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TRIBUNAL JUDICIAIRE 3ème chambre 2ème section No RG 22/01229 No Portalis 352J-W-B7G-CXAJJ No MINUTE : Assignation du : 20 Mai 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RÉTRACTATION rendue le 08 Juillet 2022 DEMANDERESSE S.A.S. SUZUKI FRANCE [Adresse 7] [Adresse 7] [Localité 4] S.A.S. MÉCANIQUE CONSEIL VENTE AUTOMOBILE [Adresse 2] [Localité 3] représentées par Maître François POCHART et Maître Lionel MARTIN de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0438 DÉFENDERESSE Société THE CHEMOURS COMPAGNY FC, LLC [Adresse 1] [Localité 6] (ETATS-UNIS D'AMÉRIQUE) représentée par Maître Céline BEY de l'AARPI GOWLING WLG (France) AARPI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0127 COMPOSITION Madame Catherine OSTENGO, Vice-présidente assistée de Monsieur Quentin CURABET, Greffier, A l'audience du 16 Juin 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 08 Juillet 2022 ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSE DU LITIGE La société américaine The Chemours Company FC, LLC (ci-après CHEMOURS) est la filiale en charge du segment des produits fluorés ou "Fluoroproducts" de la The Chemours Company holding indépendante mais ayant précédemment appartenu au groupe DUPONT. Elle est notamment titulaire des trois brevets suivants : – du brevet européen EP 3 388 495 désignant le France, déposé le 3 mars 2006 et délivré le 26 août 2020 ayant pour intitulé « Compositions comportant une fluorolé ne » – du brevet européen EP 3 293 242 déposé le 3 mars 2006 et délivré le 3 juillet 2019 désignant le France et ayant pour intitulé « Compositions comportant du HFC-1234YF » qui a fait l'objet le 27 janvier 2022, d'une révocation à l'issue d'une procédure orale devant l'OEB, un recours formé contre cette décision étant actuellement en cours – du brevet européen EP 3 461 871 déposé le 3 mars 2006 et délivré le 20 janvier 2021 désignant la France et ayant pour intitulé « Compositions comportant du HFC-123425 et du HFC-1234YF ». La société The Chemours Company FC, LLC est par ailleurs titulaire de la demande de brevet européen EP2634232 déposée le 7 mai 2009 et publiée le 4 septembre 2013 portant sur une composition comprenant du 1234yf et du 143a. La société SUZUKI France (ci-après SUZUKI) est la filiale française de la société japonaise Suzuki Motor Corporation et a pour activité la fabrication et la commercialisation de véhicules, notamment des modèles Swift, Vitara, Ignis ou encore S-Cross, Swace et Jimny. La société Mécanique Conseil Vente Automobile (ci-après « MCVA ??) est un concessionnaire automobile implanté à [Localité 5], proposant à la vente notamment des véhicules de marque Suzuki. Ayant découvert que le système de climatisation de certains modèles de voiture, plus particulièrement celui dénommé "JIMNY", fabriqué, commercialisé et exporté notamment en France par la société japonaise Suzuki Motor Corporation, était équipé d'un gaz réfrigérant reproduisant selon elle les revendications des brevets européens EP 495, EP 242 et EP 871 et de sa demande de brevet européen EP 232, la société The Chemours Company FC, LLC a sollicité le 3 février 2022 et obtenu le lendemain l'autorisation de faire pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon sur le fondement desdits brevets et demande, au sein des locaux de la société MCVA et de la société SUZUKI France, qui se sont déroulées le 9 février 2022. Par acte d'huissier en date du 20 mai 2020, les sociétés SUZUKI FRANCE et MECANIQUE CONSEIL VENTE AUTOMOBILE (MCVA) ont fait assigner la société The Chemours Company FC, LLC en référé pour obtenir la rétractation de l'ordonnance rendue le 4 février 2022 présentant aux termes de leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 8 juin 2022 et soutenues oralement à l'audience du 9 juin 2022, les demandes suivantes : Vu les articles 17, 496, et 497 du code de procédure civile, Vu l'article L.614-9, L.615-5, L.614-7 et R.614-11 du code de la propriété intellectuelle Vu l'article 68 de la convention sur le brevet européen Vu les pièces annexées à la présente assignation, Sur la rétractation des ordonnances rendues le 4 février 2022 - ORDONNER la rétractation totale des ordonnances rendues le 4 février 2022 par le vice-président du Tribunal judiciaire de Paris agissant sur délégation du Président du Tribunal judiciaire de Paris sur requêtes de la société The Chemours Company FC, LLC ; - INTERDIRE l'utilisation de tout document et élément issu de la saisie-contrefaçon sur quelque forme que ce soit, et le procès-verbal de saisie-contrefaçon en France ainsi qu'à l'étranger et devant la juridiction unifiée des brevets, dans une autre procédure que celle à venir relative à la contrefaçon alléguée des brevets EP 3 388 495, EP 3 293 242, EP 3 461 871 et EP 2 634 232, et sous astreinte de cinquante mille euros (50 000€) par infraction constatée ; A titre subsidiaire, - LIMITER les recherches permises par les ordonnances du 4 février 2022 à la stricte recherche d'éléments postérieurs au 26 août 2020, date de la première délivrance des brevets invoqués et qui produisaient encore des effets au 4 février 2022 et en conséquence modifier les ordonnances du 4 février 2022 en ajoutant aux dispositifs suivants les éléments mis en évidence par majuscules en gras ci-dessous : Pour l'ordonnance du 4 février 2022 ayant autorisée la saisie contrefaçon chez Suzuki France : « Autorisons l'huissier à procéder à toutes recherches et constatations utiles POSTERIEURES AU 26 AOÛT 2020, notamment d'ordre technique, comptable et financier, afin notamment de déterminer l'étendue de Ia contrefaçon invoquée et notamment l'autoriser à : rechercher, examiner, compulser, se faire remettre et copier au, en cas d'impossibilité, à emmener à son étude pour les photocopier à charge de les restituer, l'ensemble des documents POSTERIEURS AU 26 AOÛT 2020, se rapportant au gaz réfrigérant incrimine présent dans l'équipement de climatisation des modèles de voiture "JIMNY" [?] Autorisons l'huissier à se faire présenter, à rechercher, à décrire, à copier au à faire reproduire en deux exemplaires par gravure au toute forme de copie électronique, sur tout support d'enregistrement (disque dur externe, clé USB, CD ou DVD), des images, vidéos, informations, fichiers, documents, données ou programmes informatiques POSTERIEURS AU 26 AOÛT 2020 Pour l'ordonnance du 4 février 2022 ayant autorisée la saisie contrefaçon chez MCVA : « Autorisons l'huissier à procéder à toutes recherches et constatations utiles POSTERIEURES AU 26 AOÛT 2020, notamment d'ordre technique, comptable et financier, afin notamment de déterminer l'étendue de Ia contrefaçon invoquée relative au véhicule JIMNY et notamment l'autoriser à : rechercher, examiner, compulser, se faire remettre et copier ou, en cas d'impossibilité, à emmener à son étude pour les photocopier à charge de les restituer, l'ensemble des documents POSTERIEURS AU 26 AOÛT 2020 se rapportant au gaz réfrigérant incriminé présent dans l'équipement de climatisation des modèles de voiture « JIMNY »[?] En tout état de cause, - DÉBOUTER la société The Chemours Company FC, LLC de l'ensemble de ses demandes ; - CONDAMNER la société The Chemours Company FC, LLC à payer 5 000 euros à chacune des sociétés Suzuki France SAS et Mécanique Conseil Vente Automobile MCVA au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER la société The Chemours Company FC, LLC aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître François Pochart conformément à l'article 699 du code de procédure civile ; Dire que le Juge rendant l'ordonnance à intervenir en sera le juge de l'exécution ; - DIRE que l'ordonnance à intervenir sera exécutoire sur minute. La société The Chemours Company FC, LLC présente, aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 14 juin 2022 et développées oralement à l'audience, les demandes suivantes : Vu les articles L.611-1 et suivants, L.613-3, L.615-1, L.615-5-2, L.615-5, L.615-7, L.615-7-1, R. 615-2 du Code de la propriété intellectuelle, Vu les articles 105 ter, 106 et 112 bis de la Convention sur Brevet Européen, Vu les articles 496 et suivants et 699 et 700 du code de procédure civile, - JUGER que les requêtes en date du 4 février 2022 sont parfaitement fondées; - JUGER que la société The Chemours Company FC, LLC n'a fait preuve d'aucune déloyauté dans la présentation de ses requêtes du 4 février 2022; - JUGER que les mesures ordonnées aux termes des ordonnances du 4 février 2002 sont proportionnées; - DEBOUTER les sociétés Suzuki France et Mécanique Conseil Vente Automobile MCVA de leur demande de rétractation totale des ordonnances rendues le 4 février 2022 ainsi que de l'ensemble de leurs demandes; - DEBOUTER les sociétés Suzuki France et Mécanique Conseil Vente Automobile MCVA de leur demande de limitation des ordonnances rendues le 4 février 2022 ainsi que de l'ensemble de leurs demandes; - CONDAMNER in solidum les sociétés Suzuki France et Mécanique Conseil Vente Automobile MCVA à verser la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société The Chemours Company FC, LLC; - CONDAMNER in solidum les sociétés Suzuki France et Mécanique Conseil Vente Automobile MCVA aux entiers dépens, lesquels pourront être recouverts directement par Maître Céline Bey, en application de l'article 699 du code de procédure civile. L'affaire a été plaidée à l'audience du 16 juin 2022 et mise en délibéré au 8 juillet 2022. Pour un exposé complet de l'argumentation des parties, il est, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoyé à leurs dernières conclusions précitées. MOTIFS DE LA DÉCISION 1- Sur la demande principale en rétractation La société SUZUKI et la société MCVA font valoir que la société Chemours qui n'a présenté que de manière lapidaire les droits sur lesquels elle fondait les mesures sollicitées, a dissimulé volontairement l'absence de fondement de sa demande ce qui constitue une présentation déloyale des faits justifiant la rétractation totale des ordonnances du 4 février. Elles rappellent que les droits attachés à une demande de brevet européen ne peuvent être exercés qu'à compter du jour où la demande de brevet est publiée, et s'il s'agit d'une demande en langue étrangère, à compter du jour où une traduction française des revendications a été publiée par I'INPI et qu'au cas d'espèce, en violation des dispositions de l'article L614-9 alinéa 2, à la date du 4 février 2022, la société Chemours a opposé la demande de brevet EP 232 dont la traduction en français n'a ni été publiée par I'lNPI, ni été notifiée au contrefacteur présumé. S'agissant du brevet EP 242, la société SUZUKI et la société MCVA relèvent que si la société CHEMOURS a indiqué dans sa requête que les brevets EP 242, EP 495 et EP 871 faisaient l'objet d'une opposition devant l'OEB, elle s'est gardée de préciser que cet organisme, à l'issue de la procédure orale, l'a informée que le brevet EP 242 était révoqué. Elles font ensuite valoir que la société CHEMOURS a faussement indiqué que le gaz réfrigérant équipant le système de climatisation du modèle « JIMNY » de Suzuki était fabriqué par la société japonaise AGC Inc. et a par ailleurs soutenu avoir procédé à des analyses techniques aux fins de déterminer l'origine du gaz réfrigérant présent dans le système de climatisation des véhicules Suzuki grâce à une comparaison des composés chimiques présents dans les produits similaires disponibles sur le marché, sans en justifier réellement. Elles sollicitent enfin la rétractation de l'ordonnance pour défaut de limitation des mesures dans le temps et dans leur objet ayant entraîné des opérations trop générales et disproportionnées. La société CHEMOURS réplique en premier lieu ne pas avoir invoqué son brevet EP 232 au soutien de sa requête et avoir seulement informé le magistrat de son existence. Concernant le brevet EP 242, elle fait valoir qu'au jour de la présentation de la requête, l'OEB ne lui avait pas notifié sa décision de révocation de sorte qu'elle était en droit de l'invoquer et ajoute qu'en tout état de cause, la requête était également fondée sur les brevets EP 871 et EP 495 dont l'efficacité n'est pas contestée. Elle rappelle ensuite que la déloyauté suppose que le demandeur à la rétractation démontre que si le juge des requêtes avait connu le ou les éléments de faits omis par le requérant, il n'aurait pas autorisé la saisie ou ne l'aurait pas autorisée dans les mêmes termes ce qu'en l'espèce, la société SUZUKI ne démontre pas. Elle poursuit en faisant valoir que les arguments opposés par les demanderesses tenant au fait qu'il ne serait pas justifié de la contrefaçon et de l'implication de la société AGC sont vains dès lors qu'elle n'avait de toute façon pas à rapporter la preuve ou un commencement de preuve des faits que la saisie contrefaçon est justement destinée à établir. Elle termine en rappelant que cette mesure ne peut être considérée comme disproportionnée au seul motif que l'ordonnance ne prévoit pas de recherche sur la base de mots clé précis dès lors que la définition de mots clé ne constitue pas une obligation et qu'au cas d'espèce de surcroît, les recherches étaient bien circonscrites au modèle JINMY pour lequel elle soupçonnait une contrefaçon de ses titres. Les articles 496 alinéa 3 et 497 du code de procédure civile prévoient respectivement que s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance et que celui-ci a la faculté de la modifier ou de la rétracter, même si le juge du fond est saisi de l'affaire. L'objet de la demande de rétractation prévue par ces dispositions est de permettre au juge ayant statué sur la requête d'apprécier si au regard des éléments fournis dans le cadre du débat contradictoire - mais sans considération pour ceux qui ont été révélés ultérieurement - il aurait refusé la mesure, rendu la même décision ou aurait limité la mission autorisée. L'article L.615-5 du code de la propriété intellectuelle relatif aux conditions de recours à la saisie-contrefaçon ne mentionne pas expressément d'autre exigence que la démonstration de la qualité à agir en contrefaçon et la détermination de l'objet de la saisie. Il est néanmoins, au regard du caractère exceptionnel de cette mesure, imposé au requérant outre de rapporter la preuve qu'il est titulaire du droit invoqué, de motiver suffisamment sa requête en exposant les éléments le conduisant à supposer l'existence d'une atteinte que la mesure sollicitée a vocation à établir. Cette exigence de motivation implique nécessairement que les indices fondant la demande soient explicités et étayés par des pièces permettant au juge d'une part d'apprécier si le recours à une saisie-contrefaçon est justifié et d'autre part, d'en définir le périmètre. L'absence de contradictoire et le caractère intrusif de la mesure exigent en outre que le requérant ne fasse pas une présentation déloyale des faits susceptibles d'influencer le sens de la décision qui sera rendue. En l'espèce, la société CHEMOURS s'est livrée dans sa requête, à la présentation de ses trois brevets EP 495, EP 242 et EP 871 et a ensuite précisé avoir par ailleurs déposé une demande de brevet le 7 mai 2009 sous le no EP 232. Il est exact que dans l'exposé des faits litigieux elle indique que le modèle de voiture JIMNY est équipé d'un gaz réfrigérant qui « porte atteinte à ses brevets européens EP 495, EP 242, EP 871 et à sa demande de brevet européen EP 232 » ; elle précise ensuite dans l'exposé du litige que les « revendications 1,2,3 et 7 de la demande de brevet EP 263 42 32 » sont contrefaites » et ne peut donc soutenir ne pas avoir opposé cette dernière. Il n'est pas contesté que la demande EP 232 ne pouvait fonder une saisie-contrefaçon. Toutefois, dans la mesure où la requête était fondée sur d'autres titres qui eux avaient été valablement délivrés et étaient opposables aux tiers, il convient de considérer que ce premier motif de rétractation n'est pas opérant dès lors qu'il aurait été fait droit à la requête même en l'absence de présentation de la demande EP 232. Pour ce même motif, le fait que le brevet EP 242 avait fait l'objet le 27 janvier 2022, d'une révocation à l'issue d'une procédure orale devant l'OEB et que la société CHEMOURS n'en a pas informé le magistrat -alors qu'elle ne pouvait l'ignorer puisqu'à l'examen du procès-verbal de cette séance il apparaît qu'elle y était représentée par M. [F] (pièce DEM no2.23) assistée par deux experts privés-, ne peut justifier la rétractation de l'ordonnance. L'autorisation de procéder à une saisie contrefaçon aurait en effet été délivrée sur la seule base des brevets EP 495 et EP 871 nonobstant donc, la révocation du brevet EP 242 laquelle n'était en tout état de cause pas acquise au jour de la signature de l'ordonnance, la révocation ne prenant effet qu'à compter de la publication de la décision au bulletin européen des brevets et la société CHEMOURS justifiant au cas d'espèce, avoir relevé appel de la décision de révocation le 7 mars 2022. Ensuite, la société CHEMOURS a exposé dans sa requête qu'elle avait « toutes les raisons de penser que le gaz réfrigérant équipant le système de climatisation du modèle JINMY de la société SUZUKI (provenait) de la société AGC, fabricante de produits chimiques » en précisant qu'elle avait d'ores et déjà initié contre elle, une action en contrefaçon devant les juridictions japonaises, ce dont elle justifiait en produisant un extrait de son site internet en faisant publiquement état. Elle a par ailleurs indiqué avoir procédé à des analyses techniques aux fins de déterminer l'origine du gaz réfrigérant équipant ces véhicules en procédant à une comparaison des composés chimiques présents dans les produits similaires disponibles sur le marché. Si ensuite elle soutient que ces analyses « laissaient croire » que les revendications de ses brevets étaient contrefaites elle expose au magistrat que la saisie contrefaçon a pour but d'établir la matérialité des actes de contrefaçon et leur étendue en lui permettant de faire prélever des échantillons de gaz réfrigérant. Or, il ressort des dispositions de l'article L 615-5 du code de la propriété intellectuelle que la saisie-contrefaçon a effectivement précisément pour objet de prouver la contrefaçon, de sorte que la société SUZUKI ne peut pertinemment reprocher à la société CHEMOURS de ne pas avoir établi de façon incontestable que le gaz réfrigérant était contrefaisant. Et le seul fait qu'il ne soit pas démontré de façon irréfutable que ce gaz provient de la société AGC, laquelle ne bénéficie pas d'un contrat de distribution, ne peut suffire à justifier la rétractation de l'ordonnance, cette question ayant vocation à être tranchée par le juge du fond. Enfin, si l'ordonnance ne prévoyait pas que les recherches informatiques devaient se faire sur la base de mots clés prédéfinis, elle précise que celles-ci doivent être limitées à la détermination de la contrefaçon invoquée, relative au seul véhicule JINMY de sorte qu'elles étaient bien circonscrites au litige étant précisé que la définition de mots clés est une simple faculté pour le juge. Il n'y a donc pas à ce stade lieu de considérer que les mesures ordonnées étaient disproportionnées et il sera rappelé qu'il appartient le cas échéant au juge du fond d'annuler les opérations de saisie-contrefaçon en cas de dépassement par l'huissier des pouvoirs conférés par l'ordonnance. Au regard de l'ensemble de ces considérations, il n'y a pas lieu à rétracter les ordonnances litigieuses. 2- Sur la demande subsidiaire de modification de l'ordonnance La société SUZUKI et la société MCVA demandent que les ordonnances du 4 février 2022, si elles devaient ne pas être retractées, voient leur effet limité à la période pour laquelle la société Chemours a effectivement des droits, soit postérieurement au 26 août 2020, compte tenu de la date de délivrance du brevet EP 495. La société CHEMOURS réplique que le référé rétractation ne permet pas au saisi de limiter, a posteriori, à la carte et après la saisie, les effets de la saisie afin d'écarter des pièces qu'il ne souhaite pas voir portées à la connaissance du juge et qu'il appartiendra au juge du fond d'apprécier la recevabilité de la société CHEMOURS à se prévaloir des éléments saisis. Elle rappelle qu'en tout état de cause le brevet EP 242 était valable au jour de la signature de l'ordonnance. La demande de modification sollicitée doit s'analyser en une demande de rétractation partielle du fait de la révocation du brevet EP 242 sur lequel la requête était notamment fondée. Or, comme indiqué supra, cette révocation n'était pas acquise au jour de la signature de l'ordonnance et la société CHEMOURS, de surcroît, justifie avoir relevé appel de la décision de l'OEB, le 7 mars 2022. La demande de modification de l'ordonnance sera en conséquence rejetée. 3- Sur les demandes accessoires Succombant, les sociétés SUZUKI FRANCE et MECANIQUE CONSEIL VENTE AUTOMOBILE supporteront la charge des dépens et seront condamnées à verser à la société CHEMOURS une somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, Statuant par ordonnance de référé mise à disposition au greffe le jour du délibéré, contradictoirement et en premier ressort, DIT n'y avoir lieu à rétracter ou modifier l'ordonnance rendue le 4 février 2022 sur délégation du président du tribunal de judiciaire de Paris à la requête de la société THE CHEMOURS COMPANY LLC ; CONDAMNE in solidum les sociétés SUZUKI FRANCE et MECANIQUE CONSEIL VENTE AUTOMOBILE à payer à la société THE CHEMOURS COMPANY FC, LLC, la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE les sociétés SUZUKI FRANCE et MECANIQUE CONSEIL VENTE AUTOMOBILE aux dépens qui seront recouvrés directement par Maître Céline Bey, en application de l'article 699 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente ordonnance est exécutoire de droit à titre provisoire. Fait et jugé à Paris le 08 Juillet 2022 Le Greffier Le Président
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 16/16346 - No Portalis 352J-W-B7A-CJFUG No MINUTE : Assignation du : 14 novembre 2016 rendu le 25 octobre 2022 DEMANDERESSE Société INTELLECTUAL VENTURES I LLC [Adresse 2] [Adresse 2] [Adresse 2] (ETATS UNIS) représentée par Maître Julien FRENEAUX de la SELAS BARDEHLE PAGENBERG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0390 DÉFENDERESSE S.A. SOCIETE FRANÇAISE DU RADIOTELEPHONE [Adresse 1] [Adresse 3] représentée par Maître Michel ABELLO de la SELARL LOYER & ABELLO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0049 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Athur COURILLON-HAVY, juge Linda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière A l'audience du 18 mai 2022 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2022 ; à cette date la décision a été prorogée au 25 octobre 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société de droit américain Intellectual Ventures I LLC appartient au groupe Intellectual Ventures, fondé en 2000, et spécialisé dans la création, le développement, l'acquisition et l'exploitation d'inventions. Le groupe se présente comme particulièrement actif dans le domaine des réseaux de télécommunications. 2. La société Intellectual Ventures I est ainsi la titulaire inscrite du brevet européen désignant la France EP 1 304 002 (ci-après "EP'002") ayant pour titre "Organisation d'un chiffrement de données dans un système de communication sans fil". Ce brevet, déposé le 28 juin 2001, est issu de la demande PCT noWO 02/03730 déposée le 28 juin 2001, revendiquant la priorité d'une demande de brevet finlandais (de la société Nokia) no20001567 du 30 juin 2000. La mention de la délivrance du brevet EP'002 a été publiée le 23 janvier 2008. 3. Le 15 novembre 2019, la société Intellectual Ventures I a déposé auprès du directeur de l'INPI une requête en limitation de la partie française du brevet EP'002, laquelle a été acceptée par une décision du 8 janvier 2020 inscrite le lendemain au RNB. Ce brevet a expiré le 28 juin 2021. 4. La Société Française du Radiotéléphone (SFR) est l'un des principaux opérateurs de télécommunications en France. Elle propose depuis juin 2012 à ses clients le service "Auto Connect WiFi" qui leur permet d'accéder aux neufbox de son réseau utilisées comme "hotspots" (points d'accès) et ce, de manière simple, grâce à la mise en oeuvre du protocole d'authentification "Eap-Sim" (Extensible Authentication Protocol - Subscriber Identity Module) décrit par le "Request For Comments" 4186 de janvier 2006 (contribution des sociétés Nokia et Cisco) et intégré à la norme 3GPP TS 33.234 (ETSI). 5. Soupçonnant la reproduction, par le service "Auto Connect WiFi" et les "box" de cette société, des revendications no1, 11 et 14 de la partie française du brevet EP' 002, et après avoir vainement sollicité de sa part la négociation d'un accord de licence, la société Intellectual Ventures I a pratiqué, sur autorisation du 4 octobre 2016, une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société SFR. Les opérations se sont déroulées les 13 et 14 octobre 2016. 6. Par acte d'huissier délivré le 14 novembre 2016, la société Intellectual Ventures I a fait assigner la société SFR en contrefaçon de la partie française du brevet EP 1 304 002. 7. Dans ses dernières conclusions no9 notifiées électroniquement le 30 novembre 2021, la société Intellectual Ventures I demande au tribunal, au visa des articles 64 de la Convention de Munich sur le brevet européen, et les articles L.613-3, L.613-4, L.614-7 et ss, et L.615-1 du code de la propriété intellectuelle, de: - Débouter la Société Française du Radiotéléphone – SFR de sa demande reconventionnelle en nullité des revendications 1, 11 et 14, de la partie française du brevet européen EP 1 304 002 ; - Débouter la Société Française du Radiotéléphone – SFR de ses demandes en nullité de la saisie-contrefaçon des 13 et 14 octobre 2016, du constat d'achat des 26 et 28 octobre 2016, des rapports d'expertise du Professeur [U] [P] du 11 novembre 2016 et du 18 octobre 2018 et de la note technique du Professeur [P] du 2 février 2019; - Déclarer irrecevables, et en tout cas infondés, l'ensemble des moyens, fins, conclusions et demandes de la Société Française du Radiotéléphone – SFR ; l'en débouter ; - Dire qu'en mettant en oeuvre sur le territoire français un service dénommé " Auto Connect WiFi"utilisant le protocole de communication réseau dénommé "Eap-Sim" (pour "Extensible Authentication Protocol – Subscriber Identity Module") dans un réseau local sans fil de type WiFi, la Société Française du Radiotéléphone – SFR a commis et commet des actes de contrefaçon par utilisation du procédé objet de la revendication 1 de la partie française du brevet EP 1 304 002, en violation de l'interdiction posée par l'article L.613-3 b) du code de la propriété intellectuelle ; - Dire qu'en offrant et en mettant dans le commerce sur le territoire français des téléphones mobiles et tablettes (de marques autres que Huawei ou Honor) aptes à mettre en oeuvre le protocole de communication réseau dénommé "Eap-Sim" dans un réseau local sans fil de type WiFi, la Société Française du Radiotéléphone – SFR a commis et commet des actes de contrefaçon de la revendication 11 de la partie française du brevet européen EP 1 304 002, par violation de l'interdiction posée par l'article L.613-3 a) du code de la propriété intellectuelle ; - Dire qu'en offrant, en mettant dans le commerce et utilisant sur le territoire français des points d'accès pour un réseau local sans fil appelés "Hotspots WiFi", y compris les box des abonnés à son réseau de télécommunication fixe émettant un réseau WiFi public et aptes à mettre en oeuvre le protocole de communication réseau dénommé "Eap-Sim", la Société Française du Radiotéléphone – SFR a commis et commet des actes de contrefaçon de la revendication 14 de la partie française du brevet européen EP 1 304 002, par violation de l'interdiction posée par l'article L.613-3 a) du code de la propriété intellectuelle ; - Dire qu'en commettant les actes précités, la Société Française du Radiotéléphone – SFR a engagé sa responsabilité civile envers la société Intellectual Ventures I LLC propriétaire dudit brevet, sur le fondement de l'article L.615-1 du code de la propriété intellectuelle; - Ordonner à la Société Française du Radiotéléphone – SFR de communiquer à la société Intellectual Ventures I LLC, sous astreinte de 50.000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir : * le nombre de téléchargements de l'application SFR WiFi par les abonnés mobiles de la Société Française du Radiotéléphone – SFR, * le nombre, la durée et le volume des connexions de données aux "Hotspots WiFi" de la Société Française du Radiotéléphone – SFR, y compris les box des abonnés à son réseau de télécommunication fixe, intervenues sur le territoire français par mise en oeuvre du service "Auto Connect WiFi" ou tout autre service utilisant le protocole de communication réseau dénommé "Eap-sim" dans un réseau local sans fil de type WiFi, * les quantités, modèles, prix d'achat, prix de vente, et origine des téléphones mobiles et tablettes (de marques autres que Huawei ou Honor) aptes à mettre en oeuvre le protocole de communication réseau dénommé "Eap-Sim" dans un réseau local sans fil de type WiFi, qui ont été offerts et mis dans le commerce par la Société Française du Radiotéléphone – SFR sur le territoire français, * les quantités, modèles, prix d'achat, et origine des points d'accès pour un réseau local sans fil appelés "Hotspots WiFi", y compris les box des abonnés au réseau de télécommunication fixe SFR émettant un réseau WiFi public et aptes à mettre en oeuvre le protocole de communication réseau dénommé "Eap-Sim", qui ont été offerts, mis dans le commerce et utilisés par la Société Française du Radiotéléphone – SFR sur le territoire français, et ce pour la période couvrant les cinq années précédant l'introduction de l'instance jusqu'à la date du jugement à intervenir ; Avant dire droit sur les dommages et intérêts, - Commettre tel expert qu'il plaira au tribunal de désigner, aux frais avancés de la Société Française du Radiotéléphone – SFR, avec pour mission de vérifier l'exactitude et l'exhaustivité des informations communiquées par cette dernière en exécution du jugement à intervenir, et de fournir au tribunal tous les éléments lui permettant de statuer ultérieurement sur le montant des dommages et intérêts en fonction de la méthode de calcul dont la société demanderesse aura fait le choix au vu des informations communiquées par la Société Française du Radiotéléphone – SFR et vérifiées par l'expert; Dans l'attente de l'issue des mesures de production de pièces et d'expertise, - Condamner d'ores et déjà la Société Française du Radiotéléphone – SFR à payer à la société Intellectual Ventures I LLC la somme de 5.000.000 € à titre de provision à valoir sur les dommages et intérêts ; - Ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir dans cinq journaux ou magazines au choix de la société Intellectual Ventures I LLC, et aux frais la Société Française du Radiotéléphone – SFR, dans la limite de 15.000 € HT par insertion ; - Ordonner à la Société Française du Radiotéléphone – SFR d'afficher en page d'accueil du site internet www.sfr.fr un encart occupant au moins 10% de la surface de la page d'accueil au-dessus de la ligne de flottaison et contenant le lien hypertexte suivant : "Publication Judiciaire : condamnation de la société SFR pour contrefaçon du brevet EP 1 304 002 appartenant à la Société Intellectual Ventures I LLC", lequel lien devra renvoyer vers une copie intégrale de la minute du jugement à intervenir, et ce pendant une durée de deux mois sous astreinte de 50.000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ; - Condamner la Société Française du Radiotéléphone– SFR à payer la somme de 800.000 € à la société Intellectual Ventures I LLC, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile; - Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ; - Condamner la Société Française du Radiotéléphone – SFR aux entiers dépens, en ce compris les frais de saisie-contrefaçon, qui pourront être directement recouvrés par la Sas Bardehle Pagenberg, SPE d'Avocats et de Conseils en propriété industrielle, conformément à l'article 699 du code de procédure civile. 8. Dans ses dernières conclusions no10 notifiées par la voie électronique le 25 février 2022, la Société Française du Radiotéléphone demande quant à elle au tribunal de: A titre principal, - Juger nuls la saisie-contrefaçon des 13 et 14 octobre 2016, ainsi que le constat d'achat des 26 et 28 octobre 2016 et les rapports d'expertise y relatifs du 11 novembre 2016 et 18 octobre 2018, ou à tout le moins dépourvus de force probante ; - Juger nulles les revendications 1, 11 et 14 de la partie française du brevet EP 1 304 002 pour extension de la portée au-delà du contenu de la demande initiale, défaut de nouveauté et/ou d'activité inventive, - Ordonner l'inscription de la décision à intervenir sur le Registre National des Brevets dès qu'elle sera devenue définitive, sur réquisition du Greffe ou à la requête de la partie la plus diligente et aux frais de la société Intellectual Ventures I LLC, - Débouter la société Intellectual Ventures I LLC de ses entières demandes, fins et conclusions, A titre subsidiaire, - Juger que la partie française du brevet EP 1 304 002 est inopposable pour fraude aux normes 3GPP TS 33.234 incorporant Eap-Sim et wifi, En conséquence, - Juger irrecevable l'action de la Société Intellectual Ventures I LLC fondée sur un brevet inopposable, A titre très subsidiaire, - Juger irrecevables les demandes formées par la Société Intellectual Ventures I LLC et relatives aux faits allégués de contrefaçon postérieurs à décembre 2016, date de suppression de la norme 3GPP TS 33.234, - Juger que le montant sollicité par la société Intellectual Ventures I LLC, le brevet ayant expiré le 28 juin 2021en cas de condamnation pour contrefaçon, à titre de provision, doit être ramené à plus juste proportion et ne peut dépasser la somme de 25.000 euros ; A titre reconventionnel, - Condamner la société Intellectual Ventures I LLC à verser à SFR la somme de 200.000€ pour dénigrement ; - Condamner la société Intellectual Ventures I LLC à verser à la société SFR la somme de 750.800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens. 9. L'instruction a été clôturée par une ordonnance du 17 mars 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 18 mai suivant. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur la nullité des preuves de la société Intellectual Ventures I Moyens des parties 10. La société SFR soutient que la saisie-contrefaçon est nulle, la société Intellectual Ventures s'étant abstenue de présenter au juge des requêtes les éléments raisonnablement accessibles de commencement de preuve de la contrefaçon. Elle conclut également à la nullité des procès-verbaux de constat d'achat, laquelle entraînera celle des rapports de l'expert [P] réalisés d'après les téléphones achetés, ici par M. [N] [S] lequel dirige une société spécialisée dans les investigations en matière de propriété industrielle et a donc, selon elle, des "liens financiers évidents" avec la société requérante. Compte tenu de ces liens financiers, elle en déduit que M. [S] ne peut avoir la qualité de tiers acheteur neutre au sens où l'entend la Cour de cassation (Cass. 1re Civ., 25 janvier 2017, no15-25.210, publié). 11. La société Intellectual Ventures I conclut quant à elle à la validité de ses preuves. Elle rappelle d'abord qu'elle n'oppose pas le procès-verbal de saisie contrefaçon, la société SFR ayant fait obstruction à l'exécution de cette mesure dont le résultat est aujourd'hui inexploitable. Elle soutient en tout état de cause avoir présenté au juge des requêtes les éléments de preuve raisonnablement accessibles et que la contestation de la société SFR relève du fond de ce dossier. Elle conclut également à la parfaite validité de ses constats d'achat, M. [S] n'ayant aucun lien de dépendance ou de subordination avec la société Intellectual Ventures I ou ses avocats. Elle en déduit que la décision citée par la société défenderesse est sans application au présent litige. Appréciation du tribunal ) Sur la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon 12. Selon l'article L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle, "La contrefaçon peut être prouvée par tous moyens. A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou procédés prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant. L'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits ou procédés prétendus contrefaisants en l'absence de ces derniers. La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits ou pour mettre en oeuvre les procédés prétendus contrefaisants. (...)" 13. Ce texte réalise la transposition en droit interne de la Directive no 2004/48/CE du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, dont l'article 6 "Éléments de preuve" prévoit que "1. Les États membres veillent à ce que, sur requête d'une partie qui a présenté des éléments de preuve raisonnablement accessibles et suffisants pour étayer ses allégations et précisé les éléments de preuve à l'appui de ses allégations qui se trouvent sous le contrôle de la partie adverse, les autorités judiciaires compétentes puissent ordonner que ces éléments de preuve soient produits par la partie adverse, sous réserve que la protection des renseignements confidentiels soit assurée." 14. En l'occurrence, la société Intellectual Ventures I a fondé sa requête sur la présentation de la "Request For Comments 4186" (reproduite par le protocole Eap-Sim, lui-même mis en oeuvre par le système "Auto-connect WiFi") dont il n'est pas contestable qu'elle émane pour partie de préposés de la société Nokia, qui sont également, pour partie, les inventeurs désignés du brevet EP 002, objet du présent litige. L'objet de ces deux documents (RFC 4186 et EP 002) est en outre proche, la question de savoir si cet objet est identique relevant de la contestation au fond soulevée par la société SFR, ainsi que le relève à juste titre la société Intellectual Ventures I. La demande aux fins d'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon, à la supposer recevable ce document n'étant pas opposé ici, doit donc être écartée. ) Sur la nullité des procès-verbaux de constat d'achat et des rapports d'expertise privée 15. Le droit à un procès équitable, protégé notamment par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, implique que la procédure soit équitable dans son ensemble, au regard notamment de la manière dont les preuves ont été recueillies ; mais la recevabilité des preuves relève au premier chef du droit interne (CEDH, Elsholz c. Allemagne, GC, 13 juillet 2000, no25735/94, §66). 16. En droit interne, et comme le relève la société SFR, la jurisprudence a dégagé du droit au procès équitable et de l'article 9 du code de procédure civile, qui fait obligation aux parties de prouver les faits « conformément à la loi », un principe de loyauté dans l'administration de la preuve dont il a été déduit que lorsqu'un huissier est assisté par un tiers pour réaliser un constat, ce tiers doit être indépendant de la partie requérante (Cass. 1re Civ., 25 janvier 2017, no15-25.210, publié). 17. Cette règle doit toutefois être interprétée à la lumière d'un autre principe relevant également du droit au procès équitable, le droit à la preuve, dont l'exercice peut rendre nécessaire l'atteinte à d'autres intérêts protégés (CEDH, L.L. c. France, Req. no 7508/02, 10 octobre 2006, § 40 ; M.P. c. Portugal, Req no2756/14, 7 septembre 2021), le juge devant alors apprécier la proportionnalité de l'atteinte (Cass. 1re Civ., 5 avril 2012, no11-14.177, publié). 18. Or, il est également jugé que l'article 1er de l'ordonnance no45-2592 relative au statut des huissiers, lorsqu'il autorise ceux-ci à « effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences », leur interdit implicitement toute démarche active revenant, en quelque sorte, à créer la situation dont le constat est recherché, même lorsque la démarche est elle-même loyale (voir, sous-entendant ce principe bien que ne le posant pas en termes généraux, Cass. 1re Civ., 20 mars 2014, no12-18.518, publié). Et il est encore généralement considéré que l'huissier ne peut pas entrer sans autorisation dans un magasin, qui est un lieu privé, pour y constater une vente (bien qu'il soit ouvert au public). 19. Ainsi, pour constater qu'une personne offre un produit à la vente, l'huissier, qui selon ces considérations ne peut entrer dans le magasin ni procéder lui-même à l'achat, doit faire appel à un tiers qui est à la fois disposé à procéder à cette démarche et est en même temps indépendant de la partie requérante ; autrement dit un tiers qui n'a aucun intérêt à l'obtention de la preuve recherchée mais qui pourtant est prêt à y concourir. Il est évident qu'un tel concours a peu de chances d'être gratuit, sa gratuité même étant susceptible de faire douter des motifs réels et donc de l'indépendance de celui qui s'y prête, et que pour s'assurer de pouvoir en disposer au moment recherché, il faut le prévoir à l'avance, en faisant donc appel à une personne qui est amenée à exercer ce type d'activité de façon habituelle, ou professionnelle. 20. Dès lors, en raison de la complexité des situations résultant de l'état du droit français en la matière, la possibilité pratique de constater une offre de vente dépend de l'appréciation de l'indépendance du tiers acheteur professionnel ; ce qui, au regard du droit à la preuve, appelle une appréciation souple de cette indépendance. Le fait qu'il existe en propriété intellectuelle une procédure spéciale, la saisie-contrefaçon, ne doit pas conduire à exclure en pratique le recours aux modes de preuve de droit commun, car cette procédure dérogatoire est une faculté offerte aux titulaires de droits, et non une contrainte leur imposant le recours systématique à cette méthode plus coûteuse et contraignante même dans les situations ou les modes de preuve de droit commun leur paraîtraient suffisants. 21. Dans ce cadre, l'acheteur juridiquement et économiquement indépendant de la partie requérante ne perd pas cette indépendance du seul fait qu'il est un auxiliaire professionnel. Tel est le cas de l'acheteur au cas d'espèce, dont il est constant qu'il ne travaille pas même occasionnellement pour la société Intellectual Ventures ni pour son avocat, et dont seul est critiqué le fait qu'il soit un professionnel rémunéré (pour effectuer ces achats). La nullité n'est donc pas encourue du chef de l'absence d'indépendance du tiers acheteur. 22. La demande en nullité des constats est, par conséquent, rejetée, de même que celle, subséquente, en nullité des rapports d'expertise privée réalisées par M. [P]. 2o) Présentation du brevet EP 1 304 002 23. Selon le paragraphe [0001] de la partie descriptive du fascicule de brevet, l'invention concerne l'organisation du chiffrement des données échangées dans des systèmes de télécommunication sans fil et notamment dans des réseaux locaux sans fil (Wireless Local Area Network ou WLAN par opposition au réseau local LAN connecté au moyen d'un câble ethernet). 24. Le paragraphe [0002] enseigne que différents réseaux locaux sans fil sont devenus courants et comprennent par exemple les réseaux basés sur la norme IEEE802.11 (norme WiFi), et qu'une attention particulière a été accordée à la sécurité, en produisant une fonction devant fournir au réseau une confidentialité comparable au réseau local filaire, fonction dite WEP (Wired Equivalent Privacy). La description poursuit en indiquant que le protocole WEP décrit le chiffrement du trafic sur la couche MAC(Media Access Control qui correspond à la moitié basse de la couche de liaison de données du modèle en sept couches OSI) entre un terminal et un point d'accès supportant la norme WiFi IEEE802.11 et qu'il s'agit d'un algorithme symétrique, dans lequel la même clé de chiffrement est utilisée pour le chiffrement et le déchiffrement des données. 25. Le paragraphe [0003] de la description précise que l'un des problèmes des réseaux de télécommunication sans fil, tels que les réseaux WLAN IEEE802.11, est que les clés de chiffrement utilisées pour le chiffrement du trafic doivent être stockées à l'avance dans le terminal et le point d'accès, mais qu'il est difficile d'ajouter différentes clés de chiffrement et, partant, qu'il n'est pas toujours possible d'offrir une transmission de données sûre aux terminaux mobiles qui se déplacent entre différents réseaux. 26. Ainsi, selon le paragraphe [0006], l'objet de l'invention est de fournir une nouvelle méthode pour créer des clés à utiliser pour le chiffrement des données échangées dans un réseau local sans fil et permettant l'usage des clés dans le chiffrement de manière à éviter les problèmes susmentionnés, c'est à dire le stockage de clés de chiffrement de données dans les différents terminaux. 27. Le fascicule propose ensuite, à partir du paragraphe [0012] une description détaillée de l'invention en précisant qu'elle peut être appliquée à l'un quelconque des systèmes de communication, tandis que la figure 1 montre un système de communication selon un mode de réalisation préféré comportant un terminal mobile et un réseau local sans fil selon la norme IEEE802.11. Le paragraphe [0013] poursuit en rappelant que les opérateurs de réseau local sans fil offrent des services permettant à des terminaux mobiles d'être en itinérance entre différents points d'accès mobiles sans fil généralement très chargés tels que les hôtels, les aéroports, etc... et que la norme WiFi IEEE802.11 détermine les protocoles de contôle d'accès au support (MAC) pour la transmission des données. 28. Le paragraphe [0014] précise qu'un module d'identification d'abonné SIM, fourni par l'opérateur de réseau de communication, est en principe stocké sur une carte comportant un cicuit intégré, tandis que les données concernant le module d'identification de l'abonné sont stockées dans le réseau de système mondial de communication (GSM). Ce module identifie l'abonné dans le réseau et comporte également une clé secrète Ki, un algorithme A3 pour la formation d'une réponse d'authentification SRES (Signed RESponse), ainsi qu'un algorithme A8 pour la formation d'une clé de chiffrement Kc. Les paragraphes suivants de la partie descriptive analysent ensuite les différents éléments de réseau aptes à mettre en oeuvre l'invention. 29. Le paragraphe [0024] décrit ensuite une passerelle d'authentification au moyen d'un triplet de réseau de communication constitué d'une clé secrète Ki, utilisant un algorithme A3, et d'un nombre aléatoire RAND, adressé par le centre d'authentification et permettant, grâce à la clé secrète ki et à l'algorithme A3, de générer la réponse d'authentification SRES et, selon le cas, en fonction de la réponse, l'accès ou le refus d'accès au réseau (cf ci-dessous figure non contestée extraite des conclusions de la société Intellectual Ventures I, page 18) : 30. Le paragraphe [0025] indique ensuite que la passerelle est également agencée de manière à calculer une première clé de chiffrement Kc, grâce à la clé secrète Ki, l'algorithme A8 et le nombre aléatoire RAND (cf ci-dessous la figure extraite des conclusions de la société Intellectual Ventures I page 18), la clé Kc permettant le calcul d'une seconde clé de chiffrement K : 31. Les paragraphes [0036] et suivants décrivent ensuite un mode de réalisation préféré de l'invention aux fins de calcul d'une seconde clé de chiffrement K après une authentification de système ouvert de la norme IEEE802.11. Le paragrape [0039] enseigne ainsi, après réception de la clé de chiffrement K, la transmission par le point d'accès au terminal mobile d'une demande d'utilisation de l'algorithme à confidentialité équivalente au filaire (WEP) en vue du chiffrement des données, ce dont le terminal lui accurse réception permettant ainsi la synchronisation du point de départ du chiffrement (figure 3 du brevet). La clé de chiffrement et l'algorithme WEP sont alors appliqués aux données dans la couche MAC du terminal mobile en vue de chiffrer les données transmises et déchiffrer les données reçues. La même opération a lieu dans la couche MAC du point d'accès mobile. La description précise ensuite qu'une alternative consiste à prévoir la génération d'une séquence de clés de chiffrement combinée à une valeur de contrôle d'intégrité et un algorithme d'intégrité. 32. Aux fins de l'invention, le brevet se compose de 15 revendications dont seules sont opposées les revendications 1, 11 et 14 suivantes, le tribunal précisant que les revendications non opposées 4, 5, 10, 13 et 15, font toutes référence au protocole WEP de la norme WiFi : 1. Procédé destiné à agencer un chiffrement des données dans un système de télécommunication comportant au moins un terminal sans fil, un réseau local sans fil et un réseau mobile terrestre public, le procédé comportant les étapes consistant à fournir un identificateur pour le terminal et une clé secrète spécifique pour l'identificateur, la clé secrète étant également stockée dans le réseau mobile, transmettre (204) l'identificateur de terminal du terminal au réseau mobile, calculer (207) dans le réseau mobile plus d'une première clé de chiffrement selon le réseau mobile en utilisant la clé secrète spécifique pour l'identificateur et plus d'un code d'identification sélectionnés pour les premières clés de chiffrement, transmettre (210) plus d'un code d'identification au terminal, calculer (213) dans le terminal plus d'une première clé de chiffrement selon le réseau mobile en utilisant la clé secrète et plus d' un code d'identification, caractérisé par les étapes consistant à exécuter une transmission de données entre le réseau mobile et le terminal par l'intermédiaire du réseau local sans fil, calculer (217 ; 221) une seconde clé de chiffrement dans le terminal et dans le réseau mobile en utilisant plus d'une première clef de chiffrement, transmettre (222) ladite seconde clé de chiffrement du réseau mobile au réseau local sans fil, chiffrer (311 ; 312), dans la couche MAC du terminal et du réseau local sans fil, les données transmises entre le terminal et le réseau local sans fil en utilisant ladite seconde clé de chiffrement. 11. Terminal sans fil comportant un émetteur - récepteur en vue d'établir une connexion sans fil avec un point d'accès dans un réseau local sans fil et un module d'identification afin de calculer (213) plus d'une première clé de chiffrement selon un réseau mobile terrestre public en utilisant une clé secrète stockée dans le module d'identification et au moins un code d'identification transmis par le réseau mobile, caractérisé en ce que le terminal comporte un second moyen de calcul en vue de calculer (217) une seconde clé de chiffrement en utilisant ladite au moins une première clé de chiffrement, et le terminal comporte un moyen de chiffrement dans la couche MAC en vue de chiffrer / déchiffrer (311) les données transmises entre le terminal et le point d'accès en utilisant ladite seconde clé de chiffrement. 14. Point d'accès pour un réseau local sans fil comportant un moyen de chiffrement en vue de chiffrer / déchiffrer des données entre un terminal sans fil et le point d'accès, caractérisé en ce que le moyen de chiffrement dans la couche MAC est agencé en vue de chiffrer (312) les données à transmettre et en vue de déchiffrer les données reçues en utilisant un seconde clé de chiffrement spécifique au terminal, calculée par un réseau mobile terrestre public et envoyée à partir du réseau mobile au réseau local sans fil, la seconde clé de chiffrement étant calculée au moyen d'au moins une première clé de chiffrement calculée dans le réseau mobile en utilisant une clé secrète spécifique au terminal et un code d'identification sélectionné pour la première clé de chiffrement. 2o) Sur la demande reconventionnelle aux fins d'annulation des revendications opposées du brevet EP 002 (qui est préalable) a - Sur le grief d'extension indue Moyens des parties 33. La société SFR soutient en premier lieu qu'en ajoutant à sa revendication 1 la caractéristique isolée selon laquelle le chiffrement des données devait être réalisé dans la couche MAC, dans une hypothèse où l'homme du métier ne pouvait déduire de la demande telle que déposée que cette caractéristique pouvait être envisagée indépendamment du protocole WEP, la société Intellectual Ventures I a étendu de manière inadmissible la protection qui s'attache au brevet EP 002. Elle soutient plus particulièrement qu'il s'agit d'une généralisation intermédiaire par isolement d'une caractéristique que la demande présente comme inextricablement liée à une ou plusieurs autres, ce qui est interdit et ce, aux fins de protection des tiers, tant par les juridictions nationales, que par la jurisprudence des chambres de recours de l'Office européen des brevets. 34. La société SFR précise que le test à réaliser ici n'est pas un test d'évidence consistant à rechercher si l'homme du métier connaissait d'autres modalités de chiffrement au niveau de la couche MAC, mais s'il pouvait déduire sans ambigüité de la demande telle que déposée, que celle-ci divulguait d'autres modalités de chiffrement au niveau de la couche MAC telles que notamment selon la norme HiperLan. A cet égard, la société SFR soutient que la caractéristique tenant au chiffrement des données dans la couche MAC n'est décrite dans le fascicule de brevet que selon la norme WiFi et inextricablement liée au protocole WEP, pour l'envoi du message de synchronisation d'abord, et pour la désignation de l'algorithme ensuite, tandis que rien dans le fascicule ne permettrait selon elle à l'homme du métier de comprendre que pouvait être protégé par ce brevet le chiffrement dans la couche MAC indépendamment de l'algorithme WEP. Elle précise à cet égard que la norme WiFi, longuement décrite dans le fascicule de brevet, et ce, dès ses premiers paragraphes, ne met en oeuvre que le protocole WEP aux fins de chiffrement des données. 35. La société SFR précise encore que l'ajout de cette caractéristique ne vise qu'à s'écarter de certains documents de l'art antérieur et tenter ainsi d'échapper à la nullité de son titre, déjà prononcée par les juridictions allemandes, lesquelles ont, en tout état de cause, retenu que la caractéristique tenant au chiffrement dans la couche MAC était évidente pour l'homme du métier à la date de priorité puisque déjà retenue (pour les mêmes raisons à savoir qu'il permet le chiffrement des données et des titres) par les deux seules normes connues alors, à savoir la norme WiFi IEEE802.11 et la norme HiperLan (ETSI) EN300652. Les juridictions allemandes ont ainsi écarté la requête subsidiaire no2 de la société Intellectual Ventures, laquelle correspond selon la société SFR, à la limitation accordée par le directeur de l'INPI. 36. La société SFR fait enfin valoir que ce qui est décrit dans le fascicule de brevet est le chiffrement des données dans la norme WiFi selon le protocole WEP, protocole dont l'homme du métier sait qu'il a été abandonné en raison de la faible protection offerte, pour être remplacé dès 2004 par le protocole WPA, tandis que ce qui est revendiqué aujourd'hui est beaucoup plus large et ne pouvait en aucun cas selon elle être déduit de la demande telle que déposée. 37. La société Intellectual Ventures I conclut au rejet de ce grief de nullité. Elle soutient à cet égard que le chiffrement dans la couche MAC s'applique directement et sans ambigüité au contexte plus général du chiffrement de données et que ce moyen de nullité développé par la société SFR repose sur une lecture selon elle abusivement réductrice du fascicule de brevet. La société Intellectual Ventures I souligne en effet que la description mentionne à plusieurs reprises que l'invention s'applique à tout système de télécommunication sans fil comprenant un réseau local sans fil, qu'il soit basé sur la norme WiFi ou la norme Hiperlan, et que ses enseignements ne sont en aucun cas limités aux exemples donnés ou aux modes de réalisation présentés comme "préférés". 38. La société Intellectual Ventures I rappelle que l'homme du métier est un ingénieur spécialiste des technologies de communication mises en oeuvres dans les réseaux locaux et que ses connaissances générales ne se limitent pas à la norme IEEE802.11. Elle précise qu'il connaît d'autres normes telle que la norme HiperLan et sait que, dans cette norme également, le chiffrement des données s'effectue au niveau de la couche MAC selon un autre protocole que le protocole WEP. 39. La société Intellectual Ventures I en déduit que la limitation acceptée par le directeur de l'INPI n'a pas eu pour effet d'étendre la protection conférée par le brevet au-delà du contenu de la demande telle que déposée et que ce moyen de nullité ne peut qu'être écarté. Appréciation du tribunal ) Le droit applicable 40. Selon l'article L.614-12 du code de la propriété intellectuelle, "La nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich. Si les motifs de nullité n'affectent le brevet qu'en partie, la nullité est prononcée sous la forme d'une limitation correspondante des revendications. Dans le cadre d'une action en nullité du brevet européen, son titulaire est habilité à limiter le brevet en modifiant les revendications conformément à l'article 105 bis de la convention de Munich ; le brevet ainsi limité constitue l'objet de l'action en nullité engagée." 41. Selon l'article 138 "Nullité des brevets européens" de la Convention sur la délivrance de brevets européens signée à Munich le 5 octobre 1973, "(1) Sous réserve de l'article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un État contractant, que si : (...) c) l'objet du brevet européen s'étend au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée ou, lorsque le brevet a été délivré sur la base d'une demande divisionnaire ou d'une nouvelle demande déposée en vertu de l'article 61, si l'objet du brevet s'étend au-delà du contenu de la demande antérieure telle qu'elle a été déposée ;" 42. En outre, aux termes de l'article 123 "Modifications" de la Convention, "(1) Les conditions dans lesquelles une demande de brevet européen ou un brevet européen, au cours de la procédure devant l'Office européen des brevets, peut être modifié sont prévues par le règlement d'exécution. En tout état de cause, le demandeur peut, de sa propre initiative, modifier au moins une fois la description, les revendications et les dessins. (2) Une demande de brevet européen ou un brevet européen ne peut être modifié de manière que son objet s'étende au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée." 43. Interprétant la notion d'extension non admissible au sens de l'article 123 (2) précité de la Convention de Munich, la Grande Chambre des recours de l'OEB a énoncé, aux points 9 et s. des motifs de sa décision G 1/93 du 2 février 1993 (JO OEB 1994, 541), que : "9. En ce qui concerne l'article 123(2) CBE, il est clair que l'idée sous-jacente de cette disposition est d'interdire à un demandeur de conforter sa position par l'ajout d'un élément non divulgué dans la demande telle qu'elle a été déposée, ce qui lui procurerait un avantage injustifié et pourrait porter préjudice à la sécurité juridique des tiers se fondant sur le contenu de la demande initiale. (...)" 44. La jurisprudence des chambres de recours techniques soumet en outre la pratique dite de la "généralisation intermédiaire", qui consiste à puiser des caractéristiques isolées dans un ensemble de caractéristiques divulguées à l'origine uniquement de façon combinée, à des conditions strictes : "3.2 Selon la jurisprudence établie, il n'est normalement pas permis de fonder une revendication modifiée sur l'extraction de caractéristiques isolées à partir d'un ensemble de caractéristiques initialement divulguées uniquement en combinaison, par exemple un mode de réalisation spécifique dans la description (voir La Jurisprudence des chambres de recours, 7e édition, 2013, II.E.1.2 et les décisions qui y sont citées). Une telle modification aboutit à une généralisation intermédiaire, en ce sens qu'elle limite davantage l'objet revendiqué, mais vise néanmoins une combinaison non divulguée de caractéristiques plus large que celle de son contexte initialement divulgué (voir par exemple T1408/04 et T461/05). Elle n'est justifiée qu'en l'absence de relation fonctionnelle ou structurelle clairement reconnaissable entre les caractéristiques de la combinaison spécifique, voir T1067/97, et si la caractéristique extraite n'est donc pas inextricablement liée à ces caractéristiques (voir T714/00)." (Décision T 1944/10 du 14 mars 2014) 45. Le critère pertinent est celui de la perception de l'homme du métier. Celui-ci ne doit recevoir, après modification, aucune information non déductible, directement et sans ambiguïté, de la demande telle que déposée initialement : "En d'autres termes, une généralisation intermédiaire n'est admise en vertu de l'article 123(2) CBE que si l'homme du métier reconnaîtrait sans aucun doute dans la demande telle que déposée que les caractéristiques tirées d'un mode de réalisation détaillé n'étaient pas étroitement liées aux autres caractéristiques de ce mode de réalisation et appliquées directement et sans ambiguïté au contexte plus général (T 962/98). La question de savoir si l'homme du métier reconnaîtrait ou non que certaines caractéristiques (...) ne sont pas essentielles (...) ou s'il se rendrait compte que d'autres configurations sont connues, n'a pas d'importance pour déterminer ce qui est divulgué directement et sans ambiguïté par la demande initiale. De même, le fait qu'il puisse se rendre compte, à partir de considérations complémentaires, que certaines caractéristiques sont essentielles au concept inventif et que d'autres ne le sont pas, n'a que peu d'importance à cet égard. Comme cela a été relevé dans une jurisprudence récente, le critère de l'essentialité ou des trois points a été jugé inutile ou même trompeur dans les cas de la généralisation intermédiaire (voir CLBA II.E.1.2.4, 8e édition, 2016 et les décisions qui y sont citées en particulier T 2311/10). (...) En ce qui concerne la connaissance des solutions de remplacement, la jurisprudence conclut systématiquement que ce critère n'est pas pertinent pour apprécier le respect de l'article 123(2) CBE." (Décision T 2489/13 du 18 avril 2018) 46. Il convient de rappeler que l'homme du métier est celui du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet du brevet, se propose de résoudre (Cass. Com., 20 novembre 2012, pourvoi no11-18.440). ) Application à la présente affaire 47. L'homme du métier est au cas particulier un ingénieur spécialiste des technologies de communication mises en oeuvre dans les réseaux de téléphonie mobile. 48. Il est en outre relevé que la requête en limitation était fondée sur la partie descriptive page 11, lignes 3 à 12 de la demande PCT telle que publiée ainsi rédigée : "After this the second ciphering key K is applied in the MAC layer of the MT, and the MT enciphers the data to be sent and deciphers the received enciphered data 311 (Cipher data with K and WEP) using the K and the WEP algorithm. The AP also starts to use 312 (Cipher data with K and WEP) the K and the WEP algorithm for enciphering data directed to the MT and for deciphering data received from the MT. The AP checks the terminal MT MAC addresses of the received data and performs deciphering for data arriving from the MAC address and correspondingly enciphers the MT data directed to the MAC address. In this case, the K is rapidly initiated and data ciphering can be started." soit selon la traduction en langue française du brevet : "Après cela, la seconde clé de chiffrement K est appliquée dans la couche MAC du terminal mobile (MT), et le terminal mobile (MT) chiffre les données à transmettre et déchiffre les données chiffrées reçues 311 (chiffrement des données avec K et WEP) en utilisant la clé K et l'algorithme à confidentialité équivalente filaire ( WEP). Le point d'accès au réseau (AP) commence également à utiliser 312 (chiffrement des données avec K et WEP) la clé de chiffrement K et l'algorithme WEP pour chiffrer les données destinées au terminal mobile (MT) et pour déchiffrer les données reçues du MT. L'AP vérifie les adresses MAC des terminaux MT des données reçues et effectue le déchiffrement des données provenant de l'adresse MAC et corrélativement chiffre les données MT destinées à l'adresse MAC. Dans ce cas, la clé de chiffrement K est rapidement initiée et le chiffrement des données peut commencer.") 49. Force est de constater que, dans ce passage comme d'ailleurs dans l'ensemble du fascicule de brevet, l'homme du métier perçoit la caractéristique relative à la mise en oeuvre du chiffrement dans la couche MAC comme l'une des étapes d'un mode de réalisation spécifique présenté comme préféré, et comprend que cette étape est inextricablement liée à l'utilisation de l'algorithme à confidentialité équivalente au filaire WEP, ainsi qu'à l'étape essentielle qui la précède et qui tient à la synchronisation, dont l'objet est d'annoncer le point de départ du chiffrement de données. Il importe peu que l'homme du métier, par ses connaissances générales, sache que d'autres modalités de chiffrement dans la couche MAC soient possibles, dès lors qu'il ne peut, à la lecture de la demande de brevet telle que déposée, considérer que ce dernier entende revendiquer ces autres modes de réalisation possibles et plus particulièrement qu'il puisse revendiquer autre chose que le chiffrement des données dans la couche MAC après synchronisation et utilisation de l'algorithme WEP. 50. Il le pouvait d'autant moins ici que les revendications non opposées 4, 5, 10, 13 et 15, du brevet EP'002 font toutes expressément référence au protocole WEP de la norme WiFi et que le fascicule de brevet, et peu important à cet égard les affirmations du fascicule selon lesquelles la protection s'étendrait au-delà des exemples donnés, ne décrit que la norme WiFi qui ne connaît, à la date de priorité, que le protocole WEP. 51. Il en résulte que l'ajout de la caractéristique isolée tenant au chiffrement dans la couche MAC réalise une généralisation intermédiaire interdite constitutive d'une extension de la protection s'étendant au-delà du contenu de la demande telle que déposée, interdite par l'article 123(2) de la la Convention de Munich sur le brevet européen, qui justifie de déclarer nulles les revendications opposées 1, 11 et 14 du brevet EP' 002. b) Conséquences 52. L'annulation des revendications opposées 1, 11 et 14 du brevet EP'002 prive de fondement les demandes au titre de la contrefaçon, qui ne peuvent dès lors qu'être rejetées sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de nullité du brevet, non plus que les demandes subsidiaires de la société SFR. 53. Il est en outre constamment jugé que la divulgation à la clientèle d'une action en contrefaçon n'ayant pas donné lieu à une décision de justice, dépourvue de base factuelle suffisante en ce qu'elle ne repose que sur le seul acte de poursuite engagé par le titulaire des droits, constitue un dénigrement fautif. (Cass. Com., 9 janvier 2019, pourvoi no 17-18.350 ; Cass. Com., 12 mai 2004, pourvoi no 02-19.199, Bull. 2004, IV, no 88) 54. Il résulte en l'occurrence des pièces produites (pièce SFR no4.4) que le 15 novembre 2016, la société Intellectual Ventures a fait paraître sur son site internet à l'adresse <www.intellectualventures.com/news/legal-updates> le communiqué suivant : "Today Intellectual Ventures filed a patent infringement complaint against Société Française du Radiotéléphone - SFR before the [Localité 4] District Court." (Soit en langue française : "Aujourd'hui la société Intellectual Ventures a engagé une action en contrefaçon contre la société SFR devant le tribunal de Paris."). 55. La révélation de l'engagement de cette action en contrefaçon jette le discrédit sur un opérateur économique alors même qu'elle ne repose sur aucune base factuelle, aucune décision judiciaire n'étant intervenue au moment où elle est divulguée. Un tel comportement est indiscutablement fautif et justifie la condamnation de la société Intellectual Ventures I à payer à la société SFR en réparation du préjudice d'image en étant résulté pour cette société la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts. 56. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Intellectual Ventures I sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société SFR la somme de 450.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme tenant compte de la nécessité pour la société SFR , laquelle a justifié des frais exposés à cette fin, de se défendre à une procédure d'une longueur exceptionnelle. 57. Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire sera ordonnée, sauf en ce qui concerne la transcription au Registre National des Brevets. PAR CES MOTIFS, Le tribunal, REJETTE les demandes de la société SFR aux fins d'annulation des preuves (procès-verbaux de saisie-contrefaçon, de constat d'achat et des rapports d'expertise privée); DIT que les revendications 1, 11 et 14 de la partie française du brevet EP 1 304 002 sont nulles pour extension de l'objet du brevet au-delà de la demande telle que déposée ; ORDONNE, à l'initiative de la partie la plus diligente, la transmission de la présente décision, une fois passée en force jugée, à l'INPI aux fins d'inscription au Registre National des Brevets ; REJETTE par conséquent toutes les demandes fondées sur la contrefaçon de ce brevet ; CONDAMNE la société Intellectual Ventures I à payer à la société SFR la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice causé par le dénigrement commis ; CONDAMNE la Société Intellectual Ventures I aux dépens ; CONDAMNE la société Intellectual Ventures I à payer à la société SFR la somme de 450.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision, sauf en ce qui concerne sa transcription au Registre National des Brevets. Fait et jugé à Paris le 25 Octobre 2022. La Greffière La Présidente
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 22/00651 - No Portalis 352J-W-B7G-CV53X No MINUTE : Assignation du : 14 Janvier 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RÉTRACTATION rendue le 13 Septembre 2022 DEMANDERESSE S.A.S. PHILIPS FRANCE COMMERCIAL [Adresse 2] [Localité 3] représentée par Maîtres Sabine AGE et Amandine METIER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0512, DÉFENDERESSE S.A. THALES [Adresse 6] [Localité 4] représentée par Maître Grégoire DESROUSSEAUX assisté de Maître Abdelaziz KHATAB de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0438 COMPOSITION Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe assistée de Lorine MILLE, greffière, A l'audience du 25 mai 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 13 Septembre 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort ____________________________ EXPOSÉ DU LITIGE 1. Le groupe français de taille mondiale Thales se présente comme actif dans de très nombreux secteurs et en particulier, depuis son entrée au capital de la société Gemalto Bv, mère du groupe éponyme, en 2019, celui de la communication "machine to machine" (M2M), dit aussi "internet of things" (IoT), les technologies développées dans ce cadre permettant aux objets d'échanger entre eux sans fil ni intervention humaine, de tels objets étant utiles à des industries et services aussi divers que l'automobile, la logistique ou encore la médecine. La société Thales Sa est la mère du groupe et les sociétés Thales Dis (Digital Identity and Security) Deustchland GmbH, Thales Dis Ais (Analytics and Iot Solutions) Deustchland GmbH, Thales Usa Inc. et Thales Dis Ais USA Llc, ses filles en charge de l'activité "M2M/IoT". 2. La société de droit néerlandais Koninklijke Philips Nv est une entreprise technologique à la tête d'un groupe de taille mondiale lui aussi actif dans de nombreux domaines. En particulier, le groupe est à l'origine d'innovations dans le domaine des normes de télécommunication mobile "Global System for Mobile communication" (Gsm ou 2G), "Universal Mobile Telecommunications System" (Umts ou 3G), et "Long Term Evolution" (Lte ou 4G). La société Koninklijke Philips Nv est ainsi titulaire d'un portefeuille de brevets essentiels aux normes Gsm, Umts et Lte, déclarés comme tels auprès de l'institut de normalisation (ici l'Etsi ou European Telecommunication Standards Institute). La société Philips International Bv est la filiale de la précédente ayant pour objet d'assister les sociétés du groupe notamment en matière juridique. La société de droit français Philips France Commercial est une autre filiale chargée, elle, de la commercialisation en France des produits du groupe. Elle emploie notamment Mme [S] [J] en qualité de "principal intellectual property & licencing counsel". 3. Les produits développés par le groupe Thales (anciennement Gemalto) mettant en oeuvre les normes Gsm, Umts et Lte, la société Koninklijke Philips Nv a, par une lettre du 11 décembre 2015, notifié à la société Gemalto Nv l'existence de son programme de licence pour son portefeuille mondial de brevets essentiels, avec en annexe une liste des brevets concernés, ainsi qu'une liste des produits Gemalto les mettant selon elle en oeuvre. Les parties se sont rencontrées et ont échangé offres et contre-offres, considérées par l'une comme par l'autre totalement inacceptables. C'est dans ce contexte que, le 17 décembre 2020, au terme de cinq années de négociations infructueuses, et considérant que ces sociétés se livraient à un "hold out", la société Koninklijke Philips Nv a engagé contre les sociétés Thales (venant aux droits des sociétés Gemalto) deux actions en contrefaçon de brevets devant la District Court for the District of Delaware, ainsi qu'une action devant la United States International Trade Commission (Usitc), aux fins d'obtenir l'interdiction d'accès au marché américain des produits selon elle contrefaisants des sociétés Thales Dis Ais Deustchland GmbH, Thales Usa Inc. et Thales Dis Ais USA Llc. 4. Estimant abusif le comportement des sociétés du groupe Philips, en particulier de la société Philips France Commercial, employeur de Mme [J], dans la conduite des négociations en vue de parvenir à la conclusion d'un accord de licence "Frand" ("Fair, Reasonnable and Non Discriminatory") portant sur ses brevets essentiels, la société Thales Sa a, aux fins d'apporter la preuve de cet abus, sollicité et obtenu, du délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris, par une ordonnance du 15 novembre 2021, l'autorisation de faire procéder à la recherche et la saisie des documents et courriels en lien avec les procédures initiées aux Etats-Unis depuis la France par Mme [J]. 5. La mesure autorisée a été exécutée le 14 décembre 2021 au siège de la société Philips France Commercial, et, par acte d'huissier du 14 janvier 2022, cette société a fait assigner en référé la société Thales afin d'obtenir la rétractation et subsidiairement la modification de l'ordonnance du 15 novembre 2021. 6. L'affaire a été plaidée à l'audience du 25 mai 2022, lors de laquelle la société Philips France Commercial a soutenu oralement ses conclusions écrites par lesquelles elle demande, à titre principal, la rétractation totale de l'ordonnance du 15 novembre 2021, subsidiairement, sa modification consistant à ordonner le placement sous scellés de l'ensemble des pièces saisies (au lieu du séquestre provisoire accepté par l'huissier conformément au droit commun), et, à titre très subsidiaire, sa modification consistant, soit à désigner deux constatants en la personne de Mme [P] [Z], et M. [K] [R], chargés d'extraire des pièces saisies celles couvertes par le secret des correspondances avocat - client selon le droit américain, soit à faire exécuter cette mission par un juge américain dans le cadre d'une commission rogatoire internationnale. La société Philips France Commercial sollicite enfin la condamnation de la société Thales à lui payer la somme de 50.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 7. La société Thales conclut quant à elle au rejet de toutes les demandes de la société Philips France Commercial et sollicite l'organisation, à ses propres frais, d'une expertise de tri. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la rétractation L'absence de motivation de la dérogation au principe du contradictoire Moyens des parties 8. La société Philips France Commercial fait en premier lieu valoir que la dérogation au principe de la contradiction était en l'occurrence fondée sur un risque totalement artificiel de dépérissement des preuves. Elle expose en effet que la requérante a, comme elle, une parfaite connaissance des procédures américaines et, au cas particulier, qu'elle savait parfaitement que Mme [J], qui est juridiquement salariée de la société Philips France Commercial, mais en réalité rattachée à une autre entité du groupe, était soumise à un "litigation hold" à la suite de la procédure de "discovery" engagée devant l'Us Itc, de sorte que Mme [J], ainsi que celle-ci en témoigne dans le cadre de la présente procédure, se trouvait soumise à une stricte obligation de conservation des preuves pourtant recherchées au terme de l'ordonnance rendue sur requête. La société Philips France Commercial en déduit qu'il n'existait ici aucun risque sérieux de dépérissement des preuves et que la société Thales ne pouvait l'ignorer. 9. La société Thales conclut au rejet de ce moyen. Elle constate, en substance, que le devoir de conservation ("due to preserve") ne concerne que la société Philips RS North America ainsi d'ailleurs qu'il résulte de l'attestation de Mme [J] versée aux débats. Elle en déduit que la motivation de sa requête s'agissant de la nécessité de déroger au principe de la contradiction était non seulement conforme aux principes posés les textes et la jurisprudence, mais encore qu'elle n'avait ici rien d'artificiel contrairement à ce que soutient la société Philips France Commercial. Appréciation du juge des référés 10. Selon l'article 145 du code de procédure civile, "S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé." En outre, aux termes de l'article 493 du même code, "L'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse." 11. Il se déduit de ces dispositions que le requérant qui choisit de solliciter par requête des mesures d'instruction doit préciser les circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire. Ces circonstances doivent être caractérisées dans l'ordonnance ou la requête (Cass. Civ. 2ème, 1er mars 2018, pourvois no17-10.107, et no17-10.368 ; Cass. Civ. 2ème, 4 mars 2021, pourvoi no19-25.092 ) et la Cour de cassation exerce un contrôle lourd sur la caractérisation de ces circonstances. Elle contrôle en particulier la correcte mise en balance du principe de la contradiction et du droit à la preuve, récemment consacré par la Haute juridiction . Elle veille dans ce cadre à ce que le formalisme de motivation nécessaire ne rende pas, de fait, l'accés aux preuves impossible (Voir par exemple : Cass. Civ. 2ème, 25 mars 2021, pourvoi no 19-23.448, qui censure l'arrêt qui avait infirmé la décision qui avait refusé de rétracter l'ordonnance sur requête rendue, alors même que cet arrêt constatait que le saisi avait eu la possibilité de détruire les preuves en considération notamment de la nature informatique des données recherchées : "Vu l'article 493 du code de procédure civile ; Aux termes de ce texte, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. Pour rétracter l'ordonnance sur requête, annuler les actes d'instruction subséquents, ordonner la restitution à la société Forseti des pièces séquestrées et condamner les sociétés éditrices à lui payer une certaine somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt retient qu'il s'infère des circonstances de l'espèce que, depuis le mois de juin 2018, la société Forseti était informée des griefs dont elle était l'objet, qui auraient pu la conduire à prendre toute mesure pour organiser le dépérissement des preuves, de sorte qu'au jour du dépôt de la requête quatre mois plus tard, le 2 octobre 2018, l'effet de surprise recherché ou le risque de dépérissement des preuves n'étaient pas pertinents pour justifier la dérogation au principe du contradictoire. En statuant ainsi, alors que la circonstance que des éléments de preuve aient pu être supprimés par la société Forseti avant le dépôt de la requête caractérisait, peu important l'absence d'un éventuel effet de surprise, un risque de dépérissement des preuves justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction en considération de la nature des faits de parasitisme et de concurrence déloyale et de la nature même des données informatiques recherchées, la cour d'appel a violé le texte susvisé.") 12. Au cas particulier, la requête était ainsi motivée sur la nécessité de déroger au principe de la contradiction : "7.2 LE RISQUE DE DEPERISSEMENT 146. Les preuves nécessaires à la démonstration de la faute du groupe Philips se trouvent exclusivement entre ses mains et sous son contrôle. 147. Il s'agit essentiellement des communications internes au groupe caractérisant l'utilisation des actions engagées contre le groupe Thales par rapport à la conduite des négociations de la licence FRAND. Il est fort probable que ces communications prennent la forme de fichiers électroniques (courriels, présentations, mémoires etc.) ou de documents papiers.Ces éléments sont par nature volatiles et aisément destructibles. 148. Il est évident que, dès lors que le groupe Philips sera informé qu'un procès en responsabilité lui est intenté, il mettra tout en oeuvre pour limiter les communications en ce qui concerne la stratégie judiciaire mise en place. Il pourra en outre détruire ou dissimuler les preuves dont le groupe Thales peut avoir besoin.Une telle destruction ou dissimulation serait aisée, dès lors qu'il serait conscient de la nécessité de la preuve pour le groupe Thales pour démonter la faute qu'il allègue. 149. Il existe donc un motif légitime de conserver ou d'établir avant le procès envisagé par le groupe Thales la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige comme l'exige l'article 145 du code de procédure civile." 13. Il résulte de cette motivation extraite de la requête de la société Thales que l'essentiel des documents recherchés consistait en des échanges de courriels et que ces derniers peuvent être aisément détruits. Le caractère aisément destructible de ce type de pièces est au demeurant confirmé par la société Philips France Commercial qui invoque ici le développement en droit nord américain, depuis une vingtaine d'années, de l'obligation de "litigation hold" ou "legal hold" (littéralement conservation pour litige) depuis les décisions Zubulake v Ubs Warbug Llc, et la doctrine du "due to preserve" issue de ces décisions. Pourtant, il doit être observé ici qu'aucun élément ne démontre que la société Thales n'aurait pu ignorer que la société Philips France Commercial était soumise à un tel "litigation hold" en raison de la procédure de "discovery" ordonnée aux Etats Unis dans le cadre de l'action devant l'Us Itc. En effet, la société Philips France Commercial n'est pas partie à cette procédure de "discovery", tandis que, ainsi que le relève à juste titre la société Thales, l'attestation de Mme [J] démontre que c'est la société Philips RS North America qui était soumise au devoir de conservation des pièces électroniques. 14. Il ne peut donc être considéré ici que la requête était fondée sur un motif artificiel de risque de dépérissement des preuves en raison de l'obligation de conservation des pièces électroniques qui frappait Mme [J] et dont la société Thales aurait eu nécessairement connaissance. Le fait que Mme [J] soit salariée de la société Philips France Commercial pouvait même amener la requérante à penser qu'il existait un risque que cette dernière n'y soit pas soumise, et partant, un risque réel de dépérissement des preuves. 15. Aussi, le moyen de rétractation tiré de l'insuffisance de motivation de la nécessité de déroger au principe du contradictoire doit être écarté. La déloyauté de la société Thales Moyens des parties 16. La société Philips France Commercial reproche ici à la société Thales d'avoir omis de révéler au juge des requêtes l'existence de la procédure de "discovery" initiée devant l'Us Itc et les dispositions de l'article 28 § 1782 Usc qui lui permettaient d'obtenir, en vue de l'instance envisagée ici en France, les éléments de preuve qu'elle a finalement été autorisée à rechercher de manière non contradictoire. Elle rappelle à cet égard que le groupe Philips a été contraint de produire à l'attention de l'Us Itc et des conseils américains du groupe Thales, l'ensemble des documents se rapportant à sa politique et sa stratégie en matière de licences "Frand" concernant ses brevets essentiels. Elle ajoute que les dispositions de l'Us Code invoquées ci-dessus permettent précisément à toute partie participant à une procédure de "discovery" de demander aux juridictions nord américaines devant laquelle elle se déroule d'être autorisées à produire lesdites pièces devant une juridiction étrangère. La société Philips France Commercial ajoute que la société Thales s'est encore révélée déloyale en ne révélant pas au juge des requêtes sa plainte à la Commission Européenne concernant l'attitude du groupe Philips en matière de négociation de licences "Frand". La société demanderesse fait en définitive valoir que la société Thales a présenté sa demande en s'abstenant de révéler au juge des requêtes les éléments qui auraient amené ce magistrat à considérer que la requête consacrait un véritable détournement de procédure et, plus spécialement, de la confidentialité attachée aux pièces qu'elle recherche et qui lui interdise d'y avoir directement accès. 17. La société Thales fait quant à elle valoir qu'il ne peut lui être reproché aucune déloyauté du chef de l'absence de révélation de la procédure américaine de "discovery". Elle rappelle à cet égard que les conditions d'application de l'article 28 § 1782 Usc ne lui auraient permis d'avoir accès qu'aux éléments détenus par la société Philips RS North America (et non la société Philips France Commercial), dont elle rappelle que Mme [J] n'est pas salariée. Elle ajoute que la plainte devant la Commission euroépenne ne lui permettra pas d'obtenir l'indemnisation de son préjudice et que les dispositions légales françaises permettent la protection des secrets d'affaire du groupe Philips. Elle rappelle d'ailleurs que c'est le juge des requêtes qui, en imposant une recherche par mots-clefs a supprimé les scellés qu'elle-même proposait, leur substituant le régime de droit commun du séquestre provisoire, dont elle souligne au demeurant qu'il a permis de protéger tout à la fois les secrets d'affaire du groupe Philips de même que le secret professionnel de ses conseils. La société Thales en déduit qu'elle a été totalement loyale vis à vis du juge des requêtes et qu'aucun des éléments invoqués par la société Philips France Commercial, et qui ne sont pas mentionnés dans la requête, aurait modifié l'appréciation de ce magistrat. Appréciation du juge des référés 18. A la différence des dispositions relatives à la saisie-contrefaçon, celles issues du droit commun, appliqué ici, sont constamment interprétées en ce sens qu'il ne peut, alors qu'il est justifié des raisons fondant l'absence de contradictoire, être imposé de rechercher si le requérant a bien présenté tous les faits même ceux dont le saisi conteste la teneur même : "Tenu d'apprécier les mérites d'une requête au regard des seules conditions de l'article 145 du code de procédure civile, le juge qui, pour rétracter l'ordonnance sur requête, retient que le requérant a manqué à un devoir de loyauté dans l'exposé des faits ajoute une condition à la loi. Sa décision doit être censurée." (Cass. Civ. 2ème , 20 mars 2014, pourvoi no 12-29.568, Bull. 2014, II, no 77 et pourvoi no 13-11.135, Bull. 2014, II, no 76) 19. Ce moyen développé par la société Philips France Commercial est dès lors inopérant en l'état de la recherche précédemment effectuée relativement à la nécessité de procéder non contradictoirement. 20. A titre surabondant, il y a lieu néanmoins de relever que selon le "United States Code" pris en son article (a) du Titre 28 "Judiciary And Judicial Procedure" (magistrats et procédure judiciaire), paragraphe 1782 "Assistance to foreign and international tribunals and to litigants before such tribunals" (assistance aux tribunaux étrangers et internationaux et aux parties devant ces tribunaux), "(a) The district court of the district in which a person resides or is found may order him to give his testimony or statement or to produce a document or other thing for use in a proceeding in a foreign or international tribunal, including criminal investigations conducted before formal accusation. The order may be made pursuant to a letter rogatory issued, or request made, by a foreign or international tribunal or upon the application of any interested person and may direct that the testimony or statement be given, or the document or other thing be produced, before a person appointed by the court. By virtue of his appointment, the person appointed has power to administer any necessary oath and take the testimony or statement. The order may prescribe the practice and procedure, which may be in whole or part the practice and procedure of the foreign country or the international tribunal, for taking the testimony or statement or producing the document or other thing. To the extent that the order does not prescribe otherwise, the testimony or statement shall be taken, and the document or other thing produced, in accordance with the Federal Rules of Civil Procedure. A person may not be compelled to give his testimony or statement or to produce a document or other thing in violation of any legally applicable privilege." (Soit en langue française : "Le tribunal de district du district dans lequel une personne réside ou se trouve peut lui ordonner de faire son témoignage ou sa déclaration ou de produire un document ou autre chose en vue d'être utilisé dans une procédure devant un tribunal étranger ou international, y compris les enquêtes pénales menées avant l'accusation formelle. . L'ordonnance peut être rendue en vertu d'une commission rogatoire délivrée ou d'une demande faite par un tribunal étranger ou international ou à la demande de toute personne intéressée et peut ordonner que le témoignage ou la déclaration soit donné, ou que le document ou autre chose soit produit, devant une personne désignée par le tribunal. En vertu de sa nomination, la personne désignée a le pouvoir de faire prêter le serment nécessaire et de recueillir le témoignage ou la déclaration. L'ordonnance peut prescrire la pratique et la procédure, qui peuvent être en tout ou en partie la pratique et la procédure du pays étranger ou du tribunal international, pour recueillir le témoignage ou la déclaration ou produire le document ou autre chose. Dans la mesure où l'ordonnance n'en dispose pas autrement, le témoignage ou la déclaration doit être recueilli et le document ou autre chose produit, conformément aux règles fédérales de procédure civile. Nul ne peut être contraint de donner son témoignage ou sa déclaration ou de produire un document ou autre chose en violation d'un privilège légalement applicable.") 21. Comme le relève la société Thales, le fait que Mme [J] et son employeur la société Philips France Commercial "résident ou se trouvent" en France (et non aux Etats Unis où s'applique cette procédure) rend périlleuse, voire impossible, l'application de l'article (a) 28 § 1782 de l'Us Code. Il en résulte que la révélation de cette procédure n'aurait nullement été de nature à modifier l'appréciation du juge des requêtes. 22. Quant à l'argument suivant lequel la société Thales aurait sciemment tu au juge des requêtes les éléments qui l'auraient amené à considérer que la demande n'avait d'autre but que de contourner la confidentialité qui s'attache, dans toutes les autres procédures cachées, aux éléments dont elle a sollicité et obtenu la saisie, il n'apparaît pas davantage opérant dès lors, précisémment, que, par sa requête, la société Thales sollicitait le placement sous scellés (et non sous un "simple" séquestre provisoire) de l'ensemble des pièces aux fins de protection des droits du groupe Philips, tandis que le séquestre provisoire a permis ici le même niveau de protection des intérêts du groupe Philips. 23. Le moyen de rétractation tiré du défaut de loyauté de la société Thales ne peut donc qu'être écarté. L'absence de motif légitime Moyens des parties 24. La société Philips France Commercial soutient que la société Thales pouvait par le biais des procédures évoquées ci-dessus (article 28 § 1782 et devant la Commission européenne) obtenir les éléments obtenus par l'ordonnance du 14 novembre 2021 de sorte que la requête se trouvait dépourvue de motif légitime. Elle ajoute que la société Thales n'a d'ailleurs pas attendu la libération des pièces saisies pour l'assigner au fond et que cette société produit déjà de nombreuses pièces. 25. La société Thales soutient que sa requête était fondée sur un motif légitime et qu'il ne peut lui être reproché, eu égard au haut degré d'exigence probatoire en matière de preuve de pratiques anti concurrentielles, d'avoir cherché à améliorer sa situation. Appréciation du juge des référés 26. Conformément aux dispositions précitées de l'article 145 du code de procédure civile, la demande présentée au visa de ce texte ne peut être accueillie que si le demandeur justifie d'un motif légitime, lequel s'entend d'un possible litige à venir entre les parties, qui ne serait pas manifestement voué à l'échec (pour des exemples voir : Cass. Civ. 2ème, 29 septembre 2011, pourvoi no 10-24.684, en raison de l'évidente prescription de l'action ; Cass. Civ. 3ème, 7 février 2001, pourvoi no99-17.535, Bull. 2001, III, no14 ; Cass. Civ. 1ère, 29 avril 1985, pourvoi no84-10.401, Bull. 1985, I, no131, en raison de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal). L'éventuel procès au fond doit simplement être "plausible", ou encore "crédible", la mesure pouvantêtre obtenue simplement "pour apprécier les chances de succès d'une éventuelle demande" (Cass. Civ. 2ème, 18 février 2016, pourvoi no 15-10.875). 27. Force est en l'occurrence de constater que l'assignation délivrée par la société Thales par actes du 23 décembre 2021 démontre l'existence d'un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile tel qu'interprété par la Cour de cassation, tandis que l'utilité de la mesure a déjà été retenue ci-dessus. 28. Le moyen de rétractation tiré de l'absence de motif légitime doit donc être éctarté. Les mesures ordonnées ne sont pas légalement admissibles, ni proportionnées Moyens des parties 29. La société Philips France Commercial soutient que l'ordonnance rendue à la requête de la société Thales a prévu des mots-clefs génériques qui auraient nécessairement dus être utilisés en combinaison avec les noms propres visés. Une telle recherche a conduit ici à l'octroi d'une mesure disproportionnée, qui s'est révélée d'autant plus préjudiciable au groupe Philips et à ses partenaires, que l'ordonnance n'avait prévu aucun mode de protection des données couvertes par le secret des affaires (qui protège incontestablement selon elle les licences comparables), ni même par le secret professionnel des avocats, alors que ce qui est critiqué ici est la stratégie procédurale du groupe Philips. Elle soutient sur ce dernier point que ce sont les règles fédérales américaines sur l' "attorney-client privilege" et la doctrine du "work product" qui doivent s'appliquer ici. La société Philips France Commercial soutient enfin que la limite temporelle du 11 décembre 2015 est bien antérieure à la date de prescription de l'action de la société Thales (17 décembre 2020), de sorte que l'ordonnance doit de ce chef également être regardée comme non circonscrite dans le temps et ayant prévu une mesure non légalement admissible. 30. La société Thales fait valoir que les mesures ordonnées ici étaient légalement admissibles dès lors qu'elles étaient encadrées dans le temps et dans leur objet, les mots-clefs étant selon cette société justifiés par l'objectif poursuivi. Elle ajoute que l'analyse faite par la société Philips sur la prescription de son action est erronée. Appréciation du juge des référés 31. La notion de "mesures légalement admissibles" visée par l'article 145 du code de procédure civile a été précisée par la jurisprudence, tout à la fois de manière négative, en prohibant les mesures d'investigation générale (Cass. Civ. 2ème, 7 janvier 1999, pourvoi no97-10.831, Bull. 1999, II, no 3 ; Cass. Civ. 2ème, 5 janvier 2017, pourvoi no 15-27.526), et, de manière positive, en énonçant que, seules constituent des mesures légalement admissibles les mesures circonscrites dans le temps et dans leur objet (Cass. Civ. 2ème, 6 janvier 2011, pourvoi no09-72.841 ; Cass. Civ. 2ème, 7 janvier 2016, pourvoi no14-25.781 ; Cass. Civ 2ème, 5 janvier 2017, pourvoi no15-27.526 ; Cass. Civ. 2ème, 21 mars 2019, pourvoi no18-14.705), c'est à dire pour la recherche d'éléments strictement en rapport avec l'action envisagée. Une décision récente rappelle d'ailleurs ces principes: "Vu l'article 145 du code de procédure civile : 10. Selon ce texte, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé. 11. Constituent des mesures légalement admissibles des mesures d'instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi. Il incombe, dès lors, au juge de vérifier si la mesure ordonnée était nécessaire à l'exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence. (...) 14. Il ajoute, enfin, que l'ordonnance présidentielle du 20 septembre 2019 cible de façon précise une recherche volontairement limitée aux fichiers, documents et correspondances, tous en rapport avec les faits litigieux et que ladite ordonnance ne se rapporte qu'à des mots-clés précisément énumérés et en rapport avec l'activité de concurrence déloyale dénoncée. 15. L'arrêt en déduit que les mesures ordonnées dans l'ordonnance du 28 septembre 2018 sont circonscrites dans leur objet et donclégalement admissibles. 16. En se déterminant ainsi, sans faire ressortir précisément, comme elle y était invitée, que les mots-clefs visant exclusivement des termes génériques (Google, accord, entente, salarié, avis, Linkedin) et les prénoms, noms et appellations des personnes contre lesquelles les mesures d'instruction avaient été sollicitées, étaient suffisamment circonscrits dans le temps et dans leur objet et que l'atteinte portée au secret des affaires était limitée aux nécessités de la recherche des preuves en lien avec le litige et n'était pas disproportionnée au regard du but poursuivi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision." (Cass. Civ. 2ème, 10 juin 2021, pourvoi no 20-11.987, publié) 32. En l'occurrence, l'ordonnance n'a autorisé que des recherches circonscrites dans le temps (entre le 11 décembre 2015 et la date d'exécution de la mesure), et dans leur objet, au moyen de mots-clefs, non pas constitués de termes génériques (comme auraient pu l'être par exemple les mots-clefs tribunaux ou procédure), mais de termes spécifiques, et d'identités d'individus précis, tous en strict lien avec les faits dénoncés par la requérante. 33. Le moyen tiré du caractère non légalement admissible et disproportionné de la mesure sera donc lui aussi écarté. Sur la modification de la mesure Le placement sous scellés en raison des doutes sérieux sur la légalité des opérations de saisie Moyens des parties 34. La société Philips France Commercial soutient que le régime des scellés est plus protecteur de ses intérêts que celui du séquestre provisoire qui résulte de l'application du droit commun en ce qu'il ne permet pas la protection du secret professionnel des avocats. Ont ainsi été selon elle saisis 2250 courriels adessés ou provenant de son conseil américain, le cabinet Foley, et 300 autres adressés ou provenant d'autres conseils européens. Elle précise que ce placement sous scellés s'impose d'autant plus qu'elle se réserve le droit de contester la validité de la procédure de saisie, affectée selon elle de diverses irrégularités. Elle relève ainsi que l'huissier a commis de nombreux dépassements de sa mission et ne lui a pas immédiatement remis le procès-verbal de ses opérations. 35. La société Thales conclut au rejet de cette demande selon elle injustifiée et dilatoire. Elle rappelle que la décision sur la validité de la mesure, ainsi d'ailleurs que l'admet la société Philips France Commercial relève de la compétence du tribunal statuant au fond, et qu'il serait contraire à son droit à la preuve de différer les opérations de tri qu'elle-même sollicite et qui permettront tout à la fois de protéger les documents personnels de Mme [J], et le secret professionnel des avocats envisagé conformément aux dispositions de la loi française du 31 décembre 1971. Elle rappelle en outre que le délai de remise du procès-verbal n'est encadré dans aucun délai et qu'il a en tout état de cause été remis dès le mois de décembre 2021 à la société Philips France Commercial. Appréciation du juge des référés 36. La demande de placement des éléments saisis sous scellés n'est ni fondée en droit, aucun texte n'imposant le placement sous "scellés", dont l'effet, par suite de l'assignation délivrée dans le mois de la mesure, est le même que celui d'un séquestre, ni opportune en fait, et ne peut donc qu'être rejetée. L'exclusion des éléments couverts par le secret professionnel Moyens des parties 37. La société Philips France Commercial sollicite une expertise de tri aux fns d'extraire des pièces saisies les documents couverts par le secret professionnel des avocats. Elle sollicite que cette expertise soit confiée à Mme [Z], d'une part en raison de ses fonctions passées de batonnière du Barreau de Paris et de présidente du Conseil national des Barreaux, et à M. [R], d'autre part, avocat au barreau de New-York, pour sa connaissance du "attorney-client privilege" et, surtout, de la doctrine du "work product", dont elle affirme qu'elle s'applique ici. Elle sollicite encore que cette expertise soit réalisée en la seule présence des conseils de la société Philips France Commercial. 38. La société Thales sollicite de la même manière une expertise de tri aux fins de préserver les intérêts légitimes de la société Philips France Commercial sans qu'il y ait lieu selon elle d'appliquer le droit nord américain ici, en particulier la doctrine du "work product". Elle s'oppose également à ce que les opérations d'expertise ait lieu hors la présence de ses avocats, soumis selon elle à des règles déontologiques qui protègent les intérêts du groupe Philips. Appréciation du juge des référés 39. Il résulte de l'article 66-5 de la Loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, modifié par la Loi no2011-331 du 28 mars 2011 qu' "En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention " officielle ", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel." 40. Il appartient au juge chargé de contrôler les opérations de saisie de vérifier concrètement, en se référant au procès-verbal et à l'inventaire, la régularité des opérations et d'ordonner, le cas échéant, la restitution des documents qu'il estime appréhendés en violation des droits de la défense. La cour de cassation n'exerce pas de contrôle sur cette vérification concrète qui relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. Crim., 8 novembre 2017, pourvoi no 16-84.528 ; Cass. Com., 7 juillet 2015, pourvoi no 14-15.965), sous réserve que le juge soit « saisi d'allégations motivées selon lesquelles des documents précisément identifiés ont été appréhendés alors qu'ils relevaient de la confidentialité qui s'attache à la relation entre un avocat et son client » (CEDH, 2 avril 2015, Vinci Construction et a. c/ France, no 6369/10, § 79). 41. Le principe de la confidentialité des échanges entre l'avocat et son client a pour but de préserver les droits de la défense et son périmètre doit se déterminer en fonction de cet objectif : la personne qui subit une saisie doit pouvoir compter sur le fait que ne pourront être saisis les documents qui s'inscrivent dans le cadre de sa relation avec son avocat en vue de sa défense à la procédure. Il convient donc de faire primer le contenu du document et le lien indissociable qu'il créé avec l'exercice des droits de la défense, sur le fait qu'un document émane directement de l'avocat ou lui est adressé. Dans une grande entreprise comme la demanderesse à la rétractation, la stratégie de défense a en outre vocation à être discutée par les cadres de la direction et ceux du service juridique, de sorte que sauf à priver de tout effet utile la confidentialité des échanges entre un avocat et son client, celle-ci doit s'étendre, dans la limite de ce qui est nécessaire à l'exercice effectif des droits de la défense, à la discussion de la stratégie de défense, en aval de la correspondance échangée. Les documents internes à l'entreprise qui, à la suite d'un entretien ou d'une correspondance avec l'avocat, en reprennent les termes ne sauraient donc faire l'objet d'une saisie. 42. Cette conception est très proche de celle de "l'attorney-client privilege" tel que décrit par la juge [F] dans sa déclaration du 6 mai 2022 (pièce Philips 5.3, point 17 : "Un autre point important concernant l'attorney-client privilege est qu'il protège souvent les communications même lorsqu'elles ne sont pas adressées à un avocat ou émanant de lui, par exemple lorsque des informations provenant d'une communication privilégiée antérieure sont relayées à un autre représentant d'un client."). 43. En l'occurrence, la mesure a amené la saisie d'un nombre très élevé de documents dont il n'est pas contesté que, parmi eux figurent des courriels destinés à ses avocats, français ou étrangers, ou émanant d'eux, ou encore, éventuellement, relatant une telle correspondance d'avocat. Ces pièces doivent être exclues des documents saisis et restituées à la société Philips France Commercial. 44. La doctrine du "work product", qui, telle qu'elle est décrite par la juge [F], est une règle de procédure civile propre aux juridictions américaines, est en revanche sans application ici (voir sur ce point : Cass. Civ. 1ère, 3 novembre 2016, pourvoi no 15-20.495, Bull. 2016, I, no 203 qui exclut l'application de cette doctrine et l'extension du privilège avocat-client aux juristes d'entreprises qui ne sont pas avocats), Mme [J] étant la salariée française, d'une entreprise ayant son siège en France, et l'action au fond, dirigée contre des entreprises européennes, étant fondée sur le droit de l'Union. 45. En définitive, il apparaît justifié de faire droit à la demande et de désigner un expert aux fins d'extraire des documents saisis ceux portant atteinte au secret des correspondances entre avocat et client, étendu aux courriels de juristes internes qui divulgueraient le contenu d'une telle correspondance, selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision, qui apparaissent ménager les intérêts contradictoires des parties. 46. Il n'apparaît pas inéquitable enfin de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens et de ses frais irrépétibles. PAR CES MOTIFS, Le juge des référés, REJETTE les demandes de la société Philips France Commercial aux fins de rétractation et de modification de l'ordonnance rendue le 15 novembre 2021 ; ORDONNE une mesure d'expertise et désigne pour y procéder : Madame le Bâtonnier [Z], [Adresse 1] [Courriel 5] Avec pour mission de : - se faire remettre par Me [G], huissier de Justice, une copie de l'ordonnance sur requête du 15 novembre 2021 et du procès-verbal de ses opérations du 14 décembre 2021, ainsi que l'ensemble des éléments saisis au siège de la société Philips France Commercial et placés sous séquestre provisoire, - réunir un cercle de confidentialité constitué uniquement des avocats de chacune des parties, qui signeront un accord de confidentialité concernant les opérations menées lors de l'expertise, - recueillir les explications des avocats des parties et se faire remettre toute pièce qui s'avérerait nécessaire à l'exécution de sa mission, - ouvrir le séquestre provisoire, procéder à son examen en présence des conseils des parties, et identifier : *de première part, pour les écarter, les documents protégés au titre du secret des correspondances entre avocat (français ou étranger) et client, étendu aux courriels de juristes internes du groupe Philips qui relateraient le contenu d'une telle correspondance, tous éléments dont les avocats de la société Thales ne pourront prendre connaissance, *de deuxième part, pour les écarter également, les documents identifiés comme personnels par Mme [J], - dresser la liste des deux catégories de documents, en mentionnant les observations éventuelles des parties, annexer les documents contenant des informations utiles à son rapport, et non couverts par le secret professionnel, et faire ensuite retour des documents originaux à l'huissier, lequel en sera constitué séquestre jusqu'à ce qu'il soit à nouveau et définitivement statué (en particulier sur la protection des données couvertes par le secret des affaires du groupe Philips) ; DIT qu'il nous sera référé de toute difficulté de nature en particulier à compromettre le démarrage, l'avancement ou l'achèvement des opérations, DIT que l'expert sera saisi et accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 232 et suivants du code de procédure civile, DIT que conformément aux dispositions de l'article 269 du code de procédure civile, la provision à valoir sur la rémunération de l'expert sera fixée ultérieurement après que l'expert aura pris connaissance des éléments à analyser et évalué le coût de son intervention ; DIT que l'expert devra rendre son rapport au greffe de la 3ème chambre civile 1ère section du tribunal de grande instance de Paris avant le 31 janvier 2023, RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit ; LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens et de ses frais irrépétibles. Fait et jugé à Paris le 13 Septembre 2022. La Greffière La Présidente
CAPP/JURITEXT000046652072.xml
COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE GROSSES + EXPÉDITIONS : le 10/11/2022 la SCP LAVAL - FIRKOWSKI la SCP VALERIE DESPLANQUES ARRÊT du : 10 NOVEMBRE 2022 No : 176 - 22 No RG 21/00338 No Portalis DBVN-V-B7F-GJHG DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ORLEANS en date du 16 Décembre 2020 PARTIES EN CAUSE APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265260349539870 Monsieur [P] [E] [Adresse 2] [Localité 5] Ayant pour avocat Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS D'UNE PART INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265268181059328 Madame [T] [F] née le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 6] [Adresse 7] [Localité 1] Ayant pour avocat postulant Me Valerie DESPLANQUES, membre de la SCP VALERIE DESPLANQUES, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Alain ANTOINE, avocat au Barreau de SAINT DENIS D'AUTRE PART DÉCLARATION D'APPEL en date du : 01 Février 2021 ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 15 Septembre 2022 COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du JEUDI 22 SEPTEMBRE 2022, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 805 du code de procédure civile. Lors du délibéré : Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, Madame Ferréole DELONS, Conseiller, Greffier : Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé. Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 10 NOVEMBRE 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. EXPOSE DU LITIGE : M. [P] [E] et Mme [T] [F] ont solidairement souscrit le 19 novembre 2010 auprès de la Banque CIC Ouest un crédit de restructuration d'un montant de 120 000 euros, remboursable en 18 mensualités de 1 032,18 euros incluant les intérêts au taux conventionnel de 6,30 % l'an. Les parents de Mme [T] [F], M. [B] [F] et Mme [W] [R] épouse [F], se sont portés caution de ce prêt et ont affecté à titre de sûreté et de garantie du remboursement de ce prêt un immeuble situé [Adresse 4]. Exposant avoir réglé le 20 mars 2015 à la banque CIC Ouest, après la séparation de leur fille [T] et de son ex concubin, M. [E], la somme de 107 835,89 euros en exécution de leur engagement de caution, M. et Mme [F] ont mis en demeure M. [E] de leur rembourser cette somme de 107 835,89 euros par courrier recommandé du 23 février 2017, puis l'ont fait assigner en paiement devant le tribunal de grande instance d'Orléans par acte du 12 avril 2017. Par acte du 26 décembre 2019, M. [E] a fait assigner en garantie Mme [T] [F]. Les deux instances ont été jointes et, par jugement du 16 décembre 2020 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire d'Orléans a : -condamné M. [P] [E] à payer à M. [B] [F] et Mme [W] [R] épouse [F] la somme de 107 835,89 euros emportant intérêts légaux à compter du 25 février 2017, -déclaré recevable l'action en garantie exercée par M. [P] [E] à l'encontre de Mme [T] [F], -dit que Mme [T] [F] devra garantie à M. [P] [E] à hauteur de la moitié de la somme précitée, -déclaré le jugement rendu opposable à Mme [T] [F], -rejeté la demande de dommages et intérêts, -rejeté les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, -rejeté toute demande contraire ou plus ample, -condamné M. [P] [E] aux dépens de l'instance, -autorisé, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Gonlier, avocat, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision, Pour statuer comme ils l'ont fait, les premiers juges ont d'abord retenu que si M et Mme [F] n'établissaient pas avoir été poursuivis par la Banque CIC, M. [E] ne pouvait se prévaloir pour autant des dispositions de l'article 2308 du code civil pour priver les cautions de leur recours, alors qu'il ne démontrait pas qu'au moment du paiement, il aurait eu les moyens de faire déclarer la dette étainte. En considérant ensuite que le recours en garantie de M. [E] devait être examiné en considération des dispositions articles 1317 et suivants du code civil, les premiers juges ont retenu que, faute pour M. [E] de démontrer que le prêt garanti aurait été contracté dans l'intérêt exclusif de sa compagne co-empruntrice, Mme [T] [F], la garantie de cette dernière devait lui être accordée à hauteur de la moitié de la somme remboursée. M. [E] a relevé appel de cette décision par déclaration du 1er février 2021, en intimant seulement Mme [T] [F], et en critiquant le jugement en ce qu'il a dit que Mme [T] [F] lui devra garantie à hauteur de la moitié de la somme de 107 835,89 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 25 février 2017, qu'il a été condamné à payer à M. [B] [F] et à Mme [W] [R] épouse [F]. Dans ses dernières conclusions notifiées le 29 août 2022, M. [E] demande à la cour de : -dire recevable et bien fondé, son appel interjeté à l'encontre d'un jugement rendu le 16 décembre 2020 par le tribunal judiciaire d'Orléans, Y faisant droit, -réformer cette décision en ce qu'elle a jugé que Mme [T] [F] devra garantie à M. [P] [E] à hauteur exclusivement de la moitié de la somme de 107 835,89 euros outre intérêts au taux légal à compter du 25 février 2017 qu'il a été condamné à payer à M. [B] [F] et à Mme [W] [R] épouse [F], Statuant à nouveau, -condamner Mme [T] [F] à garantir intégralement M. [P] [E] des sommes qu'il a été condamné à payer à M. [B] [F] et à Mme [W] [R] épouse [F], aux termes du jugement rendu le 16 décembre 2020 par le tribunal judiciaire d'Orléans, ainsi que des dépens qu'il a été condamné à supporter, -débouter Mme [T] [F] de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires, -condamner Mme [T] [F] à verser à M. [P] [E] la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en remboursement des frais irrépétibles exposés en première instance et la somme de 4 000 € en remboursement des frais irrépétibles exposés en appel, -la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel et accorder, en ce qui concerne ces derniers, à la SCP Laval - Forkowski, le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile Dans ses dernières écritures notifiées le 29 juillet 2021, Mme [T] [F] demande à la cour de : -confirmer purement et simplement le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Orléans le 16 décembre 2020, En conséquence, -débouter M. [P] [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, -condamner M. [P] [E] à verser à Mme [T] [F] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, -statuer ce que de droit sur les dépens Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives. L'instruction a été clôturée par ordonnance du 15 septembre 2022, pour l'affaire être plaidée le 22 septembre suivant et mise en délibéré à ce jour. SUR CE, LA COUR : Sur l'appel en garantie de M. [E] Il est acquis que le codébiteur solidaire qui est poursuivi peut, plutôt que d'exercer un recours contributif après avoir payé, appeler en garantie ses codébiteurs aux fins de faire fixer immédiatement la contribution de chacun à la dette. Au soutien de son appel, qui ne porte pas sur son obligation à la dette, mais qui est limité à sa contribution, M. [E], qui se prévaut des dispositions des articles 1317 à 1319 du code civil, soutient que le prêt qu'il a contracté solidairement avec Mme [F] l'a été dans l'intérêt exclusif de celle-ci. En ce sens, l'appelant explique que son ex compagne était, à l'époque de la souscription du prêt, directrice d'un centre de rééducation, et que c'est pour lui éviter de se retrouver en situation d'interdit bancaire et de perdre son emploi qu'il a accepté de souscrire solidairement auprès de la banque CIC Ouest un prêt de restructuration de ses dettes personnelles. Selon M. [E], l'endettement de Mme [F] provenait d'un investissement dans un programme de défiscalisation immobilière qui s'est révélé dispendieux, ensuite duquel Mme [F] a dû contracter un prêt d'environ 80 000 euros, et d'un contrôle fiscal d'une société de conseil et de formation « à la tête » de laquelle elle se trouvait, à raison duquel elle a dû acquitter auprès de l'administration fiscale, selon son ex compagnon, une somme de l'ordre de 40 000 euros. M. [E] précise que s'il avait acquis en indivision avec son ex compagne un immeuble qu'ils ont revendu à perte, Mme [F], qui était propriétaire à hauteur de 80 %, était redevable de 80 % de l'encours du prêt au jour de la vente, puis ajoute que Mme [F] ne peut exciper de dettes soldées pour son compte, notamment au titre d'un prêt Sofinco, alors qu'il lui a réglé, par chèque et par virement, une somme totale de 18 236,34 euros en juin et juillet 2010. L'appelant déduit de ces explications qu'il serait "constant" que l'emprunt litigieux a bénéficié à Mme [F] seule. En ajoutant, d'une part que compte tenu de la grande disparité de leurs revenus, Mme [F] a toujours supporté seule les échéances de remboursement du prêt litigieux, avant leur séparation et postérieurement à celle-ci, sans rien lui réclamer ; d'autre part que les parents de son ex concubine qui s'étaient rendus caution ont soldé ce prêt, non pas en raison de la défaillance des emprunteurs, mais parce qu'ils souhaitaient vendre l'immeuble qu'ils avaient donné en garantie et que la banque avait refusé de substituer, M. [E], qui affirme que ces choix ont été guidés par la volonté de le placer en difficulté, dans un contexte de séparation difficile, conclut que Mme [F] devra être condamnée à le garantir intégralement des sommes qu'il a été condamné à régler à ses parents aux termes de la décision déférée. En réponse, Mme [F] fait valoir que les explications de M. [E], qu'elle qualifie de « fantaisistes », ne sont étayées par aucun élément probant, et soutient que, comme l'avaient indiqué ses parents en première instance, le prêt litigieux, contracté auprès de la banque CIC, a permis de rembourser un crédit contracté par M. [E] et de solder le prêt qu'ils avaient souscrit ensemble pour financer l'acquisition de l'immeuble indivis qu'ils ont revendu à perte. En assurant que M. [E] ne lui a jamais remboursé la part du prêt ayant permis d'apurer ses dettes personnelles, notamment le crédit de 20 000 euros qu'il avait souscrit auprès de la société Sofinco, Mme [F] conclut que le jugement entrepris devra être confirmé en toutes es dispositions. Le prêt souscrit solidairement par M. [E] et Mme [F], qui fonde l'action en contribution de l'appelant, a été conclu le 19 novembre 2010. La contribution des co-emprunteurs solidaires doit donc être réglée, non pas par application des articles 1317 et suivants du code civil, mais par application des articles 1214 et suivants du même code, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, étant observé que, sur la question litigieuse, la réforme du droit des obligations n'a pas entraîné de modification des règles sur l'application desquelles les parties se sont contradictoirement expliquées. Le principe de division de la dette, posé à l'article 1317 dont se prévaut M. [E], reprend en effet les dispositions de l'ancien article 1213. Selon l'article 1213 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, l'obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs, qui n'en sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion. Sauf à supprimer toute référence au cautionnement et à présenter l'opération de manière autonome, l'article 1318, qui conserve la faculté de stipuler un engagement solidaire d'une partie non intéressée à la dette, autrement dit la possibilité d'utiliser la solidarité comme une sûreté personnelle, fait écho à l'ancien article 1216. L'article 1216 ancien prévoit en effet que si l'affaire pour laquelle la dette a été contractée solidairement ne concernait que l'un des coobligés solidaires, celui-ci est tenu de toute la dette vis-à-vis des autres codébiteurs, qui ne sont considérés par rapport à lui que comme ses cautions. Enfin l'article 1319, qui prévoit désormais que les codébiteurs solidaires répondent solidairement de l'inexécution de l'obligation, en précisant que la charge en incombe à ceux auxquels l'inexécution est imputable, reprend les règles qui se trouvaient énoncées au titre des obligations divises et indivises (articles 1217 à 1225 anciens). Au cas particulier, M. [E], qui se réfère aux dispositions de ce nouvel article 1319, n'établit nullement que l'inexécution des obligations nées du prêt qu'il avait solidairement contracté avec Mme [F] serait imputable à son ex compagne, indiquant au contraire que la résiliation du prêt en cause serait liée à la décision prise par les parents de Mme [F] de vendre l'immeuble qu'ils avaient donné en garantie de leur engagement de caution. Il ne résulte par ailleurs d'aucune des pièces produites par l'appelant (contrat de prêt, avis d'imposition sur les revenus de M. [E], liste des mouvements de son propre compte bancaire du 27 mai au 19 juillet 2010, mise en demeure du conseil des parents de Mme [F], acte de vente de l'immeuble indivis, ou encore courriel adressé le 30 septembre 2014 par Mme [F] à la banque CIC faisant uniquement référence à la demande de transfert de garantie et assurant que les échéances du prêt continueront à être réglées) que le prêt en cause aurait été contracté dans l'intérêt exclusif de Mme [F], ni même qu'il aurait été remboursé par elle seule jusqu'à sa résiliation. Dans ces circonstances, le jugement qui a fixé sur des bases égalitaires la contribution à la dette de chacun des emprunteurs solidaires, en limitant la garantie de Mme [F] à la moitié de la condamnation prononcée contre M. [E] à l'endroit des cautions, sera confirmé. Sur les demandes accessoires M. [E], qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens et sera débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Sur ce dernier fondement, M. [E] sera condamné à régler à Mme [F], à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure 1 500 euros. PAR CES MOTIFS CONFIRME la décision entreprise en tous ses chefs critiqués, Y AJOUTANT, CONDAMNE M. [P] [E] à payer à Mme [T] [F] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, REJETTE la demande de M. [P] [E] formée sur le même fondement, CONDAMNE M. [P] [E] aux dépens, DIT n'y avoir lieu d'accorder à la SCP d'avocats Laval-Firkowski le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
CAPP/JURITEXT000046652073.xml
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS No RG 20/01838 - No Portalis DBVS-V-B7E-FLLV Minute no 22/00187 S.A. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 24 Septembre 2020, enregistrée sous le no 18/03222 COUR D'APPEL DE METZ CHAMBRE COMMERCIALE ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2022 APPELANT A TITRE PRINCIPAL - INTIME A TITRE INCIDENT : Monsieur [S] [L] [Adresse 3] [Localité 6] Représenté par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ INTIMÉE A TITRE PRINCIPAL - APPELANTE A TITRE INCIDENT : S.A. BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE représentée par son représentant légal [Adresse 4] [Localité 5] Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 19 Mai 2022 tenue par Mme Claire DUSSAUD, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 10 Novembre 2022. GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère Mme DUSSAUD, Conseillère ARRÊT : Contradictoire Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. EXPOSÉ DU LITIGE La société anonyme Banque Populaire Lorraine Champagne, devenue la SA Banque populaire Alsace Lorraine Champagne (ci-après SA BPALC), a consenti plusieurs prêts à M. [S] [L] et à Mme [D] [T], épouse [L] : - par acte authentique du 15 février 1999, un prêt immobilier no8841998 d'un montant de 1 600 000 francs (243 918,43 euros), remboursable sur une durée de 180 mois, au taux de 5,80 % l'an, allongé de 84 mois supplémentaires par avenant du 27 mars 2006, ce prêt étant souscrit par M. [L] seul, - par acte authentique du 20 janvier 2003, un prêt de trésorerie no8714030 d'un montant de 72 500 euros remboursable sur une durée de 120 mois, au taux de 7,50 % l'an, ce prêt étant souscrit par M. et Mme [L], - par contrat du 29 août 2006, un prêt de trésorerie no1808271 d'un montant de 100 000 euros, remboursable sur une durée de 180 mois, au taux de 6 % l'an, ce prêt étant souscrit par M. et Mme [L]. La SA BPALC a prononcé la déchéance du terme de ces trois prêts par lettres recommandées du 7 septembre 2009 et a fait signifier aux époux [L] un commandement de payer aux fins de saisie immobilière le 15 septembre 2009. Par jugement du 12 janvier 2012, le tribunal de grande instance de Metz, sur saisine des époux [L], a débouté ces derniers de leurs demandes à l'encontre de la SA BPALC fondées sur les articles 1147 et 1131 du code civil. Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Metz en date du 5 janvier 2016. Par jugement du tribunal de grande instance de Metz en date du 9 avril 2013, Mme [L] a été placée en liquidation judiciaire et la SELARL [H] et Nardi, prise en la personne de Maître [X] [H], a été désignée en qualité de liquidateur. La SA BPALC a déclaré sa créance le 29 avril 2013. La procédure a été clôturée pour insuffisance d'actif le 24 novembre 2014. Par acte d'huissier en date du 24 octobre 2018, la SA BPALC a assigné M. [L] devant le tribunal de grande instance de Metz afin de le voir condamné au paiement de diverses sommes au titre des trois prêts. M. [L] a constitué avocat et s'est opposé à ces prétentions en leur opposant la prescription de l'action. Par jugement du 24 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Metz a : - fait droit à l'exception d'irrecevabilité tirée de la prescription de l'action en paiement au titre du prêt immobilier no8841998 soulevées par M. [L] ; - déclaré en conséquence la SA BPALC irrecevable en son action en paiement au titre du prêt immobilier no8841998 ; - rejeté l'exception d'irrecevabilité tirée de la prescription de l'action en paiement au titre des prêts no8714030 et 1808271 ; - condamné M. [L] à payer à la SA BPALC la somme de 59 126,15 euros, outre intérêts au taux de 7,50 % l'an à compter du 20 septembre 2018 et ce jusqu'à complet paiement, au titre du prêt no8714030 ; - condamné M. [L] à payer à la SA BPALC la somme de 146 684,98 euros, outre intérêts au taux de 6 % l'an à compter du 20 septembre 2018 et ce jusqu'à complet règlement, au titre du prêt no1808271 ; - ordonné la capitalisation des intérêts échus et dus pour au moins une année entière sur les sommes dues par M. [L] à la SA BPALC ; - rejeté la demande de la SA BPALC formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; - rejeté la demande formée par M. [L] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; - laissé à chacune des parties la charge des dépens engagés par elle au titre de l'instance ; - prononcé l'exécution provisoire de la décision. Concernant le prêt immobilier no8841998, le tribunal a constaté que l'action en paiement était soumise au délai de prescription biennal du code de la consommation, puis a retenu que ce délai avait commencé à courir au jour de la déchéance du terme, soit le 12 août 2009, en ce qui concerne le capital restant dû, et que le point de départ du délai était nécessairement antérieur pour les mensualités impayées, que l'effet interruptif du commandement de payer délivré le 15 septembre 2009 n'avait pu se poursuivre au-delà de sa délivrance en l'absence de procédure en exécution forcée engagée par la suite et qu'en conséquence, l'action en paiement engagée le 24 octobre 2018 était prescrite car le délai de prescription était expiré le 15 septembre 2011. Il a précisé que le commandement de payer délivré le 17 février 2017 n'avait pas pu avoir d'effet interruptif de prescription, car le délai était déjà expiré. Concernant les prêts no8714030 et no1808271, le tribunal a estimé qu'ils étaient soumis à la prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil. Le tribunal a rappelé que l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs échéances respectives, et que l'action en paiement du capital se prescrit à compter de la déchéance du terme. Il a retenu que s'agissant du capital restant dû, le délai de prescription avait commencé à courir à compter de la déchéance du terme, soit le 12 août 2009, pour le prêt no8714030 et le 30 août 2009 pour le prêt no1808271. Après avoir écarté toute interruption du cours de la prescription tirée de la demande en justice formée par les époux [L] à l'encontre de la SA BPALC, le tribunal a considéré que la déclaration de créance effectuée par la banque au passif de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de Mme [L] avait interrompu le délai de prescription à l'égard de M. [L], débiteur solidaire, conformément aux dispositions de l'article 2245 du code civil, à compter du 3 mai 2013 (date de réception de la déclaration de créance par le liquidateur judiciaire) et jusqu'au 24 novembre 2014, date du jugement de clôture pour insuffisance d'actif, et ce tant pour l'action en paiement du capital restant dû que pour celle des échéances impayées, dont la plus ancienne datait du 28 février 2009. En conséquence, il a jugé que l'action en paiement pour ces deux prêts n'était pas prescrite. Sur le fond, le tribunal a jugé que la créance de la banque était justifiée au regard des stipulations contractuelles et que M. [L] n'alléguait pas avoir procédé à un quelconque paiement depuis le 18 septembre 2018, date à laquelle le décompte de la créance était arrêté. Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz en date du 15 octobre 2020, M. [L] a interjeté appel aux fins d'annulation, et subsidiairement d'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité concernant les prêts no8714030 et 1808271, l'a condamné au paiement au titre des ces prêts, a ordonné la capitalisation des intérêts et l'a débouté de ses demandes de condamnation aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Par ses dernières conclusions du 17 mai 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [L] demande à la cour de : - le recevoir en son appel et le dire bien fondé ; - rejeter au contraire l'appel incident de la SA BPALC et le dire mal fondé ; Et ce fait, - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la SA BPALC irrecevable en son action en paiement au titre du prêt immobilier no8841998 ; - l'infirmer pour le surplus en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité tirée de la prescription de l'action en paiement au titre des prêts no8714030 et no1808271, l'a condamné à payer à la SA BPALC les sommes de : 59 126,15 euros au titre du prêt no8714030, outre intérêts au taux de 7,50 % l'an à compter du 20 septembre 2018 et jusqu'à complet paiement, 146 684,98 euros au titre du prêt no1808271, outre intérêts au taux de 6 % l'an à compter du 20 septembre 2018 et jusqu'à complet paiement ; a ordonné la capitalisation des intérêts échus et dus au moins pour une année entière ; a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et laissé à chacune des parties la charge de ses dépens ; Et statuant à nouveau, - déclarer irrecevables comme prescrites les demandes en paiements de la SA BPALC au titre des prêts no8714030 et 1808271 ; Subsidiairement, - débouter la BPALC de ses demandes en paiement au titre des prêts no8714030 et 1808271 ; Plus subsidiairement encore, - condamner la SA BPALC à lui payer des dommages et intérêts d'un montant équivalent à celui dont il lui serait redevable en principal, intérêts, frais et accessoires ; - ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties ; En tout état de cause, - débouter la SA BPALC de toute demande en paiement des intérêts de retard mis en compte depuis 2009 ; - condamner la SA BPALC en tous les frais et dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Concernant le prêt immobilier no8841998, M. [L] affirme qu'il s'agissait bien d'un prêt immobilier soumis à la prescription biennale du code de la consommation, ce prêt ayant pour vocation de financer l'acquisition d'un immeuble dans le cadre d'un acte de donation-partage. Il fait sienne la motivation relative à la prescription. Concernant le prêt no8714030 et le prêt no1808271, il considère que la SA BPALC ne peut se prévaloir de l'interruption de la prescription résultant de la déclaration de créance du fait de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Metz le 5 janvier 2016 aux termes duquel la cour, constatant que la demande de fixation de la créance au passif de la liquidation judiciaire de Mme [L] n'était pas reprise au dispositif de ses dernières conclusions, a jugé qu'elle n'était pas valablement saisie. M. [L] estime que la SA BPALC est ainsi réputée avoir abandonné sa demande de fixation de créance de sorte que l'interruption de la prescription est non avenue conformément à l'article 2243 du code civil. Subsidiairement, il fait valoir que la demande de la SA BPALC doit être limitée à la somme de 52 122,73 euros, soit le montant de la créance dont la fixation au passif était demandée. Concernant l'effet du commandement de payer aux fins d'exécution forcée immobiliere délivré le 26 avril 2017, M. [L] expose que, par arrêt du 23 mai 2019, la cour d'appel de Metz a dit n'y avoir lieu à exécution forcée immobilière, de sorte que la banque ne peut se prévaloir de l'interruption de la prescription qui résulterait de ce commandement de payer. À titre subsidiaire, l'appelant fait également valoir que le prêt no8714030 et le prêt no1808271 étaient totalement disproportionnés par rapport à sa capacité financière, notamment en tenant compte de l'ensemble des engagements souscrits vis-à-vis de la SA BPALC pour un total de 740 758,89 euros. M. [L] expose qu'il était caution solidaire de la société Au pain de Lune et de la société [L], que son patrimoine était hypothéqué à plus de 200%, que ses revenus étaient absorbés à plus de 100%. Il affirme qu'il n'était pas un emprunteur averti et que son patrimoine ne lui permettait pas de faire face à ses engagements. Il demande en conséquence que la banque soit déboutée de ses demandes. Subsidiairement, il demande la condamnation de la SA BPALC au paiement de dommages et intérêts en raison de la faute commise en lui faisant souscrire des engagements disproportionnés. Il considère que ses demandes ne se heurtent pas à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 5 janvier 2016 car il invoque la disproportion de ses engagements tandis que l'arrêt en question l'avait débouté, ainsi que son épouse, de leur demande tendant à sanctionner le manquement de la SA BPALC à son obligation de conseil et de mise en garde qui consiste, pour l'établissement dispensateur de crédit, à alerter l'emprunteur contre le risque potentiel d'endettement consécutif à l'octroi du prêt. Il ajoute qu'il est ici défendeur à l'action tandis qu'il était demandeur dans l'instance initiale et qu'il n'est pas tenu de présenter dès la première instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits. Enfin, il souligne que la SA BPALC l'a assigné en paiement le 24 octobre 2018 alors qu'elle avait prononcé la déchéance des termes des prêts le 7 septembre 2009. Il considère que l'inaction prolongée de la banque justifie qu'elle soit déchue des intérêts de retard mis en compte depuis 2009. Par ses dernières conclusions du 17 mai 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SA BPALC demande à la cour de : - rejeter l'appel de M. [L] ; - recevoir son seul appel incident ; - confirmer le jugement en toutes ses dispositions au besoin par substitution de motifs, sauf en ce qu'il l'a déclarée irrecevable en son action en paiement au titre du prêt immobilier no8841998 ; - infirmant le jugement uniquement en ce qu'il l'a déclarée irrecevable en son action en paiement au titre du prêt immobilier no8841998 ; Et statuant sur ce point : - condamner M. [L] à lui payer la somme de 175 326,70 euros au titre du prêt no8841998, majoré des intérêts au taux contractuel de 5,80% l'an à compter du 19 septembre 2018, et avec capitalisation des intérêts qui auront couru pour une année entière ; En tout état de cause, - déclarer M. [L] irrecevable comme se heurtant à l'autorité de chose jugée de l'arrêt rendu le 5 janvier 2016 et au principe de concentration des moyens, en ses prétentions, moyens, fins, conclusions et demandes tendant à la voir débouter de ses demandes en paiement au titre des prêts souscrits par lui et en ses demandes de dommages et intérêts avec compensation des créances et en contestation des intérêts de retard ayant couru depuis 2009, subsidiairement l'en débouter ; - déclarer M. [L] irrecevable et subsidiairement mal fondé en l'ensemble de ses moyens, fins, conclusions et prétentions, l'en débouter ; - condamner M. [L] aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel ainsi qu'à lui payer une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Concernant le prêt du 15 février 1999, la banque fait valoir qu'il a été souscrit par M. [L] pour les besoins de son activité de location immobilière et que, s'agissant donc d'un prêt professionnel, la prescription biennale n'a pas vocation à s'appliquer et que l'action n'était pas prescrite. Concernant les prêts du 20 janvier 2003 et du 29 août 2006, la SA BPALC soutient qu'il s'agissait de prêts professionnels, et que l'action en paiement qui en dérive n'était pas soumise à la prescription biennale mais à la prescription quinquennale. Elle considère que la prescription a été interrompue par la déclaration de créance au passif de la liquidation judiciaire de Mme [L] et qu'un nouveau délai de 5 ans a à nouveau couru à compter du 24 novembre 2014. Elle expose qu'elle a en outre engagé des mesures d'exécution forcée par requête régularisée le 26 avril 2017 et que le fait que la cour d'appel de Metz ait, par arrêt du 23 mai 2019, dit qu'il n'y avait lieu à exécution forcée immobilière, ne constitue pas un rejet définitif de sa demande en paiement mais seulement de la possibilité d'une exécution forcée sur les immeubles. La SA BPALC considère que le moyen tiré de l'absence de demande dans le dispositif des conclusions est de mauvaise foi car l'instance est toujours interrompue vis-à-vis de Mme [L] dans la mesure où le mandataire liquidateur n'a pas repris l'instance. Elle ajoute que la créance n'a jamais été abandonnée puisque la déclaration de créance n'a jamais fait l'objet de contestation. Le fait que la cour ait estimé ne pas être saisie sur ce point ne vaut donc pas renonciation à la créance et ne remet pas en cause l'interruption de l'instance selon la SA BPALC. Sur le fond, s'agissant des prêts de 2003 et 2006, la SA BPALC fait valoir que les demandes relatives à la disproportion des prêts sont irrecevables en application des articles 1350 et 1351 anciens du code civil (devenus l'article 1355) et du principe de concentration des moyens. Elle indique que l'appelant est irrecevable, en vertu de l'autorité de la chose jugée, à soutenir qu'elle aurait commis une faute en lui faisant souscrire des engagements disproportionnés, qui est une action en responsabilité au titre du devoir de mise en garde déguisée, et irrecevable à opposer tout autre moyen ou en toute autre demande de dommages et intérêts. Elle considère en effet que cela ne fait que reprendre le moyen tiré du manquement au devoir de mise en garde qui avait fondé son action en responsabilité pour faute et qui a été définitivement rejeté par arrêt du 5 janvier 2016. Elle affirme qu'il appartenait à M. [L] de soulever l'ensemble des moyens de nature à contester l'engagement au sein de la même instance. La banque ajoute que l'action est prescrite en application de l'article L. 110-4 du code de commerce car elle a été engagée plus de 5 ans après la mise en demeure l'informant de la demande d'exécution de son obligation. Elle considère également que l'action n'est pas fondée au motif que M. [L] n'a jamais contesté la validité des emprunts, ni soutenu l'existence d'un manquement de la banque avant d'engager une action en responsabilité qui a été définitivement rejetée. Elle affirme que M. [L] était un emprunteur averti et que le prêt avait pour vocation de restructurer une dette déjà existante de sorte qu'elle n'était pas soumise à un devoir de mise en garde relatif au risque d'endettement. Elle ajoute que M. [L] ne démontre pas l'existence d'une disproportion, notamment en ce qu'il ne produit aucun élément de nature à apprécier sa situation financière et patrimoniale au jour de la conclusion des contrats. Elle fait valoir qu'il liste les engagements qu'il soutient avoir conclus en tenant compte des sommes initialement dues et sans tenir compte de l'évolution de ces engagements. Enfin, s'agissant de la demande de déchéance du droit aux intérêts de retard, elle estime que cette demande se heurte au principe de concentration des moyens, qu'aucun fondement juridique n'est indiqué, et conteste être restée inactive. L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 mai 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la prescription des actions de la SA BPALC : *sur le prêt no8841998 du 15 février 1999 La SA BPALC remet en cause la qualité de consommateur de M. [L] pour le prêt no8841998 du 15 février 1999. L'article L. 312-3 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable lors de la conclusion du prêt, dispose que sont exclus du champ d'application des dispositions relatives aux prêts immobiliers, ceux destinés, sous quelque forme que ce soit, à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d'immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance. Le prêt litigieux est intitulé « Prêt immobilier privilège BPL » et a pour objet « financement divers immobilier ». Les éléments produits par la SA BPALC ne démontrent pas que le prêt a été souscrit pour les besoins de son activité de location immobilière. En effet le fait que M. [L] gérait des sociétés domiciliées à son adresse n'est pas suffisant pour le démontrer. En outre l'acte authentique du 15 février 1999 précise que le bien immobilier situé [Adresse 3] (cadastré 6a06ca, sol, maison), affecté en hypothèque au profit de la banque, a été attribué en propre à M. [S] [L] aux termes d'un acte de donation partage du même jour. M. [L] produit également un projet d'acte de donation partage élaboré en 1999, indiquant que la masse à partager était constituée uniquement de cet immeuble situé [Adresse 3], évalué à 1 400 000 euros, dont la pleine propriété devait être attribuée exclusivement à M. [S] [L] contre le versement de soultes totalisant 1 050 000 euros aux co-partageants. Il ressort ainsi de l'acte du 15 février 1999 et du projet d'acte de donation partage que le prêt immobilier avait pour objet de lui permettre d'acquérir la propriété d'un immeuble à usage d'habitation, contre le versement de soultes à ses frères et s?urs. De surcroît les conditions générales du crédit, paraphées par M. [L] et annexées à l'acte authentique par le notaire, font expressément référence au code de la consommation. Ce crédit immobilier n'avait dès lors pas un objet professionnel. Il n'y a donc pas lieu d'écarter la prescription biennale prévue par l'ancien article L. 137-2 du code de la consommation, issu de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008, applicable aux actions engagées par les commerçants contre les particuliers consommateurs. Les motifs du tribunal, estimant que le délai de prescription biennal avait commencé à courir au jour de la déchéance du terme, soit le 12 août 2009, s'agissant du capital restant dû, qu'il était antérieur s'agissant des mensualités impayées, que l'effet interruptif du commandement de payer délivré le 15 septembre 2009 n'avait pu se poursuivre au-delà de sa délivrance, et que le délai de prescription était expiré le 15 septembre 2011, ne sont pas critiqués par la SA BPALC. La SA BPALC ne développant aucun autre moyen relatif à la prescription, le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a jugé prescrite l'action de la SA BPALC pour le prêt no8841998 du 15 février 1999 et en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en paiement de la SA BPALC concernant ledit prêt. *sur les prêts no8714030 du 20 janvier 2003 et no1808271 du 29 août 2006 : M. [S] [L] ne conteste pas le caractère professionnel des prêts du 20 janvier 2003 et du 29 août 2006, allégué par la SA BPALC, ni l'application du délai de prescription de droit commun à cet égard. Selon l'article 2224 du code civil, en sa rédaction applicable en la cause, issue de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. En vertu des articles 2241 et 2242 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion, et l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. L'article 2243 du code civil précise que l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée. En application de l‘article 2245 du code civil, l'interpellation faite à l'un des débiteurs solidaires par une demande en justice ou par un acte d'exécution forcée ou la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription contre tous les autres, même contre leurs héritiers. Il est constant que la déclaration de créance interrompt la prescription jusqu'à la clôture de la procédure collective. Les points de départ du délai de prescription pour les diverses fractions de créance retenus par le tribunal, fixés aux 12 août 2009 pour le prêt no8714030 et le 30 août 2009 pour le prêt no1808271 s'agissant du capital restant dû, et au plus tôt au 28 février 2009 pour les échéances impayées, n'est pas discuté entre les parties. Par arrêt du 5 janvier 2016, dans un litige opposant les parties, la cour d'appel de Metz a constaté « que la juridiction d'appel n'est pas saisie de la demande formée par la Banque Populaire Lorraine Champagne à l'encontre de [D] [T] épouse [L], faute de figurer dans le dispositif des conclusions de l'intimée en date du 14 septembre 2015 ». Il ressort des motifs de cet arrêt que dans la partie motivation de ses conclusions du 14 septembre 2015, la SA BPALC soutenait être bien fondée à réclamer la fixation de sa créance au passif de la procédure collective de Mme [D] [L] à hauteur de 52 122,73 euros, outre intérêts, et que, cette demande n'ayant pas été reprise dans le dispositif desdites conclusions, la cour ne devait pas statuer à cet égard, conformément à l'article 954 du code de procédure civile. Selon l'article 954 du code de procédure civile, alinéa 3, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Il est précisé à l'alinéa 4 de l'article 954 du code de procédure civile que les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures, et qu'à défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées. Seules les prétentions figurant dans les conclusions antérieures, et non reprises dans les dernières conclusions, sont réputées abandonnées selon le 4ème alinéa de l'article 954 du code de procédure civile. Cette présomption d'abandon des prétentions n'est en revanche pas prévue au 3ème alinéa, dans l'hypothèse où des prétentions sont mentionnées dans les dernières conclusions, dans la partie discussion, mais ne le sont pas dans le dispositif. En outre le défaut de reprise de la demande de fixation de créance dans le dispositif des conclusions du 14 septembre 2015 ne caractérise ni un désistement exprès de la part de la SA BPALC, ni un désistement implicite au sens de l'article 397 du code de procédure civile, étant souligné que la partie motivation de ses conclusions du 14 septembre 2015 démontre qu'elle avait l'intention de poursuivre sa demande en fixation de créance à l'égard de Mme [L]. Par ailleurs aucune péremption d'instance n'est invoquée. Enfin la cour d'appel qui ne pouvait statuer que sur les prétentions énoncées dans le dispositif des conclusions n'a pas tranché de demande relative à la fixation de créance, et n'a pas rejeté une telle demande par arrêt du 5 janvier 2016. Par ailleurs, par arrêt du 23 mai 2019, la cour d'appel de Metz, statuant en matière d'exécution forcée immobilière de droit local, sur pourvoi immédiat formé par M. [S] [L], au visa de l'article L. 111-5 du code des procédures civiles d'exécution, et se référant à un arrêt de la cour de cassation du 22 mars 2018, a considéré que la créance de la SA BPALC n'était pas suffisamment déterminée dans les actes de prêt litigieux, et a retenu que ceux-ci ne constituaient pas des titres exécutoires. Dans le dispositif de l'arrêt la cour d'appel de Metz a dit n'y avoir lieu à exécution forcée sur l'immeuble inscrit au Livre Foncier de [Localité 6], cadastré section 25 no [Cadastre 2]/[Cadastre 1], et ordonné la radiation de la mention d'exécution forcée inscrite au Livre Foncier sur l'immeuble. Ce faisant la cour d'appel de Metz n'a statué que sur la question de savoir si les actes authentiques du 15 février 1999, 20 janvier 2003 et 29 août 2006 constituaient pour la SA BPALC des titres exécutoires à l'égard de M. et Mme [L], au sens de l'article L. 111-5 du code des procédures civiles d'exécution, lui permettant de pratiquer directement à leur encontre une mesure d'exécution forcée immobilière. Par cet arrêt du 23 mai 2019 la cour d'appel de Metz n'a pas définitivement rejeté une demande de condamnation formée par la SA BPALC aux fins d'obtention d'un titre exécutoire découlant d'une décision de justice. La déclaration de créance de la SA BPALC n'ayant pas été anéantie par ces décisions du 5 janvier 2016 et du 23 mai 2019, le délai de prescription est demeuré interrompu jusqu'à la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de Mme [L] en date du 24 novembre 2014. Cette interruption de prescription produit effet à l'égard de M. [L], quo-débiteur solidaire de Mme [L], La SA BPALC ayant assigné M. [L], moins de cinq ans plus tard, le 24 octobre 2018, l'action en paiement de la banque n'est pas prescrite concernant les prêts no8714030 du 20 janvier 2003 et no1808271 du 29 août 2006. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par M. [L]. Sur la recevabilité de la demande en dommages-intérêts formée par M. [L] : Conformément à l'ancien article 1351 du code civil, devenu article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. Il incombe aux parties de présenter, dès l'instance initiale, l'ensemble des moyens qu'elles estiment soit de nature à fonder la demande, soit à justifier son rejet partiel ou total [Cass. ass. plén. 7 juillet 2006, no04-10.672, arrêt Cesareo], et ce bien qu'elles ne soient pas tenues de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits. M. [L] ne peut obtenir des dommages et intérêts en raison de l'octroi des prêts litigieux que si la SA BPALC a commis une faute qui lui a causé un dommage. Or la cour d'appel de Metz, par son arrêt définitif du 5 janvier 2016, a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Metz en date du 12 janvier 2012 ayant notamment débouté M. [L] de sa demande tendant à la condamnation de la SA BPALC au paiement de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de mise en garde dans le cadre de la conclusion du prêt no8714030 du 20 janvier 2003 et du prêt no1808271 du 29 août 2006. M. [L] n'est plus recevable à solliciter des dommages-intérêts pour manquement au devoir de mise en garde, en raison de l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 5 janvier 2016. A supposer que le moyen tiré de la disproportion des prêts professionnels puisse fonder une demande en dommages-intérêts indépendamment d'un manquement au devoir de mise en garde, il incombait à M. [L], alors demandeur, de présenter, dès l'instance relative à sa première demande en dommages-intérêts, l'ensemble des moyens qu'il estimait de nature à fonder celle-ci. Devant la cour dans le cadre de la présente procédure, M. [L] sollicite des dommages-intérêts en soutenant que la SA BPALC a commis une faute en ce que les prêts no8714030 du 20 janvier 2003 et no1808271 du 29 août 2006 seraient disproportionnés par rapport à ses capacités financières. Cette action en responsabilité contre la banque, en raison de fautes de la SA BPALC commises lors de l'octroi des prêts no8714030 du 20 janvier 2003 et no1808271 du 29 août 2006, et tendant à réparer les préjudices en découlant, a le même objet que celui de la demande en dommages-intérêts tranchée par l'arrêt du 5 janvier 2016. En outre la demande est formée entre les mêmes parties, ayant les mêmes qualités d'emprunteur et de prêteur. Dès lors, l'autorité de chose jugée de cet arrêt du 5 janvier 2016 s'oppose également à la recevabilité de la demande en dommages-intérêts fondée sur la disproportion. La demande en dommages-intérêts formée par M. [L] est irrecevable. La demande subséquente en compensation des créances réciproques est rejetée. En revanche lors de l'instance ayant abouti à l'arrêt du 05 janvier 2016, la SA BPALC n'avait pas formé de demande en paiement fondée sur les prêts no8714030 du 20 janvier 2003 et no1808271 du 29 août 2006, de sorte que M. [L] n'avait pas eu à formuler l'ensemble des moyens de défense tendant au rejet total ou partiel d'une telle demande. En conséquence le moyen de défense au fond soulevé par M. [L] en pages 9 à 11 de ses dernières conclusions, relatif au caractère disproportionné des prêts à ses capacités financières, est recevable. Sur le montant de la créance de la SA BPALC : La somme que M. [L] est susceptible de payer n'est pas limitée par le montant de la déclaration de créance, ladite déclaration de créance concernant Mme [L] uniquement. Par ailleurs un emprunteur non averti a la liberté de souscrire un prêt professionnel disproportionné à ses capacités financières, dès lors qu'il a été mis en garde par la banque quant au risque d'endettement excessif en découlant. L'emprunteur averti peut également consentir à un tel contrat de crédit, en toute connaissance de cause. En outre les créances de la banque découlant des crédits professionnels litigieux existent quand bien même les engagements contractés étaient disproportionnés aux capacités de l'emprunteur. Le seul constat d'une éventuelle disproportion des crédits aux capacités de l'emprunteur ne peut dès lors pas suffire à rejeter la demande de la banque en paiement de ses créances. Ce moyen de défense, bien que recevable, est inopérant. Enfin le montant des condamnations prononcées par le tribunal n'est pas contesté. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [L] au paiement des sommes dues au titre du prêt no8714030 du 20 janvier 2003 et du prêt no1808271 du 29 août 2006 et en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts échus et dus pour au moins une année entière. Sur la déchéance des intérêts de retard L'inaction prolongée de la banque n'est pas sanctionnée dès lors qu'elle a formé sa demande dans le délai de prescription. La demande en déchéance des intérêts de retard en raison d'une éventuelle inaction prolongée de la banque est mal fondée. M. [L] sera donc débouté de cette demande. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile. M. [L], qui succombe à la présente instance, sera condamné aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SA BPALC la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel. Sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée. PAR CES MOTIFS, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Déclare la demande en dommages-intérêts formée par M. [S] [L] contre la SA Banque populaire Alsace Lorraine Champagne sur le fondement du caractère disproportionné des prêts irrecevables ; Déclare le moyen de défense soulevé par M. [S] [L], tiré du caractère disproportionné des prêts, tendant au seul rejet des prétentions de la SA Banque populaire Alsace Lorraine Champagne recevable ; Rejette la demande en compensation des créances réciproques des parties formée par M. [L] ; Rejette la demande de déchéance des intérêts de retard formée par M. [S] [L] ; Condamne M. [S] [L] aux dépens de la procédure d'appel ; Condamne M. [S] [L] à payer à la SA Banque populaire Alsace Lorraine Champagne la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ; Rejette la demande de M. [S] [L] au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La greffière La présidente de chambre
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 22/04707 - No Portalis 352J-W-B7G-CWXE3 No MINUTE : Assignation du : 19 Avril 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ MAINLEVÉE rendue le 02 Août 2022 DEMANDERESSE Société LOUIS VUITTON MALLETIER [Adresse 1] [Adresse 1] représentée par Maître Julien BLANCHARD de la SELARL SELARL CANDÉ - BLANCHARD - DUCAMP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0265 Monsieur [K] [L] [Adresse 4] [Adresse 4] représenté par Maître Jean AITTOUARES de la SELARL OX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0966 COMPOSITION Nahtalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe assistée de Lorine MILLE, greffière, A l'audience du 08 Juin 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 02 Août 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à dispotion au greffe Contradictoire En premier ressort ____________________________ EXPOSÉ DU LITIGE : 1. M. [K] [L] est un réalisateur de films français auteur de films de long métrage et de films publicitaires. La société La Pac est une société de production de films publicitaires. La société Louis Vuitton Malletier est une filiale du groupe de luxe LVMH, spécialisée dans la création d'articles de maroquinerie et d'habillement qu'elle commercialise sous la marque "Louis Vuitton". 2. M. [L] expose avoir été contacté à la fin du mois de mai 2021 par la société La Pac aux fins de réaliser un film publicitaire pour le compte de la société Louis Vuitton Malletier, destiné à présenter la collection "hommes - printemps / été 2022" de cette société, le film publicitaire et une bande-annonce devant être livrés le 24 juin 2021. Il indique avoir livré le film dans le délai imparti mais avoir découvert, une heure avant sa première diffusion, que M. [M] [R] était crédité comme réalisateur du film intitulé "Amen Break", lui-même étant présenté en 131ème position au générique en qualité de "film supervisor". 3. Le film a été diffusé et mis en ligne le 24 juin 2021, totalisant 150 millions de vue en 4 jours (d'une durée variable selon les plateformes), sans que son générique ne soit modifié en dépit des demandes réitérées de M. [L] auprès de la société La Pac, et alors même qu'aucun contrat n'avait été régularisé et que son travail était resté impayé. Par une lettre du 8 juillet 2021, M. [L] a de la même manière mis en demeure la société Louis Vuitton Malletier de cesser la diffusion du film "Amen Break", de lui en communiquer l'ensemble des documents contractuels et comptables, et de l'informer sur les modalités envisagées de réparation de son préjudice. 4. Par une ordonnance du 9 juillet 2021, M. [L] a été autorisé à faire pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société La Pac, lesquelles ont été réalisées le 19 juillet 2021 et ont révélé qu'il avait bien été engagé en qualité de réalisateur et que le générique avait été modifié (cette modification étant facturée le 30 juin 2021 à la société Louis Vuitton Malletier). 5. C'est dans ce contexte que, par actes d'huissier délivrés le 9 août 2021, M. [K] [L] a fait assigner à jour fixe à l'audience de la 3ème chambre / 3ème section de ce tribunal du 3 novembre 2021, les sociétés La Pac et Louis Vuitton Malletier en contrefaçon de droits d'auteur (atteinte à son droit moral et violation de son droit patrimonial). A l'audience du 3 novembre 2021, l'affaire a été renvoyée à la mise en état avec un calendrier court et une clôture prévue le 3 avril 2022. 6. Par une requête du 29 mars 2022, M. [L] a sollicité et obtenu, de la présidente de la 3ème chambre / 3ème section, l'autorisation de faire pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon au siège de la société Louis Vuitton Malletier, lesquelles ont été réalisées le 12 avril 2022 et ont amené la saisie de plus de 6600 documents. 7. Par acte d'huissier du 19 avril 2022, la société Louis Vuitton Malletier a fait assigner M. [L] en référé afin d'obtenir la mainlevée de la saisie-contrefaçon. A l'audience du 8 juin 2022, la société Louis Vuitton Malletier demande à la juridiction de : À titre principal, - Ordonner la mainlevée de la saisie-contrefaçon pratiquée le 13 avril 2022 auprès de la société Louis Vuitton Malletier, - Ordonner que les pièces saisies seront remises à Louis Vuitton Malletier, interdiction étant faite à M. [L] d'en conserver copie et de s'en prévaloir ultérieurement, À titre subsidiaire, - Ordonner la mise sous séquestre des courriels saisis chez Louis Vuitton Malletier lors des opérations de saisie-contrefaçon du 13 avril 2022, - Ordonner une mesure d'expertise et désigner pour y procéder tel expert qu'il lui plaira avec pour mission de : ? se faire remettre par Me [Z] [I] une copie du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 13 avril 2022 ainsi que l'ensemble des courriels saisis, ? réunir un cercle de confidentialité constitué uniquement des avocats de chacune des parties, qui signeront un accord de confidentialité concernant les opérations menées lors de l'expertise, ? recueillir les explications des avocats des parties et se faire remettre toute pièce qui s'avérerait nécessaire à l'exécution de sa mission, ? ouvrir les scellés, procéder à leur examen en présence des conseils des parties, et identifier: *d'une part, pour les écarter et en vue de leur destruction, les documents protégés au titre des droits de la défense, qui ne seront pas portés à la connaissance des avocats de M. [L] et en cas de difficulté sur un document, en référer à Mme la Présidente qui seule en prendra connaissance, *de deuxième part, les documents présentant des éléments utiles à la preuve de la contrefaçon alléguée par M. [L], *de troisième part, les documents ne contenant aucune information pertinente sur ladite contrefaçon alléguée, - dresser la liste des trois catégories de documents, en mentionnant les observations éventuelles des parties, annexer les documents contenant des informations utiles à son rapport, et faire ensuite retour des documents originaux à l'huissier, lequel en sera constitué séquestre jusqu'à ce qu'il soit à nouveau statué, - Dire qu'il vous sera référé de toute difficulté de nature en particulier à compromettre le démarrage, l'avancement ou l'achèvement des opérations ; - Condamner M. [L] à payer à la société Louis Vuitton Malletier la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens. 8. M. [L] conclut quant à lui au rejet des demandes, aussi bien principale (mainlevée) que subsidiaire (expertise de tri), de la société Louis Vuitton Malletier. Il demande à la juridiction de lui donner acte du fait qu'il ne s'oppose pas à la mainlevée partielle de la saisie ou à toute mesure qu'il plaira à la Présidente d'ordonner sur tous les échanges directs entre la société Louis Vuitton Malletier et ses avocats, ainsi que sur le courriel adressé par [C] [H] à [P] [W] le 21 mars 2022 à 19h42, pour autant que de tels documents aient été appréhendés. Il sollicite la condamnation de la société Louis Vuitton Malletier à lui payer la somme de 6 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. 9. L'affaire a été plaidée à l'audience du 8 juin 2022 et mise en délibéré au 2 août 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur la mainlevée de la saisie-contrefaçon Moyens des parties 10. La société Louis Vuitton Malletier soutient que M. [L] s'est livré à une présentation déloyale des faits ne fournissant au magistrat que ses propres éléments et sa propre version des faits. La société demanderesse rappelle ainsi que tous les choix, aussi bien artistiques et esthétiques, que techniques, ont été faits par [LG] [U], architecte, designer et directeur artistique "pour l'homme" de la marque, jusqu'à son décès survenu le [Date décès 3] 2021. Elle ajoute que ce dernier a choisi (ou validé), avec M. [M] [R], l'idée originale du film, son scenario, ses dialogues, sa musique, ses chorégraphies, ses lieux de tournage, ses décors, les membres de l'équipe technique, y compris la décision d'engager M. [L] et ce, pour la seule supervision du tournage. 11. La société Louis Vuitton Malletier précise que la modification du générique demandée à la société de production est due à une erreur sur le nom du "hair artist" ayant travaillé pour le film. Elle ajoute que c'est à dessein, et en particulier afin de cacher au juge des requêtes les arguments contraires de la société Louis Vuitton Malletier, que M. [L] a déposé sa requête sans attendre le dépôt des conclusions de la défense prévu le 31 mars 2022. 12. M. [L] conclut au rejet de la demande de mainlevée n'ayant selon lui fait preuve d'aucune déloyauté. Il rappelle d'ailleurs que conformément aux dispositions de l'article 845 alinéa 3 du code de procédure civile, il a présenté sa requête à la présidente de la section en charge de l'affaire au fond, en raison précisément de sa connaissance de l'affaire. Il ajoute avoir joint à sa requête les dernières conclusions des défendeurs. M. [L] soutient encore que le débat relatif à la qualification de son intervention sur le film (réalisateur ou "superviseur") est un débat de fond et en déduit que les moyens soulevés par la société Louis Vuitton Malletier sont dénués de pertinence à ce stade. Appréciation du juge des référés 13. Aux termes de l'article L.332-1 du code de la propriété intellectuelle, "Tout auteur d'une oeuvre protégée par le livre Ier de la présente partie, ses ayants droit ou ses ayants cause peuvent agir en contrefaçon. A cet effet, ces personnes sont en droit de faire procéder par tous huissiers, le cas échéant assistés par des experts désignés par le demandeur, sur ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des oeuvres prétendument contrefaisantes ainsi que de tout document s'y rapportant. L'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux oeuvres prétendument contrefaisantes en l'absence de ces dernières. La juridiction peut ordonner la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer illicitement les oeuvres. (...)" 14. Selon l'article 3 "Obligation générale" de la Directive 2004/48/CE du Parlement Européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, dont les dispositions précitées réalisent la transposition en droit interne, les mesures destinées à assurer le le respect des droits de propriété intellectuelle doivent, notamment, être loyales. Aussi, il est constamment rappelé que le caractère non contradictoire de la procédure sur requête, qui autorise un requérant, à solliciter dans un cadre exorbitant du droit commun, sur une présentation unilatérale de sa demande, l'autorisation de procéder chez une personne suspectée de commettre des actes de contrefaçon ou un tiers, sans son assentiment, à des investigations instrusives ou à des mesures conservatoires, suppose une particulière loyauté du requérant. Ce dernier se doit de porter à la connaissance du juge, l'ensemble des éléments de droit et de faits utiles, afin de permettre à celui-ci de porter une appréciation éclairée sur la demande qui lui est soumise et d'ordonner une mesure proportionnée, en tenant compte des intérêts divergents du saisissant et du saisi. 15. Force est en l'occurrence de constater que, sous le couvert d'un défaut de loyauté, la société Louis Vuitton Malletier développe en réalité ses moyens de critique au fond de la qualification de la participation de M. [K] [L] au film "Amen Break". Selon elle, en effet, la participation de M. [L] n'a pas excédé celle d'un simple "superviseur" des prises de vue, la qualité de réalisateur revenant uniquement à M. [M] [R], tandis que, selon M. [L], son rôle a consisté à diriger le tournage de l'oeuvre audiovisuelle et, ce faisant, à opérer différents choix décisifs pour le "rendu final" du film "Amen Break", qui justifiaient selon lui qu'il soit crédité en qualité de réalisateur en 2ème ou 3ème position, mais en aucun cas en 131ème. 16. Ce sont précisément les très importantes divergences entre les parties, parfaitement connues de la présidente de la chambre à laquelle l'affaire a été distribuée, et à laquelle la requête a été présentée conformément aux dispositions de l'article 845 alinéa 3 du code de procédure civile, qui ont justifié la mesure. M. [L] ne peut donc être regardé comme ayant fait preuve de déloyauté et la demande de mainlevée ne pourra par conséquent qu'être rejetée. 2o) Sur la protection du secret professionnel Moyens des parties 17. La société Louis Vuitton Malletier fait à cet égard valoir qu'eu égard à la date à laquelle la mesure a été autorisée, c'est à dire à un moment où le litige avait déjà été porté devant différents tribunaux, des correspondances couvertes par le secret professionnel ont été saisies. Cette société sollicite donc l'organisation d'une expertise de tri aux fins d'écarter les courriers échangés entre la société Louis Vuitton Malletier et ses avocats mais aussi les courriers en lien avec sa défense, notamment ceux échangés entre ses préposés et qui relateraient les échanges entre la société et ses avocats ou encore sa stratégie de défense, conformément à la jurisprudence. 18. M. [L] rappelle que ses conseils ont dès la mise en oeuvre de la mesure accepté que soient écartées les correspondances entre la société défenderesse et ses avocats. Il s'oppose en revanche à toute extension, laquelle n'est pas fondée en droit, la demande étant vague alors que la jurisprudence a développé une appréciation in concreto des pièces devant être couvertes par le secret professionnel, non plus qu'en fait, la société Louis Vuitton Malletier ne donnant aucun exemple de courriel saisi susceptible de relever de la catégorie des courriers couverts par le secret professionnel sans pour autant émaner ou être adressé à son avocat. Appréciation du juge des référés 19. Il résulte de l'article 66-5 de la Loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, modifié par la Loi no2011-331 du 28 mars 2011 qu' "En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention " officielle ", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel." 20. Il appartient au juge chargé de contrôler les opérations de saisie de vérifier concrètement, en se référant au procès-verbal et à l'inventaire, la régularité des opérations et d'ordonner, le cas échéant, la restitution des documents qu'il estime appréhendés en violation des droits de la défense. La cour de cassation n'exerce pas de contrôle sur cette vérification concrète qui relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. Crim., 8 novembre 2017, pourvoi no 16-84.528 ; Cass. Com., 7 juillet 2015, pourvoi no 14-15.965) sous réserve que le juge soit « saisi d'allégations motivées selon lesquelles des documents précisément identifiés ont été appréhendés alors qu'ils relevaient de la confidentialité qui s'attache à la relation entre un avocat et son client » (CEDH, 2 avril 2015, Vinci Construction et a. c/ France, no 6369/10, § 79). 21. Le principe de la confidentialité des échanges entre l'avocat et son client a pour but de préserver les droits de la défense et son périmètre doit se déterminer en fonction de cet objectif : la personne qui subit une saisie doit pouvoir compter sur le fait que ne pourront être saisis les documents qui s'inscrivent dans le cadre de sa relation avec son avocat en vue de sa défense à la procédure. Il convient donc de faire primer le contenu du document et le lien indissociable qu'il créé avec l'exercice des droits de la défense, sur le fait qu'un document émane directement de l'avocat ou lui est adressé. Dans une grande entreprise comme la défenderesse, la stratégie de défense a en outre vocation à être discutée par les cadres de la direction et ceux du service juridique, de sorte que sauf à priver de tout effet utile la confidentialité des échanges entre un avocat et son client, celle-ci doit s'étendre, dans la limite de ce qui est nécessaire à l'exercice effectif des droits de la défense, à la discussion de la stratégie de défense, en aval de la correspondance échangée. Les documents internes à l'entreprise qui, à la suite d'un entretien ou d'une correspondance avec l'avocat, en reprennent les termes ne sauraient donc faire l'objet d'une saisie. 22. En l'occurrence, la mesure a amené la saisie d'un nombre très élevé de documents (plus de 6500) dont la société Louis Vuitton Malletier démontre que parmi eux figurent des courriels destinés à Maître [N] [E] son avocat (ex : courriel du 28 octobre 2021 de Mme [X] [Y] à Me [N] [E] avec en objet "Men SS22 filming" ; courriel du 28 décembre 2021 de Mme [V] [J] à Mme [G] [D] et Me [N] [E] avec en objet "Point juridique") ou des courriels internes relatifs à sa stratégie de défense (ex : courriel du 29 octobre 2021 de Mme [X] [Y] à M. [P] [W] et Mme [A] [O] avec en objet "Urgent MIPO" contenant les conclusions de Me [E] ; courriel du 23 décembre 2021 de M. [S] [B] à M. [P] [W] et Mme [A] [O] avec en objet "[K] [L] : Point juridique"). 23. Il appraît donc justifié de faire droit à la demande et de désigner un expert aux fins de d'extraire des documents saisis ceux portant atteinte au secret des correspondances entre avocat et client, étendu aux courriels des juristes internes qui divulgueraient un tel secret, selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision. 3o) Sur la protection de données couvertes par le secret des affaires Moyens des parties 24. La société Louis Vuitton Malletier fait sur ce point valoir que le choix des mots-clefs a amené la saisie de documents sans lien avec la présente affaire dont certains font même état de partenariats confidentiels avec d'autres sociétés, éléments couverts par le secret des affaires. 25. M. [L] conclut au rejet de cette demande présentée selon lui de manière "expéditive" par la société Louis Vuitton Malletier sans aucune démonstration de la moindre atteinte à un secret d'affaires. Appréciation du juge des référés 26. Selon l'article L. 151-1 du code de commerce, "Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants : 1o Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ; 2o Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret; 3o Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret." 27. L'article R. 153-3 de ce même code précise que "A peine d'irrecevabilité, la partie ou le tiers à la procédure qui invoque la protection du secret des affaires pour une pièce dont la communication ou la production est demandée remet au juge, dans le délai fixé par celui-ci: 1o La version confidentielle intégrale de cette pièce ; 2o Une version non confidentielle ou un résumé ; 3o Un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d'un secret des affaires. Le juge peut entendre séparément le détenteur de la pièce, assisté ou représenté par toute personne habilitée, et la partie qui demande la communication ou la production de cette pièce." 28. Force est de constater que la demande telle que présentée par la société Louis Vuitton malletier n'est pas conforme aux dispositions de l'article R.153-1 du code de procédure civile et est dès lors irrecevable. 29. Les succès et échecs respectifs des parties commandent de laisser à chacune d'elles la charge de ses propres dépens comme de ses frais irrépétibles. PAR CES MOTIFS, Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, Le juge des référés, REJETTE la demande de mainlevée de la saisie-contrefaçon autorisée le 29 mars 2022 ; ORDONNE une mesure d'expertise et désigne pour y procéder : M. [F] [T] Expert près la Cour d'Appel de Paris et la Cour de cassation demeurant : [Adresse 2] [Courriel 5] Avec pour mission de : - se faire remettre par Me [I], huissier de Justice, une copie de l'ordonnance sur requête du 29 mars 2022 et du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 12 avril 2022, ainsi que l'ensemble des éléments saisis au siège de la société Louis Vuitton Malletier, - réunir un cercle de confidentialité constitué uniquement des avocats de chacune des parties, - recueillir les explications des avocats des parties et se faire remettre toute pièce qui s'avérerait nécessaire à l'exécution de sa mission, - procéder à l'examen des courriels et pièces saisies en présence des seuls conseils des parties, et identifier, pour les écarter, les documents protégés au titre du secret des correspondances entre avocat et client, étendu aux courriels de juristes de la société Louis Vuitton Malletier qui divulgueraient un tel secret, - faire ensuite retour des documents à l'huissier, DIT qu'il nous sera référé de toute difficulté de nature à compromettre le démarrage, l'avancement ou l'achèvement des opérations, et en particulier en cas de désaccord sur la confidentialité d'une pièce, lequel sera tranché par le juge ; DIT que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 et suivants du code de procédure civile ; FIXE à 5.000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qui devra être consignée par la société Louis Vuitton Malletier à la régie du tribunal judiciaire de Paris, au plus tard le 9 septembre 2022, faute de quoi la mesure d'expertise ordonnée sera caduque ; DIT que l'expert devra rendre son rapport au greffe de la 3ème chambre civile du tribunal judiciaire de Paris avant le 30 décembre 2022 ; DIT irrecevable en l'état la demande de protection de pièces par les règles relatives au secret des affaires et invite la société Louis Vuitton Malletier à procéder comme prévu à l'article R. 153-1 du code de commerce ; LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens ; DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision. Fait et jugé à Paris le 02 Août 2022. La Greffière La Présidente
