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JUDICIAIRE DE PARIS 1 3ème chambre 3ème section No RG 18/00407 - No Portalis 352J-W-B7C-CMDG7 No MINUTE : Assignation du : 12 janvier 2018 rendu le 08 novembre 2022 DEMANDERESSE Société INTELLECTUAL VENTURES I LLC [Adresse 4] [Adresse 4] [Localité 3] (ETATS-UNIS D'AMERIQUE) représentée par Maître Julien FRENEAUX de la SAS BARDEHLE PAGENBERG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0390 DÉFENDERESSES S.A. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DU RADIOTÉLÉPHONE [Adresse 1] [Localité 5] représentée par Maître Michel ABELLO de la SELARL LOYER & ABELLO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0049 Société HUAWEI TECHNOLOGIES FRANCE, intervenante volontaire [Adresse 2] [Localité 6] représentée par Maître Grégoire DESROUSSEAUX de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0438Décision du 08 novembre 2022 3ème chambre 3ème section No RG 18/00407 - No Portalis 352J-W-B7C-CMDG7 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Arthur COURILLON-HAVY, juge Linda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière A l'audience du 01 juin 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2022 et prorogé au 08 novembre 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société de droit américain Intellectual Ventures I LLC appartient au groupe Intellectual Ventures, spécialisé depuis sa création en 2000, dans l'acquisition et l'exploitation d'inventions. Le groupe se présente comme particulièrement actif dans le domaine des réseaux de télécommunications. 2. La société Intellectual Ventures I est ainsi la titulaire inscrite du brevet européen désignant la France EP 1 327 374 (ci-après "EP'374") ayant pour titre "Priorités des services dans un réseau multi-cellulaire". Ce brevet, déposé le 9 octobre 2001 par la société Nokia Corporation, est issu d'une demande internationale PCT WO 02/32160 revendiquant la priorité de quatre demandes anglaises. En cours de procédure, la propriété de la demande a été cédée à la société Spyder Navigations L.L.C. aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Intellectual Ventures I. La publication de la délivrance de ce brevet est intervenue le 22 juillet 2009 . Ce brevet a expiré le 9 octobre 3. Convaincue que la Société Française du Radiotéléphone (SFR), l'un des principaux opérateurs de télécommunications en France, exploitait l'invention protégée par ce brevet dans le cadre de son réseau, au moyen de la transmission par ses stations de base équipées des technologies 2G; 3G et 4G, aux équipements d'utilisateurs d'un message rrcConnexionRelease contenant une table de priorité attribuant à ces appareils une fréquence porteuse associée à une technologie (GSM, 3GPP ou LTE) en fonction de leur marque de classe (ce qui correspond selon elle à la table de priorité 2 du brevet "mode inactif), la société Intellectual Ventures I l'a, par acte d'huissier délivré le 12 janvier 2018, assignée devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon des revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP 374. 4. La Société Huawei Technologies France, fournisseur des équipements de réseau de la société SFR est intervenue volontairement à l'instance par des conclusions du 22 mai 2018, tandis que la société SFR a, par actes d'huissier du 28 mai 2018, fait assigner les sociétés Alcatel Lucent International et Nokia Solutions and Networks, également fournisseurs d'équipements de réseau, en intervention forcée, afin d'obtenir leur garantie pour le cas où des condamnations viendraient à être prononcées à son encontre. 5. Ces deux sociétés ayant conclu un accord de licence avec la société Intellectual Ventures I, la société SFR a alors signifié des conclusions de désistement partiel d'instance à l'égard des sociétés Nokia Solutions And Networks et Alcatel Lucent International. Les désistements ont été constatés par une ordonnance du juge de la mise en état du 6 novembre 2020. 6. Dans ses dernières conclusions no8 notifiées électroniquement le 11 mai 2022, la société INTELLECTUAL VENTURES I, demande au tribunal, Vu l'article 64 de la Convention de Munich sur le brevet européen et les articles L.613-3, L.613-4, L.614-7 et s, et L.615-1 du code de la propriété intellectuelle, de : - Déclarer irrecevables ou à tout le moins infondées, les demandes de la Société Française du Radiotéléphone – SFR et de la société Huawei Technologies France en nullité des revendications 1 et 15 de la partie française du brevet européen EP 1 327 374 ; les en débouter ; - Dire qu'en exploitant en France, entre le 12 janvier 2013 et le 9 octobre 2021, un réseau de télécommunication mobile supportant notamment la technologie 4G, la Société Française du Radiotéléphone – SFR a commis des actes de contrefaçon par utilisation du procédé objet de la revendication 1 de la partie française du brevet européen EP 1 327 374 appartenant à la société Intellectual Ventures I ; - Dire qu'en fabricant, utilisant et détenant à cette fin en France, entre le 12 janvier 2013 et le 9 octobre 2021, un réseau de télécommunication mobile supportant notamment la technologie 4G, la Société Française du Radiotéléphone – SFR a commis des actes de contrefaçon de la revendication 15 de la partie française du brevet européen EP 1 327 374 appartenant à la société Intellectual Ventures I ; - Donner acte à la société Intellectual Ventures I de ce que ses demandes à l'encontre de la Société Française du Radiotéléphone – SFR pour contrefaçon de la partie française du brevet EP 1 327 374 ne s'étendent pas à des équipements de communication (à l'exclusion des Terminaux Cellulaires), logiciels ou services de la Société Nokia Corporation et de ses filiales, y compris Alcatel Lucent International et Nokia Solutions and Networks France (ci-après collectivement désignées "Nokia"), considérés seuls ou dans toute éventuelle combinaison arguée de contrefaçon dans laquelle ils reproduisent l'un quelconque des éléments de l'une quelconque des revendications invoquées (y compris dans le cas où ils réalisent une étape d'une revendication de procédé), dans la mesure où lesdits équipements de communication, logiciels ou services ont été fabriqués, utilisés, vendus, offerts à la vente, loués, importés ou distribués par Nokia, ou dans la mesure où Nokia les a fait fabriquer ; - Donner acte à la société Intellectual Ventures I de ce que la limitation de l'étendue de ses demandes à l'encontre de la Société Française du Radiotéléphone – SFR, telle que formulée ci-dessus, ne bénéficie en aucun cas aux produits d'autres fournisseurs, y compris la société Huawei Technologies France, et/ou à l'utilisation de tels produits ; - Condamner la Société Française du Radiotéléphone – SFR à payer à la société Intellectual Ventures I des dommages et intérêts au titre des actes de contrefaçon des revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP 1 327 374 qu'elle a commis au cours de la période du 12 janvier 2013 au 9 octobre 2021 ; Avant dire droit sur le montant des dommages et intérêts : § Ordonner à la Société Française du Radiotéléphone – SFR de communiquer à la société Intellectual Ventures I, sous astreinte de 50.000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, la part que représente, dans le nombre total de stations de base en service dans son réseau mobile au cours de la période du 12 janvier 2013 au 9 octobre 2021, le nombre de celles qui lui ont été fournies par des sociétés autres que Nokia Corporation et ses filiales ; § Commettre tel expert qu'il plaira au tribunal de désigner, aux frais avancés de la Société Française du Radiotéléphone – SFR, avec pour mission de vérifier l'exactitude et l'exhaustivité des informations communiquées par cette dernière en exécution du jugement à intervenir ; Dans l'attente de l'issue des mesures de droit d'information et d'expertise, - Condamner d'ores et déjà la Société Française du Radiotéléphone – SFR à payer à la société Intellectual Ventures I la somme de 30.000.000 € à titre de provision à valoir sur le montant des dommages et intérêts ; - Ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir dans cinq journaux ou magazines au choix de la société Intellectual Ventures I, et aux frais la Société Française du Radiotéléphone – SFR, dans la limite de 15.000,00 € HT par insertion ; - Ordonner à la Société Française du Radiotéléphone – SFR d'afficher en page d'accueil du site internet www.sfr.fr un encart occupant au moins 10% de la surface de la page d'accueil au-dessus de la ligne de flottaison et contenant le lien hypertexte suivant : "Publication Judiciaire : condamnation de la société SFR pour contrefaçon du brevet EP 1 327 374 appartenant à la société Intellectual Ventures I ", lequel lien devra renvoyer vers une copie intégrale de la minute du jugement à intervenir, et ce pendant une durée de deux mois sous astreinte de 50.000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir; - Déclarer irrecevables, et en tout cas infondés, l'ensemble des moyens, fins, conclusions et demandes des sociétés SFR et Huawei Technologies France ; les en débouter ; - Condamner in solidum la Société Française du Radiotéléphone – SFR et la société Huawei Technologies France à payer la somme de 600.000 € à la société Intellectual Ventures I, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - Ordonner l'exécution provisoire des condamnations qui seront prononcées contre les sociétés SFR et Huawei Technologies France ; - Condamner in solidum la Société Française du Radiotéléphone – SFR et la société Huawei Technologies France aux entiers dépens, qui pourront être directement recouvrés par la Sas Spe Bardehle Pagenberg, Avocats, conformément à l'article 699 du code de procédure civile. 7. Dans ses dernières conclusions no8 notifiées par la voie électronique le 24 mai 2019, la société Huawei Technologies France demande quant à elle au tribunal, au visa des articles L. 613-2, L. 613-3, L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, 138(1)a), 54 (1) (2), 138(1)b) et 56 de la Convention de Munich, 2224 du code civil et 699 et suivants du code de procédure civile, de : - Annuler les revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP 1 327 374 ; - Dire que l'invention objet du brevet EP 1 327 374 est insuffisamment décrite ou à tout moins que les revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP 1 327 374 sont dénuées de nouveauté ou d'activité inventive, ; - Dire que la Société Française du Radiotéléphone n'a commis aucun acte de contrefaçon des revendications 1 et 15 du brevet EP 1 327 374 Par conséquent, - Débouter la société Intellectual Ventures I de l'ensemble de ses moyens, fins et prétentions; En tout état de cause, - Condamner la société Intellectual Ventures I à payer à la société Huawei Technologies France la somme de 600 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner la société Intellectual Ventures I aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Desrousseaux en application de l'article 699 du code de procédure civile; - Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, en ce qui concerne la condamnation de la société Intellectual Ventures I à payer à la société Huawei Technologies France les frais et les dépens, nonobstant appel et sans constitution de garantie. 8. Dans ses dernières conclusions no6 notifiées électroniquement le 27 avril 2022, la société SFR demande au tribunal, au visa des articles L.613-2, L.613-3, L.614-12 du code de la propriété intellectuelle, 138 (1) a) et b), 54 (1) (2) et 56 de la Convention de Munich, 2224 du code civil, de : A titre principal - Dire que les revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP 1 327 374 sont nulles pour insuffisance de description, défaut de nouveauté et d'activité inventive, - Ordonner l'inscription de la décision à intervenir sur le Registre National des Brevets dès qu'elle sera devenue définitive, sur réquisition du Greffe ou à la requête de la partie la plus diligente et aux frais de la société Intellectual Ventures I, - Dire que l'action en contrefaçon fondée sur le brevet EP 1 327 374 est irrecevable pour les faits antérieurs à l'inscription de la transmission du brevet au registre national des brevets, soit le 8 février 2016, - Dire que l'action en contrefaçon fondée sur le brevet EP 1 327 374 est irrecevable à l'égard de tout produit ayant été fourni à la Société Française du Radiotéléphone -SFR par la société Alcatel Lucent International, la société Nokia Solutions and Networks France, ou toute autre société appartenant au groupe Nokia, en raison de l'épuisement des - Dire que la société Intellectual Ventures I ne démontre pas la contrefaçon des revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP 1 327 374, En conséquence, - Débouter la société Intellectual Ventures I de l'ensemble de ses demandes, comme étant irrecevables et à tout le moins mal fondées, Pour le surplus - Condamner la Société Intellectual Ventures I à payer à la Société Française du Radiotéléphone - SFR la somme de 260.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, quitte à parfaire ; - Condamner la société Intellectual Ventures I aux entiers dépens qui seront directement recouvrés par Maître Abello en application de l'article 699 du code de procédure civile; - Ordonner l'exécution provisoire de la seule condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, nonobstant appel et sans constitution de garantie. 9. L'instruction de l'affaire a été clôturée le 30 mai 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 1 juin 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Présentation du brevet EP 1 327 374 10. Selon le paragraphe [0001] de la partie descriptive du brevet, l'invention concerne les réseaux de communication sans fil exploitant plusieurs normes de communication et en particulier, mais pas exclusivement, les fonctionnalités de 2 et 3 génération. ème ème 11. Le paragraphe [0002] du fascicule enseigne que dans un proche avenir, les réseaux mobiles de deuxième génération (2G) seront complétés et partiellement remplacés par des réseaux mobiles de troisième génération (3G), ce qui entraînera la passage d'une situation où la norme 2G est la seule technologie de réseaux mobiles, à une situation où coexistent deux technologies de réseaux mobiles dominantes, la 2G et la 3G. En Europe par exemple, on passera d'une situation où le GSM est la norme dominante à une situation où le GSM et le 3GPP (3rd Generation Partnership Project) seront les normes dominantes. 12. Ainsi, un opérateur de réseau devra, à l'avenir, proposer un réseau mobile basé sur les technologies GSM et 3GPP, où la technologie 3GPP pourra être déployée en utilisant plusieurs porteuses 3GPP à 5 MHz. De même, la taille des cellules dans les deux normes (GSM et 3GPP) peut différer, allant des pico-cellules et des micro-cellules en intérieur ou au niveau de la rue, jusqu'aux grandes macro-cellules. Il conviendra alors que l'opérateur décide comment desservir le trafic demandé avec les différentes technologies de réseau et les types de cellules disponibles (paragraphe [0003]) avec comme objectif de maximiser le nombre d'utilisateurs desservis et d'assurer une certaine probabilité de couverture prédéfinie dans la zone de couverture (paragraphe 13. Selon le paragraphe [0006], dans les systèmes proposés actuellement, l'opérateur doit s'appuyer sur des algorithmes de sélection de cellule ou de transfert intercellulaire fournis par le fabricant, ce qui peut ne pas aboutir à une répartition satisfaisante des différents types de connexions dans les technologies et les types de cellules disponibles du point de vue de l'opérateur. (Voir également paragraphe [0035]) 14. Aussi, selon le paragraphe [0011], un objet de la présente invention est de proposer une technique améliorée de sélection d'une cellule cible dans un système de communication sans fil prenant en charge plus d'une norme de communication. 15. A cette fin, le paragraphe [0012] poursuit en indiquant que l'invention propose un procédé pour déterminer une attribution de cellule pour un utilisateur dans un réseau sans fil, le réseau comportant une pluralité de types de cellules et les utilisateurs ayant au moins l'un d'une pluralité de types de services, comprenant l'établissement d'une table de priorités comprenant, pour chaque type de service, une priorité pour chaque type de cellule. 