instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 6. Les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ne sont pas applicables devant le Conseil constitutionnel. Dès lors, de telles conclusions ne peuvent être accueillies. 7. Il résulte de ce qui précède que les requêtes de M. de GUYENRO et de Mme DESSART doivent être rejetées. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Les requêtes de M. de GUYENRO et de Mme DESSART sont rejetées. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er décembre 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 2 décembre 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 21 septembre 2022 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêt n° 767 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour Mme Anrifati A. par Me Fatih Rahmani, avocat au barreau de Mayotte. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-1025 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du quatorzième alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code de procédure pénale ; - la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour la requérante par Me Rahmani, enregistrées le 12 octobre 2022 ; - les observations présentées par la Première ministre, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour l'association Gisti, l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers, le syndicat des avocats de France et le syndicat de la magistrature par Me Marjane Ghaem, avocate au barreau d'Avignon, enregistrées le même jour ; - les observations en intervention présentées pour les associations Cimade, Médecins du monde, Ligue des droits de l'homme et Fasti par la SCP Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le même jour ; - les secondes observations présentées par la Première ministre, enregistrées le 24 octobre 2022 ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me Erick Hesler, avocat au barreau de Mayotte, et Me Rahmani, pour la requérante, Me Ghaem, pour l'association Gisti et trois autres parties intervenantes, Me Sophie Mazas, avocate au barreau de Montpellier, pour l'association Cimade et trois autres parties intervenantes, et M. Antoine Pavageau, désigné par la Première ministre, à l'audience publique du 16 novembre 2022 ; Au vu de la note en délibéré présentée par la Première ministre, enregistrée le 21 novembre 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Le quatorzième alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi du 10 septembre 2018 mentionnée ci-dessus, prévoit que l'identité de toute personne peut être contrôlée : « 2° À Mayotte sur l'ensemble du territoire ». 2. La requérante soutient que ces dispositions permettraient une pratique généralisée et discrétionnaire des contrôles d'identité en autorisant de tels contrôles sur l'ensemble du territoire de Mayotte. Elles méconnaîtraient ainsi la liberté d'aller et de venir. - Sur les interventions : 3. Selon le deuxième alinéa de l'article 6 du règlement intérieur du 4 février 2010 mentionné ci-dessus, seules les personnes justifiant d'un « intérêt spécial » sont admises à présenter une intervention. 4. Au regard de son objet statutaire, l'association Médecins du monde ne justifie pas d'un tel intérêt spécial. Par conséquent, son intervention n'est pas admise. 5. Les autres parties intervenantes développent le même grief que la requérante. 6. Certaines d'entre elles font également valoir que les dispositions contestées seraient contraires au principe d'égalité devant la loi dès lors que, dans les autres collectivités d'outre-mer, de tels contrôles d'identité ne peuvent être effectués que dans des zones géographiques limitées. En outre, en ne soumettant ces contrôles d'identité à aucune condition de lieu, ces dispositions restreindraient l'office du juge des libertés et de la détention lorsqu'il est saisi d'une décision de placement en rétention administrative consécutive à un tel contrôle. Il en résulterait, selon elles, une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif. Par ailleurs, ces dispositions rendraient possibles des contrôles au sein du domicile des personnes concernées, en méconnaissance du droit au respect de la vie privée, du droit à l'inviolabilité du domicile et de la liberté individuelle. 7. Enfin, d'autres parties intervenantes soutiennent que ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative dans des conditions affectant la liberté d'aller et de venir, le droit à la protection de la santé, le principe d'égal accès à l'instruction ainsi que la liberté d'aider autrui dans un but humanitaire. - Sur le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'aller et de venir : 8. Selon l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression ». Son article 4 proclame que « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi ». 9. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figure la liberté d'aller et de venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789. 10. Les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions peuvent justifier que soient engagées des procédures de contrôle d'identité. S'il est loisible au législateur de prévoir que les contrôles mis en œuvre dans ce cadre peuvent ne pas être liés au comportement de la personne, la pratique de contrôles d'identité généralisés et discrétionnaires serait incompatible avec le respect de la liberté personnelle, en particulier avec la liberté d'aller et de venir. 11. L'article 78-2 du code de procédure pénale détermine les conditions dans lesquelles les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et certains agents de police judiciaire adjoints peuvent procéder au contrôle de l'identité de toute personne en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi. Les dispositions contestées permettent d'exercer de tels contrôles sur l'ensemble du territoire de Mayotte. 12. Toutefois, en premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a poursuivi l'objectif de lutte contre l'immigration irrégulière qui participe de la sauvegarde de l'ordre public, objectif de valeur constitutionnelle. 