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JUDICIAIRE No RG 22/54655 - No Portalis 352J-W-B7G-CW7HZ Assignation du : 19 Mai 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 04 août 2022 par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier. DEMANDERESSES Société NOVARTIS AG [Adresse 9] [Localité 6] - SUISSE S.A.S NOVARTIS PHARMA [Adresse 4] [Localité 5] représentées par Maître Laetitia BENARD du LLP ALLEN & OVERY LLP, avocats au barreau de PARIS - #J0022, DÉFENDERESSES Société MYLAN IRELAND LIMITED [Adresse 2] [Adresse 2] [Localité 7] - IRELAND S.A.S. VIATRIS SANTE anciennement dénommée MYLAN S.A.S [Adresse 1] [Localité 3] représentée par Maître Denis SCHERTENLEIB de la SAS SCHERTENLEIB AVOCATS, avocats au barreau de PARIS - #A0948 A l'audience du 28 Juin 2022, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier, Exposé du litige : 1. La société de droit suisse Novartis Ag appartient au groupe de taille mondiale éponyme spécialisé dans la recherche et le développement de produits de santé. Le groupe est en particulier actif dans la lutte contre les affections neurologiques telles que la sclérose en plaques. L'un des produits phares du groupe dans ce domaine est le médicament GILENYA®, dont le principe actif est le Fingolimod, indiqué sous forme de gélules à 0,5 mg comme traitement de fond des formes très actives de sclérose en plaques rémittente-récurrente. La société Novartis Pharma Sas exploite en France l'autorisation de mise sur le marché européen dont bénéficie la spécialité GILENYA® délivrée le 22 mars 2011 à la société Novartis Europharm Ltd via la procédure centralisée sous le no EU/1/11/677/001. 2. La société Novartis Ag est la titulaire inscrite de la demande de brevet européen désignant la France no 2 959 894 (ci-après « EP 894 »), ayant pour titre « Modulateurs du récepteur S1P pour traiter la sclérose en plaques », déposée en tant que demande divisionnaire de la demande de brevet européen no 2 698 154 (retirée) déposée le 27 septembre 2013, qui est elle-même une demande divisionnaire de la demande de brevet européen no 2 037 906 (retirée) déposée le 25 juin 2007, toutes ces demandes étant elles-mêmes issues de la demande internationale no 2008/000419, déposée le 25 juin 2007 sous priorité de la demande GB 2006 0612721 du 27 juin 2006. 3. L'invention concerne l'utilisation d'un modulateur des récepteurs de la S1 P ou sphingosine 1-phosphate, en l'occurrence le Fingolimod (ou 2-amino-2-[2-(4-octylphényl)éthyl]propane-1,3-diol connu sous le code "FTY720"), initialement découvert en 1992 par une équipe de chercheurs japonais et protégé par un brevet international dont la demande a été déposée le 18 octobre 1994 (PCT no 94/08943). Cette demande internationale a par la suite conduit à la délivrance d'un brevet européen no 0 627 406 ayant pour titre "Composé 2-Amino-1, 3-Propanediol et immunosuppressé". Ce brevet concernait les derivés de 2-amino-1,3-propanediol, utiles en tant qu'agents immunosuppresseurs, lesquels, en réduisant les défenses immunitaires de l'organisme par séquestration des lymphocytes diminuent les risques de rejet de greffes. Ce brevet, dont les effets ont été prolongés par la délivrance d'un CCP, a expiré le 18 octobre 2018. Le groupe Novartis, qui bénéficiait d'une licence sur le Fingolimod, expose que ses chercheurs ont découvert que les modulateurs des récepteurs de la sphingosine 1-phosphate avaient un effet inhibiteur sur la néo-angiogenèse (mécanisme qui permet de créer de nouveaux vaisseaux sanguins dans le but de nourrir une tumeur et d'assurer sa croissance), une néo-angiogénèse importante dans la partie lombaire de la moelle épinière étant associée à la sclérose en plaques. 4. La demande de délivrance du brevet EP 894 auprès de l'Office européen des brevets a été publiée le 30 décembre 2015 sous le no 2015/53 et, le 2 novembre 2020, a fait l'objet d'un rejet par la division d'examen pour défaut de nouveauté. Le 8 février 2022, la chambre de recours de l'Office a infirmé cette décision et renvoyé la demande devant la division d'examen. Les motifs de la décision de la chambre de recours ont été connus le 3 juin 2022. 5. C'est dans ce contexte que les sociétés du groupe Novartis ont engagé diverses actions en France et en Europe aux fins d'obtenir la protection des droits attachés à sa demande de brevet EP894. En particulier, les sociétés Novartis Ag et Novartis Pharma ont sollicité et obtenu l'autorisation de faire assigner en référé devant le délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris, siégeant à l'audience du 28 juin 2022 à 9h30, les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé, en leurs qualités respectives de titulaire de l'autorisation de mise sur le marché délivrée pour le "Fingolimod Mylan 0,5 mg gélule" et d'exploitante désignée de cette autorisation. 6. Dans leurs conclusions dont elles ont repris les termes à l'audience, les sociétés Novartis et Novartis Pharma demandent au juge des référés, au visa des articles 485, 493, 834 et 835 du code de procédure civile, L. 613-1, L. 613-3, L. 614-9, L. 615-1, L. 615-3, L. 615-4, L. 615-5-2 et L. 615-7-1 du code de la propriété intellectuelle, 1240 du code civil et de la demande de brevet européen désignant la France no 2 959 894, sous le bénéfice de l'exécution provisoire de droit, de: À titre principal : - DIRE les demandes des sociétés Novartis et Novartis Pharma recevables et bien fondées ; - DIRE que la spécialité générique « Fingolimod Mylan 0,5 mg, capsule » reproduit la revendication 1 de la demande de brevet européen no 2 959 894, de sorte que la contrefaçon des droits de Novartis n'est pas sérieusement contestable ; - DIRE que la commercialisation illicite des spécialités génériques « Fingolimod Mylan 0,5 mg, capsule » constitue un acte de concurrence déloyale à l'encontre de Novartis Pharma; - INTERDIRE aux sociétés Mylan Ireland Ltd et Viatris Santé jusqu'au 25 juin 2027 inclus de fabriquer, importer, exporter, transborder, offrir en vente, mettre sur le marché, utiliser et détenir aux fins précitées, des compositions pharmaceutiques reproduisant la revendication 1 de la demande de brevet européen no 2 959 894, sous astreinte de 1.000 € par comprimé fabriqué, importé, exporté, transbordé, offert en vente, commercialisé, utilisé ou détenu, quelle que soit sa forme de conditionnement, à compter de la date de la signification de l'ordonnance à intervenir ; - ORDONNER aux sociétés Mylan Ireland Ltd et Viatris Santé de rappeler et/ou de retirer des réseaux de distribution, y compris auprès des pharmacies, toute composition pharmaceutique fabriquée, importée, exportée, transbordée, offerte en vente, utilisée et détenue aux fins précitées, reproduisant la revendication 1de la demande de brevet européen no 2 959 894, sous astreinte de 100 €par comprimé non rappelé ou non retiré des réseaux de distribution, à compter d'un délai de 48 heures suivant la date de la signification de la décision à intervenir ; - AUTORISER les sociétés Novartis et Novartis Pharma à demander que toute composition pharmaceutique reproduisant la revendication 1 de la demande de brevet européen no 2 959 894 soit remise à tout huissier de leur choix, aux seuls frais des sociétés Mylan Ireland Ltd et Viatris Santé, afin d'empêcher leur introduction dans les circuits commerciaux et la poursuite d'actes de contrefaçon et par conséquent de : o autoriser les sociétés Novartis et Novartis Pharma à faire procéder par tout huissier instrumentaire de son choix, à la saisie réelle de toute composition pharmaceutique reproduisant la revendication 1 de la demande de brevet européen no 2 959 894 dans les locaux de Viatris Santé et en tous endroits dans lesquels les opérations révéleraient la présence de produits contrefaisants, afin que ces produits soient conservés sous le contrôle de l'huissier en tout lieu de stockage approprié ; o autoriser l'huissier instrumentaire à se faire assister d'un officier de police ou de tout représentant de la force publique qui pourra procéder même en dehors de sa circonscription, et de tout expert du choix des sociétés Novartis et Novartis Pharma, autres que les subordonnés des Demanderesses ; o autoriser l'huissier instrumentaire à se faire assister par un serrurier, par un informaticien et par toute personne de son étude ; o autoriser l'huissier instrumentaire à poursuivre, en cas de besoin, ses opérations au-delà de la fin du premier jour ; dans ce cas, autoriser l'huissier instrumentaire à apposer les scellés sur les produits pertinents et, d'une façon générale, à apposer tous scellés ou autres moyens dans le but de préserver, sauvegarder et conserver toute composition pharmaceutique reproduisant la revendication 1 de la demande de brevet européen no 2 959 894 à saisir dans les lieux de la saisie ; o autoriser l'huissier instrumentaire à se faire assister par un manutentionnaire, emballeur et conducteur pour le transport des produits saisis et autoriser l'huissier instrumentaire à apporter tout moyen de transporter sur les lieux de la saisie ; - ORDONNER aux sociétés Mylan Ireland Limited et Viatris Santé, sous astreinte de 10.000 € par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la date de la signification de la décision à intervenir, à communiquer tous documents ou informations détenus par les sociétés Mylan Ireland Limited et Viatris Santé afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des compositions pharmaceutiques reproduisant la revendication 1 de la demande de brevet européen no 2 959 894, et notamment (i) les noms et adresses des fabricants, grossistes, importateurs et autres détenteurs antérieurs de ces produits, (ii) les quantités produites, importées, commercialisées, livrées, reçues ou commandées et (iii) le prix, la marge et autres avantages obtenus pour ces produits contrefaisants, y compris le prix de vente et le prix d'achat de ces produits. 7. À titre subsidiaire, les sociétés Novartis et Novartis Pharma sollicitent la mise en oeuvre des mêmes mesures à l'expiration d'un délai de 48 heures suivant la délivrance du brevet EP 894. Elles concluent en tout état de cause au rejet de toutes les demandes des sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé, ainsi qu'à leur condamnation aux dépens, en autorisant Me [O] à les recouvrer directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à leur payer la somme de 200.000 euros en application de l'article 700 du même code. 8. Les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé demandent quant à elles au juge des référés, à titre principal, de dire irrecevables les demandes des sociétés Novartis et Novartis Pharma en ce qu'elles sont fondées sur une simple demande de brevet et, s'agissant de la société Mylan Ireland, qu'une demande d'AMM ne saurait être regardée comme un acte de contrefaçon. 9. Subsidiairement, elles concluent au rejet des demandes en raison des contestations sérieuses qu'elles élèvent sur la validité du titre, de sorte que des mesures d'interdiction seraient ici totalement disproportionnées. A titre très subsidiaire, les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé concluent à la nécessité de surseoir à statuer dans l'attente de la publication de la délivrance du brevet EP 2 959 894, et à titre encore plus subsidiaire, au caractère injustifié ici des demandes d'interdiction, de rappel et de mise en oeuvre d'un droit d'information, en rappelant, notamment, que le Fingolimod a été inventé en 1992 par une équipe de chercheurs de l'Université de [8] et non par le groupe auquel appartiennent les sociétés demanderesses. A titre infiniment subsidiaire, les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé sollicitent la protection des données qu'elles pourraient être amenées à communiquer par les mesures de protection du secret des affaires telles que prévues par l'article L.153-1 du code de commerce. En tout état de cause, les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé sollicitent la condamnation in solidum des sociétés Novartis et Novartis Pharma aux dépens, en autorisant leur avocat à les recouvrer directement selon l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à leur payer la somme de 200.000 € en application des dispositions de l'article 700 de ce même code. 10. L'affaire a été plaidée à l'audience du 28 juin 2022 et mise en délibéré au 4 août 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur la recevabilité de demandes de mesures provisoires fondées sur une demande de brevet contestée en défense Moyens des parties 11. Les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé soutiennent, en substance, que les textes applicables excluent que le titulaire d'une demande de brevet européen, auquel l'article L.613-1 du code de la propriété intellectuelle n'est pas applicable, ce txte étant réservé aux brevets français, puisse agir par la voie du référé, aux fins d'obtenir le prononcé de mesures provisoires, l'article L.614-9 du code de la propriété intellectuelle, qui détermine l'étendue de la protection conférée par une demande de brevet européen, n'incluant pas l'article L. 615-3 du même code qui fonde l'action visant à interdire des actes de contrefaçon vraisemblable. Selon les sociétés défenderesses, la jurisprudence (CA Paris, 12 décembre 1997, RG no97/19382) et la doctrine ([R] [T], Droit de la propriété industrielle,Tome 2, Brevets d'invention, protections voisines, LGDJ 2013, page 787) sont sur ce point univoques, en faveur de l'irrecevabilité des demandes en référé fondées sur une simple demande de brevet européen. 12. Les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé ajoutent que la requête auxilliaire du 18 novembre 2019, visée par la division d'opposition comme contenant la nouvelle revendication 1 unique modifiée, ne leur a pas été notifiée, de sorte qu'à ce titre encore, la demande est irrecevable comme invoquant une protection dont l'étendue ne lui est pas opposable, ce d'autant moins ici, que les modifications opérées aboutissent à étendre la portée du titre et qu'en l'absence de decsription définitive, la portée du titre demeure en outre incertaine. 13. Les sociétés Novartis et Novartis Pharma concluent quant à elle à la recevabilité de leur action, invoquant l'application combinée des articles L.615-3 et L.615-4 du code de la propriété intellectuelle, et rappelant le principe d'égalité des protections conférées aux brevets européens et nationaux posé par l'article 67 de la Convention sur le Brevet européen. Ces sociétés ajoutent qu'au cas particulier le texte de l'unique revendication du brevet est parfaitement connu et figé, en l'état de la décision de la division d'opposition, que son texte a été notifié aux sociétés défenderesses par le biais d'une mise en demeure, tandis que la description ne connaîtra que des adaptations mineures, qu'elles produisent. Appréciation du juge des référés 14. Selon l'article L. 613-1 du code de la propriété intellectuelle, "Le droit exclusif d'exploitation mentionné à l'article L. 611-1 prend effet à compter du dépôt de la demande." L'article L. 615-4 de ce même code précise que "Par exception aux dispositions de l'article L. 613-1, les faits antérieurs à la date à laquelle la demande de brevet a été rendue publique en vertu de l'article L. 612-21 ou à celle de la notification à tout tiers d'une copie certifiée de cette demande ne sont pas considérés comme ayant porté atteinte aux droits attachés au brevet. Toutefois, entre la date visée à l'alinéa précédent et celle de la publication de la délivrance du brevet : 1o Le brevet n'est opposable que dans la mesure où les revendications n'ont pas été étendues après la première de ces dates ; (...) Le tribunal saisi d'une action en contrefaçon sur le fondement d'une demande de brevet surseoit à statuer jusqu'à la délivrance du brevet." S'agissant des brevets européens enfin, l'article L. 614-9 alinéa 1er prévoit que "Les droits définis aux articles L. 613-3 à L. 613-7, L. 615-4 et L. 615-5 du présent code peuvent être exercés à compter de la date à laquelle une demande de brevet européen est publiée conformément aux dispositions de l'article 93 de la Convention de Munich." 15. De tout ce qui précède il résulte que l'action en contrefaçon est recevable dès la publication de la demande et que, si le tribunal saisi au fond est tenu de surseoir à statuer jusqu'à la délivrance du brevet, le titulaire d'une telle demande est recevable à solliciter des mesures provisoires, notamment celles destinées à mettre fin à des actes argués de contrefaçon ou à prevenir une atteinte imminente, conformément aux dispositions de l'article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle, dont les dispositions s'appliquent expressément à toute personne recevable à agir en contrefaçon. 16. En l'occurrence, la demande de délivrance du brevet EP 894 a été publiée le 30 décembre 2015 et mentionne la société Novartis. Cette société apparaît dès lors recevable à agir sur le fondement de l'article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle, et la société Novartis Pharma à agir pour solliciter la réparation du préjudice qui lui est propre sur le fondement du droit commun, au regard, dans l'un et l'autre cas, de l'imminence de l'atteinte établie et qui résulte ici de l'obtention d'une AMM pour la spécialité Fingolimod Mylan, de l'inscription de cette spécialité au répertoire des groupes génériques, de l'octroi d'un prix et d'un taux de remboursement, ainsi enfin que des données GERS arrêtées au 21 juin 2022. 17. Il est en outre observé que les moyens des sociétés défenderesses tirés de l'incertitude quant à la délivrance et au texte du futur brevet relèvent du contrôle de l'opportunité et de la proportionnalité des mesures, tandis que par sa décision du 8 février 2022, la division d'opposition a annulé la décision de la division d'examen, lui renvoyant l'affaire "avec instruction de délivrer un brevet sur la base de la revendication unique de la requête principale déposée le 18 novembre 2019 qui sous-tend la décision attaquée et resoumise avec l'exposé des motifs du recours, ainsi qu'une description à adapter à celle-ci." de sorte qu'en application des Directives relatives à l'examen (Règles 9.1 b) et 9.2 du Chapitre XII de la partie E de ces Directives), la délivrance du brevet est ici certaine et le texte de son unique revendication parfaitement connu. 18. Les fins de non-recevoir soulevées par les sociétés Viatris Santé et Mylan Ireland doivent donc être écartées. 2o) Sur l'office du juge des référés 19. L'article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que " Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. (...) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. (...)" 20. Selon le 22ème considérant de la directive no2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, dont les dispositions précitées réalisent la transposition en droit interne, "Il est également indispensable de prévoir des mesures provisoires permettant de faire cesser immédiatement l'atteinte sans attendre une décision au fond, dans le respect des droits de la défense, en veillant à la proportionnalité des mesures provisoires en fonction des spécificités de chaque cas d'espèce, et en prévoyant les garanties nécessaires pour couvrir les frais et dommages occasionnés à la partie défenderesse par une demande injustifiée. Ces mesures sont notamment justifiées lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au titulaire d'un droit de propriété intellectuelle." 21. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, saisi de demandes présentées au visa de l'article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle, le juge des référés doit statuer sur les contestations élevées en défense, y compris lorsque celles-ci portent sur la validité du titre lui-même. Il lui appartient alors d'apprécier le caractère sérieux ou non de la contestation et, en tout état de cause, d'évaluer la proportion entre les mesures sollicitées et l'atteinte alléguée par le demandeur et de prendre, au vu des risques encourus de part et d'autre, la décision ou non d'interdire la commercialisation du produit prétendument contrefaisant. 22. Il convient donc d'examiner les moyens soulevés aux fins de contester la validité du titre après la présentation de l'invention objet de la demande de brevet. 3o) Présentation de l'invention objet de la demande de brevet 23. Le premier paragraphe du fascicule de la demande de brevet prévoit que l'invention concerne l'utilisation d'un modulateur du récepteur de la S1P pour une utilisation dans le traitement ou la prévention de la néo-angiogenèse associée à une maladie démyélinisante telle que la sclérose en plaque récurrente-rémittente. La description enseigne encore que les modulateurs des récepteurs de la S1P sont connus pour avoir des propriétés immunosuppressives ou des propriétés anti-angiogéniques dans le traitement des tumeurs, comme décrit dans l'art antérieur et en particulier les documents EP627406A1 , WO 04/103306, WO 05/000833, WO 05/103309, WO 05/113330 ou WO 03/097028. 24. La description (§ [0023]) précise ensuite que la sclérose en plaques est une maladie à médiation immunitaire du système nerveux central avec une démyélinisation inflammatoire chronique entraînant un déclin progressif des fonctions motrices et sensorielles et une invalidité permanente, tandis que le traitement de la sclérose en plaques n'est que partiellement efficace et n'offre dans la plupart des cas qu'un court différé de progression de la maladie, de sorte qu'il existe un besoin d'agents qui soient efficaces dans l'inhibition ou le traitement de la démyélinisation et la perte d'axones et d'oligodendrocytes. La description poursuit en mentionnant qu'un lien a été récemment établi entre l'inflammation chronique et l'angiogenèse, la néovascularisation semblant avoir un rôle important dans la progression de la maladie (§ [0024] in fine) et ajoute qu'il a été découvert que les modulateurs des récepteurs de la S1P ont un effet inhibiteur sur la néo-angiogenèse associée aux maladies démyélinisantes comme la sclérose en plaques (§ [0025]). 25. Les paragraphes [0031] et suivants contiennent des données in vivo sur le Fingolimod obtenues dans un modèle de rongeur d'encéphalomyélite auto-immune expérimentale (« EAE »). Les paragraphes [0033] et suivants divulguent un essai clinique humain portant sur l'administration d'une dose quotidienne de 0,5 mg de fingolimod chez des patients atteints de sclérose en plaques récurrente-rémittente ("[0033] Étude du bénéfice clinique d'un agoniste des récepteurs de la S1P, par ex. un composé de formule I, par ex. le composé A. Vingt patients atteints de sclérose en plaques récurrente-rémittente reçoivent ledit composé par voie orale à une dose quotidienne de 0,5, 1,25 ou 2,5 mg. L'état clinique général du patient est étudié chaque semaine par un examen physique et de laboratoire. L'état de la maladie et les changements dans la progression de la maladie sont évalués tous les 2 mois par un examen radiologique (IRM) et un examen physique. Au départ, les patients reçoivent un traitement pendant 2 à 6 mois. Par la suite, ils restent sous traitement tant que leur maladie ne progresse pas et que le médicament est bien toléré.") 26. La demande de brevet ne comprend désormais qu'une seule revendication 1 ainsi libellée: Un modulateur du récepteur S1P pour une utilisation dans le traitement de la sclérose en plaques récurrente-rémittente, par administration orale d'une dose quotidienne de 0,5 mg, le modulateur du récepteur S1P étant le 2-amino-2-[2-(4-octylphényl)éthyl]propane-1,3-diol sous forme libre ou sous une forme de sel pharmaceutiquement acceptable. 4o) Sur la proportionnalité et le caractère sérieux des contestations élevées en défense Moyens des parties 27. Les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé font ici grief à la demande de brevet de, tout à la fois, réaliser une extension indue, comporter une invention insuffisamment décrite, au surplus dépourvue de nouveauté et souffrant d'évidence. Ces sociétés soutiennent en premier lieu que la demande initiale ne visait que le traitement de la néo-angiogénèse et non celui de la sclérose en plaques récurrente-rémittente, cette modification de l'objet de l'invention constituant selon elles une généralisation intermédiaire interdite par les articles 138 et 123 de la Convention sur le brevet européen. 28. Les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé font également valoir que la demande ne décrit que l'effet du Fingolimod sur la néo-angiogénèse et un unique exemple, que le fascicule de la demande qualifie lui-même de "prophétique", rédigé au présent, ce qui accrédite l'idée qu'à la date de dépôt, aucun test ne décrivait l'effet thérapeutique sur la sclérose en plaques d'un dosage journalier de Fingolimod à 0,50 mg. Les sociétés défenderesses, qui soutiennent qu'il ne peut en aucun cas être palié à cette insuffisance par des documents postérieurs au dépôt, en déduisent que l'invention souffre indiscutablement d'insuffisance de description. 29. Les sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé soutiennent enfin que l'invention n'est ni nouvelle ni inventive. Selon elles, en effet, l'homme du métier, informé du lancement d'essais de phase III comportant un bras auquel serait administré un dosage journalier de Fingolimod à 0,5 mg pour le traitement de la sclérose en plaques récurrente-rémittente, en aurait nécessairement conclu, aidé de ses connaissances générales et des documents Kappos (qui n'enseigne des précautions éthiques que pour les patients auxquels le placebo a été administré et non la dose à 0,5 mg qui ne peut dès lors être regardée comme un "bras de futilité") et Kovarik ou encore Park (qui divulguent que l'effet du Fingolimod sur la sclérose en plaques n'est pas dose-dépendant), tous antérieurs à la date de priorité, qu'il existait une attente raisonnable de succès d'un tel dosage dans le traitement de la sclérose en plaques, ce dont la jurisprudence, tant des chambres de recours de l'OEB que de ce tribunal, déduit l'absence d'activité inventive ou éventuellement de nouveauté. 30. Les sociétés Novartis et Novartis Pharma concluent pour leur part à l'absence de contestation sérieuse de la validité du brevet qui sera prochainement délivré par l'office européen. Elles indiquent en premier lieu que l'objet de la revendication 1 ne s'étend pas au-delà du contenu de la demande telle que déposée. En effet, la description de la demande EP 894, comme du document de priorité WO 419, divulguent un essai clinique impliquant l'administration quotidienne orale de doses de 0,5, 1,25 et 2,5 mg de Fingolimod à des patients atteints de sclérose en plaques récurrente-rémittente. Les sociétés demanderesses précisent d'ailleurs que l'objet de leurs demandes de brevet n'a jamais été modifié ainsi qu'en attestent leurs titres qui visent tous le traitement de la sclérose en plaques et non celui de la néo-angiogénèse. 31. Les sociétés Novartis et Novartis Pharma soutiennent encore que l'invention est exposée de façon suffisamment claire et complète pour permettre à l'homme du métier de l'exécuter. Elles rappellent l'hypothèse des inventeurs quant à la composante vasculaire de la sclérose en plaques et, plus particulièrement, que le développement des lésions était lié à la formation anormale de vaisseaux sanguins au niveau de la moelle épinière, de sorte que l'inhibition de l'angiogénèse pourrait prévenir voire interrompre le développement de la maladie, ce qui a été dans un premier temps démontré par des essais in vivo réalisés sur des rats, essais divulgués en détail par la demande. Ces tests rendaient selon les demanderesses plausible l'efficacité thérapeutique du Fingolimod à 0,5 mg, la demande de brevet enseignant d'ailleurs que le bénéfice clinique du Fingolimod pourrait être mise en évidence par des essais comprenant une administration quotidienne orale à 0,5, 1,5 ou 2,5 mg à des patients atteints de sclérose en plaques récurrente-rémittente. Les sociétés demanderesses en déduisent que l'invention est suffisamment décrite et répond aux conditions posées par la Cour de cassation dans sa décision "Finastéride". 32. Les sociétés Novartis et Novartis Pharma soutiennent ensuite que l'invention est nouvelle et inventive. En particulier, elles font valoir que l'information quant au lancement d'essais de phase III ne saurait en aucun cas être regardée comme destructrice de nouveauté, aucun des documents produits aux débats ne divulgant l'invention avec les mêmes éléments, dans la même forme et le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat, selon les critères de ce tribunal comme de l'Office européen des brevets, et comme l'a retenu la Division d'opposition ici. 33. Les sociétés Novartis et Novartis Pharma exposent, s'agissant de l'activité inventive, que l'homme du métier est ici constitué d'une équipe pluridisciplinaire composée d'un clinicien ayant de l'expérience dans le traitement des patients atteints de sclérose en plaques et d'un scientifique compétent dans le domaine de la pharmacocinétique (PK) et de la pharmacodynamique (PD), tandis que le problème technique objectif à résoudre était ici, selon elles, de fournir un traitement pour la sclérose en plaques récurrente-rémittente au moins aussi efficace qu'une dose journalière de 1,25 mg de fingolimod, connue de l'art antérieur. 34. Ces sociétés indiquent ensuite que l'homme du métier n'aurait jamais envisagé l'utilisation d'une dose orale quotidienne de 0,5 mg de fingolimod dans le traitement de la sclérose en plaques récurrente-rémittente avec des chances raisonnables de succès, une telle attente ne pouvant en aucun cas découler de la simple inclusion du bras de 0,5 mg dans des essais cliniques de phase III, dont les raisons ne sont pas connues. Sur ce point les sociétés demanderesses font valoir qu'aucun document de l'art antérieur ne suggère l'efficacité thérapeutique de cette dose, laquelle n'avait jamais été testée dans le traitement de la sclérose en plaques récurrente-rémittente. Les demanderesses ajoutent que l'homme du métier aurait nécessairement été dissuadé de réaliser un tel essai compte tenu des enseignements de l'état de la technique sur le fingolimod chez les patients transplantés et les patients atteints de SEP à la date de priorité lesquels démontraient que l'efficacité du Fingolimod était dose-dépendante et que cette dose de 0,5 mg était inefficace comme ne permettant pas d'atteindre le taux recherché de 70% de séquestration de lymphocytes, seul marqueur étudié dans l'action du Fingolimod à la date de priorité. En conséquence, selon elles, l'homme du métier ne pouvait qu'être surpris de l'efficacité de la dose de 0,5 mg dans le traitement de a SEP RR, ce d'autant plus qu'il aurait considéré la forte variabilité des résultats obtenus avec des doses inférieures. Les sociétés Novartis et Novartis Pharma soutiennent enfin que l'homme du méter n'était pas incité à diminuer la dose de Fingolimod en présence d'effets secondaires de gravité légère qui n'ont au demeurant nullement empêché la poursuite des essais cliniques avec les mêmes doses. Appréciation du juge des référés 35. Aux termes de l'article L.614-12 du code de la propriété intellectuelle, "la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich." Selon l'article 138 § 1 de cette Convention, "Sous réserve de l'article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un Etat contractant, que si: a) l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 ; b) le brevet européen n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ; c) l'objet du brevet européen s'étend au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée ou, lorsque le brevet a été délivré sur la base d'une demande divisionnaire ou d'une nouvelle demande déposée en vertu de l'article 61, si l'objet du brevet s'étend au-delà du contenu de la demande antérieure telle qu'elle a été déposée ;". 36. Il résulte en outre de l'article 54 "Nouveauté" de la Convention sur le brevet européen qu' "Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique." et de l'article 56 de la même Convention qu' "une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique." 37. En application de ces dispositions, l'élément de l'art antérieur n'est destructeur de nouveauté que s'il renferme tous les moyens techniques essentiels de l'invention dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique. L'antériorité, qui est un fait juridique dont l'existence, la date et le contenu doivent être prouvés par tous moyens par celui qui l'invoque, doit être unique et être révélée dans un document unique dont la portée est appréciée globalement. 38. En outre, pour apprécier l'activité inventive d'un brevet, il convient de déterminer d'une part, l'état de la technique le plus proche, d'autre part le problème technique objectif à résoudre et enfin d'examiner si l'invention revendiquée aurait été évidente pour l'homme du métier. 39. Force est en l'occurrence de constater que toutes les caractéristiques de la revendication 1 se déduisent explicitement et sans ambiguïté du document de priorité GB 0612721 du 27 juin 2006, qui enseigne une administration orale quotidienne du Fingolimod en tant qu'inhibiteur de la S1P aux fins de traitement de la sclérose en plaques récurrente-rémittente et décrit notamment un dosage journalier à 0,5 mg. Aucune extension indue n'apparaît donc caractérisée. 40. En matière de brevets de seconde application thérapeutique, ce qui est le cas de la demande EP 894, il est jugé que "Lorsqu'une revendication porte sur une application thérapeutique ultérieure d'une substance ou d'une composition, l'obtention de cet effet thérapeutique est une caractéristique technique fonctionnelle de la revendication, de sorte que si, pour satisfaire à l'exigence de suffisance de description, il n'est pas nécessaire de démontrer cliniquement cet effet thérapeutique, la demande de brevet doit toutefois refléter directement et sans ambiguïté l'application thérapeutique revendiquée, de manière que l'homme du métier comprenne, sur la base de modèles communément acceptés, que les résultats reflètent cette application thérapeutique." ( Com., 6 décembre 2017, pourvoi no 15-19.726, Bull. 2017, IV, no 160) 41. Il en résulte que : - l'effet thérapeutique recherché doit être précisé dans les revendications, - pour qu'il soit satisfait à l'exigence de suffisance de description, le brevet relatif à une seconde application thérapeutique doit comporter, par toute sorte de données, les informations établissant clairement et sans ambiguïté l'effet thérapeutique revendiqué, sans qu'il soit nécessaire de fournir à ce stade le résultat d'essais cliniques, l'effet thérapeutique étant alors considéré comme "plausible". 42. En l'occurrence, ainsi qu'il a été vu, la revendication 1 précise l'effet thérapeutique recherché dans le traitement de la sclérose en plaques récurrente-rémittente au moyen de l'administration orale d'une dose quotidienne de 0,5 mg de Fingolimod, tandis que la demande divulgue des tests réalisés sur des rats et en particulier un effet thérapeutique à différentes doses (0,1 et 0,3 mg) du Fingolimod sur l'angiogénèse, observé par moulage vasculaire, et la réduction associée des poussées de sclérose en plaques. 43. Aucun élément ne démontre qu'à la date de priorité, l'homme du métier n'aurait pas considéré ces tests comme modélisables ou communément acceptés, de sorte que l'invention doit être regardée comme suffisamment décrite. 44. Inversement, lorsqu'il est divulgué, avant la date de priorité ou de publication de la demande, qu'une étude clinique est en cours, l'homme du métier est conduit à considérer qu'il existe une espérance de succès suffisante dans le traitement, de nature à rendre l'invention dépourvue d'activité inventive. C'est en ce sens que se sont prononcées plusieurs décisions de ce tribunal comme des chambres de recours de l'Office européen des brevets et en particulier la décision suivante : "3.10 Le document D2 divulgue qu'une étude clinique de phase I évaluant le traitement combiné du cancer avec Yondelis (ET-743) et Doxil (PLD) était en cours. Par conséquent, à la date de publication de D2, l'information selon laquelle le traitement combiné en question était envisagé par les chercheurs pharmaceutiques avec une espérance de succès suffisante pour justifier un essai clinique de phase I était disponible. Dans ce contexte, il est souligné que les composés pharmaceutiques devant être utilisés dans un essai clinique sur des sujets humains ne sont pas sélectionnés sur la base d'une approche générale « try and see », mais sur la base de données scientifiques favorables existantes, pour des raisons à la fois éthiques et économiques. Un essai clinique n'est donc pas un simple exercice de criblage. 3.11 Contrairement à ce qui a été soutenu par les titulaires du brevet, le dossier ne contient aucune autre information qui aurait amené l'homme du métier à modifier cette appréciation et à estimer, à la date de priorité du brevet en litige, qu'il n'y avait finalement aucune espérance raisonnable de réussite pour la polythérapie avec ET-743 et PLD. 3.12 Il était connu que les deux médicaments étaient bien tolérés en monothérapie chez des patients humains (voir D16a pour PLD ; D2 et D7 : pages 1189 et 1190 pour ET-743) et présentaient des toxicités limitant la dose différentes pour la plupart des types de cancer. Ces informations ne vont au moins pas à l'encontre de l'association des médicaments, étant donné qu'il est avantageux de choisir des substances présentant des effets secondaires limitant la dose différents afin d'obtenir un bénéfice d'un traitement combiné (voir point 3.8 ci-dessus et D35 : page 292). Bien que des données expérimentales relatives à la sécurité de l'association ne soient pas disponibles, la simple absence de telles informations n'aurait pas été une raison pour l'homme du métier de s'attendre à l'échec de la polythérapie. À cet égard, les titulaires du brevet ont fait valoir que le taux de réussite des essais en oncologie était généralement très faible, d'environ 5 % (comme indiqué dans la déclaration d'expert D50 : page 2), et il était donc surprenant que les études qu'ils avaient conduites montraient que la polythérapie pouvait être réalisée avec succès à des doses sûres. 3.12.2 La chambre observe que la déclaration contenue dans le document D50 et citée par les titulaires du brevet concernant les faibles taux de succès des médicaments en oncologie fait référence à des essais effectués sur de nouveaux médicaments individuels plutôt que sur des traitements combinés avec des médicaments anticancéreux connus. En tout état de cause, l'argument des titulaires du brevet n'est pas recevable, étant donné que la considération générale selon laquelle tout essai clinique est susceptible d'échouer ne jette aucun doute supplémentaire sur la polythérapie particulière envisagée et n'est donc pas suffisante pour établir une activité inventive. La raison pour laquelle des études cliniques sont conduites est que leurs résultats sont incertains. Mais ce sont des essais de routine et le fait que leur résultat soit incertain ne transforme pas en soi leurs résultats en invention." (Décision de la chambre de recours technique du 4 octobre 2016, noT 2506/12 ; voir aussi T 239/16 du 13 septembre 2017) 45. Il est rappelé que l'homme du métier est celui du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet du brevet, se propose de résoudre (Cass. Com., 20 novembre 2012, pourvoi no11-18.440). L'homme du métier est donc ici une équipe pluridisciplinaire constituée d'un médecin ayant une expérience dans le traitement de la sclérose en plaques et d'un pharmacologue. 46. Trois mois avant la date de priorité, cet homme du métier a connaissance d'une présentation faite le 21 juin 2005 par les chercheurs du groupe Novartis, et diffusée sur le site internet du groupe sous l'intitulé "Données présentées à la Société Européenne de Neurologie". Cette présentation était accessible à l'adresse <www.novartis.com> dans la rubrique "Healthcare congresses" (pièces Mylan no120 et 121), depuis à tout le moins depuis le 16 mars 2006, ainsi qu'il résulte du constat d'huissier réalisé sur le site d'archivage "wayback machine", dont aucun élément ne démontre que cette pièce serait dépourvue de force probante ou de fiabilité. 47. Cette présentation fait ainsi indiscutablement partie de l'état de la technique opposable. Elle ne saurait toutefois être regardée comme destructrice de nouveauté dès lors qu'elle n'enseigne aucun résultat. A la date de priorité, cette présentation ne comprend donc pas tous les éléments qui constituent l'invention dans la même forme, selon le même fonctionnement en vue du même résultat technique, en particulier l'effet thérapeutique dans le traitement de la sclérose en plaque récurrente-rémittente (s'agissant d'un brevet de seconde application thérapeutique) de l'administration d'une dose quotidienne de 0,5 mg de Fingolimod. L'invention apparaît donc comme étant nouvelle. 48. La présentation divulgue toutefois les résultats d'essais cliniques de phase II portant sur le FTY720 (Code du Fingolimod) en administration orale quotidienne à des partients atteints de sclérose en plaques aux doses de 5 mg, 1,25 mg et un placebo. Ci-dessous le graphique extrait de la présentation relatant l'efficacité identique des doses à 1,25 mg et à 5 mg : 49. Cette présentation enseigne à l'homme du métier que les effets du Fingolimod ne sont pas dose-dépendants dans le traitement de la sclérose en plaques ("No obvious differences between doses for efficacy"), tandis que les effets indésirables sont majorés avec la dose la plus élevée ("Drug-related events seem to occur more frequently with the higher dose"), ce dernier élément l'incitant à réduire la dose administrée de Fingolimod. Cette présentation annonce d'ailleurs le lancement, dès le 4ème trimestre de l'année 2005, d'essais cliniques de phase III portant sur le FTY720 dosé à 0,5 mg ou encore moins, comme suggéré le 5 juin par l'organisme américain de sécurité des médicaments ("End of phase II FDA meeting June 05 : Placebo controlled 2 year Phase III study, Concur with lower 0.5 mg dose as additional arm in phase III, Suggested considering even lower doses"). 50. L'homme du métier sait au demeurant par le document Park (pièce Novartis no604), qui est un article intitulé "Pharmacokinetic/pharmacodynamic relationships of FTY720 in kidney transplant recipients" du "Brazilian Journal of Medical and Biological Research" de 2005, que, si l'effet du Fingolimod est décrit dans cet article comme étant dose-dépendant, ce produit atteint néanmoins 50% de son effet maximal sur la réduction lymphocytaire dès la dose de 0,5 mg, pour ensuite avoir un effet quasi linéaire, ainsi que le révèlent les figures 6 et 7 reproduites ci-dessous de ce document : 51. L'homme du métier sait donc qu'au-delà de 0,5 mg l'effet immunosuppresseur du Fingolimod est presque linéaire ou plat, ce dont il se déduit que les sociétés demanderesses ne peuvent être suivies lorsqu'elles affirment que l'homme du métier était dissuadé de considérer comme efficace un dosage à 0,5 mg de Fingolimod. 52. L'homme du métier sait également, par la lecture du document Kapos (pièce Mylan no122, article du supplément du 2 mai 2006 du Journal of neurology, consacré aux Seizième rencontres de la société européenne de neurologie, intitulé "Design of a randomised, placebo-controlled study of oral fingolimod (FTY720) in relapsing-remitting multiple sclerosis"), que les essais de phase III annoncés le 21 juin 2005 ont été conduits avec un unique groupe de contrôle par placebo, sans bras supplémentaire de futilité : "Les considérations éthiques relatives à l'utilisation du placebo ont été prises en compte en informant pleinement les participants des traitements en cours, y compris les patients qui refusent formellement les thérapies disponibles, et en obtenant un nouveau consentement formel et bien informé en cas de rechute ou de progression du handicap." 53. Le professeur [E] confirme d'ailleurs dans sa déclaration (pièce Novartis no620) que l'homme du métier, compte tenu des considérations éthiques liées à la conduite des essais cliniques, aurait nécessairement pensé que le groupe Novartis, promoteur des essais cliniques de phase III, s'attendait à un effet thérapeutique de la dose quotidienne de 0,5 mg de Fingolimod pour le traitement de la sclérose en plaques récurrente-rémittente : "Il devrait également y avoir des raisons impérieuses d'inclure des doses qui n'ont pas été testées dans les études de Phase II dans les études de Phase III. Les études de Phase III sont menées sur un nombre beaucoup plus important de patients que dans la Phase II et sont conçues pour « confirmer » les résultats observés en Phase II sur une population de patients suffisamment importante pour convaincre le sponsor de l'essai clinique et les autorités réglementaires que le médicament expérimental produit des effets thérapeutiques qui l'emportent sur les effets secondaires dans la population de patients en question. Bien que le spécialiste en PKPD s'en remette à un clinicien spécialiste dans le domaine de la maladie en question lors de la conception des essais cliniques de Phase II et de Phase III, je note d'après Cohen 2010 que les essais cliniques pour le fingolimod chez les patients atteints de SEP prennent au moins 12 mois et que les critères d'évaluation cliniques sont la réduction des taux de poussées, c'est-à-dire une mesure qui ne peut être déterminée qu'en fin d'étude en raison de la nécessité de comparer les taux de poussées en début de traitement avec ceux après une période de traitement. Il est également généralement connu, et spécifiquement décrit dans Thomson, que la SEP est une maladie évolutive et peut entraîner une invalidité grave. Il y a donc ici un risque particulier si les patients du bras traitement sont « sous-dosés » plutôt que de recevoir un traitement alternatif efficace compte tenu des conséquences à long terme. L'inclusion d'une dose d'un médicament expérimental dont on ne s'attendrait pas à ce qu'elle soit cliniquement efficace dans la SEP ni dans les études de Phase II ni dans les études de Phase III serait donc particulièrement difficile à justifier compte tenu de la nécessité de mener des essais cliniques selon des principes éthiques." 54. De tout ce qui précède il résulte qu'ayant connaissance des résultats "prometteurs" (communiqué de presse Novartis du 6 avril 2006, pièce Mylan no119) des essais de phase II, qui l'incitent à réduire la dose administrée de Fingolimod, et du lancement d'essais de phase III portant sur la dose réduite à 0,5 mg, l'homme du métier, combinant la présentation du groupe Novartis aux documents Park et Kapos, et aidé de ses connaissances générales, serait parvenu à la conclusion qu'il existait, avant la date de priorité revendiquée, une espérance raisonnable de succès quant à l'effet thérapeutique du Fingolimod administré à une dose quotidienne de 0,5 mg dans le traitement de la sclérose en plaques récurrente-rémittente (un dosage efficace du Fingolimod dans le traitement de la sclérose en plaques étant le problème technique objectif résolu par la demande de brevet). 55. Aussi, la critique tirée du défaut d'activité inventive de la demande de brevet EP 894 apparaît à ce stade comme un moyen sérieux de nature à remettre en cause l'apparente validité de ce titre qui justifie, au vu des risques encourus de part et d'autre, de rejeter les demandes présentées en référé par les sociétés Novartis et Novartis Pharma France, celles-ci apparaissant disproportionnées en référé. 4o) Dispositions finales 56. Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, les sociétés Novartis et Novartis Pharma seront condamnées in solidum aux dépens, ainsi qu'à payer aux sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé, sous la même solidarité imparfaite, la somme de 60.000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, Le juge des référés, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, Dit la société Novartis recevable à agir sur le fondement de l'article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle et la société Novartis Pharma recevable à agir pour solliciter la réparation du préjudice propre que lui cause l'atteinte vraisemblable à la demande de brevet qu'elle exploite; Dit toutefois n'y avoir lieu à référé en l'état du moyen sérieux de nature à remettre en cause l'apparente validité de la demande de brevet servant de fondement aux demandes ; Condamne in solidum les sociétés Novartis et Novartis Pharma aux dépens et autorise Maître Schertenleib, avocat, à recouvrer directement ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; Condamne in solidum les sociétés Novartis et Novartis Pharma à payer aux sociétés Mylan Ireland et Viatris Santé la somme de 120.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Rappelle que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision. Fait à Paris le 04 août 2022. Le Greffier, Le Président, Minas MAKRIS Nathalie SABOTIER
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COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE 2ème CHAMBRE CIVILE ARRÊT No 564 DU 14 NOVEMBRE 2022 No RG 22/00276 No Portalis DBV7-V-B7G-DNNJ Décision déférée à la cour : Jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, décision attaquée en date du 14 février 2022, enregistrée sous le no 19/01907. APPELANTE : La Société Lcb Dont le siège social est sis [Adresse 1] [Adresse 7], [Adresse 6] [Localité 3] Représentée par Me Marie-Michelle Hildebert de la Scp Naejus-Hildebert, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy. La Société de droit Belge Synlab Belgium, société civile sous forme de société privée à responsabilité limitée [Adresse 5] [Adresse 4] [Adresse 2] (Belgique) Représentée par Me Louis-Raphaël Morton de la SCP Morton & Associés, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy. COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 12 septembre 2022, en audience publique, devant Madame Annabelle Clédat, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposé, puis mise en délibéré devant la cour composé : Madame Annabelle Clédat, conseillère, présidente, Madame Marie-Josée Bolnet, conseillère, Madame Valérie Marie-Gabrielle, conseillère, qui en ont délibéré. Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 14 novembre 2022. GREFFIER : Lors des débats ainsi que lors du prononcé Mme Armélida Rayapin, greffier. ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Signé par Madame Annabelle Clédat, présidente, et par Madame Armélida Rayapin, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS ET PROCEDURE Par acte des 11, 12 et 13 juin 2019, dénoncé le 17 juin 2019, la société civile de droit belge Synlab Belgium a fait pratiquer à l'encontre de la société civile LCB une saisie-attribution entre les mains de plusieurs établissements bancaires en vertu d'un jugement rendu par le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre le 08 février 2019, pour le recouvrement de la somme de 250.573,50 euros en principal, intérêts échus et frais. Cette saisie-attribution a été fructueuse à hauteur de 149.828 euros. Par acte du 12 juillet 2019, la société LCB a assigné la société Synlab Belgium devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre aux fins de contestation de cette saisie. Par jugement du 02 mars 2020, le juge de l'exécution a déclaré recevable la contestation de la société LCB et sursis à statuer dans l'attente de la décision que devait rendre la cour d'appel de Basse-Terre dans le cadre de l'appel interjeté par la société LCB à l'encontre du jugement du 08 février 2019. Par arrêt du 10 mai 2021, la cour d'appel a infirmé le jugement du 08 février 2019 dans toutes ses dispositions et condamné la société LCB à payer à la société Synlab Belgium la somme de 139.503,92 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 août 2018. L'affaire ayant été remise au rôle devant le juge de l'exécution de Pointe-à-Pitre, ce dernier a, par jugement du 14 février 2022 : - débouté la société LCB de sa demande de mainlevée partielle de la saisie-attribution pratiquée les 11, 12 et 13 juin 2019 et dénoncée le 17 juin 2019 par la société Synlab Belgium, - donné par suite pleinement effet à cette saisie-attribution, - condamné la société LCB à payer à la société Synlab Belgium la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. La société LCB a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 21 mars 2022, en indiquant que son appel portait expressément sur chacun des chefs de jugement. La procédure a fait l'objet d'une orientation à bref délai avec fixation de l'affaire à l'audience du 12 septembre 2022. La société Synlab Belgium a remis au greffe sa constitution d'intimée par voie électronique le 08 avril 2022. La clôture est intervenue à l'audience du 12 septembre 2022, à laquelle l'affaire a été immédiatement évoquée. La décision a été mise en délibéré au 14 novembre 2022. Suivant note du 16 septembre 2022, la cour a invité les parties à faire valoir leurs observations sur les conséquences de l'absence de demande d'infirmation du jugement dans les conclusions de l'intimée, censées valoir appel incident. Aucune note n'a été adressée par les parties dans le délai imparti. PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES 1/ La société civile LCB, appelante : Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 10 mai 2022 par lesquelles l'appelante demande à la cour, outre diverses constatations qui ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile: - d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, - statuant à nouveau, de déclarer valable la saisie-attribution des 11, 12 et 13 juin 2019 à hauteur de la somme de 139.503,92 euros, - de fixer les intérêts au taux légal dus au 4 octobre 2021 à la somme de 3.266,23 euros et de réduire les frais de la saisie pour les arrêter à la somme de 1.373,76 euros, soit une somme globale de 4.639,99 euros, - d'ordonner la mainlevée partielle de la saisie-attribution pratiquée les 11, 12 et 13 juin 2019 par la SCP Dallier Arbouzov, soit la somme de 144.143,91 euros en principal et intérêts pour la société Synlab Belgium, et le reliquat de 5.684,09 euros au profit de la société civile LCB, - à titre subsidiaire, dans l'hypothèse invraisemblable où la cour ferait droit à l'arrêté des comptes établi par le juge de l'exécution : - de constater que le montant en principal, frais et intérêts se chiffre à la somme de 144.946,29 euros, - de déclarer que la contestation était justifiée eu égard à l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre du 10 mai 2021 et que dès lors l'équité commande qu'il ne soit pas fait droit à la condamnation pour la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - en conséquence, d'ordonner la mainlevée partielle de la saisie-attribution pratiquée les 11, 12 et 13 juin 2019 par la SCP Dallier Arbouzov, soit la somme de 144.143,91 euros en principal et intérêts pour la société Synlab Belgium, et le reliquat de 4.881,71 euros au profit de la société civile LCB, - en tout état de cause, de condamner la société Synlab Belgium à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. 2/ La société Synlab Belgium, intimée : Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 11 mai 2022 par lesquelles l'intimée demande à la cour : - de débouter la société LCB de toutes ses demandes, fins et conclusions, - de valider la saisie-attribution des 11, 12 et 13 juin 2019 pour la somme en principal et intérêts arrêtés au 04 octobre 2021 à la somme de 149.375,54 euros, outre les frais de saisie et de mainlevée à la charge du débiteur, - de condamner la société LCB à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et d'ordonner que cette somme soit prélevée par l'huissier sur les fonds saisis avant toute restitution du différentiel saisi, - de condamner la société LCB aux entiers dépens de l'instance. En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens. MOTIFS DE L'ARRET Sur l'appel incident formé par la société Synlab Belgium : Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement. Il se déduit de ces dispositions que si l'intimé, qui entend former appel incident d'un chef de jugement déjà déféré à la cour par l'appel principal, ne demande pas expressément dans ses conclusions l'infirmation du chef de jugement contesté, la cour ne sera pas tenue de statuer sur les prétentions qu'il aura formées à ce titre. En l'espèce, la société Synlab Belgium demande à la cour, aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe dans le délai pour former appel incident, de valider la saisie-attribution des 11, 12 et 13 juin 2019 pour la somme en principal et intérêts arrêtés au 04 octobre 2021 de 149.375,54 euros, outre les frais de la saisie et de mainlevée à la charge du débiteur. Le jugement déféré ayant donné pleinement effet à la saisie, qui avait été fructueuse à hauteur de 149.828 euros, cette demande traduit bien la volonté de l'intimé de former appel incident. Cependant, cette prétention n'ayant été précédée d'aucune demande d'infirmation du jugement contesté, elle n'a pas régulièrement saisi la cour qui ne sera pas tenue de l'examiner. Sur la validation partielle de la saisie : Ainsi que le relève très justement l'appelante, le premier juge a donné pleinement effet à la saisie-attribution qui avait été fructueuse à hauteur de 149.828 euros alors que, dans les motifs de sa décision, il avait précisé que la créance de la société Synlab Belgium s'élevait seulement à 144.946,29 euros, décomposée en 139.503,92 euros en principal, 3.702,28 euros au titre des intérêts au taux légal pour la période du 13 août 2018 au 04 octobre 2021 et 1.740,09 euros au titre des frais. En conséquence, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société LCB de sa demande de mainlevée partielle de la saisie-attribution et en ce qu'il lui a donné pleinement effet. La société LCB conteste le montant des intérêts retenu par le premier juge en se fondant principalement sur un rapport d'expertise amiable établi à sa demande par M. [M], commissaire aux comptes, produit en pièce 9 de son dossier, qui aboutit à une somme inférieure à celle retenue par le juge de l'exécution, auquel elle reproche par ailleurs de ne pas avoir expliqué ses modalités de calcul. Cependant, il convient de constater que M. [M] n'a calculé le montant des intérêts au taux légal ayant couru sur la somme en principal de 139.503,92 euros que pour la période du 13 août 2018 au 10 mai 2021, date de l'arrêt de la cour d'appel. Or le premier juge a arrêté le calcul des intérêts à la date du 04 octobre 2021, décision que ne remet pas en cause la société LCB dans le cadre de son appel. Afin de calculer le montant des intérêts, il convenait de tenir compte, ainsi que le relève la société Synlab Belgium, de la majoration du taux de l'intérêt légal conformément à l'article L.313-3 du code monétaire et financier qui dispose qu'en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. En l'espèce, par arrêt du 10 mai 2021, la cour d'appel a condamné la société LCB à payer à la société Synlab Belgium la somme de 139.503,92 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 août 2018. Cet arrêt a été signifié le 11 juin 2021 à la société LCB qui n'a pas procédé au paiement des sommes dues. En conséquence, le montant des intérêts s'élevait aux sommes suivantes : - du 13 août 2018 au 10 mai 2021 : 3.266,23 euros, - du 11 mai 2021 au 30 juin 2021 (51 jours à 0,79%) : 153,99 euros - du 1er juillet 2021 au 11 août 2021 (42 jours à 0,84%) : 134,84 euros - du 12 août 2021 au 04 octobre 2021 (53 jours à 5,84%) : 1.182,99 euros - total : 4.738,05 euros. Cependant, la cour ne pouvant aggraver le sort de l'appelant sur son seul appel, le montant retenu par le premier juge, soit 3.702,28 euros, sera confirmé. En ce qui concerne les frais de la saisie, l'article L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution dispose qu'à l'exception des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les frais de l'exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés. Les contestations sont tranchées par le juge. La société LCB soutient que l'acte de saisie mentionne deux fois des frais de procédure et que le montant des frais à retenir devrait être limité à 1.373,76 euros, au lieu de la somme de 1.740,09 euros retenue par le premier juge. Ce faisant, elle demande à la cour d'écarter les frais de 336,33 euros intitulés "frais de la présente procédure". Cependant, ces frais correspondent à la dénonciation du procès-verbal de saisie-attribution au débiteur, ainsi que cela ressort du détail des frais mentionné sur cet acte. La société LCB est donc bien tenue de régler ces frais, qui étaient parfaitement nécessaires, en plus des frais de procédure de 826,86 euros qu'elle ne remet pas en cause. Dès lors, l'appelante ne développant aucun autre moyen au soutien de sa contestation des frais, le montant retenu par le premier juge à hauteur de 1.740,09 euros sera confirmé. Au regard de l'ensemble de ces éléments, la saisie-attribution des 11, 12 et 13 juin 2019 sera partiellement validée dans la limite de la somme de 144.946,29 euros due en principal, intérêts arrêtés au 04 octobre 2021 et frais. Le surplus de la somme saisie devra en conséquence être restitué à la société LCB. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile : Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la société LCB aux entiers dépens de première instance et au paiement d'une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche, l'équité commande de dire que chacune des parties conservera la charge de ses propres frais et dépens engagés en cause d'appel. PAR CES MOTIFS La cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société LCB à payer à la société Synlab Belgium la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, Infirme le jugement déféré pour le surplus, Valide la saisie-attribution pratiquée par la société Synlab Belgium à l'égard de la société civile LCB suivant acte des 11, 12 et 13 juin 2019, dénoncé le 17 juin 2019, dans la limite de la somme de 144.946,29 euros due en principal, intérêts arrêtés au 04 octobre 2021 et frais, Ordonne la mainlevée de cette saisie-attribution pour le surplus, Y ajoutant, Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres frais et dépens engagés en cause d'appel. Et ont signé, La greffière La présidente
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COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE 2ème CHAMBRE CIVILE ARRÊT No 562 DU 14 NOVEMBRE 2022 No RG 21/01316 No Portalis DBV7-V-B7F-DMN7 Décision déférée à la cour : Ordonnance de référé du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, décision attaquée en date du 03 décembre 2021, enregistrée sous le no 2021R00051. APPELANTES : S.A Caisse d'Epargne ( CEPAC) [Adresse 8], [Adresse 5] [Localité 1] S.A. Bred Banque Populaire [Adresse 2] [Localité 4] E.P.I.C. L' Agence Française de Développement (AFD) [Adresse 3] [Localité 4] Ayant tous pour avocat Me Jean-Marc Deraine de la Selarl Deraine & Associés, avocat au barreau de Guadeloupe, [Localité 6] et [Localité 9]. S.A.S. Solcer [Localité 6] Dont le siège social est sis [Adresse 7] [Localité 6] Représentée par Me Frederic Decap de la Selas Caplaw Sbh, avocat au barreau de Guadeloupe, [Localité 6] et [Localité 9]. COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 12 septembre 2022, en audience publique, devant Mme Annabelle Clédat chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposé, puis mise en délibéré devant la cour composée de : Madame Annabelle Clédat, conseillère, présidente Madame Marie-Josée Bolnet, conseillère, Madame Valérie Marie-Gabrielle, conseillère, qui en ont délibéré. Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 14 novembre 2022. GREFFIER : Lors des débats ainsi que lors du prononcé Mme Armélida Rayapin, greffier. ARRET : Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Signé par Mme Annabelle Clédat, présidente, et par Mme Armélida Rayapin, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS ET PROCEDURE La SAS Solcer [Localité 6], ci-après dénommée Solcer, a repris en 2018 un complexe hôtelier situé à [Localité 6] qui avait été laissé à l'abandon à la suite du cyclone Irma. Afin de financer les travaux nécessaires, cette société a conclu le 30 juillet 2019 par acte authentique un contrat de crédit d'un montant de 30.000.000 euros avec un groupement de banques composé notamment de la Caisse d'Epargne CEPAC, de la Bred Banque Populaire et de l'agence française de développement. Les fonds devaient être mis à sa disposition en deux tirages, le premier d'un montant de 5.000.000 euros et le second de 25.000.000 euros, qui était subordonné notamment à la souscription par la société Solcer d'une assurance dommage-ouvrage et à la constitution d'un compte de réserve. La société Solcer a procédé immédiatement au premier tirage mais n'a pas pu procéder au second. Suite aux difficultés rencontrées en raison du confinement débuté le 16 mars 2020, quinze jours après le début de l'exploitation de l'hôtel, le président du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a ouvert une procédure de conciliation au bénéfice de la société Solcer par ordonnance du 02 juin 2020 et désigné Maître [B] [H] en qualité de conciliateur avec notamment pour mission d'assister la société dans la recherche de solutions adéquates afin de disposer des ressources nécessaires pour faire face à ses besoins courants et pour l'assister dans les négociations à conduire avec l'Etat et ses principaux partenaires, notamment bancaires, ainsi que dans la recherche de financements externes complémentaires aux encours existants. La mission du conciliateur a été prorogée jusqu'au 02 avril 2021, date à laquelle il a rendu son rapport de fin de mission. Les négociations avec les banques n'ont pas abouti mais, le 02 avril 2021, la société Solcer a conclu un protocole de conciliation avec ses actionnaires, qui a été constaté par ordonnance du président du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre le 23 avril 2021. Par courrier daté du 11 mai 2021, la Caisse d'Epargne CEPAC a mis en demeure la société Solcer de lui rembourser la somme de 5.259.536,37 euros, dont 5.000.000 euros en principal, 71.354,17 euros de commission de non utilisation et 172.569,44 euros d'intérêts. Par acte du 24 juin 2021, la société Solcer a fait assigner la Caisse d'Epargne CEPAC, la Bred Banque Populaire et l'agence française de développement devant le président du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre au visa des articles L.611-10-1 et R.611-35 du code de commerce afin d'obtenir principalement une diminution de la commission de non utilisation et des intérêts réclamés par les banques et de voir ordonner le report pour une durée de 24 mois du paiement intégral de la somme qui pourrait leur être due. Les défenderesses ayant principalement conclu à l'incompétence matérielle et territoriale de la juridiction au profit du tribunal de commerce de Paris, la présidente du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a, par ordonnance du 03 décembre 2021: - rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Caisse d'Epargne CEPAC, la Bred Banque Populaire et l'agence française de développement, - rejeté la demande de diminution du quantum des sommes dues formée par la société Solcer, - dit que les sommes réclamées par la Caisse d'Epargne CEPAC, la Bred Banque Populaire et l'agence française de développement à la société Solcer [Localité 6], soit un quantum de 5.259.536,37 euros, seraient intégralement reportées pour un délai de 24 mois à compter de la décision rendue, - dit que cette somme serait assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision rendue, - rejeté les demandes plus amples ou contraires, - condamné in solidum la Caisse d'Epargne CEPAC, la Bred Banque Populaire et l'agence française de développement à payer à la société Solcer [Localité 6] la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, -rappelé que la décision bénéficiait de plein droit de l'exécution provisoire. La Caisse d'Epargne CEPAC, la Bred Banque Populaire et l'agence française de développement ont interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 30 décembre 2021, en indiquant expressément que leur appel portait sur chacun des chefs de jugement, à l'exception du rejet de la demande de diminution du quantum des sommes dues formée par la société Solcer. La procédure a fait l'objet d'une orientation à bref délai avec fixation de l'affaire à l'audience du 25 avril 2022. La société Solcer [Localité 6] a régularisé sa constitution d'intimée par voie électronique le 20 janvier 2022. A l'audience du 25 avril 2022, l'affaire a été renvoyée au 12 septembre 2022, date à laquelle la clôture est intervenue. L'affaire a été immédiatement plaidée et la décision a été mise en délibéré au 14 novembre 2022. PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES 1/ La Caisse d'Epargne CEPAC, la Bred Banque Populaire et l'agence française de développement, appelantes : Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 26 août 2022 par lesquelles les appelantes demandent à la cour : - à titre principal : - de juger que la présidente du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre était incompétente pour statuer sur les demandes de la société Solcer, - en conséquence, de réformer l'ordonnance rendue, - de juger que la durée d'exécution du protocole est expirée, - de renvoyer la société Solcer à mieux se pourvoir et de la débouter de toutes ses demandes, - subsidiairement : - de réformer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau : - de débouter la société Solcer de toutes ses demandes, - très subsidiairement : - de réformer l'ordonnance déférée et, statuant à nouveau : - de limiter à la somme de 245.500 euros le quantum de la somme reportée pour un délai de 12 mois à compter de la décision à intervenir, - en toute hypothèse : - de condamner la société Solcer à leur payer une somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. 2/ La SAS Solcer [Localité 6], intimée : Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 02 septembre 2022 par lesquelles l'intimée demande à la cour : - de débouter la Caisse d'Epargne CEPAC, la Bred Banque Populaire et l'agence française de développement de leur appel et de leurs demandes, - de confirmer l'ordonnance rendue le 03 décembre 2021, - de condamner in solidum la Caisse d'Epargne CEPAC, la Bred Banque Populaire et l'agence française de développement à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens. MOTIFS DE L'ARRET Sur l'exception d'incompétence de la juridiction saisie : Comme en première instance, la Caisse d'Epargne CEPAC, la Bred Banque Populaire et l'agence française de développement soutiennent que la présidente du tribunal mixte de commerce statuant selon la procédure accélérée au fond était incompétente, tant territorialement que matériellement pour connaître des demandes de la société Solcer dans la mesure où le contrat de crédit prévoyait dans son article 30.2 une clause attributive de compétence au profit des tribunaux compétents de la cour d'appel de Paris et où l'octroi de délais de grâce en présence d'un titre exécutoire relève de la compétence du juge des référés. Cependant, la présidente du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a retenu sa compétence, tant territoriale que matérielle, en se fondant sur les dispositions dérogatoires au droit commun des articles L.611-10-1 et R.611-35 du code de commerce. En vertu de l'article L.611-10-1, pendant la durée de son exécution, l'accord constaté ou homologué dans le cadre d'une procédure de conciliation interrompt ou interdit toute action en justice et arrête ou interdit toute poursuite individuelle tant sur les meubles que les immeubles du débiteur dans le but d'obtenir le paiement des créances qui en font l'objet ; nonobstant les dispositions de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus de ces créances ne peuvent produire des intérêts. Il interrompt, pour la même durée, les délais impartis aux créanciers parties à l'accord à peine de déchéance ou de résolution des droits afférents aux créances mentionnées par l'accord. Si, au cours de cette même durée, le débiteur est mis en demeure ou poursuivi par l'un des créanciers appelés à la conciliation dans le but d'obtenir le paiement d'une créance qui n'a pas fait l'objet de l'accord, le juge qui a ouvert la procédure de conciliation peut, à la demande du débiteur et après avoir recueilli, le cas échéant, les observations du mandataire à l'exécution de l'accord, faire application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil, en prenant en compte les conditions d'exécution de l'accord. Les dispositions du présent alinéa ne sont pas applicables aux créanciers mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 611-7. L'article R.611-35 précise quant à lui que pour l'application de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 611-7 ou du dernier alinéa de l'article L. 611-10-1, le débiteur assigne le créancier mentionné par ces dispositions devant le président du tribunal qui a ouvert la procédure de conciliation. Celui-ci statue sur les délais selon la procédure accélérée au fond après avoir recueilli les observations du conciliateur ou, le cas échéant, du mandataire à l'exécution de l'accord. En l'espèce, il est parfaitement constant que la Caisse d'Epargne CEPAC, la Bred Banque Populaire et l'agence française de développement ont été appelées à la conciliation, à laquelle elles ont d'ailleurs participé de manière effective. Il est également incontestable que la créance de ces banques n'a pas fait l'objet d'un accord dans le cadre de la conciliation. Par ailleurs, le protocole de conciliation qui a été signé le 02 avril 2021 par la société Solcer et ses actionnaires a été constaté par ordonnance du président du tribunal mixte de commerce du 23 avril 2021. Néanmoins, cette ordonnance ne fixait aucune limite temporelle à l'exécution de l'accord et les appelantes reprochent au premier juge d'avoir considéré que le protocole d'accord était bien toujours en cours d'exécution à la date à laquelle il a statué et que l'article L.611-10-1 du code de commerce était donc applicable, justifiant sa compétence tant territoriale que matérielle. L'article 3 de cet accord de conciliation disposait en effet: " Les actionnaires ont apporté directement ou indirectement en cours de conciliation et pour assurer la viabilité et la relance de l'entreprise, outre le paiement des fournisseurs, la somme de 2,75M$ (soit 2,34 M€) selon le détail suivant : - apport no1 par Sole Resort pour 500K€ en date du 20 décembre 2020, - apport no2 par Certares pour 1.500K€ en date du 20 décembre 2020, - apport no3 par Certares pour 750K€ en date du 20 mars 2021. Les actionnaires s'engagent à : - abandonner une portion de leurs intérêts sur les créances en compte-courant à l'encontre de la société Solcer, pour un montant minimal de 1.000 K€ pour Certares et de 1.000 K€ pour Sole Resorts, - suspendre le cours des intérêts de leurs créances contre la société pour une durée minimale de trois mois (ce qui représente 975 K€), - ne pas solliciter le remboursement du solde de leurs apports en compte courant en capital et intérêts jusqu'à ce que l'activité de la société soit revenue à l'équilibre". L'article 4 de cet accord contenait par ailleurs les dispositions suivantes : "Les parties s'engagent à réitérer de bonne foi les stipulations du présent protocole à travers la conclusion de la documentation sociale liée à la capitalisation des créances des actionnaires prévue à l'article 3, - les parties s'engagent également à réitérer les stipulations du protocole en autant d'actes subséquents qu'il sera nécessaire pour aboutir à sa parfaite réalisation. - les parties s'engagent à faire diligence pour régulariser au plus vite ces actes de mise en oeuvre du protocole et justifieront de leurs diligences au mandataire à l'exécution de l'accord". Par ailleurs, l'accord de conciliation prévoyait dans son article 6 l'intervention d'un mandataire à l'exécution, qui a été désigné en la personne de M. [H] le 23 avril 2021, chargé de : "1- Veiller à la bonne exécution du protocole et se faire communiquer par la société des éléments justifiant de la matérialité des engagements des actionnaires prévus à l'article 3 du protocole, 2 - tenter de trouver une issue négociée avec les partenaires bancaires de l'entreprise, qui ont accepté le principe d'un standstill, mais en le conditionnant à un accord dont les termes n'ont pas été acceptés par la société. Au titre de cette mission, il appartiendra à la société de communiquer au mandataire à l'exécution de l'accord un prévisionnel de trésorerie au plus tard le 14 avril 2021 , et le mandataire à l'exécution de l'accord devra inviter une réunion avec les banques pour tenter de trouver une solution négociée pour les créanciers appelés à la conciliation mais dont les créances ne sont pas objet du présent accord de conciliation. 3- superviser les discussions entre Solcer [Localité 6], Banema et, le cas échéant, le BCT, pour assister la société dans la perspective d'obtenir une assurance dommage-ouvrage". Il n'est pas contestable, ainsi que le soulignent les appelantes, que les missions no2 et 3 confiées au mandataire à l'exécution de l'accord ne peuvent être déterminantes pour apprécier si l'accord du 02 avril 2021 était toujours en cours d'exécution dès lors qu'il s'agit de missions très vastes, sans relation directe avec l'exécution des engagements pris par les parties, dont l'exécution pourrait se prolonger de manière artificielle. En conséquence, seule la mission consistant à "veiller à la bonne exécution du protocole et se faire communiquer par la société des éléments justifiant de la matérialité des engagements des actionnaires prévus à l'article 3 du protocole" peut permettre d'apprécier si l'exécution de l'accord est toujours en cours. A ce titre, les actionnaires se sont engagés à "ne pas solliciter le remboursement du solde de leurs apports en compte courant en capital et intérêts jusqu'à ce que l'activité de la société soit revenue à l'équilibre", engagement auquel le mandataire à l'exécution de l'accord est tenu de veiller. Compte tenu de l'effet relatif de cet accord de conciliation, revendiqué par les appelantes en pages 13 et 14 de leurs conclusions, elles ne peuvent se prévaloir de la nullité de cette clause, dont la réalisation déprendrait de la seule volonté des investisseurs, pour conclure que cette échéance ne pouvait pas être retenue par le premier juge qui aurait dès lors "artificiellement étendu sa compétence hors des prévisions du texte pour une durée indéterminée dont le terme n'est pas précisé". Au contraire, c'est à bon droit que le premier juge a retenu que le retour à l'équilibre de l'activité de la société Solcer constituait bien le terme de l'exécution de l'accord de conciliation. En effet, l'accord mentionne que le mandataire doit "se faire communiquer par la société des éléments justifiant de la matérialité des engagements des actionnaires prévus à l'article 3 du protocole". Par ailleurs, ainsi que le rappellent les appelantes elles-mêmes en page 15 de leurs conclusions, le mandataire doit présenter un rapport au président du tribunal en cas de difficulté faisant obstacle à l'exécution de sa mission, conformément à l'article L.611-8 du code de commerce. En conséquence, la détermination du terme de l'accord ne dépend pas de la seule volonté de la société Solcer et l'intervention du mandataire est de nature à garantir que les mesures arrêtées dans le cadre de la conciliation ne perdureront pas indéfiniment et qu'elles prendront bien fin lorsque la société Solcer justifiera, au moins à sa demande, d'un retour à l'équilibre. Dès lors, c'est à bon droit que la présidente du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a écarté l'exception d'incompétence territoriale et matérielle soulevée par la Caisse d'Epargne CEPAC, la Bred Banque Populaire et l'agence française de développement et a retenu sa compétence, dans le cadre d'une procédure accélérée au fond, sur le fondement des articles L.611-10-1 et R.611-35 du code de commerce. La décision déférée sera confirmée sur ce point. Sur la demande de délais de grâce formée par la société Solcer : Conformément aux dispositions de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital. L'article L.611-10-1 du code de commerce, précise que le juge qui a ouvert la procédure de conciliation peut faire application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil, à condition de prendre en compte les conditions d'exécution de l'accord. Conformément à ces textes, la demande de délais de grâce doit donc être appréciée en fonction de la situation du débiteur, en considération des besoins du créancier et en prenant en compte les conditions d'exécution de l'accord. En conséquence, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, l'octroi de délais de paiement n'est pas subordonné à la démonstration d'une identité de situation entre les créanciers ayant accepté un accord de conciliation et ceux auxquels pourraient être imposés des délais de paiement, notamment quant à l'antériorité de leur créance. Pour le même motif, il n'y a pas lieu de suivre l'argumentation des appelantes en ce qu'elles demandent à la cour, afin de respecter l'égalité des créanciers, de "limiter les délais accordés à due concurrence de la même proportion de créances de prêteurs que celles des actionnaires concernés par le protocole de conciliation", soit à la somme de 245.500 euros correspondant à 4,91% du montant du prêt. En l'espèce, les actionnaires ont accepté d'apporter une aide financière conséquente à la société Solcer durant la période de conciliation, mais également de renoncer à une partie des intérêts sur leur créance et au remboursement de leurs apports tant que la société ne serait pas revenue à l'équilibre, afin de lui permettre de se redresser. Ainsi que l'a relevé à juste titre le premier juge, au terme d'une motivation détaillée que la cour ne peut qu'adopter, la situation financière de la société Solcer était particulièrement fragile à la date à laquelle la décision contestée a été rendue, le résultat du premier semestre 2021 montrant un résultat déficitaire et une trésorerie faible. Dans ces conditions, il aurait été contraire à l'intérêt de la société Solcer de permettre aux banques d'agir immédiatement en paiement au risque de la fragiliser de manière très importante, voire irréversible, alors que leur situation de créanciers hypothécaires n'imposait pas un recouvrement immédiat de leur créance, tandis que dans le même temps les actionnaires qui tentaient de soutenir cette société auraient été privés de toute possibilité de remboursement de leurs apports. Sur ce point, les appelantes échouent à démontrer que les signataires de l'accord de conciliation n'auraient pas respecté le protocole d'accord comme ils s'y étaient engagés. Elles procèdent pour cela à une analyse des comptes clos de l'exercice au 31 décembre 2020 et du procès-verbal des décisions de l'associé unique en date du 24 janvier 2022 qui se révèle inopérante dès lors que les versements des actionnaires sont majoritairement intervenus durant les exercices 2021 et 2022. Il ressort au contraire des pièces produites par la société Solcer que l'actionnaire Certares a versé 500.000 USD le 28 décembre 2020, 1.000.000 USD le 11 janvier 2021 et 750.000 USD le 25 mars 2021, respectant l'engagement financier pris dans le cadre de la conciliation, et qu'il a par ailleurs abandonné de manière effective une partie des intérêts qui lui étaient dus. Par ailleurs, les appelantes ne démontrent aucun remboursement du solde des apports en compte courant. Il en est de même s'agissant de l'actionnaire Sole Resort, même s'il n'a versé que 265.000 USD en mars et avril 2022 sur les 500.000 USD auxquels il s'était engagés. Dès lors, le protocole de conciliation ayant été très largement exécuté, il n'y a pas lieu de considérer que la société Solcer serait irrecevable à invoquer les dispositions de l'article L.611-10-1 du code de commerce. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, la société Solcer a produit en pièce 23 de son dossier une situation financière du mois de juin 2022 dont il ressort que le résultat brut d'exploitation des six premiers commence juste à être bénéficiaire à hauteur de 180.040 euros, après avoir été largement négatif sur la même période en 2021. Si ce résultat est de nature à laisser penser que la société Solcer pourrait revenir à l'équilibre dans des délais raisonnables, il s'avère encore trop fragile pour considérer que cette société pourrait désormais faire face sans difficulté à la demande en paiement des appelantes, qui s'élève à plus de 5 millions d'euros, sans mettre en péril son avenir. Il n'y a pas non plus lieu de limiter le montant de la créance pouvant faire l'objet de délais de paiement, dans la mesure où la situation financière de la société Solcer ne lui permettrait pas plus de faire face sans difficulté au remboursement immédiat d'une créance qui s'élèverait encore à plus de 4,5 millions d'euros. En conséquence, compte tenu de la situation du débiteur, en considération des besoins du créancier et en prenant en compte les conditions d'exécution de l'accord, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a dit que les sommes réclamées par la Caisse d'Epargne CEPAC, la Bred Banque Populaire et l'agence française de développement à la société Solcer [Localité 6], soit un quantum de 5.259.536,37 euros, seraient intégralement reportées pour un délai de 24 mois à compter de la décision rendue et que cette somme serait assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision de première instance. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile : La Caisse d'Epargne CEPAC, la Bred Banque Populaire et l'agence française de développement, qui succombent à l'instance d'appel, seront condamnées in solidum aux entiers dépens. Par ailleurs, l'équité commande de les condamner in solidum à payer à la société Solcer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de les débouter de leur propre demande à ce titre. PAR CES MOTIFS La cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, Confirme l'ordonnance rendue le 03 décembre 2021 en toutes ses dispositions contestées, Y ajoutant, Condamne in solidum la Caisse d'Epargne CEPAC, la Bred Banque Populaire et l'agence française de développement à payer à la SAS Solcer [Localité 6] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Déboute la Caisse d'Epargne CEPAC, la Bred Banque Populaire et l'agence française de développement de leur propre demande à ce titre, Condamne in solidum la Caisse d'Epargne CEPAC, la Bred Banque Populaire et l'agence française de développement aux entiers dépens de l'instance d'appel. Et ont signé, La greffière La présidente
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JUDICIAIRE No RG 22/53505 - No Portalis 352J-W-B7G-CWHTJ Assignation du : 23 Mars 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 16 juin 2022 par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier. DEMANDERESSE Société PIERRE FABRE DERMO COSMETIQUE [Adresse 2] [Adresse 2] représentée par Maître Louis DE GAULLE de la SELAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS - #K0035 DEFENDERESSE S.A. L'OREAL [Adresse 1] [Adresse 1] représentée par Maître Jean-christophe ANDRE de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS - #P0221 A l'audience du 17 Mai 2022, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Rokhaya NIANG, Greffier, Nous, Président, Après avoir entendu les conseils des parties comparantes, Exposé du litige : 1. La société Pierre Fabre Dermo-cosmétique appartient au groupe Laboratoires Pierre Fabre, actif dans les domaines de la santé et de la beauté. Cette société commercialise ses produits notamment sous la marque "Avène" et expose que les produits solaires comercialisés sous cette marque contiennent un filtre solaire, lui-même couvert par un brevet européen noEP 1 753 747, déposé le 4 mai 2005, ayant pout titre "Dérivés dimériques de 5,6-diphenyl-1,2,4-triazine et leurs utilisations en tant qu'agents protecteurs du soleil", et par une marque semi-figurative de l'Union européenne enregistrée le 5 novembre 2020 sous le no018332916 pour désigner en classe 1 les "Filtres solaires destinés à l'industrie cosmétique, à savoir principe actif entrant dans la composition de produits cosmétiques", et en classe 3 les "produits cosmétiques et les produits solaires à usage cosmétique contenant un filtre solaire" : tous titres de propriété industrielle dont la société Pierre Fabre Dermo-cosmétique est la titulaire inscrite. 2. La société Pierre Fabre Dermo-cosmétique expose avoir découvert en février 2022 un document publicitaire émanant de la branche "Cosmétique active" de la société L'Oréal pour sa gamme de produit de protection solaire commercialisée sous la marque "La Roche Posay", présentant une comparaison, selon elle mensongère, de leurs produits respectifs sous la forme d'un graphique. Après l'avoir vainement mise en demeure de cesser la diffusion de cette publicité et de lui communiquer les preuves de l'exactitude de la comparaison résultant de ce document, la société Pierre Fabre Dermo-cosmétique a été autorisée à faire assigner en référé la société L'Oréal devant le délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris siègeant à l'audience du 17 mai 2022 à 9h30. 3. Par son assignation du 23 mars 2022, dont elle a développé les termes à l'audience, la société Pierre Fabre Dermo-cosmétique demande au juge des référés de dire que le graphique est une publicité comparative illicite constitutive tout à la fois d'un trouble manifestement illicite et d'une atteinte à ses droits portant sur la marque "Triasorb", de faire défense sous astreinte à la société L'Oréal de poursuivre ces faits et de faire usage de la marque "Triasorb", de lui enjoindre de lui communiquer les preuves de l'exactitude de la comparaison résultant du graphique litigieux, ainsi que tous documents relatifs à l'étendue de sa diffusion. La société Pierre Fabre Dermo-cosmétique sollicite encore la publication de la présente décision, ainsi que la condamnation de la société L'Oréal aux dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 30.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 4. La société L'Oréal, par des conclusions notifiées le 13 mai 2022 et reprises oralement à l'audience du 17 mai 2022, demande quant à elle au juge des référés de dire n'y avoir lieu à référé, les faits ayant cessé et excédant en tout état de cause la compétence de cette juridiction. Elle sollicite la condamnation de la société Pierre Fabre Dermo-cosmétique à lui payer la somme de 30.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION Moyen des parties 5. La société Pierre Fabre Dermo-cosmétique soutient que la brochure contenant le graphique objet du présent litige est indéniablement un document publicitaire, dès lors qu'il s'agit d'un document adressé à des journalistes, mais aussi à des pharmaciens et parapharmaciens, lesquels sont pour les uns des relais d'opinions, et pour les autres des clients, qu'il convient de convaincre. Le caractère restreint de l'envoi et de l'accès à ce document, réservé à des professionnels, ne lui fait pas perdre son caractère publicitaire de manière au moins indirecte. La société Pierre Fabre Dermo-cosmétique ajoute qu'il s'agit d'une publicité comparative puisque le document compare plusieurs produits, ici des filtres solaires, étant observé qu'elle est la seule à utiliser le "triasorb" dans sa gamme solaire, ce que le public de professionnels auquel s'adresse le document sait ou est en mesure de savoir par de simples recherches. La société Pierre Fabre Dermo-cosmétique fait encore valoir que le graphique ne fait référence à aucune étude non plus qu'à aucun laboratoire, dont il serait issu, avec la mention de son indépendance, comme le veut la pratique en la matière, tandis que la société L'Oréal s'est révélée dans l'incapacité de produire les preuves de l'exactitude du graphique "à bref délai" contrairement à ce que lui impose la législation. La société Pierre Fabre Dermo-cosmétique indique enfin qu'elle souhaite éviter un dommage imminent qui résulterait de la reprise de ce graphique par ceux auxquels il a été adressé, au moment où vont paraître les articles sur les protections solaires, à la fin du mois de juin. 6. La société L'Oréal soutient quant à elle, pour s'opposer aux demandes, que les faits ont cessé dès le 24 février 2022 par l'envoi au public cible, des journalistes, d'un document identique ne contenant plus le graphique litigieux et mentionnant qu'il annule et remplace le précédent document. La société L'Oréal ajoute que le document en question n'a jamais été téléchargé et n'a été relayé par aucun article de presse depuis son envoi en février 2022. La société L'Oréal soutient encore que l'appréciation de la liciété du graphique nécessite un débat scientifique sur son caractère trompeur et que ce débat excède la compétence du juge des référés, à supposer qu'il s'agisse d'un document publicitaire, ce qu'elle conteste, le document n'étant pas à destination de la clientèle finale. La société L'Oréal fait également valoir que la société Pierre Fabre n'est pas identifiée ni identifiable dans cette pièce, qui à aucun moment ne rattache le "triasorb" à Pierre Fabre. La société L'Oréal ajoute qu'en tout état de cause l'exactitude matérielle du graphique résulte des pièces fournies par la société Pierre Fabre Dermo-cosmétique elle-même, en partculier sa pièce no2.5, qui démontre que les performances du "Triasorb" sont faibles au-delà de 380 nanomètres. La société L'Oréal soutient enfin que les mesures d'interdiction sont sans objet, tandis que les autres demandes sont totalement injustifiées, voire disproportionnées. Appréciation du juge des référés 7. Selon l'article L. 122-1 du code de la consommation "Toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si : 1o Elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur; 2o Elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif; 3o Elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie." Selon l'article L. 122-2 de ce même code, "La publicité comparative ne peut : (...) 2o Entraîner le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activité ou situation d'un concurrent ;" L'article L. 122-5 précise que "L'annonceur pour le compte duquel la publicité comparative est diffusée doit être en mesure de prouver dans un bref délai l'exactitude matérielle des énonciations, indications et présentations contenues dans la publicité." 8. Ces dispositions réalisent la transposition en droit interne de la Directive 2006/114/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative dont l'article 2 précise qu' "Aux fins de la présente directive, on entend par : a) «publicité», toute forme de communication faite dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou de services, y compris les biens immeubles, les droits et les obligations; (...) c) «publicité comparative», toute publicité qui, explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent;". Il résulte de ces dispositions que le document litigieux, et en particulier le graphique qu'il contient, revêt les caractères d'une publicité comparative au sens de ces dispositions, tandi que la société L'Oréal n'a pas établi "à bref délai" l'exactitude matérielle de la présentation contenue dans cette publicité, et en particulier, l'allégation qu'il contient en faveur d'une protection contre les UVA ultra-longs par le "Mexoryl 400" presque six fois supérieure à celle du "Triasorb", marque déposée par la société demanderesse, et ce, au moyen d'un graphique dont le caractère scientifique apparaît douteux, ainsi que le relève la société L'Oréal elle-même. 9. Ceci étant, interprétant les dispositions de l'article 5, paragraphes 1 et 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, dont les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives à la contrefaçon de marque réalisent la transposition en droit interne, et les dispositions de l'article 3 bis, paragraphe 1, de la première directive 84/450/CEE du Conseil, du 10 septembre 1984, en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que : "2) L'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/104 doit être interprété en ce sens que le titulaire d'une marque enregistrée n'est pas habilité à faire interdire l'usage par un tiers, dans une publicité comparative, d'un signe similaire à cette marque pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels ladite marque a été enregistrée, lorsque cet usage ne fait pas naître, dans l'esprit du public, un risque de confusion, et ce indépendamment du fait que ladite publicité comparative satisfait ou non à toutes les conditions de licéité énoncées à l'article 3 bis de la directive 84/450, telle que modifiée par la directive 97/55." (CJUE, 12 juin 2008, aff. C-533/06, O2 Holdings Limited, O2 (UK) Limited C/ Hutchison 3G UK Limited). 10. Force est en l'occurrence de constater que l'usage de la marque "Triasorb" dans le document litigieux ne fait naître ici aucun risque de confusion de sorte qu'il ne peut être fait droit aux demandes sur le fondement de la contrefaçon vraisemblable. 11. Il ne peut davantage y être fait droit sur le fondement du trouble manifestement illicite, la publicité comparative ayant été retirée, de sorte que les faits ont cessé à la date à laquelle il est statué (Cass. Com., 23 octobre 1990, pourvoi no88-12.837, Bull. 1990, IV, no252). 12. Il apparaît enfin peu crédible qu'un article soit rédigé en juin 2022 sur la base d'un document diffusé entre le 14 et le 24 février 2022 et dont il n'est pas contesté qu'il n'est plus accessible aujourd'hui sur la plateforme sur laquelle il avait été diffusé. Le risque d'un dommage imminent, qui seul pourrait en définitive justifier de faire droit aux demandes de la société Pierre Fabre Dermo-cosmétique en référé, n'est donc pas établi. 13. Il doit donc être dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes. Il n'apparaît pas inéquitable enfin de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens et de ses frais irrépétibles. PAR CES MOTIFS, Le juge des référés, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Pierre Fabre Dermo-cosmétique ; Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ; Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Fait à Paris le 16 juin 2022. Le Greffier, Le Président, Minas MAKRIS Nathalie SABOTIER
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COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS Chambre sociale No RG 21/00652 - No Portalis DBWB-V-B7F-FREU Madame [N] [C] [X] [Adresse 1] [Localité 3] Représentant : Me Jean pierre GAUTHIER de la SCP CANALE-GAUTHIER-ANTELME-BENTOLILA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/2847 du 25/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis) APPELANTMonsieur [U] [T] à l'enseigne LAVAGE MANUEL EXPRESS [Adresse 2] [Localité 4] Représentant : Me Thierry GANGATE, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION ORDONNANCE SUR INCIDENT No DU 10 novembre 2022 Nous, Alain LACOUR, conseiller de la mise en état, assisté de Monique LEBRUN, lors de l'audience incident le 4 octobre 2022, et assistée de Nadia HANAFI, greffier, lors de la mise à disposition au greffe le 10 octobre 2022 ; FAITS ET PROCÉDURE Exposé du litige : Vu le jugement rendu le 26 mars 2021 le conseil de prud'hommes de Saint-Denis-de-la-Réunion ; Mme [X] a interjeté appel de cette décision le 16 avril 2021. Vu l'ordonnance rendue le 7 juin 2022 ensuite du premier incident lié par Mme [X]. Mme [X] a lié deuxième incident. Vu les conclusions notifiées par Mme [X] le 31 août 2022 ; Vu les conclusions notifiées par M. [T] le 3 octobre 2022 ; Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées et aux développements infra. Sur la recevabilité des conclusions notifiées par M. [T] le 4 mars 2022 ; Vu l'article 909 du code de procédure civile ; Attendu que Mme [X] a conclu le 13 juillet 2021 ; qu'à cette date, M. [T] n'avait pas constitué avocat ; que Mme [X] lui a donc fait signifier ses conclusions par acte extrajudiciaire le 20 juillet 2021 ; qu'il disposait par conséquent d'un délai de trois mois, expirant le 20 octobre 2021, pour conclure et, le cas échéant, faire appel incident ; Or, attendu en premier lieu que l'appel incident formé le 20 octobre 2021 par l'EIRL lavage manuel express a été déclaré irrecevable par l'ordonnance rendue le 7 juin 2022 ; Et attendu, en second lieu, que les conclusions prises par M. [T] et notifiées le 4 mars 2022 ne l'ont pas été dans le délai qui lui était ouvert par l'article susvisé à cet effet ; qu'elles sont par conséquent irrecevables ; PAR CES MOTIFS : Le conseiller de la mise en état, Statuant publiquement, contradictoirement, Déclare irrecevables les conclusions notifiées par M. [T] le 4 mars 2022 ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, Condamne M. [T] à payer à Mme [X] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Rejette le surplus des demandes ; Condamne M. [T] aux dépens de l'incident. La présente ordonnance a été signée par Le conseiller de la mise en état et le greffier. Le greffier Nadia HANAFI Le conseiller de la mise en état Alain LACOUR EXPÉDITION délivrée le 10 Novembre 2022 à : Me Jean pierre GAUTHIER de la SCP CANALE-GAUTHIER-ANTELME-BENTOLILA, vestiaire : 15 Me Thierry GANGATE, vestiaire : 99 Me Thierry GANGATE, vestiaire : 99 Exposé du litige : Vu le jugement rendu le 26 mars 2021 le conseil de prud'hommes de Saint-Denis-de-la-Réunion ; Mme [X] a interjeté appel de cette décision le 16 avril 2021. Vu l'ordonnance rendue le 7 juin 2022 ensuite du premier incident lié par Mme [X]. Mme [X] a lié deuxième incident. Vu les conclusions notifiées par Mme [X] le 31 août 2022 ; Vu les conclusions notifiées par M. [T] le 3 octobre 2022 ; Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées et aux développements infra. Sur la recevabilité des conclusions notifiées par M. [T] le 4 mars 2022 ; Vu l'article 909 du code de procédure civile ; Attendu que Mme [X] a conclu le 13 juillet 2021 ; qu'à cette date, M. [T] n'avait pas constitué avocat ; que Mme [X] lui a donc fait signifier ses conclusions par acte extrajudiciaire le 20 juillet 2021 ; qu'il disposait par conséquent d'un délai de trois mois, expirant le 20 octobre 2021, pour conclure et, le cas échéant, faire appel incident ; Or, attendu en premier lieu que l'appel incident formé le 20 octobre 2021 par l'EIRL lavage manuel express a été déclaré irrecevable par l'ordonnance rendue le 7 juin 2022 ; Et attendu, en second lieu, que les conclusions prises par M. [T] et notifiées le 4 mars 2022 ne l'ont pas été dans le délai qui lui était ouvert par l'article susvisé à cet effet ; qu'elles sont par conséquent irrecevables ; PAR CES MOTIFS : Le conseiller de la mise en état, Statuant publiquement, contradictoirement, Déclare irrecevables les conclusions notifiées par M. [T] le 4 mars 2022 ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, Condamne M. [T] à payer à Mme [X] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Rejette le surplus des demandes ; Condamne M. [T] aux dépens de l'incident. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement, et par décision susceptible de déféré, La présente ordonnance a été signée par Le conseiller de la mise en état et le greffier. Le greffier Nadia HANAFI Le conseiller de la mise en état Alain LACOUR EXPÉDITION délivrée le 10 Novembre 2022 à : Me Jean pierre GAUTHIER de la SCP CANALE-GAUTHIER-ANTELME-BENTOLILA, vestiaire : 15 Me Thierry GANGATE, vestiaire : 99 Me Thierry GANGATE, vestiaire : 99
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 21/15800 - No Portalis 352J-W-B7F-CVQNN No MINUTE : Assignation du : 12 Novembre 2021 rendu le 27 Septembre 2022 DEMANDERESSE Société RED BULL GMBH [Adresse 3] [Adresse 3] (AUTRICHE) représentée par Maître Clara STEINITZ de la SELARL TALIENS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0320 DÉFENDERESSES Société CANHAIDOM TRADING [Adresse 1] [Adresse 1] (HAÏTI) défaillante S.A.S.U. LIDY SERVICES [Adresse 2] [Adresse 2] défaillante COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Arthur COURILLON-HAVY, juge Linda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière A l'audience du 08 juin 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2022 et prorogé en dernier lieu au 27 septembre 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Réputé contradictoire En premier ressort Exposé du litige 1. La société de droit autrichien Red Bull GmbH se présente comme un leader mondial des boissons énergétiques qu'elle commercialise également en France depuis le 1er avril 2008. Aux fins de cette activité, la société Red Bull est titulaire de plusieurs marques : - la marque semi-figurative de l'Union européenne no001143122 enregistrée le 14 avril 2000 pour désigner notamment les « boissons non-alcooliques, en particulier les boissons énergétiques » en classe 32: - la marque figurative internationale désignant l'Union européenne no969260 enregistrée le 10 juin 2009 pour désigner notamment les « boissons non-alcooliques, en particulier les boissons énergétiques » en classe 32 : 2. Le 15 octobre 2021, la Direction régionale des douanes du Havre a informé la société Red Bull de la mise en retenue de 2.400 bouteilles de boisson énergétique « TORO » en provenance de Haïti et potentiellement contrefaisantes des marques RED BULL, se présentant comme suit : 3. Le 22 octobre 2021, les douanes ont fait droit à la demande de levée du secret professionnel formulée par la société Red Bull, en lui transmettant les informations suivantes à propos des produits litigieux: "Expéditeur : CANHAIDOM TRADING, [Adresse 1]. Destinataire : LIDY SERVICES, [Adresse 2]." 4. A réception de ces informations, la société Red Bull a exercé son droit d'inspection des produits litigieux et c'est dans ce contexte que, par actes d'huissier des 12 et 15 novembre 2021, cette société a fait assigner les sociétés Canhaidom Trading et Lidy Services devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marques internationale et de l'Union européenne et atteinte à la renommée de ses marques. 5. Les défenderesses ont été citées, l'une par dépôt de l'acte à l'étude de l'huissier, l'autre par transmission de l'acte par la voie diplomatique par l'intermédiaire du parquet, en l'absence de convention liant la France et la République d'Haïti. En dépit de la relance adressée le 25 avril 2022 aux autorités consulaires haïtiennes, aucune des sociétés défenderesses n'a constitué avocat. C'est en cet état que la procédure a été clôturée conformément aux dispositions des articles 684 à 688 du code de procédure civile le 13 mai 2022 et plaidée à l'audience du 08 juin 2022. 6. Aux termes de son assignation, la société Red Bull demande au tribunal au visa des articles L. 713-2, L. 713-3-1 et L. 716-7 du code de la propriété intellectuelle, des articles 9 et 10 du règlement 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne et des articles 699 et 700 du code de procédure civile de : 1. Sur la contrefaçon de la marque de l'Union européenne no001143122 et de la marque internationale désignant l'Union européenne no969260 : - DIRE que l'importation et exportation des 2.400 bouteilles « Toro » revêtues d'un signe similaire à la marque de l'Union européenne no001143122 par les défenderesses constituent des actes de contrefaçon de cette marque ; - DIRE que l'importation et exportation de 2.400 bouteilles « Toro » revêtues d'un signe similaire à la marque internationale désignant l'Union européenne no969260 par les défenderesses constituent des actes de contrefaçon de cette marque ; En conséquence : - CONDAMNER solidairement la société Canhaidom Trading et la société Lidy Services au paiement d'une somme forfaitaire de 15.000 euros, à titre de dommages-intérêts dus au titre de la contrefaçon de marques ; 2. Sur l'atteinte à la marque renommée de l'Union européenne no001143122 : - DIRE que la marque de l'Union européenne no001143122 est renommée au sens de l'article 9 du Règlement 2017/1001 du parlement européen et du conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne ; - DIRE que l'importation et exportation de 2.400 bouteilles « Toro » revêtues d'un signe similaire à la marque de l'Union européenne no001143122 par les défenderesses constituent des actes de contrefaçon portant atteinte à la renommée de cette marque ; - CONDAMNER solidairement la société Canhaidom Trading et la société Lidy Services au paiement d'une somme forfaitaire de 15.000 euros, à titre de dommages-intérêts dus au titre de l'atteinte à la marque renommée ; 3. Sur les autres demandes : - ORDONNER la destruction des 2.400 bouteilles « Toro » ayant fait l'objet d'une retenue douanière, conservées auprès des Douanes du Havre, solidairement aux frais de la société Canhaidom Trading et de la société Lidy Services ; - INTERDIRE l'importation, la mise en circulation sur le marché français et l'exportation de boissons sous le signe contrefaisant, sous astreinte de 500 euros par exemplaire en infraction ; - CONDAMNER solidairement la société Canhaidom Trading et la société Lidy Services à verser à la société Red Bull GmbH la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER solidairement la société Canhaidom Trading et la société Lidy Services aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SELARL Taliens, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ; - ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir, en ce compris ses dispositions relatives à l'article 700 et aux dépens, nonobstant appel et sans constitution de garantie. 7. A titre liminaire, il est rappelé que selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée. De même, conformément à l'article 473 du même code, le jugement étant susceptible d'appel, il sera réputé contradictoire. 1) Sur la contrefaçon Moyens des parties 8. La demanderesse soutient qu'il existe un risque de confusion entre les marchandises litigieuses et celles qui sont revêtues des marques Red Bull, en ce que le signe représenté sur les bouteilles est selon elle hautement similaire aux marques. Elle fait à cet égard valoir que les marchandises sont identiques aux produits pour lesquels ses marques sont enregistrées, à savoir les « boissons énergétiques » en classe 32. Elle ajoute, concernant la marque no001143122, que, sur le plan visuel, les signes reprennent le fond composé de formes grises et bleues, la représentation d'un taureau et des inscriptions de couleur rouge. Elle soutient encore que, sur le plan conceptuel, chacun des signes sera immédiatement perçu par le public pertinent comme véhiculant le même concept par l'usage d'un taureau en position de charge. S'agissant de la marque internationale no969260, la société Red Bull soutient que les deux signes, en faisant l'un et l'autre usage d'un taureau sur le point de charger, partagent également de fortes similitudes visuelle et conceptuelle. La société Red Bull en déduit que l'identité des produits et les nombreuses similitudes visuelles, phonétiques et conceptuelles des signes créent un risque évident de confusion dans l'esprit du public, amené à croire, à tort, que les marchandises litigieuses proviennent de la société Red Bull ou d'une entreprise qui lui est économiquement liée. 9. Enfin, la société Red Bull rappelle qu'en expédiant les marchandises vers la France, la société Canhaidom Trading effectue un acte d'exportation à destination de l'Union européenne, tandis qu'en étant destinataire de ces marchandises, la société Lidy Services en est l'importatrice sur le territoire de l'Union. Appréciation du tribunal 10. Aux termes de l'article 9 "Droit conféré par la marque de l'Union européenne" du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne : "1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : (...) b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque ; (...) 3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2: a) d'apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement; b) d'offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d'offrir ou de fournir des services sous le signe; c) d'importer ou d'exporter les produits sous le signe; (...)." 11. Afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les signes en conflit, il y a lieu de déterminer leur degré de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle et, le cas échéant, d'évaluer l'importance qu'il convient d'accorder à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou de services en cause ou des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (arrêts du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-342/97, EU:C:1999:323, point 27, et du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C-334/05 P, EU:C:2007:333, point 36 ; et récemment arrêt du 4 mars 2020, Equivalenza Manufactory SL, C-328/18 P, point 68). 12. Les produits en cause sont identiques s'agissant dans les deux cas de boissons énergétiques. Le public pertinent est ici le grand public, vu le mode de commercialisation des boissons énergétiques. Son degré d'attention est modéré voire faible. 13. D'un point de vue visuel, la marque de l'Union européenne no001143122 invoquée est constituée d'un fond composé d'un damier penché, bleu et argenté, avec en son centre, apposé en police rouge, les mentions "Red Bull" et "ENERGY DRINK". Entre ces deux éléments sont représentés deux taureaux de couleur rouge, positionnés de profil et en position d'attaque. En arrière plan de ces deux taureaux se trouve un cercle de couleur jaune. La marque internationale no969260 invoquée porte sur la représentation d'un taureau de profil de couleur noire sur le point de charger. 14. Le signe dont sont revêtues les marchandises litigieuses reprend le fond de couleur bleue à l'intérieur d'un arc de cercle sur un fond gris argenté, les coloris choisis étant identiques à ceux de la marque no001143122. Le signe comporte également au premier plan deux ensembles de termes, à savoir en partie haute, en rouge, le terme "TORO" et en bleu la mention "ENERGY DRINK". Le signe comporte encore, en position centrale un taureau de couleur principalement noir, positionné de 3/4 sur le point de charger. 15. Il en résulte que les signes sont, visuellement, faiblement similaires et, phonétiquement, de la même manière faiblement similaires, les termes d'attaques "Red Bull" et "Toro" étant distincts. En revanche, la ressemblance conceptuelle entre les marques opposées et le signe litigieux, par l'usage dans les deux cas des synonymes "Bull" et "Toro", ainsi et surtout que de la représentation d'un taureau en situation de charger, symbole de puissance, apparaît forte. 16. En l'occurrence, malgré l'identité des produits concernés et le faible degré d'attention du public pertinent, ce public, en l'état des différences visuelle et phonétique entre les marques et le signe, lesquelles ne sont pas compensées par leur ressemblance conceptuelle, n'apparaît pas susceptible d'attribuer une origine commune aux produits en cause. La contrefaçon de marque n'est donc pas constituée. 2) Sur l'atteinte à la renommée Moyens des parties 17. La demanderesse soutient que la marque no001143122 bénéficie d'une grande renommée dans le monde, et notamment en France et en Europe, en relation avec les boissons énergétiques. Elle fait à cet égard valoir que la boisson énergétique Red Bull, lancée en Autriche en 1987, est désormais vendue dans 173 pays dans le monde, et notamment en France, depuis le 1er avril 2008. La marque en cause est en outre largement utilisée en relation avec la promotion et la vente des boissons dont le volume a atteint 173,3 millions d'unités en 2019, ce qui représente plus de la moitié des parts de ce marché. Elle fait également valoir que l'EUIPO, l'INPI et ce tribunal ont reconnu à différentes reprises la renommée de la marque no001143122. 18. La société Red Bull en déduit que les défenderesses cherchent à profiter de la connaissance par le public de la marque en cause dans le secteur des boissons énergétiques en se ménageant les risques et les coûts liés à l'introduction d'une marque nouvelle et inconnue dans ce même secteur et en s'abstenant d'entreprendre ses propres efforts de marketing. Appréciation du tribunal 19. Aux termes de l'article 9 du règlement (UE) 2017/1001 précité : "(...) 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque: (...) c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice. 3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2: a) d'apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement; b) d'offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d'offrir ou de fournir des services sous le signe; c) d'importer ou d'exporter les produits sous le signe; (...)." 20. La notion de « renommée » suppose, au sein du public pertinent, un certain degré de connaissance qui doit être considéré comme atteint lorsque la marque est connue d'une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par cette marque. Dans l'examen de cette condition, le juge doit prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l'intensité, l'étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l'importance des investissements réalisés par l'entreprise pour la promouvoir (arrêt PAGO International, C-301/07, points 21 à 25 ; arrêt du 3 septembre 2015, Iron & Smith kft c/ Unilever NV, C-125/14, points 18 et 19). Dans cette dernière affaire, interprétant les dispositions identiques de la directive no2008/95/CE rapprochant les législations des États membres sur les marques,la Cour de justice de l'Union européenne a également dit pour droit que la renommée d'une marque établie sur une partie substantielle du territoire de l'Union européenne, pouvait, le cas échéant, coïncider avec le territoire d'un seul État membre. 21. En outre, la protection des marques renommées s'applique à des situations d'usage sans juste motif d'un signe qui tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée d'une marque ou lui porte préjudice (voir arrêt du 22 juin 2000, Marca Mode, C-425/98, Rec. p. I-4861, points 34 et 36), en présence d'éléments de ressemblance visuelle, auditive ou conceptuelle (arrêts du 11 novembre 1997, SABEL C-251/95, Rec. p. I-6191, point 23 in fine, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-342/97, Rec. p. I-3819, points 25 et 27 in fine). Les atteintes, lorsqu'elles se produisent, sont la conséquence d'un certain degré de similitude entre la marque et le signe, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre le signe et la marque, c'est-à-dire établit un lien entre ceux-ci, alors même qu'il ne les confond pas (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 1999, General Motors, C-375/97, Rec. p. I-5421, point 23). L'existence d'un tel lien doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (voir l'arrêt du 23 octobre 2003, Adidas-Salomon AG, Adidas Benelux BV et Fitnessworld Trading Ltd, C-408/01, point 31) 22. Les documents produits par la société demanderesse établissent l'importance de ses investissements en marketing et publicité réalisés pour promouvoir ses produits et ses marques, lesquelles sont présentes sous la forme de la marque de l'Union européenne no00114312, sur les canettes vendues en France, dans de nombreuses publicités et dans des opérations de sponsoring sportif. Il est également établi que la boisson énergétique Red Bull, a été lancée en Autriche en 1987, soit il y a environ 35 ans, et qu'elle est désormais vendue dans 173 pays dans le monde, et en France, depuis près de 15 ans, où elle a atteint 173,3 millions d'unités vendues en 2019, ce qui représente plus de la moitié des parts de ce marché. L'ensemble de ces éléments doit conduire à reconnaître que cette marque est connue d'une partie significative du public et qu'elle est de ce fait renommée. 23. En l'occurrence, le public pertinent, en l'état des emprunts des signes à la marque no00114312 (le code couleur bleu et gris argenté, la représentation d'un taureau en position de charge, aggravé par l'usage du mot "Toro" ), sera conduit à faire un lien immédiat avec la marque de la société demanderesse, laquelle jouit d'une très importante renommée dans le secteur des boissons énergisantes.Et comme le soulève la demanderesse, ce lien sciemment entretenu permet manifestement aux défenderesses de s'inscrire dans le sillage de cette renommée pour s'épargner le coût de développement de leur marque, ce qui, sans juste motif, tire indument profit de la renommée de la marque. L'atteinte à la renommée de la marque de l'Union européenne no00114312 est dès lors caractérisée, sous la forme d'une importation et d'une exportation imputables aux sociétés défenderesses. 3) Sur les mesures indemnitaires et réparatrices 24. L'article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle dispose que " Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée." 25. L'article L. 716-4-11 du même code prévoit qu'en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants, les matériaux ou instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise. Ces mesures sont ordonnées aux frais du contrefacteur. 26. L'apposition du signe litigieux portant atteinte à la renommée de la marque no001143122 sur les bouteilles en cause, leurs mise sur le marché, importation et exportation vers la France, cause un préjudice financier et moral certain à la société Red Bull, par l'atteinte à ses investissements aux fins d'assurer la promotion de cette marque. Cette société en sollicite ici la réparation forfaitaire et il convient de faire droit à sa demande à hauteur de 4 500 euros, cette somme tenant compte du volume de 2 400 bouteilles saisies et de leur retrait des circuits commerciaux. 27. Des mesures d'interdiction et de destruction doivent être ordonnées selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision. Le préjudice étant entièrement réparé par ces différentes mesures, la demande de publication de la présente décision sera rejetée. 4) Dispositions finales 28. Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, les sociétés Canhaidom Trading et Lidy Services seront condamnées in solidum aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Red Bull, sous la même solidarité imparfaite, la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. 29. L'exécution provisoire est de droit, et aucun motif ne commande de l'écarter au cas présent y compris en ce qui concerne la destruction des bouteilles de boissons énergisantes contrefaisantes saisies. PAR CES MOTIFS Le tribunal, CONDAMNE in solidum les sociétés Canhaidom Trading et Lidy Services à payer à la société Red Bull la somme de 4.500 euros au titre de l'atteinte à la renommée de sa marque no001143122 ; ORDONNE la destruction des 2 400 bouteilles "Toro" faisant l'objet d'une retenue douanière auprès des douanes du Havre, dont les frais seront supportés in solidum par les sociétés Canhaidom Trading et Lidy Services ; FAIT INTERDICTION aux sociétés Canhaidom Trading et Lidy Services d'exporter, importer, mettre en circulation sur le territoire de l'Union européenne des boissons énergétiques sous le signe constitué d'un arc de cercle bleu sur fond argenté avec en son centre le signe "Toro" ainsi que la représentation d'un taureau de couleur noir, de 3/4, sur le point de charger, ce signe portant atteinte à la renommée de la marque no001143122, et ce, sous astreinte de 50 euros par infraction constatée (c'est à dire par bouteille contrefaisante) courant à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ; REJETTE les demandes fondées sur la contrefaçon de marques ainsi que la demande de publication de la présente décision ; CONDAMNE in solidum les sociétés Canhaidom Trading et Lidy Services aux dépens et autorise la société d'avocats Taliens à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision; CONDAMNE in solidum les sociétés Canhaidom Trading et Lidy Services à à payer à la société Red Bull la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire y compris en ce qui concerne la destruction des produits saisis. Fait et jugé à Paris le 27 Septembre 2022. La Greffière La Présidente
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 20/06797 - No Portalis 352J-W-B7E-CSO3Q No MINUTE : Assignation du : 09 Avril 2020 rendu le 02 Août 2022 DEMANDEURS Monsieur [L] [I] [Adresse 2] [Adresse 2] Monsieur [V] [S] [Adresse 5] [Adresse 5] Monsieur [X] [D] [Adresse 3] [Adresse 3] représentés par Maîtres François JONQUERES et Guillaume-Denis FAURE du LLP SIMMONS & SIMMONS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0215 DÉFENDEURS S.A.S. E-DIAGMED CORPORATION [Adresse 1] [Adresse 1] Monsieur [B] [U] [Adresse 4] [Adresse 4] représentés par Maître Jean-Baptiste THIENOT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #NAN701 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Arthur COURILLON-HAVY, juge Linda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière A l'audience du 12 mai 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Linda BOUDOUR, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 02 août 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE 1. M. [B] [U] a exercé les fonctions de directeur de recherches médicales au sein de la société Laboratoires Servier. Il a en particulier participé au développement d'un projet de pharmacovigilance sous la forme d'un logiciel d'aide au diagnostic médical. 2. Par un acte sous seing privé du 14 juin 2014, la société Laboratoires Servier a cédé à la société Viala Invest, représentée par son gérant, M. [B] [U], ses droits de propriété intellectuelle sur le "logiciel d'aide à la documentation médicale des événements indésirables" moyennant la concession d'une licence sur le futur logiciel. Ainsi autorisé à poursuivre le développement du projet de pharmacovigilance, M. [U] s'est rapproché de différents investisseurs et contributeurs. 3. Le 6 août 2014, a ainsi été immatriculée la société E-Diagmed Corporation dont sont associés aussi bien M. [U], que MM. [S], [I] et [D]. 4. Suivant un contrat de travail à durée déterminée du 12 janvier 2016, la société E-Diagmed Corporation a engagé M. [X] [D], data scientist (soit en langue française "expert en mégadonnées"), anciennement salarié de la société Probayes, elle-même anciennement prestataire de services auprès des laboratoires Servier dans le cadre du développement du projet de pharmacovigilance. Suivant un contrat du 28 décembre 2016, ce contrat a été renouvelé sous la forme d'un contrat de travail à durée indéterminée. 5. Le 13 juillet 2018, M. [B] [U] a déposé une demande de brevet français FR 1 800 757, intitulé "Système et procédé de génération d'une liste de probabilités associée à une liste de maladies, produit programme d'ordinateur", dont la publication est intervenue le 17 janvier 2020 sous le no FR 3 083 913. Cette demande mentionnait comme inventeur M. [B] [U]. Le 12 juillet 2019, M. [B] [U] a de la même manière déposé une demande de brevet international PCT/EP2019/068848, enregistrée sous le no WO 2020/011988, et revendiquant la priorité de la demande française ci-dessus. 6. Soutenant que l'invention leur avait été frauduleusement soustraite, MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] ont, par acte d'huissier délivré le 9 avril 2020, fait assigner M. [B] [U] devant le tribunal judiciaire de Paris en revendication de la propriété des demandes de brevet FR 3 083 913 et de son extension internationaleWO 2020/011988. 7. Ces demandes de brevets ont été cédées par acte du 29 avril 2020 à la société E-Diagmed Corporation, tandis que M. [B] [U] a sollicité et obtenu la mention de M. [X] [D] en qualité de co-inventeur sur les demandes litigieuses. Le brevet français a quant à lui été délivré le 30 octobre 2020 (publication au BOPI no2020-44) et la demande internationale est entrée en phase européenne le 20 novembre 2020. 8. Par acte d'huissier délivré le 18 janvier 2021, MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] ont fait assigner la société E-Diagmed Corporation en intervention forcée et sollicitent l'annulation de la cession intervenue. Les instances ont été jointes par une ordonnance du 8 avril 2021. 9. Par une ordonnance du 23 mars 2021, le juge de la mise en état a écarté la fin de non-recevoir soulevée par M. [B] [U], lequel sollicitait sa mise hors de cause en suite de la cession des brevets objets du présent litige, et a invité les parties à lui faire part de leur avis sur la mise en oeuvre d'une mesure de médiation judiciaire. 10. Aux termes de leur assignation du 9 avril 2020, MM [L] [I], [V] [S] et [X] [D] demandent au tribunal, au visa des articles L. 611-6 et L. 611-8 du code de la propriété intellectuelle, de : - Dire qu'ils sont co-inventeurs de la demande de brevet français FR 1 800 757 publiée sous le numéro FR 3 083 913 ainsi que de la demande internationale PCT/EP2019/068848 publiée sous le numéro WO 2020/011988 ; - Dire que M. [B] [U] a fraudé leurs droits de propriété intellectuelle sur la demande de brevet français FR 1 800 757 publiée sous le numéro FR 3 083 913 ainsi que de la demande internationale PCT/EP2019/068848 publiée sous le numéro WO 2020/011988 ; - Dire que l'action en revendication est recevable et bien-fondée ; Par conséquent : - Dire que MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] sont co-inventeurs et co-titulaires de la demande de brevet français FR 1 800 757 publiée sous le numéro FR 3 083 913 ainsi que de la demande internationale PCT/EP2019/068848 publiée sous le numéro WO 2020/011988; - Ordonner aux frais de M. [B] [U], l'inscription de la co-titularité de MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] sur la demande de brevet français FR 1 800 757 publiée sous le numéro FR 3 083 913 ainsi que de la demande internationale PCT/EP2019/068848 publiée sous le numéro WO 2020/011988 ; - Condamner M. [B] [U] à payer MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] la somme de 7.000 euros chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile; - Condamner M. [B] [U] aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître François Jonquères conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. 11. Aux termes de leur assignation en intervention forcée du 18 janvier 2021, MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] demandent au tribunal, au visa des articles L. 611-6, L. 611-8 et L. 613-8 du code de la propriété intellectuelle, et des articles 325 et 331 et suivants du code de procédure civile, de : - Déclarer la demande en intervention forcée formulée à l'encontre de la société E-Diagmed Corporation recevable et bien fondée ; - Ordonner que la société E-Diagmed Corporation soit attraite à la procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Paris distribuée à la 3ème chambre 3ème section, sous le no de RG 20/06797 ; - Dire que MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] sont co-inventeurs de la demande de brevet français FR 1 800 757 publiée sous le numéro FR 3 083 913 ainsi que de la demande internationale PCT/EP2019/068848 publiée sous le numéro WO 2020/011988 et de toutes les demandes déposées sur la base de celles-ci ou qui en découlent ; - Dire que M. [B] [U] a fraudé les droits de propriété intellectuelle de MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] sur la demande de brevet français FR 1 800 757 publiée sous le numéro FR 3 083 913 ainsi que de la demande internationale PCT/EP2019/068848 publiée sous le numéro WO 2020/011988 et de toutes les demandes déposées sur la base de celles-ci ou qui en découlent ; - Dire que l'action en revendication introduite par MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] est recevable et bien fondée. Par conséquent : - Ordonner la jonction de cette affaire avec la procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Paris distribuée à la 3ème chambre 3ème section, sous le numéro de Répertoire Général 20/06797, pour qu'elles soient instruites et jugées ensemble ; - Déclarer le jugement à intervenir opposable à la société E-Diagmed Corporation ; - Dire que MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] sont co-inventeurs et co-titulaires de la demande de brevet français FR 1 800 757 publiée sous le numéro FR 3 083 913 ainsi que de la demande internationale PCT/EP2019/068848 publiée sous le numéro WO 2020/011988 et de toutes les demandes déposées sur la base de celles-ci ou qui en découlent; - Dire que l'acte de cession portant sur la demande de brevet français FR 1 800 757 publiée sous le numéro FR 3 083 913 ainsi que de la demande internationale PCT/EP2019/068848 publiée sous le numéro WO 2020/011988, en date du 29 avril 2020, au profit de la société E-Diagmed Corporation est nul ; - Ordonner aux frais de la société E-Diagmed Corporation, l'inscription de la co-titularité de MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] sur la demande de brevet français FR 1 800 757 publiée sous le numéro FR 3 083 913 ainsi que de la demande internationale PCT/EP2019/068848 publiée sous le numéro WO 2020/011988, auprès des registres concernés. 12. Dans leurs conclusions notifiées par la voie électronique le 7 juillet 2021, M. [B] [U] et la société E-Diagmed Corporation demandent au tribunal, au visa des articles L. 611-6, L. 611-7 et L. 611-8 du code de la propriété intellectuelle,1240 du code civil, et 32-1 du code de procédure civile, de : - Dire que ni M. [L] [I] ni M. [V] [S] ne sont co-inventeurs de l'invention objet du brevet français FR 1 800 757 publiée sous le numéro FR 3 083 913 ainsi que de la demande internationale PCT/EP2019/068848 publiée sous le numéro WO 2020/011988 ; - Subsidiairement, dire que M. [L] [I] et M. [V] [S] ont cédé leurs droits sur l'invention objet du brevet français FR 1 800 757 publiée sous le numéro FR 3 083 913 ainsi que de la demande internationale PCT/EP2019/068848 publiée sous le numéro WO 2020/011988 ; - Dire que M. [X] [D] a participé à l'invention objet du brevet français FR 1 800 757 publiée sous le numéro FR 3 083 913 ainsi que de la demande internationale PCT/EP2019/068848 publiée sous le numéro WO 2020/011988 en qualité de salarié dans le cadre d'une mission inventive au sens de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle; - Dire infondées les demandes en revendication de propriété de MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D]. Reconventionnellement, - Dire abusive la présente action judiciaire. En conséquence : - Rejeter intégralement les demandes de MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] contre M. [B] [U] et la société E-Diagmed Corporation ; - Condamner solidairement MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] à payer à Monsieur [B] [U] la somme de 30.000 euros et à la société E-Diagmed Corporation la somme de 200.000 euros au titre de la procédure abusive ; - Condamner solidairement MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] à payer à Monsieur [B] [U] la somme de 15.000 euros et à la société E-Diagmed Corporation la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] au paiement des entiers dépens au titre de l'article 699 du code de procédure civile. - A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où il serait fait droit à l'une quelconque des demandes adverses, refuser le bénéfice de l'exécution provisoire. 13. L'instruction a été cloturée le 9 décembre 2021, l'affaire plaidée à l'audience du 12 mai 2022, et le jugement mis en délibéré au 2 août 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Présentation du brevet FR 3 083 913 et de la demande WO 2020/011988 14. L'invention concerne une méthode de génération de probabilités mise en oeuvre par ordinateur destinée à aider un praticien ou tout autre utilisateur à établir un diagnostic médical. 15. La description du brevet enseigne qu'il s'agit plus précisément d'une méthode de modélisation de la sensibilité (capacité à donner un résultat positif lorsqu'une hypothèse est vérifiée) et de la spécificité (capacité à donner un résultat négatif lorsque l'hypothèse n'est pas vérifiée) d'un test (description, page 8, lignes 23 à 39). La méthode recourt à une solution dénommée "modèle de type bayésien" qui permet de générer, à partir de variables d'entrée (telles que l'âge, le genre, les antécédents, les symptômes), une liste de maladies avec pour chacune une statistique de sensibilité et une statistique de spécificité (description, page 2, lignes 8 à 38). 16. Le problème technique que l'invention propose de résoudre est ainsi la faiblesse des systèmes de calcul de probabilités de l'art antérieur qui reposaient sur le système des "liens d'influence logique ", lesquels pouvaient conduire à écarter des possibilités ou, au contraire, à prendre en compte une trop large base de maladies potentielles (description, page 1, lignes 32 et suivantes). Selon l'invention, le niveau de détail qualifiant la description d'un signe ou symptôme, et le recours à la modélisation d'un réseau bayésien, permettent d'améliorer la pertinence de la sensibilité et de la spécificité de chaque signe. 17. Aux fins de l'invention, la revendication no1 de la demande de brevet français est ainsi libellée : Système (1) comportant un calculateur pour la génération d'une liste de probabilités (LIST1) associée a une liste de maladies pour un premier patient (Pi), ledit système comportant une interface permettant : - une première acquisition (ACQ1) d'un premier ensemble (ENS1) de premiers facteurs (Fi) relatif au premier patient (Pi) et enregistrement desdits premiers facteurs (Fi) dans une mémoire, lesdits premiers facteurs (Fi) comportant : o une valeur d'âge (AGE1), o une valeur de genre (GENII) ; - une seconde acquisition (ACQ2) d'un second ensemble (ENS2) de seconds facteurs (F2), dits facteurs de risques, décrivant notamment au moins une maladie (ANTi) ou une information propre audit patient (Pi) et un enregistrement desdits seconds facteurs (F2) dans une mémoire, ladite maladie (ANTi) étant extraite d'une première base de données (BDM), chaque maladie (ANTI) étant associée à une première statistique de prévalence (PRi) et/ou d'une première statistique d'incidence (IN1), et chaque maladie étant associe a une liste de signes (Sk); - une troisième acquisition (ACQ3) d'un troisième ensemble (ENS3) de troisièmes facteurs (F3) décrivant au moins un signe (Si) et enregistrement desdits troisièmes facteurs (F3) dans une mémoire du système, ledit premier signe (Si) comportant une première statistique de sensibilité (SEi) et une seconde statistique de spécificité (SR) pour chaque maladie d'une liste prédéfinie (LIST1) de maladies (Mi) associée audit signe (Si) ; ledit calculateur générant, à partir d'une première modélisation d'un réseau Bayésien (RB) et de données d'entrées comportant les données de la première, seconde et de la troisième acquisition (ACQ1, ACQ2, ACQ3), un ensemble de probabilités, chaque probabilité étant associée à une maladie donnée de la première liste (LIST1) ; ledit système (1) comportant une interface graphique pour afficher ladite première liste générée (LISTi). 18. La demande de brevet WO 2020/011988 porte sur la même invention. 2o) Sur le bien-fondé de l'action en revendication La participation de MM. [L] [I] et [V] [S] Moyen des parties 19. MM. [I] et [S] soutiennent avoir mis au point l'invention, telle que décrite dans les brevets en cause, conjointement avec M. [U] et M. [D]. Ils expliquent d'abord avoir élaboré, avec d'autres spécialistes et sous la direction de M. [V] [S], un ensemble de "fiches techniques " comportant des données médicales. Ces fiches médicales ont permis de créer, avec l'aide de M. [X] [D], une méthodologie précise d'association de pathologies avec des symptômes, en prenant en compte les statistiques de spécificité et de sensibilité de chacun des symptômes concernés. Cette méthodologie est selon eux indispensable à la mise en oeuvre du calcul informatique permettant d'obtenir un diagnostic médical fiable. MM. [I] et [S] soutiennent également avoir participé à l'élaboration de la méthode de calcul informatique elle-même telle que décrite dans les brevets, la réalité de ce travail de collaboration ressortant des échanges de mails avec M. [U]. 20. Sur la question de l'appropriation déloyale, les demandeurs soutiennent que M. [U] a caché pendant plusieurs mois que la demande de brevet français avait été déposée en son seul nom le 13 juillet 2018. 21. M. [U] et la société E-Diagmed Corporation concluent au rejet des demandes. Ils ne contestent pas la participation de MM. [I] et [S] à la rédaction de certaines fiches techniques, mais constatent l'absence d'identification des fiches concernées, lesquelles ne sont en tout état de cause pas brevetables. Par ailleurs, le rôle "moteur" dont se prévaut M. [S] n'a selon eux consisté qu'à "expédier" les fiches techniques réalisées par ses internes et à créer des "querelles de leadership" à l'origine du présent litige. 22. M. [U] et la société E-Diagmed Corporation rappellent en effet l'interdiction légale de breveter les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain, tandis que l'invention réside dans les systèmes et les modes de calcul décrits dans le fascicule des brevets, lesquels relèvent du domaine des calculs de probabilités. Ils ajoutent que l'application de ces calculs à des données médicales ne confère aucun caractère inventif aux fiches réalisées par deux des demandeurs. Ils rappellent à ce titre que l'invention a été classée dans la classification internationale des brevets (CIB) en catégorie G16 H10/60, ce qui correspond aux technologies de l'information et de la communication. Appréciation du tribunal 23. Aux termes de l'article L. 611-6 du code de la propriété intellectuelle, "Le droit au titre de propriété industrielle mentionné à l'article L. 611-1 appartient à l'inventeur ou à son ayant cause. Si plusieurs personnes ont réalisé l'invention indépendamment l'une de l'autre, le droit au titre de propriété industrielle appartient à celle qui justifie de la date de dépôt la plus ancienne. (...)" 24. L'article L. 611-8 de ce même code prévoit quant à lui que "Si un titre de propriété industrielle a été demandé soit pour une invention soustraite à l'inventeur ou à ses ayants cause, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne lésée peut revendiquer la propriété de la demande ou du titre délivré. (...)" 25. Il se déduit de cette dernière disposition, combinée à l'article 9 du code de procédure civile, qu'il appartient à MM. [L] [I] et [V] [S] d'établir qu'ils sont à l'origine de l'invention qui a fait l'objet des brevets tels que déposés, et que M. [B] [U] s'est approprié les éléments de l'invention lui ayant permis de procéder au dépôt en son nom, et ce, par des moyens illicites et déloyaux. 26. Il est rappelé que l'invention concerne une méthode de génération d'une liste de maladies calculée par ordinateur selon un modèle probabiliste dénommé "réseau bayesien", à partir de différentes données issues de fiches techniques contenant des informations médicales concernant chaque pathologie et, notamment, ses symptomes. 27. Il est constant que MM. [L] [I] et [V] [S] ont, au même titre que de nombreux autres contributeurs, activement participé à la rédaction des fiches techniques composant la base de données médicales qui permet à l'invention d'atteindre l'objectif revendiqué d'aide au diagnostic médical (pièces demandeurs no 10, 11, 12 et 13). Ces fiches ne sont toutefois ni identifiées ni produites par les demandeurs. En tout état de cause, ainsi que le rappellent à juste titre les défendeurs, les méthodes de diagnostics ne sont pas en elles-mêmes brevetables (article L. 611-16 du code de la propriété intellectuelle). 28. En l'occurrence, le tribunal observe que l'invention concerne l'utilisation d'un réseau bayesien aux fins d'assistance des praticiens au diagnostic médical par le calcul de probabilités conditionnelles, ici, un calcul de probabilités de différentes pathologies compatibles avec des symptômes, en fonction de ces différents symptômes. Il s'en déduit que, si ces fiches sont essentielles à la fiabilité du système, force est de constater qu'elles ne font pas en elles-mêmes partie de l'invention brevetée, qui elle repose sur l'architecture d'un réseau bayesien appliqué au domaine médical. 29. MM. [I] et [S] ne démontrent pas avoir été à l'origine du processus aboutissant à la solution technique proposée par les demandes de brevets, les fiches techniques consistant en outre dans la reprise d'informations médicales non brevetables, peu important dès lors l'éventuel travail de direction réalisé dans l'élaboration des fiches. Ils ne démontrent pas davantage leur participation à l'élaboration de la méthode de calcul informatique décrite dans les brevets, le tribunal observant que la pièce no14 ("je vous propose que vous définissiez ce que l'informatique peut résoudre") consiste dans un courriel adressé à M. [D], M. [S] auquel il est adressé en copie n'en étant à l'évidence pas le destinataire principal. M. [S] ne produit au demeurant pas sa réponse à ce courriel. 30. Il en résulte que MM. [S] et [I], qui ne caractérisent d'ailleurs pas quelle obligation, légale ou conventionnelle, les défendeurs auraient violée, ne peuvent qu'être déboutés de leurs demandent en revendication du brevet FR 3 083 913 et de la demande WO 2020/011988. La participation de M. [X] [D] Moyens des parties 31. Les demandeurs soutiennent que la mise au point du modèle de réseau bayésien a été réalisée par M. [D] entre l'année 2014 et juin 2015, soit avant son entrée en fonction au sein de la société E-Diagmed Corporation, le 12 janvier 2016. Il a donc selon eux participé à l'élaboration de l'invention en dehors de toute mission inventive et se trouve dès lors fondé à obtenir le transfert de la propriété des demandes de brevets en litige à son profit. 32. M. [U] et la société E-Diagmed Corporation soutiennent d'abord que la demande visant à faire juger que M. [D] est co-inventeur est sans objet puisque ce dernier apparaît tant sur la demande française que sur la demande internationale, sa qualité de co-inventeur n'étant pas contestée. Ils soutiennent en revanche que la demande de transfert de la propriété des demandes de brevets est infondée car la participation de M. [D] à l'invention est intervenue dans le cadre d'un contrat de travail, celui conclu avec la société Probayes pour la période antérieure à 2016 et celui conclu avec la société E-diagmed corporation pour la période postérieure. Appréciation du tribunal 33. Selon l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle, si l'inventeur est un salarié, le droit au titre de propriété industrielle, à défaut de stipulation contractuelle plus favorable au salarié, appartient à l'employeur s'agissant des inventions faites par le salarié dans l'exécution soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées. 34. En l'espèce, il n'est pas contesté que, salarié de la société E-Diagmed Corporation du 12 janvier 2016 à fin 2019, M. [X] [D] est co-inventeur de l'invention objet des brevets. 35. En outre, il résulte des pièces produites aux débats (pièce défendeurs no14) que M. [D], dans le cadre de ses contrats de travail, avait pour mission principale, le développement informatique et la construction des réseaux bayésiens nécessaires au fonctionnement du logiciel d'aide au diagnostic médical. Le tribunal ne peut que constater que l'invention telle que décrite dans les brevets correspond à la réalisation de ce travail, de sorte que l'invention relève de la mission inventive qui était assignée à M. [X] [D] dans le cadre des contrats de travail successifs l'ayant lié à la société E-Diagmed Corporation. 36. De la même manière, la pièce no11 produite par les demandeurs (dossier de l'intervention forcée), qui consiste dans le "repository" du logiciel dénommé ediagmed, fait état d'ajouts réalisés par M. [D] jusqu'en 2016 au moyen de son adresse "[Courriel 6]", et partant, en qualité de salarié de la société Probayes pour le compte de laquelle il a travaillé pendant sept ans (cf. La fiche Linkedin versée en pièce no6 par les demandeurs). M. [D] n'établit donc nullement sa contribution à l'invention autrement que comme salarié et ne peut donc qu'être débouté de sa demande aux fins de se voir reconnaître la qualité de propriétaire de l'invention objet des brevets en litige. 3o) Sur la cession des brevets Moyens des parties 37. MM. [I], [S] et [D] soutiennent que c'est en fraude de leurs droits que M. [U] a cédé à la société E-Diagmed Corporation ses droits portants sur les brevets FR 3 083 913 et WO 2020/011988. 38. M. [U] et la société E-Diagmed Corporation soutiennent que la cession ne peut être frauduleuse et qu'elle a au demeurant été demandée par M. [V] [S] lui-même, lors d'une assemblée générale de la société E-Diagmed Corporation en octobre 2019. Appréciation du tribunal 39. L'article L. 613-8, alinéa 4, du code de la propriété intellectuelle prévoit que "Sous réserve du cas prévu à l'article L. 611-8, une transmission des droits visés au premier alinéa ne porte pas atteinte aux droits acquis par des tiers avant la date de transmission". Il se déduit de ces dispositions que, dès lors qu'une action en revendication introduite par le véritable titulaire d'un titre est accueillie, la cession de ce titre, consentie par la personne qui n'en était pas titulaire, est nulle. 40. En l'espèce, l'action en revendication introduite pas MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] est rejetée, de sorte que la demande en nullité de la cession des brevets intervenue entre M. [U] et la société E-Diagmed est infondée. MM. [I], [S] et [D] en seront déboutés. 4o) Sur la demande reconventionnelle en procédure abusive Moyens des parties 41. M. [B] [U] et la société E-Diagmed Corporation soutiennent que les demandeurs ont engagé leur responsabilité en introduisant de façon abusive la présente action et en mettant la société E-Diagmed Corporation dans la cause. Ils exposent d'abord que les demandeurs avaient nécessairement conscience du caractère infondé de leur action, ces derniers n'ayant pu raisonnablement considérer que leurs contributions étaient susceptibles de constituer des inventions brevetables. 42. M. [U] et la société E-Diagmed Corporation exposent ensuite que l'action introduite par les demandeurs, sans mise en demeure préalable, leur a été préjudiciable en raison de son caractère dénigrant et de la perte de chance qu'elle a induit d'attirer des investisseurs. Ils ajoutent que les demandes ont été maintenues alors même que les demandes de brevets avaient été cédées à la société E-Diagmed Corporation, dont ils sont tous eux-mêmes actionnaires. Appréciation du tribunal 43. Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, "Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés". 44. En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. 45. Le droit d'agir en justice dégénère en abus constitutif d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant le défendeur à se défendre contre une action que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté. 46. Les demandeurs ont en l'occurrence fait le choix d'agir en justice sans aucune démarche amiable préalable, alors qu'aucune circonstance ne les en dispensait, et ce, en violation des dispositions de l'article 54 du code de procédure civile. L'engagement de l'action n'a pas davantage été précédé de l'envoi d'une mise en demeure, tandis que la procédure a été maintenue après que le défendeur a de lui-même fait droit à la partie justifiée des demandes (mention de M. [D] en qualité d'inventeur) et qu'il a fait inscrire la cession des brevets intervenue au profit de la société E-Diagmed dont tous les demandeurs sont associés. Le tribunal relève encore que les demandeurs ne pouvaient raisonnablement ignorer, pour les uns, que la rédaction des fiches techniques ne relevaient pas de l'invention (aucun des nombreux autres rédacteurs de ces fiches ne s'étant d'ailleurs joint à la présente action), et pour l'autre, qu'il n'était jamais intervenu qu'en qualité de salarié investi d'une mission inventive exclusive de la qualité de propriétaire d'un brevet. 47. Il en résulte que la présente procédure a été diligentée de manière fautive par les demandeurs, et que cette faute est à l'origine d'un préjudice, aussi bien moral pour M. [U], que matériel pour la société E-Diagmed, distinct de celui résultant de la nécessité de se défendre, et résultant ici de la perte de chance d'attirer de nouveaux investisseurs. MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] seront donc condamnés in solidum au paiement de la somme de 5.000 euros à M. [B] [U], et celle de 20.000 euros à la société E-Diagmed Corporation. 5o) Dispositions finales 48. Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] seront condamnés in solidum aux dépens, ainsi qu'à payer sous la même solidarité imparfaite à M. [B] [U] et à la société E-Diagmed Corporation la somme de 15.000 euros chacun par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 49. Aucune circonstance ne justifie ici d'écarter l'exécution provisoire de droit dont est assortie la présente décision. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement en premier ressort par jugement contradictoire mis à disposition au greffe, REJETTE la demande de MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] en revendication de la propriété du brevet français FR 3 083 913 et de la demande internationale PCT/EP2019/068848 publiée sous le numéro WO 2020/011988, REJETTE la demande de MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] aux fins d'annulation de la cession du brevet français FR 3 083 913 et de la demande internationale PCT/EP2019/068848 publiée sous le numéro WO 2020/011988, en date du 29 avril 2020, au profit de la société E-Diagmed Corporation, REJETTE toutes les demandes subséquentes de MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D], CONDAMNE in solidum MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] à payer à la société E-Diagmed Corporation la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêt en raison du caractère abusif de la présente procédure, CONDAMNE in solidum MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] à payer à M. [B] [U] la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, CONDAMNE in solidum MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] aux dépens, CONDAMNE in solidum MM. [L] [I], [V] [S] et [X] [D] à payer à MM. [B] [U] et à la société E-Diagmed Corporation, la somme de 15.000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, RAPPELLE que la présente décicion est de plein droit assortie de l'exécution provioire. Fait et jugé à Paris le 02 Août 2022. La Greffière La Présidente
CAPP/JURITEXT000046652049.xml
JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 17/14130 - No Portalis 352J-W-B7B-CLPZD No MINUTE : Assignation du : 06 Octobre 2017 rendu le 21 Juin 2022 DEMANDERESSE S.A. NOVASPARKS [Adresse 1] [Localité 3] représentée par Maître Catherine MUYL de la SELARL HAUSSMANN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS,vestiaire #P443 DÉFENDERESSE [Adresse 4] [Localité 2] représentée par Maître Benjamin MAY de la SELARL ARAMIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0186 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Arthur COURILLON-HAVY, juge Linda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière A l'audience du 16 mars 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE 1. La société Novasparks, créée en 2008, conçoit et commercialise des solutions logicielles de traitement de données de marchés financiers. Dans ce cadre, elle expose avoir développé une solution de traitement de flux de données financières dénommée "feed-handling", dont l'architecture est basée sur l'utilisation de circuits intégrés de type FGPA ("Field programmable Gate Array") et de mémoires de type Quadruple Data Rate (QDR), tous éléments qui permettent le traitement de très nombreuses données de marchés en un temps très court. 2. Ayant acquis la conviction que la société Enyx, créée le 17 avril 2011 par six de ses anciens salariés (dont M. [N] [L]), proposait une solution logicielle de traitement de données basse latence appliquée aux flux de données financières concurrente de la sienne, au moyen d'éléments lui appartenant, la société Novasparks a remis à un huissier, ce que ce dernier a constaté le 10 décembre 2012, son logiciel "Feed Handler" dans ses versions successives datées à l'aide de l'outil SVN, et sollicité, et obtenu, l'autorisation de faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon au siège parisien de la société Enyx. La saisie a été réalisée le 13 décembre 2012 et a été suivie de la signature d'un protocole d'accord transactionnel, le 9 janvier 2013, par lequel la société Enyx s'est notamment engagée à verser à la société Novasparks une indemnité transactionnelle d'un montant de 60.000 euros, ainsi qu'à "ne pas déposer de demandes de brevet portant sur une technologie qui était détenue par Novasparks (qu'elle l'ait conçue elle-même ou acquise d'un tiers) ou qui en découle de manière évidente" (article 2 § 2). 3. Le 1er octobre 2013, soit quelques mois après la signature de l'accord, la société Enyx a déposé les demandes de brevets suivantes, dont la publication est intervenue le 8 avril 2015, et mentionnant comme inventeur M. [N] [L] : - une demande de brevet européen no EP 2 858 323 ayant pour titre "Procédé et dispositif permettant de décoder des flux de données dans des plates-formes reconfigurables", - une demande de brevet européen no EP 2 858 024 ayant pour titre "Dispositif de gestion d'actif et procédé sur plate-forme matérielle", - une demande de brevet européen no EP2858025 ayant pour titre "Dispositif de gestion d'un carnet de commandes dans une plate-forme matérielle". 4. Estimant que ces inventions correspondaient à la technologie qu'elle avait développée avant le mois de mars 2011, la société Novasparks a, par acte d'huissier du 6 octobre 2017, fait assigner la société Enyx devant ce tribunal en revendication de la propriété de ces demandes de brevets et de leurs extensions internationales, la présente procédure entraînant la suspension de l'examen des demandes européennes. 5. Par ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 27 juillet 2021, la société Novasparks demande au tribunal, au visa des articles L. 611-8 du code de la propriété intellectuelle, et 549, 550 et 1240 du code civil, de : - DIRE que le droit aux demandes de brevets européens no 13306356.0 (publiée sous le no EP 2 858 024 A1), no 13306357.8 (publiée sous le no EP 2 858 323 A1) et no 13306358.6 (publiée sous le no EP 2 858 025 A1) déposés par Enyx appartient à la société NovaSparks; - DIRE que le droit aux demandes de brevets déposées par Enyx et des brevets éventuellement délivrés à Enyx issus des PCT WO 2015/049305, WO 2015/049304 et WO 2015/049306 appartiennent à la société NovaSparks ; -DIRE que Enyx doit enregistrer le jugement après de l'OEB et des autres offices/registres à compter de la signification du jugement sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ; - CONDAMNER la société Enyx à payer à la société NovaSparks la somme de 1,5 million d'euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices matériel et moral subis du fait du dépôt des demandes des brevets européens 13306356.0, 13306357.8 et 13306358.6 par la société Enyx ; - CONDAMNER la société Enyx à payer à la société NovaSparks l'ensemble des fruits résultaient de l'exploitation directe et indirecte par la société Enyx des inventions objets des demandes de brevets européens 13306356.0, 13306357.8 et 13306358.6 ; - NOMMER tel expert qu'il plaira au tribunal avec pour mission de déterminer le montant desdits fruits depuis le 13 septembre 2011 ; - CONDAMNER dès à présent la société Enyx à payer à la société NovaSparks la somme de 100.000 euros à titre de provision sur lesdits fruits ; - DÉBOUTER la société Enyx de toutes ses demandes, fins et conclusions ; - ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant toute voie de recours et sans constitution de garantie, - CONDAMNER la société Enyx à verser à la société NovaSparks la somme de 300.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à parfaire, - CONDAMNER la société Enyx aux entiers dépens et AUTORISER Maître Catherine Muyl à les recouvrer directement dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile. 6. Dans ses dernières conclusions no4 signifiées par la voie électronique le 28 septembre 2021, la société Enyx demande au tribunal quant à elle au tribunal de : A titre principal, - ÉCARTER les procès-verbaux de constat des 15, 20 et 26 novembre 2012, du 10 décembre 2012, du 2 octobre 2018 et des 5, 14 et 17 mai 2021, communiqués par la société NovaSparks en packs no 3, 4, 10, 11, 12, 23 et 45, comme étant nuls ou à tout le moins dépourvus de force probante ; - DÉCLARER nul le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 13 décembre 2012 ; - ORDONNER la restitution à la société Enyx de l'intégralité des éléments saisis à l'occasion de cette saisie-contrefaçon et détenus par la société NovaSparks, l'huissier instrumentaire, à savoir l'étude de la SELARL AY - Eric Albou & Carolle Yana et l'huissier de justice auquel les disques durs ont été remis suivant constat de mai 2021, à savoir la SCP Carole Duparc & Olivier Flament, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ; - INTERDIRE à la société NovaSparks de faire usage des éléments saisis dans le cadre d'une autre Procédure ; - DÉBOUTER la société NovaSparks de son action en revendication des inventions couvertes par les demandes de brevet européen no 2 858 323, no 2 858 024 et no 2 858 025, ainsi que de tous brevets éventuellement délivrés issus des demandes PCT no WO 2015/049305, WO 2015/049304 et WO 2015/049306 ; - DÉBOUTER la société NovaSparks de l'ensemble de ses autres demandes comme étant mal fondées ; En tout état de cause, - CONDAMNER la société NovaSparks à verser à la société Enyx la somme de 480.225 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER la société NovaSparks aux entiers dépens et dire qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ; - RESERVER au tribunal la liquidation des astreintes. 7. La clôture a été prononcée par une ordonnance du 29 octobre 2021 et l'affaire plaidée à l'audience du 16 mars 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur la présentation des demandes de brevets a - La demande de brevet européen no EP 2 858 323 8. Elle a pour titre "Procédé et dispositif permettant de décoder des flux de données dans des plates-formes reconfigurables". Cette demande de brevet enseigne un procédé et un dispositif de décodage de données de marchés, capables de traiter un nombre très élevé de données, dans le temps le plus court possible. Selon les paragraphes [0007] et [0008] de la description, "Actuellement, le décodage des flux de données d'entrée est effectué en logiciel ou en matériel, de manière purement séquentielle, sans aucune parallélisation. Les taux de données du marché ont augmenté de façon spectaculaire au cours des dernières années, approchant un pic de 1 million de messages par seconde. Comme les taux de données du marché continuent d'augmenter, les systèmes de traitement des données du marché à haute vitesse, à latence ultra-faible et fiables deviennent de plus en plus critiques pour le succès des institutions financières. En particulier, il existe actuellement un besoin de fournir des décodeurs haute performance capables de traiter des flux de données de marché allant jusqu'à 10 Gb/s pour alimenter le noyau de gestion des ordres avec des commandes normalisées qui ne dépendent pas du marché traité, tout en ayant la latence la plus faible possible." (Traduction de l'anglais, langue des dépôts : [0007] Currently, the decoding of input data streams is performed in software or in hardware, in a purely sequential way, without any parallelization. [0008] Market data rates have dramatically increased over the past few years, approaching a peak of 1 million messages per second. As market data rates continue to increase, high speed, ultra low latency, and reliable market data processing systems are becoming increasingly critical to the success of the financial institutions. In particular, there is currently a need to provide high-performance decoders capable of processing up to 10 Gb/s market data feeds to feed the order management core with normalized commands that do not depend on the market being processed, while still having the lowest latency possible."). L'objectif de la plus faible latence possible et partant, de la plus grande rapidité du procédé et du dispositif, est ainsi obtenu par un traitement parallèle des données, par opposition à un traitement séquentiel, dans lequel les opérations sont effectuées dans des "cycles d'horloge" successifs. 9. Le paragraphe [0042] de la description poursuit en indiquant qu' "Actuellement, le décodage des messages en binaire ou basés sur les protocoles FIX ou FAST est réalisé en logiciel ou en matériel, de manière purement séquentielle, sans aucune parallélisation." (Soit en langue anglaise : "[0042] Currently, the decoding of messages in binary or based on the FIX or FAST protocols is performed in software or in hardware, in a purely sequential way, without any parallelization."). Les paragraphes [0109] et [0110] précisent ensuite que "L'invention permet également de paralléliser le décodage de flux d'entrée fournis dans n'importe quel format de représentation de données en se basant sur l'approche de génération de code moteur 4 construit autour de l'automate fini 41, généré par le compilateur 3 à partir de fichiers de description 5 et instancié par le dispositif de décodage 10. Cela permet de répondre aux exigences de performance des marchés financiers, tout en étant facilement adaptable à de nouveaux formats de flux d'entrée. Pour chaque flux de données de marché à décoder, les décodeurs selon les modes de réalisation de l'invention soutiennent le décodage de données à 10Gb/s sans aucune contre-pression appliquée sur le réseau." (Traduction de l'anglais : [0109] The invention also allows parallelized decoding of input streams provided in any data representation format based on the code generation approach (engine 4 built around the Finite State Machine 41, generated by the compiler 3 from description files 5 and instantiated by the decoding device 10). [0110] This allows meeting the performance requirements of financial markets, while being easy to adapt to new input stream formats. For each market data feed to decode, the decoders according to the embodiments of the invention sustain 10Gb/s data decoding with no backpressure applied on the network."). 10. Les revendications 1, 2 et 3 de ce brevet sont ainsi libellées : 1. Dispositif de décodage (10), mis en oeuvre sur un circuit intégré, pour décoder un flux d'entrée de données de marché reçu dans un format de représentation de données donné, ledit dispositif de décodage comprenant un moteur (4) construit autour d'une machine à états finis (41), le moteur (4) étant généré à partir d'au moins un fichier de description (5) et configuré pour réaliser les étapes suivantes, dans un état courant de la machine à états finis : i) diviser le flux de données de marché d'entrée en un certain nombre de jetons et lire un ensemble de jetons, ii) accumuler ledit ensemble de jetons lus dans des éléments de stockage, iii) générer des commandes de sortie à partir des jetons accumulés dans lesdits éléments de stockage en fonction d'une condition liée aux jetons accumulés dans les éléments de stockage, et iv) sélectionner l'état suivant de l'automate fini en fonction d'une condition de déclenchement. (1. A decoding device (10), implemented on an integrated circuit, for decoding a market data input stream received in a given data representation format, said decoding device comprising an engine (4) built around a finite state machine (41), the engine (4) being generated from at least one description file (5) and configured to perform the following steps, in a current state of the finite state machine: i) dividing the input market data stream into a number of tokens and reading a set of tokens, ii) accumulating said set of read tokens in storage elements, iii) generating output commands from the tokens accumulated in said storage elements depending on a condition related to the tokens accumulated in the storage elements, and iv) selecting the next state of the Finite State Machine based on a triggering condition.) 2. Dispositif de décodage selon la revendication 1, dans lequel les étapes i, ii, iii et iv sont réalisées dans le même cycle d'horloge si la condition liée aux jetons accumulés dans les éléments de stockage est satisfaite. (2. The decoding device of claim 1, wherein steps i, ii, iii and iv are performed in the same clock cycle if the condition related to the tokens accumulated in the storage elements is satisfied.) 3. Dispositif de décodage selon la revendication 1, dans lequel les étapes i, ii sont réalisées dans le même cycle d'horloge, et si la condition liée aux jetons accumulés dans les éléments de stockage n'est pas satisfaite à l'étape iii, les étapes i à iv sont itérées pour les cycles d'horloge suivants jusqu'à la satisfaction de la condition liée aux jetons accumulés dans les registres internes. (3. The decoding device of claim 1, wherein steps i, ii are performed in the same clock cycle, and if the condition related to the tokens accumulated in the storage elements is not satisfied in step iii, steps i to iv are iterated for the next clock cycles until the satisfaction of the condition related to the tokens accumulated in the internal registers.) b - La demande de brevet européen no EP 2 858 024 11. Elle a pour titre "Dispositif de gestion d'actif et procédé sur plate-forme matérielle". Cette demande de brevet enseigne de la même manière un procédé et un dispositif de traitement amélioré de la gestion des commandes. Les paragraphes [0032] et [0035] divulguent ainsi que "Le dispositif de gestion des commandes 10 est construit autour d'un dispositif de traitement parallèle, tel qu'un FPGA, entouré de mémoires externes, et d'interfaces réseau. La description qui suit sera faite en référence à un dispositif de traitement parallèle de type FPGA (...) [0035] Le dispositif de gestion des commandes 10 selon l'invention est basé sur une approche de pipelining qui permet l'exécution de plusieurs messages en même temps. Le processus pipeliné est divisé en étapes de traitement plus petites, chaque partie traitant un message à la fois, de sorte que l'ensemble du dispositif de gestion des commandes 10 peut traiter plusieurs messages en même temps. Le dispositif de gestion des commandes 10 selon l'invention est notamment prévu pour répondre aux situations où certains des messages traités en parallèle se rapportent à une même commande. Avantageusement, bien que ces messages soient traités en même temps, le résultat est le même que s'ils avaient été traités séquentiellement." (soit en langue anglaise : "[0032] The order management device 10 is built around a parallel processing device, such as an FPGA, surrounded by external memories, and network interfaces. The following description will be made with reference to a parallel processing device of FPGA type (...) [0035] The order management device 10 according to the invention is based on a pipelining approach that allows for the execution of several messages at the same time. The pipelined process is divided in smaller processing steps, each part processing one message at a time, so that the whole order management device 10 can process several messages at the same time. The order management device 10 according to the invention is in particular provided to address the situations where some of the messages being processed in parallel refer to a same order. Advantageously, although these messages are treated at the same time, the result is the same as if they had been processed sequentially.") Il résulte de ce qui précède que la plus grande rapidité du dispositif et du procédé est atteinte par la parallèlisation (ou "pipelining") qui permet l'exécution de plusieurs messages en même temps. 12. Les revendications 1 et 2 sont ainsi libellées : 1. Procédé de gestion d'actifs pour gérer des actifs,ledit procédé étant mis en oeuvre sur un circuit intégré, dans lequel il utilise une mémoire de clés (102) pour stocker des clés, chaque clé étant associée à un identifiant d'actif respectif, et une mémoire de données (103) pour stocker des informations sur les actifs, ledit procédé comprenant : - la réception d'une commande d'entrée relative à un actif comprenant un identifiant d'actif et un ensemble d'informations d'actif associées audit actif, - le calcul d'un ensemble d'adresses vers ladite mémoire de clés (102) à partir dudit identifiant d'actif, ladite étape de calcul d'un ensemble d'adresses comprenant le calcul de hachages à partir dudit identifiant d'actif, - la recherche ou l'attribution d'une entrée dans ladite mémoire de clés (102) pour ledit actif sur la base dudit ensemble d'adresses, en fonction de la commande d'entrée, - calculer une adresse de données vers ladite mémoire de données (103) pour ledit actif à partir de l'adresse et de la position dans la mémoire de clés (102) à laquelle une entrée a été trouvée ou attribuée pour ledit actif, - lire des données dans la mémoire de données (103) à ladite adresse de données calculée, et - exécuter la commande d'entrée sur la base du mot de données lu dans la mémoire de données à ladite adresse de données. - réécrire le résultat dans les mémoires de clés (102) et de données(103) (Claim 1. An asset management method for managing assets,said method being implemented on an integrated circuit, wherein it uses a keys memory (102) for storing keys, each key being associated with a respective asset identifier, and a data memory (103) for storing asset information, said method comprising: - Receiving an input command related to an asset comprising an asset identifier and a set of asset information associated with said asset, - Computing a set of addresses to said Keys memory (102) from said asset identifier, said step of computing a set of addresses comprising calculating hashes from said asset identifier, - Finding or allocating an entry in said keys memory (102) for said asset, based on said set of addresses, depending on the input command, - computing a data address to said data memory (103) for said asset from the address and position in the keys memory (102) at which an entry has been found or allocated for said asset, - reading data in the data memory (103) at said computed data address, and - executing the input command based on the data word read in the data memory at said data address. - writing back the result to the keys (102) and data (103) memories.) 2. Procédé de la revendication 1, dans lequel il utilise une pluralité de puces de mémoire utilisées en parallèle, et ladite étape de calcul d'une adresse comprend le calcul d'un hachage différent pour chaque mémoire. (2. The method of claim 1, wherein it uses a plurality of memory chips used in parallel, and said step of computing an address comprises calculating a different hash for each memory.) c - La demande de brevet européen no EP2858025 13. Elle a pour titre "Dispositif de gestion d'un carnet de commandes dans une plate-forme matérielle". Selon le paragraphe [0001] de cette troisième demande de brevet, "L'invention concerne les systèmes de traitement de données en général, et plus particulièrement un procédé et un dispositif de gestion de carnets d'ordres dans une plateforme matérielle." ("The invention generally relates to data processing systems, and more particularly to a method and a devicefor managing order books in a hardware platform.") 14. La paragraphe [0064] précise que "Selon un autre aspect de l'invention, le c?ur de gestion de haut de carnet 2 peut être agencé pour exploiter pleinement le niveau de parallélisme offert par les FPGA et permet de traiter les commandes en un nombre de cycles d'horloge aussi réduit que possible. Plus précisément, des limites peuvent être comparées en parallèle, pendant le même cycle d'horloge, à la commande d'entrée. Le résultat de ces comparateurs est ensuite utilisé pour calculer un code de décision pour chaque limite. Enfin, les codes de décision résultants peuvent être utilisés pour mettre à jour le livre. Ainsi, l'ensemble du processus de mise à jour peut prendre seulement 3 cycles d'horloge, alors qu'un traitement séquentiel sur chaque limite prendrait autant de cycles d'horloge que de limites dans le haut du livre." ("According to another aspect of the invention, the top-of-book management core 2 may be arranged to fully exploit the level of parallelism offered by FPGAs and allows processing commands in as few clock cycles as possible. More specifically, limits may be compared in parallel, during the same clock cycle to the input command. The result of these comparators is then used to compute a decision code for each limit. Finally the resulting decision codes can be used to update the book. Accordingly, the whole updating process can take only 3 clock cycles, while a sequential processing on each limit would take as many clock cycles as limits in the top-of-book.") 15. La 10ème revendication est ainsi rédigée : 10 - Le dispositif de gestion du carnet d'ordres de l'une quelconque des revendications précédentes, dans lequel le premier noyau de gestion (2) comprend un noyau de traitement (24) configuré pour traiter chaque commande d'entrée (200) et la première structure de données associée en trois cycles d'horloge, en traitant les limites à l'intérieur de la première structure de données en parallèle et de manière pipelinée. (Soit en anglais : 10. The order book management device of any preceding claims, wherein the first management core (2) comprises a processing core (24) configured to process each input command (200) and the associated first data structure in three clock cycles, by processing the limits inside the first data structure in parallel and in a pipelined way.) 2o) Sur la détention antérieure de l'invention par la société Novasparks Moyens des parties 16. La société Novasparks soutient avoir mis au point sa solution de feed-handling entre 2008 et 2010, et avoir fait le choix de garder cette technologie secrète. Elle indique avoir pris soin de collecter différents documents et de faire procéder à plusieurs dépôts chez un huissier qui permettent aujourd'hui selon elle d'établir qu'elle détenait la technologie brevetée par la société défenderesse avant les dépôts. La société Novasparks rappelle à cet égard que le "repository", qui est l'outil qui permet l'agrégation des différents apports réalisés par ses programmeurs à son logiciel, et qui a été créé en l'occurrence en 2009, a fait l'objet d'un dépôt sous la forme de deux disques durs chez un huissier, dans sa version arrêtée au mois de mars 2011. Elle soutient qu'il est presque impossible de modifier a posteriori un repository, en particulier l'historique de l'avancement de la technologie de sorte que cette pièce a selon elle date certaine. La société Novasparks en déduit que les éléments extraits de son repository et remis à l'huissier démontrent, malgré la date de leur extraction, qu'elle disposait de la technologie brevetée au 28 février 2011. 17. La société Enyx conteste quant à elle la validité et le caractère probant des éléments rapportés par la société Novasparks visant à prouver qu'elle détenait la technologie brevetée avant le 28 février 2011. Elle soutient en particulier que la provenance des disques durs et plus précisément la date des éléments contenus dans ses disques durs est incertaine s'agissant d'éléments apportés à l'huissier par un préposé de la société demanderesse. Elle ajoute que les salariés de la société Novasparks disposent des connaissances suffisantes pour modifier les dates d'un répository sous SVN et qu'en tout état de cause il n'est pas possible de se satisfaire, pour conférer date certaine aux pièces de la demanderesse, de la mention qui figure sur le procès-verbal de constat de l'huissier selon lequel "il est remis à l'huissier deux disques durs externes identiques comprenant les codes source du logiciel Feed Handler de Novasparks dans ses versions successives datées à l'aide de l'outil SVN". La société Enyx soutient enfin que les autres pièces sont dénuées de pertinence pour apporter la preuve certaine de la détention par la société Novasparks, avant le 28 février 2011, de la technologie brevetée qui consiste ici dans le traitement parallèle des données de marchés (par opposition au système antérieur de traitement séquentiel). Appréciation du tribunal 18. L'article L.611-8 du code de la propriété intellectuelle prévoit que "Si un titre de propriété industrielle a été demandé soit pour une invention soustraite à l'inventeur ou à ses ayants cause, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne lésée peut revendiquer la propriété de la demande ou du titre délivré. (...)" Il se déduit de cette disposition, combinée avec l'article 9 du code de procédure civile, qu'il appartient à la société Novasparks d'établir qu'elle est à l'origine de l'invention qui a fait l'objet des brevets déposés, et que la société Enyx s'est approprié les éléments de l'invention lui ayant permis de procéder au dépôt en son nom, et ce, par des moyens illicites et déloyaux. Au cas particulier, la société Novasparks doit démontrer qu'elle possédait l'invention avant le départ de ses anciens salariés, c'est à dire avant le mois de mars 2011. 19. Force est à cet égard de constater que la seule pièce pertinente versée aux débats, est le code source que la société Novasparks oppose à la société Enyx, et contenu dans les deux disques durs externes remis à l'huissier le 20 décembre 2012 (pièce Novasparks no12). Les autres pièces sont dénuées de pertinence (sans qu'il soit nécessaire de les écarter par une disposition spéciale du dispositif comme le demande la société Enyx), la société Novasparks ne se fondant d'ailleurs pas sur ces pièces pour les comparer aux brevets. D'autres pièces encore, ne sauraient davantage fonder les demandes, s'agissant de pièces recueillies dans le cadre d'une saisie-contrefaçon n'ayant pas été suivie d'une action au fond dans le délai réglementaire (article L. 332-4 in fine du code de la propriété intellectuelle), cette nullité, invoquée par voie d'exception, étant imprescriptible. La restitution de ces pièces sera ordonnée. 20. En outre, comme le relève à juste titre la société Enyx, l'extraction du code source réalisée à partir du "repository" du logiciel "feedhandler" tel que développé par la société Novasparks "dans sa version au 28 février 2021", n'a pas été réalisée en présence de l'huissier, ni de l'expert mandaté pour comparer ce logiciel aux "brevets". La société Enyx démontre en outre que des modifications peuvent être aisément apportées aux éléments stockés à l'aide de cet outil, en particulier leur date (pièce Enyx no7.1). Aucun élément ne permet donc de conférer date certaine aux éléments analysés par l'expert [E], ce d'autant moins que ce dernier expose lui-même en page 5/38 de son rapport du 17 septembre 2020 (pièce Novasparks no36) que : "Mon approche a consisté à : (...) Calculer, à l'aide du logiciel MDS, une signature cryptographique mds5sum de chacun de ces fichiers pour permettre, au besoin, de vérifier ultérieurement que ces fichiers ont bien été extraits du repository de Novasparks en date du 28 février 2011 et mémorisés dans le disque dur déposé chez Maître Albou le 10 décembre 2012." ce dont il résulte que l'expert n'a pas vérifié lui-même la conformité des éléments remis à l'huissier à la version du logiciel stockée sur le repository à la date du 28 février 2011. Il en résulte que la société Novaspaks ne démontre pas qu'elle détenait l'invention avant le 28 février 2011. 21. A titre surabondant, il doit être observé que l'expertise du Dr [E] ne saurait être regardée comme démontrant que la société Novasparks détenait l'invention couverte par les trois demandes de brevets objets du présent litige avant même leur dépôt. Ainsi qu'il a été vu précédemment, l'invention protégée par les trois demandes de brevets concerne en effet un traitement parallèle des données (décodage des données de marchés, gestion des commandes, gestion du carnet d'ordres) aux fins d'amélioration de la vitesse, aux lieu et place d'un traitement séquentiel. A cet égard, les questions posées à l'expert [E], qui n'a pas eu accès aux demandes de brevets, et supposées démontrer l'identité des technologies contenues dans les disques durs et celles couvertes par les demandes de brevets, ne sont pas révélatrices de la technologie déposée. Chaque demande de brevet a en effet été divisée en questions dont le tribunal relève qu'aucune ne porte sur le traitement parallèle, ou dans le même cycle d'horloge, ou encore en "pipelining", des données de marchés, des commandes ou des carnets d'ordres. 22. Les demandes de la société Novasparks (revendication des demandes de brevets, condamnation au paiement de dommages-intérêts et expertise) ne peuvent donc qu'être toutes rejetées. 3o) Dispositions finales 23. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Novasparks sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Enyx la somme de 230.000 euros euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme tenant compte, notamment, de la durée anormalement longue de la présente procédure (près de cinq années) et du nombre de demandes de brevets concernées. 24. Nécessaire et compatible avec la nature de la présente affaire, l'exécution provisoire sera ordonnée. PAR CES MOTIFS, Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, Le tribunal, ORDONNE la restitution à la société Enyx de l'ensemble des éléments saisis par Maître Albou, huissier de justice à Paris le 13 décembre 2012 à la requête de la société Novasparks ; Dit n'y avoir lieu à fixation d'une astreinte ; Rejette toutes les demandes de la société Novasparks (revendication des demandes de brevets européens no 2 858 323, no 2 858 024 et no 2 858 025, condamnation de la société Enyx au paiement de dommages-intérêts et organisation d'une mesure d'expertise) ; Condamne la société Novasparks aux dépens et autorise Maîtres May et Jestaz du cabinet d'avocats Aramis à recouvrer directement ceux dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; Condamne la société Novasparks à payer à la société Enyx la somme de 230.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision. Fait et jugé à Paris le 21 juin 2022. La Greffière La Présidente
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JUDICIAIRE DE [Localité 4] 3ème chambre 3ème section No RG 21/13501 - No Portalis 352J-W-B7F-CVOQY No MINUTE : Assignation du : 02 Novembre 2021 rendu le 13 Septembre 2022 DEMANDERESSE Société CHAMPION PRODUCTS EUROPE LIMITED Suite 8, [Adresse 5] [Adresse 3]) représentée par Maître Pierre-Emmanuel MEYNARD du CABINET LAVOIX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1626 DÉFENDERESSE Société JINING RUIKE TRADING CO LTD [Adresse 6], [Adresse 1] (CHINE) défaillante COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Arthur COURILLON-HAVY, juge Linda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière A l'audience du 08 juin 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Réputée contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE 1. La société de droit irlandais Champion Products Europe Limited ( ci après"Champion"), commercialise des vêtements, chaussures et accessoires de sport. Elle est la titulaire des marques suivantes : - la marque semi-figurative française no1235249, déposée le 6 mai 1983 régulièrement renouvelée, qui désigne en particulier les « Vêtements, y compris les bottes, les souliers et les pantoufles » en classe 25, - la marque de l'Union européenne no000122531, déposée le 1er avril 1996, enregistrée le 16 juin 1998 et régulièrement renouvelée, qui désigne en particulier les «Vêtements, chaussures, chapellerie » en classe 25, - la marque de l'Union européenne no000122598, déposée le 1er avril 1996, enregistrée le 6 octobre 1998 et régulièrement renouvelée, qui désigne en particulier les «Vêtements, chaussures, chapellerie » en classe 25,- la marque de l'Union européenne no011298262, déposée le 26 octobre 2012 et enregistrée le 25 mars 2013, qui désigne en particulier les « Tissus et produits textiles non compris dans d'autres classes » en classe 24, - la marque de l'Union européenne no011298312 déposée le 26 octobre 2012 et enregistrée le 27 mars 2015, qui désigne en particulier les « Tissus et produits textiles non compris dans d'autres classes » en classe 24, 2. Le 5 octobre 2021, la Direction Régionale des Douanes de Roissy Fret a informé la société Champion que 2015 planches de 21 étiquettes thermocollantes chacune potentiellement contrefaisantes des marques CHAMPION avaient fait l'objet d'une retenue. Le 20 octobre 2021, la société Champion a sollicité la levée du secret afin de pouvoir introduire la présente action. En retour, les services des douanes lui ont transmis les informations suivantes, relatives aux marchandises objets de la retenue : "- Destinataire : TIENDA SUOFEIYA SRL, MANUELA DIEZ NO 168 VILLACONSULO DUARTE NO 180 MEJORAMIENTO SOCIAL SANTO DOMINGO RNC 1?32-10170-7 ; - Expéditeur : JINING RUIKE TRADING CO LTD, ROOM 207, YUNHE NO 1 OFFICE BUILDING, RE‘NCHENG DISTRICT, JINING CITY, SHANGDONG PROVINCE. - Détenteur des marchandises détenues : Société Air France Cargo-sise [Adresse 7] - Quantité des marchandises : quarante deux mille trois cent quinze (42 315) transferts semblant contrefaire la marque Champion (2015 planches de 21 thermocollants par planche) - Origine des marchandises : Chine - Provenance des marchandises : Chine - Destination des marchandises : République Dominicaine" 3. A réception de ces informations, la société Champion a exercé son droit d'inspection des produits litigieux et prélevé des échantillons des marchandises prétendues contrefaisantes pour examen. Et c'est dans ce contexte que, par acte d'huissier du 28 octobre 2021, la société Champion a fait assigner la société de droit chinois Jining Ruike Trading devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marques française et de l'Union européenne. 4. L'acte destiné à la société Jining Ruike Trading a, conformément à l'article 5 de la Convention signée à La Haye le 15 novembre 1965 relative à la signification et à la notification à l'étranger des actes judiciaires et extra-judiciaires en matière civile et commerciale, été adressé à l'entité requise chinoise (International Legal Cooperation Center, Ministry of justice, [Adresse 2]), laquelle n'a jamais, en dépit des relances lui ayant été adressées par l'huissier les 16 décembre 2021, 27 janvier 2022 et 1er mars 2022, justifié des diligences accomplies aux fins de remise de l'acte à son destinataire. Il y a néanmoins lieu de considérer cette société comme régulièrement citée en application des dispositions de l'article 688 du code de procédure civile, vu la date de la clôture, quoique la société Jining Ruike Trading n'ait pas constitué avocat. 5. Aux termes de son assignation, la société Champion Europe demande au tribunal, au visa des articles L. 713-3-2, L. 716-4-10, L. 716-4-11 et L. 717-2 du code de la propriété intellectuelle, 9 du Règlement (UE) 2017/1001 du Parlement Européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne et 700 du Code de procédure civile, de : - JUGER la société Champion Products Europe Limited recevable et bien fondée dans ses demandes ; - JUGER que la société Jining Ruike Trading Co Ltd a commis des actes de contrefaçon de la marque française no1235249 ; - JUGER que la société Jining Ruike Trading Co Ltd a commis des actes de contrefaçon des marques de l'Union européenne no011298262, no011298312, no000122531 et no000122598 ; En conséquence, - INTERDIRE à la société Jining Ruike Trading Co Ltd tout usage sous quelque forme, de quelque manière, et à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement par toute personne morale ou physique interposée, des signes, et ou de tout autre signe identique ou ne s'en distinguant pas de façon essentielle ; - ORDONNER la destruction, aux frais de la société Jining Ruike Trading Co Ltd , des 2015 planches d'étiquettes, se trouvant dans les locaux de la direction régionale des douanes et droits indirects de Roissy Fret, sous contrôle d'un huissier; - JUGER que le Tribunal se réservera la liquidation des astreintes ainsi prononcées en application de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution - ORDONNER à la société Jining Ruike Trading Co Ltd de communiquer à la société Champion Products Europe Limited : o le nom et l'adresse des producteurs, distributeurs, fournisseurs et tous autres détenteurs des produits couverts par des marques identiques ou ne se distinguant pas dans leurs éléments essentiels des marques invoquées, ainsi que des grossistes, détaillants et clients desdits produits, o la quantité exacte des produits vendus, fournis, reçus ou commandés couverts par des marques identiques ou ne se distinguant pas dans leurs éléments essentiels des marques invoquées, ainsi que les prix d'achat et de vente des produits incriminés, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la date de signification du jugement à intervenir ; - JUGER que le Tribunal se réservera la liquidation des astreintes ainsi prononcées en application de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution ; - CONDAMNER la société Jining Ruike Trading Co Ltd à verser à la société Champion Products Europe Ltd la somme de 2 115 750 € au titre du préjudice subi à raison des actes de contrefaçon ; - CONDAMNER la société Jining Ruike Trading Co Ltd à verser à la société Champion Products Europe Ltd la somme de 25 000 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile ; - ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir et sans constitution de garanties ; - CONDAMNER la société Jining Ruike Trading Co Ltd Jining Ruike Trading Co Ltd à payer l'ensemble des frais de justice, en ce compris les frais de constat d'huissier, qui seront recouvrés par Lavoix, en la personne de Maître Pierre-emmanuel Meynard, selon l'article 699 du code de procédure civile. 6. L'instruction a été clôturée par une ordonnance du 13 mai 2022 et l'affaire, plaidée à l'audience du 8 juin 2022, mise en délibéré au 13 septembre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 7. A titre liminaire, il est rappelé que selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée. 1o) Sur la contrefaçon 8. La société Champion soutient que les marchandises litigieuses correspondent en tout point à des marchandises dont l'introduction sur le territoire français doit être interdite en application de l'article L. 713-3-2 du code de la propriété intellectuelle et de l'article 9 du règlement 2017/1001. Le signe dont les marchandises sont revêtues est selon elle identique aux marques enregistrées de Champion, pour des produits couverts par la protection, puisque les étiquettes thermocollantes sont des produits de l'industrie textile utilisées pour marquer et orner les vêtements. Elle soutient par conséquent qu'elles appartiennent à la classe 24. Elle estime, par ailleurs, que l'usage dans la vie des affaires ressort de la nature commerciale de l'échange entre deux sociétés commerciales et du volume des étiquettes permettant de marquer près de 42 315 produits. 9. Selon l'article 9 "Droit conféré par la marque de l'Union européenne", paragraphe 4, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne, "Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité de la marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est en outre habilité à empêcher tout tiers d'introduire des produits, dans la vie des affaires, dans l'Union sans qu'ils y soient mis en libre pratique, lorsque ces produits, conditionnement inclus, proviennent de pays tiers et portent sans autorisation une marque qui est identique à la marque de l'Union européenne enregistrée pour ces produits ou qui ne peut être distinguée, dans ses aspects essentiels, de cette marque." 10. Le considérant (16) de ce texte enseigne que "les titulaires de marques de l'Union européenne devraient pouvoir empêcher l'entrée de produits de contrefaçon et leur placement dans toutes les situations douanières, y compris le transit, le transbordement, l'entreposage, les zones franches, le stockage temporaire, le perfectionnement actif ou l'admission temporaire, même lorsque de tels produits ne sont pas destinés à être mis sur le marché de l'Union. Lors de l'exécution des contrôles douaniers, il convient que les autorités douanières utilisent les pouvoirs et les procédures prévus dans le règlement (UE) no 608/2013 du Parlement européen et du Conseil (8), y compris à la demande des titulaires de droits. Il convient, en particulier, que les autorités douanières effectuent les contrôles appropriés sur la base de critères d'analyse de risque." 11. S'agissant des marques nationales, la directive 2015/2436 prévoit un mécanisme identique à son article 10, paragraphe 4, transposé en droit interne par l'article L. 713-3-2 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de l'ordonnance 2019-1169 du 13 novembre 2019. 12. Les articles 9 et 10, paragraphe 4, respectivement, du règlement et de la directive apportent toutefois, à leur deuxième alinéa, un tempérament que le droit interne a transcrit, en procédure interne, à l'article L. 716-4-4 du code de la propriété intellectuelle dans les termes suivants : "Est irrecevable toute action engagée conformément au règlement (UE) 608/2013 du 12 juin 2013 par le titulaire de la marque sur le fondement des dispositions de l'article L. 713-3-2 si, au cours de la procédure visant à déterminer s'il été porté atteinte à la marque enregistrée, le déclarant ou le détenteur des produits apporte la preuve que le titulaire de la marque enregistrée n'a pas le droit d'interdire la mise sur le marché des produits dans le pays de destination finale." 13. Enfin, les articles L. 716-4 et L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle qualifient de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque par la violation des interdictions prévues notamment aux articles 9 du règlement, et L. 713-3-2 du code de la propriété intellectuelle. 14. Il est établi que les étiquettes placées sous scellés par les douanes françaises provenaient de Chine et étaient destinées à un opérateur économique ayant son siège en République Dominicaine, et, entre ces deux pays, en transit sur le territoire de l'Union, en l'occurrence en France, où elles n'avaient pas vocation à être commercialisées. Toutefois, la société Champion Europe démontre que le groupe auquel elle appartient est titulaire de droits de marque "Champion" pour désigner des vêtements en République Dominicaine, tandis que la société défenderesse, défaillante n'offre pas de démontrer que les sociétés Champion n'ont pas le droit d'interdire la mise sur le marché des produits litigieux en République Dominicaine. 15. Les produits litigieux sont enfin des étiquettes thermocollantes qui reproduisent les aspects essentiels des marques et en particulier le C allongé, barré d'un trait épais en son centre, et la police très particulière utilisée pour le reste du signe, le tout selon un agencement reproduisant celui des marques. En outre, ces étiquettes sont, par nature, destinées à être apposées sur des vêtements couverts par les enregistrements sur lesquels sont fondées pour partie les demandes. 16. Il en résulte que, en faisant transiter sur le territoire français les planches d'étiquettes litigieuses, la société Jining Ruike Trading a commis des actes de contrefaçon des marques, française no1235249, et de l'Union européenne no000122531 et no000122598, appartenant à la société Champion et qui désignent les vêtements. 2o) Sur les mesures indemnitaires et réparatrices 17. La société Champion fait valoir que les 42 315 étiquettes avaient manifestement vocation à être apposées sur autant de produits. Aussi, en prenant en compte le prix moyen de ses produits de 50 euros HT, elle sollicite le paiement de (42 315 X 50=) 2.115.750 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice. 18. La société Champion demande également que soit prononcée l'interdiction pour la société Jining Ruike Trading de faire usage des marques invoquées et de tout signe similaire, la destruction des produits litigieux et la communication des informations permettant de remonter l'intégralité de la chaîne de distribution et d'identifier l'ensemble de ses acteurs ainsi que sur la quantité des produits vendus, reçus ou commandés couverts par des marques identiques ou similaires. 19. Selon l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, " Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon." 20. L'article L. 716-4-11 du même code ajoute qu'en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants, les matériaux ou instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. Ces mesures sont ordonnées aux frais du contrefacteur. 21. Il convient en l'occurrence de retenir en premier lieu l'important préjudice moral subi par la demanderesse, l'étendue de la contrefaçon mise en évidence ici apparaissant révélatrice d'une véritable organisation frauduleuse particulièrement difficile à déceler s'agissant d'étiquettes. Il convient de retenir ensuite le prix moyen des vêtements que la demanderesse commercialise et sur lesquels ces étiquettes avaient vocation à être apposées (sweat shirts et tee-shirts) calculé par elle, soit 50 euros, et d'appliquer à ce prix le taux habituel de marge du secteur des vêtements de sport de 25 %, multiplié par le nombre d'étiquettes saisies (42315), et enfin d'appliquer un taux de report de 25 %. Le préjudice subi par la demanderesse s'établit donc à la somme de 135.000 euros, cette somme incluant la réparation du préjudice moral. 22. Des mesures d'interdiction, de destruction et de communication seront ordonnées selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision et sans qu'il y ait lieu pour le tribunal de se réserver la liquidation des astreintes prononcées. 3o) Sur les mesures accessoires 23. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Jining Ruike Trading sera condamnée aux entiers dépens, ainsi qu'à payer à la société Champion la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. 24. Aucune circonstance ne justifie d'écarter l'exécution provisoire ici y compris en ce qui concerne la mesure de destruction ordonnée laquelle se réalisera aux risques de la demanderesse. PAR CES MOTIFS, Le tribunal, DIT qu'en faisant transiter des étiquettes reproduisant les marques de la société Champion Products Europe Limited sur le territoire européen, la société Jining Ruike Trading Co Ltd a commis des actes de contrefaçon ; CONDAMNE la société Jining Ruike Trading Co Ltd à payer à la société Champion Products Europe Limited la somme de 135.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon ; FAIT INTERDICTION à la société Jining Ruike Trading Co Ltd de faire usage sous quelque forme, de quelque manière, et à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement par toute personne morale ou physique interposée, dans leurs territoires respectifs, des signes en cause, pour des produits identiques ou similaires à ceux protégés par les marques française no1235249 et européennes no000122531, no000122598, dont la société Champion Products Europe Limited est titulaire ; ORDONNE la destruction, sous le contrôle d'un huissier de justice, des planches d'étiquettes thermocollantes se trouvant dans les locaux de la Direction Régionale des Douanes de Roisy Fret, aux frais de la société Jining Ruike Trading Co Ltd ; ORDONNE à la société Jining Ruike Trading Co Ltd de communiquer à la société Champion Products Europe Limited : le nom et l'adresse des producteurs, distributeurs, fournisseurs et tous autres détenteurs des produits couverts par des marques identiques ou ne se distinguant pas dans leurs éléments essentiels des marques invoquées, ainsi que des grossistes, détaillants et clients desdits produits, ainsi que la quantité exacte des produits vendus, fournis, reçus ou commandés couverts par des marques identiques ou ne se distinguant pas dans leurs éléments essentiels des marques invoquées, ainsi que les prix d'achat et de vente des produits incriminés,et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ; CONDAMNE la société Jining Ruike Trading Co Ltd à payer à la société Champion Products Europe Limited la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société Jining Ruike Trading Co Ltd aux entiers dépens, et autorise Maître Pierre-Emmanuel Meynard, à recouvrer directement ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit. Fait et jugé à [Localité 4] le 13 Septembre 2022. La Greffière La Présidente
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COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS Chambre sociale No RG 22/00255 - No Portalis DBWB-V-B7G-FVHE Monsieur [R] [K] [Adresse 2] [Localité 3] Représentant : Me Alain ANTOINE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION APPELANTMonsieur [D] [O] [I] [Adresse 1] Résidence [4] APT 19 [Localité 3] Représentant : Me Jean-Maurice NASSAR LI WOUNG KI de la SCP MOREAU -NASSAR - HAN-KWAN, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION ORDONNANCE SUR INCIDENT No DU 10 novembre 2022 Nous, Alain LACOUR, conseiller de la mise en état ; Assisté de Monique LEBRUN, greffier, lors de l'audience incident du 4 octobre 2022, Greffier du prononcé par mise à disposition au greffe : Nadia HANAFI FAITS ET PROCÉDURE xposé du litige : Vu le jugement rendu le 25 février 2022 par le conseil de prud'hommes de Saint-Denis-de-la-Réunion. M. [K] a interjeté appel de cette décision le 9 mars 2022. M. [I] a lié incident, dont il s'est désisté par conclusions notifiées le 29 septembre 2022. M. [K] a accepté ce désistement par conclusions notifiées le 30 septembre 2022. Attendu qu'il convient de constater le désistement par M. [I] de son incident et le dessaisissement du conseiller de la mise en état ; PAR CES MOTIFS : Le conseiller de la mise en état, Statuant publiquement, contradictoirement, Constate le désistement, par M. [I], de son incident et son dessaisissement ; Dit que les dépens de l'incident suivront le sort du principal. La présente ordonnance a été signée par Le conseiller de la mise en état et le greffier. Le greffier Nadia HANAFI Le conseiller de la mise en état Alain LACOUR
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No de minute : 150 COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 30 juillet 2020 Chambre civile Numéro R.G. : No RG 19/00021 - No Portalis DBWF-V-B7C-PS6 Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 novembre 2018 par la Commission d'indemnisation des victimes de dommages d'une infraction de NOUMEA (RG no : 16/3516) Saisine de la cour : 26 décembre 2018 Mme [Z] [N] née le [Date naissance 1] 1994 à [Localité 5] demeurant [Adresse 6] Elisant domicile au cabinet de Me Samuel BERNARD - [Adresse 3] Représentée par Me Samuel BERNARD de la SELARL D'AVOCAT SAMUEL BERNARD, avocat au barreau de NOUMEA FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS, pris en la personne de son représentant légal en exercice [Adresse 2] Représenté par Me Anne-laure VERKEYN de la SELARL CABINET D'AVOCATS BOISSERY-DI LUCCIO-VERKEYN, avocat au barreau de NOUMEA LE MINISTERE PUBLIC auquel le dossier a été communiqué et qui a conclu COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 22 juin 2020, en audience publique, devant la cour composée de : M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président, Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller, M. Charles TELLIER, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD. Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO - contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, - signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire. *************************************** RAPPEL DE LA PROCEDURE Par arrêt pénal du 9 décembre 2015, la cour d'assises de Nouvelle-Calédonie a notamment déclaré : - [S] [G] coupable d'avoir à [Localité 4] le 12 août 2012 commis des violences sur la personne de [B] [N], lesdites violences ayant entraîné, sans intention de la donner, la mort de [B] [N], avec cette circonstance que les faits ont été commis avec usage d'une arme, - [R] [G] coupable d'avoir à [Localité 4] le 12 août 2012, par aide ou assistance, facilité la préparation ou la consommation des coups mortels avec arme sur la personne de [B] [N], avec cette circonstance que les faits ont été commis avec usage d'une arme par [S] [G], et les ont condamnés aux peines prévues par la loi. Par arrêt civil du 9 décembre 2015, cette même juridiction a : - déclaré recevables les interventions de [I] [JZ], [E] [N], [Y] [N], [O] [JZ], [X] [N], [W] [N], [T] [N], [J] [N], [P] [N], [F] [N], [H] [N], [L] [N], [K] [N] veuve [JZ], [V] [G], [M] [N], [C] [N] et [A] [N], parties civiles, - rejeté le partage de responsabilité sollicité par les conseils de [S] [G] et [R] [G], - condamné solidairement [S] [G] et [R] [G] à verser, au titre de leur préjudice moral, les sommes suivantes : 200.000 FCFP à [I] [JZ] 200.000 FCFP à [E] [N] 800.000 FCFP à [Y] [N] 800.000 FCFP à [O] [JZ] 200.000 FCFP à [X] [N] 200.000 FCFP à [W] [N] 800.000 FCFP à [T] [N] 400.000 FCFP à [J] [N] 400.000 FCFP à [P] [N] 400.000 FCFP à [F] [N] 400.000 FCFP à [H] [N] 400.000 FCFP à [L] [N] 400.000 FCFP à [K] [N] veuve [JZ] 200.000 FCFP à [V] [G] 400.000 FCFP à [M] [N] 400.000 FCFP à [C] [N] 200.000 FCFP à [A] [N]. Par requête déposée le 1er décembre 2016, [Z] [N] a saisi la commission d'indemnisation des victimes d'infractions de Nouméa. Le Fonds de garantie s'est opposé à la demande d'indemnisation au motif que le défunt avait commis une faute de nature à exclure le droit à indemnisation de ses ayants droit en allant, la veille des coups mortels, dans un contexte de tensions anciennes, menacer de mort les membres du clan [G]. Par jugement du 15 novembre 2018, la commission d'indemnisation a : - déclaré recevable la demande d'indemnisation présentée par [Z] [N], - débouté [Z] [N] de sa demande d'indemnisation, - dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, - laissé les dépens à la charge de la direction générale des finances publiques. Les premiers juges ont retenu qu'il existait un lien de causalité entre les menaces de mort proférées la veille par le défunt et l'altercation au cours de laquelle [B] [N] avait été mortellement blessé. DECLARATION D'APPEL Selon requête déposée le 26 décembre 2018, [Z] [N] a interjeté appel de cette décision. Aux termes de son mémoire ampliatif d'appel déposé le 22 janvier 2019, [Z] [N] demande à la cour de : - infirmer le jugement déféré ; - lui allouer une somme de 800.000 F CFP au titre de son préjudice moral ; - à titre subsidiaire, opérer un partage de responsabilité à hauteur de 50 % qui sera appliqué aux demandes indemnitaires formulées par les ayants droit. A cet effet, il fait valoir en substance : - que le défunt n'a commis aucune faute de nature à expliquer ou à justifier les coups de feu portés par les condamnés ; - qu'en tout état de cause, la faute de la victime n'apparaît aucunement la cause exclusive du dommage, [B] [N] ayant été la victime d'une réaction injustifiée et au minimum disproportionnée de l'auteur des coups de feu. Selon conclusions déposées le 5 juin 2019, le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions rétorque : - qu'il existe un lien de causalité entre les menaces de mort proférées par le clan [N] et le dommage survenu le lendemain ; - que l'éventuelle disproportion entre le fait dommageable et la faute de la victime était indifférente ; - qu'en conséquence, le comportement de la victime constituait une faute de nature à exclure le droit à indemnisation de ses ayants droit. En conséquence, il demande à la cour de : - confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ; à titre subsidiaire, réduire par moitié le droit à indemnisation ; - condamner [Z] [N] à payer au fonds intimé la somme de 150.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - statuer ce que de droit sur les dépens. Dans des conclusions datées du 13 décembre 2019, le ministère public s'en rapporte à justice. La clôture de la procédure est intervenue le 18 mars 2020. SUR CE, LA COUR, Il résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale que la réparation du dommage causé par les faits présentant le caractère matériel d'une infraction peut être refusée ou son montant réduit en raison de la faute de la victime en relation de causalité directe et certaine avec le dommage. Il est incontestable que le préjudice d'affection allégué résulte de faits qui présentaient le caractère matériel d'une infraction. Selon les termes de l'ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises du 13 août 2014, l'information, et plus particulièrement une commission rogatoire exécutée par la section des recherches de la gendarmerie, a établi que le 11 août 2012, soit la veille de l'altercation entre les membres des clans [N] et [G] au cours de laquelle [B] [N] a perdu la vie, [B] [N], accompagné de membres de son clan, s'était présenté au domicile de [R] [G] et l'avait insulté et menacé de revenir le tuer et brûler sa maison. Cet incident s'était produit dans un contexte de vives tensions entre les deux clans, en lien avec la désignation du nouveau chef de la tribu de Coula (audition de [U] [D]). Le 12 août, huit membres du clan [G], sous l'impulsion de [R] [G] qui étaient porteurs de deux armes, se sont déplacés au domicile d'[H] [N], soeur du défunt, chez laquelle celui-ci était hébergé, pour s'expliquer avec [B] [N]. C'est lors d'un épisode ultérieur de cette équipée, alors que [B] [N] était venu, avec d'autres membres de sa famille, armé d'une tige de canne à sucre, à la rencontre du véhicule utilisé par [R] [G] et ses proches, que le coup de feu mortel a été tiré. En prenant l'initiative de se déplacer au domicile de [R] [G] pour le menacer de brûler sa maison et de le tuer et en alimentant un antagonisme ancien, [B] [N] a joué un rôle moteur dans le déclenchement des évènements qui ont conduit à l'altercation au cours de laquelle il a perdu la vie en ce que l'équipée menée le 12 août par [R] [G] était une réponse à ses menaces. [B] [N] a encore eu un rôle éminent dans le déclenchement et le déroulement de la dernière altercation. En effet, les membres du clan [G] quittaient le marché de [Localité 4] lorsqu'il est arrivé, en bloquant le passage du véhicule de ses rivaux, puis il s'est dirigé vers [U] [D] pour le frapper avec la canne à sucre. [U] [D] était à terre lorsque [S] [G] a tiré en direction de [B] [N]. Selon [S] [G], cette agression de son oncle l'avait mis hors de lui et il s'était alors emparé du fusil. Le drame a été le paroxysme d'une crise aiguë, qui continuera à se développer après le 12 août 2012 en prenant la forme de représailles à l'encontre du clan [G] et que [B] [N] avait délibérément envenimée. Il en résulte qu'il existe un lien de causalité direct et certain entre le comportement agressif adopté par [B] [N] les 11 et 12 août 2012 et le drame. La gravité de cette faute est telle que les mécanismes de la solidarité nationale ne sauraient être mobilisés en faveur de ses ayants droit. Il y a lieu à exclusion du droit à indemnisation de ses ayants droit, et non à une simple réduction. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la requête de [Z] [N]. PAR CES MOTIFS : Confirme la décision entreprise ; Déboute le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Vu l'article R 50-21 du code de procédure pénale, Condamne [Z] [N] aux dépens d'appel. Le greffier,Le président.