16. Selon le paragraphe [0026], le premier type de table de priorités peut être utilisé pour déterminer une attribution de cellule pour un équipement d'utilisateur connecté au réseau, tandis que le second type de table de priorités peut être utilisé pour déterminer une attribution de cellule pour un équipement d'utilisateur qui est inactif (paragraphe [0029]). 17. Selon le paragraphe [0032] L'invention propose par conséquent une table de priorités qui permet à un opérateur de réseau d'associer facilement différents types de connexions demandées à une technologie et un type de cellule priorisés. La table de priorités est de préférence utilisée en mode inactif ou en mode connecté quand l'équipement d'utilisateur effectue une sélection de cellule ou un transfert intercellulaire. 18. Au paragraphe [0033], la description précise que, pour maximiser le nombre d'utilisateurs desservis, les différents types de connexions doivent être desservis dans un type de cellule et avec une technologie qui le permettent. A cette fin, l'invention propose une table de priorités qui permet à l'opérateur d'associer facilement différents types de connexions demandées à une technologie et un type de cellule priorisés. La table de priorités sera alors utilisée en mode inactif ou en mode connecté quand un équipement d'utilisateur effectue une sélection de cellule (mode inactif) ou un transfert intercellulaire (mode connecté). 19. A partir du paragraphe [0037], la description enseigne deux exemples qu'elle présente comme non limitatifs. L'exemple choisi est celui d'un réseau ayant à la fois des services 2G (GSM) et 3G (3GPP) et prenant également en charge des services 2G améliorés (de type EDGE). En outre, pour chacun des services, l'exemple suppose que le réseau fournit à la fois des micro-cellules et des macro-cellules. Selon le paragraphe [0038] la figure 1 illustre une couverture comportant trois cellules GSM ainsi qu'une couverture cellulaire 3GPP à l'intérieur de chaque cellule GSM. Dans l'exemple, on suppose que la couverture 3GPP est plus restreinte que la couverture GSM. Chacune des cellules 3GPP est prise en charge par une station de base. Les stations de base GSM peuvent également prendre en charge des opérations GSM améliorées, de type EDGE par exemple. En outre, la structure cellulaire proprement dite, pour chaque type de norme, peut varier. Par exemple, certaines cellules peuvent combiner des micro-cellules et des macro-cellules. 20. Selon le paragraphe [0040], l'équipement de l'utilisateur (en principe un téléphone mobile) se trouve à l'intérieur de la zone de couverture cellulaire GSM et 3GPP et peut donc potentiellement être connecté au réseau en utilisant l'une ou l'autre norme. Un objet de la présente invention est donc de veiller à ce que l'équipement de l'utilisateur se connecte au réseau en utilisant celle des normes de réseau qui est la plus appropriée pour optimiser l'efficacité générale du réseau. Les paragraphes suivants [0041] à [0046] décrivent les éléments de réseau aptes à mettre en oeuvre le procédé. 21. Les paragraphes [0048] et [0049] décrivent ensuite le procédé en ces termes : chaque table de priorités, spécifique à une cellule, recense tous les types de services disponibles dans le réseau (voix, navigation sur internet, synchronisation des applications,...) en fonction de tous les types de cellules disponibles dans le réseau, et attribue une priorité à chacune de ces cellules données pour chacun de ces types de services donnés. La table de priorités est définie pour être spécifique à une cellule. Si un équipement d'utilisateur nécessitant un certain type de service est actuellement connecté à une cellule donnée et peut être connecté, par transfert intercellulaire, à plus d'un type de cellule, la cellule est choisie conformément à la table de priorités définie pour la cellule dans laquelle l'équipement d'utilisateur est actuellement 22. En mode inactif, l'équipement d'utilisateur est allumé mais le canal qui transmet des informations d'utilisateur (par exemple le canal de conversation) n'est pas établi. Le réseau de base, et plus spécifiquement le centre de commutation mobile, connaît la zone de localisation de l'équipement d'utilisateur inactif, laquelle zone se compose d'un groupe de cellules. En mode inactif, l'équipement d'utilisateur (UE) est domicilié dans une cellule donnée et si l'équipement d'utilisateur inactif se déplace dans le réseau, le contrôleur de réseau radio (RNC) ou le contrôleur de station de base (BSC) sélectionne la nouvelle cellule dans laquelle l'UE sera domicilié. Ce processus est appelé sélection de cellule. En mode inactif, l'UE doit écouter les messages de recherche émanant du réseau et envoyer au réseau de base une actualisation de sa zone de localisation. (Paragraphe [0051]) 23. En mode « connecté », un canal pour transmettre des informations d'utilisateur est établi. Le réseau de base connaît spécifiquement l'emplacement de la cellule de l'UE et un transfert intercellulaire intervient quand un UE change de cellule. (paragraphe [0053]) Dans le mode connecté, comme dans le mode inactif, l'UE effectue des mesures (de transfert intercellulaire et de sélection de cellule) et les envoie au contrôleur de réseau radio (RNC) ou au contrôleur de station de base (BSC), lequel décide ensuite à quelle cellule l'UE doit être associé. (paragraphe [0054] De ce fait, en mode connecté comme en mode inactif, il convient d'effectuer une attribution de cellule, soit pour la sélection de cellule dans le mode inactif, soit pour le transfert intercellulaire dans le mode connecté. (Paragraphe [0052]) 24. Le paragraphe [0056] présente ensuite une table de priorité (tableau 1 ci- dessous), pour un équipement d'utilisateur connecté, laquelle présente, en ordonnée, les différents types de cellules et, en abscisse, les différents types de services disponibles : 25. Le paragraphe [0056] décrit encore un exemple d'attribution de cellule au moyen de la table de priorités présentée dans le tableau 1 ci-dessus : Conformément aux techniques connues de transfert intercellulaire, l'UE renvoie des mesures de cellules au contrôleur de station de base 18 lequel détermine que trois cellules renvoient des valeurs de mesure qui sont suffisamment bonnes pour effectuer un transfert : une micro-cellule GSM, une micro-cellule EDGE et une micro-cellule 3GPP. (paragraphe [0057]) Comme l'UE est actuellement connecté dans une micro-cellule GSM spécifique, le contrôleur de station de base compare le type des cellules disponibles à la table de priorités de cette cellule. En référence à cette table (le tableau 1 ci-dessus), le BSC examine la colonne 5, qui correspond à l'usage de l'équipement en cours (ici interactif 32 kbit/s). Cette colonne 5 indique que les trois cellules disponibles pour le transfert intercellulaire correspondent à des cellules ayant des priorités de 1 (micro-cellule EDGE), 3 (micro-cellule 3GPP) et 5 (micro-cellule GSM). Sur cette base, la cellule ayant la priorité la plus élevée pour le transfert intercellulaire est donc la micro-cellule EDGE et par conséquent, c'est cette cellule qui est sélectionnée pour le transfert qui s'effectue par l'intermédiaire du contrôleur de station de base. 26. Le tableau 2 correspond à une table de priorité établie pour un équipement d'utilisateur en mode inactif ; il comporte, en ordonnée, les différents types de cellules et, en abscisse, les normes que l'équipement peut prendre en charge : 27. Les paragraphes [0062] et suivants récapitulent ensuite l'invention à savoir que l'équipement d'utilisateur effectue des mesures de sélection de cellule (mode inactif) ou de transfert intercellulaire (mode connecté), qu'il envoie au contrôleur de station de base ou au contrôleur de réseau radio, lequel sélectionne alors la cellule cible en utilisant les tables de priorités décrites ci-dessus (mode inactif ou mode connecté), en commençant par le type de cellule ayant la priorité la plus élevée dans la colonne correspondant au service recherché (ou à la norme prise en charge en mode inactif) et l'équipement utilisateur est alors connecté à cette cellule (si cette cellule figurait dans le rapport de mesures de l'équipement d'utilisateur). Dans le cas contraire, la priorité suivante est alors sélectionnée et, si aucune des cellules de la liste de priorités ne figure dans le rapport de mesures de l'équipement d'utilisateur, il n'est pas tenu compte de l'étape d'attribution basée sur le service et les autres critères de sélection de la meilleure cellule sont appliqués (paragraphes [0021] et [0066] in fine). 28. Aux fins de l'invention, le brevet comporte 24 revendications dont seules sont opposées les revendications 1 et 15 suivantes : 1. Procédé pour déterminer une attribution de cellule pour un utilisateur dans un réseau sans fil, le réseau comportant une pluralité de types de cellules et les utilisateurs ayant au moins l'un d'une pluralité de types de services, comprenant l'établissement d'une table de priorités comprenant, pour chaque type de service, une priorité pour chaque type de cellule. 15. Réseau de communication sans fil comportant une pluralité de types de cellules pour prendre en charge des utilisateurs ayant au moins l'un d'une pluralité de types de services, dans lequel on établit une table de priorités dans laquelle, pour chaque type de service, une priorité est définie pour chaque type de cellule. 2o) Sur la validité du brevet contestée en défense Moyens des parties 29. La société Huawei Technologies France conclut à la nullité manifeste du brevet EP'374. Elle rappelle d'abord que la description et les revendications enseignent une méthode pour l'attribution d'une cellule cible au moyen de l'élaboration d'une table de priorités. Or, elle soutient que l'homme du métier se trouve, à la lecture du fascicule de brevet, qui n'enseigne aucune étape supplémentaire suivant l'établissement de la table de priorités, dans l'incapacité de réaliser l'invention en présence de plusieurs cellules de type et de technologie identiques. Elle soutient en effet que la description et les exemples ne divulguent que des hypothèses dans lesquelles les cellules sont toutes de types et de technologies différents, tandis que la société Intellectual Ventures I se dispense de fournir au tribunal la documentation technique appartenant selon elle aux connaissances générales de l'homme du métier et qui lui permettrait de sélectionner une cellule cible parmi plusieurs cellules cibles du même type (taille et technologie). Elle ajoute que l'argument tiré de mesures complémentaires réalisées par l'équipement d'utilisateur après l'élaboration et l'envoi de la table, à la supposer techniquement envisageable (ce qui n'est selon elle pas le cas) n'est de toutes façons pas décrite par le brevet EP'374. 30. La société Huawei Technologies France fait également valoir que le brevet est en tout état de cause dépourvu de nouveauté, au regard notamment du document US'581, qui ne se distingue selon elle du brevet EP'374 que par de simples représentations graphiques. Elle soutient en effet que le document US'581 enseigne un "organigramme" d'attribution de cellule en fonction des capacités du téléphone et de la taille de la cellule, dont elle propose une présentation sous la forme d'un tableau à double entrée, en tous points identiques selon elle à la table de priorité enseignée par le brevet EP'374 lorsque l'équipement d'utilisateur est en mode inactif. Elle précise que la partie allemande du brevet EP'374 a été annulée sur la base de ce document dont les juges allemands ont considéré qu'il était destructeur de la nouveauté du brevet. 31. Cette société ajoute que, pour le cas où le tribunal ne serait pas convaincu du fait que l'homme du métier serait parvenu à l'élaboration d'une table de priorités en mode connecté au moyen du seul document US 581, il lui suffirait alors de considérer que celui-ci aurait nécessairement combiné le document US'581 avec la demande PCT noWO 95/07010 publiée le 9 mars 1995 (document Leih), ayant pour titre "Système de communication mobile sélectionnant des domaines disponibles", et qui divulgue l'établissement d'une liste de "préférences" d'attribution de "domaine" selon le type de services supportés. La société Huawei Technologies France en déduit que, combinant ce document, qui enseigne l'établissement d'une table de priorités d'attribution de cellule en fonction du type de services, l'homme du métier serait parvenu à l'invention revendiquée, laquelle se trouve ainsi selon elle dépourvue de toute activité inventive. 32. La société SFR déclare faire sienne l'argumentation de la société Huawei technologies Franceaux fins d'obtenir l'annulation des revendications opposées du brevet EP'374. 33. La société Intellectual Ventures I demande quant à elle au tribunal d'écarter l'ensemble des moyens de nullité du brevet EP'374. Elle soutient en premier lieu que le fascicule de brevet ne prétend à aucun moment que l'établissement de la table de priorité soit en lui-même suffisant pour la détermination d'une seule et unique cellule cible. Elle ajoute que dans une hypothèse telle que celle visée par les défendeurs (présence de plusieurs cellules de type et de technologie identiques), l'opérateur doit réaliser des opérations supplémentaires que l'homme du métier trouverait selon elle aisément dans les techniques connues, lesquelles sont indique-t'elle au demeurant décrites dans le brevet, sous la forme d'une mesure, par l'équipement d'utilisateur, de l'intensité des signaux reçus des cellules transmise par la station de base. 34. La société Intellectual Ventures I conclut également à la nouveauté du brevet EP'374 au regard du document US'581. Elle rappelle que ce document est cité dans la description au titre de l'état de la technique et que l'OEB a considéré qu'il ne détruisait pas la nouveauté du présent brevet. La société Intellectual Ventures I soutient à cet égard que le document US'581 ne divulgue une attribution de cellule qu'en fonction de la taille de cette cellule et non de sa technologie, non plus que de la fréquence porteuse qu'elle utilise. Elle ajoute que la sélection de cellule enseignée par le brevet US'581 ne s'effectue pas sur la base d'une table de priorités mais selon un parcours, mis en oeuvre au moyen d'un algorithme HCS, au sein d'un arbre décisionnel comprenant des tests à réaliser suivant l'ordre des couches défini en fonction des capacités du terminal mobile. Elle en déduit que l'arbre décisionnel enseigné par ce brevet américain n'est pas une table de priorités au sens du brevet EP'374, lequel ne souffre d'aucune absence de nouveauté. 35. Elle soutient que les autres documents invoqués ne sont pas davantage destructeurs de nouveauté. Ainsi, le document EP'798 concerne l'établissement d'une table de priorité concernant une unique technologie (GSM ou 2G) ayant deux fréquences porteuses possibles (GSM 900 et GSM 1800 dite aussi DCS), ce qui ne correspond pas à la pluralité de types de cellules enseignée par le brevet. La société Intellectual Ventures I ajoute que la sélection opérée par le brevet EP'798 n'est pas fonction d'une pluralité de types de services au sens du brevet mais de la vitesse de déplacement de l'équipement d'utilisateur (slow ou 36. La société Intellectual Ventures I conclut de la même manière à l'absence de pertinence du document Leih qui ne concerne que la technologie 2G et ne divulgue aucun réseau comportant une pluralité de types de cellule, mais un réseau mettant en oeuvre deux cellules identiques. Il ne peut dès lors enseigner une table de priorité au sens du brevet EP'374. Le document EP'006 enfin, n'a pas le même objet que le présent brevet puisqu'il décrit une procédure de transfert, à l'intérieur d'un réseau dans lequel est progressivement déployé une nouvelle technologie telle que la 3G, d'une unité mobile d'une cellule mettant en oeuvre la technologie 2G vers la cellule plus appropriée. Ce document ne distingue pas les cellules selon leur taille et leur fréquence porteuse, ni n'enseigne l'établissement d'une liste de priorités au sens du brevet. 