13. En second lieu, d'une part, le Département de Mayotte est, depuis de nombreuses années, confronté à des flux migratoires exceptionnellement importants et comporte une forte proportion de personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière. Ce département est soumis à des risques particuliers d'atteintes à l'ordre public. D'autre part, du fait de sa géographie, ces risques concernent l'ensemble de son territoire. 14. Dès lors, le législateur a pu autoriser la mise en œuvre de contrôles d'identité en vue de vérifier les titres et documents prévus par la loi sur l'ensemble du territoire du Département de Mayotte, sans rompre l'équilibre que le respect de la Constitution impose d'assurer entre les nécessités de l'ordre public et la sauvegarde de la liberté d'aller et de venir. 15. Le grief tiré de la méconnaissance de cette liberté doit donc être écarté. - Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi : 16. Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 17. Aux termes du premier alinéa de l'article 73 de la Constitution : « Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ». 18. Les dispositions contestées prévoient un régime applicable uniquement au Département de Mayotte qui, ainsi qu'il a été dit au paragraphe 11, permet aux autorités compétentes de procéder au contrôle de l'identité de toute personne sur l'ensemble du territoire en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi. 19. En premier lieu, les circonstances décrites au paragraphe 13 constituent, au sens de l'article 73 de la Constitution, des « caractéristiques et contraintes particulières » de nature à permettre au législateur d'y adapter, dans une certaine mesure, les règles relatives aux contrôles d'identité. 20. En second lieu, l'adaptation prévue par ces dispositions porte sur le périmètre dans lequel peuvent être effectués des contrôles d'identité en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi, tout en maintenant les conditions auxquelles de telles opérations sont soumises sur le reste du territoire de la République. À ce titre, la mise en œuvre des contrôles ainsi confiés par la loi aux autorités compétentes ne saurait s'opérer qu'en se fondant sur des critères excluant, dans le strict respect des principes et règles de valeur constitutionnelle, toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes. 21. Dès lors, la différence de traitement instaurée par les dispositions contestées, qui tient compte des caractéristiques et contraintes particulières propres au Département de Mayotte, est en rapport avec l'objet de la loi. 22. Il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe 20, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être écarté. 23. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative et qui ne méconnaissent pas non plus le droit à un recours juridictionnel effectif, le droit au respect de la vie privée, le principe de l'inviolabilité du domicile et la liberté individuelle, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent, sous cette réserve, être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sous la réserve énoncée au paragraphe 20, le quatorzième alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, est conforme à la Constitution. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 novembre 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 25 novembre 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 21 juin 2022 d'une requête présentée par Me Dominique Deporcq, avocat au barreau de Guadeloupe, pour M. Alix NABAJOTH et Mme Huguette BARTEBIN SOURHOU, candidats titulaire et suppléante à l'élection qui s'est déroulée dans la 1ère circonscription de la Guadeloupe, tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 11 et 18 juin 2022 en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5747 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - le mémoire en défense présenté par Mme Nadège MONTOUT, candidate, enregistré le 11 septembre 2022, et les mémoires en défense, présentés pour Mme MONTOUT, par Me Louis Le Foyer de Costil, avocat au barreau de Paris, enregistrés le 16 septembre et le 8 novembre 2022 ; - les mémoires en défense présentés par M. Francillonne JACOBY-KOALY, candidat, enregistrés le 19 septembre et le 4 novembre 2022 ; - le mémoire en réplique, présenté pour M. NABAJOTH et Mme BARTEBIN SOURHOU par Me Deporcq, enregistré le 14 octobre 2022 ; - la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 13 octobre 2022 approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. Olivier SERVA ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : - Sur l'annulation des opérations électorales : 1. Les requérants soutiennent que Mme MONTOUT et son suppléant, M. BAVARDAY, ainsi que M. JACOBY-KOALY et sa suppléante, Mme BELAIR, se seraient prévalus indûment, dans leurs documents de propagande et sur leurs bulletins de vote, imprimés en vue du premier tour, de l'investiture de « La France Insoumise », ce qui aurait constitué une manœuvre susceptible de porter atteinte à la sincérité du scrutin. 2. S'il appartient au juge de l'élection de vérifier si des manœuvres ont été susceptibles de tromper les électeurs sur la réalité de l'investiture des candidats par les partis politiques, il ne lui appartient pas de vérifier la régularité de cette investiture au regard des statuts et des règles de fonctionnement des partis politiques. 3. Il résulte de l'instruction que si Mme MONTOUT et M. JACOBY-KOALY ont fait figurer sur leur profession de foi et leur bulletin de vote le logotype du parti « La France Insoumise » et la mention « L'Union populaire », l'absence de candidat investi par le parti « La France Insoumise » en Guadeloupe a fait l'objet d'un large débat public durant la campagne, relayé notamment par la presse locale. Par conséquent, les faits dénoncés par les requérants ne peuvent être regardés comme susceptibles d'avoir induit chez les électeurs une confusion telle que les résultats du scrutin du premier tour en aient été affectés. Ce grief doit donc être écarté. - Sur l'inéligibilité : 4. Aux termes de l'article L.O. 136-3 du code électoral : « Saisi d'une contestation contre l'élection, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible, pour une durée maximale de trois ans, le candidat qui a accompli des manœuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin ». 