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No de minute : 141 COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 30 juillet 2020 Chambre civile Numéro R.G. : No RG 19/00034 - No Portalis DBWF-V-B7D-PUA Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 novembre 2018 par la Commission d'indemnisation des victimes de dommages d'une infraction de [Localité 4] (RG no : 16/3522) Saisine de la cour : 26 décembre 2018 Mme [F] [Y] VEUVE [FN] née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 3] Elisant domicile à la selarl d'avocat [V] [T] - [Adresse 5] Représentée par Me Samuel BERNARD de la SELARL D'AVOCAT SAMUEL BERNARD, avocat au barreau de NOUMEA FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS, pris en la personne de son représentant légal en exercice [Adresse 2] Représenté par Me Anne-Laure VERKEYN de la SELARL CABINET D'AVOCATS BOISSERY-DI LUCCIO-VERKEYN, avocat au barreau de NOUMEA LE MINISTERE PUBLIC auquel le dossier a été communiqué et qui a conclu COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 22 juin 2020, en audience publique, devant la cour composée de : M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président, Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller, M. Charles TELLIER, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD. Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO - contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, - signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire. *************************************** RAPPEL DE LA PROCEDURE Par arrêt pénal du 9 décembre 2015, la cour d'assises de Nouvelle-Calédonie a notamment déclaré : - [E] [L] coupable d'avoir à [Localité 3] le 12 août 2012 commis des violences sur la personne de [C] [Y], lesdites violences ayant entraîné, sans intention de la donner, la mort de [C] [Y], avec cette circonstance que les faits ont été commis avec usage d'une arme, - [M] [L] coupable d'avoir à [Localité 3] le 12 août 2012, par aide ou assistance, facilité la préparation ou la consommation des coups mortels avec arme sur la personne de [C] [Y], avec cette circonstance que les faits ont été commis avec usage d'une arme par [E] [L], et les ont condamnés aux peines prévues par la loi. Par arrêt civil du 9 décembre 2015, cette même juridiction a : - déclaré recevables les interventions de [J] [FN], [W] [Y], [H] [Y], [D] [FN], [N] [Y], [B] [Y], [Z] [Y], [U] [Y], [P] [Y], [KN] [Y], [R] [Y], [G] [Y], [F] [Y] veuve [FN], [I] [L], [O] [Y], [S] [Y] et [A] [Y], parties civiles, - rejeté le partage de responsabilité sollicité par les conseils de [E] [L] et [M] [L], - condamné solidairement [E] [L] et [M] [L] à verser, au titre de leur préjudice moral, les sommes suivantes : 200.000 FCFP à [J] [FN] 200.000 FCFP à [W] [Y] 800.000 FCFP à [H] [Y] 800.000 FCFP à [D] [FN] 200.000 FCFP à [N] [Y] 200.000 FCFP à [B] [Y] 800.000 FCFP à [Z] [Y] 400.000 FCFP à [U] [Y] 400.000 FCFP à [P] [Y] 400.000 FCFP à [KN] [Y] 400.000 FCFP à [R] [Y] 400.000 FCFP à [G] [Y] 400.000 FCFP à [F] [Y] veuve [FN] 200.000 FCFP à [I] [L] 400.000 FCFP à [O] [Y] 400.000 FCFP à [S] [Y] 200.000 FCFP à [A] [Y]. Par requête déposée le 1er décembre 2016, [F] [Y] veuve [FN] a saisi la commission d'indemnisation des victimes d'infractions de Nouméa. Le Fonds de garantie s'est opposé à la demande d'indemnisation au motif que le défunt avait commis une faute de nature à exclure le droit à indemnisation de ses ayants droit en allant, la veille des coups mortels, dans un contexte de tensions anciennes, menacer de mort les membres du clan [L]. Par jugement du 15 novembre 2018, la commission d'indemnisation a : - déclaré recevable la demande d'indemnisation présentée par [F] [Y] veuve [FN], - débouté [F] [Y] veuve [FN] de sa demande d'indemnisation, - dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, - laissé les dépens à la charge de la direction générale des finances publiques. Les premiers juges ont retenu qu'il existait un lien de causalité entre les menaces de mort proférées la veille par le défunt et l'altercation au cours de laquelle [C] [Y] avait été mortellement blessé. DECLARATION D'APPEL Selon requête déposée le 26 décembre 2018, [F] [Y] veuve [FN] a interjeté appel de cette décision. Aux termes de son mémoire ampliatif d'appel déposé le 22 janvier 2019, [F] [Y] veuve [FN] demande à la cour de : - infirmer le jugement déféré ; - lui allouer une somme de 400.000 F CFP au titre de son préjudice moral ; - à titre subsidiaire, opérer un partage de responsabilité à hauteur de 50 % qui sera appliqué aux demandes indemnitaires formulées par les ayants droit. A cet effet, il fait valoir en substance : - que le défunt n'a commis aucune faute de nature à expliquer ou à justifier les coups de feu portés par les condamnés ; - qu'en tout état de cause, la faute de la victime n'apparaît aucunement la cause exclusive du dommage, [C] [Y] ayant été la victime d'une réaction injustifiée et au minimum disproportionnée de l'auteur des coups de feu. Selon conclusions déposées le 5 juin 2019, le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions rétorque : - qu'il existe un lien de causalité entre les menaces de mort proférées par le clan [Y] et le dommage survenu le lendemain ; - que l'éventuelle disproportion entre le fait dommageable et la faute de la victime était indifférente ; - qu'en conséquence, le comportement de la victime constituait une faute de nature à exclure le droit à indemnisation de ses ayants droit. En conséquence, il demande à la cour de : - confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ; à titre subsidiaire, réduire par moitié le droit à indemnisation ; - condamner [F] [Y] veuve [FN] à payer au fonds intimé la somme de 150.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - statuer ce que de droit sur les dépens. Dans des conclusions datées du 13 décembre 2019, le ministère public s'en rapporte à justice. La clôture de la procédure est intervenue le 18 mars 2020. SUR CE, LA COUR, Il résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale que la réparation du dommage causé par les faits présentant le caractère matériel d'une infraction peut être refusée ou son montant réduit en raison de la faute de la victime en relation de causalité directe et certaine avec le dommage. Il est incontestable que le préjudice d'affection allégué résulte de faits qui présentaient le caractère matériel d'une infraction. Selon les termes de l'ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises du 13 août 2014, l'information, et plus particulièrement une commission rogatoire exécutée par la section des recherches de la gendarmerie, a établi que le 11 août 2012, soit la veille de l'altercation entre les membres des clans [Y] et [L] au cours de laquelle [C] [Y] a perdu la vie, [C] [Y], accompagné de membres de son clan, s'était présenté au domicile de [M] [L] et l'avait insulté et menacé de revenir le tuer et brûler sa maison. Cet incident s'était produit dans un contexte de vives tensions entre les deux clans, en lien avec la désignation du nouveau chef de la tribu de Coula (audition de [K] [X]). Le 12 août, huit membres du clan [L], sous l'impulsion de [M] [L] qui étaient porteurs de deux armes, se sont déplacés au domicile d'[R] [Y], soeur du défunt, chez laquelle celui-ci était hébergé, pour s'expliquer avec [C] [Y]. C'est lors d'un épisode ultérieur de cette équipée, alors que [C] [Y] était venu, avec d'autres membres de sa famille, armé d'une tige de canne à sucre, à la rencontre du véhicule utilisé par [M] [L] et ses proches, que le coup de feu mortel a été tiré. En prenant l'initiative de se déplacer au domicile de [M] [L] pour le menacer de brûler sa maison et de le tuer et en alimentant un antagonisme ancien, [C] [Y] a joué un rôle moteur dans le déclenchement des évènements qui ont conduit à l'altercation au cours de laquelle il a perdu la vie en ce que l'équipée menée le 12 août par [M] [L] était une réponse à ses menaces. [C] [Y] a encore eu un rôle éminent dans le déclenchement et le déroulement de la dernière altercation. En effet, les membres du clan [L] quittaient le marché de [Localité 3] lorsqu'il est arrivé, en bloquant le passage du véhicule de ses rivaux, puis il s'est dirigé vers [K] [X] pour le frapper avec la canne à sucre. [K] [X] était à terre lorsque [E] [L] a tiré en direction de [C] [Y]. Selon [E] [L], cette agression de son oncle l'avait mis hors de lui et il s'était alors emparé du fusil. Le drame a été le paroxysme d'une crise aiguë, qui continuera à se développer après le 12 août 2012 en prenant la forme de représailles à l'encontre du clan [L] et que [C] [Y] avait délibérément envenimée. Il en résulte qu'il existe un lien de causalité direct et certain entre le comportement agressif adopté par [C] [Y] les 11 et 12 août 2012 et le drame. La gravité de cette faute est telle que les mécanismes de la solidarité nationale ne sauraient être mobilisés en faveur de ses ayants droit. Il y a lieu à exclusion du droit à indemnisation de ses ayants droit, et non à une simple réduction. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la requête de [F] [Y] veuve [FN]. PAR CES MOTIFS : Confirme la décision entreprise ; Déboute le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne [F] [Y] veuve [FN] aux dépens d'appel. Le greffier,Le président.
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 21/04753 - No Portalis 352J-W-B7F-CUEIN No MINUTE : Assignation du : 01 Avril 2021 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 10 mai 2022 DEMANDERESSE AU PRINCIPAL DEFENDERESSE A L'INCIDENT S.A.S. FINALCAD [Adresse 3] [Localité 5] représentée par Maître Etienne DROUARD du PARTNERSHIPS HOGAN LOVELLS (PARIS) LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J011 DEFENDERESSE AU PRINCIPAL DEMANDERESSE A L'INCIDENT S.A.S. CLOUD CORPORATION, ayant pour nom commercial WIZZ CAD [Adresse 7] [Localité 8] représentée par Maître Grégoire DESROUSSEAUX de la SCP AUGUST & DEBOUZY ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0438 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe assistée de Lorine MILLE, greffière A l'audience du 17 mars 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 10 mai 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : La société Finalcad édite un logiciel "SaaS" (pour "software as a service") de suivi de chantier pour le bâtiment, proposant entre autres, la mise en relation des différents acteurs d'un chantier, ainsi que le suivi et le contrôle du bon accomplissement des travaux par le maître d'oeuvre, ce logiciel étant disponible sous la forme d'une application mobile. Elle expose que la représentation en trois dimensions des plans d'architectes, ainsi que leur utilisation interactive par les différents intervenants d'un chantier, constituent l'apport essentiel de son logiciel pour les professionnels du secteur. L'application est dotée d'un moteur de visualisation en 3D reposant sur le standard "BIM" (pour "Building Information Modeling"). Elle ajoute avoir débuté en 2015 ses travaux pour parvenir à l'intégration d'un moteur BIM au sein de son application et développer son code source dénommé "WuuuEngine". Elle a ainsi lancé en mars 2016 la version 2.0.0 de l' "application Finalcad" et le 21 mars 2017 la version 2.6.0, dotant le moteur BIM 3D de la fonctionnalité de formulaires interactifs permettant aux utilisateurs de modifier les maquettes 3D et d'y apporter des commentaires. C'est cette version de mars 2017, uniquement corrigée des "bugs", qu'elle a déposée auprès de l'Agence pour la Protection des Programmes (APP) le 31 juillet 2018. La société Cloud Corporation, exerçant sous le nom commercial Wizzcad, est la concurrente de la société Finalcad. Elle édite de la même manière un logiciel SaaS de suivi de chantier pour le bâtiment, sous la forme d'une application mobile nommée "Wizzcad S" intégrant l'outil BIM, dont le lancement a été annoncé en mars 2018. Se déclarant surprise du développement d'une telle application "en un temps record" par sa concurrente, un an seulement après la présentation de son propre logiciel, et après avoir découvert que deux de ses anciens salariés, qui avaient occupé des fonctions stratégiques au sein de l'entreprise et avaient eu accès au code source "WuuuEngine", avaient quitté l'entreprise pour être engagés par la société Wizzcad en août 2018, la société Finalcad a, par une requête du 8 février 2021, sollicité et obtenu l'autorisation de faire pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon consistant pour l'huissier à télécharger l'application "Wizzcad S" et, avec l'assistance d'un expert, à procéder à sa "description" en langage "Smali" aux fins de comparaison ultérieure avec le code source "WuuuEngine". Les opérations se sont déroulées le 4 mars 2021 et par acte d'huissier délivré le 1er avril 2021, la société Finalcad a fait assigner la société Wizzcad devant ce tribunal aux fins de mise en oeuvre d'une expertise et des mesures propres à mettre fin aux agissements selon elle contrefaisants de la société Wizzcad. Par des conclusions d'incident notifiées par la voie électronique le 4 octobre 2021, la société Wizzcad a soulevé une exception de procédure tirée de la nullité de l'assignation et sollicité le renvoi de l'affaire devant le tribunal statuant au fond afin qu'il se prononce sur la validité de la saisie-contrefaçon, qu'elle conteste avec force. Dans ses dernières conclusions d'incident notifiées électroniquement le 31 janvier 2022 et développées oralement à l'audience du 17 mars 2022, la société Wizzcad demande au juge de la mise en état de : - Lui Donner acte de ce qu'elle se désiste de sa demande d'annulation de l'assignation de FINALCAD pour indétermination de l'objet, - Fixer une audience préalable devant le tribunal pour entendre les parties sur la seule question de la demande de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon formée devant le tribunal, - Réserver l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, A titre subsidiaire, - Déclarer irrecevables les demandes de FINALCAD pour défaut de titularité, - Condamner la société FINALCAD à payer à la société WIZZCAD la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamner la société FINALCAD aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître DESROUSSEAUX en application de l'article 699 du code de procédure civile. A titre très subsidiaire, - Débouter FINALCAD de sa demande d'expertise judiciaire, - Condamner la société FINALCAD à payer à la société WIZZCAD la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamner la société FINALCAD aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître DESROUSSEAUX en application de l'article 699 du code de procédure civile. Dans ses conclusions d'incident notifiées le 15 novembre 2021 développées de la même manière à l'audience du 17 mars 2022, la société Finalcad demande quant à elle au juge de la mise en état de: - ORDONNER une expertise judiciaire ; - DESIGNER un expert spécialisé en informatique, tel que par exemple, M. [W] [K], Expert judiciaire près la Cour d'appel de Paris, demeurant [Adresse 4] (Tel. : [XXXXXXXX01], Port. : [XXXXXXXX02]) ; - DIRE que la mission de l'expert sera la suivante : 1. Se faire communiquer l'une des deux clés USB sur lesquelles ont été copiés le Logiciel Wizzcad S Téléchargé et le Logiciel Wizzcad S Traduit, placées sous séquestre par Maître [S] [X], Huissier de justice demeurant [Adresse 6], lors des opérations de saisie-contrefaçon du 4 mars 2021, et sur laquelle l'Huissier de justice aura préalablement levé le séquestre, en présence des avocats des parties; 2. Procéder au téléchargement de la version 2.6.0 de l'Application Android FinalCAD intégrant le logiciel WuuuEngine, datée du 24 avril 2017, avec les codes "administrateur" qui seront communiqués à titre confidentiel par le Conseil de la société FinalCAD, sur le site GOOGLE PLAY STORE et procéder à la traduction de la version téléchargée en langage SMALI (le "Logiciel WuuuEngine Traduit"), 3. Examiner et décrire, dans le détail et de manière compréhensible pour le Tribunal, d'une part, le Logiciel WuuuEngine Traduit de la société FinalCAD et, d'autre part, le Logiciel Wizzcad S Traduit édité par la société CLOUD CORPORATION ; ? Procéder à l'analyse comparative des versions traduites des Logiciels WuuuEngine Traduit et Wizzcad S Traduit, et identifier les éléments identiques ou similaires ; ? Rechercher et constater le cas échéant au sein du Logiciel Wizzcad S Traduit, la présence, l'ajout, la modification ou la suppression des mentions de paternité du Logiciel WuuuEngine Traduit, 4. Se faire remettre par FinalCAD une copie de la version "2.6.0" du Code Source WuuuEngine de l'Application Android FinalCAD, du 21 mars 2017, 5. Se faire remettre par l'APP une copie du Code Source WuuuEngine de l'Application Android FinalCAD déposée le 31 juillet 2018 par la société FinalCAD, 6. Procéder à l'analyse comparative de la version 2.6.0 du Code Source WuuuEngine de l'Application Android FinalCAD, du 21 mars 2017 et du Code source WuuuEngine de l'Application Android FinalCAD déposée le 31 juillet 2018, et constater que ces deux Codes Sources sont identiques, sauf différences liées à des mises à jour ou corrections de bug marginales, 7. Se faire remettre par la société CLOUD CORPORATION, une copie de la version du Code Source du logiciel Wizzcad S éditée en avril 2020 correspondant à la version au format .APK qui a fait l'objet de la saisie-contrefaçon du 4 mars 2021, ? Examiner et décrire, dans le détail et de manière compréhensible pour le Tribunal, d'une part, le Code source du logiciel WuuuEngine de la société FinalCAD et, d'autre part, le Code source du logiciel Wizzcad S édité par la société CLOUD CORPORATION, ? Procéder à l'analyse comparative des codes sources respectifs du logiciel WuuuEngine et logiciel Wizzcad S, et identifier les similitudes, ? Comparer les lignes du code source du logiciel WuuuEngine avec les lignes du code source du logiciel Wizzcad S, et préciser le taux d'identité entre ces lignes pour chacune des versions successives, ? Rechercher et constater le cas échéant au sein du logiciel Wizzcad S, la présence, l'ajout, la modification ou la suppression des mentions de paternité du logiciel WuuuEngine, - DIRE que pour procéder à sa mission, l'expert devra : ? Garantir la confidentialité et la non transmission des éléments relatifs au Moteur BIM 3D FinalCAD et au logiciel Wizzcad S, en ce compris les codes sources ; ? Convoquer et entendre les parties, assistées le cas échéant de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise; ? Se faire remettre toutes les pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission ; ? Se faire remettre et/ou rechercher tous éléments susceptibles de permettre de quantifier l'étendue de la contrefaçon, et notamment : o les prix de vente des logiciels et/ou des produits intégrant le logiciel argué de contrefaçon et les quantités vendues, o le nombre de logiciels et/ou de produits intégrant tout ou partie du logiciel argué de contrefaçon, o la période durant laquelle le logiciel argué de contrefaçon a fait l'objet de modifications ou d'une utilisation, notamment en examinant les historiques de versions, les journaux de compilation et de construction, et les versions exécutables. ? Au terme de ses opérations, remettre un pré-rapport aux parties et leur laisser l'opportunité de le commenter avant toute remise du rapport définitif au Greffe, dans le délai qu'il fixera. - FIXER la provision destinée à l'expert; - RESERVER l'article 700 et les dépens. MOTIFS DE LA DÉCISION Moyens des parties La société Wizzcad se désiste de sa demande aux fins d'annulation de l'assignation, la société Finalcad ayant régularisé dans ses dernières conclusions au fond les irrégularités dont son acte introductif d'instance était affecté. Elle maintient en revanche sa demande aux fins de renvoi de l'affaire au fond afin qu'il soit statué par le tribunal, éventuellement en juge rapporteur, sur la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon. Elle précise qu'il s'agit de l'unique preuve dont dispose la société Finalcad au soutien de sa demande d'expertise. Elle rappelle à cet égard qu'elle soulève dans ses conclusions au fond trois moyens de nullité de la saisie et, en premier lieu, que l'originalité du logiciel n'était pas décrite dans la requête présentée au juge et que cette irrégularité n'est pas régularisable, à la différence de l'assignation. Elle ajoute que la société Finalcad s'est livrée à une présentation déloyale des faits en vue d'obtenir la mesure et, en particulier, qu'elle a tu au juge des requêtes sa connaissance de ce que les travaux de conception del'application "Wizzcad S" avaient commencé bien avant 2017, ce qui ressort au demeurant de son assignation. La société Wizzcad soutient encore qu'il n'est pas crédible au vu de leurs profils Linkedin de penser que les salariés, que la société Finalcad soupçonne dans sa requête de lui avoir transmis son code source, aient pu réaliser une telle opération, ce que la société Finalcad sait selon elle parfaitement. La société Wizzcad fait enfin valoir que la "description en langage Smali" du logiciel sollicitée et obtenue sur requête par la société Finalcad consiste en réalité en une décompilation interdite par les articles L.122-6 et L.122-6-1 du code de la propriété intellectuelle, de sorte que la mesure n'était selon elle pas légalement admissible. La société Finalcad s'oppose pour sa part au renvoi de l'affaire devant le tribunal statuant au fond et maintient sa demande d'expertise afin de lui permettre de rapporter la preuve de la contrefaçon, s'étonnant du développement de tels moyens de procédure aux fins d'éviter le débat sur la contrefaçon. La société Finalcad maintient notamment qu'il n'est selon elle pas possible que la société Wizzcad soit parvenue à concevoir une application mettant en oeuvre BIM disponible sous Android aussi rapidement, tandis que les fonctions de ses anciens salariés n'excluent pas qu'ils aient eu accès au code source de l'application Finalcad et l'aient transmis à la société Wizzcad avant même d'entrer à son service. Appréciation du juge de la mise en état Aux termes des articles 145, 146 et 147 du code de procédure civile, "S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. Une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve. Le juge doit limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s'attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux." Les moyens de nullité de la saisie contrefaçon, lequels relèvent de la compétence du tribunal ( Cass. Civ. 1ère, 6 mai 2010, pourvoi no 08-15.897, Bull. 2010, I, no 104 ; Cass. Com., 17 mars 2015, pourvoi no 13-15.862), apparaissent en l'occurrence suffisamment sérieux pour renvoyer l'examen de l'affaire au tribunal qui statuera sur ce moyen de fond et la demande d'expertise. Les dépens seront réservés. PAR CES MOTIFS, Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, Le juge de la mise en état, Dit que l'affaire est renvoyée à l'audience de mise en état du : 2 juin 2022 à 14 heures pour fixation de la date de plaidoirie au fond sur la validité de la saisie contrefaçon et la demande d'expertise (avec ou sans clôture, les parties ayant également la faculté de déposer leurs dossiers) ; Réserve les dépens. Faite et rendue à Paris le 10 mai 2022. La Greffière Le Juge de la mise en état
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JUDICIAIRE No RG 22/51514 - No Portalis 352J-W-B7G-CVYIP Assignation du : 06 Janvier 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 07 novembre 2022 par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier. DEMANDERESSES Société SHARK ROBOTICS [Adresse 4] [Localité 2] représentée par Me Marguerite DE PRÉMOREL-HIGGONS, avocat au barreau de PARIS - #W0007 Société ELWEDYS [Adresse 4] [Localité 2] représentée par Me Marguerite DE PRÉMOREL-HIGGONS, avocat au barreau de PARIS - #W0007 DEFENDERESSE S.A.S. ANGATEC [Adresse 1] [Localité 3]/FRANCE représentée par Maître Charles-antoine JOLY de la SELAS DS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS - #T007 A l'audience du 03 octobre 2022, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier, Après avoir entendu les conseils des parties, EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société Shark Robotics se présente comme spécialisée dans la conception et la fabrication de robots terrestres destinés à assister l'homme au cours de différentes missions Elle exploite notamment les brevets dont est propriétaire la société Elwedys et en particulier les demandes de brevets suivants : - la demande de brevet français no FR 2 101 454 déposée le 16/02/2021 et ayant pour titre "Robot equipé d'un dispositif agencé pour recevoir des capteurs de grandeurs physiques et transmettre des informations relatives aux grandeurs physiques" publiée le 19/08/2022 (BOPI 2022-33), - la demande de brevet français no FR 2 111 102 déposée le 19/10/2021 et qui se veut une demande complémentaire de la précédente, ayant le même titre ("Robot equipé d'un dispositif agencé pour recevoir des capteurs de grandeurs physiques et transmettre des informations relatives aux grandeurs physiques") et la même date de publication au BOPI : 19/08/2022 (BOPI 2022-33), - la demande de brevet français no FR 2 108 020 déposée le 23 juillet 2021 intitulée "Dispositif de distribution d'oxygène sur un lieu d'intervention" laquelle n'a pas été publiée à ce jour. 2. La société Angatec se présente quant à elle comme spécialisée dans la conception de robots d'assistance opérationnelle et de lutte contre l'incendie. 3. Soupçonnant que des modules complémentaires du robot TEC 800 de la société Angatec reproduisait les revendications des demandes de brevets précitées, les sociétés Elwedys et Shark Robotics l'ont, par une lettre du 2 novembre 2021, mise en demeure de cesser d'offrir à la vente ces produits, ce à quoi la société Angatec opposait un refus qu'elles qualifient de "véhément". 4. C'est dans ce contexte que les sociétés Elwedys et Shark Robotics ont, par acte d'huissier du 6 janvier 2022, fait assigner la société Angatec devant le délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris aux fins qu'il ordonne, sous astreinte, à cette société, de cesser tout acte de fabrication, de promotion, de distribution ou de commercialisation de ses dispositifs Air Tank Support et Support for sensor devices, ou de tout autre produit ou dispositif contrefaisant les demandes de brevets FR2101454, FR2111102 et FR2108020, dès le prononcé de l'ordonnance à intervenir. 5. Après plusieurs renvois, l'affaire a finalement été appelée à l'audience du 3 octobre 2022, à laquelle les sociétés Elwedys et Shark Robotics demandent au juge des référés, à titre principal, de surseoir à statuer dans l'attente de la délivrance des brevets et, subsidiairement, d'ordonner, sous astreinte, à cette société, de cesser tout acte de fabrication, de promotion, de distribution ou de commercialisation de ses dispositifs Air Tank Support et Support for sensor devices, ou de tout autre produit ou dispositif contrefaisant les demandes de brevets FR2101454, FR2111102 et FR2108020, dès le prononcé de l'ordonnance à intervenir. Elles sollicitent également la condamnation de la société Angatec à leur payer la somme de 50.000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de leur préjudice, la "saisie" de tous les dispositifs contrefaisants et de tout document en lien avec l'exploitation de ces dispositifs. Les sociétés Elwedys et Shark Robotics sollicitent encore la condamnation de la société Angatec au paiement de la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 6. Elles soutiennent avoir régulièrement notifié les demandes de brevets, par notification entre avocats le 20 janvier 2022, puis par acte d'huissier le 29 juillet 2022, de sorte que la contrefaçon est selon elles a minima établie à compter de cette dernière date. 7. A l'audience du 3 octobre 2022, la société Angatec conclut à l'irrecevabilité des demandes, les demandes de brevets qui lui sont opposées ne lui ayant jamais été régulièrement notifiées. Subsidiairement, elle conclut au sursis à statuer ainsi qu'au rejet des demandes rappelant qu'elle n'a pu contrefaire un brevet dont elle n'avait pas connaissance, tandis que la prétendue contrefaçon n'est démontrée par aucun élément sérieux (ici des extraits de comptes Linkedin et Twitter). Elle sollicite également la condamnation des sociétés demanderesses à lui payer la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, ainsi que 17.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION 8. Selon l'article L. 611-1 du code de la propriété intellectuelle, "Toute invention peut faire l'objet d'un titre de propriété industrielle délivré par le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle qui confère à son titulaire ou à ses ayants cause un droit exclusif d'exploitation. La délivrance du titre donne lieu à la diffusion légale prévue à l'article L. 612-21." En outre, il résulte de l'article L. 613-1 de ce même code, que "Le droit exclusif d'exploitation mentionné à l'article L. 611-1 prend effet à compter du dépôt de la demande." Aux termes de l'article L. 615-4 "Par exception aux dispositions de l'article L. 613-1, les faits antérieurs à la date à laquelle la demande de brevet a été rendue publique en vertu de l'article L. 612-21 ou à celle de la notification à tout tiers d'une copie certifiée de cette demande ne sont pas considérés comme ayant porté atteinte aux droits attachés au brevet.(...) Le tribunal saisi d'une action en contrefaçon sur le fondement d'une demande de brevet surseoit à statuer jusqu'à la délivrance du brevet." 9. En outre, l'article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que "Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. (...) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. (...) Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable. (...)" 10. Cette dernière disposition réalise la transposition en droit interne de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, qui prévoit à son article 9 "Mesures provisoires et conservatoires" que : "1. Les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes puissent, à la demande du requérant: a) rendre à l'encontre du contrevenant supposé une ordonnance de référé visant à prévenir toute atteinte imminente à un droit de propriété intellectuelle, à interdire, à titre provisoire et sous réserve, le cas échéant, du paiement d'une astreinte lorsque la législation nationale le prévoit, que les atteintes présumées à ce droit se poursuivent, ou à subordonner leur poursuite à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation du titulaire du droit; (...) 3. Les autorités judiciaires sont habilitées, dans le cadre des mesures visées aux paragraphes 1 et 2, à exiger du requérant qu'il fournisse tout élément de preuve raisonnablement accessible afin d'acquérir avec une certitude suffisante la conviction qu'il est le titulaire du droit et qu'il est porté atteinte à son droit ou que cette atteinte est imminente. (...)" Ces dispositions de la directive sont précédées d'un "considérant" no22 selon lequel "Il est également indispensable de prévoir des mesures provisoires permettant de faire cesser immédiatement l'atteinte sans attendre une décision au fond, dans le respect des droits de la défense, en veillant à la proportionnalité des mesures provisoires en fonction des spécificités de chaque cas d'espèce, et en prévoyant les garanties nécessaires pour couvrir les frais et dommages occasionnés à la partie défenderesse par une demande injustifiée. Ces mesures sont notamment justifiées lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au titulaire d'un droit de propriété intellectuelle.La demande est recevable ici à compter du 29 juillet 2022 date de la notificaton de la copie certifiée des demandes de brevets en litige." 11. Il est en l'occurrence sollicité un sursis à statuer "à titre principal". 12. Il est à cet égard rappelé que l'article L.615-4 du code de la propriété intellectuelle, seul applicable ici, vise « le tribunal ». Ce terme est générique et ne crée en lui-même aucune dérogation aux pouvoirs respectifs des différentes formations du tribunal. 13. Or, ainsi qu'il a été rappelé, les pouvoirs du juge des référés en matière de contrefaçon ne sont conçus que pour faire cesser immédiatement une atteinte vraisemblable, en veillant au caractère proportionné des mesures qu'il ordonne à cette fin. 14. Le sursis à statuer, quant à lui, est une exception de procédure qui relève de la compétence, non pas du "tribunal", mais du juge de la mise en état, ce dont il se déduit que l'application du dernier alinéa de l'article L.615-4 du code de la propriété intellectuelle (qui plus est lorsqu'il est sollicité à titre principal par le demandeur lui-même) ne se conçoit que dans le cadre d'une action au fond. 15. En outre, les mesures sollicitées, désormais à titre subsidiaire, apparaissent disproportionnées, la date alléguée de découverte des faits qui est concomitante des dépôts rendant douteuse la vraisemblance de la contrefaçon, ainsi que le relève à juste titre la société défenderesse. Il est par ailleurs observé, à titre surabondant, que les rapports de recherche établis dans le cadre des deux demandes publiées concluent à l'absence d'activité inventive de l'ensemble des revendications des demandes de brevets FR'454 et FR'102. 16. Il ne peut donc qu'être dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes, aussi bien de sursis à statuer qu'aux fins de mesures d'interdiction. 17. La société Angatec, qui ne caractérise pas autre chose qu'une mauvaise appréciation de leurs droits par les sociétés Elwedys et Shark Robotics (personnes distinctes de leur dirigeant ayant frauduleusement selon elle déposé la marque "Angatec"), sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive. 18. En revanche, parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, les sociétés Elwedys et Shark Robotics supporteront les dépens et seront condamnées à payer à la société Angatec la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, Le juge des référés, Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes des sociétés Elwedys et Shark Robotics ; Rejette la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par la société Angatec ; Condamne les sociétés Elwedys et Shark Robotics aux dépens ; Condamne les sociétés Elwedys et Shark Robotics à payer à la société Angatec la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; Rappelle que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire. Fait à Paris le 07 novembre 2022. Le Greffier, Le Président, Flore MARIGNY Nathalie SABOTIER
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JUDICIAIRE 3ème chambre 2ème section No RG 21/03795 No Portalis 352J-W-B7F-CT7R4 No MINUTE : Assignation du : 25 Février 2021 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 25 Novembre 2022 DEMANDERESSES S.A.S. LES ECHOS [Adresse 1] [Localité 5] S.A.S. SOCIETE DU FIGARO [Adresse 2] [Localité 5] S.A.S. LE PARISIEN LIBERE [Adresse 1] [Localité 5] représentées par Maître Christophe CARON de l'AARPI Cabinet Christophe CARON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0500 DÉFENDERESSE S.A. DIGIMIND [Adresse 4] [Localité 3] représentée par Maître Jean-baptiste SOUFRON de la SELARL FELTESSE WARUSFEL PASQUIER & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #K0028 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier A l'audience du 04 Novembre 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 25 Novembre 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE 1. Les sociétés Les Echos, Société du figaro, et Le Parisien libéré reprochent à la société Digimind de rendre accessibles à ses propres clients des articles que celles-là éditent, en violation selon elles de leurs droits d'auteur, droit voisin d'éditeur de publications presse, et de producteur de base de données, et subsidiairement en commettant un parasitisme. 2. Après une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Digimind le 2 février 2021, elles l'ont assignée en contrefaçon le 25 février 2021. Une médiation judiciaire a eu lieu à partir d'octobre 2021, sans permettre de mettre fin au litige. 3. La défenderesse a ensuite formé une exception de nullité de l'assignation, qui a été écartée par ordonnance du 5 aout 2022. Elle a également formé des fins de non-recevoir, que le juge de la mise en état a renvoyées au tribunal, et demandé que des pièces soient écartées des débats, ce dont le juge de la mise en état a « dit n'y avoir lieu ». 4. Ayant fait appel de cette ordonnance, la société Digimind a formé le 13 octobre 2022 un nouvel incident afin qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel, pour une bonne administration de la justice. Les demanderesses au principal, dans des conclusions du 31 octobre 2022, s'en sont remises à la décision du juge de la mise en état, en indiquant que l'attitude de la défenderesse étaient dilatoire selon elles. Cet incident a été entendu à l'audience du 4 novembre 2022, et la décision mise en délibéré. 5. Aux termes de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable. 6. L'article 795 du code de procédure civile prévoit que les ordonnances du juge de la mise en état peuvent être immédiatement frappées d'appel, notamment, dans les cas et conditions prévus en matière d'expertise ou de sursis à statuer, ou lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure. 7. Il est constant que le litige dont le tribunal est saisi dépend de la validité de l'assignation. Toutefois, aucune disposition n'impose de surseoir à statuer lorsque la décision qui tranche cette question préalable dont dépend la solution du litige fait l'objet d'un recours (contrairement, par exemple, au cas de la décision statuant sur la compétence, où l'article 80 du code de procédure civile prévoit que l'instance est suspendue en cas d'appel). Comme l'indique la société Digimind, la décision de surseoir à statuer relève seulement dans un tel cas de la bonne administration de la justice. 8. Ainsi, pour déterminer s'il est opportun de suspendre l'instance, il faut apprécier les incidences du risque de contrariété de décisions, le risque de travail inutile imposé aux parties pour instruire une affaire en vain, et l'atteinte causée par le sursis demandé au droit de voir toute cause entendue dans un délai raisonnable. 9. La contrariété éventuelle de décisions entre, d'une part, le jugement du tribunal si l'instruction va à son terme, et d'autre part l'arrêt de la cour d'appel si elle infirme l'ordonnance sur la nullité de l'assignation, n'entrainera aucune conséquence irrémédiable, dès lors que le jugement du tribunal sera susceptible d'appel. Ainsi, soit la cour d'appel infirme l'ordonnance avant que le tribunal ait statué, et ainsi aucune contrariété de décision n'est possible, soit le tribunal statue avant la cour, et l'appel contre le jugement suffira à corriger, en tant que de besoin, toute contrariété éventuelle. 10. Ne reste alors que la charge imposée au défendeur pour le procès alors que, peut-être, la décision de la cour d'appel la lui aurait évitée. Toutefois, au cas présent, il ressort des termes de la demande que cette charge n'est pas exceptionnelle, et que, rapportée au délai déjà très important qui s'est écoulé depuis l'introduction de l'instance, même en tenant compte du temps de la médiation, elle ne suffit pas à justifier de retarder davantage le jugement. 11. Il n'est dès lors pas justifié de surseoir à statuer, et la demande en ce sens est rejetée. 12. En l'absence de demande des parties, il n'y a pas lieu de statuer sur les frais. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état : REJETTE la demande de sursis à statuer ; ENJOINT à la société Digimind de conclure sur le fond pour le 6 janvier 2023, à défaut de quoi l'instruction sera close, et renvoie l'examen de la mise en état de l'affaire au 12 janvier 2023. Faite et rendue à Paris le 25 Novembre 2022 Le Greffier Le Juge de la mise en état Quentin CURABET Arthur COURILLON-HAVY
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JUDICIAIRE 3ème chambre 2ème section No RG 21/05502 No Portalis 352J-W-B7F-CUHZ3 No MINUTE : Assignation du : 07 Avril 2021 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 25 Novembre 2022 DEMANDERESSE S.A.S. DRONE PROTECT SYSTEM [Adresse 1] [Localité 3] représentée par Maître Ron SOFFER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2110 DEFENDERESSE S.A.S. AZUR DRONES venant aux droits de la société SKEYETECH, suivant fusion-absorption du 25 juillet 2018 [Adresse 2] [Localité 4] représentée par Maître Julie BELLESORT de la SELAS KPMG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2515 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier A l'audience du 22 Septembre 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 04 Novembre 2022 puis le 25 Novembre 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE Naissance du litige et brevet invoqué 1. La société Drone protect system (ci-après « DPS »), qui se donne l'objectif de « proposer et de promouvoir des solutions de sécurité autonomes utilisant, notamment, des drones », a cherché à développer un procédé de vidéosurveillance utilisant un drone autonome pouvant se déplacer sans intervention humaine pour inspecter un lieu où la sécurité semble compromise (et procéder à une « levée de doute »). Elle a pour cela fait appel à une société capable de concevoir et produire les « éléments techniques nécessaires à la mise en oeuvre » de ce procédé. Un premier partenaire qui avait établi un cahier des charges en novembre 2015 ne l'ayant finalement pas satisfaite, elle a présenté son projet en janvier 2016 au « Cluster drones aquitain Aetos » fondé par le groupe Thalès et la région Aquitaine (que les parties nomment « le cluster Thalès »), par lequel elle a pu contacter en mars 2016 un nouveau partenaire, la société Skeyetech, aux droits de laquelle vient la société Azur drones. 2. Toutefois, la société DPS a estimé que les matériels commandés n'étaient pas opérationnels, et la société Skeyetech, se plaignant de violations répétées du contrat de distribution conclu entre elles, a résilié celui-ci par courrier du 30 octobre 2017. 3. Parallèlement, la société DPS a déposé le 9 juillet 2017 une demande de brevet français publiée sous le numéro FR 3 067 473, intitulée « procédé de vidéosurveillance utilisant au moins un drone autonome et dispositif pour sa mise en oeuvre ». Le brevet a été délivré le 28 juin 2019 ; c'est le brevet invoqué dans le présent procès en contrefaçon (ci-après « le brevet »). La société DPS a déposé une demande internationale désignant l'Europe sous priorité de ce brevet, mais a depuis retiré la France des territoires visés par la demande de brevet européen. Procédures 4. La société Azur drones a revendiqué ce brevet devant le présent tribunal, qui a rejeté sa demande par un jugement du 21 janvier 2021 dont elle a relevé appel. 5. Préalablement, la société DPS avait assigné la société Azur drones en responsabilité contractuelle devant le tribunal de commerce de Bordeaux, mais celui-ci a sursis à statuer dans l'attente de la décision sur la propriété du brevet. 6. Puis, cherchant à prouver la contrefaçon du brevet, la société DPS a obtenu le 26 février 2021 l'autorisation de pratiquer contre la société Azur drones une saisie-contrefaçon, mais cette autorisation a été rétractée par le tribunal, approuvé en cela par la cour d'appel pour déloyauté dans la présentation de la procédure (en substance, pour avoir présenté la requête au délégué du président du tribunal désigné pour assurer la permanence pendant une période de service allégé, sans faire état de la compétence du juge déjà saisi de la revendication de brevet, alors que celui-ci avait visé, lors d'un premier rejet de la requête pour un autre motif, l'article du code de procédure civile fondant sa compétence à ce titre, plutôt que l'article qui aurait fondé sa compétence en tant que délégué du président du tribunal). 7. Enfin, la société DPS a assigné la société Azur drones en contrefaçon du brevet, le 7 avril 2021. C'est la procédure donnant lieu au présent incident, lequel a été plaidé, après renvois demandés par l'une ou l'autre des parties, le 22 septembre 2022. Prétentions des parties pour l'incident 8. Dans ses dernières conclusions d'incident signifiées par voie électronique le 9 septembre 2022, la société Azur drones demande de ? déclarer nulle l'assignation, ou à défaut : ? surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel sur la revendication, et de l'issue de la procédure d'examen du brevet européen demandé sous priorité du brevet ; ? subsidiairement, ? rejeter des débats la pièce no33 de la société DPS issue de la saisie-contrefaçon, ? rejeter les demandes de celle-ci, ? et la condamner à lui payer 35 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens. 9. Dans ses dernières conclusions d'incident signifiées par voie électronique le 15 septembre 2022, la société Drone protect system résiste aux exceptions de nullité et de sursis à statuer et demande de ? interdire à la société Azur drones de commercialiser le « produit argüé de contrefaçon », chercher un financement ou un partenariat pour développer tout produit contrefaisant le brevet, sans avoir obtenu une licence, et ce en devant dénoncer la présente ordonnance à ses co-contractants pour suspendre l'exécution de ses obligations à leur égard ; ? subsidiairement, de la condamner à consigner 2 000 000 d'euros pour la condamnation à venir ? ordonner le renversement de la charge de la preuve et ainsi présumer que le système Skyetech a été obtenu en violation du brevet, ou subsidiairement fixer un calendrier pour trancher cette demande en tant qu'incident mais devant la formation de jugement ; ? ordonner sous astreinte à la société Azur drones de lui communiquer des documents techniques relatifs au « système Skeyetech » (manuel d'installation, plan de câblage complet, plan d'adressage réseau, manuel d'utilisation et d'entretien, une attestation démontrant le prix et le nombre de ces systèmes qu'elle a vendus, et plus généralement « les documents ou informations qui [lui] permettront d'établir l'étendue de son préjudice » ? la condamner à lui payer 35 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. 1) Validité de l'assignation Moyens des parties 10. Selon la société Azur drones, l'assignation est nulle, en premier lieu car n'y est mentionné qu'un avocat « plaidant » et aucun avocat « constitué », ce qui serait une irrégularité de fond, et non régularisable ; en deuxième lieu car elle contient les mentions obligatoires des assignations en référé au lieu de celles imposées aux assignations au fond, n'indique donc pas les modalités réelles de comparution, et annonce une « ordonnance » au lieu d'un « jugement », ce qui était « de nature » à la tromper et lui cause donc « nécessairement » un grief ; en troisième lieu, car elle ne contiendrait pas des moyens de fait et de droit, en ce qu'elle mentionnerait le brevet « de façon globale et confusante » en faisant référence au brevet français et à la demande internationale qui en est issue, sans identifier les revendications qui seraient reproduites et en quoi elles le seraient, sans décrire les caractéristiques essentielles de l'invention ni du produit litigieux, en se contenant, en définitive, d'invoquer des déclarations anciennes de la défenderesse. 11. La société DPS répond que malgré la mention « plaidant », son avocat s'est bien constitué dans l'assignation, et qu'en toute hypothèse il s'agit d'un vice de forme ; que les erreurs sur l'audience et la qualification de la décision recherchée n'ont causé aucun grief ; que pour déclarer nulle l'assignation, il faut que le défendeur ne puisse connaitre le périmètre de la contrefaçon alléguée, ni en quoi son produit est susceptible de reproduire les éléments protégés ; qu'en l'espèce, elle a exposé dans son assignation que le produit de la défenderesse reproduisait les 4 étapes de la revendication no1 ; qu'au demeurant la défenderesse connait le brevet, pour l'avoir revendiqué ; que l'assignation détaille sur 8 pages les ressemblances entre le produit litigieux et les caractéristiques de l'invention. Réponse du juge de la mise en état Constitution d'avocat 12. L'article 752 du code de procédure civile impose, à peine de nullité, que l'assignation contienne la constitution de l'avocat du demandeur 13. La première page de l'assignation délivrée par la société DPS mentionne que la demanderesse a « pour avocat plaidant » Me Ron Soffer. Que cet avocat soit « plaidant » n'indique pas en soi qu'il ne se constituerait pas. Il ressort donc à l'évidence de cette assignation que Me Soffer est constitué pour la demanderesse. Mentions obligatoires relatives à l'audience et au type de décision 14. L'article 114 du code de procédure civile prévoit, s'agissant des irrégularités de forme, que la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité. 15. Que des mentions erronées soient « de nature » à causer un grief ne suffit pas à retenir qu'elles le font « nécessairement ». Au cas présent, la défenderesse n'expose pas, au-delà de ces affirmations de principe, en quoi le fait qu'une audience soit annoncée à tort et qu'il soit indiqué qu'une « ordonnance » serait rendue si elle ne se constituait pas (au lieu d'un jugement) lui aurait porté préjudice, au-delà d'une hypothétique « désorganisation » de sa défense, qu'elle ne caractérise pas. Aucun grief n'est donc démontré. Moyens en fait et en droit 16. L'article 56 du code de procédure civile impose à l'assignation de contenir, à peine de nullité, un exposé des moyens en fait et en droit. Il en est souvent déduit, en matière de propriété intellectuelle, que l'assignation doit permettre au défendeur d'identifier le périmètre de la protection invoquée, ainsi que les faits qui lui sont reprochés, afin d'assurer sa défense. 17. Au cas présent, l'assignation identifie le brevet par son numéro d'enregistrement, ce qui suffit à identifier les droits invoqués, l'absence de mention expresse de certaines revendications indiquant par défaut que le brevet est invoqué dans son entier. Elle n'en cite certes pas la totalité des revendications, mais identifie celles qui sont, pour elle, essentielles, et communique en toute hypothèse la demande de brevet, qui contient les revendications. Elle identifie le produit de la défenderesse qui serait contrefaisant, et rien ne lui interdit de se prévaloir des propos de celle-ci pour caractériser la contrefaçon. Les critiques émises par la société Azur drones portent en réalité non sur l'absence de moyens en fait et en droit, mais sur leur capacité à fonder une condamnation, ce qui est l'objet du procès, et non une cause de nullité de l'assignation. 18. Par conséquent, l'exception de nullité, dont aucun des griefs n'est caractérisé, doit être écartée. 2) Sursis à statuer Moyens des parties 19. La société Azur drones fait valoir en substance que la titularité du brevet, qui est la condition du droit d'agir en contrefaçon, demeure contestée devant la cour d'appel ; et que la procédure d'examen devant l'OEB, dont elle avait certes demandé la suspension en raison de l'action en revendication, mais dont elle a désormais demandé la reprise, serait utile pour apprécier la présente action en contrefaçon même si la demande européenne ne désigne plus la France, car il s'agit des mêmes revendications. Au demeurant, selon elle, il n'est pas possible de renoncer à une désignation nationale avant la délivrance du brevet, et cette renonciation n'est pas encore publiée au bulletin officiel de l'Office, de sorte que l'article L. 614-15 du code de la propriété intellectuelle imposerait toujours un sursis. 20. La société DPS répond qu'elle est la titulaire inscrite du brevet et que cela l'autorise à agir même si une action en revendication est en cours ; que cette action a déjà été jugée infondée par le tribunal ; et qu'attendre jusqu'à une décision définitive permettrait à la défenderesse de continuer à violer ses droits. À l'égard de la procédure d'examen du brevet européen, elle fait valoir qu'elle a retiré la France de la liste des États désignés, de sorte que l'article L. 614-15 imposant un sursis ne trouverait plus à s'appliquer ; et aucun sursis ne serait opportun selon elle. Réponse du juge de la mise en état 21. Aux termes de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable. Attente de la décision définitive sur la revendication 22. S'il pouvait être opportun d'attendre le jugement de premier instance sur la revendication avant d'instruire et juger en première instance la contrefaçon du même brevet, attendre la décision de seconde instance, voire de cassation, éventuellement de renvoi après cassation, reviendrait à refuser de statuer dans un délai raisonnable. 23. Au contraire, le fait que le différend sur la titularité du brevet a déjà reçu une réponse judiciaire en première instance autorise à en tirer les conséquences en première instance dans les litiges dépendants. Le présent litige aurait au demeurant pu être joint avec l'instance en revendication si elle n'était pas aussi avancée lorsqu'il a été introduit, et l'ensemble aurait ainsi reçu une réponse simultanée. Dans l'un et l'autre cas, le droit d'appel de la partie perdante est également préservé. Attente de l'issue de la procédure devant l'Office européen des brevets 24. L'article L 614-15 prévoit que le tribunal saisi d'une action en contrefaçon d'un brevet français qui couvre la même invention qu'un brevet européen demandé par le même inventeur ou délivré à celui-ci ou à son ayant cause avec la même date de priorité sursoit à statuer jusqu'à la date à laquelle le brevet français cesse de produire ses effets aux termes de l'article L. 614-13 ou jusqu'à la date à laquelle la demande de brevet européen est rejetée, retirée ou réputée retirée, ou le brevet européen révoqué. 25. Il est constant que la demande de brevet européen a été retirée en ce qui concerne la France, et ne demeure que pour d'autres États ; cette renonciation a été inscrite au registre européen le 26 aout 2022 (puis publiée au bulletin européen des brevets no39 2022 du 28 septembre 2022, page 786). L'article L. 614-15 ne s'applique donc pas ici. 26. Et le brevet français donne lieu dans la présente procédure à un contentieux déjà avancé, qui soulève des enjeux financiers importants pour les parties ; il ne serait donc pas légitime d'en retarder davantage l'issue dans l'espoir que l'Office européen procède à l'analyse à la place du tribunal. 27. Enfin, même cumulées, les deux circonstances de l'existence d'une instance d'appel sur la revendication et de l'examen en cours devant un office administratif d'un brevet identique ne suffisent pas à justifier de retarder pour une durée indéterminée, mais assurément longue, le jugement de la demande en contrefaçon. 28. Par conséquent, l'exception de sursis à statuer est écartée. 3) Inversion de la charge de la preuve (article L. 615-5-1) Moyens des parties 29. La société DPS estime que le juge de la mise en état est compétent, au titre des mesures d'instructions, pour ordonner au défendeur de prouver que son produit n'est pas obtenu par le procédé breveté, en application de l'article L. 615-5-1 du code de la propriété intellectuelle ; et que les conditions de cet article sont réunies, dès lors, notamment, que le brevet protège un procédé et le dispositif mettant en oeuvre ce procédé, c'est-à-dire le produit destiné à le mettre en oeuvre. 30. La société Azur drones soutient que cette disposition, qui suppose de trancher plusieurs questions de fond, ne relève pas des pouvoirs du juge de la mise en état ; qu'en toute hypothèse, elle n'est pas applicable au cas présent, notamment car le procédé objet du brevet ne permet l'obtention d'aucun produit, et qu'au contraire, c'est le produit qui met en oeuvre le procédé. Réponse du juge de la mise en état 31. En vertu de l'article 780 du code de procédure civile, le juge de la mise en état, qui est un magistrat de la chambre saisie de l'affaire, contrôle l'instruction de celle-ci ; il peut adresser des injonctions aux parties. L'article 782 lui permet de demander aux parties de fournir les explications de fait nécessaires à la solution du litige, et l'article 788 lui confie tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l'obtention et à la production des pièces. 32. L'article L. 615-5-1 du code de la propriété intellectuelle organise un mécanisme d'inversion de la charge de la preuve dans les termes suivants : « Si le brevet a pour objet un procédé d'obtention d'un produit, le tribunal pourra ordonner au défendeur de prouver que le procédé utilisé pour obtenir un produit identique est différent du procédé breveté. Faute pour le défendeur d'apporter cette preuve, tout produit identique fabriqué sans le consentement du titulaire du brevet sera présumé avoir été obtenu par le procédé breveté dans les deux cas suivants : a) Le produit obtenu par le procédé breveté est nouveau ; b) La probabilité est grande que le produit identique a été obtenu par le procédé breveté, alors que le titulaire du brevet n'a pas pu, en dépit d'efforts raisonnables, déterminer quel procédé a été en fait utilisé. Dans la production de la preuve contraire, sont pris en considération les intérêts légitimes du défendeur pour la protection de ses secrets des affaires. » 33. Il procède ainsi en deux étapes, d'abord l'ordre fait au défendeur de prouver que son produit est obtenu par un autre procédé que celui du brevet, ensuite une présomption défavorable au défendeur, mais à deux conditions alternatives tenant à la nouveauté du produit obtenu par le procédé breveté, ou la grande probabilité que le produit identique est obtenu par ledit procédé. 34. Cette dissociation des deux étapes est cohérente avec la nécessité d'annoncer préalablement au défendeur qu'il court le risque de cette présomption défavorable afin de lui permettre de produire une preuve qui incombe en principe au demandeur : un tribunal qui dans une même décision ordonnerait au défendeur de prouver la différence de procédé tout en constatant que cette preuve n'est pas apportée empêcherait en pratique ce défendeur de déférer à l'ordre qu'on lui fait et viderait de sa substance la première phrase de l'article L. 615-5-1. Plus généralement, par une inversion non annoncée d'une règle établie de charge de la preuve, il violerait le principe de la contradiction. 35. Cette dissociation temporelle sert également l'intérêt du demandeur, qui cherche à s'éviter la recherche excessivement complexe et couteuse de l'identité du procédé ; ce qui l'amène à rechercher l'assurance le plus tôt possible dans l'instruction qu'il sera déchargé de cette preuve et que le risque probatoire reposera in fine sur le défendeur. 36. La question posée par les parties est alors de savoir si le juge de la mise en état, qui est procéduralement le seul à même d'apporter la réponse anticipée que chacun peut souhaiter, en a le pouvoir. 37. À cet égard, la formulation employée par l'article L. 615-5-1, qui vise « le tribunal », est générique, et ne permet pas d'y voir une dérogation aux pouvoirs respectifs des différentes formations du tribunal : ce terme n'apporte pas de réponse en lui-même, et il faut se référer aux prérogatives du juge de la mise en état telles qu'elles sont prévues par ailleurs. 38. Or le juge de la mise en état n'a pas le pouvoir de trancher le principal, et s'il peut statuer sur certains moyens, il s'agit seulement de ceux qui sont énumérés par l'article 789, à savoir les exceptions et les fins de non-recevoir. L'appréciation des preuves soutenant les prétentions au principal n'en fait évidemment pas partie. 39. En revanche, le juge de la mise en état peut ordonner la communication de pièces et inviter les parties à former des explications de fait. Il peut alors, en constatant que le brevet porte sur un procédé d'obtention d'un produit, et en appréciant tant la difficulté probatoire du demandeur, que la nécessité de protéger le secret des affaires du défendeur, ordonner la communication, par celui-ci, de la preuve de la différence de procédé. Ce faisant, sans s'avancer sur la décision du tribunal, il apporte au défendeur l'utilité de la première étape prévue par l'article L. 615-5-1, qui est de lui annoncer le risque d'une inversion de la charge de la preuve et ainsi le mettre en mesure d'apporter une preuve qui, en principe, ne lui incombe pas. 40. Et si, à l'égard du demandeur, le juge de la mise en état n'a pas le pouvoir de l'assurer qu'il sera déchargé du risque probatoire, cette communication forcée de pièce est le meilleur moyen d'atteindre l'équilibre des intérêts en présence, à savoir le droit à la preuve, l'économie (ou proportionnalité) procédurale, la célérité du procès, le principe de la contradiction, et la préservation du secret des affaires (sur le rappel de l'existence d'un droit à la preuve, voir par exemple Cass. 2e Civ., 10 juin 2021, no20-11.987, point 11). 41. Il faut donc interpréter l'article 782 du code de procédure civile, lu à la lumière de l'objectif de l'article L. 615-5-1 du code de la propriété intellectuelle, comme permettant au juge de la mise en état, en fonction du degré de difficulté probatoire du demandeur dans le cas d'un brevet protégeant un procédé d'obtention d'un produit, et de la gravité de l'atteinte portée au secret des affaires du défendeur, d'ordonner à celui-ci d'apporter la preuve que le procédé utilisé pour obtenir un produit identique est différent du procédé breveté. Application au cas présent 42. La demande de « renversement de la charge de la preuve » formée par la société DPS est irrecevable, pour défaut de pouvoir, dans la mesure où elle cherche à faire trancher l'appréciation des preuves par le juge de la mise en état ; en revanche, dans la mesure où elle peut être analysée comme visant en réalité à ordonner au défendeur de prouver que son produit n'est pas obtenu selon le procédé breveté, elle relève du pouvoir du juge de la mise en état, comme il vient d'être démontré. 43. Toutefois, comme le soulève la société Azur drones, le procédé objet du brevet n'est pas un procédé d'obtention d'un produit, mais un procédé de vidéosurveillance, qui n'entre dans la fabrication d'aucun produit, et est seulement mis en oeuvre par un produit, ce qui est différent. Ainsi, la demande, même analysée comme portant seulement sur un ordre de preuve, est manifestement infondée et doit par conséquent être rejetée. 4) Interdiction provisoire, consignation, droit d'information Moyens des parties 44. La société DPS fait valoir que la loi no2007-1544 a supprimé la condition tenant au caractère sérieux de la demande, et que désormais, l'article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle exige seulement, pour prendre une interdiction provisoire, l'existence d'un titre et le caractère vraisemblable de l'atteinte portée au droit qu'il confère ; que plusieurs cours d'appel ont ainsi jugé, entre 2008 et 2012, que seule la nullité manifeste du titre empêche de faire droit à une telle demande d'interdiction ; que telle était au demeurant la volonté du législateur, exprimée selon elle par le rapporteur du projet de loi. 45. Dans ce cadre, elle expose que comme l'a retenu l'Inpi, la caractéristique essentielle de son invention est que le plan de vol du drone chargé d'aller « lever le doute » (c'est-à-dire filmer la zone où un capteur a été déclenché) est déterminé dans la station d'accueil du drone, et non à distance dans la « centrale ». 46. Elle soutient alors, d'une part, qu'elle est titulaire du brevet comme l'a jugé ce tribunal et qu'il est vain de la part de la défenderesse de chercher à le contester ; et qu'au regard des preuves limitées qui lui sont accessibles, il est très vraisemblable que le produit Skeyetech met en oeuvre le brevet, la société Azur drones l'ayant même admis, selon elle. 47. Elle soutient, d'autre part, que même à supposer que le caractère sérieux de la contestation soulevée par le défendeur soit un facteur pertinent, ici les moyens soulevés par la société Azur drones tenant à la revendication, à la possession personnelle antérieure et à la nullité du brevet ne sont pas sérieux. 48. En particulier, sur la validité du brevet, outre qu'elle estime la contestation opportuniste et donc non crédible, elle expose en premier lieu qu'il n'y a eu aucune divulgation ; qu'en effet, si elle a communiqué en janvier 2016 les caractéristiques de son invention à M. [N], responsable du Cluster Thalès, il s'agit selon elle d'une communication tacitement confidentielle, M. [N] étant de par sa fonction nécessairement astreint à la confidentialité, outre que contrairement à ce que soutient la défenderesse, il ne serait pas ingénieur et ne saurait s'assimiler au « public ». 49. En second lieu, elle affirme que l'invention est nouvelle et inventive, notamment en ce que la caractéristique essentielle tenant au calcul du plan de vol par la station d'accueil résout les problèmes techniques de sécurité et d'efficacité lié à l'envoi de données sensibles à un contrôleur central éloigné. - Azur drones 50. La société Azur drones fait valoir en substance que l'article L. 615-3, dans sa version actuelle, au regard notamment de sa condition tenant au caractère vraisemblable de la contrefaçon, est interprété en ce sens que le juge doit apprécier la proportionnalité des mesures provisoires demandée, et statuer sur les contestations élevées en défense, y-compris lorsque celles-ci portent sur la validité du titre lui-même (CA Paris, 25 mai 2022, RG 21/18398). 51. Elle soutient alors que la vraisemblance de la contrefaçon ne repose que sur des déclarations passées qu'elle a faites, et en particulier sur le comparatif qu'elle a produit dans l'instance en revendication entre les caractéristiques de son produit et celles de la revendication 1 du brevet ; ce qui serait inopérant, et ne ferait que démontrer qu'elle possédait l'invention avant le dépôt du brevet. 52. Elle rappelle ensuite son argumentaire relatif à la revendication, qui rend selon elle disproportionnée une mesure d'interdiction. 53. Elle invoque enfin la nullité du brevet. En premier lieu, il serait nul faute de nouveauté, car la société DPS aurait divulgué l'invention elle-même en la communiquant en janvier 2016 au Cluster Thalès ; et car de précédents brevets, D1 (le document Marr), D6 (le document Trundle), D7 (le document Peeters), et D8 (le document Baranger) divulgueraient toutes les caractéristiques de l'invention ou priveraient à tout le moins celle-ci de caractère inventif. Réponse du juge de la mise en état 54. En application de l'article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle, le titulaire d'un brevet peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, à l'encontre du prétendu contrefacteur, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argüés de contrefaçon. La juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. Le deuxième alinéa de cet article précise que la juridiction peut subordonner la poursuite des actes argüés de contrefaçon à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur. 55. Selon le 22ème considérant de la directive no2004/48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, dont les dispositions précitées réalisent la transposition en droit interne, s'il est indispensable de prévoir des mesures provisoires afin de faire cesser immédiatement l'atteinte, ce doit être « en veillant à la proportionnalité des mesures provisoires en fonction des spécificités de chaque cas d'espèce ». Ce même considérant ajoute que « ces mesures sont notamment justifiées lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au titulaire d'un droit de propriété intellectuelle. » 56. Il en résulte que, comme le juge de façon constante ce tribunal, le juge des référés ou le juge de la mise en état saisi de demandes fondées sur l'article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle doit statuer sur les contestations élevées en défense, y compris lorsque celles-ci portent sur la validité du titre lui-même. Il lui appartient alors d'apprécier le caractère sérieux ou non de la contestation et, en tout état de cause, d'évaluer la proportion entre les mesures sollicitées et l'atteinte alléguée par le demandeur et de prendre, au vu des risques encourus de part et d'autre, la décision ou non d'interdire la commercialisation du produit prétendument contrefaisant. 57. L'article L. 613-25, point a), du code de la propriété intellectuelle dispose qu'un brevet est déclaré nul, notamment, si son objet n'est pas brevetable aux termes de l'article L. 611-10, lequel prévoit que sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle. L'article L. 611-14 précise en particulier qu'une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique. 58. L'examen de la demande du brevet a donné lieu à une opinion écrite (pièce DPS no45) par laquelle l'examinateur a estimé que seules les revendications 5 et 9 étaient inventives (mais qu'elles manquaient de clarté en ce qu'elles mentionnaient une station d'accueil « associée » à un capteur, sans plus de précision, alors qu'il « n'y a a priori aucune relation technique ou fonctionnelle entre les stations d'accueil (28) des drones et les capteurs (20) »). 59. Il a ainsi relevé que le document ‘D1' (qui sera appelé ici, pour éviter toute confusion entre les antériorités, le document Marr ; pièce Azur drones no54), dont il est constant qu'il était accessible au public à la date de priorité du brevet, divulguait l'ensemble des caractéristiques de la revendication 1 de celui-ci, à l'exception de celle selon laquelle le procédé de vidéosurveillance comprend, « à réception par la station d'accueil (28) de la requête d'inspection, une étape de détermination, de manière automatique et autonome, d'un plan de vol (45) » ; et la société DPS ne conteste pas que seule cette caractéristique soit nouvelle à l'égard de ce document. 60. L'examinateur a relevé que cette différence entre le brevet et le document Marr, qui tient seulement à ce que le plan de vol est déterminé par la station d'accueil du drone elle-même plutôt que par le contrôleur central, avait pour seul effet de délocaliser cette tâche et consistait en une alternative de design banale, affectant à la station d'accueil une tâche existante, sans aucun effet surprenant, et donc dépourvue d'activité inventive. 61. Si la société DPS rétorque que cet effet technique résout un problème d'efficacité et de sécurité en évitant la transmission de données volumineuses et sensibles à l'extérieur du site à protéger, la simple délocalisation de la tâche de détermination du plan de vol est toutefois une solution évidente pour obtenir l'avantage recherché : elle consiste seulement à supprimer de façon évidente pour l'homme du métier la cause connue du problème, qui est la distance. 62. Au demeurant, la société DPS ne conteste pas que le problème technique allégué n'est décrit nulle part dans le brevet, et la solution invoquée (délocaliser le calcul dans la station d'accueil) n'est elle-même revendiquée qu'indirectement, de façon très implicite : n'est en effet revendiquée explicitement qu'une étape consistant à déterminer le plan de vol ; et ce n'est que parce que cette étape a lieu « à réception » de la requête d'inspection « par la station d'accueil » que l'examinateur en a déduit que la détermination du plan de vol avait lieu dans la station d'accueil. Outre que cette interprétation de la revendication n'a rien d'évident (la rédaction de la revendication exprime d'abord une succession chronologique, et non en elle-même une localisation), il est douteux que la localisation de l'étape serait la caractéristique essentielle de l'invention. Au contraire, à supposer que le problème technique invoqué soit réel, et que la revendication 1 le résolve réellement, le fait qu'il ne soit pas décrit, et que sa solution ne soit pas revendiquée explicitement, ne fait que confirmer que la compréhension et la solution de ce problème découlaient en réalité de façon évidente de l'état de la technique pour l'homme du métier. 63. Par ailleurs, si la société Azur drones a en effet affirmé que son produit reproduisait toutes les caractéristiques de la revendication 1 dans ses conclusions pour l'instance en revendication du brevet dans un passage invoqué par la société DPS (pièce DPS no30, p. 21), il ne s'agit que de la revendication 1 (et indirectement de la revendication 8, qui est le dispositif mettant en oeuvre la revendication 1). La société DPS n'expose pas en quoi les autres revendications seraient vraisemblablement contrefaites par la défenderesse. 64. Ainsi, au regard de la faible vraisemblance de l'activité inventive de la revendication invoquée au soutien de l'allégation de contrefaçon, il serait disproportionné d'interdire à la société Azur drones de commercialiser en France son unique produit, dont le lancement est encore récent, ce qui aurait pour conséquence de rendre entièrement vains ses investissements de développement et de promotion, avec le risque de conséquences irrémédiables tenant à l'impossibilité pour elle de revenir ultérieurement sur le marché si la demande de la société DPS était finalement rejetée au fond. 65. Et la faiblesse de la vraisemblance de la contrefaçon ne justifie pas à elle seule de subordonner la poursuite des actes litigieux à la constitution d'une garantie. 66. Par conséquent, la demande en interdiction est rejetée. Droit d'information 67. L'article L. 615-5-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit que, s'il n'existe pas d'empêchement légitime, la juridiction peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits ou procédés argués de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argüés de contrefaçon ou mettant en oeuvre des procédés argüés de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits, la mise en oeuvre de ces procédés ou la fourniture de ces services. 68. Ce texte réalise la transposition en droit français de l'article 8 de la directive 2004/48, lequel précise, à son paragraphe 1, que le droit d'information n'est accordé qu'en réponse à une demande proportionnée. 69. Au cas présent, la société DPS demande des informations confidentielles, susceptibles de lui donner un avantage sur son concurrent, causant ainsi aux droits de celui-ci une atteinte disproportionnée au regard de la vraisemblance de la contrefaçon examinée plus haut. La demande est donc rejetée. 5) Demande d'écarter des débats la pièce DPS no33 70. La pièce critiquée par la société Azur drones, no33 du bordereau de l'assignation, est intitulée « Note de l'expert sur le constat Azur drones du 1er avril 2021 » ; comme l'expose l'assignation, il s'agit des notes prises par l'informaticien lors de la saisie-contrefaçon du 1er avril 2021. Il est constant que l'ordonnance ayant autorisé cette saisie-contrefaçon a été rétractée ; les informations qui y ont été obtenues ne peuvent donc être utilisées, et la note réalisée à cette occasion doit être écartée du procès, ce que la société DPS, au demeurant, ne conteste pas. 6) dispositions finales 71. L'article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie qui perd le procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 72. L'incident a généré pour les parties des frais spécifiques qui peuvent donner lieu à indemnisation. Chaque partie voit l'ensemble de ses moyens ou prétentions formées à titre incident écartés ou rejetées. Si les débats sur les mesures provisoires ont manifestement nécessité des diligences plus importantes que les exceptions soulevées par la défenderesse, une partie de ces diligences auraient quoiqu'il en soit dû être accomplies lors du débat sur le fond du droit, de sorte qu'il n'y a pas lieu à faire supporter par une partie la charge des frais exposés par l'autre pour le présent incident. Les demandes en ce sens sont rejetées. 73. Enfin, il incombe désormais à la défenderesse de conclure sur le fond. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état : ÉCARTE l'exception de nullité de l'assignation ; ÉCARTE l'exception de sursis à statuer ; REJETTE la demande de « renversement de la charge de la preuve » ; REJETTE la demande d'interdiction provisoire REJETTE la demande d'informations ; INTERDIT l'usage dans la présente instance de la pièce no33 visée à l'assignation, intitulée « note de l'expert sur le constat Azur drones du 1er avril 2021 » ; REJETTE les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; INVITE la société Azur drones à conclure pour le 6 janvier 2023, et RENVOIE la mise en état de l'affaire au 12 janvier. Faite et rendue à Paris le 25 Novembre 2022 Le Greffier Le Juge de la mise en état Quentin CURABET Arthur COURILLON-HAVY
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JUDICIAIRE No RG 22/56579 - No Portalis 352J-W-B7G-CXCTI Assignation du : 07 Juin 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 07 novembre 2022 par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier. DEMANDERESSE Association QUALIFELEC [Adresse 1] [Localité 3] représentée par Maître Charlotte ABATI de la SELARL AYRTON AVOCATS, avocats au barreau de PARIS - #C1289 DEFENDERESSE S.A.S. MD FIBRE [Adresse 4] [Localité 2] non comparante A l'audience du 03 Octobre 2022, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier, Nous, Président, Après avoir entendu les conseils des parties, Vu l'assignation en référé introductive d'instance, délivrée le 07 juin 2022, et les motifs y énoncés, EXPOSÉ DU LITIGE : 1. L'association QUALIFELEC (Association Professionnelle et Technique de Qualification des Entreprises du Génie Electrique, Energétique et Numérique), créée en 1955 sous l'impulsion des pouvoirs publics et de représentants de la filière électrique, a pour mission, notamment, la promotion de la qualité des prestations des professionnels de l'électricité par l'attribution, à la demande des entreprises de ce secteur, de qualifications "QUALIFELEC". L'association est accréditée par le COFRAC en tant qu'organisme de qualification et expose que sa mission est de permettre aux particuliers, aux maîtres d'oeuvre et aux bureaux d'études, de choisir en toute confiance le professionnel électricien compétent et adapté à leurs besoins pour sécuriser l'exécution de leurs travaux. 2. L'association est titulaire de la marque semi-figurative collective française "QE Qualifelec" no1609713, déposée le 13 février 1990 et régulièrement renouvelée pour désigner les produits et services des classes 9,11, 35, 37, 38 et 42 : 3. La société MD Fibre, dont le siège est situé, selon son extrait de récépissé [Adresse 4]) a pour activité déclarée l'installation, la réparation et la maintenance de fibre optique et de réseau informatique. 4. L'association QUALIFELEC fait valoir que cette société, qui n'a jamais été qualifiée par elle, a reproduit sa marque sur des documents supposés attester de sa qualification (certificat et facture) adressés le 20 avril 2022 à l'association Avere France, et qu'une plainte pénale a d'ailleurs été déposée contre cette société MD Fibre. 5. Par acte d'huissier du 7 juin 2022, l'association QUALIFELEC a fait assigner la société MD Fibre devant le délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé en contrefaçon vraisemblable de marque. Aux termes de son assignation, l'association QUALIFELEC demande au juge des référés de : - Constater que le logo et la marque QUALIFELEC figurent sur les documents transmis par la société MD Fibre auprès de tiers à une date où cette société ne dispose pas de droit sur cette marque, - Constater que la société MD Fibre porte une atteinte vraisemblable aux droits de l'association QUALIFELEC sur sa marque nationale collective semi-figurative no1609713, En conséquence : - Interdire à la société MD Fibre la poursuite des actes de contrefaçon sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée et sur tout support, après un délai de trois jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, - Condamner la société MD Fibre aux dépens ainsi qu'au paiement de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. 6. A l'audience du 3 octobre 2022, le conseil de l'association QUALIFELEC a réitèré oralement les termes de son assignation. Bien que régulièrement citée par dépôt de l'acte à l'étude (l'adresse étant confirmée par la société de domiciliation Idom You qui refuse de recevoir l'acte), personne n'a comparu pour la société MD Fibre. La présente ordonnance est réputée contradictoire. MOTIFS DE l'ORDONNANCE 7. En application de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée. 8. Aux termes de l'article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, "Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. (...) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. (...) Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l'engagement d'une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République. A défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés." 9. Le caractère vraisemblable de l'atteinte alléguée dépend, d'une part, de l'apparente validité du titre sur lequel se fonde l'action et, d'autre part, de la vraisemblance de la contrefaçon alléguée. 10. Selon l'article L. 715-6 (auparavant L. 715-1) du code de la propriété intellectuelle, "Une marque collective est une marque ainsi désignée lors de son dépôt et propre à distinguer les produits ou les services des personnes autorisées à l'utiliser en vertu de son règlement d'usage." L'article L. 715-7 du même code prévoit que "Peut déposer une marque collective toute association ou tout groupement doté de la personnalité morale représentant des fabricants, des producteurs, des prestataires de services ou des commerçants, ainsi que toute personne morale de droit public. Le dépôt d'une demande d'enregistrement de marque collective est accompagné d'un règlement d'usage. Toute modification ultérieure du règlement d'usage est portée à la connaissance de l'Institut national de la propriété industrielle." 11. Aux termes de l'article L.716-4 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L. 713-4. L'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose qu'est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services: 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée; 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque. 12. L'expression « usage dans la vie des affaires », qui figure dans la disposition précitée, implique que les droits exclusifs conférés par une marque ne peuvent en principe être invoqués par le titulaire de cette marque que vis-à-vis des opérateurs économiques et, en conséquence, que dans le contexte d'une activité commerciale (CJUE, 12 juillet 2011, C-324/09, L'Oréal e.a., point 54 ; CJUE, 30 avril 2020, C-772/18, A c/ B, point 23). Toutefois, si les opérations effectuées dépassent, en raison de leur volume, de leur fréquence ou d'autres caractéristiques, la sphère d'une activité privée, celui qui les accomplit se place dans le cadre de la vie des affaires (CJUE, 12 juillet 2011, L'Oréal e.a., C-324/09, point 55 ; CJUE, 30 avril 2020, C-772/18, A c/ B, point 23). 13. L'association QUALIFELEC justifie ici de ses droits sur la marque collective française no1609713, par la production du certificat d'enregistrement de la marque délivré par l'INPI et ses déclarations de renouvellement effectuées les 8 octobre 2009 et 13 février 2020. Cette marque désigne de nombreux produits et services en rapport avec les travaux électriques du bâtiment et en particulier ceux relatifs aux conduits et raccordements électriques. Sont également produites les "Règles de fonctionnement" relatives à la marque collective "QE Qualifelec". 14. Aucun moyen n'est opposé en défense de nature à caractériser que la marque opposée, qui est en vigueur, ne serait manifestement pas valable. 15. Il est en outre constaté que la société MD Fibre a transmis à l'association Avere France, aux fins de remboursement à ses clients d'une part des travaux qu'elle réalise au moyen du versement d'une prime, un courriel, un certificat de qualification ainsi qu'une facture (pièces Qualifelec no3, 4, 6 et 7), reproduisant tous à l'identique la marque "QE Qualifelec" et ce, pour désigner les services d'installations électriques (en particulier les services d'infrasctructures de recharge des véhicules électriques IRVE), alors que cette société ne bénéficie d'aucune certification. 16. Cette reproduction de la marque à l'identique pour désigner, dans la vie des affaires (cet usage visant pour elle à obtenir des marchés), des services identiques à ceux figurant à l'enregistrement, caractérise la contrefaçon vraisemblable par imitation de la marque no1609713. Il sera donc fait interdiction à la société MD Fibre, dans les termes du dispositif de la présente ordonnance, de faire usage, de quelque manière que ce soit, pour désigner son activité, de tout signe reproduisant ou imitant cette marque. 17. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société MD Fibre sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à l'association QUALIFELEC la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Le juge des référés, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort, Dit que la société MD Fibre a commis des actes de contrefaçon vraisemblable de la marque semi-figurative collective française "QE Qualfelec" no1609713 ; Fait interdiction à la société MD Fibre de faire usage dans la vie des affaires, de quelque manière que ce soit, pour identifier les services qu'elle propose d'installations électriques et en particulier les services de pose d'infrasctructures de recharge des véhicules électriques, de tout signe reproduisant ou imitant la marque semi-figurative collective française no1609713, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée (c'est à dire par usage du signe "QE Qualifelec"), courant à l'expiration d'un délai de 10 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ; Condamne la société MD Fibre aux dépens, Condamne la société MD Fibre à payer à l'association QUALIFELEC la somme de 2.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Rappelle que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit par provision. Fait à Paris le 07 novembre 2022. Le Greffier, Le Président, Flore MARIGNY Nathalie SABOTIER
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JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 21/04712 No Portalis 352J-W-B7F-CUECW No MINUTE : Assignation du : 19 mars 2021 rendu le 17 novembre 2022 DEMANDERESSE S.A.S. FATHER AND SONS [Adresse 1] [Localité 5] représentée par Me Jean-Daniel BOUHÉNIC de la SCP DEPREZ GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P221 DÉFENDERESSE S.A.S.U MARVIC [Adresse 3] [Localité 2] représentée par Me Francis NOGUE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C1582 & Me Vincent MARIS de la SELARL PLUMANCY, avocat au barreau de PERIGUEUX, avocat plaidant COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Elodie GUENNEC, Vice-présidente Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière A l'audience du 20 septembre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 17 novembre 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort Magistrat signataire (article 456 du code de procédure civile) : Elodie GUENNEC, Vice-présidente, la présidente Nathalie SABOTIER, étant empêchée. EXPOSÉ DU LITIGE Créée en 1995, la société Father and Sons est spécialisée dans la conception et la commercialisation de vêtements et de costumes pour homme. Elle vend ses produits dans 53 boutiques éponymes, en France et à l'étranger. À ce titre, la société Father and Sons est titulaire des marques verbales suivantes : - La marque verbale française « FATHER AND SON » enregistrée sous le no95561209 le 3 mars 1995 en classes 18, 24 et 25 ; - La marque verbale française « FATHER AND SONS » enregistrée sous le no3317290 le 8 octobre 2004 en classes 9, 14, 18, 24 et 25 ; - La marque verbale française « FATHER & SONS » enregistrée sous le no3317291 le 8 octobre 2004 en classes 9, 14, 18, 24 et 25 ; - La marque verbale de l'Union européenne « FATHER & SONS » enregistrée sous le no17444035 le 7 novembre 2017 en classes 3, 9, 14, 18, 24, 25 et 35. La société Father and Sons possède également le nom de domaine : www.fatherandsons.fr, enregistré le 23 mars 2005. La société Marvic, dont l'associé unique est M. [X] [W], expose avoir acquis de la société Magasins du Périgord, le 21 août 2019, un fonds de commerce qu'elle avait commencé à exploiter en 2008 sous une franchise « Serge Blanco », avant de le renommer « Brothers and Son » en 2016. La société Father and Sons a été informée par l'un de ses affiliés de l'existence de cette boutique « Brothers & Son », située [Adresse 4] à [Localité 7], dédiée à l'univers du prêt-à-porter masculin. Elle a en outre constaté que la société Marvic fait également la promotion de son enseigne par le biais du réseau social Facebook et vend ses produits sur une page du site internet www.voscommercants-dordogne.fr. La société Father and Sons, a procédé à un achat dans la boutique précitée avant de faire réaliser un procès-verbal de constat par un huissier de justice le 26 août 2021. Entre temps, le 16 septembre 2020, la société Father and Sons a mis en demeure la société Marvic de cesser d'utiliser le signe « Brothers and Son », à quelque titre que ce soit. Plusieurs courriers officiels ont été échangés en vue de parvenir à une résolution amiable du litige entre les parties. La société Marvic a accepté de ne plus apposer le signe « Brothers & son » sur une chemise en lin commercialisée dans son magasin, mais a opposé une fin de non-recevoir au surplus des demandes de la société Father and Sons. C'est ainsi que par acte d'huissier de justice du 19 mars 2021, la société Father and Sons a fait assigner la société Marvic devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marques. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 11 février 2022, la société Father and Sons demande au tribunal, au visa des articles L. 713-2, L. 713-3-1, L. 716-4, L.716-14 du code de la propriété intellectuelle et des pièces versées aux débats, de : ? Juger que la reproduction des signes « BROTHERS & SONS » et « BROTHERS AND SON » sur des vêtements, ainsi qu'à titre de nom commercial et d'enseigne pour vendre des vêtements, constitue une contrefaçon des marques françaises antérieures « FATHER AND SONS » no95561209 enregistrée le 3 mars 1995 et no3317290, enregistrée le 8 octobre 2004 pour les produits de la classe 25, de la marque française antérieure « FATHER & SONS » no3317291 enregistrée le 8 octobre 2004 en classe 25 et de la marque antérieure de l'Union européenne «FATHER & SONS » no17444035 enregistrée le 7 novembre 2017 en classe 25 et 35; ? Juger que l'utilisation des signes « BROTHERS & SONS » et « BROTHERS AND SON » par la société MARVIC a porté atteinte au nom commercial et à la dénomination sociale FATHER & SONS et que la captation de l'identité visuelle et de l'axe de communication de Father & Sons, constitue une faute civile; ? Débouter la société Marvic de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ; En conséquence : ? Faire interdiction à la société Marvic de faire usage directement ou indirectement des signes « BROTHERS & SONS » et « BROTHERS AND SON » ou de tout autre signe reproduisant ou imitant les marques lui appartenant, à quelque titre que ce soit, sur quelque support que ce soit, sous quelque forme que ce soit, pour des produits similaires, sous astreinte de cinq cents (500) euros par infraction constatée dans les dix (10) jours à compter de la signification du jugement à intervenir ; ? Condamner la société Marvic à lui payer, la somme de cinquante mille (50.000) euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon des marques « FATHER & SONS » lui appartenant ; ? Condamner la société Marvic à lui payer, la somme de vingt-cinq mille (25.000) euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice résultant des fautes civiles commises ; ? Condamner la société Marvic à lui verser une somme de dix mille (10.000) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; ? Condamner la société Marvic aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Deprez Guignot & Associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 janvier 2022, la société Marvic demande au tribunal, vu notamment les dispositions de l'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle, de : ? Dire et juger qu'elle est recevable et fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ; ? Débouter purement la société Father and Sons de l'ensemble de ses prétentions comme radicalement mal fondées ; ? Dire et juger qu'en tout état de cause, la société Father and Sons n'est en rien fondée à se voir allouer la moindre somme à titre de dommages et intérêts ; À titre reconventionnel, ? Condamner la société Father and Sons à lui verser à la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens. L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 février 2022. Sur la contrefaçon des marques françaises et de l'Union européenne de la société Father and sons Moyens des parties: La société Father and Sons soutient que la société Marvic a commis des faits constitutifs de contrefaçon de ses marques, en ce qu'elle a utilisé comme enseigne et nom commercial les signes ?BROTHERS & SON" et ?BROTHERS AND SON", qui sont étroitement similaires à ses marques, tant sur plan visuel qu'auditif et conceptuel, pour vendre dans sa boutique et sur un site internet des produits identiques à ceux désignés par ses marques, à savoir des vêtements et accessoires pour homme. Rappelant être titulaire de marques verbales, elle souligne que l'aspect visuel des signes en litige est très proche, qu'ils ont la même structure, l'utilisation de l'esperluette et de la locution anglaise ?and" étant marquantes visuellement. Phonétiquement, elle conclut à la proximité des sonorités, soulignant des syllabes identiques à l'exception de l'accroche. Sur le plan conceptuel enfin, elle insiste sur les ressemblances entre les signes, entre l'utilisation de la langue anglaise et la mise en exergue du lien familial masculin. Elle considère que la société Marvic a fait un usage de ces signes litigieux à titre de marque dans la vie des affaires dans la mesure où son nom commercial et son enseigne sont employés en lien direct avec les vêtements commercialisés et que cela génère un risque de confusion dans l'esprit du public pertinent qui peut croire que les deux sociétés sont liées économiquement. Cette impression d'ensemble est, selon elle, accentuée par la notoriété de sa marque. En réponse aux moyens soulevés en défense, elle affirme qu'il n'est pas sérieux de soutenir qu'elle n'exploiterait pas d'enseigne du même nom à [Localité 7], la bonne foi étant par ailleurs indifférente en matière de contrefaçon. La société Marvic conclut, quant à elle, à l'absence d'acte de contrefaçon. Rappelant que le choix de cette enseigne s'explique par une exploitation familiale de longue date du magasin de prêt-à-porter, elle considère qu'il n'y a aucune similitude entre les signes en litige. Se prévalant de typologies très différentes, elle ajoute que le sens du mot d'attaque, en anglais, est parfaitement compréhensible par le public français et que le ?and sons" se retrouve dans de nombreuses marques de prêt-à-porter qu'elle énumère (Kapten & son, Mom & sons, Only & sons par exemple). Elle invite le tribunal à observer les différences notables existant entre les signes dénoncés (trait sous l'enseigne, taille de l'esperluette ou encore différence de logos). Elle souligne que son site internet a peu de rayonnement, ce qui empêche toute confusion aux yeux de la clientèle de la société Father and Sons, qui n'est de surcroît pas implantée dans le département de la Dordogne. Elle s'oppose à toute atteinte à la fonction de la marque, dont elle critique le manque d'originalité, dans la mesure où elle ne vend plus aucun produit sous le signe ?Brother & sons", mais se veut un commerce dit multimarque. Elle soutient à ce titre qu'une simple utilisation à titre de dénomination commerciale ne permet pas de caractériser une atteinte à la fonction de la marque au sens des textes. Elle ajoute enfin que l'utilisation d'un logo représentant un renard n'est pas distinctif et qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir utilisé des ours en peluche pendant la période des fêtes. Appréciation du tribunal: En application de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, « Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque. » L'article L. 713-3-1 du même code dispose que ? Sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants : 1o L'apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement ; 2o L'offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l'offre ou la fourniture des services sous le signe ; 3o L'importation ou l'exportation des produits sous le signe ; 4o L'usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d'un nom commercial ou d'une dénomination sociale ; 5o L'usage du signe dans les papiers d'affaires et la publicité ; 6o L'usage du signe dans des publicités comparatives en violation des dispositions des articles L. 122-1 à L. 122-7 du code de la consommation ; 7o La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée. Ces actes et usages sont interdits même s'ils sont accompagnés de mots tels que : " formule, façon, système, imitation, genre, méthode ". L'article L.716-4 du code de la propriété intellectuelle dispose en outre que « L'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L. 713-4. » En application des dispositions de l'article L. 717-1 du code de propriété intellectuelle, « Constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 13 et 15 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne. » Enfin, l'article 9 du règlement (UE) 2017/1001 du parlement européen et du conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne intitulé « Droit conféré par la marque de l'Union européenne », dispose que : « 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée ; [?] b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque; c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice. 3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2 : a) d'apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement; b) d'offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d'offrir ou de fournir des services sous le signe; c) d'importer ou d'exporter les produits sous le signe; d) de faire usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d'un nom commercial ; ou d'une dénomination sociale; e) d'utiliser le signe dans les papiers d'affaires et la publicité; f) de faire usage du signe dans des publicités comparatives d'une manière contraire à la directive 2006/114/CE. En l'espèce, il n'est pas contesté que la société Father and Sons est titulaire des marques verbales françaises « FATHER AND SON » enregistrée sous le no95561209 le 3 mars 1995 en classes 18, 24 et 25, « FATHER AND SONS » enregistrée sous le no3317290 le 8 octobre 2004 en classes 9, 14, 18, 24 et 25, « FATHER & SONS » enregistrée sous le no3317291 le 8 octobre 2004 en classes 9, 14, 18, 24 et 25 et de la marque verbale de l'Union européenne « FATHER & SONS » enregistrée sous le no17444035 le 7 novembre 2017 en classes 3, 9, 14, 18, 24, 25 et 35. Cette dernière établit, au moyen de l'extrait Kbis de la société Marvic, à jour à la date du 3 février 2021, que cette dernière exploite dans une rue commerçante de la ville de [Localité 7], sous le nom commercial et l'enseigne ?BROTHERS & SON", un magasin spécialisé de vente de vêtements au détail depuis le 21 août 2019, ce qui n'est pas discuté. Cet élément est étayé par la production de la copie d'un ticket de caisse portant le nom de l'enseigne ?BROTHERS & SON", preuve d'achat d'un article au sein de la boutique le 8 septembre 2020 ainsi que par le procès-verbal de constat dressé par Me [S], huissier de justice à [Localité 6], au terme duquel il constate que le commerce exploité sous l'enseigne ?BROTHERS & SON" est référencé par le moteur de recherche google lorsqu'est opérée une recherche avec les termes ?Father – son - [Localité 7]". Les signes utilisés par la société Marvic n'étant pas identiques aux marques dont est titulaire la société Father and Sons, il importe de rechercher s'ils sont similaires aux marques verbales telles qu'elles ont été enregistrées. Pour ce faire, il importe de ?déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, d'évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés." (CJUE arrêt du 22 juin 1999 Lloyd Schuhfabrik Meyer & Co. GmbH contre Klijsen Handel BV, Aff. C-342/97). Sur le plan visuel, en premier lieu, il est constant que la similitude s'apprécie dans la construction des signes, leur structure et leur composition. En l'espèce, les deux groupes nominaux soumis à la comparaison, de longueur équivalente (à une lettre près), sont constitués de deux noms communs, en langue anglaise, ?father" ou ?brothers", en lettres majuscules, auxquels s'ajoutent une terminaison identique ? son" ou ?sons", reliés de manière semblable par la locution anglaise ?and" ou une esperluette. Cette structure globale leur confère ainsi une certaine similarité visuelle. Sur le plan phonétique, les deux signes sont rédigés en langue anglaise. Le rythme est par ailleurs identique, les groupes nominaux étant composés chacun de quatre syllabes. Certes, les sonorités phonétiques d'attaque des deux signes, auxquelles le consommateur pertinent prête généralement une plus grande attention, sont différentes, entre [BRO] et [FA]. Néanmoins, les syllables suivantes [THER], les sonorités finales [SON] / [SONS] ainsi que l'emploi identique de la locution [AND] ou de l'esperluette qui se prononce de la même manière, sont parfaitement identiques, ce qui leur confère, en dépit d'une amorce différente, une certaine proximité phonétique. Sur le plan conceptuel, le signe litigieux met en exergue, au même titre que les marques ?Father and Sons", un lien masculin intra-familial suggérant dans l'esprit du consommateur que les produits vendus répondent aux attentes d'un public inter-générationnel. Cette lecture intellectuelle de la marque, axe de communication dominant de la société Father and Sons, vient donc compenser une proximité phonétique plus relative. Enfin, les termes ?father" et ?brother", dont la traduction est, certes, accessible sans difficulté au public français qui ne maîtriserait qu'un anglais rudimentaire, appartiennent toutefois au même champ lexical. Au regard de l'ensemble de ces considérations, le tribunal retient que les ressemblances entre les signes sont prépondérantes par rapport aux dissemblances. Les produits concernés, constitués par du prêt-à-porter masculin de milieu de gamme, sont identiques. Il s'agit en effet de services de vente au détail de vêtements et accessoires pour hommes, classes dans lesquelles les marques de la société Father and Sons sont enregistrées, qu'il s'agisse des marques françaises (classe 25) ou de la marque européenne (classe 35). La caractérisation de la contrefaçon est également subordonnée à la démonstration de l'usage du signe litigieux dans la vie des affaires, c'est-à-dire dans le contexte d'une activité commerciale visant à un avantage économique (CJUE, 12 nov. 2002, aff. C-206/01, Arsenal) et non dans le domaine privé, de telle manière que cela porte atteinte aux fonctions de la marque. Dans le cas d'espèce, la société Marvic utilise le signe ?BROTHERS & SON" à titre de dénomination sociale et d'enseigne. A la suite de la mise en demeure adressée par la société Father and Sons, elle ne commercialise plus de vêtement sur lequel le signe serait apposé. Il est constant qu'une dénomination sociale, un nom commercial ou une enseigne n'a pas, en soi, pour finalité de distinguer des produits ou des services. La Cour de justice de l'Union Européenne a ainsi dit pour droit, dans un arrêt no C-17/06 Céline SARL contre Céline SA du 11 septembre 2007, considérant 21, qu' ?une dénomination sociale a pour objet d'identifier une société, tandis qu'un nom commercial ou une enseigne a pour objet de signaler un fonds de commerce. Dès lors, lorsque l'usage d'une dénomination sociale, d'un nom commercial ou d'une enseigne se limite à identifier une société ou à signaler un fonds de commerce, il ne saurait être considéré comme étant fait ?pour des produits ou des services", au sens de l'article 5, paragraphe 1, de la directive." La Cour ajoute toutefois, au considérant no23 de l'arrêt précité, que ?même en l'absence d'apposition, il y a usage ?pour des produits ou des services" au sens de ladite disposition lorsque le tiers utilise ledit signe de telle façon qu'il s'établit un lien entre le signe constituant la dénomination sociale, le nom commercial ou l'enseigne du tiers et les produits commercialisés ou les services fournis par les tiers". Or, en l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que si la boutique vend des produits dits ?multimarque", le signe constituant sa dénomination sociale et son enseigne est rappelé non seulement dans les rayons du magasin lui-même, à proximité des articles proposés à la vente, mais également sur le ticket de caisse et le sac remis à la clientèle lors d'un achat. L'usage pour les produits dans la vie des affaires, à titre de marque, est ainsi caractérisé. Enfin, il y a lieu de rechercher si, au regard d'une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits désignés, il existe un risque de confusion comprenant un risque d'association dans l'esprit du public concerné. Ce risque de confusion doit être apprécié de manière globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, étant rappelé que "le consommateur moyen per[çoit] normalement une marque comme un tout et ne se livr[e] pas à un examen de ses différents détails." (Cour de justice de l'Union européenne, 11 novembre 1997, aff. C-251/95, Sabel BV c/ Puma AG,, § 23 ). De fait, le consommateur moyen n'a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différents signes mais doit se fier à l'image non parfaite qu'il a gardée en mémoire. La connaissance de la marque sur le marché est également un facteur pertinent du risque de confusion. En l'espèce, le public pertinent est un consommateur de produits de prêt-à-porter masculin de moyenne gamme, qui dispose d'un éventail assez large d'enseignes proposant un vaste choix de produits. Son degré d'attention est moyen. Or, la marque Father and sons, exploitée depuis plus de 25 ans et qui dispose aujourd'hui d'un réseau de 53 boutiques en France et à l'étranger, jouit, sur ce segment de marché concurrentiel, d'une notoriété qui constitue un facteur pertinent dans l'appréciation du risque de confusion. Ainsi, le consommateur, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, pourrait-il, compte-tenu des similarités précédemment mises en exergue, penser que l'enseigne ?BROTHERS & SON" est une déclinaison de la marque Father and Sons ou que les produits proposés dans ce magasin proviennent d'entreprises liées économiquement. Le fait que le magasin BROTHERS & SON apparaisse parmi les résultats du moteur de recherche utilisé par l'huissier de justice lors de l'établissement du procès-verbal de constat précité ne fait que conforter cette analyse. Il est à ce titre indifférent que la société Father and Sons n'exploite pas de magasin dans le Périgord. Il n'est pas discuté que les produits sont bien commercialisés par la société Marvic sur le territoire français, sur lequel les marques de la société demanderesse sont protégées. De la même manière, la bonne foi n'a aucune incidence sur la caractérisation de la contrefaçon, si bien qu'il est indifférent que la société Marvic n'ait eu aucune intention de créer une quelconque confusion. Il résulte par conséquent de ce qui précède, qu'outre une identité de produits, la similitude visuelle et conceptuelle entre les signes en cause, pris dans leur ensemble, ainsi que leur utilisation dans la vie des affaires, entraîne un risque de confusion pour le public pertinent qui pourrait attribuer les produits vendus sous enseigne ?BROTHERS & SON" à la société Father and Sons. La différence phonétique d'accroche entre les signes ne permet pas, à elle seule, d'écarter le risque de confusion, si bien que l'atteinte à la fonction essentielle d'identification de la marque est caractérisée. La contrefaçon de marque est en conséquence démontrée. Sur la réparation de la contrefaçon de marque Moyens des parties: La société Father and Sons sollicite en premier lieu l'indemnisation forfaitaire de son préjudice financier et moral qui résulte des ventes et du bénéfice réalisé par la société Marvic en utilisant des signes similaires à ses marques en lien avec ses produits. Elle souligne que ces agissements portent atteinte aux investissements humains, financiers, créatifs et publicitaires qu'elle supporte pour développer son réseau, ajoute que cela affaiblit la valeur distinctive et la force attractive de ses marques et qu'elle perd, par ce biais, le contrôle de son image. Elle soutient que cela constitue également un obstacle illégitime au développement de son réseau, et que cela se traduit, en tout état de cause, pour elle, par un manque à gagner. La société Father and Sons sollicite en second lieu le prononcé de mesures d'interdiction afin que les agissements illicites prennent fin et ne se reproduisent pas. En réponse, la société Marvic estime que la société Father and Sons succombe dans la démontration du principe de son préjudice et du quantum des dommages-intérêts sollicités, alors que la réparation d'un préjudice au forfait est, selon elle, à proscrire. Appréciation du tribunal: Aux termes des dispositions de l'article L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, ?pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée." En outre, l'article 130 alinéa 1. du règlement (UE) 2017/1001 du parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne intitulé « Sanctions » dispose que « 1. Lorsqu'un tribunal des marques de l'Union européenne constate que le défendeur a contrefait ou menacé de contrefaire une marque de l'Union européenne, il rend, sauf s'il a des raisons particulières de ne pas agir de la sorte, une ordonnance lui interdisant de poursuivre les actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon. Il prend également, conformément au droit national, les mesures propres à garantir le respect de cette interdiction. » Enfin, l'article L. 717-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que « Les dispositions des articles L. 716-4-10, L. 716-4-11 et L. 716-8 à L. 716-13 sont applicables aux atteintes portées au droit du titulaire d'une marque de l'Union européenne. » En l'espèce, il n'est pas contesté que la société Marvic a, dans un premier temps, commercialisé une chemise en lin en apposant sur le produit le signe litigieux ?BROTHERS & SON", avant de cesser cet agissement à la suite de la mise en demeure de la société Father and sons. Ce comportement a néanmoins occasionné un préjudice financier à cette dernière dont elle peut légitimement demander réparation. La preuve d'achat de la chemise versée aux débats mentionne un prix de 39 euros après l'application d'une promotion de 40%. Aucun élément ne permet toutefois de connaître le nombre de produits vendus. De même, la société Father and sons est bien fondée à invoquer un préjudice compte-tenu des ventes réalisées par la société Marvic dans la boutique sous enseigne ?BROTHERS & SON" depuis 2019, des bénéfices réalisés par cette dernière et du manque à gagner corrélatif. Ces éléments, à défaut de données commerciales et financières précises, doivent toutefois être appréciés en considération du lieu d'exercice de l'activité et du rayonnement du magasin, à savoir principalement une boutique dans la ville de [Localité 7], et du site internet. Enfin, le tribunal admet que la société Father and Sons puisse se prévaloir d'un préjudice lié à ses investissements en particulier publicitaires et créatifs, alors que la similitude intellectuelle entre les signes est, comme cela a été précédemment exposé, particulièrement notable. En revanche, la société Father and Sons ne démontre pas utilement, au moyen de l'attestation de M. [F] versée aux débats, dont les termes sont contestés par l'attestation de M. [R] versée aux débats par la société Marvic, que le comportement de cette dernière aurait fait obstacle au développement de son réseau dans le secteur géographique. En considération de l'ensemble de ces éléments, il sera alloué à la société Father and Sons une somme forfaitaire de 3.000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi au titre des actes de contrefaçon. Il sera également fait droit aux mesures d'interdiction légitimement sollicitées, dans les termes prévus au dispositif de la présente décision. Sur la concurrence déloyale et parasitaire Moyens des parties: La société Father and Sons estime, à titre complémentaire, que la société Marvic a commis une faute civile en utilisant des signes portant atteinte à ses droits antérieurs au titre de sa dénomination sociale, de son nom commercial et de son nom de domaine, dont elle justifie être propriétaire. Elle considère également qu'est fautif l'utilisation par la société Marvic de plusieurs éléments distinctifs de l'identité visuelle de ses boutiques, codes graphiques qui sont propres à rallier sa clientèle. Elle dénonce à ce titre l'utilisation du logo ou encore l'agencement de la boutique et de l'enseigne qui reprendrait le style, les caractéristiques graphiques et visuelles et la combinaison de bleu et blanc qu'elle a adoptés sur ses propres devantures, dans les rayons et sur sa communication publicitaire et promotionnelle. Elle reproche enfin à l'enseigne d'utiliser des personnages à tête d'animaux bicolores pour promouvoir ses produits, en imitant ses campagnes promotionnelles et dénonce, de manière générale, la communication organisée par la société Marvic, qui reprend, selon elle, les grands axes de celle qu'elle a mise en oeuvre. La société Marvic conteste avoir commis la moindre faute délictuelle ou quasi-délictuelle. Indiquant utiliser une typologie qui lui est propre pour son enseigne, au demeurant d'une relative banalité, elle revendique le droit d'utiliser des ours en peluche dans sa vitrine, contestant que la société Father and sons ait pu en faire un élément distinctif. Enfin, elle expose n'avoir eu aucune intention de générer la moindre confusion, rappelant qu'elle est une petite entreprise locale. Appréciation du tribunal: L'article 1240 du code civil dispose que « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité civile édicté par l'article 1240 du code civil, consiste en des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre. Le parasitisme se définit comme l'ensemble des comportements par lequel un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire. Ces actions supposent la caractérisation d'une faute génératrice d'un préjudice, reposant sur des faits distincts de ceux invoqués au titre de l'atteinte au droit privatif de la marque d'ores et déjà pris en compte par l'action en contrefaçon. En l'espèce, il est établi et non discuté que la société Marvic utilise une dénomination sociale, une enseigne et un nom de domaine similaires à ceux de la société Father and sons, qui sont eux-mêmes identiques aux marques dont elle a revendiqué la protection sur le fondement de la contrefaçon. Cependant, ce seul usage par une société concurrente ne peut constituer une faute distincte. En effet, l'étendue de la protection de la marque justifie qu'un concurrent qui imite un signe protégé en tant que marque en l'utilisant pour son enseigne ou encore son nom commercial, soit poursuivi sur le terrain de la contrefaçon, ce qui a été le cas en l'espèce. La société Father and Sons dénonce toutefois une atteinte à l'identité visuelle de sa marque et de son axe de communication, ce qui constitue des comportements distincts d'une atteinte aux marques. En effet, lorsqu'une marque verbale, déposée sans graphisme particulier, est exploitée sous une calligraphie distinctive, cette présentation, non couverte par l'enregistrement de la marque, peut être protégée au titre de la concurrence déloyale lorsque le risque de confusion est établi. De même, est également protégé à ce titre, le fait d'utiliser un élément figuratif tel qu'un logo ou un dessin, non déposé à titre de marque, pour commercialiser un produit, lorsqu'il est établi une exploitation antérieure et que la ressemblance avec le logo ou le dessin utilisé par le concurrent est de nature à créer dans l'esprit du public un risque de confusion entre les produits ou sur leur origine. En l'espèce, l'utilisation d'une combinaison de bleu marine sur blanc ou vice-versa pour l'inscription de l'enseigne en lettres capitales est d'une relative banalité. Par ailleurs, il ressort des pièces versées aux débats que les magasins franchisés Father and Sons disposent d'une certaine liberté dans la présentation de la devanture de leur boutique, si bien que cette dernière n'est pas homogène sur l'ensemble du territoire. Il ne saurait donc être retenu, à l'encontre de la société Marvic, un comportement fautif. Il en est de même de l'utilisation d'un logo à tête de renard, revendiqué par la société Father and Sons. S'il est effectivement utilisé par certains de ses magasins, ainsi que cela ressort du cahier des vitrines 2021 produit aux débats, la société demanderesse succombe à démontrer que cela constitue un élément dominant de son identité visuelle. En tout état de cause, la société Marvic n'a pas repris à son compte l'utilisation d'un renard et il ne saurait lui être raisonnablement reproché d'avoir utilisé des ours en peluche dans sa vitrine, de surcroît pendant une période de fête. A défaut de démontrer que cela fait partie intégrante de son identité visuelle, la société Father and Sons ne rapporte pas la preuve d'une faute commise à ce titre par la société Marvic. Enfin, il est constant que peut constituer un acte de concurrence déloyale distinct de la contrefaçon de marque, le fait de reproduire un moyen publicitaire mis en oeuvre par le titulaire de la marque, de nature à aggraver le risque de confusion. En l'espèce, les photographies des campagnes de communication de la société Marvic produites aux débats, outre le fait qu'elles portent mention d'un slogan en gros caractères « des hommes et du style » propre à la société défenderesse, représentent des groupes d'hommes portant les vêtements commercialisés par la société. Force est de constater que les ressemblances entre les créations publicitaires invoquées, qui résident principalement dans la présence commune d'un groupe d'hommes d'âges différents, portent sur des caractéristiques assez usuelles compte-tenu des produits vantés, à savoir du prêt-à-porter masculin. Par conséquent, à défaut de démontrer l'existence d'une faute commise par la société Marvic, la société Father and Sons ne peut prospérer en sa demande tendant à voir engager sa responsabilité civile. Sur les demandes annexes Succombant à titre principal, la société Marvic sera condamnée aux dépens de l'instance. Supportant les dépens, elle sera condamnée à payer à la société Father and Sons la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort, FAIT INTERDICTION à la SASU Marvic de faire usage des signes « BROTHERS & SON » et « BROTHERS AND SON » ou de tout autre signe reproduisant ou imitant les marques appartenant à la SAS Father and Sons, à quelque titre et sous quelque support que ce soit, pour des produits similaires, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à l'issue d'un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, courant pendant un délai de six mois ; CONDAMNE la SASU Marvic à payer à la SAS Father and Sons la somme de 3.000 euros (trois mille euros) en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon ; DÉBOUTE la SAS Father and Sons de sa demande de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire ; CONDAMNE la SASU Marvic aux dépens de l'instance qui seront recouvrés directement par la SCP Deprez Guignot & Associés sur le fondement des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; CONDAMNE la SASU Marvic à payer à la SAS Father and Sons la somme de 5.000 euros (cinq mille euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 17 novembre 2022 LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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JUDICIAIRE 3ème chambre 2ème section No RG 19/06127 No Portalis 352J-W-B7D-CP532 No MINUTE : Assignation du : 14 Mai 2019 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 21 Octobre 2022 DEMANDERESSE S.A.S. ROSET [Adresse 3] [Localité 1] représentée par Maître Carole BERNARDINI, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E0399 et par Maître Jean-Pierre STOULS, de STOULS & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant DEFENDERESSES S.A.S. BROCANTE LAB [Adresse 2] [Localité 5] représentée par Maître Hugo BATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2501 Société THIS.SIGN LTD [Adresse 4] [Localité 7] (ANGLETERRE) représentée par Maître Claire BOUCHENARD de la SELAS OSBORNE CLARKE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0117 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier A l'audience du 22 Septembre 2022 , avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 07 Octobre 2022 puis prorogé au 21 Octobre 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE Synthèse de l'objet du litige 1. Le présent incident porte d'une part sur la rétractation de l'ordonnance ayant, le 28 septembre 2021, autorisé sur requête une mesure d'instruction consistant à rechercher, dans les locaux de la société Roset, les preuves d'un dénigrement allégué par la société Brocante lab. Il porte d'autre part sur la levée du séquestre sous lequel ont été placés l'ensemble des éléments découverts lors de l'exécution de cette mesure. Faits et procédure 2. La société Roset, titulaire d'une marque verbale française honomyne (no1571757) et de marques verbales française et de l'Union européenne « Ligne Roset » (no98757593 et no000516666), toutes enregistrées dans les années 1990, édite un fauteuil ou canapé intitulé Togo, créé par [D] [Z] en 1973, sur lequel elle revendique des droits d'auteur, et dont elle a déposé la forme à la fois en tant que dessin ou modèle français en 1974 (expirant, dit-elle, en 2024) et en tant que marque tridimensionnelle de l'Union européenne (no016691537, enregistrée le 12 septembre 2017). 3. Elle reproche à la société Brocante lab, qui exploite un site internet spécialisé dans la vente de meubles à l'adresse selency.fr, d'y vendre des fauteuils Togo d'occasion (mal) retapissés et sur lesquels est apposé le signe Ligne Roset, en contrefaçon de ses droits d'auteur, son dessin ou modèle, et ses marques ; et, après une mise en demeure infructueuse, elle a assigné le 15 mai 2019 la société Brocante lab de ces chefs. 4. La société Brocante lab a assigné le 9 décembre 2019 en intervention forcée la société de droit anglais This.sign, qui a rénové et vendu sur le site selency.fr des fauteils Togo litigieux. 5. Au terme d'un premier incident initié par la société Roset 19 mois après l'assignation, le 8 décembre 2020, le juge de la mise en état, constatant en passant que l'instruction était sur le point d'être achevée, a, le 25 juin 2021, ordonné sous astreinte aux sociétés This.sign et Brocante lab de communiquer à la demanderesse un état exhaustif des ventes réalisées par la première à la seconde. La société Roset a alors formé un deuxième incident le 19 juillet 2021 en interdictions et indemnité provisoires ; un nouveau juge de la mise en état a rejeté ces demandes par ordonnance du 11 février 2022, au motif notamment que l'instruction était sur le point d'être achevée. 6. Entre temps, la société Brocante lab, alléguant reconventionnellement un dénigrement de la part de la société Roset et cherchant à s'en ménager la preuve a, sur autorisation du (deuxième) juge de la mise en état obtenue sur requête, fait pratiquer le 20 octobre 2021 une mesure d'instruction dans les locaux de la société Roset, lors de laquelle ont été copiés un grand nombre de courriels, dont celle-ci a obtenu de l'huissier le placement sous séquestre. 7. C'est pour obtenir la levée de ce séquestre que la société Brocante lab a formé un troisième incident par conclusions du 17 novembre 2021 ; et la société Roset a demandé pour sa part la rétractation de l'ordonnance ayant autorisé la mesure. Cet incident a été plaidé, après renvoi à la demande des parties, le 22 septembre 2022 devant un troisième juge de la mise en état succédant au précédent. Prétentions pour l'incident 8. Dans ses dernières conclusions d'incident signifiées par voie électronique le 17 mai 2022, la société Brocante lab, en substance : ? résiste à la demande incidente en nullité de la requête en mesure d'instruction et de la mesure elle-même, ? demande de lever le séquestre sur les courriels saisis par l'huissier le 20 octobre 2021, et de les lui communiquer ; ? subsidiairement, que le juge de la mise en état procède au tri des pièces, au besoin en désignant un expert, puis en ordonne la communication sur clé USB, en n'écartant que les correspondances couvertes par le secret professionnel, c'est-à-dire « faisant explicitement référence à la stratégie de défense mise en place par » l'avocat de la société Roset, et en ordonnant à celle-ci de caractériser cette référence pour chaque pièce qu'elle entendrait écarter, et en mettant à la seule charge de celle-ci les éventuels « frais de conseil et d'expertise » ; ? outre 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens. 9. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 13 septembre 2022, la société Roset demande au juge de la mise en état de : ? se déclarer incompétent pour la demande en mainlevée de séquestre, au profit du juge de l'exécution de Bourg-en-Bresse ; ? rétracter l'ordonnance du 28 septembre 2021 ayant autorisé la mesure d'instruction ? annuler cette mesure et les pièces qui en seraient issues, et lui restituer les documents saisis à cette occasion, sous astreinte ; ? subsidiairement, désigner un expert pour distinguer les documents nécessaires à la preuve du « prétendu dénigrement », ? outre 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et réserver les dépens. Moyens des parties pour l'incident 10. Sur la compétence, la société Roset expose que la mise sous séquestre ayant été faite par l'huissier à sa demande, et non ordonnée par le juge, elle relèverait de la mainlevée prévue par l'article L. 512-2 du code des procédures civiles d'exécution, qui la confie au juge de l'exécution ; et ne pourrait en tout état de cause relever de la compétence du juge de la rétractation, comme l'aurait jugé la Cour de cassation. La société Brocante lab répond que cette disposition concerne seulement les mesures conservatoires, et que le juge de la mise en état est ici compétent non seulement en tant que juge de la rétractation, mais aussi en tant que juge chargé du suivi de la mesure d'instruction qu'il a ordonnée. 11. Sur la rétractation, la société Roset soutient en premier lieu que la requête en autorisation de la mesure d'instruction a présenté les faits de manière biaisée ; que, par ailleurs, les mesures ordonnées ne sont pas nécessaires « au droit de la preuve » ; qu'en effet, il y est dit qu'elle aurait investi le marché de l'occasion récemment alors qu'elle y est présente depuis 30 ans, qu'elle voudrait éliminer ses concurrents alors que ce n'est pas démontré ; que le dénigrement allégué ne serait qu'un leurre, un « délire paranoïaque de persécution », fondé sur la répétition des mêmes affirmations et exagérations, sans être démontré ; qu'en particulier, la suspicion entretenue dans la requête en comparant les termes utilisées dans ses conclusions et dans des attestations qu'elle produit ne porte en fait que sur des éléments objectifs, connus, qui ne prouveraient donc rien ; enfin que la société Brocante lab se présenterait de façon mensongère comme une plateforme de revente de meubles alors qu'elle exercerait aussi une activité de retapissage et ne serait pas un intermédiaire. 12. Sur ce premier point, la société Brocante lab estime que sa requête était parfaitement motivée ; qu'en particulier, (1) la société Roset mettrait publiquement en garde les internautes sur des contrefaçons commises sur les « marketplaces en ligne », ce qui la vise directement en tant que première de ces « marketplaces » ; (2) a produit dans la présente instance des pièces « surprenantes », à savoir des courriels et courriers adressés par des tiers à la société Brocante lab, qui reprendraient précisément l'argumentaire de la société Roset, sans que celle-ci réponde à la sommation qu'elle lui avait faite d'attester n'avoir pas renseigné les expéditeurs sur le procès ; (3) qu'elle-même (Brocante lab) aurait reçu des courriels d'un inconnu et de deux clients se plaignant de ce que les canapés Togo vendus étaient des contrefaçons, en utilisant là encore une argumentation proche de celle de la société Roset, ce qui indiquerait que celle-ci les aurait renseignés et incités à écrire ces réclamations ; enfin (4) que la société Roset a écrit à une autre cliente potentielle pour l'avertir du procès en cours et de ce qu'il y aurait sur Selency de nombreux faux Togos en vente. La société Brocante lab, qui ajoute par ailleurs que seul le canapé Togo fait l'objet de ces réclamations parmi plus de 200 000 produits en vente, déduit de ces éléments la nécessité pour elle « d'enrichir la preuve » du dénigrement. 13. La société Roset soutient en deuxième lieu que ni la requête ni l'ordonnance ne justifie suffisamment la dérogation à la contradiction, pas plus que l'urgence ; enfin que les mesures ordonnées sont illégales car trop générales. 14. La société Brocante lab réplique en deuxième lieu que l'urgence était caractérisée par la « continuité » et « la multiplication récente » des faits invoqués, le caractère avéré du dénigrement, qui perturberait gravement son activité économique ; et que la nécessité de déroger à la contradiction était caractérisée par le risque de suppression des données informatiques recherchées. 15. En troisième lieu, la société Roset estime que la mesure autorisée est excessive et disproportionnée dans son ampleur matérielle, pour concerner tous les échanges correspondant aux mots-clés « Brocante lab » ou « Selency », et dans son ampleur temporelle, pour concerner une période de plus de 3 ans, soit depuis l'origine du litige, alors que la sommation de communiquer qui lui avait été réclamée par la société Brocante lab ne concernait qu'un nombre très limité d'informations. Elle ajoute que parmi les nombreux courriels appréhendés, beaucoup sont des transferts internes de la correspondance avec son avocat, et n'auraient donc pas dû être saisis, en application de l'article 66-5 de la loi no71-1130. 16. La société Brocante lab répond que la mesure était suffisamment limitée dans son objet, à la recherche des seuls fichiers « en rapport avec les faits litigieux », correspondant à des mots-clés précis, à l'exclusion des échanges avec les avocats et conseils en propriété industrielle, l'huissier ayant en outre examiné avec les personnes présentes les correspondances à exclure ; qu'elle était suffisamment limitée dans le temps. 17. La société Brocante lab en déduit également que le séquestre peut être levé à son profit, les éléments découverts étant indispensables selon elle à sa demande reconventionnelle en dénigrement. Elle propose subsidiairement un tri selon deux groupes de deux catégories : en premier lieu les correspondances échangées d'une part entre des employés ou dirigeants de Roset, et d'autre part entre Roset et des tiers ; en second lieu, d'une part les correspondances ne faisant pas explicitement référence à une stratégie de défense, et d'autre part les correspondances y faisant explicitement référence. 1) Rétractation de l'ordonnance autorisant la mesure d'instruction 18. L'ordonnance sur requête est définie par l'article 493 du code de procédure civile comme une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. L'article 496 prévoit que s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance, et l'article 497 précise que le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance. 19. L'ordonnance ici contestée a autorisé une mesure d'instruction, qui est donc régie par les articles 143 et suivants du code de procédure civile. L'article 143 autorise de façon générale « toute mesure d'instruction légalement admissible. ». 20. Doivent ainsi être examiné, au cas présent, la légalité de la mesure d'instruction qui a été autorisée, et la possibilité de l'autoriser sur requête. Conditions d'une autorisation sur requête 21. En application de l'article 493 du code de procédure civile, le juge ne peut être saisi sur requête que si « le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ». L'article 845 applique cette faculté devant le tribunal judiciaire. Cette dérogation au principe de la contradiction est remplie, notamment, si l'appel de la partie adverse poserait un risque sérieux d'inefficacité de la mesure, tel que la disparition des preuves dont la recherche est demandée. 22. Tel est le cas de correspondances sur support électronique, aisément effaçables. La recherche de telles correspondances pour prouver des faits de dénigrement, donc de concurrence déloyale, justifie que l'auteur allégué de ces faits, chez qui le requérant veut obtenir ces correspondances, ne soit pas averti de la mesure avant que celle-ci soit réalisée. 23. Dès lors, en visant ce risque d'effacement de preuves électroniques, la requête et l'ordonnance qui en a adopté les motifs ont suffisamment justifié la dérogation au principe de la contradiction et, partant, la saisine du juge sur requête. Légalité de la mesure 24. La Cour de cassation, rappelant l'existence d'un droit à la preuve, a jugé que constituent des mesures légalement admissibles, les mesures d'instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi ; et qu'il incombe, dès lors, au juge de vérifier si la mesure ordonnée était nécessaire à l'exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence (Cass. 2e Civ., 10 juin 2021, no20-11.987, point 11). 25. S'agissant de la longueur de la période visée par la mesure en cause, la société Roset dit elle-même qu'elle correspond à la durée de la procédure devant le présent tribunal. Il s'agit d'une période pertinente pour rechercher des faits de dénigrements qui auraient été causés à l'occasion de cette procédure. Et la longueur anormale de cette procédure vient, au moins en partie, du propre comportement procédural de la société Roset, qui ne peut dès lors s'en prévaloir pour critiquer l'ampleur des recherches liées à cette procédure. La limitation temporelle de la recherche aux correspondances postérieures au 24 mai 2018 était ainsi suffisante. 26. S'agissant de son ampleur matérielle, la mesure d'instruction portait sur toute correspondance mentionnant le nom de la société Brocante lab ou son nom commercial, Selency, ce qui est particulièrement général. Il faut alors apprécier si, et dans quelle mesure, cette recherche est proportionnée, au regard de sa nécessité pour prouver les faits allégués, et de la gravité de l'atteinte qu'elle cause pour la personne visée. 27. En premier lieu, le dénigrement qui serait commis par une mention sur le site internet de la société Roset est en lui-même public ; la mesure demandée est sans utilité pour le démontrer. 28. En deuxième lieu, parmi les pièces « surprenantes » invoquées par la société Brocante lab, toutes sauf une émanent, aux dires mêmes de la requérante, de revendeurs de la société Roset, qui ne sont manifestement pas des clients de la société Brocante lab, laquelle s'adresse à des particuliers. Or comme celle-ci le soulève elle-même, le dénigrement est caractérisé par une communication à l'égard de la clientèle de la victime ; la mesure réclamée est donc manifestement inutile pour rapporter une preuve de dénigrement à l'égard de ces échanges avec ces revendeurs. 29. En revanche, la société Roset n'a pas expliqué pourquoi elle a pu communiquer elle-même (sa pièce no15) un courriel envoyé par une société BCI [Localité 6] à la société Brocante lab, qui critique les pratiques de celle-ci. Et la qualité de cette société n'est pas connue, de sorte qu'il ne peut être exclu qu'elle puisse être cliente de Brocante lab. Il est alors nécessaire de savoir ce que la société Roset a pu indiquer à cette société, ce qui consiste en une recherche très limitée. 30. De la même manière, des particuliers et clients de la société Brocante lab lui ont directement reproché des faits analogues à ceux que lui reproche la société Roset. Si cette seule coïncidence ne suffit évidemment pas à caractériser un dénigrement, elle rend légitime, pour la société Brocante lab, la recherche de l'existence d'une communication éventuelle de la part de la société Roset envers ces personnes, qui aurait pu les influencer. Cet intérêt est certes relativement fragile, mais dans la mesure où la société Roset n'allègue elle-même aucun motif légitime d'avoir adressé la moindre correspondance à ces personnes, la recherche de cette seule correspondance ne porte aucune atteinte à ses intérêts. 31. Plus généralement, à cet égard, la concomitance, d'une part, de critiques très argumentées émanant de particuliers, et d'autre part, de la concertation de la société Roset avec ses revendeurs (puisque a minima ceux-ci lui ont remis les courriels qu'ils ont adressés à la société Brocante lab), rend plausible l'allégation de la requérante selon laquelle la société Roset aurait adressé des propos dénigrants à d'autres clients que les seuls qui ont été identifiés. Il est alors nécessaire pour elle de rechercher l'existence de ces échanges, ce qui passe nécessairement par une recherche générale des courriers et courriels émis par la société Roset à des tiers et contenant le mot-clé « Brocante lab » (en deux mots ou en un seul) ou le mot-clé « Selency ». 32. Dans la mesure où la société Roset n'allègue aucun motif pour lequel elle aurait écrit à des tiers, autres que son CPI ou son avocat, pour parler de Brocante lab et Selency, l'atteinte que cause cette recherche à ses intérêts légitimes est faible. Certes, le domaine assez étendu d'une telle recherche est susceptible d'entrainer la découverte de correspondances relevant du secret des affaires ; mais cela peut se résoudre par la règlementation de l'accès aux documents découverts, de sorte que, à la condition de prévoir la protection du secret des affaires dans l'accès aux documents, la mesure tenant à la recherche des correspondances émise à des tiers et contenant les mots clés précités est proportionnée au regard des intérêts en présence. 33. En revanche, rien ne justifie de rechercher des courriels internes à la société Roset, qui, par nature non destinés à des clients, ne sont pas susceptibles de prouver un dénigrement. La mesure d'instruction était disproportionnée à cet égard. 34. Par conséquent, l'ordonnance est rétractée, mais seulement en tant qu'elle a excédé le domaine de recherche qui suit ; et la mesure sollicitée par la requête est corrélativement autorisée telle que sollicitée par la requête, à ceci près qu'elle est limitée à la seule recherche des éléments suivants : - les courriers et courriels a) adressés par la société Roset (ou l'un de ses préposés) à des tiers, c'est-à-dire les courriers ou courriels dont au moins un destinataire, manifestement, ne travaille ni n'a travaillé pour la société Roset, ni pour son avocat, ni pour son conseil en propriété industrielle ; b) qui contiennent le mot-clé « Brocante lab », ou le mot-clé « Brocantelab », ou le mot-clé « Selency » ; - la qualité de tiers d'au moins un des destinataires doit s'apprécier tel qu'elle ressort à l'évidence du libellé de la correspondance, ou de l'adresse du destinataire (telle qu'une extension d'adresse électronique n'indiquant aucune affiliation professionnelle liées à Roset, son avocat, son CPI, ou une adresse postale personnelle...) 35. Il en résulte que les documents appréhendés lors de l'exécution de la mesure, et ne correspondant pas au conditions de la recherche fixées au point précédent, doivent être restitués à la société Roset. Le tri des éléments incombe à l'huissier chargé de la mesure, aux frais de la société Brocante lab. 2) Levée du séquestre a. Compétence du juge de la mise en état pour la demande en mainlevée du séquestre 36. L'article 789 du code de procédure civile donne compétence exclusive au juge de la mise en état, jusqu'à son dessaisissement, pour ordonner toute mesure d'instruction ; et l'article 796 précise qu'il contrôle l'exécution des mesures d'instruction qu'il ordonne. Il est donc compétent pour trancher une difficulté née de l'exécution de cette mesure, telle qu'un différend entre les parties sur la possibilité d'accéder aux documents découverts. 37. Quant à l'article R 512-2 du code des procédures civiles d'exécution, il concerne la « demande de mainlevée » d'une mesure conservatoire, c'est-à-dire une mesure sur les biens d'un débiteur chargée de favoriser le recouvrement futur d'une créance qui parait fondée en son principe. Il ne concerne donc en rien le présent incident et ne remet évidemment pas en cause la compétence que le juge de la mise en état tire de l'article 796 du code de procédure civile. 38. L'exception d'incompétence, manifestement infondée, est donc écartée. b. Possibilité et domaine de la levée du séquestre 39. Dans un premier temps, seuls les correspondances adressées par la société Roset aux personnes déjà identifiées par la société Brocante lab et qui fondent ses suspicions peuvent lui être remises. Ces personnes sont la société BCI [Localité 6] ; Mme [L] [X] ; Mme ou M. [E]-[H] ; Mme [N] [T] ; Mme [O] [J] ; 40. Si ces correspondances existent, et qu'elles révèlent que la société Roset a communiqué à ces personnes des informations ou des opinions susceptibles de caractériser un dénigrement de la société Brocante lab, alors il sera nécessaire de lui donner l'accès, sur nouvelle saisine du juge de la mise en état. 3) Suite de la procédure et dispositions finales 41. Cette procédure est anormalement ancienne ; à deux reprises, un juge de la mise en état a estimé que l'instruction pouvait être close. Il convient de permettre aux parties de s'en assurer au plus vite. 42. Si la demande reconventionnelle envisagée en dénigrement ne peut être instruite aussi vite que la demande principale en contrefaçon, les parties seront invitées à se prononcer sur l'opportunité d'une disjonction. 43. Le présent incident n'a pas mis fin à l'instance et il n'y a donc pas lieu de statuer sur les dépens. En revanche, la société Roset, qui le perd pour l'essentiel, doit indemniser en partie la société Brocante lab de ses frais, soit à hauteur de 3 000 euros. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état : RÉTRACTE partiellement l'ordonnance du 28 septembre 2021, c'est-à-dire seulement en tant qu'elle a autorisé une mesure excédant le domaine de recherche qui suit ; et AUTORISE corrélativement la mesure sollicitée par la requête telle qu'elle a été autorisée le 28 septembre 2021, à ceci près qu'elle est limitée à la seule recherche des éléments suivants : - les courriers et courriels a) adressés par la société Roset (ou l'un de ses préposés) à des tiers, c'est-à-dire les courriers ou courriels dont au moins un destinataire, manifestement, ne travaille ni n'a travaillé pour la société Roset, ni pour son avocat, ni pour son conseil en propriété industrielle ; b) qui contiennent le mot-clé « Brocante lab », ou le mot-clé « Brocantelab », ou le mot-clé « Selency » ; - la qualité de tiers d'au moins un des destinataires doit s'apprécier tel qu'elle ressort à l'évidence du libellé de la correspondance, ou de l'adresse du destinataire (telle qu'une extension d'adresse électronique n'indiquant aucune affiliation professionnelle liées à Roset, son avocat, son CPI, ou une adresse postale personnelle...) ORDONNE la levée partielle du séquestre, c'est-à-dire seulement sur les correspondances adressées aux personnes suivantes : - la société BCI [Localité 6] ; - Mme [L] [X] ; - Mme ou M. [E]-[H] ; - Mme [N] [T] ; - Mme [O] [J] ; DIT que l'identification des documents concernés se fera, sauf meilleur accord des parties, par l'huissier ayant accompli la mesure, aux frais avancés de la société Brocante lab ; SURSOIT à statuer sur la levée du séquestre pour le surplus, les parties étant invitées à s'accorder sur la levée du séquestre pour les autres documents, ou à défaut à saisir le juge de la mise en état, si les documents déjà révélés contiennent des propos susceptibles d'être qualifiés de dénigrants à l'égard de la société Brocante lab ; CONDAMNE la société Roset à payer 3 000 euros à la société Brocante lab au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de cet incident ; RENVOIE l'affaire à la mise en état du 15 décembre 2022 pour ultimes échanges et clôtures avec : - ultimes conclusions de la société Roset sur la contrefaçon pour le 25 novembre ; - ultimes conclusions de la société Brocante lab sur la contrefaçon pour le 8 décembre ; Faite et rendue à Paris le 21 Octobre 2022 Le Greffier Le Juge de la mise en état
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 20/03828 - No Portalis 352J-W-B7E-CSASU No MINUTE : Assignation du : 07 et 10 avril 2020 rendu le 25 octobre 2022 DEMANDERESSES Société EUROPE WATCH GROUP II BV [Adresse 6] [Localité 1] (PAYS BAS) Société EUROPE WATCH GROUP BV [Adresse 6] [Localité 1] (PAYS BAS) représentées par Maître Sylvie BENOLIE- CLAUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0415 DÉFENDERESSES S.A. TIME AND DIAMONDS (T.A.D) [Adresse 3] [Localité 5] Madame [V] [H] épouse [B] [Adresse 2] [Localité 4] représentées par Maître Emmanuelle HOFFMAN ATTIAS de la SELARL HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS,vestiaire #C0610 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Arthur COURILLON-HAVY, juge Linda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, A l'audience du 23 juin 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2022 et prorogé au 25 octobre 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort ______________________________ EXPOSÉ DU LITIGE : 1. Les sociétés Europe watch Group B.V et Europe Watch Group II B.V conçoivent et commercialisent des montres et des bijoux fantaisie. La société Europe Watch Group II est titulaire de deux marques de l'Union européenne : une marque verbale no12849361 "CLUSE" enregistrée le 27 août 2014 pour désigner en classes 14 les "instruments de mesure du temps" et 35 les "services de vente au détail concernant les instruments de mesure du temps", ainsi qu'une marque semi-figurative "CLUSE" (le signe est écrit en caractères noirs et en gras sur fond blanc) no15833858 enregistrée le 25 janvier 2017 pour désigner en classe 14 les produits de "joaillerie" et les "instruments chronométriques ; horloges ; horloges électriques ; montres". 2. La société Time And Diamonds (ci après "la société TAD") exploite le site internet accessible à l'adresse <www.cluelesswatches.com>, ainsi que la marque verbale française "CLUELESS" no4351010, déposée le 31 mars 2017, pour désigner en classe 14 notamment les produits d "horlogerie et instruments chronométriques", par Mme [V] [H], épouse [B]. 3. Par une lettre de leur conseil en date du 23 septembre 2019, les sociétés Europe Watch Group ont mis en demeure la société TAD de cesser l'utilisation du signe CLUELESS et de retirer de la vente une série de montres qui étaient selon elles des copies de celles commercialisées sous leur marque CLUSE, demande auxquelles n'a pas déféré la société TAD. 4. Les sociétés Europe Watch Group ont fait procéder le 6 décembre 2019 à un constat d'huissier sur le site internet <www.cluelesswatches.com>, exploité par la société TAD et ont ensuite fait assigner Mme [V] [H] et la société TAD, par actes d'huissier des 7 et 10 avril 2020, devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marques et concurrence déloyale et parasitaire. 5. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 30 novembre 2021, les sociétés Europe Watch Group demandent au tribunal de : - Déclarer la pièce no22 recevable ; - Juger que Mme [V] [H], épouse [B] et la société TIME AND DIAMONDS se sont rendues coupables d'actes de contrefaçon des marques de l'Union européenne CLUSE no12849361 et no15833858 dont la société EUROPE WATCH GROUP II B.V est titulaire ; - Juger que la société TIME AND DIAMONDS s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et parasitaire ; En conséquence, sous exécution provisoire de droit selon l'article 514 du code de procédure civile, - Faire interdiction, sous astreinte de 1 000 € par infraction constate et par jour de retard à compter du prononcé du jugement, à Mme [V] [H], épouse [B] et à la société TIME AND DIAMONDS de faire usage de la dénomination CLUELESS ou de toute autre dénomination similaire, à quelque titre que ce soit et sur tout support, y compris au sein du nom de domaine www.cluelesswatches.com, pour désigner des produits identiques et/ou similaires à ceux visés par les marques antérieures de l'Union européenne CLUSE no12849361 et 15833858 ; - Ordonner que les produits contrefaisants commercialisés sous la dénomination CLUELESS soient rappelés des circuits commerciaux et écartés définitivement de ces circuits aux fins de destruction devant un huissier de justice aux seuls frais in solidum de Mme [V] [H], épouse [B] et de la société TIME AND DIAMONDS, sous astreinte d'un montant de 1 000 € par infraction constate à compter d'un délai de 15 jours suivant la signification du jugement à intervenir ; - Ordonnerla destruction ou la remise à une association caritative, aux frais avancés de Mme [V] [H], épouse [B] et de la société TIME AND DIAMONDS, de tous les produits contrefaisants commercialisés sous la dénomination CLUELESS détenus en stock ainsi que la destruction de l'ensemble des supports et documents commerciaux représentant lesdits produits et ce par huissier, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard compter d'un délai de 15 jours suivant la signification du jugement à intervenir ; - Faire interdiction, sous astreinte de 1 000 € par infraction constate et par jour de retard à compter du prononcé du jugement, à Mme [V] [H], épouse [B] et à la société TIME AND DIAMONDS, de vendre ou d'offrir à la vente des produits contrefaisants sous la dénomination CLUELESS et ce, sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne ; - Faire injonction à la société TIME AND DIAMONDS, conformément à l'article L.716-4-9 du code de la propriété intellectuelle de communiquer des documents comptables certifiés permettant de déterminer les quantités exactes de produits contrefaisants commercialisés sous la marque CLUELESS importés, commandés, reçus, livrés et vendus par la société TIME AND DIAMONDS en France et sur le territoire de l'Union Européenne, sous astreinte de 500 € par jour de retard, pass le délai de 8 jours suivant la signification du jugement à intervenir ; - Ordonner à la société TIME AND DIAMONDS de procéder à la radiation du nom de domaine www.cluelesswatches.com sous astreinte de 1 000 € par jour de retard compter du prononcé du jugement ; - Se réserver la liquidation des astreintes précitées ; - Condamner in solidum Madame [V] [H], épouse [B] et la société TIME AND DIAMONDS à verser aux sociétés EUROPE WATCH GROUP B.V et EUROPE WATCH GROUP II B.V la somme provisionnelle de 500 000 € titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice commercial, à parfaire après justification de l'intégralité de la masse contrefaisante ; - Condamner in solidum Mme [V] [H], épouse [B] et la société TIME AND DIAMONDS à verser aux sociétés EUROPE WATCH GROUP B.V et EUROPE WATCH GROUP II B.V la somme de 80 000 € en rparation du préjudice moral causé du fait des actes de contrefaçon de marques ; - Condamner la société TIME AND DIAMONDS à verser à la société EUROPE WATCH GROUP B.V la somme de 300 000 € titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire ; - Annuler la marque française verbale CLUELESS déposée et enregistrée le 31 mars 2017 sous le no4351010 pour l'ensemble des produits qu'elle désigne ; - Ordonner l'inscription du jugement à intervenir au Registre National des Marques de l'INPI et DIRE que cette inscription pourra être effectuée sur présentation d'une copie exécutoire, dans les conditions de l'article R.714-3 du Code de la Propriété Intellectuelle; - Ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ou revues au choix des sociétés EUROPE WATCH GROUP B.V et EUROPE WATCH GROUP II B.V aux frais exclusifs et avancés des défenderesses dans la limite d'un montant global de 30 000 € HT ; - Débouter Mme [V] [H], épouse [B] et la société TIME AND DIAMONDS de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ; - Condamnerin solidum Madame [V] [H], épouse [B] et la société TIME AND DIAMONDS à verser aux sociétés EUROPE WATCH GROUP B.V et EUROPE WATCH GROUP II B.V la somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procdure civile ainsi qu'aux entiers dépens. 6. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 14 octobre 2021,la société TAD et Mme [H] demandent au tribunal de : - Les Recevoir en toutes leurs demandes, fins et conclusions, - Ecarter des débats la pièce 22 communiquée par les sociétés EUROPE WATCH GROUP BV et EUROPE WATCH GROUP II BV comme non traduite en langue française ; - Débouter les sociétés EUROPE WATCH GROUP BV et EUROPE WATCH GROUP II BV de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ; - Dire qu'aucun acte de contrefaçon de marque ne peut être reproché à la société TIME AND DIAMONDS du fait de l'exploitation de la marque CLUELESS faute de risque de confusion avec les marques CLUSE revendiquées ; - Dire qu'aucun acte de contrefaçon de marque ne peut être reproché à Mme [V] [H] du fait du dépôt de la marque française CLUELESS numéro 4351010 faute de risque de confusion avec les marques CLUSE revendiquées ; - Débouter les sociétés EUROPE WATCH GROUP II et EUROPE WATCH GROUP BV de toutes leurs demandes au titre de la contrefaçon de marques y compris leurs demandes indemnitaires; - Débouter les sociétés EUROPE WATCH GROUP BV et EUROPE WATCH GROUP II BV de toutes leurs au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, y compris leurs demandes indemnitaires : - Débouter les sociétés EUROPE WATCH GROUP BV et EUROPE WATCH GROUP II BV de l'ensemble de leurs demandes complémentaires y compris d'exécution provisoire ; - Condamner solidairement les sociétés EUROPE WATCH GROUP BV et EUROPE WATCH GROUP II BV à verser à la société TIME AND DIAMONDS la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner solidairement les sociétés EUROPE WATCH GROUP BV et EUROPE WATCH GROUP II BV à verser à Mme [V] [H] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner solidairement les sociétés EUROPE WATCH GROUP BV et EUROPE WATCH GROUP II BV aux entiers dépens. 7. L'instruction a été clôturée par une ordonnance du 9 décembre 2021 et l'affaire plaidée à l'audience du 23 juin 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur la contrefaçon de marques Moyens des parties 8. Les sociétés Europe Watch Group soutiennent que le risque de confusion, apprécié globalement, est inévitable ici, et d'ailleurs avéré, vu l'identité des produits et la similarité des signes. Elles font ainsi valoir que les produits couverts par l'enregistrement de la marque CLUELESS sont similaires voire identiques à ceux désignés par l'enregistrement des marques CLUSE. Elles font également valoir que les deux signes "CLUSE" et "CLUELESS" sont visuellement et phonétiquement proches, sans qu'une signification conceptuelle puisse les différencier. En particulier, elles soutiennent que les deux termes seront prononcés de la même manière par un consommateur français et relèvent surtout que l'attaque des deux mots étant identique et l'intégralité des lettres du signe des demanderesses étant repris dans celui des défenderesse, le risque de confusion est caractérisé. Elles invoquent à cet égard la confusion faite par deux clientes ayant acquis des montres "Clueless", l'une en proposant la revente comme montre de marque "Cluse" et la seconde s'adressant au service après-vente "Cluse" pour se plaindre de la mauvaise qualité du bracelet. 9. Les défenderesses contestent cette analyse et soutiennent qu'une appréciation globale des signes en comparaison permet de conclure à une absence de risque de confusion. En effet, si les produits en cause sont bien identiques, la société TAD et Mme [H] relèvent que les deux mots sont d'une longueur différente et composés de lettres différentes, tandis qu'une similarité entre eux ne peut pas être déduite de la seule identité de leurs trois premières lettres, ce d'autant moins que le consommateur français ne les prononcera pas de la même manière, tandis qu'aucun des deux signes n'a selon elles de signification incontestable qui permettrait de les rapprocher. Réponse du tribunal 10. Aux termes de l'article 9 "Droit conféré par la marque de l'Union européenne" du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne (rédigé en termes en substance identiques à l'article 10 de la Directive 2015/2436 rapprochant les législations sur les marques): "1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : (...) b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque ; (...) 3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2: a) d'apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement; b) d'offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d'offrir ou de fournir des services sous le signe; c) d'importer ou d'exporter les produits sous le signe; (...)." 11. Afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les signes en conflit, il y a lieu de déterminer leur degré de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle et, le cas échéant, d'évaluer l'importance qu'il convient d'accorder à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou de services en cause ou des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (arrêts du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-342/97, point 27, et du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C-334/05 P, point 36 ; et récemment arrêt du 4 mars 2020, Equivalenza Manufactory SL, C-328/18 P, point 68). 12. Il n'est pas contesté que les produits couverts par les marques en litige sont au moins pour partie identiques s'agissant dans les deux cas de produits d'horlogerie et en particulier de montres. Les produits sont donc fortement similaires et le public pertinent d'attention moyenne à élevée. 13. Visuellement, les signes "Cluse" et "Clueless" partagent incontestablement la même attaque "CLU" et, ainsi que le relèvent à juste titre les sociétés demanderesses, la partie initiale des marques verbales peut être susceptible de retenir l'attention du consommateur davantage que les parties suivantes (voir par exemple les arrêts du tribunal du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI – [J] [G] et Iberia Líneas Aéreas de España (MUNDICOR), aff. T-183/02 et T-184/02, Rec. p. II-965, point 81, du 16 mars 2005, L'Oréal/OHMI – Revlon (FLEXI AIR), T-112/03, points 64 et 65, du 13 février 2008, Sanofi-Aventis SA,/ OHMI - GD Searle LLC (URION /ATURION), aff. T146/06, point 49). En outre, si le consommateur français prononcera sans doute cette attaque [kly] s'agissant de la marque "Cluse" et [klu] s'agissant de la marque "Clueless", dès lors qu'il percevra immédiatement qu'il s'agit d'un terme de la langue anglaise, le public pertinent du reste de l'Union prononcera lui l'attaque des deux signes de la même manière à savoir [klu]. 14. Ceci étant, les signes se distinguent visuellement par l'ajout de 3 lettres dans la marque "Clueless", ce qui en modifie assez nettement l'apparence, et se distinguent surtout phonétiquement par l'ajout d'une syllabe, ici "less". Il en résulte que la ressemblance, visuelle et auditive des signes, est moyenne voire faible en dépit de l'identité de leurs 3 premières lettres. 15. Il est également rappelé que, si le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n'en demeure pas moins que, en percevant un signe verbal, il décomposera celui-ci en des éléments verbaux qui, pour lui, suggèrent une signification concrète ou qui ressemblent à des mots qu'il connaît (voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI - Altana Pharma (RESPICUR), aff. T-256/04, point 57). En l'occurrence, si le signe "Cluse" n'a apparemment pas de signification particulière, le signe "Clueless" est quand à lui un terme de la langue anglaise qui signifie "sans aucune idée", voire "confus", "perdu" et, si le public français n'attribuera pas nécessairement immédiatement à ce signe son sens exact, il comprend qu'il s'agit d'un terme de langue anglaise, renvoyant littéralement, par l'ajout du suffixe "less" au terme "clue", à l'absence d'indice. Les signes "Cluse" et "Clueless" sont donc conceptuellement distincts. 16. Il en résulte que le public pertinent, d'attention moyenne à élevée, en dépit de l'identité des produits, ne sera pas amené à leur attribuer une origine commune en raison de la faible ressemblance des signes dont ils sont revêtus et plus particulièrement en raison de leurs différences auditive et conceptuelle. Le risque de confusion apparaît donc exclu et les deux événements rapportés par les sociétés demanderesses apparaissent susceptibles d'avoir d'autres causes qu'une réelle confusion entre les signes par les consommateurs au moment de l'achat des produits. 17. La contrefaçon de marques n'étant pas caractérisée, toutes les demandes présentées à ce titre (interdiction, rappel des produits, communication forcée de pièces, annulation de la marque "Clueless", radiation de nom de domaine, paiement de dommages-intérêts) ne peuvent qu'être rejetées. 2o) Sur la concurrence déloyale et paratisaire Moyens des parties 18. Les sociétés demanderesses reprochent à la société TAD d'avoir repris de manière quasi identique 5 montres, parmi les plus caractéristiques et "emblématiques" des collections commercialisées sous leur marque "CLUSE". Les sociétés Europe Watch Group fondent également leurs demandes en concurrence déloyale et parasitaire sur la reprise par la société TAD d'éléments de communication, à savoir 6 visuels publiés sur leur compte Instagram repris à l'identique sur le compte Instagram "Clueless" après modification des produits présentés. 19. La société TAD conclut au rejet des demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire soutenant que, si les produits qu'elle-même commercialise ressemblent à ceux des sociétés Europe Watch Group, c'est parce que leurs produits s'inscrivent dans une même tendance de la mode horlogère, reprise par de nombreux autres opérateurs économiques, celle des montres de poignet "vintage" à boîtier rond ou carré et bracelet en maille milanaise (effet côte de maille), que les sociétés demanderesses ne sauraient s'approprier. La société TAD ajoute avoir exposé ses propres frais de promotion de ses produits et soutient que les sociétés demanderesses ne détiennent aucun droit privatif sur les photographies qu'elles lui reprochent d'avoir reprises. Réponse du tribunal 20. Selon les articles 1240 et 1241 du code civil « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. » 21. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d'un risque de confusion. L'appréciation de cette faute doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité et la notoriété du produit copié. 22. Le parasitisme, qui n'exige pas de risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et sans bourse délier des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail, produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel. Il incombe à celui qui allègue de parasitisme d'établir le savoir-faire ainsi que les efforts humains et financiers consentis par lui, ayant permis la création d'une valeur économique individualisée. 23. Force est en l'occurrence de constater que les sociétés demanderesses n'établissent (ni d'ailleurs n'allèguent), que les 5 montres "copiées" par la société TAD seraient particulièrement originales ou particulièrement anciennes, s'agissant de créations datées de 2015 et 2018. Les deux parties commercialisent en outre une gamme bien plus vaste de produits, les sociétés Europe Watch Group revendiquant la commercialisation de 122 produits, et la société TAD 555 références. En outre, les sociétés Europe Watch Group ne caractérisent pas en quoi ces 5 modèles bénéficieraient d'une notoriété particulière ou encore représenteraient une valeur économique individualisée, leur propre communication sur Instagram concernant ces produits n'apparaissant de ce chef pas particulièrement convaincante, en l'absence d'autres éléments démontrant les investissements spécialement consacrés à ces 5 modèles de montres ou encore leur part dans le chiffre d'affaires de 69 millions d'euros réalisé en 2017 sur la vente de montres, qui est invoqué au titre de leur préjudice. Il en résulte que la "copie", qui n'est au demeurant pas servile, des modèles Boho Chic, Tetragonne et Triomphe, ne saurait en elle-même être constitutive d'un agissement parasitaire ou déloyal. 24. En revanche, la reprise de 6 visuels divulgués et exploités par les sociétés demanderesses, révélateurs de leur univers, pour présenter (manifestement par des retouches réalisées sur ces photographies) des montres similaires aux leurs, caractérise la volonté de la société TAD, tout à la fois de créer un risque de confusion entre ses produits et ceux de la marque "Cluse", et de tirer partie sans bourse délier des investissements promotionnels sur les réseaux sociaux des sociétés Europe Watch Group, ce qui caractérise l'existence d'une faute de concurrence déloyale et parasitaire. 25. Une telle faute cause nécessairement un préjudice aux sociétés demanderesses (Cass. Com., 12 févr. 2020, pourvoi no 17-31.614) dont une part des investissements publicitaires est ainsi captée et qui subissent le risque qu'une partie de leur clientèle se détourne. Ce préjudice sera réparé par le versement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts, cette somme, au paiement de laquelle sera condamnée la société TAD, prenant en compte l'importance de la communication digitale pour les deux parties qui commercialisent leurs produits principalement sur internet auprès d'une clientèle plutôt jeune. Le préjudice apparaissant ainsi suffisamment réparé, la demande de publication de la présente décision sera rejetée. 26. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société TAD sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer aux sociétés Europe Watch Group la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme tenant compte du fait que ces parties perdent sur l'essentiel de leurs demandes, tandis qu'il n'apparaît pas inéquitable ici que Mme [H] conserve la charge de ses frais irrépétibles. 27. Aucune circonstance ne justifie enfin d'écarter l'exécution provisoire de droit dont est assortie la présente décision conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Le tribunal, REJETTE les demandes des sociétés Europe Watch Group et Europe Watch Group II fondées sur la contrefaçon des marques de l'Union Européenne "CLUSE" no12849361 et no15833858 (interdiction, rappel des produits, communication forcée de pièces, annulation de la marque "Clueless", radiation de nom de domaine, paiement de dommages-intérêts); CONDAMNE la société Time And Diamond à payer à la société Europe Watch Group la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice causé par les faits de concurrence déloayale et parasitaire résultant de la reprise de 6 visuels lui appartenant ; REJETTE la demande de publication de la présente décision ; CONDAMNE la société Times And Diamonds aux dépens ; CONDAMNE la société Time And Diamond à payer à la société Europe Watch Group la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; DÉBOUTE Mme [V] [H] épouse [B] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire. Fait et jugé à Paris le 25 Octobre 2022. La Greffière La Présidente
CAPP/JURITEXT000047304651.xml