37. Selon la société demanderesse, aucun de ces documents, même en les combinant, n'aurait permis à l'homme du métier de parvenir à l'invention revendiquée, laquelle n'avait donc, pour ce dernier, rien d'évident. Appréciation du tribunal á - Sur l'insuffisance de description 38. Aux termes de l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, "La nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich." Selon l'article 138 "Nullité des brevets européens" de cette Convention "(1) Sous réserve de l'article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un État contractant, a) l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 b) le brevet européen n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ;" 39. Il est en outre rappelé que l'article 83 "Exposé de l'invention" de la Convention prévoit que "L'invention doit être exposée dans la demande de brevet européen de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter." 40. Ces dispositions sont constamment interprétées en ce sens qu'une invention est suffisamment décrite lorsque l'homme du métier est en mesure, à la lecture de la description et grâce à ses connaissances professionnelles normales, théoriques et pratiques, d'exécuter l'invention ( Cass. Com 23 mars 2005, pourvoi no 03- 16.532 ; Cass. Com., 20 mars 2007, pourvoi no 05-12.626, Bull. 2007, IV, no 89 ; Cass. Com., 13 novembre 2013, pourvoi no 12-14.803, 12-15.449). 41. Le fait que certains éléments indispensables au fonctionnement de l'invention ne figurent ni explicitement dans le texte des revendications ou de la description, ni dans les dessins représentant l'invention revendiquée, n'implique pas nécessairement que l'invention n'est pas exposée dans la demande de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter, dès lors que ces éléments indispensables appartiennent à ses connaissances générales (Cass. Com., 23 janvier 2019, pourvois no 17-14.673 et 16-28.322 : dans cette affaire le diagramme fer-carbone, qui fournit avec précision la température de fusion des fontes et des aciers en fonction de leur teneur en carbone, a été retenu comme appartenant aux connaissances générales de l'homme du métier pouvant compléter les enseignements du brevet). 42. L'homme du métier est celui du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet du brevet, se propose de résoudre (Cass. Com., 20 novembre 2012, pourvoi no11-18.440). L'objet du brevet EP'374 étant de proposer une technique "améliorée" de sélection d'une cellule cible dans un système de communication sans fil prenant en charge plus d'une norme de communication (cf paragraphe [0011]), il s'agit ici d'un ingénieur spécialiste des technologies de communication mises en oeuvre dans les réseaux de téléphonie mobile. 43. Il est au cas particulier rappelé que "l'invention propose un procédé pour déterminer une attribution de cellule pour un utilisateur dans un réseau sans fil, le réseau comportant une pluralité de types de cellules et les utilisateurs ayant au moins l'un d'une pluralité de types de services, comprenant l'établissement d'une table de priorités comprenant, pour chaque type de service, une priorité pour chaque type de cellule." (Cf paragraphe [0012] de la description et revdnication 1) Dit autrement, le brevet propose, en fonction du type de services utilisé par un équipement mobile se trouvant à un moment donné au sein d'une même zone couverte par des cellules de différents "types", l'attribution d'une cellule, après établissement d'une liste de cellules classées par ordre de "priorité". 44. Certes, ainsi que le relèvent les sociétés défenderesses, le brevet ne décrit pas l'attribution d'une cellule dans le cas où au moins deux cellules sont de même "type", c'est à dire de même taille et supportant une technologie identique, et qui seraient dès lors classées avec le même ordre de priorité par la table. Dans tous les exemples fournis, les cellules sont en effet toutes de "types" différents. 45. Force est toutefois de constater que le fascicule de brevet (paragraphe [0008]) rappelle l'art antérieur le plus proche et en particulier le document US'386 qui enseigne l'établissement d'une structure hiérarchique de cellule, sur la base de la force du signal de leurs canaux respectifs, et qu' "une décision sur la cellule offrant la meilleure desserte pour la station mobile (l'équipement d'utilisateur) est prise sur la base à la fois de la valeur préférentielle des cellules associées et de l'intensité de signal de leurs canaux radio respectifs". 46. Le paragraphe [0021] du brevet EP'374 mentionne en outre l'étape de réalisation des mesures d'intensité de signal des cellules et de détermination des valeurs de seuil, tandis que la paragraphe [0066] rappelle que dans la situation inverse à celle évoquée par les sociétés défenderesses (aucune cellule attribuée par la "table" ne figure dans le rapport de mesures de l'équipement d'utilisateur) il n'est pas tenu compte de l'étape d'attribution basée sur le service (enseignée ici par le brevet EP'374 aux fins d'optimisation du réseau) et "on applique les autres critères de sélection de la meilleure cellule", c'est à dire en fonction, notamment, de la force du signal radio ( US'386). 47. Il en résulte que, dans un tel cas, l'homme du métier doit effectivement réaliser une étape supplémentaire de sélection pour parvenir à l'attribution d'une cellule décrite et revendiquée par le fascicule du brevet EP'374, laquelle n'est pas spécialement décrite, mais se trouve, ainsi que le fait valoir à juste titre la société Intellectual Ventures I, connue de lui, et au demeurant mentionnée ici au titre de l'art antérieur le plus proche (document US'386). 48. Il doit en être déduit que le brevet expose l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter. Ce grief de nullité est donc écarté. â - Sur l'absence de nouveauté 49. Il résulte de l'article 54 "Nouveauté" de la Convention sur le brevet européen qu' "Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique." 50. En application de ces dispositions, l'élément de l'art antérieur n'est destructeur de nouveauté que s'il renferme tous les moyens techniques essentiels de l'invention dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique. L'antériorité, qui est un fait juridique dont l'existence, la date et le contenu doivent être prouvés par tous moyens par celui qui l'invoque, doit être unique et être révélée dans un document unique dont la portée est appréciée globalement. 51. Les sociétés défenderesses invoquent à cet égard le document US'581 du 10 juin 1997 ayant pour titre "Structures cellulaires hiérarchiques sur mesure dans un système de communication", qui propose un procédé de sélection d'une cellule, parmi une pluralité de cellules ayant des zones de service différentes les unes par rapport aux autres, destinée à être utilisée par une unité mobile (revendication 1 du brevet US'581), aux fins d'optimisation globale du réseau, une cellule étant attribuée en fonction des caractéristiques du mobile et les fonctionnalités des cellules (dernier paragraphe de la partie "arrière-plan de la description). 52. Ce document enseigne en particulier que les cellules sont définies par leur taille (micro, macro,...) et le standard supporté (GSM, GPRS,...) et affectées à une "couche" (layer). Les unités mobiles sont quand à elles affectées à une "couche" en fonction de leur "classe" (c'est à dire en fonction notamment de la norme avec laquelle ils sont compatibles : GPRS, GSM). 53. En outre, ainsi que le font valoir à juste titre les sociétés défenderesses, la figure 2a de ce brevet US'581 peut être également représentée sous la forme d'une "table de priorités" telle qu'enseignée par le brevet EP'374 (cf les conclusions de la société Huawei Technologies France no171 page 50 et ci-dessous la figure 2a du brevet US'581 et la conversion de cette figure en tableau proposée par la société Huawei Technologies France) : 54. Le tribunal ne peut donc que constater que le document US'581 enseigne une attribution de cellule pour un équipement d'utilisateur, dans un réseau comprenant une pluralité de types de cellules (la revendication, ni d'ailleurs la description, ne contenant aucune autre précision qui pourrait amener à la conclusion que la notion de "type" de cellule serait différente dans les deux documents) et les équipements d'utilisateurs ayant l'un au moins d'une pluralité de types de service (sans davantage de précision tandis que les deux documents envisagent exactement le même exemple en fonction de la norme supportée par le mobile), et comprenant l'établissement d'une liste de priorités comprenant pour chaque type de service, une priorité pour chaque type de cellule. 55. En définitive, les documents ne se distinguent que par une étape de "découpage" supplémentaire du procédé (l'établissement d'une "table"), étape qui en elle- même n'apporte rien à l'invention qui dans les deux cas consiste à attribuer, pour chaque type de service, une priorité pour chaque type de cellule. 56. Il en résulte que le brevet US'581 renferme tous les moyens techniques essentiels de l'invention dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement, en vue du même résultat technique. Le moyen de nullité tiré du défaut de nouveauté des revendications 1 de procédé et 15 de dispositif (en tous points identique à l'exclusion de la "table") du brevet EP'374 doit donc être accueilli. 57. L'annulation des revendications opposées 1 et 15 du brevet EP'374 prive de fondement les demandes au titre de la contrefaçon (communication d'éléments sous astreinte, paiement d'une provision de 30 millions d'euros, publication du jugement), qui ne peuvent dès lors qu'être rejetées, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de nullité du brevet. 58. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Intellectual Ventures I sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Bouygues Télécom la somme de100.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et celle de 200.000 euros à la société Huawei Technologies France au même titre. 59. Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire sera ordonnée, sauf en ce qui concerne la transcription au Registre National des PAR CES MOTIFS, Le tribunal, DIT que les revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP1 327 374 sont nulles pour insuffisance de description ; ORDONNE, à l'initiative de la partie la plus diligente, la transmission de la présente décision, une fois passée en force jugée, à l'INPI aux fins d'inscription au Registre National des Brevets ; REJETTE par conséquent toutes les demandes fondées sur la contrefaçon de ce brevet ; CONDAMNE la Société Intellectual Ventures I aux dépens et autorise Maîtres Abello et Desrousseaux à recouvrer directement ceux dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société Intellectual Ventures I à payer à la société SFR la somme de 100.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et celle de 200.000 euros à la société Huawei Technologies France sur le même fondement ; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision, sauf en ce qui concerne sa transcription au Registre National des Brevets. Fait et jugé à Paris le 08 novembre 2022. La Greffière La Présidente
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JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 20/09239 No Portalis 352J-W-B7E-CS2UV No MINUTE : Assignation du : 29 septembre 2020 rendu le 08 décembre 2022 DEMANDERESSE S.A.R.L. NEXTONE RESIDENCE [Adresse 4] [Localité 2] représentée par Me Eléonore GASPAR de la SELARL DUCLOS THORNE MOLLET-VIEVILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P75 DÉFENDERESSES S.A.S. HELIONWOOD [Adresse 3] [Localité 2] S.A.S. HOTEL DUPLEIX SUFFREN [Adresse 1] [Localité 2] représentées par Me Constance MONOD de l'AARPI VALMY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0386 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Elodie GUENNEC, Vice-présidente Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière A l'audience du 20 septembre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que la décision serait rendue le 17 novembre 2022. Le délibéré a été prorogé au 08 décembre 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société Nextone Résidence est spécialisée dans l'exploitation immobilière notamment de résidences hôtelières. Elle exploite depuis 2013 un hôtel classé 5 étoiles dénommé "Marquis Faubourg Saint-honoré", situé dans le [Localité 2]. Aux fins de cette exploitation elle a déposé les marques françaises suivantes désignant les services d'hôtellerie et de restauration en classe 43 : - la marque verbale no3815966 "Marquis" déposée le 20 mars 2011; - la marque verbale no3941569 "Marquis Faubourg Saint-honoré" déposée le 23 août 2012 ; - la marque semi-figurative no3865066 "Marquis Cur Non" déposée le 7 octobre 2011 : 2. La société Helionwood est la holding d'un groupe spécialisé dans le domaine de l'hôtellerie désigné sous le signe "Inwood Hotels". Elle est la mère de la société Hôtel Dupleix Suffren, immatriculée en 2001, laquelle exploite depuis 2008 un hôtel (classé 4 étoiles) dénommé "Le Marquis" situé dans le [Localité 2], cette dénomination étant protégée par les marques verbales françaises suivantes, déposées le 10 juin 2015 et enregistrée le 2 octobre suivant, pour désigner les services de publicité en classe 35, d'affaires immobilières et de gestion financière en classe 36 et d'hôtellerie et restauration en classe 43 : "Marquis" no4187747, "Marquis Hôtel" no4187746, "Le Marquis Hôtel" no4187741, "Hôtel Marquis" no4187756, "Hôtel Le Marquis" no4187760, "Marquis Effeil" no4187750, "Le Marquis Effeil" no4187751 et "Hôtel Le Marquis Effeil" no4187764. 3. Par une lettre du 28 juillet 2020, la société Helionwood a mis en demeure la société Nextone Résidence de cesser tous usages du signe "Le Marquis", celle-ci exposant avoir découvert en 2020 l'existence de cet établissement hôtelier concurrent portant le même nom. 4. Considérant de son côté que la société Helionwood était forclose à contester la validité de ses marques au regard de leur exploitation publique et continue et qu'elle ne pouvait justifier de l'usage d'un nom commercial antérieur, la société Nextone Résidence a, par une lettre du 19 août 2020, parallèlement mis en demeure la société Helionwood de cesser l'utilisation du signe "Le Marquis" et de retirer l'ensemble des marques françaises précitées déposées en 2015. 5. C'est dans ce contexte que, par actes d'huissier en date du 29 septembre 2020, la société Nextone Résidence a fait assigner les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren devant le tribunal judiciaire de Paris, en nullité des marques "Marquis" no4187747, "Marquis Hôtel" no4187746, "Le Marquis Hôtel" no4187741, "Hôtel Marquis" no4187756, "Hôtel Le Marquis" no4187760, "Marquis Effeil" no4187750, "Le Marquis Effeil" no4187751 et "Hôtel Le Marquis Effeil" no4187764 ainsi qu'en contrefaçon et concurrence déloyale et parasitaire. 6. Par une ordonnance du 9 juillet 2021, le juge de la mise en état a notamment : - DIT la société Helionwood irrecevable en ses demandes en nullité des marques Marquis et Marquis Faubourg-Saint Honoré fondées sur le nom commercial " Le Marquis " (seule la société Hôtel Dupleix Suffren étant recevable à invoquer l'usage du nom commercial "Le Marquis" tandis que l'effectivité de cet usage est un moyen de fond) ; - DIT la société Helionwood irrecevable en ses demandes en concurrence déloyale fondée sur le nom commercial "Le Marquis"; - DIT que les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren sont irrecevables en leurs demandes du fait de la forclusion par tolérance du fait de leur connaissance de l'usage des marques no3815966, no39411569 et no3865066 de la société Nextone depuis plus de 5 années. 7. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 19 janvier 2022, la société Nextone Résidence demande au tribunal de : A titre liminaire, - DÉCLARER irrecevables et en tout état de cause mal fondées l'ensemble des demandes de Hôtel Dupleix Suffren tendant à voir interdire l'usage du signe " Marquis" par Nextone, - DÉCLARER irrecevables et en tout état de cause mal fondées les demandes en concurrence déloyale de Hôtel Dupleix Suffren fondée sur le nom commercial " Le Marquis " ; - DÉCLARER irrecevables et en tout état de cause mal fondées les demandes de Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren tendant à contester la validité des marques de Nextone ainsi que leurs usages; En tout état de cause, - DIRE que Hôtel Dupleix Suffren n'a pas de droit antérieur sur le nom commercial " LE MARQUIS "; - CONSTATER les droits antérieurs de Nextone sur les marques "Marquis " no3815966 et " Marquis Faubourg Saint Honore " no39411569 ; - CONSTATER l'absence de risque de confusion entre la marque no 3865066 et le nom commercial " Le Marquis " ; En conséquence, - DÉBOUTER Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren de leur demande en illicéité des marques no3815966 et Marquis Faubourg-saint Honore no39411569 ; - DÉBOUTER Hôtel Dupleix Suffren de ses demandes en concurrence déloyale et parasitisme. - DÉBOUTER Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren de leur demande pour procédure abusive ; - DÉBOUTER Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren de leur demande en publication du jugement ; - JUGER qu'en utilisant le signe "Le Marquis" pour des services hôteliers, la société Helionwood et la société Hôtel Dupleix Suffren ont commis des actes de contrefaçon de marque "Marquis" no3815966 et de la marque "Marquis Faubourg Saint-honore" no39411569 et ont porté atteinte aux noms commerciaux de Nextone ; - INTERDIRE à la société Helionwood et la société Hôtel Dupleix Suffren sous astreinte de 1000€ par jour de retard dans un délai de 15 jours calendaires à compter de la signification du jugement à intervenir, l'exploitation à quelque titre que ce soit, du signe " Le Marquis " ; - JUGER qu'en déposant les marques Marquis no4187747, Marquis Hôtel no4187746, Le Marquis Hôtel no4187741, Hôtel Marquis no4187756, Hôtel Le Marquis no4187760, Hôtel Marquis Effeil no4187753, Marquis Effeil no4187750, Le Marquis Effeil no4187751 et Hôtel Le Marquis Effeil no4187764 le 10 Juin 2015, la société Helionwood a porté atteinte aux marques Marquis No3815966 et Marquis Faubourg Saint-honore no39411569 et a porté atteinte aux noms commerciaux de Nextone ; - ANNULER en conséquence les marques Marquis No4187747, Marquis Hôtel No4187746, Le Marquis Hôtel No4187741, Hôtel Marquis No4187756, Hôtel Le Marquis No4187760, Hôtel Marquis Effeil No4187753, Marquis Effeil No4187750, Le Marquis Effeil No4187751 et Hôtel Le Marquis Effeil No4187764, de la société Helionwood ; - INSCRIRE le jugement au Registre national des marques ; - CONDAMNER solidairement la société Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren à verser à Nextone la somme de 50.000 Euros ; - ORDONNER la publication du jugement à intervenir, constatant la contrefaçon commise par la société Helionwood et la société Hôtel Dupleix Suffren au détriment de la société Nextone, dans trois publications au choix de la demanderesse, dans la limite de 1000€, par publication ; - DIRE que les condamnations porteront sur tous les faits illicites commis jusqu'au jour du prononcé du jugement à intervenir ; - CONDAMNER solidairement la société Helionwood et la société Hôtel Dupleix Suffren à payer à la société Nextone la somme de 20.000€ à titre de remboursement des peines et soins du procès, conformément à l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER solidairement la société Helionwood et la société Hôtel Dupleix Suffren aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la Selarl Duclos Thorne Mollet-Vieville & Associés, avocat aux offres de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile. 8. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 janvier 2022, les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren demandent au tribunal de : - DIRE que la société Hôtel Dupleix Suffren exploite de manière continue, paisible, non-équivoque et publique la dénomination commerciale "Le Marquis " depuis 2001 et qu'elle possède ainsi un droit privatif antérieur ; En conséquence, - DÉBOUTER la société Nextone Résidence de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ; A titre reconventionnel, - DIRE que la société Nextone Résidence a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire en reprenant fautivement le nom commercial antérieure "Le Marquis" exploitée par la Société Hôtel Dupleix Suffren ; - INTERDIRE à la société Nextone Résidence toute utilisation, sous quelque forme que ce soit et sur quelque support que ce soit (physique ou digital), de ses noms commerciaux litigieux reprenant le terme " Marquis ", et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard dans un délai de quinze (15) jours calendaires à compter de la signification du jugement à intervenir ; - DIRE qu'en application de l'article L131-3 du code de procédure civile d'exécution, les astreintes prononcées seront liquidées, s'il y a lieu, par le Tribunal ayant statué sur la présente demande ; - CONDAMNER la société Nextone Résidence à verser à la société Hôtel Dupleix Suffren la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts. - PRONONCER l'illicéité des marques françaises no3815966 "Marquis", no3941569 "Marquis Faubourg Saint-honoré" et no3865066 "Marquis Cur Non" de la société Nextone Résidence. - INSCRIRE le jugement au registre national des marques. - ORDONNER l'insertion dans cinq journaux, au choix des sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren, et aux frais de la société Nextone Résidence, dans limite de 5.000 euros H.T., par insertion, du communiqué suivant, sous astreinte définitive de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir : "Par décision du..., le Tribunal Judiciaire de Paris a condamné la société Nextone Résidence pour avoir commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire par reprise illicite de la dénomination commerciale de l'hôtel "Le Marquis" de la chaîne d'hôtel Inwood Hotels et à verser à la société Hôtel Dupleix Suffren des dommages-intérêts." ; - ORDONNER la diffusion dudit communiqué, pendant un délai d'un mois, en première page du site www.marquisfaubourgsainthonore.com/fr, dans sa partie supérieure, de façon immédiatement visible par le consommateur, dans une taille de caractères d'une valeur au moins égale à 12, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir. - CONDAMNER la société Nextone Résidence à verser à la société Hôtel Dupleix Suffren la somme de 10.000 euros pour procédure abusive. - ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir en toutes ses dispositions, nonobstant appel et sans constitution de garantie. - CONDAMNER la société Nextone Résidence à payer à la société Hôtel Dupleix Suffren la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des entiers dépens. 9. L'instruction a été close par une ordonnance du 21 avril 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 20 septembre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 10. Il est observé à titre liminaire que la demande en "illicéité" des marques de la société Nextone présentées à titre reconventionnel (et préalable) par les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren, laquelle s'analyse indiscutablement en une demande de nullité de ces marques, a déjà été déclarée irrecevable par le juge de la mise en état, les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren en ayant toléré l'usage pendant plus de cinq ans. Cette demande apparaît donc irrecevable conformément aux dispositions de l'article 794 du code de procédure civile qui confère autorité de chose jugée aux ordonnances du juge de la mise en état statuant sur une fin de non-recevoir. 1o) Sur la nullité et la contrefaçon des marques "Marquis", "Marquis Hôtel", "Le Marquis Hôtel", "Hôtel Marquis", "Hôtel Le Marquis", "Hôtel Marquis Effeil", "Marquis Effeil", "Le Marquis Effeil" et "Hôtel Le Marquis Effeil", de la société Helionwood Moyens des parties 11. La société Nextone Résidence soutient que les marques "Marquis", "Marquis Hôtel", "Le Marquis Hôtel", "Hôtel Marquis", "Hôtel Le Marquis", "Hôtel Marquis Effeil", "Marquis Effeil", "Le Marquis Effeil" et "Hôtel Le Marquis Effeil", de la société Helionwood, enregistrées en 2015 soit postérieurement aux siennes, mais il y a moins de cinq années de sorte qu'aucune forclusion ne lui est opposable, sont nulles. Elle fait à cet égard valoir que, déposées pour des services identiques voire similaires aux siens et, eu égard à leurs fortes ressemblances visuelle, auditive et conceptuelle, elles sont de nature à créer un indéniable risque de confusion dans l'esprit du public pertinent. 12. La société Nextone conteste toute antériorité de l'usage du nom commercial "Le Marquis" par la société Hôtel Dupleix Suffren et soutient à cet égard que les défenderesses ne peuvent se prévaloir de l'exception prévue à l'article L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle. Selon elle en effet, les pièces versées aux débats ne permettent en aucun cas de conclure à la preuve d'un usage personnel, public, continu et non équivoque du signe "Le Marquis". En particulier, la société Nextone soitient que les courriers produits en pièce no6 ne sont pas destinés à la clientèle, tandis que les éléments relevés par M. [O] n'ont pas pour origine les sociétés défenderesses (en particulier l'url www.lemarquis.com . La société Nextone soutient encore que le nom commercial de la société Hôtel Dupleix Suffren n'a cessé d'évoluer au cours des années (Le Marquis Suffren, puis Le Marquis Eiffel) pour ne devenir "Le Marquis" qu'en période récente et postérieure au dépôt de ses marques. 13. Les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren concluent au rejet des demandes de nullité de leurs marques, les marques antérieures de la société Nextone qui servent de fondement à cette demande, étant selon elles "illicites" comme constitutives d'agissements déloyaux et parasitaires en raison de leurs droits antérieurs sur le nom commercial "Le Marquis". 14. Ces sociétés demandent en tout état de cause au tribunal de retenir qu'elles sont fondées à invoquer l'exception de l'usage antérieur à titre de nom commercial du signe "Le Marquis" et d'écarter, en conséquence, la demande en contrefaçon de marques, dont elles soulignent qu'elle ne pourra concerner qu'une partie des produits et services désignés à leur enregistrement. Elles indiquent verser aux débats des preuves de l'exploitation publique du signe "Le Marquis" en pièce no6, un dossier de présentation de l'hôtel Le Marquis en pièce no20, ainsi qu'un dossier de presse en pièce no21, et un rapport d'analyse de la présence du signe sur internet en pièce no22. Appréciation du tribunal 15. Aux termes de l'article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle, "La marque de produits ou de services est un signe servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale de ceux d'autres personnes physiques ou morales. Ce signe doit pouvoir être représenté dans le registre national des marques de manière à permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l'objet de la protection conférée à son titulaire." L'article L. 711-3 de ce code précise que "I.-Ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment : 1o Une marque antérieure : a) Lorsqu'elle est identique à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée; b) Lorsqu'elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association avec la marque antérieure ; (...)" 16. S'agissant de la contrefaçon, l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit que "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque." 17. L'article L. 713-1 du code de la propriété intellectuelle précise toutefois que "L'enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services qu'il a désignés. Ce droit s'exerce sans préjudice des droits acquis par les tiers avant la date de dépôt ou la date de priorité de cette marque.", tandis qu'aux termes de l'article L.713-6 II de ce même code "II. - Une marque ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, d'un nom commercial, d'une enseigne ou d'un nom de domaine, de portée locale, lorsque cet usage est antérieur à la date de la demande d'enregistrement de la marque et s'exerce dans les limites du territoire où ils sont reconnus." 18. Il convient ici de comparer les signes "Marquis", "Marquis Hôtel", "Le Marquis Hôtel", "Hôtel Marquis", "Hôtel Le Marquis", "Hôtel Marquis Effeil", "Marquis Effeil", "Le Marquis Effeil" et "Hôtel Le Marquis Effeil", de la société Helionwood, avec les signes "Marquis", "Marquis Faubourg Saint-honoré", "Marquis Cur Non" (signe semi-figuratif constitué d'un "M" stylisé figurant une bague, surmontée d'une courrone, entouré de deux licornes cabrées se faisant face, au-dessus d'un phylactère contenant une devise en latin signifiant "pourquoi pas") de la société Nextone Résidence. 19. Force est à cet égard de constater que les signes "Marquis" sont identiques. Ils sont déposés pour désigner des services au moins pour partie identiques à savoir les services d'hôtellerie. La nullité de la marque no4187747 est donc encourue. 20. Les autres signes constituent des imitations des marques antérieures de la société Nextone. Aussi, il convient de rappeler que, interprétant les dispositions de l'article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE), dont l'article L.713-2 réalise la transposition en droit interne, la Cour de Justice des Communautés européennes a dit pour doit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (arrêt Canon du 29 septembre 1998, C-39/97, point 29 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik du 22 juin 1999, C-342/97). Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (voir, arrêt Sabel du 11 novembre 1997, C-251/95, point 22), cette appréciation globale impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte (arrêt Canon, point 17). 21. En outre, l'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (arrêt Gut Springenheide et Tusky du 16 juillet 1998, C-210/96, point 31 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97, point 26). 22. Afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97 ). Enfin, pour apprécier la similitude entre des produits ou des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou ces services ; ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt Canon, C-39/97, point 23). 23. Les produits et services désignés à l'enregistrement sont au moins pour partie les mêmes. Le public pertinent est en outre ici un consommateur à la recherche d'un hébergement hôtelier ; il est donc plutôt attentif, voire très attentif. 24. Les signes reproduisent en outre tous le mot "Marquis", lequel apparaît très distinctif pour désigner des services d'hôtellerie, les signes ne se distinguant que par l'ajout (pour certains signes des défenderesses) de l'article "Le" ou des éléments purement descriptifs "hôtel" ou de l'emplacement géographique de cet hôtel. Il en résulte que, si les signes sont visuellement et phonétiquement relativement distincts, ils apparaissent conceptuellement très proches, renvoyant l'un et l'autre à un univers noble et masculin. 25. Cette forte ressemblance conceptuelle, ainsi que l'identité au moins partielle des services concernés, ne sont pas compensées ici par les différences visuelle et auditive entre les signes, non plus que par le degré plutôt élevé d'attention du public pertinent, qui sera indéniablement amené à croire que les services d'hôtellerie proposés par les parties proviennent d'entités économiquement liées, ce qui n'est pas le cas. Le risque de confusion apparaît donc établi. Il entrainera l'annulation des marques pour les services de restauration, bars, hôtellerie, hébergement temporaire. 26. En ce qui concerne la contrefaçon, les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren s'en défendent en concluant à l'antériorité de leurs droits sur le nom commercial "Le Marquis" ou encore "Le Marquis Eiffel" exposant exploiter ce nom commercial pour désigner un hôtel classé 4 étoile situé à proximité de la Tour Eiffel depuis 2001. 27. La société Helionwood et sa filiale à 100% la société Hôtel Dupleix Suffren, versent en premier lieu aux débats une revue de presse portant sur la période 2003 / 2008 correspondant à la période où l'hôtel était la propriété des fondateurs du groupe Helionwood. L'hôtel était à cette époque connu du public sous le nom commercial "Le Marquis" les articles produits émanant aussi bien de la presse spécialisée à l'attention des professionnels du secteur, que généraliste (ex : magazine "ELLE" de 2008). 