5. Il ne résulte pas de l'instruction que les agissements décrits au paragraphe 3 aient constitué une manœuvre frauduleuse ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin. Dès lors, il n'y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel de prononcer l'inéligibilité de Mme MONTOUT et de son suppléant M. BAVARDAY ainsi que de M. JACOBY-KOALY et de sa suppléante Mme BELAIR. 6. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. NABAJOTH et Mme BARTEBIN SOURHOU doit être rejetée. - Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés dans l'instance : 7. M. JACOBY-KOALY demande au Conseil constitutionnel de mettre à la charge des requérants la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Toutefois, les dispositions de cet article ne sont pas applicables devant le Conseil constitutionnel. Dès lors, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La requête de M. Alix NABAJOTH et Mme Huguette BARTEBIN SOURHOU est rejetée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 décembre 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 9 décembre 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 23 septembre 2022 par le Conseil d'État (décision n° 452256 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour l'association France horizon par la SCP Hélène Didier et François Pinet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-1026 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 520-1 et L. 520-6 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015. Au vu des textes suivants : - la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code général des impôts ; - le code de l'urbanisme ; - la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 ; - le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées pour l'association requérante par la SCP Hélène Didier et François Pinet, enregistrées le 12 octobre 2022 ; - les observations présentées par la Première ministre, enregistrées le même jour ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Après avoir entendu Me François Pinet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'association requérante, et M. Antoine Pavageau, désigné par la Première ministre, à l'audience publique du 16 novembre 2022 ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. L'article L. 520-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2015 mentionnée ci-dessus, prévoit : « En région d'Île-de-France, une taxe est perçue à l'occasion de la construction, de la reconstruction ou de l'agrandissement des locaux à usage de bureaux, des locaux commerciaux et des locaux de stockage définis, respectivement, aux 1°, 2° et 3° du III de l'article 231 ter du code général des impôts ». 2. L'article L. 520-6 du même code, dans la même rédaction, prévoit : « Sont exonérés de la taxe prévue à l'article L. 520-1 : « 1° Les locaux à usage de bureaux qui font partie d'un local d'habitation à usage d'habitation principale ; « 2° Les locaux affectés au service public et appartenant ou destinés à appartenir à l'État, à des collectivités territoriales ou à des établissements publics ne présentant pas un caractère industriel et commercial ; « 3° Les locaux utilisés par des organismes de sécurité sociale ou d'allocations familiales et appartenant ou destinés à appartenir à ces organismes ou à des sociétés civiles constituées exclusivement entre ces organismes ; « 4° Dans les établissements industriels, les locaux à usage de bureaux qui sont soit dépendants de locaux de production, soit d'une superficie inférieure à 1 000 mètres carrés ; « 5° Les locaux spécialement aménagés pour l'exercice d'activités de recherche ; « 6° Les bureaux utilisés par les membres des professions libérales et les officiers ministériels ; « 7° Les locaux affectés aux associations constituées dans les formes prévues à l'article 10 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ; « 8° Les locaux mentionnés au 1° du V de l'article 231 ter du code général des impôts ». 3. L'association requérante reproche à ces dispositions de soumettre à la taxe pour la création de locaux à usage de bureaux, de commerce ou de stockage en Île-de-France ceux utilisés par les associations non reconnues d'utilité publique pour l'exercice d'activités à caractère sanitaire, social, éducatif ou culturel alors qu'en sont exonérés, d'une part, les locaux affectés au service public et appartenant à l'État, à des collectivités territoriales ou à des établissements publics ne présentant par un caractère industriel ou commercial, ainsi que, d'autre part, les locaux de caractère social ou sanitaire mis à la disposition du personnel dans les immeubles soumis à la taxe. Il en résulterait une méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques. 4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le renvoi opéré par l'article L. 520-1 du code de l'urbanisme, d'une part, aux mots « ou utilisés par des associations ou organismes privés poursuivant ou non un but lucratif » figurant au 1° du paragraphe III de l'article 231 ter du code général des impôts et, d'autre part, aux mots « prestations de services » figurant au 2° de ce même paragraphe. Elle porte également sur le 2° de l'article L. 520-6 du code de l'urbanisme. 5. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 6. Selon l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. 