JUDICIAIRE 3ème chambre 1ère section No RG 20/09782 No Portalis 352J-W-B7E-CS55M No MINUTE : Assignation du : 28 août 2020 rendu le 17 novembre 2022 DEMANDEURS Monsieur [D] [X] [Adresse 4] [Localité 5] S.A.R.L. LCP FRANCE [Adresse 2] [Localité 6] représentées par Me Noémie SAIDI COTTIER, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C1850 & Me Olivier YAU, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant DÉFENDERESSE S.A.S. SC INVEST "AUTOTRUCK 42" [Adresse 1] [Localité 3] représentée par Me Antoine MORAVIE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #D0363 & Me Jean-Louis ROBERT de la SELARL ROBERT, avocat au barreau de ROANNE, avocat plaidant COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Elodie GUENNEC, Vice-présidente Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière L'audience s'est tenue sans débats, les avocats ayant procédé par dépôt des dossiers. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort Magistrat signataire (article 456 du code de procédure civile) : Elodie GUENNEC, Vice-présidente, la présidente Nathalie SABOTIER étant empêchée. EXPOSE DU LITIGE Au début des années 2000, Monsieur [D] [X] a mis sur le marché des signaux acoustiques permettant de réduire les nuisances sonores générées notamment par les signaux de recul des engins de chantiers, qui permettent d'éviter collisions et accidents, grâce à un procédé de modulation automatique de la puissance sonore de l'avertisseur de recul, adaptée à environ cinq décibels au-dessus du bruit ambiant. L'objet est de garantir la sécurité tout en améliorant le confort du personnel et en réduisant la pollution sonore. À ce titre, il est titulaire des marques suivantes : - La marque semi-figurative « LE CRI DU LYNX® » no 3153067 déposée le 12 mars 2002 dans la classe 9 pour les « appareils de signalisation » : - La marque verbale « LE CRI DU LYNX® » no 4474984 déposée le 7 août 2018 dans les classes 9 et 12 notamment pour les « alarmes et systèmes d'alarme, capteurs de détection d‘objets, avertisseurs sonores pour véhicules? ». Ces marques sont utilisées pour commercialiser des produits de signaux de recul à faible acoustique, la SARL LCP France, dont M. [X] est le gérant, disposant d'une licence exclusive sur ces marques. La SAS SC Invest exerçant sous le nom commercial Autotruck 42 (ci-après la société SC Invest) intervient quant à elle dans le commerce de détail d'équipement automobile et exploite un site d'e-commerce en proposant à la vente divers produits et plus particulièrement des pièces détachées automobiles, poids lourds, tracteurs et bateaux. M. [X] indique avoir constaté que la société SC Invest, utilise la dénomination « cri du lynx » pour vendre ses produits et les référencer sur son site internet. Le 23 juillet 2019, M. [X] et la société LCP France ont demandé à la société SC Invest de cesser d'utiliser les marques « LE CRI DU LYNX ». Ils ont vainement réitéré leur demande le 5 septembre 2019, avant lui délivrer une mise en demeure par courrier du 4 novembre 2019. La société SC Invest n'a pas répondu à ces courriers. M. [X] et la société LCP France ont fait dresser un procès-verbal de constat le 20 novembre 2019, relevant notamment que le site internet de la société exerçant sous le nom Autotruck 42 référence un lien internet proposant la vente d'un avertisseur « représentant le cri d'un lynx ». Après une ultime tentative de résolution amiable du litige, M. [X] et la société LCP France ont fait assigner, par acte d'huissier du 28 août 2020, la société SC Invest devant le tribunal judiciaire de Paris. Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 octobre 2021, Monsieur [D] [X] et la SARL LCP France demandent au tribunal, vu les dispositions des articles L. 713-2, L. 716-4, L. 716-4-6, L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle et 1240 du code civil, de: - Débouter la société Autotruck 42 de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions; - Déclarer bien fondées leurs demandes; En conséquence : - Rejeter la demande de nullité de la marque « LE CRI DU LYNX » ; - Dire et juger que les agissements d'Autotruck 42 liés à l'utilisation des marques « LE CRI DU LYNX » sont de nature à porter atteinte aux marques dont ils sont titulaires ; - Interdire à Autotruck 42 de poursuivre de quelque manière que ce soit l'utilisation des marques « LE CRI DU LYNX » et ce, sous astreinte définitive et non comminatoire de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ; - Dire et juger que le président du tribunal restera compétent pour connaître de la liquidation éventuelle des astreintes qu'il aura ordonnées ; - Condamner Autotruck 42 à réparer les préjudices qu'ils subissent et à leur verser une somme de 55.283,88 euros de dommages-intérêts ; - Condamner Autotruck 42 au paiement de la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. - Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 31 mai 2021, la SAS SC Invest exerçant sous le nom commercial Autotruck 42 demande au tribunal, au visa de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, de : - Prononcer la nullité de la marque française « LE CRI DU LYNX » ; - Dire que le jugement à intervenir sera transmis à l'Institut National de la Propriété Intellectuelle pour transcription ; - Déclarer les demandes en contrefaçon de marque irrecevables ; - Débouter la société LCP France et M. [X] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ; - Condamner solidairement la société LCP France et M. [X] à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens ; - Dire n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir. L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 janvier 2022, et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 19 septembre 2022. Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. Sur la demande reconventionnelle en nullité de la marque semi-figurative « LE CRI DU LYNX® » no 3153067 et de la marque verbale « LE CRI DU LYNX® » no 4474984 Moyens des parties : La SAS SC Invest oppose en premier lieu, à titre reconventionnel, la nullité de la marque « LE CRI DU LYNX » dont est titulaire M. [X]. Elle soutient que la marque litigieuse ne serait pas distinctive mais purement descriptive, dans la mesure où elle ne ferait que décrire le bruit émis par les appareils de recul qui s'apparente au cri du félin. M. [X] et la société LCP France défendent au contraire le caractère fortement distinctif de la marque. Ils soulignent qu'elle ne décrit nullement le bruit des produits et que l'expression « CRI DU LYNX » a été au contraire choisie de manière totalement arbitraire pour distinguer les produits sur le marché. Appréciation du tribunal : L'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que : « Ne peuvent être valablement enregistrés et, s'ils sont enregistrés, sont susceptibles d'être déclaré nuls : 1o Un signe qui ne peut constituer une marque au sens de l'article L. 711-1 ; 2o Une marque dépourvue de caractère distinctif; 3o Une marque composée exclusivement d'éléments ou d'indications pouvant servir à désigner, dans le commerce, une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation du service ; [?] ». Aux termes de l'article L.714-3 du code de la propriété intellectuelle, "Est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711-4." En application de ces dispositions, une marque, pour être valable, doit être perçue comme un signe distinctif. L'exigence de distinctivité du signe se justifie, en droit, par la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service qu'elle désigne, en lui permettant de le distinguer sans confusion possible de ceux ayant une autre provenance. A ce titre, il est constant qu'un signe décrivant une caractéristique du produit ou du service qu'il désigne, telle que sa qualité, sa composition, sa destination, ou encore sa provenance, n'est pas arbitraire. Le caractère distinctif de la marque s'apprécie par rapport aux produits et/ou services qu'elle désigne et la perception qu'en a le public pertinent. En l'espèce, la marque semi-figurative « LE CRI DU LYNX® » no 3153067 a été déposée le 12 mars 2002 dans la classe 9 pour les « appareils de signalisation » et la marque verbale « LE CRI DU LYNX® » no 4474984 a été déposée le 7 août 2018 dans les classes 9 et 12, cette dernière classe visant « les systèmes d'alarme pour véhicules terrestres, les avertisseurs sonores pour véhicules, les avertisseurs sonores de marche arrière pour véhicules, les dispositifs sonores pour véhicules ». Des produits de signaux acoustiques de recul sont commercialisés sous cette marque par M. [X], par l'intermédiaire de la société LCP France, licenciée exclusive, ce qui n'est pas discuté. Le public pertinent est composé principalement de professionnels faisant usage de ce type d'appareil de signalisation. Il ressort du dossier de présentation de la marque « LE CRI DU LYNX », versé en pièce no 22 par les demandeurs, et en particulier des données techniques relatives au signal sonore émis par les produits de la marque, qu'il « est formé d'un ensemble de fréquences allant de 500 à 11 000HZ, contrairement à un signal classique (« bip bip ») qui n'émet que sur une seule fréquence ». Or, le dossier technique comprend une comparaison entre le bruit d'un lynx et le son produit par l'avertisseur de la marque, illustrée par des graphiques qui traduisent l'absence totale de similitude entre ces deux sons. Il est ainsi précisé que « le signal sonore discontinu délivré par l'avertisseur n'est pas aléatoire mais constant, il est parfaitement régulier puisque généré électroniquement. La seule variable est sa puissance sonore. On ne peut pas en dire autant d'un cri d'animal, qui est sujet à de nombreuses variations et vocalises. Son bruit/son cri sera différent s'il chasse, cherche à se reproduire, à intimider? ». Cette analyse est par ailleurs confortée par l'écoute de la pièce no23 versée aux débats par les demandeurs, constituée d'un extrait audio du son émis par un produit de la marque « LE CRI DU LYNX » et du cri d'un lynx, au demeurant peu connu, dont il ne résulte pas la moindre similarité. Le choix de ce vocable rend donc la marque arbitraire par rapport au produit vendu. N'étant ni descriptive ni dépourvue de caractère distinctif au regard des produits et services qu'elle désigne, la marque « LE CRI DU LYNX », qui remplit sa fonction de marque à l'endroit du public pertinent, sera par conséquent déclarée valable. La demande de nullité de la marque formée par la SAS SC Invest sera rejetée. Sur la contrefaçon des marques semi-figurative et verbale « LE CRI DU LYNX® » Moyens des parties : Invoquant la titularité des marques « LE CRI DU LYNX », M. [X] et la société LCP France, qui invoque une licence exclusive d'exploitation sur ces marques, soutiennent que la société SC Invest en utilisant les marques « LE CRI DU LYNX » sur son site internet, dans le descriptif de ses produits et dans l'adresse du lien renvoyant vers ses produits a commis des actes de contrefaçon. Ils ajoutent que l'utilisation sur son site internet des mots « bruit du lynx » ou « cri du lynx » lui permet d'être mieux référencée sur les moteurs de recherche internet ce qui contribue à créer une confusion dans l'esprit des clients et des clients potentiels de la société LCP France et concluent à un comportement parasitaire de captation de la clientèle. Elles sollicitent le prononcé d'une mesure d'interdiction ainsi que la réparation de leur préjudice subi par l'octroi de dommages-intérêts. La société SC Invest soutient que la demande en contrefaçon de marque de M. [X] et la société LCP France est irrecevable. Elle critique le montant des dommages-intérêts sollicité et conclut que ne peut être interdite la commercialisation de produits imitant le bruit du lynx, alors qu'elle ne les fabrique pas et qu'ils sont acquis auprès de sociétés qui les commercialisent au niveau mondial. Appréciation du tribunal : 1. Sur la caractérisation de la contrefaçon Conformément aux dispositions de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, « est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque. » L'article L. 713-3-1 du code de la propriété intellectuelle précise que « sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants : 1o L'apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement ; 2o L'offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l'offre ou la fourniture des services sous le signe ; 3o L'importation ou l'exportation des produits sous le signe ; 4o L'usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d'un nom commercial ou d'une dénomination sociale ; 5o L'usage du signe dans les papiers d'affaires et la publicité ; 6o L'usage du signe dans des publicités comparatives en violation des dispositions des articles L. 122-1 à L. 122-7 du code de la consommation ; 7o La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée. Ces actes et usages sont interdits même s'ils sont accompagnés de mots tels que : " formule, façon, système, imitation, genre, méthode ». Aux termes des dispositions de l'article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L. 713-4 du code de la propriété intellectuelle. Interprétant les dispositions de l'article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE), dont les dispositions précitées réalisent la transposition en droit interne, la Cour de Justice des Communautés européennes a dit pour doit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (voir arrêt Canon, C-39/97, point 29 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97 ). Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (voir, arrêt SABEL, C-251/95, point 22), cette appréciation globale impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte (voir arrêt Canon, point 17). L'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, arrêt Gut Springenheide et Tusky, C-210/96, point 31 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97, point 26). En l'espèce, il ressort du procès-verbal de constat dressé le 20 novembre 2019 par Maître [G] [C], clerc habilitée aux constats au sein de la SAS Huissiers Réunis à [Localité 7], que la société SC Invest, exerçant sous l'enseigne Autotruck 42, utilise les terminologies « cri du Lynx », « cri d'un lynx », « bruit d'un lynx » pour désigner des avertisseurs ou alarmes de recul qu'elle commercialise sur son site internet. En effet, les demandeurs établissent au moyen de ce procès-verbal de constat, que la société SC Invest offre à la vente, sur son site internet, à destination de la clientèle : un « avertisseur représentant le cri d'un lynx (12/14v)97DB » décrit comme étant un « avertisseur de recul représentant un bruit ou le cri d'un lynx (animal) » pour 119,90 euros TTC ou encore une « alarme de recul, ultrason (bruit d'un lynx) 87DB 12/24V ». Il ressort également du procès-verbal de constat que la société SC Invest utilise cette référence dans le chemin d'accès conduisant le consommateur sur une page du site internet, accessible en France, où sont commercialisés les produits, tel que par exemple : https://autotruck42.com/alarme-et-bip-de-recul/86-avertisseur-cri-du-lynx.html, la désignation litigieuse étant reprise également sur le site de manière quasiment générique, comme dans un article publié le 4 février 2020 sur la page de son site internet, sous le titre « alarme et bip de recul : tou[t] savoir, ultrason, cri du lynx etc? ». L'emploi du mot « Lynx » associé à une référence expresse au son émis par le félin en utilisant les termes « bruit » ou « cri », permet d'établir le caractère sinon identique, du moins parfaitement similaire, aux plans tant visuel, qu'auditif et surtout conceptuel, des dénominations utilisées par la société SC Invest pour désigner les produits en vente, à la marque dont est titulaire M. [X]. Les demandeurs font également la démonstration de son utilisation par la défenderesse pour désigner, sur le marché, un produit parfaitement identique à celui proposé par la société LCP France à sa clientèle, puisqu'il s'agit de radars, alarmes de recul ou avertisseurs sonores. L'absence d'autorisation pour ce faire n'est pas discutée, et la société SC Invest ne conteste pas avoir vendu un certain nombre de ces produits, l'usage dans la vie des affaires étant ainsi pleinement démontré. Dès lors, le risque d'association des produits ainsi désignés avec ceux de la marque protégée, par le public pertinent, en l'espèce un professionnel dont le degré d'attention est plutôt élevé, pour les classes 9 et 12, est réel. En effet, il pourrait attribuer à tort à ces produits une origine commune, permettant de caractériser un risque de confusion, alors que la marque est fortement distinctive. De surcroît, l'utilisation du signe dans le chemin d'accès conduisant sur une page du site commerçant, lui permet d'être référencée dans les résultats des moteurs de recherche lorsque le consommateur recherche le produit de la demanderesse. Le mots clés « lynx » associé au produit « alarme et bip de recul », déclenche l'affichage du lien commercial de la défenderesse et oriente le consommateur vers son site internet. La société SC Invest fait ainsi connaître ses propres produits à l'internaute qui rechercherait des informations ou des offres sur les produits du titulaire de la marque. Cela porte atteinte à la fonction essentielle de la marque dans le domaine du commerce électronique. Un tel comportement entre sous le coup de la contrefaçon de marque, qui est ainsi caractérisée. 2. Sur les mesures réparatrices L'article 1240 du code civil dispose que ?tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". En application des dispositions de l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, « pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. » En l'espèce, il convient tout d'abord, afin de faire cesser les actes contrefaisant, de faire droit, en tant que de besoin, à la demande d'interdiction, selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision. En application des dispositions précitées, le montant des dommages- intérêts alloué doit s'apprécier non seulement par référence au préjudice subi par la partie lésée mais aussi en tenant compte des bénéfices retirés de la contrefaçon, ce qui implique de prendre en compte d'une part, les gains manqués et pertes subies et d'autre part, le profit du contrefacteur. En l'espèce, s'agissant des conséquences économiques négatives de la contrefaçon, il ressort des pièces versées aux débats, en particulier de la grille tarifaire de ses produits pour l'année 2020, que la société LCP France commercialise, à cette date, une alarme 87 DB 12-24 volts pour un montant de 49,50 euros HT, soit 59,40 euros TTC. Elle justifie, dans la même période de temps, que la société SC Invest commercialise une alarme de recul 12/24 volt /87 DB qui « remplace le cri du lynx » au prix de 69,90 euros TTC, soit un prix supérieur de 10,50 euros. La société LCP France affirme vendre environ 500 exemplaires par an de ce produit et énonce qu'elle aurait pu, depuis 2018, en vendre 300 exemplaires de plus. Ces affirmations ne sont toutefois nullement étayées ce qui ne permet pas d'établir précisément le manque à gagner de la société LCP France, qui n'établit pas non plus que ses ventes ont chuté depuis les faits constatés. S'agissant du bénéfice du contrefacteur, la société SC Invest démontre, quant à elle, au moyen d'un extrait de son journal de vente du 1er janvier 2019 (date de son immatriculation) au 06 mai 2021, qu'elle a vendu, entre le 31 mars 2019 et le 13 mars 2020, 21 alarmes de recul 87 DB et 97 DB. Son chiffre d'affaire pour ce produit, pour la période citée, en retenant un tarif moyen TTC de 69,90 euros, est donc de 1.463 euros. Les parties ne donnent pas d'élément permettant d'établir avec précision la marge applicable et de calculer le bénéfice réel de la société. En revanche, il y a lieu de considérer que la part des ventes due à l'emploi de la dénomination litigieuse est significative compte-tenu de son utilisation sur un site internet. Enfin, les demandeurs produisent un tableau des frais investis pour l'enregistrement et l'exploitation de la marque afin de justifier des économies d'investissement réalisées par le défendeur. Ce tableau énumère des dépenses diverses (publicité, dépôt et protection de la marque, participation à des salons), exposés depuis 2018 pour un montant total de 32.133,88 euros, sans produire les justificatifs afférents. Seules sont justifiées à ce titre les participations à des forum et congrès destinés à promouvoir les produits, néanmoins tous antérieurs à l'enregistrement de la première marque. Dès lors, au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient d'octroyer à M. [X] et la société LCP, en réparation du préjudice matériel subi du fait de la contrefaçon, une somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts. En raison de l'inertie de la société SC Invest, en dépit des demandes de suppression de toutes références au « CRI DU LYNX » sur son site internet, les faits de contrefaçon ont perduré et occasionné en cela un préjudice moral à M. [X] et la société LCP France causé par la banalisation de la marque. Ce préjudice sera intégralement réparé par l'octroi d'une somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts. Sur les demandes annexes Succombant, la société SC Invest sera condamnée aux dépens de l'instance. Supportant les dépens, elle sera condamnée à payer à M. [D] [X] et à la société LCP France la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. L'exécution provisoire de la présente décision est de droit en application des dispositions de l'article 514-1 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, LE TRIBUNAL, DÉBOUTE la SAS SC Invest exerçant sous le nom commercial Autotruck 42 de sa demande de nullité des marques semi-figurative et verbale « LE CRI DU LYNX® » enregistrées respectivement sous les no 4474984 et no 3153067 ; FAIT INTERDICTION à la SAS SC Invest d'user sur son site internet, à l'adresse pour commercialiser ses produits, des éléments verbaux et figuratifs constituant la marque semi-figurative « LE CRI DU LYNX® » no 3153067 et la marque verbale « LE CRI DU LYNX® » no 4474984 dont M. [D] [X] est titulaire, et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ; DIT n'y avoir lieu à se réserver le contentieux de la liquidation de l'astreinte ; CONDAMNE la SAS SC Invest à payer à M. [X] et à la SARL LCP France la somme totale de 5.000 euros (cinq mille euros) à titre de dommages-intérêts; CONDAMNE la SAS SC Invest aux dépens de l'instance ; CONDAMNE la SAS SC Invest à payer à M. [X] et à la SARL LCP France la somme de 4.000 euros (quatre mille euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est exécutoire par provision. Fait et jugé à Paris le 17 novembre 2022 LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 20/08389 No Portalis 352J-W-B7E-CSWCB No MINUTE : Assignation du : 14 août 2020 rendu le 13 septembre 2022 DEMANDERESSE LA FONDATION 30 MILLIONS D'AMIS [Adresse 2] [Localité 3] représentée par Maître Vanessa GRYNER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0792 DÉFENDERESSE Association SOCIETE PROTECTRICE DES ANIMAUX [Adresse 1] [Localité 4] représentée par Maître Bénédicte ROCHET de l'AARPI BARON AIDENBAUM & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0389 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Arthur COURILLON-HAVY, juge Linda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière lors des débats et de Quentin CURABET, greffier lors de la mise à disposition A l'audience du 07 Avril 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 07 juin 2022 et prorogé en dernier lieu au 13 Septembre 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort Exposé du litige 1. La fondation 30 Millions d'amis reproche à la Société protectrice des animaux (SPA), qui oeuvre comme elle à la protection animale, d'avoir, lors d'une campagne publicitaire en juin 2020, copié les images de sa propre campagne menée en 2016, en reproduisant leurs caractéristiques tenant au « focus » sur l'oeil d'un animal, dans lequel se reflète une scène. Elle qualifie ces faits de contrefaçon de droits d'auteur, de concurrence déloyale en raison d'un risque de confusion, et de parasitisme. 2. Estimant que les réponses données par la SPA les 26 et 29 juin 2020 à sa mise en demeure étaient tardives, 13 et 16 jours après sa première lettre, et laissaient le préjudice s'aggraver pendant une « période cruciale », la fondation 30 Millions d'amis a, le 14 aout 2020, assigné la SPA en dommages et intérêts, confiscation, interdiction, et publication du jugement. L'instruction a été close le 28 octobre 2021, et l'affaire plaidée le 7 avril 2022. 3. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 7 avril 2021, la fondation 30 Millions d'amis demande de : ? condamner la SPA à lui payer ? 50 000 euros de dommages et intérêts pour les atteintes à ses droits patrimoniaux et moraux d'auteur, ? 130 161,63 euros au titre du parasitisme et ? 50 000 euros au titre de la concurrence déloyale par risque de confusion, ? « la confiscation des visuels contrefaisants », à son profit, l'interdiction sous astreinte de (faire) fabriquer, exposer ou publier ces « visuels », et leur restitution ou destruction en présence d'un huissier ? ainsi que la publication du jugement sur le site internet de la SPA et dans 3 journaux, selon certaines modalités, ? outre 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens (« y-compris ceux exposés pour procéder aux opérations de constats ») et l'exécution provisoire. 4. Elle soutient que sa campagne est originale en ce qu'elle est le fruit de choix artistiques effectués lors de la phase préparatoire, de la matérialisation, du choix des photographies et des retouches ultérieures ; que l'allégorie réalisée par le biais d'un focus sur l'oeil d'un animal, et le reflet renvoyant à la scène qui pourrait se dérouler devant ses yeux constituent des choix esthétiques et portent l'empreinte de la personnalité de l'auteur (elle-même en l'occurrence) ; que les 3 animaux choisis dans sa campagne correspondent à 3 animaux réels ayant subi des maltraitances qu'elle a choisi de dénoncer ; et qu'en définitive, elle est la première dans le domaine de la protection animale à avoir représenté un oeil (ou des yeux) d'animal de manière centrée, en plan plus ou moins serré, avec le reflet de ce que voit ou a vu l'animal, ce qui permet au public de comprendre le vécu des animaux abandonnés ou maltraités ; et que la SPA a commis une contrefaçon en reproduisant la caractéristique originale tenant au focus sur l'oeil de l'animal et la scène se déroulant devant ses yeux. 5. Sur la concurrence déloyale, elle fait valoir qu'il a déjà été jugé que la reprise d'une idée publicitaire était déloyale ; de même que la copie servile créant un risque de confusion ; qu'or les visuels des parties ont ici « une impression d'ensemble d'identité » et que « la confusion est d'ores et déjà semée dans l'esprit du public ». Sur le parasitisme, elle expose avoir déboursé 26 544,63 euros pour sa campagne, et 103 607 euros pour la diffuser, et que la portée de ces investissements est réduite voire anéantie du fait de la SPA. 6. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 5 octobre 2021, l'association Société protectrice des animaux soulève l'irrecevabilité de « l'action » en contrefaçon, résiste à l'ensemble des demandes sur le fond, et réclame elle-même 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens recouvrés par son avocat. 7. Elle fait valoir qu'en application du principe de la liberté d'expression, dont découle la liberté de création, les idées sont de libre parcours ; que seule une création de forme originale peut donner lieu à protection par un droit d'auteur. Et elle estime que la demanderesse tente ici de s'approprier l'idée d'un focus sur l'oeil d'un animal et de la reproduction d'images au centre dudit oeil ; que cette idée serait au demeurant largement reprise, par exemple sur un article de 2012 dans un forum de photographie, sur des affiches ou dans des scènes de films ; que le traitement que chacune a fait de cette idée n'a aucune ressemblance, d'un côté la maltraitance, de l'autre l'abandon, d'un côté la représentation d'une scène éventuelle, de l'autre celle du passé réellement vu ; qu'en tout état de cause il ne s'agirait que d'une rencontre fortuite car elle n'avait pas connaissance, dit-elle, de cette campagne de 2016 de la fondation 30 Millions d'amis. 8. Sur la concurrence déloyale, après avoir rappelé le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, elle expose que la demanderesse ne procèderait que par allégations sans démontrer un risque de confusion au cas présent ; que dans l'affaire dont se prévaut la demanderesse, une idée publicitaire a été considérée comme distinctive, mais du fait de son usage ininterrompu depuis 1988, tandis que la campagne de la demanderesse aurait été ponctuelle et limitée à 12 parutions dans la presse et quelques posts sur les réseaux sociaux en 2016 ; outre que les idées des deux campagnes sont différentes, l'une valorisant le rôle de la fondation 30 Millions d'amis dans la poursuite des « tortionnaires », l'autre portant sur l'abandon en montrant le « spectre de l'après-abandon ». 9. Sur le parasitisme, elle avance qu'elle ne pouvait pas se placer dans le sillage de la demanderesse, ne connaissant pas cette campagne qui ne figurait pas même au rapport annuel de celle-ci, ni parmi les campagnes annuelles mentionnées à son site internet ; qu'elle a précisément voulu se démarquer de la demanderesse en insistant sur l'abandon, qui correspond à sa « raison d'être » au regard de l'importante activité de ses refuges, tandis que la fondation 30 Millions d'amis ne gère pas de refuge ; enfin qu'elle a elle-même dépensé 296 835,88 euros TTC pour sa campagne. 1) Demandes fondées sur la contrefaçon de droit d'auteur 10. Conformément à l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur l'oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. La protection d'une oeuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale, en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. 11. Pour l'application de la directive 2001/29 sur l'harmonisation de certains aspects des droits d'auteur, la notion d'oeuvre, qui conditionne la protection exigée par ce texte, implique un objet original, c'est-à-dire une création intellectuelle propre à son auteur, qui en reflète la personnalité en manifestant ses choix libres et créatifs ; et cet objet doit être identifiable avec suffisamment de précision et d'objectivité, ce qui exclut une identification reposant essentiellement sur les sensations de la personne qui reçoit l'objet (CJUE, 12 septembre 2019, Cofemel, C-683/17, points 29 à 35). 12. Dans ce cadre, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole. 13. Aux termes de l'article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. Les articles L. 335-2 et L. 335-3 du même code qualifient de contrefaçon et incriminent, notamment, la reproduction d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur. 14. La fondation 30 Millions d'amis fonde l'originalité des oeuvres qu'elle invoque sur des « choix créatifs », dont deux seulement sont explicités, à savoir d'une part un gros plan sur l'oeil d'un animal dans lequel se reflète un objet ou une scène, et le choix de 3 animaux précis (une jeune chienne nommée Ivory, un veau trouvé dans une ferme en Alsace, et une panthère nommée Maoni). 15. Mais, comme le soulève la défenderesse, les idées sont de libre parcours. Le fait de présenter dans l'oeuvre un oeil d'animal en gros plan dans lequel se reflète quelque chose est avant tout une idée, ou un concept, inappropriable en lui-même ; sa simple mise en oeuvre n'est pas en elle-même un choix créatif reflétant la personnalité de son auteur. La façon dont elle est appliquée dans un cas particulier peut certes relever de choix créatifs, mais au cas présent la fondation 30 millions d'amis n'allègue rien d'autre que l'idée du reflet d'une scène dans l'oeil en gros plan d'un animal ; ce qui n'est pas un choix créatif. 16. Quant au choix des trois animaux individuels représentés dans les photographies, il n'est pas davantage, en lui-même, le fruit d'un choix empreint de la personnalité de son auteur : le choix de chaque animal est expliqué selon son histoire aux fins du message de la campagne, pas selon ce que l'auteur a voulu exprimer de sa personnalité. 17. Les photographies invoquées ne sont donc, à l'évidence, pas des oeuvres de l'esprit au sens de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle. Les demandes en contrefaçon de droit d'auteur (dommages et intérêts, confiscation, interdiction, destruction, publication), manifestement mal fondées, doivent par conséquent être rejetées. 2) Demandes fondées sur la concurrence déloyale ou le parasitisme 18. La concurrence déloyale, sanctionnée en application de l'article 1240 du code civil, doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement commercialisé sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur son origine, circonstance attentatoire à l'exercice loyal des affaires. L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de l'espèce prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée. 19. Le parasitisme, qui s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il constitue une déclinaison mais dont la caractérisation est toutefois indépendante du risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et de façon injustifiée des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisée, et générant un avantage concurrentiel. 20. En l'espèce, la fondation 30 millions d'amis ne démontre pas avoir continué à exploiter les photographies litigieuses après sa campagne de 2016 : le seul fait que son site internet les mentionne aujourd'hui selon une capture d'écran postérieure à l'introduction de l'instance est sans portée, dès lors que la défenderesse avait préalablement produit une autre capture d'écran de la page de ce site relative aux campagnes, sur laquelle la campagne en cause n'apparaissait pas et n'était pas mentionnée. Au demeurant, le seul rappel, sur son propre site internet, d'une campagne passée, n'est pas la preuve que cette campagne est encore exploitée. 21. En toute hypothèse, la fondation 30 Millions d'amis n'allègue pas que l'exploitation qu'elle a faite de l'idée d'un reflet sur un oeil en gros plan ait été particulièrement durable (4 ans seulement, même à supposer démontrée une exploitation continue), massive, ou retentissante. Il est donc loin d'être établi que cette idée soit devenue, dans l'esprit du public, un signe distinctif associé à la fondation 30 Millions d'amis, ce qui ne saurait évidemment se déduire du seul fait qu'elle ait été la première à utiliser cette idée dans le domaine de la protection animale. Il ne peut dès lors résulter un risque de confusion dans l'esprit du public par la réutilisation de ce concept. 22. Et, pour le reste, les images et le texte qui les accompagne ne présentent pas de similitudes prêtant à confusion. 23. Aucun risque de confusion n'est ainsi caractérisé. La demande en concurrence déloyale, manifestement malfondée, est par conséquent rejetée. 24. Sur le parasitisme, les idées étant de libre parcours, le seul fait de reprendre, en le déclinant, un concept mis en oeuvre par un concurrent ne constitue pas un acte de parasitisme (Cass., 1re Civ., 22 juin 2017, no14-20.310, partie de l'arrêt sur laquelle a délibéré la chambre commerciale ; arrêt cité par la défenderesse). 25. Or il n'est reproché ici à la SPA que la reprise du concept du reflet dans l'oeil d'animal en gros plan. La demande en parasitisme, manifestement mal fondée, est par conséquent rejetée. 26. Doivent par suite être rejetées les demandes en confiscation, interdiction, destruction, et publication. 3) Dispositions finales 27. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 28. La fondation 30 Millions d'amis, qui perd le procès pour lequel elle n'avait formé que des demandes manifestement vouées à l'échec, est tenue aux dépens, et doit indemniser la défenderesse de l'intégralité des frais qu'elle a dû exposer indûment pour se défendre, qui peuvent être estimés à 10 000 euros. 29. Enfin, rien ne justifie d'écarter l'exécution provisoire. PAR CES MOTIFS Le tribunal, REJETTE la demande de la fondation 30 Millions d'amis en dommages et intérêts pour contrefaçon de droit d'auteur ; REJETTE ses demandes en dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme ; REJETTE ses demandes en confiscation, interdiction, destruction et en publication du jugement ; CONDAMNE la fondation 30 Millions d'amis aux dépens (avec recouvrement par l'avocat de la SPA dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile) ainsi qu'à payer 10 000 euros à l'association Société protectrice des animaux, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Fait et jugé à Paris le 13 Septembre 2022 Le Greffier La Présidente
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 20/09890 - No Portalis 352J-W-B7E-CS6ZB No MINUTE : Assignation du : 14 Octobre 2020 rendu le 13 Septembre 2022 DEMANDERESSE S.A.R.L. VA EVENEMENTS [Adresse 2] [Localité 4] représentée par Maître Arnaud ROUILLON du cabinet JR ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0118 DÉFENDERESSES S.A.S. MTECH EVENTS [Adresse 1] [Localité 6] représentée par Maitre Déborah DAYAN, avocat au barreau de PARIS, avocat postlant, vestiaire #E0547 et par Maître Pierre LANGLAIS de la SELARL LANGLAIS, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant S.A.S. ORANGERIE VAL DE LOIRE [Adresse 5] [Localité 3] représentée par Maître David GILBERT-DESVALLONS de la SELARL GILBERT-DESVALLONS SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0012 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Arthur COURILLON-HAVY, juge Linda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière A l'audience du 13 avril 2022 tenue en audience publique devant Arthur COURILLON-HAVY et Linda BOUDOUR, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022 et prorogé au 13 septembre 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort Exposé du litige Objet du litige 1. La société Va évènements commercialise sous le nom « d'Orangerie éphémère » un type de structure temporaire ressemblant aux halles alimentaires du XIXe siècle, sur lequel elle revendique des droits d'auteur. Elle se plaint d'une contrefaçon de cette oeuvre, reprochant à la société Mtech events de fabriquer et commercialiser des structures similaires, et à la société Orangerie val de Loire d'avoir acquis une de ces structures dans le cadre de son activité d'organisation d'évènements, installée à [Localité 7], et d'avoir reproduit sur son site internet des photographies de l'Orangerie éphémère. 2. Les défenderesses estiment cette oeuvre inéligible au droit d'auteur faute d'originalité, contestent en toute hypothèse toute contrefaçon, faute de confusion possible selon la société Orangerie val de Loire, et en raison de l'originalité propre de sa structure selon la société Mtech. La société Orangerie val de Loire, qui estime la demande abusive, demande subsidiairement la garantie de la société Mtech. Procédure et exposé des prétentions 3. Après avoir mis en demeure la société Mtech en mars 2019, dont la réponse ne l'a pas satisfaite, puis avoir pratiqué une saisie-contrefaçon chez la société Orangerie val de Loire le 16 septembre 2020, la société Va évènement les a assignées le 14 octobre 2020 en contrefaçon de droits d'auteur. 4. L'instruction a été close le 10 février 2022, l'affaire entendue le 13 avril. 5. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 5 janvier 2022, la société Va évènements, invoquant une contrefaçon de droits d'auteur, demande de ? condamner ? la société Mtech à lui payer 270 000 euros en réparation du préjudice économique et d'image subi du fait de la présentation au public, fabrication et commercialisation de structures similaires à son « orangerie éphémère » ? la société Orangerie val de Loire à lui payer 10 000 euros en réparation du préjudice matériel subi du fait de la reproduction, sur le site mariage.net, de son « orangerie éphémère » ? condamner in solidum les sociétés Orangerie val de Loire et Mtech à lui payer 90 000 euros à parfaire en réparation du préjudice tiré du manque à gagner sur l'opération commerciale attachée à la structure de [Localité 7] ? ordonner la destruction de cette structure sous astreinte aux frais de la société Orangerie val de Loire, la publication du jugement sur le site internet de la société Mtech, ? outre 28 372,40 euros (à parfaire) au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens (comprenant les frais d'huissier engagés dans le cadre des saisies-contrefaçon) ; 6. Elle allègue la combinaison, originale selon elle, de caractéristiques dont certaines seraient elles-mêmes originales, « engendrant une structure à l'esthétisme unique, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, qui n'avait jamais été conçue auparavant », tenant notamment au contraste entre une structure transportable et éphémère mais avec une impression de volume et de stabilité. Certaines de ces caractéristiques sont reprises de courants architecturaux différents, les orangeries de châteaux et les halles du XIXe siècle ([B] ou [F]), avec : - une grande ouverture sur l'extérieur, - la forme de vitres comme dans une orangerie avec un haut arrondi, - un double toit à quatre pentes, dans l'esprit des halles du XIXe sièce, - charpente avec fermes en treillis, et en détail complémentaire des rosaces à cinq pétales (alors que les halles [F] en ont 6) ; 7. D'autres caractéristiques se détachent selon elles de ces courants anciens : - les matériaux, avec la structure en acier et verre, le toit en toile de PVC opaque, - la couleur de structure grise au lieu du vert traditionnel dans les structures métalliques, - l'inclinaison des barres de séparation des treillis se rattachant à la poutre, - le séquençage des façades avec les arrondis de fenêtres du 2e niveau qui sont alignés sur celles du premier niveau, - des barreaux verticaux décoratifs, - des vitres de 83 cm de larges, coupées en deux pour faire des carreaux de 41 cm, ce qui ne viendrait pas du style [F]. 8. Elle ajoute que si elle commercialise des orangeries différentes, comme le soulignent les défendeurs, il s'agit toutefois de différences de détail, concernant l'intérieur, la taille, la couleur du toit (gris ou blanc), qui ne modifient pas l'impression d'ensemble de l'oeuvre et ses caractéristiques essentielles. Elle se prévaut de précédentes décisions ayant reconnu l'originalité de son oeuvre et conteste enfin la date et la pertinence de l'antériorité opposée, à savoir une halle de la société Pierre boon international dont, explique-t-elle, la structure est verte, la charpente est arrondie et non oblique, les vitres n'ont pas d'habillage, leur séquençage est plus simple, la structure plus basse, les poteaux ajourés et non pleins. 9. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 8 février 2022, la société Orangerie val de Loire résiste aux demandes et réclame elle-même 12 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, subsidiairement demande la garantie de la société Mtech, et en tout état de cause, à la société Va évènements, 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens (avec recouvrement par son avocat). 10. La société Orangerie val de Loire conteste toute originalité à la combinaison des caractéristiques revendiquées. Elle soutient que l'ensemble des éléments architecturaux provient des halles [F] : ainsi de l'ouverture sur l'extérieur, la forme des vitres, les montants verticaux et les hauts de fenêtres arrondis qui se retrouvent sur une image d'archive ; du double toit à quatre pentes, visible sur un timbre ; de la charpente à ferme en treillis et rosace ; et que les éléments présentés comme modernes sont soit encore repris du style [F] soit imposés par la nature de ce type de structure ou par des considérations règlementaires ou financières ; ainsi de l'inclinaison des barres de séparation des treillis, qui est imposée par la structure triangulée, et se retrouve donc dans les réalisations de [F] ; de l'arrondi des hauts de fenêtres, repris aux halles [F] ; des barreaux verticaux, qui portent le bâtiment et se retrouvent donc sur les halles [F], et dont le rythme est imposé par la portance de la partie supérieure, avec un écartement répétitif, d'une largeur de 83 cm qui est standard ; de la toiture en PVC, plus pratique et économique que le verre qui est le seul autre choix possible pour ce type de structure ; de la couleur grise qui n'est pas originale et est souvent imposée par les architectes des bâtiments de France et les élus, comme dans le cas de son orangerie. Elle rappelle que la caractérisation des choix opérés dans la conception et les aménagements d'un bâtiment est indispensable pour le qualifier d'oeuvre. 11. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 9 février 2022, la société Mtech events résiste aux demandes principales et à la demande en garantie, demande d'écarter l'exécution provisoire, et réclame elle-même à la société Va évènements 11 556 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. 12. La société Mtech events répond d'abord que les caractéristiques invoquées ont changé entre la mise en demeure et les conclusions, et estime que la demanderesse doit être tenue par la caractérisation de l'originalité telle qu'invoquée dans la mise en demeure. Elle soutient ensuite que la demanderesse invoque les photographies de plusieurs orangeries, différentes entre elles ; qu'il s'agit donc de plusieurs produits différents n'ayant pas les mêmes caractéristiques architecturales ; qu'ainsi on ne sait pas quelle orangerie est concrètement invoquée, sauf à ce que la demanderesse réclame en réalité la protection d'un concept, conclue-t-elle. 13. Elle conteste plus généralement toute originalité aux caractéristiques invoquées, ni individuellement ni ensemble ; car ces caractéristiques viendraient toutes des halles [F] telles que celles de [Localité 8] et des orangeries de château, et se retrouvent encore sur une structure commercialisée par la société Pierre boon international en 2006 ; ou seraient pour le reste triviales ; et elle soulève à cet égard les mêmes moyens que la société Orangerie val de Loire. 14. Conformément à l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur l'oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. La protection d'une oeuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale, en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. 15. Pour l'application de la directive 2001/29 sur l'harmonisation de certains aspects des droits d'auteur, la notion d'oeuvre, qui conditionne la protection exigée par ce texte, implique un objet original, c'est-à-dire une création intellectuelle propre à son auteur, qui en reflète la personnalité en manifestant ses choix libres et créatifs ; et cet objet doit être identifiable avec suffisamment de précision et d'objectivité, ce qui exclut une identification reposant essentiellement sur les sensations de la personne qui reçoit l'objet (CJUE, 12 septembre 2019, Cofemel, C-683/17, points 29 à 35). 16. Dans ce cadre, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole. 17. Au cas présent, la société Va évènements décrit un certain nombre des caractéristiques visibles de ses « Orangeries éphémères », en expliquant la mesure dans laquelle elle se rattachent ou non, selon elle, à deux courants architecturaux antérieurs. Elle n'explicite toutefois aucun choix artistique, ni aucun processus créatif, et moins encore en quoi ces choix refléteraient la personnalité d'un auteur. Les attestations de la personne ayant créé les dessins et les plans (pièce Va évènements no4) n'expliquent pas davantage les choix effectués, et n'expriment ni au demeurant ne revendiquent aucun processus créatif. 18. Ne sont en définitive invoqués qu'un ensemble d'éléments descriptifs. La plupart se retrouvent dans les halles de type [F] : le double toit à 4 pentes, la structure en acier et les façades en verre donnant une grande ouverture sur l'extérieur, avec des lignes verticales régulières et dont la partie haute est arrondie ; la charpente avec une structure en croisillons, inclinée selon la pente du toit ; les rosaces ; tous éléments qui, y compris envisagés ensemble, appartiennent au fonds commun de l'architecture, et que la société Va évènements ne peut s'approprier. 19. Les caractéristiques nouvelles sont ainsi seulement l'alignement des éléments hauts avec les éléments bas qui est un choix par défaut ; la couleur grise, qui est banale, tout comme le toit en PVC pour des structures extérieures démontables ; quant à la taille de 83 cm pour les fenêtres de 2 carreaux de large, elle permet de former des modules de 5 mètres pour 3 fenêtres double, ce qui est avant tout fonctionnel. 20. Ajouter ces éléments banals ou pratiques à un ensemble repris à des créations antérieures ne caractérise donc pas en soi un choix créatif portant l'empreinte de la personnalité de son auteur, et à défaut pour la demanderesse d'indiquer en quoi, malgré les apparences, il s'agirait du fruit de la personnalité et de la créativité d'un auteur, il ne peut être conclu que l'objet revendiqué est une oeuvre de l'esprit éligible au droit d'auteur. 21. Ses demandes, qui sont toutes fondées sur la contrefaçon de cet objet, sont par conséquent rejetées. 22. En revanche, elle n'a pas pu commettre de faute à réitérer, certes à tort, une demande qui avait déjà été accueillie par plusieurs juridictions. La demande reconventionnelle pour abus doit donc être rejetée. Dispositions finales 23. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 24. La société Va évènements, qui perd le procès, est tenue aux dépens, et doit indemniser les défenderesses des frais qu'elles ont dû exposer pour le procès et qui peuvent être estimés à 10 000 euros chacune. 25. L'exécution provisoire est de droit et rien ne justifie de l'écarter. PAR CES MOTIFS Le tribunal, REJETTE l'ensemble des demandes de la société Va évènements ; REJETTE la demande reconventionnelle de la société Orangerie val de Loire pour abus ; CONDAMNE la société Va évènements aux dépens ainsi qu'à payer 10 000 euros à la société Orangerie val de Loire et 10 000 euros à la société Mtech events au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Fait et jugé à Paris le 13 Septembre 2022 La Greffière La Présidente
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JUDICIAIRE 3ème chambre 2ème section No RG 20/05448 No Portalis 352J-W-B7E-CSHXD No MINUTE : Assignation du : 15 Juin 2020 rendu le 25 Novembre 2022 DEMANDERESSES Société DOLCEZZA INC [Adresse 4] [Localité 7] (CANADA) Société DOLCEZZA EUROPE LTD [Adresse 11] [Adresse 10], [Localité 6] (IRLANDE) Société EMC HAZIR GIYIM SANAYI LIMITED SIRKETI - Intervenant volontaire [Adresse 9]r [Localité 8] (TURQUIE) représentée par Maître Stéphane GUERLAIN de l'AARPI ARMENGAUD - GUERLAIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0007 DÉFENDERESSES S.A.R.L. GIORGIO DI MARE FRANCE [Adresse 3] [Localité 2] représentée par Maître David BARIS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C1810 S.A.R.L. SHOWROOMPRIVE.COM [Adresse 1] [Adresse 1] [Localité 5] représentée par Maître Béatrice CREVIEUX, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #L0237 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-Présidente Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier A l'audience du 29 Septembre 2022 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE 1. La société de droit turc EMC Hazir Giyim Sanayi Ltd Sirketi (ci-après « la société EMC »), ayant pour activité la confection de vêtements commercialisés sous la marque « Dolcezza », et les sociétés de droit canadien Dolcezza Inc et de droit irlandais Dolcezza Europe, ayant pour activité la commercialisation dans le monde et en Europe des vêtements de la marque précitée, reprochent aux sociétés Giorgio di Mare et Showroomprive.com d'avoir commis des actes de contrefaçon de marque du fait de la commercialisation de doudounes revêtues du signe « Dolcezza » sur le site www.showroomprive.com en décembre 2019 et janvier 2020. 2. Est invoquée la marque semi-figurative de l'Union européenne « Dolcezza » no 017928118 dont est titulaire la société EMC, déposée le 9 juillet 2018 et enregistrée le 20 novembre 2018 pour désigner notamment des produits en classe 25 : 3. Etait également invoquée la marque verbale de l'Union européenne « Dolcezza » no 16445793 dont est titulaire la société Dolcezza Inc, déposée le 8 mars 2017 et enregistrée le 6 juillet 2017 pour désigner des produits en classe 25. 4. Les sociétés Dolcezza Inc et Dolcezza Europe ont mis en demeure les sociétés Showroomprive.com et Giorgio di Mare de cesser la commercialisation de doudounes qu'elles estiment contrefaisantes et de retirer les annonces de vente en ligne, puis les ont assignées les 15 et 22 juin 2020 en contrefaçon de marque et concurrence déloyale et parasitaire. La société EMC est intervenue volontairement à l'instance le 30 mars 2021, formulant des demandes en contrefaçon de sa marque semi-figurative précitée. 5. Par ordonnance du 7 mai 2021, le juge de la mise en état a déclaré la société Dolcezza Inc irrecevable en ses demandes de contrefaçon de la marque de l'Union européenne no 16445793, mais a déclaré les sociétés Dolcezza Inc et Dolcezza Europe recevables à agir en concurrence déloyale. 6. Par ordonnance du 4 mars 2022, le juge de la mise en état a débouté les demanderesses de leur demande de mesure d'instruction. 7. L'instruction a été close le 21 avril 2022 et l'affaire plaidée le 29 septembre 2022. 8. Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 22 mars 2022, les sociétés EMC Hazir Giyim Sanayi Ltd Sirketi, Dolcezza Inc et Dolcezza Europe résistent aux demandes reconventionnelles et demandent elles-mêmes : ? invoquant une contrefaçon de marque, de : ? condamner « conjointement et solidairement » les sociétés Giorgio di Mare et Showroomprive.com à payer à la société EMC la somme de 26 000 euros en réparation de son préjudice, ? condamner la société Giorgio di Mare à verser à la société EMC la somme de 96 628 euros à titre provisionnel en réparation du manque à gagné subi, ? invoquant des actes de concurrence déloyale et parasitaire, de condamner « conjointement et solidairement » les sociétés Giorgio di Mare et Showroomprive.com à verser à chacune des sociétés Dolcezza Inc. et Dolcezza Europe la somme de 20 000 euros en réparation de leur préjudice, ? invoquant subsidiairement la qualité d'éditeur de la société Showroomprive.com, de la condamner au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale pour les mêmes montants, ? invoquant encore plus subsidiairement le manquement de la société Showroomprive.com en qualité d'hébergeur, de la condamner à verser aux sociétés Dolcezza Inc et Dolcezza Europe la somme de 20 000 euros en réparation de leur préjudice, ? en tout état de cause, des mesures d'interdiction et de publication sous astreinte, ? de condamner « conjointement et solidairement » les défenderesses au paiement de la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, recouvrés par leur avocat. 9. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 7 février 2022, la société Giorgio di Mare conteste le droit des sociétés Doclezza Inc et EMC à agir en contrefaçon, demande le rejet d'une pièce et résiste à l'ensemble des demandes au fond, demande reconventionnellement la condamnation des demanderesses au paiement de la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice résultant de l'atteinte à son image et de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. 10. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 28 mars 2022, la société Showroomprive.com soulève l'irrecevabilité à agir de la société Dolcezza Inc en contrefaçon de marque, résiste aux demandes, sollicite à titre reconventionnel la condamnation de la société Giorgio di Mare à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, et demande 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. MOTIFS DE LA DÉCISION 1- Demandes fondées sur l'atteinte au droit de marque 1.1- Sur la qualité à agir de la société EMC Moyens des parties 11. La société Giorgio di Mare soutient que la société EMC ne démontre pas son intérêt et sa qualité à agir dès lors qu'elle ne prouve pas d'atteinte à sa propre marque ni de préjudice propre. Elle considère en effet que la société EMC reprend les griefs que la société Dolcezza Inc formulait dans l'assignation, fondés sur une marque dont la société EMC n'est pas titulaire. Dans le dispositif de ses conclusions, la société Giorgio di Mare sollicite l'irrecevabilité des demandes de la société EMC mais également celles de la société Dolcezza Inc en contrefaçon. 12. La société Showroomprive.com ne formule aucune demande similaire dans le corps de ses conclusions, mais sollicite, dans son dispositif, que la société Dolcezza Inc soit déclarée irrecevable en sa demande de contrefaçon de marque. 13. La société EMC ne répond pas sur ce point. Réponse du tribunal 14. En application de l'article L. 716-4-2, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle, « L'action civile en contrefaçon est engagée par le titulaire de la marque ou par le licencié avec le consentement du titulaire, sauf stipulation contraire du contrat. Toutefois, le bénéficiaire d'un droit exclusif d'exploitation peut agir en contrefaçon si, après mise en demeure, le titulaire n'exerce pas ce droit dans un délai raisonnable ». 15. Les fins de non-recevoir consistent, selon l'article 122 du code de procédure civile, en « tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel que le défaut de qualité (...) ». 16. Le juge de la mise en état ayant déclaré, par ordonnance du 7 mai 2021, la société Dolcezza Inc irrecevable en sa demande de contrefaçon de la marque verbale de l'Union européenne « Dolcezza » no 16445793, cette marque n'étant plus invoquée et les demandes formulées à ce titre ayant été retirées par les demanderesses, les demandes formées par les défenderesses portant sur le défaut de qualité à agir de la société Dolcezza Inc sont sans objet. 17. Par ailleurs, la société EMC invoque, au fondement de sa demande de contrefaçon de marque, la marque semi-figurative de l'Union européenne « Dolcezza » no 017928118, déposée le 9 juillet 2018 et enregistrée le 20 novembre 2018, dont elle est titulaire (pièce demanderesses no 25). Or, la société Giorgio di Mare reproche seulement à la société EMC de faire siens les arguments précédemment énoncés par la société Dolcezza Inc, mais ne conteste pas la titularité de la marque « Dolcezza » no 017928118. En conséquence, la demande de la société Giorgio di Mare est rejetée. 1.2- Sur la contrefaçon de marque Moyens des parties 18. La société EMC soutient que la commercialisation, sur le site www.showroomprive.com, de doudounes sur lesquelles est reproduite la marque « Dolcezza » constitue une contrefaçon de sa marque semi-figurative de l'Union européenne, imputable tant à la société Giorgio di Mare qu'à la société Showroomprive.com, laquelle a procédé à l'achat des produits contrefaisants et à leur mise en vente. Il importe peu, selon elle, que la marque figure en petit sur la fermeture éclair. Elle ajoute que la société Giorgio di Mare a également commis des actes de contrefaçon par suppression de la marque « Dolcezza » à un autre endroit sur la doudoune. Elle réplique aux défenderesses que la bonne foi est inopérante en la matière de sorte que la société Giorgio di Mare ne peut argüer de ce que cette suppression est le fait de son fournisseur turc. 19. Elle répond par ailleurs à la demande de rejet de pièce qu'il appartient au tribunal d'apprécier la valeur probante d'une capture d'écran, sans qu'il y ait lieu d'écarter la pièce en cause no 3, et que les pièces en langue anglaise compréhensibles par le tribunal peuvent être acceptées. 20. En réplique, la société Giorgio di Mare demande tout d'abord le rejet de la pièce no 3 des demanderesses au motif que, s'agissant d'une capture d'écran, elle est dénuée de force probante. Elle soutient ensuite que la marque « Dolcezza » n'est reproduite sur les fermetures éclairs que sur les deux modèles de doudounes sans manches, dont seules seize ont été vendues de sorte que la probabilité pour le consommateur d'apercevoir la marque est faible. S'agissant de la suppression de la marque, elle soutient qu'il n'est fait aucune référence à la marque « Dolcezza » sur l'acte de vente et que c'est son fournisseur turc qui l'a recouvert. 21. La société Showroomprive.com considère, pour sa part, que la contrefaçon n'est pas établie et se rapporte sur ce point aux écritures de la société Giorgio di Mare. Réponse du tribunal 22. Aux termes de l'article 9, paragraphes 1 et 2, du règlement (UE) no 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne : « 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée; b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque ». a. Sur la contrefaçon par imitation 23. En l'espèce, il est démontré, notamment par des procès-verbaux de constat d'huissier, et non contesté, que seize doudounes vendues sur le site www.showroomprive.com sous la marque « Giorgio di Mare » comportent une fermeture éclair sur laquelle est apposé le signe « Dolcezza » (pièces demanderesses no 14 et 15). A ce titre, il n'y a pas lieu d'écarter la pièce no 3 des demanderesses au seul motif qu'il s'agit de captures d'écran, cela influant seulement sur sa valeur probante qu'il revient au tribunal d'apprécier. 24. L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée globalement à partir de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce et sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. 25. En l'occurrence, les produits en cause étant des vêtements, le public concerné est le grand public. 26. La marque européenne semi-figurative « Dolcezza » a été déposée notamment en classe 25 pour désigner des vêtements. Les produits litigieux sont quant à eux des doudounes, qui sont des vêtements. Les produits sont donc identiques. 27. S'agissant de la comparaison des signes, la marque invoquée est une marque semi-figurative, le terme « Dolcezza » étant écrit dans une police de caractère stylisée et les quatre dernières lettres étant reliées par une même barre : 28. Le signe litigieux est une fermeture éclair ronde, comportant sur le bord le terme « Dolcezza » écrit dans une police de caractère classique et à l'intérieur un élément figuratif floral : 29. Ce signe, qui n'a pas de fonction dans le produit, peut être perçu par le public comme la désignation de l'entreprise à l'origine du produit. Il s'agit donc d'un usage pour des produits, au sens de l'article 9, paragraphe 2, du règlement précité. 30. Visuellement, la différence de police de caractère et l'absence, au sein du signe litigieux, de la barre commune aux quatre dernières lettres sont des différences minimes. En revanche, la présence de l'élément figuratif floral au sein du signe litigieux se distingue de la marque invoquée de sorte que la ressemblance visuelle est moyenne à faible. 31. D'un point de vue phonétique, il ressort une ressemblance forte entre les signes, seul le terme « Dolcezza », identique aux deux signes, étant prononcé. 32. Conceptuellement, enfin, la ressemblance est moyenne à forte dès lors que la seule différence tient à la présence d'un élément floral au sein du signe litigieux. 33. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, eu égard à la stricte identité des produits concernés alliée à une certaine similitude entre le signe litigieux en cause et la marque « Dolcezza », le risque de confusion est caractérisé, le public concerné étant amené à attribuer aux produits proposés une origine commune. 34. La contrefaçon par imitation est donc caractérisée, peu important que les produits litigieux soient présentés sur le site internet www.showroomprive.com comme des vêtements de la marque « Giorgio di Mare » et que les défendeurs n'aient pas eu l'intention de tromper les consommateurs, la bonne foi étant indifférente en matière de contrefaçon. 35. Il ressort par ailleurs de l'article 1er des contrats d'achat de marchandises, conclus entre la société Showroomprive.com et la société Giorgio di Mare, que « le Fournisseur vend sous condition suspensive les Produits à [la société Showroomprive.com] et [la société Showroomprive.com] les commercialise auprès de ses Membres sur les Sites compris dans le Territoire lors de Ventes Privées » (pièce SRP no 2). 36. La société Showroomprive.com commercialise ainsi elle-même les produits contrefaisants et est donc responsable, aux côtés de son fournisseur, la société Giorgio di Mare, des faits de contrefaçon. 37. La demande en contrefaçon à l'encontre de la société Showroomprive.com étant accueillie, les demandes subsidiaires formées contre cette dernière ne seront pas examinées. b. Sur la contrefaçon par suppression de marque 38. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que « le titulaire d'une marque peut s'opposer à ce qu'un tiers, sans son consentement, supprime tous les signes identiques à cette marque et appose d'autres signes sur des produits [...] en vue de les importer ou de les mettre dans le commerce dans l'Espace économique européen (EEE) où ils n'ont jamais été commercialisés » (CJUE, 25 juillet 2018, C-129/17, Mitsubishi c/ Duma et GSI). La Cour de justice énonce en effet que parmi les fonctions de la marque, figurent notamment celles de communication, d'investissement ou de publicité. Elle définit la fonction d'investissement comme la « possibilité pour le titulaire d'une marque d'employer celle-ci pour acquérir ou conserver une réputation susceptible d'attirer et de fidéliser des consommateurs », et la fonction de publicité comme le fait « d'employer une marque à des fins publicitaires visant à informer ou à persuader le consommateur » (points 34 à 37). Or, selon la Cour de justice, « la suppression des signes identiques à la marque et l'apposition de nouveaux signes sur les produits entravent la possibilité pour le titulaire de la marque de s'attacher la clientèle par la qualité de ses produits et affectent les fonctions d'investissement et de publicité de la marque lorsque, comme en l'occurrence, le produit en question n'est pas encore commercialisé sous la marque du titulaire sur ce marché par celui-ci ou avec son consentement » (point 46). 39. Il est constant que les doudounes litigieuses sont revêtues, dans le haut du dos, d'une étiquette sur laquelle figure le signe « Giorgio di Mare », cousue sur une seconde étiquette portant quant à elle le signe « Doclezza ». 40. Toutefois, la société EMC se contente d'affirmer que la société Giorgio di Mare a procédé à la suppression de sa marque régulièrement apposée sur les doudounes, sans démontrer qu'elle avait effectivement apposé des étiquettes revêtues de la marque « Dolcezza » sur les doudounes litigieuses, et que ces dernières ont été fabriquées à sa demande, en vue d'être commercialisées par elle sous sa marque. Il ressort au contraire des pièces versées aux débats que les doudounes commercialisées par la demanderesse ne sont revêtues d'aucune étiquette en haut du dos (pièce demanderesses no 4). 41. Dès lors qu'il n'est pas établi que les doudounes revêtues des deux étiquettes, l'une recouvrant l'autre, sont des produits fabriqués sous la responsabilité de la société EMC et destinés à être vendus sous sa marque « Dolcezza », il ne peut être considéré que l'apposition de l'étiquette « Giorgio di Mare » a empêché la société EMC de s'attacher une clientèle par la qualité de ses produits, et donc qu'il a été porté atteinte à aux fonctions d'investissement et de publicité de la marque. 42. La contrefaçon par suppression de marque n'est donc pas établie et les demandes formées à ce titre seront rejetées. 1.3- Sur les mesures sollicitées a. Sur le préjudice subi par la société EMC Moyens des parties 43. En réparation de son préjudice résultant des actes de contrefaçon, la société EMC sollicite la condamnation des sociétés Giorgio di Mare et Showroomprive.com à lui verser la somme de 26 000 euros, correspondant aux bénéfices réalisés estimés à 5 489,5 euros, au gain manqué évalué à la somme de 15 684,5 euros, qui résulte de la différence de 65 % entre le prix de vente des produits litigieux et le prix de vente des produits de la marque « Dolcezza », et au préjudice moral évalué à la somme de 5 000 euros. Elle sollicite par ailleurs la somme de 96 628 euros à titre provisionnel – sans toutefois formuler de demande au titre du droit à l'information – à l'encontre de la société Giorgio di Mare en raison du manque à gagner subi du fait de l'offre en vente de 3 332 produits. Elle demande enfin des mesures d'interdiction et de publication sous astreinte. 44. La société Giorgio di Mare conteste les montants sollicités, estimant que seules 95 doudounes ont été vendues, parmi lesquelles seize reproduisent la marque invoquée sur les fermetures éclairs de sorte qu'un nombre très limité de consommateurs est susceptible d'avoir vu la marque. Elle considère en conséquence le préjudice moral inexistant. S'agissant du préjudice économique, elle dit avoir réalisé un bénéfice de 2 744,75 euros qu'elle a partagé avec la société Showroomprive.com ainsi qu'une marge faible de sorte qu'aucun manque à gagner n'a été subi par la société EMC. Elle ajoute enfin que les stocks invoqués en demande étaient entreposés en Turquie et que la demanderesse ne rapporte pas la preuve de ce que la marque « Dolcezza » a été retirée sur tous ces produits. 45. La société Showroomprive.com fait valoir que le nombre de produits achetés à la société Giorgio di Mare correspond au nombre de produits effectivement vendus sur le site www.showroomprive.com, les 3 427 produits en stock invoqués correspondant seulement aux produits « réservés » par elle à la société Giorgio di Mare. Elle conteste également le montant des dommages et intérêts sollicités, au motif que les calculs sont hypothétiques, ainsi que la mesure de publication qu'elle estime injustifiée. Réponse du tribunal 46. En application de l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, « Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ». 47. En l'espèce, les doudounes litigieuses sont vendues sur le site www.showroomprive.com sans aucune référence à la marque « Dolcezza » et l'imitation de cette marque sur la fermeture éclair des doudounes sans manches n'est pas visible par les consommateurs lors de l'acte d'achat, qui se fait exclusivement sur internet, la marque étant gravée en caractères très petits et imperceptibles sur les photographies (pièce demanderesses no 14 et pièce SRP no 2). La contrefaçon de marque n'a donc généré en elle-même aucune vente, de sorte que la société EMC ne peut justifier d'aucun préjudice commercial. 48. En revanche, la commercialisation de seize doudounes revêtues du signe « Dolcezza » sur les fermetures éclairs cause à la société EMC un préjudice moral qu'il convient de réparer à hauteur de 100 euros. 49. Il sera par ailleurs fait droit aux mesures d'interdiction sous astreinte. La demande de publication sera quant à elle rejetée, car disproportionnée au regard des faits d'espèce, et le préjudice de la société EMC étant déjà réparé par l'octroi de dommages et intérêts. b. Sur le préjudice subi par la société Dolcezza Europe Moyens des parties 50. La société Dolcezza Europe fait valoir qu'elle commercialise en Europe les vêtements revêtus de la marque « Dolcezza » avec l'autorisation de la société EMC, de sorte que les actes de contrefaçon, imputables tant à la société Giorgio di Mare qu'à la société Showroomprive.com, lui causent un préjudice qu'elle évalue à la somme de 20 000 euros. 51. La société Giorgio di Mare répond n'avoir jamais cherché à tromper le consommateur et qu'aucune référence à la marque « Dolcezza » n'est faite dans l'acte de vente. 52. La société Showroomprive.com soutient également que la marque « Dolcezza » n'apparaissant pas sur le site www.showroomprive.com, il ne peut lui être reproché d'actes de concurrence déloyale pour la vente de produits revêtus de ladite marque. Réponse du tribunal 53. Bien que fondant ses demandes sur la concurrence déloyale, la société Dolcezza Europe invoque en réalité la contrefaçon de la marque « Dolcezza » dont est titulaire la société EMC. Elle dit en effet subir un préjudice résultant des faits de contrefaçon par imitation de la marque « Dolcezza » dès lors qu'elle commercialise en France les produits revêtus de cette marque. 54. L'article L. 716-4-2, alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle, dispose que : « L'action civile en contrefaçon est engagée par le titulaire de la marque ou par le licencié avec le consentement du titulaire, sauf stipulation contraire du contrat ». 55. Et la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le licencié pouvait agir en contrefaçon d'une marque de l'Union européenne faisant l'objet de la licence bien que cette dernière n'ait pas été inscrite au registre des marques communautaires (CJUE, 4 février. 2016, C-163/15, Breiding). 56. Or, la société Dolcezza Europe démontre commercialiser elle-même en Europe les produits de la marque « Dolcezza » (pièce demanderesses no 17bis), de sorte qu'elle peut être considérée comme bénéficiant implicitement d'une licence d'usage de cette marque. La demande de la société Dolcezza Europe doit donc être analysée comme une demande en contrefaçon de marque, et non comme une demande en concurrence déloyale. 57. La société Dolcezza Europe commercialisant en France les produits de la marque « Dolcezza », la fabrication et la commercialisation, par les sociétés Giorgio di Mare et Showroomprive.com, de doudounes imitant cette marque, peuvent lui causer un préjudice. 58. En l'occurrence cependant, et comme jugé précédemment, la contrefaçon de la marque « Dolcezza » n'a pu générer en elle-même aucune vente dès lors qu'il n'est pas fait référence à cette marque dans l'offre de vente et que la marque n'est pas visible lors de l'acte d'achat car située en petit sur la fermeture éclair de certaines doudounes. La société Dolcezza Europe n'a donc subi aucun préjudice du fait de cette commercialisation et sa demande est rejetée. 2- Demandes de concurrence déloyale et parasitaire Moyens des parties 59. Les sociétés Dolcezza Inc et Dolcezza Europe soutiennent que la commercialisation de doudounes qui reprennent à l'identique les imprimés présents sur les doudounes qu'elles commercialisent pour lesquels elles bénéficient de licences d'usage, entraîne un risque de confusion dans l'esprit du public et constitue dès lors un acte de concurrence déloyale. 60. Elles exposent par ailleurs qu'en revendant des produits finis détournés, les sociétés Giorgio di Mare et Showroomprive.com se sont épargnées des frais d'élaboration des motifs, de design et de confection des doudounes, bénéficiant ainsi indûment des investissements qu'elles ont réalisé pour la conception, la fabrication et la vente des doudounes. 61. Elles sollicitent en conséquence la somme de 20 000 euros chacune en réparation de leur préjudice, correspondant au gain manqué du fait de la différence de prix pratiqués et à leur préjudice moral, outre des mesures d'interdiction. 62. En réplique, la société Giorgio di Mare énonce que les demanderesses ne rapportent pas la preuve de la commercialisation en France des imprimés invoqués et conteste les montants sollicités. 63. La société Showroomprive.com soutient quant à elle que les demanderesses ne rapportent pas la preuve d'investissements dont elle aurait bénéficié, et que le caractère réduit du nombre de produits vendus confirme l'absence de préjudice commercial. Réponse du tribunal 64. Sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, les comportements distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon, fautifs car contraires aux usages dans la vie des affaires, tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, ou ceux, parasitaires, qui tirent profit sans bourse délier d'une valeur économique d'autrui procurant à leur auteur, un avantage concurrentiel injustifié, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements. 65. En l'occurrence, la collection automne 2019 de la marque « Dolcezza » est composée de neufs types de doudounes, déclinés en plusieurs coloris à motifs (pièce demanderesses no 4). Ces motifs correspondent pour la plupart à des dessins dont une licence d'utilisation pour des vêtements a été concédée par les auteurs à la société Dolcezza Inc (pièce demanderesses no 10bis). Il est par ailleurs établi que la société Dolcezza Europe a commercialisé en France ces doudounes (pièce demanderesses no 17bis). 66. Or, il ressort du procès-verbal de constat d'huissier du 4 décembre 2019 qu'ont été commercialisées, sur le site www.showroomprive.com, neufs types de doudounes sous la marque « Giorgio di Mare » reprenant cinq coloris à motifs identiques à ceux commercialisés par la société Dolcezza Europe, et dont quatre correspondent aux dessins concédés en licence. Il n'est toutefois pas établi que les motifs en cause soient associés, dans l'esprit du public, à la société Dolcezza Europe ou à la marque « Dolcezza » et que la commercialisation, par la société Giorgio di Mare, de doudounes revêtues de ces mêmes motifs, ait engendré un risque de confusion dans l'esprit des consommateurs. La seule commercialisation sur le site www.showroomprive.com des doudounes en cause ne saurait, au surplus, caractériser la faute de la société Showroomprive.com. Les demandes formées à ce titre sont donc rejetées. 67. Par ailleurs, si les demanderesses disent avoir réalisé d'importants investissements d'élaboration des motifs, de leur design et de leur confection, elles n'en rapportent pas la preuve, ce d'autant qu'il est établi qu'elles n'ont pas elles-mêmes élaboré les motifs qui correspondent à des dessins sur lesquels elles ont acquis une licence d'utilisation – dont le prix n'est au demeurant pas révélé –. Elles ne démontrent pas non plus en quoi leurs investissements ont fait de leurs doudounes une valeur économique individualisée dont les défenderesses ont indûment profité. La demande au titre du parasitisme est en conséquence également rejetée. 3- Demandes reconventionnelles d'appel en garantie Moyens des parties 68. A titre reconventionnel, dans le cas où les faits de contrefaçon et de concurrence déloyale seraient reconnus, la société Showroomprive.com sollicite la garantie de la société Giorgio di Mare en sa qualité de fournisseur des produits, et au titre de l'article 6 du contrat qu'elles ont conclu. 69. La société Giorgio di Mare ne répond pas sur ce point. Réponse du tribunal 70. En application de l'article 1626 du code civil, « le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente ». 71. L'article 6 des contrats d'achat de marchandises, conclus entre les sociétés Giorgio di Mare et Showroomprive.com, stipule que le fournisseur « sera responsable envers [la société Showroomprive.com] et fera son affaire de toutes réclamations, instances, actions ou poursuites qui pourraient être engagées à l'occasion de la diffusion, la distribution et/ou la commercialisation des Produits et relèvera et garantira [la société Showroomprive.com] de toutes charges, condamnations, frais raisonnables (y compris d'avocats) et de toute autre somme de quelque nature qu'elle pourrait être amenée à supporter de son fait ou par sa faute » (pièce SRP no 2). 72. La société Showroomprive.com ayant été reconnue coupable d'actes de contrefaçon à l'encontre de la société EMC, et condamnée en conséquence à réparer son préjudice, du fait de la commercialisation de produits fournis par la société Giorgio di Mare, elle est bien fondée à obtenir la garantie de cette dernière. 4- Demandes reconventionnelles pour atteinte à l'image commerciale Moyens des parties 73. A titre reconventionnel, la société Giorgio di Mare sollicite la somme de 20 000 euros à l'encontre des sociétés Dolcezza Inc et Dolcezza Europe pour atteinte à son image commerciale, les demanderesses ayant, selon elle, tenté de la discréditer auprès de la société Showroomprive.com. 74. Les demanderesses répondent qu'aucune faute n'a été commise dans l'action entreprise, et qu'en tout état de cause, la défenderesse ne justifie d'aucun préjudice. Réponse du tribunal 75. L'article 1240 du code civil dispose que « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». 76. En l'espèce, la société Giorgio di Mare affirme que la lettre de mise en demeure, adressée par la société Dolcezza Europe à la société Showroomprive.com le 12 novembre 2019 lui a causé de graves désagréments commerciaux et frais à l'égard de la société Showroomprive.com, sans toutefois en rapporter la preuve. Si le fait pour la société Dolcezza Europe de faire état d'un vol dans sa lettre de mise en demeure peut être qualifié de faute, la société Giorgio di Mare ne démontre aucun préjudice en découlant et notamment pas une détérioration de ses relations avec la société Showroomprive.com. Sa demande formée à ce titre est en conséquence rejetée. 5- Demandes accessoires 77. Les sociétés Giorgio di Mare et Showroomprive.com, qui succombent pour partie, supporteront les dépens et leurs propres frais. 78. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, est condamnée au paiement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. 79. En l'espèce, au regard de la solution du litige, il n'y a pas lieu de faire droit à une condamnation au titre de l'article 700. 80. L'exécution provisoire est de droit et rien ne justifie de l'écarter au cas présent. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort, REJETTE la demande de la société EMC Hazir Giyim Sanayi Limited Sirketi en contrefaçon par suppression de marque, FAIT INTERDICTION aux sociétés Giorgio di Mare et Showroomprive.com de faire usage, pour désigner des vêtements, du signe « Dolcezza » dans l'Union européenne et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai de 30 jours à compter de la signification du présent jugement, l'astreinte courant sur 91 jours, SE RÉSERVE la liquidation de l'astreinte, CONDAMNE in solidum les sociétés Giorgio di Mare et Showroomprive.com à payer à la société EMC Hazir Giyim Sanayi Limited Sirketi la somme de 100 euros en réparation de son préjudice moral résultant des faits de contrefaçon par imitation de sa marque « Dolcezza » no 017928118, DÉBOUTE la société EMC Hazir Giyim Sanayi Limited Sirketi de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique résultant des faits de contrefaçon, DÉBOUTE la société Dolcezza Europe de sa demande de dommages et intérêts pour contrefaçon, DÉBOUTE les sociétés Dolcezza Inc et Dolcezza Europe de leurs demandes en concurrence déloyale et parasitaire, CONDAMNE la société Giorgio di Mare à garantir la société Showroomprive.com des condamnations prononcées à son encontre, DÉBOUTE la société Giorgio di Mare de sa demande reconventionnelle, REJETTE la demande de publication, REJETTE les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE in solidum les sociétés Giorgio di Mare et Showroomprive.com aux dépens, dont distraction au profit de Me Stéphane Guerlain de la SEP Armengaud-Guerlain, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 25 Novembre 2022 Le Greffier La Présidente Quentin CURABET Irène BENAC
CAPP/JURITEXT000047304642.xml
JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 19/08173 - No Portalis 352J-W-B7D-CQIJE No MINUTE : Assignation du : 02 et 03 juillet 2019 rendu le 13 Septembre 2022 DEMANDERESSE S.A.S. E-SWIN [Adresse 6] [Localité 5] représentée par Maître Virginie BERNARD de LA BRUYERE CDC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0436 DÉFENDEURS Monsieur [W] [X] [Adresse 1] [Localité 3] représenté par Maître Martial JEAN de la SELARL NABONNE-BEMMER-JEAN, avocat au barreau d'ESSONNE Monsieur [F] [V] [Adresse 2] [Localité 4] représenté par Maître Clémence HILLEL-MANOACH, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C1444 et par Maître Eve-Marine BOLLECKER de la SELARL CAA, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Arthur COURILLON-HAVY, juge Linda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière A l'audience du 14 Avril 2022 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 05 juillet 2022 et prorogé au 13 Septembre 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSE DU LITIGE 1. La SAS E-SWIN a pour activité l'industrialisation, la fabrication et la création de tous produits et systèmes destinés aux secteurs esthétique, médical et paramédical. 2. Elle dit avoir développé en 2012 un dispositif d'optique, solution de traitement technologique utilisant le procédé de lampe flash pour traiter le syndrome de la sécheresse oculaire, dont les premiers équipements dénommés « E-EYE » ont été commercialisés à compter du 11 janvier 2013, puis essentiellement en 2015 auprès des professionnels distributeurs spécialisés dans les domaines de l'optique médicale et paramédicale (opticiens et optométristes) et plus accessoirement auprès des médecins ophtalmologues. 3. Monsieur [W] [X] et le docteur [F] [V], ophtalmologue, se présentent comme ayant mis au point le projet d'un dispositif matériel et d'un protocole permettant de traiter spécifiquement le syndrome de l'« ?il sec par dysfonctionnement des glandes de Meibomius » par une méthode douce d'utilisation de la lumière pulsée. 4. Le 4 avril 2012, Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V] ont déposé une demande de brevet français no FR 2 988 998 intitulé « dispositif pour traiter le dysfonctionnement dit ‘‘de l'?il sec'' ». 5. Respectivement les 27 et 28 juin 2012, le docteur [F] [V] et Monsieur [W] [X] ont chacun conclu un protocole avec la SAS E-SWIN ayant, selon leur article 2, pour objet de « définir les conditions auxquelles les parties conviennent de coopérer, dans le domaine technique, à l'étude et au développement de l'appareil ou d'un nouvel appareil en vue, pour E-SWIN, de les fabriquer et de les commercialiser aux seuls médecins spécialistes des pathologies de l'?il ». 6. Le brevet français no FR 2 988 998, intitulé « dispositif pour traiter le dysfonctionnement dit ‘‘de l'?il sec'' », a été délivré le 26 décembre 2014. 7. Par courriers recommandés du 1er octobre 2018, la SAS E-SWIN a informé Monsieur [W] [X] et le docteur [F] [V] de ce qu'à la suite de la réorganisation du groupe E-SWIN, elle a procédé à une vérification de l'ensemble des commissions qui leur ont été versées au regard des conventions signées et n'avoir pas tenu compte par erreur que les protocoles ne concernaient que la commercialisation de l'appareil « E-EYE » aux seuls médecins spécialistes des pathologies de l'?il. Elle a précisé ne pas solliciter le remboursement des sommes versées à tort, mais imputer leur montant sur les prochaines échéances de paiement. 8. Par courrier recommandé du 5 novembre 2018, Monsieur [W] [X] a dit contester cette limitation contractuelle de la SAS E-SWIN, s'opposer à l'imputation de la somme de 57.000 euros sur sa rémunération à venir, et a sollicité un relevé certifié par expert-comptable ou commissaire aux comptes du nombre d'appareils vendus, loués et placés par zones géographiques et par canal de distribution depuis 2014. 9. Par courrier recommandé de son conseil du 26 novembre 2018, le docteur [F] [V] a contesté l'interprétation contractuelle de la SAS E-SWIN et l'a invitée à y renoncer et à le commissionner de l'intégralité des appareils ou nouvel appareil vendus, loués et placés en France et en Europe. 10. Par courriers recommandés du 15 février 2019, la SAS E-SWIN a indiqué à Monsieur [W] [X] et au docteur [F] [V] « mettre fin » aux protocoles des 27 et 28 juin 2012. 11. Par acte d'huissier du 25 février 2019, Monsieur [W] [X] a fait sommation à la SAS E-SWIN de lui communiquer les relevés trimestriels, certifiés par son expert-comptable ou son commissaire aux comptes, du nombre d'appareils vendus, loués et placés, depuis 2014, ventilés par zones géographiques et, le cas échéant, par canal de distribution en vertu de l'article 6-2 du protocole du 28 juin 2012. 12. Par courrier recommandé de son conseil du 4 mars 2019, le docteur [F] [V] a contesté la résiliation du protocole du 27 juin 2012 et sollicité à nouveau la communication d'un relevé certifié par son expert-comptable ou son commissaire aux comptes, du nombre d'appareils vendus, loués et placés à compter du 27 juin 2012, ventilé par zones géographiques et, le cas échéant, par canal de distribution en vertu de l'article 5-2 du protocole. 13. C'est dans ces circonstances que par actes d'huissier des 2 et 3 juillet 2019, la SAS E-SWIN a fait assigner Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V] devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de PARIS, en répétition de l'indu. 14. Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 novembre 2021, la SAS E-SWIN demande au tribunal, au visa des articles 1302, 1302-1, 1303 du code civil, de l'ancien article 1131 du code civil, des anciens articles 1108, 1109, 1116, 1304 et 1382 du code civil, des articles L. 611-10, L. 611-11 et L. 613-8 du code de la propriétéŽ intellectuelle, des anciens articles L. 442-6, I, 1o et L. 442-6, III du code de commerce, de : « A titre principal, sur la répétition de l'indu : - CONDAMNER Monsieur [W] [X] a` payer a` la société E-SWIN la somme de 272.000 euros en répétition de l'indu des redevances versées entre 2015 et septembre 2018, déduction faite de la somme de 20.000 euros HT contre remise d'une facture correspondante, soit la somme de 252.000 euros ; - CONDAMNER Monsieur [F] [V] a` payer a` la société E-SWIN la somme de 133.250 euros en répétition de l'indu des redevances versées entre 2015 et septembre 2018 ; A titre subsidiaire, sur la nullité et la restitution : - ANNULER les clauses des protocoles signés le 27 juin 2012 entre E-SWIN d'une part et Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V] d'autre part relatives aux rémunérations variables (redevances) ; - CONDAMNER Monsieur [W] [X] a` payer a` la société E-SWIN la somme de 272.000 euros en restitution des redevances versées entre 2015 et septembre 2018, déduction faite de la somme de 20.000 euros HT contre remise d'une facture correspondante, soit la somme de 252.000 euros ; - CONDAMNER Monsieur [F] [V] a` payer a` la société E-SWIN la somme de 133.250 euros en restitution des redevances versées entre 2015 et septembre 2018 ; En tout état de cause : - DEBOUTER Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ; - ORDONNER la mainlevée de l'opposition de Monsieur [F] [V] au paiement du prix de cession du fonds de commerce de la sociétéŽ E-SWIN a` la société ESW BEAUTE ; - CONDAMNER in solidum Monsieur [F] [V] et Monsieur [W] [X] a` 50.000 euros au titre du préjudice moral subi par E-SWIN ; - CONDAMNER Monsieur [W] [X] a` payer a` la société E-SWIN la somme de 25.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER Monsieur [F] [V] a` payer a` la société E-SWIN la somme de 25.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER in solidum Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL LA BRUYERE CDC, avocat au barreau de Paris, conformément a` l'article 699 du code de procédure civile ». 15. Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 novembre 2021, Monsieur [W] [X] demande au tribunal, au visa des articles 1303 et suivants et 1134 du code civil, de : « - DECLARER la société E-SWIN irrecevable en l'intégralité de ses demandes ; - Subsidiairement, l'en DEBOUTER purement et simplement ; - DECLARER, en revanche, M. [W] [X] recevable et fondeŽ en ses demandes reconventionnelles. Y faisant droit, A titre principal : - CONDAMNER la société E-SWIN a` payer au concluant une somme de 235.000 euros correspondant aux rémunérations éludées arrêtée au 15 mai 2019 ; - CONDAMNER la société E-SWIN a` payer au concluant une somme de 3.000.000 euros au titre de la perte du gain prévisible de percevoir sa rémunération contractuelle sur l'Appareil et le Nouvel Appareil et tout autre Nouvel Appareil jusqu'au terme du protocole. A titre subsidiaire, si le tribunal retenait la nullitéŽ de la convention ou l'existence d'un indu : - CONDAMNER la société E-SWIN a` payer au concluant une somme de 12.000.000 euros au titre de son enrichissement sans cause au préjudice du concluant. En tout état de cause : - DEBOUTER la société E-SWIN de l'intégralitéŽ de ses demandes, singulièrement financières, a` l'égard du concluant ; - CONDAMNER la société E-SWIN a` payer au concluant une somme de 50.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; - La CONDAMNER en tous les dépens ; - ORDONNER l'exécution provisoire ». 16. Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 9 novembre 2021, Monsieur [F] [V] demande au tribunal, au visa des articles 1109 et 1116 anciens du code civil, de l'article 1117 ancien du code civil, de l'article 1134 ancien du code civil, de l'article 1147 ancien du code civil, des articles 1231-1 et suivants du code civil, de l'article 1137 du code civil, de l'ancien article 1304 du code civil, de l'article 32 du code de procédure civile, de : « - DECLARER l'action fondée sur le dol irrecevable comme étant prescrite ; - DECLARER infondées en droit et/ou fait l'intégralité des demandes de la société E-SWIN. A titre reconventionnel, - CONDAMNER la socieŽteŽ E-SWIN au paiement de 82.750 euros au Docteur [V] au titre des commissions qui auraient du^ e^tre percžues au titre de la peŽriode allant du 27 juin 2012 au 31 août 2015 ; - CONDAMNER la socieŽteŽ E-SWIN au paiement de 69.375 euros au Docteur [V] au titre des commissions qui auraient du^ e^tre percžues au titre de la peŽriode allant du 1er juillet 2018 au 15 mai 2019 ; - CONDAMNER la socieŽteŽ E-SWIN au paiement de 1.225.000 euros a` parfaire au Docteur [V] a` titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la résiliation fautive du protocole conclu le 27 juin 2012 ; - CONDAMNER la socieŽteŽ E-SWIN au paiement de 15.000 euros au Docteur [V] a` titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du caractère abusif de la présente procédure. En tout état de cause, - CONDAMNER la socieŽteŽ E-SWIN au paiement de 8.000 euros au Docteur [V] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ; - ORDONNER l'exécution provisoire du jugement a` venir ». 17. L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 novembre 2021. 18. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur les demandes principales en répétition de l'indu Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription 19. Monsieur [W] [X] soulève la prescription de l'action en répétition de l'indu en ce que la SAS E-SWIN avait déjà connaissance lors de la signature du protocole le 28 juin 2012 de ce qu'elle ne disposait pas d'une licence de brevet, lequel a par ailleurs été délivré le 26 décembre 2014 soit plusieurs années après la signature du contrat, et qu'elle avait connaissance au plus tard à la date du début de la commercialisation de l'appareil E-EYE, le 11 janvier 2013, de ce qu'elle n'exploitait pas le brevet. 20. La SAS E-SWIN répond que la prescription de 5 ans ne fait pas obstacle à sa demande de remboursement des redevances versées depuis 2015 dès lors que l'action a été intentée le 3 juillet 2019 et que le point de départ du délai de prescription de l'action en répétition de l'indu ne peut être antérieur au paiement. 21. Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. 22. L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 23. L'action en répétition de l'indu, quelle que soit la source du paiement indu, se prescrit selon le délai de droit commun applicable, à défaut de disposition spéciale, aux quasi-contrats (Cass. 2e civ., 4 juillet 2013, no12-17.427), et ne peut être utilement engagée qu'à compter de la date où le paiement est devenu indu (Cass. 3e civ., 31 mai 2007, no06-13.224). 24. En l'espèce, la demande en répétition de l'indu formée par la SAS E-SWIN porte sur les paiements effectués à Monsieur [W] [X] sur la période de juillet 2015 à septembre 2018. 25. L'assignation ayant été délivrée au défendeur le 2 juillet 2019, soit avant l'expiration du délai de prescription quinquennal dont le point de départ est la date de chacun des paiements prétendument indus dont la répétition est sollicitée, la demande n'est pas prescrite. La SAS E-SWIN est donc recevable en sa demande. Sur la répétition de l'indu 26. La SAS E-SWIN expose avoir versé aux défendeurs pendant plusieurs années et sans aucune contrepartie des redevances de licence de brevet tandis que les protocoles ne prévoient pas de licence de la demande de brevet, que ces derniers ne lui ont pas consenti de licence du brevet français no FR 2 988 998 et qu'elle n'a pas exploité le brevet selon une consultation du cabinet de conseil en propriété industrielle PLASSERAUD du 8 novembre 2019. Elle ajoute que l'invention visée dans ce brevet n'a été protégée qu'en France et ne pouvait donc pas donner lieu au paiement de redevances pour la commercialisation de produits en dehors de la France, que seules les ventes aux médecins spécialistes des pathologies de l'?il donnaient lieu à rémunération et que bien qu'elle ne nie pas leur implication dans le développement de l'appareil E-EYE en 2012, les défendeurs ne démontrent pas leur implication dans sa commercialisation qui aurait pu justifier le versement de la rémunération variable. 27. Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V] répondent que la SAS E-SWIN tente de requalifier les contrats, que les protocoles ne constituent pas une licence de brevet mais un contrat de coopération tel qu'énoncé à l'article 2 « OBJET DU CONTRAT », que la SAS E-SWIN ne s'est pas engagée à payer des commissions sans contrepartie, que la rémunération variable est la contrepartie de l'apport de leurs connaissances et de leur savoir-faire pour le développement de l'appareil E-EYE en amont de sa fabrication et de sa commercialisation par la SAS E-SWIN, que l'exploitation de leur savoir-faire a permis à la SAS E-SWIN de pénétrer le marché des traitements de pathologies ophtalmiques, que la consultation du cabinet de conseil en propriété industrielle PLASSERAUD du 8 novembre 2019 ne démontre pas l'absence d'exploitation de leur savoir-faire mais indique seulement que l'appareil E-EYE ne reproduirait pas les revendications 6, 9 et 11 du brevet français no FR 2 988 998. 28. L'article 1302 du code civil dispose que tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution. La restitution n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées. 29. Aux termes de l'article 1302-1 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit la restitution à celui de qui il l'a indûment reçu. 30. Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. 31. C'est au demandeur en restitution des sommes qu'il prétend avoir indûment payées qu'il incombe de prouver le caractère indu du paiement (Cass. 1re civ., 16 novembre 2004, no01-17.182). 32. En l'espèce, l'article 2 « OBJET DU CONTRAT » de chacun des protocoles des 27 et 28 juin 2012 (pièces E-SWIN no3 et 6) stipule : « Le présent contrat a pour objet de définir les conditions auxquelles les parties conviennent de coopérer, dans le Domaine technique, à l'étude et au développement de l'Appareil ou d'un Nouvel appareil en vue, pour E-SWIN, de les fabriquer et de les commercialiser aux seuls médecins spécialistes des pathologies de l'?il ». 33. Les protocoles précisent à l'article 1 « DEFINITIONS » que : « 1.2 – Domaine technique recouvre l'ensemble des opérations d'ordre technologique (acquisition de connaissances techniques, analyses théoriques, études et expérimentations, y compris la production expérimentale et les tests techniques ou cliniques de produits ou de procédés ou matériels) nécessaires à la conception et au développement de l'Appareil ou d'un Nouvel Appareil, ainsi que la mise au point de ses méthodes de fabrication et/ ou de contrôle ». 34. L'article 3 « PROPRIETE INTELLECTUELLE » desdits protocoles stipule que : « 3.1 – Chaque partie conservera la propriété exclusive et personnelle des Connaissances antérieures lui appartenant en propre. En particulier, la Demande de Brevet co-déposée par le Médecin et [W] [X] et les droits qui pourraient en découler ne sauraient être altérés par le présent protocole ». 35. L'article 6 « PRESTATIONS DU MEDECIN » du protocole du 27 juin 2012 conclu avec le Docteur [F] [V] stipule : « 5-1 Réalisation d'une Etude Le Médecin fournira à la société E-SWIN, sous la forme d'un rapport, une étude (ci-après l'« Etude » relative à l'utilisation thérapeutique de l'Appareil pour le traitement du dysfonctionnement dit de « l'?il sec » dans sa forme d'atteinte cornéenne par déficit de la couche lipidique lacrymale, faisant plus particulièrement apparaître : Les moyens actuellement les plus couramment utilisés pour le traitement de l'?il sec ; Les avantages et inconvénients de ces traitements ; Les apports du traitement de l'?il sec par lampe flash ; Les avantages et les inconvénients de ce type de procédé ; Les contre-indications de ce type de traitement ; Les résultats constatés par l'usage de ce type de traitement ; Les forces et les faiblesses de l'Appareil dans le traitement ; Les préconisations pour que l'Appareil soit en mesure de traiter l'?il sec dans les meilleures conditions d'efficacité et de sécurité des patients. Les études et notes établies par le Médecin seront la propriété exclusive de la société E-SWIN. En conséquence, le Médecin s'interdit d'utiliser, à titre personnel, ou professionnel, quel qu'en soit l'usage ou la destination, les éléments et informations qui ont été portés à sa connaissance par la société E-SWIN pour la réalisation de l'Etude, comme l'étude elle-même, notamment dans la perspective d'une publication professionnelle ou scientifique, sauf accord écrit et préalable de la société E-SWIN. Le Médecin ne pourra en aucun cas sous-traiter tout ou partie de la réalisation de l'Etude. Le Médecin devra avoir remis l'Etude à la société E-SWIN, au plus tard le 30/06/212. La société E-SWIN se réserve la faculté de compléter l'Etude ou réaliser une Etude concurrente par toute personne de son choix, sous réserve, dans cette hypothèse, d'identifier, dans toute publication ultérieure les conclusions relevant de chacune des Etudes concurrentes en faisant apparaître le nom de son auteur. 5-2 Rémunération du Médecin 5.2.1 En contrepartie de l'Etude que le Médecin aura réalisé et dont il communiquera un rapport circonstancié à la société E-SWIN, le Médecin percevra une rémunération de 10.000 euros à titre d'honoraire. 5.2.2 En outre, et en contrepartie de l'usage par E-SWIN de la demande de brevet déposée comme dit en EXPOSE, le Médecin percevra une rémunération complémentaire égale à 250 € pour chaque Appareil ou Nouvel Appareil vendu, loué ou placé en France et en Europe par E-SWIN ou toute entité à qui E-SWIN pourrait en concéder la commercialisation ou concéder une licence de fabrication et de vente des Appareils. Le versement de cette redevance ne cessera pas si la Demande de Brevet ne pouvait aboutir pour une raison indépendante de la volonté du Médecin et de la Partie intervenante. Dans ce cas la redevance sera alors considérée comme portant sur le savoir-faire transmis. Monsieur [W] [X] intervient aux présentes pour consentir à ces dispositions et fera son affaire de conclure, en ce qui le concerne, un accord séparé avec E-SWIN à ce sujet. Cette rémunération sera calculée par trimestre civil et sera versée au plus tard le 15 du mois suivant le trimestre civil considéré. A cet effet, la société E-SWIN communiquera au Médecin, en même temps que le règlement, un relevé faisant apparaître le nombre d'Appareils vendus, loués et placés au cours du trimestre considéré, ventilé par zones géographiques et, le cas échéant, par canal de distribution. Sur demande expresse du Médecin, E-SWIN devra communiquer un relevé certifié par l'Expert-Comptable ou le commissaire aux Comptes de la société E-SWIN ». 36. L'article 6 « PRESTATIONS DE L'APPORTEUR » du protocole du 28 juin 2012 conclu avec Monsieur [W] [X] stipule : « 6-1 Nature des prestations de l'Apporteur : - L'Apporteur s'est mis en rapport avec E-SWIN en vue d'explorer une possible collaboration dans le domaine du traitement de l'?il sec par lampe flash. Un accord de confidentialité bilatéral signé entre les parties en juin 2011 a formalisé cette phase. - En collaboration avec le Médecin, il a défini les caractéristiques souhaitables de la pulsation lumineuse émise par l'Appareil. - Il s'est assuré du bon déroulement de l'essai clinique avec le Médecin en vue de la rédaction d'une étude montrant l'efficacité de la méthode sur un nombre significatif de patients. - Il collabore à la mise en forme des résultats des essais cliniques initiaux. - Il informe E-SWIN des remarques et suggestions d'améliorations de l'Appareil. - Il définit avec le Médecin le protocole opératoire ainsi que la forme et la nature du couplant optique interface entre l'Appareil et la peau du Patient. - Il peut être amené à participer, à la demande et aux frais de E-SWIN et dans la mesure de ses disponibilités, aux évènements et congrès médicaux destinés à promouvoir les ventes de l'Appareil. 6-2 Rémunération de l'Apporteur En contrepartie de son intervention et de l'usage par E-SWIN de la Demande de Brevet, l'Apporteur percevra un montant de 500 euros Hors Taxes pour chaque Appareil ou Nouvel Appareil vendu, loué ou placé par E-SWIN ou toute entité à qui E-SWIN pourrait concéder la commercialisation ou concéder une licence de fabrication et de vente des Appareils. Le versement de cette redevance ne cessera pas si la Demande de Brevet ne pouvait aboutir pour une raison indépendante de la volonté de l'Apporteur. Dans ce cas la redevance sera alors considérée comme portant sur le savoir-faire transmis. Cette rémunération sera calculée par trimestre civil et sera versée au plus tard le 15 du mois suivant le trimestre civil considéré. A cet effet, la société E-SWIN communiquera à l'Apporteur, en même temps que le règlement, un relevé faisant apparaître le nombre d'Appareils vendus, loués et placés au cours du trimestre considéré, ventilé par zones géographiques et, le cas échéant, par canal de distribution. Sur demande expresse de l'Apporteur, E-SWIN devra communiquer un relevé certifié par l'Expert-Comptable ou le commissaire aux Comptes de la société E-SWIN ». 37. Dès lors, contrairement à ce qu'affirme la SAS E-SWIN, il ressort des stipulations contractuelles, notamment de l'article 2 « OBJET DU CONTRAT », que les protocoles constituent des contrats de coopération avec Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V], lesquels apportent leurs connaissances et leur savoir-faire dont ceux de la demande de brevet français no FR 2 988 998 intitulé « dispositif pour traiter le dysfonctionnement dit ‘‘de l'?il sec'' » sans toutefois en concéder une licence, en vue du développement d'un appareil, en l'occurrence l'appareil E-EYE, moyennant le versement d'une rémunération variable appelée « redevance » pour chaque appareil vendu, loué et placé par elle. La SAS E-SWIN ne peut donc prétendre avoir indûment payé des redevances d'une licence de brevet qui ne lui a pas été concédée, ce d'autant que l'article 3.1 « PROPRIETE INTELLECTUELLE » des protocoles stipule expressément que « la Demande de Brevet co-déposée par le Médecin et [W] [X] et les droits qui pourraient en découler ne sauraient être altérés par le présent protocole ». 38. Son moyen tiré de ce qu'elle n'a pas exploité le brevet français no FR 2 988 998 délivré le 26 décembre 2014 est également inopérant dès lors qu'aucune licence de brevet ne lui a été concédée et que, comme l'indiquent les défendeurs, la consultation du 8 novembre 2019 qu'elle verse aux débats (sa pièce no11), réalisée à sa demande par le cabinet de conseil en propriété industrielle PLASSERAUD, n'exclut pas l'usage de leur savoir-faire pour le développement de l'appareil E-EYE mais se borne à indiquer que l'appareil E-EYE « ne semble pas reproduire au moins les revendications 1 et 6 à 11 du brevet », étant observé que cette consultation est silencieuse s'agissant d'une éventuelle reproduction des revendications 2, 3, 4 et 5 du brevet. 39. Quant au caractère prétendument indu des redevances versées pour les ventes de l'appareil E-EYE à d'autres acheteurs que « les médecins spécialistes des pathologies de l'?il » visés à l'article 2 « OBJET DU CONTRAT » et les ventes réalisées hors France, force est de constater que la SAS E-SWIN, à laquelle incombe la charge de la preuve, n'identifie pas les redevances litigieuses, aucun décompte des ventes ventilé par catégories d'acheteurs n'étant produit, et n'établit pas davantage avoir versé des redevances pour des ventes autres qu'aux médecins spécialistes des pathologies de l'?il. 40. Par ailleurs, les stipulations contractuelles ne cantonnent pas les redevances aux ventes d'appareils réalisées uniquement sur le territoire français. Au contraire, l'article 5-2 « Rémunération du médecin » du protocole du 27 juin 2012 conclu avec Monsieur [F] [V] stipule que « le Médecin percevra une rémunération complémentaire égale à 250 € pour chaque Appareil ou Nouvel Appareil vendu, loué ou placé en France et en Europe par E-SWIN » ; et l'article 6-2 « Rémunération de l'apporteur » du protocole du 28 juin 2012 conclu avec Monsieur [W] [X] stipule que « l'Apporteur percevra un montant de 500 € Hors Taxes pour chaque Appareil ou Nouvel Appareil vendu, loué ou placé par E-SWIN », et vise donc les ventes sans distinction territoriale, ce qui est corroboré par l'alinéa suivant du même article qui stipule qu'« à cet effet, la société E-SWIN communiquera à l'Apporteur, en même temps que le règlement, un relevé faisant apparaître le nombre d'Appareils vendus, loués et placés au cours du trimestre considéré, ventilé par zones géographiques ». 41. Au vu de l'ensemble de ces éléments, la SAS E-SWIN sera en conséquence déboutée de ses demandes principales en répétition de l'indu. Sur les demandes subsidiaires en nullité pour dol Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription 42. Monsieur [W] [X] soulève la prescription de la demande subsidiaire en nullité pour dol de la clause du protocole du 28 juin 2012 relative à sa rémunération en ce que la SAS E-SWIN avait déjà connaissance lors de la signature du protocole qu'il ne lui conférait pas une licence de brevet, lequel a été délivré postérieurement le 26 décembre 2014, qu'elle a eu connaissance des travaux du docteur [C] dès l'étude du 25 avril 2012 transmise par Monsieur [F] [V] et avait d'ailleurs mis en avant les différences entre l'appareil QUADRA Q4 de DERMAMED SOLUTIONS utilisé par le docteur [C] et son appareil E-EYE lors de sa présentation aux distributeurs. 43. Monsieur [F] [V], qui soulève également la prescription de cette demande, ajoute que le contrat a reçu exécution. 44. La SAS E-SWIN répond sa demande en nullité pour dol n'est pas prescrite dès lors que « le point de départ de la prescription n'a commencé à courir qu'à compter du 26 décembre 2014, date à partir de laquelle Monsieur [X] et Monsieur [V] auraient pu consentir à E-SWIN une licence de brevet ou une licence de savoir-faire, ce qui ne s'est pas produit ». 45. Aux termes de l'article 1144 du code civil, le délai de l'action en nullité ne court, en cas d'erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts et, en cas de violence, que du jour où elle a cessé. 46. L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 47. La prescription quinquennale de l'action en nullité pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert l'erreur qu'il allègue (Cass. 1re civ., 11 septembre 2013, no12-20.816). 48. En l'espèce, la SAS E-SWIN allègue un vice du consentement pour dol en ce que les défendeurs ne lui ont pas concédé de licence de brevet, ce dont elle avait déjà connaissance au jour de la signature des protocoles les 27 et 28 juin 2012 dont elle sollicite la nullité de la clause de rémunération, et ne l'a pas découvert à la date de délivrance du brevet FR 2988998 le 26 décembre 2014. 49. De même qu'il ressort des pièces versées aux débats que la SAS E-SWIN avait à tout le moins connaissance des travaux du docteur [P] [C], prétendument destructeurs de nouveauté de l'utilisation de la technologie IPL pour le traitement de la maladie de l'?il sec, dès l'étude du 25 avril 2012 que lui a remis le docteur [F] [V] (sa pièce no6.1), soit antérieurement à la signature des protocoles. 50. Ses demandes subsidiaires en nullité pour dol ayant été formées pour la première fois dans ses conclusions no2 notifiées par voie électronique le 14 septembre 2021, celles-ci prescrites, y compris dans l'hypothèse d'un point de départ du délai de prescription quinquennal à la date de délivrance du brevet le 26 décembre 2014 tel qu'allégué par la SAS E-SWIN. 51. En conséquence, la SAS E-SWIN sera déclarée irrecevable en ses demandes subsidiaires en nullité pour dol des clauses de rémunération stipulées aux protocoles conclus les 27 et 28 juin 2012 avec Monsieur [F] [V] et Monsieur [W] [X]. Sur la demande de mainlevée de l'opposition 52. Dans le dispositif de ses conclusions, la SAS E-SWIN demande au tribunal d'« ordonner la mainlevée de l'opposition de Monsieur [F] [V] au paiement du prix de cession du fonds de commerce de la société E-SWIN à la société ESW BEAUTE ». 53. Monsieur [F] [V] ne répond pas sur ce point. 54. Conformément à l'article 768 du code de procédure civile, les écritures des parties doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. 55. En l'espèce, dans la partie discussion de ses conclusions, la SAS E-SWIN n'invoque aucun fondement textuel et n'expose aucun moyen en droit au soutien de sa demande de mainlevée de l'opposition formée par Monsieur [F] [V] au paiement du prix de cession du fonds de commerce de la SAS E-SWIN à la SAS ESW BEAUTY, laquelle sera en conséquence rejetée. Sur la demande indemnitaire pour préjudice moral 56. La SAS E-SWIN soutient avoir subi un « préjudice moral du fait de l'atteinte à la réputation qu'elle subit et des soucis et inquiétudes pour la pérennité de l'exploitation de l'équipement E-EYE, causés par les menaces et mensonges des défendeurs ». 57. Les défendeurs contestent l'existence d'un quelconque préjudice moral subi par la SAS E-SWIN. 58. L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 59. Aux termes de l'article 1241 du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. 60. En l'espèce, tandis que la charge de la preuve lui incombe, la SAS E-SWIN, qui procède par voie d'affirmation dans ses écritures, n'établit ni la faute des défendeurs ni le préjudice moral qu'elle allègue, et sera en conséquence déboutée de sa demande indemnitaire. Sur les demandes reconventionnelles 61. Monsieur [W] [X] soutient que des rémunérations lui restent dues en exécution du protocole depuis le troisième trimestre de l'année 2018, que sa rémunération est fixée par le protocole sans considération de la personne à laquelle l'appareil est vendu, de sorte qu'il a droit à une rémunération pour tout appareil vendu dans le monde entier à tous les professionnels, qu'en dépit d'une sommation de communiquer signifiée par huissier la SAS E-SWIN n'a pas produit les décomptes trimestriels conformément au protocole, que la résiliation unilatérale du protocole par la SAS E-SWIN est fautive car de pure convenance et ne formule aucun reproche à son égard, et que cette dernière doit donc indemniser son préjudice relevant d'une perte de chance de percevoir cette rémunération qu'il évalue à la somme de 3.000.000 euros sur une base de 300 appareils par an sur les 14 prochaines années. 62. Monsieur [F] [V] fait valoir que des commissions lui sont encore dues en application du protocole sur la période du 1er juillet 2018 au 15 mai 2019 et sur la période du 27 juin 2012 au 31 août 2015, que la résiliation unilatérale du protocole par la SAS E-SWIN est fautive, qu'il subit un préjudice à hauteur de la somme de 1.225.000 euros à parfaire sur une base de 350 appareils par an au titre des 14 années restant à courir. Il invoque également le caractère abusif de la procédure engagée par la SAS E-SWIN. 63. La SAS E-SWIN répond que les rémunérations de Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V], manifestement disproportionnées par rapport à la valeur des services rendus, justifient la résiliation anticipée des protocoles « même si cela n'est pas mentionné dans les lettres de résiliation », et conteste tant leur chiffrage des redevances restant dues que leur évaluation du préjudice de perte de chance. Sur la résiliation unilatérale fautive des protocoles 64. Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. 65. L'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. 66. Selon l'article 1212 alinéa 1er du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l'exécuter jusqu'à son terme (déjà en ce sens, Cass. com. 12 novembre 1996, no94-14.329). 67. En l'espèce, l'article 9 « DUREE » de chacun des protocoles des 27 et 28 juin 2012 stipule : « 9.1 – Le présent contrat entrera en vigueur dès sa signature par la dernière des parties à le signer. 9.2 – Sauf résiliation anticipée, il durera jusqu'au vingtième anniversaire de la mise sur le marché de l'Appareil, puis se renouvellera ensuite par tacite reconduction, par périodes successives d'un an, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties, par lettre recommandée avec avis de réception, trois mois au moins avant le terme de la période de reconduction en cours. 9-3 – Si l'une des parties vient à défaillir dans l'exécution de l'une quelconque de ses obligations au titre du présent contrat, et si cette défaillance n'est imputable ni à un cas de force majeure indépendant de sa volonté, ni à une faute de l'autre partie, elle sera tenue de dédommager cette autre partie du préjudice résultant pour elle de cette défaillance, et le présent contrat pourra être résilié de plein droit par la partie lésée, trois mois après mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception restée sans effet, chacune des parties retrouvant alors son entière liberté ». 68. Chacune des lettres de résiliation en date du 15 février 2019 adressées par la SAS E-SWIN à Monsieur [F] [V] et Monsieur [W] [X] est rédigée comme suit : « Monsieur, Conformément aux dispositions de l'article 9 du contrat qui nous lie, en date du 27 juin 2012 [28 juin 2012 s'agissant de M. [X]], nous vous notifions par la présente notre décision de mettre fin à la convention qui nous lie. Cette convention prendra définitivement fin à l'issue du délai de prévenance de trois mois qui commencera à courir à la date de la première présentation de la présente. Jusqu'à la date d'expiration de la convention, nous vous adresserons le décompte de la rémunération convenue dans le respect des conditions contractuelles et tout particulièrement l'article 2 de la convention. Le règlement vous sera fait dès réception de votre accord. Nous vous prions de croire, Monsieur à l'assurance de ma considération distinguée ». 69. Dès lors, aucune des lettres de résiliation du 15 février 2019 ne vise une quelconque inexécution contractuelle des défendeurs et aucune d'elles n'est précédée d'une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception demeurée infructueuse pendant trois mois conformément à l'article 9-3 des protocoles. Les lettres n'indiquent d'ailleurs aucun motif de résiliation. Cette résiliation unilatérale en violation des stipulations contractuelles est constitutive d'une faute de la SAS E-SWIN engageant sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au présent litige. 70. Cette faute cause un préjudice à Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V] résultant d'une perte de chance de percevoir, postérieurement au 15 mai 2019 eu égard au délai de préavis de trois mois, les redevances futures contractuellement convenues jusqu'au 20ème anniversaire de la mise sur le marché de l'appareil, soit jusqu'au 11 janvier 2033, étant précisé que le préjudice subi ne peut être mesuré qu'à la chance perdue sans pouvoir être égal à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. 71. Il ressort des chiffres de ventes par zones géographiques dont dispose le tribunal jusqu'au 30 juin 2021 (pièces E-SWIN no13 et 13-1), la clôture ayant été prononcée le 25 novembre 2021, que 88 appareils ont été vendus en Europe (dont France) et 372 ont été vendus dans le monde (hors Europe) sur la période du 16 mai 2019 au 30 juin 2021, correspondant alors à des redevances à hauteur de la somme de 22.000 euros pour Monsieur [F] [V] et la somme de 230.000 euros pour Monsieur [W] [X]. 72. Pour la période postérieure, à compter du 1er juillet 2021, il convient d'effectuer une moyenne des années pré-covid 2018-2019, de lui appliquer une décote de 30% annuelle pour tenir compte de la progressive obsolescence de l'appareil eu égard aux évolutions technologiques, cette baisse des ventes s'observant déjà dans les années passées. Cela permet d'estimer la perte de chance d'obtenir des redevances sur les ventes de l'appareil jusqu'à la fin prévisible de sa commercialisation, que cette évolution permet de retenir à l'année 2026 inclus pour l'Europe et l'année 2027 inclus pour le monde (hors Europe). 73. Cette perte de chance correspond alors aux redevances sur la vente de 185 appareils en Europe et la vente de 306 appareils dans le monde (hors Europe), soit la somme de 46.250 euros pour Monsieur [F] [V], et la somme de 245.500 euros pour Monsieur [W] [X]. De sorte que, en additionnant avec les redevances pour la période antérieure au 1er juillet 2021, le préjudice total de Monsieur [F] [V] s'élève à la somme de 68.250 euros et celui de Monsieur [W] [X] à la somme de 475.500 euros. La SAS E-SWIN sera en conséquence condamnée au paiement de ces sommes à titre de dommages et intérêts. Sur le paiement des redevances restant dues 74. Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. 75. Tandis que sa lettre de résiliation unilatérale est en date du 15 février 2019 avec un délai de préavis de trois mois, la SAS E-SWIN n'établit pas avoir versé des redevances à Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V] postérieurement au 29 août 2018, ce qu'elle ne conteste pas au demeurant et ressort tant de son décompte des redevances versées que des notes de frais et quittances établies par les défendeurs (ses pièces no5, 8 et 9). 76. Par ailleurs, le tribunal constate qu'en dépit des courriers recommandés et sommation par acte d'huissier qui lui ont été adressés par les défendeurs antérieurement à la présente instance, la SAS E-SWIN n'a jamais communiqué, y compris en cours de procédure, les relevés trimestriels du nombre d'appareils vendus, loués et placés, ventilés par zones géographiques, et le cas échéant, par canal de distribution conformément aux articles 5.2 et 6.2 des protocoles. 77. Dès lors, la SAS E-SWIN a elle-même manqué à ses deux obligations contractuelles. 78. En outre, il ressort des attestations de Monsieur [I] [E], expert-comptable de la SAS E-SWIN (ses pièces no13 et 13-1) que le nombre d'appareils E-EYE vendus par zones géographiques entre le 1er janvier 2018 et le 15 mai 2019 est le suivant : - année 2018 : 100 ventes en Europe (dont 2 en France) et 219 ventes dans le monde (hors Europe), étant précisé que seront déduites les 72 ventes d'appareils ayant déjà fait l'objet d'un paiement de redevances au 29 août 2018 selon les notes d'honoraires et quittances établies par les défendeurs (pièces E-SWIN no8 et 9) ; - du 1er janvier au 15 mai 2019 : 32 ventes en Europe (dont 0 en France) et 86 ventes dans le monde (hors Europe). 79. Au regard des stipulations contractuelles de l'article 5.2 « Rémunération du médecin » du protocole du 27 juin 2012 conclu avec Monsieur [F] [V] et de l'article 6.2 « Rémunération de l'apporteur » du protocole du 28 juin 2012 conclu avec Monsieur [W] [X], les redevances leur restants dues sur la période du 30 août 2018 au 15 mai 2019 s'élèvent à : - la somme totale de 15.000 euros pour Monsieur [F] [V] pour les ventes de l'appareil E-EYE en Europe (dont France) ; - la somme totale de 182.500 euros hors taxes pour Monsieur [W] [X] pour les ventes de l'appareil E-EYE dans le monde (dont Europe) dès lors que les stipulations du protocole ne cantonnent pas sa rémunération à une zone géographique à la différence de Monsieur [F] [V]. 80. En revanche Monsieur [F] [V], qui procède par voie d'affirmation dans ses écritures tandis que la charge de la preuve lui incombe conformément à l'article 1353 alinéa 1 du code civil, n'est pas fondé à solliciter également le paiement de la différence entre le nombre d'appareils effectivement vendus de 2013 à 2015 et les quantités minimales mentionnées à l'article 5 « clause de quota » du protocole du 27 juin 2012 dès lors que l'obligation de paiement qu'il allègue ne résulte d'aucune stipulation contractuelle du protocole, pas même de l'article 6-2 « Rémunération du médecin ». Cet article 5 « clause de quota » ne prévoit qu'une faculté de résiliation du protocole si les quantités minimales de ventes, locations ou placements de l'appareil n'étaient pas atteintes par la SAS E-SWIN. Sa demande reconventionnelle en paiement sera donc rejetée. Sur la procédure abusive 81. L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 82. Aux termes de l'article 1241 du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. 83. Le droit d'agir en justice dégénère en abus constitutif d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant le défendeur à se défendre contre une action que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté. 84. La résiliation unilatérale fautive du protocole du 27 juin 2012 sans aucun motif, suivie d'une action en justice manifestement vouée à l'échec, caractérise un abus constitutif d'une faute causant un préjudice moral à Monsieur [F] [V], distinct du préjudice matériel résultant de la nécessité d'exposer des frais pour se défendre, qu'il convient de réparer à hauteur de la somme de 2.000 euros. Sur les demandes accessoires Sur les dépens 85. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. 86. La SAS E-SWIN, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens. Sur l'article 700 du code de procédure civile 87. L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. 88. En l'espèce, l'équité commande de condamner la SAS E-SWIN à payer à Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V] la somme de 5.000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile. Sur l'exécution provisoire 89. Aux termes de l'article 515 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable au présent litige, hors les cas où elle est de droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi. Elle peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation. 90. En l'espèce, l'exécution provisoire, nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, sera ordonnée. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, DECLARE la SAS E-SWIN recevable en sa demande principale en répétition de l'indu formée à l'encontre de Monsieur [W] [X] ; DEBOUTE la SAS E-SWIN de ses demandes principales en répétition de l'indu formées à l'encontre de Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V] ; DECLARE la SAS E-SWIN irrecevable en ses demandes subsidiaires en nullité pour dol des clauses de rémunération stipulées aux protocoles des 27 et 28 juin 2012 ; DEBOUTE la SAS E-SWIN de sa demande de « mainlevée de l'opposition de Monsieur [F] [V] au paiement du prix de cession du fonds de commerce de la société E-SWIN à la société ESW BEAUTE » ; DEBOUTE la SAS E-SWIN de sa demande indemnitaire pour préjudice moral ; CONDAMNE la SAS E-SWIN à payer à Monsieur [F] [V] la somme de 15.000 euros au titre des redevances restant dues au 15 mai 2019 ; CONDAMNE la SAS E-SWIN à payer à Monsieur [W] [X] la somme de 182.500 euros hors taxes au titre des redevances restant dues au 15 mai 2019 ; CONDAMNE la SAS E-SWIN à payer à Monsieur [F] [V] la somme de 68.250 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la résiliation unilatérale fautive du protocole du 27 juin 2012 ; CONDAMNE la SAS E-SWIN à payer à Monsieur [W] [X] la somme de 475.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la résiliation unilatérale fautive du protocole du 28 juin 2012 ; CONDAMNE la SAS E-SWIN à payer à Monsieur [F] [V] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; DEBOUTE Monsieur [F] [V] de sa demande reconventionnelle en paiement de redevances sur la période du 27 juin 2012 au 31 août 2015 ; CONDAMNE la SAS E-SWIN à payer à Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V] la somme de 5.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la SAS E-SWIN aux dépens ; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision. Fait et jugé à Paris le 13 Septembre 2022 La Greffière La Présidente
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 20/05840 - No Portalis 352J-W-B7E-CSJVT No MINUTE : Assignation du : 01 Juillet 2020 rendu le 11 Octobre 2022 DEMANDERESSE S.A.S. LABORATOIRES NOREVA-LED [Adresse 2] [Localité 3] représentée par Maître Christelle VERRECCHIA, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C1200 et par Maître Fabienne MARECHAL de la SELARL YDES, substituée par Maître Albane LAFANECHERE, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant. DÉFENDERESSE S.A.R.L. DERMACONCEPT JMC [Adresse 1] [Localité 4] représentée par Maître Damien REGNIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0451 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Arthur COURILLON-HAVY, juge Linda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière A l'audience du 11 mai 2022 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 02 août 2022 et prorogé au 11 octobre 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSE DU LITIGE La SAS LABORATOIRES NOREVA-LED a pour activité la recherche dans l'industrie et les domaines pharmaceutiques, biotechnologiques, parapharmaceutiques, cosmétologiques et diététique, ainsi que la promotion et distribution en France et à l'étranger de produits dermo-cosmétiques et notamment de cosmétiques solaires. Elle commercialise des produits dermo-cosmétiques sous la marque « NOREVA ». La SARL DERMACONCEPT JMC a pour activité l'étude et la recherche dans l'industrie et les domaines pharmaceutiques, biotechnologiques, parapharmaceutiques, cosmétologiques et diététiques, sous toutes ses formes, ainsi que la conception de tous produits correspondant à ces études. Le 5 mai 1997, la SAS LABORATOIRES D'EVOLUTION DERMATOLOGIQUE, devenue SAS LABORATOIRES NOREVA-LED, et la SARL DERMACONCEPT JMC ont conclu un contrat de mission de consultant, confiant notamment à cette dernière la réévaluation et nouvelle conceptualisation des produits existants de la gamme L.E.D, et la mise au point de concepts ou de produits nouveaux dans de nouvelles indications visant à élargir la gamme des produits L.E.D. Le 3 septembre 2007, la société LABORATOIRES NOREVA-LED et la société DERMACONCEPT JMC ont conclu un contrat de prestation de services confiant à cette dernière la réalisation de diverses prestations en vue du développement de produits, concepts et formes galéniques dans le domaine de la dermatologie et de la dermo-cosmétique. Par courrier du 9 février 2018, la société LABORATOIRES NOREVA-LED a indiqué ne pas reconduire le contrat de mission de consultant du 15 mai 1997 et que celui-ci cessera de produire effet à compter du 14 mai 2018. Par courrier du 6 juin 2018, la société DERMACONCEPT JMC a résilié le contrat de prestation de services avec effet au 6 décembre 2018, estimant que le contrat de mission de consultant et le contrat de prestation de services devaient s'exécuter conjointement et que la fin du premier contrat entraînait un déséquilibre financier à son détriment. Par courrier du 9 juillet 2018, la société LABORATOIRES NOREVA-LED a pris acte de la résiliation mais indiqué ne pas partager l'analyse de la société DERMACONCEPT JMC quant à l'exécution conjointe des deux contrats dès lors qu'ils sont distincts et prévoient chacun des prestations et une rémunération propre. Estimant que la mise sur le marché du produit STRIVADIANE porte atteinte à la demande de brevet français no FR 19 01393, intitulé « composition cosmétique et/ou dermatologique pour lutter contre les vergetures », qu'elle a déposée le 12 février 2019, la société DERMACONCEPT JMC a, par courrier de son conseil du 21 juin 2019, mis en demeure la société LABORATOIRES NOREVA-LED de lui payer les redevances dues, de lui communiquer des documents comptables et de retirer de la vente une liste de produits. Par lettre officielle de son conseil du 20 août 2019, la société LABORATOIRES NOREVA-LED a contesté le bien-fondé de la mise en demeure et a elle-même mis en demeure la société DERMACONCEPT JMC de lui transférer la propriété de la demande de brevet no FR 19 01393, estimant que le produit STRIVADIANE a été développé dans le cadre du contrat de prestation de services du 3 septembre 2007 et que l'invention lui appartient en application de l'article 8-3 du contrat. Par courrier de son conseil du 30 septembre 2019, la société DERMACONCEPT JMC a refusé de lui transférer la propriété de la demande de brevet noFR 19 01393. Le 23 janvier 2020, la société DERMACONCEPT JMC a déposé une demande internationale de brevet no PCT/FR2020/050092 sous priorité de la demande de brevet français no FR 19 01393. C'est dans ces circonstances que par acte d'huissier du 1er juillet 2020, la société LABORATOIRES NOVERA-LED a fait assigner la société DERMACONCEPT JMC devant le tribunal judiciaire de PARIS en revendication de la propriété des demandes de brevet et indemnisation de son préjudice. Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 septembre 2021, la SAS LABORATOIRES NOREVA-LED demande au tribunal, au visa des articles L. 611-6, L. 611-8, R. 611-16 et R. 611-18 du code de la propriété intellectuelle, de : « - DIRE ET JUGER que les dépôts de la demande de brevet français no19 01393 et de la demande de brevet PCT noWO 2020/165514 A1 ont été effectués par la société DERMACONCEPT JMC en violation d'une obligation conventionnelle ; - DIRE ET JUGER que la société LABORATOIRES NOREVA-LED est légitime propriétaire de la demande de brevet français no19 01393 et de la demande de brevet PCT noWO 2020/165514 A1 ; - ORDONNER le transfert au profit de la société LABORATOIRES NOREVA-LED, avec effet rétroactif au jour du dépôt, de la propriété de la demande de brevet français no19 01393 et de la demande de brevet PCT noWO 2020/165514 A1 ; - DIRE que la société LABORATOIRES NOREVA-LED se trouvera subrogée dans les droits de la société DERMACONCEPT JMC relativement à la demande de brevet français no19 01393 et de la demande de brevet PCT noWO 2020/165514 A1 à compter de la date respective de ces demandes ; - DIRE que le présent jugement, une fois définitif, sera porté à la connaissance du l'Institut National de la Propriété Industrielle et de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle aux fins d'inscription au Registre des brevets de chacun de ces offices à la requête de la partie la plus diligente - CONDAMNER la société DERMACONCEPT JMC à payer à la société LABORATOIRES NOREVA-LED la somme de 30.000 euros (trente mille euros) en réparation du préjudice subi du fait du dépôt des demandes de brevets ; - CONDAMNER la société DERMACONCEPT JMC à payer à la société LABORATOIRES NOREVA-LED la somme de 20.425,20euros TTC (vingt mille quatre cent vingt-cinq euros et vingt cents) au titre des prestations payées par la société LABORATOIRES NOREVA-LED et à la charge de la société DERMACONCEPT JMC ; - ORDONNER la publication du jugement à intervenir par extrait dans cinq journaux ou revues au choix de la société LABORATOIRES NOREVA-LED et aux frais de la société DERMACONCEPT JMC, à hauteur de 2.000 euros HT par publication ; - CONDAMNER la société DERMACONCEPT JMC à payer à la société LABORATOIRES NOREVA-LED la somme de 18.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - DÉBOUTER la société DERMACONCEPT JMC de toutes demandes ou prétentions ; - CONDAMNER la société DERMACONCEPT JMC aux entiers dépens de l'instance, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ». Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 novembre 2021, la SARL DERMACONCEPT JMC demande au tribunal de : « - Débouter la société Laboratoires Noreva-Led de toutes ses demandes, fins et conclusions ; - Subsidiairement, subordonner le transfert de propriété de la demande de brevet français no19 01393 et de toutes ses extensions réalisées sous priorité de la demande initiale, y compris la demande PCT no WO 2020/165514 A1, au remboursement par la société Laboratoires Noreva-Led de l'ensemble des frais afférents à leur dépôt, soit 18.583 euros HT ; - Condamner la société Laboratoires Noreva-Led à payer à la société Dermaconcept JMC la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner la société Laboratoires Noreva-Led aux entiers dépens de l'instance, et dire que ceux-ci pourront être directement recouvrés par Maître Damien Régnier, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ». L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 décembre 2021. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la revendication des demandes de brevet La société LABORATOIRES NOREVA-LED soutient que la demande de brevet français no FR 1901393 et la demande internationale de brevet no PCT/FR2020/050092, dont elle revendique la propriété, ont été déposées frauduleusement par la société DERMACONCEPT JMC dès lors qu'elles portent sur la composition cosmétique développée dans le cadre du contrat de prestation de services du 3 septembre 2007 dont les articles 1-5, 8-2 et 8-3 lui confèrent seule la propriété des résultats et la faculté de déposer un brevet en son nom et à ses frais. Elle précise commercialiser la composition objet des demandes de brevet sous l'appellation STRIVADIANE et que le lancement de ce produit anti-vergetures a eu lieu en avril 2019. Elle ajoute que le caractère brevetable ou non de la composition cosmétique n'a aucune incidence sur la propriété des résultats qui lui est conférée par le contrat de prestation de services, et qu'en tout état de cause la nouveauté et l'activité inventive nécessaires à sa brevetabilité existaient dès l'achèvement de la préparation cosmétique en avril 2018, soit antérieurement à la date d'effet de la résiliation du contrat de prestation de services le 6 décembre 2018. La société DERMACONCEPT JMC, qui indique ne pas contester le déroulement des faits tel qu'exposé par la société LABORATOIRES NOREVA-LED et confirmer que la composition objet des demandes de brevet est celle du produit STRIVADIANE, répond que l'article 8-3 du contrat de prestation de services implique la réalisation d'une « invention brevetable » antérieurement au 6 décembre 2018, date d'effet de la résiliation du contrat, de sorte que la société LABORATOIRES NOREVA-LED n'est pas fondée à revendiquer la propriété des demandes de brevet puisque la brevetabilité de la composition a été révélée postérieurement à cette date par un rapport d'étude de la société BIOEXIGENCE réalisé à son initiative et à ses frais en décembre 2018. Aux termes de l'article L. 611-6 du code de la propriété intellectuelle, le droit au titre de propriété industrielle mentionné à l'article L. 611-1 appartient à l'inventeur ou à son ayant cause. Si plusieurs personnes ont réalisé l'invention indépendamment l'une de l'autre, le droit au titre de propriété industrielle appartient à celle qui justifie de la date de dépôt la plus ancienne. Dans la procédure devant le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle, le demandeur est réputé avoir droit au titre de propriété industrielle. L'article L. 611-8 du même code dispose que si un titre de propriété industrielle a été demandé soit pour une invention soustraite à l'inventeur ou à ses ayants cause, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne lésée peut revendiquer la propriété de la demande ou du titre délivré. L'action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la délivrance du titre de propriété industrielle. Toutefois, en cas de mauvaise foi au moment de la délivrance ou de l'acquisition du titre, le délai de prescription est de cinq ans à compter de l'expiration du titre. En l'espèce, l'article 1 « OBJET » du contrat de prestation de services conclu le 3 septembre 2007 entre la SAS LABORATOIRE D'EVOLUTION DERMATOLOGIQUE – LED, devenue la SAS LABORATOIRES NOREVA-LED, dénommée « le donneur d'ordre (DO) », et la SARL DERMACONCEPT JMC, dénommée « le prestataire (P) », stipule que : « 1-1 Le DO confie à P qui accepte, en qualité de prestataire indépendant, la réalisation des prestations ci-après, en vue du développement de produits, concepts et formes galéniques dans le domaine de la Dermatologique et de la Dermo-cosmétique. 1-2 Dans ce cadre, P effectuera les prestations suivantes : 1.1.1 Développement, mise au point et validation de concepts et choix de principes actifs, 1.1.2 Développement, mise au point et validation des formes galéniques, 1.1.3 Mise en oeuvre et suivi du développement du Produit : 1.1.3.1 stabilité, 1.1.3.2 compatibilité contenu-contenant, 1.1.3.3 validation du système conservateur par challenge test, 1.1.3.4 faisabilité industrielle, 1.1.3.5 tests d'innocuité oculaire et cutanée, dont les coûts seront supportés par le DO 1.1.4 Validation du procédé de fabrication sur TROIS (3) lots, dont le coût sera supporté par le DO, 1.1.5 Fourniture de tous éléments nécessaires à l'établissement du dossier technique cosmétique européen du Produit permettant la déclaration du dossier aux Centres Anti-Poisons comprenant entre autre : - une description du produit, - la composition qualitative, quantitative et la spécification du produit, - l'identification et les fiches de sécurité des matières premières, - une analyse de stabilité et de compatibilité, - la spécification microbiologique et analytique du produit, - une attestation d'innocuité oculaire et cutanée, - une analyse de ses propriétés et son (ses) application(s). P pourra réaliser des use tests en interne à sa charge afin d'évaluer un produit en cours de développement. Les tests complémentaires d'efficacité seront à la charge de DO ». La demande de brevet français no FR 1901393 et la demande internationale de brevet no PCT/FR2020/050092, revendiquées par la société LABORATOIRES NOREVA-LED, sont intitulées « composition cosmétique et/ou dermatologique pour lutter contre les vergetures » et précisent que « la présente invention concerne une composition cosmétique et/ou dermatologique, pour l'application topique, comprenant : - de l'acide hyaluronique, ou un de ses sels, ayant un poids moléculaire d'au plus 1000 kDa, - de l'acide ascorbique ou un de ses dérivés, et - un extrait de Peucedanum graveolens ». Il ressort des pièces versées aux débats, notamment du cahier des charges de développement du produit contre les vergetures du 24 février 2015 signé par la société LABORATOIRES NOREVA-LED, la société DERMACONCEPT JMC et la société EFFERVESCENCE LAB (pièce NOREVA no14) et du compte-rendu de la réunion du 27 avril 2018 entre ces trois sociétés, à laquelle ont participé le Docteur [O] [D] et le Docteur [V] [P] (pièce NOREVA no15), mentionnés co-inventeurs sur les demandes de brevet litigieuses déposées par la société DERMACONCEPT JMC dont ils sont les fondateurs et associés, que la « composition cosmétique et/ou dermatologique pour lutter contre les vergetures », objet des demandes de brevet litigieuses, correspond au produit STRIVADIANE développé et mis au point dans le cadre du contrat de prestation de services du 3 septembre 2007. La défenderesse le confirme elle-même dans ses dernières conclusions lorsqu'elle écrit en page 8 : « En effet, la demande de brevet FR, ayant pour titre ‘‘composition cosmétique et/ou dermatologique pour lutter contre les vergetures'', revendique une composition associant : a) de l'acide hyaluronique de poids moléculaire inférieur à 1.000 kDa, b) de l'acide ascorbique (vitamine C) ou un de ses dérivés, c) un extrait de Peucedanum graveolens (extrait d'aneth), plus particulièrement pour le traitement des vergetures. Cette composition est précisément celle du produit lancé par Noreva sous la marque STRIVADIANE ». Il est également observé que la société DERMACONCEPT JMC alléguait déjà antérieurement à la présente action en revendication que le produit STRIVADIANE correspond à la demande de brevet français no FR 1901393 puisque celle-ci avait adressé à la société LABORATOIRES NOREVA-LED un courrier de mise en demeure le 21 juin 2019 en ces termes : « Je vous informe qu'en date du 12 février 2019, la société DERMACONCEPT a déposé un brevet no190139301393 qui protège l'association acide hyaluronique, acide ascorbique, et un extrait peucedanum graveolens qui tend à lutter contre les vergetures. Or, elle a constaté que vous commercialisez les produits STRIVADIANE correspondant à l'association d'actifs protégée, alors qu'aucun contrat de licence ne vous a été concédé relativement à l'invention brevetée et alors même qu'aucune discussion n'était en cours au sujet d'une éventuelle licence ». C'est d'ailleurs par ce courrier de mise en demeure que la société LABORATOIRES NOREVA-LED a eu connaissance du dépôt par la défenderesse de la demande de brevet français litigieuse. Or, le contrat de prestation de services du 3 septembre 2007 stipule à l'article 1-5 que : « Le DO aura seul, la libre et entière disposition de l'ensemble des connaissances, informations et résultats afférents à l'exécution des missions ci-dessus visées ». Par ailleurs, et surtout, l'article 8 « PROPRIETE ET DROITS D'UTILISATION DES RESULTATS » dudit contrat prévoit que : « 8-2. Les droits d'utilisation des informations et des résultats des travaux effectués par P pour le compte du DO appartiennent exclusivement au DO ; P s'interdit, pendant la présente convention et pendant une durée de cinq (5) années à compter de la fin du contrat quelle qu'en soit la cause, de communiquer tout ou partie des informations obtenues par la présente convention ainsi que des résultats de travaux à des tiers sans l'accord préalable et écrit de l'autre partie à l'exception des tiers contractuellement liés à P pour l'exécution de cet accord et qui seront tenus de la même obligation de confidentialité. 8-3. Dans le cas où les résultats du développement aboutiraient à la réalisation d'une invention brevetable en relation avec le(s) produit(s), le(s) brevet(s) seront déposés au nom et aux frais du DO. En cas d'une demande de dépôt de brevet, il est d'ores et déjà convenu entre les parties que la rémunération de P ci-avant visées à l'article 4 comprend toute rémunération de P au titre de ce brevet ». En outre, la société DERMACONCEPT JMC ne conteste pas avoir reçu de la société LABORATOIRES NOREVA-LED, conformément à l'article 8-3 alinéa 2 précité, une rémunération de 2% du chiffre d'affaires réalisé sur le produit STRIVADIANE depuis sa première commercialisation, soit la somme de 1.553, 57 euros HT pour l'année 2019 et la somme de 1.985,96 euros HT pour l'année 2020 (ses pièces no18 et 30), en application de l'article 4-2 « REMUNERATION » du contrat de prestation de services, lequel stipule : « En contrepartie du développement et de la mise au point de concepts, de formes galéniques ou de produits dans le domaine de la Dermatologie et des droits relatifs au savoir-faire et/ou technologique de P, le DO s'engage, pendant une durée de DIX (10) années à compter de la commercialisation de chaque produit développé, à verser à P une rémunération de deux pour cent (2%) calculé sur le chiffre d'affaires hors taxes résultant de l'exploitation de chaque produit auprès de la clientèle exclusive suivante : Pharmacie et Para-pharmacie ». Le moyen de la défenderesse, tiré de ce que l'article 8-3 alinéa 1 requiert une « invention brevetable » alors que la brevetabilité de la composition a été révélée postérieurement à la résiliation du contrat par le rapport d'étude de la société BIOEXIGENCE réalisé à son initiative et à ses frais (ses pièces no9 et 10), est inopérant, étant observé, d'une part, que contrairement à ce qu'elle affirme ce rapport d'étude, en date du 3 décembre 2018, est antérieur au 6 décembre 2018, date d'effet de la résiliation du contrat de prestation de services (pièce NOREVA no8), et que, d'autre part, les « résultats de développements devant aboutir à une invention brevetable », à savoir la composition anti-vergetures objet des demandes de brevet, sont la propriété de la société LABORATOIRES NOREVA-LED en application des articles 1-5 et 8-2 du contrat, dont l'article 8-3 alinéa 1 lui confère seule la faculté de déposer un brevet en son nom et à ses frais. Il s'ensuit que la demande de brevet français no FR 1901393 et la demande internationale de brevet no PCT/FR2020/050092 intitulées « composition cosmétique et/ou dermatologique pour lutter contre les vergetures », dont il est constant qu'elles correspondent au produit STRIVADIANE développé et mis au point dans le cadre du contrat de prestation de services du 3 septembre 2007, ont été déposées par la société DERMACONCEPT JMC en violation des stipulations contractuelles, en particulier des articles 1-5, 8-2 et 8-3 précités. En conséquence, la société LABORATOIRES NOREVA-LED est fondée à en revendiquer la propriété. Conformément à l'article 8-3 du contrat de prestation de services et à l'article 1134 du code civil, la société LABORATOIRES NOREVA-LED aura la charge des frais exposés pour le dépôt des demandes de brevet auprès des offices et devra donc les rembourser à la défenderesse à hauteur de la somme totale de 9.158,40 euros dont celle-ci justifie par factures des 14 février 2019, 12 décembre 2019, 3 février 2020, 6 juillet 2020 et 23 février 2021 de la société IPSILON (sa pièce no18). La société DERMACONCEPT JMC sera en revanche déboutée du surplus de sa demande reconventionnelle en remboursement s'agissant des frais exposés pour les deux études d'efficacité réalisées par la société BIOEXIGENCE, lesquels ne constituent pas des frais de dépôt, étant par ailleurs observé que l'une d'elles ne concerne pas la composition objet des demandes de brevet. Sur les demandes en paiement La société LABORATOIRES NOREVA-LED sollicite le paiement de la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultat de la violation par la défenderesse de l'obligation de confidentialité stipulée à l'article 7 du contrat de prestation de services, le dépôt des demandes de brevet l'ayant privée du choix de garder secrète la formulation de son produit STRIVADIANE, ainsi que de l'atteinte à sa réputation professionnelle et commerciale dès lors qu'elle peut apparaître moins innovante aux yeux de ses clients et des professionnels de la dermo-cosmétique, et du préjudice moral résultant de la menace par la défenderesse d'être poursuivie en justice pour violation d'un droit de brevet. Elle sollicite également le remboursement par la défenderesse des sommes qu'elle a payées à plusieurs prestataires dans le cadre du développement du produit STRIVADIANE dès lors que ces prestations correspondent à celles que la défenderesse devait fournir en application du contrat de prestation de services. La société DERMACONCEPT JMC, qui conteste tout préjudice subi par la demanderesse, fait valoir que la composition du produit STRIVADIANE figure sur l'emballage, que les informations relatives à la formulation peuvent être facilement obtenues par diverses méthodes et appareillages disponibles dans tout laboratoire d'analyse et que la mise sur le marché du produit STRIVADIANE constitue une divulgation. S'agissant de la demande en remboursement, elle répond ignorer la nature exacte des travaux objet de ces prestations dont la société LABORATOIRES NOREVA-LED a eu l'initiative sans y être associée ni même informée de leur existence et de leurs résultats. Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. L'article 1147 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. Sur la demande indemnitaire L'article 8-2, alinéa 2 du contrat de prestation de services du 3 septembre 2007 stipule que « P s'interdit, pendant la présente convention et pendant une durée de cinq (5) années à compter de la fin du contrat quelle qu'en soit la cause, de communiquer tout ou partie des informations obtenues par la présente convention ainsi que des résultats de travaux à des tiers sans l'accord préalable et écrit de l'autre partie à l'exception des tiers contractuellement liés à P pour l'exécution de cet accord et qui seront tenus de la même obligation de confidentialité ». En outre, aux termes de l'article 7 « CONFIDENTIALITE » dudit contrat : « Les parties conviennent que toutes les informations de quelque sorte qu'elles soient, qu'elles concernent notamment les produits, les formules, les méthodes, les études, les fournisseurs ou autres, sans que cette liste soit limitative, dont ils auront connaissance à l'occasion de la mise en oeuvre des présentes, sont considérées comme des informations confidentielles. En conséquence, les parties s'engagent expressément, sans condition, limitation ou restriction aucune à : * n'utiliser les informations qu'aux seules fins du présent accord ; * considérer les informations confidentielles comme destinées à leur seul usage, comme à celui des personnes et entreprises qu'elles sont appelées à faire travailler ou faire intervenir sous leur responsabilité dans le cadre du présent accord et après avoir fait souscrire aux dites personnes et entreprises un engagement de confidentialité similaire et un engagement d'interdiction de recourir à leur tour à d'autres entreprises tierces ; * s'interdire de la manière la plus absolue, à moins d'avoir obtenu préalablement l'accord de l'autre partie à procéder différemment, de : - divulguer à toutes personnes ou sociétés tierces autres que celles nécessaires à la réalisation des travaux définis aux présentes, un quelconque élément des termes, conditions et résultats de l'étude et du projet de développement ; - divulguer l'état d'avancement de l'étude et du projet ; Pour les besoins du présent engagement de confidentialité, il est convenu cependant que cette obligation de confidentialité ne couvrira pas les informations confidentielles mais qui : * à l'époque où elles ont été relevées aux parties étaient déjà tombées dans le domaine public ; * ou tombent dans le domaine public après qu'elles aient été révélées aux parties, du seul fait de leur utilisation normale en exécution du présent contrat ». La société LABORATOIRES NOREVA-LED est fondée à solliciter l'indemnisation de son préjudice résultant de la violation par la société DERMACONCEPT JMC de son obligation de confidentialité dès lors que la « composition cosmétique et/ou dermatologique pour lutter contre les vergetures », objet des demandes de brevet français et PCT litigieuses, publiées respectivement le 14 août 2020 sous le no 3 092 493 A1 et le 20 août 2020 sous le no W0 2020/165514 A1, correspond au produit STRIVADIANE développé et mis au point dans le cadre du contrat de prestation de services, dont la demanderesse avait fait le choix de ne pas déposer de brevet et de privilégier le secret de la formulation. Or, la publication des demandes de brevet en a divulgué les informations, notamment dans les revendications 4 à 8 du brevet relatives au poids moléculaire et à la concentration de chacun des trois principes actifs de la composition, lesquels ne figurent pas sur l'emballage du produit STRIVADIANE (pièce NOREVA no17), dont la commercialisation ne dispensait pas la défenderesse de respecter son obligation de confidentialité. Le préjudice en résultant pour la demanderesse sera alors indemnisé à hauteur de la somme de 10.000 euros. En revanche, la société LABORATOIRES NOREVA-LED, qui procède par voie d'affirmation dans ses écritures, n'établit aucunement l'atteinte à la « réputation professionnelle et commerciale » qu'elle allègue. Par ailleurs, contrairement à ce qu'elle affirme, elle n'apparaîtra pas moins innovante puisque sa demande en revendication a été accueillie. Quant au préjudice moral prétendument subi du fait d'une « menace de la défenderesse de la poursuivre en justice pour violation d'un droit de brevet », force est constater que celui-ci n'est pas caractérisé dès lors qu'un courrier de mise en demeure par la voie d'un avocat ne saurait constituer « une menace » engendrant un préjudice moral pour une personne morale et qu'il a été fait droit à sa demande en revendication de la propriété des demandes de brevet litigieuses. Sur la demande en remboursement L'article 1-1 du contrat de prestation de services stipule que : « Le DO confie à P qui accepte, en qualité de prestataire indépendant, la réalisation des prestations ci-après, en vue du développement de produits, concepts et formes galéniques dans le domaine de la Dermatologique et de la Dermo-cosmétique. 1-2 Dans ce cadre, P effectuera les prestations suivantes : 1.1.6 Développement, mise au point et validation de concepts et choix de principes actifs, 1.1.7 Développement, mise au point et validation des formes galéniques, 1.1.8 Mise en oeuvre et suivi du développement du Produit : 1.1.8.1 stabilité, 1.1.8.2 compatibilité contenu-contenant, 1.1.8.3 validation du système conservateur par challenge test, 1.1.8.4 faisabilité industrielle, 1.1.8.5 tests d'innocuité oculaire et cutanée, dont les coûts seront supportés par le DO 1.1.9 Validation du procédé de fabrication sur TROIS (3) lots, dont le coût sera supporté par le DO, 1.1.10 Fourniture de tous éléments nécessaires à l'établissement du dossier technique cosmétique européen du Produit permettant la déclaration du dossier aux Centres Anti-Poisons comprenant entre autre : - une description du produit, - la composition qualitative, quantitative et la spécification du produit, - l'identification et les fiches de sécurité des matières premières, - une analyse de stabilité et de compatibilité, - la spécification microbiologique et analytique du produit, - une attestation d'innocuité oculaire et cutanée, - une analyse de ses propriétés et son (ses) application(s). P pourra réaliser des use tests en interne à sa charge afin d'évaluer un produit en cours de développement. Les tests complémentaires d'efficacité seront à la charge de DO ». La société LABORATOIRES NOREVA-LED n'est pas fondée à solliciter le remboursement par la société DERMACONCEPT JMC des factures qu'elle a réglées à la société EFFERVESCENCE LAB, à la société LABORATOIRE DERMSCAN et à la société EUROSAFE (ses pièces no21 à 27) dès lors que : - lesdites factures sont toutes établies à son nom pour des prestations commandées par elle ; - aucune pièce relative aux travaux résultant de chacune des prestations réalisées par ces sociétés tierces n'est produite, de sorte qu'il n'est pas démontré que leurs prestations correspondent effectivement aux prestations de la société DERMACONCEPT JMC stipulées à l'article 1-1 du contrat, étant précisé que les mentions figurant sur les factures produites ne permettent pas à elles seules de le démontrer tandis que la charge de la preuve lui incombe ; - il n'est ni allégué ni établi que les prestations commandées à ces sociétés tierces étaient destinées à pallier une inexécution contractuelle de la défenderesse. Sa demande sera en conséquence rejetée. Le préjudice de la société LABORATOIRES NOREVA-LED étant suffisamment réparé par l'octroi de dommages et intérêts, la publication du jugement apparaît disproportionnée et sera par conséquent rejetée. Sur les demandes accessoires Sur les dépens Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. L'article 699 du code de procédure civile dispose que les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision. La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens. La société DERMACONCEPT JMC, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL YDES conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Sur l'article 700 du code de procédure civile L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. L'équité commande de condamner la société DERMACONCEPT JMC à payer à la société LABORATOIRES NOREVA-LED la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Sur l'exécution provisoire Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. En l'espèce, la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire et il n'y a pas lieu d'y déroger. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, ORDONNE le transfert à la SAS LABORATOIRES NOREVA-LED de la propriété de la demande de brevet français no FR 1901393 et de la demande internationale de brevet no PCT/FR2020/050092 déposées par la SARL DERMACONCEPT JMC en violation des stipulations du contrat de prestation de services du 3 septembre 2007, à effet rétroactif au jour de leur dépôt ; DIT que la présente décision, une fois devenue définitive, sera transmise à l'Institut national de la propriété industrielle aux fins d'inscription aux registres à l'initiative de la partie la plus diligente ; CONDAMNE la SAS LABORATOIRES NOREVA-LED à payer à la SARL DERMACONCEPT JMC la somme de 9.158,40 euros en remboursement des frais de dépôt desdites demandes de brevet ; DEBOUTE la SARL DERMACONCEPT JMC du surplus de sa demande reconventionnelle en remboursement ; CONDAMNE la SARL DERMACONCEPT JMC à payer à la SAS LABORATOIRES NOREVA-LED la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ; DEBOUTE la SAS LABORATOIRES NOREVA-LED de sa demande en remboursement de la somme de 20.425,20 euros TTC ; DEBOUTE la SAS LABORATOIRES NOREVA-LED de sa demande de publication ; CONDAMNE la SARL DERMACONCEPT JMC à payer à la SAS LABORATOIRES NOREVA-LED la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la SARL DERMACONCEPT aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL YDES conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire. Fait et jugé à Paris le 11 Octobre 2022 La Greffière La Présidente
CAPP/JURITEXT000047304648.xml
JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 20/03744 - No Portalis 352J-W-B7E-CSAM5 No MINUTE : Assignation du : 06 et 29 mai 2020 rendu le 08 novembre 2022 DEMANDERESSE Association FEDERATION FRANCAISE DE TENNIS [Adresse 4] [Localité 5] représentée par Maître Louis DE GAULLE de la SELAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #K0035 et par Maître Serge LEDERMAN de la SELAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0035 DÉFENDERESSES Société VIAGOGO AG [Adresse 1] [Localité 2] (SUISSE) Société VIAGOGO ENTERTAINMENT INC. [Adresse 3] [Adresse 7] (ETATS-UNIS) représentées par Maîtres Diane MULLENEX et Mélina WOLMAN du PARTNERSHIPS PINSENT MASONS FRANCE LLP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0020 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Arthur COURILLON-HAVY, juge Linda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, A l'audience du 29 juin 2022, tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2022 et prorogé en dernier lieu au 08 novembre 2022. Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE 1. La Fédération Française de Tennis (ci-après FFT), est une association régie par les dispositions de la loi du 1er juillet 1901. En tant que fédération sportive agréée conformément aux dispositions du code du sport, elle a pour mission d'organiser les compétitions de tennis sur le territoire national, d'assurer et de contrôler le développement de ce sport en France. Dans ce cadre, elle organise annuellement un tournoi de tennis se déroulant à [Localité 8] entre les mois d'octobre et de novembre dénommé "Rolex [Localité 8] Masters" (ou encore "Masters de [Localité 8] [Adresse 6]"). En tant qu'organisatrice de cette manifestation sportive, la FFT revendique la propriété des droits d'exploitation portant sur ce tournoi. 2. La société de droit américain Viagogo Entertainment exploite le site internet accessible à l'adresse <www.viagogo.com> ainsi que ses extensions internationales, tandis que la société de droit suisse Viagogo AG exploite le site internet accessible à l'adresse <www.viagogo.fr>. Elles présentent le site "Viagogo" comme hébergeant une plateforme offrant des services de vente directe ou de mise en relation d'acheteurs et de vendeurs de billets d'accès à des manifestations sportives ou culturelles. 3. En octobre 2019, la FFT expose avoir découvert que les sociétés Viagogo commercialisaient sur leur plateforme des billets d'accès à l'édition 2019 des "Rolex [Localité 8] Masters", ce qu'elle a fait constater par un huissier de justice le 11 octobre 2019, l'huissier constatant l'offre à la vente de billets, ces derniers ne pouvant toutefois être acquis par un internaute français (au moyen d'une adresse IP française) un achat n'étant possible qu'au moyen d'unVPN. 4. Aussi, la FFT a-t'elle fait assigner ces sociétés en référé à heure indiquée devant le délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris, lequel a, par une ordonnance du 25 octobre 2019, ordonné aux sociétés Viagogo de cesser la commercialisation des billets litigieux et de fournir certaines informations relatives à l'origine des billets litigieux et à l'ampleur de leur commercialisation. Les sociétés Viagogo ont interjeté appel de cette décision le 23 janvier 2020 mais n'ayant exécuté que leurs obligations pécuniaires à l'exclusion de l'injonction de communiquer certaines pièces, leur appel a été radié le 28 octobre 2020. 5. Puis, par actes d'huissier en dates respectivement des 06 et 29 mai 2020 , la FFT a fait assigner la société Viagago AG et la société Viagogo Entertainment afin d'obtenir leur condamnation au paiement de diverses sommes en réparation de l'atteinte au monopole d'exploitation qu'elle détient sur les "Rolex [Localité 8] Masters", ainsi qu'en réparation de leurs agissements déloyaux et parasitaires. 6. Par une ordonnance du 13 avril 2021, le juge de la mise en état a rejeté la demande de communication d'informations présentée par la FFT au visa des articles 132 et suivants du code de procédure civile les pièces sollicitées n'apparaissant pas nécessaires à la solution du présent litige. 7. Dans ses dernières conclusions notifiées électroniquement le 11 février 2022, la FFT demande au tribunal, au visa des articles 15 de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965, 5§3 de la Convention de Lugano, 46, 74, 688 et 789 du code de procédure civile, 4 du Règlement no864/2007, L. 333-1 du code du sport, 1240 du code civil, et L. 121-2 et L. 121-4 du code de la consommation, de : - La Dire recevable et bien fondée en ses demandes, fin, moyens et prétention et, y faisant droit : - Se déclarer incompétent pour juger l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés Viagogo ; - Juger qu'il est compétent pour trancher le présent litige et que la loi française applicable à l'ensemble des faits commis sur la plateforme "Viagogo", quiels que soient le lieu de la vente de billets d'accès, la nationalité ou le domicile de l'acheteur, l'accessibilité et la destination du site, de ses extensions et de ses offres ; A titre subsidiaire, - Juger irrecevable et à tout le moins non-fondée l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés Viagogo ; En conséquence, - Débouter les sociétés Viagogo de leur exception d'incompétence ; En tout état de cause, - Juger que, en proposant à la vente dans le monde entier des billets pour assister à l'édition 2019 du Rolex [Localité 8] Masters puis celle de 2020 sans autorisation de la FFT, les sociétés Viagogo ont violé le droit exclusif de la FFT de commercialiser la billetterie de cette compétition ; - Juger que, en proposant à la vente des billets pour assister aux édition 2019 et 2020 du Rolex [Localité 8] Masters sans autorisation de la FFT dans le monde entier, les sociétés Viagogo ont tiré illégitimement profit des investissements de la FFT et se sont ainsi rendues coupables d'actes de parasitisme au préjudice de la FFT ; - Juger que les sociétés Viagogo se sont également rendues coupables d'actes de concurrence déloyale dans le monde entier à l'occasion des éditions 2019 et 2020 du tournoi Rolex [Localité 8] Masters : " En désorganisant le réseau de distribution mis en place par la FFT; " En violant, de manière directe ou indirecte, des conditions particulières de la billetterie Rolex [Localité 8] Masters 2019 et 2020 ; " En se rendant coupables de pratiques commerciales trompeuses. En conséquence, - Condamner in solidum et à titre provisionnel la société Viagogo Entertainment INC et la société Viagogo AG à payer à la FFT la somme de 150.000 €, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la FFT du fait de l'atteinte à son droit exclusif d'exploitation imputables aux défenderesses ; - Condamner in solidum et à titre provisionnel la société Viagogo Entertainment INC et la société Viagogo AG à payer à la FFT la somme de 250.000€, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la FFT du fait des actes de parasitisme imputables aux défenderesses ; - Condamner in solidum et à titre provisionnel la société Viagogo Entertainment INC et la société Viagogo AG à payer à la FFT la somme supplémentaire de 100.000€, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la FFT du fait des actes de concurrence déloyale imputables aux défenderesses; - Ordonner aux sociétés Viagogo de communiquer à la FFT, sous astreinte de 10 000 € par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir les informations et documents suivants devant être certifiés par des commissaires aux comptes indépendants : " La quantité de billets d'accès au Rolex [Localité 8] Masters 2019 et 2020 mis en vente sur l'ensemble des extensions du site Viagogo ; " La quantité de billets d'accès au Rolex [Localité 8] Masters 2019 et 2020 vendus sur l'ensemble des extensions du site Viagogo ainsi que le chiffre d'affaires brut correspondant réalisé par elles (avant les éventuels remboursements des billets s'agissant de l'édition 2020) ; " La localisation territoriale (non pas l'intégralité de leur adresse) ou à tout le moins l'adresse de facturation déclarée par chacun des acheteurs lors de son achat en ligne et l'ouverture de son compte ; " La liste des fournisseurs des billets d'accès au tournoi (entendu comme les utilisateurs utilisant la plateforme pour revendre des billets) auprès desquels les sociétés ont obtenu illicitement ces billets revendus illégalement, le prix de revente des billet ainsi que les numéros de série. - Autoriser la FFT à faire publier le dispositif du jugement à intervenir dans cinq journaux ou revues, papier ou en ligne, au choix de la FFT, aux frais avancés des sociétés défenderesses, dans la limite de la somme de sept mille euros (7 000 €) par publication à la charge des sociétés Viagogo ; - Ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir en tête des pages d'accueil du site www.viagogo.com et de ses extensions, ou à toutes autres adresses qui leur seraient substituées, accompagné de sa traduction dans toutes les langues dans lesquelles ce site serait disponible, en caractères lisibles et noirs sur un fond blanc et sur une surface égale à au moins 30% de cette page d'accueil, pendant une durée de 3 mois dans un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir et ce sous astreinte de 2 000 € par jour de retard ; - Autoriser la FFT à faire publier, pendant ce même délai, sur son propre site internet accessible à l'adresse www.fft.fr, le dispositif du jugement à intervenir en langue française et anglaise ; - Condamner in solidum la société Viagogo Entertainment INC et la société Viagogo AG à payer à la FFT la somme de quatre-vingt-cinq mille euros (85.000 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à laquelle s'ajoutera le remboursement des frais exposés pour diligenter les constats d'huissiers ; - Ordonner l'exécution provisoire de droit du jugement à intervenir en toutes ses dispositions, nonobstant appel et sans constitution garantie; - Condamner in solidum la Société Viagogo Entertainment INC et la société Viagogo AG aux entiers dépens, en ceux compris notamment les frais exposés pour la signification des actes de procédure et leur traduction dont distraction au profit de la SAS De Gaulle Fleurance et Associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. 8. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 27 janvier 2022, les sociétés Viagogo demandent au tribunal, au visa des articleq 56 du code de procédure civile, L. 514-1 du même code, de la norme AFNOR NF Z67-147 relative au mode opératoire de procès-verbal de constat sur internet effectué par huissier de justice, de l'article 1240 du code civil, de: In limine litis, - Se déclarer incompétent au profit des juridictions du Canton de Genève et du Delaware; A titre principal - Rejeter les constats d'huissier du 11 octobre 2019 produits par la FFT ; - Rejeter les captures d'écran de la FFT ; - Débouter la FFT de l'ensemble de ses demandes ; A titre subsidiaire, - Écarter l'exécution provisoire du jugement à intervenir ; En tout état de cause, - Condamner la FFT aux entiers dépens ; - Condamner la FFT à verser à viagogo AG la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de la procédure civile. 9. L'instruction a été clôturée par une ordonnance du 17 février 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 29 juin 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur la compétence du tribunal et la loi applicable Moyens des parties 10. La FFT rappelle que le juge de la mise en état, lorsqu'il est saisi, est seul compétent pour connaitre des exceptions d'incompétence. Elle ajoute en tout état de cause que le critère pour déterminer le tribunal compétent est l'existence d'un lien particulièrement étroit entre le lieu du dommage et le lieu de la juridiction saisie. A cet égard, elle fait valoir que l'intégralité du dommage s'est matérialisée sur le territoire français, qu'en conséquence le juge français est compétent et que la loi applicable est la loi française. 11. Les sociétés Viagogo expliquent que la seule accessibilité de la plateforme litigieuse depuis le territoire français ne suffit pas à matérialiser le dommage en France dès lors que le contenu litigieux n'était pas destiné au public français. Elles soulignent en effet que les mesures de géo-blocage appliquées à la version française de son site empêchaient non seulement l'acquisition des billets mais plus généralement la consultation des annonces litigieuses avec une adresse IP française. Elles en déduisent que le tribunal français n'est pas compétent et que la loi française n'est pas applicable au litige. Appréciation du tribunal 12. Selon l'article 789 du code de procédure civile "Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour: 1o Statuer sur les exceptions de procédure. Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge". 13. Force est de constater que l'exception de procédure tirée de l'incompétence de ce tribunal n'a pas été soulevée par la voie de conclusions spécialement adressées au juge de la mise en état conformément aux dispositions précitées, combinées aux articles 73 et 74 du même code. L'exception de procédure tirée de l'incompétence du tribunal n'est donc plus recevable. 14. S'agissant de la détermination de la loi applicable au présent litige, il convient de se référer au Règlement (CE) no 864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (dit «Rome II») dont l'objet est de déterminer des règles de conflit de lois identiques au sein de l'Union et dont l'article 4 "Règles générales" prévoit que : "1. Sauf dispositions contraires du présent règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent. 2. Toutefois, lorsque la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment de la survenance du dommage, la loi de ce pays s'applique. 3. S'il résulte de l'ensemble des circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé aux paragraphes 1 ou 2, la loi de cet autre pays s'applique. Un lien manifestement plus étroit avec un autre pays pourrait se fonder, notamment, sur une relation préexistante entre les parties, telle qu'un contrat, présentant un lien étroit avec le fait dommageable en question." 15. En l'occurrence, la FFT a pour activité l'organisation de tournois et d'événements liés au tennis en France ainsi que le développement de ce sport dans ce pays. Elle organise à ce titre le tournoi professionnel "Rolex [Localité 8] Masters" à [Localité 8]. Ainsi, tant l'activité générale de la FFT que le déroulement de la manifestation sportive en cause, ont lieu sur le territoire français. Le monopole dont bénéficie la FFT vise en outre la protection des licenciés français de ce sport (contre le renchérissement du coût des billets lié à leur revente) et la sécurité de ces événements (par la maîtrise de l'identité des spectateurs de l'événement). Il s'en déduit nécessairement que c'est en France que se réalise le dommage causé par la commercialisation de billets d'accès au tournoi en cause, en violation du monopole de la FFT, même si la commercialisation des billets a lieu hors de France et si l'achat d'un billet sur la plateforme litigieuse n'est en principe pas possible pour un internaute français. 16. Aucun élément ne permet de retenir que le dommage présente avec un autre pays (tel celui du siège des sociétés défenderesses) un lien plus étroit. La loi française apparaît donc applicable au présent litige. 2o) Sur le rejet des constats d'huissier en date du 11 octobre 2019 et des captures d'écran Moyens des parties 17. Les sociétés Viagogo affirment que les constats d'huissier du 11 octobre 2019 doivent être rejetés dans la mesure où l'huissier instrumentaire n'aurait pas effectué les différentes mesures définies par la norme AFNOR NF Z67-147, pensées pour assurer la force probante des constatations réalisées. Elles soulignent tout particulièrement que l'huissier n'indique pas avoir supprimé l'historique de navigation, les cookies, fichiers temporaires et données de formulaire, avant d'accéder à chacun des sites litigieux. Elles expliquent à cet égard que ces omissions sont de nature à impacter les résultats de recherche de l'huissier et donc à compromettre la fiabilité des constatations effectuées et ce, en particulier, sur le dernier site, sur lequel les billets litigieux ont été découverts. Les défenderesses exposent en outre que, s'agissant du constat réalisé à partir d'un ordinateur distant, la simple connexion à cet appareil a entrainé le téléchargement de métadonnées propres à impacter les résultats de recherche. Les sociétés Viagogo soutiennent enfin que les captures d'écran versées au débat par la FFT manquent de force probante et doivent être écartées des débats. Elles considèrent en effet que de simples captures d'écran produites sans que soit décrit le cheminement de l'internaute ne peuvent constituer une preuve valable. 18. La FFT soutient que le respect des normes AFNOR NF Z67-147 n'est pas une condition de validité des constats d'huissier. Elle rappelle à ce titre que l'appréciation de la force probante d'un constat relève de l'appréciation du tribunal. La demanderesse souligne en tout état de cause que l'huissier a, pour les deux constats, décrit le matériel informatique et le navigateur utilisé, vidé le cache du navigateur, supprimé les données de navigation, vérifié que la connexion à partir d'un serveur Proxy était désactivée, vidé la corbeille et synchronisé l'horloge. Elle en conclut que les normes en cause ont été en tous points respectées. Elle ajoute que les normes AFNOR ne doivent être respectées qu'au début des constatations et que l'huissier n'est pas contraint de réitérer ces manipulations techniques entre chacune des connexions. Elle précise également que le choix d'utiliser un VPN ou un ordinateur distant a effectivement modifié les résultats de recherche mais qu'il s'agissait là du but recherché afin de démontrer l'accessibilité des offres de billets depuis une adresse IP étrangère. S'agissant des copies d'écran, la FFT rappelle que l'appréciation de leur force probante relève des prérogatives du tribunal. A cet égard elle explique que les copies d'écran présentées sont fiables dès lors que chaque billet est accompagné d'une date précise, que les impressions d'écrans font apparaître la date et l'URL de connexion et que la FFT démontre avoir pris le soin de s'assurer qu'elle se connectait avec une adresse IP française. Appréciation du tribunal 19. En l'occurrence, le tribunal constate que l'huissier a décrit le matériel informatique et le navigateur utilisé, vidé le cache du navigateur, supprimé les données de navigation, vérifié que la connexion à partir d'un serveur Proxy était désactivée, vidé la corbeille et synchronisé l'horloge. Ces éléments permettent de garantir l'intégrité des contenus numériques téléchargés par l'huissier lors de ses opérations, tandis que les sociétés défenderesses n'offrent pas de caractériser quelle vérification manquante pourrait apparaître comme étant de nature à vicier ses opérations. Il n'y a donc pas lieu d'écarter des débats les constats d'huissier, non plus que les captures d'écrans qui toutes sont nettes et laissent clairement apparaître la date à laquelle elles ont été réalisées, ainsi que l'URL du site visité et les dates des billets offerts à la vente sur le site. En outre, la FFT a pris soin d'opérer une vérification de son adresse IP sur un site dédié, vérification dont elle produit une copie d'écran, elle aussi nette et datée. Le tribunal ne voit donc aucun motif d'écarter les pièces produites. 3o) Sur l'imputabilité des faits litigieux aux sociétés Viagogo Moyens des parties 20. La FFT soutient que les sociétés Viagogo jouent un rôle actif sur leur plateforme, de nature à leur conférer la connaissance ou le contrôle des données qui y sont stockées. Elle indique en particulier que plusieurs éléments démontrent ce rôle actif : le classement en rubriques des offres litigieuse ; la promotion réalisée sur le site ; les illustrations qui accompagnent les offres de billets ; la vente de billets en fonction des prix, des dates, de l'emplacement ; la garantie de bonne réception des billets assurée par les sociétés Viagogo ; le service de remplacement de billets au cas où le vendeur initial renoncerait à la vente ; la possibilité de procéder à un échange de billets ; la possibilité pour la plateforme de contacter spécifiquement les utilisateurs par courriel ; le fait que les sociétés Viagogo se présentent comme les interlocuteurs uniques de l'acquéreur. Surtout, la FFT rappelle que les sociétés Viagogo offraient à la vente des billets d'accès au tournoi avant même l'ouverture de la billetterie officielle, billets qui ne pouvaient donc être mis en vente par des personnes tierces. Enfin, la FFT considère que le fait que les sociétés Viagogo aient mis en place un système de géo-blocage visant les billets pour le tournoi litigieux démontre bien qu'elles avaient connaissance de ces offres. La demanderesse en conclut que les sociétés Viagogo éditent les sites en cause. 21. Les sociétés Viagogo affirment au contraire qu'elles se contentent d'héberger sur leur plateforme des offres mises en ligne par des tiers. Elles précisent que le fonctionnement de la plateforme est entièrement automatisé et ne leur confère aucune connaissance sur les offres effectivement mises en ligne et qu'une telle activité doit s'analyser en un rôle passif. Elles ajoutent que leurs conditions générales d'utilisation indiquent expressément aux internautes qu'elles n'exercent aucun contrôle sur le contenu des offres publiées. Elles déduisent de ce qui précèdent qu'elles bénéficient du statut d'hébergeur et qu'en conséquence elles ne peuvent voir leur responsabilité engagée, qu'à condition d'avoir eu connaissance des offres illicites et de ne les avoir pas promptement retirées. Or, elles estiment ne pas avoir eu connaissance des offres litigieuses et de ne pas en avoir été valablement notifiées (au sens de l'article 6-I 5o de la LCEN) par la FFT. Appréciation du tribunal 22. L'article 6-I de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), laquelle réalise la transposition en droit interne de la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique, prévoit que: "2. Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère manifestement illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible. (...) 7. Les personnes mentionnées aux 1 et 2 ne sont pas soumises à une obligation générale de surveiller les informations qu'elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites." 23. Par un arrêt du 12 juillet 2011 (aff. C-324/09, L'Oréal c/ eBay) la Cour de Justice de l'Union Européenne a dit pour droit que "L'article 14, paragraphe 1, de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (" directives sur le commerce électronique "), doit être interprété en ce sens qu'il s'applique à l'exploitant d'une place de marché en ligne lorsque celui-ci n'a pas joué un rôle actif qui lui permette d'avoir une connaissance ou un contrôle des données stockées. Ledit exploitant joue un tel rôle quand il prête une assistance laquelle consiste notamment à optimiser la présentation des offres à la vente en cause ou à promouvoir celles-ci. Lorsque l'exploitant de la place de marché en ligne n'a pas joué un rôle actif au sens visé à l'alinéa précédent et que sa prestation de service relève, par conséquent, du champ d'application de l'article 14, paragraphe 1, de la directive 2000/31, il ne saurait néanmoins, dans une affaire pouvant résulter dans une condamnation au paiement de dommages et intérêts, se prévaloir de l'exonération de responsabilité prévue à cette disposition s'il a eu connaissance de faits ou de circonstances sur la base desquels un opérateur économique diligent aurait dû constater l'illicéité des offres à la vente en cause et, dans l'hypothèse d'une telle connaissance, n'a pas promptement agi conformément au paragraphe 1, sous b), dudit article 14." 24. En l'espèce, la FFT démontre que les défenderesses, loin d'adopter un rôle neutre purement technique, sont à l'origine de l'architecture du site et notamment du classement des billets en rubriques spécifiques (les rubriques "sport" ou "tennis" en particulier), assurent la promotion du tournoi "Rolex [Localité 8] Masters" en publiant des messages, visant notamment à indiquer l'état des stocks de billets aux internautes, offrent à ces derniers la possibilité de choisir leur place et leur positionnement dans les tribunes à l'aide d'un plan schématique de l'AccorHotels Arena où se déroule l'événement, sont les interlocutrices uniques de l'acquéreur lors de la transaction, ne permettent pas à l'acquéreur de connaître l'identité ou l'identifiant du vendeur, assurent la délivrance du billet via leur site internet et garantissent le remplacement du billet en cas de problème par un billet similaire ou plus avantageux. Ces différents éléments établissent amplement que les sociétés défenderesses ne jouent pas un rôle purement passif, ne leur conférant ni connaissance ni contrôle sur le contenu de leur plateforme marchande. Au contraire, il en résulte que les sociétés Viagogo organisent leur plateforme en toute connaissance des billets qui y sont commercialisés, optimisant la présentation de l'offre en vente et la promotion. 25. En conséquence, le sociétés Viagogo ne peuvent se prévaloir du statut d'hébergeur tel que défini par l'article 6-I 2o de la LCEN et ne peuvent bénéficier du régime de responsabilité atténuée qui lui est associé. Partant, il n'est pas nécessaire de déterminer si les sociétés Viagogo avaient, ou non, été valablement informées par la FFT de l'illicéité de son activité. 4o) Sur l'atteinte au monopole d'exploitation de la FFT Moyens des parties 26. La FFT soutient que, conformément à l'article L. 333-1 du code du sport, elle bénéficie d'un monopole d'exploitation relatif aux manifestations sportives qu'elle organise. Elle ajoute qu'à ce titre, elle dispose d'un droit exclusif concernant la commercialisation des billets permettant l'accès à ses évènements et notamment aux "Rolex [Localité 8] Masters". S'agissant de l'étendue de son monopole, elle estime que le lieu de la vente, la nationalité de l'acquéreur ou son domicile sont indifférents dès lors notamment qu'il est possible de contourner la mesure de géo-blocage visant la France avec l'aide d'un logiciel VPN. Elle ajoute que le monopole d'exploitation dont elle bénéficie s'étend au marché secondaire et donc à la revente non-autorisée de billets à titre habituel comme inhabituel. Elle précise à cet égard que l'extension de ce monopole est nécessaire à la réalisation des objectifs de démocratisation et de développement de leur sport poursuivis par les fédérations. Elle explique enfin que l'interdiction de revente repose sur un texte légal et non seulement sur ses conditions générales de vente, de telle sorte que le moyen tiré du caractère abusif de certaines clauses de ses conditions générales de vente est inopérant pour définir l'étendue de son monopole. Or, elle constate que les internautes français utilisant un VPN ou tout internaute étranger ont pu accéder aux offres litigieuses et faire l'acquisition de billets pour les éditions 2019 et 2020 des "Rolex [Localité 8] Masters" depuis la plateforme Viagogo. Elle en conclut que l'activité menée sur cette plateforme porte atteinte à son monopole et lui cause un préjudice en captant injustement une partie du flux économique généré par son événement et en l'empêchant d'atteindre les objectifs d'intérêt général qu'elle poursuit. 27. En réponse, les sociétés Viagogo font valoir que le monopole d'exploitation en cause doit être limité et proportionné. Elles affirment à cet égard que l'article 333-1 du code du sport n'a vocation à s'appliquer que sur le territoire français et qu'il ne porte en tout état de cause que sur l'exploitation des droits audiovisuels ou des paris sportifs. Elles estiment également n'avoir pas porté atteinte à ce monopole dès lors qu'étant une plateforme de revente permettant à des tiers de publier des offres, elle ne capte aucun flux économique devant revenir aux organisateurs et ne font pas une exploitation directe de l'événement. Elles expliquent enfin que les conditions générales de vente de la FFT, en ce qu'elles interdisent la revente de billets, ne lui sont pas opposables et en tout état de cause abusives. Appréciation du tribunal 28. Selon les articles L. 100-1 et L. 100-2 du code du sport, "Le développement du sport pour tous et le soutien aux sportifs de haut niveau et aux équipes de France dans les compétitions internationales sont d'intérêt général. L'Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements, les associations, les fédérations sportives, les entreprises et leurs institutions sociales contribuent à la promotion et au développement des activités physiques et sportives. Ils veillent à assurer un égal accès aux pratiques sportives sur l'ensemble du territoire. Ils veillent également à prévenir et à lutter contre toutes formes de violence et de discrimination dans le cadre des activités physiques et sportives. L'Etat et les associations et fédérations sportives assurent le développement du sport de haut niveau, avec le concours des collectivités territoriales, de leurs groupements et des entreprises intéressées." Aux fins de permettre aux fédérations sportives d'assurer cette mission d'intérêt général de développement de la pratique du sport et d'égal accès aux pratiques sportives, l'article L. 333-1 alinéa 1er du même code prévoit que : "Les fédérations sportives, ainsi que les organisateurs de manifestations sportives mentionnés à l'article L. 331-5, sont propriétaires du droit d'exploitation des manifestations ou compétitions sportives qu'ils organisent." 29. Ce monopole n'est pas limité au droit d'autoriser la prise de paris, non plus qu'au droit de consentir aux retransmissions audiovisuelles des compétitions, mais inclut évidemment les services de billeterie de même que le marché secondaire. D'ailleurs, le code pénal réprime le fait de vendre de manière habituelle les billets d'accès à une manifestation sportive sans l'accord du propriétaire de cette manifestation, de même que le fait, de manière habituelle, de fournir des moyens en vue de la revente de ces billets. Ainsi l'article 313-6-2 du code pénal prévoit que : "Le fait de vendre, d'offrir à la vente ou d'exposer en vue de la vente ou de la cession ou de fournir les moyens en vue de la vente ou de la cession des titres d'accès à une manifestation sportive, culturelle ou commerciale ou à un spectacle vivant, de manière habituelle et sans l'autorisation du producteur, de l'organisateur ou du propriétaire des droits d'exploitation de cette manifestation ou de ce spectacle, est puni de 15 000 € d'amende. Cette peine est portée à 30 000 € d'amende en cas de récidive. Pour l'application du premier alinéa, est considéré comme titre d'accès tout billet, document, message ou code, quels qu'en soient la forme et le support, attestant de l'obtention auprès du producteur, de l'organisateur ou du propriétaire des droits d'exploitation du droit d'assister à la manifestation ou au spectacle." 30. Les travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de ce texte renseignent sur l'objectif poursuivi par le législateur au moyen de ce renforcement du monopole des fédérations sportives sur les événements sportifs qu'elles organisent (et qu'elles sont, selon le code du sport, seules à pouvoir organiser) : "Depuis quelques années, les pratiques de revente massive de billets ou de titres d'accès à des manifestations tant sportives que culturelles, dans le but d'en tirer un bénéfice, ont tendance à s'amplifier. Il est fréquent que, dès les premiers jours de mise en vente de billets par un producteur ou un organisateur de spectacle ou de manifestation sportive, la pénurie soit créée : une grande partie, voire la totalité des titres d'accès à la manifestation est achetée par une poignée d'individus, qui les revendent ensuite à un prix qui leur permet d'en tirer un substantiel bénéfice. Lors des événements très courus, cette pratique est devenue? très courante. À voir le nombre de sites de revente de billets sur Internet, on est conduit à penser qu'il s'agit d'une activité des plus lucratives ! Les contentieux fleurissent entre les sociétés qui se sont spécialisées dans cette activité et les organisateurs, producteurs ou institutions proposant des spectacles, concerts, matchs et compétitions sportives, voire des expositions. (...)" 31. Il n'apparaît pas inutile en outre de rappeler que ces dispositions légales ont été validées en ces termes par le Conseil constitutionnel : "6. D'autre part, le législateur a également souhaité garantir l'accès du plus grand nombre aux manifestations sportives, culturelles, commerciales et aux spectacles vivants. En effet, l'incrimination en cause doit permettre de lutter contre l'organisation d'une augmentation artificielle des prix des titres d'accès à ces manifestations et spectacles. 7. En deuxième lieu, la vente de titres d'accès et la facilitation de la vente ou de la cession de tels titres, ne sont prohibées que si elles s'effectuent sans l'autorisation du producteur, de l'organisateur ou du propriétaire des droits d'exploitation de la manifestation ou du spectacle. 8. En dernier lieu, il résulte des travaux parlementaires qu'en ne visant que les faits commis «de manière habituelle», le législateur n'a pas inclus dans le champ de la répression les personnes ayant, même à plusieurs reprises, mais de manière occasionnelle, vendu, cédé, exposé ou fourni les moyens en vue de la vente ou de la cession des titres d'accès à une manifestation ou à un spectacle. 9. Il résulte de ce qui précède que l'infraction ainsi définie ne méconnaît ni le principe de nécessité des délits et des peines, ni celui de légalité des délits et des peines. 10. Il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789, ainsi qu'à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle, qui découlent de son article 4, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. 11. Compte tenu, d'une part, des objectifs de valeur constitutionnelle et d'intérêt général énoncés aux paragraphes 5 et 6 et, d'autre part, de ce que le législateur a réprimé la seule revente de titres d'accès, sa facilitation et celle de la cession de tels titres, uniquement lorsqu'elles sont réalisées à titre habituel et sans l'accord préalable des organisateurs, producteurs ou propriétaires des droits d'exploitation, le législateur n'a méconnu ni la liberté d'entreprendre ni la liberté contractuelle ni le droit de propriété. 12. L'article 313-6-2 du code pénal, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution." (Décision no 2018-754 QPC du 14 décembre 2018, Société Viagogo et autres) 32. En l'espèce, il n'est pas contestable que la FFT organise chaque année à [Localité 8] le tournoi international de tennis professionnel masculin appartenant aux "Masters 1000", intitulé "Rolex [Localité 8] Masters". En conséquence, la FFT doit être regardée comme propriétaire du droit d'exploitation portant sur cet événement et en particulier sur ses éditions 2019 et 2020. La FFT dispose donc d'un monopole sur l'exploitation de ces événements et notamment sur leurs billetteries, lequel s'analyse en un droit de propriété permettant notamment d'interdire à toute autre personne la commercialisation, sans son autorisation, de billets permettant d'assister à cette compétition sportive. 33. En outre, les deux procès-verbaux en date du 11 octobre 2019 versés aux débats démontrent ici que des billets d'accès à l'édition 2019 des "Rolex [Localité 8] Masters" étaient offerts à la vente sur la plateforme "Viagogo" sans autorisation de la fédération. Ces billets pouvaient être acquis par tout internaute n'utilisant pas une adresse IP française. De la même manière, les captures d'écran réalisées par la FFT le 20 mars 2020 et le 22 juin 2020 témoignent à nouveau de la présence non consentie sur la plateforme "Viagogo" de billets d'accès à l'édition 2020 des "Rolex [Localité 8] Masters". 34. Il est en outre indifférent que l'achat de billets n'ait pas été possible pour un internaute français, le dommage, alors même que le fait générateur est commis à l'étranger, étant ici entièrement subi en France, s'agissant de la vente de billets concernant une manifestation sportive ayant lieu en France et organisée par une personne morale ayant son siège en France. 35. Enfin, ainsi que le relève à juste titre la FFT, les sociétés Viagogo ne peuvent prétendre contourner l'effet d'un monopole légal, dont la violation est au surplus incriminée pénalement, et dont elles ont une parfaite connaissance, en contestant la validité et l'opposabilité des clauses figurant dans les conditions générales de vente de la FFT. 36. Il en résulte qu'en proposant à la vente, dans le monde entier, des billets pour assister aux éditions 2019 et 2020 du "Rolex [Localité 8] Masters", sans autorisation de la FFT, les sociétés Viagogo ont porté atteinte au monopole d'exploitation de la FFT et engagé leur responsabilité à ce titre. 37. En revanche, ainsi que le relèvent à juste titre les sociétés Viagogo, la FFT, auprès de qui les billets ont nécessairement été régulièrement acquis en raison du monopole, n'a pas subi un préjudice équivalent aux gains générés par l'activité de revente de ces billets. Il en résulte que la demande aux fins de communication de pièces aux fins de réparation d'un préjudice économique basé sur les gains générés par l'activité des sociétés Viagogo ne peut qu'être rejetée. 38. La FFT est cependant en droit, en vue d'un litige futur et sur le fondement du droit commun tel qu'il résulte des articles 132 et suivants du code de procédure civile, et en particulier de l'article 145 de ce même code, de connaître "la liste des fournisseurs des billets d'accès au tournoi (entendu comme les utilisateurs utilisant la plateforme pour revendre des billets) auprès desquels les sociétés ont obtenu illicitement ces billets revendus illégalement, le prix de revente des billet ainsi que les numéros de série". Il sera donc fait droit à cette demande de communication de pièces sous astreinte, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution. 39. La FFT a en outre subi un préjudice d'image résultant de l'augmentation artificielle des prix des titres d'accès aux "Rolex [Localité 8] Masters" à laquelle aboutit l'activité des sociétés défenderesses, dont le consommateur est amené à croire, à tort, qu'elle lui bénéficie. Les pièces versées aux débats établissent en effet que les prix des billets sur la plateforme "Viagogo" sont sensiblement plus élevés que ceux proposés par la FFT (de plusieurs centaines d'euros pour des billets d'accès à l'édition 2020 des "Rolex [Localité 8] Masters" par exemple). L'activité des sociétés défenderesses est en outre à l'origine d'un risque en terme de sécurité de l'événement également source d'un préjudice moral. Ces préjudices seront réparés par le versement de la somme de 100.000 euros "à titre provisionnel" comme demandé par la FFT, cette somme tenant compte de la non exécution de l'ordonnance de référé du 25 octobre 2019 par les sociétés défenderesses. 40. Il sera en outre fait droit à la demande de publication du présent selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision. 5o) Sur les autres demandes (parasitisme et fautes distinctes de concurrence déloyale) 41. Aux termes des articles 1240 et 1241 du code civil, "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer." et "Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence." 42. Au visa de ces deux textes, il est constamment jugé que la liberté du commerce autorise tout acteur économique à attirer vers lui la clientèle de son concurrent. Aussi, l'imitation d'un concurrent n'est, en tant que telle, pas fautive, à moins que ne soient utilisés des procédés illicites ou contraires aux usages loyaux du commerce. Est à cet égard fautif le fait, pour un professionnel, de s'immiscer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire particulier (Cass. Com. 26 janvier 1999, pourvoi no96-22.457 ; Cass. Com. 10 septembre 2013, pourvoi no12-20.933), ce qui constitue un acte de parasitisme. 43. Il est par ailleurs admis que le non-respect par un opérateur économique des règles du droit de la consommation créé une distorsion dans le jeu de la concurrence constitutive, en soi, d'un acte de concurrence déloyale par désorganisation du marché de nature à ouvrir un droit à réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle, ce dont il résulte qu'une partie est fondée à se prévaloir de pratiques commerciales réalisées en méconnaissance de la réglementation prescrite par le code de la consommation, dès lors qu'elles lui ont causé un préjudice. 44. Même en supposant que les défenderesses ont commis des actes distincts de concurrence déloyale, de parasitisme, ou encore des pratiques commerciales trompeuses, il n'est en l'occurrence justifié d'aucun préjudice distinct de celui résultant de l'atteinte au monopole d'exploitation de la compétition sportive objet du présent litige, déjà indémnisé, de sorte que les demandes de ces chefs seront toutes rejetées. 45. Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, les sociétés Viagogo seront condamnées in solidum aux dépens, ainsi qu'à payer à la FFT, sous la même solidarité imparfaite, la somme de 40.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (cette somme incluant le remboursement des frais de constats par huissier de justice). 46. Aucune circonstance ne justifie ici d'écarter l'exécution provisoire de plein droit dont bénéficie la présente décision en application de l'article 514 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, Le tribunal, DÉCLARE irrecevable l'exception de procédure tirée de l'incompétence de ce tribunal pour connaître de la présente affaire ; CONDAMNE in solidum les société Viagogo AG et Viagogo Entertainment à payer à la Fédération française de tennis, à titre provisionnel, la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice causé par l'atteinte portée à son monopole d'exploitation sur les éditions 2019 et 2020 des "Rolex [Localité 8] Masters" par la revente sur la plateforme "Viagogo" aux internautes domiciliés hors de France de billets donnant accès à cette compétition ; ORDONNE aux sociétés Viagogo AG et Viagogo Entertainment de communiquer à la Fédération française de tennis, la liste des fournisseurs auprès desquels elles ont obtenu les billets d'accès aux éditions 2019 et 2020 des "Rolex [Localité 8] Masters" offerts à la vente sur leur site, ainsi que les numéros de série de ces billets, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à exécuter la présente décision, courant à l'expiration d'une délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement, et pendant 180 jours ; AUTORISE la Fédération française de tennis à faire publier le dispositif du présent jugement dans trois journaux ou revues, papier ou en ligne, au choix de la FFT, aux frais avancés des sociétés défenderesses, dans la limite de la somme de 7 000 € par publication à la charge des sociétés Viagogo ; ORDONNE la publication du communiqué suivant, en tête des pages d'accueil du site accessible à l'adresse <www.viagogo.com> ,et ses extensions, pendant une durée de 60 jours, à commencer au plus tard 15 jours suivant la signification du jugement, et sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard qui courra pendant 180 jours, en grand format, d'une façon immédiatement visible pour tout internaute se rendant sur cette page d'accueil: « By judgement of [Localité 8] Central Court of first instance, Viagogo's activity regarding the second-hand sale of tickets for French sport competitions without the consent of their organisers has been found illegal, and Viagogo has been ordered to pay the French Tennis Federation 100.000 euros in damages. » ; SE RESERVE la liquidation des astreintes ; REJETTE toutes les autres demandes de la Fédération française de tennis ; CONDAMNE in solidum les société Viagogo AG et Viagogo Entertainment aux dépens et autorise la SAS De Gaulle Fleurance et Associés à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile; CONDAMNE in solidum les société Viagogo AG et Viagogo Entertainment à payer à la Fédération française de tennis la somme de 40.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (cette somme incluant le remboursement des frais de constats par huissier de justice); RAPPELLE que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire. Fait et jugé à Paris le 08 novembre 2022. La Greffière La Présidente