28. Les sociétés défenderesses produisent également en pièce no6 des contrats avec différents partenaires, ou encore des courriers à ces mêmes partenaires, portant sur la période 2004/2012 lesquels démontrent l'usage par elles, du nom commercial "Le Marquis" (ainsi que "Le Marquis Eiffel") pour désigner leur hôtel de la [Adresse 1]. Il s'agit pour l'essentiel d'accords d'hébergement et il apparaît peu crédible que ces hébergements concernent un hôtel présenté à la clientèle sous un autre nom, contrairement à ce que suggère la société Nextone. 29. Par leur pièce no22, enfin, les défenderesses démontrent la réservation du nom de domaine <www.lemarquisparis.com> dès le 26 octobre 2005, et, par les extraits du site archive.org, une activité à cette adresse url dès l'année 2006 et sans discontinuer jusqu'en 2021. 30. Ce faisant, les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren démontrent l'existence de leur droit antérieur sur le nom commercial "Le Marquis" ou "Le Marquis Eiffel". Les demandes fondées sur la contrefaçon, laquelle porte sur l'exploitation de l'hôtel situé [Adresse 1], seront donc rejetées. 2o) Sur la concurrence déloyale et parasitaire a - Sur la demande à ce titre de la société Nextone La société Nextone reproche à ce titre aux défenderesses la reprise de son nom commercial "Le Marquis" par l'effet dun "glissement" de leur nom dont elles suppriment progressivement la référence à leur lieu d'implantation (Suffren, Eiffel). Or, les droits antérieurs établis des sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren sur le nom commercial "Le Marquis" ne peuvent que conduire au rejet de cette demande. b - Sur les demandes à ce titre des sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren : 32. Ces sociétés fondent leurs demandes de ce chef sur la reprise de leur nom commercial "Le Marquis" par la société Nextone pour désigner la même activité d'hôtellerie, ainsi que la modification de son référencement sur internet en 2020. Or, les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren ayant toléré depuis 2013 l'exploitation de l'hôtel de la demanderesse peuvent difficilement invoquer ici l'existence d'une faute de la part de la société Nextone, et ne rapportent surtout la preuve d'aucun préjudice en lien avec la reprise de ce nom, étant observé ici que le "Marquis Faubourg Saint-honoré" est un hôtel classé 5 étoiles et "Le Marquis Eiffel" un hôtel classé 4 étoiles, dont les clientèles sont relativement distinctes en raison des prix pratiqués par les établissements concernés. Les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren, qui se bornent à l'affirmer, n'offrent pas davantage de caractériser en quoi le "référencement Google" de l'hôtel "Marquis Faubourg Saint-honoré" serait depuis 2020 fautif comme imputable à la "refonte" (fautive) de son site internet par la société Nextone. Aussi, les demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire formées par ces sociétés seront rejetées. 3o) Sur les autres demandes 33. Le succès des prétentions de la société Nextone commande de rejeter la demande fondée sur un abus de procédure présentée par les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren. 34. Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren seront condamnées in solidum aux dépens, ainsi qu'à payer, sous la même solidarité imparfaite, à la société Nextone la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 35. Aucune circonstance ne justifie d'écarter l'exécution provisoire dont est de plein droit assortie la présente décision conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile, sauf en ce qui concerne la transcription au Registre des marques compte tenu des effets irrémédiables d'une telle transcription. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, DÉCLARE IRRECEVABLE la demande en "illicéité" des marques présentée par les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren ; DÉCLARE nulles pour atteinte aux droits de marques antérieures de la société Nextone Résidence, les marques verbales françaises suivantes : "Marquis" no4187747, "Marquis Hôtel" no4187746, "Le Marquis Hôtel" no4187741, "Hôtel Marquis" no4187756, "Hôtel Le Marquis" no4187760, "Marquis Effeil" no4187750, "Le Marquis Effeil" no4187751 et "Hôtel Le Marquis Effeil" no4187764, de la société Helionwood, mais uniquement en ce qu'elles désignent en classe 43 les services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ; services de bars , services de traiteurs ; services hôteliers ; réservation de logements temporaires ; DIT que la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, sera transmise à l'INPI pour sa transcription sur le registre national des marques à l'initiative de la partie la plus diligente ; REJETTE les demandes fondées sur la contrefaçon de ses marques en raison de l'usage antérieur démontré du nom commercial "Le Marquis" par les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren pour désigner un hôtel situé [Adresse 1] ; Rejette les demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire présentées par les sociétés Nextone d'une part et Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren d'autre part ; REJETTE la demande de dommages-intérêts pour abus de procédure présentée par les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren ; CONDAMNE in solidum les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren aux dépens et autorise la Selarl Duclos Thorne Mollet-Vieville & Associés à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; CONDAMNE in solidum les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren à payer à la société Nextone Résidence la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire sauf en ce qui concerne la transcription au Registre des marques. Fait et jugé à Paris le 08 décembre 2022. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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JUDICIAIRE 3ème chambre 2ème section No RG 21/01835 No Portalis 352J-W-B7F-CTYLO No MINUTE : Assignation du : 03 Décembre 2020 rendu le 25 Novembre 2022 DEMANDERESSE SAS CLECIM anciennement PRIMETALS TECHNOLOGIES FRANCE SAS [Adresse 1] [Localité 2] représentée par Maître Bertrand LIARD du LLP WHITE AND CASE LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0002 DÉFENDERESSE S.A.S. DEEPGRAY VISION [Adresse 3] [Localité 4] représentée par Maître Grégoire DESROUSSEAUX et Maître Charles BOUFFIER de laSCP AUGUST & DEBOUZY et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0438 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-Présidente Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Quentin CURABET, Greffier A l'audience du 29 Septembre 2022 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société VAI Clecim, immatriculée le 13 août 2003, a changé plusieurs fois de dénomination, devenant Siemens VAI Metals Technologies à compter du 3 novembre 2006, puis Primetals Technologies France à compter du 8 janvier 2015 et enfin Clecim depuis le 1er avril 2021. Elle se présente comme une spécialiste de la fabrication, la vente, les services et la maintenance d'équipements et logiciels pour la métallurgie et comme la propriétaire, en particulier : - d'un système automatique d'inspection de surface, le système SIAS, incluant différents équipements d'inspection, à savoir des composants matériels, tels qu'au moins une caméra, couplés à une interface logicielle nommée XLine, - des marques française no3391687 et internationale no901458 "XLine" et des marques française no3391684 et internationale no901808 "SIAS". 2. La SAS Deepgray Vision a été créée le 20 janvier 2012 par MM [B] [H], [E] [J] et [Z] [N], salariés de la SAS Clecim jusqu'au 9 septembre 2011 ayant travaillé sur le système SIAS et le logiciel XLine. Elle a principalement pour objet la conception, la réalisation et la fourniture d'équipements, de systèmes ou de prestations de service dans les domaines du traitement du signal, de l'imagerie et de la mesure, pour l'industrie notamment, le développement de logiciels, de sous-ensembles électroniques, optiques et mécaniques, la conception, le développement, le déploiement et la mise en route et la maintenance de systèmes complets. 3. La SAS Deepgray Vision est intervenue en novembre 2014 sur le système d'inspection automatique de surface installé en 2006 par la SAS Clecim sur le site d'[Localité 6] de la société Aperam Stainless France (ci-après Aperam). 4. Soutenant que la SAS Deepgray Vision avait utilisé le code source du logiciel XLine à cette occasion, et ainsi contrefait ses droits d'auteur sur ce logiciel et ses marques XLine et SIAS, la SAS Clecim a obtenu deux ordonnances en saisie-contrefaçon des 21 et 29 novembre 2018 et y a fait procéder au sein des locaux aux deux adresses de la SAS Deepgray Vision le 14 décembre 2018 par un huissier de justice assisté d'un expert en informatique. 5. Par acte du 11 janvier 2019, la SAS Clecim a assigné la SAS Deepgray Vision devant le tribunal judiciaire de Nanterre pour faire interdire la reproduction non autorisée la mise à jour de son logiciel XLine et la reproduction non autorisée de ses marques, sous astreinte. Par ordonnance du 3 décembre 2020, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre a déclaré celui-ci incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris. 6. La clôture des débats a été prononcée le 13 janvier 2022 par le juge de la mise en état mais ils ont été réouverts pour cause grave le 22 février 2022. 7. Dans ses dernières conclusions signifiées le 13 avril 2022, la SAS Clecim demande au tribunal, au visa des articles L. 112-2, L. 122-6, L. 331-1-3, L. 335-3, L. 713-2 et L. 716-1 et L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle et 1240 du code civil, de : - rejeter la demande de nullité de la saisie-contrefaçon, - interdire à la société Deepgray Vision, sous astreinte, de : - poursuivre la mise à jour du logiciel XLine auprès de tout tiers, - poursuivre l'usage des marques XLine et SIAS, - présenter, reproduire, commercialiser, céder et promouvoir le logiciel XLine de quelque façon que ce soit, - faire usage, présenter, reproduire, commercialiser, céder et promouvoir le logiciel de Deepgray Vision et tout autre logiciel qui serait dérivé de celui-ci ou du logiciel XLine, ainsi que de cesser toute activité liée à l'inspection de surface, - ordonner le rappel et la mise à l'écart définitive des circuits commerciaux de tous produits, articles ou documents faisant référence au logiciel XLine et/ou reproduisant les marques XLine et SIAS et leur remise à la société Clecim afin de les détruire, - condamner la société Deepgray Vision à lui payer la somme de 3.000.000 d'euros, dont 1.000.000 d'euros en raison des conséquences économiques négatives de la contrefaçon et 2.000.000 d'euros en raison des bénéfices et des économies d'investissement que la société Deepgray Vision a retirés de son activité contrefaisante, - condamner la société Deepgray Vision à lui payer la somme de 500.000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale et parasitaire, - l'autoriser à faire publier le jugement à intervenir, - ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, - débouter la société Deepgray Vision de l'ensemble de ses demandes, la condamner aux dépens et à lui payer la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Dans ses dernières conclusions signifiées le 23 mars 2022, la SAS Deepgray Vision demande au tribunal, au visa des articles 4, 32-1, 42, 46 et 122 du code de procédure civile, L. 122-6, L. 122-6-1, L. 331-1, L. 332-1, L. 332-2, L. 332-4, L. 711-2, L.712-1, L. 713-3-1, L. 713-6, L. 714-6, L.716-4-2, L.716-4-7, L. 716-5 et R. 332-2 du code de la propriété intellectuelle et 1240 du code civil, de : Sur la contrefaçon de droit d'auteur : - déclarer irrecevables les demandes de la société Clecim en contrefaçon de droit d'auteur pour défaut de titularité de droits sur le logiciel XLine ; à titre subsidiaire, - annuler le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 14 décembre 2018 pour défaut de titularité de droits de la société Clecim sur le logiciel XLine et les quatre marques XLine et SIAS, absence de preuve de l'originalité du logiciel XLine, absence de distinctivité des marques SIAS et déloyauté dans la présentation des faits au stade des requêtes en saisie-contrefaçon ; - écarter des débats le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 14 décembre 2018, ainsi que les pièces adverses no23 à 27 et 42 et tous documents recueillis par suite de cette saisie-contrefaçon et, subsidiairement, en prononcer la nullité partielle pour les raisons précitées ; à titre très subsidiaire, - constater la licéité de son opération de tierce-maintenance corrective du logiciel XLine de novembre 2014 sur le site d'[Localité 6] de la société Aperam Stainless France ; - rejeter les demandes de la société Clecim en contrefaçon de droit d'auteur ; à titre infiniment subsidiaire, - désigner un expert informatique avec la mission de comparer la solution d'inspection automatique de surface développée par elle et le logiciel XLine ; Sur la contrefaçon de marque : - déclarer irrecevables les demandes de la société Clecim en contrefaçon de marque pour défaut de production des certificats d'enregistrement originaux des quatre marques françaises et internationales XLine et SIAS ; A titre subsidiaire, - annuler les marques SIAS française et internationale pour absence de distinctivité ; - rejeter les demandes de la société Clecim en contrefaçon des marques SIAS française et internationale compte-tenu de leur nullité ; - annuler le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 14 décembre 2018 pour les raisons précitées; - écarter des débats le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 14 décembre 2018, ainsi que les pièces adverses no23 à 27 et 42 et tous documents recueillis à la suite de cette saisie-contrefaçon et, subsidiairement, prononcer la nullité partielle de ce procès-verbal pour les raisons précitées; A titre très subsidiaire : - constater l'usage des marques françaises et internationales XLine et SIAS à titre de référence nécessaire uniquement pour désigner le système SIAS et le logiciel XLine ; - rejeter les demandes de la société Clecim en contrefaçon de marque ; Sur la concurrence déloyale et le parasitisme : - rejeter les demandes de la société Clecim en concurrence déloyale ou parasitaire ; A titre infiniment subsidiaire, sur le préjudice : - déclarer irrecevables les demandes indemnitaires de la société Clecim sur le fondement de la contrefaçon pour ne pas avoir distingué ses préjudices au titre de la contrefaçon de droit d'auteur d'une part, et au titre de la contrefaçon de marque d'autre part, - rejeter les demandes indemnitaires de la société Clecim sur le fondement de la concurrence déloyale ou parasitaire ; A titre reconventionnel : - condamner la société Clecim à lui payer la somme de 978.000 euros en réparation du préjudice causé par les actes de dénigrement et celle de 88.000 euros en réparation du préjudice causé par la procédure abusive ; - ordonner l'exécution provisoire sur ses seules demandes reconventionnelles ; En tout état de cause : - rejeter l'ensemble des demandes de la société Clecim à son encontre ; - condamner la société Clecim aux dépens, dont distraction au profit de Maître Desrousseaux en application de l'article 699 du code de procédure civile, et à lui payer la somme de 150.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 8. L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 avril 2022. MOTIVATION I - Sur la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 14 décembre 2018 et la demande consécutive d'écarter des débats les pièces no 23 à 27 et 41 Moyens des parties 9. La SAS Deepgray Vision fait valoir que le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 14 décembre 2018 doit être annulé compte-tenu de : - l'absence de preuve de la titularité de droits de la société Clecim sur le logiciel XLine lors de la requête ; - l'absence de caractérisation de l'originalité du logiciel XLine lui permettant de revendiquer un droit d'auteur au stade de la requête ; - l'absence de distinctivité des marques SIAS ; - la déloyauté dont a fait preuve la société Clecim dans la présentation des faits pour étayer ses soupçons de contrefaçon, au stade de ses requêtes en saisie-contrefaçon, en soutenant faussement que les employés de Deepgray Vision avaient nécessairement utilisé ses codes sources pour intervenir sur le logiciel installé chez la société Aperam et avaient utilisé des informations confidentielles et démarché des clients de leur ancien employeur. - si le tribunal devait considérer que la société Clecim était recevable à agir en contrefaçon des marques XLine, la nullité partielle du procès-verbal de saisie-contrefaçon concernera uniquement les opérations réalisées sur le fondement du logiciel XLine et des marques SIAS, à l'exclusion des marques XLine. 