7. L'article L. 520-1 du code de l'urbanisme instaure une taxe perçue à l'occasion de la construction, de la reconstruction ou de l'agrandissement, en région d'Île-de-France, de locaux à usage de bureaux, de locaux commerciaux et de locaux de stockage. En application des dispositions contestées de cet article, les locaux utilisés par des associations sont soumis à cette taxe. 8. Les dispositions contestées de l'article L. 520-6 du même code exonèrent de cette taxe les locaux affectés au service public et appartenant ou destinés à appartenir à l'État, à des collectivités territoriales ou à des établissements publics ne présentant pas un caractère industriel et commercial. 9. En premier lieu, il ressort des travaux parlementaires que, en instaurant cette taxe, le législateur a entendu, à des fins d'aménagement du territoire et de décentralisation, dissuader les implantations d'activités tertiaires en Île-de-France. 10. Au regard de cet objectif, il était loisible au législateur d'inclure dans le champ de cette taxe les locaux utilisés pour leurs activités par des associations, y compris lorsqu'elles exercent une activité à caractère sanitaire, social, éducatif ou culturel. 11. En second lieu, d'une part, les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques n'imposent pas que les personnes privées soient soumises à des règles d'assujettissement à l'impôt identiques à celles qui s'appliquent aux personnes morales de droit public. Ainsi, en prévoyant une exonération bénéficiant aux locaux affectés au service public qui appartiennent à certaines personnes publiques, sans étendre cette exonération à ceux utilisés par des associations, y compris celles qui exercent une activité à caractère sanitaire, social, éducatif ou culturel, les dispositions contestées traitent différemment des personnes placées dans des situations différentes. Cette différence de traitement est en rapport avec l'objet de la loi et fondée sur des critères objectifs et rationnels. 12. D'autre part, l'exclusion de l'assiette de cette taxe des locaux de caractère social ou sanitaire mis à la disposition du personnel dans les immeubles qui y sont soumis ne résulte pas, en tout état de cause, des dispositions contestées mais de l'article L. 520-7 du code de l'urbanisme, dont le Conseil constitutionnel n'est pas saisi. 13. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance des principes de d'égalité devant la loi et devant les charges publiques doivent être écartés. 14. Il en résulte que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - Sont conformes à la Constitution : - le renvoi opéré par l'article L. 520-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, aux mots « ou utilisés par des associations ou organismes privés poursuivant ou non un but lucratif » figurant au 1° du paragraphe III de l'article 231 ter du code général des impôts et aux mots « prestations de services » figurant au 2° du même paragraphe ; - le 2° de l'article L. 520-6 du code de l'urbanisme, dans la même rédaction. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 novembre 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 25 novembre 2022.
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 24 juin 2022 d'une requête présentée par Mme Elisabeth SAID, candidate à l'élection qui s'est déroulée dans la 3ème circonscription du département des Bouches-du-Rhône, tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 12 et 19 juin 2022 en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-5757 AN. Au vu des textes suivants : - la Constitution, notamment son article 59 ; - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; - le code électoral ; - le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ; Au vu des pièces suivantes : - les observations présentées par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, enregistrées le 15 septembre 2022 ; - le mémoire en réplique présenté par Mme SAID, enregistré le 14 octobre 2022 ; - les pièces du dossier desquelles il ressort que communication de la requête a été donnée à Mme Gisèle LELOUIS, députée, qui n'a pas produit d'observations ; - la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 10 octobre 2022 approuvant après réformation le compte de campagne de Mme LELOUIS ; - les autres pièces produites et jointes au dossier ; Et après avoir entendu le rapporteur ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT : 1. Selon l'article R. 34 du code électoral, la commission de propagande prévue à l'article L. 166 de ce code est chargée d'envoyer dans chaque mairie de la circonscription, au plus tard le mercredi précédant le premier tour de scrutin les bulletins de vote de chaque candidat en nombre au moins égal à celui des électeurs inscrits, l'article R. 38 de ce code disposant que chaque candidat désirant obtenir le concours de la commission de propagande doit remettre ses bulletins au président de la commission pour les premier et second tours, avant une date limite fixée par arrêté préfectoral, la commission n'étant pas tenue d'assurer l'envoi des imprimés passé ce délai. L'article R. 55 du même code prévoit que les candidats peuvent également distribuer eux-mêmes leurs bulletins de vote en les remettant directement aux maires, au plus tard la veille du scrutin à midi, ou aux présidents des bureaux de vote le jour du scrutin. 2. Si Mme SAID fait valoir qu'aucun bulletin de vote à son nom ne figurait dans les bureaux de vote de la circonscription, il n'est pas contesté qu'elle n'a fait parvenir aucun bulletin imprimé au président de la commission de propagande et n'a pas davantage remis de bulletins à la mairie de Marseille ou dans les bureaux de vote, si bien que cette absence de bulletins, qui résulte de la seule omission de la candidate, n'a pas altéré la régularité du scrutin. 3. Il résulte de ce qui précède que la requête de Mme SAID doit être rejetée. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE : Article 1er. - La requête de Mme SAID est rejetée. Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs. Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er décembre 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS. Rendu public le 2 décembre 2022.