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JUDICIAIRE 3ème chambre 2ème section No RG 20/02607 No Portalis 352J-W-B7E-CR3CP No MINUTE : Assignation du : 06 Mars 2020 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT rendue le 10 Novembre 2022 DEMANDERESSE Société SCANIA CV AKTIEBOLAG Södertälje (SE-15187) SODERTALJE / SUÈDE représentée par Maître Olivier MANDEL de la SELAS MANDEL-ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0013 DÉFENDERESSES Monsieur [H] [B] [Adresse 5] [Adresse 5] [Localité 1] représentée par Maître Aurelien GAZEL, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #T0004 et par Maître Jean-Paul ARMAND de la SCP BOLLET et ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant, Société INTERNATIONAL DELIVERY PARTS 2008 S.L - intervenante forcée C/[Adresse 2] [Localité 6] (ESPAGNE) représentée par Maître Morgane BLOTIN de la SELARL CENTAURE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P0500 et par Maître François-Xavier LANGLAIS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, Société URS OTOMOTIV SANAYI VE TICARET LIMITED SIRKETI - intervenante forcée [N] [K] [E] [Adresse 3] [Localité 4] (TURQUIE) défaillant MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier A l'audience du 22 Septembre 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 21 Octobre 2022, puis prorogé le 10 Novembre 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE 1. La société de droit suédois Scania CV Aktiebolag (la société Scania), ayant été avisée d'une retenue en douane en France de filtres à huile provenant de Turquie et à destination d'Espagne, soupçonnés de contrefaire ses marques, a assigné les personnes suivantes en contrefaçon des deux marques de l'Union européenne no017015835 et no017769597 : - le 5 mars 2020, M. [H] [B], entrepreneur individuel, établi en France, dont elle allègue qu'il serait le déclarant en douane et le détenteur des marchandises ; - le 25 juin 2020, la société de droit espagnol ‘International delivery parts 2008 S.L.' (La société Indeparts), destinataire des marchandises, - le 24 septembre 2020, la société de droit turc ‘Urs otomotiv sanayi ve ticaret limited sirketi' (la société Urs otomotiv), expéditeur des marchandises. 2. M. [B] et la société Indeparts ont soulevé une exception d'incompétence, et M. [B] a soulevé une fin de non-recevoir tirée d'un défaut d'intérêt et de qualité à agir à son encontre ; ces moyens ont été écartés par le juge de la mise en état par une ordonnance du 26 mars 2021, confirmée par la cour d'appel le 14 janvier 2022. 3. La société Scania a ensuite formé, par mémoire confidentiel du 9 mai et conclusions du 12 mai 2022, un nouvel incident tendant à organiser la communication confidentielle d'un document dont elle entend se prévaloir, figurant à son bordereau de pièces dès l'assignation en tant que pièce no14. Les défenderesses ont alors demandé que la société Scania soit contrainte de communiquer cette pièce, sans confidentialité. L'incident a été entendu en ce qu'il portait sur la demande de communication forcée à l'audience du 22 septembre 2022 et la décision a été mise en délibéré sur l'ensemble. 4. Dans ses dernières conclusions d'incident signifiées par voie électronique le 12 mai 2022, la société Scania, en substance, demande que soit organisée d'une façon qu'elle détaille la communication et l'utilisation confidentielles de sa pièce no14, et réclame 5 000 euros aux défendeurs au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 5. Dans ces conclusions, elle expose que cette pièce, qui est la comparaison technique du filtre litigieux avec son produit « authentique », a une valeur commerciale en ce qu'elle dévoile les différences entre un produit authentique et un produit contrefaisant et permettrait aux contrefacteurs de tromper véritablement le public s'ils y avaient accès ; que ses concurrents n'ont pas accès à ces informations car ils n'ont aucune raison d'avoir deux filtres ; et qu'elle a mis en place des procédures internes pour en préserver la confidentialité. Par ailleurs, dans son mémoire confidentiel du 9 mai, elle expose également en quoi le document relève selon elle du secret des affaires. 6. Dans ses dernières conclusions d'incident signifiées par voie électronique le 13 juin 2022, M. [B], en substance, demande la communication de la pièce sans aucun régime de confidentialité, et réclame à la société Scania 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 7. Il estime que les conditions de l'article L. 151-1 du code de commerce ne sont pas réunies, et que les parties doivent pouvoir analyser la pièce no14. 8. Dans ses dernières conclusions d'incident signifiées par voie électronique le 13 juin 2022, la société Indeparts demande la communication de la pièce sans aucun régime de confidentialité, et réclame elle-même à la société Scania 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 9. Elle fait valoir que n'importe qui peut acheter librement les pièces comparées et procéder ainsi à la même comparaison ; et que savoir si les filtres litigieux sont fabriqués par Scania est nécessaire à la solution du litige, au sens de l'article L. 153-6 du code de commerce. 10. La société Urs otomotiv a été assignée conformément à la convention de La Haye du 15 novembre 1965, l'autorité requise turque ayant attesté le 13 octobre 2020 de ce que l'acte avait été remis au destinataire conformément au droit local le 24 septembre ; mais elle n'a pas comparu. 1) Protection de la pièce no14 par le secret des affaires 11. Aux termes de l'article L. 151-1 du code de commerce, « est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants : 1o Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ; 2o Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; 3o Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret. » 12. Le rapport invoqué par la société Scania consiste simplement en la comparaison visuelle entre un des filtres saisis en douane et un filtre authentique Scania, et relève deux différences visibles à l'oeil nu pour justifier la conclusion selon laquelle les produits saisis sont des copies. Comme le soulèvent les défendeurs, le filtre authentique est une pièce détachée, accessible aux professionnels, qui sont aisément capables de procéder à la même comparaison visuelle. Ainsi, la seule information contenue dans le rapport et qui n'est pas publique est l'opinion émise par le personnel de la société Scania sur les éléments visuellement différents entre les deux produits. 13. Il certes envisageable qu'une telle opinion puisse se fonder sur des éléments très discrets, ou une interprétation révélant l'importance d'un élément certes visible mais ne pouvant être directement compris par un professionnel concurrent, de sorte qu'elle contiendrait des informations difficilement accessibles et ayant une valeur commerciale. Tel n'est toutefois manifestement pas le cas ici, où la comparaison porte sur des éléments très visibles, à l'évidence discernables par n'importe quel professionnel du secteur même sans que son intention soit attirée par l'analyse du fabricant de la pièce « authentique ». Le rapport ne contient donc que des informations aisément accessibles. 14. La 1re condition posée par l'article L. 151-1 n'étant pas caractérisée, les demandes fondées sur le secret des affaires sont rejetées. 2) Communication forcée de la pièce 15. En application des articles 132 et 133 du code de procédure civile, la partie qui fait état d'une pièce doit la communiquer à toute autre partie à l'instance. L'article 142 prévoit par ailleurs que les éléments de preuve détenus par une partie et dont une autre entend se prévaloir peuvent être produits sur ordre du juge. 16. Et l'article L. 153-6 du code de commerce, cité par la société Indeparts, prévoit seulement le principe selon lequel la pièce demandée, et dont la confidentialité est alléguée, doit être communiquée si elle est nécessaire à la solution du litige. 17. La « pièce no14 » est certes visée au bordereau de la société Scania, mais comme document de nature confidentielle, ce qui indique que la demanderesse n'entendait pas s'en prévaloir autrement que de façon confidentielle ; au demeurant elle ne la cite pas dans son assignation à l'appui de ses allégations. Il ne s'agit donc pas d'une pièce dont la demanderesse fait état au sens de l'article 132. 18. Par ailleurs, la société Indeparts estime cette pièce nécessaire pour apprécier l'authenticité des produits litigieux, qu'elle invoque au fond pour caractériser l'épuisement des droits. Toutefois, comme indiqué précédemment, la seule information contenue dans ce document, au-delà de l'apparence des produits que la société Indeparts peut se procurer elle-même, est l'opinion de la société Scania sur les ressemblances entre eux. Cette opinion relève de sa stratégie pour le procès ; autrement dit, elle n'est nécessaire à la solution du litige que dans la mesure où elle est utilisée dans le litige par la société Scania. Ce qu'il appartient seulement à celle-ci de décider, sauf le cas d'une déloyauté procédurale, d'une dissimulation ou d'une contradiction préjudiciable, ce qui n'est pas allégué ici. 19. La demande de communication forcée est par conséquent rejetée. 3) Suite de l'instruction et dispositions finales 20. L'article 782 du code de procédure civile permet au juge de la mise en état d'inviter les avocats à répondre aux moyens sur lesquels ils n'auraient pas conclu, et à fournir les explications de fait et de droit nécessaires à la solution du litige. 21. Dans ses conclusions au fond, la société Indeparts fonde sa défense sur l'épuisement des droits, caractérisé selon elle en ce que la société Scania ne démontrerait pas que les produits litigieux ne sont pas des produits « authentiques ». Elle n'indique toutefois pas en quoi c'est dans l'espace économique européen que ces produits auraient été mis dans le commerce pour la première fois, alors qu'il est constant que ces produits ont été expédiés depuis la Turquie. La société Indeparts est donc invitée à conclure sur ce point, dans la mesure où elle l'estimerait utile. 22. L'article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 23. Les parties perdent toutes en leurs demandes formées pour le présent incident, de sorte qu'aucune ne doit en indemniser une autre pour les frais exposés à ce titre. Les demandes en ce sens sont donc rejetées. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état : REJETTE les demandes de la société Scania tendant à organiser la communication confidentielle de sa pièce intitulée « Rapport technique établi par la société Scania CV AB le 27 février 2020, à la suite de l'inspection des marchandises et du prélèvement d'échantillons effectués le 14 février 2020 » ; REJETTE les demandes de M. [B] et de la société Indeparts en communication forcée de cette pièce ; REJETTE les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; INVITE la société Indeparts à conclure sur le lieu de la première commercialisation des produits en cause, dans un jeu de conclusions attendu pour le 2 décembre 2022 ; ou, à défaut, à indiquer sans délai son intention de ne pas reconclure en l'état, auquel cas la société Scania est invitée à conclure sur le tout pour le 6 janvier 2023 ; RENVOIE l'examen de la mise en état de l'affaire au 15 décembre 2022 ; Faite et rendue à Paris le 10 Novembre 2022 Le Greffier Le Juge de la mise en état
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JUDICIAIRE 3ème chambre 3ème section No RG 22/04707 - No Portalis 352J-W-B7G-CWXE3 No MINUTE : Assignation du : 19 Avril 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ MAINLEVÉE rendue le 02 Août 2022 DEMANDERESSE Société LOUIS VUITTON MALLETIER [Adresse 1] [Localité 5] représentée par Maître Julien BLANCHARD de la SELARL SELARL CANDÉ - BLANCHARD - DUCAMP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0265 Monsieur [T] [C] [Adresse 4] [Localité 6] représenté par Maître Jean AITTOUARES de la SELARL OX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0966 COMPOSITION Nahtalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe assistée de Lorine MILLE, greffière, A l'audience du 08 Juin 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 02 Août 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à dispotion au greffe Contradictoire En premier ressort ____________________________ EXPOSÉ DU LITIGE : 1. M. [T] [C] est un réalisateur de films français auteur de films de long métrage et de films publicitaires. La société La Pac est une société de production de films publicitaires. La société Louis Vuitton Malletier est une filiale du groupe de luxe LVMH, spécialisée dans la création d'articles de maroquinerie et d'habillement qu'elle commercialise sous la marque "Louis Vuitton". 2. M. [C] expose avoir été contacté à la fin du mois de mai 2021 par la société La Pac aux fins de réaliser un film publicitaire pour le compte de la société Louis Vuitton Malletier, destiné à présenter la collection "hommes - printemps / été 2022" de cette société, le film publicitaire et une bande-annonce devant être livrés le 24 juin 2021. Il indique avoir livré le film dans le délai imparti mais avoir découvert, une heure avant sa première diffusion, que M. [F] [B] était crédité comme réalisateur du film intitulé "Amen Break", lui-même étant présenté en 131ème position au générique en qualité de "film supervisor". 3. Le film a été diffusé et mis en ligne le 24 juin 2021, totalisant 150 millions de vue en 4 jours (d'une durée variable selon les plateformes), sans que son générique ne soit modifié en dépit des demandes réitérées de M. [C] auprès de la société La Pac, et alors même qu'aucun contrat n'avait été régularisé et que son travail était resté impayé. Par une lettre du 8 juillet 2021, M. [C] a de la même manière mis en demeure la société Louis Vuitton Malletier de cesser la diffusion du film "Amen Break", de lui en communiquer l'ensemble des documents contractuels et comptables, et de l'informer sur les modalités envisagées de réparation de son préjudice. 4. Par une ordonnance du 9 juillet 2021, M. [C] a été autorisé à faire pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société La Pac, lesquelles ont été réalisées le 19 juillet 2021 et ont révélé qu'il avait bien été engagé en qualité de réalisateur et que le générique avait été modifié (cette modification étant facturée le 30 juin 2021 à la société Louis Vuitton Malletier). 5. C'est dans ce contexte que, par actes d'huissier délivrés le 9 août 2021, M. [T] [C] a fait assigner à jour fixe à l'audience de la 3ème chambre / 3ème section de ce tribunal du 3 novembre 2021, les sociétés La Pac et Louis Vuitton Malletier en contrefaçon de droits d'auteur (atteinte à son droit moral et violation de son droit patrimonial). A l'audience du 3 novembre 2021, l'affaire a été renvoyée à la mise en état avec un calendrier court et une clôture prévue le 3 avril 2022. 6. Par une requête du 29 mars 2022, M. [C] a sollicité et obtenu, de la présidente de la 3ème chambre / 3ème section, l'autorisation de faire pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon au siège de la société Louis Vuitton Malletier, lesquelles ont été réalisées le 12 avril 2022 et ont amené la saisie de plus de 6600 documents. 7. Par acte d'huissier du 19 avril 2022, la société Louis Vuitton Malletier a fait assigner M. [C] en référé afin d'obtenir la mainlevée de la saisie-contrefaçon. A l'audience du 8 juin 2022, la société Louis Vuitton Malletier demande à la juridiction de : À titre principal, - Ordonner la mainlevée de la saisie-contrefaçon pratiquée le 13 avril 2022 auprès de la société Louis Vuitton Malletier, - Ordonner que les pièces saisies seront remises à Louis Vuitton Malletier, interdiction étant faite à M. [C] d'en conserver copie et de s'en prévaloir ultérieurement, À titre subsidiaire, - Ordonner la mise sous séquestre des courriels saisis chez Louis Vuitton Malletier lors des opérations de saisie-contrefaçon du 13 avril 2022, - Ordonner une mesure d'expertise et désigner pour y procéder tel expert qu'il lui plaira avec pour mission de : ? se faire remettre par Me [N] [U] une copie du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 13 avril 2022 ainsi que l'ensemble des courriels saisis, ? réunir un cercle de confidentialité constitué uniquement des avocats de chacune des parties, qui signeront un accord de confidentialité concernant les opérations menées lors de l'expertise, ? recueillir les explications des avocats des parties et se faire remettre toute pièce qui s'avérerait nécessaire à l'exécution de sa mission, ? ouvrir les scellés, procéder à leur examen en présence des conseils des parties, et identifier: *d'une part, pour les écarter et en vue de leur destruction, les documents protégés au titre des droits de la défense, qui ne seront pas portés à la connaissance des avocats de M. [C] et en cas de difficulté sur un document, en référer à Mme la Présidente qui seule en prendra connaissance, *de deuxième part, les documents présentant des éléments utiles à la preuve de la contrefaçon alléguée par M. [C], *de troisième part, les documents ne contenant aucune information pertinente sur ladite contrefaçon alléguée, - dresser la liste des trois catégories de documents, en mentionnant les observations éventuelles des parties, annexer les documents contenant des informations utiles à son rapport, et faire ensuite retour des documents originaux à l'huissier, lequel en sera constitué séquestre jusqu'à ce qu'il soit à nouveau statué, - Dire qu'il vous sera référé de toute difficulté de nature en particulier à compromettre le démarrage, l'avancement ou l'achèvement des opérations ; - Condamner M. [C] à payer à la société Louis Vuitton Malletier la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens. 8. M. [C] conclut quant à lui au rejet des demandes, aussi bien principale (mainlevée) que subsidiaire (expertise de tri), de la société Louis Vuitton Malletier. Il demande à la juridiction de lui donner acte du fait qu'il ne s'oppose pas à la mainlevée partielle de la saisie ou à toute mesure qu'il plaira à la Présidente d'ordonner sur tous les échanges directs entre la société Louis Vuitton Malletier et ses avocats, ainsi que sur le courriel adressé par [X] [A] à [R] [H] le 21 mars 2022 à 19h42, pour autant que de tels documents aient été appréhendés. Il sollicite la condamnation de la société Louis Vuitton Malletier à lui payer la somme de 6 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. 9. L'affaire a été plaidée à l'audience du 8 juin 2022 et mise en délibéré au 2 août 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur la mainlevée de la saisie-contrefaçon Moyens des parties 10. La société Louis Vuitton Malletier soutient que M. [C] s'est livré à une présentation déloyale des faits ne fournissant au magistrat que ses propres éléments et sa propre version des faits. La société demanderesse rappelle ainsi que tous les choix, aussi bien artistiques et esthétiques, que techniques, ont été faits par [S] [E], architecte, designer et directeur artistique "pour l'homme" de la marque, jusqu'à son décès survenu le [Date décès 3] 2021. Elle ajoute que ce dernier a choisi (ou validé), avec M. [F] [B], l'idée originale du film, son scenario, ses dialogues, sa musique, ses chorégraphies, ses lieux de tournage, ses décors, les membres de l'équipe technique, y compris la décision d'engager M. [C] et ce, pour la seule supervision du tournage. 11. La société Louis Vuitton Malletier précise que la modification du générique demandée à la société de production est due à une erreur sur le nom du "hair artist" ayant travaillé pour le film. Elle ajoute que c'est à dessein, et en particulier afin de cacher au juge des requêtes les arguments contraires de la société Louis Vuitton Malletier, que M. [C] a déposé sa requête sans attendre le dépôt des conclusions de la défense prévu le 31 mars 2022. 12. M. [C] conclut au rejet de la demande de mainlevée n'ayant selon lui fait preuve d'aucune déloyauté. Il rappelle d'ailleurs que conformément aux dispositions de l'article 845 alinéa 3 du code de procédure civile, il a présenté sa requête à la présidente de la section en charge de l'affaire au fond, en raison précisément de sa connaissance de l'affaire. Il ajoute avoir joint à sa requête les dernières conclusions des défendeurs. M. [C] soutient encore que le débat relatif à la qualification de son intervention sur le film (réalisateur ou "superviseur") est un débat de fond et en déduit que les moyens soulevés par la société Louis Vuitton Malletier sont dénués de pertinence à ce stade. Appréciation du juge des référés 13. Aux termes de l'article L.332-1 du code de la propriété intellectuelle, "Tout auteur d'une oeuvre protégée par le livre Ier de la présente partie, ses ayants droit ou ses ayants cause peuvent agir en contrefaçon. A cet effet, ces personnes sont en droit de faire procéder par tous huissiers, le cas échéant assistés par des experts désignés par le demandeur, sur ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des oeuvres prétendument contrefaisantes ainsi que de tout document s'y rapportant. L'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux oeuvres prétendument contrefaisantes en l'absence de ces dernières. La juridiction peut ordonner la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer illicitement les oeuvres. (...)" 14. Selon l'article 3 "Obligation générale" de la Directive 2004/48/CE du Parlement Européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, dont les dispositions précitées réalisent la transposition en droit interne, les mesures destinées à assurer le le respect des droits de propriété intellectuelle doivent, notamment, être loyales. Aussi, il est constamment rappelé que le caractère non contradictoire de la procédure sur requête, qui autorise un requérant, à solliciter dans un cadre exorbitant du droit commun, sur une présentation unilatérale de sa demande, l'autorisation de procéder chez une personne suspectée de commettre des actes de contrefaçon ou un tiers, sans son assentiment, à des investigations instrusives ou à des mesures conservatoires, suppose une particulière loyauté du requérant. Ce dernier se doit de porter à la connaissance du juge, l'ensemble des éléments de droit et de faits utiles, afin de permettre à celui-ci de porter une appréciation éclairée sur la demande qui lui est soumise et d'ordonner une mesure proportionnée, en tenant compte des intérêts divergents du saisissant et du saisi. 15. Force est en l'occurrence de constater que, sous le couvert d'un défaut de loyauté, la société Louis Vuitton Malletier développe en réalité ses moyens de critique au fond de la qualification de la participation de M. [T] [C] au film "Amen Break". Selon elle, en effet, la participation de M. [C] n'a pas excédé celle d'un simple "superviseur" des prises de vue, la qualité de réalisateur revenant uniquement à M. [F] [B], tandis que, selon M. [C], son rôle a consisté à diriger le tournage de l'oeuvre audiovisuelle et, ce faisant, à opérer différents choix décisifs pour le "rendu final" du film "Amen Break", qui justifiaient selon lui qu'il soit crédité en qualité de réalisateur en 2ème ou 3ème position, mais en aucun cas en 131ème. 16. Ce sont précisément les très importantes divergences entre les parties, parfaitement connues de la présidente de la chambre à laquelle l'affaire a été distribuée, et à laquelle la requête a été présentée conformément aux dispositions de l'article 845 alinéa 3 du code de procédure civile, qui ont justifié la mesure. M. [C] ne peut donc être regardé comme ayant fait preuve de déloyauté et la demande de mainlevée ne pourra par conséquent qu'être rejetée. 2o) Sur la protection du secret professionnel Moyens des parties 17. La société Louis Vuitton Malletier fait à cet égard valoir qu'eu égard à la date à laquelle la mesure a été autorisée, c'est à dire à un moment où le litige avait déjà été porté devant différents tribunaux, des correspondances couvertes par le secret professionnel ont été saisies. Cette société sollicite donc l'organisation d'une expertise de tri aux fins d'écarter les courriers échangés entre la société Louis Vuitton Malletier et ses avocats mais aussi les courriers en lien avec sa défense, notamment ceux échangés entre ses préposés et qui relateraient les échanges entre la société et ses avocats ou encore sa stratégie de défense, conformément à la jurisprudence. 18. M. [C] rappelle que ses conseils ont dès la mise en oeuvre de la mesure accepté que soient écartées les correspondances entre la société défenderesse et ses avocats. Il s'oppose en revanche à toute extension, laquelle n'est pas fondée en droit, la demande étant vague alors que la jurisprudence a développé une appréciation in concreto des pièces devant être couvertes par le secret professionnel, non plus qu'en fait, la société Louis Vuitton Malletier ne donnant aucun exemple de courriel saisi susceptible de relever de la catégorie des courriers couverts par le secret professionnel sans pour autant émaner ou être adressé à son avocat. Appréciation du juge des référés 19. Il résulte de l'article 66-5 de la Loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, modifié par la Loi no2011-331 du 28 mars 2011 qu' "En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention " officielle ", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel." 20. Il appartient au juge chargé de contrôler les opérations de saisie de vérifier concrètement, en se référant au procès-verbal et à l'inventaire, la régularité des opérations et d'ordonner, le cas échéant, la restitution des documents qu'il estime appréhendés en violation des droits de la défense. La cour de cassation n'exerce pas de contrôle sur cette vérification concrète qui relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. Crim., 8 novembre 2017, pourvoi no 16-84.528 ; Cass. Com., 7 juillet 2015, pourvoi no 14-15.965) sous réserve que le juge soit « saisi d'allégations motivées selon lesquelles des documents précisément identifiés ont été appréhendés alors qu'ils relevaient de la confidentialité qui s'attache à la relation entre un avocat et son client » (CEDH, 2 avril 2015, Vinci Construction et a. c/ France, no 6369/10, § 79). 21. Le principe de la confidentialité des échanges entre l'avocat et son client a pour but de préserver les droits de la défense et son périmètre doit se déterminer en fonction de cet objectif : la personne qui subit une saisie doit pouvoir compter sur le fait que ne pourront être saisis les documents qui s'inscrivent dans le cadre de sa relation avec son avocat en vue de sa défense à la procédure. Il convient donc de faire primer le contenu du document et le lien indissociable qu'il créé avec l'exercice des droits de la défense, sur le fait qu'un document émane directement de l'avocat ou lui est adressé. Dans une grande entreprise comme la défenderesse, la stratégie de défense a en outre vocation à être discutée par les cadres de la direction et ceux du service juridique, de sorte que sauf à priver de tout effet utile la confidentialité des échanges entre un avocat et son client, celle-ci doit s'étendre, dans la limite de ce qui est nécessaire à l'exercice effectif des droits de la défense, à la discussion de la stratégie de défense, en aval de la correspondance échangée. Les documents internes à l'entreprise qui, à la suite d'un entretien ou d'une correspondance avec l'avocat, en reprennent les termes ne sauraient donc faire l'objet d'une saisie. 22. En l'occurrence, la mesure a amené la saisie d'un nombre très élevé de documents (plus de 6500) dont la société Louis Vuitton Malletier démontre que parmi eux figurent des courriels destinés à Maître Julien Blanchard son avocat (ex : courriel du 28 octobre 2021 de Mme [K] [I] à Me Julien Blachard avec en objet "Men SS22 filming" ; courriel du 28 décembre 2021 de Mme [Z] [G] à Mme [L] [V] et Me Julien Blanchard avec en objet "Point juridique") ou des courriels internes relatifs à sa stratégie de défense (ex : courriel du 29 octobre 2021 de Mme [K] [I] à M. [R] [H] et Mme [W] [M] avec en objet "Urgent MIPO" contenant les conclusions de Me Blanchard ; courriel du 23 décembre 2021 de M. [O] [D] à M. [R] [H] et Mme [W] [M] avec en objet "[T] [C] : Point juridique"). 23. Il appraît donc justifié de faire droit à la demande et de désigner un expert aux fins de d'extraire des documents saisis ceux portant atteinte au secret des correspondances entre avocat et client, étendu aux courriels des juristes internes qui divulgueraient un tel secret, selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision. 3o) Sur la protection de données couvertes par le secret des affaires Moyens des parties 24. La société Louis Vuitton Malletier fait sur ce point valoir que le choix des mots-clefs a amené la saisie de documents sans lien avec la présente affaire dont certains font même état de partenariats confidentiels avec d'autres sociétés, éléments couverts par le secret des affaires. 25. M. [C] conclut au rejet de cette demande présentée selon lui de manière "expéditive" par la société Louis Vuitton Malletier sans aucune démonstration de la moindre atteinte à un secret d'affaires. Appréciation du juge des référés 26. Selon l'article L. 151-1 du code de commerce, "Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants : 1o Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ; 2o Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret; 3o Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret." 27. L'article R. 153-3 de ce même code précise que "A peine d'irrecevabilité, la partie ou le tiers à la procédure qui invoque la protection du secret des affaires pour une pièce dont la communication ou la production est demandée remet au juge, dans le délai fixé par celui-ci: 1o La version confidentielle intégrale de cette pièce ; 2o Une version non confidentielle ou un résumé ; 3o Un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d'un secret des affaires. Le juge peut entendre séparément le détenteur de la pièce, assisté ou représenté par toute personne habilitée, et la partie qui demande la communication ou la production de cette pièce." 28. Force est de constater que la demande telle que présentée par la société Louis Vuitton malletier n'est pas conforme aux dispositions de l'article R.153-1 du code de procédure civile et est dès lors irrecevable. 29. Les succès et échecs respectifs des parties commandent de laisser à chacune d'elles la charge de ses propres dépens comme de ses frais irrépétibles. PAR CES MOTIFS, Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, Le juge des référés, REJETTE la demande de mainlevée de la saisie-contrefaçon autorisée le 29 mars 2022 ; ORDONNE une mesure d'expertise et désigne pour y procéder : M. [J] [Y] Expert près la Cour d'Appel de Paris et la Cour de cassation demeurant : [Adresse 2] [Courriel 7] Avec pour mission de : - se faire remettre par Me [U], huissier de Justice, une copie de l'ordonnance sur requête du 29 mars 2022 et du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 12 avril 2022, ainsi que l'ensemble des éléments saisis au siège de la société Louis Vuitton Malletier, - réunir un cercle de confidentialité constitué uniquement des avocats de chacune des parties, - recueillir les explications des avocats des parties et se faire remettre toute pièce qui s'avérerait nécessaire à l'exécution de sa mission, - procéder à l'examen des courriels et pièces saisies en présence des seuls conseils des parties, et identifier, pour les écarter, les documents protégés au titre du secret des correspondances entre avocat et client, étendu aux courriels de juristes de la société Louis Vuitton Malletier qui divulgueraient un tel secret, - faire ensuite retour des documents à l'huissier, DIT qu'il nous sera référé de toute difficulté de nature à compromettre le démarrage, l'avancement ou l'achèvement des opérations, et en particulier en cas de désaccord sur la confidentialité d'une pièce, lequel sera tranché par le juge ; DIT que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 et suivants du code de procédure civile ; FIXE à 5.000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qui devra être consignée par la société Louis Vuitton Malletier à la régie du tribunal judiciaire de Paris, au plus tard le 9 septembre 2022, faute de quoi la mesure d'expertise ordonnée sera caduque ; DIT que l'expert devra rendre son rapport au greffe de la 3ème chambre civile du tribunal judiciaire de Paris avant le 30 décembre 2022 ; DIT irrecevable en l'état la demande de protection de pièces par les règles relatives au secret des affaires et invite la société Louis Vuitton Malletier à procéder comme prévu à l'article R. 153-1 du code de commerce ; LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens ; DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision. Fait et jugé à Paris le 02 Août 2022. La Greffière La Présidente
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JUDICIAIRE No RG 22/54208 - No Portalis 352J-W-B7G-CWQCN No : 2 - MEB Assignation du : 29 Mars 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 13 juillet 2022 par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Daouia BOUTLELIS, Greffier Monsieur [I] [M] [Adresse 1] [Localité 3] représenté par Maître Charlotte ABATI de la SELARL AYRTON AVOCATS, avocats au barreau de PARIS - #C1289 DEFENDERESSE S.A.S. BASE & CO [Adresse 2] [Localité 4] non comparante A l'audience du 14 Juin 2022, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Fabienne FELIX, Faisant fonction de greffier, EXPOSÉ DU LITIGE 1. M. [I] [M] est le titulaire inscrit de la marque verbale "Base & Co" déposée le 9 mai 2005, enregistrée et régulièrement renouvelée sous le no3357788, pour désigner en classe 35 les services de "Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau. Diffusion de matériel publicitaire (tract, prospectus, imprimés, échantillons). Services d'abonnement à des journaux (pour des tiers). Conseils en organisation et direction des affaires. Comptabilité. Reproduction de documents. Bureaux de placement. Gestion de fichiers informatiques. Organisation d'expositions à buts commerciaux ou de publicité. Publicité en ligne sur un réseau informatique. Location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; publications de textes publicitaires ; locations d'espaces publicitaires, diffusion d'annonces publicitaires, relation publiques. Mercatique direct." Cette marque est exploitée par la SARL Base & Co qui exerce depuis 2005 une activité d'agence de publicité. 2. Se plaignant de l'immatriculation, le 7 mars 2022, au RCS d'Evry d'une société Base & Co ayant pour activités déclarées celles d'agence de publicité et de conseil en relations publiques et communication, M. [M], après l'avoir vainement mise en demeure de modifier sa dénomination sociale, a fait assigner en référé la société Base & Co devant le délégataire du président de ce tribunal siégeant à l'audience du 14 juin 2022, afin qu'il lui soit fait défense sous astreinte de faire usage du signe "Base & Co" . Aux termes de son assignation, M. [M] demande au juge des référés de : - Interdire à la société Base & Co la poursuite des actes de contrefaçon sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée et sur tout support, y compris sa dénomination sociale, après un délai de 3 jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, - Condamner la société Base & Co au paiement d'une somme de 3.000 euros au bénéfice de M. [I] [M] au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens. 3. Bien que régulièrement citée à une personne présente au domicile (Mme [F] épouse du président de la société), la société Base & Co n'a pas comparu. La présente décision, susceptible d'appel, sera réputée contradictoire conformément aux dispositions de l'article 473 alinéa 2 du code de procédure civile. 4. A l'audience du 14 juin 2022, le juge des référés a soulevé le moyen tiré de l'absence de preuve d'usage dans la vie des affaires du signe objet du présent litige, ce à quoi le demandeur a répliqué que l'article L.713-3-1 du code de la propriété intellectuelle incrimine l'usage du signe comme dénomination sociale. MOTIFS DE LA DÉCISION 5. Selon l'article Article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque." Aux termes de l'article L. 716-4-6 "Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon.(...) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente." 6. L'article L. 713-3-1 de ce même code précise que "Sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants : (...) 4o L'usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d'un nom commercial ou d'une dénomination sociale ;" 7. Ces différents textes réalisent la transposition en droit interne des dispositions des directives 89/104/CEE, 2008/95/CE et 2015/2436, rapprochant les législations des États membres sur les marques. 8. En l'occurrence, la demande porte sur l'emploi d'un signe strictement limité à la dénomination sociale du défendeur, sans qu'aucun autre fait ne soit démontré par le demandeur. Elle suppose donc que ce seul fait s'analyse en un « usage dans la vie des affaires » au sens des dispositions précitées. Il est également rappelé que le considérant 19 de la directive 2015/2436, qui a introduit pour la première fois, parmi les exemples d'usages que le titulaire peut interdire, l'usage à titre de dénomination sociale, précise qu'un tel usage devrait être compris comme tout usage « dès lors que cet usage a pour but de distinguer des produits ou services ». 9. L'expression « faire usage » d'un signe doit donc être entendue comme désignant l'emploi du signe dans le but de distinguer des produits ou des services, c'est à dire comme portant atteinte ou étant susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, ce qui est en définitive, comme l'a maintes fois jugé la Cour de justice de l'Union européenne, la condition du droit exclusif (voir CJUE, 25 juillet 2018, Mitsubishi, C-129/17, point 34 et la jurisprudence citée). 10. Or, de la même manière que le seul dépôt d'une marque ne caractérise pas un usage dans la vie des affaires (Cass. Com., 13 octobre 2021, no19-20.504), le seul fait d'immatriculer une société sous une certaine dénomination n'est pas, en soi, un usage de cette dénomination dans le but de distinguer des produits ou services, et il n'est donc pas à lui seul susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque : il s'agit d'un acte dont l'effet est strictement juridique, qui ne caractérise pas en soi l'existence d'une activité, et il ne peut être présumé que, du seul fait qu'une société existe, elle est exploitée. 11. Il appartient donc au titulaire de la marque de prouver que le tiers dont il critique la dénomination exerce effectivement une activité économique en lien avec des produits ou services déterminés, ce qui n'est pas une charge excessive dès lors que la protection du droit de marque est spéciale et concrète et non abstraite et absolue. Cette preuve n'est pas rapportée ici, où seule l'existence de la société Base & Co est démontrée par son extrait Kbis (pièce du demandeur no5), ce qui ne permet pas d'établir qu'elle exerce une activité ni la nature réelle de cette activité. Par conséquent, à défaut de preuve d'usage du signe litigieux, aucune contrefaçon vraisemblable n'apparaît caractérisée. Il doit donc être dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de M. [M]. 12. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M. [M] supportera les dépens. Il n'y aura pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort, Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de M. [M] ; Condamne M. [M] aux dépens ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile. Fait à Paris le 13 juillet 2022. Le Greffier, Le Président, Daouia BOUTLELIS Nathalie SABOTIER
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DU 30 Janvier 2007 ------------------------- CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GARONNE GROUPAMA SUD RG N : 05/01993 - A R R E T No - ----------------------------- Prononcé à l'audience publique du trente Janvier deux mille sept, par Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre, assisté de Dominique SALEY, Greffier, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire, Monsieur [X] [G] né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 11] Demeurant [Adresse 2] [Localité 5] représenté par la SCP Guy NARRAN, avoués assisté de Me ABADIE - MORANT - DOUAT, avocat APPELANT d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AUCH en date du 14 Décembre 2005 D'une part, CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GARONNE, prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège Dont le siège social est [Adresse 3] [Localité 4] ASSIGNEE, n'ayant pas constitué avoué GROUPAMA SUD, prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège Dont le siège social est [Adresse 10] [Adresse 9] [Localité 6] représentée par la SCP A.L. PATUREAU & P. RIGAULT, avoués assistée de Me Christine GRELET BERENGUER, avocat Monsieur [E] [I] Demeurant [Adresse 8] [Localité 7] représenté par la SCP A.L. PATUREAU & P. RIGAULT, avoués assisté de Me Christine GRELET BERENGUER, avocat D'autre part, a rendu l'arrêt avant dire droit suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 19 Décembre 2006, devant Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre, [X] COMBES, Conseiller et Christophe STRAUDO, Vice-Président placé désigné par ordonnance du Premier Président en date du 28 Septembre 2006 (lequel, désigné par le Président de Chambre, a fait un rapport oral préalable), assistés de Nicole CUESTA, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES Le 8 octobre 2000 [X] [G] a été victime d'un accident de la circulation dans lequel a été impliqué un véhicule conduit par [E] [I] assuré auprès de la compagnie GROUPAMA SUD. Par jugement rendu le 14 décembre 2005 auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties et des motifs adoptés par le premier juge, le Tribunal de Grande Instance d'AUCH, sur la base d'un rapport d'expertise médicale précédemment ordonné et en l'absence de toute contestation sur le droit à indemnisation de [X] [G], a : - déclaré [E] [I] et son assureur GROUPAMA SUD tenus in solidum d'indemniser l'entier préjudice subi par [X] [G], - fixé les préjudices de la victime de la manière suivante : 1o) préjudices soumis à recours : - frais médicaux : ....................................................................................79.603,13 euros, - ITT du 8 octobre 2000 au 9 octobre 2003 :........................................ 79.449,69 euros, - gêne subie dans les actes de la vie courante durant la période d'ITT :18.000,00 euros, - I.P.P 30% (physiologique et incidence professionnelle) :.................... 69.400,80 euros ; 2o) préjudices personnels : - souffrances physiques et morales (4/7) : .................................................6.000,00 euros, - préjudice esthétique (2/7) :...................................................................... 2.000,00 euros, - préjudice d'agrément :............................................................................10.000,00 euros, - fixé la créance de la CPAM de Haute Garonne à la somme de 199.844,82 euros, - condamné in solidum [E] [I] et GROUPAMA SUD au paiement d'une somme de 64.608,80 euros en deniers ou quittances, provisions non déduites, ainsi qu'une somme de 1.200,00 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Contestant l'évaluation des préjudices retenus et le quantum des sommes allouées, [X] [G] a relevé appel de ce jugement le 29 décembre 2005 dans des conditions de forme et de délais non contestées. [E] [I] et GROUPAMA SUD sont intervenus en cause d'appel. La CPAM de Haute-Garonne n'a pas constitué avoué. L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2006. MOTIFS DE LA DÉCISION Vu les moyens et prétentions des parties tels que développés dans leurs ultimes conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour de plus amples informés ; Attendu qu'en application des nouvelles dispositions de l'article 31 de la loi 85-677 du 5 Juillet 1985 modifiées par la loi n 2006-1640 du 21 décembre 2006 (art. 25 IV, JORF du 22 décembre 2006) : "Les recours subrogatoires des tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. Conformément à l'article 1252 du Code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie ; en ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n'a reçu qu'une indemnisation partielle. Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice" ; Attendu que de telles dispositions sont d'application immédiate ; Qu'il convient en conséquence de rabattre l'ordonnance de clôture et d'ordonner la réouverture des débats afin de permettre aux parties de conclure au vu des dispositions précitées. PAR CES MOTIFS La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant en audience publique, par arrêt avant dire droit, Vu les nouvelles dispositions de l'article 31 de la loi 85-677 du 5 Juillet 1985 modifiées par la loi n 2006-1640 du 21 décembre 2006, Ordonne le rabat de l'ordonnance de clôture afin de permettre aux parties de formaliser leurs prétentions au vu des nouvelles dispositions légales, Sursoit à statuer sur l'ensemble des demandes et renvoie l'affaire à l'audience de la mise en état du mardi 6 mars 2007 à 14h00, Réserve les dépens, Ainsi fait et jugé les jours, mois et an susdits. Le présent arrêt a été signé par Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre et par Dominique SALEY, Greffier présent lors du prononcé. Le GreffierLe Président
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No de minute : 66 COUR D'APPEL DE NOUMÉA arrêt du 29 juillet 2021 chambre sociale Numéro R.G. : No RG 19/00070 - No Portalis DBWF-V-B7D-QHJ Décision déférée à la cour : jugement rendu le 30 juillet 2019 par le tribunal du travail de Nouméa (RG no : F 18/155) Saisine de la cour : 19 août 2019 SARL CMI KLEIN, prise en la personne de son représentant légal, Siège social : [Adresse 2] Représentée par la SELARL SOCIETE D'AVOCATS JURISCAL, avocat au barreau de NOUMEA M. [U] [Z] né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3] Représenté par Me Virginie BOITEAU de la SELARL VIRGINIE BOITEAU, avocat au barreau de NOUMEA COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 1er juillet 2021, en audience publique, devant la cour composée de : Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président, Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller, M. Charles TELLIER, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de M. [C] [O]. Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO - contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, - signé par Monsieur Philippe DORCET, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire. *************************************** PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE M. [Z] a eu une relation de travail avec la SARL CMI KLEIN en qualité de soudeur patenté, à compter de l'année 2012. Les parties ont conclu un contrat de travail à durée indéterminée le 7 septembre 2017, prévoyant une période d'essai. M. [Z] a été victime d'un accident de travail à compter du 8 octobre 2017. La période d'essai a été renouvelée jusqu'au 10 janvier 2018. Par voie d'huissier, l'employeur a cependant rompu cette période d'essai le 12 décembre 2017. M. [Z] a contesté la qualification de sa relation de travail avec la SARL CMI KLEIN et la rupture de sa période d'essai. Il a saisi le tribunal du travail de Nouméa par requête introductive d'instance en date du 5 juin 2018. Par jugement en date du 30 juillet 2019, le tribunal du travail de Nouméa a dit que la relation de travail entre M. [Z] et la SARL CMI KLEIN entre le 1er janvier 2012 et le 17 décembre 2017 devait s'analyser en un contrat de travail à durée indéterminée, a dit que la rupture de ce contrat de travail le 17 décembre 2017 devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a fixé à 456.171 FCFP la moyenne des 12 derniers mois de salaire, a condamné la SARL CMI KLEIN à lui verser les sommes suivantes : -273.703 FCFP au titre de l'indemnité légale de licenciement -912.342 FCFP au titre de l'indemnité compensatrice de préavis -91.234 FCFP au titre des congés payés sur préavis -2.792.019 FCFP au titre des rappels de salaires -2.280.855 FCFP au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés -492.660 FCFP au titre de prime d'ancienneté -2.280.855 FCFP au titre de la prime de fin d'année, soit une somme totale de 9.123.668 FCFP au titre des créances salariales, -5.017.881 FCFP au titre de l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse -456.171 FCFP au titre de l'indemnisation du préjudice moral,soit une somme totale de 5.474.052 FCFP au titre des dommages et intérêts ; Le tribunal a également dit que ces sommes porteraient intérêts au taux légal à compter de la requête s'agissant des créances salariales et à compter de la notification de la décision s'agissant des créances indemnitaires, a enjoint la SARL CMI KLEIN à remettre à M. [Z] son certificat de travail et ses bulletins de paie rectifiés ainsi qu'à régulariser sa situation auprès des organismes sociaux dans le mois suivant la signification du jugement et dans la limite de la prescription quinquennale, soit pour les mois de juin 2013 à décembre 2017, sous astreinte de 5.000 FCFP par jour passé ce délai. Le tribunal a en outre débouté M. [Z] de ses autres demandes, a débouté la SARL CMI KLEIN de l'ensemble de ses demandes, a rappelé que l'exécution provisoire était de droit dans la limite des dispositions de l'article 886-2 du code de procédure civile, a ordonné l'exécution provisoire sur la moitié des dommages et intérêts, a condamné la SARL CMI KLEIN à 150.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens. PROCÉDURE D'APPEL Par requête déposée le 19 août 2019, la SARL CMI KLEIN a fait appel du jugement du 30 juillet 2019. Dans ses dernières écritures, à savoir son mémoire ampliatif déposé le 26 novembre 2019, la SARL CMI KLEIN demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de dire que M. [Z] a toujours collaboré en qualité de prestataire indépendant entre 2011/2012 et 2017, de dire qu'il n'apporte pas la preuve de l'existence d'un contrat de travail et en particulier d'un lien de subordination avec elle et en conséquence de le débouter de ses demandes. Elle demande à la cour de dire et juger que la rupture de l'essai de M. [Z] est régulière et de le débouter de ses demandes, et en tout état de cause de condamner M. [Z] à lui verser 300.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Dans ses dernières écritures, à savoir un mémoire en réponse avec appel incident déposé le 8 septembre 2020, M. [Z] demande à la cour de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a requalifié les relations de travail entre lui et la société CMI KLEIN en contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 1er janvier 2012, de constater que la SARL CMI KLEIN a gravement manqué à ses obligations contractuelles, que la rupture du contrat de travail sans justes motifs doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de confirmer le jugement au titre du salaire de référence et des sommes allouées à titre d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis, du rappel de salaires, du rappel de congés payés, du rappel de primes d'ancienneté, de rappel sur primes de fin d'année et au titre des frais irrépétibles de première instance. Il demande à la cour de réformer le jugement entrepris pour le surplus, de condamner la SARL CMI KLEIN à lui verser les sommes de 6.386.394 FCFP à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2.500.000 FCFP en réparation du préjudice moral et financier, de dire que les sommes dues produiront intérêts à compter de la décision pour les créances indemnitaires et à compter de la requête introductive pour les créances salariales, d'ordonner à l'employeur sous astreinte de 50.000 FCFP par jour de retard de régulariser les cotisations CAFAT et CRE et de remettre au salarié les documents sociaux rectifiés, et de condamner la SARL CMI KLEIN à 350.000 FCFP au titre des frais irrépétibles en appel. MOTIFS DE LA DÉCISION Attendu que la SARL CMI KLEIN conteste la requalification opérée par les premiers juges au motif que M. [Z], patenté, est présumé travailleur indépendant et ne rapporte pas la preuve de liens de subordination permettant une requalification en contrat de travail ; qu'elle soutient que M. [Z] avait une entité juridique propre, que le contrat de sous-traitance était valide, qu'il n'avait aucune directive imposée, que les modalités d'exécution des travaux étaient générales, qu'aucune sanction disciplinaire n'était prévue au contrat, de même qu'aucune clause d'exclusivité ou de non-concurrence ; Attendu que la preuve de l'existence d'un contrat de travail se rapporte par tous moyens et ne dépend ni de la volonté des parties ni de la dénomination qu'elles ont donné à leurs conventions, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle ; que le critère essentiel est le lien de subordination entre la personne qui se dit salariée et celle qu'elle désigne comme son employeur, ce lien étant caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; Attendu qu'il peut être considéré que M. [Z] rapporte la preuve d'une certaine dépendance économique née du fait qu'il travaillait de manière quasi exclusive pour la SARL CMI KLEIN, à temps plein ou presque, en tout cas à compter de 2016 ; qu'il démontre également qu'il devait travailler sur les chantiers de la SARL CMI KLEIN en suivant des instructions, ainsi que des attestations le démontrent, selon des horaires et une organisation prévus par la SARL CMI KLEIN, et avec un équipement et selon des formations fournis par celle-ci ; Attendu que pour autant, sauf à dénaturer les notions de patente et de sous-traitance, il ne peut y avoir de contrat de travail que lorsque tous les critères précités sont cumulés ; qu'il est en effet logique que le travail sur un chantier réponde à une organisation précise du maître d'oeuvre, et que les sous-traitants patentés, en fonction de leurs missions et de leur spécialité, doivent travailler en équipe, une telle organisation nécessitant de suivre des consignes et des horaires ; qu'en outre, M. [Z] n'était pas contractuellement contraint de réserver ses services à la SARL CMI KLEIN, faute de clause de non-concurrence ou d'exclusivité entre les parties ; Attendu qu'il manque au final un critère essentiel, celui du pouvoir de sanction, qui marque la différence entre un salarié d'une entreprise, soumis à une réelle subordination hiérarchique, et un patenté qui travaille pour une entreprise dans le cadre d'équipes sur des chantiers ; que le pouvoir de sanction de l'appelante n'est nullement explicité et démontré en l'espèce ; Attendu qu'en conséquence, il n'y a pas de cumul de l'ensemble des critères nécessaires pour considérer que M. [Z] était lié, dans le cadre de son travail de patenté, à la SARL CMI KLEIN par ce qui devrait s'analyser comme un contrat de travail ; qu'il y a lieu à infirmation de la décision déférée et au débouté des demandes de M. [Z] ; qu'il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que M. [Z] sera condamné aux dépens ; PAR CES MOTIFS Infirme le jugement déféré ; Déboute M. [Z] de l'ensemble de ses demandes ; Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne M. [Z] aux dépens. Le greffier,Le président.
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No de minute : 63 COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 29 Juillet 2021 Chambre sociale Numéro R.G. : No RG 19/00033 - No Portalis DBWF-V-B7D-P5T Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Avril 2019 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG no :17/084) Saisine de la cour : 03 Mai 2019 SA AIR CALEDONIE INTERNATIONAL, prise en la personne de son représentant légal en exercice, Siège social : [Adresse 4] Représentée par Me Palmyre MOLET de la SELARL PALMYRE MOLET-AVOCAT, avocat au barreau de NOUMEA Mme [L] [B] née le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 5] (ILE MAURICE), demeurant [Adresse 1] Représentée par Me Cécile MORESCO de la SELARL AGUILA-MORESCO, avocat au barreau de NOUMEA COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 27 Mai 2021, en audience publique, devant la cour composée de : Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président, M. François BILLON, Conseiller, Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Claude XIVECAS. Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO - contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, le 15/07/2021 le délibéré a été prorogé au 26/07/2021, puis au 29/07/2021 - signé par Monsieur Philippe DORCET, président, et par M. Petelo GOGO, greffier auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire. *************************************** PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE [Y], [R], [L] [X] épouse [B], se faisant appeler par usage [L] [B], a été embauchée par la société AIR CALEDONIE INTERNATIONAL par contrat à durée indéterminée en date du 2 décembre 2002, en qualité de documentaliste aéronautique. Par avenant en date du 28 octobre 2010, elle était affectée au poste d'agent documentaliste et de gestion dans le département sûreté et gestion de crise. Début mars 2015, les relations entre les trois personnes composant ce service se dégradaient, et le 10 mars 2015, [V] [T], responsable du service, lui remettait une convocation à un entretien préalable émanant de la Direction des ressources humaines lui demandant de le signer. [L] [B] et [V] [T] reconnaissaient avoir alors eu ensemble une altercation, de sorte que cette lettre de convocation n'était pas officiellement remise en main propre faute de signature, et la convocation à entretien préalable était notifiée par huissier de justice le 12 mars 2015 pour le 19 mars 2015. A la suite des faits survenus le 10 mars 2015, il était établi au profit d'[L] [B] une déclaration d'accident du travail avec certificat médical prescrivant une incapacité totale de travail de 5 jours et un arrêt de travail jusqu'au 18 mars 2015 prolongé jusqu'au 28 septembre 2015. À l'occasion de l'entretien préalable du 12 mars 2015, elle se voyait notifier sa mise à pied à titre conservatoire et par un courrier du 18 mars 2015, l'employeur reportait l'entretien. [L] [B] obtenait un entretien avec le Directeur général, [J] [U], le 21 avril 2015. Par courrier en date du 24 avril 2015, remis par huissier de justice, le 25 avril 2015, la société AIR CALEDONIE INTERNATIONAL notifiait à [L] [B] son licenciement pour faute grave en ces termes : < Par courrier du 12 mars 2015 remis par huissier de justice à votre domicile à cette même date, vous avez été convoquée à un entretien préalable le 19 mars 2015, afin de recueillir vos explications sur les faits qui nous ont conduits à envisager à votre égard, une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement. Compte tenu de votre nouvel arrêt-maladie en date du 17 mars 2015 et des horaires de sortie en découlant (14h-17h), nous vous avons de nouveau fait remettre, en date du 18 mars 2015, une nouvelle convocation à entretien préalable, le 27 mars 2015 à 15 heures, afin de vous permettre d'y assister, conformément aux recommandations médicales. Suite à cet entretien préalable auquel vous ne vous êtes pas présentée, et bien que nous ayons fait en sorte de vous permettre d'y assister afin de recueillir vos explications éventuelles sur les faits reprochés, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave, compte tenu des faits suivants : *le jeudi 5 mars 2015, en début d'après-midi, vous avez eu un échange avec votre responsable hiérarchique, [V] [T] s'agissant des modalités de déménagement de l'équipe, du siège situé [Adresse 3], vers l'immeuble du Manhattan situé à quelques mètres. A cette occasion, celle-ci vous a confirmé la date de ce déménagement fixé le lundi 9 mars 2015 à partir de 8 heures et vous a indiqué la façon dont celui-ci allait s'organiser, à savoir , préparation des cartons par chacun des salariés de l'équipe le vendredi 6 mars 2015 après-midi, et présence de chacun le lundi 9 mars 2015 à partir de 8 heures et non 7h30, afin de finaliser le déménagement, en présence de l'équipe technique (débranchement des ordinateurs et des téléphones, mise en carton du matériel informatique). Lors de cet échange, vous avez informé votre responsable hiérarchique que vous vous étiez déjà organisée dans le cadre de ce déménagement et que vous aviez choisi le bureau que vous alliez occuper. Dans ce cadre, il a été constaté que vous aviez fait intevenir un prestataire, sans autorisation préalable. Cette initiative a été prise sans tenir compte des choix et de la décision arrêtée par votre hiérarchie en matière d'emplacement des collaborateurs de l'équipe, lequel vous avait été présenté le lundi 16 février dernier, proposition vous ayant par ailleurs été faite de visiter les locaux, afin de vous faire une idée plus précise de l'emplacement de chacun. Lorsque votre responsable hiérarchique vous a, à juste titre, fait remarquer que cette décision ne vous appartenait pas mais relevait bien de sa décision, au regard de l'organisation de l'équipe et des contraintes de l'activité de chacun, vous vous êtes de nouveau opposée à ce choix. Vous avez tenu des propos désobligeants (« vous n'êtes qu'une menteuse », « ce déménagement est une erreur et c'est de votre faute ?? . . .) à son encontre, remettant ainsi ouvertement en cause son pouvoir de décision et sa légitimité tant au sein de l'équipe, qu'au sein de la Compagnie. Or vous n'êtes pas censée ignorer que ce déménagement relève d'une décision de la Compagnie visant à libérer de l'espace au sein du siège, afin de regrouper notamment une partie des salariés de la Direction commerciale et marketing. Ainsi, cette mesure s'impose à vous, et rien ne vous autorise à tenir de tels propos à l'égard de votre hiérarchie directe. ll est en effet indispensable qu'en tant qu'agent documentaliste de gestion au sein du département sûreté et gestion de crise, vous soyez installée physiquement dans les locaux attribués aux départements, et ce pour des raisons évidentes d'activité et de bonne gestion des dossiers. * Le vendredi 6 mars 2015, vous avez été invitée par votre Responsable à échanger de nouveau sur les faits de la veille, celle-ci souhaitant en effet vous rappeler, d'une part, les circonstances dans lesquelles a été prise cette décision et sa volonté de rester à l'écoute des salariés de l'équipe, afin d'appréhender au mieux ces changements logistiques, d'autre part, que vous n'étiez pas en droit de demander l'intervention d'un prestataire sans en avoir préalablement informé le service concerné, ainsi que votre hiérarchie. A cette occasion, vous avez de nouveau eu un comportement agressif à l'égard de votre responsable en répétant à plusieurs reprises, notamment que celle-ci « racontait des imbécilités des idioties ??. *Le lundi 9 mars 2015, alors que votre responsable a évoqué avec vous les modalités de rattrapage de votre demi-heure du fait de votre embauche à 8 heures au lieu de 7h30 le matin même, vous lui avez indiqué, ne pas avoir respecté cette demande, au motif d'une part que celle-ci n'avait pas été formalisée par écrit et d'autre part que vos horaires de travail étaient les suivants .' 7h30-11h30/12h30-16h30 et 15h30 le vendredi après-midi. Outre le fait que ces horaires de travail ne sont pas contractualisés mais relèvent davantage de votre organisation personnelle, nous vous rappelons qu'il n'est pas incongru, dans le cadre de relations normales au travail, que votre Responsable hiérarchique puisse être amené à vous demander d'adapter ces horaires, à l'occasion d'un événement exceptionnel, et ce dans l'intérét de l'activité du service et/ou de l'entreprise. Le même jour, alors que vous quittiez l'entreprise en même temps que votre Responsable, et suite aux échanges que vous aviez eu au cours de la semaine, vous lui avez crié à l'oreille qu'elle était « ...de toute façon, une grande malade ??. L'ensemble de ces faits démontre votre incapacité d'une part à accepter les directives émanant de votre hiérarchie, en remettant systématiquement en cause les décisions prises, et d'autre part à maîtriser vos émotions, en ayant des propos inadaptés et méprisant à l'égard de votre Responsable. Compte tenu de l'ensemble des faits observés les jours passés, votre Responsable, vous a demandé, le mardi 10 mars 2015, de venir dans son bureau, afin de vous remettre, en mains propres, une première convocation à entretien préalable fixée le 18 mars 2015. A la lecture de ce courrier, vous vous êtes levée précipitamment, avec entre les mains, un exemplaire dont vous deviez accuser réception. Après plusieurs demandes de votre Responsable, restées infructueuses, d'en accuser réception, celle-ci vous a demandé de lui rendre ce courrier. Alors qu'elle s'est approchée de vous tendant la main, vous vous êtes débattue et lui avez porté un coup violent au thorax, avant de disparaître du bureau. Un tel comportement est inadmissible dans le cadre de relations professionnelles, et ce d'autant plus que l'attitude et les propos de votre responsable hiérarchique ont toujours été courtois à votre égard, malgré l'attitude irrespectueuse que vous avez eue à plusieurs reprises à son encontre. Comme rappelé, de tels faits témoignent de votre incapacité à vous maîtriser, tant dans vos paroles que dans vos actes et nous ne pouvons accepter de tels comportements de violence au sein de la Compagnie. Les dispositions de l'article 2-7 du Règlement Intérieur, applicables dans l'entreprise précisent en effet que «... tout salarié de l'entreprise a droit à des relations de travail empreintes de respect et exempte de toute forme de violence. Toute personne a le devoir de contribuer, par son comportement au respect de ce droit ??. Compte tenu de ces éléments, il nous est impossible de poursuivre notre collaboration avec vous, les faits constatés constituant un manquement caractérisé et fautif aux règles élémentaires de discipline et de respect applicables au sein de la Compagnie. Dans ce cadre et au regard des circonstances, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave. Nous vous confirmons pour les mêmes raisons, la mise à pied à titre conservatoire dont vous faites l'objet depuis le 12 mars 2015. Le licenciement prend donc effet immédiatement dès réception de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date. La DRHHS vous communiquera, dès que possible, votre solde de tout compte, ainsi que votre certificat de travail et récupérera à cette occasion votre badge d'accès. Nous restons par ailleurs à votre disposition, afin que vous puissiez également récupérer vos éventuels effets personnels ??. [L] [B] contestait son licenciement pour faute grave. Par requête introductive d'instance enregistrée le 17 octobre 2017, [L] [B] faisait convoquer la SA AlR,CALEDONIE INTERNATIONAL devant le Tribunal du travail de NOUMEA aux fins : - de dire et juger que le licenciement pour faute grave d'[L] [B] est nul et sans cause réelle et sérieuse, - d'ordonner à titre principal la réintégration d'[L] [B] et le versement de tous les salaires non perçus depuis sa mise à pied à titre conservatoire, assortie des avantages aériens dont elle bénéficiait, - de condamner à titre subsidiaire la société AIR CALEDONIE INTERNATIONAL à lui verser les sommes de : * 8 788 860 F CFP à titre de dommages intérêts pour licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse, * 13 000 000 F CFP à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, * 280 755 F CFP au titre de l'indemnité légale de licenciement, * 732 405 F CFP au titre du préavis, * 73 240 F CFP au titre des congés payés sur préavis, - d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, - de condamner la société AIR CALEDONIE INTERNATIONAL à verser à [L] [B] la somme de 350 000 F CFP au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Par jugement du 30 avril 2019, le Tribunal du Travail de Nouméa a : - Dit que le licenciement de Mme [L] [B] pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse, - Fixé à 244 135 Fcfp la moyenne des 3 derniers mois de salaire, - Débouté Mme [L] [B] de sa demande de réintégration -Condamné la SA AIR CALEDONIE INTERNATIONAL à payer à [L] [X] épouse [B] les sommes de : . Au titre des créances salariales : * 280 755 FCFP au titre de l'indemnité légale de licenciement, * 732 405 FCFP au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, * 73 240 FCFP au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, [soit une somme totale de 1 086 400 F CFP ] . Au titre des créances indemnitaires (dommages-intérêts) . *3 906 160 FCFP au titre de l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse, * 244 135 F CFP au titre de l'indemnisation du préjudice moral, [soit une somme totale de 4 150 295 F CFP au titre des dommages-intérêts.] - Débouté la SA AIR CALEDONIE INTERNATIONAL partie succombante, de l' ensemble de ses demandes, - Rappelé que l'exécution provisoire est de droit dans la limite des dispositions de Particle 886-2 du Code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, - Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision sur la moitié des dommages-intérêts alloués, -Condamné la SA AIR CALEDONIE INTERNATIONAL à payer à [Y], [R], [L] [X] épouse [B] la somme de 180 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles prévus à l'article 700 du Code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, - Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens. Pour se déterminer ainsi, les premiers juges ont considéré que l'employeur ne rapportait pas la preuve des fautes alléguées à l'encontre de la salariée. PROCÉDURE D'APPEL Par requête du 03/05/2019, la SA AIR CALEDONIA INTERNATIONAL a fait appel de la décision rendue et demande à la Cour, dans son mémoire ampliatif du 01/08/2019, et ses dernières écritures du 10/08/2020 d'infirmer la décision rendue par le Tribunal du Travail et statuant à nouveau de : - Constater le bien fondé du licenciement de Mme [L] [B] pour faute grave, - débouter Mme [L] [B] de ses demandes indemnitaires, - condamner Mme [L] [B] à payer la somme de 500 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile Elle reprend les moyens développés en première instance et fait valoir que le comportement violent et les propos injurieux tenus à l'encontre du supérieur hiérarchique, Mme [V] [T] constituent des actes intentionnels qui revêtent une particulière gravité rendant le maintien du lien de travail impossible. Que le premier juge n'a pas attaché suffisamment d'importance à l'attestation et au témoignage de Mme [N] [F] qui déclare que Mme [L] [B] était très agressive et que ce n'était pas la première fois qu'elle était témoin du comportement irrespectueux de Mme [L] [B]. Que de surcroît dans sa déclaration d'accident du travail, ll est bien fait état que la main gauche de Mme [L] [B] a touché le thorax de [V] [T] ; que le caractère volontaire du coup n'est pas contesté et ressort de l'état de fureur hystérique dans lequel se trouvait Mme [L] [B]) et sa fuite précipitée. Dans ces conditions, l'attestation de Mme [F] qui a été témoin des faits a une valeur probante certaine ; qu'elle est corroborée par la plainte pénale de [V] [T] et par la déclaration d'accident de travail. Par ailleurs, la SA AIR CALEDONIA INTERNATIONAL argue de l'insubordination de Mme [B] qui a refusé à plusieurs reprises de tenir compte des instructions de sa supérieure hiérarchique en remettant en cause les décisions relatives au déménagement du service, au suivi d'une formation sur un logiciel autant de mauvaise volonté et de refus qui constituent des fautes graves ne permettant pas le maintien de la salariée dans l'entreprise. Par conclusions d'appel incident du 02/10/2019 et 17/03/2020, Mme [L] [B] demande à la cour d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a été déboutée de sa demande de réintégration et statuant à nouveau de ce chef : A titre principal, - Ordonner la réintégration de Mme [L] [B] avec versement de tous les salaires non perçus depuis sa mise à pied assortis des avantages aériens dont elle bénéficiait. Elle soutient à cet égard que la réintégration est de droit lorsque la salariée a été victime de harcèlement moral ce qui est le cas en l'espèce. - A titre subsidiaire, infirmer le jugement sur les montants portant sur les demandes indemnisataires et statuant à nouveau condamner la SA AIR CALEDONIA INTERNATIONAL à payer à Mme [L] [B] les sommes de : - 8 788 860 Fcfp à titre de dommages et intérêts pour licenciement non causé, - 13 millions de francs pour licencenciement vexatoire. En tout état de cause, - condamner la SA AIR CALEDONIA INTERNATIONAL à payer à Mme [L] [B] ; * la somme de 55 658 407 Fcfp au titre de sa perte de chances de pouvoir bénéficier des avantages aériens jusqu'à sa retraite ; * la somme de 24 755 358 Fcfp au titre de sa perte de chance des droits à la retraite ; - la somme de 350 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile Elle développe sur la question du licenciement non causé les moyens de défense soutenus devant le Tribunal du Travail se plaignant de l'absence de preuve des griefs allégués. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur le harcèlement Mme [L] [B] invoque pour la première fois en cause d'appel des faits de harcèlement moral pour soutenir que son licenciement est nul et qu'elle doit être réintégrée. Selon l'article L. 114-1 du code du travail de Nouvelle Calédonie : " Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.>> Aux termes de l'article Lp 114-1 al 1 du même code "Sont constitutifs de harcèlements morals les agissements répérés à l'encontre d'une personne ayant pour objet une dégradation de ses conditions de travail, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel." Mme [L] [B] invoque les faits suivants : au cours de la journée du 12 mars 2015 (en fait 10 mars), elle aurait été victime des agissements répétés de son employeur en ce que sa supérieure hiérarchique, Mme [V] [T], lui aurait crié dessus et l'aurait poussée violemment. De tels faits ne constituent pas des faits répétés susceptibles de constituer une dégradation des conditions de travail de la salariée. Ils se sont déroulés dans un laps de temps tout entier contenu dans une demi-matinée et s'analysent comme un phénomène ponctuel de violences dont l'imputabilité de leur déclenchement est contestée puisqu'ils font l'objet de la présente instance. La cour relève au demeurant que Mme [L] [B] ne s'était jamais plainte jusqu'à son licenciement de faits de harcèlement. Ce moyen se révèle n'être qu'un ajustement de cause à l'effet d'obtenir sa réintégration. Aucun élément probant ne vient le conforter. Le harcèlement moral n'étant pas constitué, la demande en réintégration sera rejetée de ce chef. Sur le licenciement pour faute La faute grave est définie comme celle résultant de tout fait (ou ensemble de faits), non déjà sanctionné, imputable au salarié (Cour de cassation, 23 février 2005) constituant une violation des obligations découlant de son contrat ou de sa fonction d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l‘employé dans la société concernée pendant la durée du préavis théorique (Cour de cassation, 26 février 1991) et situe nécessairement le débat sur le terrain disciplinaire. La preuve en incombe à l'employeur seul. En l'espèce, le Tribunal du Travail sera approuvé pour avoir débouté la SA AIR CALEDONIA INTERNATIONAL de sa demande en considérant que la preuve d'une faute grave n'était pas rapportée. Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, il est reproché à Mme [L] [B] deux types de faits: - des actes d'insubordination manifestés (selon l'employeur) par une incapacité à accepter les directives émanant de la hiérarchie et la tenue de propos inadaptés ; - des violences physiques et par paroles ; Concernant les faits du jeudi 05 mars, vendredi 06 mars et lundi 09 mars 2015 (intervention d'un prestataire extérieur pour un changement d'ampoule, choix d'emplacement de son bureau finalement accepté par la salariée, contestation de l'horaire ), ils s'analysent en des reproches mineurs non susceptibles de caractériser une faute grave. Les propos désobligeants qui auraient été tenus au cours de cette même période, tels qu'évoqués dans la lettre de licenciement sont contestés par la salariée ; aucune preuve de leur existence n'est rapportée par l'employeur. Les propos soit-disant tenus par Mme [L] [B] n'ont pas eu de témoins et ils n'ont fait l'objet d'aucun rapport le jour même de leur expression. Ils ne peuvent être retenus. De surcroît, ils ne viennent pas corroborer un comportement antérieur d'insubordination. S'agissant d'une employée qui comptabilisait près de 13 ans de carrière au jour du licenciement, l'employeur ne verse au dossier aucune des évaluations annuelles de l'intéressée qui pourraient colorer les griefs qu'il allègue concernant l'attitude de sa salariée. Au contraire, Mme [L] [B] justifie qu'elle était appréciée par sa hiérarchie. Son ancien supérieur, M. [P] [E], lorsqu'il est parti le 25/0652014 a tenu, par courriel, à la remercier de ses efforts et de son investissement et ce mail est produit aux débats. Est également versé à la procédure par Mme [L] [B], le compte rendu d'audit qualité dressé le 18/07/2008 qui montre que le service documentation auquel elle appartenait à l'époque donnait toute satisfaction. La SA AIR CALEDONIA INTERNATIONAL, remet pour sa part, une pièce intitulée " mémorandum" datée du 31/07/2013 faisant état des principales difficultés rencontrées avec Mme [L] [B] par son supérieur hiérarchique. La cour relève que ce document dont on ignore la raison, les circonstances de son établissement, à quelle personne, il était destiné et à quelle date, il a vraiment été établi, est renseigné par Mme [T] qui est précisément le supérieur en cause dans le présent litige. La cour considère que cette pièce, qui n'émane pas d'un tiers et qui n'est pas corrélée avec les évaluations de Mme [L] [B] , est spécieuse et partiale ; elle sera écartée comme telle. En l‘absence de tout élément probant apporté par la SA AIR CALEDONIA INTERNATIONAL, l'insubordination alléguée à l'encontre de la salariée n'est pas caractérisée. Sur les violences Les versions données par Mme [L] [B] et Mme [V] [T] sur leur altercation diffèrent entièrement . Selon Mme [L] [B], ayant reçu la lettre de convocation et ne comprenant pas pourquoi elle était convoquée, elle était retournée dans son bureau pour verrouiller l'ordinateur dans l'intention de se rendre chez la DRH pour solliciter des explications. Mme [V] [T] l'a suivie, l'a empêchée de sortir en la repoussant violemment avec ses deux mains sur ses épaules. Par ce mouvement, elle a basculé en arrière et pour éviter de tomber, elle s'est retenue au coin du bureau, mouvement qui lui a occasionné des douleurs au niveau des épaules et du cou . Selon Mme [V] [T], ainsi qu'elle le relate devant les services de police, elle a demandé à Mme [L] [B] de venir dans son bureau pour lui remettre la convocation à un entretien préalable avec la DRH. "Après l'avoir lue, Mme [L] [B] s'est levée précipitamment et s'est rendue dans son bureau ; je l'ai suivie afin qu'elle signe le courrier ou me le rende. J'étais face à elle pour tenter de recouvrer la lettre. Elle était agitée et bougeait ses bras en tous les sens et lorsqu'elle a voulu sortir du bureau, ses mains ont effleuré les miennes. Cependant lorsque ma main droite a touché sa main gauche, cette main a rebondi fortement sur mon thorax après quoi, elle est sortie du bureau en criant dans un état hystérique." La SA AIR CALEDONIA INTERNATIONAL reproche aux premiers juges de n'avoir pas tiré toutes les conséquences du témoignage de Mme [N] [F]. Mme [N] [F] a attesté comme suit : "Mme [V] [T] a convoqué Mme [L] [B] dans son bureau qui se situe en face du mien. A peine 5 minutes passées, après être entrée, Mme [L] [B] est ressortie comme une furie en ouvrant violemment la porte du bureau de Mme [V] [T] et en marmonant "" attendez, non mais attendez , vous voulez que je signe, je reviens, je vais signer ". Mme [L] [B] s'est alors précipitamment dirigée vers son bureau, suivie par Mme [V] [T] ( ...) J'ai vu qu'elles se trouvaient devant le bureau de Mme [L] [B] qui récupérait son portable, ses clés et verrouillait son poste de travail. Mme [V] [T] lui disait calmement "[L], dites moi juste si vous signez ou pas". Mme [L] [B], toujours agitée n'écoutait pas . Elle s'est ensuite dirigée vers la sortie toujours suivie de Mme [V] [T] qui essayait de la calmer (... )Elles se trouvaient devant les bureaux de passage lorsque Mme [V] [T] a tendu le bras vers Mme [L] [B] qui s'est écartée violemment de Mme [V] [T] qui s'est vue obligée de reculer d'un pas. Mme [L] [B] s'est ensuite enfuie en courant en disant qu'elle allait chez le DRH (...). J'ai constaté que Mme [V] [T] était blême et choquée (...) je rajouterai que ce n'est pas la première fois depuis mon arrivée que je suis témoin du comportement irrespectueux de Mme [L] [B] envers Mme [V] [T]." Il ne ressort pas des déclarations de la salariée que Mme [L] [B] a porté un coup à Mme [V] [T] et au surplus que ce coup aurait été donné intentionnellement. Le témoin, qui était bien placé pour voir la scène, atteste n'avoir vu qu'une personne agitée. Au demeurant, Mme [N] [F] a témoigné en ce sens devant les services de la CAFAT qui ont admis les faits du 10 mars 2015 comme relevant de l'accident de travail. Il ressort, en effet, du rapport d'enquête que Mme [N] [F] entendue au vu de son attestation écrite qui faisait abstraction de l'altercation physique a déclaré qu'elle se tenait à 6 mètres et qu'elle s'était faite discrète. Elle ajoutait qu'elle ne pouvait confirmer si l'une ou l'autre partie a porté un quelconque coup. Elle confirmait cependant avoir vu Mme [V] [T] tendre la main vers Mme [L] [B] qui a aussitôt fait de grands gestes avant de quitter le service. En considérant que le témoignage de Mme [N] [F] ne permettait pas d‘établir la réalité des violences physiques, le Tribunal du Travail n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis. La cour, à son tour, ne peut que constater que l'employeur ne démontre pas l'existence des griefs de violences alléguées à l'encontre de la salariée, la violence s'entendant d'un comportement et d'actes intentionnels. A titre surabondant, il ne résulte pas de l'attestation de Mme [N] [F] que l'intimée se montrait irrespectueuse envers sa hiérarchie. Le témoin se contente d'une appréciation vague sans préciser ni les circonstances de faits ni de date où elle aurait été témoin de propos ou d'attitudes irrespectueuses. Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement était intervenu sans cause réelle et sérieuse Sur la réintégration L'article LP 127-3 dispose : "Au cours des périodes de suspension, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail (CDI) que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie..." L'article LP 127-8 ajoute que toute rupture du contrat prononcée en méconnaissance des dispositions de l'article LP 127-3 est nulle. Mme [L] [B] excipe de ses dispositions pour soutenir que son licenciement est nul et qu'elle doit être réintégrée . L'accident du travail n'empêche pas l'employeur de licencier pour faute grave. Si la faute grave n'est pas reconnue, la sanction d'un licenciement non causé n'emporte pas réintégration de plein droit laquelle suppose l'accord des deux parties, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Sur l'indemnisation 1/ Sur les dommages et intérêts pour licenciement non causé. En allouant à la salariée, à titre d'indemnisation 16 mois de salaire après avoir pris en compte que Mme [L] [B] était âgée de 53 ans au jour du licenciement et qu'elle comptabilisait 12 ans et 6 mois d'ancienneté dans l'entreprise, le Tribunal du Travail a fait une juste application de l'article du code du travail de Nouvelle Calédonie. 2/ Sur les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire C'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le Tribunal du Travail a retenu que le licenciement, extrêmement rapide alors que les faits étaient contestés et avaient donné lieu par la suite à une reconnaissance d'accident de travail, présentait un caractère vexatoire. La somme de un (1) mois de salaire retenue est satisfactoire. Le jugement sera confirmé de ce chef 3/ Sur les dommages et intérêts pour perte de droits à la retraite et perte des avantages. Il ne résulte pas des textes de loi en vigueur que ce type de préjudice a vocation à être indemnisé dans le cadre d'un licenciement intervenu pour absence de cause réelle et sérieuse. Le principe de la réparation intégrale du préjudice, principe général du droit invoqué par l'intimée, ne s'applique pas aux litiges sociaux régis par des textes spécifiques. La demande de ce chef sera rejetée. Sur l'article 700 Il est équitable d'allouer à l'intimée qui a dû se défendre en appel la somme de 200 000 FCFP . Sur les dépens La SA AIR CALEDONIA INTERNATIONAL succombant supportera les dépens d'appel. Elle supportera également les dépens de première instance, la procédure devant le Tribunal du Travail n'en étant pas exempte. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme la décision en toutes ses dispositions excepté sur les dépens, Y ajoutant, Condamne la SA AIR CALEDONIA INTERNATIONAL à payer à Mme [L] [B] la somme de 200 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile Condamne la SA AIR CALEDONIA INTERNATIONNAL aux dépens d'appel et de première instance Le greffier,Le président.
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No de minute : 67 COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 29 Juillet 2021 Chambre sociale Numéro R.G. : No RG 20/00021 - No Portalis DBWF-V-B7E-Q47 Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Février 2020 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG no :17/233) Saisine de la cour : 23 Mars 2020 M. [E] [M] né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3] Représenté par Me Nathalie LEPAPE, avocat au barreau de NOUMEA Société D'IMPORTATION AUTOMOBILE SIA, Siège social : [Adresse 1] Représentée par Me Noémie KOZLOWSKI, avocat au barreau de NOUMEA COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 01 Juillet 2021, en audience publique, devant la cour composée de : Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président, Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller, M. Charles TELLIER, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de Monsieur Philippe DORCET. Greffier lors des débats et lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO - contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, - signé par Monsieur Philippe DORCET, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire. *************************************** PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE Par lettre d'engagement datée du 12 août 2015, monsieur [E] [M] était recruté à compter du 24 août 2015, par la SAS société d'importation automobile (SIA) en qualité de responsable de concession, statut cadre, sous l'autorité directe du gérant, moyennant un salaire mensuel brut forfaitaire de 650.000 XPF outre le versement d'une prime de 13o mois, un intéressement, la mise à disposition d'un véhicule de fonction avec prise en charge de l'entretien du véhicule, de l'assurance,... Selon courrier daté du 20 juin 2017 remis en mains propres le même jour, M. [M] était convoqué à un entretien fixé au 23 juin 2017 préalable à une éventuelle mesure de licenciement. Le 27 juin 2017, la société SIA adressait à M.[M] un courrier LR/AR lui notifiant son licenciement pour cause réelle et sérieuse; Ce courrier était rédigé selon les termes suivants : « (....) Nous vous notifions votre licenciement pour cause réelle et sérieuse, pour les motifs ci-dessous rappelés. Depuis votre embauche au sein de notre société le 24 août 2015, vous ne satisfaites pas aux exigences de votre fonction. Votre comportement est incompatible avec votre poste de Responsable concession. En effet, vous êtes insuffisamment rigoureux, et ce notamment dans l'application des procédures internes, vous prenez des initiatives et / ou des décisions qui outrepassent votre périmètre de responsabilités et vous ne manifestez pas la collaboration nécessaire avec votre direction, ce qui désorganise nécessairement le bon fonctionnement de nos services. Ces différents exemples en témoignent : - Vous n 'appliquez pas avec suffisamment de rigueur la procédure "de livraison" et de " règlement ?? en ne vous informant pas au préalable de la solvabilité des clients et en décidant de règlement différé alors que ce n' est pas dans vos prérogatives exemple : Madame [H] [D], , M et Mme [K] pour la golf GTI..., _ Début avril 2017, nous avons constaté qu'un certain nombre de véhicules étaient livrés sans avoir été facturés au préalable sur la période du mois de mars 2017, ce qui vous a mis en défaut par rapport à la note de service 02/2017 du 17 février 2017. Alors même que vous nous avez confirmé par mail du 19 mai 2017 que cette directive était maintenant respectée, nous avons constaté suite à un contrôle de 13 dossiers du mois d'avril, que 10 dossiers ne respectaient toujours pas cette procédure. - Le barème de commissionnement des vendeurs et la grille tarifaire en vigueur ne sont pas appliqués rigoureusement. Ils sont même modifiés unilatéralement, sans aucune concertation préalable avec votre direction. - Des remises sont consenties aux clients sans accord ni information de votre direction. - votre gestion des congés n'est pas conforme aux procédures et surtout ne permet pas un fonctionnement régulier des services. Ainsi, vous êtes parti en congé sans en informer votre direction. Autre exemple, vous avez accordé un congé de trois semaines à deux vendeurs sur la même période et sur une équipe composée de 4 vendeurs. Vous n'ignorez pourtant pas nos attentes sur ce poste et le cadre de vos responsabilités, qui vous ont été dûment présentés lors de votre embauche, puis rappelés à diverses reprises par votre hiérarchie depuis lors. L'exercice de votre fonction nous démontre que vous ne parvenez pas à respecter ces impératifs professionnels. Les critiques injustifiées régulièrement portées contre votre direction et ses décisions démontrent malheureusement votre incapacité à évoluer positivement. Nous regrettons votre actuel état d'esprit négatif, incompatible avec votre fonction. En effet, si nous respectons votre liberté d'opinion, votre positionnement hiérarchique implique nécessairement de la réserve et surtout une attitude permettant de faire respecter la politique définie par la direction de la société. A défaut, vous mettez nécessairement en risque de bonne organisation de la structure, ce que nous ne pouvons légitimement accepter. Votre comportement n'est en cela pas compatible avec les exigences de votre fonction. Vos difficultés professionnelles sont établies. Leur répétition, malgré nos explications, et votre attitude injustement et ouvertement critique permettent de justifier une rupture de confiance de notre part à votre égard. Nous ne pouvons prendre un tel risque sur un poste comme le vôtre. Dans ces conditions, il nous est impossible de poursuivre notre relation contractuelle." Un reçu pour solde de tout compte en date du 26 septembre 2017 était remis au salarié. PROCÉDURE D'APPEL Selon requête enregistrée le 31 août 2017, complétée par une note en délibéré datée du 31 décembre 2019, M. [M] qui contestait ce licenciement comme irrégulier et abusif a assigné son employeur devant le tribunal du travail aux fins suivantes et demandait que lui soit octroyées à titre de dommages et intérêts 7.800.000 XPF (licenciement sans cause réelle et sérieuse), 1 950 000 XPF (conditions vexatoires et brutales du licenciement) et 1 300 000 XPF (déloyauté dans l'exécution du contrat) ainsi que la somme due au titre de la prime de fin d'année et d'intéressement et 190 000 XPF (article 700) Au principal, il fait valoir, sur la forme, qu'il a été sanctionné brutalement dès la notification du courrier sans mention d'une dispense de préavis et sur le fond, que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse dans la mesure où une perte de confiance telle qu'invoquée dans la lettre de préavis, ne saurait constituer une cause de licenciement à elle seule, l'employeur échouant à la caractériser avec des faits précis. A titre subsidiaire, il rappelle que la société défenderesse qui l'avait confirmé dans son poste à la fin de sa période d'essai le 24 novembre 2015, ne lui a jamais remis de fiche de poste, ni opposé de critiques sur son travail avant son licenciement, observant que les entretiens annuels n'étaient pas organisés au sein de l'entreprise en violation des dispositions légales. A cet égard, et répondant point par point à sa lettre de licenciement, il fait valoir : ·concernant la livraison des véhicules qu'il ne peut lui être reproché ne pas respecter des procédures internes qui ne sont pas formalisées ·s'agissant de la solvabilité des clients que seules les banques ont cette information ; ·que l'usage de livraison des véhicules avant règlement existait déjà avant son arrivée (dossier [D]), ·qu'il a toujours répondu aux sollicitations de sa hiérarchie et en particulier celles de monsieur [B] les 14 juin et 16 août 2016 oralement et par mail ·que l'attestation de madame [X] est de complaisance, ne respecte pas les formes légales et doit être écartée d'autant qu'elle n'a pas de rapport hiérarchique avec lui. ·que SIA échoue à rapporter la preuve une facturation tardive des véhicules livrés en violation de la note de service du 02/2017 du 17 février 2017. ·que l'attestation des commerciaux présents lors d'une réunion du 6 avril 2017 doit être écartée des débats au motif qu'elle ne satisfait pas aux conditions de forme, ·qu'il a toujours respecté le processus interne de validation des commissions versées aux vendeurs en les soumettant trimestriellement a monsieur [P] pour validation et transmission à la DRH, soumettant obligatoirement à la validation de la direction toute décision salariale ou d'animation commerciale. ·qu'en ce qui concerne les remises accordées aux clients sans accord ni information préalable de sa hiérarchie, elles étaient minimes au regard des marges et du type de véhicules vendus, contrairement aux autres concessions du groupe; ·qu'il résulte de sa fiche de poste que la gestion des congés de son équipe lui incombait et qu'il respectait la procédure interne , l'absence de ses collaborateurs placés en congés payés n'impactant pas le bon fonctionnement du service puisqu'il les remplaçait. Il prétendait qu'en réalité, le véritable motif de son licenciement était fondé sur la volonté de le remplacer, la direction ayant trouvé un nouveau candidat dès juin 2017 en la personne de monsieur [J] alors même que les résultats de l'entreprise étaient très bons pendant sa période d'activité. Il rappelait avoir fait preuve de nombreuses initiatives (organisation de réunion d'information auprès de ses collaborateurs, mises en place de procédures internes, analyse de ventes mensuelles et de marché), et d'un engagement indéniable envers le groupe le groupe [P] assurant la responsabilité opérationnelle de l'atelier réparation auto mécanique en plus de son poste sans contrepartie financière de mars 2016 à octobre 2016; Il contestait les chiffres présentés par SIA pour établir son incompétence qu'il déclarait faux et non établis, l'arrivée du nouveau modèle de marque Polo et Tiguan n'étant pas à l'origine des résultats économiques favorables de l'entreprise puisque le véhicule Polo a été commercialisé après son licenciement et que l'ancien modèle Tiguan était en priorité vendu en 2017; ( pièces No19) Enfin, il observait que les primes de fin d'année et d'intéressement lui étaient dues, la société défenderesse ayant uniquement réglé son 13ème mois en septembre 2017. En réponse, la société défenderesse soutenait pour l'essentiel que la procédure était régulière, le salarié ayant été dispensé d'exécuter son préavis et non pas sommé de quitter son emploi sur le champ. Elle lui reprochait des griefs précis tels que rappelés dans la lettre de licenciement dont elle indique rapporter la preuve Pour ce qui est du manque de rigueur dans les procédures, elle rappelait que les livraisons de véhicules devaient avoir lieu uniquement après règlement ou obtention d'une garantie de financement bancaire émanant du client (concrètement la remise d'un chèque de garantie sauf dérogation de la direction). Elle indiquait que le requérant était mal venu à opposer la méconnaissance des procédures puisque d'une part, la direction avait adressé une note de service le 17 février 2017 aux concessions du groupe exigeant une facturation préalable à la livraison des véhicules et d'autre part, elle avait organisé une réunion en présence des commerciaux (pièce SIA no4) et de monsieur [M], afin de leur rappeler ces règles essentielles du métier. Elle avait d'ailleurs alerté M. [M] à plusieurs reprises sur son manque de rigueur et d'implication contraignant la direction générale et le service comptabilité à intervenir à plusieurs reprises ainsi qu'il résulte notamment de l'attestation de madame [X] (pièce No 3 bis) M. [M] persistant à ignorer les règles établies (cf. mail du 19 mai 2017 (pièce SIA no5). Dans le droit fil de ce qui précède, ce dernier décidait unilatéralement d'attribuer des commissions a ses collaborateurs (pièces SIA no 6 et 7) sans aucun accord préalable de sa hiérarchie qu'il mettait en difficulté (cf monsieur [P] le 9 février 2016 à madame [G] (pièce SIA no7) ou accordait des remises significatives aux clients sans accord préalable ce qui entraînait une perte pour la société. Il en allait de même pour les procédures internes de demandes de congés et la gestion de son équipe malgré plusieurs rappels à l'ordre sur ce sujet (absence de pointage, mauvaise planification des congés ayant des connaissances négatives sur le fonctionnement de son service (piéces SIA no 16, 17) . Pour ce qui concerne les chiffres des résultats de l'entreprise produits par le requérant, ceux-ci doivent être pris en compte à l'aune d'un contexte économique difficile et ne sauraient excuser ses insuffisances professionnelles. Enfin, s'agissant des conditions brutales et humiliantes de son licenciement, il n'en apporte aucune preuve. Elle conclut donc au débouté de toutes les demandes et à titre subsidiaire sollicite le versement de la somme de 250.000 FCFP au titre des frais irrépétibles. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la régularité du licenciement L'article Lp. 122-22 dispose que " lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave le salarié a droit : 1o S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, a un préavis déterminé dans les conditions prévues à l'article Lp. 122-38,' 2o S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, a un préavis d'un mois ; 3o S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois. » L'article Lp. 122-24 prévoit qu'en cas de licenciement, l'inobservation du préavis ouvre droit, sauf faute grave du salarié, a une indemnité compensatrice. L'indemnité compensatrice de préavis ne se confond ni avec l'indemnité de licenciement de l'article Lp. 122-2 7, ni avec l'indemnité prévue á l'article Lp. 122-35. L'article Lp. 122-26 du code du travail dispose que "lorsque l'employeur dispense le salarié d'exécuter le préavis, cette dispense n'entraine aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s 'ii avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis. Aucune règle ni délai n'est imposé à l'employeur pour l'informer qu'il dispense un salarié d'exécuter son préavis, sa seule obligation étant de lui régler ce préavis. En l'espèce, la lettre de licenciement précise : " Votre préavis de 3 mois commencera à courir à compter de la date de la première présentation de la présente. Nous vous dispensons de l'exécution de ce préavis qui vous sera intégralement rémunéré. Votre contrat de travail sera rompu à l'expiration du préavis non exécuté." Les dispositions légales ayant été respectées, la procédure est régulière. Sur le bien-fondé du licenciement Le licenciement n'est légitime que s'il est fondé sur une cause réelle et sérieuse, ce qui nécessite la preuve de griefs matériellement vérifiables et objectifs qui sont suffisamment pertinents et rendent inéluctables la rupture du contrat de travail. La perte de confiance de l'employeur ne peut jamais constituer en tant que telle une cause de licenciement, même si elle repose sur des éléments objectifs; seuls ces éléments objectifs peuvent, le cas échéant, constituer une cause de licenciement, mais non la perte de confiance qui a pu en résulter pour l'employeur » (Cass. soc, 29 mai 2001, no 98-46.341, Cass. soc., 31 mars 2004, no 02-40.993, Cass. soc, 30 mars 2005, no 03-41 .380) A l'inverse de ce que soutient M. [M], l'employeur lui reproche des faits précis énumérés dans la lettre de licenciement que sont en substance un manque de rigueur dans l'application des procédures internes, des initiatives hors champ de sa compétence et un manque de collaboration avec sa direction, ce qui désorganise le bon fonctionnement de l'entreprise. Cette série d'insuffisances professionnelles listées par l'employeur doit néanmoins reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation subjective : il convient donc de déterminer si ces faits sont établis et caractérisent l'insuffisance professionnelle retenue par l'employeur. ·Sur le manque de rigueur allégué et le non-respect des procédures internes M. [M] aurait omis de respecter les procédures internes relatives aux livraisons de véhicules qui devaient avoir lieu uniquement après facturation et le règlement ou l'obtention de la garantie de financement bancaire conclue par le client établi par la remise d'un chèque de garantie sauf dérogation de la direction. Il s'agit d'une règle élémentaire – et de bon sens - rappelée à l'occasion d'une note de service en date du 17 février 2017 selon laquelle tous les véhicules livrés devaient être préalablement facturés. M. [M] n'a jamais contesté méconnaitre cette règle ou ne pas avoir eu connaissance de la note de service qui concernait tous les directeurs de concessions. En ce sens, les quatre commerciaux qu'il supervisait ont rédigé une attestation datée du 17 janvier 2018 aux termes de laquelle une réunion avait eu lieu le 6 avril 2017 dans le bureau de M. [M] en présence du directeur M. [B], au vu de difficultés apparues dans les dossiers : la règle selon laquelle il était indispensable de faire signer les bons de commande recto verso a la commande du véhicule et non à la livraison avait été rappelée. Le non-respect de cette règle sur la période d'avril 2017 résulte des pièces produites au débat (Pièce No6 tableau récapitulatif et copie des procès-verbaux de livraisons et factures selon lesquelles sur 36 dossiers, avaient été facturés après la livraison). La valeur probante de cette attestation n'est pas contestable compte tenu de son caractère précis et circonstancié et du fait. Lors d'un échange de mail en date des 16 et 19 mai entre M. [B] et M. [M], ce dernier lui confirme, qu'à une exception près, la règle « pas de livraisons sur le véhicule qui n'est pas facturé "a été respectée Ce rappel énergique n'a cependant guère été suivi d'effets et les commerciaux qu'il encadrait n'ont guère été rappelé à l'ordre. En outre, cette règle commerciale élémentaire soit strictement appliquée par les commerciaux, alors qu'il résulte expressément de sa fiche de poste qui lui avait été adressée lors de son engagement (Pièce 22 défenderesse) qu'il lui appartenait de faire respecter les règles commerciales. Dans le prolongement de ce qui vient d'être exposé, il s'avère en outre, qu'à plusieurs reprises alors qu'il était chargé de faire appliquer les procédures de vente, M. [M] ne s'assurait du paiement intégral à la livraison ou de ce qu'une garantie de règlement bancaire avait été souscrite par le client confirmant l'accord du prêt sollicité. Ainsi par exemple d'un dossier [D] où un solde de 433 150 XPF n'a été réglé que suite à une intervention du directeur e juin 2017 soit trois mois après la livraison du 03 avril 2017. De même pour un dossier NATAF, où il a pris la décision d'un règlement échelonné par chèques pour une vente du 1er mars 2017 sans s'assurer auprès de la banque que le compte était bien provisionné de sorte qu'un chèque est revenu non approvisionné. C'est en vain qu'est invoqué le secret bancaire puisqu'il suffisait de solliciter du client une attestation de la banque sur sa situation financière ou un chèque de caution pour s'assurer de la garantie du paiement, précaution usuelle et élémentaire pour tout vendeur. Le fait que le conjoint de l'acquéreur soit le gérant d'une société cliente n'est pas suffisant pour justifier son manque de rigueur dans le suivi du paiement du véhicule, M. [M] n'ayant pas relancé l'acquéreur suite au retour du chèque sans provision de sorte que le véhicule n'était toujours pas payé en mai 2017 et ce malgré intervention de la direction. L'employée en charge de la comptabilité, madame [V] communiquait tous les 15 du mois à M. [M], les balances clients pour relance et recouvrement : dans les faits, il n'a jamais effectué aucun suivi des factures malgré les relances de sa hiérarchie. Le grief de manque de rigueur est donc parfaitement établi. Sur la modification unilatérale du barème de commissionnement des vendeurs et grilles tarifaires en vigueur Il résulte des pièces produites que M. [M] a, à plusieurs reprise, accordé des primes exceptionnelles à ses vendeurs ou modifié le barème, sans en informer la direction au préalable. Ainsi, suite à une prime accordée sans l'accord de la direction en décembre 2015 (pièces No7 défenderesse, mail du 9 février 2016), il lui avait été rappelé qu'il convenait qu'il fasse valider ces primes exceptionnelles. Or il a de nouveau accordé une prime exceptionnelle sans l'accord de la direction le 3janvier 2017 Ceci résulte d'un courriel adressé à la direction le 3 janvier 2017 dans lequel il l'informe d'avoir accordé une prime de 50 000 XPF à un vendeur qui avait facturé 15 voitures (pièce no 7 défenderesse) puis a maintenu la prime volume à un commercial en juillet 2016 alors que le seuil de vente de véhicules requis n'était pas acquis (6 au lieu de 7) sur le listing produit, l'intéressé ayant décidé de facturer un véhicule vendu en juillet au mois d'août (pièce No9). Ce grief n'est pas contesté. Sur les remises accordées aux clients sans accord ni information préalable de sa hiérarchie : Monsieur [M] admet avoir consenti des remises sans l'accord de la direction tout en relativisant le montant des remises au regard des marges et du type de véhicule. Ainsi, il résulte d'échanges de mails (pièces No10,1 1 et No13) qu'il avait accordé une remise supplémentaire de 500.000 FCFP sur un véhicule Macam alors que la hiérarchie n'avait pas validé la grille de propositions des prix avec remise. En tout état de cause, le fait que ces remises étaient inférieures à d'autres concessions est inopérant en l'espèce, l'employeur lui reprochant non pas les remises mais de les avoir accordées sans son accord de la direction ou sans information préalable. Ce grief est donc établi. Sur la gestion des congés non conformes aux procédures et au fonctionnement des services La SIA soutient que le requérant partait régulièrement en congés sans aviser sa direction. Ainsi, M. [M] est parti deux jours en avril 2017 sans prévenir. En revanche, il n'est pas établi que les congés de son équipe étaient mal gérés, l'employeur n'établissant la preuve que d'un dysfonctionnement lorsque deux vendeurs auxquels leur congé a été accordé ont souhaité partir en même temps en métropole (mi-juillet et mi-août 2017) (pièce No 8). Toutefois, les échanges de mails entre la responsable des ressources humaines et M.[M] produits au débats en date des 21 septembre 2016 et 4 mai 2017 (pièces No16,17) selon lesquels, il ne vérifiait pas que ses salariés pointaient ou qu'il ne prévenait pas sa hiérarchie en cas de difficultés de comportements de certains salariés (retard systématiques d'AS et vente de nems pendant ses heures de travail) font preuve d'un manque de rigueur quant à la gestion de son équipe est établi. En conclusion et ainsi que le relève le premier juge « Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le manque de rigueur de M. [M] dans la gestion des procédures de vente et de son équipe est avéré. ll résulte par ailleurs des éléments objectifs analysés ci-dessus qu'il avait été alerté à plusieurs reprises sur la nécessité de bien appliquer et faire appliquer les procédures en matière de vente et notamment de l'‘exigence de facturer avant de livrer le véhicule. Dans ces conditions, l'insuffisance professionnelle retenue par l'employeur est établie, celle-ci relevant de son appréciation et ce malgré le fait qu'il est constant que les résultats de la concession dont le requérant avait la direction n'étaient pas mauvais eu égard à la conjoncture (?) l'employeur établit par des éléments objectifs le comportement négligent et de manque de rigueur du requérant, qui compte tenu des fonctions de celui-ci de responsable de concession, était de nature à compromettre le bon fonctionnement de l'entreprise.» ll convient dès lors de retenir que le licenciement pour insuffisances professionnelles du requérant est pourvu d'une cause réelle et sérieuse. A cet égard, le fait que SIA a recherché un remplaçant pendant la procédure de licenciement, ne saurait suffire à établir que le licenciement de M. [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Sur le préjudice distinct ll est de jurisprudence constante qu'un licenciement même justifié par une cause réelle et sérieuse ne doit pas être vexatoire et qu'a défaut l'employeur peut être condamné à payer au salarié des dommages-intérêts. Le requérant n'établit pas qu'il a été sommé de quitter son travail sans pouvoir revoir ses collègues. La loi permettant à l'employeur de dispenser un salarié de préavis sans délai de prévenance, aucune faute ne saurait dès lors être reprochée à l'employeur sur le fait qu'il ait dû quitter l'entreprise sans préavis. Sur la déloyauté dans l'exécution contrat de travail Le requérant n'apporte aucun élément objectif sur ce grief et sera donc débouté de sa demande de dommage-intérêts à ce titre. Sur la prime de fin d'année, ll résulte des dispositions de l'article 37 de la convention Commerce que les cadres percevront une gratification annuelle dont le mode de calcul, de répartition ainsi la période de versement seront déterminés au sein de chaque entreprise Cette disposition conventionnelle est obligatoire. Cependant, cette gratification annuelle peut prendre la forme d'un treizième mois. En l'espèce, le requérant ne justifie nullement qu'il bénéficiait d'un treizième mois en sus de sa prime de fin d'année, faute de produire ses bulletins de salaire de 2016. Dans ces conditions faute d'établir que le treizième mois n'avait pas la même nature et cause que la prime de fin d'année, il sera débouté de cette demande, celui-ci reconnaissant avoir perçu son treizième mois en cours de procédure. Sur la prime d'intéressement Le requérant sollicite pour la première fois dans sa note de délibéré la prime d'intéressement, sans plus de précisions. Cependant il résulte de sa lettre d'engagement que celle-ci était due en fonction d'accords internes de l'entreprise qu'il ne produit pas. Dans ces conditions il ne rapporte pas la preuve qu'il remplissait les conditions pour la percevoir et sera donc débouté de cette demande. Sur les frais irrépétibles ll n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu'elles ont engagés, compte tenu de leur situation financière respective. Sur les dépens : Par application des dispositions des articles des articles 695 à 699 du code de procédure civile applicable à la juridiction du travail et, conformément à la récente jurisprudence de la Cour d'appel de NOUMEA, le requérant qui succombe sera condamné aux dépens. PAR CES MOTIFS La COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort DIT que le licenciement de M. [E] [M] pour insuffisances professionnelles est régulier et pourvu d'une cause réelle et sérieuse et non vexatoire. LE DEBOUTE de toutes ses demandes indemnitaires et salariales; DIT que chaque partie conservera à sa charge ses frais irrépétibles; CONDAMNE M .[E] [M] aux dépens Le greffier,Le président.
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No de minute : 68 COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 29 Juillet 2021 Chambre sociale Numéro R.G. : No RG 21/00011 - No Portalis DBWF-V-B7F-RYK Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Janvier 2021 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG no :18/252) Saisine de la cour : 19 Février 2021 M. [D] [M] né le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 3], demeurant [Adresse 4] S.A.R.L. MGN SERVICES, représentée par son gérant en exercice, Siège social : [Adresse 1] Représentée par Me Fabien MARIE de la SELARL D'AVOCATS CALEXIS, avocat au barreau de NOUMEA COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 01 Juillet 2021, en audience publique, devant la cour composée de : Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président, Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller, M. Charles TELLIER, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de Monsieur Philippe DORCET. Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO - réputé contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, - signé par Monsieur Philippe DORCET, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire. *************************************** PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE Par requête introductive déposée au greffe le 02 octobre 2018, M. [M] assignait son employeur la Sarl MGN Services aux fins de contester les conditions de son licenciement et demander une indemnisation pour rupture abusive de son contrat de travail. Dans sa décision du 06 janvier 2001, le tribunal du travail de Nouméa déboutait le salarié de l'intégralité de ses demandes, disait n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamnait M. [M] aux dépens de l'instance. PROCÉDURE D'APPEL Par requête reçue au greffe le 19 février 2021, M. [M] relevait appel de cette décision, acte signifié à personne à la société MGN Services le 11 mars 2021. Aucun mémoire ampliatif n'étant parvenu à la Cour dans le délai légal, le juge de la mise en état prononçait la radiation de l'affaire. Par courrier en date du 20 mai 201, Maître [W] aux intérêts de MGN Services sollicitait, en l'absence de diligences de l'appelant, la confirmation des termes du jugement précité du 06 janvier 2021. SUR QUOI, LA COUR L'article 904 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie dispose qu'en l'absence de dépôt du mémoire ampliatif dans les trois mois suivant la requête d'appel, l'affaire est radiée du rôle. Dans ce cas, l'alinéa 3 de ce texte précise que l'affaire peut être rétablie à l'initiative de l'intimé qui peut demander « ... que la clôture soit ordonnée et l'affaire renvoyée à l'audience pour être jugée au vu des conclusions de première instance ». En l'espèce, le 31 mai 2021, l'affaire était radiée du rôle par ordonnance du juge de la mise en état au vu de l'absence de dépôt d'un mémoire ampliatif dans le délai légal. En conséquence, la décision de première instance sera purement et simplement confirmée. PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort : CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal du travail en date du 06 janvier 2021. Le greffier,Le président.
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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE Chambre 1-9 ARRÊT AU FOND DU 30 JUIN 2022 No 2022/ 496 Rôle No RG 21/11760 No Portalis DBVB-V-B7F-BH5HX Société CREDIT LOGEMENT Copie exécutoire délivrée Me Eric AGNETTI Me Frédéric KIEFFER Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de proximité de CANNES en date du 13 Juillet 2021 enregistré au répertoire général sous le no 20/000743. Monsieur [G] [V] de nationalité Française, demeurant [Adresse 2] représenté et assisté par Me Eric AGNETTI, avocat au barreau de NICE Société CRÉDIT LOGEMENT, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1] représentée et assistée par Me Frédéric KIEFFER de la SELARL KIEFFER - MONASSE & ASSOCIES, avocat au barreau de GRASSE COMPOSITION DE LA COUR En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mai 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Evelyne THOMASSIN, Président, et Madame Sophie TARIN-TESTOT, Conseiller. Madame Sophie TARIN-TESTOT, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Evelyne THOMASSIN, Président Madame Pascale POCHIC, Conseiller Madame Sophie TARIN-TESTOT, Conseiller Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA. Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022. Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022, Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Suivant acte sous seing privé du 10 décembre 2009, la SA Société Générale a consenti à monsieur [G] [V] un prêt de 279 800 euros, remboursable en 128 mensualités. La SA Crédit logement s'est portée caution envers la Société Générale des engagements de l'emprunteur. A la suite d'incidents de paiements, la Société Générale a prononcé la déchéance du terme, et, le 3 avril 2013, a vainement mis en demeure monsieur [V] de lui régler les sommes dues. La garantie du Crédit Logement a été actionnée, lequel a versé à la Société Générale la somme de 270 416,78 euros selon quittance subrogative du 20 avril 2013. Le Crédit Logement n'ayant pu obtenir remboursement par monsieur [V], l' a, par acte du 10 juin 2013, fait assigner devant le tribunal de grande instance de Grasse, qui par jugement du 22 mai 2015 l'a condamné à lui payer la somme principale de 270 426,56 euros, selon décompte arrêté au 14 mai 2013, outre les intérêts au taux légal sur la somme de 270 416,78 euros, à compter du 15 mai 2013 jusqu'à parfait paiement et aux dépens. Monsieur [V] a interjeté appel de cette décision. Par arrêt en date du 19 octobre 2017, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement querellé et y ajoutant, condamné monsieur [V] à payer au Crédit Logement la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. Le 30 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Toulouse a prononcé la liquidation judiciaire de monsieur [V]. Le 05 mars 2018, le Crédit Logement a déclaré ses créances entre les mains du liquidateur judiciaire désigné. L'actif de monsieur [V] s'est avéré insuffisant pour permettre le règlement de la créance du Crédit logement, un certificat d'irrecouvrabilité lui a été adressé le 31 juillet 2018. Suivant jugement du 15 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a prononcé la clôture de la liquidation judiciaire. Selon compte arrêté au 9 août 2019, la créance du Crédit Logement s'élevait à lasomme de 226 591,90 euros. Le Crédit logement a initié une procédure de saisie des rémunérations à l'encontre de monsieur [V] en septembre 2019. A l'occasion de la mise en oeuvre de cette voie d'exécution, monsieur [V] se prévalant des dispositions de l'article L.622-21 du Code de commerce relatif à l'arrêt des poursuites en l'état du jugement de liquidation judiciaire rendu le 30 janvier 2018, a, au motif que le fait générateur de la créance était antérieur à la procédure de liquidation judiciaire soutenu que la demande du Crédit Logement devait être déclaré irrecevable. Par jugement rendu le 13 juillet 2021, dont appel, le tribunal de proximité de Cannes a : - dit le Crédit Logement recevable, - dit que sa créance s'élevait à la somme de 228 649, 92 euros - réduit le taux des intérêts à 0,1% en ordonnant que l'imputation des paiements à venir se fasse d'abord sur le capital, - condamné monsieur [V] aux dépens. Monsieur [V], à qui le jugement a été signifié le 30 juillet 2021 en a interjeté appel par déclaration enregistrée au greffe le 02 août 2021. Dans ses conclusions enregistrées par RPVA le 04 octobre 2021 auxquelles il convient de se référer, monsieur [V] demande à la cour d'appel, au visa des articles L.622-21, L622-24, L641-3 et L643-11 du code de commerce, de : - infirmer le jugement entrepris, - déclarer irrecevables les demandes de la société Crédit Logement, - débouter la société Crédit Logement de ses demandes, - condamner la société Crédit Logement à lui verser 3000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens. L'appelant expose à nouveau que le fait générateur de la créance de la société Crédit Logement est antérieur à la procédure de liquidation judiciaire en date du 30 janvier 2018, laquelle est désormais clôturée pour insuffisance d'actif. Il indique que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire interdit aux créanciers dont le fait générateur des créances est antérieur au jugement d'ouverture, tout exercice individuel d'action ou de poursuite à l'encontre du débiteur en vue du paiement de leurs créances. Il estime que les dispositions de l'article L.643-11 II du code de commerce ne trouvent pas à s'appliquer, dans la mesure où le Crédit Logement n'agit pas en qualité de caution, le paiement de la caution n'étant pas inhérent à l'ouverture de la procédure collective, mais comme créancier sans disposer d'un droit spécifique. La clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif empêche les créanciers d'agir contre le débiteur principal. Dans ses conclusions enregistrées par RPVA le 12 octobre 2021 auxquelles il convient de se référer, le Crédit Logement demande à la cour, au visa des articles R.3252-1 du code du travail, L.111-3 du code des procédures civiles d'exécution, L.643-11 II du code de commerce 695 et 700 du code de procédure civile, de : - Débouter monsieur [G] [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions, - Confirmer le jugement rendu le 13 juillet 2021, Y ajoutant, - Condamner monsieur [G] [V] à lui payer une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens de l'appel. Il expose qu'il intervient en qualité de caution solidaire et qu'il a en cette qualité et à ce titre payé à la Société Générale les sommes dues par monsieur [V]. Il estime que son action est fondée sur l'article 2305 du code civil (recours personnel de la caution à l'encontre son débiteur) alors que le cautionnement est bien une sureté personnelle. Il relève que l'article L643-11-II du code de commerce déroge à l'interdiction de reprendre les poursuites individuelles pour les créanciers après clôture de la procédure en permettant aux personnes ayant consenti une sûreté personnelle qui ont payé à la place du débiteur de poursuivre le débiteur. L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 avril 2022. MOTIVATION DE LA DECISION Les dispositions de l'article L.622-21 du code de commerce précisent que : « I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L.622-17 et tendant : 1o A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; 2o A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. II.-Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture. ». Les dispositions précitées sont applicables aux procédures de liquidation judiciaire conformément à l'article L.641-3 du Code de Commerce : « Le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire a les mêmes effets que ceux qui sont prévus en cas de sauvegarde par les premier et troisième alinéas du I et par le III de l'article L. 622-7, par les articles L.622-21 et L.622-22, par la première phrase de l'article L. 622-28 et par l'article L.622-30. » Enfin, l'article L.643-11 du Code de Commerce dispose que : « I. - Le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur » « II.-Les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent poursuivre le débiteur s'ils ont payé à la place de celui-ci ». Monsieur [V] fait grief au jugement entrepris de constater que la société Crédit Logement remplissait les conditions prévues à l'article L.643-11 du code de commerce alors que le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur ; que si la caution ou le coobligé qui a payé aux lieu et place du débiteur peut poursuivre celui-ci après le jugement de clôture, il ne recouvre pas le droit de reprendre des poursuites contre le débiteur lorsqu'il a payé et obtenu, avant l'ouverture de la procédure collective, un titre exécutoire à son encontre, que le paiement de la caution n'était pas inhérent à l'ouverture de la procédure collective. Mais l'article L.643-11, II du code de commerce, qui autorise la caution qui a payé à la place du débiteur principal à le poursuivre, malgré la clôture de la liquidation judiciaire de celui-ci pour insuffisance d'actif, ne distingue pas selon que ce paiement est antérieur ou postérieur à l'ouverture de la procédure collective, ni suivant la nature, subrogatoire ou personnelle, du recours exercé par la caution. (Cour de cassation - chambre commerciale 28 juin 2016 14-21.810) L'appelant ajoute donc au texte en exigeant pour sa mise en oeuvre que le paiement de la caution soit inhérent à l'ouverture de la procédure collective. Il s'ensuit que la société Crédit Logement remplissait les conditions prévues par ce texte lorsqu'elle a engagé les poursuites à l'encontre de monsieur [V]. Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris. Succombant en son appel monsieur [V] sera tenu aux entiers dépens, outre paiement de la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles. PAR CES MOTIFS La cour, statuant après avoir délibéré, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, CONFIRME le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions, Y ajoutant, CONDAMNE monsieur [V] à payer au Crédit Logement la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles, CONDAMNE monsieur [V] aux dépens. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE Chambre 1-9 ARRÊT D'IRRECEVABILITÉ DE L'APPEL DU 30 JUIN 2022 No 2022/ 493 Rôle No RG 21/05391 No Portalis DBVB-V-B7F-BHIOT [O] [B] [K] Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENC E COTE D'AZUR Copie exécutoire délivrée Me Jean-Didier KISSAMBOU M'BAMBY Me Pascal ANTIQ Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l'exécution de DIGNE LES BAINS en date du 04 Février 2021 enregistré au répertoire général sous le no 20/00037. Monsieur [O] [B] [K] (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/007649 du 22/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE) né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 5] (IRAK), demeurant [Adresse 2] représenté et assisté par Me Jean-Didier KISSAMBOU M'BAMBY de la SELARL SELARLU JDK-AVOCAT, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE Société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE COTE D'AZUR immatriculée au RCS de DRAGUIGNAN sous le noD 415 176 072 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3] représentée et assistée par Me Pascal ANTIQ de la SCP MAGNAN - ANTIQ, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE COMPOSITION DE LA COUR En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mai 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Evelyne THOMASSIN, Président, et Madame Sophie TARIN-TESTOT, Conseiller. Madame Evelyne THOMASSIN, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Evelyne THOMASSIN, Président Madame Pascale POCHIC, Conseiller Madame Sophie TARIN-TESTOT, Conseiller Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA. Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022. Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022, Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES La Caisse de Crédit Agricole Provence Côte d'Azur, poursuit à l'encontre de monsieur [O] [B] [K] et de madame [N] [J] [B], son épouse, la vente sur saisie immobilière d'un immeuble situé à [Adresse 4] sur la base d'un jugement en date du 26 juillet 2019, prononcé par le tribunal de grande instance de Digne les Bains, pour avoir paiement de la somme de 68 399.67 euros arrêtée au 30 mai 2020. Par jugement du 4 février 2021, le juge de l'exécution de Digne les Bains a : - rejeté les contestations formées par les débiteurs sur la signification des titres et les actes fondant la saisie immobilière, - rejeté la contestation de la créance, - validé la créance pour la somme de 68 399 euros outre intérêts jusqu'à parfait paiement, sauf à déduire les prétendus versements de 1 400 euros en février, mars et avril 2019, si ces sommes ont été encaissées et affectées au remboursement de cette créance de l'établissement de crédit, - rejeté la demande de suspension des poursuites, de délai de grâce, - enjoint aux débiteurs de produire à bref délai un compromis de vente à 140 000 €, - renvoyé la demande d'orientation en vente forcée à l'expiration du bref délai au 1er avril 2021, - condamné in solidum les époux [B] [K] et [J] [B] à payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, - dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de vente. Le jugement a été notifié par le greffe par lettre recommandée avec accusé de réception, le 9 février 2021, les débiteurs en ont accusé réception et ils ont fait appel par déclaration au greffe de la cour le 13 avril 2021. Une demande d'aide juridictionnelle a été déposée le 23 avril 2021. Aux termes de leurs écritures auxquelles il est ici renvoyé, en date du 13 juillet 2021, les appelants demandent à la cour de : - dire l'appel recevable, - infirmer le jugement, Statuant à nouveau, A titre principal, prononcer la nullité de la procédure de saisie immobilière, dire n'y avoir lieu, A titre subsidiaire, constater qu'un dossier de surendettement a été déposé, En conséquence, - ordonner la suspension de la procédure de saisie immobilière, A titre infiniment subsidiaire, - les recevoir en leur contestation de la créance, - la fixer à la somme intérêts compris de 59 142.96 euros, - leur accorder un délai de grâce dans la limite de 24 mois, * règlement d'une première échéance d'un montant de 1942.96 euros dès la signification à intervenir, * règlement de 22 écheances de 1000 euros chacune, * règlement d'une 24ème echéance du solde de la créance, - suspendre la procédure de saisie imrnobilière durant les delais accordés, En tout état de cause, - condamner la caisse de Crédit agricole mutuel à payer à monsieur [B] [K] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - constater que l'avocat des appelants entend renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle, - laisser les dépens à la charge du créancier poursuivant. Ils soutiennent que : - le titre exécutoire, le jugement en date du 26 juillet 2019, n'a pas été valablement signifié, de même le commandement aux fins de saisie immobilière. Les diligences des huissiers de justice ont été insuffisantes, les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, n'ont pas été respectées, - le Crédit agricole ne peut à la fois majorer le taux d'intérêt et se prévaloir de la déchéance du terme ce qui est contraire aux dispositions de l'article L312-22 du code de la consommation, le juge s'est également trompé en son calcul en ce que il a appliqué une indemnité contractuelle de 7% sur le prêt à taux zéro, puis à taux négatif, des versements ont été omis sur lesquels l'établissement financier reste taisant, - un dossier de surendettement a été déposé et est en cours, des informations complémentaires ont été sollicitées, le juge de première instance à tort, a refusé de suspendre la saisie immobilière, - à défaut, les difficultés financières liées au chomage, justifient désormais un délai de paiement de deux années avec un échéancier, - enfin il a été demandé une autorisation de vente amiable. Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 4 octobre 2021 auxquelles ilest renvoyé, le Crédit Agricole demande à la cour : - confirmer le jugement du 4 février 2021, - ordonner le renvoi du dossier devant le juge de l'exécution de Digne les Bains, - condamner les débiteurs au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. - dire que les dépens seront pris en frais privilégiés de vente. Le jugement du 26 juillet 2019 a été valablement signifié, il constitue un titre judiciaire définitif. De même, le commandement de payer à fin de saisie immobilière est conforme aux textes et régulier en la forme. Il s'agit de moyens dilatoires. La créance résulte d'un jugement dont les termes ne peuvent plus être discutés. Le dossier de surendettement n'a pas été déclaré recevable, il n'y a donc pas à suspendre la procédure de saisie immobilière. Il n'est pas justifié de la possibilité de délais de paiement, aucun élément sur leur situation financière n'étant produit par les débiteurs. La vente amiable n'est pas envisageable aucune offre n'a été présentée. Au regard de l'avis de valeur, la demande d'augmentation de la mise à prix à 150 000 euros est incohérente. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 avril 2022. Lors de l'audience et par soit transmis du 18 mai 2022, la cour a mis d'office aux débats la question de la recevabilité de l'appel en invitant les parties à une note en délibéré, quant à la date de la signification de la décision de première instance, le non recours à la procédure à jour fixe, la réalisation ou non de la vente forcée. Par notes en délibéré, les parties ont indiqué que la décision avait été signifiée le 30 mars 2021. L'appelant n'a pas présenté d'observations sur l'article R322-19 du code des procédures civiles d'exécution, et exposé que jusque là la vente avait été reportée et pour la dernière fois au 2 juin 2022. MOTIVATION DE LA DÉCISION En vertu de l'application combinée des articles 528 du Code de procédure civile et R.121-20 du Code des procédures civiles d'exécution, le délai d'appel des décisions du juge de l'exécution est de quinze jours et court à compter de la notification de la décision déférée qui en l'espèce a été effectuée par acte de signification d'huissier de justice du 30 mars 2021 à monsieur et madame [B] [K] par remise à l'étude, de sorte que l'appel formé le 13 avril 2021 est interjeté dans les délais procéduraux applicables. Cependant, aux termes de l'article R322-19 du code des procédures civiles d'exécution, la procédure d'appel contre un jugement d'orientation est particulière, elle relève de la procédure à jour fixe ce qui oblige l'appelant à présenter une requête aux fins de fixation, au plus tard dans les huit jours de la déclaration d'appel selon l'article 919 code de procédure civile. En l'espèce, l'appelant n'a pas observé la procédure à jour fixe de sorte que son appel doit être déclaré irrecevable. Il est inéquitable de laisser à la charge de l'intimé les frais irrépétibles engagés dans l'instance, il lui sera alloué une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La partie perdante supporte les dépens, ils seront à la charge de l'appelant qui succombe en son recours. PAR CES MOTIFS La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe, DIT l'appel formé par monsieur [B] [K] irrecevable, CONDAMNE monsieur [B] [K] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur, la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE monsieur [B] [K] aux dépens. LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE
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COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE 2ème CHAMBRE CIVILE ARRÊT No 418 DU 04 JUILLET 2022 No RG 21/00768 No Portalis DBV7-V-B7F-DK3Z Décision déférée à la cour : Jugement du tribunal de commerce de Pointe-à-Pitre, décision attaquée en date du 18 juin 2021, enregistrée sous le no 2020J00105. APPELANTE : S.A.R.L. Bebian Electricité (BECL) [Adresse 1] [Localité 3] Représentée par Me Mahamadou Tandjigora, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy. S.A.S. Guadeloupe Location [Adresse 2] [Localité 4] Représentée par Me Patrick Erosie, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy. COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 09 Mai 2022, en audience publique, devant la cour composée de : Madame Corinne Desjardins, Présidente de chambre, Madame Annabelle Clédat, conseillère, Madame Christine Defoy, conseillère, qui en ont délibéré. Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 04 juillet 2022. Lors des débats et du prononcé Mme Armélida Rayapin, Greffier. ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Signé par Mme Corinne Desjardins, Présidente de chambre et par Mme Armélida Rayapin, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS ET PROCEDURE Suivant exploit d'huissier en date du 29 juin 2020, la SARL Bebian Electricité dite BECL a attrait devant le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre la SAS Guadeloupe Location dite GL aux fins de voir : -constater que la mini-pelle hydraulique sur chenille de marque COLTRAX CX 25 acquise par elle et payée au comptant n'a pas fonctionné dès son achat, ce que ne peut contester le vendeur qui a expressément reconnu l'existence d'un vice caché, a récupéré la mini-pelle litigieuse et s'est engagé à lui en livrer une neuve présentant les mêmes caractéristiques, au plus tard fin août 2019, -prononcer l'annulation de la vente intervenue entre les parties le 10 mai 2019, -condamner solidairement la SAS GL et son gérant M. [Z] [K] à lui restituer la somme totale de 36 000 euros intégralement payée au comptant pour l'acquisition de cette mini-pelle, -condamner solidairement la SAS GL et son gérant M. [Z] [K] à lui payer la somme totale de 11 315, 36 euros justifiée au titre des frais de location exposés pour la période de septembre 2019 à septembre 2020, en raison de ses nombreuses carences l'ayant contraint à la location d'une mini-pelle, -condamner solidairement la SAS GL et son gérant M. [Z] [K] à lui payer la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre de leur résistance abusive et de leur mauvaise foi, -ordonner l'exécution provisoire de la présente décision, -condamner la SAS GL et son gérant M. [Z] [K] aux dépens ainsi qu'à lui régler la somme de 3000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, La SAS Guadeloupe Location dite GL réplique que par courrier du 30 septembre 2019, la SARL Bebian Electricité s'est engagée à restituer la mini-pelle et à récupérer la nouvelle, engagement qu'elle n'a pas tenu. Elle demande par conséquent à la cour de : -débouter la SARL Bebian Electricité de toutes ses demandes, -constater qu'elle a continué de régler les frais de location de la mini-pelle de remplacement, d'octobre 2019 à novembre 2020, qui s'élèvent à la somme de 53 165 euros, -condamner en conséquence la société Bebian Electricité à lui payer la somme de 53 165 euros correspondant aux frais de location consécutifs à l'inexécution de ses obligations, -condamner la SARL BEBIAN Electricité à lui payer la somme de 5000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile. Suivant jugement du 18 juin 2021, le tribunal mixte de Basse-Terre a : -débouté la SARL Bebian Electricité de sa demande principale, -débouté la SAS Guadeloupe Location dite GL de sa demande reconventionnelle, -condamné la SARL Bebian Electricité dite BECL à payer à la SAS Guadeloupe Location dite GL la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, -condamné la SARL Bebian Electricité dite BECL aux dépens, -ordonné l'exécution provisoire de la présente décision, -liquidé les dépens à recouvrer à la somme de 66,21 euros TTC. Le 13 juillet 2021, la SARL Bebian Electricité a interjeté appel des dispositions du jugement précité, à l'exception de celle ayant débouté la SAS Guadeloupe Location dite GL de sa demande reconventionnelle. Suite à l'avis du greffe en date du 7 septembre 2021, la SARL Bebian Electricité a fait signifier le 14 septembre suivant la déclaration d'appel à la SAS Location Guadeloupe. Le 13 septembre 2021, la SAS Guadeloupe Location a régularisé sa constitution d'intimée par la voie électronique. L'appelant a notifié ses conclusions le 11 octobre 2021 et l'intimée n'y a pas répondu. L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 mars 2022. L'affaire a été évoquée à l'audience du 9 mai 2022 et mise en délibéré le 4 juillet 2022. PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES 1/ La SARL Bebian Electricité, appelante : Vu les conclusions notifiées le 18 mars 2022 par lesquelles la SARL Bebian Electricité demande à la cour de : -la recevoir en son action, -constater que la mini-pelle hydraulique sur chenille, de marque COLTRAX CX25, qu'elle a acquise et payée comptant n'a pas fonctionné dès son achat, ce que ne peut contester le vendeur qui a expressément reconnu l'existence d'un vice d'origine, a récupéré la mini-pelle litigieuse et s'est engagé à lui livrer une mini-pelle neuve aux mêmes caractéristiques que la précédente, c'est-à-dire une mini-pelle COLTRAX CX 25, série DH00530, -constater que ce n'est qu'à la date du 28 octobre 2021 que la SAS GL et M. [Z] [K] ont livré à la société BECL qui l'a acceptée, une mini-pelle aux mêmes caractéristiques que la précédente, -en conséquence, infirmer le jugement déféré, -statuant à nouveau, vu la fiche de livraison d'une mini-pelle COLTRAX neuve CX 25 série DH00586 en date du 28 octobre 2021, -donner acte à ce qu'elle renonce purement et simplement à sa demande d'annulation de la vente et de restitution de la somme de 36 000 euros par la SAS GL et M. [Z] [K], -condamner toutefois solidairement la SAS GL et son gérant M. [Z] [K] à lui payer la somme de 11 315, 36 euros justifiée au titre des frais de location exposés pour la période de septembre 2019 à janvier 2020, en raison de la carence du vendeur l'ayant contraint à louer une mini-pelle répondant à ses besoins, -condamner solidairement la SAS GL et son gérant M. [Z] [K] à lui payer la somme de 10 000 euros, à titre de dommages et intérêts au titre de leur résistance abusive et de leur mauvaise foi patente, -prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir compte-tenu de l'ancienneté de l'affaire, -condamner solidairement la SAS GL et son gérant M. [Z] [K] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 5000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile. En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens. 2/ La société Guadeloupe Location, dite GL, intimée : La SAS Guadeloupe Location dite GL, bien que régulièrement constituée le 13 septembre 2021, n'a pas conclu dans le cadre de la procédure d'appel dans le délai prévu à l'article 909 du code de procédure civile. En application de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement, est réputée s'en approprier les motifs. A titre liminaire, il convient de donner acte à la société BECL de ce qu'elle renonce purement et simplement à sa demande d'annulation de la vente intervenue le 10 mai 2019 et portant sur une mini-pelle hydraulique de type COLTRAX CX25, ainsi qu'à la restitution du prix de vente égal à 36 000 euros. De plus, il convient de préciser que la SAS Guadeloupe Location n'a nullement notifié de conclusions dans le cadre de la procédure d'appel. Elle a joint à son dossier des écritures datées du 4 novembre 2020, c'est-à-dire antérieures à la déclaration d'appel du 13 juillet 2021, qui manifestement ont été produites en première instance et qui ne pourront dès lors qu'être écartées de la procédure, tout comme les pièces y afférentes. Sur la demande de remboursement des frais de location exposés pour la période allant de septembre 2019 à janvier 2020, Dans le cadre du présent appel, la société Bebian Electricité, dite BECL, expose que suite à l'avarie dont elle a été victime en juin 2019 sur la mini-pelle acquise auprès de la société Guadeloupe Location, dite GL, elle a été contrainte de louer une mini-pelle auprès de la société Ya Ka Loué, car celle mise à disposition par la société GL ne correspondait pas à ses besoins et ne pouvait pas être acheminée dans les îles où elle devait réaliser des chantiers. Au soutien de cette prétention, la société BECL verse aux débats un courriel en date du 10 septembre 2019, au terme duquel elle indique à la société GL, ainsi qu'à son gérant M. [K], « vous nous avez bien fourni une pelle de remplacement, mais celle-ci ne correspond pas à nos besoins. En effet, nous sommes amenés à nous déplacer dans les îles pour y réaliser des travaux, mais nous ne pouvons pas la faire acheminer ». Toutefois, le moyen soulevé ainsi par la SARL Bebian Electricité ne s'avère nullement pertinent. Outre ses propres allégations contenues dans le mail précité, la société appelante ne démontre pas, par la production d'autres éléments objectifs, que la mini-pelle louée à son intention par la société Guadeloupe Location, dite GL, n'était pas compatible avec son transport dans les îles et que par conséquent elle a été contrainte, pour répondre à l'exécution de ses chantiers, d'en louer une autre. Dans ces conditions, la société Bebian Electricité BECL, défaillante dans la charge de la preuve, sera déboutée de sa demande tendant à voir condamner la société Guadeloupe Location GL à lui rembourser la somme de 11 315, 36 euros exposée au titre des frais de location d'une mini-pelle de remplacement. Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef. Sur la demande de condamnation de la société GL au paiement de dommages et intérêts, La société appelante entend voir condamner la société Bebian Electricité BECL, solidairement avec son gérant M. [Z] Bebian, à lui régler la somme de 10 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour leur résistance abusive et leur mauvaise foi patente et de la livraison tardive de la nouvelle mini-pelle hydraulique intervenue seulement à l'échéance du 28 octobre 2021. Toutefois, une telle demande ne peut prospérer que si la société Bebian Electricité démontre la réalité de la faute commise par sa cocontractante, la matérialité de son préjudice et l'existence d'un lien de causalité les unissant. Or, force est de constater que la société BECL s'avère défaillante à démontrer la résistance abusive de sa cocontractante. S'il est exact que la mini-pelle acquise auprès de la société GL a connu des avaries, lors de sa mise en service en juin 2019, il appert également que dès les mois de juillet 2019, la société GL a récupéré l'engin défaillant, a sollicité la livraison d'un matériel de remplacement et a procédé à la location d'une mini-pelle afin de permettre à la société BECL de poursuivre l'exécution de ses chantiers. Une telle attitude n'est nullement caractéristique d'une quelconque résistance abusive, ni de la mauvaise foi de la société GL, qui au contraire a tout mis en oeuvre pour limiter les désagréments subis par sa cocontractante. En outre, la société BECL, qui argue de nombreux préjudices financiers consécutifs à l'incurie de sa cocontractante, n'en rapporte nullement la preuve. Dans ces conditions, la société appelante ne pourra qu'être déboutée de sa demande indemnitaire et le jugement déféré confirmé de ce chef. Sur les autres demandes, Il ne parait pas inéquitable de débouter la SARL Bebian Electricité, qui succombe en ses prétentions, de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile. Enfin, la SARL Bebian Electricité sera condamnée aux entiers dépens de la procédure. PAR CES MOTIFS : La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire mise à disposition au greffe et en dernier ressort, Donne acte à la SARL Bebian Electricité de ce qu'elle renonce purement et simplement à sa demande d'annulation de la vente intervenue le 10 mai 2019 et portant sur une mini-pelle hydraulique de type COLTRAX CX25, ainsi qu'à la restitution du prix de vente égal à 36 000 euros. Dans les limites de l'appel, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions contestées, Y ajoutant, Déboute la SARL Bebian Electricité de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne la SARL Bebian Electricité aux entiers dépens de la procédure. Et ont signé, La greffièreLa présidente
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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 13 ARRÊT DU 28 JUIN 2022 (no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/06954 - No Portalis 35L7-V-B7D-B7UC6 Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 mars 2019 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 18/03782 Monsieur [C] [F] [Adresse 2] [Localité 6] Représenté et assisté de Me Pascale BILLING, avocat au barreau de PARIS, toque : E0834 Monsieur [K] [I] [Adresse 4] [Localité 6] SCP [I] - VIDALENC & ASSOCIÉS [Adresse 4] [Localité 6] Représentés et assistés de Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0435 PARTIES INTERVENANTES VOLONTAIRES MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES [Adresse 1] [Localité 5] MMA IARD SA [Adresse 1] [Localité 5] Représentés et assistés de Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0435 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été appelée le 19 avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle MOREAU, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte de l'affaire dans le délibéré de la Cour, composée de: Mme Nicole COCHET, Première présidente de chambre Mme Marie-Françoise D'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre Mme Estelle MOREAU, Conseillère Greffière lors des débats : Mme Séphora LOUIS-FERDINAND - Contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Marie-Françoise D'ARDAILHON MIRAMON, Présidente, pour Mme Nicole COCHET, première présidente empêchée, et par Sarah-Lisa GILBERT, Greffière, présente lors de la mise à disposition. M. [C] [F] et Mme [B] se sont mariés le [Date mariage 3] 1988 sous le régime de la séparation des biens. Par acte reçu le 5 novembre 2013 par M. [K] [I], notaire exerçant au sein de la Scp [I]-Vidalenc & associés (ci-après, la Scp), signé par Mme [B] à titre personnel et en qualité de représentant de M.[F] lui ayant donné une procuration, une promesse de vente d'un bien immobilier situé [Adresse 7] a été consentie aux époux [F] au prix de 1100 000 euros. Par acte du 9 décembre 2013, M. [F] a déclaré substituer son épouse dans tous les droits lui profitant résultant de la promesse de vente. La vente a été réalisée au seul bénéfice de Mme [B]. C'est dans ces circonstances que M. [F], indiquant avoir découvert avoir été privé de tous droits sur le bien immobilier à l'occasion de sa procédure de divorce, a asssigné M. [I] et la Scp devant le tribunal de grande instance de Paris en responsabilité civile professionnelle pour manquement du notaire à son devoir de conseil. Par jugement du 6 mars 2019, le tribunal a : - débouté M. [F] de ses demandes, - condamné M. [F] à verser à M. [I] et la Scp Uguen-Vidalenc et associés la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - condamné M. [F] aux dépens, - ordonné l'exécution provisoire. Par déclaration du 29 mars 2019, M. [F] a interjeté appel de ce jugement. Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 28 février 2020, M. [C] [F] demande à la cour de : - dire que M. [I] a manqué à son devoir d'information et de conseil lors de la rédaction de l'acte de substitution, à titre principal, - dire qu'il justifie que le bien a été acquis en partie au moyen de ses deniers et qu'il justifie d'un préjudice à hauteur des droits qui auraient été les siens s'il n'avait pas signé l'acte de substitution du 9 décembre 2013, - à titre principal, dire que ce préjudice est à hauteur de la quote-part qu'il détenait au terme de la promesse de vente et fixer ce préjudice à la somme de 700 000 euros, - condamner solidairement M. [I] et la Scp [I]-Vidalenc à lui payer la somme de 700 000 euros à titre de dommages et intérêts, - à titre subsidiaire, dire que ce préjudice est à hauteur de la somme de 381 810 euros, - condamner solidairement M. [I] et la Scp [I]-Vidalenc à lui payer la somme de 381 810 euros à titre de dommages et intérêts, à titre subsidiaire, - dire qu'il justifie d'un préjudice à hauteur des droits qui auraient été les siens s'il n'avait pas signé l'acte de substitution, - à titre principal, dire que ce préjudice est à hauteur de la plus-value de la quote-part qu'il détenait au terme de la promesse de vente et fixer ce préjudice à la somme de 150 000 euros, - condamner solidairement M. [I] et la Scp [I]-Vidalenc à lui payer la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts, - à titre subsidiaire, dire que ce préjudice est à hauteur de la plus-value de quote-part qu'il aurait pu financer au terme de la promesse de vente et fixer ce préjudice à la somme de 81 810 euros, - condamner solidairement M. [I] et la Scp [I]-Vidalenc à lui payer la somme de 81 810 euros à titre de dommages et intérêts, en tout état de cause, - condamner solidairement M. [I] et la Scp [I]-Vidalenc à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, - condamner solidairement M. [I] et la Scp [I]-Vidalenc à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - débouter les intimés de leurs demandes, fins et conclusions, - condamner solidairement M. [I] et la Scp [I]-Vidalenc aux entiers dépens de première instance et d'appel. Par ordonnance du 29 juin 2021, le conseiller de la mise en état a dit irrecevables les conclusions notifiées et déposées le 30 avril 2021 par M. [K] [I] et la Scp [I]-Vidalenc ainsi que les conclusions d'intervention volontaire de la société MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard SA notifiées et déposées le 30 avril 2021. Le 19 avril 2022, la cour a invité l'appelant à formuler ses observations sur une éventuelle perte de chance s'agissant de la responsabilité d'un notaire recherchée au titre du manquement à son devoir de conseil. M. [F] a déposé une note en délibéré le 20 avril 2022. Sur la responsabilité du notaire : Sur la faute : Le tribunal a jugé que le notaire avait manqué à son devoir d'information et de conseil en ce que les termes de l'acte de substitution, dont il ne ressort pas clairement qu'il emporte propriété exclusive de Mme [B] sur le bien acheté, devaient faire de la part du notaire l'objet d'une explication circonstanciée sur sa signification et ses conséquences, d'autant plus que cet acte rompait avec la pratique habituelle des époux et conduisait à la signature d'un acte authentique dont les termes étaient différents de ceux de la promesse de vente s'agissant de la personne de l'acheteur. M. [F] sollicite la confirmation du jugement de ce chef en ce que : - M. [I], leur notaire habituel, n'a pas attiré son attention sur la réalité de ses droits en sa qualité de bénéficiaire de la promesse et la portée de l'acte de substitution que le clerc de notaire l'ayant joint téléphoniquement lui a fait rédiger hors étude, sous la dictée en invoquant une urgence, dans des termes laconiques et sans explications, alors que cet acte qu'il croyait être une procuration au bénéfice de son épouse comme il avait l'habitude de lui en consentir, le dépossédait de ses droits sur le bien qui devait être acquis avec un autre bien dont il était en partie propriétaire, - cette obligation d'information et ce devoir de conseil se justifiaient d'autant plus qu'il n'a aucune compétence en matière immobilière. Le notaire, rédacteur d'acte, engage sa responsabilité délictuelle à charge pour celui qui l'invoque de démontrer une faute, un lien de causalité et un préjudice. Il est tenu à une obligation d'information et à devoir de conseil sur la portée de l'engagement des parties et de s'assurer de la validité et de l'efficacité de l'acte. Il appartenait au notaire d'attirer l'attention de M. [I] sur la portée de son engagement au titre de l'acte du 9 décembre 2013 par lequel il se substituait son épouse "dans tous les droits [lui] profitant résultant de la promesse de vente consentie par la société Doumer Sas en date du 05 novembre 2013, à [leur] profit", qui se différencie d'une simple procuration pour la signature des actes à laquelle le couple avait l'habitude de recourir, et en particulier d'attirer son attention sur le fait que cet acte lui ôtait tout droit dans le bénéfice de la promesse de vente qui lui avait été consentie ainsi qu'à son épouse, ce au profit de cette dernière. Il ne ressort pas du seul courrier du notaire du 14 décembre 2017, indiquant que l'acte sous seing privé du 9 décembre 2013 a été fait sous la dictée et les explications de sa collaboratrice ayant "bien insisté sur la nature, la portée et les conséquences de l'acte", que le notaire a effectivement rempli son devoir de conseil. Les manquements du notaire à son devoir de conseil sont donc caractérisés. Sur le lien de causalité et le préjudice : Le tribunal a jugé que : - M. [F] ne démontre pas qu'il a apporté des fonds propres dans le cadre de l'achat du bien immobilier, les seules circonstances qu'un bien immobilier dont il était propriétaire pour partie aurait été vendu quelques semaines avant la régularisation de l'acte authentique d'achat et que la promesse d'achat stipule que " le bénéficiaire -M. [F] et Mme [B] - déclare que pour le financement de l'acquisition envisagée il n'entend pas contracter un emprunt, le financement devant être assuré en totalité de ses fonds personnels ou assimilés", sans précision supplémentaire sur la provenance des fonds, étant insuffisantes à apporter cette preuve, - la consultation de l'étude de notaires [O] le 9 mars 2016 rédigée très prudemment, n'apporte pas la preuve que M. [F] a financé l'achat du bien avec des fonds qui lui étaient propres et a été réalisée au titre de la liquidation du régime matrimonial des époux [F], qui semble être le cadre le plus approprié pour régler leurs différends financiers. M. [F] fait valoir que : - si M. [I] avait attiré son attention sur la réalité de ses droits en sa qualité de bénéficiaire d'une promesse de vente et sur la portée de l'acte de substitution, il n'aurait pas accepté de signer cet acte mais aurait acquis le bien immobilier, de sorte qu'il existe un lien de causalité entre le défaut de conseil et la perte de son droit de propriété, - son préjudice est à hauteur des droits qu'il a perdus lors de la signature de l'acte de substitution, soit 700 000 euros en prenant en compte le fait qu'il était bénéficiaire de la promesse à 50% , son apport personnel dans le financement du bien provenant de la vente d'un autre bien lui appartenant en partie et de la plus-value prise par le bien, - à tout le moins, ses droits lors de la signature de l'acte authentique sont à hauteur de son apport, soit 381 810 euros en prenant en compte la plus-value prise par le bien, - à titre subsidiaire, si la cour estime qu'il existe un doute sur l'origine des fonds qui ont servi à acquérir le bien litigieux, son préjudice équivaut à la moitié de la plus-value du bien dont il aurait bénéficié, soit 150 000 euros, - dès lors qu'il pouvait financer l'acquisition du bien à hauteur de 300 000 euros, son préjudice est constitué au minimum de la perte de la plus-value que cette somme aurait pu acquérir si elle avait été investie dans le bien litigieux, soit 81 810 euros, - il a nécessairement subi un préjudice moral du fait de la faute du notaire, à hauteur de 30 000 euros. Dans sa note en délibéré du 20 avril 2022, il invoque une perte de chance quasi certaine, devant être évaluée à 98%, de refuser l'acte le dépouillant de tous ses droits sans contrepartie s'il avait été parfaitement informé de sa portée aux motifs que : - le bien acheté constituait le nouveau domicile familial et était acquis grâce au produit de la vente du précédent domicile familial dont étaient propriétaires à travers une société civile immobilière familiale les époux et leurs deux enfants à hauteur d'un quart chacun, - depuis 1987, date de leur mariage, les époux avaient acquis plusieurs bien successifs qui ont constitué leur domicile conjugal, et ce toujours en indivision, - il ne disposait pas d'autres biens immobiliers, - en étant co-bénéficiaire de la promesse de vente, il disposait, en cas de signature de l'acte authentique dans les mêmes termes, d'un droit de propriété sur le bien à hauteur de moitié, - l'indemnité d'immobilisation de 105 402, 60 euros prévue à la promesse de vente sans condition suspensive, rendait le dédit des acheteurs improbable. Le manquement du notaire à son devoir de conseil quant à la portée de l'acte substitution du 9 décembre 2013 n'a pu causer au bénéficiaire de la promesse qu'une perte de chance de ne pas signer cet acte et donc d'acquérir le bien aux côtés de son épouse, et non pas un préjudice certain. Si une perte de chance même faible est indemnisable, la perte de chance doit être raisonnable et avoir un minimum de consistance. La réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. Il appartient à M. [F] d'établir l'emploi de deniers personnels pour l'acquisition du bien litigieux, ou à tout le moins leur disponibilité, dès lors que le couple était marié sous le régime de la séparation de biens et que la quote-part acquise, telle que stipulée dans l'acte authentique de vente, détermine le droit de propriété de chacun des acquéreurs. Il ressort des pièces produites aux débats et en particulier de la consultation du notaire de Mme [B] du 31 mars 2013, que l'ensemble des acquisitions immobilières pour le couple ou la Sci AS constituée entre M. [F], son épouse et chacune de ses deux filles, a été financé par cette dernière. La consultation de notaire du 9 mars 2016 portant sur la liquidation du régime matrimonial, que M. [F] a sollicitée à titre personnel, n'établit nullement qu'il aurait financé une partie de cette acquisition, mais émet des hypothèses dont le caractère exact n'est pas démontré, dès lors que l'état liquidatif du régime matrimonial des époux dressé le 16 août 2016 ne mentionne aucune créance de M. [F] à ce titre. La circonstance que le notaire de Mme [B] ait indiqué, dans sa consultation du 31 mars 2016, que M. [F] pourrait revendiquer, à l'issue de la vente, le 26 novembre 2013, d'un ensemble de biens situé [Adresse 8] appartenant à la Sci AS, une créance contre ladite société d'un montant de 300 000 euros en remboursement de son apport en compte courant, tout en étant redevable envers Mme [B] d'une créance de 401 250 euros, est également inopérante, le notaire précisant que le prix de vente de ces biens a été versé sur le compte de la Sci AS, aucune pièce n'établissant que les fonds de ladite société auraient permis le financement du bien litigieux par Mme [B], et ces éléments ayant été pris en considération à l'occasion de la liquidation du régime matrimonial des époux. M. [F] invoque tout aussi vainement que dans l'hypothèse où des parties achètent en indivision sans une définition des quotes-parts de chacun, elles sont réputées avoir acquis chacun pour moitié, puisqu'aucune créance de sa part ne ressort de l'état liquidatif du régime matrimonial. Ne démontrant aucunement l'emploi de deniers personnels dans l'acquisition litigieuse, ni leur disponibilité, il échoue à caractériser tant une perte de chance de ne pas signer l'acte de substitution et d'acquérir le bien litigieux, que les préjudices dont il se prévaut à hauteur des droits prétendument perdus à proportion des fonds investis ou en raison de la qualité de propriétaire qu'il aurait dû avoir. A défaut d'établir un lien de causalité et un quelconque préjudice en lien causal avec le manquement du notaire à son devoir de conseil, il a été pertinemment débouté de l'ensemble de ses demandes. Le jugement est donc confirmé dans l'ensemble de ses dispositions. Le préjudice moral allégué devant la cour par M. [F] en ce que, par la faute du notaire, il s'est trouvé spolié de ses droits dans le domicile conjugal et a été déconsidéré aux yeux de ses enfants, de son entourage et vis-à-vis de lui-même puisqu'il s'est retrouvé, après avoir travaillé toute sa vie, sans aucun patrimoine et totalement dépendant de son épouse lors de son divorce, est sans lien causal avec le manquement du notaire à son devoir de conseil. La demande indemnitaire de l'appelant de ce chef est donc rejetée. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile : M. [F] échouant en ses prétentions sera condamné aux dépens exposés en cause d'appel et débouté de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Déboute M. [C] [F] de sa demandes en dommages et intérêts au titre du préjudice moral, Déboute M. [C] [F] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne M. [C] [F] aux dépens d'appel. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
CAPP/JURITEXT000046036715.xml
Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 13 ARRÊT DU 28 JUIN 2022 (no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 20/00821 - No Portalis 35L7-V-B7E-CBIMR Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 décembre 2019 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 19/03225 Monsieur [E] [O] Né le [Date naissance 2] 1978 à [Localité 6] [Adresse 1] [Localité 5] Représenté par Me Alexandra GLITZNER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0800 Madame [C] [T] [Adresse 3] [Localité 4] Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034 Ayant pour avocat plaidant Me Bruno MARGUET, avocat au barreau de PARIS, toque : J084 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle MOREAU, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Nicole COCHET, Première présidente de chambre Mme Marie-Françoise D'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre Mme Estelle MOREAU, Conseillère Greffière lors des débats : Mme Séphora LOUIS-FERDINAND - Contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, pour Mme Nicole COCHET, première présidente empêchée, et par Sarah-Lisa GILBERT, Greffière, présente lors de la mise à disposition. Embauché le 13 mai 2013 par la Sas Somers en qualité de cadre commercial selon contrat de travail à durée indéterminée contenant une clause de non-concurrence, M. [E] [O] en a sollicité et obtenu la rupture conventionnelle à effet le 23 avril 2014. Le 17 mai 2017, il a constitué la Sasu Global Metal Solution (ci-après, la société GMS), société d'agent commercial pour la revente de matériaux bruts, qui est devenue l'agent, pour la France et la Belgique, de la société de droit allemand Giebel Kaltwalzwerk (ci-après, la société Giebel) qui produit des feuillards de précision et d'acier laminé à froid. Par jugement du 27 septembre 2016, le conseil de prud'hommes de Melun, saisi par la société Somers, a : - condamné M. [O] à payer à la société Somers la somme de 49 667,76 euros de dommages et intérêts pour violation de son obligation de non-concurrence, - débouté M. [O] de sa demande de paiement de la contrepartie financière de la clause de non concurrence, au motif qu'il ne l'a pas respectée, et de sa demande de nullité de ladite clause, jugée Par arrêt du 18 décembre 2018, la cour d'appel de Paris a dit irrecevable l'appel de ce jugement interjeté par M. [O], à défaut d'avoir été formalisé par la voie électronique conformément à l'article 930-1 du code de procédure civile, et a condamné M. [O] au paiement d'une indemnité de procédure de 1 500 euros. Parallèlement, les sociétés Somers et Calextier, s'estimant victimes d'une rupture abusive de leurs contrats d'agents commerciaux "agency agreement", en avril 2014, par la société Giebel, ont engagé à son égard une action en responsabilité contractuelle devant un tribunal allemand, procédure ayant donné lieu à un protocole d'accord transactionnel partiel du 25 août 2017 prévoyant le versement d'une indemnité de 400 000 euros à leur bénéfice. Elles ont également assigné les sociétés Giebel et GMS devant le tribunal de commerce de Meaux lequel, par jugement du 12 décembre 2017, a condamné les défenderesses à leur payer, solidairement, les sommes de 100 000 euros et 50 000 euros pour concurrence déloyale. C'est dans ces cirsconstances que, par acte du 12 mars 2019, M. [O] a fait assigner Mme [C] [T] l'ayant assisté en première instance devant le conseil de prud'hommes de Melun et en appel, devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir engager sa responsabilité civile professionnelle. Par jugement du 11 décembre 2019, le tribunal, déboutant les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, a : - débouté M. [O] de l'ensemble de ses demandes, - condamné M. [O] aux dépens, avec bénéfice du droit prévu par les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, -condamné M. [O] à payer à Mme [T] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - ordonné l'exécution provisoire. Par déclaration du 30 décembre 2019, M. [O] a interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 28 février 2020, M. [E] [O] demande à la cour de : - infirmer le jugement, - condamner Mme [T] lui payer la somme de 51 667,76 euros à titre de dommages et intérêtsen réparation du préjudice subi à raison des fautes commises, - condamner Mme [T] à lui payer la somme de 27 313,27 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à raison des fautes commises, - condamner Mme [T] à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - condamner solidairement (sic) Mme [T] aux entiers dépens dont distraction au profit de Mme [W] [M] en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 23 février 2022, Mme [C] [T] demande à la cour de : - confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel, - débouter M. [O] de toutes ses demandes, fins et conclusions, - condamner M. [O] à lui payer 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. La clôture a été prononcée par ordonnance du 15 mars 2022. Sur la responsabilité de l'avocat : Sur la faute : Le tribunal a retenu que l'avocat avait commis une faute en n'interjetant pas appel par la voie électronique imposée sans justifier d'une cause étrangère, l'appel ayant été déclaré irrecevable par arrêt du 18 décembre 2018. L'appelant fait valoir que Mme [T] a commis des manquements : - en interjetant appel par le truchement d'une lettre recommandée et non pas par voie électronique conformément à l'article 930-1 alinéa 1er du code de procédure civile, - en ne portant pas attention ni au moyen d'irrecevabilité de l'appel invoqué par la société Somers dans ses écritures, ni aux différents documents remis tant par le greffe du conseil de prud'hommes de Melun que par celui de la cour d'appel de Paris, et ce faisant, en n'expliquant pas pourquoi l'acte d'appel ne pouvait être transmis par voie électronique. Mme [T] sollicite la confirmation de la décision de ce chef. En formalisant l'appel par lettre recommandée et non pas par la voie électronique ainsi qu'exigé par l'article 930-1 alinéa 1er du code de procédure civile, sans répondre au moyen d'irrecevabilité de l'appel soulevé par la partie adverse et sans invoquer ni justifier de cause étrangère, ce qui a donné lieu au constat de l'irrecevabilité de l'appel par arrêt de la cour du 18 décembre 2018, Mme [T] a manqué à son obligation de diligence. Sa faute est donc caractérisée. Sur le préjudice et le lien de causalité : Le tribunal a jugé que M. [O] ne démontrait aucune chance d'obtenir gain de cause en appel en ce que : - le conseil de prud'hommes, pour retenir l'application de la clause de non concurrence, a : - constaté que M. [O] avait constitué la société GMS le 17 mai 2014, laquelle était devenue agent commercial de la société allemande Giebel le 21 mai 2014 au détriment de la société Somers, elle-même agent commercial du 1er septembre 2005 au 1er janvier 2008, puis sous-agent commercial -la société Calextier étant devenue l'agent en titre-, de la société Giebel, - constaté que la société GMS avait perçu des commissions de la part de la société Giebel pour des affaires conclues entre janvier et mars 2014, au détriment des sociétés Calextier et Somers, avant même la rupture du contrat de travail de M. [O] ayant pris effet le 23 avril 2014, - écarté l'exception de nullité de la clause de non-concurrence stipulée à l'article 11 du contrat de travail litigieux soulevée par M. [O], au motif que cette clause était licite, du fait de sa nécessité, de sa proportionnalité et de la contrepartie financière associée, - si les motifs relatifs à l'exercice d'une activité concurrente avant la rupture du contrat de travail sont inopérants pour la mise en oeuvre de la clause de non-concurrence, le conseil des prud'hommes a relevé des manquements à l'obligation de non-concurrence postérieurs à la rupture, - M. [O] n'établit pas que les sociétés Somers et GMS n'auraient pas la même activité, alors que son contrat de travail portait précisément sur la commercialisation de produits fabriqués par d'autres entreprises dont la société Somers avait la représentation commerciale en France, notamment la société Giebel, ce qui n'ôte rien à la pertinence de la solution retenue, -la validité de la clause de non concurrence n'est pas conditionnée par le paiement de la contrepartie financière mais par l'existence de celle-ci et le salarié qui ne respecte pas son engagement ne peut prétendre à son paiement. L'appelant soutient que la faute de son avocat lui a directement causé une perte d'une chance très sérieuse d'obtenir l'infirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Melun aux motifs que : -la clause de non concurrence est inapplicable en ce que : - cette clause n'avait vocation à s'appliquer qu'après la rupture du contrat de travail, - aucune contrepartie financière ne lui a effectivement été versée, - aucune infraction à la clause de non concurrence n'est caractérisée dès lors que : - la société Somers et la société GMS n'ont pas la même activité, celle de la première étant la fabrication et la vente de feuillards en petits volume, alors que l'activité de la société GMS, agent commercial, est la revente en gros de métaux ferreux et non ferreux et de machine-outils, - la société Somers n'a jamais été l'agent commercial de la société Giebel, mais la société Calextier, qui a rompu leurs relations commerciales, - il ne peut lui être fait grief, dans ces conditions, d'avoir conclu un contrat d'agent commercial avec la société Giebels plusieurs mois après la rupture de son contrat de travail, - il a perdu une chance d'éviter les condamnations prononcées à son encontre par jugement du conseil de prud'hommes du 27 septembre 2016 et par arrêt de la cour du 18 décembre 2018, pour un montant total de 51 667,76 euros et d'obtenir la condamnation de son employeur au paiement de la somme de 27 313,27 euros en règlement de la contrepartie de la clause de non-concurrence. L'intimée conteste une quelconque perte de chance d'infirmation du jugement en cause d'appel dès lors que : - M. [O] a violé sa clause de non concurrence avant et après la rupture de son contrat de travail, ainsi qu'il résulte de la décision du conseil de prud'hommes mais également du jugement du tribunal de commerce de Meaux ayant condamné les sociétés GMS et Giebel, en détournant délibérément la clientèle de son employeur et en facturant pour son compte des commissions à ce titre alors qu'il était encore salarié, en méconnaissance de son obligation de loyauté dans l'exécution du contrat, et en immatriculant sa société GMS quelques jours après la fin de son contrat de travail, lesdites décisions ayant notamment retenu l'identité d'activité entre la société GMS et la société Somers et des produits commercialisés, la concomittance des manoeuvres frauduleuses et la violation de la clause de concurrence, -le paiement de la clause de non-concurrence était exclu en cas de violation de l'obligation de non-concurrence. Pour être valable, la clause de non-concurrence qui a vocation à être mise en oeuvre à l'issue de la relation contractuelle, doit être limitée dans le temps et dans l'espace, être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié et contenir une contrepartie financière dont le montant ne doit pas être dérisoire. La contrepartie est due lors du départ effectif du salarié. Cette date est également celle à laquelle celui-ci est tenu d'exécuter son engagement et celle à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de l'indemnité. Le contrat de travail de M. [O] contient en son article 11 une clause de non concurrence par laquelle il s'engage, postérieurement à la rupture dudit contrat, à ne pas exercer directement ou indirectement des fonctions similaires ou concurrentes de celles exercées au sein de la société Somers, soit à ne pas travailler en qualité de salarié ou de non-salarié pour une entreprise concurrente et à ne pas créer, directement ou indirectement par personne interposée, d'entreprise ayant des activités concurrentes ou similaires à celle de la société, c'est à dire notamment "vente de feuillard de précision et de bandes refendues", cet engagement s'appliquant sur l'ensemble du territoire français et étant limité à une durée d'un an. Il est prévu qu'"En contrepartie de l'engagement pris par M. [E] [O], la société s'engage à lui verser une indemnité mensuelle égale à 5/10 du salaire mensuel moyen des 12 derniers mois, 6/10 en cas de licenciement tant que le cadre n'a pas retrouvé un emploi". Cette clause est limitée dans le temps et l'espace, et tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et des informations stratégiques auxquelles il peut avoir accès, sans l'empêcher d'exercer une activité d'agent commercial correspondant à sa formation, au regard de sa qualification et de son savoir-faire. Elle est justifiée par les intérêts légitimes de l'entreprise, bénéficiant d'une exclusivité en France et Belgique dans la "vente de feuillard de précision et de bandes refendues", et prévoit une contrepartie financière. La validité de cette clause aurait donc nécessairement été confirmée en cause d'appel. La circonstance que l'employeur ne se soit pas acquitté de la contre partie financière de la clause de non-concurrence ne fait pas nécessairement échec à son application dès lors que cette clause est fixée en référence à la convention collective nationale de la métallurgie ingénieur et cadre, qui prévoit expressément que "L'indemnité mensuelle prévue ci-dessus étant la contrepartie du respect de la clause de non concurrence, elle cesse d'être due en cas de violation par l'intéressé, sans préjudice de dommages et intérêts qui peuvent lui être réclamés". Par jugement du 12 décembre 2017 passé en force de chose jugée, le tribunal de commerce de Meaux a définitivement jugé que les sociétés GMS et Giebel avaient commis des actes de concurrence déloyale au préjudice des sociétés Calextier et Somers, aux motifs notamment que : - les sociétés Calextrier et Somers étaient respectivement agent commercial et sous agent commercial exclusifs de la société Giebel en disposant chacune de contrats "agency agreement" datés respectivement du 6 février 2012 et 7 janvier 2013, que la société Giebel a rompus le 25 avril 2014, - la société GMS, a été constituée le 17 mai 2014 par M. [O] et immatriculée le 17 mai 2014, avec pour objet social "l'achat la revente de métaux bruts. Le négoce de métaux, alliages ainsi que diverses machines-outils", - dès le 2 juin 2014, la société Giebel a signé avec la société GMS un "contrat agency" portant sur les prestations identiques à celles préalablement effectuées par la société Somers, - par lettre circulaire du 16 juin 2014, la société Giebel a informé les clients de la société Somers que la société GMS, par le biais de son directeur, M. [O], assurait désormais la prise en charge du marché français et belge, - des commissions ont préalablement été versées à la société GMS pour des opérations faites de janvier à avril 2014, alors que M. [O] était encore salarié de la société Somers et que la société GMS n'était pas encore constituée. La cour, statuant sur appel du jugement du 27 septembre 2016 et qui aurait eu à connaître du jugement du tribunal de commerce de Meaux ayant définitivement condamné la société GMS pour des actes de concurrence déloyale commis au préjudice de la société Somers, aurait nécessairement retenu qu'en constituant la société GMC, M. [O] avait violé la clause de non-concurrence par laquelle il s'est engagé à ne pas travailler en qualité de salarié ou de non-salarié pour une entreprise concurrente et à ne pas créer, directement ou indirectement par personne interposée, d'entreprise ayant des activités concurrentes ou similaires à celle de la société Somers. Il n'est donc démontré aucune perte de chance, même minime, de voir infirmer le jugement du conseil de prud'hommes ayant fait application de la clause de non-concurrence nonobstant l'absence de versement de la contrepartie financière, compte tenu de la violation des engagements de M. [O] dès la rupture conventionnelle du contrat de travail, et condamné M. [O] pour violation de la clause de concurrence, tout en le déboutant de sa demande de contrepartie financière. Le jugement est donc confirmé en toutes ses dispositions. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile : M. [O] échouant en ses prétentions sera condamné aux dépens d'appel. La faute de Mme [T] étant caractérisée, aucune considération d'équité justifie que lui soit alloué en cause d'appel une indemnité supplémentaire au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Déboute Mme [C] [T] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne M. [E] [O] aux dépens d'appel. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ORDONNANCE DU 02 JUILLET 2022 Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B No RG 22/02029 - No Portalis 35L7-V-B7G-CF7TU Décision déférée : ordonnance rendue le 29 juin 2022, à 16h45, par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Meaux Nous, Patricia Dufour, conseiller à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Grégoire Grospellier, greffier au prononcé de l'ordonnance, APPELANT : M. [E] [B] né le [Date naissance 1] 1995 à [Localité 2], de nationalité marocaine RETENU au centre de rétention : Mesnil Amelot 3 Informé le 1er juillet 2022 à 13h58, de la possibilité de faire valoir ses observations sur le caractère manifestement irrecevable de son appel, en application des dispositions de l'article R 743-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile LE PREFET DE L'ESSONNE Informé le 1 juillet 2022 à 13h59, de la possibilité de faire valoir ses observations sur le caractère manifestement irrecevable de l'appel, en application des dispositions de l'article R 743-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience ORDONNANCE : contradictoire - Vu l'ordonnance du 29 juin 2022 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Meaux déclarant la requête recevable et la procédure régulière et ordonnant la prolongation de la rétention de l'intéressé au centre de rétention administrative du [Localité 3], ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de 30 jours à compter du 29 juin 2022 à 16h45 ; - Vu l'appel interjeté le 30 juin 2022, à 14h37, par M. [E] [B] ; Aux termes de l'article R. 743-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'appel doit être formé par une déclaration motivée et, selon les termes de l'article L. 743-23 du code précité, l'appel peut être rejeté sans convocation préalable des parties lorsqu'il est manifestement irrecevable, une bonne administration de la justice justifiant qu'il soit fait application de ce texte. En l'espèce, il convient de considérer que l'appel de M.[E] [B] est irrecevable dès lors que le premier moyen tiré du défaut de diligence de l'autorité administrative est irrecevable comme dénué de motivation en fait puisque l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé ou de la dissimulation par celui-ci de son identité alors que les décmarches entreprises établissent que si l'intéressé déclare être marocain les autorités consulaires marocaines ne l'ont pas reconnu comme un de leurs ressortissants, que, par ailleurs, l'intéressé utilise des alias de nationalité algériennes et que des diligences ont été entreprises auprès des autorités consulaires de ce pays, qu'un rendez-vous consulaire et qu'elle est dans l'attente des résultats de l'indentification, sachant que l'intéressé a été identifié sous une autre identité par Interpol Algérie. PAR CES MOTIFS DÉCLARONS l'appel irrecevable ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance. Fait à Paris le 02 juillet 2022 à 11h41 LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT, REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition. Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur. Notification effectuée aux parties par LRAR ou télécopie et/ou courriel.