10. La SAS Clecim soutient que : - elle est titulaire des droits sur le logiciel XLine et en a justifié à la date de la requête en saisie-contrefaçon par les mentions sur les diverses versions du logiciel ; - elle a développé ce logiciel à partir de décembre 2001, bien avant d'être rachetée par la société Siemens AG, qui ne peut donc en être propriétaire ; - l'originalité de ce logiciel, développé sur 10 ans et ayant fait évoluer l'état de l'art, a été démontrée lors de la présentation de la requête en saisie-contrefaçon ; - sa présentation de ses soupçons dans la requête en saisie contrefaçon n'est aucunement déloyale ni mensongère, dès lors que l'intervention de la SAS Deepgray Vision chez la société Aperam est une opération de maintenance évolutive prohibée et nécessitait l'accès aux codes-source du logiciel ; - l'éventuelle nullité de l'un de ses titres ne saurait emporter nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon, pas même partielle, car l'huissier n'a pas distingué les opérations en lien avec tel ou tel titre et le procès-verbal forme un tout indivisible. Réponse du tribunal 11. L'article L. 332-4 du code de la propriété intellectuelle dispose notamment : "La contrefaçon de logiciels et de bases de données peut être prouvée par tout moyen. A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle du logiciel ou de la base de données prétendument contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant. La saisie-description peut se concrétiser par une copie des logiciels ou des bases de données prétendument contrefaisants. La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer un logiciel ou une base de données prétendument contrefaisants, ainsi que de tout document s'y rapportant." et l'article L. 722-4 prévoit les mêmes dispositions pour la preuve de la contrefaçon de marques. 12. L'absence de contradictoire et le caractère intrusif de la mesure de saisie-contrefaçon imposent que le requérant ne fasse pas une présentation déloyale des faits susceptibles d'influencer le sens de la décision qui sera rendue. Ce dernier se doit donc de porter à la connaissance du juge l'ensemble des éléments de droit et de faits utiles, afin de permettre à celui-ci de porter une appréciation éclairée sur la demande qui lui est soumise et d'ordonner une mesure proportionnée, en tenant compte des intérêts divergents du saisissant et du saisi. 13. En l'occurrence, à l'appui de ses requêtes des 21 et 25 novembre 2018, la société Clecim a présenté des éléments suffisants pour justifier de sa propriété du logiciel XLine par la production du cartouche de la version 5.1.2 de 2005 et de la version 9.3.4 de celui-ci sur laquelle figurait sa dénomination et d'offres commerciale et technique du 21 février 2006 à la société Ugine&ALZ (devenue Aperam ultérieurement) incluant la licence du logiciel XLine. 14. Il ne lui incombait pas, à ce stade, de justifier de l'originalité de ce logiciel, pas plus que de la validité de ses marques enregistrées. 15. S'agissant de la déloyauté de la présentation des faits à l'appui des requêtes des 21 et 25 novembre 2018, la société Clecim soutenait avoir découvert une intervention de maintenance de la société Deepgray Vision sur le logiciel XLine chez un de ses clients en novembre 2014 au cours de laquelle "les employés de la société Clecim ont nécessairement utilisé les codes sources de la requérante, strictement confidentiels, dont ils ont eu connaissance alors qu'ils étaient salariés de la requérante (Primetals). Plus spécifiquement, il était impossible pour la société Clecim de modifier activement la référence (numérotation et date) de la version du logiciel sans utiliser les codes sources de la requérante" et ajoutait qu'elle soupçonnait cette société, créée par trois de ses anciens salariés démissionnaires, de démarcher ses clients en contrefaisant ses droits d'auteurs sur le logiciels et ses marques XLine et SIAS. 16. A l'appui de ces affirmations, elle avait produit une attestation du 30 août 2018 de l'un de ses salariés, M. [M] [Y], relatant les circonstances dans lesquelles il avait découvert l'intervention de maintenance de la société Deepgray Vision en novembre 2014 sur le site de la société Aperam et indiquant "pour modifier cette partie, pour la compiler, il faut être muni des codes sources de XLine®. Ces codes sources sont la propriété de ma société et ne sont jamais donnés à nos clients. Pour que DEEPGRAY Vision puisse modifier cette partie, il a fallu que DEEPGRAY Vision soit en possession des codes sources du SlAS® et en plus les ait utilisés." 17. Or, la société Deepgray Vision produit à cet égard : - une expertise non contradictoire réalisée le 11 juin 2021 par M. [G] [U], expert en informatique inscrit sur les listes des cours d'appel de Paris et Versailles, selon laquelle les indications de version et de date sont des champs texte qui se modifient avec un éditeur de texte, "il n'est aucunement besoin d'intervenir sur les codes sources de XLine pour modifier les numéros de versions et de date affichés par le logiciel" et la société Clecim "avait largement les moyens de vérifier sa théorie de l'utilisation des codes sources" en comparant ses versions 7.7.1 et 7.7.2 avec celle trouvée chez la société Aperam ; - une attestation du 3 novembre 2021 de M. [O] [W], ingénieur ayant occupé des postes de direction à la société Clecim de janvier 2003 à juin 2010, selon laquelle un simple éditeur de textes permet de renseigner la date d'information, aux fins de traçabilité, que la société Clecim ne critique pas sur le fond. 18. Sur ce point, la société Clecim indique dans ses conclusions qu'elle a fourni avec la requête, à l'appui de l'utilisation des codes sources, "des éléments probants incluant mais ne se limitant pas à l'attestation de M. [Y]". Le tribunal observe cependant que, bien que la question soit abordée à deux reprises dans ses conclusions, elle procède par affirmations et ne vise aucune autre pièce probante. 19. Néanmoins, la société Clelim pouvait légitimement admettre l'exactitude des faits attestés par son préposé et l'absence de vérification technique de celle-ci au stade de la requête ne caractérise pas une présentation déloyale des faits au magistrat. 20. De plus, la requête invoquait également une intervention de mise à jour du logiciel XLine par la société Deepgray Vision ainsi que des faits de contrefaçon de ses marques XLine et SIAS, pour lesquels elle apportait des preuves raisonnablement accessibles qui suffisaient à justifier la saisie-contrefaçon telle qu'elle a été autorisée 21. Il n'y a donc pas lieu de prononcer l'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 14 décembre 2018. II - Sur la contrefaçon du droit d'auteur sur le logiciel XLine 1- Sur la titularité Moyens des parties 22. La SAS Clecim fait valoir que : - lorsqu'ils étaient ses salariés, MM [H], [J] et [N] ont développé ce logiciel, qui appartient donc à leur employeur ; - son nom a toujours figuré sur les différentes versions du logiciel XLine, développé en interne à partir de 2001,y compris sur deux offres commerciale et technique de février 2006 ; - elle est une filiale à 100 % de la société allemande Siemens AG depuis 2005, année où sa dénomination est devenue Siemens VAI Metals Technologies SAS, nom qui apparaît sur la version 7.7.1 du logiciel, et elle n'a jamais cédé ses droits d'auteur à sa maison-mère. 23. La SAS Deepgray Vision fait valoir que : - la présomption de titularité du droit d'auteur est écartée lorsqu'une oeuvre est exploitée sous le nom d'un tiers ; - les dénominations antérieures de la SAS Clecim sont VAI Clecim, SIEMENS VAI Metals Technologies SAS et Primetals Technologies France SAS ; - il est inscrit "© VAI Clecim (2006). All rights reserved" et "© VAI Clecim (2003) All rights reserved" sur les offres commerciales et techniques communiquées en pièces adverses no7 et 8 et "© Siemens AG 2010 Tous droits réservés" sur les versions 7.7.1 et 7.7.2 du logiciel XLine sur les pièces adverses no2 et 10 ; - la société Siemens AG est distincte de la société Clecim. Réponse du tribunal 24. L'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que "L'auteur, du seul fait de sa création jouit d'un droit de propriété sur celle-ci" et l'article L. 113-1 établit une présomption de qualité d'auteur à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée. L'article L. 113-9, alinéa1, du code de la propriété intellectuelle dispose : "Sauf dispositions statutaires ou stipulations contraires, les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation créés par un ou plusieurs employés dans l'exercice de leurs fonctions ou d'après les instructions de leur employeur sont dévolus à l'employeur qui est seul habilité à les exercer." 25. La société Clecim verse aux débats (sa pièce no 36) une description des différentes versions du logiciel XLine entre le 19 décembre 2001 (version 1.0.0) - soit avant son immatriculation - et qui s'arrête le 2 décembre 2010 (version 8.0.2). 26. Sur les versions du logiciel XLine présentées dans les dossiers des parties apparaissent les mentions suivantes : 5.1.2 sept 16 2005 XLine Copyright [c] 2002 Tous droits réservés par VAI SIAS 6.0.0 nov 14 2005 XLine Copyright [c] 2005 Tous droits réservés par VAI Clecim 6.4.1 aug 20 2006 XLine Copyright [c] 2005 Tous droits réservés par VAI Clecim 7.7.1 jun 8 2010 XLine © Siemens AG 2010 Tous droits réservés 7.7.2 aug 26 2011 XLine © Siemens AG 2011 Tous droits réservés 9.3.1.2 nov 7 2014 XLine © Siemens SAS 2014 Tous droits réservés 9.3.3 jan 28 2015 XLine © Siemens SAS 2014 Tous droits réservés 9.3.1.2 mar 13 2015 XLine © Siemens SAS 2014 Tous droits réservés 27. Elles indiquent explicitement que les droits sont réservés, au moins à compter du 8 juin 2010, non pas à la société VAI Clecim (immatriculée au RCS de Saint-Etienne sous le numéro 324 905 165 et dont la dénomination est devenue Siemens VAI Metals Technologies à compter du 3 novembre 2006), comme précédemment, mais à la société Siemens AG (société allemande enregistrée au tribunal d'instance de Munich) et, à partir au moins du 7 novembre 2014 à la SAS Siemens, ce qui signifie que ces droits ont été transférés. Le signe ©, pour copyright, vient renforcer ce sens, bien qu'il s'agisse d'une notion étrangère au droit français. 28. Quoiqu'interpellée sur ce point par les écritures adverses, la société Clecim ne produit aucun élément expliquant ces mentions si les droits sur le logiciel n'ont pas été cédés à ces entités, entretenant l'équivoque. 29. Au surplus, elle ne produit aucune pièce postérieure à février 2006 témoignant d'une exploitation du logiciel sous son nom. 30. Dans ces conditions, la société Clecim ne démontre pas qu'elle est titulaire des droits d'auteur sur logiciel XLine à la date des faits allégués de contrefaçon et ses demandes présentées sur ce fondement sont donc mal fondées. 2 - A titre superfétatoire sur la contrefaçon 31. Le droit d'auteur protège le code source, le code objet et le fichier exécutable des logiciels et l'article L.122-6 du code de la propriété intellectuelle en interdit la reproduction, l'adaptation et la vente non autorisées. 32. L'article L.122-6-1, I, du même code prévoit que : "Les actes prévus aux 1o et 2o de l'article L.122-6 ne sont pas soumis à l'autorisation de l'auteur lorsqu'ils sont nécessaires pour permettre l'utilisation du logiciel, conformément à sa destination, par la personne ayant le droit de l ‘utiliser, y compris pour corriger des erreurs. Toutefois, l'auteur est habilité à se réserver par contrat le droit de corriger les erreurs et de déterminer les modalités particulières auxquelles seront soumis les actes prévus aux 1o et 2o de l'article L.122-6, nécessaires pour permettre l'utilisation du logiciel, conformément à sa destination, par la personne ayant le droit de l'utiliser." 2. 1 - Sur la maintenance réalisée en novembre 2014 Moyens des parties 33. La SAS Clecim fait valoir que la société Deepgray Vision a commis des faits de contrefaçon de son logiciel lors des opérations de maintenance qu'elle a réalisées en novembre 2014 sur le site d'[Localité 6] de la société Aperam. En effet, pour utiliser à cette occasion la version 7.7.2 du logiciel XLine, elle l'avait nécessairement conservée frauduleusement car elle n'a pu la récupérer, comme elle le prétend, sur le site de [Localité 5] de la même société, dès lors, d'une part, qu'elle ne démontre pas avoir eu une mission sur ce site, et, d'autre part, que celui-ci disposait seulement de la version 7.5.0. Au surplus, même dans ce cas, elle n'avait aucun droit de copier cette version sur le site d'[Localité 6], les deux sites bénéficiant de licences distinctes. La société Deepgray Vision a effectué à cette occasion une opération de maintenance évolutive, la version 7.7.2 apportant des fonctionnalités complémentaires, des améliorations et des enrichissements par rapport à la version 7.7.1 et seul le titulaire d'une licence pouvait exécuter une opération de maintenance corrective. 34. La SAS Deepgray Vision oppose que les actes d'usage et de reproduction du logiciel XLine qui lui sont reprochés relèvent d'une opération de tierce maintenance corrective du logiciel XLine, parfaitement licite au regard de l'article L.122-6-1, I, du code de la propriété intellectuelle dès lors que Clecim ne s'est pas réservé par contrat la maintenance de son logiciel, que les dernières pièces produites ne démontrent pas que la version 7.7.2 n'avait pas été installée sur le site de [Localité 5] de la société Aperam, et que cette opération de tierce-maintenance n'a pas nécessité d'accéder et/ou d'intervenir sur le code source du logiciel XLine. Réponse du tribunal 35. La société Clecim a installé un système SIAS et le logiciel XLine sur le site d'[Localité 6] de la société Aperam selon son offre précitée du 21 février 2006 et indique être réintervenue en 2018. Il est constant que la société Deepgray Vision est intervenue en novembre 2014 auprès de la société Aperam et qu'il en a été fait un compte-rendu écrit dont il en ressort qu'elle a, à cette occasion, réalisé diverses prestations parmi lesquelles une "mise à jour software" permettant "de déporter vers l'appli Master la fonction de code CjP". 36. Aux termes de son offre à la société Ugine&ALZ (devenue Aperam), la société Clecim ne s'est pas réservé par contrat le droit de corriger les erreurs, ni de déterminer les modalités particulières pour la reproduction permanente ou provisoire du logiciel ni pour toute autre modification du logiciel en résultant au sens de l'article L.122-6-1, I, précité. Dès lors, la société Aperam était en droit de réaliser elle-même la maintenance du logiciel, et tout autant, contrairement à ce que soutient la société Clecim, de la faire réaliser par un tiers. 37. S'agissant du caractère curatif ou évolutif de l'intervention du 18 novembre 2014, la société Clecim soutient qu'elle a ajouté une nouvelle fonctionnalité au logiciel, réalisant ainsi une opération prohibée de maintenance évolutive, sur la seule base du compte-rendu d'intervention de la société Deepgray Vision indiquant que son intervention a permis de "déporter vers l'appli Master la fonction de sélection du code CJP (...) Cela permet de centraliser cette configuration au niveau de l'appli Master et de s'affranchir du bug perte des paramètres MIE". Or il ressort expressément de ces termes que le déport vers l'appli Master de la fonction de sélection du code CJP avait pour but de réparer un bug et d'assurer la stabilité du logiciel et non de lui ajouter une nouvelle fonctionnalité. Dès lors, cette pièce, non corroborée par une autre analyse ou un autre document technique, ne saurait justifier que l'intervention réalisée en novembre 2014 n'était pas nécessaire pour permettre l'utilisation du logiciel, conformément à sa destination, par la personne ayant le droit de l'utiliser, au sens de l'article L. 122-6.1 précité. 