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COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 6 No RG 21/12891 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEAT5 Nature de l'acte de saisine : Déclaration d'appel valant inscription au rôle Date de l'acte de saisine : 07 Juillet 2021 Date de saisine : 16 Juillet 2021 Nature de l'affaire : Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction Décision attaquée : no18/01355 rendue par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS le 12 Janvier 2021 Appelants : Monsieur [I] [D], Monsieur [Z] [D], Assistés de Me Florence MELLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : W09 Représentés par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09 - No du dossier 179422 Intimées : MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, prise en la personne de son représentant légal en exercice, Non assistée, non représentée (régulièrement assignée) CAISSE D'EPARGNE CEPAC, prise en la personne de ses représentants légaux, Représentée par Me Jérôme DEPONDT de la SCP IFL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042 - No du dossier 51774 ORDONNANCE SUR INCIDENT DEVANT LE MAGISTRAT CHARGÉ DE LA MISE EN ÉTAT Nous, Valérie GUILLAUDIER, magistrat en charge de la mise en état, Assisté de Christel CARLIER-DE-NIET, adjoint faisant fonction de greffier, Par acte d'huissier en date du 16 janvier 2018, M. [I] [D] et M. [Z] [D] ont assigné la Mutuelle des architectes français (la MAF) et la Caisse d'Epargne CEPAC devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'obtenir la garantie de l'assureur au titre des condamnations prononcées contre son assurée, la société 2 AD Ingénierie, dans le cadre d'une instance devant le tribunal de grande instance de Nice et la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Par jugement en date du 12 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris a déclaré irrecevable, comme prescrite, leur action. Par déclaration en date du 7 juillet 2021, M. [I] [D] et M. [Z] [D] ont interjeté appel du jugement. Le 18 janvier 2022, M. [I] [D] et M. [Z] [D] ont saisi le conseiller de la mise en état aux fins que soit ordonnée la suspension de leurs contrats de prêt conclus avec la Caisse d'Epargne CEPAC en application de l'article L.313-44 du code de la consommation jusqu'à la solution du litige les opposant à la MAF. Par conclusions en date du 21 janvier 2022, la Caisse d'Epargne CEPAC a demandé qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle ne s'oppose pas à voir ordonner la suspension de l'exécution des contrats de prêts jusqu'au prononcé de l'arrêt à intervenir. Le 12 mai 2022, les parties ont été invitées à formuler leurs observations sur la compétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur la demande. M. [I] [D] et M. [Z] [D] ont notifié par voie électronique des conclusions le 8 juin 2022 et une note en délibéré le 23 juin 2022. Aux termes de l'article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées. Aux termes de l'article L. 313-44 du code de la consommation, lorsqu'il est déclaré dans l'acte constatant le prêt que celui-ci est destiné à financer des ouvrages ou des travaux immobiliers au moyen d'un contrat de promotion, de construction, de maîtrise d'oeuvre ou d'entreprise, le tribunal peut, en cas de contestation ou d'accidents affectant l'exécution des contrats et jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de prêt sans préjudice du droit éventuel du prêteur à l'indemnisation. Ces dispositions ne sont applicables que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par l'une des parties. Le contrat de vente en l'état futur d'achèvement est assimilé aux contrats visés par l'article L. 312-19, devenu L. 313- 44 du code de la consommation (1re Civ., 9 décembre 2015, pourvoi no 14-29.960). En l'espèce, M. [I] [D] et M. [Z] [D] ont acquis deux appartements dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement financés par deux prêts souscrits auprès de la Caisse d'Epargne et une contestation affecte l'exécution du contrat principal. Les parties ne contestent pas que les dispositions de l'article L.313-44 du code de la consommation ont vocation à s'appliquer et la Caisse d'Epargne CEPAC ne s'oppose pas à la suspension de l'exécution des contrats de prêt de M. [I] [D] et M. [Z] [D] jusqu'à la solution du litige. Dès lors, la suspension des contrats de prêts souscrits par M. [I] [D] et M. [Z] [D] sera ordonnée en application de l'article L. 313-44 du code de la consommation jusqu'à la solution du litige au fond. Les dépens seront réservés. PAR CES MOTIFS Ordonnons la suspension du contrat de prêt no 1344981 souscrit le 10 octobre 2006 par M. [I] [D] auprès de la Caisse d'Epargne CEPAC et du contrat de prêt no 1345922 souscrit par M. [Z] [D] le 10 octobre 2006 auprès de la Caisse d'Epargne CEPAC jusqu'à la solution du litige au fond, Réservons les dépens. Ordonnance rendue par Valérie GUILLAUDIER, magistrat en charge de la mise en état assisté de Christel CARLIER-DE-NIET, adjoint faisant fonction de greffier présent lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Paris, le 30 Juin 2022 L'adjoint faisant fonction de greffier,Le magistrat en charge de la mise en état,
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COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 113 DU VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX AFFAIRE No : RG 21/00036 - No Portalis DBV7-V-B7F-DIYF Décision déférée à la Cour : Ordonnance de Référé du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 29 décembre 2020 - Formation de Référé - S.A. BASSE-TERRE TELEVISION, en la personne de son représentant légal [Adresse 4] [Localité 2] Représentée par Maître Michaël SARDA (Toque 1), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART Monsieur [V] [E] [Adresse 1] [Localité 3] Représenté par Maître Johann EUGENE-ADOLPH (Toque 90), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 2 mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, Madame Gaëlle Buseine, conseillère, Madame Annabelle Clédat, conseillère, Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 27 juin 2022 GREFFIER Lors des débats : MmeValérie Souriant, greffier. Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS ET PROCÉDURE : M. [E] a été embauché par la SA Basse-Terre Télévision par contrat de travail à durée indéterminée en qualité de cameraman à compter du 1er septembre 1998. M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Basse-terre, en référé, le 26 octobre 2020, aux fins d'obtenir le règlement de ses salaires pour la période d'octobre 2017 à octobre 2020 et de dommages et intérêts pour le préjudice qu'il estime avoir subi. Par ordonnance de référé du 29 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Basse-Terre a : - ordonné à la SA Basse-Terre Télévision, en la personne de son représentant légal, de payer à M. [E] la somme de 39600 euros à titre de salaire pour la période d'octobre 2017 à octobre 2020, - ordonné à la SA Basse-Terre télévision, en la personne de son représentant légal, de remettre à M. [E], sous astreinte de 20 euros par jour de retard, sur une période de trente jours les documents suivants : * les bulletins de paie d'octobre 2017 à octobre 2020, * le contrat de travail, - débouté M. [E] [V] du surplus de ses demandes, - mis les dépens à la charge de la SA Basse-Terre Télévision, en la personne de son représentant légal. Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 11 janvier 2020, la SA Basse-Terre Télévision formait appel de ladite ordonnance, qui lui était notifiée le 7 janvier 2021. Par ordonnance du 21 février 2022, la présidente de la chambre sociale a : - constaté l'irrecevabilité des conclusions de M. [E] [V], - fixé l'affaire à l'audience du 2 mai 2022 à 14h30, - dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, - dit que la notification de la présente valait convocation à l'audience. MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES : Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique à M. [E] le 22 janvier 2021, la SA Basse-Terre Télévision demande à la cour de : A titre principal, - annuler l'ordonnance de référé du 29 décembre 2020, A titre subsidiaire, - infirmer l'ordonnance de référé du 29 décembre 2020, Et statuant à nouveau, - se déclarer incompétente pour connaître des demandes de M. [E], en conséquence, - débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, En tout état de cause, - condamner M. [E] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La SA Basse-Terre Télévision soutient que : - elle n'a pas été régulièrement citée à comparaître en première instance, - ses droits de défense ont été méconnus, - en l'absence d'urgence et compte tenu de l'existence d'une contestation sérieuse, l'ordonnance devra être infirmée. Sur la nullité de l'ordonnance : Aux termes de l'article 670-1 du code de procédure civile, en cas de retour au greffe de la juridiction d'une lettre de notification dont l'avis de réception n'a pas été signé par le destinataire, le greffier invite la partie à procéder par voie de signification. En l'espèce, l'accusé de réception de la convocation de la SA Basse-Terre Télévision, devant la formation de référé du conseil des prud'hommes de Basse-Terre, en date du 30 octobre 2020, est revenu au greffe le 5 novembre 2020, avec la mention "défaut d'accès ou d'adressage". Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait été fait application de l'article 670-1 du code de procédure civile en invitant M. [E] à procéder par voie de signification, il convient de prononcer l'annulation de l'ordonnance déférée, la formation de référé ayant statué sans respect du principe de la contradiction. Sur le référé : La cour rappelle que, par application de l'article R.1455-5 du code du travail, dans tous les cas d'urgence, la formation de référé du conseil de prud'hommes peut ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. Selon l'article R 1455-6 du code du travail, la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Aux termes de l'article R.1455-7 du code du travail dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. En l'espèce, la société fait notamment valoir l'existence d'une contestation sérieuse, liée à la cessation par le salarié de sa prestation de travail, au défaut de maintien de celui-ci à disposition de l'employeur et à l'absence de justification des sommes réclamées à titre de rappel de salaire. Cette contestation, qui nécessite un examen des moyens et des pièces invoqués à son soutien, présente un caractère sérieux et ne relève pas de la compétence du juge des référés, mais du juge du fond. Sur les autres demandes : L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter la SA Basse-Terre Télévision de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens. PAR CES MOTIFS : La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort, Annule l'ordonnance rendue le 29 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Basse-Terre entre M. [E] [V] et la SA Basse-Terre Télévision, Dit qu'il n'y a pas lieu à référé, Déboute la SA Basse-Terre Télévision de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens. Le greffier, La présidente,
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ORDONNANCE DU 02 JUILLET 2022 Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B No RG 22/02038 - No Portalis 35L7-V-B7G-CF7UZ Décision déférée : ordonnance rendue le 01 juillet 2022, à 11h31, par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Meaux Nous, Patricia Dufour, conseiller à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Grégoire Grospellier, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance, APPELANT : M. [H] [G] né le [Date naissance 1] 2001 à [Localité 2], de nationalité algérienne RETENU au centre de rétention : Mesnil Amelot 2 assisté de Me Harold Chaney, avocat de permanence au barreau de Paris LE PREFET DU VAL D'OISE représenté par Me Tarik El-Assad du cabinet Actis Avocats, avocats au barreau du Val-de-Marne MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience ORDONNANCE : - contradictoire - prononcée en audience publique - Vu l'ordonnance du 01 juillet 2022 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Meaux déclarant la requête recevable et la procédure régulière et ordonnant une troisème prolongation de la rétention de M. [H] [G] au centre de rétention administrative du [Localité 3] 2, ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de 15 jours à compter du 01 juillet 2022 ; - Vu l'appel motivé interjeté le 02 juillet 2022, à 02h46, par M. [H] [G] ; - Après avoir entendu les observations : - de M. [H] [G] assisté de son avocat, qui demande l'infirmation de l'ordonnance ; - du conseil du préfet du Val-d'Oise tendant à la confirmation de l'ordonnance ; Il convient de considérer que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs particulièrement pertinents qu'il y a lieu d'adopter que le premier juge a statué sur les moyens soulevés devant lui et repris devant la cour, y ajoutant sur le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 742-5 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, contrairement à ce qui est soutenu, il existait des perspectives d'éloignement à bref délai au moment où M. [H] [G] a fait appel de la décision querellée puisque le consulat d'Algérie lui a délivré un laissez-passer consulaire pour embarquer sur le vol prévu le 2 juillet 2022 à 9h40 à destination d'Alger mais qu'au surplus, sachant qu'en tout état de cause, l'absence d'exécution de la mesure d'éloignement résulte de l'obstruction de l'intéressée qui ce jour, ainsi qu'il résulte d'un rapport établi par les policiers du centre de rétention adressé par fax à 14h13 au greffe, a escalé la grille d'un bâtiment du centre et s'est allongé sur le toit en exprimant son refus de retourner en Algérie, refus qui le rend infondé à se prévaloir d'une violation des dispositions précitées. En conséquence, l'ordonnance querellée est confirmée. PAR CES MOTIFS CONFIRMONS l'ordonnance, ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance. Fait à Paris le 02 juillet 2022 à LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT, REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition. Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur. Le préfet ou son représentantL'intéresséL'avocat de l'intéressé
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COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE 2ème CHAMBRE CIVILE ARRÊT No 414 DU 04 JUILLET 2022 No RG 20/00676 No Portalis DBV7-V-B7E-DHXI Décision déférée à la cour : Jugement de la première chambre civile du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, décision attaquée en date du 09 juillet 2020, enregistrée sous le no 19/00474. APPELANTS : Madame [U] [J] [P] [Adresse 1] Les Mangles [Localité 10] Monsieur [C] [N] [T] [Adresse 4] Destreland [Localité 9] Ayant tous deux pour avocat Me Gérard Plumasseau, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy. Monsieur [S] [W] [Adresse 3] [Localité 8] Représenté par Me Christelle Reyno de Legalprotech Avocats, avocat au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy. COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 09 Mai 2022, en audience publique, devant la cour composée de : Madame Corinne Desjardins, Présidente de chambre, Madame Annabelle Clédat, conseillère, Madame Christine Defoy, conseillère, qui en ont délibéré. Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 04 juillet 2022. Lors des débats et du prononcé Mme Armélida Rayapin, Greffier. Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Signé par Mme Corinne Desjardins, Présidente de chambre et par Mme Armélida Rayapin, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS ET PROCEDURE [R] [T] est décédé le [Date décès 2] 2012 au [Localité 11]. Par acte de notoriété du 22 avril 2013, M. [C] [T] et Mme [U] [P] se sont vu reconnaître la qualité d'héritiers. Un partage a été opéré entre eux suivant acte notarié du 02 février 2015, aux termes duquel M. [C] [T] s'est vu attribuer la propriété d'une parcelle située au [Localité 11] cadastrée CD no[Cadastre 7] et Mme [U] [P] celle d'une parcelle cadastrée CD no[Cadastre 6]. Le 7 décembre 2015, le notaire a dressé un acte de notoriété rectificatif au bénéfice de M. [S] [W], également fils du défunt. Les démarches de M. [W] tendant à obtenir le paiement d'une soulte suite au partage réalisé en son absence n'ayant pas abouti, il a assigné M. [C] [T] et Mme [U] [P] devant le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre par acte du 20 février 2019 afin de les voir condamner à titre principal à lui payer in solidum la somme de 68.849 euros correspondant à sa part dans la succession. A titre subsidiaire, il a sollicité l'annulation du partage et la licitation des biens immobiliers composant la succession. Par jugement du 09 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a : - condamné M. [C] [T] à payer à M. [S] [W] la somme de 8.435,29 euros à titre de soulte résultant du partage de la succession d'[R] [T], - condamné Mme [U] [P] à payer à M. [S] [W] la somme de 83.375,29 euros à titre de soulte résultant du partage de la succession d'[R] [T], - dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 20 février 2019 et ordonné la capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière, - condamné in solidum M. [C] [T] et Mme [U] [P] aux dépens qui seront partagés entre eux par moitié et dit qu'ils seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle, - condamné in solidum M. [C] [T] et Mme [U] [P] à payer à M. [S] [W] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - rejeté les demandes plus amples ou contraires. M. [C] [T] et Mme [U] [P] ont interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique le 23 septembre 2020, en indiquant expressément que leur appel portait sur chacun des chefs de jugement. M. [S] [W], auquel la déclaration d'appel et les conclusions des appelants ont été régulièrement signifiées respectivement le 22 décembre 2020 et le 19 janvier 2021, a régularisé sa constitution d'intimé par voie électronique le 20 janvier 2021. L'ordonnance de clôture est intervenue le 07 mars 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 09 mai 2022, date à laquelle la décision a été mise en délibéré au 04 juillet 2022. PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES 1/ M. [C] [T] et Mme [U] [P], appelants : Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 21 février 2022 par lesquelles les appelants demandent à la cour : - de réformer la décision querellée en ce qu'elle les a condamnés à payer à M. [W] les sommes de 83.375,29 euros et 8.435,29 euros avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du 20 février 2019, outre 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - en conséquence, à titre principal : - de renvoyer les parties et la procédure devant Maître [E] [X], notaire au sein de l'étude [I] à [Localité 12], afin qu'elle établisse un état liquidatif de manière à déterminer les droits des trois héritiers en faisant des propositions de partage en nature et en valeur, - de dire qu'il en sera référé à la cour en cas de difficultés, à travers une proposition de partage qui sera soumise à l'appréciation de la cour, - de faire masse des dépens qui seront employés en frais privilégiés de partage, - subsidiairement, si par extraordinaire la cour décidait de ne pas renvoyer les parties et la procédure devant le notaire : - de dire et juger, sur la base du rapport d'expertise du 18 février 2022 de M. [G], qu'il convient d'apprécier la valeur brute des deux actifs composant la succession d'[R] [T] à la somme totale de 208.000 euros pour les deux parcelles, - de dire que c'est sur cette base qu'il conviendra de statuer au titre du partage successoral au bénéfice des héritiers du de cujus, - de dire que Mme [P], dans le cadre d'une gestion d'affaire du patrimoine d'[R] [T], a engagé à ses frais avancés la somme de 11.625 euros pour laquelle elle a droit au remboursement, - en conséquence, de condamner M. [W] à lui payer à ce titre la somme de 3.875 euros venant en déduction de la valeur monétaire de la part revenant à ce dernier, - de rejeter les demandes au titre des frais irrépétibles, - de faire masse des dépens qui seront employés en frais privilégiés de partage. En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé des prétentions et moyens. 2/ M. [S] [W], intimé : Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 28 décembre 2021 par lesquelles l'intimé demande à la cour : - sur l'appel principal interjeté par M. [T] et Mme [P] : - de rejeter l'intégralité de leurs moyens et prétentions, - en cas de réévaluation : - d'évaluer la valeur foncière des biens à 289.343,22 euros, soit 96.447 euros par héritier, - de condamner solidairement Mme [U] [P] et M.[C] [T] à lui payer la somme de 96.447 euros, - sur son propre appel incident : - de réformer le jugement déféré uniquement en ce qu'il a rejeté sa demande de voir réintégrer les revenus locatifs générés depuis le décès d'[R] [T] le [Date décès 2] 2012 dans la masse partageable, - de condamner solidairement Mme [U] [P] et M. [C] [T] à lui payer une compensation de 23.092,88 euros pour la perte de chance de placer ses revenus locatifs depuis le décès d'[R] [T] jusqu'au 31 décembre 2021, à actualiser, -d'assortir la condamnation des intérêts légaux depuis le partage rectificatif du 02 février 2015 et d'ordonner leur capitalisation, - en tout état de cause : - de condamner solidairement Mme [U] [P] et M. [C] [T] à lui payer la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel. En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé des prétentions et moyens. MOTIFS DE L'ARRET Sur la demande en rectification du partage : Conformément aux dispositions de l'article 887-1 du code civil, le partage peut être annulé si un des cohéritiers y a été omis. L'héritier omis peut toutefois demander de recevoir sa part, soit en nature, soit en valeur, sans annulation du partage. Pour déterminer cette part, les biens et droits sur lesquels a porté le partage déjà réalisé sont réévalués de la même manière que s'il s'agissait d'un nouveau partage. En l'espèce, M. [W] n'a pas sollicité à titre principal l'annulation du partage mais a souhaité recevoir sa part en valeur. Considérant à juste titre qu'aucun élément ne démontrait qu'il existait le moindre obstacle à un désintéressement de M. [W] en valeur, les premiers juges ont procédé à l'évaluation de la part lui revenant et rejeté la demande reconventionnelle de Mme [U] [P] et de M. [C] [T] tendant à l'ouverture de nouvelles opérations de liquidation-partage. Les appelants maintiennent néanmoins cette demande en cause d'appel en indiquant qu'un "nouveau partage successoral est désormais indispensable pour déterminer les droits réciproques des héritiers" (page 6 de leurs conclusions), dans la mesure où l'évaluation de la masse partageable n'inclut pas seulement l'augmentation éventuelle de l'actif, mais également l'augmentation corrélative du passif, notamment du montant des frais de mutation prévus dans l'acte de partage. Cependant, dès lors qu'aucune partie ne sollicite l'annulation du partage successoral du 02 février 2015, son existence ne peut être remise en cause et il ne peut être procédé à aucun nouveau partage. Conformément aux dispositions de l'article 887-1 précité, il convient simplement, comme l'ont fait les premiers juges, de déterminer la part de l'héritier omis en réévaluant les biens et droits sur lesquels a porté le partage déjà réalisé de la même manière que s'il s'agissait d'un nouveau partage. Contrairement à ce qu'indiquent les appelants, cette évaluation peut parfaitement être réalisée afin d'aboutir à un désintéressement en valeur dès lors que toutes les parties ont produit des évaluations des deux seuls biens immobiliers ayant composé l'actif successoral. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [U] [P] et de M. [C] [T] de leur demande tendant à renvoyer les parties devant le notaire afin qu'il établisse un état liquidatif de manière à déterminer les droits de chacun et qu'il formule des propositions de partage en nature et en valeur. En ce qui concerne la réévaluation des biens et droits sur lesquels a porté le partage déjà réalisé le 02 février 2015, il convient de rappeler que l'actif de la succession n'était composé que d'un actif mobilier de 16.944,93 euros, dont le montant ne peut être réévalué, et d'un immeuble cadastré initialement CD [Cadastre 5], divisé en deux parcelles CD [Cadastre 6] et CD [Cadastre 7]. La parcelle CD [Cadastre 6] a été évaluée dans l'acte de partage à 70.421 euros et la parcelle CD [Cadastre 7] à 96.769 euros. S'agissant du passif, il était composé de la taxe foncière pour les années 2012 à 2014 et de divers frais d'acte pour un total de 16.853,21 euros. Le partage ayant été définitivement réalisé le 02 février 2015, le montant des taxes foncières à compter de 2015 n'a pas à être pris en compte et le montant du passif n'est susceptible d'aucune réévaluation. Dès lors, seules restent à réévaluer les parcelles CD [Cadastre 6] et CD [Cadastre 7]. Sur l'évaluation des parcelles CD [Cadastre 6] et CD [Cadastre 7] : Il n'est pas contesté que le partage a été effectué sur la base d'une estimation des biens immobiliers réalisée par M. [M] en 2012. Le 10 juillet 2018, Mme [Z] a procédé à une nouvelle estimation de ces biens à la demande de M. [W]. Il ressort de son évaluation que la parcelle CD [Cadastre 6] pouvait être estimée à cette date à 175.140 euros et la parcelle CD [Cadastre 7] à 100.200 euros. Considérant que cette estimation était la plus proche de la date du partage rectificatif, et en l'absence de toute autre évaluation, les premiers juges l'ont retenue pour déterminer la part devant revenir à M. [W]. Néanmoins, en cause d'appel, les appelants ont produit en pièce 23 de leur dossier une nouvelle estimation de la valeur vénale de ces deux parcelles réalisée à leur demande par M. [G] le 21 février 2020, dont il ressort que la parcelle CD [Cadastre 6] avait à cette date une valeur vénale de 107.616 euros et la parcelle CD [Cadastre 7] une valeur vénale de 102.480 euros. Suivant une analyse réalisée le 17 avril 2021 à la demande de M. [W], Mme [Z] a contesté la valeur du terrain nu retenue par M. [G] à hauteur de 67€/m², considérant qu'elle n'était pas du tout conforme aux références trouvées sur le site gouvernemental DVF Etalab pour les parcelles avec une façade sur la rue situées au [Localité 11] dans l'environnement proche. Prenant trois exemples de références de mutations intervenues entre 2015 et 2018, elle a considéré que son évaluation à 450€/m² pour la parcelle CD [Cadastre 6] et à 150€/m² pour la parcelle CD [Cadastre 7] était tout à fait raisonnable alors que l'évaluation de M. [G] à 67€/m² pour les deux parcelles était très sous-estimée. S'agissant de l'évaluation des constructions, pour laquelle les deux expertises étaient assez proches, elle a considéré qu'une moyenne des deux était acceptable, ce qui ramenait l'évaluation des seules constructions à 88.520 euros pour le Club situé sur la parcelle CD [Cadastre 6] et à 74.432 euros pour la maison située sur la parcelle CD [Cadastre 7]. Le 18 février 2022, M. [G] a établi une nouvelle évaluation à la demande des appelants, après s'être rendu sur les lieux. Après avoir revu la valeur du terrain nu retenue pour chacune des deux parcelles et tenu compte de la vétusté accrue des constructions, il a estimé la parcelle CD [Cadastre 6] à 102.834 euros et la parcelle CD [Cadastre 7] à 104.851 euros, soit une valeur totale pour les deux parcelles arrondie à 208.000 euros. Dans le cadre de cette dernière expertise, M. [G] a critiqué les références retenues par Mme [Z] sur le site gouvernemental DVF Etalab, considérant qu'elles étaient trop éloignées des parcelles en cause (1,5km) et qu'elles concernaient des parcelles situées à des emplacements bien plus attractifs, tels le centre-ville de [Localité 11] ou la zone commerciale. Pour sa part il a retenu, sur le même site, des références correspondant à des mutations de terrains situés plus près des parcelles CD [Cadastre 6] et CD [Cadastre 7], réalisées en 2016 et 2020, ce qui lui a permis d'obtenir un prix moyen au mètre carré de 42,74 €. Il a appliqué un coefficient d'augmentation de 25% depuis 2020 pour la parcelle CD [Cadastre 7], qui est enclavée même si elle bénéficie d'une servitude de passage sur la parcelle CD [Cadastre 6], et a multiplié la valeur de référence par 1,5 pour évaluer la parcelle CD [Cadastre 6], mieux située car elle se trouve en bord de route. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que les références retenues par Mme [Z] en 2021 pour confirmer son évaluation de 2018 ne sont par pertinentes car elles ne correspondent pas suffisamment aux caractéristiques géographiques des parcelles en cause. Au contraire, M. [G] a procédé en février 2022 à une nouvelle expertise après avoir effectué une nouvelle visite des biens qui lui a également permis d'appréhender la vétusté des constructions. Il a par ailleurs retenu comme références des ventes de parcelles situées à proximité des parcelles en cause, auxquelles il a appliqué des coefficients de correction parfaitement adaptés à l'évolution du marché immobilier et aux caractéristiques propres de chacun des biens. Dans ces conditions, il convient de retenir ses dernières évaluations, soit 102.834 euros pour la parcelle CD [Cadastre 6] et 104.851 euros pour la parcelle CD [Cadastre 7]. Néanmoins, les appelants demandant à la cour de retenir une valeur globale de 208.000 euros, la valeur de chaque parcelle sera arrondie à 102.984 euros pour la parcelle CD [Cadastre 6] et à 105.016 euros pour la parcelle CD [Cadastre 7], afin de permettre les calculs nécessaires à la liquidation. Sur les revenus locatifs : Dans le cadre de son appel incident, M. [W] demande à la cour sur le fondement de l'article 887-1 du code civil de condamner solidairement les appelants à lui payer une somme de 23.092,88 euros correspondant à sa perte de chance de placer les revenus locatifs tirés de la parcelle CD [Cadastre 7]. Ce faisant, il a modifié sa demande de première instance qui tendait à voir incorporer à la masse partageable les fruits des biens immobiliers ayant fait l'objet du partage à compter du 02 février 2015. En ce qui concerne cette première demande, les premiers juges l'ont rejetée par des motifs pertinents, que la cour adopte, en considérant que le partage, non remis en cause, avait mis fin à l'indivision et permis la jouissance divise, écartant ainsi toute possibilité d'application de l'article 815-10 alinéa 2 du code civil. En ce qui concerne la nouvelle demande, dont les appelants ne remettent pas en cause la recevabilité, elle est toujours fondée sur l'article 887-1 qui pourtant ne peut servir de fondement à une action indemnitaire. En tout état de cause, la validité du partage n'étant pas contestée, M. [W] ne peut se prévaloir d'aucune perte de chance de bénéficier des fruits que les revenus locatifs auraient généré, puisqu'il n'aurait pas pu les percevoir compte tenu de la jouissance divise consécutive au partage. En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande de réintégration des revenus locatifs et l'intimé sera débouté de sa demande au titre de la perte de chance de placer les revenus locatifs. Sur la prise en compte des frais de conservation des biens immobiliers : Mme [P] demande à la cour de mettre à la charge de M. [W] un tiers des frais qu'elle a engagés pour conserver le patrimoine immobilier dépendant de la succession. Cependant, elle produit en pièce 18 de son dossier une facture de 98 euros datée du 05 décembre 2012 dont rien n'indique qu'elle aurait un lien avec la conservation des biens dépendant de l'actif successoral. En ce qui concerne les factures produites en pièces 24, 25 et 26, elles sont datées de 2019 et 2020, soit postérieurement au partage et à la jouissance divise. En conséquence, pour les motifs précédemment évoqués, qui sont d'ailleurs repris par M. [W] sur ce point pour s'opposer à la demande des appelants, Mme [P] ne peut imposer à M. [W] de prendre en charge les moindres frais afférents à des parcelles dont il n'est pas propriétaire indivis. Sur le calcul de la part revenant à M. [S] [W] : Au regard de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que la part revenant à M. [W] doit être calculée conformément aux principes retenus par les premiers juges : Passif de la succession : -16.853,21 euros Actif de la succession : - actif mobilier : 16.944,93 euros - actif immobilier : 208.000 euros - total de l'actif : 224.944,93 euros Masse partageable : 224.944,93 - 16.853,21 = 208.091,72 euros Droits des parties : 208.091,72 / 3 = 69.363,91 euros chacun M. [S] [W] reste à percevoir 69.363,91 euros. M. [C] [T] a reçu en pleine propriété la parcelle CD [Cadastre 6] estimée à 102.984 euros et 45,86 euros en numéraire, soit 103.029,86 euros. Mme [U] [P] a reçu en pleine propriété la parcelle CD [Cadastre 7] estimée à 105.016 euros et 45,86 euros en numéraire, soit 105.061,86 euros. Dans la mesure où l'article 887-1 dispose que la part en valeur de l'héritier omis doit être calculée en réévaluant les droits et biens sur lesquels a porté le partage de la même manière que s'il s'agissait d'un nouveau partage, chaque héritier ayant reçu son lot dans le cadre du partage doit régler à l'héritier omis la portion de la part en valeur qui lui revient, sans qu'ils puissent être condamnés solidairement au paiement de l'intégralité de cette part. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande de condamnation solidaire des appelants à lui payer l'intégralité de sa part. En revanche, compte tenu de la nouvelle estimation des biens, le jugement déféré sera réformé sur le montant des condamnations prononcées et, statuant à nouveau, la cour condamnera M. [C] [T] à verser à M. [S] [W] la somme de 33.665,95 euros à titre de soulte et Mme [U] [P] à verser à M. [S] [W] la somme de 35.697,95 euros à titre de soulte. Conformément aux dispositions du jugement déféré, ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 20 février 2019 et la capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière sera ordonnée. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile : Toutes les parties succombant partiellement en cause d'appel, elles conserveront la charge de leurs propres frais et dépens. En revanche, les dispositions du jugement déféré seront confirmées. PAR CES MOTIFS La cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a : - condamné M. [C] [T] à payer à M. [S] [W] la somme de 8.435,29 euros à titre de soulte résultant du partage de la succession d'[R] [T], - condamné Mme [U] [P] à payer à M. [S] [W] la somme de 83.375,29 euros à titre de soulte résultant du partage de la succession d'[R] [T], L'infirme de ces chefs et, statuant à nouveau, Déboute Mme [U] [P] de sa demande tendant à voir condamner M. [W] à lui payer la somme de 3.875 euros venant en déduction de la valeur monétaire de la part revenant à ce dernier, Déboute M. [S] [W] de sa demande tendant à voir condamner solidairement Mme [U] [P] et M. [C] [T] à lui payer une compensation de 23.092,88 euros pour la perte de chance de placer ses revenus locatifs depuis le décès d'[R] [T] jusqu'au 31 décembre 2021, à actualiser, Condamne M. [C] [T] à payer à M. [S] [W] la somme de 33.665,95 euros à titre de soulte résultant du partage de la succession d'[R] [T], Condamne Mme [U] [P] à payer à M. [S] [W] la somme de 35.697,95 euros à titre de soulte résultant du partage de la succession d'[R] [T], Y ajoutant, Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres frais et dépens engagés en cause d'appel. Et ont signé, La greffière La présidente
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COUR D'APPEL VERSAILLES Code nac : 48C 1re chambre 3e section REPUTE CONTRADICTOIRE DU 01 JUILLET 2022 No RG 21/03118 - No Portalis DBV3-V-B7F-UQEW Société AGENCE DU GOLF Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Mars 2021 par le Juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de VERSAILLES No Chambre : No Section : SUREND No RG : 11-19-0129 Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : Toutes les parties RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LE PREMIER JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Société AGENCE DU GOLF [Adresse 4] [Localité 12] représentée par Me Eric MARECHAL, plaidant/postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P 378 APPELANTE - non comparante **************** Madame [C] [V] [Adresse 3] [Adresse 17] [Localité 11] comparante en personne Monsieur [S] [M] usage [D] [Adresse 3] [Adresse 18] [Localité 11] comparant en personne Société NATIXIS FINANCEMENT CHEZ NEUILLY CONTENTIEUX [Adresse 5] [Localité 14] Société CAISSE D'EPARGNE ILE DE FRANCE Chez [Localité 20] contentieux [Adresse 5] [Localité 14] SIP [Localité 10] [Adresse 1] [Localité 10] S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE Chez [Localité 20] contentieux [Adresse 5] [Localité 14] Société MENAFINANCE CHEZ CA CONSUMER FINANCE Agence 923 Banque de France [Adresse 19] [Localité 9] S.A. EDF SERVICE CLIENT Chez EOS CONTENTIA [Adresse 2] [Localité 6] S.A. SOGEFINANCEMENT Chez FRANFINANCE UCR DE PARIS [Adresse 13] [Localité 15] Société ENGIE CHEZ INTRUM JUSTITIA Pôle surendettement [Adresse 16] [Localité 7] SOCIETE GENERALE ITIM/PLT/COU [Localité 8] INTIMES - non comparants, non représentés **************** Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Juin 2022, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Lorraine DIGOT, conseillère chargée de l'instruction de l'affaire et du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Isabelle CHESNOT, présidente, Madame Lorraine DIGOT, conseillère, Madame Michèle LAURET, conseillère, Greffière, faisant fonction : Madame Virginie DE OLIVEIRA, EXPOSE DU LITIGE: Le 25 juin 2018, M. [M] et Mme [V] ont saisi la commission de surendettement des particuliers des Yvelines, ci-après la commission, d'une demande de traitement de leur situation de surendettement qui a été déclarée recevable le 20 septembre 2018. La commission leur a notifié, ainsi qu'à leurs créanciers, sa décision du 20 décembre 2018 d'imposer des mesures consistant en un rééchelonnement du paiement des créances sur une durée de 30 mois et une réduction du taux des intérêts des créances rééchelonnées au taux maximum de 0,88% l'an, en retenant une capacité mensuelle de remboursement de 799 euros. Statuant sur le recours de M. [M] et Mme [V], le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Versailles, par jugement rendu le 30 mars 2021, a : - déclaré le recours recevable, - "infirmé les mesures imposées en date du 20 décembre 2018", - dit que les créances seront rééchelonnées sur une durée de 84 mois, au taux de 0%, selon le tableau annexé au jugement, avec une mensualité maximale de remboursement de 223,29 euros. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postée le 12 avril 2021, la SARL Agence du Golf a interjeté appel de ce jugement, notifié par lettre recommandée dont l'avis de réception a été signé le 7 avril 2021. Toutes les parties ont été convoquées par le greffe à l'audience du 3 juin 2022 par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception postées le 6 janvier 2022. A l'audience devant la cour, La SARL Agence du Golf est représentée par son conseil qui demande à la cour de fixer sa créance à la somme de 11 153,29 euros et non à celle de 1 153,29 euros ainsi que figurant dans le plan annexé au jugement entrepris. Le conseil de l'appelante expose et fait valoir qu'elle a déclaré sa créance de 11 153,29 euros auprès de la commission le 2 octobre 2018, que cette créance n'a fait l'objet d'aucune contestation, que par erreur, elle a été reportée pour un montant de 1 153,29 euros dans le plan annexé au jugement contestée soit une différence de 10 000 euros, qu'elle produit en tant que de besoin un décompte. M. [M] et Mme [V] indiquent qu'il y a bien une erreur sur le montant de la créance de l'appelante qui est de 11 153,29 euros, demandent la confirmation du jugement dont appel sur le surplus, souhaitant que la mensualité de remboursement ne soit pas modifiée. M. [M] ajoute que seule la SARL Agence du Golf s'était opposée au plan conventionnel de redressement obligeant à poursuivre la procédure. Aucun des autres intimés, régulièrement touchés par les courriers de convocation, ne comparaît ou n'est représenté. MOTIFS DE LA DÉCISION : L'appel de la SARL Agence du Golf se limite à la fixation de sa créance et elle n'apporte pas de contradiction aux ressources et charges retenues par le premier juge pour déterminer que M.[M] et Mme [V] ont une capacité mensuelle de remboursement à hauteur de 223,29 euros. Les dispositions du jugement sur ce point sont donc définitivement acquises. Aux termes de l'article L. 733-12 du code de la consommation, lorsqu'il est saisi d'une contestation des mesures imposées, le juge peut vérifier, même d'office la validité des créances et des titres qui les constatent ainsi que le montant des sommes réclamées, cette vérification portant sur le caractère liquide et certain des créances, ainsi que sur le montant des sommes réclamées en principal, intérêts et accessoires conformément aux dispositions de l'article R.723-7 du même code. En l'espèce, la SARL Agence du Golf produit un décompte de créance qui fait ressortir un solde en sa faveur de 11 153,29 euros, décompte qui n'est pas contesté par les débiteurs et qui correspond à la créance déjà déclarée lors de la saisine de la commission en 2018. Dans ces conditions, par infirmation du jugement entrepris, la créance de la SARL Agence du Golf sera fixée à hauteur de 11 153,29 euros. Le passif total admis à la procédure est donc de 33 557,70 euros. Au regard de l'évolution de ce passif, de nouvelles mesures seront adoptées par infirmation du premier jugement, selon les modalités jointes, prévoyant le règlement des dettes prioritairement auprès de l'Agence du Golf et des services fiscaux, puis des charges courantes et enfin des crédits à la consommation. Compte tenu de l'état actuel de l'endettement, après révision de la créance de l'appelante, la capacité de remboursement ne permet pas, sur la durée de 84 mois, de régler l'intégralité du passif ; c'est donc à bon droit que le jugement entrepris a dit que les dettes seront en application de l'article L. 733-4, 2o, du code de la consommation effacées à l'issue du délai et, afin de pas aggraver la situation des débiteurs, a réduit les intérêts au taux zéro. Le tableau des mesures adoptées par la cour sera annexé au présent arrêt. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, et par arrêt réputé contradictoire, Confirme le jugement rendu le 30 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Versailles sauf sur le montant de la créance de la SARL Agence du Golf et sur les modalités de règlement du passif; Statuant de nouveau sur les chefs infirmés, Fixe après vérification et pour les besoins de la procédure de surendettement, la créance de la SARL Agence du Golf à 11 153,29 euros, Fixe le passif admis à la procédure à la somme de 33 557,70 euros, Dit que le nouveau plan de mesures imposées accordé à M. [S] [M] et Mme [C] [V] pour une durée de 84 mois sera annexé au présent arrêt, Dit que les versements effectués au profit de l'un ou l'autre des créanciers depuis la fixation de l'état des créances par la commission de surendettement ou le prononcé du jugement déféré, qui n'ont pas déjà été pris en compte dans le présent arrêt, s'imputeront sur les dernières échéances dues aux créanciers bénéficiaires de ces règlements et réduiront d'autant la durée de remboursement, Dit que, sauf meilleur accord, la première mensualité sera payable le 10 du mois suivant celui de la notification du présent arrêt, et les suivantes tous les 10 du mois, étant entendu qu'il appartiendra à M. [S] [M] et Mme [C] [V] de prendre contact avec leurs créanciers pour mettre en place des mesures de paiement conformes au présent plan au profit de chacun, Rappelle que toutes autres modalités de paiement, tant amiables que forcées, cessions des rémunérations et mesures d'exécution, sont suspendues pendant l'exécution du plan, et que les mesures d'exécution déjà engagées doivent être suspendues, Dit qu'à défaut de paiement d'un seul acompte à son échéance et quinze jours après une mise en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception demeurée infructueuse, M. [S] [M] et Mme [C] [V] seront déchus des délais accordés, l'intégralité des sommes restant dues aux créanciers concernés deviendra exigible et les intérêts et éventuellement les pénalités reprendront leur cours conformément au titre fondant la créance, Dit que pendant l'exécution des mesures de redressement, M. [S] [M] et Mme [C] [V] ne pourront pas contracter de nouvelles dettes, sous peine d'être déchus du bénéfice de la présente décision, Rappelle qu'en cas de survenance d'un événement nouveau dans la situation personnelle et financière des débiteurs, ce compris un retour significatif à meilleure fortune pendant la durée d'exécution des mesures il leur appartient de saisir à nouveau la commission de surendettement des particuliers en vue d'un réexamen de leur situation, Laisse les dépens à la charge du Trésor public, Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe à chacune des parties par lettre recommandée avec avis de réception et que copie en sera adressée à la commission de surendettement des particuliers des Yvelines. - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Lorraine DIGOT, conseillère, pour la présidente empêchée, et par Madame Virginie DE OLIVEIRA, faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. La greffière, faisant fonction,La conseillère,
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS L. 340-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ORDONNANCE DU 02 JUILLET 2022 Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : Q No RG 22/02022 - No Portalis 35L7-V-B7G-CF7SS Décision déférée : ordonnance rendue le 30 juin 2022, à 13h00, par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny Nous, Patricia Dufour, conseiller à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Grégoire Grospellier, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance, APPELANT : M. [P] [N] né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 2], de nationalité libanaise MAINTENU en zone d'attente de l'aéroport de : [3] Informé le 1er juillet 2022 à 12h26, de la possibilité de faire valoir ses observations sur le caractère manifestement irrecevable de son appel, en application des dispositions de l'article R 342-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile LE PREFET DE POLICE Informé le 1er juillet 2022 à 12h27, de la possibilité de faire valoir ses observations sur le caractère manifestement irrecevable de l'appel, en application des dispositions de l'article R 342-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience ORDONNANCE : contradictoire - Vu l'ordonnance du 30 juin 2022 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny autorisant le maintien de M. [P] [N] en zone d'attente de l'aéroport de [4] pour une durée de 8 jours ; - Vu l'appel interjeté le 30 juin 2022, à 17h35, par M. [P] [N] ; - Vu les observations de l'intéressé reçues le 01 juillet 2022 à 14h39 ; Aux termes de l'article R. 342-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'appel doit être formé par une déclaration motivée et, selon les termes de l'article L.342-14 du code précité, l'appel peut être rejeté sans convocation préalable des parties lorsqu'il est manifestement irrecevable, une bonne administration de la justice justifiant qu'il soit fait application de ce texte. Il convient de rappeler qu'il résulte des articles L. 342-1 et L. 342-10 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que "le maintien en zone d'attente au-delà de quatre jours à compter de la décision initiale peut être autorisé, par le juge des libertés et de la détention statuant sur l'exercice effectif des droits reconnus à l'étranger, pour une durée qui ne peut être supérieure à huit jours", et que "l'existence de garanties de représentation de l'étranger n'est pas à elle seule susceptible de justifier le refus de prolongation de son maintien en zone d'attente". Dès lors, en l'absence de moyens tirés d'un défaut d'exercice effectif des droits en zone d'attente, il convient de déclarer l'appel irrecevable l'appel formée par M. [P] [N] comme dénué de motivation en droit au regard des dispositions des dispositions précitées dès lors que celui-ci est fondé sur les conditions sanitaires en zone d'attente dont le contentieux ne relève pas de la compétence du juge judiciaire, sachant qu'en tout état de cause la prolongation du maintien en zone d'attente de M. [P] [N] résulte de son refus d'être réacheminé vers le Liban. PAR CES MOTIFS DÉCLARONS l'appel irrecevable ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance. Fait à Paris le 02 juillet 2022 à 11h30 LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT, REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition. Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur. Notification effectuée aux parties par LRAR ou télécopie et/ou courriel.
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS L. 340-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ORDONNANCE DU 02 JUILLET 2022 Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : Q No RG 22/02025 - No Portalis 35L7-V-B7G-CF7TC Décision déférée : ordonnance rendue le 30 juin 2022, à 13h00, par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny Nous, Patricia Dufour, conseiller à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Grégoire Grospellier, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance, APPELANT : M. [R] [J] (mineur) représenté par M. [J] et Mme [Z] né le [Date naissance 1] 2022 à [Localité 2], de nationalité libanaise MAINTENU en zone d'attente de l'aéroport de : [Localité 3] Informé le 1 juillet 2022 à 13H38, de la possibilité de faire valoir ses observations sur le caractère manifestement irrecevable de son appel, en application des dispositions de l'article R 342-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile LE PREFET DE POLICE Informé le 1 juillet 2022 à 13H38, de la possibilité de faire valoir ses observations sur le caractère manifestement irrecevable de l'appel, en application des dispositions de l'article R 342-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience ORDONNANCE : contradictoire - Vu l'ordonnance du 30 juin 2022 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny autorisant le maintien de M. [R] [J] (mineur) représenté par M. [J] et Mme [Z] en zone d'attente de l'aéroport de [4] pour une durée de 8 jours ; - Vu l'appel interjeté le 30 juin 2022, à 17h29, par M. [R] [J] (mineur) représenté par M. [J] et Mme [Z] ; - Vu les observations de l'intéressé reçues le 01 juillet 2022 à 14h39 ; Aux termes de l'article R. 342-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'appel doit être formé par une déclaration motivée et, selon les termes de l'article L.342-14 du code précité, l'appel peut être rejeté sans convocation préalable des parties lorsqu'il est manifestement irrecevable, une bonne administration de la justice justifiant qu'il soit fait application de ce texte. Il convient de rappeler qu'il résulte des articles L. 342-1 et L. 342-10 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que "le maintien en zone d'attente au-delà de quatre jours à compter de la décision initiale peut être autorisé, par le juge des libertés et de la détention statuant sur l'exercice effectif des droits reconnus à l'étranger, pour une durée qui ne peut être supérieure à huit jours", et que "l'existence de garanties de représentation de l'étranger n'est pas à elle seule susceptible de justifier le refus de prolongation de son maintien en zone d'attente". Dès lors, en l'absence de moyens tirés d'un défaut d'exercice effectif des droits en zone d'attente, il convient de déclarer l'appel irrecevable l'appel formé par M. [R] [J], mineur représenté par ses parents Mme [G] [Z] et M. [Y] [J] comme dénué de motivation en droit au regard des dispositions précitées dès lors que celui-ci est fondé sur les conditions sanitaires en zone d'attente dont le contentieux ne relève pas de la compétence du juge judiciaire, sachant qu'en tout état de cause l'intérêt du mineur est de demeurer avec ses parents et que la prolongation de son maintien en zone d'attente du mineur résulte du refus de ceux-ci d'être réacheminés vers le Liban PAR CES MOTIFS DÉCLARONS l'appel irrecevable ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance. Fait à Paris le 02 juillet 2022 à 11h34 LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT, REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition. Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur. Notification effectuée aux parties par LRAR ou télécopie et/ou courriel.
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No de minute : 56 COUR D'APPEL DE NOUMÉA arrêt du 15 juillet 2021 chambre sociale Numéro R.G. : No RG 19/00094 - No Portalis DBWF-V-B7D-QJO Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 6 septembre 2019 par le président du tribunal du travail de Nouméa (RG no :19/20) Saisine de la cour : 19 septembre 2019 Mme [K] [U] née le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 5] (Thaïlande), demeurant [Adresse 3] Représentée par Me Marie-katell KAIGRE, avocat au barreau de NOUMEA SARL KANNIKA THAI BIEN ETRE représentée par son gérant en exercice, Siège social : [Adresse 1] Représentée par Me Nicolas RANSON de la SARL ZAOUCHE RANSON, avocat au barreau de NOUMEA COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 17 juin 2021, en audience publique, devant la cour composée de : Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président, Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller, M. Charles TELLIER, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de M. [H] [Z]. Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT - contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, - signé par Monsieur Philippe DORCET, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire. ************************************** PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE Mme [U] a été recrutée comme masseuse dans un salon de massage, la société KANNIKA THAI BIEN ETRE. Arrivant de Thaïlande et ne parlant pas français, elle décrit des conditions d'embauche particulièrement préjudiciables entre un travail harassant sans repos, ses documents de séjour confisqués et son salaire non versé, et précise avoir été en arrêt maladie à cause de ce traitement. Les modalités de la fin du contrat de travail font débat. Son employeur dément ces éléments. Il convient de se reporter aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits du litige. Mme [U] a saisi le juge des référés par acte du 11 juin 2019 aux fins, en substance, de condamnation de son employeur à diverses sommes en arguant avoir été victime de travail dissimulé, de harcèlement et d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Par ordonnance de référé en date du 6 septembre 2019, le président du tribunal du travail de Nouméa a constaté que Mme [U] s'était désistée de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail et notamment de sa demande tendant à requalifier sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour préjudice moral, a dit qu'il existait une contestation sérieuse sur les demandes au titre des salaires non perçus pour décembre 2017 et janvier 2018, à titre de dommages et intérêts en réparatilon du préjudice pour travail dissimulé, au titre de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, au titre des heures complémentaires, des heures supplémentaires non rémunérées, du rappel de repos compensateur et au titre d'indemnisation pour dépassement de la durée maximale légale du travail. Il a par ailleurs constaté que la SARL KANNIKA THAI BIEN ETRE produit le bulletin de paie régularisé de décembre 2018 et les attestations de perte de salaires des mois d'avril et mai 2019. Il a ordonné à la SARL KANNIKA d'adresser à Mme [U] un certificat de travail mentionnant les dates d'entrée et de sortie de la salariée et la nature de l'emploi ainsi que les attestations de perte de salaires des mois de décembre 2018 à mars 2019 dans un délai de 15 jour sous astreinte de 5.000 FCFP par jour de retard. Il a ordonné à la SARL KANNIKA d'effectuer les régularisations nécessaires auprès des organismes sociaux dans les 15 jours sous astreinte de 5.000 FCFP par jour de retard. Il a rappelé que la décision était exécutoire par provision, a renvoyé Mme [U] à mieux se pourvoir sur ses demandes et a condamné la SARL KANNIKA à 100.000 FCFP au titre des frais irrépétibles. PROCÉDURE D'APPEL Par requête déposée le 19 septembre 2019, Mme [U] a fait appel de l'ordonnance du 6 septembre 2019. Dans ses dernières écritures, à savoir des conclusions responsives et récapitulatives no3 déposées le 10 juin 2020, Mme [U] demande à la cour d'infirmer l'ordonnance déférée sauf en ce qui concerne la remise des attestations de perte de salaire et les frais irrépétibles, de constater qu'elle s'est désistée de ses demandes relatives à la reconnaissance de la rupture du contrat et par conséquent de rectifier l'ordonnance déférée en ce qu'elle indique qu'il n'était pas contesté que le contrat de travail avait été rompu par courrier du 26 avril 2019 et ordonné qu'un certificat de travail soit remis à la salarié. Elle demande à la cour de constater que son travail prévoit qu'elle devait se tenir à la disposition de l'employeur 12 heures par jour, 6 jours par semaine, de constater qu'elle a été victime de travail dissimulé par dissimulation d'emploi et que la société KANNIKA fait échec à démontrer la durée effective du temps de travail réalisé. En conséquence, elle demande à la cour de constater que sa rémunération mensuelle brute de référence est de 346.289 FCFP, de condamner à titre provisionnel la société KANNIKA à lui verser les sommes de 433.636 FCFP au titre des heures complémentaires effectuées et non rémunérées, 2.609.572 FCFP au titre des heures supplémentaires effectuées et non rémunérées, 3.056.660 FCFP au titre de rappel du repos compensateur, 500.000 FCFP au titre de l'indemnité pour dépassement de la durée maximale du travail et 221.112 FCFP à titre de rappel de salaire pour travail le dimanche. A titre subsidiaire, elle demande à la cour de constater que le contrat de travail est présumé être un contrat de travail à temps plein, de constater que sa rémunération mensuelle brute de référence est de 156.277 FCFP, de condamner la société KANNIKA à lui verser à titre provisionnel les sommes de 433.636 FCFP pour heures complémentaires effectuées et non rémunérées et 92.130 FCFP pour rappel de salaire pour le travail le dimanche. En tout état de cause elle demande à la cour de condamner la société KANNIKA à lui verser à titre provisionnel les sommes de 100.000 FCFP à titre d'indemnité pour violation du repos dominical, 500.000 FCFP pour préjudice moral lié au travail dissimulé et 346.289 FCFP pour préjudice moral lié au harcèlement et la discrimination. Elle demande à la cour de faire injonction de communiquer la facture et le billet d'avion AR Thaïlande-[Localité 4] du 4 décembre 2017 réglée par la société KANNIKA et remboursée par Mme [U], d'ordonner le remboursement des frais d'avion aller par la société KANNIKA à Mme [U], de la condamner à effectuer les régularisations correspondantes à la CAFAT et de remettre des attestations de perte de salaire rectificatives, sous astreinte de 5.000 FCFP par jour de retard, de dire que les sommes indemnitaires et à nature de salaire seront augmentées des intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, et de condamner la société KANNIKA à lui verser la somme de 250.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Dans ses dernières écritures, à savoir des conclusions d'intimée no4 déposées le 13 juillet 2020, la SARL KANNIKA THAI BIEN ETRE demande à la cour de confirmer l'ordonnance du 6 septembre 2019 en l'ensemble de ses dispositions, de constater l'existence de contestations sérieuses s'opposant aux demandes de condamnations formées par Mme [U] au titre du rappel d'heures, de la requalification du contrat de travail et de dommages et intérêts, de la débouter de ses entières demandes et de la condamner à 180.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION Attendu que la mention suivante a été inscrite dans la note de l'audience du 30 août 2019 devant le président du tribunal du travail : "sujet demande au titre du licenciement : désistement des 2 dernières demandes ; maintien demandes au titre des salaires" ; que l'ordonnance déférée précise, dans ses motifs : "la requérante s'est désistée de cette demande [relative à la prise d'acte] à l'audience du 30 août. Il convient d'en tirer les conséquences et de constater qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur cette demande et celles relatives à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au préjudice moral et à la remise des documents sous astreinte" ; qu'il est ajouté "en l'espèce, il n'est pas contesté que le contrat de travail de madame [U] a été rompu le 26 avril 2019 et que celle-ci n'a pas reçu ce document de fin de contrat" ; que le dispositif de la décision attaquée précise pour sa part "constate que madame [K] [U] s'est désistée de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail et notamment de sa demande tendant à requalifier sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour préjudice moral" ; Attendu que seul le dispositif d'une décision peut avoir une portée juridique ; que le fait que le président du tribunal du travail ait noté dans ses motifs qu'il n'est pas contesté que le contrat de travail avait été rompu, quelle que soit l'exactitude de cette assertion, n'est pas de nature à avoir de force ou d'autorité de la chose jugée, de sorte qu'il ne peut y avoir lieu à infirmation ou à rectification des motifs ; Attendu qu'en revanche, dès lors qu'il ressort de la note d'audience que la question de la remise des documents de fin de contrat, dernier point de conclusions de la salariée en première instance, avait fait l'objet d'un désistement dûment acté à l'audience, le premier juge n'avait pas à ordonner la remise d'un certificat de travail mentionnant la date d'entrée et de sortie sous astreinte ; qu'il y aura lieu à infirmation sur ce point ; Attendu qu'ainsi que l'a estimé le premier juge, les demandes au titre des salaires non perçus, du travail dissimulé, des heures supplémentaires ou complémentaires, du dépassement de la durée de travail, de préjudice moral pour harcèlement ou discrimination, de travail dominical et de régularisation auprès de la CAFAT sous astreinte se heurtent à des contestations sérieuses qui nécessitent d'être tranchées par le juge du fond, par ailleurs saisi ; qu'il en est de même de la demande de remboursement de frais d'avion en cause d'appel ; Attendu que de même que la requalification d'une démission en prise d'acte ou en licenciement relève de la compétence du juge du fond, la question de la requalification d'un contrat à temps partiel à contrat à temps plein relève de la compétence de ce même juge du fond, par ailleurs déjà saisi, et excède la compétence du juge des référés ; Attendu que compte tenu du succès partiel de l'appel, il n'y pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure cvile ; Attendu que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens en cause d'appel ; PAR CES MOTIFS Infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a ordonné la remise d'un certificat de travail mentionnant la date d'entrée et de sortie de la salariée et la nature de l'emploi ainsi que les attestations de perte de salaire sous astreinte ; Constate le désistement devant le premier juge de Mme [U] concernant cette demande ; Confirme l'ordonnance déférée pour le surplus ; Dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes formulées ; Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel. Le greffier,Le président.
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ORDONNANCE DU 02 juillet 2022 Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B No RG 22/02021 - No Portalis 35L7-V-B7G-CF7SL Décision déférée : ordonnance rendue le 30 juin 2022, à 15h29, par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Meaux Nous, Patricia Dufour, conseillère à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Grégoire Grospellier, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance, LE PREFET DE POLICE représenté par représenté par Me Ludivine FLORETdu groupement Tomasi, avocat au barreau des Hauts-de-Seine Mme [D] [R] [E] née le [Date naissance 1] 2011 à [Localité 2], de nationalité angolaise Ayant pour conseil choisi Me Ruben Garcia, avocat au barreau de Paris, non comparant, non représenté, convoqué au centre de rétention du Mesnil-Amelot 2, faute d'adresse déclarée, MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience, ORDONNANCE : - réputée contradictoire, - prononcée en audience publique, - Vu l'ordonnance du 30 juin 2022 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Meauxdéclarant la procédure irrégulière et par conséquent la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de Mme [D] [R] [E] irrégulière, ordonnant en conséquence sa mise en liberté et disant n'y avoir lieu à statuer sur la prolongation de la rétention administrative de Mme [D] [R] [E] ; - Vu l'appel motivé interjeté le 01 juillet 2022, à 11h34, par le conseil du préfet de police ; - Vu l'avis d'audience, donné par télécopie le 1 juillet 2022 à 12h13 à Me Ruben Garcia, avocat au barreau de Paris, conseil choisi qui ne se présente pas ; - Vu les conclusions du conseil de l'intéressé reçues le 1 juillet 2022 à 13h38; - Après avoir entendu les observations du conseil du préfet de police tendant à l'infirmation de l'ordonnance ; Il convient de considérer que c'est à tort que le premier juge a déclaré la procédure irrégulière pour irrégularité de la garde à vue au motif que le refus par Mme [D] [R] [E] de se soumettre au test PCR en vue de son réacheminement alors qu'elle était maintenue en zone d'attente, constituait une infraction prévue par les dispositions de l'article L. 824-9 al 3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais que cette infraction était distincte de celle soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement pour laquelle l'intéressée a été placée en garde à vue, alors qu'il résulte des pièces de la procédure que si elle a été effectivement placée en garde à vue pour les faits précités, ces faits sont régies par les dispositions des articles L. 824-9 et L. 824-10 du code précité relatifs à l'infraction de soustraction à l'exécution d'une décision d'éloignement et, plus particulièrement de l'article L. 824-9 al 3, tel que résultant de la loi no2021-1040 du 5 août 2021 concernant le refus de se soumettre aux obligations sanitaires nécessaires à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement, ce dont il résulte que le refus de se soumettre au test PCR caractérise un des comportements constituant l'infraction de soustraction à l'exécution d'une mesure d'éloignement et la garde à vue de Mme [D] [R] [E] est donc régulière. L'exception d'irrégularité est rejetée. Pour ce qui est du moyen tiré de l'illégalité de la garde à vue au titre de l'article L. 821-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vertu de la directive "retour" 2008/115/CE du 16 décembre 2008, il convient de constater que les dispositions de l'article L. 821-3 précitées sont étrangères aux éléments du présent dossier et que Mme [D] [R] [E] ne relève pas d'une situation pouvant lui permettre de revendiquer l'application de la directive "retour". L'exception d'illégalité est rejetée. En conséquence, étant observé qu'en cause d'appel la requête du préfet tendant à la prolongation de la rétention, motivée tant en droit qu'en fait, a été réitérée, il convient, après avoir rejeté les exceptions d'irrégularité et d'illégalité de nullité, de déclarer recevable la requête du préfet et d'y faire droit, La décision querellée est infirmée et la prolongation de la rétention En conséquence, étant observé qu'en cause d'appel la requête du préfet tendant à la prolongation de la rétention, motivée tant en droit qu'en fait, a été réitérée, qu'en revanche, la requête en contestation de l'arrêté de placement n'a été soutenue en aucun de ses moyens, il convient, après avoir rejeté l'exception de nullité et avoir déclaré les requêtes recevables, de faire droit à la requête en prolongation de rétention et de rejeter la requête en contestation de l'arrêté de placement. La décision querellée est infirmée et la prolongation de la rétention Mme [D] [R] [E] est ordonnée pour une durée de vingt-huit jours, PAR CES MOTIFS INFIRMONS l'ordonnance, Statuant à nouveau, REJETONS les exceptions d'irrégularité et d'illégalité de la garde à vue, DECLARONS recevable la requête en prolongation de la rétention, ORDONNONS la prolongation de la rétention de Mme [D] [R] [E] pour une durée de vingt-huit jours, ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance. Fait à Paris le 02 juillet 2022 à LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT, REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS: Pour information: L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition. Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur. Le préfet ou son représentant
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COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 121 DU VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX AFFAIRE No : RG 21/01332 - No Portalis DBV7-V-B7F-DMO2 Décision déférée à la Cour : requête en déféré contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 13 décembre 2021. DEMANDEUR A LA REQUÊTE Monsieur [O] [U] [Adresse 4] [Localité 1] Représenté par Maîtres Socrate Pierre & Patrice TACITA (Toque 92), avocats au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART - DEFENDERESSE A LA REQUÊTE COMMUNE DU [Localité 2] prise en la personne de son maire en exercice Mairie du [Localité 2] [Adresse 5] [Localité 2] Représentée par Maître Valérie FRUCTUS-BARATHON, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ (Toque 45) ST BARTH et par Me Hubert DIDON, avocat au barreau COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle Buseine conseillère, chargée d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Gaëlle Buseine, conseillère, présidente, Mme Annabelle Clédat, conseillère, Mme Valérie Marie-Gabrielle, conseillère, Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 27 juin 2022 GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal. Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Gaëlle Buseine, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES: Par jugement rendu contradictoirement le 16 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a : - déclaré irrecevable l'instance engagée par M. [U] [O], - déclaré le conseil de prud'hommes dessaisi, - mis les dépens à la charge de M. [U] [O]. Par déclaration formée au greffe de la cour le 19 janvier 2021, M. [U] formait appel dudit jugement, qui lui était notifié le 29 décembre 2020. Par ordonnance du 13 décembre 2021, le magistrat chargé de la mise en état a : - dit que la déclaration d'appel de M. [U] [O] était caduque, - dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, - laissé les dépens à la charge de l'appelant. M. [U] a déféré ladite ordonnance le 30 décembre 2021. Vu les conclusions au fond de M. [U]. Par avis adressé aux parties le 23 mai 2022, la cour d'appel de Basse-Terre a soulevé d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité du déféré, compte tenu de sa tardiveté. Vu les observations adressées à la cour d'appel le 30 mai 2022, par lesquelles M. [U] demande de : - déclarer recevable le déféré du 30 décembre 2022, En conséquence, - constater qu'il a respecté les dispositions des articles 902, 908 et 911 du code de procédure civile, - dire que la déclaration d'appel a été régulièrement signifiée, - dire que ses conclusions d'appelant ont été communiquées dans les délais, - dire qu'il n'y a aucune défaillance de la part de l'appelant, celui-ci ayant respecté toutes les dispositions légales de la procédure d'appel, - déclarer l'appel recevable et bien fondé, En conséquence, - rejeter la demande de caducité formulée par la commune du [Localité 2], Au surplus, - constater que la commune du [Localité 2] ne s'est pas constituée dans les délais impartis, - constater que la commune du [Localité 2] n'a pas communiqué ses conclusions au fond, En conséquence, - faire droit aux seules conclusions au fond de l'appelant, - condamner la commune du [Localité 2] à lui verser la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il soutient que le délai de 15 jours imparti pour déférer l'ordonnance litigieuse a été décompté à partir de celle figurant au niveau de la signature du conseiller de la mise en état. Aux termes de l'article 916 du code de procédure civile, les ordonnances du conseiller de la mise en état ne sont susceptibles d'aucun recours indépendamment de l'arrêt sur le fond. Toutefois, elles peuvent être déférées par requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles ont pour effet de mettre fin à l'instance, lorsqu'elles constatent son extinction ou lorsqu'elles ont trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps. En application de l'article 916 précité du code de procédure civile, la requête en déféré doit être formée dans les quinze jours de la date de l'ordonnance du conseiller de la mise en état déférée à la cour d'appel. En l'espèce, il résulte des pièces du dossier que le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel de M. [U] par ordonnance du 13 décembre 2021. La date précitée du prononcé de l'ordonnance déférée est mentionnée sur la première page de celle-ci, en ces termes : "Ordonnance de la mise en état du 13 décembre 2021". L'examen du RPVA met en évidence une notification de cette ordonnance à M. [U] le 13 décembre 2021. Dès lors, il résulte des éléments repris ci-dessus que M. [U] ne pouvait, contrairement à ce qu'il soutient, se méprendre sur la date de l'ordonnance litigieuse. La circonstance que l'exemplaire produit par M. [U] au soutien de ses observations comporte la mention "Pour expédition certifiée conforme délivrée à [Localité 3] le 15/12/2021" est sans incidence, dès lors qu'elle n'a pas d'effet sur le point de départ du délai prévu par l'article 916 du code de procédure civile, qui court à compter du prononcé de l'ordonnance en cause. La requête en déféré a été enregistrée le 30 décembre 2021, soit plus de 15 jours à l'issue du prononcé de l'ordonnance litigieuse, ce délai commençant à courir le 14 décembre 2021 et expirant le 29 décembre 2021. Par suite, la requête est irrecevable. M. [U] supportera les dépens du déféré. PAR CES MOTIFS : La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort, Déclare la requête en déféré de M. [U] [O] irrecevable. Condamne M. [U] [O] aux dépens du déféré. Le greffier, La présidente,
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No de minute : 65 COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 29 Juillet 2021 Chambre sociale Numéro R.G. : No RG 18/00070 - No Portalis DBWF-V-B7C-PKN Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Octobre 2018 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG no :16/70) Saisine de la cour : 26 Octobre 2018 Mme [L] [MU] née le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2] (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/509 du 24/06/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NOUMEA) Représentée par Me Siggrid KLEIN, avocat au barreau de NOUMEA ASSOCIATION DE PARENTS ET AMIS DE PERSONNES HANDICAPEES INTELLECTUELLES DE NOUVELLE CALEDONIE DITE A.P.E.I, prise en la personne de sa présidente, Siège : [Adresse 3] Représentée par Me Cécile MORESCO de la SELARL AGUILA-MORESCO, avocat au barreau de NOUMEA COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 01 Juillet 2021, en audience publique, devant la cour composée de : Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président, Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller, M. Charles TELLIER, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de Monsieur Philippe DORCET. Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO - contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, - signé par Monsieur Philippe DORCET, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire. *************************************** PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE Madame [L] [MU] a signé un contrat de travail à temps plein, à durée indéterminée, à compter du 18 février 2013 afin d'exercer les fonctions de monitrice éducatrice, classification grille 3, 1er échelon, indice net majoré 282 par l'Association de Parents et Amis de Personnes Handicapées intellectuelles de Nouvelle-Calédonie, dite APEI. Les termes du contrat prévoyaient l'affectation de Madame [MU] à l'institut Médico-Educatif situé [Adresse 3], moyennant une rémunération de 280 234 F CFP correspondant à un horaire mensuel de 169 heures. A la suite d'un mouvement social, la direction requérait le 7 septembre 2015 un huissier de justice qui établissait un procès-verbal de constat faisant état d'un blocage devant le portail d'accès de la société, sis [Adresse 3]. L'huissier, en présence d'une dame [I], représentant la direction, constatait ce qui suit : " La présence de trois palettes en bois positionnées verticalement, deux containers poubelle devant le seul portail d'accès à l'APEI ainsi que la présence de 6 femmes sur le trottoir à droite du portail de l'entrée", auxquelles il indique avoir décliné son identité et sollicité le motif, la durée du mouvement ainsi que l'identité de chacune des manifestantes. " Une manifestante me répond : c'est un blocage de certains membres du personnel. Le motif est la non considération du cahier de revendications. Sa durée dépendra si nous avons une réunion avec la direction. On refuse de se nommer " Il poursuivait ainsi : « Je constate qu'aucune manifestante ne se nomme. Je demande à mon interlocutrice si je peux entrer dans l'enceinte de l'APEI. Cette personne me répond en se positionnant physiquement devant moi : personne ne rentre. Je demande à Madame [I] si elle connait l'identité des manifestantes. Madame [I] me désigne et me nomme les 6 personnes se trouvant devant rentrée de l'APEI susmentionnée faisant partie du personnel de ladite association présentes sur le piquet de grève comme étant : - Madame [Y] [F] - Madame [LT] [S] - Madame [L] [MU] - Madame [NH] [D] - Madame [G] [OI] - Madame [C] [M]. Par acte du 18 septembre 2015, Maître [TM] [J], huissier de justice à [Localité 5] dressait un procès-verbal de remise de lettres entre les mains de Madame [L] [MU] que celle-ci refusait de prendre et de signer, ayant pour objet une convocation à entretien préalable dans le cadre d'un licenciement pour faute lourde. Par LR/AR en date du 28 septembre 2015, l'APEI notifiait à Madame [L] [MU] son licenciement pour faute lourde en ces termes : " Vous ne vous êtes pas présentée le 23 septembre 2015 à l'entretien auquel nous vous avions convoquée le 18 septembre dernier. Cette absence n'ayant pas d'incidence sur le déroulement de la procédure engagée, nous vous notifions par la présente votre licenciement sans préavis ni indemnité pour faute lourde a raison de votre participation à un piquet de grève avec entrave à la liberté du travail et entrave à la libre circulation des personnes et des marchandises. Ainsi, le lundi 7 septembre 2015, vous avez participé personnellement, directement et activement, au piquet de grève bloquant le portail d'accès aux locaux de l'APEl et sis [Adresse 3] déjà bloqué par des palettes et des poubelles. Par votre présence physique, vous avez empêché les salariés non-grévistes de pénétrer dans l'établissement ainsi que tous les intervenants. Vous avez également entrave la libre circulation des personnes qui fréquentent cet établissement à savoir : les parents d'enfants handicapés, les ambulances, les prestataires de service, les clients, les fournisseurs et de manière générale toutes personnes tentant d'accéder à l'établissement. De tels faits sont illicites et lourds de conséquences : - insécurité générée pour l'ensemble des handicapés dont plusieurs attendaient le véhicule de ramassage, seuls sur les trottoirs, - Insécurité pour les jeunes transportés par des ambulances privées ou des transporteurs privés sommés de rebrousser chemin dans /ignorance d'une possibilité d'accueil au domicile des jeunes concernés, - Désorganisation totale du fonctionnement de l'IME et du FPAD - Répercussions psychologiques et angoisse chez les personnes handicapées, le désordre engendré parle piquet de grève étant peu compatible avec leur état psychologique - Perturbation des familles très mécontentes et ce, ajuste raison, car elles ont dû trouver dans l'urgence des solutions pour prendre en charge leur enfant, - Perte financière importante par jour pour l'APEI qui ne peut facturer les prix de journée puisque la prestation n'est pas rendue alors que l'APEI doit tout de même payer les salaires des personnes non-grévistes et les prestations des transporteurs, - Perte de crédibilité tant auprès des familles, des partenaires, des écoles, des futurs accueillis avec risque de perte des agréments administratifs en cas d'accident. Ce licenciement prend effet immédiatement. " Trente mois après ces faits, soit le 4 avril 2018, Madame [MU] a assigné l'APEI devant le tribunal du travail, aux fins de voir : ·ANNULER sa mise à pied conservatoire ·ORDONNER sa réintégration au sein de l'A.P.E.I. ·CONDAMNER l'Association à lui payer l'intégralité de ses salaires, entre la rupture abusive de son contrat de travail et le jour de sa réintégration sur la base d'une rémunération brute de 269.234 XPF, les congés payés afférents, la prime annuelle d'ancienneté pour 2015 soit 115.784 FCFP et pour les années suivantes jusqu'au jugement ordonnant la réintégration, ainsi que 1 515 404 XPF à titre de dommages-intérêts correspondant à hauteur d'une année de salaire brut ·CONDAMNER l'A.P.E.I. à effectuer toutes régularisations utiles auprès des organismes sociaux et à lui délivrer les bulletins de salaire au jour de la rupture jusqu'au jour de sa réintégration ·DEBOUTER l'A.P.E.I. de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions Au terme de ses conclusions elle soutenait pour l'essentiel, à titre principal, la nullité du licenciement prononcé pour faute lourde au motif qu'elle n'avait fait qu'exercer son droit de grève et que, par ailleurs, l'employeur avait opéré une discrimination entre les salariés ayant participé à la grève en réintégrant des salariés grévistes. Elle Indiquait : - avoir uniquement participé au piquet de grève du 7 septembre 2015 organisé par le syndicat USTKE devant l'IME, et niait avoir organisé une filtration ou un blocage des locaux, empêchant le personnel non gréviste de pénétrer dans l'établissement, si bien qu'elle estimait avoir exercé normalement son droit de grève sans avoir commis d'actes illicites et donc ne pas avoir commis de faute lourde pouvant justifier son licenciement, sa participation au mouvement n'étant que passive. - avoir participé à un mouvement licite initié depuis mars 2015 qui avait pour but de professionnaliser l'IME afin d'organiser une meilleure prise en charge des personnes handicapées, ce mouvement n'ayant pas mis en danger les enfants handicapés accueillis - que le licenciement était discriminatoire puisque l'employeur avait réintégré deux adhérents grévistes du syndicat USTKE et n'avait pas sanctionné une autre participante Madame [H]. - que l'employeur a attendu 10 jours pour la sanctionner démontrant que la sanction est motivée Elle s'estimait donc fondée à solliciter la nullité de son licenciement et de sa mise à pied conservatoire et considérait justifiée l'intégralité de ses demandes salariales et indemnitaires. La société défenderesse répliquait pour l'essentiel que madame [MU], tout comme les autres participantes, avaient commis une faute lourde en participant personnellement et activement, le 7 septembre 2015 dès 05 h du matin à un mouvement de grève illicite caractérisé par une entrave à la libre circulation des personnes et des marchandises, à la liberté du travail et mettant en danger des jeunes handicapés. De ce point de vue et concernant plus particulièrement madame [MU], sa participation active au mouvement est confirmée par le procès-verbal d'huissier du 7 septembre 2015 et par plusieurs attestations, (mesdames [E], [W], [NV], [IP], [V] et messieurs [O], [N], [A], [IC]) où elle est décrite comme procédant avec les autres grévistes à des actes d'intimidation destinés à empêcher les non-grévistes de forcer le piquet de grève. Le délai de 10 jours pris pour engager la procédure de licenciement correspondait dans les faits à une enquête interne destinée à éclairer la décision. Pour ce qui concerne la discrimination syndicale, elle indiquait que deux autres salariés ayant participé à la grève avaient aussi été licenciés et s'agissant d'une dame [H] qui n'aurait pas été sanctionnée, elle indiquait ignorer qu'elle avait participé au mouvement. Elle confirmait d'ailleurs avoir licencié la déléguée syndicale, Madame [OI], pour faute lourde après avoir attendu jusqu'au 5 novembre 2015 l'autorisation donnée par l'inspection du travail décidant, par suite, de licencier l'ensemble des salariés ayant participé au piquet. Le fait que madame [MU] soit professionnellement irréprochable ne pouvait justifier son attitude particulièrement vindicative à l'égard des non-grévistes considérant par suite que le licenciement pour faute lourde était justifié tout en précisant que la période de sa mise à pied conservatoire a été payée. Elle sollicitait par ailleurs à titre reconventionnel outre 250.000 XPF au titre des frais irrépétibles, que la requérante soit condamnée à lui payer 314.748 XPF au titre du préjudice financier (perte financière pour la journée du 7 septembre) et 350.000 FCFP au titre du préjudice moral résultant de l'atteinte à l'image. Par jugement en date du 9 octobre 2018, le tribunal du travail de Nouméa a : Dit que Madame [L] [MU] a participé activement à un mouvement illicite justifiant son licenciement pour faute lourde Débouté Madame [L] [MU] de toutes ses demandes Dit n'y avoir lieu à frais irrépétibles et à dépens Fixé a 4 les unités de valeur dues à maître [MG] [U], avocate désignée au titre de l'aide judiciaire. Dans sa motivation, le tribunal a retenu l'implication active de la salariée à un mouvement illicite justifiant son licenciement pour faute lourde, considérant en outre que cette sanction n'était pas discriminatoire puisque tous les participants au piquet de grève avaient été licenciés. La juridiction n'a pas non plus retenu le caractère tardif du licenciement pour ôter à la faute de la salariée son caractère de faute lourde ou grave et a débouté Madame [MU] de l'ensemble de ses demandes ainsi que l'APEI pour sa demande de dommages et intérêts faute de justifier d'un préjudice identifiable. PROCÉDURE D'APPEL Madame [MU] a interjeté appel de cette décision selon requête déposée au greffe de la cour le 26 octobre 2018, complétée par des conclusions récapitulatives noll déposées le 26 novembre 2019, auxquelles l'appelante s'est expressément référée à l'audience, sollicitant de la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal du Travail le 9 octobre 2018 et d ‘enjoindre à l'A.P.E.l. de produire la liste de ses salariés et la date de leur recrutement. Elle souhaite qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle renonce à solliciter sa réintégration au sein de l'A.P.E.l. et fixer la moyenne de sa rémunération à la somme de 269 234 XPF Sur la demande de communication de pièces : Madame [MU] fait valoir que sa demande de communication de pièces est fondée au regard du fait qu'elle ne dispose pas des moyens nécessaires à la preuve de la discrimination dont elle se prévaut car elle ne peut avoir accès aux éléments qui démontreraient que l'APEI a réintégré dans ses fonctions Madame [C] [M], adhérente au syndicat USTKE pourtant visée dans la même procédure de licenciement puis un peu plus tard, Monsieur [R] [CC] ; qu'il semblerait également que l'employeur ait omis de sanctionner Madame [B] [H] ; qu'il conviendra que l'APEl produise la liste de ses salariés, la date de leur recrutement puisqu'en effet la réintégration de Madame [M] et de Monsieur [CC] démontre qu'il n'y avait aucun acte d'entrave a la liberté du travail, aucune entrave à la libre circulation et aucune mise en danger de la vie des jeunes handicapés. Sur le licenciement Madame [MU] rappelle que le droit de grève est inscrit dans le préambule de la constitution de 1946 qui fait du droit de grève un droit fondamental expressément rappelé par l'article Lp 371-1 du code du travail et que, contrairement à ce qui est allégué, elle a suffisamment rapporté la preuve de ses qualités professionnelles au service des enfants et plus généralement de toutes les personnes vulnérables. Elle indique qu'elle s'est simplement associée à un mouvement de grève en tant que syndiquée à l'USS-NC, et n'avoir été à l'origine d'aucune filtration non plus que d'aucun blocage. Le constat d'huissier se contente de relever sa présence sur un trottoir et quant à l'attestation de Madame [E], celle-ci n'est crédible car elle est contredite par le fait que le syndicat USS-NC n'était pas à l'origine du mouvement. S'agissant de la discrimination, celle-ci serait avérée puisque deux salariés licenciés dans le cadre de la même procédure ont finalement été réintégrés : la jurisprudence n'autorise pas l'employeur à opérer une discrimination s'agissant des sanctions qu'il applique à plusieurs salariés pour une même faute. L'injonction de communication de pièces demeure le seul moyen de prouver la réalité du traitement discriminatoire sur lequel l'APEI reste taisante refusant de s'expliquer sur la réintégration de Madame [M] et restant muette sur le cas de Monsieur [P] [CC] et de Madame [B] [H]. Madame [MU] renonce d'ailleurs à solliciter en cause d'appel sa réintégration. Elle se contente de rappeler les termes de l'attestation [JR] qui souligne son investissement professionnel, son sérieux et son souci constant de porter des projets éducatifs fiables et adaptés auprès des jeunes de l'institution avec une indéniable bienveillance éducative. Sur la base d'un salaire de référence pour les 6 derniers mois de travail s'élevant au jour de la rupture à 269 234 XPF, elle sollicite : - une indemnité compensatrice de préavis de 2 mois soit 538 648 XPF - les congés payés sur le préavis soit 53 864 XPF - les congés payés pour la période postérieure à la mise à pied et à la mesure de licenciement jusqu'à la réintégration soit 195 943 F CFP - les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse soit pour 6 mois de salaires bruts pendant lesquels elle a été privée de son emploi pour de fallacieux prétextes la somme de 1 615 404 F CFP - les dommages et intérêts pour licenciement nul : la somme de 3 230 808 F CFP qui correspond à 1 année de salaire - le paiement de la prime annuelle d'ancienneté pour l'année 2015 soit une somme de 115 784 XPF - la rectification du reçu pour solde de tout compte et du certificat de travail L'APEI, en ses dernières écritures du 18 août 2020 qui n'ont pas été complétées depuis lors demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement, et de condamner l'appelante à lui payer à la somme de 350 000 XPF au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Sur la demande de communication de pièces L'association indique que la demande d'injonction ne pourrait prospérer que dans l'hypothèse où la salariée aurait a minima soumis des pièces introduisant un doute sur l'existence d'une discrimination or tel n'est pas le cas au regard des pièces produites qui témoignent de sa participation active à une grève illicite. En aucun cas une mesure d'instruction ne saurait être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve. Sur le licenciement L'APEI reprend pour l'essentiel les arguments exposés devant le premier juge, rappelant qu'en 2015, l'activité de l'établissement avait été perturbée par plusieurs mouvements sociaux organisés par une minorité de salariés, 7 sur un effectif de 60, épaulés dans leur action par des personnes étrangères à l'association et se présentant sous l'égide de l'USSNC. Elle relevait que ce syndicat n'était plus représentatif au sein de l'APEl depuis septembre 2013. A compter du 22 avril 2015, le centre d‘accueil avait dû être fermé au préjudice des jeunes handicapés et de leurs parents à raison des blocages. Un audit social diligenté en mai 2016 soulignait la qualité des relations existant depuis les licenciements consécutifs aux blocages en contraste avec la situation de l'époque. Le procès-verbal d'huissier du 7 septembre 2015 décrit une participation active de Madame [MU] au blocage des locaux ce que confirmait tant Madame [OI] lorsqu'elle avait été entendue par l'inspectrice du travail que les attestations produites. Tous les licenciements des salariés intervenus à la suite des entraves constatées par voie d'huissier ont été validés par la justice, ainsi de Mmes [D], [F] et [S], voire par le Président du Gouvernement et la cour administrative d'appel de Paris pour madame [OI]. L'affaire était fixée à l'audience du 28 mai 2020. MOTIFS DE LA DÉCISION La demande de communication de la liste du personnel formée par l'appelante a pour objet d'établir si des salariés ayant commis une faute identique au délit d'entrave reproché à Madame [MU] ont ou non été réintégrés au sein de l'appel postérieurement à leur licenciement. Cette demande impose donc que soit préalablement tranchée la question du bien-fondé du licenciement pour faute lourde. SUR LA FAUTE LOURDE Selon la jurisprudence, la faute lourde est une faute d'une particulière gravité, révélant une intention de nuire du salarié à l'encontre de l'entreprise et de l'employeur, rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis, et justifiant la rupture immédiate du contrat de travail. La preuve de l'intention de nuire incombe à l'employeur. Le droit de grève est un droit constitutionnellement reconnu et garanti comme une concertation collective et concertée du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles mais l'exercice de ce droit ne doit pas dégénérer en abus notamment par la commission d'actes illicites. Ainsi, le droit de grève n'emporte pas celui de disposer arbitrairement des lieux de travail et l'entrave à la liberté du travail constitue selon la jurisprudence un acte illicite caractérisant un usage abusif de ce droit que l'employeur peut sanctionner par un licenciement pour faute lourde. En l'espèce, il est établi par un procès-verbal de constat dressé le 7 septembre 2015, par Maître [TM] [J], huissier de justice à Nouméa, à la requête de l'APEI devant le portail d'accès aux locaux de l'association sis [Adresse 3], en présence du représentant de l'employeur, Madame [HB] [I] que celui-ci a personnellement constaté : " ?la présence de trois palettes en bois positionnées verticalement, deux containers poubelle devant le seul portail d'accès à l'APEl ainsi que la présence de 6 femmes sur le trottoir à droite du portail de rentrée " Après avoir décliné son identité l'huissier indique avoir sollicité le motif, la durée du mouvement ainsi que l'identité de chacune des manifestantes et qu'il lui a été répondu par une manifestante : " C'est un blocage de certains membres du personnel. Le motif est la non considération du cahier de revendications. Sa durée dépendra si nous avons une réunion avec la direction. On refuse de se nommer". L'huissier poursuit : " Je constate qu'aucune manifestante ne se nomme. Je demande à mon interlocutrice si je peux entrer dans l'enceinte de l'APEI. Cette personne me répond en se positionnant physiquement devant moi : personne ne rentre. Je demande à Madame [I] si elle connait l'identité des manifestantes. Madame [I] me désigne et me nomme les 6 personnes se trouvant devant rentrée de l'APEI susmentionnée faisant partie du personnel de ladite association présentes sur le piquet de grève comme étant : - Madame [Y] [F] - Madame [LT] [S] - Madame [L] [MU] - Madame [NH] [D] - Madame [G] [OI] - Madame [C] [M]. Plusieurs attestations corroborent le rôle actif de Madame [MU] en ces termes : - Monsieur [N] le 18 septembre 2015 indique : " Ce lundi 7 septembre à 7 h 35 en arrivant devant l'lMF, j'ai vu que l'entrée était bloquée par des palettes et que le personnel de l'IME, du FPAD et de l'APEI non gréviste se trouvait du côté gauche du portail d'entrée. J'ai constaté alors que du côté droit de ce même portail se trouvaient [G] [OI], [NH] [D], [LT] [S], [L] [MU], [Y] [F] et [C] [M]. Peu de temps après mon arrivée j'ai vu le père du jeune [Z] [HO] qui a longuement discuté avec [LT] [S] le pourquoi du blocage mais en vain. Tous les transporteurs privés sont repartis avec les enfants. Les deux chauffeurs de l'lME n'ont par conséquent pas pu effectuer leur travail de ramassage du matin des enfants, notamment le transporteur privé [X] ne savait pas quoi faire avec les jeunes dont il avait la charge car la plupart des parents n'étaient plus chez eux mais à leur travail. " - [IP] [SZ] le 26 septembre 2016 indique : " Le lundi 7 septembre 2015 le transporteur de mon enfant nous a prévenu très tard que le car ne passait pas l'appel étant bloqué (...) Effectivement la structure était bloquée, des palettes et des bâches bleues étaient installées. J'ai vu la présence de Mesdames [Y] [F], [LT] [S] et [L] [MU] devant le portail empêchant l'accès à l'établissement. Nous ne nous attendions pas du tout à voir cela, c'était choquant pour nous et notre fils.. » - [LF] [A] le 10 novembre 2016 déclare : " Le 7 septembre 2015 alors que nous accompagnions notre fille au centre nous avons trouvé le portail fermé et tenu par un piquet de grève constitué des personnes suivantes : [Y] [F] [LT] [S], [L] [MU], qui en interdisaient l'entrée. " - [KE] [IC] indique le 27 octobre 2016 : " Je soussigné, n'avoir pas pu entrer au centre de l'APEI le 7 septembre 2016 suite à un blocage par Madame [Y] [F], [S] [LT] et [L] [MU] (qui) nous ont interdit l'accès à l'établissement. " - [K] [V] le 27 octobre 2016 cite expressément [L] [MU] parmi les personnes qui ont interdit le portail d'accès à l'APEl le 7 septembre 2015 et l'ont refoulé ainsi que son enfant sans qu'aucune structure ou garderie ne puisse les accueillir ce qu'elle caractérise comme étant "'inadmissible". Madame [L] [MU] a donc été formellement identifiée par les cinq témoins précités et par Madame [I], directrice du Centre de l'APEI, comme ayant activement participé au blocage du portail d'accès au centre qui a eu pour conséquence directe d'empêcher la prise en charge physique et matérielle des personnes en situation de handicap laissées seules, sans assistance, si ce n'est le secours des salariés non-grévistes, sur la voie publique. Le tribunal a exactement retenu que Madame [MU] ne conteste pas sa présence sur les lieux, se borne à affirmer que sa participation était passive alors que les attestations produites établissent le contraire et qu'aucun élément objectif ne vient remettre en cause les constatations de l'huissier et l'identification de Madame [MU] par son employeur. ll est donc démontré que Madame [L] [MU] a activement participé au blocage de l'accès au site du centre de l'APEI le 7 septembre 2015, disposant arbitrairement des lieux de travail et entravant la liberté du travail du personnel du centre ce qui constitue un acte illicite, caractérisant un usage abusif du droit de grève que l'employeur est fondé à sanctionner par un licenciement pour faute lourde. SUR LE CARACTÈRE TARDIF DU LICENCIEMENT Selon la jurisprudence, dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit alors intervenir dans un délai restreint, après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués. En l'espèce, il s'est écoulé un délai de 10 jours entre le jour où l'huissier mandaté par l'employeur a constaté la présence de six personnes identifiées par l'employeur comme faisant partie du personnel de l'APEl bloquant le portail d'accès au centre et le jour de la notification de la convocation de Madame [MU] à l'entretien préalable, par exploit déposé à vue en date du 18 septembre 2015, que l'appelante a refusé de recevoir. Comme l'a relevé à bon droit le tribunal, il ne peut être fait grief à l'employeur d'avoir vérifié la matérialité et l'effectivité de la participation active de chacun des membres du personnel concerné au mouvement de grève dont le caractère illicite nécessitait d'être préalablement établi. Rien ne vient par ailleurs étayer le fait que l'employeur aurait été prévenu de la participation ultérieure à un autre mouvement de grève et aurait à dessein choisi de notifier à Madame [MU] l'entretien préalable en vue de son licenciement, précisément le jour choisi par elle pour participer à nouveau mouvement de grève. Quand bien même d'ailleurs ce fait serait établi, il n'enlève rien à la régularité de la signification qui peut toujours être effectuée sur le lieu de travail du salarié. La cour constate donc que le licenciement est intervenu dans un délai restreint compte tenu des investigations nécessaires à l'instruction de la faute lourde et le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré fondé le licenciement pour faute lourde de Madame [L] [MU]. SUR LA DEMANDE DE COMMUNICATION DE PIÈCES Selon la jurisprudence, (Cass. Soc. 6 juin 2012 pourvoi no G 10-28.199) le fait de sanctionner différemment des salariés ne constitue pas en soi une discrimination au sens de la loi dès lors que le salarié n'invoque ni un détournement de pouvoir ni une discrimination. Les dispositions de l'article Lp 323-5 du code du travail stipulent qu'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions à l'égard d'un salarié, notamment en matière de rupture du contrat de travail et mesures disciplinaires. Néanmoins en matière disciplinaire, l'employeur dans le cadre de son pouvoir d'individualisation, peut sanctionner différemment les salariés qui ont participé à une même faute en prenant en compte leur personnalité et leur comportement. Toutefois, en présence d'une discrimination objective, fondée sur l'observation selon laquelle des salariés ayant participé au même mouvement de grève auraient été réintégrés dans l'entreprise, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve que cette différence de traitement se fonde sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. En cause d'appel, Madame [MU] fait valoir que l'APEI aurait réintégré à temps plein à compter du premier trimestre 2016 dans leurs fonctions [C] [M] et [R] [CC] visés par la même procédure de licenciement et adhérents au syndicat USTKE. L'APEI n'ayant pas répondu sur le moyen tiré de la réintégration des dits salariés, la Cour a ordonné la communication de la liste du personnel employé par l'APEI, seul moyen de vérifier si les salariés dont la réintégration était alléguée postérieurement à leur licenciement, à savoir [T] [JD] [M] et M. [R] [CC], avaient effectivement été réintégrés au sein de l'APEI, et si une différence de traitement à caractère discriminatoire pouvait ou non être imputée l'employeur à raison de leur réintégration. Il sera tout d'abord observé qu'il n'est pas établi que le licenciement de M. [CC] est en rapport avec la participation au piquet de grève du 07 septembre 2015 caractérisant la faute lourde à l'origine du licenciement de madame [MU] et de ses 5 collègues. Par suite, il résulte des extraits du registre du personnel fourni par l'APEI dans ses dernières écritures que si [T] [JD] [M] a été embauchée sur un poste d'auxiliaire de vie depuis le 1er février 2016, après avoir fait l'objet d'un licenciement en octobre 2015, c'est sur l'ESAD (ex FPAD) structure distincte de l'APEI et consécutivement à la publication d'une offre d'emploi du 16 janvier 2016 à laquelle elle a candidaté comme tout demandeur d'emploi. Madame [MU] était d'ailleurs libre de candidater sur ce poste qui était offert à toute personne souhaitant l'obtenir et elle ne l'a pas fait. Il est donc impossible de parler ici de discrimination. Enfin, s'agissant des quatre autres dames présentes sur le piquet aux termes de l'exploit d'huissier, force est de constater qu'elles ne figurent pas sur la liste du personnel de l'APEI. Il en résulte qu'aucune discrimination syndicale n'est constituée et en conséquence que le licenciement de madame [MU] pour faute grave est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse. Sur l'article 700 et les dépens L'équité et les circonstances de la cause ne commandent pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile mais madame [MU] qui succombe à l'instance en supportera les dépens ainsi qu'il est expliqué ci-après. En effet, la gratuité de la procédure devant le tribunal du travail de Nouméa (article 880-1 du code de procédure civile) n'implique pas l'absence de dépens au sens de l'article 696 du code de procédure en ce que cette absence aurait en particulier pour conséquence de ne pas permettre à la partie gagnante de voir ses frais de signification des décisions mis à la charge de la partie qui succombe. PAR CES MOTIFS CONFIRME le jugement en ce qu'il a dit fondé sur une faute lourde le licenciement de Madame [L] [MU] et n'y avoir lieu à frais irrépétibles INFIRME en ce que madame [MU] est condamnée aux dépens FIXE à 4 les unités de valeur dues à maître Siggrid KLEIN, avocate désignée au titre de l'aide judiciaire. Le greffier,Le président.
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ARRET No 13/089 du 29 Mars 2013 ASSISTANCE EDUCATIVE Date de la décision attaquée : 21 SEPTEMBRE 2012 Décision attaquée : JUGEMENT Juridiction : JUGE DES ENFANTS DE RENNESCOUR D'APPEL DE RENNES CHAMBRE SPECIALE DES MINEURS Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Mars 2013 par la chambre spéciale des mineurs COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats à l'audience du 01 Février 2013 et du délibéré : Madame Karine PONTCHATEAU, conseiller délégué à la protection de l'enfance désignée par ordonnance du Premier Président de la Cour d'Appel de Rennes en date du 13 juillet 2012, présidant l'audience, Mme Raymonde LETOURNEUR-BAFFERT, présidente de chambre, M. Pascal PEDRON, conseiller, M. ROUSSEAU Ludovic, Auditeur de Justice, a, conformément à l'article 19 de l'Ordonnance no58-1270 du 22 Décembre 1958, modifié par la Loi organique no70-642 du 17 Juillet 1970, pris place aux côtés de la Cour et a assisté au délibéré. MINISTERE PUBLIC : représenté aux débats par M Stéphane CANTERO, substitut général, GREFFIER : Mme Annie SIMON lors des débats et Mr Bruno GENDROT lors du prononcé de l'arrêt par mise à disposition au greffe PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR : Madame Marie-Françoise A... 35235 THORIGNE FOUILLARD Appelante, comparante en personne, assistée de Me Corinne DEMIDOFF, avocat au barreau de RENNES Monsieur M. X... Le Conseil Général d'Ille et Vilaine 1, Avenue de la Préfecture Appelant, comparant en personne, assisté de Me Anne-Claire LE JEUNE, avocat au barreau de PARIS Monsieur R. X... 35235 THORIGNE FOUILLARD Intimé, comparant en personne, assisté de Me Maryvonne LOZAC'HMEUR, avocat au barreau de RENNES LE CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE SERVICE PROTECTION DE L'ENFANCE 1 avenue de la Préfecture 35042 RENNES CEDEX Intimé, non comparant DEROULEMENT DES DEBATS : L'affaire a été appelée à l'audience du 01 Février 2013, en chambre du conseil. Monsieur PEDRON a présenté le rapport de l'affaire. M. X... a été entendu en Chambre du Conseil. Les parties présentes à l'audience ont été entendues en leurs observations et les avocats en leur plaidoirie. L'avocat général a été entendu en ses réquisitions. La présidente a indiqué que l'arrêt serait prononcé par mise à disposition au greffe à l'audience du 08 Mars 2013. A l'audience du 08 Mars 2013 la présidente a indiqué que l'arrêt était prorogé par mise à disposition au greffe à l'audience du 29 Mars 2013. Marie-Françoise A... et M. X... ont interjeté appel d'un jugement en date du 21 SEPTEMBRE 2012 rendu par le JUGE DES ENFANTS DE RENNES qui a : - confié jusqu'au 21/09/2013 M. X... à l'Aide Sociale à l'Enfance d'Ille et Vilaine ; - instauré un droit de visite médiatisé pour les deux parents, au moins tous les quinze jours ; - dit que les prestations familiales seront versées au service gardien. EN LA FORME : Les appels sont réguliers et recevables en la forme ; MOTIFS DE l'ARRET : Qu'il y a lieu d'ordonner la jonction des instances no 12/00289 et no 12/00291 issues de deux appels distincts de la même décision. A l'audience de la Cour Mme A., appelante, déclare «trouver le placement injustifié ; mon fils vit toujours avec moi, il va bien, il voyait son père en visite médiatisée, je l'y ai toujours emmené ; c'est un conflit entre M. et son papa, pas un conflit entre son père et moi». Monsieur R.... X..., intimé, déclare « que les problèmes ont commencé quand mon fils a dit qu'il voulait venir avec moi ; je n'ai jamais été violent physiquement ou verbalement avec lui. Elle veut nier, couper tous rapports entre M... et moi ; je suis d'accord avec le jugement si ça permet de mettre M.... à l'abri et de le protéger». M... X... (agé de 11 ans et demi), appelant, déclare lors de son audition vouloir vivre avec sa mère, ne pas être placé et ne pas vouloir voir son père. Mme A... demande par l'intermédiaire de son conseil et pour les motifs exposés à ses conclusions déposées pour l'audience du 01er février 2013 et développées oralement à l'audience, l'infirmation du placement au principal et au subsidiaire le sursis à statuer dans l'attente du retour des rapports d'expertises psychiatriques et médico-psychologiques ordonnées par le juge aux affaires familiales le 23 octobre 2012. Le conseil du mineur fait valoir la disproportion qu'il y aurait à retirer l'enfant de son milieu naturel et scolaire alors que d'une part la manipulation alléguée de la mère sur l'enfant n'est pas établie, d'autre part les violences du père sur l'enfant dénoncées par ce dernier ne peuvent pas être retenues comme ayant été classées sans suite. M. X... fait valoir par l'intermédiaire de son conseil au principal que le placement, dont l'éventualité avait déjà été annoncée en 2011, est la seule solution envisageable pour permettre à l'enfant qui souffre depuis sept ans de ne pas être respecté dans ce qu'il est, de prendre du recul et de ne plus être le centre du conflit parental, suggérant au subsidiaire un placement à domicile afin de préserver l'équilibre scolaire de l'enfant. Le ministère public requiert la confirmation du placement de l'enfant au regard de la souffrance psychologique réelle de celui-ci, avec droits de visite et d'hébergement égaux pour les deux parents. SUR QUOI, LA COUR Considérant que les circonstances de la cause et leur déroulement chronologique ont été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la Cour entend se référer sur ce point pour un plus ample exposé ; qu'au constat de la dégradation de l'état psychique du mineur depuis le jugement du 28 janvier 2011 ayant mis en place une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert, le placement de M... X... à l'Aide Sociale à l'Enfance a été ordonné pour un an par le jugement déféré, et ce avec exécution provisoire. Que la mise en oeuvre effective du placement n'a pas été réalisée, dans la mesure ou Mme A... a sollicité le 02 octobre 2012 la suspension de l'exécution provisoire ordonnée, puis obtenu par ordonnance de référé du 18 décembre 2012 ladite suspension, subordonnée en l'espèce à la garantie de Mme A... de présenter son fils résidant chez elle tous les mercredis après-midi de 14 heures à 16 heures au CEDAS pour qu'il puisse y rencontrer son père, et ce au motif principal que l'exécution provisoire du placement pouvait avoir des conséquences manifestement excessives sur l'équilibre personnel de l'enfant notamment au regard de la scolarité qu'il suivait normalement en classe de 6ème. Que le CEDAS qui a accompagné les visites médiatisées père-enfant débutées le 05 décembre 2012 relève dans sa note de situation du 25 février 2013 l'ambivalence de l'enfant à travers ses propos et comportements dans sa relation à son père lors de ces visites. Considérant qu'il résulte suffisamment des pièces de la procédure corroborées en cela par les débats devant la Cour et notamment l'audition du mineur que M. X... présentait lors du jugement déféré et présente toujours une grande souffrance psychologique compromettant gravement la construction harmonieuse de sa personnalité et le soumettant à des pressions perturbant gravement son développement physique, affectif, intellectuel et social ; que cette souffrance psychologique en lien avec le grave conflit parental dont il est l'un des enjeux avait justifié en 2011 la mise en place d'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert afin de mettre le mineur à distance des problèmes de ses parents et d'aider ceux-ci à trouver des attitudes favorables au développement de leur enfant facilement impressionnable et émotif ; que l'intensification entre janvier 2011 et septembre 2012 des perturbations de l'enfant résidant chez sa mère et voyant irrégulierement son père est établi par les éléments résultant de la note d'information de l'APASE du 27 juillet 2012 ; que cette dégradation avérée de l'état de l'enfant nécessite, sans qu'il soit besoin d'obtenir ou d' attendre des éléments supplémentaires sur la personnalité des parents et de l'enfant, qu'un tiers éducatif donne à ce dernier sa véritable place et le préserve autant que faire se peut du conflit généré par ses deux parents qui ne l'en ont jusqu'alors pas ou insuffisamment protégé malgré la mesure éducative en milieu ouvert ; que dans ce cadre, une mesure de placement à domicile (s'entendant de celui fixé par le juge aux affaires familiales, soit chez Mme A...) confiée à l'Aide Sociale à l'Enfance d'ILLE ET VILAINE est la mieux adaptée à la situation afin de ne pas entraîner de rupture brutale dans la vie du mineur déjà perturbé, une telle mesure étant en l'état de la situation la seule à même d'assurer la protection du mineur afin d'éviter l'aggravation de troubles tout en préservant sa scolarité actuelle, le terme de la mesure devant être maintenu au 21 septembre 2013, chacun des parents devant mieux prendre conscience d'ici là des réelles difficultés de l'enfant et en quoi ils ont pu respectivement y participer de manière d'ailleurs différente pour que puisse être appréciées au mieux par le juge des enfants les mesures alors à mettre en place dans l'intérêt de leur fils. Qu'afin de maintenir le rétablissement des liens entre le père et l'enfant amorcé dans le cadre de la décision du 18 décembre 2012, il y a lieu de prévoir que M. X... bénéficiera d'un droit de visite médiatisé en lieu neutre, en l'état au moins tous les 15 jours, à mettre en oeuvre selon des modalités fixées par le service gardien. PAR CES MOTIFS Statuant, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, En la forme : DECLARE les appels recevables ; Ordonne la jonction des instances 12/00289 et 12/00291. Infirme le jugement déféré ; Confie M. X... à l'AIDE SOCIALE A L'ENFANCE D'ILLE ET VILAINE dans le cadre d'un placement à domicile chez sa mère jusqu'au 21 septembre 2013 , Instaure au profit de M. X... un droit de visite médiatisé en lieu neutre, au moins tous les quinze jours, à metttre en oeuvre selon des modalités fixées par le service gardien. Dit que les prestations familiales seront versées à Mme A.... LAISSE les dépens à la charge du Trésor Public. LE GREFFIER Bruno GENDROT LE PRESIDENT Karine PONCHATEAU
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Copies exécutoires et certififées confromes délivrées aux parties le :Copies exécutoires et certififées confromes délivrées aux parties le :République française Au nom du Peuple français COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 9 - B ARRET DU 03 Novembre 2022 (no 195 , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S No RG 20/00214 - No Portalis 35L7-V-B7E-CCN5S Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Juin 2020 par le Tribunal de proximité de Villejuif RG no 11-19-001536 Madame [W] [H] épouse [D] (débitrice) [Adresse 1] [Adresse 1] non comparante Madame [M] [K] (impayés) [Adresse 1] [Adresse 1] non comparante TRESORERIE VITRY SUR SEINE MUNICIPALE (4100025981) [Adresse 7] [Adresse 7] non comparante SIP [Localité 9] (0804274563421) [Adresse 8] [Adresse 8] non comparante TRESORERIE CONTROLE AUTOMATISE (Amendes) [Adresse 10] [Adresse 10] non comparante DIR SPECIALISEE ASSISTANCE PUB HOPITAUX DE [Localité 11] (180472182010000) [Adresse 12] [Adresse 12] non comparante CENTRE LECLERC (Dette sociale) [Adresse 6] [Adresse 6] non comparante TRESORERIE VAL DE MARNE AMENDES TAXES (Amendes) [Adresse 5] [Adresse 5] non comparante MACIF ILE DE FRANCE (15463508) Centre de Gestion [Adresse 2] [Adresse 2] non comparante VALOPHIS HABITAT OPH DU VAL DE MARNE (2116539) [Adresse 4] [Adresse 4] représentée par Me TONDI Maxime, avocat au barreau du Val-de-Marne (toque PC 145) substituée par Me Fabienne BEUGRÉ, avocate au barreau du Val-de-Marne SOCIETE GENERALE ITIM/PLT/COU (5045310896) [Adresse 12] [Adresse 12] non comparante SOGEFINANCEMENT (37195180866 ; 40395449487) Chez Franfinance UCR de [Localité 11] [Adresse 3] [Adresse 3] [Adresse 3] non comparante COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Fabienne TROUILLER conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Muriel DURAND, présidente Mme Fabienne TROUILLER, conseillère Mme Laurence ARBELLOT, conseillère Greffière : Mme Alexandra AUBERT, lors des débats - RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Muriel DURAND, présidente et par Madame Alexandra AUBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Le 20 février 2019, Mme [H] épouse [D] a saisi la commission de surendettement des particuliers du Val-de-Marne qui a, le 26 mars 2019, déclaré sa demande recevable. Le 25 juin 2019, la commission de surendettement a recommandées l'effacement des dettes de la débitrice. La société Valophis Habitat OPH a contesté les mesures recommandées au motif que la situation de Mme [H] n'était pas irrémédiablement compromise, que sa capacité de remboursement était augmentée par les APL et qu'une mutation vers un logement moins onéreux était possible. Par jugement réputé contradictoire en date du 25 juin 2022, le tribunal de proximité de Villejuif a déclaré recevable le recours, constaté que la situation de Mme [H] n'était pas irrémédiablement compromise en l'absence de pièce communiquée par la débitrice et a renvoyé le dossier à la commission. Après avoir étudié la recevabilité du recours, le tribunal a estimé que les ressources de Mme [H] s'élevaient à la somme de 1 354 euros, ses charges courantes à la somme de 1 556 euros et qu'elle disposait ainsi d'une capacité de remboursement de 0 euro, le maximum légal de remboursement étant de 194,01 euros. Pour renvoyer le dossier à la commission, il a relevé qu'en l'absence de comparution de Mme [H], l'évaluation et l'actualisation de ses ressources et de ses charges n'était pas possible. Le jugement a été notifié à Mme [H] le 9 juillet 2020. Par déclaration adressée le 20 juillet 2020 au greffe de la cour d'appel Paris, Mme [H] a interjeté appel du jugement en réclamant une annulation de ses dettes. Les parties ont été convoquées à l'audience du 28 juin 2022 et a été renvoyée au 20 septembre 2022 afin de convoquer la débitrice à sa dernière adresse connue. Régulièrement convoquée par lettre recommandée à l'audience du 20 septembre 2022, Mme [H] n'a pas comparu. La société Valophis Habitat OPH Val-de-Marne est représentée par son conseil qui a réclamé la confirmation du jugement. Par courrier réceptionné le 18 juillet 2022 au greffe, le SIP de [Localité 9] a indiqué que la débitrice était redevable d'une somme de 740 euros. Aucun autre créancier n'a comparu. MOTIFS DE LA DÉCISION Il convient d'indiquer à titre liminaire que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures. Dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les parties non comparantes. En l'espèce, régulièrement convoquée par lettre recommandée à l'audience du 20 septembre 2022, l'appelante n'a pas comparu, ni ne s'est fait représenter et n'a invoqué aucun motif légitime pour justifier sa non-comparution. Du fait de celle-ci, la cour n'est saisie d'aucun moyen à l'appui de l'appel formé. La société Valophis Habitat OPH Val-de-Marne a sollicité la confirmation du jugement. Le jugement dont appel conserve donc toute son efficacité. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement , par arrêt réputé contradictoire rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe ; Constate que Mme [W] [H] épouse [D] ne soutient pas son appel et que la cour n'est saisie d'aucune prétention ; Confirme le jugement en toutes ses dispositions ; Laisse les éventuels dépens à la charge de l'appelante ; Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et aux parties par lettre recommandée avec avis de réception. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées aux parties le :République française Au nom du Peuple français COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 9 - B ARRET DU 03 Novembre 2022 (no 200 , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S No RG 20/00268 - No Portalis 35L7-V-B7E-CCUO7 Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny RG no 11-20-001515 Madame [B] [N] [V] [L] divorcée [C] (débitrice) [Adresse 21] [Localité 15] représentée par Me Laurence MIARA-BENADIBA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1966 substitué par Me Thibault DES CROIX, avocat au barreau de PARIS, toque : D1542 ADVANZIA BANK (40001746030 ; 40001779489) Service Clients [Adresse 22] [Localité 13] non comparante VILOGIA (102095-51) [Adresse 10] [Adresse 10] [Localité 7] non comparante CARREFOUR BANQUE (51089327989002 ; 51089327981100) Chez Neuilly Contentieux [Adresse 3] [Localité 16] non comparante NATIXIS FINANCEMENT (4234267661100) Agence Surendettement [Adresse 6] [Localité 2] non comparante CA CONSUMER FINANCE ANAP (52067888420 ; 81575247058) [Adresse 19] [Adresse 19] [Localité 12] non comparante BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE (42359276109002) Chez Neuilly Contentieux [Adresse 3] [Localité 16] non comparante DIAC (278150739) Service Surendettement [Adresse 1] [Localité 5] non comparante CREDIT LYONNAIS (022739Y ; 81429722625 ; 57248542166) Service surendettement [Adresse 9] [Adresse 9] [Localité 18] non comparante COFIDIS CHEZ SYNERGIE (28973000357039) [Adresse 20] [Localité 8] non comparante CRCAM DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE (00001390293 ; 00001020991 ; 00001021096) [Adresse 4] [Adresse 4] [Localité 11] non comparante FRANFINANCE UCR DE PARIS (10493075765) [Adresse 14] [Adresse 14] [Localité 17] non comparante COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Fabienne TROUILLER, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Muriel DURAND, présidente Fabienne TROUILLER, conseillère Laurence ARBELLOT, conseillère Greffière : Mme Alexandra AUBERT, lors des débats - RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Muriel DURAND, présidente et par Madame Alexandra AUBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Mme [B] [H] [N] [V] [L] épouse [C] et M. [D] [C] ont saisi la commission de surendettement des particuliers de la Seine-Saint-Denis qui a, le 6 juin 2018, déclaré leur demande recevable. Par une décision notifiée le 20 janvier 2019, la commission a imposé un rééchelonnement des créances sur une durée de 64 mois en retenant une mensualité de 746,54 euros. M. et Mme [C] ont contesté les mesures imposées et réclamé une diminution de la mensualité. Ils ont indiqué avoir divorcé le 7 juillet 2020, avec effets à compter du 23 septembre 2020. Par jugement réputé contradictoire en date du 24 septembre 2020, le tribunal d'instance de Bobigny a : - ordonné la disjonction de la procédure suite au divorce du couple, - déclaré recevable le recours de Mme [C], - débouté Mme [C] de sa demande d'inclusion de la créance de 6 000 euros détenue par M. et Mme [Y], - fixé sa capacité mensuelle de remboursement à la somme de 430,70 euros, - rééchelonné ses dettes sur une durée de 84 mois selon un tableau joint. La juridiction a relevé que les époux [C] ne justifient pas avoir sollicité l'accord de la commission pour contracter un emprunt de 6 000 euros auprès de M. et Mme [Y], qu'ils ne justifient pas avoir utilisé cette somme pour le déménagement de madame. Il a retenu 1 180,79 euros de ressources et 753 euros de charges, soit une capacité de remboursement de 430,70 euros. Cette décision a été notifiée le 12 octobre 2020 à Mme [C]. Par déclaration expédiée le 19 octobre 2020 au greffe de la cour d'appel de Paris, Mme [C] a interjeté appel du jugement et réclamé une diminution de sa mensualité de remboursement. Les parties ont été convoquées à l'audience du 20 septembre 2022. À cette audience, Mme [C] est représentée par son conseil qui a développé oralement ses conclusions et réclamé l'infirmation du jugement, la fixation de sa capacité de remboursement à la somme de 52 euros et la fixation d'un nouveau plan sur une durée de 84 mois. Il fait valoir que Mme [N] [V] [L], née en 1968, vit désormais avec M. [Y], qu'elle ne perçoit plus aucun revenu et n'a pas retrouvé d'emploi, que les revenus mensuels de M. [Y] s'élèvent à 1 610 euros, soit 805 euros pour Mme [N] [V] [L], que le forfait de ses charges s'élève à 753 euros, soit une capacité de remboursement de 52 euros par mois. Par courrier reçu au greffe le 27 juillet 2022, la société Diac réclame la confirmation du jugement. Elle précise que la débitrice n'a versé que cinq mensualités du plan élaboré par le premier juge, enter le 10 décembre 2020 et le 6 avril 2021. Elle actualise sa créance à la somme de 13 108,51 euros, arrêtée au 4 juillet 2022. Aucun créancier n'a comparu. MOTIFS DE LA DÉCISION Il convient d'indiquer à titre liminaire que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures. Dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les parties non comparantes. La bonne foi de la débitrice n'est pas contestée et n'est pas susceptible d'être remise en cause au vu des éléments dont la cour dispose. Il n'y a donc pas lieu de statuer spécialement sur ce point. En l'absence de tout élément de nature à contredire le jugement sur ce point, la décision entreprise est confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable le recours exercé par Mme [N] [V] [L] divorcée [C] et en ce qu'elle a débouté Mme [C] de sa demande d'inclusion de la créance de 6 000 euros détenue par M. et Mme [Y]. Aux termes de l'article R. 731-1 du code de la consommation : « Pour l'application des dispositions des articles L. 732-1, L. 733-1 et L. 733-4 la part des ressources mensuelles du débiteur à affecter à l'apurement de ses dettes est calculée, dans les conditions prévues aux articles L. 731-1, L.731-2 et L. 731-3, par référence au barème prévu à l'article R. 3252-2 du code du travail. Toutefois, cette somme ne peut excéder la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles de l'intéressé et le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2o de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles applicable au foyer du débiteur ». L'article R. 731-2 précise : « La part de ressources réservée par priorité au débiteur est déterminée au regard de l'ensemble des dépenses courantes du ménage, qui intègre les dépenses mentionnées à l'article L. 731-2». Enfin selon l'article R.731-3 : « Le montant des dépenses courantes du ménage est apprécié par la commission, soit pour leur montant réel sur la base des éléments déclarés par le débiteur, soit en fonction du barème fixé par son règlement intérieur et prenant en compte la composition de la famille. Le règlement intérieur précise à quelles conditions et selon quelles modalités les dépenses sont prises en compte pour leur montant réel ou selon le barème. Lorsque la commission prend en compte des dépenses courantes du ménage pour leur montant réel, elle peut demander au débiteur d'en fournir des justificatifs. Si le débiteur ne les fournit pas, les dépenses concernées sont appréciées selon le barème susvisé ». En l'espèce, Mme [N] [V] [L] fait dire par son avocat qu'elle ne perçoit plus aucun revenu. Les seuls justificatifs produits sont une attestation de divorce, un courrier de Pôle emploi en date du 29 décembre 2021 de refus de rechargement de l'allocation d'Aide au Retour à l'Emploi (ARE 2019) ainsi que l'avis d'imposition établi en 2022 concernant les revenus de 2021 de M. [T] [Y], célibataire. Au vu des pièces produites, Mme [N] [V] [L] ne justifie nullement d'un changement de situation, le premier juge ayant déjà pris en compte le divorce du couple. Rien ne permet de la rattacher à M. [Y] qui ne l'a pas déclarée sur son avis d'imposition. En l'état des pièces fournies, rien ne justifie une modification de la mensualité retenue par le premier juge, étant rappelé que le jugement précise expressément qu'un changement significatif de sa situation lui permet de ressaisir la commission d'une nouvelle demande. Le jugement sera par conséquent confirmé en toutes ses dispositions. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement , par arrêt réputé contradictoire en dernier ressort et par mise à disposition au greffe, Confirme le jugement en toutes ses dispositions ; Laisse à la charge de chaque partie les éventuels dépens d'appel exposés par elle ; Dit que l'arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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REPUBLIQUE FRANCAISE Copies certifiées conformes et exécutoires notifiées aux parties le :Au nom du Peuple français COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 7 ARRET DU 03 Novembre 2022 (no 86 , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/14541 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEF2P Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Juillet 2021 par le tribunal judiciaire de PARIS RG no 20/00030 SOCIÉTÉ SNCF RESEAU Siège social [Adresse 4] [Localité 64] représentée par Me Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0131 S.D.C. SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE SIS DU [Adresse 67] ET [Adresse 29] A [Localité 75] Ayant pour Syndic le Cabinet DAUCHEZ [Adresse 26] [Localité 75] représentée par Me Alexandre GUEZENNEC, avocat au barreau de PARIS, toque : R213 DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS Service local du domaine de Paris [Adresse 12] [Localité 75] représenté par M. [I] [F] en vertu d'un pouvoir général COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Septembre en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur Hervé LOCU, Président Madame Monique CHAULET, conseillère Madame Catherine LEFORT, conseillère Greffière : Mme Alexandra AUBERT, lors des débats - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Hervé LOCU, Président et par Madame Alexandra AUBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Exposé des faits et de la procédure Par arrêté inter préfectoral du 31 janvier 2013, les préfets d'Île-de-France, des Hauts-de-Seine, des Yvelines et du Val-d'Oise ont déclaré d'utilité publique le prolongement de la ligne E du RER, projet EOLE, de la gare [70] à [Localité 72], et emportant mise en compatibilité des documents d'urbanisme des communes de [Localité 75], [Localité 74] et [Localité 78] (92), [Localité 77], [Localité 66] , [Localité 69] , [Localité 73], [Localité 72] et [Localité 79] (78). Il est prévu à l'article 3 de l'arrêté précité que, pendant 5 ans, RFF et SNCF sont autorisés « à procéder à l'acquisition, soit à l'amiable, soit par voie d'expropriation, les emprises de terrains nécessaires à la réalisation du ouest de la ligne E du RER–projet EOLE de la gare [70] (75) à [Localité 72] (78) ». Le tracé de référence du prolongement de la ligne E du RER aménagé par SNCF réseau passera sur et sous le territoire de la commune de [Localité 75]. Le tréfonds de la parcelle cadastrée section AI No[Cadastre 42] située [Adresse 67] et [Adresse 29] dans le [Localité 75] est inclus dans le périmètre des expropriations. La parcelle se situe en zone UGSU et UG du PLU de la Ville de [Localité 75], au début de l'[Adresse 67] à proximité immédiate de l'Arc de Triomphe donc des [Adresse 68] ; elle est desservie par de nombreux moyens de transports (métros, RER C, station de taxi) et bénéficie de toutes les commodités du [Localité 75]. La parcelle représente une surface de 2696 m², occupée par un immeuble. Le bâtiment est en R+5 et est bien entretenu. Au rez-de-chaussée, l'immeuble accueille plusieurs commerces. L'emprise de la SNCF réseau sur la parcelle concernée sera d'une surface en tréfonds de 357 m² . Le Syndicat des des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 67] et [Adresse 30] à [Localité 75] est propriétaire de la parcelle concernée. Par jugement du 8 juillet 2021, le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Paris a : - fixé la date de référence au 27 août 2017 –appliqué la méthode Guillermain et Demanche et retenu une valeur unitaire de 20 000 euros/m²; –dit n'y avoir lieu à application d'un abattement pour encombrement ; –retenu un coefficient de nappe Ke dans le cadre de cette méthode de 0, 5 ; –fixé l'indemnité totale de dépossession dans le dispositif à la somme de 97 800 euros, soit 89 250 euros au titre de l'indemnité principale et 9925 euros au titre des frais de remploi, ( dans les motifs l'indemnité principale à la somme totale de 99175 euros soit l'indemnité principale à la somme de 89250 et l'indemnité de remploi à la somme de 9925 euros) à revenir au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 67] et 32 rue de Tilssitt à [Localité 75] pour la dépossession en tréfonds de sa parcelle ; –condamné la SNCF réseau à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 67] et [Adresse 29] à [Localité 75] la somme de 3500 euros sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile ; –rappelé que les dépens sont de droit supportés par l'expropriant en vertu de l'article L312-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. SNCF réseau a formé appel par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 août 2021 limité au montant de la valorisation du terrain. Pour l'exposé complets des faits, de la procédure , des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures: -Adressées par SNCF réseau le 28 octobre 2021 au greffe notifiées le 3 novembre 2021 (AR des 4 et 5 novembre 2021) aux termes desquelles elle demande à la cour de : –dire son appel recevable et bien fondé, –infirmer le jugement en ce qu'il a retenu une valeur de terrain nu et libre de 20 000 euros/m² ; –fixer l'indemnité à revenir aux expropriés selon la méthode dite Guillermain Demanche , en retenant une valeur de terrain nu et libre de 12 000 euros/m² ; –fixer en conséquence à la somme globale de 59 905 euros arrondis, tous chefs de préjudices confondus, l'indemnité devant revenir au syndicat des copropriétaires pour l' immeuble [Adresse 67] et [Adresse 30] [Localité 75] –confirmer le jugement pour le surplus. -Adressées au greffe par le commissaire du gouvernement , intimé et appelant incident , le 16 décembre 2021 notifiées le 27 décembre 2021 (AR des 29 décembre 2021 ) aux termes desquelles il demande la cour de : –à partir d'une valeur unitaire de sol de surface de 16 800 euros/m², fixer l'indemnisation en réparation du préjudice subi à la somme totale de 83 467 euros. –Adressées au greffe le 31 janvier 2022 par le syndicat des copropriétaires du 4 à 10, avenue de la Grande armée [Adresse 29] 75017 Paris, intimée et appelant incident, notifiées le 2 février 2022 (AR du 4 et 7 février 2022) aux termes desquelles il demande à la cour de : –débouter la SNCF réseau de ses demandes ; –recevoir son appel incident ; –confirmer le jugement en ce qu'il a fixé une valeur unitaire de sol à 20 000 euros/m² ; fixer l'indemnité de dépossession à la somme de 99 175 euros ; –à titre subsidiaire –fixer le montant de l'indemnité totale d' expropriation à la somme de 69 722 euros; -condamner la SNCF réseau à verser la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES La SCNF RÉSEAU fait valoir que : - elle conteste que le jugement ait retenu une valeur de 20 000 euros/m² s'agissant de la valorisation du terrain : elle produit une nouvelle liste des références (Pièce no 6), comprenant les références de publications qui n'étaient pas mentionnées initialement, ainsi que de nouvelles références ; l'article L322-8 du code de l'expropriation fait obligation au juge de l'expropriation de « tenir compte ?? des accords intervenus entre l'autorité expropriante et les divers titulaires de droits réels à l'intérieur du périmètre des opérations faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique et, lorsque les critères quantitatifs visés par le juge de première instance (moitié des propriétaires et deux tiers des superficies ou l'inverse) sont atteints de « prendre pour base ?? ces accords ; elle propose à la cour de croiser ces références avec les huit ventes produites initialement par le commissaire du gouvernement faisant ressortir une même moyenne de 12 024 euros/m² ; mais la Cour ne devra pas retenir les ventes de terrains à bâtir sur Paris citées par le commissaire du gouvernement sélectionnées « à partir des annonces de vente d'appartement neufs en Vefa ainsi que des DIA (Déclaration d'intention d'Aliéner) adressées par la Ville de [Localité 75] au service des Domaines ??, lesquelles ne correspondent pas à des ventes effectives ; elle produit trois récents arrêts de la cour d`appel (Pièces no 9 à 11) ayant confirmé des décision de première instance fixant, dans le même secteur, une valeur de terrain nu et libre à 12 000 euros /m².Rien ne justifie une augmentation de plus de 60 %, ce marché étant relativement stable s'agissant de biens rares. Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 65] rétorque que: -le tribunal a fixé le montant de l'indemnité de dépossession retenant la moyenne des 2 termes de références proposés par le commissaire du gouvernement sur une valeur de 19 120 euros/m² ; il sollicite l'ajustement de indemnité de dépossession sur la base de 20 000 euros et demande de retenir la valeur du sol à -39,60 m² représentant 2,5 % de la valeur du sol soit : 20 000 euros X 0,5 %= 500 euros/m² ; la valeur de la parcelle en tréfonds doit donc être fixée après abattement pour présence de nappe comme suit : 357 m² X 500 euros X 0,5= 89 250 euros ; –à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour adopte les modalités de calcul proposé par SNCF réseau, le taux d'abattement 40 % demandé par SNCF réseau ne peut s'appliquer et c'est un abattement de 30 % qui aurait dû être retenu. Le commissaire du Gouvernement conclut que : -il propose 5 termes de comparaison faisant apparaître une valeur moyenne de: (14.176 +15.555 +14.990 +17.612,64 + 21.827,50 ) = 84.161,14 euros / 5 = 16.832,23 euros , arrondi à 16 800 euros . Cette valeur moyenne des surfaces de plancher, de 16 800 euros /m² est donc retenue pour déterminer la valeur du sol de surface appliquée dans le cadre du barème Guillermain-Demanche. Il convient de préciser également que cette valeur est comprise encombrement inclus de sorte qu'aucun abattement ne sera appliqué à cette moyenne. L'indemnité principale doit donc être fixée à la somme de 74 970 euros et l'indemnité de remploi à la somme de 8417 euros soit une indemnité totale de 83 467 euros arrondis . MOTIVATION Sur la recevabilité des conclusions Aux termes de l'article R 311-26 du code de l'expropriation modifié par décret No2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1 septembre 2017, l'appel étant du 3 août 2021 , à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel. À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction. L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure. Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa. Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un. Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises. En l'espèce, les conclusions de SNCF RESEAU du 28 octobre 2021, du SDC du [Adresse 67] et [Adresse 29] du 31 janvier 2022 et du commissaire du gouvernement du 16 décembre 2021 déposées ou adressées dans les délais légaux sont recevables. Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité. L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité. Aux termes de l'article L 321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation. Aux termes de l'article L 321-3 du code de l'expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées. Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ou lorsque l'expropriant fait fixer l'indemnité avant le prononcé de l'ordonnance d'expropriation, à la date du jugement. Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte. L'appel principal de la SNCF RESEAU , l'appel incident du commissaire du gouvernement et l'appel incident du SDC du [Adresse 67] et du [Adresse 29] portent sur le montant de la valorisation du terrain . S'agissant de la date de référence, le premier juge a retenu en application des article L322-2 et L213-6 du code de l'expropriation la date du 27 août 2016; les appels des parties ne concernent pas la date de référence . A cette date la parcelle est située en zone UGSU du PLU de la ville de [Localité 75] . Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s'agit de la parcelle AI [Cadastre 42] située [Adresse 34]. Selon les documents de la SNCF Réseau ( pièce No1:plan coupe (EDDV), l'emprise est de 357 m² en tréfonds , le niveau haut de l'emprise est de 13, 4 m( cote altimétrique NGF IGN 69) et l'altitude de la parcelle étant de 53 mètres ( cote altimétrique NGF) , l'emprise en conséquence se situe à une profondeur par rapport au niveau du sol de : 53 m-39, 6 m= 39, 6 mètres. Pour une plus ample description, il convient de se référer au procès verbal de transport. S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance conformément à l'article L322-2 du code de l'expropriation, soit le 8 juillet 2021. 1o Sur l'indemnité principale A.Sur la méthode Le premier juge conformément à l'accord des parties a retenu comme méthode d'évaluation de l'indemnité d'expropriation la méthode des experts judiciaires, Messieurs Guillermain et Demanche. Les parties s'accordent également en appel pour retenir cette méthode. Le jugement sera donc confirmé sur ce point. La détermination de la valeur d'indemnisation pour l'expropriation d'un volume de tréfonds requiert d'une part de fixer la valeur en surface de la parcelle en fonction du prix unitaire au mètre carré (A), de pondérer cette valeur en fonction du taux dit « d'encombrement » de la parcelle (B), et d'autre part d'appliquer à cette valeur les paramètres de la méthode de calcul spécifique au tréfonds (C). Cette détermination est régie par des paramètres largement issus de la méthode dite Guillermain et Demanche du nom des experts désignés par arrêt de la cour d'appel du 16 décembre 1993 afin de prendre en compte la spécificité de l'expropriation totale ou partielle du tréfonds au regard de l'évolution des techniques mises en oeuvre pour les ouvrages à construire et des caractéristiques des sols. La méthode Guillermain et Demanche détermine la valeur du tréfonds de façon dégressive en neutralisant les trois premiers mètres cinquante de sous-sol (qualifiée de profondeur minimale dans l'arrêt du 7 décembre 1995 rendue par cette cour dans l'affaire RATP C/Cts Beauchataud -Segalen), car le propriétaire d'un immeuble peut sans difficulté utiliser ses caves ou les infrastructures de ses fondations, sur ce qui correspond à un premier sous-sol ; qu'en dessous de 3,50 m de profondeur, les prix de construction et le coût d'exploitation ont, ainsi que l'ont alors estimé les experts précités, une répercussion qui justifie la diminution de la valeur d'un tréfonds en fonction de la profondeur. B.L'évaluation Le premier juge conformément à l'accord des parties a retenu la méthode par comparaison, et a retenu une valeur unitaire de 20 000 euros/m² sans application d'un abattement pour encombrement. SNCF RESEAU demande de retenir une valeur de terrain nu et libre de 12 000 euros/m², le SDC du [Adresse 67] et [Adresse 29] demande à titre principal la somme de 89250 euros et à titre subsidiaire la somme de 62475 euros/m² et le commissaire du gouvernement une valeur de 16 800 euros/m². Il convient en conséquence d'examiner les références des parties: A.Les références de SNCF RESEAU Elle indique que l'article L 322-8 du code de l'expropriation fait obligation au juge de l'expropriation de « tenir compte » des accords intervenus entre l'autorité expropriante et les divers titulaires de droits réels à l'intérieur du périmètre des opérations faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique, et lorsque les critères quantitatifs visés par le juge de première instance (moitié des propriétaires et 2/3 des superficies ou l'inverse) sont atteints de « prendre pour base » ces accords. En l'espèce, il n'est pas contesté comme l'indique la SNCF réseau que les juges du fond conservent un pouvoir souverain d'appréciation sur le montant de l'indemnité à fixer; qu'en outre les critères quantitatifs visés par l'article susvisé n'étant en l'espèce remplis, la cour est uniquement tenue d'en tenir compte. Il convient en conséquence d'examiner ces références. Elle propose tout d'abord 13 références à [Localité 75] (pièce numéro 6) avec les références de publication, mais sans mention des superficies et de la consistance matérielle, toutes datant de 2015: No du termeDate de venteAdresseParcellePropriétairePrix Prix euros/m² T116 avril 2015[Adresse 61]AV [Cadastre 9] Bayard Albert Ier3376, 80675,36 T27 avril 2015[Adresse 27] [Adresse 13] [Localité 75]CL[Cadastre 57]SDC du [Adresse 13]142 96815 296,80 T36 février 2015[Adresse 36] [Adresse 17] [Adresse 21] [Localité 75]AW [Cadastre 31]SDC [Adresse 36]59581, 206958,12 T429 janvier 2015[Adresse 3] [Localité 75]CL [Cadastre 53]Groupama GAN VIE100 761,6011 076,16 T55 janvier 2015[Adresse 38] [Localité 75]BU[Cadastre 45]société OBM SCI [Adresse 76]24 375,603437,56 T67 avril 2015[Adresse 55] [Localité 75]CJ [Cadastre 51]FDC [Adresse 80]10 0801762 T714 avril 2015[Adresse 62]CJ [Cadastre 49]consorts [T]- [U]59 462,406946,24 T829 janvier 2015[Adresse 24] [Localité 75]AI [Cadastre 18]GAN investissement foncier118 42212 842,20 T911 mars 2015[Adresse 40] [Adresse 47] [Localité 75]AF [Cadastre 53]AC FCI35 084,404508,44 T102 juin 2015[Adresse 48] [Adresse 81] [Localité 75]AF [Cadastre 44]fondations pasteur Eugène Bersier31 978,804197,88 T1120 avril 2015[Adresse 50] [Localité 75]AF [Cadastre 41]église protestante unie de [71]32 198,404219,84 T126 juillet 2015[Adresse 19] [Localité 75]BD [Cadastre 25]ordre national des médecins80 011,209001,12 T136 juillet 2015[Adresse 52] [Localité 75]AF [Cadastre 37]SA Paris Loire36 362,404636,24 Ces références sont trop anciennes, datant de plus de 5 ans et seront donc écartées. Elle propose ensuite (pièce No6) quatre références de 2019, dont l'une n'est pas encore publiée: No du termeDate de venteAdresseParcelle PropriétairePrix en euroPrix en euros/m² T1424 septembre 2020[Adresse 54] [Localité 75]AF [Cadastre 18]consorts [K]22 5573256 T1529 juillet 2019[Adresse 43] [Localité 75]CI [Cadastre 58]SDC du [Adresse 43]69 707,807170,68 T1620 septembre 2019[Adresse 1]BU [Cadastre 33]SDC du [Adresse 1]45 838,805558,88 T1720 mai 2019 [Adresse 46]AW 23SDC du [Adresse 46]1825,20365,04 Le terme T 14 n'est pas encore publié et sera donc écarté. En ce qui concerne les termes T 15,16 et 17 si les références de publication sont mentionnées, par contre, la superficie et la consistance du bien ne sont pas mentionnés, ce qui ne permet pas d'en connaître les caractéristiques; Ces références seront écartées. Elle propose ensuite huit termes avec les références de publication produites initialement par le commissaire du gouvernement faisant ressortir une moyenne de 12 024 euros : No du terme Date de vente AdresseSuperficie Prix en euros Prix d'acquisition m² de surface bâtie T1810 janvier 2017[Adresse 11] [Localité 75]terrain de 508m² surface utile de 1432 m²20 300 00014 176 T196 décembre 2016[Adresse 15] [Localité 75]terrain de 234 m² surface utile de 450 m²7 000 00015 555 T2028 octobre 2016[Adresse 32] [Localité 75]terrain de 443 m² surface utile de 3000 m²21 500 0007166 T2110 mai 2016[Adresse 60] [Localité 75] Paristerrain de 454 m² surface utile de 1082 m²11 000 257 00010 403 T222 février 2016[Adresse 39] [Localité 75]terrain de 1420 m² surface utile de 4668 m²69 274 35014 990 T2328 janvier 2016[Adresse 35] [Localité 75]terrain de 600 m² surface utile de 2359 m²20 000 0008478 T245 octobre 2015[Adresse 16] [Localité 75]terrain de 1587 m² surface utile de 13 137 m²138 000 00010 505 T252 juillet 2015[Adresse 56] [Localité 75]terrain de 980 m² –surface utile de 1413 m² 36 000 00014 919 Ces termes datant pour les uns de plus de 5 ans et pour les autres de près de 5 ans sont trop anciens et seront donc écartés. SNCF RESEAU propose également trois références citées par le commissaire du gouvernement en première instance, dont deux sont également proposées par le commissaire du gouvernement en appel et seront donc examinées ci après, et une référence non reprise du 24 novembre 2016, terme cité par une expertise de CBRE dans un autre dossier. Cependant cette dernière référence est trop ancienne datant de près de 5 ans et sera donc écartée. SNCF réseau invoque enfin trois arrêts récents de la cour d'appel (pièces numéro 9 à numéro 11). Ces arrêts concernent un autre arrondissement le 8o, en outre ces arrêts se fondent sur des références du commissaire du gouvernement de 2016 et 2017, alors qu'en l'espèce le commissaire du gouvernement en appel propose des références de 2018 et 2019, permettant de prendre en compte davantage l'évolution du marché - ces termes seront donc écartés. B.Les références du SDC du [Adresse 67] et [Adresse 29] Il invoque les références du gouvernement de première instance. Il demande de retenir comme dans les motifs du jugement la valeur retenue de 20000 euros , soit une indemnité principale de 89250 euros C. Les références du commissaire du gouvernement Le commissaire de gouvernement indique que s'agissant de l'estimation d'une valeur de sol de surface sur [Localité 75], compte tenu de leur extrême rareté, elle ne peut être extraite des mutations de terrain nu à bâtir sur [Localité 75] ; il a donc recherché cette valeur à partir des ventes d'immeubles bâtis, mais vendus en étant assujettis à la TVA, permettant à un acquéreur de récupérer la TVA sur les travaux entrepris, tout en s'engageant à soumettre la future opération de revente de l'immeuble rénové à la TVA ; ces bâtiments ne sont donc pas l'objet d'une démolition puis d'une reconstruction mais d'une restructuration lourde et d'une réelle rénovation complète ; dès lors, les prix exprimés dans les actes de vente doivent être apportés à leur surface bâtie et non directement à partir de la surface des parcelles ; en outre, les immeubles vendus ne font pas l'objet d'une construction nouvelle ou d'une surélévation, il n'y a pas de création de surface de plancher , elles ne font pas l'objet d'une démolition puis d'une reconstruction mais d'une restructuration et rénovation ; il s'agit uniquement de restructuration avec application du régime fiscal des terrains à bâtir accompagnés d' autorisation d'urbanisme, permis de construire et déclaration d'ouverture de chantier ; les prix exprimés dans les actes de vente sont donc retenus en fonction de la surface de plancher des bâtiments qui permettent ensuite d'établir une valeur du sol de surface dans le cadre de l'application du barème Guillermain– Demanche ; les surfaces exprimées dans les actes doivent donc être rapportées à leur surface bâtie et non à la surface des parcelles. Le commissaire du commissaire du gouvernement précise que le commissaire du gouvernement de première instance avait proposé trois études de marché décomposées de la manière suivante : –vente d'immeubles à restructurer pour lesquels il ressort une valeur moyenne de terrain à partir de 12 024/m² , à partir de la présentation de huit termes de comparaison tous situés au sein du même arrondissement ; –les ventes considérées comme des terrains à bâtir pour lesquelles, il ressort une valeur moyenne de 15 450 euros/m² à partir des trois ventes plus élevés sur les dix ventes recensées, sélection effectuée à partir des annonces de vente d'appartements neufs en VEFA ( vente en état futur d'achèvement) ainsi que des DIA ( déclaration d'intention d'aliéner) sans publication foncière officielle ; –les ventes de surface de plancher d'immeubles à restructurer sans création de surfaces pour lesquelles, il ressort une valeur de terrain à bâtir de 16 100 euros/m². Il indique qu'en raison de la dispersion des valeurs qui apparaît dans chaque étude et dans un but de présenter une synthèse plus homogène, il propose cinq ventes avec les références de publication, dont trois situées au sein du 8e arrondissement et deux autres situées dans arrondissement plus proche avec des dates plus récente afin notamment de prendre en compte l'évolution à la hausse des prix du marché depuis 2016 : –Vente d'immeubles à restructurer sur le 8e arrondissement : -vente du 10 janvier 2017, terrain de 508 m², CO-[Cadastre 18],[Adresse 10],[Localité 75], 20 300 000 euros, surface utile de 1432 m², prix d'acquisition au mètre carré de surface bâtie de 14 176 euros/m² (20 300 000/1432). L'hypothèse d'un prix de vente de (20300000/508) est écartée, la cession porte sur une surface de plancher et non sur un sol encombré. –Vente du 6 décembre 2016, terrain de 234 m² , BZ [Cadastre 9],[Adresse 14], [Localité 75], 7 000 000 euros, surface utile de 450 m², prix d'acquisition de 15 555 euros/m²(7 000 000/450) et non de (7 000 000/234) = 29915 euros/m² de sol. –vente du 2 février 2016 : terrain de 1422 m², A.S. [Cadastre 37],[Adresse 39], [Localité 75], 69 974 350 euros, surface de 4668 m² mentionnée dans l'acte , soit une valeur de 14 990 euros/m² (69 974 350/4668) et non de (69974 350/1420) = 49278 euros/m² de sol. –Vente d'immeubles à restructurer situés dans d'autres arrondissements avec des dates plus récentes (2018 et 2019): –Vente du 8 octobre 2018 à [Localité 75] : [Adresse 20], [Adresse 28], [Adresse 59], cadastrées AG-[Cadastre 6],AG [Cadastre 7] et AG [Cadastre 8], pour respectivement, 1678 m², 3176 m² et 1411 m², vente enregistrée le 16 octobre 2018, surface totale de 6265 m², surface utile des bâtiments vendus , portés dans l'acte, et destiné à une restructuration lourde est de 29 788,80 m²; le prix est de 524 659 529,49 euros hors TVA, le prix du m² de surface utile est de : euros/m²(524 659 529,49/29 788,80)= 17612, 64 euros /m². L'immeuble est à usage de bureaux, en R+7, avec un étage de sous-sol dédié aux services généraux du bâtiment. Le permis de construire a été délivré par la mairie de [Localité 75] le 18 décembre 2015. -Vente du 25 juillet 2019 à [Localité 75] : [Adresse 22], cadastrée AU -[Cadastre 23] pour 550 m²; le bâtiment est édifié en R+ 8, dont deux étages mansardés et deux niveaux de sous-sol; l' immeuble est à usage de bureaux, la vente comprend un projet de restructuration lourde; les surfaces sont indiquées partiellement dans l'acte , la reconstitution à partir de la surface de la parcelle est toutefois possible et permet de reconstituer la surface de plancher totale : 550 m² X 7 niveaux droits(rez-de-chaussée+ 6 étages)= 550 X 0,85(déduction 15 % pour l'emprise des murs et trémies) , soit 467,5 X 7= 3372,5 m². Les deux niveaux de sous-sol et deux étages mansardés sont affectés d'un coefficient de 0, 8 : (550 X0, 8 X 0,85)= 374 m² X 4= 1496 m² total : (3372,5+ 1496)= 4868,5 m². Le prix de vente est de 106 260 200 euros hors TVA, soit un prix au m² de : (106 267 200/4868,5)= 21 827,50 euros/m². Cette valeur a été obtenue avec une approche visant à optimiser les surfaces, ce qui permet une valorisation prudente du prix au m² de SdP. Le permis de construire a été délivré le 19 janvier 2017. Le commissaire de gouvernement indique que ces ventes portant sur des immeubles bâtis destinés à être transformés sans création de surface de plancher nouvelle, sont comparables à la situation correspondant à la valeur du sol de surface de l'immeuble déjà bâti du [Adresse 2] , faisant ressortir une moyenne de : (14 176+ 15 555+ 14 190+ 17 612,64+ 21 827,50)= 84 161,14/= 16 832,23 euros arrondis à 16 800 euros. Dans le cadre de la méthode par comparaison afin de fixer la valeur de sol de surface, il convient, comme proposé par le commissaire du gouvernement de rechercher cette valeur à partir des ventes d'immeubles bâtis, mais vendus en état assujettis à la TVA, permettant à un acquéreur de récupérer la TVA sur les travaux entrepris, tout en s'engageant à soumettre la future opération de revente de l'immeuble rénové à la TVA ; en effet, ces bâtiments ne font pas l'objet d'une démolition puis d'une reconstruction d'une restructuration lourde et d'une rénovation complète et les prix exprimés dans ses actes de vente doivent donc être rapportés à leur surface bâtie et non comme demandé par les expropriés directement à partir de la surface des parcelles . Dans le cadre de la méthode par comparaison, il convient cependant d'écarter les termes du commissaire du gouvernement correspondant à des ventes d'immeubles à restructurer dans le 8e arrondissement, celle-ci étant trop anciennes, datant l'une de plus de cinq ans et les deux autres de près de cinq ans. Les ventes d'immeubles à restructurer dans le 2ème arrondissement et le 1er arrondissement correspondant au secteur le plus proche, comparables en consistances seront retenues, celles- ci datant de moins de 5 ans et étant récentes puisque datant de 2018 et 2019 pour une valeur de : 17 612,64+ 21 827,50= 39 440,14/2= 19 720,07 euro/m². En raison de l'ancienneté de ces références datant de 2018 et 2019, et afin de tenir compte de l'évolution du marché, le premier juge a exactement retenu dans ses motifs une valeur supérieure à cette moyenne de 20 000 euros/m². Le jugement sera donc confirmé sur ce point. C.Pondération de valeur Le premier juge a exactement dit que les termes de comparaison du commissaire du gouvernement concernent des terrains encombrés raison pour laquelle la valeur du terrain de surface a été retenue par la division du prix de vente à la surface de plancher de l'immeuble sur la parcelle et en conséquence a dit n'y avoir lieu à appliquer un taux pour encombrement sauf à pénaliser les expropriant tenant compte de du fait que leur parcelle est bâtie donc encombrée. Le jugement sera donc confirmé en ce sens. D.Calcul de la valeur d'indemnisation du tréfonds Les parties indiquent qu'elles adoptent la méthodologie d'estimation des tréfonds telle qu'elle a été retenue par le jugement entrepris, à savoir la méthode Guillermain -Demanche . Rappelant que dans le cadre de cette méthodologie le coefficient de profondeur retient : -pour une profondeur de l'expropriation en tréfonds inférieure ou égale à 3,5m, une indemnisation égale à 100% de la valeur du terrain de surface, -pour une profondeur de l'expropriation en tréfonds comprise entre 3,5m et 6,5m, une indemnisation égale à 30% de la valeur du terrain de surface, En l'absence de contestation des parties ,le jugement sera confirmé en ce qu'il a appliqué le coefficient de profondeur à 2, 5 % conformément à la formule de calcul habituellement appliqué :( 90/(H-3,5)) % ou H est égal à 17,5, l'emprise de la parcelle concernée s'élevant à 375 m². Sur le coefficient Ke au titre de la présence d'une nappe phréatique, le premier juge a rappelé qu'en application de cette méthode , le coefficient de nappe Ke permet de tenir compte du handicap que constitue la présence d'une nappe phréatique qui rend la réalisation de tout ouvrage particulièrement onéreuse en-dessous de ce seuil, qui est fixé à 0,5 si le niveau haut de l'ouvrage est sous le niveau d'étiage, à 1 si le niveau haut de l'ouvrage est égal ou supérieur au niveau d'étiage. Au regard des pièces versées par SNCF RESEAU , le premier juge a retenu un coefficient Ke de 0, 5. Les parties ne contestent pas le jugement qui a exactement retenu un coefficient de nappe de Ke de 0, 5. Le jugement sera donc confirmé sur ce point. Les autres paramètres de la méthodologie n'étant pas contestés, l'application de la formule [ V = Vu x S x Tr x Kp x Ks x Ke] permet de fixer comme suit l'évaluation de l'indemnisation : 20000 X 2, 5% X1X1X0, 5 X357=89250 euros. Le jugement sera donc infirmé sur ce point, car si les motifs mentionnent cette somme, le dispositif qui a autorité de chose jugée fixe une indemnité totale de 97800 euros. 2o Sur l'indemnité de remploi Les taux habituels ne sont pas contestés : 20 % entre 0 et 5000 euros : 6000 euros 15 % entre 5001 et 15 000 euros : 1500 euros 10 % pour le surplus, soit 9925 euros Le jugement sera donc infirmé sur ce point, car si les motifs mentionnent cette somme, le dispositif quia autorité de chose jugée fixe une indemnité totale de 97800 euros, alors que celle- ci est de 99175 euros se décomposant comme suit: - indemnité principale: 89250 euros - indemnité de remploi:9925 euros; En conséquence, il convient d'infirmer le jugement et de fixer l'indemnité totale de dépossession à la somme de : 89250 euros( indemnité principale) = +9925 euros( indemnité de remploi)=99175 euros. 3o Sur l'article 700 du code de procédure civile Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SNCF réseau à payer au SDC du [Adresse 5] la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'équité commande de condamner SNCF RESEAU à verser la somme de 2500 euros au SDC du [Adresse 67] et [Adresse 29] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. 4o Sur les dépens Il convient de confirmer la condamnation de l'expropriant aux dépens de première instance en application de l'article L 312-1 du code de l'expropriation. SNCF RESEAU perdant le procès sera condamnée aux dépens. PAR CES MOTIFS La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort Infirme partiellement le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour Statuant à nouveau Fixe à la somme de 99175 euros l'indemnité de dépossession à revenir au syndicat des copropriétaires de l'ensemble situé 4 à 10, avenue la Grande armée et [Adresse 30] 75017 Paris, pour la dépossession du tréfonds de la parcelle désignée ci-dessous : cadastrée section AI numéro [Cadastre 42] située [Adresse 63] et [Adresse 30] dans le [Localité 75] contenance cadastrale : 2696 m²emprise en tréfonds : 357 m² profondeur de l'emprise : 32,6 m se décomposant comme suit : –indemnité principale : 89 250 euros –indemnité de remploi : 9125 euros Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ; Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ; Condamne SNCF RESEAU à verser la somme de 2500 euros au syndicat des copropriétaires du 4 à 10, avenue de la grande armée et [Adresse 30] 75017 Paris au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne SNCF réseau aux dépens. LA GREFFIERE LE PRESIDENT
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COUR D'APPEL D'ORLÉANS MISE EN ÉTAT 2ème chambre commerciale, économique et financière e.mail : [Courriel 1] Date de Saisine : 12 Juillet 2022 Nature Acte Saisine : déclaration d'appel Date de la Décision Attaquée : 16 Mai 2022 Nature de l'Affaire : Prêt - Demande en remboursement du prêt No RG 22/01710 - No Portalis DBVN-V-B7G-GTUN ______________________________________________________________________________________ S.A. CREDIT FONCIER ET COMMUNAL D'ALSACE ET DE LORRAINE Représentée par Me Charlotte RABILIER de la SELARL RABILIER, avocat au barreau de TOURS Madame [P] [X] ______________________________________________________________________________________ ORLÉANS, le 03 novembre 2022 ORDONNANCE DE CADUCITÉ ( Art 902 du C.P.C) NOUS, Carole CAILLARD, Président de chambre chargé de la mise en état à la cour d'appel d'ORLEANS assistée de Marie-Claude DONNAT, greffier Vu la procédure en instance d'appel inscrite au repertoire général sous le numéro No RG 22/01710 - No Portalis DBVN-V-B7G-GTUN, Vu la déclaration d'appel remise au greffe le 12 juillet 2022 ; Vu l'article 902 du Code de Procédure Civile ; Vu la demande d'observations adressée aux parties le 11 octobre 2022 ; Vu l'absence de réponse du conseil de l'appelante dans le délai imparti ; Au terme de l'article 902 du code de procédure civile : "En cas de retour au greffe de la lettre de notification ou lorsque l'intimé n'a pas constitué avocat dans un délai d'un mois à compter de l'envoi de la lettre de notification, le greffier en avise l'avocat de l'appelant afin que celui-ci procède par voie de signification de la déclaration d'appel. A peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office, la signification doit être effectuée dans le mois de l'avis adressé par le greffe : cependant si entre temps, l'intimé a consituté avocat avant la signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat." En l'espèce, le greffe a avisé l'avocat de l'appelant, par voie électronique le 1er septembre 2022, qu'il devait procéder par voie de signification de la déclaration d'appel mais l'appelante n'a pas justifié avoir procédé à cette formalité dans le délai d'un mois à compter de cette date. La caducité ainsi encourue doit être relevée même d'office. L'appelante n'a pas transmis d'observation dans le délai de 15 jours imparti. Aucun cas de force majeure n'est donc soulevé et la caducité doit être prononcée. PAR CES MOTIFS Prononçons la caducité de la déclaration d'appel. Laissons les dépens à la charge de l'appelant. ET la présente ordonnance a été signée par le conseiller et le greffier, LE GREFFIER, LE CONSEILLER chargé de la mise en état, Transmis le : 03 novembre 2022 à la SELARL RABILIER
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No RG 22/07279 No Portalis DBVX-V-B7G-OS2U Nom du ressortissant : PRÉFET DE L'ISÈRE COUR D'APPEL DE LYON JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT ORDONNANCE DU 03 NOVEMBRE 2022 statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers Nous, Isabelle OUDOT, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance du premier président de ladite Cour en date du 1er septembre 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile, Assistée de Manon CHINCHOLE, greffier, En l'absence du ministère public, En audience publique du 03 Novembre 2022 dans la procédure suivie entre : APPELANT : M. [E] [B] né le [Date naissance 1] 1992 à [Localité 3] (GUINEE) de nationalité Guineénne Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [Localité 4] comparant, assisté de Maître Nathalie LOUVIER, avocat au barreau de LYON, commis d'office M. PREFET DE L'ISERE [Adresse 2] [Adresse 2] [Adresse 2] non comparant, régulièrement avisé, représenté par la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocats au barreau de l'AIN, Avons mis l'affaire en délibéré au 03 Novembre 2022 à 16 heures 15 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit : FAITS ET PROCÉDURE Le 01 septembre 2022 les gendarmes intervenaient au domicile de Mme [Z] dans le cadre d'un différend avec son concubin, M. [B]. [E] [B] était placé en garde à vue. La procédure policière faisait l'objet d'un classement 21 par les services du procureur de Grenoble. Le 01 septembre 2022, une obligation de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant 3 ans a été notifiée à [E] [B] par le préfet de l'Isère, décision pour laquelle le tribunal administratif de a rejeté le recours formé par M. [B] Le recours formé par M. [B] a été rejeté par décision du tribunal administratif de Lyon de ce jour. Par décision du 01 septembre 2022, l'autorité administrative a ordonné le placement de [E] [B] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire. Par ordonnances des 03 septembre 2022 confirmée en appel le 06 septembre 2022 et par ordonnance du 01 octobre 2022, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative d'[E] [B] pour des durées de vingt-huit et trente jours. Suivant requête du 30 octobre 2022, le préfet de l'Isère a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours. Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 31 octobre 2022 a fait droit à cette requête. Par déclaration au greffe le 02 novembre 2022 à 10 heures 28,[E] [B] a interjeté appel de cette ordonnance en faisant valoir qu'aucun des critères définis par le CESEDA n'est réuni et que la troisième prolongation de sa rétention administrative est impossible en ce qu'il n'a pas fait obstruction à son éloignement et que l'autorité administrative n'établit pas la délivrance à bref délai d'un document de voyage. [E] [B] a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée et sa remise en liberté. Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 03 novembre 2022 à 10 heures 30. [E] [B] a comparu et a été assisté de son avocat. Le conseil de [E] [B] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel. Le préfet de l'Isère, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée. [E] [B] a eu la parole en dernier. Il explique qu'il ne comprend pas pourquoi il est écrit sur l'ordonnance du juge des libertés et de la détention que le laissez-passer est délivré alors que ce n'est pas vrai. Il ajoute qu'il souhaite voir prospérer une demande d'asile. MOTIVATION Sur la procédure et la recevabilité de l'appel Attendu que l'appel de [E] [B] relevé dans les formes et délais est recevable ; Sur le bien-fondé de la requête Attendu que l'article L. 741-3 du CESEDA rappelle qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet ; Attendu quel'article L. 742-5 du même code dispose que : « A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours : 1o L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ; 2o L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement : a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 9o de l'article L. 611-3 ou du 5o de l'article L. 631-3 ; b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ; 3o La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai » ; Attendu que le conseil de [E] [B] soutient que les conditions de ce texte ne sont pas réunies en ce que sa situation ne répond aux conditions de la troisième prolongation ; Attendu que l'autorité administrative fait valoir dans sa requête que : -le 21 octobre 2022, le consul de Guinée a procédé à l'audition de M. [B], - le 25 octobre 2022, [E] [B] a été reconnu comme ressortissant guinéen et le consulat a accepté le principe de la délivrance d'un laissez-passer, - la préfecture a saisi le pôle central d'éloignement afin d'obtenir les coordonnées d'un vol, - un vol a été obtenu pour le 05 novembre 2022, - la préfecture est dans l'attente de la délivrance du laissez-passer qui doit pouvoir être récupéré au cours de la semaine 44 ; Attendu que les pièces du dossier établissent que le laissez-passer n'est pas au dossier mais que par contre le consulat de guinée a donné son accord pour la délivrance qui doit intervenir avant le vol programmé dans deux jours ainsi qu'il résulte des mails versés aux débats en date des 25 et 28 octobre 2022 ; Attendu que la préfecture établit que le laissez-passer va intervenir à bref délai pour permettre le vol fixé au 05 novembre 2022 qui permettra l'exécution de la mesure d'éloignement ; Que les conditions d'une troisième prolongation sont réunies ce qui permettait la prolongation exceptionnelle de la rétention ainsi que l'a retenu le premier juge ; Qu'en conséquence, l'ordonnance entreprise est confirmée ; PAR CES MOTIFS Déclarons recevable l'appel formé par [E] [B], Confirmons l'ordonnance déférée. Le greffier,Le conseiller délégué, Manon CHINCHOLEIsabelle OUDOT
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Copies exécutoires délivrées aux parties le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 1 - Chambre 10 ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022 (no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 21/20117 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEWAM Décision déférée à la cour : Jugement du 15 Juin 2021-juge de l'exécution d'Evry-Courcouronnes-RG no 21/02332 Monsieur [E] [G] [Adresse 2] [Localité 4] Représenté par Me Claire PERNOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0036 (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/045652 du 05/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS) Monsieur [B] [Y] [Adresse 1] [Localité 3] Représenté par Me Isabelle HUGUES, avocat au barreau de PARIS, toque : D0872, substituée par Me Halima SLIMANI, avocat au barreau de PARIS COMPOSITION DE LA COUR En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Bénédicte PRUVOST, président, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre Madame Catherine LEFORT, conseiller Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller GREFFIER lors des débats : Madame Sonia DAIRAIN -contradictoire -par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. -signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition. Par acte sous seing privé du 21 octobre 2016, M. [B] [Y] a donné à bail à M. [E] [G] des locaux à usage d'habitation situés [Adresse 2]. Par jugement du 15 janvier 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a, notamment, constaté la résiliation de plein droit du bail liant les parties, condamné M. [G] à payer l'indemnité d'occupation fixée au montant du loyer et des charges qui auraient dû être payés en cas de non résiliation du bail, enfin a autorisé, à défaut de départ volontaire, qu'il soit procédé à son expulsion, ainsi que tout occupant de son chef, avec le concours éventuel de la force publique. Par acte d'huissier du 11 mars 2021, M. [Y] a fait délivrer à M. [G] un commandement de quitter les lieux. Par courrier reçu le 25 mai 2021, M. [G] a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Evry d'une demande d'octroi d'un délai de 6 mois pour quitter les lieux. Par jugement du 15 juin 2021, le juge de l'exécution a : –débouté M. [G] de sa demande de délais d'expulsion ; –dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ; –condamné M. [G] aux dépens. Par déclaration du 21 novembre 2021, M. [G] a formé appel de ce jugement. Par dernières conclusions du 16 février 2022, M. [G] demande à la cour de : –le recevoir en ses conclusions ; y faisant droit, –infirmer le jugement en toutes ses dispositions ; et statuant à nouveau, –lui accorder un délai de 6 mois pour quitter les lieux, –débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes, –condamner M. [Y] aux entiers dépens de première instance et d'appel. L'appelant soutient que : –sa situation familiale (séparé et ayant deux enfants, sans famille ni amis pouvant l'accueillir) et d'emploi (sans emploi stable hors des missions d'intérim) justifiait l'octroi de délais pour quitter les lieux sur le fondement des articles L. 412-3 et 412-4 du code des procédures civiles d'exécution ; –compte tenu des éléments du dossier et de sa situation économique, il ne serait pas inéquitable de laisser à la charge du bailleur les dépens de première instance et d'appel. Par dernières conclusions du 4 mai 2022, M. [Y] demande à la cour de : –confirmer le jugement dont appel ; –débouter M. [G] de l'ensemble de ses demandes ; subsidiairement, –déclarer la demande de délais sans objet du fait de l'expulsion de M. [G] intervenue le 28 avril 2022 ; –condamner M. [G] au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; –condamner M. [G] en tous les dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Isabelle Hugues en application de l'article 699 du code de procédure civile. L'intimé fait valoir que : –M. [G] n'a plus payé un centime de son loyer depuis 30 mois et ce sans justifier de sa situation de chômage ou de ressources ; –il n'a fait la preuve d'aucune bonne volonté ni de diligences en vue de son relogement ; –l'expulsion a enfin eu lieu le 28 avril dernier, rendant sans objet la demande de délai pour quitter les lieux. Au vu des pièces produites par l'intimé, c'est à juste titre que le juge de l'exécution a rejeté la demande de délais pour quitter les lieux formée par M. [G], la dette locative ayant considérablement augmenté depuis le prononcé du jugement du 15 janvier 2021, le débiteur ne justifiant en outre ni de sa situation financière et d'emploi, ni de démarches en vue de son relogement. En outre et surtout, du fait de l'expulsion intervenue le 28 avril 2022, la demande de délais pour quitter les lieux devient sans objet. Bien que le premier juge lui en ait fait grief, l'appelant ne justifie toujours pas, à hauteur d'appel, de sa situation économique. Dès lors qu'il succombe en ses prétentions, tant en première instance qu'en appel, il devra supporter les dépens ainsi qu'une indemnité de 500 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en compensation des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel par M. [Y]. PAR CES MOTIFS Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Constate que la demande de délais pour quitter les lieux est devenue sans objet ; Y ajoutant, Condamne M. [E] [G] à payer à M. [B] [Y] la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne M. [E] [G] aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Isabelle Hugues en application de l'article 699 du code de procédure civile. Le greffier, Le président,