38. S'agissant de l'utilisation des codes sources, l'expert en informatique indépendant ayant assisté l'huissier durant les opérations de contrefaçon a déclaré "Les recherches en visuel et par mots clés n'ont pas permis de relever des éléments démontrant l'existence des sources d'une version du logiciel XLine ni même d'éléments constitutifs de ce logiciel". Ces déclarations ne sont pas réputées non écrites, comme le soutient la société Clecim, dès lors que les ordonnances ayant autorisé la saisie contrefaçon prévoyaient l'autorisation donnée à l'huissier de poser toutes question afin, notamment, "d'obtenir une copie des codes sources et des fichiers exécutables de la requérante que la société Deepgray Vision utilise en violation de ses droits" et que c'est dans ce cadre que s'inscrivaient les déclarations de l'expert précitées. 39. Par attestations des 29 et 30 août 2018, M. [M] [Y] et M. [K] [D], alors salariés de la demanderesse, ont relaté les conditions de leur intervention dans les locaux d'[Localité 6] de la société Aperam le 29 mai 2018 et le fait qu'il ont appris à cette occasion que la SAS Deepgray Vision avait procédé, en novembre 2014, à des opérations de maintenance du logiciel XLine installé en 2006 par leur société. M. [Y] a précisé qu'une modification de la fenêtre de la cartographie du logiciel avait été faite et que "pour modifier cette partie, pour la compiler, il faut être muni des codes sources de XLine®. Ces codes sources sont la propriété de ma société et ne sont jamais donnés a nos clients. Pour que Deepgray Vision puisse modifier cette partie, il a fallu que Deepgray Vision soit en possession des codes sources du SlAS® et en plus les ait utilisés. Ce qui n'aurait pas du être le cas." Outre l'affichage de la date et la version, M. [Y] ne mentionne aucune opération qui aurait requis l'utilisation des codes sources. Cette attestation, émanant d'un salarié, dépendant de la demanderesse, n'est pas corroborée par d'autres éléments ; elle est expressément contredite par deux pièces émanant de tiers décrites supra (avis de l'expert en informatique Aymaret attestation de M. [W]). Or, cet élément est le seul au dossier appuyant les affirmations de la société Clecim selon laquelle l'intervention de maintenance de novembre 2014 nécessitait de disposer des codes source du logiciel ou sa version 7.7.2. Dans ces conditions, la SAS Clecim ne rapporte pas la preuve de son allégation selon laquelle la SAS Deepgray Vision aurait utilisé les codes sources du logiciel XLine, ni qu'elle détenait frauduleusement la version 7.7.2 en novembre 2014. 40. Il n'est donc pas démontré de contrefaçon du logiciel XLine lors de l'opération de maintenance de novembre 2014. 2.2 - Sur la reproduction du logiciel XLine par le logiciel DGSIS Moyens des parties 41. La société Clecim fait valoir que : - la saisie-contrefaçon démontre que la société Deepgray Vision a intégré les codes source et fichiers exécutables de son logiciel dans son propre système d'inspection de surface (DGSIS) qu'elle a développé grâce au savoir-faire et aux éléments protégeables de son logiciel ; - le court délai durant lequel la SAS Deepgray Vision a mis au point son logiciel et le fait que M. [H] a eu accès à un projet de Siemens VAI avec ArcellorMittal en 2007 induit, de toute évidence, qu'elle a utilisé les informations confidentielles recueillies pour ses projets de 2012 et 2013 avec cette même société ; - les observations de l'huissier sur l'absence de similitude entre XLine et DGSIS constituent des appréciations de sa part qui sont réputées non écrites. 42. La société Deepgray Vision soutient que : - dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 14 décembre 2018, l'huissier et l'expert informatique relèvent expressément l'absence de détention du code source du logiciel XLine et l'absence de toute similitude de leur propre solution d'inspection automatique de surface avec ce logiciel ; - son dossier crédit impôt recherche, rédigé en 2013, décrit précisément le caractère obsolète des systèmes industriels alors disponibles sur le marché, dont celui de Clecim ; - le système qu'elle a développé est en tous points distinct du système de Clecim, notamment en termes d'architecture, d'électronique, de langage de programmation, de missions, de caméras et de protocoles ; - en cas de doute du tribunal quant à l'originalité de sa solution d'inspection automatique de surface, il y aurait lieu d'ordonner une expertise sur ce point ; Réponse du tribunal 43. C'est à juste titre que la société Deepgray Vision relève que les allégations de la société Clecim sur la contrefaçon du logiciel XLine par le logiciel DGSIS ne reposent sur aucune pièce probante et sont même expressément démenties par les observations de l'expert en informatique ayant assisté l'huissier durant les opérations de saisie contrefaçon. 44. En effet, celui-ci a déclaré "nous observons que la société Deepgray Vision développe une application en son nom, laquelle est réalisée sur d'autres technologies et langages de développement que ceux indiqués par Primetals". Ces déclarations ne sont pas réputées non écrites, comme le soutient la société Clecim, dès lors que les ordonnances ayant autorisé la saisie contrefaçon autorisaient l'huissier à poser toutes question afin, notamment, "d'obtenir une copie des codes sources et des fichiers exécutables de la requérante que la société Deepgray Vision utilise en violation de ses droits" et que c'est dans ce cadre que s'inscrivaient les déclarations de l'expert précitées. 45. Par ailleurs, il s'est écoulé un délai de 10 mois entre la création de la société Deepgray Vision et sa demande d'éligibilité au statut de jeune entreprise innovante et de crédit impôt recherche. En février 2013, l'administration fiscale, notamment sur la base d'un avis du 11 février 2013 du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, a fait droit à cette demande. Il ressort expressément de cet avis - et de la copie du dossier que la société Deepgray Vision verse aux débats - qu'elle avait engagé 170.000 euros de dépenses de recherche en 2012 pour le recueil de données et que les travaux, notamment de détermination de nouveaux algorithmes, devaient être poursuivis en 2013, de sorte que le logiciel DGSIS n'était aucunement créé et ni développé à cette date. Il en ressortait également l'état de l'art et les défauts des systèmes industriels présents sur le marché (parmi lesquels celui de la demanderesse). 46. Il ne saurait donc en être déduit une quelconque contrefaçon du logiciel XLine et il s'en évince, au contraire, qu'il s'agit d'une solution innovante. La société Clecim ne produisant aucun autre argument, ses allégations de contrefaçon ne sont donc pas établies, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une mesure d'instruction sur ce point. 47. Les demandes de réparation et d'interdiction de faire usage du logicielXLine sont rejetées. Par ailleurs, la demande de la société Clecim tendant à interdire à la société Deepgray Vision "toute activité liée à l'inspection de surface" n'est justifiée ni en droit ni en fait et sera également rejetée. III - Sur la contrefaçon des marques XLine et SIAS 1- Sur les titres Moyens des parties 48. La SAS Deepgray Vision fait valoir que la SAS Clecim ne fournit qu'une impression d'écran de la base marque de l'INPI pour les marques françaises SIAS no3391684 et XLine no3391687, et des extraits détaillés du registre de l'OMPI s'agissant des marques internationales SIAS no901 808 et XLine no901 458, et pas de certificat d'enregistrement, seul document susceptible de lui donner qualité pour agir en contrefaçon de marque, de sorte qu'elle n'a pas qualité pour agir. 49. La SAS Clecim soutient que les photocopies du Bulletin officiel de la propriété industrielle délivrées par l'OMPI, tout comme les extraits de la base officielle de l'INPI sont probants. Réponse du tribunal 50. La société Clecim produit deux extraits du Bulletin officiel de la propriété industrielle du 7 novembre 2005 et deux résultats de recherches sur le site de l'INPI en date du 1er septembre 2019 qui font apparaître : - une marque SIAS déposée par la SAS VAI Clecim le 7 novembre 2005 dans les classes 7, 9 et 11 sous le numéro 05 3 391 684, - une marque XLine déposée par la SAS VAI Clecim le 7 novembre 2005 dans les classes 7, 9 et 11 sous le numéro 05 3 391 687, pour divers produits et services parmi lesquels les appareils d'inspection de surface, appareils de détection de défauts pour les produits métallurgiques et sidérurgiques et les logiciels et leur renouvellement à la date du 1er septembre 2019. 51. Les extraits du registre international des marques versés aux débats attestent de l'enregistrement: - le 26 avril 2006, sous le numéro 901 458, au nom de la SAS VAI Clecim (puis Siemens VAI Metals Technologies à partir du 3 décembre 2014, puis Primetals Technologies France à partir du 7 janvier 2016) de la marque XLine dans les classes 9 (appareils d'acquisition d'images) et 42 (programmation par ordinateur), sur la base d'un enregistrement en France du 21 avril 2006 sous le numéro 05/3391687, et renouvelé le 26 avril 2016, désignant la Chine, la Communauté européenne et les Etats-Unis d'Amérique ; - le 26 avril 2006, sous le numéro 901 808, au nom de la SAS VAI Clecim (puis Siemens VAI Metals Technologies à partir du 5 décembre 2007, puis Primetals Technologies France à partir du 7 janvier 2016) de la marque SIAS dans les classes 7 (machines), 9 (appareils d'acquisition d'images), 11 (rampes d'éclairage à diodes électroluminescentes) et 42 (programmation par ordinateur), sur la base d'un enregistrement en France du 21 avril 2006 sous le numéro 05/3391684, et renouvelé le 26 avril 2016, désignant la Chine, la Communauté européenne et les Etats Unis d'Amérique. 52. La titularité de ces marques est donc suffisamment démontrée sans qu'il y ait lieu d'exiger un certificat d'enregistrement. 2- Sur le caractère distinctif de la marque SIAS Moyens des parties 53. La SAS Deepgray Vision fait valoir que : - le signe SIAS est un acronyme des termes Système d'Inspection Automatique de Surface et constitue lui-même un terme générique dans le secteur des équipements et logiciels pour la métallurgie, couramment utilisé par les acteurs du secteur de la métallurgie depuis de nombreuses années, en France comme à l'étranger ; - son utilisation du terme SIAS de manière usuelle, notamment dans ses échanges d'emails avec ses clients et prospects, ne constitue pas une contrefaçon des marques SIAS. 54. La SAS Clecim soutient que : - le terme générique est "système automatique d'inspection de surface" dont l'acronyme est SAIS, et non "système d'inspection automatique de surface", - la marque SIAS est distinctive par son usage et par les produits et services qu'elle désigne. Réponse du tribunal 55. La marque internationale SIAS désigne l'Union européenne et la liste des produits et services associés a été réduite aux produits décrits dans les classes 7, 9 et 11, les services de la classe 42 ayant été supprimés. 56. L'article 189 du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne dispose que : "Tout enregistrement international désignant l'Union produit, à compter de la date d'enregistrement visée à l'article 3, paragraphe 4, du protocole de Madrid ou de la date d'extension postérieure à l'Union prévue à l'article 3 ter, paragraphe 2, du protocole de Madrid, les mêmes effets qu'une demande de marque de l'Union européenne." et l'article 198, 1, que la nullité des effets d'un enregistrement international désignant l'Union peut être prononcée. L'article 14 du même règlement prévoit : "1. Une marque de l'Union européenne ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires: (...) b) de signes ou d'indications qui sont dépourvus de caractère distinctif ou qui se rapportent à l'espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l'époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d'autres caractéristiques de ceux-ci; (...) 2. Le paragraphe 1 ne s'applique que lorsque l'usage par le tiers est fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale." L'article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à la date d'enregistrement de la marque, disposait : "Le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés. Sont dépourvus de caractère distinctif : a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ; b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ; c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle.Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l'usage." 57. Il résulte des pièces du dossier que l'inspection de surface consiste dans la détection de défauts pour les produits métallurgiques et sidérurgiques. 58. La société Deepgray Vision verse aux débats notamment : - un brevet international déposé le 26 septembre 2003 intitulé "Procédé et dispositif de contrôle de positionnement dans un système d'inspection automatique de surface" dont la description indique notamment "la technique connue d'inspection automatique de surface concernée par la présente invention, que l'on dénommera par la suite la technique SIAS", - un article de la revue de Métallurgie d'octobre 1996 intitulé "Système d'inspection automatique de surface SIAS" débutant par "Sollac, l'Irsid et MCS Matra ont développé en commun un système d'inspection automatique défauts de surface à grande vitesse de traitement", - une présentation interne de la société Arcellor du 12 mai 2005 relative aux "contrats de maintenance des SIAS", énumérant plusieurs systèmes existant, ainsi que plusieurs pièces postérieures démontrant l'utilisation courante de l'acronyme SIAS pour désigner les systèmes d'inspection automatiques de surface, à sa voir des systèmes de détection des défauts mécaniques par un ensemble composé d'un éclairage de la bande, de l'enregistrement par caméras et du traitement par informatique des données pour repérer les défauts. 59. La société Clecim, pour sa part, ne verse aucune pièce utilisant l'acronyme SAIS ou la locution "système automatique d'inspection de surface" dont elle prétend qu'elle est la désignation générique de ce système. 60. Dès lors, il y a lieu de retenir, au vu des références précitées et des pièces émanant d'au moins trois grands acteurs du secteur de l'industrie métallurgique, que les systèmes d'inspection des pièces similaires à celui de la société Clecim sont désignés de façon générique par l'acronyme SIAS, et que son usage, pour désigner les mêmes produits et services que ceux des dépôts de la marque SIAS par la SAS VAI Clecim (machines, appareils d'acquisition d'images, rampes d'éclairage à diodes électroluminescentes et programmation par ordinateur), préexistait à ce dépôt. 61. La société Clecim n'apporte pas plus de justification à son affirmation selon laquelle sa marque a acquis un caractère distinctif par l'usage et celle-ci est manifestement contredite par les différentes pièces produites datant de l'année 2019 et utilisant le l'acronyme SIAS dans l'acception ci-dessus décrite et non pour désigner le système de la société Clecim. 62. Dans ces conditions, la marque française SIAS numéro 05 3 391 684 déposée par la SAS VAI Clecim le 7 novembre 2005 est nulle et l'enregistrement de la marque internationale, en tant qu'elle désigne l'Union l'Union européenne, est de nul effet pour défaut de distinctivité pour l'ensemble des produits visés aux dépôts. 63. Il y a donc lieu de prononcer leur annulation et de rejeter les demandes fondées sur sa contrefaçon. 3- Sur la contrefaçon de la marque XLine Moyens des parties 64. La SAS Clecim soutient que : - la SAS Deepgray Vision a utilisé et reproduit la marque XLine dans "ses différentes propositions commerciales" saisies ; - il existe une double identité de signe et de produit ; - cette reproduction pour des produits et services similaires porte atteinte à la fonction essentielle de la marque en ce qu'elle laisse croire que la société Deepgray Vision est sa successeure ; - il ne s'agit aucunement d'une référence nécessaire pour indiquer la destination du produit. 65. La SAS Deepgray Vision fait valoir qu'elle n'a utilisé les marques SIAS et XLine qu'à titre de référence nécessaire pour désigner le système et le logiciel éponyme, en particulier pour satisfaire aux demandes de maintenance de ces éléments qui émanent de ses clients et elle ne les a jamais reproduites. Réponse du tribunal 66. L'article 14 du règlement (UE) 2017/1001 précité prévoit : "1. Une marque de l'Union européenne ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires: (...) c) de la marque de l'Union européenne pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, en particulier lorsque l'usage de cette marque est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée. 2. Le paragraphe 1 ne s'applique que lorsque l'usage par le tiers est fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale." L'article L. 713-6, I, 3o, du code de la propriété intellectuelle prévoit: "Une marque ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, conformément aux usages loyaux du commerce, (...) de la marque pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, en particulier lorsque cet usage est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée." 67. En l'occurrence, la société Clecim n'a pas cru bon de viser précisément les pièces démontrant la contrefaçon de la marque XLine. Il résulte des pièces saisies (communiquées sous le no25 dans les pièces de la demanderesse) que le terme "XLine" figure 9 fois dans 7 courriels émanant de M. [H] de la société Deepgray Vision et sert à chaque fois à désigner le système équipant le client comme accessoire de la prestation de maintenance. Dans toutes ces hypothèses, il s'agissait d'un usage nécessaire pour désigner le produit du titulaire de la marque sans aucune mention de nature à laisser croire que la société Deepgray Vision succédait à la société Clelim. 68. La contrefaçon de la marque, ni la moindre atteinte à celle-ci, n'est donc pas démontrée et il y a lieu de rejeter les demandes de la société Clecim de ce chef. IV - Sur la concurrence déloyale et parasitaire Moyens des parties 69. La SAS Clecim soutient que : - la SAS Deepgray Vision s'est appropriée sa notoriété et le succès des produits qu'elle commercialise et a détourné la clientèle qui lui était traditionnellement attachée ; - la SAS Deepgray Vision a commis les manoeuvres suivantes : utilisation d'informations confidentielles, commercialisation d'un logiciel prétendument nouveau, démarchage de ses clients, utilisation des marques, valorisation de l'expérience acquise alors que les fondateurs étaient ses salariés. 70. La SAS Deepgray Vision fait valoir que : - aucune des pièces adverses n'établit d'acte de concurrence déloyale et/ou parasitaire qui lui soit imputable ; - aucun de ses fondateurs n'était lié à la société Clecim par une clause de non-concurrence lorsque s'est déroulée l'opération de tierce maintenance litigieuse, en novembre 2014 ; - elle ne procède à aucune publicité mensongère sur son site Internet et n'a jamais indiqué à ses clients que la société Clecim ne maintenait plus ses systèmes ; - la solution qu'elle commercialise a été développée de façon autonome et indépendante, sur plus d'une année, en rupture avec l'état de l'art existant alors en la matière ; - la simple détention / information sur les tarifs de sa concurrente ne constitue pas un acte de concurrence déloyale en l'absence de preuve d'une utilisation de ces informations pour pratiquer des tarifs systématiquement plus bas ; - ce sont les clients de la société Clecim eux-mêmes qui font appel à elle (et non l'inverse). Réponse du tribunal 71. La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité édicté par l'article 1240 du code civil, consiste dans des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre opérateur, ceux parasitaires visant à s'approprier de façon injustifiée et sans contrepartie une valeur économique résultant d'un savoir-faire, de travaux ou d'investissements ou encore, ceux constitutifs d'actes de dénigrement ou de désorganisation d'une entreprise. 72. Il est constant que les fondateurs de la société Deepgray Vision sont d'anciens salariés de la société Clecim, démissionnaires en 2011, et non liés par une clause de non concurrence. Il n'est pas contesté que la démission des fondateurs de la société Deepgray Vision était motivée par la fermeture de l'établissement de [Localité 7] dans lequel ils étaient employés, et non par un projet personnel de création d'entreprise. 73. Aucune des pièces versées aux débats ne corrobore les manoeuvres énumérées par la société Clecim. Au contraire les pièces recueillies dans le cadre de la saisie-contrefaçon accréditent les affirmations de la société Deepgray Vision sur le fait qu'aucune information confidentielle n'a été exploitée, que le système Deepgray fonctionne avec une technologie différente du système SIAS de la société Clecim et qu'aucune confusion n'a été entretenue entre la société Deepgray Vision et la société Clecim, la première tendant au contraire à se démarquer de la seconde. 74. Il est certain que les fondateurs de la société Deepgray Vision ont valorisé, notamment, leur expérience acquise alors qu'ils étaient les salariés de la société Clecim et qu'ils ont approché ou été approchés par ses anciens clients. Pour autant cette valorisation d'expérience est parfaitement légitime et ne saurait être reprochée ni être qualifiée d'agissement s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle. Quant au démarchage d'anciens clients, corollaire du principe de liberté du commerce, il n'est pas plus contraire à lui seul aux usages de la vie des affaires. 75. La concurrence déloyale n'étant pas établie, il y a lieu de rejeter les demandes de ce chef. V . Sur les demandes reconventionnelles 1- Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour dénigrement Moyens des parties 76. La SAS Deepgray Vision fait valoir que : - en janvier 2019 les dirigeants de Clecim se sont livrés à une véritable campagne de dénigrement à son encontre, présentant la contrefaçon comme avérée, alors qu'il n'existait qu'une ordonnance de saisie-contrefaçon non-publique et non-contradictoire ; - la SAS Clecim a cherché par ses agissements à dissuader leurs clients communs de contracter avec elle, voire même de remettre en cause les contrats déjà conclus et a été condamnée par ordonnance de référé du 19 mars 2019 à cesser ce dénigrement sous astreinte de 5.000 euros par infraction considérée ; - ce dénigrement a nécessité beaucoup d'énergie et de temps à rassurer les clients et lui a fait perdre la clientèle de son principal client, le groupe ArcelorMittal, avec lequel elle réalisait alors 71% de son chiffre d'affaires, et qui a suspendu leur collaboration du fait de la présente procédure. 77. La SAS Clecim soutient que : - les termes de sa lettre du 22 janvier 2019 étaient modérés et non péremptoires, faisant état d'une décision qui, quoique non contradictoire, n'en était pas moins publique ; - il n'est pas démontré que les destinataires de la lettre auraient, à la suite de sa réception, interrompu toute relation commerciale avec la SAS Deepgray Vision ; - il n'existe aucun lien de causalité entre la prétendue décision d'Arcelor Mittal d'arrêter les nouvelles commandes auprès de la SAS Deepgray Vision et sa prétendue perte de chiffre d'affaires ; - en 2016, soit seulement trois ans après sa création, la SAS Deepgray Vision réalisait déjà un chiffre d'affaires de 285.000 euros, soit la moitié du chiffre d'affaires de Clecim ; dès 2017, elle réalisait le même chiffre d'affaires que Clecim, pour le dépasser en 2018, et presque le doubler en 2019, tandis que la chute en 2020 s'explique par la crise sanitaire due au Covid-19 ainsi. Réponse du tribunal 78. Le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur une personne, un produit ou un service identifié et se distingue de la critique dans la mesure où il émane d'un acteur économique qui cherche à bénéficier d'un avantage concurrentiel en jetant le discrédit sur son concurrent ou sur les produits de ce dernier. 79. Comme l'a constaté le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny dans son ordonnance du 19 mars 2019, la société Clecim a diffusé une lettre circulaire du 22 janvier 2019, notamment à la société ArcellorMittal le 24 janvier 2019, rédigée en anglais et dont la traduction - non contestée - démontre qu'elle est intitulée "Détournement et contrefaçon des droits de propriété intellectuelle de Primetals sur la technologie SIAS" et indique notamment que "le 21 novembre 2018, un tribunal français, accédant à notre requête, a admis le détournement et la contrefaçon potentiels de nos droits de propriété intellectuelle par cette société" et"Par les présentes, nous souhaitons officiellement informer votre société que, sur la base des éléments de preuve pertinents collectés, Primetals a initié, le 11 janvier 2019 une procédure judiciaire à l'encontre de la société Deepgray Vision afin de faire cesser définitivement le détournement et la contrefaçon de la propriété intellectuelle de Primetals et de prévenir tout risque pour nos clients en relation d'affaires avec cette société, dans le domaine de l'inspection de surface". 80. Il résulte de cette lettre, que la société Clecim qualifie elle-même de "communiqué", qu'elle a présenté à plusieurs clients comme acquis en justice le principe d'une contrefaçon par la société Deepgray Vision, sans user du conditionnel, seul l'adjectif "potentiel" venant nuancer légèrement le propos. Elle tendait également à dissuader ses destinataires, parmi lesquels la société ArcelorMittal, de poursuivre leurs relations avec à la société Deepgray Vision et donc de déstabiliser ce nouveau concurrent, en lui faisant perdre la clientèle d'un acteur majeur du secteur. 81. Bien qu'il ne soit pas nécessaire que l'information divulguée soit fausse pour caractériser le dénigrement, le tribunal observe en l'occurrence que la société Clelim ne pouvait ignorer à cette date que la saisie contrefaçon avait montré, d'une part, que la société Deepgray Vision ne détenait pas de copie, même partielle, du logiciel XLine et, d'autre part, qu'elle avait développé un système d'inspection de surface différent. 82. Ce procédé peut être qualifié de dénigrement et s'écarte des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires. 83. La société Deepgray Vision démontre que, dès réception de cette lettre, par courriel du 24 janvier 2019, le vice-président de la société Arcelor Mittal a donné instruction aux services achats du groupe de suspendre toute nouvelle activité avec elle et de signaler tous les contrats en cours dont la suspension pourrait devenir nécessaire. 84. Il en résulte qu'elle a dû essayer de rassurer ses interlocuteurs et argumenter pour tenter de redresser la situation. Elle démontre également par une attestation circonstanciée de la société d'expertise comptable Exponens du 23 mars 2022 que : - ce client représentait alors 70 % de son chiffre d'affaires, - celui-ci, qui était en forte hausse depuis 2016 (de 285.000 euros à 764.000 euros en 2018) a diminué sensiblement en 2019 (711.000 euros), a été réduit à néant en 2020 et ressortissait à 152.200 euros en 2021, - que son taux de marge nette était de 35 % en 2017, 52 % en 2018 et 46 % en 2019. 85. C'est à juste titre que la société Clecim fait observer que la pandémie de Covid-19 survenue en 2020 est à l'origine d'une suspension de l'activité d'Arcelor Mittal, de sorte que le chiffre d'affaire de 2020 ne saurait être expliqué par l'effet négatif du dénigrement opéré. En revanche, la baisse de l'activité de 2019 avec cette société apparaît directement corrélée avec celui-ci. 86. Au regard de ces éléments et de l'activité de la société, il y a lieu de fixer à 100.000 euros le montant de la réparation des actes de concurrence déloyale et de condamner la société Clecim à payer cette somme à la société Deepgray Vision. 2 - Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive Moyens des parties 87. La SAS Deepgray Vision fait valoir que la société Clecim a abusé de son droit d'agir en ce que : - la présente procédure a été engagée dans le seul but de lui nuire afin de l'écarter du marché de l'inspection de surface, comme en témoignent le montant exorbitant des demandes indemnitaires destinées à la mener à la ruine et son instrumentalisation pour ternir sa réputation et son image sur le marché de l'inspection de surface ; - les griefs de contrefaçon n'ont aucun fondement ni aucune base factuelle autre qu'une unique attestation d'un salarié. 88. La SAS Clecim soutient qu'il n'existe aucun abus de sa part du droit d'agir en justice. Réponse du tribunal 89. Le droit d'agir en justice participe des libertés fondamentales ; il est néanmoins susceptible de dégénérer en abus et toute faute dans l'exercice des voies de droit est susceptible d'engager la responsabilité des plaideurs. 90. En l'espèce, la société Clecim a entrepris une saisie-contrefaçon sur la seule base de l'attestation de l'un de ses salariés selon laquelle, à l'occasion d'une intervention de maintenance antérieure de 4 ans, la société Deepgray Vision aurait utilisé les codes-source du logiciel XLine ainsi qu'en témoignait la modification de la version et la date du logiciel. Elle a aussitôt diffusé auprès de leurs clients communs l'existence de cette procédure ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus. 91. Dans l'instance au fond, outre de nombreux jugements de valeur négatifs, et en dépit des maigres résultats de la saisie-contrefaçon, elle a soutenu péremptoirement des arguments dont elle ne pouvait ignorer la faiblesse et qu'elle s'est dispensée de démontrer techniquement (sur l'utilisation des codes source du logiciel XLine par la société Deepgray Vision, sur la similarité logiciels XLine et DGSIS et sur le caractère descriptif du terme SIAS) à l'appui de demandes financières considérables (des millions d'euros de dommages-intérêts et des astreintes élevées, sans la moindre pièce attestant des dommages allégués) et l'interdiction pure et simple pour la société Deepgray Vision d'exercer "toute activité liée à l'inspection de surface". 92. Le tribunal observe au surplus que la société Clecim a rejeté sans contreproposition l'offre transactionnelle de la société Deepgray Vision de mai 2019 et s'est déclarée défavorable à une mesure de médiation proposée par le tribunal. 93. Ces éléments caractérisent de la part de la société Clélim d'une intention de nuire à la société Deepgray Vision et de détourner le but de l'action en justice, faisant dégénérer en abus son droit d'agir. 94. Il y a lieu de la condamner à payer à la société Deepgray Vision la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice en résultant. VI . Sur les autres demandes 95. La société Clecim, qui succombe, est condamnée aux dépens de l'instance et à payer à la société Deepgray Vision la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Le Tribunal, REJETTE la demande d'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 14 décembre 2018 ; DÉBOUTE la société Clecim de l'ensemble de ses demandes au titre de la contrefaçon du logiciel XLine ; PRONONCE la nullité de la marque française SIAS déposée le 7 novembre 2005 dans les classes 7, 9 et 11 sous le numéro 05 3 391 684 ; PRONONCE la nullité de s effets de l'enregistrement la marque internationale SIAS sous le numéro 901 808 en ce qu'il désigne l'Union européenne ; REJETTE l'ensemble des demandes de la société Clecim au titre de la contrefaçon de la marque XLine ; REJETTE l'ensemble des demandes de la société Clecim au titre de la concurrence déloyale ; CONDAMNE la société Clecim à payer à la société Deepgray Vision la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale ; CONDAMNE la société Clecim à payer à la société Deepgray Vision la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; CONDAMNE la société Clecim aux dépens de l'instance, qui pourront être recouvrés par Me Desrousseaux en application de l'article 699 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société Clecim à payer à la société Deepgray Vision la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit. Fait et jugé à Paris le 25 Novembre 2022 Le Greffier La Présidente Quentin CURABET Irène BENAC