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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS MINUTE No33 COUR D'APPEL DE POITIERS 08 Septembre 2022CONTENTIEUX DES SOINS PSYCHIATRIQUES PROCEDURE DE CONTROLE DES MESURES ORDONNANCE No RG 22/00047 - No Portalis DBV5-V-B7G-GTY4 M. [C] [O] Nous, Jean-Pierre FRANCO, président de chambre, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Poitiers, Assisté, lors des débats, de Inès BELLIN, greffier, avons rendu le huit septembre deux mille vingt deux l'ordonnance suivante, par mise à disposition au greffe, sur appel formé contre une ordonnance du Juge des libertés et de la détention de [Localité 1] en date du 25 Août 2022 en matière de soins psychiatriques sans consentement. Monsieur [C] [O] né le [Date naissance 4] 1974 à [Localité 1] [Adresse 6] Port de plaisance [Localité 2] représenté par Me Henri FILET, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT placé sous le régime de l'hospitalisation complète en soins psychiatriques sans consentement mis en oeuvre par le Centre Hospitalier de [Localité 7] CENTRE HOSPITALIER DE [Localité 7] [Adresse 3] [Localité 1] non comparant PARTIE JOINTE Ministère public, non représenté, ayant déposé des réquisitions écrites ; Vu les avis d'audience adressés, conformément aux dispositions de l'article R. 3211-19 du code de la santé publique, à Monsieur [C] [O], au directeur du centre hospitalier [Localité 7], ainsi qu'au Ministère public ; Vu les réquisitions du ministère public tendant à la confirmation de l'ordonnance entreprise ; Vu les débats, qui se sont déroulés le 08 Septembre 2022 au siège de la juridiction, en audience publique conformément aux dispositions de l'article L.3211-12-2 du code de la santé publique. Après avoir entendu : -le président en son rapport - Me Henri FILET, en sa plaidoirie. Le Président a avisé les parties que l'affaire était mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 8 Septembre 2022 à 14 heures pour la décision suivante être rendue. ----------------------- RAPPEL DE LA PROCÉDURE: Par décision en date du 18 août 2022, le directeur du groupe hospitalier [Localité 7] a prononcé l'admission de Monsieur [C] [O] sous le régime des hospitalisations sans consentement, pour cause de péril imminent, au visa du certificat médical établi le 18 août 2022 par le docteur [H] [Y]. Par décision en date du 20 août 2022, le directeur de cet établissement a prononcé la prolongation des soins à l'égard de Monsieur [C] [O] sous forme d'hospitalisation complète à l'issue de la période d'observation de 72 heures, au visa du certificat médical rédigé par le Docteur [R] [N] le 20 août 2022. Le 23 août 2022, le directeur de l'établissement a saisi pour contrôle le juge des libertés et de la détention. Par ordonnance en date du 25 août 2022, notifiée le jour même, le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de La Rochelle a ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète de Monsieur [C] [O]. Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de Poitiers le 30 août 2022 à 9h30, Monsieur [C] [O] représenté par son conseil a formé appel de cette ordonnance, Le 7 septembre 2022, le Ministère public a requis par écrit la confirmation de l'ordonnance. Lors de l'audience, M. [O] représenté par son conseil, a demandé au magistrat délégataire de la première présidente de la cour d'appel de Poitiers: -de dire que Monsieur [U] [K] n'a pas reçu délégation de signature pour signer une décision admission, -de dire que le péril imminent n'est pas caractérisé, -de dire que l'établissement hospitalier ne rapporte par la preuve des recherches d'un membre de la famille ou d'un proche pour cette hospitalisation, Par conséquent, -d'infirmer l'ordonnance du Juge des Libertés et de la Détention en date du 25 août 2022. -d'ordonner la mainlevée de la décision de poursuite de la mesure d'hospitalisation de soins sans consentement. Il fait valoir en premier lieu que la décision d'admission a été prise par Monsieur [U] [V], par délégation du directeur, sans qu'il soit fait référence à sa fonction exacte, et sans qu'il soit justifié de l'existence d'une telle délégation de signature. Il ajoute que contrairement aux dispositions de l'article L. 3212-5 du code de la santé publique, le directeur de l'établissement n'a pas immédiatement informé la commission départementale de soins psychiatriques de la mesure d'hospitalisation complète, et a seulement justifié, après la clôture des débats en première instance, avoir adressé un courriel à l'agence régionale de santé DD 86, le 19 août 2022. Il précise à cet égard qu'il n'est nullement justifié de l'envoi du certificat médical d'admission, du bulletin d'entrée et de chacun des certificats médicaux ce qui lui a causé un grief, puisque la commission départementale des soins psychiatriques n'a pas été en mesure d'examiner sa situation, dès son admission. Il ajoute, sur le fond, que les conditions d'une hospitalisation pour péril imminent n'étaient pas réunies, dès lors : - que le centre hospitalier ne justifie pas des démarches entreprises pour rechercher un membre de sa famille ou un proche lors de son admission, puis pendant le délai de 24 heures, alors même qu'il était très connu des services pour avoir été hospitalisé à plusieurs reprises, - que le certificat médical d'admission ne donne aucune indication suffisante permettant une admission en péril imminent, puisqu'il est seulement mentionné que l'état de Monsieur [O] pouvait suggérer une auto ou hétéro -agressivité, - que le certificat médical des 24 heures contient un mensonge sur ce point, permettant a posteriori de caractériser le péril imminent, en faisant référence à son errance sur la voie publique, alors qu'en réalité il a été transporté par les pompiers du SDIS 17 à la suite d'un malaise chez sa mère. Lors de l'audience, le conseil de M. [O] a été invité à s'expliquer sur la recevabilité de son exception fondée sur le défaut de délégation donnée au signataire de la décision. MOTIFS DE LA DÉCISION: 1- L'appel est recevable, car formé dans le délai de 10 jours à compter de la notification de l'ordonnance, conformément aux dispositions de l'article R.3211-18 du code de la santé publique. 1- Sur le défaut allégué de pouvoir du signataire de la décision d'hospitalisation: Aux termes de l'article L3216-1 du code de la santé publique, la régularité des décisions administratives prises en application des chapitres II à IV du présent titre ne peut être contestée que devant le juge judiciaire. Le juge des libertés et de la détention connaît des contestations mentionnées au premier alinéa du présent article dans le cadre des instances introduites en application des articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1. Dans ce cas, l'irrégularité affectant une décision administrative mentionnée au premier alinéa du présent article n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet. L'article D.6143-33 du code de la santé publique dispose que dans le cadre de ses compétences définies à l'article L. 6143-7, le directeur d'un établissement public de santé peut, sous sa responsabilité, déléguer sa signature. L'article D.6143-34 précise que "toute délégation doit mentionner: 1o Le nom et la fonction de l'agent auquel la délégation a été donnée; 2o La nature des actes délégués; 3o Éventuellement, les conditions ou réserves dont le directeur juge opportun d'assortir la délégation". Même si elle a été présentée lors de l'ouverture des débats devant la cour, en préalable aux autres moyens de l'appelant, l'exception de procédure tirée du défaut de délégation de pouvoir de M. [V], signataire de la décision d'admission du 18 août 2022, n'a pas été soumise au premier juge, in limine litis; elle doit donc être déclarée irrecevable comme formée pour la première fois en cause d'appel, en application de l'article 73 du code de procédure civile. 2- Sur l'information de la commission départementale des soins psychiatriques: Selon les dispositions de l'article L.3212-5 alinéa 1er du code de la santé publique, le directeur de l'établissement d'accueil transmet sans délai au représentant de l'État dans le département ou, à [Localité 8], au préfet de police, et à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L. 3222-5 toute décision d'admission d'une personne en soins psychiatriques en application du présent chapitre. Il transmet également sans délai à cette commission une copie du certificat médical d'admission, du bulletin d'entrée et de chacun des certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2. En l'espèce, la direction de l'hôpital a indiqué en première instance que le service admission avait adressé une information, concernant la situation de M. [O], par courriel du 19 août 2022 à 13H03 à l'adresse de messagerie [Courriel 5], comportant un fichier joint intitulé DOC190822-19082022130439.pdf. Dès lors que l'ARS tient le secrétariat de la commission départementale des soins psychiatriques, il ne peut être valablement soutenu que le courriel précité n'a pas été valablement adressé à cette commission. Par ailleurs, aucun texte ne précise la forme que doit présenter cette information. Dés lors, s'agissant d'une procédure civile, et conformément aux dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, l'appelant supportait la charge de la preuve de l'irrégularité procédurale alléguée. Il incombait donc à M. [O], au besoin par voie de sommation interpellative auprès de la commission départementale des soins psychiatriques, de démontrer que le courriel ne contenait pas une information complète de sa situation, et, en particulier, que le fichier joint ne comportait pas les pièces énoncées à l'article L.3212-5 alinéa 1er du code de la santé publique. Enfin, l'appelant ne démontre pas avoir subi un grief, par atteinte à ses droits, susceptible de conduire à la mainlevée de la procédure, du fait du bref délai qui s'est écoulé entre son admission au centre hospitalier [T] [J] le 18 août 2022 (à une heure non précisée) et l'envoi du courriel précité, le 19 août 2022 à 13h03. Ce moyen doit être écarté. 3- Sur l'absence d'information d'un membre de la famille ou d'un proche: Selon les dispositions de l'article L.3212-1 du code de la santé publique, I. ? Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies: 1o Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement; 2 o Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2o du I de l'article L. 3211-2-1. II. ? Le directeur de l'établissement prononce la décision d'admission: 1o Soit lorsqu'il a été saisi d'une demande présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de l'existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celui-ci, à l'exclusion des personnels soignants exerçant dans l'établissement prenant en charge la personne malade. Lorsqu'elle remplit les conditions prévues au présent alinéa, la personne chargée, à l'égard d'un majeur protégé, d'une mesure de protection juridique à la personne peut faire une demande de soins pour celui-ci. La forme et le contenu de cette demande sont fixés par décret en Conseil d'État. La décision d'admission est accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de quinze jours, attestant que les conditions prévues aux 1o et 2o du I du présent article sont réunies. Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade; il constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Il doit être confirmé par un certificat d'un second médecin qui peut exercer dans l'établissement accueillant le malade. Les deux médecins ne peuvent être parents ou alliés, au quatrième degré inclusivement, ni entre eux, ni du directeur de l'établissement mentionné à l'article L. 3222-1 qui prononce la décision d'admission, ni de la personne ayant demandé les soins ou de la personne faisant l'objet de ces soins; 2o- Soit lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande dans les conditions prévues au 1o du présent II et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1o- Ce certificat constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Le médecin qui établit ce certificat ne peut exercer dans l'établissement accueillant la personne malade; il ne peut en outre être parent ou allié, jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni avec le directeur de cet établissement ni avec la personne malade. Dans ce cas, le directeur de l'établissement d'accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci. En l'espèce, le certificat médical des 24 heures rédigé le 19 août 2022 par le docteur [G] [F], médecin psychiatre du Groupe hospitalier [Localité 7] mentionne que "toutes les démarches entreprises pour contacter la famille de M. [O] sont restées vaines, et n'ont pas permis de l'informer de l'hospitalisation sous contrainte en péril imminent". Le seul fait que le médecin n'ait pas précisé l'identité des personnes que le centre hospitalier a tenté en vain de contacter ne saurait être considéré comme valant preuve de la fausseté de cette mention, ni celle d'une absence de diligences aux fins d'information de la famille, et il sera d'ailleurs observé qu'aucun texte n'oblige l'établissement à retranscrire de manière détaillée les diligences ainsi entreprises, qui relèvent d'une obligation de moyens et non de résultat. Ce moyen a donc été écarté à juste titre par le premier juge. 4- Sur le fond: Dans son certificat daté du 18 août 2022, le docteur [H] [Y], du service SOS Médecin de [Localité 1], indique que M. [C] [O], est "connu de la psychiatrie", et fait état des constatations suivantes: lors de l'examen : "propos d'emblée délirant autour des téléphones portables, discours de persécution. S'énerve progressivement avec agitation psychomotrice pouvant suggérer une auto ou hétéro-agressivité." Il s'agit bien en l'espèce d'une description suffisamment détaillée et circonstanciée des symptômes présents par M. [C] [O] lors de son examen, et contrairement à ce que soutient l'appelant, il n'était pas nécessaire que le certificat fasse mention d'un risque avéré ou déjà réalisé d'un passage à l'acte auto ou hétéro-agressif, car dans une telle hypothèse, il aurait été justifié de recourir à la procédure d'admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat dans les conditions prévues par l'article L.3213-1 du code de la santé publique. Cette description caractérise suffisamment que l'état mental de M. [O] rendait impossible son consentement, et imposait une surveillance médicale constante, sous forme d'hospitalisation complète, ainsi que prévu par l'article L.3212-1 du code de la santé publique. Les symptômes observés à l'occasion du certificat du 18 août 2022 étaient encore présents lors de l'examen réalisé le 19 août 2022 par le docteur [F], qui décrit un patient présentant une irritabilité, une sthénicité majeure avec agitation psychomotrice, M. [O] se montrant revendicatif, suspicieux à l'égard de ses interlocuteurs, interprétatif des paroles et des comportements d'autrui à la limite d'un passage à l'acte hétéro agressif, le tableau ayant nécessité la mise en chambre de protection fermée. Le médecin précisait qu'il existait une méconnaissance totale des troubles avec une opposition aux soins. Les éléments produits à la procédure ne permettent pas de conclure à la fausseté des mentions de ce certificat médical des 24 heures, en ce qui concerne les conditions de l'hospitalisation (patient "retrouvé errant sur une route et orienté sur les urgences"). Mme [A] [I], mère de M. [C] [O], a certes indiqué, par attestation en date du 30 août 2022, que son fils avait été conduit aux urgences par les pompiers, prévenus par ses soins, à la suite d'un malaise survenu lors du repas de midi, à son domicile. Toutefois, compte tenu des liens de parenté entre la rédactrice de cette attestation et l'appelant, ce document ne présente pas les conditions suffisantes d'objectivité et de neutralité pour être pris en compte, en l'absence d'une attestation du SDIS 17 (sollicitée le 31 août 2022 mais non obtenue) de nature à conforter ces dires. L'avis médical circonstancié rédigé le 6 septembre 2022 par le docteur [G] [F] rappelle que le patient a été hospitalisé à la suite d'une décompensation délirante maniaque avec troubles du comportement. Il est indiqué que Monsieur [O] se montre plus calme, avec une régression partielle de sa symptomatologie maniaque, et diminution de l'irritabilité. Ce médecin précise toutefois qu'il subsiste des idées délirantes de persécution, avec surveillance par haker ou par son voisinage, avec déni du caractère pathologique de ses idées délirantes de persécution et de mégalomanie. Il conclut qu'il existe une méconnaissance de ses troubles par Monsieur [O], avec une ambivalence quant à la nécessité de soins, et il conclut que l'état de santé de ce patient requiert toujours des soins sous le régime de l'hospitalisation complète sans consentement. Ces éléments caractérisent de manière précise et détaillée la nécessité de poursuivre les soins psychiatriques sous forme d'hospitalisation complète, dès lors que les troubles mentaux de Monsieur [O] rendent impossible son consentement. L'ordonnance sera en conséquence confirmée. PAR CES MOTIFS: Statuant publiquement et contradictoirement, au siège de la cour d'appel, en dernier ressort, après débats en audience publique, Déclarons l'appel recevable mais infondé, Confirmons l'ordonnance du juge des libertés de la détention du tribunal judiciaire de la Rochelle en date du 25 août 2022, Disons que les dépens resteront à la charge du Trésor public. Et ont, le président et le greffier, signé la présente ordonnance. LE GREFFIER, LE PRESIDENT, Inès BELLIN Jean-Pierre FRANCO
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R.G : No RG 19/02741 - No Portalis DBVH-V-B7D-HNI5 TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE NIMES 01 février 2017 RG:21500733 S.A.S. RANDSTSAD CPAM DU GARD COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2022 APPELANTE : S.A.S. RANDSTSAD [Adresse 3] [Localité 4] non comparante, non représentée CPAM DU GARD Département des Affaires Juridiques [Adresse 1] [Localité 2] représentée par M. [G] [D] en vertu d'un pouvoir général COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties. Elle en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président Madame Evelyne MARTIN, Conseillère Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère GREFFIER : Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision à l'audience publique du 21 Juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Septembre 2022 Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ; Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 06 Septembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES Le 16 décembre 2014, M. [M] [J], salarié de la SAS Randstad, a été victime d'un accident pour lequel son employeur a établi une déclaration d'accident de travail le 18 décembre 2014, qui mentionnait «lorsqu'il a percuté un autre chariot à l'arrêt», il s'est blessé «à la cheville droite». Le certificat médical initial établi le 16 décembre 2014 par le Docteur [P] [U], mentionnait «traumatisme cheville droite» et prescrivait un arrêt de travail jusqu'au 07 janvier 2015. La Caisse primaire d'assurance maladie du Gard notifiait à la société Randstad par courrier du 13 avril 2015, sa décision de prise en charge de l'accident du travail dont M. [M] [J] a été victime, au titre de la législation sur les risques professionnels. Contestant la durée des arrêts de travail dont a bénéficié M. [M] [J], la SAS Randstad a saisi la Commission de recours amiable de la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard par courrier du 08 juin 2015, laquelle a rejeté son recours par une décision expresse du 04 novembre 2015. La SAS Randstad a saisi, par courrier du 28 juillet 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Gard d'une contestation de la décision de rejet implicite de la commission de recours amiable de la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard suivant sa saisine par courrier du 08 juin 2015, lequel, suivant jugement du 1er février 2017, a: - débouté la société Randstad de sa demande de communication du dossier médical de M. [M] [J], - débouté la société Randstad de sa demande d'expertise médicale, - confirmé la décision de la Commission de recours amiable du 4 novembre 2015, - laissé les dépens à la charge de la demanderesse. Par courrier daté du 07 février 2017 réceptionné à la cour le 09 février 2017, la SAS Randstad a régulièrement interjeté appel de cette décision. Initialement enregistrée sous le RG17/532 l'affaire a été radiée pour défaut de diligence des parties le 22 décembre 2017, puis réinscrite à la demande de la société appelante, sous le numéro RG 19/02741 et fixée à l'audience du 15 juin 2021 à laquelle elle a été retenue. Par arrêt du 28 septembre 2021, la présente cour a : - rejeté l'exception soulevée par la Caisse primaire d'assurance maladie du Gard tirée de la péremption d'instance, Avant dire droit, - ordonné une expertise médicale sur pièces de M. [M] [J], confiée au Dr [H], avec mission de : * se faire communiquer l'entier dossier médical de M. [M] [J] en possession du service médical de la Caisse primaire d'assurance maladie du Gard, * dire si les lésions constatées dans le certificat médical initial sont compatibles à l'accident du travail du 16 décembre 2014, * retracer l'évolution des lésions de M. [M] [J] et dire si l'ensemble des lésions qu'il a présentées sont en relation directe et unique avec son accident du travail, * dire jusqu'à quelle date l'arrêt de travail et les soins causés par l'accident du travail du 16 décembre 2014 étaient médicalement justifiés, * déterminer la date à partir de laquelle les arrêts de travail ont eu le cas échéant une cause étrangère à l'accident du travail du 16 décembre 2014, * fournir les seuls éléments médicaux de nature à apporter une réponse à la question posée.(...) - sursis à statuer sur les autres demandes, - renvoyé l'affaire à l'audience du 12 avril 2022 à 14 heures, - dit que la notification du présent arrêt valait convocation des parties, - réservé les dépens. L'expert a déposé son rapport daté du 2 février 2022, conclu en ces termes : " Les lésions constatées dans le certificat médical initial son compatible avec l'accident du travail du 16 décembre 2014. L'évaluation des lésions de M. [J] a été faite par l'expert judiciaire et ces lésions sont en relation directe et unique avec l'accident du travail. Tous les soins et arrêts de travail prescrits étaient justifiés au titre de cet accident du travail. L'ensemble des arrêts de travail pris en charge par le médecin conseil de l'Assurance maladie au titre de l'accident du travail du 16 décembre 2014 était parfaitement justifié. Les arrêts de travail sont à prendre en charge au titre de la législation en matière d'accident du travail jusqu'à la date de consolidation fixée au 25 décembre 2015." A l'audience du 12 avril 2022, la cour a remis une copie du rapport d'expertise à la Caisse Primaire d'assurance maladie et en a fait adressé un exemplaire à l'appelant, et l'examen de l'affaire a été renvoyé à l'audience du 21 juin 2022. En perspective de l'audience du 21 juin 2022, la SAS Randstad a adressé à la cour un courrier daté du 20 juin 2022 dans lequel elle indique avoir pris connaissance du rapport d'expertise et s'en remettre à la sagesse de la cour, et qu'elle ne serait ni présente ni représentée sur l'audience. A l'audience du 21 juin 2022, la SAS Randstad ne comparaît pas et n'est pas représentée et la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard sollicite la confirmation du jugement déféré. Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience. La SAS Randstad n'était ni présente ni représentée à l'audience du 21 juin 2022 pour soutenir son appel. La procédure devant la Cour d'appel, statuant sur appel d'une décision du tribunal de sécurité sociale, est orale. En l'absence de l'appelant, non comparant, ni représenté, la Cour n'est saisie d'aucun moyen critiquant le jugement déféré. La Caisse Primaire d'assurance maladie n'a présenté aucune demande incidente. Le dossier ne relève par ailleurs aucun moyen d'ordre public susceptible d'être soulevé d'office. L'appel n'étant plus soutenu conformément au courrier du 20 juin 2022 adressé à la cour par la SAS Randstad le jugement sera confirmé et l'appelante supportera les dépens d'appel. PAR CES MOTIFS La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort; Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er février 2017 par tribunal des affaires de sécurité sociale du Gard, Condamne la SAS Randstad aux dépens d'appel. Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame OLLMANN, Greffière. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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R.G : No RG 20/00353 - No Portalis DBVH-V-B7E-HUCG TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES 18 décembre 2019 RG:17/00348 S.A.S.U. NEXITY LAMY CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2022 APPELANTE : SASU NEXITY LAMY [Adresse 2] [Localité 5] représentée par Me Clotilde LAMY de la SELEURL CABINET CLOTILDE LAMY - AVOCAT, avocat au barreau de NIMES INTIMÉES : Madame [D] [M] épouse [O] [Adresse 4] [Localité 5] représentée par Me Caroline DEIXONNE, avocat au barreau de NIMES CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE [Adresse 1] [Localité 3] représentée par M. [I] en vertu d'un pouvoir général COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties. Elle en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président Madame Evelyne MARTIN, Conseillère Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère GREFFIER : Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision à l'audience publique du 21 Juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Septembre 2022 Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ; Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 06 Septembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES Le 17 juin 2014, Mme [D] [M] épouse [O], salariée en qualité de gestionnaire de copropriété au sein de la SASU Nexity, a adressé à la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard une demande de reconnaissance de maladie professionnelle pour "état anxio-dépressif", accompagnée d'un certificat médical initial établi le 22 mai 2014 par le Dr [L] pour "état anxio-dépressif" avec une date de première constatation de la maladie professionnelle le 15 juin 2012. Après avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de [Localité 6], consulté pour avis s'agissant d'une maladie hors tableau avec taux d'IPP au moins égal à 25%, la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard a notifié à Mme [D] [M] épouse [O], le 16 mars 2015, la prise en charge de sa pathologie au titre de la législation relative aux risques professionnels. Le certificat médical final a été établi le 6 mai 2015 par le Dr [A]. La Caisse Primaire d'assurance maladie a refusé la prise en charge d'une rechute déclarée selon certificat médical en date du 16 décembre 2016. Sollicitant la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur par requête en date du 13 février 2017, et après échec de la procédure de conciliation mise en oeuvre par la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard, consacrée par un procès-verbal de carence en date du 2 mars 2017, Mme [D] [M] épouse [O] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Gard par requête en date du 27 avril 2017 aux mêmes fins. Par jugement en date du 18 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Nîmes - Contentieux de la protection sociale, alors compétent pour connaitre de ce litige, a : - constaté que Mme [D] [M] épouse [O] ne bénéficie d'aucun taux d'incapacité permanente partielle, - dit que la maladie dont a été victime Mme [D] [M] épouse [O] est dûe à la faute inexcusable de l'employeur et que la victime a droit à l'indemnisation complémentaire prévue par les articles L 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, - dit qu'en application de l'article L 452-3-1 du code de la sécurité sociale, la SAS Nexity Lamy sera tenue de rembourser, sous quinzaine à compter du caractère définitif de la décision, à la Caisse Primaire d'assurance maladie l'ensemble des sommes qu'elle aura avancées, outre intérêts au taux légal une fois passé ce délai, - ordonné une expertise judiciaire confiée au Dr [U] ( .... ), - réservé la demande formée au titre des frais irrépétibles et les dépens de l'instance, - dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, - rejeté toutes les demandes plus amples ou contraires, - sursis à statuer sur les autres demandes, - déclaré le jugement commun à la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard. Par déclaration effectuée par voie électronique le 28 janvier 2020, la SAS Nexity Lamy a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 30 décembre 2019. Enregistrée sous le numéro RG 20/353, l'examen de cette affaire a été appelé à l'audience du 15 mars 2022, et renvoyé à celle du 21 juin 2022 à la demande des parties. Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la SAS Nexity Lamy demande à la cour de : - infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nîmes le 18 décembre 2019, En conséquence, A titre principal, - dire et juger qu'elle n'a pas manqué à son obligation de sécurité envers Mme [D] [M] épouse [O], - dire et juger que l'existence d'une faute inexcusable ne peut être retenue à son encontre, A titre subsidiaire, - dire et juger Mme [D] [M] épouse [O] irrecevable à demander sa condamnation, En tout état de cause, - débouter Mme [D] [M] épouse [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, - débouter Mme [D] [M] épouse [O] de sa demande d'expertise, - la condamner aux entiers dépens. Au soutien de ses demandes, la SAS Nexity Lamy considère que Mme [D] [M] épouse [O] ne rapporte pas la preuve des manquements qui lui sont reprochés, et observe que l'arrêt initial le 15 juin 2012 concernait des problèmes à un oeil et non pas comme l'ont retenu les premiers juges pour un état anxio-dépressif, alors que la demande de reconnaissance de maladie professionnelle établie le 17 juin 2014 est accompagnée d'un certificat médical initial en date du 22 mai 2014. Elle rappelle que suite à sa plainte devant le conseil de l'Ordre, le Dr [L] a reconnu que le lien de causalité entre la pathologie et le travail ne résulte que des déclarations de sa patiente, et non pas de ses propres constatations. La SAS Nexity Lamy précise qu'antérieurement à ses problèmes oculaires en 2012, Mme [D] [M] épouse [O] avait bénéficié en 2011 d'un arrêt de travail dont elle ignore le motif, aux fins de subir une intervention chirurgicale. Elle considère en conséquence que Mme [D] [M] épouse [O] ne démontre pas en quoi elle aurait dû avoir conscience d'un danger auquel sa salariée était exposée et qu'elle n'aurait pas pris en considération puisque Mme [D] [M] épouse [O] ne s'est plus présentée à son travail à compter du 15 juin 2012, date de son arrêt de travail en raison de son problème oculaire, et qu'elle n'a déclaré son problème anxiodépressif que le 17 juin 2014. La SAS Nexity Lamy rappelle qu'elle a embauché Mme [D] [M] épouse [O] alors qu'elle avait travaillé précédemment pendant 14 années, soit jusqu'au 24 novembre 2008 en qualité de secrétaire puis de gestionnaire pour le compte de AGMO, et que depuis son embauche, elle a bénéficié d'une reconnaissance de son travail, manifestée notamment par des augmentations de salaire, et par la proposition d'un poste de responsable de site qu'elle a refusé "compte-tenu de son projet professionnel", à savoir son souhait de partir à la retraite, ainsi que cela résulte de son entretien annuel du 5 mars 2012, au cours duquel elle n'a émis aucune critique ou réserve sur ses conditions de travail. Elle observe que les courriels produits par Mme [D] [M] épouse [O] pour contrer cet argument n'ont aucune valeur certaine, ne sont pas datés et ne permettent pas d'identifier leur bénéficiaire et s'étonne qu'un certificat médical daté du 18 novembre 2015 ne soit versé aux débats que le 3 janvier 2019, lequel au surplus ne repose que sur des déclarations de la patiente et non pas des constatations personnelle du médecin. Par ailleurs, elle rappelle que ni les représentants du personnel, ni le médecin du travail n'ont été alertés d'une quelconque difficulté, le dernier ayant au contraire relevé "une bonne communication et un travail d'équipe". Elle rappelle également que l'agence comptait 11 salariés et que contrairement à ses affirmations, Mme [D] [M] épouse [O] n'était pas la plus ancienne. La SAS Nexity Lamy considère que Mme [D] [M] épouse [O] ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle aurait été confrontée à une surcharge de travail, et dit verser en ce sens des documents qui le démontrent et rappelle que l'appelante a recruté elle-même ses assistantes et ne saurait dès lors lui reprocher leur incompétence ou leur manque de formation. Elle considère que les attestations produites par Mme [D] [M] épouse [O] quant à sa charge de travail sont de complaisance et ne font que reprendre les propos de l'appelante, et que la description de ses conditions matérielles de travail est totalement erronée et renvoie pour le démontrer à l'avis du médecin du travail et au document unique d'évaluation des risques. Enfin, elle considère que la cause de la maladie n'est pas déterminée, ce qui exclut toute faute inexcusable de l'employeur, et qu'il n'est produit aucun élément quant à la situation personnelle de Mme [D] [M] épouse [O] entre son arrêt de travail du 15 juin 2012 jusqu'au certificat médical initial du 22 mai 2014. A titre subsidiaire, elle s'oppose à la demande d'expertise qui n'a pas vocation à pallier la carence de Mme [D] [M] épouse [O], ainsi qu'à sa demande de provision. Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, Mme [D] [M] épouse [O] demande à la cour de: - confirmer le jugement prononcé par le Tribunal de Grande Instance de Nîmes, Contentieux de la Protection Sociale, en date du, 18 décembre 2019 en ce qu'il a : - dit que la maladie dont elle a été victime est dûe à la faute inexcusable de l'employeur et qu'elle a droit à l'indemnisation complémentaire prévue par les articles L.452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, - dit qu'en application de l'article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale, la SAS Nexity Lamy sera tenue de rembourser, sous quinzaine à compter du caractère définitif de la décision à la caisse primaire d'assurance maladie l'ensemble des sommes qu'elle aura avancées, outre intérêts au taux légal une fois passé ce délai ; - ordonné une expertise médicale judiciaire et commis pour y procéder le Dr [U], ainsi que sa mission, - recevoir son appel incident, - condamner la SAS Nexity Lamy au paiement de la somme provisionnelle de 5.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice , - condamner la SAS Nexity Lamy au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - la condamner enfin aux entiers dépens. Au soutien de ses demandes, Mme [D] [M] épouse [O] après avoir rappelé les dispositions légales applicables, soutient que son arrêt de travail du 15 juin 2012 était dû non pas à ses problèmes oculaires, survenus le 27 juin 2012 mais bien à son état dépressif réactionnel à sa situation professionnelle et dit verser en ce sens plusieurs certificats médicaux et fait observer que sur le certificat médical initial relatif à la maladie professionnelle la date de première constatation est le 15 juin 2012. Elle conteste les arguments de son employeur et rappelle qu'elle a travaillé pour son compte jusqu'au 15 juin 2012 et qu'elle n'a jamais refusé de poste de directeur de site, le motif invoqué de préparation de départ à la retraite étant infondé puisqu'elle était à 6 ans de pouvoir y prétendre. Mme [D] [M] épouse [O] soutient avoir alerté son employeur sur sa surcharge de travail et les difficultés qu'elle rencontrait et dit verser en ce sens deux courriels adressés à M. [Z] [B]. Elle considère que les assistantes qui ont été nommées n'ont pas apporté l'aide escomptée pour avoir été successivement en congés maternité. Elle renvoie à l'attestation établie par l'une d'entre elle et au certificat médical établi par le Dr [L] le 18 novembre 2015. Mme [D] [M] épouse [O] rappelle son audition par l'agent enquêteur de la Caisse Primaire d'assurance maladie pour établir sa surcharge de travail et le stress qui en découlait, et se réfère à l'attestation établie par Mme [N] [C], son ancienne collègue qui vient confirmer ses déclarations. Elle en déduit que son employeur ne pouvait ignorer son état de santé et qu'il n'a pas mis les mesures en place pour y remédier, et demande en conséquence la confirmation de la décision déférée. Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard demande à la cour de : - lui donner acte de ce qu'elle déclare s'en remettre à justice sur le point de savoir si la maladie d'origine professionnelle est due à une faute inexcusable de l'employeur, Si la cour retient la faute inexcusable: - constater que Mme [D] [M] épouse [O] ne bénéficie d'aucun taux d'incapacité permanente, - limiter l'éventuelle mission de l'expert aux postes de préjudice visés à l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale et ceux non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale et mettre les frais d'expertise à la charge de l'employeur, - condamner l'employeur à lui rembourser dans le délai de quinzaine les sommes dont elle aura fait l'avance, assorties des intérêts légaux en cas de retard. Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience. Selon l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail de toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise Selon l'article L. 452-1 du Code de la Sécurité Sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants. Le manquement à cette obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu aux salariés, mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage. La conscience du danger s'apprécie au moment ou pendant la période d'exposition au risque. Il incombe en conséquence au salarié de prouver, en dehors des hypothèses de faute inexcusable présumée, que son employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. L'article L 4121-1 du code du travail, sans sa version applicable, dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent: 1o des actions de préventions des risques professionnels et de la pénibilité au travail, 2o des actions d'information et de formation, 3o la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. En l'espèce, la pathologie prise en charge par la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard au titre de la législation relative aux risques professionnels est un état anxio-dépressif déclaré le 22 mai 2014, la demande de reconnaissance de maladie professionnelle établie par Mme [D] [M] épouse [O] en date du 17 juin 2014 mentionnant comme date de première constation "06 2012", et le certificat médical initial en date du 22 mai 2014 mentionnant comme date de première constation "15 06 2012". Pour démontrer la faute inexcusable de son employeur, Mme [D] [M] épouse [O] soutient que celui-ci était informé de sa surcharge de travail et des difficultés qu'elle rencontrait et qu'il n'a pris aucune mesure pour y remédier. Pour étayer ses affirmations, Mme [D] [M] épouse [O] produit : - la copie de son audition par un agent de la Caisse Primaire d'assurance maladie dans le cadre de l'instruction de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle qui ne fait que reprendre ses déclarations, - un document présenté comme étant un courriel à M. [Z] [B], mais qui ne porte aucune mention de son auteur, de son destinataire ni de sa date, lequel est donc dénué de tout caractère probant, - un courriel daté du 9 mai 2012 de "[O] [F]" à "[B] [Z]" ayant pour objet "agence" qui mentionne " Bonjour Simplement pour information, hier je suis venue de 18h30 à 22h pour finir et envoyer la convocation de la copro LES MURIERS 98 Copropriétaires afin de me libérer ce matin pour faire le travail courant : réponses aux courriers, bon de commande (une infiltration à gérer - réception de la clientèle le mercredi matin ...) car j'ai une AG cet AM, une demain matin et une demain après-midi, ce qui ne pouvait me laisser du temps pour convoquer correctement. D'où la nécessité de ne pas tarder à trouver une solution, je vous rappelle que je travaille dans des conditions plus ou moins depuis mon arrivée. Je compte sur vous pour que vous discutiez du personnel d'[Localité 5] avec [J] [V] lundi prochain. Merci d'avance", lequel s'il mentionne une activité importante sur la période concomitante à son envoi, ne constitue ni une dénonciation d'un problème structurel d'organisation de son poste de travail, ni une demande d'aide ou une dénonciation de conditions de travail structurellement difficiles, - une attestation rédigée par Mme [N] [C] le 19 décembre 2018, qui se présente comme secrétaire formaliste et indique avoir été collègue de travail de Mme [D] [M] épouse [O] jusqu'à sa démission en raison d'un burn-out, qui décrit l'assurée comme présentant de grandes qualités professionnelles, précisant que le poste de directeur du site lui a été rapidement proposé mais aucun moyen concret n'a été mis en place pour sa prise de fonction, que toutes deux consciencieuses elles avaient un rythme de travail infernal, sans moyen supplémentaire, laquelle si elle mentionne des conditions de travail intenses et un manque de reconnaissance par ses supérieurs ne permet d'établir ni une surcharge objective de travail de Mme [D] [M] épouse [O], ni un défaut de prise en compte par la hiérarchie d'une situation dont elle aurait été alertée, - une attestation de Mme [S] [P] qui se présente comme assistante administrative et qui indique avoir travaillé pour la SAS Nexity Lamy de février à octobre 2012, en qualité d'assistante administrative, "comme subordonné de Mme [O]" qui l'a formée suite au départ de l'assistante qu'elle devait remplacer, et qui indique " ma supérieure effectue beaucoup d'heures", "elle est très sollicitée", " je peux lire la fatigue sur son visage", "parfois Mme [O] termine ses journées à 21h , le téléphone sonne beaucoup", "elle prend le temps de venir me voir, elle est douce et patiente", " je ne peux la décharger comme je voudrais, ma formation n'étant pas terminée", "j'ai été témoin de la destruction physique et morale de Mme [O] par ses subordonnés", laquelle témoigne du ressenti et de la reconnaissance d'une jeune professionnelle envers sa supérieure hiérarchique, sans pour autant apporter d'éléments précis et factuels sur une situation objective de surcharge de travail, et sur une non prise en considération d'une telle situation par la direction de la société, - des certificats médicaux datés de 2013 à 2015 qui décrivent les pathologies présentées par Mme [D] [M] épouse [O] et le lien qu'elle-même établit avec ses conditions de travail, sans que ces professionnels de santé n'aient été les témoins directs de ces conditions de travail, lesquels sont en conséquence sans incidence sur la démonstration de la faute inexcusable de l'employeur, Par ailleurs, l'entretien d'engagement réciproque, signé de Mme [D] [M] épouse [O] et de son supérieur hiérarchique, en date du 5 mars 2012, ne mentionne aucune réserve ou remarque de Mme [D] [M] épouse [O] quant à ses conditions de travail ou les objectifs qui lui sont assignés pour 2012, valide le respect voire le dépassement des objectifs fixés pour l'année précédente et mentionne à titre de projet professionnel exprimé par le collaborateur " pour 2013, réduction du temps de travail ( 3 jours travaillés /5) en préparation d'un départ en retraite progressif (2018). Accompagnement du gestionnaire qui sera amené à reprendre le portefeuille ( 2 ans si contrat de professionnalisation ) et si possible encadrement de l'équipe et de l'agence en fonction de l'organisation mis en place et de la répartition des portefeuilles", en commentaire du manager " cet aménagement de travail doit être étudié sereinement", la conclusion de l'entretien par le collaborateur étant " sans commentaire, juste en attente pour les propositions concernant le projet prof", et par le manager étant " [F] maîtrise son métier de gestionnaire de copropriété et aurait la capacité d'être responsable de site, ce que ne souhaite pas [F] compte-tenu de son projet professionnel". Force est de constater que l'analyse de cet entretien par Mme [D] [M] épouse [O] dénature les renseignements portés dans les différents items puisqu'elle soutient qu'elle n'a jamais refusé le poste de responsable de site en raison de la perspective de son départ à la retraite alors même qu'il résulte de ce document qu'elle a envisagé un départ progressif à échéance de 2018 avec un souhait de formation et d'accompagnement de son successeur, la conclusion d'attente de proposition sur le projet professionnel en fin de document renvoyant à ce projet décrit quelques lignes plus haut. De même, ce document de synthèse sur le travail de l'année écoulée - 2011 et les perspectives de l'année en cours - 2012, ne fait état d'aucune revendication ou difficulté sur l'organisation du travail. Par ailleurs, s'il n'est pas contesté que Mme [D] [M] épouse [O] a été placée en arrêt de travail à compter de juin 2012, force est de constater que le certificat médical initial n'a été établi qu'en 2014, conjointement à la demande de reconnaissance de maladie professionnelle sans qu'il ne soit établi que cet arrêt de deux ans soit motivé par la pathologie déclarée au titre de la maladie professionnelle, et ce même si la date de première constatation médicale était le 15 juin 2012. Enfin, la SAS Nexity Lamy n'a été destinataire d'aucun signalement de la médecine du travail quant à une éventuelle souffrance au travail de Mme [D] [M] épouse [O]. Le fait que l'inaptitude professionnelle de Mme [D] [M] épouse [O] décidée par le médecin du travail ait été décidée en une seule visite en raison d'un danger immédiat ne signifie pas pour autant que la faute inexcusable de l'employeur est établie, le courrier du médecin du travail relatif à cet avis précisant d'ailleurs " Je revois ce jour Mme [D] [M] épouse [O]. Comme nous avons pu en discuter, son état de santé la rend inapte à son poste de "gestionnaire de copropriété", et ce de façon totale et définitive. Médicalement, son état de santé limite très fortement ses aptitudes au travail; c'est pourquoi, connaissant la salariée, le poste de travail et les disponibilités de votre entreprise, je décide une aptitude immédiate". Dès lors, Mme [D] [M] épouse [O] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, autrement que par ses propres affirmations, de ce que son employeur, la SAS Nexity Lamy aurait été informé d'une situation d'épuisement professionnel à l'origine de son état anxiodépressif, et qu'il n'aurait pas pris les mesures nécessaires pour y remédier. En conséquence, la décision des premiers juges qui a retenu l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur à l'origine de la maladie professionnelle déclarée par Mme [D] [M] épouse [O] le 17 juin 2014 sera infirmée. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ; Infirme le jugement rendu le 18 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Nîmes - Contentieux de la protection sociale, Et statuant à nouveau, Déboute Mme [D] [M] épouse [O] de sa demande aux fins de reconnaissance de l'existence d'une faute inexcusable de son employeur, la SAS Nexity Lamy, comme étant à l'origine de sa maladie professionnelle déclarée le 17 juin 2014, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Rejette les demandes plus amples ou contraires, Déclare le présent arrêt commun et opposable à la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard, Condamne Mme [D] [M] épouse [O] aux dépens de première instance et de la procédure d'appel. Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame OLLMANN, Greffière. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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No de minute : 107 COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 8 avril 2021 Chambre civile Numéro R.G. : No RG 20/00026 - No Portalis DBWF-V-B7E-QT3 Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 9 décembre 2019 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG no :17/02659) Saisine de la cour : 10 janvier 2020 SARL AUTO EVOLUTION, Siège social : [Adresse 1] Représentée par Me Jean-Jacques DESWARTE de la SARL DESWARTE-CALMET, avocat au barreau de NOUMEA M. [K] [B] né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 5], demeurant [Adresse 4] Représenté par Me Pierre-Louis VILLAUME, avocat au barreau de NOUMEA COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 18 février 2021, en audience publique, devant la cour composée de : M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président, Mme Zouaouia MAGHERBI, Conseiller, Mme Nathalie BRUN, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Nathalie BRUN. Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO - contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, l'affaire a été mise en délibéré au 22/03/2021, le délibéré étant prorogé au 01/04/2021 puis au 08/04/2021 - signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire. *************************************** PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE M. [B] est propriétaire d'un véhicule de marque DODGE RAM 2500, immatriculée [Immatriculation 3]. Le 28 décembre 2012, en raison d'une panne, le véhicule a été remorqué et déposé au garage AUTO-MÉCANIQUE, devenu AUTO EVOLUTION. M. [B] a saisi le juge des référés lequel a, par ordonnance du 20 mai 2015, ordonné une expertise et désigné M. [X], remplacé par M. [O] par ordonnance du 27 mai 2015. L'expert a déposé son rapport le 15 mars 2017. Par jugement du 9 décembre 2019, auquel il est renvoyé pour l'exposé de l'objet du litige, le rappel des faits et de la procédure, les prétentions et les moyens des parties, le tribunal de première instance de Nouméa a : - condamné la société AUTO EVOLUTION à payer à M. [B] la somme de 2.108.173 FCFP à titre de dommages et intérêts, - condamné la société AUTO EVOLUTION à payer à M. [B] la somme de 350.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ; - condamné la société AUTO-EVOLUTION aux entiers dépens, en ce compris le coût du procès-verbal de constat du 20 avril 2015 et le coût de l'expertise réalisée par M. [O], lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. PROCEDURE D'APPEL Par requête d'appel en date du 10 janvier 2020, la société AUTO EVOLUTION a interjeté appel de cette décision. Selon mémoire déposé le 7 avril 2020, elle sollicite de la cour de : à titre principal, - infirmer le jugement rendu le 9 décembre 2019 ; - relever qu'aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité n'a été commise quant à la détermination de la panne ; - relever qu'aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité n'a été commise quant à la méthodologie utilisée pour déterminer de la panne ; - relever que la faute de M. [B] l'exonère de toute responsabilité sur le fondement des articles 1147 et 1792 du code civil de la Nouvelle-Calédonie ; - débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes ; à titre subsidiaire : - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité le préjudice matériel subi par M. [B] à un montant total de 1.408.173 FCFP, décomposé comme suit : facture du garage LOUPIAS : 509.900 FCFP achat par M. [B] d'un boîtier ECM : 230.000 FCFP recherche de panne par le garage AUTO MECANIQUE : 42.638 FCFP acompte payé à la société AUTO EVOLUTION : 210.000 FCFP frais d'expertise ACC : 59.000 FCFP remorquage du véhicule : 5.880 FCFP assurance 2013 et 2014 : 110.755 FCFP décote du véhicule immobilisé : 240.000 FCFP ; - infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à la somme de 700.000 FCFP le trouble de jouissance ; - limiter le montant du trouble de jouissance invoqué par M. [B] à la somme de 250.000 FCFP ; en tout état de cause, - condamner M. [B] à lui payer la somme de 350.00 FCFP en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de la SARL DESWARTE-CALMET, sur offre de droit. Selon conclusions en réplique du 4 juin 2020, M. [B] demande à la cour de : - débouter la société AUTO EVOLUTION de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ; - confirmer le jugement déféré en son intégralité sous réserve du préjudice matériel subi ; - réformer le jugement déféré sur ce seul point ; - condamner la société AUTO EVOLUTION à lui verser à la somme de 2.448.427 FCFP en réparation des préjudices économiques et matériels subis du fait des défaillances contractuelles de la société appelante ; - condamner la société AUTO EVOLUTION à lui verser la somme de 300.000 FCFP au titre des frais irrépétibles et ce conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; - condamner la société AUTO EVOLUTION aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me VILLAUME. LES MOTIFS Sur la responsabilité contractuelle de la société AUTO EVOLUTION En vertu de l'article 1147 du code civil de Nouvelle-Calédonie, le garagiste en sa qualité de professionnel à qui un client confie un véhicule pour le réparer est tenu contractuellement tenu de restituer le véhicule en état de marche. Il s'agit d'une obligation de résultat qui emporte à la fois présomption de causalité entre la prestation fournie et le dommage invoqué par le client et la faute. Cette présomption de plein droit pèse sur lui sauf à s'exonérer en rapportant la preuve d'une cause étrangère. La société appelante souligne que s'il pèse à la charge du garagiste une obligation de résultat dans son activité de réparation des véhicules qui lui sont confiés, il n'en demeure pas moins que la présomption de faute attachée au défaut de réparation effective d'un véhicule tombe lorsqu'est rapportée la preuve que ce défaut de réparation n'est pas du fait dudit garagiste. Elle estime que si elle est tenue de remettre le véhicule en état de marche, elle peut s'exonérer de sa responsabilité lorsqu'il a été trouvé la cause du problème mais qu'elle n'a pas été autorisée à intervenir sur la pièce concernée. Elle considère n'avoir commis aucune faute quant à la détermination de l'origine de la panne. Si ses recherches se sont en premier lieu portées sur le boîtier ECM, in fine, elle a posé un diagnostic de dysfonctionnement du faisceau électrique qui est bien l'une des composantes électriques du moteur. Raison pour laquelle elle a proposé en septembre 2014 à l'intimé de changer le seul faisceau électrique du moteur, ce que celui-ci a refusé. Elle fait valoir qu'en mars 2015, l'intimé s'est opposé une seconde fois à la proposition de la société US AUTOMOBILE, revendeur sur le territoire de la marque DODGE RAM, de remplacer le faisceau électrique, selon le diagnostic établi et les préconisations du constructeur et s'est également opposé à la proposition de rachat de son véhicule à la valeur déterminée par un expert de son choix (pièce no13). Elle précise que l'expertise judiciaire, qui a confirmé que la panne provenait effectivement des composantes électriques du moteur, n'a pas été en mesure de spécifier de quelle composante électrique précisément elle venait, et donc infirmer ou confirmer le diagnostic posé par la société. En l'espèce, il ressort de l'examen des pièces communiquées et des débats que : - Le 28 décembre 2012 le véhicule Dodge Ram de M. [B] est remorqué au garage Auto Evolution. - Courant janvier 2013, le garage a avisé M. [B] que le boîtier électronique de contrôle du moteur (boîtier ECM) était hors service et qu'il convenait de le remplacer. - M. [B] a commandé un boîtier électronique aux Etats-Unis pour un montant de 2452 $, soit 230.000 FCFP. - Le 30 mai 2013, la société AUTO-MÉCANIQUE a édité un ordre de réparation et une facture, payée par M. [B], d'un montant de 42.638 FCFP correspondant à une recherche de panne et au remplacement du boîtier ECM. - Le boîtier ECM commandé par M. [B] n'étant pas un boîtier d'origine programmé par le fabricant DODGE, la société AUTO-ÉVOLUTION a proposé de se procurer un tel boîtier compatible avec son véhicule et a présenté le 4 octobre 2013, à M. [B] un nouveau devis d'un montant de 421.512 FCFP correspondant à l'échange et à la reprogrammation du boîtier. - M. [B] a accepté le devis le 5 novembre 2013 et a versé un acompte de 210.000 FCFP le 6 mars 2014. - En avril 2014, le nouveau boîtier (boîtier No3) commandé par la société AUTO-ÉVOLUTION a été posé. Le véhicule n'a pourtant pas démarré. - Le 12 août 2014, M. [B] a mis la société AUTO EVOLUTION en demeure de réparer son véhicule. - Le 12 septembre 2014, il lui a adressé une nouvelle mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception. - Par courriel du 25 septembre 2014, la société AUTO-ÉVOLUTION a indiqué que la panne dépassait la compétence de son atelier et provenait probablement du faisceau électrique du véhicule. - Le 11 décembre 2014, une expertise amiable a été organisée dans le garage, à la diligence de M. [B]. Il lui a été proposé de racheter son véhicule pour le prix de 500.000 FCFP et de lui rembourser l'acompte de 210.000 FCFP versé pour la réparation, proposition à laquelle il n'a pas donné suite. - Le 20 avril 2015, M. [B] a fait établir un procès-verbal de constat d'huissier et a fait remorquer son véhicule jusqu'au garage LOUPIAS. - En janvier 2016, le garage Loupias change les quatre composants qui proviennent d'un même véhicule accidenté. Le véhicule démarre. Tous les voyants fonctionnent normalement. Il est acquis au débat que le véhicule avait effectivement un problème majeur au niveau électrique empêchant le véhicule de démarrer. Le système informatisé de gestion du véhicule se compose de quatre éléments distincts mais totalement interconnectés : le faisceau électrique, le calculateur (ECM), le bloc instruments et le bloc fusible. Ces quatre éléments échangent des informations suivant un protocole spécifique. Pour pouvoir échanger des informations ces divers éléments doivent être correctement programmés et être en bon état pour pouvoir être compatibles. Dans son rapport, l'expert souligne que proposer de changer uniquement le faisceau électrique à la charge du client sans être certain que la panne provienne effectivement dudit faisceau, n'est pas une démarche rigoureuse et est effectivement difficile à accepter par le client. Par ailleurs, il relève qu'aucune indication technique sérieuse ne lui a été donnée qui permette d'incriminer effectivement le faisceau électrique plus que les trois autres éléments. Pour le véhicule de M. [B], seul le changement complet des autres éléments interconnectés et programmés pour pouvoir travailler ensemble a permis de réparer le véhicule. Cette solution aurait dû être évoquée très rapidement par le société AUTO EVOLUTION pour lever le doute sur l'origine de la panne. Il ajoute que s'agissant des boîtiers 3 et 4, achetés par la société AUTO EVOLUTION à des vendeurs de la place, il s'agit de matériel d'occasion dont la traçabilité n'est pas certifiée voire inconnue. Il précise que compte tenu des problèmes rencontrés dès le départ, des produits certifiés par la marque « DODGE » et dont la traçabilité est parfaitement connue auraient permis de conduire à une réparation dans les règles de l'art et sans les aléas possibles créés par du matériel d'occasion non certifié et de traçabilité inconnue. Il indique qu'aucun élément technique probant, tels des engagements d'autotest, relevé de travaux d'atelier, fiche de suivi de travaux d'atelier, traçabilité des pièces mises en place, n'a été communiqué par le garage AUTO EVOLUTION. Les seuls éléments fournis sont les boîtiers ECM ne marchant pas. Il précise que rien ne lui a été communiqué par le garage AUTO EVOLUTION sur la réalisation d'un autotest et, que le garage lui a suggéré en cours d'expertise de changer uniquement le faisceau électrique sans être certain que la panne provenait de cet élément. Il souligne que la solution technique consistant à changer le faisceau électrique seul, sans garantie de résultat aux frais de M. [B], avec des boîtiers électronique ECM dont la traçabilité n'était pas connue, n'était pas une option sérieuse pour un garage représentant la marque. La cour observe, à l'instar, de l'expert, qu'en août 2014, la société a indiqué à M. [B] avoir expédié les boîtiers 1 et 3 au fournisseur pour expertise mais elle n'a pas été en mesure d'en justifier lors de l'expertise. Ainsi, la cour relève le manque de professionnalisme et de rigueur de la part du garage qui n'a pas su réparer le véhicule malgré les deux ans d'immobilisation dans ses locaux, que ces manquements constituent des fautes dans l'exécution de ses obligations contractuelles. Il s'en déduit que plus deux ans après que M. [B] lui a confié le véhicule litigieux aux fins de réparation, la société AUTO EVOLUTION, bien que mise en demeure à deux reprises n'était pas en mesure de restituer celui-ci en état de marche ni d'identifier les travaux nécessaires à cette fin. La cour observe que si le garage AUTO EVOLUTION est un garage certifié par la marque « DODGE » en Nouvelle-Calédonie et donc théoriquement équipé et documenté pour réparer les véhicules de la marque, il est apparu lors de l'expertise que même le technicien spécialisé de la marque n'a pas réussi à trouver la solution technique pour faire fonctionner ces équipements ensemble sur le véhicule de M. [B]. Quant aux allégations de fautes pouvant être retenues à l'encontre de M. [B], la société Auto évolution n'en rapporte nullement la preuve. Plus précisément, la cour relève, en ce qui concerne le refus de l'intimé aux propositions du garage, que l'expert a indiqué dans son rapport page 23, que suite à l'expertise effectuée par la société AC Conseil en décembre 2014, chacune des parties a refusé la proposition de l'autre : -M. [B] a proposé que soit monté aux frais de la société un ensemble complet provenant d'un véhicule d'occasion ; que ce refus est basé sur le fait que la société ne voulait pas prendre en charge le coût de cette réparation. -La société AUTO EVOLUTION a proposé une reprise du véhicule à 500 000 FCFP et un remboursement de 270 000 FCFP. Il semble légitime dans ce cas que N Newland, acceptant la réparation des pièces par des pièces d'occasion, demande que la réparation soit effectuée sur l'avoir déjà versée. En ce qui concerne les refus de l'intimé invoqués par l'appelante, la cour retient qu'ils ne peuvent caractériser une faute exonératoire de responsabilité. C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu que le garage AUTO EVOLUTION avait engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de son client et qu'il était tenu à réparer le préjudice en résultant. Sur l'indemnisation La simple chronologie des faits établit que M. [B] n'a récupéré le véhicule en litige qu'en février 2016 de sorte qu'il a été privé de son véhicule pendant trois ans en raison de l'incapacité de la société AUTO EVOLUTION à procéder à une réparation efficace. L'expert relève qu'aucune mesure particulière n'avait été prise par la société pour préserver le véhicule, ce dernier s'est dégradé en deux ans. En l'espèce, l'expert a détaillé les différents préjudices subis par M. [B] consécutifs à la défaillance du garage (p 26 à 28). Le premier juge a chiffré le préjudice de M. [B] à la somme globale de 2.108.173 FCFP. Tant la société appelante que M. [B] contestent cette évaluation : la première offre de verser les sommes de 1.408.173 FCFP au titre du préjudice matériel et de 250.000 FCFP au titre du préjudice de jouissance tandis que l'intimé revendique une indemnité d'un montant global de 2.448.427 FCFP en réparation de ses préjudices économique et matériel outre une indemnité de 700.000 FCFP au titre du trouble de jouissance. La simple chronologie des faits établit que M. [B] n'a récupéré le véhicule en litige qu'en février 2016 de sorte qu'il a été privé de son véhicule pendant trois ans en raison de l'incapacité de la société AUTO EVOLUTION à procéder à une réparation efficace. L'expert a relèvé qu'aucune mesure particulière n'avait été prise par la société pour préserver le véhicule et que celui-ci s'était dégradé. Il a détaillé les différents préjudices subis par M. [B] consécutifs à la défaillance du garage (p 26 à 28 du rapport. A/ Le préjudice matériel M. [B] ventile ses préjudices économique et matériel comme suit : - achat de composants électriques d'occasion : 509.900 FCFP - achat du bloc ECM : 230.000 FCFP - recherche de la panne : 42.639 FCFP - acompte payé : 210.000 FCFP - frais d'expertise amiable : 59.000 FCFP - frais de remorquage du véhicule : 5.880 FCFP - réparation de la climatisation : 29.164 FCFP - rénovation de l'intérieur et de l'extérieur du véhicule : 189.000 FCFP - changement des plaquettes de frein : 96.620 FCFP - vidange de la boîte et du pont : 91.520 FCFP - achat du kit de manutention de la route de secours : 40.000 FCFP - prime d'assurance : 166.704 FCFP - décote du véhicule KIA acquis en remplacement du véhicule DODGE : 538.000 FCFP - décote du véhicule DODGE : 240.000 FCFP. La société AUTO EVOLUTION accepte de prendre en charge les postes suivants : - facture du garage Loupias : 509.900 FCFP - achat par M. [B] d'un boîtier ECM : 230.000 FCFP - recherche de panne par le garage AUTO MECANIQUE : 42.638 FCFP - acompte payé à la société AUTO EVOLUTION : 210.000 FCFP - frais d'expertise ACC : 59.000 FCFP - remorquage du véhicule : 5.880 FCFP - assurance 2013 et 2014 : 110.755 FCFP - décote du véhicule immobilisé : 240.000 FCFP. En revanche, elle refuse de prendre en charge les autres postes invoqués par M. [B]. Le préjudice matériel subi par M. [B] englobe les postes de dépenses engagées en raison de l'immobilisation du véhicule et de l'incapacité du garage AUTO EVOLUTION à réparer un véhicule mis en service en 2004. Il convient d'exclure les postes n'ayant aucun lien de cause à effet avec l'immobilisation du véhicule soit : -les frais de rénovation de l'intérieur et de l'extérieur du véhicule en ce que la réfection complète de l'habitacle ne se justifie pas au regard de son état et il n'apparaît nullement que son état soit dû à son immobilisation au sein du garage ; - le kit de remplacement des roues en ce que M. [B] ne rapporte pas la preuve que celui-ci était présent dans le véhicule lors du dépôt au garage AUTO EVOLUTION, ou que sa perte lui serait imputable ; -la dépréciation du véhicule KIA utilisé par M. [B] en ce que celui-ci aurait dû en tout état de cause utiliser un véhicule qui aurait perdu de la valeur du fait de son usage ; -réparation de la climatisation en l'absence de lien de causalité certain ; -vidange des boîte et pont, remplacement des essuie-glaces en l'absence de lien de causalité certain. Le préjudice matériel de M. [B] s'établit à 1.408.173 FCFP. B/ S'agissant du préjudice du trouble de jouissance, correspondant au temps anormal d'immobilisation, il sera tenu compte que M. [B] a considérablement rallongé la durée d'immobilisation du véhicule en décidant de commander lui-même des pièces, en refusant de verser le premier acompte et en refusant les solutions proposées par le garage et son partenaire. La cour évalue la privation de jouissance à la somme de 250 000 FCFP. Il y a, en conséquence, réformant en cela le jugement déféré, lieu de fixer le préjudice total de M. [B] à la somme totale de 1 658 173 FCFP. Sur les frais irrépétibles Il serait inéquitable de laisser à M. [B] la charge des frais qu'il a exposés pour faire valoir des droits. La société AUTO EVOLUTION sera condamnée à payer à M. [B] la somme de 300 000 FCFP au titre des frais irrépétibles. Sur les dépens L'appelant sera condamné aux dépens d'appel. PAR CES MOTIFS Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société AUTO EVOLUTION à payer à M. [B] la somme de 2.108.173 FCFP à titre de dommages et intérêts ; Statuant à nouveau de ce chef, Condamne la société AUTO EVOLUTION à payer à M. [B] une somme de 1 658 173 FCFP à titre de dommages et intérêts ; Condamne la société AUTO EVOLUTION à payer à M. [B] une somme complémentaire de 300 000 FCFP au titre des frais irrépétibles ; Condamne la société AUTO EVOLUTION aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me VILLAUME. Le greffier,Le président.
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No de minute : 88 COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 22 mars 2021 Chambre civile Numéro R.G. : No RG 19/00211 - No Portalis DBWF-V-B7D-QC6 Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 janvier 2019 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG no :18/1967) Saisine de la cour : 1er juillet 2019 SARL ECOLODGE LA FORET DES NAUTOUS, prise en la personne de son représentant légal, Siège social : [Adresse 3] Représentée par Me Laure CHATAIN de la SELARL CABINET D'AFFAIRES CALEDONIEN, avocat au barreau de NOUMEA S.C.I. MALILA, Siège social : [Adresse 2] COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 18 février 2021, en audience publique, devant la cour composée de : M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président, Mme Zouaouia MAGHERBI, Conseiller, Mme Nathalie BRUN, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Nathalie BRUN. Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO - rendu par défaut, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, - signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire. *************************************** PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE Par acte du 22 novembre 2012, la SCI MALILA a vendu à la société ECOLODGE LA FORET DES NAUTOUS un immeuble bâti sis [Adresse 4], moyennant un prix de 250 000 000 FCFP. Cette promesse de vente a été conclue sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt de 250 000 000 FCFP avant le 1er décembre 2014. La société ECOLODGE LA FORET DES NAUTOUS s‘est engagée à verser au plus tard le 30 novembre 2012 entre les mains de la SCI MALILA une somme de 75.000.000 F CFP à titre de dépôt de garantie. Par requête déposée au greffe le 22 novembre 2017 et signifiée le 20 juin 2018, la société ECOLODGE LA FORET DES NAUTOUS a fait citer la SCI MALILA à comparaître devant le tribunal de première instance de Nouméa aux fins de la condamner à restituer l'acompte de 32.000.000 FCFP qu'elle affirmait avoir versée dans le cadre du compromis. Selon jugement en date du 21 janvier 2019, auquel il est renvoyé pour l'exposé de l'objet du litige, le rappel des faits et de la procédure, les prétentions et les moyens des parties, le tribunal de première instance de Nouméa a débouté la société ECOLODGE LA FORET DES NAUTOUS de sa demande. PROCEDURE D'APPEL Par requête d'appel du 1er juillet 2019, la SARL ECOLODGE LA FORET DES NAUTOUS a interjeté appel de cette décision. Selon conclusions déposées le 30 septembre 2019, elle sollicite l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la SCI MALILA à lui verser la somme de 32 000 000 FCFP outre les intérêts au taux légal à compter de la requête initiale ainsi que celle de 250 000 FCFP au titre de l'article 700 du CPCNC. La requête et le mémoire ampliatif ont été signifiés le 25 juillet 2020 à la SCI MALILA selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile : l sera statué par défaut. Vu l'ordonnance de clôture, LES MOTIFS Au soutien de sa demande en remboursement, l'appelante verse deux écrits émanant de M. [H] qu'elle tient pour des reconnaissances de dette : - Le premier daté du 10 avril 2016, est rédigé comme suit : « Je Soussigné [U] [H] , gérant de la SCI Malila et associé unique, certifie avoir reçu de Monsieur [W] [Y] la somme de vingt cinq millions CFP, dans le cadre d'un compromis de vente entre les sociétés « SARL LA Forêt des Notous » et la SCI Malila, compromis de vente signé à l'étude notariale Burtet [P] COSTE MOUGEL. Le remboursement sera effectué dès la vente des biens de la SCI Malila (vente en cours de 5 villas et 2 terrains). » - Le second, daté du 1er novembre 2017, est rédigé comme suit : « Je soussigné [U] [H], gérant de la SCI MALILA , déclare avoir reçu la somme de vingt cinq millions de Francs pacifique, de la part de Monsieur [W] [Y], dans le cadre d'un compromis de vente entre la SCI MALILA et la SARL Ecolodge, la forêt de Nautous. » C'est à bon droit que le premier juge a considéré que ces écrits ne valaient pas reconnaissance de dette régulière au sens de l'article 1326 du code civil puisque la somme qui devrait être remboursée n'est pas mentionnée en chiffres. Toutefois, l'acte du 10 avril 2016 qui émane du gérant de la SCI MALILA vaut commencement de preuve par écrit en ce qu'il rend vraisemblable la créance alléguée. La société ECOLODGE LA FORET DES NAUTOUS est dès lors recevable à compléter la preuve de l'engagement allégué par d'autres éléments. Dans un mail daté du 22 mai 2018, Me [P], notaire associé à Nouméa, indique que M. [H], en sa qualité de gérant de la SCI MALILA, lui avait « adressé l'ordre irrévocable suivant : 'De verser, savoir : 1/ dans un premier temps à Monsieur [W] [Y], né à [Localité 5], le [Date naissance 1] Septembre 1970 la somme de VINGT-CINQ MILLIONS DE FRANCS PACIFIQUE (25.000.000 CFP) ; 2/ et dans un second temps, après règlement de la totalité de la somme due à Monsieur [W] [Y]à Monsieur et Madame [J] [I] la somme de SEPT MILLIONS DE FRANCS PACIFIQUE (7.000.000 CFP) ; Lesdites sommes devant être prélevées sur le produit des ventes par la SCI MALILA de biens immobiliers situés Commune du Mont-Dore, Section Boulari, dépendant du lotissement MALILA, après règlement des commissions d'agences, du remboursement des crédits BCI en cours, du prélèvement des frais de mainlevées d'hypothèques et des impôts éventuels.' » Dans un mail daté du 6 juin 2017, M. [H] expliquait à M. [Y] qu'avec la vente de « toutes les maisons », il avait « largement de quoi (le) rembourser ». Ces messages, qui émanent de M. [H], extérieurs au commencement de preuve, le complètent et le confortent. Dans ces conditions, il convient de retenir que la preuve de l'engagement pris par la SCI MALILA de rembourser la somme de 25.000.000 FCFP est rapportée. La SCI MALILA sera condamnée à payer cette somme, majorée avec intérêts au taux légal à compter de la date de signification de la requête introductive d'instance. Pour le surplus, en l'absence d'engagement pris par le gérant de la SCI MALILA dans les formes prévues par l'article 1326 du code civil de rembourser une somme complémentaire de 7.000.000 FCFP, la demande en remboursement formulée par l'appelante sera rejetée ; en effet, la SARL ECOLODGE LA FORET DES NAUTOUS ne démontre pas avoir déposé « dans le délai de huit jours du présent compromis » une demande de prêt à hauteur de 250.000.000 FCFP puis avoir essuyé un refus de la banque de sorte qu'il n'est pas possible d'affirmer que le compromis est caduc. Il ne parait pas inéquitable de condamner la SCI MALILA à payer la somme de 250 000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie. PAR CES MOTIFS Infirme le jugement entrepris, Statuant à nouveau, Condamne la SCI MALILA à verser à la SARL ECOLODGE LA FORET DES NAUTOUS la somme de 25 000 000 FCFP majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2018, Déboute la SARL ECOLODGE LA FORET DES NAUTOUS du surplus de ses demandes, Condamne la SCI MALILA à payer la somme de 250 000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie, Condamne la SCI MALILA aux dépens de première instance et d'appel. Le greffier,Le président.
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R.G : No RG 20/01339 - No Portalis DBVH-V-B7E-HW6H POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES 13 mai 2020 RG:18/01099 CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GARD COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2022 APPELANTE : CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GARD Département des affaires juridiques [Adresse 1] [Localité 4] représentée par M. [E] [O] en vertu d'un pouvoir général Madame [J] [Z] [Adresse 2] [Localité 3] représentée par Me Olivier CONSTANT, avocat au barreau de NIMES COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties. Elle en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président Madame Evelyne MARTIN, Conseillère Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère GREFFIER : Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision à l'audience publique du 21 Juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Septembre 2022 Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ; Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 06 Septembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES Mme [J] [Z] a été placée en arrêt de travail au titre "maladie" à compter du 17 mai 2018. Le 27 septembre 2018, la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard lui a notifié la fin du versement de ses indemnités journalières à compter du 25 septembre 2018 au motif qu'elle ne s'était pas rendue à la convocation du médecin conseil à cette date et n'avait pas justifié de son absence. Sur contestation de Mme [J] [Z], la Commission de Recours Amiable de la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard dans sa séance du 8 novembre 2018 a confirmé la décision. Mme [J] [Z] a formé un recours contre cette décision en saisissant le 26 décembre 2018 le tribunal des affaires de sécurité sociale du Gard auquel elle a demandé à bénéficier de ses indemnités journalières sur la période du 25 septembre 2018 au 19 mars 2019 pour un montant de 3.725,92 euros. Par jugement du 13 mai 2020, le tribunal judiciaire de Nîmes désormais compétent pour connaitre de ce litige a : - déclaré le recours de Mme [J] [Z] bien fondé et fait droit à sa demande en paiement des indemnités journalières pour la période sollicitée, - condamné la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard à payer à Mme [J] [Z] la somme de 3.725,92 euros augmentée des intérêts légaux à compter de la notification du jugement en cas de retard, - condamné la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard au paiement de la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée le 29 mai 2020, la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard a interjeté appel de cette décision. Enregistrée sous le numéro RG 20/1339, l'examen de cette affaire a été appelé à l'audience du 21 mai 2022. Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard demande à la cour de : - lui décerner acte de ce qu'elle a fait une exacte application des textes en vigueur, - confirmer purement et simplement la décision rendue par la Commission de Recours Amiable lors de sa réunion du 8 novembre 2018, - réformer purement et simplement le jugement du tribunal judiciaire des affaires de sécurité sociale de Nîmes rendu le 28 février 2018 ( sic ), - à titre subsidiaire, renvoyer Mme [J] [Z] devant son service médical pour étude de la justification médicale de la poursuite de l'arrêt de travail à compter du 25 septembre 2018. Au soutien de ses demandes, la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard fait valoir, au visa des articles L 315-1 et L 442-5 du code de la sécurité sociale que Mme [J] [Z] ne s'étant pas présentée à la convocation du service médical le 25 septembre 2018, cette carence a eu pour conséquence la suppression de son droit à indemnités journalières puisque le médecin conseil n'a pas pu se prononcer sur la justification médicale de l'arrêt de travail. Elle rappelle que l'avis du médecin conseil s'impose à elle. Subsidiairement, elle reproche aux premiers juges de l'avoir condamnée au paiement des indemnités journalières alors que le litige ne porte que sur l'arrêt des prestations du fait de l'absence à la convocation médicale, qu'il est nécessaire le cas échéant de renvoyer Mme [J] [Z] devant le service médical pour l'examen de ses droits. Oralement sur l'audience, elle a conclu à la recevabilité de son appel, le litige portant sur le non-respect de la procédure de contrôle et non pas sur le montant des indemnités journalières, lequel n'a pas été soumis à la Commission de Recours Amiable. Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, Mme [J] [Z] demande à la cour de : - ordonner la fixation de l'affaire à une date la plus rapprochée, - débouter la Caisse Primaire d'assurance maladie de toutes ses demandes, - confirmer le jugement dans l'ensemble de ses dispositions, - y ajoutant, condamner la Caisse Primaire d'assurance maladie à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens. Au soutien de ses demandes, Mme [J] [Z] fait valoir qu'elle n'a jamais reçu de convocation du service médical de la Caisse Primaire d'assurance maladie et s'étonne que l'appelante ne produise au soutien de son appel aucune pièce qui justifie de la réalité de cette convocation. Elle précise qu'elle ne s'est jamais opposée à une visite médicale et qu'elle est toujours suivie médicalement ce qui en tant que de besoin prouve le bien fondé de son arrêt de travail. Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience. Au terme des articles R 142-1-A-II du code de la sécurité sociale, la procédure applicable devant le Pôle Social du Tribunal de grande instance, devenu à compter du 1er janvier 2020 le tribunal judiciaire, est soumise au droit commun de la procédure civile. Par application des dispositions de l'article R 213-9-4 du code de l'organisation judiciaire, dans sa version applicable à la date de la décision, le tribunal judiciaire statue en dernier ressort lorsque le montant de la demande est inférieur à 5.000 euros. La circonstance qu'un jugement soit qualifié à tort de jugement rendu en premier ressort et rappelle que les parties peuvent le contester par la voie de l'appel, n'a pas pour effet de rendre possible cette voie de recours. En l'espèce, le tribunal judiciaire de Nîmes a statué le 13 mai 2020 dans un litige relatif au retrait du bénéfice d'indemnités journalières pour une assurée sociale en raison du non-respect de la procédure de contrôle mise en oeuvre par la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard. Les indemnités journalières dont le non versement est en cause concernent une période de mi-temps thérapeutique du 25 septembre 2018 ( date du contrôle ) au 19 mars 2019 ( date de reprise d'activité )et dont le montant sollicité par l'assurée devant les premiers juges est de 3.725,92 euros. Ainsi, contrairement à ce que soutient la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard, le montant du litige est déterminé et représente une valeur de 3.725,92 euros euros, soit une valeur inférieure à 5.000 euros. Ainsi, alors même que le jugement indiquait à tort qu'il était rendu en premier ressort, la voie de l'appel n'était pas ouverte au regard du montant du litige. Il s'ensuit que l'appel de la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard est irrecevable. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ; Déclare irrecevable l'appel interjeté par la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard à l'encontre du jugement rendu le 13 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Nîmes - Contentieux de la protection sociale, Rappelle que la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard dispose d'un délai de deux mois, à compter de la notification de la présente décision, pour se pourvoir en cassation à l'encontre du jugement rendu le 13 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Nîmes - Contentieux de la protection sociale, qualifié à tort de rendu en premier ressort, Condamne la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard aux dépens de la procédure d'appel. Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame OLLMANN, Greffière. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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COUR D'APPEL DE RENNES RG 22/00501 - No Portalis DBVL-V-B7G-TCYH JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT O R D O N N A N C E articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eric LOISELEUR, greffier placé, Statuant sur l'appel formé le 05 Septembre 2022 à 11H10 par Me Samuel MOULIN, avocat au barreau de RENNES : M. [E] [C] né le [Date naissance 1] 1991 à [Localité 2] de nationalité Algérienne ayant pour avocat Me Samuel MOULIN, avocat au barreau de RENNES d'une ordonnance rendue le 02 Septembre 2022 à 17H58 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [E] [C] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du le 02 septembre 2022 à 16H09; En l'absence de représentant du préfet de d'Indre et Loire, dûment convoqué, En l'absence du procureur général régulièrement avisé, (avis du 05/09/2022) En présence de [E] [C], assisté de Me Samuel MOULIN, avocat, Après avoir entendu en audience publique le 06 Septembre 2022 à 14H00 l'appelant assisté de M. [L] [K], interprète en langue arabe ayant prêté serment à l'audience, et son avocat en leurs observations, Avons mis l'affaire en délibéré et le 07 Septembre 2022 à 10H00, avons statué comme suit : Par arrêté du 29 août 2022 notifié le même jour le Préfet d'Indre et Loire a fait obligation à Monsieur [E] [C] de quitter le territoire français. Par arrêté du 31 août 2022 notifié le même jour le Préfet d'Indre et Loire a placé Monsieur [E] [C] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire. Par requête du 02 septembre 2022 le Préfet d'Indre et Loire a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation de la rétention. Par requête du même jour Monsieur [E] [C] a saisi le juge des libertés et de la détention d'une contestation de la régularité de l'arrêté de placement en rétention. Par ordonnance du 02 septembre 2022 le juge des libertés et de la détention a dit que l'arrêté contesté était régulier, dit que le menottage de l'intéressé lors de son interpellation était régulier, que le Préfet d'Indre et Loire avait joint à sa requête les pièces utiles et autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours. Par déclaration de son Avocat du 05 septembre 2022 Monsieur [E] [C] a formé appel de cette décision en soutenant que les conditions de l'article 803 du Code de Procédure Pénale pour le menottage n'étaient pas réunies, que la requête en prolongation de la rétention était irrecevable en application des dispositions de l'article L743-2 du CESEDA en ce qu'elle ne contenait pas les pièces utiles au contrôle par le juge judiciaire de la chaîne de privation de liberté et a enfin soutenu qu'il avait fait l'objet d'une privation illicite de liberté entre la fin de sa garde à vue et son placement en rétention administrative. Il a conclu à la condamnation du Préfet d'Indre et Loire au paiement de la somme de 800,00 Euros sur le fondement des articles 37 et 75 de la moi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle. Selon avis du 05 septembre 2022 le Procureur Général a conclu à la confirmation de l'ordonnance attaquée. Le Préfet d'Indre et Loire n'a pas adressé de mémoire. A l'audience, Monsieur [E] [C], assisté de son Avocat, a fait développer oralement les termes de sa déclaration d'appel. L'appel, formé dans les formes et délais légaux est recevable. L'article 803 du Code de Procédure Pénale dispose que nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s'il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite. Il résulte en l'espèce des mentions du procès-verbal d'interpellation du 29 août 2022 que les agents interpellateurs ont considéré, au visa de l'article 83, qu'il convenait d'éviter la fuite de Monsieur [E] [C]. Le menottage était régulier. L'article R743-2 du CESEDA dispose que lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2. En l'espèce la requête en prolongation de la rétention est accompagnée des procès-verbaux d'interpellation le 29 août 2022 à 11 h 20, de placement en garde à vue le même jour à la même heure, du 29 août 2022 à 18 h 18 constatant les instructions de déferrement de l'intéressé émanant du Procureur de la République de Tours pour le 30 août 2022 à 09 heures et de fin de garde à vue le 30 août 2022 à 09 heures et la fiche pénale de l'intéressé qui montre qu'il a été écroué le même jour à 17 h 30 sur décision du Tribunal Judiciaire de Tours et enfin de la fiche de levée d'écrou du 31 août 2022 avec la notification de la décision de placement en rétention. Il en résulte qu'entre la fin de la garde à vue et la levée d'écrou Monsieur [E] [C] a comparu devant le Procureur de la République puis devant le Tribunal, qu'il a fait l'objet d'un mandat de dépôt, qu'il a à nouveau comparu devant le Tribunal le 31 août 2022 et qu'il est retourné en détention pour la levée d'écrou. Ces pièces démontrent qu'il n'y a eu aucune privation de liberté illicite et la décision judiciaire le condamnant à une peine d'emprisonnement n'est pas en l'espèce une pièce utile. L'ordonnance attaquée sera confirmée et la demande au titre des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sera rejetée. PAR CES MOTIFS, Déclarons l'appel recevable, Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 02 septembre 2022, Rejetons la demande au titre des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, Laissons les dépens à la charge du Trésor Public. Ainsi jugé le 07 septembre 2022 à 10 heures. Le GreffierLe Conseiller délégué Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [E] [C], à son avocat et au préfet Le Greffier, Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile. Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général. Le Greffier
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Copies exécutoires délivrées aux parties le : Copies certifiées conformes délivrées aux parties le :République française Au nom du Peuple français COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 9 - B ARRET DU 08 Septembre 2022 (no 136 , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S No RG 20/00173 - No Portalis 35L7-V-B7E-CB7WD Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Février 2020 par le Tribunal judiciaire de BOBIGNY RG no 11-18-002359 Madame [Y] [R] veuve [I](débitrice) [Adresse 1] [Localité 13] non comparante Monsieur [U] [I] (décédé) [Adresse 1] [Localité 13] non comparant FINANCO (55366004 ; 58315536) [Localité 6] non comparante CA CONSUMER FINANCE(80701666046 ; 80701666058 ; 81323107595 ; 81323108989 ; 81323117007 ; 80701666034 ) [Localité 8] non comparante FRANFINANCE (00011186783137) [Adresse 9] [Localité 11] non comparante BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE (43509901091100 ; 443509901099007) [Adresse 3] [Localité 10] non comparante TRESORERIE EPINAY SUR SEINE (1096162105164 - TH 12 ; 4100222473) [Adresse 2] [Localité 13] non comparante CETELEM DRE IMMOBILIER (60298565) [Adresse 5] [Localité 12] non comparante COFIDIS (18520004040006625) CHEZ SYNERGIE [Localité 7] non comparante COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Fabienne TROUILLER conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Christophe BACONNIER, président Mme Fabienne TROUILLER, conseillère Mme Laurence ARBELLOT, conseillère Greffière : Mme Alexandra AUBERT, lors des débats - RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Fabienne TROUILLER, conseillère faisant fonction de présidente pour Monsieur Christophe BACONNIER, président de chambre empêché présent lors des débats, et par Madame Alexandra AUBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES M. [U] [I] et Mme [Y] [R] épouse [I] ont saisi la commission de surendettement des particuliers de la Seine-Saint-Denis qui a, le 25 juillet 2017, déclaré leur demande recevable. La commission de surendettement a élaboré des mesures imposées le 10 août 2018, consistant en un rééchelonnement des dettes sur 2 mois et sur la base d'une capacité mensuelle de remboursement de 1 383 euros. M. et Mme [I] ont contesté cette décision. Par jugement réputé contradictoire en date du 17 février 2020, le tribunal judiciaire de Bobigny a notamment : - déclaré irrecevable le recours en vérification des créances, - déclaré recevable le recours formé à l'encontre des mesures imposées par la commission de surendettement, - fixé la part des ressources nécessaires aux dépenses de la vie courante du ménage de M. et Mme [I] à la somme mensuelle de 2 104,72 euros et la capacité mensuelle de remboursement à la somme maximale de 1 206,11 euros, - dit que les remboursements s'effectueront conformément au tableau annexé au présent jugement. La juridiction a déclaré irrecevable la demande tendant à la vérification des créances, car le délai de 20 jours à compter de la notification pour contester l'état du passif prévu par les articles L.723-3 et R.723-8 du code de la consommation n'a pas été respecté. Le tribunal a retenu une capacité mensuelle de remboursement maximum de 1 206,11 euros. Les mesures de remboursement sont détaillées dans le tableau annexé au jugement. Le tribunal a rappelé que la situation de propriétaires des débiteurs justifie qu'il soit dérogé à la règle d'un rééchelonnement d'une durée maximale de 84 mois pour leur permettre de conserver le bien. Cette décision a été notifiée le 29 février 2020 à M. et Mme [I]. Par déclaration adressée le 19 mai 2020 au greffe de la cour d'appel de Paris, Mme [I] a interjeté appel du jugement en faisant valoir qu'elle disposait de la date du 16 mars pour former appel mais qu'elle n'en a pas eu la possibilité du fait de la crise sanitaire. Elle indique former appel sur le fondement de l'ordonnance no2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures. [U] [I] est décédé le [Date décès 4] 2021. Les parties ont été convoquées à l'audience du 24 mai 2022. Par courrier reçu le 19 janvier 2022, le conseil de Mme [I] a indiqué qu'elle avait déposé un nouveau dossier déclaré recevable le 10 janvier 2022. Par courrier reçu le 23 mai 2022, il a ajouté que sa cliente se désistait de son appel. Le conseil de la société BNP Paribas Personal Finance ne s'est pas opposé au désistement. Par courrier reçu au greffe le 11 mars 2022, la société SynerGie réclame la confirmation du jugement. MOTIFS DE LA DÉCISION Il convient, à titre liminaire, de rappeler que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile ; que la procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures ; que dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les parties non comparantes, qui ne justifient pas avoir notifié leurs observations et pièces à l'ensemble des autres parties. Aux termes des articles 400 et 401 du code de procédure civile, l'appelant peut se désister de son recours, ce désistement étant parfait lorsqu'il ne contient aucune réserve et que l'intimé n'a pas formé appel incident ou présenté une demande incidente. L'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, étant formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile, c'est donc la procédure orale de droit commun qui trouve application, procédure dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures. En l'espèce, Mme [I] s'est désistée de son appel suite au dépôt d'un nouveau dossier. Le désistement de l'appelante sans demande des intimés, est parfait et emporte acquiescement du jugement critiqué. PAR CES MOTIFS Statuant après débats en audience publique, par arrêt réputé contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,Constate le désistement d'instance de Mme [Y] [R] veuve [I] ; Constate le désistement de Mme [Y] [R] veuve [I] ; Laisse les éventuels dépens d'appel à la charge de l'appelante ; Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et par lettre recommandée avec avis de réception aux parties. LA GREFFIERE LA CONSEILLERE FAISANT FONCTION DE PRESIDENTE
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Copies exécutoires délivrées aux parties le : Copies certifiées conformes délivrées aux parties le :République française Au nom du Peuple français COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 9 - B ARRET DU 08 Septembre 2022 (no 134 , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S No RG 19/00369 - No Portalis 35L7-V-B7D-CBDPY Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Septembre 2019 par le Tribunal d'Instance de BOBIGNY RG no 11-18-001136 Madame [G] [K] (débitrice) [Adresse 1] [Localité 11] comparante en personne Madame [Z] [W] épouse [X] (créancière-bailleresse) [Adresse 5] [Localité 9] comparante en personne Monsieur [H] [X] (créancier-bailleur) [Adresse 5] [Localité 9] comparant en personne BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE Chez Neuilly Contentieux [Adresse 2] Chez Neuilly Contentieux [Localité 8] non comparante CA CONSUMER FINANCE [Localité 7] non comparante [Localité 3] non comparante [Localité 6] non comparante TRESORERIE SEINE SAINT DENIS AMENDES [Adresse 4] [Localité 10] non comparante COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Fabienne TROUILLER conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Christophe BACONNIER, président Mme Fabienne TROUILLER, conseillère Mme Laurence ARBELLOT, conseillère Greffière : Mme Alexandra AUBERT, lors des débats - RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Fabienne TROUILLER, conseillière faisant fonction de présidente, pour Monsieur Christophe BACONNIER, président empêché, présent lors des débats et par Madame Alexandra AUBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Mme [G] [K] a saisi la commission de surendettement des particuliers de la Seine-Saint-Denis qui a, le 15 janvier 2018, déclaré sa demande recevable. La commission a imposé le rééchelonnement de ses dettes sur une durée de 84 mois, retenant des mensualités d'un montant de 271,84 euros, avec un effacement partiel du solde des dettes à l'issue du plan. La société BNP Paribas Personal Finance a exercé un recours et réclamé la restitution du véhicule financé par crédit et rappelé qu'en cas de vente du véhicule, Mme [K] aurait dû affecter le prix de vente au remboursement de sa créance. Par jugement réputé contradictoire en date du 12 septembre 2019, le tribunal d'instance de Bobigny a : - déclaré recevable le recours formé par la société BNP Paribas Personal Finance, - rejeté les mesures imposées par la commission, - déchu Mme [K] du bénéfice de la procédure de surendettement. La juridiction a estimé que les ressources de Mme [K] s'élevaient à la somme de 1 352,56 euros, ses charges à la somme de 1 389,98 euros et qu'elle ne disposait pas d'une capacité de remboursement. Elle a relevé que Mme [K] exposait plusieurs versions du sort réservé au véhicule financé par la société BNP Paribas Personal Finance sans produire d'élément de nature à démontrer la véracité de l'une de ces versions. Elle a conclu que Mme [K] avait détourné ou tenté de détourner une partie de ses biens, d'une valeur de 12 000 euros. Le jugement a été notifié à Mme [K] le 12 septembre 2019. Par déclaration adressée le 26 septembre 2019 au greffe de la cour d'appel Paris, Mme [K] a interjeté appel du jugement en indiquant qu'elle souhaitait rembourser ses dettes mensuellement. Les parties ont été convoquées à l'audience du 24 mai 2022. À cette audience, Mme [K] a comparu en personne et réclamé l'infirmation du jugement et le renvoi de son dossier à la commission de surendettement. Elle a fait valoir qu'elle était de bonne foi, qu'elle a été victime des agissements de son premier compagnon qui l'a incitée à contracter des crédits et qui n'a plus donné signe de vie. Elle explique qu'elle s'est retrouvée au chômage et qu'elle n'a pas pu rembourser les dettes du couple. Elle explique qu'il y a eu plusieurs crédits-voitures et qu'elle ne possède qu'une seule voiture qui a 10 ans. Elle ne conteste pas la dette locative d'un montant de 11 248,74 euros. Elle ajoute qu'elle a 31 ans, qu'elle a refait sa vie, qu'elle n'a pas d'enfant, qu'elle est télé-opératrice, qu'elle perçoit 1 100 euros par mois et que son époux ne travaille pas. Elle précise qu'après le jugement, elle a été tenue de faire des versements à l'huissier pour le compte de la société Financo, à hauteur de 350 euros par mois. M. et Mme [X] ont comparu en personne. Ils précisent que leur créance locative s'élève à 11 248,74 euros et que Mme [K] a toujours été de bonne foi. Les autres créanciers n'ont pas comparu. MOTIFS DE LA DÉCISION Il convient d'indiquer à titre liminaire que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures. Dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les parties non comparantes. En l'absence de tout élément de nature à contredire le jugement sur ce point, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable le recours exercé par Mme [K]. Il résulte de l'article L.711-1 du code de la consommation que la recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement est subordonnée à la bonne foi du débiteur, conçue comme une absence de mauvaise foi. Il convient de rappeler que la bonne foi est présumée et qu'il appartient au créancier d'apporter la preuve de la mauvaise foi du débiteur. La simple imprudence ou imprévoyance n'est pas constitutive de mauvaise foi. De même, la négligence du débiteur ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi en l'absence de conscience de créer ou d'aggraver l'endettement en fraude des droits des créanciers. Les faits constitutifs de mauvaise foi doivent de surcroît être en rapport direct avec la situation de surendettement. En application de l'article L.761-1 du code de la consommation, la mauvaise foi procédurale est également sanctionnée en ce qu'est déchue du bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement toute personne : 1o ayant sciemment fait de fausses déclarations ou remis des documents inexacts, 2o ayant détourné ou dissimulé, ou tenté de détourner ou de dissimuler, tout ou partie de ses biens, 3o ayant, sans l'accord de ses créanciers, de la commission ou du juge, aggravé son endettement en souscrivant de nouveaux emprunts ou ayant procédé à des actes de disposition de son patrimoine pendant le déroulement de la procédure de traitement de la situation de surendettement ou de rétablissement personnel, ou pendant l'exécution du plan ou des mesures de traitement. Le débiteur doit donc être de bonne foi pendant la phase d'endettement mais aussi au moment où il saisit la commission de surendettement, ce qui implique sa sincérité, et tout au long du déroulement de la procédure. Le juge doit se déterminer au jour où il statue. Pour retenir l'absence de bonne foi et prononcer la déchéance du bénéfice de la procédure de surendettement, le premier juge a considéré que la débitrice avait exposé plusieurs versions du sort réservé au véhicule financé par la société BNP Paribas Personal Finance et qu'elle a donc détourné ou tenté de détourner une partie de ses biens, d'une valeur de 12 000 euros. Elle a fait valoir que son ex-compagnon avait contracté plusieurs crédits-auto et qu'elle ne se souvenait plus si le véhicule financé avait été revendu. Elle a ajouté que de toute façon, comme le véhicule avait été mis à son nom, elle assumait sa responsabilité et qu'elle remboursait mensuellement l'huissier pour ce crédit. Il ressort des pièces produites que Mme [K] rembourse mensuellement une somme de 350 euros pour ce crédit et qu'elle a déjà remboursé 8 450,30 euros, ce qui est un gage de sa bonne foi. Il convient de relever que contrairement à ce qu'a relevé le premier juge, rien dans le dossier n'établit que Mme [K] ait sciemment détourné ou tenté de détourner un véhicule et aucun créancier ne rapporte la preuve d'une mauvaise foi. La présomption de bonne foi s'applique à la débitrice qui n'entend pas se soustraire à son obligation de remboursement, en dépit de ses faibles revenus. Le jugement est en conséquence infirmé et la débitrice est déclarée de bonne foi et recevable à la procédure de surendettement. PAR CES MOTIFS Statuant après débats en audience publique, par arrêt réputé contradictoire rendu par mise à disposition au greffe, Déclare recevable l'appel de Mme [G] [K], Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré recevable le recours de Mme [G] [K], L'infirme pour le surplus, Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant : Constate l'absence de mauvaise foi de Mme [G] [K], En conséquence, déclare Mme [G] [K] recevable à la procédure de surendettement, Renvoie le dossier à la commission de surendettement des particuliers de la Seine-Saint-Denis qui sera chargée d'actualiser la situation de la débitrice et de mettre en oeuvre les mesures de traitement adaptées, Dit que la présente décision sera notifiée par lettre simple à la commission de surendettement des particuliers de la Seine-Saint-Denis et aux parties par lettre recommandée avec avis de réception, Laisse à la charge de chaque partie les éventuels dépens d'appel. LA GREFFIERE LA CONSEILLERE FAISANT FONCTION DE PRESIDENTE
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COUR D'APPEL de CHAMBÉRY 2ème Chambre Arrêt du Jeudi 04 Mai 2017 RG : 15/02221 Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de THONON LES BAINS en date du 07 Septembre 2015, RG 13/01734 né le 25 Février 1973 à FORT DE FRANCE (97200), Mme Y... épouse X... née le 08 Octobre 1981 à PONTOISE (95300), demeurant ensemble ... assistés de Me Clarisse DORMEVAL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et Maîtres Anne Valérie BENOIT et Stéphane SZAMES avocats plaidants au barreau de PARIS CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE CHABLAIS, dont le siège social est sis 12 Avenue de Général de Gaulle - 74200 THONON LES BAINS prise en la personne de son représentant légal assistée de Me Corine BIGRE, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS -=-=-=-=-=-=-=-=- COMPOSITION DE LA COUR : Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 07 mars 2017 par Monsieur Franck MADINIER, Conseiller, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Gilles BALAY, Conseiller, avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffier, en présence de Ludivine Becquet, assistante de justice Et lors du délibéré, par : - Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président, - Monsieur Franck MADINIER, Conseiller, qui a rendu compte des plaidoiries - Monsieur Gilles BALAY, Conseiller -=-=-=-=-=-=-=-=-=- EXPOSE DU LITIGE Par acte du 5 septembre 2008, reçu par maître Yannick Z..., notaire, la Caisse de Crédit Mutuel du Chablais a consenti un prêt immobilier aux époux ... X... et ... Y... d'un montant de 429 370 CHF, soit une contrevaleur de 267 603 euros au jour de la signature, remboursable en 360 échéances de 2 334,24 CHF, au taux effectif global de 5,015 %, destiné à financer l'acquisition d'un terrain constructible et la construction d'une maison. Le prêt est remboursé sans difficulté depuis lors. Toutefois, arguant d'une erreur affectant le calcul du TEG, révélée par une étude financière qu'ils ont fait réaliser, les époux .... X... et ... Y..., par acte d'huissier du 25 juillet 2013, ont fait assigner la Caisse de Crédit Mutuel du Chablais devant le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains afin de voir prononcer la déchéance de la banque de la totalité du droit aux intérêts du prêt. Par jugement 7 septembre 2015, le tribunal de grande instance a : - débouté les époux..... X... et ... Y... de l'ensemble de leurs demandes, - les a condamnés à payer à la Caisse de Crédit Mutuel du Chablais la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens. Les époux ... X... et ... Y... ont fait appel de ce jugement par déclaration au greffe de la cour du 23 octobre 2015. Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 mars 2017, les époux ... X... et ... Y... demandent à la Cour de : - annuler le prêt et l'assurance le garantissant, en application des dispositions de l'article L 111-1 du code monétaire et financier imposant l'euro comme monnaie de paiement, - ordonner à la banque de leur restituer en Francs suisses toutes les sommes versées en Francs suisses au titre du prêt (échéances payées, frais divers, cotisations d'assurances), à défaut en euros selon le taux de parité au jour du remboursement, - leur ordonner de restituer les fonds mis à disposition, soit la somme de 253 027,60 euros, - ordonner la compensation entre les deux sommes et leur accorder 12 mois de délai pour verser le reliquat de la somme restant due, subsidiairement, - dire que le Crédit Mutuel a manqué à son devoir d'information prévu par les dispositions de l'article L 312-8 du code de la consommation, - prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels, - ordonner l'imputation des remboursements effectués sur le capital emprunté, - dire que le Crédit Mutuel a manqué à son devoir de mise en garde, en conséquence, - condamner le Crédit Mutuel à leur rembourser la somme de 1 125 CHF acquittée au titre de l'ouverture du contrat de prêt, - le condamner à leur rembourser l'intégralité du crédit (cotisations d'assurance, coût de la convention, des garanties, les loyers du prêt, les frais de tenue de compte), - dire que le Crédit Mutuel a manqué à son devoir de conseil et/ou d'information, en conséquence, - le condamner à leur rembourser la somme de 1 125 CHF acquittée au titre de l'ouverture du contrat de prêt, - le condamner à leur rembourser l'intégralité du crédit (cotisations d'assurance, coût de la convention, des garanties, les loyers du prêt, les frais de tenue de compte), en tout état de cause, - constater que le Crédit Mutuel ne justifie pas de l'envoi par voie postale de l'offre de prêt, en conséquence, - ordonner la déchéance du droit aux intérêts contractuels et l'imputation des remboursements effectués sur le capital emprunté, - dire que le TEG ne respecte pas les dispositions du code de la consommation, en conséquence, - prononcer la nullité de la stipulation des intérêts contractuels, - dire que toutes les sommes versées s'imputeront sur le capital emprunté, - dire que la clause par laquelle le Crédit Mutuel se décharge d'une partie de ses obligations est une clause abusive, en conséquence, - déclarer cette clause non écrite, - dire que le comportement fautif du Crédit Mutuel les a exposés à des frais de 30 000 euros, - condamner le Crédit Mutuel à leur payer cette somme, - dire que le comportement fautif du Crédit Mutuel leur a causé un préjudice moral, - condamner le Crédit Mutuel à leur payer la somme de 35 000 euros, - ordonner, aux frais de la banque, la publication in extenso du dispositif de l'arrêt à intervenir sur une moitié de page, pendant deux mois dans les revues suivantes : Les Echos, Le Figaro, Le Monde, Libération, Banque, Banque et Droit, 60 Millions de Consommateurs, UFC Que Choisir et ce sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, - dire que toutes les condamnations prononcées à l'encontre de la banque porteront intérêts au taux légal, -ordonner la capitalisation des intérêts générés par ces condamnations, - condamner le Crédit Mutuel à leur payer la somme de 13 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens. L'opération de crédit étant purement interne, dans la mesure où les parties sont de nationalité française, résident en France et où l'immeuble financé est situé en France, la clause stipulant la somme prêtée et le remboursement en francs suisses serait nulle. Le Crédit Mutuel n'aurait pas respecté son obligation d'envoi postal de l'offre de prêt, il n'aurait pas donné aux emprunteurs l'intégralité des informations prévues par les dispositions de l'article L 312-8 du code de la consommation. Il n'aurait pas satisfait à son obligation de mise en garde en ne vérifiant pas les capacités financières des emprunteurs et en leur offrant un crédit totalement inadapté à leur situation, monsieur percevant un salaire mensuel de 4 987,60 CHF, soit 3 023 euros et madame de 1 066,46 euros alors que les mensualités du prêt sont de 2 334,24 CHF soit 1 469 euros et qu'ils supportaient un autre prêt à hauteur de 387 euros par mois et avaient deux enfants en bas âge. Le libellé en CHF les exposait gravement en cas d'appréciation du Franc suisse par rapport à l'euro. La clause déchargeant le Crédit Mutuel de son obligation de conseil quant à l'investissement financé serait abusive. Le TEG n'a pas pris en compte les frais de domiciliation de leurs revenus auprès du prêteur, ni le coût de l'acquisition de parts sociales imposées par le prêt. Par conclusions notifiées par voie électronique notifiées le 2 mars 2017, la Caisse de Crédit Mutuel du Chablais demande à la Cour de : - confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, - débouter les époux ... X... et ... Y... de l'intégralité de leurs demandes, - condamner, in solidum, les époux ... X... et .... Y... à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens. Le Crédit Mutuel souligne que les conditions générales stipulent que "la monnaie de paiement est l'euro, l'emprunteur ayant toujours la faculté de rembourser en euros les échéances au moment de leur prélèvement" Monsieur .... X... était salarié en Suisse et payé en francs suisses. La Caisse de Crédit Mutuel du Chablais conteste tous manquements à ses obligations. Les époux X... ne démontreraient pas quelque préjudice que ce soit. Le calcul du TEG serait parfaitement régulier. La clôture de l'instruction est intervenue le 2mars 2017. MOTIFS DE LA DECISION Sur la validité du prêt souscrit en devise étrangère L'article L 111-1 du code monétaire et financier dispose que la monnaie de la France est l'euro, ce dont il s'évince que la stipulation d'une obligation en monnaie étrangère est licite si cette monnaie est prévue, non comme un instrument de paiement, mais comme une unité de compte. Aux termes de l'arrêt du 14 novembre 2013, qui fait débat entre les parties, la Cour de cassation sanctionne un prêt consenti par le Crédit Mutuel dont les stipulations induisaient que si l'emprunteur pouvait demander la conversion du prêt en francs français, le prêteur pouvait lui imposer, en cas de désaccord, de choisir entre la poursuite du prêt en devise ou le remboursement par anticipation. Or, si le prêt, objet du litige, contient la clause ainsi critiquée ne permettant pas à l'emprunteur de pouvoir imposer au préteur la conversion du prêt en euros, il stipule, en page 6 de l'acte notarié, que "Tous remboursements en capital, paiements des intérêts et des commissions et des cotisations d'assurance auront lieu dans la devise empruntée" mais que "la monnaie de paiement du prêt est l'euros, l'emprunteur ayant toujours la faculté de rembourser en euros les échéances au moment de leur prélèvement" permettant à l'emprunteur d'imposer à la banque de lui payer les échéances, les unes après les autres, en euros. Le prêt consenti aux époux X... ne viole donc pas l'interdiction de conclure un prêt dont la monnaie de paiement serait une monnaie étrangère. Les époux ...l X... et .... Y... seront, en conséquence, déboutés de leur demande d'annulation de l'acte de prêt de ce chef. Sur le Taux Effectif Global Il résulte des dispositions de l'article L313-1 du code de la consommation alors applicable, que dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels. sur la souscription des parts sociales et la domiciliation des revenus Les époux X... ont bien acquis, pour un montant de 30 euros, des parts sociales de la Caisse de Crédit Mutuel du Chablais, mais ils l'ont fait à l'occasion de l'ouverture de leur compte courant dans les livres de la banque, ce qui est établi par le fait, reconnu par les emprunteurs, que ni l'offre de prêt, ni l'acte authentique de prêt ne font état d'une obligation d'achat de parts sociales pour y souscrire. Il en résulte que cette souscription ne constitue pas une condition d'octroi du prêt et que son coût n'a donc pas à être pris en compte au titre du taux effectif global. Les époux X... soutiennent que les frais liés à la domiciliation de leurs revenus au Crédit Mutuel n'auraient pas été intégrés au taux effectif global, mais si le contrat stipule, en effet, en l'article 8 de ses conditions générales, que l'emprunteur s'oblige à cette domiciliation, il précise également que cet engagement constitue une contrepartie du taux favorable consenti par le prêteur aux emprunteurs et, qu'en cas d'inexécution de cette obligation, une majoration de 2 points du taux d'intérêt serait imposée à ces derniers. Cette stipulation ne constitue donc pas une condition de l'octroi du prêt. Au surplus, le Crédit Mutuel souligne avec pertinence que cette domiciliation ne génère pas en elle-même de frais particuliers, mais des frais divers de tenue de compte indéterminés et indéterminables lors de la souscription du prêt, qui n'ont, de ce fait, pas à être pris en compte dans le calcul du taux effectif global. Au demeurant les époux X..., alors que cette preuve leur incombe, n'établissent pas de frais de domiciliation qui aurait dû être intégrés aux taux effectif global, étant relevé que les frais mensuels de rapatriement des salaires frontaliers de monsieur ... X... de 3,24 CHF sont des frais afférents au compte courant des époux X... et surtout peuvent aisément être évités en faisant directement virer le salaire de monsieur .... X... sur son compte ouvert dans les livres du Crédit Mutuel. sur le calcul du Taux Effectif Global Il résulte des dispositions de l'article R 313-1 du code de la consommation que dans tout acte de prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel, le taux conventionnel doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base de l'année civile et non sur la base de l'année bancaire de 360 jours. Les époux X... ont fait procéder à une analyse du taux d'intérêt du prêt que leur a consenti le Crédit Mutuel dont il ressortirait que les intérêts ont été calculés non pas sur la base d'une année civile ainsi que l'exigent les dispositions précitées, mais sur celle d'une année bancaire de 360 jours, mais le tribunal a démontré qu'il n'en est rien. Il résulte en effet des dispositions du c) de l'annexe de l'article R 313-1 du code de la consommation, alors applicable, que l'écart entre les dates utilisées pour le calcul est exprimé en années ou en fraction d'année et qu'une année compte 365 jours, 52 semaines, ou 12 mois normalisés et qu'un mois normalisé compte 30,41666 jours (c'est à dire 365/12). En l'espèce le coût du crédit est de 429 370 francs suisses et l'intérêt mensuel du crédit calculé conformément à ces règles s'établi à la somme de (429 370 x 4,6 % x 30,41666/365), soit 1 645,92 CHF, le calcul de la société Financière Mirebeau étant moins pertinent dans la mesure où il s'attache à "reconstituer le montant des intérêts intercalaires" alors que le prêt est assorti d'une période de 5 mois de franchise et qu'à l'inverse la somme de 1 645,92 CHF correspond très exactement, à la décimale près, conformément aux dispositions du c) de l'annexe l'article R 313-1, au montant des intérêts perçus au titre de la première année d'amortissement, ainsi que cela ressort du tableau prévisionnel d'amortissement en CHF produit. Il convient, en conséquence, de retenir, à l'instar du premier juge, que le TEG du prêt litigieux a bien été calculé sur la base d'une année de 365 jours et non de 360 jours. Il n'est donc pas établi d'irrégularité du taux effectif global. Sur les modalités d'envoi et d'acceptation de l'offre de crédit Il résulte de l'application combinée des articles L312–7 et L312-10 du code de la consommation que l'offre de crédit doit impérativement être adressée à l'emprunteur par voie postale et que ce dernier ne peut l'accepter qu'après un délai de réflexion de 10 jours courant à compter de sa réception, le cachet de la poste faisant foi. L'acte notarié de prêt, régularisé le 5 septembre 2008, stipule au début de l'exposé, page 2 de l'acte, que l'emprunteur confirme avoir reçu l'offre de prêt par voie postale le 18 juillet 2008 et l'avoir acceptée par courrier envoyé au prêteur le 29 juillet 2008; cet élément étant corroboré par l'accusé réception et l'acceptation de l'emprunteur contenus dans l'offre de prêt dont il ressort que les époux X... ont indiqué, de manière manuscrite, avoir reçu l'offre de prêt le 18 juillet 2008 et l'avoir acceptée le 29 juillet 2008. Le Crédit Mutuel produit enfin une copie de l'enveloppe par laquelle les époux X... lui ont retourné l'offre acceptée dont le cachet de la poste mentionne la date du 30 juillet 2008. Il ne peut être demandé au Crédit Mutuel de produire le cachet de la poste figurant sur l'enveloppe d'envoi de l'offre, seuls les époux X... détenant cette pièce. Or, les dispositions de l'article L 312-33 du code de la consommation définissant les sanctions alors applicables, notamment en cas de non-respect des dispositions des articles L312–7 et L312-10, d'une part ne visent que les hypothèses d'absence de date ou de fausse date, ce qui ne correspond pas aux faits de l'espèce et d'autre part disposent que le prêteur ou le bailleur pourra être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge. La sanction civile de déchéance du droit aux intérêts est donc facultative, or le manquement sanctionné ne correspondant pas exactement aux irrégularités invoquées et le Crédit Mutuel ayant produit tous les éléments dont il pouvait disposer qui tendent très fortement à établir que le délai de 10 jours a été respecté, la cour ne sanctionnera pas la banque de ce chef d'irrégularité. Sur le non-respect des formes prévues par les dispositions de l'article L 312-8 du code de la consommation alors applicable. Les manquements invoqués par les époux X... reposent sur le postulat selon lequel le prêt est libellé en CHF et ne pourra être remboursé qu'en CHF, ce qui, ainsi qu'il a précédemment été dit, est faux dans la mesure où tant l'offre de prêt que l'acte notarié de prêt stipulent que «la monnaie de paiement du prêt est l'euros, l'emprunteur ayant toujours la faculté de rembourser en euros les échéances au moment de leur prélèvement» permettant bien à l'emprunteur d'imposer à la banque de payer les échéances, les unes après les autres, en euros, les époux X... n'établissant pas la fausseté de cette stipulation. De manière plus précise, les époux X... font grief à la banque du fait que l'offre de prêt ne donne aucune information sur le taux de change appliqué, mais les dispositions qu'ils invoquent ne prévoient aucune obligation de ce chef. Il doit donc être retenu que l'offre de prêt litigieuse respecte les dispositions de l'article L 312-8 du code de la consommation. Sur la responsabilité du Crédit Mutuel au titre de ses obligations de conseil, d'information et de mise en garde Force est de constater que le Crédit Mutuel s'est enquis des revenus des époux ... X... et ... Y... lors de la souscription du prêt accepté par ces derniers le 29 juillet 2008. Monsieur .... X... était employé en qualité de technicien de maintenance par une société suisse ISS FM Services, certes depuis 7 mois lors de la souscription de l'emprunt mais il bénéficiait d'un contrat de travail à durée indéterminée. Son contrat de travail stipule un salaire annuel brut de 70 000 CHF, de ses bulletins de salaires produits il ressort que son salaire mensuel net, c'est à dire impôts prélevés à la source non déduits, s'élevait à la somme de 5 651,22 CHF, étant souligné que des relevés de compte font apparaître le versement de boni évoqués par le contrat de travail qui ne sont pas ici retenus en l'absence d'indication sur la périodicité de ces versements. Madame .... Y... disposait, lors de l'acceptation du prêt, d'un salaire mensuel de 1 065,46 euros, représentant, en application du taux de change alors en cours, 1 734,14 CHF. Le revenu net des époux ... X... et .... Y... s'élevait donc, à la date de souscription de l'emprunt, à la somme de 7 385,36 CHF, tandis que les échéances du prêt, s'élevant à 1 779,20 CHF la première année et à 2 334,24 CHF les années suivantes, représentaient respectivement 24,09 % et 31,60 % des revenus du couple. Ainsi en mai 2008, le prêt à taux fixe consenti par le Crédit Mutuel, destiné à financer la construction de la résidence principale des époux X..., était tout à fait proportionné aux revenus du couple et, compte tenu des charges mensuelles avancées dont toutes ne sont d'ailleurs pas justifiées, il ne les exposait pas à un risque de surendettement. Force est d'ailleurs de constater que le Crédit Mutuel expose que le prêt est remboursé sans difficulté depuis sa souscription, qu'il ne forme aucune demande en paiement au titre d'un arriéré, qu'il ne se prévaut pas de l'exigibilité anticipée du prêt et qu'il ressort des pièces produites par les époux X... que les difficultés qu'ils ont rencontrées ont été causées par des problèmes de santé de madame .... Y... suffisamment graves pour qu'elle soit placée en congé longue durée, qu'elle perde son emploi et que le couple bénéficie d'une suspension de l'exigibilité de ses crédits accordés par une ordonnance du juge d'instance de Thonon-les-Bains rendue le 16 septembre 2016, circonstances qui ne pouvaient pas être anticipées par la banque lors de l'octroi du prêt. Il n'est pas plus démontré que le Crédit Mutuel a manqué à ses obligations de mise en garde et de conseil quant à la souscription du prêt en Francs suisses dans la mesure où tant l'offre de prêt que l'acte de prêt stipulent : «Il est expressément convenu que l'emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et l'euro, qui pourrait intervenir jusqu'au complet remboursement du prêt. L'emprunteur déclare connaître parfaitement les caractéristiques de l'investissement financé ainsi que les risques inhérents à ce type d'investissement, avoir consulté ses conseillers juridiques et fiscaux habituels et décharge expressément le prêteur de toute obligation de conseil ou de renseignement à cet égard.» Ces stipulations ne constituent pas une clause abusive contrairement à ce que soutiennent les époux X... sur le fondement des dispositions de l'article R 132-1 du code de la consommation qui, dans ses termes actuels résultent d'un décret du 18 mars 2009 donc postérieur au prêt litigieux et qui dans sa rédaction antérieure ne visait que les contrats de ventes, ainsi que cela ressort de la pièce 7-1 produite par les époux X... eux même, sans que l'article L 132-1 du code de la consommation permette d'élargir le champ d'application des dispositions de l'article R 132-1. En outre ces clauses ne sont pas retenues ici en ce qu'elles déchargent le Crédit Mutuel de sa responsabilité, mais, ainsi que l'a retenu le premier juge, en ce qu'elles manifestent que les époux X... ont été informés du possible changement de la parité entre le Franc suisse et l'euro. Il ressort, en outre, des historiques de la parité entre ces devises, produits par les deux parties, qu'entre les années 1999 et 2009 comprise la parité a été stable, sans que rien ne démontre qu'il était prévisible, au printemps 2008, que le Franc suisse se renchérirait comme il l'a fait par la suite et il faut tenir compte de ce que le salaire de monsieur .... X... a subi, comme les échéances du prêt, ce renchérissement. Il convient, par ailleurs, de rappeler que le contrat stipule que «L'emprunteur a toujours la faculté de rembourser en euros les échéances au moment de leur prélèvement», les époux X... gardant ainsi la possibilité de convertir leur prêt en euros. Le prêt souscrit par les époux X... n'entraînait donc pas de risque d'endettement excessif. Le tribunal a, en outre, souligné fort à propos que les époux X... ne démontraient pas avoir subi de préjudice puisqu'il n'est pas possible de déterminer jusqu'au remboursement total du prêt devant intervenir en 2039, si les fluctuations à venir du taux de change seront, ou non, favorables aux époux X.... Les époux .... X... et .... Y... seront, en conséquence, déboutés de leurs demandes de ce chef. Sur les demandes de réparation des époux X... En l'absence d'irrégularité sanctionnée du contrat de prêt souscrit par les époux .... X... et .... Y... auprès de la Caisse de Crédit Mutuel du Chablais par acte authentique du 5 septembre 2008, dont il convient de rappeler que le remboursement est toujours en cours sans incident déploré par la banque, les emprunteurs seront déboutés de l'intégralité de leurs demandes indemnitaires, de publication et au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Sur les demandes de la Caisse de Crédit Mutuel du Chablais Les époux ....X. et .... Y... seront condamnés à payer à la Caisse de Crédit Mutuel du Chablais la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Ils supporteront les dépens. PAR CES MOTIFS LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la Loi, statuant publiquement, par décision contradictoire, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions. Y ajoutant, Condamne les époux....l X... et .... Y... à payer à la Caisse de Crédit Mutuel du Chablais la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Condamne les époux .... X... et .... Y... à supporter les dépens exposés en appel et autorise maître Corine Bigre, avocate, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision. Ainsi prononcé publiquement le 04 mai 2017 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Sylvie DURAND, Greffier.
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Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS 24ème Chambre - Section C ARRET DU 10 JANVIER 2008 (no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 06/17143 Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Septembre 2006 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de PARIS - Section C / Cabinet 7 RG no 04/42899 Madame X... Née le 26 janvier 1976 à Sig (Algérie) demeurant ... représentée par la SCP Pascale NABOUDET-VOGEL - ... Y..., avoués à la Cour assistée de Me Francois Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : A 249, Monsieur ... A... Né le 24 novembre 1967 à Mostaganem (Algérie) demeurant ... représenté par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour assisté de Me Sophie B..., avocat au barreau de PARIS, toque : A173, substituant le jour de l'audience Me Nicolay C..., avocat au barreau de PARIS, toque C1234, COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 22 Novembre 2007, en chambre du conseil, devant la Cour composée de : Marie-Laure ROBINEAU, présidente Annick FELTZ, conseillère Claire MONTPIED, conseillère chargée du rapport qui en ont délibéré. Greffière, lors des débats : Nathalie GALVEZ - CONTRADICTOIRE - prononcé en audience publique par Marie-Laure ROBINEAU, présidente. - signé par Marie-Laure ROBINEAU, présidente et par Nathalie GALVEZ, greffière présente lors du prononcé. M. .A..., né le 24 novembre 1967 à Mostaganem (Algérie), et Mme . X..., née le 26 janvier 1976 à Sig (Algérie), se sont mariés le 26 mai 2001 devant l'officier d'état civil de Paris (75), sans contrat de mariage préalable. De leur union, est né V..., le 16 octobre 2002 . Par ordonnance du 9 mars 2005, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris a , - autorisé les époux à résider séparément, - attribué à l'épouse le jouissance du logement familial, - fixé à 800€ par mois la pension alimentaire due par l'époux au titre du devoir de secours, - rappelé l'exercice en commun de l'autorité parentale, - fixé la résidence habituelle de l'enfant chez sa mère avec un droit de visite et d'hébergement au père les 2ème et 4ème fins de semaine de chaque mois, - fixé à 500€ par mois la part contributive du père à l'entretien de l'enfant. Par assignation du 23 mai 2005, M. A... a formé une demande en divorce sur le fondement de l'article 242 du Code civil. Par jugement contradictoire dont appel, rendu le 12 septembre 2006, auquel la Cour se réfère pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales des parties, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris a : - prononcé aux torts de M. A... le divorce des époux, avec toutes conséquences de droit - autorisé l'épouse à conserver l'usage du nom de son mari, - dit qu'à titre de prestation compensatoire, M. A... devra verser payer à Mme X..., la somme de 10.000 euros, - débouté Mme X... de sa demande de dommages et intérêts, - rappelé que l'autorité parentale est exercée en commun par les parents sur l'enfant V..., - fixé la résidence habituelle chez la mère, - dit que sauf meilleur accord, le père recevra l'enfant : - les 2ème et 4ème fins de semaine de chaque mois du vendredi 17 heures au dimanche 19 heures, - la première moitié des petites vacances scolaires les années paires et la seconde moitié les années impaires, - durant les vacances d'été, la première quinzaine de juillet et d'août les années paires, la seconde quinzaine de juillet et d'août les années impaires, - fixé la contribution mensuelle à l'entretien et à l'éducation de V... à la somme de 500 euros indexée, qui devra être versée d'avance par le père au domicile ou à la résidence de la mère, prestations familiales en sus, - prononcé l'interdiction de sortie du territoire de l'enfant sans l'autorisation des deux parents, - débouté les parties de toutes autres demandes, - dit que M. A... devra payer à Mme X... la somme de 1.500 euros en application de l'article l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - dit que les dépens seront supportés par M. A.... Mme ... X... a interjeté appel de ce jugement le 3 octobre 2006. Vu les dernières conclusions, auxquelles la Cour se réfère, conformément aux dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, en date des 24 octobre 2007 pour Mme... X..., appelante, et 8 novembre 2007 pour M. ... A..., intimé, qui demandent à la Cour de : *Mme .... X..., - déclarer recevable et bien fondé son appel - débouter M. A... de son appel incident, - confirmer le jugement donc appel en ce qu'il a prononcé le divorce aux torts exclusifs du mari, et en ce qui concerne les mesures pour l'enfant ..., - réformer le dit jugement et porter à la somme de 80.000 euros, le montant de la prestation compensatoire, - condamner M. A... au paiement de ladite somme, - condamner M. A... , à lui payer 60.000 euros à titre de dommages et intérêts, - dont 30.000 euros au visa de l'article 266 du Code civil et 30 000 euros au visa de l'article 1382 du même Code, - le condamner au paiement de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - confirmer, pour le surplus, le jugement dont appel, - débouter M. A... de toutes ses demandes, fins et conclusions, - le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel ; - le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident, - débouter Mme X... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, - infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a : - prononcé le divorce à ses torts exlusifs, - fixé la contribution à l'entretien et à l'éducation de V. à la somme de 500 euros par mois, - ordonné le versement à son épouse d'une prestation compensatoire d'un montant de 10.000 euros, statuant à nouveau, - prononcer le divorce aux torts exclusifs de Mme ... X..., - fixer à 200 euros sa contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant outre la prise en charge par moitié des éventuels frais de scolarité, - débouter Mme X... de sa demande de prestation compensatoire - confirmer le jugement entrepris sur le surplus, - ordonner le mention du jugement à intervenir en marge de l'acte de mariage des époux, et des actes de naissance des époux, - condamner Mme ... X... au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ; Vu l'ordonnance de clôture en date du 15 novembre 2007 ; CELA ÉTANT EXPOSÉ, Sur la procédure Considérant que la recevabilité de l'appel n'est pas contestée; que les pièces du dossier ne font apparaître aucune fin de non recevoir susceptible d'être relevée d'office; que l'appel sera déclaré recevable ; Considérant, bien que l'appel soit général, que les parties ne remettent pas en cause les dispositions du jugement relatives à l'autorité parentale, à la résidence de l'enfant et aux droits de visite et d'hébergement du père ainsi qu'à l'interdiction de sortie du territoire français sans l'accord des deux parents lesquelles, reposant sur une analyse pertinente du premier juge au vu des documents probants produits, doivent être confirmées ; que, par ailleurs, M. ... A... ne s'oppose pas à ce que Mme ... X... conserve l'usage du nom marital ; que le jugement sera confirmé de ce chef ; Considérant que la loi du 26 mai 2004 relative au divorce est entrée en vigueur le 1er janvier 2005 ; que la procédure est postérieure ; que les dispositions de cette loi sont applicables ; qu'en conséquence les articles du code civil seront visées sous leur nouvelle numérotation ; Sur le divorce Considérant que, sur le fondement de l'article 242 du code civil, il appartient à chaque époux qui sollicite le divorce de prouver les faits imputables à l'autre qui constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendent intolérable le maintien de la vie commune ; Considérant que Mme .... X... reproche à son mari de n'avoir cherché en l'épousant qu'à régulariser sa situation en France, d'avoir abandonné le domicile conjugal, d'avoir mené une double vie, de s'être désintéressé d'elle, de n'avoir qu'insuffisamment participé aux charges du mariage malgré ses moyens ainsi que ses propos outrageants et agressifs ; Considérant que M. ... A... reproche à son épouse son désintérêt pour lui et son infidélité; qu'il l'accuse également de n'avoir pas participé aux charges du ménage et d'avoir fait des dépenses inconsidérées ; Considérant que M. ... A... reconnaît avoir quitté en février 2004 le domicile conjugal sans autre motif que celui de préserver leur enfant des disputes conjugales, ce qui ne justifie pas son départ brutal avant d'y avoir été autorisé par le juge conciliateur ; qu'il est également établi par les attestations de M. Abed D... et de Mme E... que M. ... A... a tenu des propos agressifs à l'égard de Mme ... X... ; qu'une telle attitude constitue une violation des obligations du mariage rendant intolérable la poursuite de la vie commune ; Considérant, en revanche, que M. .. A... n'établit pas les griefs qu'il allègue à l'encontre de son épouse ; qu'il se borne en effet à indiquer qu'il avait des doutes sur sa fidélité sans autrement en justifier ; que rien n'établit non plus le désintérêt de cette dernière pour son mari; qu'enfin, l'examen des seuls relevés du compte joint ouvert par les époux à la Bred ne permet pas de constater la réalité du caractère dépensier de Mme ... X... ni son absence de contribution aux charges du ménage, le seul fait que Mme... X... n'y verse pas ses revenus ne prouvant pas qu'elle ne faisait de son côté aucune dépense pour le ménage; Considérant, en conséquence, nonobstant les griefs soit non démontrés soit non pertinents, que sont ainsi établis, à l'encontre de M. ... A... seul des faits constituant une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune et justifiant le prononcé du divorce à ses torts exclusifs ; que le jugement dont appel sera confirmé de ce chef ; Sur la prestation compensatoire Considérant que le divorce met fin au devoir de secours mais que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vie respectives ; que cette prestation, qui a un caractère forfaitaire, est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle ci dans un avenir prévisible ; que cette prestation prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge qui décide des modalités selon lesquelles elle s'exécutera ; Considérant que, dans la détermination des besoins et des ressources, le juge prend en considération, notamment, la durée du mariage, l'âge et l'état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelles, les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux durant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, leur patrimoine estimé ou prévisible, tant en capital qu'en revenu après la liquidation du régime matrimonial, leurs droits existants et prévisibles et leur situation respective en matière de pension de retraite ; Considérant que cette prestation prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge qui décide des modalités selon lesquelles elle s'exécutera, versement d'une somme d'argent, attribution de biens en propriété ou d'un droit temporaire en viager d'usage, d'habitation ou d'usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier, sous réserve de l'accord de l'époux débiteur quand il s'agit de l'attribution en propriété de biens qu'il a reçus par succession ou donation ; Considérant que le mariage a duré 6 ans à ce jour ; que M. ... A... est âgé de 40 ans et Mme ... X... de 31 ans ; qu'ils ont un enfant ; Considérant que Mme ... X... qui est préparatrice en pharmacie travaille à mi-temps dans le cadre d'un contrat à durée déterminée et perçoit un revenu de 1.100€ ; qu'elle a la charge essentielle de V âgé d'à peine 5 ans et peut difficilement, en l'état, envisager un emploi à plein temps; Considérant que M. ... A... est, selon ses bulletins de salaire de 2006, directeur général de la société SAS Boudaa Finances ; que, selon ses bulletins de salaire de l'année 2004, il était directeur général de la SAS Victoires Opéra ; qu'il est également, selon l'extrait Kbis de septembre 2007, directeur général d'une SAS Grand Hotel du Havre au capital de 2.550.776,96€ situé ... ; que les bulletins de salaire produits permettent de constater qu'il perçoit environ 2.000€ de salaire mensuel net ; qu'il perçoit, en outre, des revenus fonciers d'un montant déclaré de 22.362€ en 2005 et de 50.521€ en 2006, soit, en 2006, 4.210€ par mois ; qu'il a, en conséquence, perçu au cours de l'année 2006 au moins 6.210€ par mois; qu 'il a également, en mai 2003, reçu de ses parents en donation partage diverses parts sociales, dont certaines en pleine propriété, pour une valeur de 589.740€ provenant de son père et de 79.520€ provenant de sa mère ; qu'il doit cependant verser une soulte à ses frère et soeur d'un montant de 2.654€ par mois ; qu'il admet également avoir reçu des fonds provenant de la vente d'un fonds de commerce en Algérie acquis avant son mariage ; que Mme ... X... qui allègue qu'il dispose d'autres biens en Algérie n'en apporte pas la preuve ; Considérant que si la prestation compensatoire n'est pas destinée à égaliser les fortunes, ni à corriger les conséquences du régime matrimonial adopté par les époux elle doit néanmoins permettre d'éviter que l'un des époux soit plus atteint que l'autre par le divorce ; Considérant que, des éléments ci-dessus rappelés, il ressort que le prononcé du divorce entraînera une disparité dans les conditions de vie respectives des époux au détriment de la femme ; qu'il convient de compenser cette disparité, compte tenu du jeune âge de Mme .... X... et de la faible durée du mariage par le versement d'un capital de 20.000€ ; Sur la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants Considérant que chaque parent doit participer en fonction de ses capacités contributives à l'entretien des enfants; que cette obligation subsiste tant que l'enfant n'est pas capable de subvenir seul à ses besoins ; Considérant qu'eu égard aux besoins de l'enfant de santé fragile et aux montants respectifs des revenus des parties tels que ci-dessus exposés , il convient de confirmer le montant de la part contributive mise à la charge du père par le premier juge; que le jugement sera confirmé sur ce point ; Sur les dommages-intérêts Considérant, sur le fondement de l'article 266 du Code civil, que le conjoint innocent peut obtenir la réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage ; que, sur le fondement de l'article 1382, chacun d'eux ne peut prétendre à des dommages-intérêts qu'en apportant la preuve d'une faute de l'autre époux entraînant pour lui un préjudice particulier indépendant de celui résultant de la rupture du lien conjugal ; Considérant que Mme ... X... justifie des difficultés qu'elle a dû supporter pour faire face aux impayés de loyers et de téléphone et des répercussions sur sa santé des diverses démarches et procédures auxquelles elle a dû faire face notamment devant le tribunal d'instance, sans le soutien de son mari qui ne s'est pas présenté à l'audience, pour les impayés du loyer de l'appartement situé ... dont il a été également l'occupant ; Considérant qu'il résulte de ces éléments que le comportement fautif du mari et la dissolution du mariage font subir à Mme ... X... un préjudice à la fois matériel et moral qu'il y a lieu de réparer en lui allouant la somme de 1.500€ à titre de dommages et intérêts ; Sur les dépens et l'article 700 du nouveau Code de procédure civile Considérant que M. ... A... , qui succombe, doit supporter les dépens et ne saurait bénéficier d'une indemnité pour frais de procédure ; qu'il convient d'allouer à Mme ... X... , au titre des frais judiciaires non taxables exposés en appel, la somme de 1.500 euros ; PREND LA DÉCISION SUIVANTE, Infirme le jugement déféré en ce qui concerne le montant de la prestation compensatoire et les dommages et intérêts ; Statuant à nouveau de ces chefs, Condamne M. ...A... à payer à Mme .. X... à titre de prestation compensatoire un capital de 20.000€ ; Condamne M. ... A... au paiement d'une somme de 1.500€ à titre de dommages et intérêts ; Confirme pour le surplus la décision déférée ; Condamne, en outre, M. ... A... à payer à Mme ... X... la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes des parties ; Condamne M. ... A... aux dépens d'appel dont le montant sera recouvré par la SCP Naboudet-Hatet, avoué, dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
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COUR D'APPEL DE DOUAI CHAMBRE 8 SECTION 3 ARRÊT DU 14/09/2006 * * * No RG : 05/03615 Tribunal de Grande Instance de DOUAI du 16 Mai 2005 REF : DS/VC APPELANTS Monsieur Patrick X... né le 16 Mai 1958 à FIEFZ demeurant : ... - 59310 FAUMONT Représenté par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour Madame Y... Claude Z... née le 02 Février 1957 à CAMBLIAIM CHATELAIN demeurant : ... - 59310 FAUMONT Représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour INTIMÉS Madame Denise A... veuve B... née le 11 Février 1946 à PLOEGSTREERT (BELGIQUE) demeurant : ... - 59370 MONS EN BAROEUL Représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour Assistée de la SCP LEBAS BARBRY & ASSOCIÉS, avocats au barreau de LILLE Madame Virginie B... épouse C... née le 23 Septembre 1968 à LILLE (59000) demeurant : ... - 86500 MIGNALOUX BEAUVOIR Représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour Assistée de la SCP LEBAS BARBRY & ASSOCIÉS, avocats au barreau de LILLE Monsieur Nicolas B... né le 19 Mars 1972 à LILLE (59000) demeurant : ... Hazebrouck - 59890 DEULEMONT Représenté par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour Assisté de la SCP LEBAS BARBRY & ASSOCIÉS, avocats au barreau de LILLE DÉBATS à l'audience publique du 11 Mai 2006, tenue par M. SCHAFFHAUSER magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 NCPC). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe. GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme P. PAUCHET COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ M. SCHAFFHAUSER, Président de chambre M. DEJARDIN, Conseiller Mme PAOLI, Conseiller ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 SEPTEMBRE 2006 après prorogation du délibéré du 29 Juin 2006 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par M. SCHAFFHAUSER, Président et Mme P. PAUCHET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire. ORDONNANCE DE CLÈTURE DU 13 AVRIL 2006 Vu le jugement prononcé contradictoirement par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Douai, le 16 mai 2005 ; Vu l'appel formé le 13 juin 2005 ; Vu les conclusions déposées pour M Patrick X... et Mme Y...- Claude Z..., son épouse, appelants, les 7 octobre 2005 et 12 avril 2006 ; Vu les conclusions déposées pour Mme Denise A... veuve B... , M Nicolas B... et Mme Virginie B... épouse C... , ( " les consorts B..." ) , intimés, le 14 avril 2006 ; Vu l'ordonnance de clôture du 13 avril 2006 ; Vu les conclusions déposées pour les consorts B..., intimés, le 14 avril et le 11 mai 2006 ; Attendu que le tribunal de grande instance de Lille, par jugement du 13 septembre 1995, a, entre autres dispositions, condamné M et Mme X... à démolir la construction réalisée en extension de leur immeuble situé à Mons en Baroeul, telle qu'elle est figurée sous liseré de couleur au plan dressé par l'expert judiciaire, dans un délai de quatre mois de la signification du jugement, sous astreinte de 500F ( 76, 22 ç) par jour de retard ; que, par arrêt du 27 octobre 1997, cette cour a confirmé ce jugement ; que la troisième chambre civile de la Cour de cassation, par arrêt du 23 mai 2000, a rejeté le pourvoi formé contre cet arrêt ; Attendu que l'astreinte provisoire prononcée a été liquidée à la somme de 15 000 ç et une nouvelle astreinte définitive de 150 ç, par jour de retard, pendant deux mois a été fixée, par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Douai, par jugement du 15 juillet 2002; que par jugement du 19 juillet 2004, ce même magistrat ordonnait la liquidation de l'astreinte définitive à la somme de 9 150 ç et fixait une nouvelle astreinte définitive, pendant deux mois, de 300 ç par jour de retard, que cette cour, par arrêts du 15 janvier 2004 puis du 29 septembre 2005, a confirmé ces décisions ; Attendu que le juge de l'exécution , par le jugement visé ci-dessus, ordonne la liquidation de cette nouvelle astreinte définitive à la somme de 18 300 ç , fixe une nouvelle astreinte définitive de 600 ç par jour de retard , pendant deux mois , à compter de la signification du jugement et condamne M et Mme X... à verser aux consorts B..., sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, une indemnité de 600 ç ; Attendu que M et Mme X... ont interjeté appel de ce jugement ; Attendu que les consorts B... demandent le rejet des conclusions de "dernière heure" déposées par les appelants le 12 avril 2006, la veille de l'ordonnance de clôture, sans démontrer en quoi ces conclusions justifiaient une réplique de leur part et portent ainsi aux droits de la défense ; que dés lors , leur demande ne peut être accueillie ; Attendu qu'en revanche, doivent être écartées des débats les conclusions déposées par eux le 11 mai 2006, dés lors que , conformément à l'avis qui leur a été donné le 17 janvier 2006 , la clôture de l'ordonnance a été prononcée le 13 avril 2006 ; Attendu qu'en effet, aux termes de l'article 783 du nouveau code de procédure civile, "après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office" ; Attendu qu'à l'appui de leur appel, M et Mme X... contestent l'inobservation par eux de la servitude de vue et soutiennent avoir respecté le jugement du tribunal de grande instance de Lille du 16 juillet 1985 qui , après avoir constaté que " les travaux actuels ne portent pas atteinte à la servitude dont bénéficient les époux B..." leur a interdit de " poursuivre l'exécution des travaux qui contreviendrait à cette servitude" ; qu'ils prétendent ne pas être en mesure d'exécuter les travaux sans donner congé à leur locataire, M D..., âgé de 95 ans qu'ils ne peuvent expulser ; Attendu qu'ils concluent à l'infirmation du jugement entrepris, au rejet de la demande en liquidation de l'astreinte, à la restitution des fonds versés au titre de l'astreinte, à la condamnation des consorts B... au paiement de la somme de 424 500 ç à titre de dommages et intérêts, de celle de 20 000 ç pour procédure abusive, à une indemnité de 1 500 ç, sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Attendu que les consorts B... concluent à la confirmation du jugement entrepris, à la condamnation de M et Mme X... au paiement d'une somme de 2 000 ç pour appel abusif et d'une indemnité de 1 500 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Attendu que d'après eux, l'attitude de M et Mme X... qui refusent d'exécuter des décisions de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée procède d'un abus du droit d'ester en justice , aucune circonstance ne pouvant justifier l'inexécution des travaux ordonnés , il y a plus de dix ans, par le jugement prononcé le 16 juillet 1995 ; SUR CE Sur l' astreinte : Attendu que M et Mme E... , initialement seuls propriétaires de l'ensemble immobilier aujourd'hui divisé entre les parties , ont, en cédant l'immeuble aujourd'hui propriété des consorts B... , constitué au profit des acquéreurs une servitude de vue ; Attendu qu'en effet , l'acte de vente contient ,sous la rubrique " servitudes" , une clause ainsi libellée : " A cet égard, il est observé que le petit bureau situé derrière la salle à manger est éclairé par un châssis vitré à verre dormant sur la cour de l'immeuble contigu appartenant aux vendeurs. M et Mme E... s'interdisent expressément pour eux et leurs ayants-droit, d'élever , dans la cour de l'immeuble restant leur appartenir , toute construction pouvant restreindre ou retirer ce jour dont profite la pièce en question et celles voisines, mais seulement sur une longueur égale au châssis vitré dont s'agit et sur une largeur de 4 m ; d'autre part , il est expressément stipulé que ledit châssis devra toujours rester à verre dormant" ; Attendu que le tribunal de grande instance de Lille, le 13 septembre 1995, pour ordonner la démolition d'une partie de la construction édifiée par M et Mme X... dans la cour de l'immeuble, a relevé que cette construction "s'étend sur une longueur de 1,50 m front au châssis vitré du bureau des époux B... ; cette construction occulte donc la majeure partie du jour donc profite la pièce en question puisque son châssis mesure 1,84 m" ; Attendu que, pour néanmoins prétendre ne pas avoir porté atteinte à la servitude de vue bénéficiant aux consorts B..., M et Mme X... soutiennent ne pas avoir réalisé d'autres travaux que ceux dont l'exécution a été jugée conforme à cette servitude par le tribunal de grande instance de Lille, le 16 juillet 1985 ; Attendu que, cependant, si le tribunal de grande instance de Lille, le 16 juillet 1985, a mentionné que " les travaux effectués....ne portent pas atteinte à la servitude", le tribunal de grande instance de Lille, le 13 septembre 1995, a estimé qu'il n'a ainsi été nullement jugé que la construction occultant sur une longueur de 1,50 M le châssis vitré ne gênait en rien les époux B... et ne portait pas atteinte à leurs droits ; Attendu que l'autorité de la chose jugée désormais attachée à cette décision oblige M et Mme X... à exécuter la démolition ordonnée dans son dispositif dont l'opportunité ne peut plus être débattue devant le juge de l'exécution qui, aux termes de l' article 8 du décret 92-755 du 31 juillet 1992, ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert au fondement aux poursuites ni en suspendre l'exécution ; Attendu qu'à toutes fins et de manière surabondante, il sera relevé que le tribunal de grande instance de Lille, le 16 juillet 1985, pour estimer que les travaux réalisés ne portent pas atteinte à la servitude de vue , s'est fondé sur les travaux exécutés avant l'arrêt des travaux ordonné le 13 mars 1984 par le juge des référés ; Attendu qu'en effet , le jugement du 16 juillet 1985 motive ainsi cette appréciation ( page 3 du jugement ) : " Attendu qu'il n'est pas contesté que les travaux effectués , dans leur état actuel ensuite de l'arrêt des travaux consécutif à l'ordonnance du 13 mars 1984 ... ne portent pas atteinte à la servitude..." ; Attendu que le juge des référés avait été saisi alors que, selon l'acte introductif d'instance du 6 février 1984 , M et Mme X... avaient "entrepris d'ériger dans leur cour un mur...dont la construction si elle est poursuivie , aura pour effet d'obstruer dans sa plus grande partie le châssis vitré" et avait constaté l'accord des parties aux termes duquel M et Mme F... ne poursuivront pas l'exécution des travaux portant atteinte à la servitude de vue ( construction de pièces annexes comportant un étage ) et pourront continuer l'exécution des travaux de dallage qu'ils ont entrepris ; Attendu qu'il n'est pas soutenu et encore moins prouvé que lors de la conclusion de l'accord en mars 1984 le mur obstruant sur 1,50 m le châssis vitré de 1,84 M était déjà construit; qu'il s'ensuit que la situation décrite dans le constat dressé le 12 août 1985, postérieurement au prononcé du jugement du 16 juillet 1985 , n'est pas celle qui a été soumise au tribunal de grande instance pour fonder ce jugement ; Attendu qu'en conséquence, l'astreinte doit être liquidée ; Attendu qu'aux termes de l'article 36 de la loi 91-650 du 9 juillet 1991, le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation sauf s'il est établi que l'inexécution ou le retard provient d'une cause étrangère ; Attendu que pour prétendre qu'une cause étrangère s'oppose à l'exécution des travaux, M et Mme X... invoquent d'une part le recours en révision introduit par eux et d'autre part la présence dans les lieux d'un locataire âgé de 95 ans ; Attendu que, cependant, le recours en révision, voie extraordinaire de recours en vertu de l'article 527 du nouveau code de procédure civile, est dépourvu de l'effet suspensif attaché par l'article 539 du nouveau code de procédure civile au seul recours exercé par la voie ordinaire; Attendu que dès lors, tant qu'il n'en est pas autrement ordonné, les travaux ordonnés par une décision de justice passée en force de chose jugée doivent être exécutés et l'engagement d'un recours en révision ne peut constituer un empêchement légitime à une telle exécution ; Attendu que M et Mme X... ne justifient pas avoir tenté d'exécuter les travaux prescrits et d'avoir été empêchés de les poursuivre en raison de l'occupation par des locataires d'une partie des locaux ; qu'ils ne peuvent donc prétendre que l'inexécution des travaux a pour cause leur présence; Attendu que le Attendu que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a liquidé à 18.300 ç l'astreinte encourue de 300 ç par jour de retard pendant deux mois ; qu'il sera également confirmé en ce qu'il a porté à 600 ç par jour de retard pendant deux le taux de l'astreinte définitive ; que, toutefois, pour inciter à une exécution volontaire des travaux , un délai de huit mois sera laissé avant que la nouvelle astreinte ne court afin de favoriser dans ce délai la résolution de toutes les difficultés qui pourraient surgir dans ce délai ; Sur les dommages et intérêts et frais : Attendu que M et Mme X... ont interjeté appel , à nouveau, d'un jugement ayant liquidé l'astreinte encourue par eux pour inexécution de travaux ordonnés par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée en prétendant ne pas être tenus d'exécuter les travaux alors qu'à deux reprises, déjà , cette cour a rejeté leur recours à l'encontre de précédentes liquidations en raison du caractère exécutoire de l'obligation de démolir ; Attendu qu'une telle attitude a causé un préjudice matériel et moral aux consorts B... qui ne peuvent obtenir exécution d'une décision de justice rendue en leur faveur depuis plus de dix ans ; qu'une somme de 2 000 ç leur sera allouée à titre de dommages et intérêts, en application de l'article 559 du nouveau code de procédure civile , en raison de cet appel abusif; Attendu que , partie perdante, M et Mme X... seront condamnés aux dépens ; Attendu qu'aucune circonstance ne justifie d'écarter l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; que sur ce fondement, M et Mme X..., tenus aux dépens, verseront une indemnité de 500 ç à chacun des consorts B... ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a fixé à deux mois après la signification le point de départ de la nouvelle astreinte encourue. Ecarte des débats les conclusions déposées le 11 mai 2006. Statuant à nouveau , de ce chef : Fixe à huit mois après la signification des présentes le point de départ de l'astreinte définitive de 600 ç par jour de retard, pendant deux mois. Ajoutant au jugement entrepris. Condamne M Patrick X... et Mme Marie-Claude Z..., son épouse, à verser à Mme Denise A... , Mme Virginie B... épouse C... et à M Nicolas B... ensemble une somme de 2000 ç à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et à chacun une indemnité de 500 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Condamne M Patrick X... et Mme Marie-Claude Z..., son épouse, aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT, P. PAUCHET D. SCHAFFHAUSER
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DOSSIER N 00/00708- ARRÊT DU 6 SEPTEMBRE 2000 Pièce à conviction : néant Consignation P.C. : néant COUR D'APPEL DE PARIS 13ème Chambre, section A (N , pages) Prononcé publiquement le MERCREDI 6 SEPTEMBRE 2000, par la 13ème Chambre des Appels Correctionnels, section A, Sur appel d'un jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MEAUX - 3EME CHAMBRE du 12 OCTOBRE 1999, PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR : X... Y... né le 21 Décembre 1960 à Orly (94) de Marcel et de MICHON Josette de nationalité française, situation familiale inconnue Vendeur demeurant xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxPrévenu, comparant, libre Appelant Assisté de Maître FOUGERE Andrée, avocat au barreau de PARIS. lA SCP PERNEY ET ANCEL MANDATAIRE LIQUIDATEUR DE M. X... sise 49 avenue du Président Salvador Allendé 77100 Meaux, partie intervenante, appelante, non comparante, non représentée. LE MINISTÈRE PUBLIC : Appelant, Z... A..., demeurant 13 rue de Signet - 77260 SAMMERON Partie civile, non appelant, représenté par sa mère Z... suivant pouvoir régulier remis ce jour à la Cour. AA... , ... par Maître GUERIN Christine, substituant Maître GERPHAGNON, avocat au barreau de BB..., demeurant xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx- xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx Partie civile, non appelante, comparante, Sans avocat. CC... divorcée G..., demeurant xxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxx- 77100 MEAUX Partie civile, non appelante, non comparante, DD..., demeurant xxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxPartie civile, non appelante, non comparante, MARTINEZ I..., ayant demeuré 217 rue du Foyer 77750 LE PETIT BASSEVELLE, Partie civile, non appelant, non comparant, FF..., demeurant Place - 02400 CHATEAU THIERRY Partie civile, non appelant, non comparant, JJ..., ayant demeuré xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxPartie civile, non appelant, non comparant, HH..., demeurant xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx Partie civile, non appelante, non comparant, II.., demeurant xxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx - 77660 SAINT JEAN LES DEUX JUMEAUX Partie civile, non appelante, non comparante, COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré Président Monsieur N..., Madame B..., GREFFIER : Madame O.... MINISTÈRE PUBLIC : représenté aux débats par Monsieur P..., Avocat Général, et au prononcé de l'arrêt par Monsieur Q..., Avocat Général. RAPPEL DE LA PROCÉDURE : LA PREVENTION : X... Y... est poursuivi pour avoir, à Verdelot, la Ferté sous Jouarre et sur le territoire national, entre le 1er Septembre 1996 et le 29 Juillet 1997, en tout cas surdepuis temps n'emportant pas prescription : - trompé EE, A... Z..., FF, B... JJ, B... C..., AA... KK, DD, L... HH, BB..., ll, MM, NN, B... XX, OO, PP, F... CC, RR, SS, II, ZZ, ..JJ sur la nature des animaux de compagnie, en l'espèce en vendant ces animaux en mauvais état de santé. - détourné, au préjudice de Monsieur R..., la somme de 500 francs, qui lui avait été remise à charge de la rendre ou la représenter ou d'en faire usage déterminé, en l'espèce la livraison d'un chien. LE JUGEMENT : Le Tribunal, par jugement d'itératif défaut, a : vu les articles 494 et 495 du code de procédure pénale, déclaré l'opposition non avenue, dit que le jugement du 02/02/1999 porterait son plein effet et serait exécuté selon ses forme et teneur, a dit que cette décision était assujettie au droit fixe de procédure de 600 Francs dont est redevable le condamné, ledit jugement ayant : déclaré X... Y... coupable de TROMPERIE SUR LA NATURE, LA QUALITE, L'ORIGINE OU LA QUANTITE D'UNE MARCHANDISE, faits commis du 1 septembre 1996 au 29 juillet 1997, à Verdelot, La Ferté sous Jouarre, sur le territoire national, infraction prévue par l'article L.213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L.213-1, L.216-2, L.216-3 du Code de la consommation coupable d'ABUS DE CONFIANCE, 1 septembre 1996 au 29 juillet 1997, à Verdelot, La Ferté ss Jouarre, infraction prévue par l'article 314-1 du Code pénal et réprimée par les articles 314-1 AL.2, 314-10 du Code pénal et, en application de ces articles, vu les articles 131-5 et 131-25 du code pénal, l'a condamné, à titre de peine principale, à une amende de 20.000 F sous la forme de 200 jours-amende à 100 Francs par jour, rappelé que le montant global de l'amende serait exigible à l'expiration du délai correspondant au nombre de jours-amende prononcés et que le défaut total ou partiel de paiement de ce montant entraînerait l'incarcération du condamné pour une durée correspondant à la moitié du nombre de jours-amende impayés, statuant sur l'action civile, reçu EE en sa constitution de partie civile déclaré Y... X... et UU entièrement responsables du préjudice personnel subi par la partie civile, condamné solidairement X... Y... et GUIONNET Karine, cette dernière non en cause d'appel, à lui payer la somme de 4769 francs à titre de dommages-intérêts majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement, reçu A... Z... en sa constitution de partie civile déclaré Y... X... entièrement responsables du préjudice personnel subi par la partie civile, condamné X... Y... à lui payer la somme de 12.400 francs à titre de dommages-intérêts majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement, reçu FF en sa constitution de partie civile déclaré Y... X... et UU entièrement responsables du préjudice personnel subi par la partie civile, condamné solidairement X... Y... et UU, cette dernière non en cause d'appel, à lui payer la somme de 2264 francs à titre de dommages-intérêts majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement, reçu B... C... ,AA en sa constitution de partie civile déclaré Y... X... et UU entièrement responsables du préjudice personnel subi par la partie civile, condamné solidairement X... Y... et UU, cette dernière non en cause d'appel, à lui payer la somme de 5000 francs à titre de dommages-intérêts et celle de 2500 francs sur le fondement de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement, reçu L... HH en sa constitution de partie civile déclaré Y... X... entièrement responsables du préjudice personnel subi par la partie civile, condamné X... Y... à lui payer la somme de 3000 francs à titre de dommages-intérêts et celle de 1000 francs sur le fondement de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement, reçu épouse BB... en sa constitution de partie civile déclaré Y... X... et UU entièrement responsables du préjudice personnel subi par la partie civile, condamné solidairement X... Y... et UU, cette dernière non en cause d'appel, à lui payer la somme de 1000 francs à titre de dommages-intérêts majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement, reçu F... CC divorcée G... en sa constitution de partie civile déclaré Y... X... entièrement responsables du préjudice personnel subi par la partie civile, condamné X... Y... à lui payer la somme de 4400 francs à titre de dommages-intérêts et celle de 1000 francs sur le fondement de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement, rejeté la demande de Madame F... G... formulée pour le préjudice affectif ressenti par ses enfants pour le compte desquels elle ne s'est pas constituée, reçu M... II en sa constitution de partie civile déclaré Y... X... entièrement responsables du préjudice personnel subi par la partie civile, condamné X... Y... à lui payer la somme de 8876 francs à titre de dommages-intérêts et celle de 1000 francs sur le fondement de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement, reçu JJ en sa constitution de partie civile déclaré Y... X... entièrement responsables du préjudice personnel subi par la partie civile, condamné X... Y... à lui payer la somme de 1975 francs à titre de dommages-intérêts et celle de 1000 francs sur le fondement de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement, condamné solidairement X... Y... et UU aux entiers dépens de l'action civile, a dit que cette décision était assujettie au droit fixe de procédure de 600 Francs dont est redevable chaque condamné. LES APPELS : Appel a été interjeté par : Monsieur X... Y..., le 20 Octobre 1999, sur les dispositions pénales et civiles contre Monsieur EE..., Monsieur Z... A..., Monsieur FF..., Madame AA..., DD..., Madame HH..., BB..., Madame CC..., Madame II..., Monsieur JJ... ; SCP PERNEY ET ANCEL MANDATAIRE LIQUIDATEUR DE MR X..., le 20 Octobre 1999, sur les dispositions civiles contre Monsieur EE..., Monsieur Z... A..., Monsieur FF..., Madame AA..., DD..., Madame HH..., Madame BB..., Madame CC..., Madame II..., Monsieur JJ.. ; M. le Procureur de la République, le 20 Octobre 1999, contre Monsieur X... Y... ; DÉROULEMENT DES DÉBATS : A l'audience publique du 21 JUIN 2000, le Président a constaté l'identité du prévenu ; A... Z... est représenté par sa mère suivant pouvoir déposé le 21 Juin 2000 ; BB.., CC... divorcée G..., DD..., EE..., FF..., JJ..., HH... et II... bien que régulièrement cités n'ont pas comparu ; la SCP PERNEY ET ANCEL mandataire liquidateur de Y... X... bien que régulièrement citée à personne morale n'a pas comparu; Maître FOUGERE et Maître GUERIN, Avocats, ont déposé des conclusions ; Ont été entendus : Monsieur le Conseiller N... en son rapport ; X... Y... en ses interrogatoire et moyens de défense ; Madame Z... et Madame BB... en leurs explications; Maître FOUGERE Andrée, Avocat, en sa plaidoirie ; Monsieur P..., Avocat Général, en ses réquisitions ; Maître GUERIN Christine, Avocat, en sa plaidoirie ; X... Y... et son avocat à nouveau qui ont eu la parole en dernier. Le Président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé le 6 SEPTEMBRE 2000. A cette date il a été procédé à la lecture de l'arrêt par l'un des magistrats ayant participé aux débats et au délibéré. DÉCISION : Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant sur les appels du prévenu de son mandataire liquidateur et du ministère public, interjetés à l'encontre du jugement entrepris qui fait corps avec celui rendu par défaut le 2 Février 1999 auquel il est fait référence pour l'exposé de la prévention ; Y... X..., présent, assisté de son avocate, demande à la Cour, par voie de conclusions, d'infirmer les jugements des 2/2/99 et 12/10/99 en toutes leurs dispositions, de le déclarer non coupable des délits d'abus de confiance et de tromperie, de prononcer à son profit une décision de relaxe et de déclarer irrecevables les constitutions de parties civiles par application de l'article 47 de la loi du 25/1/85 ; il précise qu'il a vendu des chiens qui paraissaient en bonne santé dans toute la France et qu'il n'avait pas l'intention de tromper les acheteurs de chiots ; Y... X... et la SCP PERNEY ET ANCEL, mandataire liquidateur de Y... X... ne comparait pas et la décision sera contradictoire à signifier à son égard ; M. l'avocat général s'en rapporte à justice ; AA est représentée par son avocat qui a déposé des conclusions dans lesquelles il demande à la Cour de déclarer irrecevable l'appel du prévenu à l'encontre des dispositions du jugement du 12/10/99, et à titre subsidiaire de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et sollicite une somme de 5.000 francs, en application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; A... Z..., est représentée par sa mère Julienne Z... qui demande la confirmation de la décision ayant prononcé sur les intérêts civils, outre une somme de 500 francs, en application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; BB..., est présente et demande la confirmation du jugement outre une somme de 1.200 francs, en application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; Les autres parties civiles F... CC, divorcée G..., DD, I...EE, FF, JJ, L... HH et M... II, ne comparaissent pas ; il sera donc statué par défaut à leur égard ; RAPPEL DES FAITS : Après une période assez longue de recherche d'emploi, Y... X... a décidé de créer sa propre entreprise de vente d'animaux de compagnie et s'est fait immatriculer au registre du commerce et des sociétés de Meaux le 15/10/96 ; il s'est approvisionné auprès de grossistes en Belgique ou dans les pays de l'est, pour avoir des prix très compétitifs et a vendu des animaux à des particuliers et des professionnels, notamment la société Baby Dog à la Ferté sous Jouarre, qui a commencé son activité en décembre 1996, avec pour gérante UU ; D'octobre à décembre 1996, il a vendu plus de 200 chiens et il a été informé de plaintes de ses clients au mois de mai 1997 ; ces plaintes l'ont conduit à la liquidation judiciaire prononcée le 9/2/98 par le tribunal de commerce de Meaux; Y... X... a été poursuivi avec UU :1°/ pour tromperie, pour avoir vendu des animaux en mauvais état de santé (chiots malades : hyperthermie, toux du chenil, gastro entérite aiguù entérite hémorragique, vers, pneumonie, teigne, coryza, maladie de Carré et parvovirose, ou décès quelques jours après la vente 7 animaux) et 2°/ pour abus de confiance, pour avoir détourné un acompte de 500 F versé par M. R..., qui n'a jamais eu son chien ; le prévenu a déclaré avoir vendu entre 30 et 150 chiens par mois et faire un bénéfice de 300 à 800 F par animal ; De nombreuses plaintes ont été déposées, parmi lesquelles : A... Z..., son Rottweiler, acheté 3.800 F, le 26/3/97, a été atteint de graves maladies altérant sa santé dès le 29/3 (trachée broncho pneumonie et gastro entérite) ; le coût des soins est évalué à 3.421,70 F et 1.000 F pour la perte de l'animal ; AA, a acheté un Labrador 2.900 F qui a été gravement malade, dès le lendemain de l'achat (diarrhée fièvre gastro entérite) a dépensé 2601 F de soins, BB..., est propriétaire d'un labrador, acheté 2.800 F qui est tombé malade le 29/12/96 à la suite d'une entérite hémorragique ; F... CC, divorcée G..., a été en possession d'un chien Shitzu, acheté 2.400 F, rapidement décédé et d'un chat persan atteint de la teigne du chat qu'il a transmis à certains membres de la famille, évalue à 1.200 F ses frais vétérinaires, pour le chat ; DD, a acheté un Golden Retriever, 3.200 F tombé gravement malade (gastro entérite, générale dans les oreilles, toux chronique) estime avoir dépensé 12.000 F ( 7.108 F en frais vétérinaires) ; I... EE, son bouledogue acheté 3.500 F le 22/12/96, a été malade tout de suite (diarrhée et toux) et a été euthanasié le 15/3/97 en raison d'une broncho-pneumonie aiguù 4.769 F, 1269 F de soins outre 3.500 F pour la perte de l'animal, FF, son bichon maltais est décédé le 30/3/97, des suites de sa maladie a payé 1.164 F de frais vétérinaires JJ, propriétaire d'un chien décédé a déboursé 575 F pour les soins ;HH, propriétaire d'un labrador, acheté 2.800 F, malade 3 jours après l'achat d'une toux du chenil, angine et conjonctivite, a déboursé 3.000 F de soins et M..II, son labrador, acheté 2.500 F le 7/6/97, a été malade dès le 14/6 (diarrhée, vomissements) euthanasié le 17/6/97 en raison d'une maladie irréversible, a payé 1.495 F de soins ; Les vétérinaires ayant eu l'occasion de soigner ces animaux indiquent qu'ils ont été amenés à soigner 69 chiens et 3 d'entre eux ont refusé de travailler avec les chiens provenant de chez Y... X... en raison de l'état de santé déplorable de ces animaux ; par ailleurs, le registre tenu par le prévenu permet de constater que les très nombreux décès de certains chiots auraient du l'inciter à vérifier l'état de santé de ses bêtes et renforcer sa vigilance, cela révèle un manque de surveillance sanitaire évident ; SUR CE Sur l'action publique Considérant que l'abus de confiance reproché au prévenu, pour avoir gardé une somme de 500 F, appartenant à M. R... n'est pas constitué dès lors que le prévenu n'a jamais été dépositaire de cette somme qui a été donnée au magasin Baby Dog ; que le prévenu sera par conséquent relaxé de ce chef ; Considérant que pour l'infraction de tromperie, il est constant que le prévenu a vendu des animaux sachant qu'ils étaient malades ; que le registre qu'il tenait fait état d'un nombre anormal de décès de jeunes chiots qui devait l'amener à se renseigner sur l'état de santé de ses animaux ; que cet état de fait est confirmé par le très grand nombre de plaintes déposées, le grand nombre de maladies intervenues, la proportion importante de chiens décédés des suite de leur maladie très rapidement après la vente ou euthanasiés ; que ces faits sont d'ailleurs confirmés par des vétérinaires interrogés au cours de l'enquête ; qu'il résulte de ces éléments que le prévenu savait nécessairement que les animaux domestiques qu'il vendait n'étaient pas en bonne santé, ce qui caractérise l'élément intentionnel de l'infraction de tromperie ; qu'à cet égard, la tentative judicieuse de démonstration de l'avocate du prévenu, prétendant que l'animal ne présentait aucun signe de maladie au jour de la vente, en se fondant sur le temps d'incubation des différentes maladies n'est pas opérante ; Considérant que l'infraction de tromperie est bien caractérisée dans tous ses éléments, qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité, de ce chef et sur la peine, qui constitue une juste application de la loi pénale, compte tenu de la personnalité du prévenu ; Sur l'action civile Considérant que comme le soutient à juste titre le prévenu, le jugement de liquidation judiciaire prononcé à son encontre interdit toute condamnation à des dommages-intérêts à son égard, en application des dispositions de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 mais permet à la juridiction pénale de fixer le montant du préjudice découlant de l'infraction poursuivie ; Considérant que les premiers juges ayant fait une exacte appréciation des différents préjudices résultant directement pour chaque partie civile, des agissements délictueux du prévenu la Cour fixera la créance de chacune des parties civiles aux sommes suivantes : A... Z..., 12.400 F avec les intérêts, AA, 5.000 F avec les intérêts, outre 2.500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, BB..., 1.000 F avec les intérêts, F... CC, divorcée G..., 4.400 F avec les intérêts, DD, 8.108 F avec les intérêts, I... EE, 4.769 F, outre les intérêts, FF, 2.264 F avec les intérêts, JJ, 1.975 F avec les intérêts, HH, 3.000 F avec les intérêts, outre 1.000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et M... II, 8.676 F avec les intérêts ; Qu'il convient donc de confirmer le montant des dommages intérêts alloués, et les condamnations au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, pour les frais irrépétibles exposés en première instance ; Considérant que la demande d'une somme de 5.000 F, formulée par AA partie civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, est justifiée dans son principe, mais doit être ramenée à la somme de 3.000 F et qu'il y a lieu d'accorder à ce titre la somme de 500 F à A... Z... et celle de 1.200 F à , BB...; PAR CES MOTIFS LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement à l'égard de Y... X..., A... Z..., AA, BB..., contradictoirement en application de l'article 410 du Code de procédure pénale à l'encontre de la SCP PERNEY ET ANCEL, mandataire liquidateur de Y... X..., et par défaut à l'égard de CC divorcée G...,DD, I... EE, FF, K... JJ...HH et M... II, Reçoit les appels du prévenu, de son mandataire liquidateur et du ministère public ; Sur l'action publique CONFIRME le jugement entrepris qui fait corps avec celui rendu par défaut le 2 Février 1999 sur la déclaration de culpabilité et sur la peine, pour le délit de tromperie, L'INFIRME sur la prévention d'abus de confiance et RELAXE Y... X... de ce chef, Sur l'action civile CONFIRME le jugement entrepris sur le montant des dommages-intérêts ainsi que sur les condamnations au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale en première instance, FIXE la créance de chacune des parties civiles aux sommes suivantes: - A... Z..., 12.400 F avec les intérêts, - AA, 5.000 F avec les intérêts, - BB..., 1.000 F avec les intérêts, - CC, divorcée G..., 4.400 F avec les intérêts, - DD, 8.108 F avec les intérêts, - I... EE, 4.769 F, outre les intérêts, - FF, 2.264 F avec les intérêts, - JJ, 1.975 F avec les intérêts, -HH, 3.000 F avec les intérêts, - et M...II, 8.676 F avec les intérêts ; Y ajoutant, Condamne Y... X... à payer, au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, pour les frais exposés par les parties civiles en appel : - à A... Z..., la somme de 500 Francs, - à AA, celle de 3.000 Francs, - et à BB..., celle de 1.200 Francs. LE PRÉSIDENT, LE GREFFIER, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 Francs dont est redevable le condamné.
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REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 1 - Chambre 12 SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT ORDONNANCE DU 08 JUILLET 2022 (no 288 , pages) No du répertoire général : No RG 22/00290 - No Portalis 35L7-V-B7G-CF7MX Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 29 Juin 2022 -Tribunal judiciaire de Paris (Juge des Libertés et de la Détention) - RG no 22/02118 L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 07 Juillet 2022 Décision réputée contradictoire COMPOSITION Anne EVEILLARD, conseiller à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris, assisté de Alexandra AUBERT, greffier lors des débats et du prononcé de la décision Monsieur [K] [G] [E] (Personne faisant l'objet des soins) né le [Date naissance 3] à BISKRA (ALGERIE) demeurant Chez Madame [O] [R] - [Adresse 4] Actuellement hospitalisé au [Adresse 5] comparant en personne assisté par Me Nina ITZCOVITZ, avocat commis d'office au barreau de Paris M. LE PRÉFET DE POLICE demeurant [Adresse 2] représenté par Me Myriam BOUKERSI du cabinet Centaure avocats, avocat choisi au barreau de Paris LIEU D'HOSPITALISATION [Adresse 5] demeurant [Adresse 1] non comparant, non représenté MINISTÈRE PUBLIC Représenté par Mme Marie-Daphné PERRIN, avocate générale Vu l'ordonnance du 29 juin 2022 rendue par le juge des libertés et de la détention de Paris ordonnant la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète de M. [K] [G] [E], Par déclaration d'appel transmise le 30 juin 2022 enregistrée au greffe le même jour, le conseil de M. [K] [G] [E] a interjeté appel de ladite ordonnance. Les parties ainsi que le directeur de l'établissement ont été convoqués à l'audience du 7 juillet 2022. L'audience s'est tenue au siège de la juridiction, en audience publique. Le conseil de M. [K] [G] [E] a sollicité l'infirmation de l'ordonnance critiquée en faisant valoir : -que l'arrêté préfectoral portant maintien des soins psychiatriques sans consentement n'a pas été formalisé, -que le certificat médical des 72 heures n'a pas fait l'objet d'une notification régulière, -que M. [K] [G] [E] a été maintenu dans l'ignorance du fondement légal de son hospitalisation et dans l'ignorance des voies de recours. Le ministère public a requis la confirmation de l'ordonnance déférée en exposant : -que le patient a été régulièrement informé de la décision du 20 juin 2022, que l'arrêté du 24 juin 2022 a été régulièrement pris, que le simple constat de l'irrégularité de règles de forme ne suffit pas à justifier la levée d'une hospitalisation sans grief, aucunement démontré en l'espèce, -que l'état de santé du patient justifie la poursuite de l'hospitalisation. Le représentant de l'Etat a conclu à la confirmation de l'ordonnance déférée. M. [K] [G] [E] a eu la parole en dernier. Il a indiqué que le traitement a abîmé son cerveau et baissé son rythme de travail professionnel et qu'il ne veut pas en devenir dépendant. Il reconnaît que quand il regarde les plaques d'immatriculation il a l'impression que ce sont des codes, que lorsqu'il écoute la radio ou la télévision, il a parfois le sentiment que cela s'adresse à lui. Il affirme enfin ne pas être opposé à la poursuite du traitement si son hospitalisation est levée. Il vit chez sa mère et n'avait pas d'emploi avant l'hospitalisation. Sur le contrôle de la régularité de la procédure d'admission et de maintien en soins psychiatriques sans consentement. L'article 3213-1 du code de la santé publique dispose que le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté motivé, au vu d'un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Selon l'article L 3213-1 II du code de la santé publique , dans les trois jours francs suivant la réception du certificat médical mentionné à l'avant dernier alinéa du de l'article L3211-2-2, le représentant de l'Etat dans le département décide de la forme de la prise en charge prévue à l'article L3211-2-1, en tenant compte de la proposition établie, le cas échéant, par le psychiatre en application du dernier alinéa de l'article L3111-2-2 et des exigences liées à la sûreté des personnes et à l'ordre public. L'article L3211-3 du code de la santé publique dispose que toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état. Le même article prévoit en outre que toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est informée : a) Le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ; b) Dès l'admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes. En application de l'article L3216 du code de la santé publique, l'irrégularité affectant une décision administrative n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet. M. [K] [G] [E] a été interpellé le 19 juin 2022 à la suite d'un différend avec un voisin alors qu'il proférait des injures et tenait un couteau à la lame non dépliée. Il a ensuite bousculé et insulté les policiers après s'être emparé d'un tournevis. Il a été examiné par un médecin dans le cadre de sa garde à vue puis a fait l'objet d'un certificat médical concluant à la nécessité d'une admission en soins psychiatriques le 20 juin 2022, mise en oeuvre par arrêté du préfet de police du même jour, rectifié le 21 juin 2022 suite à une erreur relative à l'orthographe de son prénom. Cette décision lui a été notifiée le 22 juin 2022 par un document précisant qu'il lui a été délivré une information sur sa situation juridique, ses droits, voies de recours et garanties, dans une langue comprise par l'intéressé. Ainsi, dès cette date, il était en situation de faire valoir ses droits. En outre, le certificat médical des 72 heures établi le 23 juin 2022 précise qu'il a fait l'objet d'une information de manière adaptée à son état de la décision de maintien des soins sans consentement en hospitalisation complète continue et mis à même de faire valoir ses observations dans une langue qu'il comprend. Dès lors, l'absence de formalisation de la décision de maintien de l'hospitalisation complète n'a pu porter atteinte à ses droits régulièrement notifiés. Aucun grief n'est donc rapporté par le patient ou son conseil. Sur le bien-fondé contesté de la poursuite de la mesure de soins psychiatriques en hospitalisation complète. Aux termes de l'article L3213-1, le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Conformément à l'article L 3211-12-1 du même code, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement, n'ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de la décision par laquelle le directeur de l'établissement a prononcé son admission ou modifié la forme de la prise en charge du patient en procédant à son hospitalisation complète; que cette saisine est accompagnée d'un avis motivé rendu par le psychiatre de l'établissement ; En cas d'appel, le premier président ou son délégataire statue dans les douze jours de sa saisine. M. [K] [G] [E] a été interpellé à la suite d'un passage à l'acte hétéro-agressif. Il a été constaté médicalement qu'il présentait les signes d'un état psychotique aïgu avec un manque de cohérence du discours s'accompagnant d'un vécu délirant de transformation de l'ambiance ainsi que d'hostilité de l'entourage. Il décrivait également des perceptions hallucinatoires et avait l'objet d'une hospitalisation antérieure d'un an en psychiatrie avec arrêt rapide des soins ambulatoire à sa sortie d'hospitalisation. Le certificat médical de situation établi le 30 juin 2022 atteste de la persistance des idées délirantes de persécution à mécanismes intuitif et interprétatif. Il minimise ses troubles du comportement, reste ambivalent face à sa prise en charge bien que le traitement ait amélioré son état. Il refuse le traitement retard proposé qui permettrait d'éviter une nouvelle rupture des soins. Le certificat médical du 05 juillet 2022 souligne confirme ces éléments. Au regard de ces éléments, il apparaît que les soins sans consentement en hospitalisation complète restent en l'état nécessaires compte tenu de la persistance de troubles mentaux compromettant la sûreté des personnes. PAR CES MOTIFS Le délégué du premier président de la cour d'appel, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, Confirmons l'ordonnance déférée. Ordonnons la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète de M. [K] [G] [E]. Laissons les dépens à la charge de l'État. Ordonnance rendue le 08 JUILLET 2022 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE Une copie certifiée conforme notifiée le 08 juillet 2022 par mail à : X patient à l'hôpital ou/et par LRAR à son domicile X avocat du patient X directeur de l'hôpital tiers par LSX préfet de police X avocat du préfet tuteur / curateur par LRAR X Parquet près la cour d'appel de Paris
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No de minute : 192 COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 28 juin 2021 Chambre civile Numéro R.G. : No RG 18/00334 - No Portalis DBWF-V-B7C-PIB Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 août 2018 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG no :2014/1153) Saisine de la cour : 26 septembre 2018 M. [K] [I] né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1] Représenté par Me Cécile MORESCO de la SELARL AGUILA-MORESCO, avocat au barreau de NOUMEA Association AEROCLUB CALEDONIEN [X] [N], prise en la personne de son représentant légal, Siège social : [Adresse 3] Représentée par Me Yann BIGNON, avocat au barreau de NOUMEA COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 10 mai 2021, en audience publique, devant la cour composée de : M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président, M. Charles TELLIER, Conseiller, Mme Nathalie BRUN, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD. Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT - contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, - signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire. *************************************** PROCEDURE DE PREMIERE INSTANCE M. [I], ancien pilote professionnel, est devenu membre de l'association Aéroclub calédonien [X] [N] dans laquelle il a été désigné pilote instructeur bénévole à compter du 20 janvier 2011. Le 10 décembre 2013, il a effectué en qualité de commandant de bord un vol de formation avec un élève sur le Cessna 152 FODGD. Selon email en date du 20 décembre 2013, le chef-pilote [C] a notifié à M. [I] qu'il le suspendait « de vols jusqu'à nouvel ordre » pour « non respect de la réserve finale en plus dans des conditions météo dégradées ». Le 11 mars 2014, M. [I] a été convoqué devant la conseil d'administration de l'association statuant en commission de discipline intérieure qui devait se tenir le 17 mars suivant. Par lettre recommandée datée du 19 mars 2014 et déposée le 20 mars, le conseil d'administration de l'association a informé M. [I] que la commission disciplinaire avait considéré que « les fautes commises (étaient) graves et inexcusables » et « décidé à la majorité (sa) radiation de l'Aéro-club calédonien à compter du 19 mars 2014 ». Par lettre du 25 mars 2014, le président de l'association a adressé à M. [I] « une copie du procès-verbal de réunion du 17 mars 2014 concernant (sa) radiation ». Selon requête introductive d'instance déposée le 13 juin 2014, M. [I] a contesté cette sanction devant le tribunal de première instance de Nouméa et sollicité la réparation du préjudice qui lui avait été occasionné. Par jugement en date du 13 août 2018, la juridiction saisie a : - débouté M. [I] de l'ensemble de ses demandes, - condamné M. [I] à payer à l'Aéroclub calédonien [X] [N] la somme de 220.000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - condamné M. [I] aux dépens. Le premier juge a retenu en substance : - que la procédure disciplinaire instituée par le règlement intérieur avait été respectée puisque le comité technique ad hoc avait été réuni le 6 mars 2014, que le conseil d'administration statuant en commission de discipline s'était réuni le 17 mars 2014, que l'intéressé avait été avisé de ses droits et que la sanction litigieuse avait été notifiée par le président de l'association ; - que la procédure disciplinaire était justifiée par les fautes commises par l'instructeur qui les avait d'ailleurs reconnues. PROCEDURE D'APPEL Selon requête déposée le 26 septembre 2018, M. [I] a interjeté appel de cette décision. Aux termes de ses conclusions déposées le 7 février 2020, M. [I] demande à la cour de : - infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel ; - déclarer nulles et de nul effet les sanctions de suspension de vol et de radiation prises à l'encontre de M. [I] ; subsidiairement, - constater que la sanction disciplinaire de radiation prise à l'encontre de M. [I] n'est ni fondée ni justifiée, et qu'elle a déjà été sanctionnée lors de son prononcé par une décision de suspension préalable ; - dire et juger en tout état de cause que le comportement fautif de l'Aéroclub calédonien [X] [N] lui a causé un préjudice, engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; - condamner l'Aéroclub calédonien [X] [N] à payer à M. [I] les sommes suivantes : 4.939.037 FCFP au titre de son préjudice matériel, 300.000 FCFP par an au titre de son préjudice professionnel et ce depuis 2013, soit la somme arrêtée à ce jour de 1.200.000 FCFP 312.000 FCFP au titre de son préjudice économique, 2.000.000 FCFP au titre de son préjudice moral ; - condamner l'Aéroclub calédonien [X] [N] à payer à M. [I] la somme de 500.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance outre la même somme pour les frais d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la selarl Aguila - Moresco. Selon conclusions transmises le 25 août 2020, l'association Aéroclub calédonien [X] [N] prie la cour de : à titre principal, - confirmer le jugement entrepris ; subsidiairement, - débouter M. [I] de ses demandes ; - condamner M. [I] à lui payer la somme de 400.000 FCFP en application de l'article 700 du code de procédure civile ; - condamner M. [I] aux dépens, dont distraction au profit de la sarl Lexcal. La clôture de la procédure est intervenue le 5 octobre 2020. SUR CE, LA COUR, 1) L'article V des statuts prévoit que « la qualité de membre actif du club se perd (...) par la radiation » qui « est prononcée par le conseil d'administration pour non paiement de la cotisation, pour inobservation des règlements ou tous autres cas d'indiscipline portant atteinte à la sécurité (au sol ou en vol) ou l'activité normale du club, et pour motifs graves préjudiciables au club. » Ce même article précise que « le conseil statue après avoir entendu les explications que le membre visé sera appelé à lui fournir ». Le « règlement intérieur » de l'aéroclub consacre son « titre 4ème » à la « Discipline », qui contient les dispositions suivantes : « ARTICLE XIII - Le pouvoir disciplinaire à l'égard des membres appartient au Président après avis conforme du Conseil d'Administration statuant en commission de discipline intérieure. Le membre incriminé peut présenter devant la commission de discipline des observations écrites ou verbales, citer des témoins et se faire assister d'un défenseur de son choix. Le droit de citer des témoins appartient également à l'Association. ARTICLE XIV - LES SANCTIONS DISCIPLINAIRES . Le recours pour dommages matériels, . La suspension de vol, . La radiation. ARTICLE XV - En cas de négligence grave, cause d'une détérioration du matériel, la commission de discipline pourra réclamer à l'auteur du préjudice le remboursement des dégâts subis par le matériel, dans la limite de la franchise d'assurance. ARTICLE XVI - Une suspension de vol peut être soumise à l'appréciation de la commission de discipline par le Chef-Pilote, le secrétaire permanent ou par un membre du Conseil d'Administration dans 1'un des cas suivants : 1. Faute grave portant atteinte à la sécurité ou aux intérêts de l'Aéro-club, 2. Négligence dans l'entretien et la conservation du matériel, 3. Membre ayant délibérément enfreint la règle du compte créditeur (cf. Article XI), 4. Pilote en situation irrégulière à l'égard des règlements relatifs aux licences et qualifications du personnel navigant, 5. Manquement grave au présent règlement. La suspension prend effet provisoirement à compter de la notification à l'intéressé. Sous réserve des dispositions prévues au dernier alinéa, la commission dispose d'un délai de quinze (15) jours pleins et consécutifs à compter de la date de saisine pour statuer sur le cas qui lui est soumis. Elle n'est pas liée par la proposition de sanction. Toutefois, lorsque la commission de discipline estime, à la majorité des membres présents, que la proposition de suspension de vol résulte d'une faute commise dans l'exercice de la fonction, elle ne peut statuer qu'après avoir pris connaissance des conclusions d'un comité technique ad hoc qu'elle charge le Chef-Pilote de réunir sans délai. Le comité, qui comprend, outre le Chef-Pilote, rapporteur, un pilote privé membre de l'Aéro-club et un pilote professionnel expérimenté, a pour mission d'examiner d'un point de vue technique les circonstances de l'incident ou de l'accident, de déterminer l' (ou les) erreur(s) éventuellement commise(s) par le pilote et, dans ce cas, de formuler un avis sur son (leur) degré de gravité, enfin, de formuler toutes recommandations qu'il jugera de nature à prévenir la répétition des faits, concernant notamment la présentation ou l'utilisation de la documentation technique, la formation au sol ou en vol. Les conclusions de ce comité technique sont consignées dans un rapport auquel sont annexés toutes notes ou documents dont il s'est servi pour ses travaux. Elles sont présentées par le Chef-Pilote à la commission de discipline. Celle-ci dispose alors d'un délai de quinze (15) jours pleins et consécutifs pour statuer sur le cas qui lui est soumis. ARTICLE XVII - La radiation peut être proposée par le Président à la commission de discipline dans l'un des cas suivants : 1. Refus de se soumettre à une sanction de ladite commission, 2. Faute grave ayant porté atteinte à la sécurité et résultant d'une négligence inexcusable ou le cas de la récidive, 3. Action allant à l'encontre des intérêts moraux et matériels de l'Aéro-club. Sous réserve des dispositions prévues au dernier alinéa, la commission dispose d'un délai de trente (30) jours pleins et consécutifs à compter de la date de saisine pour statuer sur le cas qui lui est soumis. Elle n'est pas liée par la proposition de sanction. Toutefois, lorsque la commission de discipline estime, à la majorité des membres présents, que la proposition de radiation d'un pilote résulte d'une faute commise dans l'exercice de la fonction, elle ne peut statuer qu'après avoir pris connaissance des conclusions du comité technique ad hoc défini à l'Article XVI. » 2) La sanction litigieuse a été prononcée à l'issue d'une procédure disciplinaire dont la chronologie est la suivante : - 20 décembre 2013 : notification par le chef-pilote [C] d'une suspension de vols « jusqu'à nouvel ordre », - 6 mars 2014 : réunion du comité technique ad'hoc, composé de MM. [C], [Y] et [L], respectivement chef-pilote, pilote privé et pilote professionnel expérimenté concluant à l'existence de « plusieurs fautes graves (...) portant atteinte à la sécurité », - 11 mars 2014 : convocation de M. [I] à se présenter le 17 mars suivant à 18 heures devant le conseil d'administration statuant en commission de discipline, - 17 mars 2014 : réunion du conseil de discipline qui a décidé à la majorité de ses membres la radiation de M. [I], - 19 mars 2014 : lettre recommandée du conseil d'administration de l'aéroclub portant notification à M. [I] sa radiation, - 25 mars 2014 : lettre du président de l'aéroclub portant notification à M. [I] du procès-verbal de la réunion du 17 mars 2014. 3) Parmi les nombreuses critiques émises à l'encontre de la procédure disciplinaire, tenant notamment à sa longueur entre la notification de la suspension provisoire par le chef-pilote, auquel, au demeurant, il dénie le pouvoir de prendre une telle mesure, et la décision du conseil de discipline, M. [I] argue d'une violation des droits de la défense en ce que la convocation à comparaître devant le conseil de discipline ne faisait mention ni des griefs qui lui étaient reprochés, ni des sanctions encourues. Il est admis qu'il résulte de l'article 1er la loi du 1er juillet 1901 et du principe du respect des droits de la défense que la lettre par laquelle une association convoque l'un de ses membres en vue de son exclusion doit faire apparaître les griefs précis formulés à l'encontre de l'intéressé, condition nécessaire pour lui permettre de présenter utilement sa défense devant l'organe disciplinaire de l'association. En l'espèce, la lettre de convocation du 11 mars 2014, qui se borne à se référer à la « suspension de vol du 20 décembre 2013 par le chef pilote du club », n'identifie pas les griefs précis qui lui étaient reprochés. La lettre de convocation ne fait aucune référence au compte-rendu du comité technique ad hoc du 6 mars 2014, document qui aurait permis à M. [I] de connaître les fautes commises dans sa mission d'instruction qu'avait identifiées ses pairs ; il n'est pas prétendu que ce document avait été notifié à l'appelant. Dans ces conditions, M. [I] est fondé à se prévaloir d'une nullité de la convocation, de la sanction subséquente prise à son encontre mais aussi de la suspension provisoire de vol qui a précédé la radiation. 4) En réparation de son préjudice occasionné par la faute commise par l'association dans la conduite de la procédure disciplinaire, M. [I] sollicite le paiement des indemnités suivantes : - 4.939.037 FCFP au titre de son préjudice matériel, - 300.000 FCFP par an au titre de son préjudice professionnel depuis 2013, soit 1.200.000 FCFP - 312.000 FCFP au titre de son préjudice économique, - 2.000.000 FCFP au titre de son préjudice moral. a) Au titre de son préjudice matériel, M. [I] met en compte le prix d'acquisition d'un ULM en affirmant que son exclusion de l'aéroclub l'a contraint à faire l'acquisition d'un tel appareil. Cette demande sera rejetée dans la mesure où, ainsi que le note l'association intimée, il résulte des mentions portées sur la facture pro forma produite par M. [I] qu'un acompte de 13.357 € avait été versé dès le 28 novembre 2013, c'est-à-dire avant même l'incident du 10 décembre 2013. L'acquisition de cet aéronef est sans lien avec la radiation. b) M. [I] intègre dans son préjudice professionnel les frais qu'il a dû engager pour réaliser en métropole « 12 heures annuelles de vol sur un appareil classé 'avion' » pour conserver sa licence. Le préjudice allégué n'étant pas la conséquence directe de la faute, aucune indemnité ne sera allouée à ce titre. c) Au titre de son « préjudice économique », M. [I] sollicite une indemnisation des « heures de formation qu'il a assurées en 2013 » en expliquant qu'à la suite d'un redressement effectué par la CAFAT en 2012, les « comptes créditeurs des instructeurs bénévoles » avaient été supprimés. L'article XII du règlement intérieur, intitulé « instructions bénévoles », prévoyait : « Le cas des vols de compensation accordés au profit des instructeurs est réglé par les dispositions suivantes : - Les vols d'instruction effectués par les instructeurs bénévoles au profit de l'Aéro-club donnent lieu à compensation en nature sous la forme d'heures de vol gratuites. La jouissance de ces heures de compensation est laissée à la discrétion des bénéficiaires tant en ce qui concerne la période que le type d'appareil. Le calcul de la compensation s'effectue sur une base mensuelle de 6 minutes par heure. - Cette compensation est évaluée sur la base du prix de l'heure d'un type d'appareil choisi par le Conseil d'Administration (TB 10). » Cet avantage que concédait l'association aux instructeurs bénévoles, et notamment à M. [I], a été remis en cause par la CAFAT. En effet, à la suite d'un contrôle effectué en juin et juillet 2013, l'organisme social a notifié un avis de régularisation daté du 19 septembre 2013 dans lequel elle a réclamé à l'aéroclub une somme de 264.444 FCFP au titre de cotisations sociales assises sur la valeur des heures de vol gratuites réalisées par les instructions bénévoles. M. [I] affirme, sans être démenti par l'association, que les heures gratuites de vol auxquelles, en vertu de l'article XII précité, lui donnaient droit ses actions de formation avaient été annulées le 1er septembre 2013. Si la décision de l'aéroclub de revenir sur cet avantage, qui est sans lien avec la sanction disciplinaire litigieuse, est compréhensible, compte tenu de ses implications financières et du caractère a priori désintéressé des interventions des instructeurs bénévoles, il n'en demeure pas moins que cet avantage promis aux instructeurs bénévoles n'avait en lui-même aucun caractère illicite. L'association intimée ne justifie pas que cet avantage avait été rétroactivement retiré par l'assemblée générale des adhérents lorsque celle-ci a décidé de modifier le règlement intérieur pour éviter de nouvelles taxations. En conséquence, l'association sera condamnée à honorer l'obligation qui pesait sur elle de consentir la compensation en nature définie par l'article XII précité lorsque M. [I] a dispensé des formations entre les 1er janvier 2013 et 31 août 2013, et évaluée par l'appelant, de manière non contestée, à 312.400 FCFP (annexe no 14). d) Le préjudice moral de M. [I], qui a été indûment et brutalement privé de la possibilité de s'adonner à sa passion au sein de son club, sera évalué à 250.000 FCFP. PAR CES MOTIFS : Infirme le jugement entrepris ; Statuant à nouveau, Annule les sanctions prises à l'encontre de M. [I] ; Condamne l'association Aéroclub calédonien [X] [N] à payer à M. [I]: - 312.340 FCFP au titre de la compensation instituée par l'article XII du règlement intérieur, - 250.000 FCFP en réparation de son préjudice moral, - 400.000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Déboute M. [I] de ses autres demandes indemnitaires ; Condamne l'association Aéroclub calédonien [X] [N] aux dépens de première instance et d'appel. Le greffier,Le président.
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No de minute : 194 COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 28 juin 2021 Chambre civile Numéro R.G. : No RG 20/00377 - No Portalis DBWF-V-B7E-RMZ Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 septembre 2020 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG no :20/24) Saisine de la cour : 12 octobre 2020 M. [L] [W] né le [Date naissance 2] 1984 à [Localité 5], demeurant [Adresse 4] Représenté par Me Stéphane LENTIGNAC de la SELARL SOCIETE D'AVOCAT DE GRESLAN-LENTIGNAC, avocat au barreau de NOUMEA Mme [K] [D] épouse [W] née le [Date naissance 3] 1987 à [Localité 5], demeurant [Adresse 4] Représentée par Me Stéphane LENTIGNAC de la SELARL SOCIETE D'AVOCAT DE GRESLAN-LENTIGNAC, avocat au barreau de NOUMEA Société BANQUE DE NOUVELLE-CALEDONIE, prise en la personne de son représentant légal, Siège social : [Adresse 1] Non comparant ni représentée COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 29 avril 2021, en audience publique, devant la cour composée de : M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président, M. François BILLON, Conseiller, Mme Zouaouia MAGHERBI, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD. Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT - réputé contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, - signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire. *************************************** PROCEDURE DE PREMIERE INSTANCE M. [W] et Mme [D], son épouse, ont déposé le 15 janvier 2020 une déclaration de surendettement devant la commission de surendettement de [Localité 5] qui l'a déclarée irrecevable le 29 janvier 2020, pour le motif suivant : « statut de travailleur indépendant du co-débiteur et surendettement non avéré, désendettement par la vente des biens. » M. et Mme [W] ont formé un recours contre cette décision. Par jugement réputé contradictoire en date du 14 septembre 2020, le tribunal de première instance de Nouméa, statuant en matière de surendettement, observant que M. et Mme [W] ne justifiaient pas être éligibles à la procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers, a statué comme suit : « Reçoit l' opposition formée par Monsieur [W] [L] et Madame [D] [K], [M] [O] épouse [W], Déclare irrecevable l'opposition formée par Monsieur [W] [L] et Madame [D] [K], [M] [O] épouse [W], Ordonne le renvoi du dossier à la commission. » PROCEDURE D'APPEL Selon requête déposée le 12 octobre 2020, M. et Mme [W] ont interjeté appel de cette décision en intimant la société Banque de Nouvelle-Calédonie. Aux termes de leurs conclusions déposées le 3 mars 2021, M. et Mme [W], qui observent qu'aucun texte n'interdit à un travailleur indépendant de bénéficier de la procédure de surendettement, que leur état de surendettement est avéré et que la vente de leur bien n'est pas une condition de recevabilité de leur requête, demandent à la cour de : - réformer le jugement entrepris ; - déclarer les appelants éligibles à la procédure de traitement de surendettement des particuliers ; - renvoyer le dossier des époux [W] devant la commission de surendettement des particuliers de Nouvelle-Calédonie pour le traitement de leur dossier. La société Banque de Nouvelle-Calédonie, à laquelle la requête d'appel a été signifiée le 20 novembre 2020, n'a pas constitué avocat. SUR CE, LA COUR, L'article 7 II de la délibération no 374 du 23 avril 2008 portant dispositions relatives au traitement des situations de surendettement des personnes physiques en Nouvelle-Calédonie, inséré dans le chapitre Ier intitulé « Commission de surendettement des particuliers », prévoit que les jugements sont « rendus en dernier ressort sauf dispositions contraires ». En l'absence de toute disposition contraire, la voie de l'appel n'est pas ouverte contre la décision entreprise qui est intervenue après examen de la recevabilité du dossier par la commission de surendettement. PAR CES MOTIFS : Déclare irrecevable l'appel formé par M. et Mme [W] ; Condamne M. et Mme [W] aux dépens. Le greffier,Le président.
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No de minute : 312/2022 COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 22 décembre 2022 Chambre civile Numéro R.G. : No RG 22/00122 - No Portalis DBWF-V-B7G-TAW Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 5 mai 2020 par le président du tribunal de première instance de Nouméa, section détachée de Koné (RG no :20/07) Saisine de la cour : 3 mai 2022 COMMUNE DE [Localité 6], représentée par son maire en exercice [Adresse 5] Représentée par Me Caroline PLAISANT de la SELARL CABINET PLAISANT, avocat au barreau de NOUMEA M. [D] [U], demeurant [Adresse 7] Mme [E] [U], demeurant [Adresse 7] Mme [I] [U] née le [Date naissance 1] 1998, demeurant [Adresse 7] Mme [T] [U] née le [Date naissance 3] 2008, demeurant [Adresse 7] M. [Y] [U], demeurant [Adresse 7] COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 14 novembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de : M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président, Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller, Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Claude XIVECAS. Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO - rendu par défaut, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, le délibéré fixé au 15/12/2022 ayant été prorogé au 22/12/2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, - signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire. *************************************** PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE La commune de [Localité 6] est devenue propriétaire des lots no 128, 129 et 130 de la section Village de [Localité 6]. Malgré sommation de déguerpir délivrée le 29/06/2013 et procès-verbal de constat dressé le 16/10/2019 confirmant la présence de la famille [U] sur le domaine de la commune (M. [D] [U], sa concubine et ses trois enfants), ces derniers ont refusé de partir. Par acte d'huissier du 20/01/2020, la commune de [Localité 6] a fait assigner M. [D] [U], Mme [G] [U], Mme [E] [U], Mme [I] [U], M. [Y] [U] et Mme [T] [U] en référé devant le président de la section détachée de [Localité 4] aux fins de les voir déclarer occupants sans droit ni titre, les voir expulser sous astreinte de 10 000 Fcfp par jour de retard, avec paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle de 100 000 Fcfp par mois. La commune sollicitait également la condamnation des requis au paiement d'une somme de 250 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Les défendeurs n'ont pas comparu à l'audience et par ordonnance du 05/05/2020, non signifiée à ce jour, le juge des référés a débouté la commune de [Localité 6] de toutes ses demandes en considérant que l'ancienneté de l'occupation (2006 au moins) excluait toute notion d'urgence et de dommage imminent et rendait la demande contestable. PROCÉDURE D'APPEL Par requête du 03/05/2022, la commune de [Localité 6] a fait appel de la décision rendue et demande à la Cour dans son mémoire ampliatif du 31/05/2022 et ses dernières écritures d'infirmer la décision en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de : - constater l'existence d'un péril imminent à l'égard de la famille [U] au regard de l'état de délabrement du bien ; - ordonner l'expulsion de M. [D] [U], Mme [G] [U], Mme [E] [U], Mme [I] [U], Mme [T] [U] et M. [Y] [U] et de tout occupant de leur chef, sous astreinte de 10 000 Fcfp par jour de retard ; - condamner les mêmes à payer une indemnité d'occupation provisionnelle de 100 000 Fcfp par mois jusqu'à complet départ ainsi qu'une indemnité de 500 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - les condamner aux dépens y compris les frais de sommation du 29/06/2013 et de procès-verbal d'huissier du 16/10/2019. Elle fait valoir que lors de l'acquisition du bien, le 22 mai 2000, l'acte de vente indiquait qu'il était libre de toute occupation ; que cependant en mai 2006, le maire de la commune a constaté que les lieux étaient occupés et par courrier du 04/05/2006 a demandé à M. [D] [U] de libérer le logement. Deux réunions ont été organisées afin de trouver un accord mais en vain, la famille [U] s'est maintenue. D'autres tentatives se sont soldées par un échec (lettre du 20/10/2010 et sommation de déguerpir du 29/06/2013) et récemment un procès-verbal d'huissier a constaté le maintien de la famille dans les lieux. Or cette occupation illégale empêche la commune d'entretenir le logement et d'en jouir paisiblement. Le conseil municipal a donc mandaté son maire afin d'agir en justice. La requête d'appel et le mémoire ont été régulièrement signifiés aux intimés qui n'ont pas comparu ni constitué avocat (remise à personne en ce qui concerne M. [D] [U] et Mme [T] [U], à domicile en ce qui concerne Mme [E] [U], Mme [I] [U] et M. [Y] [U]). M. [D] [U] a écrit à la cour pour indiquer qu'il ne pourrait se déplacer, ayant deux enfants handicapés à charge. Par courrier du 11/07/2022, la commune de [Localité 6] a indiqué se désister de sa demande contre Mme [G] [U], décédée le [Date décès 2]/2018 en cours d'instance, comme en justifie l'acte de décès versé au dossier. Vu l'ordonnance de fixation. A l'audience de plaidoirie, la commune de [Localité 6] a indiqué que les intimés avaient quitté les lieux après la signification de l'acte d'appel. MOTIFS DE LA DÉCISION Attendu qu'il n'est pas contesté que M. [D] [U], Mme [E] [U], Mme [I] [U], Mme [T] [U] et M. [Y] [U] étaient occupants sans droit, ni titre du domaine privé de la commune, n'ayant jamais argué d'un quelconque titre leur conférant le droit de se maintenir dans le logement ; Attendu qu'ils ont volontairement quitté les lieux depuis la signification de la requête d'appel ; que leur expulsion est par suite devenue sans objet, sauf à ordonner celle-ci, en tant que de besoin ; que de même, il n'y a lieu au prononcé d'une astreinte ; Attendu que la demande en fixation d'une indemnité d'occupation sera rejetée dès lors que la commune de [Localité 6] n'a pas précisé son point de départ, ne mettant pas la juridiction en l'état de se prononcer sur la période sollicitée ; Attendu qu'au vu de l'évolution du litige, il n'est pas inéquitable de débouter la commune de [Localité 6] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Attendu en revanche, que les intimés qui succombent supporteront les dépens de première instance et d'appel, en ce compris le procès-verbal d'huissier du 16/10/2019 ; Attendu que la sommation de déguerpir est ancienne, elle ne peut se voir rattacher à la présente instance de sorte que la demande en paiement des frais y afférents sera rejetée ; PAR CES MOTIFS Infirme la décision en toutes ses dispositions, Et statuant à nouveau, Constate que Mme [G] [U] est décédée et que l'instance la concernant est éteinte ; Constate que M. [D] [U], Mme [E] [U] , Mme [I] [U], Mme [T] [U] et M. [Y] [U] étaient occupants sans droits, ni titre ; Constate qu'ils ont d'ores et déjà quitté les lieux ; Ordonne en tant que de besoin leur expulsion et celle de tout occupant de leur chef des lots no 128, 129 et 130 ; Dit n'y avoir lieu à prononcé d'une astreinte ; Déboute la commune de [Localité 6] de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation ; Rejette la demande de l'appelante sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne M. [D] [U], Mme [E] [U], Mme [I] [U], Mme [T] [U] et M. [Y] [U] aux dépens des procédures d'appel et de première instance, en ce compris le coût du procès-verbal d'huissier en date du 16/10/2019 ; Rejette les autres demandes. Le greffier, Le président.
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No RG 22/08590 No Portalis DBVX-V-B7G-OVZP Nom du ressortissant : PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE LYON COUR D'APPEL DE LYON JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT ORDONNANCE SUR APPEL SUSPENSIF EN DATE DU 21 DECEMBRE 2022 statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers Le 21 DECEMBRE 2022 à 19 heures 20, Etant en notre cabinet sis à la cour d'appel de Lyon, Nous, Pierre BARDOUX, conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégué par ordonnances du premier président de ladite Cour en date du 1er septembre 2022 et du 16 décembre 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11, L. 743-21 et L.743-22 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile, Assisté de Charlotte COMBAL, greffier, Avons rendu l'ordonnance dont la teneur suit dans la procédure concernant : APPELANT : Monsieur le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon X se disant M. [P] [E] né le [Date naissance 1] 2004 à [Localité 2] (MAROC) de nationalité Marocaine Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [3] Ayant pour conseil Maître Murielle LEGRAND CASTELLON, avocat au barreau de LYON, commis d'office Vu la déclaration d'appel reçue le 21 Décembre 2022 à 17 heures 03, du procureur de la République de Lyon à l'encontre d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon prononcée le même jour à 13 heures 38 qui a rejeté la requête du Préfet du Rhône aux fins de prolongation de rétention administrative de M. [P] [E] pour cause d'irrégularité de la procédure, accompagnée d'une demande d'effet suspensif, Vu les justificatifs de notification adressés à toutes les parties, Vu l'absence d'observations en réponse des parties, Attendu que l'appel du ministère public se référant à l'absence de garanties de représentation effectives a été formé dans le délai de dix heures et régulièrement notifié ; qu'il est déclaré recevable ; Attendu qu'il ressort de la procédure que l'intéressé ne dispose pas de garanties de représentation effectives en ce que son identité demeure incertaine en l'absence de détention de documents d'identité attestant notamment de sa date de naissance, et surtout en ce qu'il ne dispose pas d'un domicile fixe et a déclaré qu'il vivait dans un squat et qu'il était mêlé à un trafic de cigarettes ; Qu'il convient donc en application des dispositions des articles L. 743-22 et R.743-13 du CESEDA de déclarer suspensif l'appel du ministère public afin d'assurer la représentation de X se disant [P] [E] devant le délégué du premier président ; PAR CES MOTIFS Statuant par ordonnance non susceptible de recours, Vu les dispositions des articles R.743-12 et L.743-22 du CESEDA, Déclarons recevable l'appel du procureur de la République de Lyon, Déclarons suspensif l'appel du procureur de la République de Lyon, Disons en conséquence que Monsieur X se disant [P] [E] restera à la disposition de la justice jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond à l'audience de la Cour qui se tiendra le : jeudi 22 décembre 2022 à 10 heures 30 Ordonnons la notification de la présente décision par tous moyens à l'étranger et son conseil, ainsi qu'au centre de rétention et sa communication au procureur de la République qui veille à son exécution et en informe l'autorité administrative. Le greffier, Le conseiller délégué, Charlotte COMBAL Pierre BARDOUX
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No de minute : 313/2022 COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 22 décembre 2022 Chambre civile Numéro R.G. : No RG 21/00400 - No Portalis DBWF-V-B7F-SU4 Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 3 décembre 2021 par le président du tribunal de première instance de NOUMEA (RG no 21/546) Saisine de la cour : 21 décembre 2021 Société d'assurances ALLIANZ, représentée par son directeur en exercice, Siège social : [Adresse 5] Représentée par Me Philippe REUTER de la SELARL D'AVOCATS REUTER-DE RAISSAC-PATET, avocat au barreau de NOUMEA Mme [F] [S] née le [Date naissance 4] 1970 à [Localité 7], demeurant [Adresse 2] Représentée par Me Alexia TARDIEU de la SELARL ALEXIA TARDIEU, avocat au barreau de NOUMEA M. [B] [S] né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 6], demeurant [Adresse 2] Représenté par Me Alexia TARDIEU de la SELARL ALEXIA TARDIEU, avocat au barreau de NOUMEA CAISSE DE COMPENSATION DES PRESTATIONS FAMILIALES DES ACCIDENTS DE TRAVAIL DE LA NOUVELLE-CALEDONIE, représentée par son directeur en exercice, Siège social : [Adresse 3] COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 21 novembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de : M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président, M. François BILLON, Conseiller, Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Claude XIVECAS. Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO - contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, le délibéré fixé au 15/12/2022 ayant été prorogé au 22/12/2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, - signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire. *************************************** PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE Le 31 mai 2020, M. [B] [S] et Mme [F] [S] ont été victimes d'un grave accident de la circulation provoqué par M. [X] [T], au volant d'un véhicule Chevrolet assuré auprès de la société ALLIANZ. Exposant qu'une expertise amiable avait été réalisée à l'initiative de l'assureur par le docteur [W] qui avait rendu ses rapports en septembre 2021, et que leurs demandes indemnitaires étaient restées vaines, M. [B] [S] et Mme [F] [S] ont saisi le juge des référés d'une demande de provision au contradictoire de la CAFAT. A l'audience de plaidoirie, ni la Caisse, ni la compagnie d'assurances n'ont comparu. Par ordonnance du 03/12/2021, le juge des référés du tribunal de première instance de Nouméa a fait droit aux demandes des requérants et a condamné l'assureur à payer à M. [B] [S] une provision de 4 000 000 Fcfp et à Mme [F] [S] une provision de 2 000 000 Fcfp à valoir sur la liquidation de leurs préjudices définitifs, outre la somme à chacun d'eux de 60 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. PROCÉDURE D'APPEL Par requête du 21/12/2021, la société ALLIANZ a fait appel de la décision rendue et demande à la Cour dans son mémoire ampliatif du 20/01/2022 et ses dernières écritures du 26/07/2022 d'infirmer la décision sur les montant alloués et statuant à nouveau, de limiter l'indemnisation de M. [B] [S] à la somme de 2 000 000 Fcfp et celle de Mme [F] [S] à 1 000 000 Fcfp, d'écarter l'application de l'article 700 du code de procédure civile présentée tant en première instance qu'en appel et rejeter la demande en dommages et intérêts. Elle fait valoir que les sommes allouées sont prématurées et excessives eu égard au fait que M. [B] [S] n'est pas consolidé et que s'agissant d'un accident du travail, l'intéressé ne subira pas de pertes professionnelles ; quant à Mme [F] [S], sa consolidation n'est pas acquise de sorte que l'évaluation de l'AIPP donnée par le docteur [W] à titre indicatif n'est pas certaine. Par conclusions en réplique des 17 mars 2022 et 14 juin 2022, Mme [F] [S] et M. [B] [S] demandent à la cour de confirmer la décision en toutes ses dispositions et y ajoutant de condamner la société ALLIANZ à leur payer à chacun la somme de 500 000 Fcfp à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité de 150 000 Fcfp en application de l'article 700 du code de procédure civile. Ils font valoir que la provision sollicitée sera bien en deçà de ce à quoi ils peuvent prétendre. Ils font grief à la compagnie d'avoir ignoré leurs multiples demandes de provision, ce qui les a contraint à saisir le juge des référés ; que ce faisant, la compagnie a ignoré leurs droits de victimes justifiant la condamnation de l'assureur à leur verser des dommages et intérêts réparatoires. Vu l'ordonnance de fixation. MOTIFS DE LA DÉCISION 1. Sur la provision Aux termes de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie, le juge des référés peut accorder une provision dans les cas où l'existence de la créance n'est pas sérieusement contestable. En l'espèce, il ressort de l'expertise amiable du docteur [W] que les époux [S] n'étaient pas encore consolidés au jour de l'examen, leur consolidation ne devant pas intervenir avant mars et juin 2022. Le médecin expert apporte les éléments suivants : - Concernant M. [B] [S] : âgé de 50 ans, il présente à la suite de l'accident une fracture du fémur ayant entraîné un arrêt de travail du 31/05/2020 au 30/09/2021 à prolonger. L'expert indique que l'AIPP avoisinera les 20 %, les souffrances endurées pouvant être évaluées d'ores et déjà à 4/7. Par ailleurs, il nécessite une aide à la tierce personne de 3 heures par jour pendant 205 jours et 2 heures depuis. Au vu des préjudices endurés qui ont été évalués par l'expert a minima pour l'AIPP, la provision allouée par le premier juge est justifiée et conforme au barème habituel. - Concernant Mme [F] [S] : âgée de 50 ans, elle a subi un traumatisme thoracique et abdominal entraînant d'intenses douleurs rendant la marche difficile. Elle a subi une gêne temporaire totale de 13 jours. L'expert a évalué les souffrances endurées à 3/7 et a préconisé le recours à l'aide à une tierce personne à raison de 2 heures par jour pendant 3 mois et à raison de 1 heure par jour depuis. Son AIPP est d'environ 10 %. La consolidation se fera après la poursuite de soins en kinésithérapie. Là encore, au vu des préjudices endurés qui ont été évalués par l'expert a minima pour l'AIPP, la provision allouée par le premier juge est justifiée. La décision sera confirmée de ce chef. 2. Sur les dommages et intérêts demandés par les intimés L'appréciation de l'existence d'un préjudice occasionné par la gestion du sinistre par l'assureur ressort du juge du fond. Mme [F] [S] et M. [B] [S] seront renvoyés à saisir le tribunal de ce chef. 3. Sur l'article 700 du code de procédure civile Il est équitable d'allouer aux intimés qui ont dû se défendre en appel la somme globale de 150 000 Fcfp. 4. Sur les dépens La société ALLIANZ succombant supportera les dépens. PAR CES MOTIFS Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande en dommages et intérêts et renvoie M. [B] [S] et Mme [F] [S] à saisir le juge du fond ; Condamne la société ALLIANZ à payer à M. [B] [S] et à Mme [F] [S] la somme complémentaire globale de 150 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la société ALLIANZ aux dépens. Le greffier, Le président.
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No RG 22/08589-No Portalis DBVX-V-B7G-OVZO Nom du ressortissant : PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON COUR D'APPEL DE LYON JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT ORDONNANCE SUR APPEL SUSPENSIF EN DATE DU 21 DECEMBRE 2022 statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers Le 21 DECEMBRE 2022 à 19 heures 20, Etant en notre cabinet sis à la cour d'appel de Lyon, Nous, Pierre BARDOUX, conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégué par ordonnances du premier président de ladite Cour en date du 1er septembre 2022 et du 16 décembre 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11, L. 743-21 et L.743-22 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile, Assisté de Charlotte COMBAL, greffier, Avons rendu l'ordonnance dont la teneur suit dans la procédure concernant : APPELANT : Monsieur le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon X se disant M. [C] [M] [X] né le [Date naissance 1] 2001 à [Localité 2] (Maroc) de nationalité Marocaine Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [Localité 3] Ayant pour conseil Maître Murielle LEGRAND-CASTELLON, avocat au barreau de de Lyon, commis d'office Vu la déclaration d'appel reçue le 21 décembre 2022 à 16 heures 58 du procureur de la République de Lyon à l'encontre d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon prononcée le même jour à 14 heures 13 qui a ordonné la mainlevée immédiate de la rétention administrative de X se disant [C] [J] [X], accompagnée d'une demande d'effet suspensif, Vu les justificatifs de notification adressés à toutes les parties, Vu l'absence d'observations en réponse des parties, Attendu que l'appel du ministère public se référant à l'absence de garanties de représentation effectives a été formé dans le délai de dix heures et régulièrement notifié ; qu'il est déclaré recevable ; Attendu qu'il ressort de la procédure que l'intéressé ne dispose pas de garanties de représentation effectives en ce que son identité demeure incertaine en l'absence de détention de documents d'identité en cours de validité, en ce qu'il n'a pas respecté des précédentes mesures d'éloignement et surtout en ce qu'il ne dispose pas d'un domicile fixe alors qu'il a dernièrement refusé de s'embarquer vers la Suisse dans un vol organisé le 24 novembre 2022 ; Qu'il convient donc en application des dispositions des articles L. 743-22 et R.743-13 du CESEDA de déclarer suspensif l'appel du ministère public afin d'assurer la représentation de X se disant [C] [J] [X] devant le délégué du premier président ; PAR CES MOTIFS Statuant par ordonnance non susceptible de recours, Vu les dispositions des articles R.743-12 et L.743-22 du CESEDA, Déclarons recevable l'appel du procureur de la République de Lyon, Déclarons suspensif l'appel du procureur de la République de Lyon, Disons en conséquence que X se disant [C] [J] [X] restera à la disposition de la justice jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond à l'audience qui se tiendra : jeudi 22 décembre 2022 à 10 heures 30 Ordonnons la notification de la présente décision par tous moyens à l'étranger et son conseil, ainsi qu'au centre de rétention et sa communication au procureur de la République qui veille à son exécution et en informe l'autorité administrative. Le greffier, Le conseiller délégué, Charlotte COMBAL Pierre BARDOUX
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COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE GROSSES + EXPÉDITIONS : le 22/12/2022 la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS Me Alexis DEVAUCHELLE ARRÊT du : 22 DECEMBRE 2022 No : 210 - 22 No RG 22/00847 No Portalis DBVN-V-B7G-GRV4 DÉCISION ENTREPRISE : Ordonnance du Juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de MONTARGIS en date du 24 Mars 2022 PARTIES EN CAUSE APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265 2734 4905 4229 Le FONDS COMMUN DE TITRISATION HUGO CREANCES II Ayant pour société de gestion, la société EQUITIS GESTION SAS, représenté par son recouvreur la société MCS et ASSOCIES, Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège. Venant aux droits du CREDIT LYONNAIS, en vertu d'un bordereau de cession de créances en date du 6 juillet 2012, conforme aux dispositions du Code monétaire et financier. [Adresse 6] [Localité 4] Ayant pour avocat Me Isabelle TURBAT, membre de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Frédéric DE LA SELLE, membre de la SELARL TAVIEAUX MORO-DE LA SELLE, avocat au barreau de PARIS D'UNE PART INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265 2827 3577 7796 Monsieur [B] [X] Né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 5] [Adresse 2] [Localité 5] Ayant pour avocat Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat au barreau d'ORLEANS La S.C.E.A. DU GRAND CLOS Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège Les Laboureurs [Localité 3] Ayant pour avocat Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat au barreau d'ORLEANS D'AUTRE PART DÉCLARATION D'APPEL en date du : 07 Avril 2022 ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 22 Septembre 2022 COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 27 OCTOBRE 2022, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en charge du rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 805 et 907 du code de procédure civile. Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de : Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, Madame Ferréole DELONS, Conseiller, Greffier : Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé, Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 22 DECEMBRE 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE Le Crédit Lyonnais a consenti à la SCEA du Grands Clos, spécialisée dans l'exploitation agricole, 7 prêts : - par acte sous seing privé du 23 octobre 2007, un prêt destiné à financer l'acquisition d'un matériel agricole, d'un montant de 28.000 €, remboursable en 5 échéances annuelles de 6.323,17 euros en capital et intérêts, garanti par un warrant, - par acte sous seing privé en date du 15 juillet 2008, un prêt destiné à financer des travaux de dessouchage et matériels, d'un montant de 19.000 €, remboursable en 7 échéances annuelles de 3.211,36 € en capital et intérêts, garanti par un engagement de caution solidaire de M. [J] [X], gérant de la SCEA du Grand Clos, dans la limite de la somme de 21.850 € couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des intérêts de retard, - par acte sous seing privé en date du 18 mars 2009, un prêt destiné à financer l'acquisition de matériels agricoles, d'un montant de 28.400 €, remboursable en 5 échéances annuelles de 6.341,82 € en capital et intérêts, garanti par un warrant, - par acte sous seing privé en date du 21 octobre 2009, un prêt destiné à financer la réfection de la toiture d'un bâtiment agricole, d'un montant de 6.500 €, remboursable en 4 échéances annuelles de 1.786,47 € en capital et intérêts, - par acte sous seing privé en date du 22 octobre 2009, un prêt destiné à financer l'acquisition d'un tracteur, d'un montant de 7.500 €, remboursable en 4 échéances annuelles de 2.061,31 € en capital et intérêts, - par acte sous seing privé en date du 26 janvier 2010, un prêt, destiné à financer la rénovation d'une charpente, d'un montant de 13.500 €, remboursable sur 7 échéances annuelles de 2.232,63 € en capital et intérêts, - par acte sous seing privé en date du 10 mars 2010, un prêt, destiné à financer des panneaux photovoltaïques, d'un montant de 46.000 €, remboursable en 15 échéances annuelles de 4.280,29 € en capital et intérêts, garanti par un engagement de caution solidaire de M. [J] [X], gérant de la SCEA du Grand Clos, dans la limite de la somme de 52.900 € couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des intérêts de retard. Se prévalant d'un bordereau de cession de créances en date du 6 juillet 2012, contenant les créances détenues sur la SCEA du Grand Clos et M. [X] et notifié à ces derniers par courrier recommandé avec accusé de réception du 7 février 2013, et du fait que des mises en demeure demeurées vaines leur ont été adressées par courriers recommandés du 20 novembre 2015 et du 11 août 2020, par l'intermédiaire de la société MCS et associés mandaté le 30 juin 2020 pour recouvrer ses créances, ce dont le débiteur et la caution ont été informés par courrier recommandé du 11 août 2020, le fonds commun de titrisation Hugo créances II (FCT Hugo créances II) ayant pour société de gestion, la société Equitis gestion, indiquant venir aux droits du Crédit loyonnais, a assigné la SCEA du Grand Clos et M. [X] devant le tribunal judiciaire de Montargis aux fins d'obtenir à titre principal leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 210.234,09 euros limitée à hauteur de la somme de 74.750 euros pour M. [X] au titre de ses engagements de caution, outre les intérêts. Par conclusions d'incident du 6 décembre 2021, la SCEA du Grand Clos et M. [B] [X] ont saisi le juge de la mise en état afin de voir déclarer irrecevable comme prescrite les demandes de condamnation solidaire et de capitalisation des intérêts formées par le FCT Hugo créances II. Par ordonnance du 24 mars 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Montargis a : - déclaré irrecevables les demandes en paiement formées par le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances II à l'encontre de la SCEA du Grand Clos et de M. [B] [X], - déclaré irrecevable la demande de capitalisation des intérêts formés par le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances II au titre des créances déclarées prescrites, - constaté en conséquence l'extinction de l'instance introduite par les assignations délivrées les 2 et 4 décembre 2020, - condamné le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances II à payer la somme de 2.000 euros à la SCEA du Grand Clos et à M. [B] [X] au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du Code de procédure civile, - condamné le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances II aux entiers dépens de l'incident et de l'instance. Pour statuer ainsi, le juge de la mise en état a considéré que les règlements, postérieurs au 30 décembre 2014, invoqués par le FCT Hugo Créances II pour interrompre la prescription ne sont pas suffisamment établis au regard de la contestation de la SCEA du Grand Clos et M. [X], des pièces produites et de l'absence de justification des règlements prétendument intervenus en 2015 et 2016, que dès lors, les dettes de la SCEA du Grand Clos sont prescrites depuis le 30 décembre 2019 et que les assignations des 2 et 4 décembre 2020 sont postérieures à la prescription. Le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances II a formé appel de la décision par déclaration du 7 avril 2022 en intimant M. [B] [X] et la SCEA du Grand Clos, et en critiquant tous les chefs de l'ordonnance. Dans ses dernières conclusions du 13 septembre 2022, il demande à la cour de : Vu les articles L.214-167 et suivants du Code monétaire et financier, Vu les articles 2224 et 2240 du Code civil, Vu l'article 2298 du Code civil, Vu l'article 1343-2 du Code civil, - déclarer le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances II, ayant pour société de gestion, la société Equitis Gestion, et représenté par son recouvreur la société MCS et Associés, recevable et bien fondé en ses demandes, - infirmer l'ordonnance rendu le 24 mars 202 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Montargis, et en ce qu'il a statué en ces termes : "Déclarons irrecevables les demandes en paiement formées par le Fonds commun de Titrisation Hugo Créances II à l'encontre de la SCEA du Grand Clos et de M. [B] [X], Déclarons irrecevable la demande de capitalisation des intérêts formés par le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances II au titre des créances déclarées prescrites, Constatons en conséquence l'extinction de l'instance introduite par les assignations délivrées les 2 et 4 décembre 2020, Condamnons le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances II à payer la somme de 2.000 euros à la SCEA du Grand Clos et à M. [B] [X] au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamnons le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances II aux entiers dépens de l'incident et de l'instance". En conséquence, - condamner solidairement la SCEA du Grand Clos, à hauteur de la somme de 208.960,93 euros arrêtée au 22 septembre 2020, outre les intérêts contractuels majorés postérieurs jusqu'au parfait règlement et M. [B] [X], à hauteur de la somme de 74.750 euros, outre intérêt au taux légal jusqu'au parfait règlement au titre de ses deux engagements de caution, - ordonner la capitalisation des intérêts à compter des 2 et 4 décembre 2020, date de délivrance des assignations, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code civil, - débouter la SCEA du Grand Clos et M. [B] [X] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions, - condamner solidairement la SCEA du Grand Clos et M. [B] [X] au paiement d'une indemnité d'un montant de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, - condamner solidairement la SCEA du Grand Clos et M. [B] [X] en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Isabelle Turbat conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. Il fait valoir que contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, les décomptes produits justifient de la réalité des règlements effectués par les débiteurs en 2016 à hauteur de deux fois 5.000 € et le 8 mars 2019 à hauteur de 1.000 € qui ont été tous été imputés pour partie sur chacun des 7 prêts consentis à la SCEA du Grand clos, outre un autre règlement de 1.000 € en mars 2019 concernant le prêt personnel de M. [X] de sorte que le délai de prescription a valablement été interrompu jusqu'au 8 mars 2024. A titre subsidiaire,il soutient que si les décomptes produits devaient être considérés comme insuffisants par la cour, celle-ci constatera que les délais de prescription ont été interrompus par la reconnaissance de leurs dettes par les débiteurs eux-mêmes dans leurs conclusions d'incident régularisées le 6 décembre 2021, conclusions dans lesquelles ils reconnaissent des règlements en 2014. Elle ajoute que par courrier du 8 mars 2019, M. [B] [X] a adressé à la société MCS et Associés 2 chèques de 1.000 €, que ce courrier qui porte la double référence du dossier no71389 de la SCEA du Grand Clos concernant les sept prêts consentis à cette dernière et du dossier no157575 concernant le prêt personnel de M. [X], constitue à la fois une reconnaissance de dette de M. [X] et la preuve de la réalité du versement opéré en 2019 pour le règlemnet des sept prêts litigieux, au jour de l'introduction de la demande en justice les 2 et 4 décembre 2020, ses créances n'étaient pas prescrites. Il précise que faute pour les débiteurs, lors des règlements intervenus, d'avoir précisé sur lequel des 7 prêts souscrits par la SCEA du Grand Clos l'imputation des paiements devait intervenir, l'imputation a été effectuée proportionnellement, conformément aux dispositions de l'article 1342-10 du Code civil. Elle ajoute qu'en tout état de cause, il résulte de la jurisprudence de la Cour de Cassation que les débiteurs qui ont contracté plusieurs prêts ne sont pas fondés à se prévaloir de leur droit légal d'imputer les paiements effectués, sauf règlement intégral d'une de leurs dettes, et que l'effet interruptif de la reconnaissance de dette des débiteurs par un paiement pour l'un des prêts opère de façon indivisible pour la totalité des créances. Dans ses dernières conclusions du 27 juillet 2022, M. [B] [X] et la SCEA du Grand Clos demandent à la cour de : Vu l'ordonnance rendue le 24 mars 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Montargis et soumise à la censure de la Cour de céans, - confirmer en toutes ses dispostions cette décision et rejeter l'appel formé, - en tout état de cause, condamner l'appelante à payer à chacun des intimés la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, - condamner l'appelante aux entiers dépens de première instance et d'appel, - accorder à Maître Devauchelle le droit prévu à l'article 699 du Code de procédure civile. Ils font valoir que le FCT Hugo Créances II, selon lequel des paiements seraient intervenus en 2016 et/ou 2019, ne justifie pas des interruptions de prescription qu'il invoque, alors que la charge de la preuve lui incombe. Ils précisent que le versement de 1.000 € du 8 mars 2019 n'a été effectué qu'en règlement du prêt personnel souscrit par M. [B] [X] et ne pouvait en conséquence être imputé sur les prêts souscrits par la SCEA du Grand Clos. Ils ajoutent que n'est rapportée la preuve d'aucun autre règlement, et que même à considérer qu'un règlement de 1.000 € serait intervenu le 8 mars 2019, outre deux règlements de 5.000 € en juillet et août 2016, les tableaux produits par le créancier démontrent l'absence de concordance entre les règlements allégués et l'imputation proportionnelle sur les différents prêts. Ils soutiennent que les derniers règlements intervenus ayant été effectués le 30 décembre 2014, le FCT Hugo Créances II disposait jusqu'au 30 décembre 2019 pour agir en paiement, que dès lors, en assignant la SCEA du Grand Clos et M. [B] [X] par actes des 2 et 4 décembre 2020, c'est à juste titre que le tribunal l'a considéré comme prescrit. Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions. La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 22 septembre 2022. A l'audience, la cour a soulevé l'irrecevabilité des demandes formées sur le fond dans la présente instance par le FCT Hugo créances II, en condamnation solidaire des intimés au paiement de la somme de 208.960,93€, dans la limite de 74.750€ pour M. [X] outre les intérêts au taux légal, avec capitalisation des intérêts, au motif que la cour intervient uniquement en tant que juge d'appel de l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 24 mars 2022 et ne dispose donc que des pouvoirs du juge de la mise en état. Elle a autorisé les parties à former leurs observations sur ce point avant le 10 novembre 2022. Par courrier adressé par voie électronique le 27 octobre 2022, les intimés ont indiqué que la cour ne dispose que des pouvoirs du juge de la mise en état et ne peut statuer sur le fond du litige et condamner les intimés au paiement de ses créances. Par courrier adresé par voie électronique le 8 novembre 2022, l'appelant s'en est rapporté à la sagesse de la cour sur le point soulevé par elle. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la prescription L'appelant demande l'infirmation de l'ordonnance déférée qui a notamment déclaré irrecevables ses demandes en paiement et sa demande de capitalisation des intérêts, et constaté l'extinction de l'instance introduite par le FCT Hugo Créances. Il sollicite, outre la condamnation de la SCEA en paiement et la capitalisation des intérêts qui seront examinées ci-après, le débouté des demandes adverses parmi lesquelles figurent l'irrecevabilité de ses demandes. L'article 2224 du Code civil dispose : "les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer". L'article 2240 dispose : "la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription". Selon les articles 1253 et 1256 du Code civil (anciens), "Le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer, lorsqu'il paye quelle dette il entend acquitter." "Lorsque la quittance ne porte aucune imputation, le paiement doit être imputé sur la dette que le débiteur avait pour lors le plus d'intérêt d'acquitter entre celles qui sont pareillement échues ; sinon sur la dette échue, quoique moins onéreuse que celles qui ne le sont point. Si les dettes sont d'égale nature, l'imputation se fait sur la plus anciennes ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement". A l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à compter de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte qu'en matière de crédit immobilier, l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives et l'action en paiement du capital restant dû se prescrit quant à elle à compter de la déchéance du terme qui emporte son exigibilité (cf pour exemple C. Cass. 1ère civ. 11 février 2016, no 14-22938 ; 14-28383 ; 14-27143 et 14-29539). Il ressort des pièces produites par l'appelant que le litige concerne les sept prêts octroyés à la SCEA garantis, pour deux d'entre eux, par le cautionnement de M. [B] [X]. Les éléments relatifs à la date des échéances impayées et à la déchéance du terme sont les suivants : - s'agissant du prêt du 23 octobre 2007 d'un montant de 28.000 €, le Crédit lyonnais a mis en demeure par courrier recommandé avec accusé de réception du 25 janvier 2011, la SCEA du Grand Clos de régler sous quinzaine les échéances impayées depuis le 23 janvier 2011 d'un montant de 6325,56€, en indiquant qu'à défaut, la clause de déchéance du terme prévue au contrat prendra effet et la SCEA du Grand clos devra alors procéder au paiement d'un montant total de 18.813,95€ selon décompte arrêté au 25 janvier 2011, outre les intérêts au taux de 3,90% l'an + 3 points, - s'agissant du prêt du 15 juillet 2008, d'un montant de 19.000 €, le Crédit lyonnais a mis en demeure par courrier recommandé avec accusé de réception du 8 juin 2011, la SCEA du Grand Clos de régler sous quinzaine les échéances impayées depuis le 1er juin 2011 d'un montant de 3215,73€, en indiquant qu'à défaut, la clause de déchéance du terme prévue au contrat prendra effet et la SCEA du Grand clos devra alors procéder au paiement d'un montant total de 14.766,29€ selon décompte arrêté au 8 juin 2011, outre les intérêts au taux de 4,10 % l'an + 3 points, - s'agissant du prêt du 18 mars 2009 d'un montant de 28.400 €, le Crédit lyonnais a par courrier recommandé avec accusé de réception du 15 septembre 2011, mis en demeure la SCEA du Grand Clos de régler sous quinzaine les échéances impayées depuis le 30 août 2011 d'un montant de 6.359,89€, en indiquant qu'à défaut, la clause de déchéance du terme prévue au contrat prendra effet et la SCEA du Grand clos devra alors procéder au paiement d'un montant total de 24.912,89 €, outre les intérêts au taux de 3,50 % l'an + 3 points, - s'agissant du prêt du 21 octobre 2009, d'un montant de 6.500 €, le Crédit lyonnais a mis en demeure la SCEA du Grand clos par courrier recommandé avec accusé de réception du 4 octobre 2011 de lui régler sous quinzaine les échéances impayées depuis le 1er octobre 2011 d'un montant de 1788,47€, en indiquant qu'à défaut, la clause de déchéance du terme prévue au contrat prendra effet et la SCEA du Grand clos devra alors procéder au paiement d'un montant total de 5.311,45 €, outre les intérêts au taux de 3,90 % l'an + 3 points, - s'agissant du prêt du 22 octobre 2009 d'un montant de 7.500 €, le Crédit lyonnais a par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 24 janvier 2011, mis en demeure la SCEA du Grand Clos de lui régler sous quinzaine les échéances impayées depuis le 1er octobre 2010 pour un montant de 1597,09€, en indiquant qu'à défaut, la clause de déchéance du terme prévue au contrat prendra effet et la SCEA du Grand clos devra alors procéder au paiement d'un montant total de 7.692,91 €, outre les intérêts au taux de 3,90 % l'an + 3 points, - s'agissant du prêt du 26 janvier 2010 d'un montant de 13.500 €, le Crédit lyonnais a par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 24 janvier 2011, le Crédit Lyonnais a mis en demeure la SCEA du Grand Clos de lui régler sous quinzaine les échéances impayées depuis le 1er janvier 2011 pour un montant de 2240,95€, en indiquant qu'à défaut, la clause de déchéance du terme prévue au contrat prendra effet et la SCEA du Grand clos devra alors procéder au paiement d'un montant total de procéder au règlement de la somme de 14.696,32 €, outre les intérêts au taux de 3,80% l'an + 3 points, - s'agissant du prêt du 10 mars 2010 d'un montant de 46.000 €, le Crédit lyonnais a par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 22 février 2011, mis en demeure la SCEA du Grand Clos de lui régler les échéances impayées depuis le 15 février 2011 pour un montant de 4286,20€ au titre, en indiquant qu'à défaut, la clause de déchéance du terme prévue au contrat prendra effet et la SCEA du Grand clos devra alors procéder au paiement d'un montant total de 50.260,57 €, avec intérêts au taux de 4,20 % l'an + 3 points. Par suite, la prescription quinquennale au titre de l'échéance impayée commence à courir à compter de la date de cette échéance et la prescription au titre du capital restant dû à compter de la date du courrier de mise en demeure susvisé à laquelle on ajoute le délai de 15 jours donné pour payer les échéances impayées intervient automatiquement. Tous les courriers de mise en demeure susvisés, adressés pour chacun de ces sept prêts, portent la référence 00071389. Les décomptes de créance afférents à chacun de ces prêts, établis à l'entête du Crédit lyonnais portent la référence de no de contrat : 71389 suivi d'un numéro différent pour chacun des prêts. Cette référence 71389 se retrouve dans le bordereau de cession de créances produit en pièce 1 par la FCT Hugo créances II, suivie des numéros de chacun des sept prêts. Outre ces 7 prêts, l'appelant verse aux débats en pièces 37 et 38 le décompte de créance, arrêté au 22 septembre 2019, afférent à un prêt personnel octroyé par le Crédit lyonnais à M. [B] [X] le 3 août 2014, et portant la référence 157575 suivi du numéro du prêt 4419181-YY64, ainsi qu'un jugement rendu par le 8 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Fontainebleau relatif à ce prêt qui a condamné M. [X] à payer au FCT Hugo créances II venant aux droits du Crédit lyonnais la somme de 10.129,65€. Ce prêt n'est pas en litige dans la présente instance mais est invoqué par M. [X] qui prétend que l'un des règlements dont se prévaut le FCT Hugo créances II concerne le prêt personnel qui lui a été octroyé et non les prêts accordés à la SCEA du Grand clos. En effet, pour contester la prescription de sa demande en paiement formée par assignation en date des 2 et 4 décembre 2020, au titre des sept prêts octroyés à la SCEA du grand clos, garantis pour d'eux d'entre eux par le cautionnement de son gérant M. [X] et soutenir que le délai de prescription a été interrompu, l'appelant se prévaut de 3 séries de règlements effectués par la SCEA du Grand clos, dans les sept prêts, et ayant à chaque fois interrompu la prescription. Il se prévaut en premier lieu de réglements effectués les 20 août 2014, 27 octobre 2014 et 30 août 2014, qui sont mentionnés dans chacun des décomptes joints relatifs aux 7 prêts, joints au courrier de mise en demeure adressée à la SCEA du Grand clos le 20 novembre 2015. Les intimés reconnaissent expressément ces règlements ainsi que leur imputation opérée par le FCT Hugo créances II de manière proportionnelle sur chacun des sept prêts litigieux et par suite, leur effet extinctif sur l'ensemble de ces prêts. Ils en déduisent que le délai de prescription de 5 ans a été interrompu, en dernier lieu le 30 décembre 2014 et que le FCT Hugo Créances II avait jusqu'au 30 décembre 2019 pour agir en paiement. Ils contestent en revanche les interruptions de créance résultant d'une part de deux versements de 5000€ qui auraient été effectués les 30 juillet et 30 août 2016, d'autre part d'un versement de 1000€ effectué par chèque de 1000€ de M. [X] le 8 mars 2019. S'agissant des versements prétendument effectués en 2016, l'appelant produit uniquement ses décomptes de créance comportant pour chaque prêt une imputation partielle des versements, ainsi que les courriers de mise en demeure adressés le 30 septembre 2020 à la SCEA du Grand clos et à M. [X] étant observé que seul le courrier adressé à la débitrice mentionne les versements effectués en 2016, non celui indiqué à M. [X]. S'agissant du versement prétendument effectué le 8 mars 2019 à hauteur de 1000€, le FCT Hugo créances se prévaut non seulement de ses décomptes de créance mais aussi d'un courrier adressé par M. [X] le 8 mars 2019. Sur les décomptes de créance, le premier juge a rejevé que les règlements suivants avaient été imputés sur les comptes suivants : - pour le prêt du 23 octobre 2007 : 137,28 € - pour le prêt du 15 juillet 2008 : 105,73 € - pour le prêt du 18 mars 2009: 176,11 € - pour le prêt du 21 octobre 2009: 35,66 € - pour le prêt du 22 octobre 2009 : 41,57 € - pour le prêt du 26 janvier 2010: 112,03 € soit un total de 608,38 € qui, selon le premier juge, ne correspond pas à la somme de 1000€, aucune imputation n'ayant en outre été réalisée à cette date sur le prêt du 10 mars 2010. Or, il ressort du décompte de créance produit devant la cour en pièce 30 arrêté au 22 septembre 2020, relatif au prêt du 10 mars 2010, qu'un règlement est expressément mentionné à hauteur de 391,62€ le 8 mars 2019, au titre du solde de ce prêt. En tenant compte de ce règlement, le total des versements effectués s'élève bien à 1000€. Le moyen tiré de l'absence de concordance entre la somme perçue et les règlements imputés doit donc être écarté. Les intimés contestent en outre avoir adressé un règlement de 1000€ au titre du règlement partiel des sept prêts litigieux. Outre les décomptes susvisés, le FCT Hugo créances II produit toutefois également, devant la cour, en pièce 40, un courrier adressé par M. [X] le 8 mars 2019 indiquant : " Madame [E], Vous trouverez ci-joint des chèques comme convenu, et veuillez m'excuser de mon retard, c'était la conjoncture de ma vie personnelle. D'autre part, pouvez-vous m'envoyez un décompte de ma situation sur ma boite mail". Ce courrier porte expressément en entête, écrit par le signataire, la mention : "dossier LC 8 / 71389 LC 8 / 157575". Les deux chèques que M. [X] indique dans ce courrier transmettre en pièce jointe se réfèrent donc à ces deux dossiers. Ainsi qu'il a été dit, le "dossier LC 8 / 71389" est la référence correspondant aux 7 prêts consentis à la SCEA du Grand clos, objet du présent litige, mentionnée sur tous les décomptes de créance et courriers de mise en demeure et le " dossier LC 8 / 157575 est la référence du dossier correspondant au prêt personnel octroyé le 3 août 2014 à M. [X],. Les intimés ne contestent pas que ce courrier émane de M. [X] mais prétendent que le règlement qui y est visé se rapporte uniquement au prêt personnel du 3 août 2014 consenti à M. [X]. Le courrier du 8 mars 2019 mentionne toutefois deux chèques. Leur montant n'est pas indiqué. Néanmoins, l'addition des règlements mentionnés dans les 7 décomptes relatifs aux prêts consentis à la SCEA fait 1000€ et il ressort par ailleurs du décompte afférent au prêt personnel consenti à M. [X] (pièce 37) que la somme de 1000€ a été imputée à titre de règlement le 8 mars 2019 au titre du prêt personnel de ce dernier, soit en tout, deux sommes de 1000€ réglées par M. [X]. Si les intimés soulignent à juste titre que dans le courrier de mise en demeure adressé à M. [X] le 30 septembre 2020, il est uniquement fait mention des sommes versées en 2014 au titre des 7 prêts consentis à la SCEA et de la somme de 1000€ perçue le 8 mars 2019 au titre du règlement du prêt du 3 août 2014, et non d'une seconde somme de 1000€ au titre des 7 prêts de la SCEA, la cour observe que sur la mise en demeure adressée le 30 septembre 2020 à la SCEA le Grand clos, ce versement de 1000€ le 8 mars 2019 y est bien indiqué, de sorte que l'absence de précision de ce versement sur le courrier adressé à M. [X] procéde selon toute vraisemblance d'une omission. Au vu de ces éléments, il doit être retenu que M. [X] a bien effectué le 8 mars 2019 deux règlements par chèque de 1000€, l'un à valoir sur son prêt personnel souscrit le 3 août 2014, l'autre sur le dossier 71389 correspondant aux 7 prêts consentis à la SCEA. Au 8 mars 2019, M. [X] était à la fois gérant de la SCEA du Grand Clos, caution de deux des prêts consentis à cette dernière et emprunteur à titre personnel. Dès lors qu'il ne distingue pas dans le courrier du 8 mars 2019 à quel titre il a adressé les chèques et qu'il mentionne le dossier 71389 sans autre précision, le dit dossier englobant les prêts de la SCEA pour lesquels il s'est porté caution et ceux qu'il n'a pas cautionnés, il doit être considéré que tous les prêts sont concernés et qu'il a agi tant en qualité de gérant de la SCEA qu'en tant que caution et emprunteur. Il est exact, ainsi que l'indique l'appelant, qu'en application des articles 1253 et 1256 du Code civil (anciens) précités, on doit imputer le paiement d'abord sur la dette que le débiteur avait le plus d'intérêt d'acquitter entre celles qui sont pareillement échues; sinon sur la dette échue, quoique moins onéreuse que celles qui ne le sont point ; si les dettes sont d'égale nature, sur la plus ancienne ; et si les dettes sont d'égale nature et d'ancienneté, de manière proportionnelle. Les intimés en déduisent à titre subsidiaire que la somme de 1000€ réglée devrait être imputée sur le seul dossier personnel de M. [X] pour lequel il avait le plus intérêt à régler sa dette. Il ne peut toutefois être reproché au FCT Hugo Créance d'avoir imputé l'un des deux règlements de 1000€ sur les 7 prêts consentis à la SCEA dès lors que la référence de ce dossier était expressément mentionnée par M. [X] sur le courrier du 8 mars 2019. La cour observe en outre, que l'imputation effectuée par le FCT Hugo Créances pour la somme de 1000€ réglée au titre du dossier 71389, proportionnellement sur chacun des 7 prêts est identique à celle qu'il avait effectuée pour les versements opérés en 2014, imputation que la SCEA et M. [X] n'ont pas contestée. En tout état de cause, en vertu de l'article 2240 du Code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription. Aucune condition de forme n'est exigée, la reconnaissance pouvant s'induire tacitement de tous les faits impliquant l'aveu de l'existence du droit du créancier, dès lors que cette reconnaissance est non équivoque. Cette reconnaissance peut résulter notamment du paiement d'une partie de la dette par le débiteur et elle entraîne, fût elle partielle, interruption du délai de prescription pour la totalité de la créance qui ne peut se fractionner. Par suite, l'imputation des paiements partiels intervenus à telle ou telle échéance n'a pas d'incidence sur l'effet interruptif du paiement pour la totalité de la créance échue. Compte tenu, d'une part du courrier susvisé adressé le 8 mars 2019 par M. [X], gérant de la débitrice, caution et emprunteur, par lequel en visant les deux dossiers no 71389 et 157575, il adresse "deux chèques comme convenu", en s'excusant de son retard, d'autre part des décomptes de créance tenant compte des versements en question qui coroborent ce courrier, il doit être retenu que le versement de 1000€ effectué le 8 mars 2019 et imputé sur les sept prêts litigieux vaut reconnaissance de dette même partielle du droit du FCT Hugo créances contre lequel il prescrivait depuis le 30 décembre 2014, et a entraîné, pour l'ensemble des prêts contenus dans le dossier 71389, c'est à dire les sept prêts consentis à la la SCEA du Grand clos, un nouvel effet interruptif, à compter du 8 mars 2019 . Par suite, et sans qu'il y ait lieu à ce stade de statuer plus avant sur la question des versements effectués en 2016, la demande en paiement formée par assignation du 2 décembre 2020 pour M. [X] et du 4 décembre 2020 pour la SCEA du Grand clos n'est pas prescrite. L'ordonnance doit être infirmée et la demande d'irrecevabilité de la demande en paiement rejetée. Sur les autres demandes Le FCT Hugo Créances sollicite devant la cour la condamnation solidairement de la SCEA du Grand Clos, à hauteur de la somme de 208.960,93 euros arrêtée au 22 septembre 2020, outre les intérêts contractuels majorés postérieurs jusqu'au parfait règlement et de M. [B] [X], à hauteur de la somme de 74.750 euros, outre les intérêts au taux légal jusqu'au parfait règlement, ainsi que la capitalisation des intérêts à compter des 2 et 4 décembre 2020. Ainsi qu'il vient d'être retenu, ces demandes ne sont pas prescrites et sont recevables devant le tribunal. Néanmoins, dans la présente instance, la cour intervient uniquement en tant que juge d'appel de l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 24 mars 2022. Elle ne dispose donc que des pouvoirs du juge de la mise en état et ne peut statuer sur les demandes de condamnation et capitalisation des intérêts qui étaient soumises au tribunal judiciaire. Ces demandes sont irrecevables dans la présente instance et il convient de renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Montargis afin d'y être poursuivie. L'appelant obtient pour l'essentiel gain de cause en son appel. L'ordonnance doit donc être infirmée en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles. Les dépens exposés devant le premier juge et la cour doivent être mis solidairement à la charge de la SCEA du Grand clos et de M. [X], outre le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de l'appelant qui en fait la demande expresse. Les intimés seront en outre solidairement condamnés au paiement d'une somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS - Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions critiquées ; Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant, - Rejette la demande tendant à déclarer irrecevables devant le tribunal judiciaire de Montargis en raison de la prescription, les demandes en paiement formées par le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances II ayant pour société de gestion la société Equitis gestion et représenté par son recouvreur la société MCS et associés, ainsi que la demande en capitalisation des intérêts, à l'encontre de la SCEA du Grand Clos et de M. [B] [X] et dit que ces demandes sont recevables ; - Rappelle que la cour statue uniquement sur appel de l'ordonnance du 24 mars 2022 ; - En conséquence, déclare irrecevables dans la présente instance d'appel, les demandes formées sur le fond par le Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances II ayant pour société de gestion la société Equitis gestion et représenté par son recouvreur la société MCS et associés, tendant à: * condamner solidairement la SCEA du Grand Clos, à hauteur de la somme de 208.960,93 euros arrêtée au 22 septembre 2020, outre les intérêts contractuels majorés postérieurs jusqu'au parfait règlement et M. [B] [X], à hauteur de la somme de 74.750 euros, outre intérêts au taux légal jusqu'au parfait règlement au titre de ses deux engagements de caution, * ordonner la capitalisation des intérêts à compter des 2 et 4 décembre 2020, date de délivrance des assignations, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code civil, - Renvoie l'affaire devant le tribunal judiciaire de Montargis pour poursuite de la procédure ; - Condamne solidairement la SCEA du Grand clos et M. [B] [X] à verser au Fonds Commun de Titrisation Hugo Créances II ayant pour société de gestion la société Equitis gestion et représenté par son recouvreur la société MCS et associés une indemnité de 1500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamne solidairement la SCEA du Grand clos et M. [B] [X] aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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No RG 22/08491 - No Portalis DBVX-V-B7G-OVUC Nom du ressortissant : PREFET DU PUY DE DOME COUR D'APPEL DE LYON JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT ORDONNANCE DU 21 DECEMBRE 2022 statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers Nous, Isabelle OUDOT, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance du premier président de ladite Cour en date du 1er septembre 2022 et du 16 décembre 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile, Assistée de Manon CHINCHOLE, Greffier lors des débats et de Charlotte COMBAL, greffier, lors de la mise à disposition, En l'absence du ministère public, En audience publique du 21 Décembre 2022 dans la procédure suivie entre : APPELANT : M. [V] [J] né le [Date naissance 2] 2002 à [Localité 5] de nationalité Algérienne Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [4] comparant assisté de Maître Marie HOUPPE, avocat au barreau de LYON, commis d'office M. LE PREFET DU PUY DE DOME [Adresse 1] [Localité 3] non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître IRIRIRA NGANGA Dan, avocat au barreau de LYON, pour la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocats au barreau de l'AIN, Avons mis l'affaire en délibéré au 21 Décembre 2022 à 16heures00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit : FAITS ET PROCÉDURE Le 29 janvier 2021, une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et assortie d'une interdiction de retour pendant 3 ans a été notifiée à [V] [J] par le préfet de l'Allier. Le 05 décembre 2021, une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et assortie d'une interdiction de retour pendant 2 ans a été notifiée à [V] [J] par le préfet de police de [Localité 6]. Le 17 décembre 2022, une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et assortie d'une interdiction de retour pendant 3 ans a été notifiée à [V] [J] par le préfet du Puy-de-Dôme. Le 17 décembre 2022, le préfet du Puy-de-Dôme a ordonné le placement de [V] [J] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire afin de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement. Suivant requête du 18 décembre 2022, reçue le jour même à 15 heures 28, le préfet du Puy-de-Dôme a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours. Dans son ordonnance du 19 décembre 2022 à 12 heures 05, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a ordonné la prolongation de la rétention de [V] [J] dans les locaux du centre de rétention administrative de [4] pour une durée de vingt-huit jours. Par déclaration au greffe le 20 décembre 2022 à 11 heures 10, [V] [J] a interjeté appel de cette ordonnance dont il demande l'infirmation outre sa mise en liberté. A cet effet il soutient que l'administration n'a pas effectué les diligences utiles dans les deux premiers jours de sa rétention. Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 21 décembre 2022 à 10 heures 30. [V] [J] a comparu et a été assisté de son avocat. Le conseil de [V] [J] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel. Elle explique qu'il est fait état d'une adresse dans la requête en appel qui est réelle mais ne demande pas d'assignation à résidence, son client étant dépourvu de passeport. Le préfet du Puy-de-Dôme,représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée. [V] [J] a eu la parole en dernier. Il explique qu'il est en France depuis 2015, qu'il a fait des études, qu'il est suivi par la PJJ et que s'il est né là-bas il a grandi ici en France et il demande la liberté. MOTIVATION Sur la procédure et la recevabilité de l'appel Attendu que l'appel de [V] [J] relevé dans les formes et délais légaux est recevable ; Sur le moyen pris de l'insuffisance des diligences de l'autorité administrative durant les premières quarante-huit heures de rétention administrative Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L 741-3 du CESEDA « qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet ». Attendu que [V] [J] soutient dans sa requête en appel et pour la première fois, que la préfecture n'a pas effectué les diligences nécessaires durant la période initiale de prolongation de sa rétention administrative ; Attendu qu'il ressort des pièces du débat qu'au moment de sa requête du 18 décembre 2022 à 15 heures 28, l'autorité administrative avait saisi les autorités consulaires algériennes afin d'obtenir l'identification d'[V] [J] qui circulait sans document de voyage ; Qu'il ne peut donc être valablement soutenu que les diligences utiles n'ont pas été engagées dans ce bref délai, le moyen n'étant pas sérieusement soutenu ; Que par ailleurs ce que conteste en réalité l'intéressé relève de la pertinence de la mesure d'éloignement dont la critique échappe à la compétence de l'institution judiciaire étant précisé que M. [J] a fait un recours contre l'obligation de quitter le territoire français qui doit être examiné par le tribunal administratif le 22 décembre selon ses dires ; Attendu qu'en conséquence, à défaut d'autres moyens soulevés, l'ordonnance entreprise est confirmée ; PAR CES MOTIFS Déclarons recevable l'appel formé par [V] [J], Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée. Le greffier, Le conseiller délégué, Charlotte COMBAL Isabelle OUDOT
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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS MINUTE No49 COUR D'APPEL DE POITIERS 27 Décembre 2022 CONTENTIEUX DES SOINS PSYCHIATRIQUES PROCEDURE DE CONTROLE DES MESURES ORDONNANCE No RG 22/00074 - No Portalis DBV5-V-B7G-GWLD Mme [L] [W] épouse [C] Nous, Philippe TRILLAUD, président de chambre, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Poitiers, Assisté, lors des débats, de Inès BELLIN, greffier, avons rendu le vingt sept décembre deux mille vingt deux l'ordonnance suivante, par mise à disposition au greffe, sur appel formé contre une ordonnance du Juge des libertés et de la détention de [Localité 6] en date du 02 Décembre 2022 en matière de soins psychiatriques sans consentement. Madame [L] [W] épouse [C] née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 7] [Adresse 5] [Localité 3] représentée par Me Vincent FOURNIER, avocat au barreau de POITIERS - placée sous le régime de l'hospitalisation complète en soins psychiatriques sans consentement mis en oeuvre par le Centre Hospitalier [4] CENTRE HOSPITALIER [4] [Adresse 8] [Localité 2] non comparant Monsieur [Y] [C] [Adresse 5] [Localité 3] non comparant PARTIE JOINTE Ministère public, non représenté, ayant déposé des réquisitions écrites ; Par ordonnance du 02 Décembre 2022, le Juge des libertés et de la détention de [Localité 6] a ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète dont Mme [L] [W] épouse [C] fait l'objet au Centre Hospitalier [4], où elle a été placée, le 22 novembre 2022,à la demande d'un tiers, Monsieur [Y] [C]. Cette décision a été notifiée le 2 décembre 2022 à Mme [L] [W] épouse [C]. Madame [L] [W] épouse [C] en a relevé appel, par lettre recommandée avec avis de réception en date du 14 Décembre 2022, reçue au greffe de la cour d'appel le 21 Décembre 2022. Vu les avis d'audience adressés, conformément aux dispositions de l'article R. 3211-19 du code de la santé publique, à Madame [L] [W] épouse [C], au directeur du centre hospitalier [4], ainsi qu'au Ministère public ; Vu les réquisitions du ministère public tendant à ce que l'appel soit déclaré irrecevable ; Vu les débats, qui se sont déroulés le 27 décembre 2022 au siège de la juridiction, en audience publique conformément aux dispositions de l'article L.3211-12-2 du code de la santé publique, en l'absence de Mme [L] [C], qui n'a pas comparu, sa défense étant assurée par Maître Vincent FOURNIER, avocat au barreau de Poitiers, commis d'office. Vu l'avis médical motivé en date du 22 décembre 2022 faisant état du fait que Mme [L] [C] adhérait au programme de soins qui lui avait été proposé et ne souhaitait pas comparaître à l'audience du 27 décembre 2022. Après avoir entendu : - le président en son rapport, qui a donné lecture des conclusions du Ministère Public en date du 22 décembre 2022, sollicitant l'irrecevabilité de l'appel régularisé par Mme [C]; - Maître Vincent FOURNIER, avocat au barreau de POITIERS, conseil de Mme [L] [C], en sa plaidoirie, qui a eu la parole le dernier. Les parties ont été avisées que l'affaire était mise en délibéré au 27 décembre 2022. - sur la recevabilité : L'appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de La Roche sur Yon, rendue le 2 décembre 2022, et notifiée le jour même à Mme [C] (qui a refusé de signer), a été formé le 14 décembre 2022, soit au delà du délai de 10 jours prévu par les dispositions de l'article R. 3211-18 du Code de la santé publique, il doit donc être déclaré irrecevable. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement et contradictoirement, au siège de la cour d'appel, en dernier ressort, après débats en audience publique, DÉCLARONS irrecevable l'appel formé par Madame [L] [C] à l'encontre de l'Ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de La Roche sur Yon en date du 02 décembre 2022. Laissons les dépens à la charge de l'Etat ; Et ont, le président et le greffier, signé la présente ordonnance. LE GREFFIER, LE PRESIDENT, Inès BELLIN Philippe TRILLAUD
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No RG 22/08502 - No Portalis DBVX-V-B7G-OVUR Nom du ressortissant : [J] [U] [K] PREFET DE LA LOIRE COUR D'APPEL DE LYON JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT ORDONNANCE DU 21 DECEMBRE 2022 statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers Nous, Isabelle OUDOT, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance du premier président de ladite Cour en date du 1er septembre 2022 et du 16décembre 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile, Assistée de Manon CHINCHOLE, Greffier lors des débats et de Charlotte COMBAL, greffier, lors de la mise à disposition, En l'absence du ministère public, En audience publique du 21 Décembre 2022 dans la procédure suivie entre : APPELANT : M. [J] [U] [K] né le [Date naissance 1] 1992 à [Localité 5] (KOSOVO) de nationalité Kosovare Actuellement retenu au [Adresse 4] comparant assisté de Maître Jean-michel PENIN, avocat au barreau de LYON, choisi M. LE PREFET DE LA LOIRE [Adresse 2] [Localité 3] non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître IRIRIRA NGANGA Dan, avocat au barreau de LYON, pour la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocats au barreau de l'AIN, Avons mis l'affaire en délibéré au 21 Décembre 2022 à 16 heures 00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit : FAITS ET PROCÉDURE [J] [U] [K] a formé des demandes d'asile et de réexamen de demandes d'asile qui ont été rejetées par ordonnances de la cour nationale du droit d'asile les 16 mars 2017 et 29 mars 2018. Le 14 septembre 2018 le préfet de la Loire a rejeté la demande de délivrance de titre de séjour formé par [J] [U] [K] et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, décision notifiée le 15 septembre 2018. Par jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 25 juin 2019 la requête en annulation de la décision préfectorale formée par [J] [U] [K] a été rejetée. Le 07 février 2020, une obligation de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant un an a été notifiée à [J] [U] [K] par la préfète de la Loire. Le même jour la préfète de la Loire a assigné à résidence M. [K]. Par jugement du 13 février 2020 le tribunal administratif a rejeté le recours formé par [J] [U] [K] contre ces trois décisions et a validé ainsi l'obligation de quitter le territoire, la fixation du pays de renvoi et l'assignation à résidence. Suivant procès-verbal en date du 24 septembre 2020 les policiers ont constaté que [J] [U] [K] était venu émarger régulièrement jusqu'au 14 février 2020 mais que depuis cette date il ne s'était plus présenté sans faire connaître le motif de sa carence. Les policiers précisaient s'être transportés au domicile de M. [K] où ils avaient constaté que la famille n'y résidait plus. Le 12 août 2021 l'OFPRA a rejeté une demande d'apatride formée par M. [K], décision notifiée à l'intéressé le 10 septembre 2021. Un recours a été formé et la procédure est pendante devant la cour nationale du droit d'asile. Le 19 octobre 2022 [J] [U] [K] était interpellé par les services de police et placé en garde à vue pour l'infraction de recel de vol de carte bleue. Il faisait l'objet d'un rappel à la loi. Le 20 octobre 2022, une obligation de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant un an a été notifiée à [J] [U] [K] par la préfète de la Loire. Par jugement en date du 25 octobre 2022 le tribunal administratif de Lyon a rejeté le recours formé par [J] [U] [K]. Le 20 octobre 2022, l'autorité administrative a ordonné le placement de [J] [U] [K] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire afin de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement. Le 23 octobre 2022, par infirmation de la décision du juge des libertés et de la détention, la rétention administrative de M. [K] a été prolongée pour 28 jours. Par ordonnance du 19 novembre 2022 confirmée en appel le 22 novembre 2022, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [J] [U] [K] pour une durée de trente jours. Suivant requête du 18 décembre 2022, le préfet de la Loire a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours. Dans son ordonnance du 19 décembre 2022 à 15heures47 le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a fait droit à cette requête. Par déclaration au greffe le 20 décembre 2022 à 13 heures 16, [J] [U] [K] a interjeté appel de cette ordonnance en faisant valoir que le premier juge a statué ultra petita en violation de l'article 5 du code civil en retenant l'obstruction de la personne retenue alors que la préfecture visait dans sa requête la délivrance à bref délai du laissez-passer. En tout état de cause la conseil de M. [K] fait valoir qu'il n'est pas établi que la délivrance a bref délai va intervenir et qu'aucune obstruction dans les 15 derniers jours n'est caractérisée. [J] [U] [K] a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée et sa remise en liberté. Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 21 décembre 2022 à 10 heures 30. [J] [U] [K] a comparu et a été assisté de son avocat. Le conseil de [J] [U] [K] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel. Le préfet de la Loire, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée. [J] [U] [K] a eu la parole en dernier. Il explique qu'il est né Kosovare et qu'il mourra Kosovare et qu'il n'a jamais menti sur sa nationalité. Il aspire à retrouver la liberté et sa famille. MOTIVATION Attendu que l'appel de [J] [U] [K] relevé dans les formes et délais légaux est recevable ; Sur le bien-fondé de la requête Attendu quel'article L. 742-5 du même code dispose que «A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours : 1o L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ; 2o L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement : a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 9o de l'article L. 611-3 ou du 5o de l'article L. 631-3 ; b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ; 3o La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai» Attendu que le juge des libertés et de la détention a été saisi par la préfecture de la Loire d'une demande en prolongation exceptionnelle de la rétention administrative de [J] [U] [K] au visa de l'article L 742-5 du CESEDA; Que le premier juge a ordonné cette prolongation exceptionnelle et qu'il ne peut pas être valablement soutenu que ce faisant il a violé les dispositions de l'article 5 du Code de procédure civile qui dispose que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; Que l'article 12 du même code fait obligation au juge de donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposé ; qu'il est ainsi tenu d'examiner le litige conformément aux dispositions de l'article L 742-5 du CESEDA et peut vérifier que les conditions d'applications du dit texte sont réunies ; Qu'au cas d'espèce le premier juge a relevé que la condition prévue au 1o de l'article L 742-5 1o était réunie sans qu'il soit besoin d'examiner la condition fixée au 3o et que ce faisant le juge n'a pas statué ultra petita ; Attendu que le premier juge a considéré que la dissimulation par [J] [U] [K] de sa véritable identité contraignait l'autorité administrative à multiplier les diligences auprès des autorités consulaires de plusieurs pays afin d'obtenir un laissez-passer et qu'en ne remettant pas à la préfecture les documents relatifs à son état civil il se maintenait dans une attitude d'obstruction et entravait les diligences réalisées ; Attendu que l'autorité administrative fait valoir dans sa requête que : - elle a saisi le consulat du Kosovo le 20 octobre 2022 en joignant une carte de membre de la communauté Rom à toutes fins utiles afin d'obtenir la délivrance d'un laissez-passer pour [J] [U] [K] qui circulait sans document d'identité ou de voyage; - le 20 octobre 2022 la préfecture a saisi les services de l'unité centrale d'identification (UCI) afin d'obtenir un document transfrontière Kosovare au nom de l'intéressé ; - après relance l'UCI a répondu à la préfecture le 03 novembre 2022 être en attente d'une réponse du Kosovo ; - par courriel reçu le 10 novembre 2022 la préfecture a été avisée que [J] [U] [K] n'était pas reconnu par les autorités kosovares ; - la préfecture de l'Ain a saisi les autorités serbes, croates, bosniennes et slovènes ; - le 16 novembre 2022 les autorités croates ont indiqué à la préfecture que [J] [U] [K] n'était pas reconnu comme ressortissant croate ; - le 17 novembre 2022 le consul de Slovénie a indiqué à la préfecture que [J] [U] [K] n'était pas reconnu comme ressortissant slovène ; - le 17 novembre 2022 les autorités bosniennes ont indiqué à la préfecture que [J] [U] [K] n'était pas reconnu comme ressortissant bosniaque ; - le 18 novembre 2022 les autorités serbes ont indiqué à la préfecture que [J] [U] [K] n'était pas reconnu comme ressortissant serbe ; - la préfecture a saisi l'ambassade de la Macédoine du Nord et le Monténégro le 21 novembre 2022 et se trouve dans l'attente d'une réponse des autres autorités consulaires saisies ; Attendu que [J] [U] [K] n'a jamais varié dans son identité pour dire qu'il était né au Kosovo, mais que, faisant partie de la communauté Rom, son inscription dans un registre d'état civil n'avait jamais été réalisée ; Qu'il a toujours évoqué sa demande d'apatridie formée et justifié au cours de procédure de la rétention, le recours pendant devant la CNDA sur la décision rendue par l'OFPRA et a transmis des pièces régulièrement communiquées au conseil de la préfecture qui en a eu connaissance et qu'il fournit de nouveau devant la présente juridiction : Que la complexité de l'identification de M. [J] [U] [K] est certaine mais que le premier juge ne pouvait pas retenir que cette complexité relevait d'un comportement d'obstruction d'[J] [U] [K] en partant du postulat selon lequel il aurait menti sur son identité ; Attendu que depuis le placement en rétention 5 pays ont indiqué que [J] [U] [K] n'était pas l'un de leurs ressortissants et que la préfecture est dans l'attente d'une réponse du Monténégro et de la Macédoine du Nord ; Qu'en dépit des diligences nombreuses effectuées, et à défaut d'élément autres permettant l'identification de l'intéressé, la préfecture de la Loire ne fournit pas d'éléments qui permettent d'établir que le laissez-passer doit intervenir à bref délai et que sa requête ne peut donc pas prospérer ; Qu'en conséquence, l'ordonnance entreprise est infirmée et la requête de la préfecture de la Loire rejetée ; PAR CES MOTIFS Déclarons recevable l'appel formé par [J] [U] [K], Infirmons l'ordonnance déférée. Statuant à nouveau Rejetons la requête de la préfecture de la Loire en prolongation de la rétention administrative de [J] [U] [K], En tant que de besoin ordonnons la mise en liberté de [J] [U] [K], Rappelons à [J] [U] [K] qu'il a l'obligation de quitter le territoire français suivant arrêté préfectoral en date du 20 octobre 2022. Le greffier, Le conseiller délégué, Charlotte COMBAL Isabelle OUDOT
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No RG 21/00322 NoPortalis DBWA-V-B7F-CHOB M. [X] [G] [C] FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS MINISTERE PUBLIC COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE CHAMBRE CIVILE ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2022 Décision déférée à la cour : Jugement de la Commission d'Indemnisation des Victimes de Dommages Résultant d'une Infraction de [Localité 4], en date du 20 Mai 2021, enregistré sous le no 20/00037 ; APPELANT : Monsieur [X] [G] [C] [Adresse 7] [Adresse 7] [Localité 5] Représenté par Me Corinne BOULOGNE-YANG-TING, avocat au barreau de MARTINIQUE FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS (FGTI), prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié audit siège. [Adresse 2] [Localité 3] Représentée par Me Valérie VADELEUX de la SELARL VADELEUX & ASSOCIES, avocat au barreau de MARTINIQUE MINISTERE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au Ministère Public représenté par Mme B. SENECHAL, Vice Procureur Placée qui a fait connaître son avis, le 14 février 2022. COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Juin 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Claire DONNIZAUX, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de : Présidente : Mme Christine PARIS, Présidente de chambre Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, Conseillère Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller Greffière, lors des débats : Mme Micheline MAGLOIRE, Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 27 Septembre 2022 ; ARRÊT : Contradictoire Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. EXPOSE DU LITIGE Par requête enregistrée le 13 mai 2020 au service d'accueil unique du justiciable, Monsieur [X] [C] a saisi la commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) de [Localité 4] sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale aux fins d'expertise médicale d'évaluation de son préjudice résultant de l'agression par arme blanche dont il dit avoir été victime le 1er octobre 2018, et de versement d'une indemnisation provisionnelle d'un montant de 10 000 euros. Par jugement contradictoire du 20 mai 2021, la CIVI a : - dit que Monsieur [X] [C] ne rapporte par la preuve de l'atteinte à la personne dont il a été victime le 1er octobre 2018 résultant de faits présentant le caractère matériel d'une infraction ; En conséquence, - rejeté les demandes de Monsieur [X] [C], y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - laissé les dépens à la charge du Trésor public. Par déclaration électronique du 2 juin 2021, Monsieur [X] [C] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions. La procédure a été orientée à la mise en état. Aux termes de ses conclusions récapitulatives et responsives notifiées par voie électronique le 7 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [X] [C] demande à la cour de : - infirmer la décision entreprise en ce que la CIVI a rejeté les demandes de Monsieur [X] [C], - dire et juger que le caractère matériel de l'infraction est établi, En conséquence, - ordonner une expertise médicale confiée à un Médecin Expert aux fins de déterminer et d'évaluer les préjudices de Monsieur [X] [C] conformément à la nomenclature DINTHILLAC, - allouer à Monsieur [X] [C] une provision de 10 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice, - allouer à Monsieur [X] [C] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Aux termes de ses conclusions d'intimé notifiées par voie électronique le 5 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, le FONDS DE GARANTIE DES ACTES DE TERRORISME ET AUTRES INFRACTIONS (FGTI) demande à la cour de : - débouter purement et simplement Monsieur [X] [C] de toutes ses demandes, - confirmer le jugement rendu par la CIVI le 20 mai 2021, - condamner Monsieur [X] [C] à payer au FGTI la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 14 février 2022, le ministère public a requis la confirmation du jugement querellé au motif que le requérant ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une infraction pénale qui serait à l'origine des blessures de l'intéressé, faute notamment de plainte et de procédure pénale. L'instruction a été clôturée le 19 Mai 2022. L'affaire a été appelée à l'audience du 17 juin 2022, et mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2022. Les articles 706-3 à 706-15 du code de procédure pénale permettent à toute victime de faits, volontaires ou non, présentant le caractère matériel d'une infraction imputable à un tiers et dont il est résulté une atteinte à sa personne, d'obtenir la réparation de son préjudice par le FGTI (fonds de garantie des infractions des actes de terrorisme et autres infraction). La victime peut prétendre à la réparation intégrale de son préjudice si les faits ont entraîné une incapacité totale de travail personnelle égale ou supérieure à un mois ou une incapacité permanente. La réparation peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime. La CIVI a débouté Monsieur [X] [C] de l'ensemble de ses demandes au motif qu'il ne produisait aucune pièce établissant que ses blessures résultaient d'une agression par arme blanche, et notamment aucune pièce d'une enquête pénale, alors que le parquet de la République n'a pas trouvé trace d'une plainte ni d'une éventuelle enquête qui lui auraient été communiquées. En appel, Monsieur [X] [C] communique la copie de l'enquête pénale obtenue entre-temps, laquelle a fait l'objet d'un classement sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée le 11 décembre 2020 après compte-rendu au parquet, la procédure étant ultérieurement transmise au parquet et réceptionnée le 26 juillet 2021. Ce classement sans suite a été contesté auprès du procureur général par courrier du conseil de la victime daté du 15 octobre 2021. Il résulte de l'enquête pénale ainsi communiquée que le 1er octobre 2018 au [Localité 5], deux altercations ont successivement eu lieu aux abords de la [Adresse 7] au [Localité 5], Monsieur [X] [C] n'étant présent qu'au cours de la seconde. Dans un premier temps le jeune [S] [C], âgé de 17 ans, frère de [X] [C], a été abordé par le nommé [A] [M], âgé de 17 ans, qui lui a reproché d'être l'auteur du vol du téléphone d'une connaissance. S'en est suivie une bousculade entre les deux mineurs, suscitant l'arrivée d'autres jeunes puis l'intervention de [P] [C], autre frère de [X] [C], qui reconnaît avoir exhibé un couteau à cran d'arrêt sans s'en servir, en raison de la présence de plusieurs jeunes armés de couteaux. Après que le calme soit revenu, grâce à l'intervention d'une femme non identifiée, le père des frères [C] est revenu sur les lieux afin d'avoir une explication au sujet du vol du téléphone portable et de l'agression dont venait d'être victime son fils. Alors que le ton montait entre [T] [C] et les trois jeunes, [P] et [S] [C], qui étaient restés dans la voiture, ont rejoint leur père, suscitant l'arrivée d'autres jeunes. Alerté par le bruit de la dispute alors qu'il se trouvait sur son balcon, le nommé [J] [D] est descendu de chez lui armé d'un coutelas, expliquant qu'il s'était armé parce que les frères [C] étaient eux-même porteurs de couteaux et qu'il les avait vus s'en prendre à une dame, ce dernier élément apparaissant totalement fantaisiste eu égard aux constatations policières. [P] et [S] [C] expliquent alors avoir été bousculés et frappés par plusieurs individus dont certains étaient porteurs de couteaux. [T] [C] confirme l'agression de ses fils et explique avoir tenté de s'interposer. Ce n'est qu'à ce moment que [X] [C] est intervenu dans l'altercation, alerté par son frère [P]. Il explique s'être interposé lorsqu'il a vu deux individus déterminés porteurs d'un couteau ([L] [O]) et d'un coutelas ([J] [D]) se diriger vers son frère [P]. Il s'était battu avec eux. Lorsqu'il avait vu [J] [D] de nouveau brandir son coutelas en direction de son frère [P], il avait tenté de le neutraliser en attrapant le coutelas à pleines mains au niveau de la lame. Voyant que [L] [O] et [A] [M], armés de couteaux, frappaient [X] [C] pour le faire lâcher prise et que [J] [D] tentait de dégager la lame de son coutelas, [P] [C] avait alors sauté sur [J] [D] pour lui faire lâcher son coutelas. Ils avaient tous chuté à terre et constaté les blessures de [X] [C] aux deux mains. La bagarre avait cessé et [X] [C] avait été ramené par son père à leur domicile puis pris en charge par les pompiers. Il résulte des déclarations concordantes sur ce point de [S], [P], [X] et [T] [C] que [X] [C], qui n'était pas armé, n'est intervenu dans l'altercation que pour s'interposer entre [J] [D], qui était armé d'un coutelas avec lequel il faisait des moulinets, et son frère [P] [C], directement menacé ; qu'il s'est saisi de la lame du coutelas pour neutraliser l'agresseur, qui a résisté, et a à cette occasion été blessé aux paumes de main, mais aussi essuyé d'autres coups de la part d'individus qui souhaitaient le faire lâcher prise. Le certificat médical descriptif des blessures de [X] [C] mentionne des plaies au niveau des deux membres supérieurs : au niveau de la main gauche, une large plaie barrant la paume et des plaies au niveau de l'index, sans lésion tendineuse ni nerveuse, et au niveau de la main droit, une lésion plus important avec section du fléchisseur commun profond du 4 et du 5 et section du nerf collatéral radial de l'index. Le nerf a été réparé par des points micro chirurgicaux de prolène 8.0, les tendons ont été réparés par des kesslers 4 brins. L'incapacité totale de travail est de 45 jours sous réserve de complications ultérieures. L'incapacité permanente est à déterminer ultérieurement si nécessaire par expertise médicale. Au regard des éléments de l'enquête et des certificats médicaux, qui décrivent des plaies compatibles avec des coups portés avec une arme blanche et avec le geste de défense décrit, les faits subis par Monsieur [X] [C] peuvent recevoir la qualification de violences volontaires avec arme ayant entraîné une incapacité totale de travail de 45 jours. En dehors des déclarations isolées de Monsieur [J] [D], il ne ressort de la procédure aucun élément susceptible d'établir la commission d'une faute par le requérant, de nature à refuser la réparation ou à réduire le montant de celle-ci. Le requérant est donc fondé, compte tenu de l'infraction pénale dont il a été victime et de la durée de l'incapacité totale de travail, à solliciter la réparation intégrale de son préjudice sur le fondement des articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale. Le jugement sera donc infirmé, et il sera fait droit à la demande d'expertise afin d'évaluer le préjudice de Monsieur [X] [C]. L'appelant justifie de graves blessures aux deux mains, et notamment de lésions profondes à la main droite avec section d'un fléchisseur profond et d'un nerf de l'index, lesquelles ont donné lieu à une intervention chirurgicale, à des soins infirmiers tous les 2 jours, à des séances de rééducation 4 fois par semaine, et à un arrêt de travail jusqu'au 19 avril 2019, soit pendant plus de 6 mois. A ensuite émergé la nécessité d'une prise en charge psychologique en raison d'un état dépressif majeur avec état de stress post-traumatique secondaire à l'agression subie en octobre 2018, selon un certificat médical établi le 30 janvier 2020. Au regard des conséquences physiques et psychologiques de l'agression, de l'âge et de l'activité de l'appelant (21 ans et intérimaire au jour des faits), mais en l'absence d'élément permettant en l'état de présumer de l'existence d'un déficit fonctionnel permanent, il y a lieu d'allouer à Monsieur [X] [C] une indemnité provisionnelle de 7 000 euros à valoir sur le montant de son préjudice. Au regard de la nature de l'affaire et de l'issue de l'instance, il y a lieu de laisser les dépens à la charge du Trésor public, d'accorder à Monsieur [X] [C] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de débouter le FGTI de sa demande à ce titre. PAR CES MOTIFS Statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, INFIRME le jugement querellé en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau et y ajoutant, DIT que Monsieur [X] [C] a été victime le 1er octobre 2018 d'une infraction pénale imputable à un tiers ouvrant droit à réparation intégrale de son préjudice sur le fondement des articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale ; ORDONNE une expertise médicale de Monsieur [X] [C] aux fins d'évaluation de son préjudice ; DESIGNE à cet effet le docteur [H] [Y] demeurant [Adresse 6] (tel : [XXXXXXXX01]), expert inscrit sur la liste de la cour d'appel, avec la mission suivante : Après avoir recueilli les renseignements nécessaires sur 1'identité de la victime et sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son statut et/ou sa formation s'i1 s'agit d'un demandeur d'emploi, son mode de vie antérieure à l'accident et sa situation actuelle, 1. A partir des déclarations de la victime, au besoin de ses proches et de tout sachant, et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant le cas échéant, les durées exactes d'hospitalisation et, pour chaque période d'hospitalisation, le nom de l'établissement, les services concernés et la nature des soins ; 2. Recueillir les doléances de la victime et au besoin de ses proches ; l'interroger sur les conditions d'apparition des lésions. L'importance des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences ; 3. Décrire son état antérieur en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles ; 4. Procéder à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime, en présence des médecins mandatés par les parties avec l'assentiment de la victime ; 5. A l'issue de cet examen analyser dans un expose précis et synthétique : - La réalité des lésions initiales ; - La réalité de l'état séquellaire ; - L'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales, en précisant au besoin l'incidence d'un état antérieur ; 6. Pertes de gains professionnels actuels : - Indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité d'exercer totalement on partiellement son activité professionnelle ; - En cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée ; Préciser la durée des arrêts de travail retenus par l'organisme social au vu des justificatifs produits (ex : décomptes de l'organisme de sécurité sociale), et dire si ces arrêts de travail sont liés au fait dommageable ; fixer l'ITT ; 7. Déficit fonctionnel temporaire : - Indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles ; - En cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée ; 8. Consolidation : - Fixer la date de consolidation et, en l'absence de consolidation, dire à quelle date il conviendra de revoir la victime ; préciser, lorsque cela est possible, les dommages prévisibles pour l'évaluation d'une éventuelle provision ; 9. Déficit fonctionnel permanent : - Indiquer si, après la consolidation, la victime subit un déficit fonctionnel permanent défini comme une altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles on mentales, ainsi que des douleurs permanentes ou tout autre trouble de santé, entrainant une limitation d'activité ou une restriction de participation à la vie en société subie au quotidien par la victime dans son environnement ; en évaluer l'importance et en chiffrer le taux ; dans l'hypothèse d'un état antérieur préciser en quoi l'accident a eu une incidence sur cet état antérieur et décrire les conséquences ; 10. Assistance par tierce personne : - Indiquer le cas échéant si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère on non a la famille) est ou a été nécessaire pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne ; préciser la nature de l'aide à prodiguer et sa durée quotidienne. 11. Dépenses de santé futures : - Décrire les soins futurs et les aides techniques compensatoires au handicap de la victime (prothèses, appareillages spécifiques, véhicule) en précisant la fréquence de leur renouvellement ; 12. Frais de logement et/ou de véhicule adaptés : Donner son avis sur d'éventuels aménagements nécessaires pour permettre, le cas échéant, à la victime d'adapter son logement et/ou son véhicule à son handicap ; 13. Pertes de gains professionnels futurs : - Indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent entraine l'obligation pour la victime de cesser totalement ou partiellement son activité professionnelle ou de changer d'activité professionnelle ; 14. Incidence professionnelle : - Indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent entraine d'autres répercussions sur son activité professionnelle actuelle ou future (obligation de formation pour un reclassement professionnel, pénibilité accrue dans son activité, dévalorisation sur le marché du travail, etc.) ; 15. Préjudice scolaire, universitaire on de formation : - Si la victime est scolarisée on en cours d'études, dire si en raison des lésions consécutives au fait traumatique, elle a subi une perte d'année scolaire, universitaire on de formation, l'obligeant, le cas échéant, à se réorienter ou à renoncer à certaines formations ; 16. Souffrances endurées : - Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales découlant des blessures subies pendant la maladie traumatique (avant consolidation) ; les évaluer distinctement dans une échelle de 1 a 7; 17. Préjudice esthétique temporaire et/ou définitif : - Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en distinguant éventuellement le préjudice temporaire et le préjudice définitif. Évaluer distinctement les préjudices temporaire et définitif dans une échelle de 1 a 7 ; 18. Préjudice sexuel : -Indiquer s'il existe ou s'i1 existera un préjudice sexuel (perte ou diminution de la libido, impuissance ou frigidité, perte de fertilité); 19. Préjudice d'établissement : -Dire si la victime subit une perte d'espoir ou de chance de normalement réaliser un projet de vie familiale ; 20. Préjudice d'agrément : - Indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si la victime est empêchée en tout ou partie de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisir ; 21. Préjudices permanents exceptionnels : - Dire si la victime subit des préjudices permanents exceptionnels correspondant à des préjudices atypiques directement lies aux handicaps permanents ; 22. Dire si l'état de la victime est susceptible de modifications en aggravation ; 23. Établir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans la mission ; DIT que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de joindre l'avis du sapiteur à son rapport ; dit que si le sapiteur n'a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l'expert ; DIT que l'expert adressera un pré-rapport aux conseils des parties qui lui feront connaître leurs observations auxquelles il devra répondre dans le rapport définitif ; DIT que 1'expert déposera son rapport au secrétariat-greffe de la cour, et adressera une copie aux conseils des parties, dans les trois mois à compter du jour de sa saisine ; DIT que les frais d'expertise seront avancés par le Trésor public ; DESIGNE le conseiller chargé du contrôle des expertises pour surveiller les opérations d'expertise ; ALLOUE à Monsieur [X] [C] une indemnité provisionnelle d'un montant de 7 000 euros à valoir sur le montant de son préjudice ; INVITE le cas échéant les parties, après dépôt du rapport d'expertise, à saisir la commission d'indemnisation des victimes d'infraction de [Localité 4] en vue de la liquidation du préjudice de Monsieur [X] [C] ; ALLOUE à Monsieur [X] [C] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; DEBOUTE le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; LAISSE les dépens à la charge du Trésor public. Signé par Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre et Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise. LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,
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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées aux parties le :République française Au nom du Peuple français COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 9 - B ARRÊT DU 06 Octobre 2022 (no 181 , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S No RG 21/00014 - No Portalis 35L7-V-B7F-CDBYP Décision déférée à la Cour : arrêt rendu par la Cour d'appel de PARIS le 28 Janvier 2021 RG No S20/00087 suivant jugement rendu le 07/08/2019 par le tribunal d'instance de PALAISEAU RG No 11-19-000245 DEMANDERESSE À L'OPPOSITION Madame [F] [D] (débitrice) Chez [E] [V] [Adresse 11] [Localité 16] comparante en personne DÉFENDEURS À L'OPPOSITION AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE C/ EFFICO-SORECO - Recouvrement de créances [Adresse 5] [Localité 8] non comparante BANQUE POSTALE CENTRE FINANCIER D'[Localité 9] Activités Surendettement [Adresse 3] [Localité 9] non comparante BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE NEUILLY CONTENTIEUX [Adresse 4] [Localité 18] non comparante CA CONSUMER FINANCE ANAP AGENCE 923 BANQUE DE FRANCE [Adresse 21] [Localité 12] non comparante DDFIP DE L'ESSONNE [Adresse 6] [Localité 13] non comparante C/ CONTENTIA [Adresse 2] [Localité 10] non comparante [Adresse 1] [Localité 14] non comparante POLE EMPLOI ILE DE FRANCE EST [Adresse 22] [Adresse 22] [Localité 19] non comparante SIP [Localité 17] NORD EST [Adresse 7] [Localité 17] non comparante TRESORERIE [Localité 15] [Adresse 20] [Adresse 20] [Localité 15] non comparante COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Fabienne TROUILLER conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Muriel DURAND, présidente Mme Fabienne TROUILLER, conseillère Mme Laurence ARBELLOT, conseillère Greffière : Mme Alexandra AUBERT, lors des débats - RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Muriel DURAND, présidente et par Madame Alexandra AUBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Mme [F] [D] a saisi la commission de surendettement des particuliers de l'Essonne qui a, le 30 octobre 2018, déclaré sa demande recevable et a, le 26 février 2019, imposé un rééchelonnement pendant 54 mois au taux de 0,86 %, avec une capacité de remboursement de 631,18 euros permettant l'apurement de l'intégralité du passif. Mme [D] a contesté ces mesures, estimant la mensualité trop élevée. Par jugement réputé contradictoire en date du 7 août 2019, le tribunal d'instance de Palaiseau a rejeté le recours de Mme [D] et adopté les mesures imposées par la commission de surendettement. La juridiction a relevé que les ressources de Mme [D] s'élevaient à 2 275,45 euros et ses charges à 1 362,42 euros. Elle a fixé sa capacité de remboursement à la somme de 803,21 euros et estimé que ses revenus lui permettaient de respecter le plan fixé par la commission de surendettement. Cette décision a été notifiée à Mme [D] le 8 août 2019 (AR du 9 août 2019). Par déclaration expédiée au greffe de la cour d'appel de Paris, Mme [D] a interjeté appel du jugement. Les parties ont été convoquées à l'audience du 8 décembre 2020. Aucune partie ne s'est présentée à l'audience. Par arrêt du 28 janvier 2021 rendu par défaut et en dernier ressort, la cour d'appel de Paris a déclaré l'appel irrecevable comme étant tardif. L'arrêt entrepris a été notifié à Mme [D] le 28 janvier 2021. Par acte de saisine reçu le 3 février 2021, Mme [D] a formé opposition contre cet arrêt, en faisant valoir qu'elle avait interjeté appel non le 19 décembre 2019 mais le 22 août 2019 par lettre recommandée adressée au greffe de la cour le 26 août 2019 Régulièrement convoquées par lettre recommandée à l'audience du 5 octobre 2021, Mme [D] a comparu en personne. Par arrêt du 4 novembre 2021, la cour de céans a : - reçu Mme [D] en son opposition, - mis à néant l'arrêt rendu le 28 janvier 2021, - déclaré recevable l'appel interjeté le 26 août 2019, - renvoyé l'affaire au fond à l'audience du 10 mai 2022. Mme [D] ayant déposé un nouveau dossier, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 6 septembre 2022. À cette audience, Mme [D] a comparu en personne et a réclamé un moratoire dans l'attente de retrouver un travail. Elle précise, à titre préliminaire, qu'elle a, en avril 2022, déposé un nouveau dossier qui a été, le 9 juin 2022, déclaré irrecevable en raison de son statut d'auto-entrepreneur individuel alors qu'elle n'en bénéficie plus depuis mai 2022. Elle explique qu'elle a tenté cette inscription, moyennant 15,45 euros par mois, mais n'avoir trouvé aucun travail par ce biais. Elle déclare ne pas avoir contesté la décision d'irrecevabilité, étant dans l'incertitude de sa procédure devant la cour d'appel. Elle souligne qu'elle n'a jamais perçu un salaire de 2 100 euros comme l'a indiqué à tort le premier juge. Elle fait valoir qu'elle a 53 ans, qu'elle n'a plus de travail depuis juin 2021, qu'elle perçoit 1 003 euros de pôle emploi après la période de carence, que son entreprise de secrétariat à domicile n'a pas fonctionné et qu'elle ne parvient pas à retrouver du travail malgré de nombreux entretiens d'embauche. Elle déclare ne plus percevoir de prime d'activité. Elle explique qu'elle est logée gratuitement, depuis août 2020 par M. [E] [V] à qui elle doit de l'argent, qu'elle verse 98 euros mensuellement à Effidis (CDC Habitat social) pour solder sa dette locative et qu'elle n'a aucune capacité de remboursement. Elle précise que sa fille n'est plus à sa charge et qu'elle ne bénéficie plus de prestations familiales ni d'aide sociale. Elle indique vivre une situation personnelle difficile avec une santé défaillante et être en dépression. Aucun créancier n'a comparu. Par courrier reçu au greffe le 22 novembre 2021, le SIP d'Évry-Courcouronnes a précisé que Mme [D] était redevable d'une somme de 12 340,88 euros correspondant à une dette locative. MOTIF DE LA DÉCISION Il convient d'indiquer à titre liminaire que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures. Dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les parties non comparantes. La bonne foi de la débitrice n'est pas contestée et n'est pas susceptible d'être remise en cause au vu des éléments dont la cour dispose. Il n'y a donc pas lieu de statuer spécialement sur ce point. En l'absence de tout élément de nature à contredire le jugement sur ce point, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a considéré recevable le recours exercé. Aux termes de l'article R. 731-1 du code de la consommation : « Pour l'application des dispositions des articles L. 732-1, L. 733-1 et L. 733-4 la part des ressources mensuelles du débiteur à affecter à l'apurement de ses dettes est calculée, dans les conditions prévues aux articles L. 731-1, L.731-2 et L. 731-3, par référence au barème prévu à l'article R. 3252-2 du code du travail. Toutefois, cette somme ne peut excéder la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles de l'intéressé et le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2o de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles applicable au foyer du débiteur ». L'article R. 731-2 précise : « La part de ressources réservée par priorité au débiteur est déterminée au regard de l'ensemble des dépenses courantes du ménage, qui intègre les dépenses mentionnées à l'article L. 731-2». Enfin selon l'article R.731-3 : « Le montant des dépenses courantes du ménage est apprécié par la commission, soit pour leur montant réel sur la base des éléments déclarés par le débiteur, soit en fonction du barème fixé par son règlement intérieur et prenant en compte la composition de la famille. Le règlement intérieur précise à quelles conditions et selon quelles modalités les dépenses sont prises en compte pour leur montant réel ou selon le barème. Lorsque la commission prend en compte des dépenses courantes du ménage pour leur montant réel, elle peut demander au débiteur d'en fournir des justificatifs. Si le débiteur ne les fournit pas, les dépenses concernées sont appréciées selon le barème susvisé ». En l'espèce, il ressort du dossier et des pièces produites que la situation de Mme [D] s'est largement dégradée depuis le précédent jugement puisqu'elle a perdu son travail et qu'elle ne bénéficie plus d'aides familiales ou sociale, à l'exception d'un hébergement gratuit par une personne à qui elle doit également de l'argent. Son passif global a été évalué à la somme de 37 274,60 euros. Ses ressources sont exclusivement constituées par les versements de Pôle emploi, soit une moyenne de 1 154 euros. Concernant ses charges, la commission a retenu en juin 2022 un forfait de 573 euros, auquel il convient d'ajouter le remboursement à Effidis de 98 euros jusqu'en juillet 2023 et l'assurance du véhicule d'un montant de 30,50 euros, soit un total de 701,50 euros. Il est ainsi manifeste que Mme [D] n'est pas en mesure d'assumer la capacité de remboursement initialement fixée par la commission de surendettement en février 2019 et confirmée par le premier juge. Mme [D] justifie être en recherche active d'un emploi de secrétariat. Elle invoque à juste titre l'instabilité de sa situation actuelle et réclame à ce titre un moratoire afin de retrouver un travail, ce qui apparaît opportun. Ce moratoire n'affectera cependant pas les prélèvements de 98 euros effectués mensuellement par CDC Habitat social et qui devront se poursuivre jusqu'à l'apurement convenu en juillet 2023. Dans ces conditions, et pour les autres créances, il convient de lui accorder un moratoire de douze mois afin que Mme [D] puisse retrouver un travail et de renvoyer le dossier à la commission de surendettement afin qu'elle prenne en compte l'évolution de sa situation financière et qu'elle établisse un nouvel échelonnement des dettes en fonction des justificatifs actualisés de ses revenus et de ses charges. Le jugement sera en conséquence partiellement infirmé et le dossier sera renvoyé à la commission de surendettement à l'issue du moratoire de douze mois afin qu'elle réexamine la situation de Mme [D] et qu'elle établisse, le cas échéant, un nouveau plan. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort rendu par mise à disposition au greffe : Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevable le recours exercé ; Statuant de nouveau, Accorde à Mme [F] [D] un moratoire de douze mois afin de lui permettre de retrouver un emploi ; Suspend en conséquence l'exigibilité des créances pendant une durée de douze mois à compter de la notification de l'arrêt jusqu'à réexamen de sa situation ; Dit que ce moratoire n'affectera pas les prélèvements de 98 euros effectués mensuellement par CDC Habitat social ; Dit que ses dettes ne produiront pas intérêts dans ce délai ; Dit que dès que Mme [F] [D] aura retrouvé un travail ou à l'issue de ce délai de suspension, elle devra impérativement saisir la commission de surendettement de l'Essonne pour une nouvelle évaluation de sa situation ; Renvoie le dossier à la commission de surendettement des particuliers de la Seine-Saint-Denis qui sera chargée de ré-examiner la situation de Mme [F] [D] et d'établir, après prise en considération des versements effectués, un plan de remboursement de leurs dettes ; Laisse à la charge de chaque partie les éventuels dépens d'appel exposés par elle ; Dit que l'arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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No de minute : 59 COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 22 février 2021 Chambre civile Numéro R.G. : No RG 20/00326 - No Portalis DBWF-V-B7E-RJF Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 7 août 2020 par le président du tribunal de première instance de NOUMEA (RG no :20/110) Saisine de la cour : 27 août 2020 Mme [R] [H] née le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3] (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/001512 du 02/10/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nouméa) Représentée par Me Stéphane BONOMO de la SELARL PELLETIER &CONSULTANTS, avocat au barreau de NOUMEA Mme [V] [D], prise en sa qualité de représentante légale de l'association ANTHONY, demeurant [Adresse 2] Représentée par Me Barbara CAUCHOIS, avocat au barreau de NOUMEA (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/000500 du 15/05/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nouméa) COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 3 décembre 2020, en audience publique, devant la cour composée de : M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président, Mme Zouaouia MAGHERBI, Conseiller, Mme Nathalie BRUN, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD. Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO - contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, - signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire. *************************************** PROCEDURE DE PREMIERE INSTANCE Selon assignation délivrée le 29 janvier 2020, Mme [H], qui dénonçait la publication de propos diffamatoires à son encontre sur la page Facebook de l'association Anthony les 30 octobre 2019, 25 novembre 2019 et 26 novembre 2019, a attrait Mme [D], « prise en sa qualité de représentant légal de l'association Anthony », devant le juge des référés de Nouméa pour obtenir l'interdiction des propos diffamatoires et le paiement d'une provision à valoir sur son préjudice. Mme [D] s'est opposée à cette demande en observant qu'elle n'avait pas la qualité de directeur de publication de la page Facebook litigieuse et que ni elle-même, ni l'assocation n'étaient les rédacteurs de la page. Selon ordonnance du 7 août 2020, le juge des référés, observant qu'il n'appartenait pas au juge des référés de rechercher si les propos litigieux étaient constitutifs de l'infraction pénale de diffamation et que Mme [D] n'était ni directrice de la publication de la page Facebook de l'association , ni responsable des messages et commentaires publiés par des tiers, a : - dit n'y avoir lieu à référé, - dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, - laissé les dépens à la charge de Mme [H], - fixé à quatre les unités de valeur dues à Me Bonomo, désigné au titre de l'aide judiciaire provisoire pour Mme [H]. PROCEDURE D'APPEL Selon requête déposée le 27 août 2020, Mme [H] a interjeté appel de cette décision. Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées le 9 octobre 2020, Mme [H] demande à la cour de : - réformer l'ordonnance querellée dans toutes ses dispositions ; - dire et juger que les commentaires du 30 octobre 2019 publiés sur la page Facebook de l'association « Anthony » par l'association « Anthony » sont diffamatoires envers Mme [H], délit prévu par l'article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 et réprimé par l'article 32 alinéa l de la loi du 29 juillet 1881 en raison du passage suivant : « Sachez que sa maman l'a laissé à Sydney, pour ne pas dire abandonné (propos tenu par Anthony) !!! » - dire et juger que les commentaires du 25 novembre 2019 publiés sur la page Facebook de l'association « Anthony » par l'association « Anthony » sont diffamatoires envers Mme [H], délit prévu par l'article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 et réprimé par l'article 32 alinéa l de la loi du 29 juillet 1881 en raison du passage suivant : « Lorsque l 'on sait que la maman et sa famille sont assis sur un pactole de plusieurs millions d'après son frère. » - dire et juger que les commentaires du 26 novembre 2019 publiés sur la page Facebook de l'association « Anthony » par l'association « Anthony » sont diffamatoires envers Mme [H], délit prévu par l'article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 et réprimé par l'article 32 alinéa l de la loi du 29 juillet 1881 en raison du passage suivant : « A moins que cela ne serait que pour dissimuler ses propres malversations ? » - dire et juger que les propos litigieux causent un trouble manifestement illicite ; - dire et juger que la responsabilité personnelle de Mme [D] est engagée en sa qualité de présidente de l'association « Anthony », pour les propos émanant de l'association « Anthony » et publiés sur la page Facebook de l'association « Anthony » ; - faire interdiction à Mme [D] de publier et de contribuer à publier, sur le réseau internet, tout propos diffamatoire à l'égard de Mme [H] ; - ordonner la publication du dispositif de la décision à intervenir dans un journal au choix de Mme [H], aux frais de Mme [D], sans que le coût total de l'insertion ne puisse excéder la somme de 150.000 FCFP, étant précisé que pour cela, Mme [D] disposera d'un délai de cinq jours pour verser à la demanderesse le prix TTC de la publication, sur simple présentation du devis pour ladite publication ; - ordonner à titre de réparation complémentaire, la publication du jugement à venir sur le site de la page facebook de l'association « Anthony » ; - condamner Mme [D] à payer à Mme [H] la somme provisionnelle de 1.000.000 FCFP en réparation du préjudice subi du fait des propos diffamatoires publiés sur la page facebook de l'association « Anthony » ; - condamner Mme [D] à payer à Mme [H] la somme de 300.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et subsidiairement, en cas de non application de l'article 700 du code précité, fixer les unités de valeur étant dues à Me Bonomo, intervenant dans le cadre de l'aide judiciaire totale ; - condamner Mme [D] aux entiers dépens de l'instance en ce compris tous les frais de constats d'huissier et autres rendus nécessaires par la présente procédure, dépens dont la Selarl T. Pelletier sera autorisée à poursuivre le recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile. Selon conclusions transmises le 21 septembre 2020, Mme [D] prie la cour de: - confirmer la décision querellée ; - débouter Mme [H] de sa demande dirigée contre l'association ou Mme [D]; - fixer le nombre d'UV revenant à Me Cauchois, intervenant au titre de l'aide judiciaire. SUR CE, LA COUR, Tout en ayant assigné en référé Mme [D], « prise en sa qualité de représentant légal de l'association Anthony », c'est-à-dire poursuivi l'association dont Mme [D] était la mandataire, Mme [H] recherche « la responsabilité personnelle de Madame [V] [D] (...) en sa qualité de présidente de l'association 'Anthony' ». Au-delà de l'oxymore que constitue cette proposition, dès lors qu'elle a introduit son action contre la représentante légale de l'association Antony, Mme [H] ne peut solliciter la condamnation de Mme [D] pour une faute personnelle que celle-ci aurait commise. Au demeurant, Mme [H] ne caractérise pas que la faute personnelle détachable de ses fonctions de mandataire de l'association qu'aurait commise Mme [D] et dont elle devrait répondre sur son propre patrimoine, dès lors que la responsabilité pénale de Mme [D] n'a jamais été retenue. PAR CES MOTIFS : Confirme l'ordonnance entreprise ; Déboute Mme [H] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Fixe à quatre le nombre d'unités de valeur revenant à Me Bonomo, intervenant au titre de l'aide judiciaire pour le compte de Mme [H] ; Fixe à quatre le nombre d'unités de valeur revenant à Me Cauchois, intervenant au titre de l'aide judiciaire pour le compte de Mme [D] ; Condamne Mme [H] aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon la réglementation en matière d'aide judiciaire. Le greffier,Le président.
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COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS Chambre sociale No RG 21/01877 - No Portalis DBWB-V-B7F-FUDH S.A.R.L. L'Apéro Réunionnais [Adresse 2] [Localité 4] Représentant : Me Isabelle Mercier-Barraco, avocat au barreau de Saint Denis de la Réunion APPELANTEMadame [Z] [O] [Adresse 1] [Localité 3] Représentant : Me Betty Vaillant de la Selarl Betty Vaillant, avocat au barreau de Saint-Pierre de la Réunion (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/8666 du 28/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Saint-Denis) ORDONNANCE SUR INCIDENT No DU 04 Octobre 2022 Nous, Alain Lacour, conseiller de la mise en état ; assisté de Delphine Grondin, greffière, Exposé du litige : Vu le jugement rendu le 8 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Saint-Pierre de la Réunion ; La SARL l'Apéro réunionnais (la société) a interjeté appel de cette décision. Elle a lié incident. Vu les conclusions notifiées par la société le 17 janvier 2022 ; Vu les conclusions notifiées par Mme [O] le 8 avril 2022 ; Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées et aux développements infra. Attendu que la société demande au conseiller de la mise en état de dire que les prétentions de Mme [O] relatives à un harcèlement sexuel et à la nullité de son licenciement sont irrecevables pour cause de prescription, comme le sont la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat et pour licenciement nul ; Attendu que Mme [O] conclut à l'irrecevabilité de l'appel à titre principal, à la radiation de l'affaire à titre subsidiaire et à l'absence de prescription à titre infiniment subsidiaire ; Attendu qu'il convient d'examiner en premier lieu la recevabilité de l'appel ; Attendu que pour soutenir que l'appel interjeté par la société est irrecevable, Mme [O], qui rappelle qu'une société n'a la capacité d'agir en justice que si elle jouit de la personnalité juridique, expose que la société a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 22 mars 2021 et qu'à partir de cette date, elle a perdu sa capacité d'agir en justice en sorte que l'appel interjeté le 1er novembre 2021 est irrecevable ; Attendu que la société n'a pas conclu de ce chef ; Vu l'article L. 237-2 du code de commerce ; Attendu que la radiation d'une société du registre du commerce et des sociétés n'a pas pour effet de lui faire perdre sa personnalité morale ; que la circonstance que la société ait été radiée du registre du commerce et des sociétés le 22 mars 2021 euros ne rend par conséquent pas son appel irrecevable ; Attendu qu'il convient d'examiner en deuxième lieu la demande de radiation ; Vu l'article 524 du code de procédure civile ; Attendu que le jugement entrepris a notamment condamné, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la société à payer à Mme [O] 14 506,65 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement nul, 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement sexuel outre 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Attendu que Mme [O] expose que la société ne s'est pas acquittée des sommes auxquelles elle a ainsi été condamnée, alors que le jugement est exécutoire par provision ; Attendu que la société n'a pas conclu de ce chef, en sorte qu'il sera tenu pour constant qu'elle ne s'est pas exécutée ; Attendu qu'il convient par conséquent d'ordonner la radiation de l'affaire ; Attendu qu'il n'y a pas lieu d'examiner le surplus des prétentions présentées par les parties, du fait de la radiation ; PAR CES MOTIFS : Le conseiller de la mise en état, Statuant publiquement, contradictoirement, Rejette la fin de non-recevoir soulevée par Mme [O] ; Ordonne la radiation de l'affaire et son retrait du rang de celles en cours. La présente ordonnance a été signée par le conseiller de la mise en état et le greffier. Le greffier Delphine Grondin Le conseiller de la mise en état Alain Lacour EXPÉDITION délivrée le 04 Octobre 2022 à : Me Isabelle MERCIER-BARRACO, Me Betty VAILLANT de la SELARL BETTY VAILLANT,
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AFFAIRE : No RG 21/00640 - No Portalis DBWB-V-B7F-FRDX Code Aff. : ARRÊT N AL ORIGINE :JUGEMENT du Pole social du TJ de ST DENIS en date du 17 Mars 2021, rg no 18/00105 COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS DE [Localité 7] CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 06 OCTOBRE 2022 APPELANT : Monsieur [L] [M] [V] [Adresse 3] [Localité 6] Représentant : Me Nicolas Dyall, avocat au barreau de Saint-[M] de la Réunion La caisse générale de sécurité sociale de la Réunion [Adresse 2] [Localité 5] Représentant : Me Philippe Barre de la selarl Philippe Barre, avocat au barreau de Saint-Denis-de-la-Réunion DÉBATS : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Juin 2022 en audience publique, devant Alain Lacour, président de chambre chargé d'instruire l'affaire, assisté de Nadia Hanafi, greffier, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 06 octobre 2022; Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Président :Alain Lacour Conseiller:Laurent Calbo Conseiller :Aurélie Police Qui en ont délibéré ARRÊT : mis à disposition des parties le 06 octobre 2022 Greffier lors des débats : Mme Nadia Hanafi, Greffier lors du prononcé par mise à disposition : Mme Delphine Grondin Exposé du litige : La caisse générale de sécurité sociale de la Réunion (la caisse) a fait signifier à M. [V], par acte extrajudiciaire du 11 juillet 2018, une contrainte datée du 30 mai 2018 portant sur la somme totale de 17 776 euros au titre de cotisations et majorations de retard. Une deuxième contrainte datée du 19 juillet 2019, portant sur la somme de 10 210 euros, toujours à titre de cotisations et de majorations de retard, a été signifiée par la caisse à M. [V] par acte extrajudiciaire du 29 juillet 2019. M. [V] a formé opposition à l'encontre de ces deux contraintes devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Réunion et, par jugement rendu le 17 mars 2021, le tribunal judiciaire de Saint-Denis-de-la-Réunion, auquel les procédures avaient été transmises, a ordonné la jonction des affaires, déclaré les mises en demeure valables et régulières, déclaré les contraintes valables et régulières, validé la contrainte signifiée le 13 juillet 2018 pour 17 776 euros, validé celle signifiée le 29 juillet 2019 pour 9 600 euros, condamné M. [V] au paiement de ces sommes, dit que les contraintes produiront leurs entiers effets, laissé les frais de leur signification et ceux nécessaires à leur exécution à la charge de M. [V], qui a en outre été condamné aux dépens et débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. M. [V] a interjeté appel de cette décision le 13 avril 2021. L'affaire a été plaidée le 28 juin 2022. Vu les conclusions notifiées par M. [V] les 5 octobre et 18 novembre 2021 et 31 mars 2022, oralement soutenues lors de l'audience de plaidoiries ; Vu les conclusions notifiées par la caisse le 6 décembre 2021, oralement soutenues lors de l'audience de plaidoiries ; Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées et aux développements infra. Sur l'assujettissement de M. [V] : Vu les articles L. 244-2 et L.613-1-1o, dans sa rédaction applicable au litige, du code de la sécurité sociale ; Attendu que M. [V] soutient qu'il n'est pas redevable des cotisations appelées au motif qu'il a cessé son activité libérale à titre individuel d'avocat en décembre 2003, ce dont il a informé la caisse, et que son activité a fait l'objet d'une déclaration de radiation auprès du centre de formalités des entreprises ; qu'il ajoute qu'un avocat qui exerce sa profession en tant qu'associé non gérant d'une société, comme c'est son cas, relève du régime des traitements et salaires et donc du régime général de la sécurité sociale ; Mais attendu qu'il est constant qu'au cours des années 2015 à 2018, sur lesquelles portent les mises en demeure et contraintes litigieuses, M. [V] a exercé son activité d'avocat en qualité d'associé de la Selarl Arnaud Lexipolis ; que la circonstance qu'il n'en ait pas été gérant, ni co-gérant n'emporte pas, par elle-même, la conséquence qu'il relèverait du régime général de la sécurité sociale ; qu'en effet, M. [V] ne soutient ni qu'il aurait été au cours de la période en litige salarié de cette société, ni qu'il n'aurait eu aucune clientèle personnelle, ce dont il s'évince nécessairement, comme le soutient la caisse, qu'il y exerçait en tant que travailleur indépendant ; qu'il relève par conséquent du régime qui s'applique à cette qualité ; Sur la nullité des mises en demeure et contraintes pour expédition à une adresse erronée : Attendu que M. [V] soutient que les mises en demeure et les contraintes litigieuses ont été notifiées, pour celles-là, et signifiées, pour celles-ci, à une adresse que la caisse savait inexacte, car correspondant au lieu d'exercice de l'activité libérale à titre individuel qu'il exerçait jusqu'en 2003, alors que cette activité a depuis cette date été radiée, ce que savait la caisse ; qu'il ajoute que deux procès l'ont opposé à la caisse, qui ont donné lieu à deux jugements qui mentionnent son adresse, en sorte qu'elle était connue de la caisse ; Mais attendu, s'agissant des mises en demeure, que si M. [V] affirme que, de 2016 à 2018, « l'adresse connue de la CGSS a été le [Adresse 4] », il n'en justifie cependant par aucune pièce, en sorte qu'il n'établit pas avoir informé la caisse de son changement d'adresse ; qu'il ne peut donc être utilement reproché à la caisse d'avoir notifié les mises en demeure au [Adresse 1], adresse antérieurement déclarée par M. [V] ; Et attendu, en ce qui concerne les contraintes, qu'elles ont été signifiées à domicile, au « cabinet avocat Lexipolis 83 av. [S] [B] à [Localité 8] » où l'huissier de justice instrumentaire a rencontré M. [Y] [F], collaborateur, qui a accepté de recevoir la copie de l'acte, ce dont il résulte que ces significations ont été régulières ; Attendu en conséquence que le moyen articulé par M. [V] est inopérant ; Sur la nullité formelle des mises en demeure et des contraintes : Vu les articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige ; Attendu que M. [V] fait grief aux mises en demeure et aux contraintes litigieuses de ne pas détailler les cotisations appelées selon leur nature, de ne pas comporter le détail des sommes dues cotisation par cotisation et de ne faire aucune mention du caractère provisionnel ou définitif de ces cotisations, ce qui selon lui doit conduire à leur annulation ; Attendu que la mise en demeure datée du 1er septembre 2017 précisait que les cotisations étaient appelées au titre des allocations familiales et des contributions des travailleurs indépendants et concernaient la CSG, la CRDS, la formation professionnelle et, s'il y a lieu, la contribution aux unions de médecins ; qu'elle distinguait, pour chacun des trois premiers trimestres de l'année 2017, les cotisations appelées à titre provisionnel à hauteur de 16 867 euros et les majorations au titre des pénalités, à hauteur de 909 euros, pour un total de 17 776 euros ; que la contrainte émise le 30 mai 2018 se référait expressément à cette mise en demeure, distinguait les cotisations appelées pour chacun des trois premiers trimestres de l'année 2017 et les majorations s'appliquant à chaque trimestre ; qu'elle mentionnait les mêmes sommes que la mise en demeure qui l'a précédée ; Attendu que la mise en demeure en date du 1er décembre 2017 précisait que les cotisations étaient appelées au titre des allocations familiales et des contributions des travailleurs indépendants et concernaient la CSG, la CRDS, la formation professionnelle et, s'il y a lieu, les unions de médecins ; qu'elle indiquait que les sommes appelées concernaient le quatrième trimestre 2017, à hauteur de 5 590 euros au titre des cotisations dues et de 301 euros au titre des majorations et pénalités, soit un total de 5 891 euros ; que la mise en demeure en date du 24 avril 2018, qui concernait également les cotisations appelées au titre du quatrième trimestre 2017 mais aussi du premier trimestre 2018 précisait de même que ces cotisations étaient appelées au titre des contributions des travailleurs indépendants : maladie-maternité, allocations familiales, CSG, CRDS, contribution à la formation professionnelle et, s'il y a lieu, Curps pour les sommes de 9 696 euros au titre des cotisations et 514 euros au titre des majorations, soit un total de 10 210 euros ; que la contrainte émise le 19 juillet 2019 se référait expressément à ces deux mises en demeure, précisait que les cotisations étaient appelées au titre du quatrième trimestre 2017 et du premier trimestre 2018 et reprenait les mêmes montants que les mises en demeures qui l'ont précédée ; Attendu que ces mentions permettaient à M. [V] de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation ; que par conséquent, le moyen de nullité tiré de l'absence d'information du cotisant sur la nature, la cause et l'étendue de l'obligation est également inopérant ; que les contraintes seront par conséquent validées et le jugement confirmé ; PAR CES MOTIFS : Statuant publiquement, contradictoirement, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Saint-Denis-de-la-Réunion ; Y ajoutant, Vu l'article 700 du code de procédure civile, Condamne M. [V] à payer à la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion la somme de 2 000 euros à titre d'indemnité pour frais non répétibles d'instance ; Condamne M. [V] aux dépens d'appel. Le présent arrêt a été signé par M. Lacour, président, et par Mme Grondin, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. La greffière Le président
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS No RG 19/04315 - No Portalis DBVH-V-B7D-HRRB CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES 31 octobre 2019 RG :18/00471 S.A.R.L. MV2 Grosse délivrée COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE CIVILE 5ème chambre sociale PH ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022 Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 31 Octobre 2019, No18/00471 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président M. Michel SORIANO, Conseiller Madame Leila REMILI, Conseillère GREFFIER : Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision A l'audience publique du 22 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Décembre 2022. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel. APPELANT : Monsieur [K] [O] né le [Date naissance 3] 1978 à [Localité 17] [Adresse 8] [Localité 6] Représenté par Me Guillaume BROS de la SARL LEGANOVA NIMES, avocat au barreau de NIMES Maître Bernard ROUSSEL Es qualité de « Commissaire à l'éxécution du plan » de la « sarl mv2 » [Adresse 9] [Localité 5] SARL MV2 Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège. [Adresse 13] [Localité 4] Représentée par Me Jean-gabriel MONCIERO de la SELARL PARA FERRI MONCIERO, avocat au barreau de NIMES Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE TOULOUSE [Adresse 1] [Localité 7] Représentée par Me Jean-charles JULLIEN de la SCP LAICK ISENBERG JULLIEN SAUNIER GARCIA, avocat au barreau de NIMES ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 08 Septembre 2022 Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 06 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS : M. [K] [O] a été engagé à compter du 4 février 2015 selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, en qualité de chef d'équipe, par la société MV2 nouvellement renommée Genius Loci. Le 29 juillet 2017, la société MV2 adressait à M. [O] un avertissement. Et, par courrier du 31 juillet 2017, elle lui adressait une "note informative". Par jugement du tribunal de commerce du 1er février 2018, la SARL MV2 était placée en redressement judiciaire et la SELARL BRMJ était désignée en qualité de mandataire judiciaire. Le 7 mars 2018, M. [O] était convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 19 mars 2018. Par courrier du 2 avril 2018, le salarié était licencié pour faute grave. Le 3 septembre 2019, le tribunal de commerce accordait un plan de redressement à la SARL MV2 et M. Roussel était désigné en qualité de commissaire à l'exécution dudit plan. Considérant que son licenciement était abusif, le 24 août 2018, M. [O] saisissait le conseil de prud'hommes de Nîmes en paiement d'indemnités de rupture et de diverses sommes lequel, par jugement contradictoire du 31 octobre 2019, a : - dit et jugé que le licenciement pour faute grave de M. [K] [O] est justifié, - fixé au passif de la SARL MV2 les sommes suivantes : * 1 847,22 euros bruts à titre de rappels de salaires pour heures supplémentaires effectuées sur la période de 2015 à 2018, * 184,72 euros bruts à titre de congés payés y afférent, - ordonné l'exécution provisoire de la présente décision, et fixé la moyenne des trois derniers mois de salaires à 1 532,32 euros bruts, - débouté M. [K] [O] de ses autres demandes, - déclaré le présent jugement commun et opposable au CGEA de Toulouse, gestionnaire de l'AGS ; - dit que la garantie de cet organisme interviendra dans les limites et plafonds réglementaires applicables en la matière, au vu du relevé qui lui sera produit et du justificatif de l'absence de fonds disponibles au titre de ladite procédure collective. Par acte du 12 novembre 2019, M. [O] a régulièrement interjeté appel de cette décision. Aux termes de ses dernières conclusions en date du 13 mai 2020, M. [K] [O] demande à la cour de : Au titre de l'exécution du contrat de travail ? Sur les sanctions disciplinaires - juger que la note du 31 juillet 2017 est une sanction disciplinaire, - juger que l'avertissement du 29 juillet 2017 et la sanction du 31 juillet 2017 sont abusifs. En conséquence, - condamner la SARL MV2 à lui porter et payer la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts. ? Sur les rappels de salaires Au titre des temps de transport, - condamner la SARL MV2 au paiement des sommes suivantes : * pour l'année 2015 : o 2 548,60 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, o 254,86 euros au titre des congés y afférents * pour l'année 2016 : o 2 861,83 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, o 286,18 euros au titre des congés y afférents * pour l'année 2017 : o 2 922,19 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, o 292,21 euros au titre des congés y afférents * pour l'année 2018 : o 745,16 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, o 74,51 euros au titre des congés y afférents. Au titre des heures supplémentaires, - condamner la SARL MV2 à lui porter payer la somme de 1 847,22 euros à titre de rappel de salaire outre 184,72 euros de congés payés afférents ? Sur les dommages-intérêts pour défaut de paiement des cotisations congés payés - condamner la SARL MV2 à lui porter et payer la somme de 1 733,57 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de paiement des cotisations à la Caisse des congés payés. Au titre de la rupture du contrat de travail - juger abusif son licenciement, En conséquence, - condamner la SARL MV2 à lui porter et payer les sommes suivantes : * 1 811,19 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ; * 4 346, 86 euros à titre d'indemnité de préavis ; * 434,68 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ; * 8 693,73 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif. En tout état de cause, - condamner la SARL MV2 au paiement des intérêts légaux sur l'ensemble des condamnations depuis la date de l'acte introductif d'instance devant le conseil de prud'hommes et jusqu'à parfait paiement, outre capitalisation en application des dispositions de l'article 1154 du code civil, - condamner la SARL MV2 au paiement d'une somme de 1 500 euros pour la procédure de première instance et 2500 euros pour la procédure d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, - condamner la SARL MV2 à lui remettre des documents de fin de contrat conformes. L'appelant soutient que : - l' avertissement du 29 juillet 2017 doit être annulé car les griefs qui lui sont reprochés, à savoir un refus d'effectuer des heures supplémentaires sur le chantier [X] pour terminer son intervention et un déficit de production, sont totalement injustifiés. Ainsi : * l'employeur ne peut pas lui reprocher " d'avoir quitté le chantier sans avoir fini son intervention" alors qu'il ne lui a pas demandé d'effectuer des heures supplémentaires, * seules les difficultés financières rencontrées par la société sont à l'origine du manque de productivité général sur les chantiers. L'employeur ne saurait donc lui reprocher d'avoir été peu productif. - la "note informative" du 31 juillet 2017 est un second avertissement et doit être annulé à plusieurs titres : * l'employeur en notifiant un premier avertissement le 29 juillet 2017 a épuisé son pouvoir disciplinaire, * or, dans cette "note informative" les faits qui lui sont reprochés sont antérieurs à l'avertissement du 29 juillet 2017, * de surcroît, l'employeur avait connaissance des faits litigieux le jour où il a prononcé l'avertissement du 29 juillet 2017. - les temps de transports qu'il a effectués entre le siège et les chantiers, à la demande de l'employeur, étaient du temps de travail effectif puisqu'il était à la disposition de ce dernier. Par conséquent, ils doivent être rémunérés comme tels et non inclus dans la rémunération des indemnités de trajet comme l'a retenu le conseil de prud'hommes. - c'est à bon droit que les premiers juges ont jugé qu'il avait accompli des heures supplémentaires non rémunérées. - la SARL MV2 a manqué à son obligation légale de paiement des cotisations à la caisse des congés payés, ce qui lui a causé un préjudice. Il n'a pas pu bénéficier de l'indemnité de congés payés due. - son licenciement pour faute grave est dénué de cause réelle et sérieuse car l'ensemble des griefs invoqués par l'employeur sont inconsistants et pour certains mensongers. Par ailleurs, la véracité des photos versées au débat par l'employeur, censées démontrer la réalité des griefs qui lui sont reprochés, n'est pas rapportée. - la véritable raison d'être de son licenciement est en réalité la situation économique obérée de la société. En l'état de ses dernières écritures du 14 mai 2020, La SARL MV2 nouvellement dénommée Genius loci a sollicité la confirmation du jugement en ce qu'il a : - jugé que l'avertissement du 29 juillet 2017 est motivé et justifié et que la note d'information du 31 juillet 2017 n'est pas une sanction et débouté M. [O] de sa demande indemnitaire y afférente ; - débouté M. [K] [O] de sa demande de rappels de salaire à titre de temps de transport sur les chantiers ; - débouté M. [K] [O] de sa demande d'indemnité de déplacement ; - jugé que le licenciement pour faute grave de M. [K] [O] est justifié et débouté le salarié de ses demandes indemnitaires y afférentes. La SARL MV2 fait valoir que : - les griefs reprochés à M. [O] dans l'avertissement du 29 juillet 2017 sont parfaitement justifiés. - contrairement à ce que tente de faire croire l'appelant, la lettre du 31 juillet 2017 dont l'objet est "finition sur les travaux exécutés" n'est pas une sanction disciplinaire ainsi qu' elle le précise expressément. Subsidiairement, les griefs reprochés à M. [O] dans cette lettre sont justifiés. - M. [O] n'a pas contesté l'avertissement du 29 juillet 2017, ni les faits mentionnés dans la note informative mais aussi et surtout il ne rapporte la preuve d'aucun préjudice. - concernant la demande de rappels de salaire au titre du temps de transport sur les chantiers, elle n'a jamais demandé à M. [O] de se rendre au siège de l'entreprise avant de se rendre sur son lieu de travail. C'est donc à bon droit que le conseil de prud'hommes l'a débouté de sa demande - elle est effectivement redevable du règlement de quelques heures supplémentaires réalisées par M. [O]. - l'indemnité sollicitée par le salarié pour défaut de paiement des cotisations à la caisse des congés payés ne peut correspondre à la somme brute qu'il aurait dû percevoir mais uniquement à la somme nette. - c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le licenciement pour faute grave de M. [O] était justifié et l'a débouté de ses demandes indemnitaires y afférentes. L'UNEDIC délégation AGS CGEA de Toulouse, reprenant ses conclusions transmises le 26 mai 2020, demande à la cour de : - confirmer la décision entreprise, sauf à condamner la SARL MV2 à payer à M. [O] les sommes fixées au titre de la créance salariale par le conseil de prud'hommes, dès lors que la société fait l'objet maintenant d'un plan de redressement. Subsidiairement, - apprécier le bienfondé de la demande de M. [K] [O] tendant au règlement de dommages et intérêts pour défaut de paiement des cotisations de congés payés. - débouter M. [K] [O] de demande de paiement de dommages et intérêts pour annulation des sanctions disciplinaires dès lors que M. [K] [O] ne justifie pas de son préjudice. - apprécier le bienfondé des demandes de rappel de salaire et d'indemnité compensatrice de congés payés telles que formulées par M. [K] [O]. - déclarer le licenciement de M. [K] [O] fondé sur une cause réelle et sérieuse. - apprécier les réclamations de M. [K] [O] formulées au titre de règlement d'une indemnité de préavis, de congés payés sur préavis et au titre du règlement d'une indemnité de licenciement. Très subsidiairement, dans l'hypothèse où le licenciement de M. [K] [O] serait considéré comme abusif, - apprécier le préjudice subi par M. [K] [O] en application de l'article 1235-3 du code du travail. En tout état de cause, - rappeler que les sommes qui pourraient être accordées à M. [K] [O] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sont hors garantie AGS. - faire application des dispositions législatives et réglementaires du code de commerce. - donner acte à la Délégation UNEDIC et AGS de ce qu'ils revendiquent le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et décrets réglementaires applicables, tant au plan de la mise en oeuvre du régime d'assurance des créances des salariés, que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément les articles L.3253-8, L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail. Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures. Par ordonnance en date du 19 mai 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 08 septembre 2022. L'affaire a été fixée à l'audience du 22 septembre 2022. Au préalable, sur les demandes de « condamner» l'intimée formées par l'appelant : Il sera rappelé ici que les sommes dues par l'employeur en raison de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après l'adoption d'un plan de redressement, qu'il soit par cession ou par continuation, au régime de la procédure collective, en sorte qu'il appartient à la juridiction saisie de déterminer le montant des sommes à inscrire sur l'état des créances déposé au greffe du tribunal, sans pouvoir condamner le débiteur à payer celles-ci. I - Sur les demandes liées à l'exécution du contrat - Sur l'annulation des sanctions disciplinaires L'article L. 1331-1 du code du travail dispose que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. L'article L. 1333-2 du même code ajoute que le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. *Sur l'avertissement du 29 juillet 2017 Par courrier du 29 juillet 2017, la SARL Genius loci a adressé à M. [K] [O] un avertissement en ces termes : « En date du 10/07/2017, sur le chantier de M. et Mme [X], à [Localité 15] . Vous êtes intervenu pour la pose d'un isolant sur le plafond du couloir de l'appartement ,soit 21 m². Il vous a été fourni les matériaux nécessaires pour la mise en oeuvre .Il reste sur le travail exécuté ,un morceau de 20 cm de large sur 1m de long. Soit 10 minutes de travail, il fallait couper un morceau d'isolant et poser 2 vis au plafond. Vous avez préféré quitter le chantier plutôt que finir votre intervention. Le temps que vous passez à fumer et boire des cafés aurait largement contribué à finir votre intervention . –Conséquence avec vos collègues de travail : désorganisation du planning – Conséquences pour l'entreprise : perte de crédibilité vis-à-vis de notre client perte financière perte de confiance de la part de vos dirigeants perte de temps de vos dirigeants désorganisation des plannings En date du 25 juillet 2017, sur le chantier de Mme [X], Vous avez posé 21 m² d'ossature de plafond dans votre journée, alors que dans une journée de 7 h vous pouvez en poser 60 m² . J'ai rencontré M. [B] [E] en date du jeudi 27 juillet, en présence d'[F] et [B] [U], afin d'avoir une discussion concernant la production de cette journée. Il nous a confirmé qu'ensemble vous avez eu une journée très peu productive. Il a reconnu que vous auriez pu faire d'autres travaux, il reste du travail sur ce chantier. Vous n'êtes pas sans savoir que vous avez une obligation de production . –Conséquences avec vos collègues de travail désorganisation du planning –Conséquences pour l'entreprise perte financière perte de confiance de la part de vos dirigeants perte de temps de vos dirigeants désorganisation des plannings perte de temps de vos dirigeants désorganisations des plannings Ces 2 derniers mois, je suis venu discuter avec vous ainsi que M. [B] [E], 3 fois, afin de demander de vous ressaisir à propos de la production. Nous avons évoqué lors de différentes réunions, les difficultés financières et la désorganisation de l'entreprise qui nous ont amenés à un manque de productivité sur les chantiers. Le fait que M. [K] [O] n'ait pas contesté cet avertissement ne l'empêche pas de le faire dans le cadre de la présente procédure. S'agissant de la journée du 10 juillet 2017, il sera relevé que, en soi, le fait de ne pas avoir terminé le chantier le jour-même ne saurait être considéré comme répréhensible. Dans ses conclusions de première instance, l'employeur indiquait seulement « Monsieur [O], qui n'a jamais contesté cet avertissement fait l'aveu dans ses écritures (page 9), de ne pas avoir terminé son chantier « pour la simple et bonne raison que, conformément à ses horaires de travail ce jour-là, il avait fini sa journée ». Il affirme en effet qu'il ne lui a pas été demandé de réaliser des heures supplémentaires et qu'il n'avait donc pas à terminer ce jour là... Le conseil appréciera tout le sérieux et l'implication de Monsieur [O] dans l'exécution de son contrat de travail. Par ailleurs, le conseil constatera que Monsieur [O] a très régulièrement pris de nombreuses pauses pendant son temps de travail, pour fumer une cigarette ou boire un café... » S'il était fait état des temps de pause, l'employeur reprochait bien à son salarié de ne pas avoir pris l'initiative de réaliser des heures supplémentaires pour terminer le jour-même. La SARL Genius loci ne prétendait pas alors, comme elle le fait en appel, que la nature des travaux à effectuer ce jour-là, les moyens mis à sa disposition pour y parvenir au regard de ses fonctions et de ses compétences de chef d'équipe, démontre que s'il n'a pas terminé dans les temps c'est uniquement parce qu'il a fait preuve d'un réel manque d'implication. Ce changement de motivation permet de douter de ce qui était réellement reproché au salarié, ainsi, soit de ne pas avoir réalisé d'heures supplémentaires, ce qui ne peut au demeurant être fait qu'à la demande de l'employeur, soit de ne pas avoir terminé un travail qui normalement aurait dû l'être dans la journée. Par ailleurs, il n'est pas contesté que le chantier des époux [X] consistait à rénover tout un appartement et ne se réduisait pas à la seule pose d'un isolant, laquelle pouvait être achevée les jours suivants. Il n'est d'ailleurs pas prétendu que le salarié ne l'aurait pas, par la suite, terminée. En outre, les excès de pauses pour fumer ou boire un café ne ressortent d'aucun élément au dossier de l'intimée. Enfin, il n'est pas démontré les conséquences prétendues « avec les collègues de travail » ou « pour l'entreprise ». Ce premier grief n'est donc pas fondé. S'agissant de la journée du 25 juillet 2017, l'employeur ne fournit à la cour aucun élément sur ce que sont les normes de productivité en matière de pose d'ossature de plafond. Par ailleurs M. [B] [E] aurait indiqué « qu'ensemble » ils avaient eu une journée très peu productive et le seul fait que celui-ci ait reconnu que M. [K] [O] « aurait » pu faire d'autres travaux et qu'il « reste du travail sur ce chantier » ne démontre rien. Enfin, l'employeur mentionne « les difficultés financières et la désorganisation de l'entreprise qui nous ont amenés à un manque de productivité sur les chantiers », ce qui ne permet pas de considérer que M. [K] [O] serait lui-même peu productif ou bien à l'origine d'une désorganisation de l'entreprise, alors que l'employeur lui-même reconnaît que le manque de productivité résulte de difficultés financières et d'une désorganisation de l'entreprise. Ce second grief n'est pas plus justifié. Il convient en conséquence d'annuler l'avertissement du 29 juillet 2017. *Sur la lettre du 31 juillet 2017 Le 31 juillet 2017, l'employeur a adressé à son salarié une lettre recommandée avec avis de réception ayant pour objet «finition sur les travaux exécutés » ,et dont les termes sont les suivants : « Ce courrier n'est pas un avertissement, mais un constat et une note informative, permettant d'évoluer ensemble vers une meilleure cohésion. Je souhaite que sur l'ensemble des points évoqués ci-dessous, une réflexion soit faite et que nous en discutions. En date du 19/07/2017, sur le chantier de M. [L], Vous avez demandé à votre conductrice de travaux des vis de « 27 » pour des vis de 270, sachant qu'elle avait très peu d'expérience et de référence dans le milieu du bâtiment. Nous nous exprimons en mm pour la longueur de la visserie, vous vous êtes toujours exprimé de cette manière. Votre manière d'agir à mis à mal l'organisation de l'entreprise. [F] a transféré votre demande à [Z] et moi-même, qui allons chercher des vis de 27, notre confiance en vous, nous a fait perdre 2 à 3h de travail . –Conséquences avec vos collègues de travail désorganisation du planning –Conséquences pour l'entreprise perte de crédibilité vis-à-vis de notre client perte financière perte de confiance de la part de vos dirigeants perte de temps de vos dirigeants désorganisation des planning » En date du 24/07/2017, sur le chantier [R], Vous avez eu des consignes concernant un bâchage et un clôt. Nous vous avons mis avec M. [M] [S] pour la mise en oeuvre du bâchage. Nous vous avons demandé, sur photos, de bâcher le pignon de Mme [R] . Vous n'avez pas écouté les consignes, la mise en oeuvre que vous avez mise en place a failli s'envoler et blesser les habitants . Je suis intervenu rapidement pour sécuriser le travail. –Conséquences avec vos collègues de travail désorganisation du planning –Conséquences pour l'entreprise mise en danger d'autrui perte de crédibilité vis-à-vis de notre client perte de crédibilité face à notre mandat qui est l'assurance perte financière perte de confiance de la part de vos dirigeants désorganisation des plannings » Cet écrit, qui a pour effet de reprocher au salarié des faits que l'employeur estime fautifs, d'ailleurs dans les mêmes termes que la lettre précédente d'avertissement, constitue bien une sanction disciplinaire au sens de l'article L. 1331-1 précité. Ce second avertissement doit être annulé dans la mesure où l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire en notifiant au salarié le premier avertissement du 29 juillet 2017, le premier ayant manifestement été informé des faits reprochés dès cette date. Il convient en conséquence d'annuler également ce second avertissement. Le jugement sera donc infirmé. *Sur l'indemnisation sollicitée M. [K] [O] fait valoir que la chronologie de ces sanctions injustifiées, la réitération à des délais proches ainsi que le fait pour l'employeur d'avoir instrumentalisé la procédure disciplinaire en le convoquant à des entretiens auxquels il ne sera donné aucune suite, n'avait pour but que de lui nuire. Il fait état cependant d'une convocation à un entretien le 29 mars 2017 puis le 8 septembre 2017 sans lien avec les deux avertissements. Par ailleurs, force est de constater que le salarié n'a pas réagi après les deux courriers, de sorte qu'ils n'apparaissent pas l'avoir particulièrement choqué. L'appelant ne démontre ici aucun préjudice . - Sur le temps de transport Il n'est pas contesté que constitue du temps de travail effectif le temps de trajet entre le siège de l'entreprise et le lieu de travail, lorsque le salarié est contraint de se rendre au siège de l'entreprise avant de se rendre sur son lieu de travail. M. [K] [O] fait valoir que l'employeur lui demandait de passer chaque matin par le siège avant de se rendre sur les chantiers afin de venir récupérer des collègues de travail. La SARL Genius loci fait valoir pour sa part que l'appelant ne produit absolument aucun élément à l'appui de ses allégations et qu'elle ne lui demandait pas de se rendre au siège de l'entreprise avant de se rendre sur son lieu de travail. Or, la cour relève que M. [K] [O] était chef d'équipe, qu'il ressort au moins d'un texto du 19 juillet 2017 adressé à [F], conductrice de travaux, qu'il la conduisait au chantier au départ du siège de l'entreprise. L'employeur, pour sa part, n'apporte aucun justificatif de ce qu'il ne demandait pas à son salarié de partir de l'entreprise et d'amener ses collègues, ainsi par exemple des attestations. Il convient dès lors de faire droit à la demande de rappels de salaires à ce titre, soit : -2548,60 euros pour 2015, outre 254,86 euros au titre des congés payés afférents -2861,83 euros pour 2016, outre 286,18 euros au titre des congés payés afférents -2922,19 euros pour 2017, outre 292,21 euros au titre des congés payés afférents -745,16 euros pour 2018, outre 74,51 euros au titre des congés payés afférents Il convient de constater que M. [K] [O] ne forme pas de demande au titre d'indemnités de déplacement. - Sur les heures supplémentaires Il n'y a pas en appel de contestation de la somme de 1847,22 euros bruts accordée par le conseil de prud'hommes au titre des heures supplémentaires de 2015 à 2018, outre les congés payés afférents, soit 184,72 euros. Le jugement sera donc confirmé. - Sur le défaut de paiement des cotisations à la caisse des congés payés Il n'est pas contesté que l'employeur n'a pas payé les cotisations à la caisse des congés payés, de sorte que le salarié n'a pas pu être indemnisé. La SARL Genius loci ne conteste pas devoir les dommages-intérêts pour le défaut de paiement des cotisations. Elle fait valoir cependant que l'indemnité sollicitée ne peut correspondre à la somme brute que le salarié aurait dû percevoir mais uniquement à la somme nette. L'intimée sollicite donc que la cour limite l'indemnisation à hauteur de l'indemnité compensatrice nette de congés payés qu'il aurait perçue. Le salarié peut prétendre à une somme équivalente à celle dont il a été privée. M. [K] [O] fait justement valoir que du fait du défaut des cotisations, ses droits à la retraite et au chômage notamment ont été impactés, de sorte que son préjudice est effectivement équivalent au montant brut de l'indemnité compensatrice de congés payés à laquelle il n'a pas pu prétendre. Il convient donc de condamner la SARL Genius loci à payer la somme de 1733,57 euros de dommages et intérêts pour défaut de paiement des cotisations à la caisse des congés payés. II - Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail - Sur le licenciement pour faute grave La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur débiteur qui prétend en être libéré. La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c'est au regard des motifs qui y sont énoncés que s'apprécie le bien-fondé du licenciement. En l'espèce, la lettre de licenciement du 2 avril 2018 est rédigée comme suit : « Les motifs de ce licenciement que je vous ai exposés lors de notre entretien sont les suivants: –Feuille d'heures Le jeudi 8 mars, vous avez indiqué sur votre feuille d'heures que vous êtes arrivé au chantier à 7 heures, alors que vous étiez au dépôt à cette heure-là . Vous me demandez de vous payer une zone de déplacement alors que je vous ai payé en déplacement sur votre temps de travail effectif . –Chantier DPEP, à [Localité 16] Vous étiez présent sur ce chantier du 14 novembre 2017 au 15 décembre 2017 et du 31 janvier 2018 au 8 mars 2018 M. [H] [Y] a abîmé un plafond en placo lors de son intervention mi-novembre 2017, il vous a informé de son accident, ainsi que moi-même et vous a demandé de le réparer. Il n'est pas plaquiste. Je vous ai demandé plusieurs fois d'effectuer la réparation. En date du 6 mars 2018, cela n'avait toujours pas été fait. Je vous expliqué que j'ai pris un savon de la part de la directrice du centre, actuellement je suis en pleine négociation pour faire rentrer de nouveaux chantiers et que je ne peux pas me permettre d'avoir ce genre de réflexion de la part de nos clients. Ce genre d'attitude nuit à mon travail de commercial et nuit à l'image de l'entreprise. – Votre réponse lors de cet entretien Vous n'étiez pas au courant. Sur ce même chantier, je vous ai demandé de prendre la photo de portail fermé quand vous partiez. Je vous ai expliqué qu'une autre entreprise passe par le même passage que nous et laisse portail ouvert. La directrice pense que c'est nous et j'ai besoin de lui prouver que nous ne sommes pas responsables de ce fait, surtout que cela peut avoir des conséquences importantes, nous intervenons dans un centre de jeunes enfants à déficience mentale et devant ce portail des jeunes vendent de la drogue . Votre réponse lors de cet entretien Vous pensiez que c'était la dernière équipe qui partait qui devait prendre la photo Ma réponse lors de cet entretien Je vous ai demandé de prendre la photo du portail fermé quand vous partiez, et vous n'en avez jamais pris alors que vous étiez le dernier à quitter le chantier – [Adresse 10] Vous deviez intervenir sur ce chantier avec M. [E], à qui j'ai donné les consignes. C'est une intervention sur un plafond en plaques de plâtre de 16 m². ? Mercredi 28 février 2018, vous étiez présents 1h30 sur le chantier ? Lundi 5 mars 2018, vous étiez présent toute la journée. Ce jour-là, vous avez posé l'isolant entre les poutres, M. [E] faisait des finitions dans une autre partie de la maison. ? Mardi 6 mars 2018, vous étiez présent à 7h sur le chantier. M. [E] m'a contacté à 8h40 pour me prévenir que le plafond ne pouvait être posé et que vous étiez bloqué. J'ai dû écrire en urgence un devis de travaux supplémentaires, l'envoyer à l'architecte afin qu'elle le fasse valider aux clients. Vous vous êtes retrouvé à deux dans l'impossibilité de continuer le chantier . Vous m'avez compté 7h de travail alors que vous n'avez pas effectué votre intervention. Vous avez mis 1h30 à deux personnes pour vérifier un plafond de 16 m². Votre réponse lors de cet entretien Vous avez vérifié une partie sur les côtés, mais pas l'intégralité .Vous me dites aussi que j'aurais dû me déplacer sur le chantier pour faire les vérifications. Ma réponse lors de cet entretien Sur la photo, on voit qu'il y a eu une modification des poutres qui auraient dû vous mettre un doute, je ne peux pas me permettre de me déplacer sur chaque petite intervention et, si ,j'ai des chefs d'équipe, c'est pour m'épauler et m'éviter de perdre du temps sur des petits détails comme cela. Votre réponse lors entretien Je vous ai fait livrer des matériaux, vous ne vous posez pas plus de questions,vous posez ce que j'ai livré . – Fiche de suivi Votre travail consiste aussi à nous retourner des informations permettant d'anticiper et de préparer les chantiers. Nous avons mis en place depuis plus d'un an, une fiche de suivi, vous pouvez aussi nous envoyer des photos. Vous oubliez régulièrement de nous les faire parvenir. Votre réponse lors de cet entretien Vous en faites parvenir de temps en temps, vous en faites parvenir aussi aux autres équipes, mais que vous oubliez parfois de le faire. Lors de cet entretien, je vous ai posé trois fois la même question à des moments différents: « Est-ce que je vous laisse la liberté de choisir la mise en oeuvre et les matériaux pour réaliser vos chantiers ? » Votre réponse lors de cet entretien Oui, je vous laisse la liberté de choisir la mise en oeuvre et les matériaux, je vous demande un résultat. – Suite à notre entretien vous êtes intervenu sur le chantier de M. [T]/ M. [P], [Adresse 2] du 19 mars 2018 au 27 mars 2018 M. [Z] [N], chargé de projet, vous a exposé l'importance du respect du planning et des objectifs concernant ce chantier . M. [P] doit réintégrer son appartement le 30 mars 2018. Vous deviez intervenir pour la dépose du faux plafond et la pose du nouveau faux plafond . Vous n'avez pas protégé correctement l'appartement de M. [P]. (Voir photos). Vous n'avez pas respecté les consignes, ni les objectifs concernant le respect des plannings, vous auriez pu faire des heures supplémentaires l'après-midi , sachant que vous quittiez le chantier à 14h et que vous devez 30 heures à l'entreprise . Vous n'avez pas averti M. [Z] [N] que vous n'aviez pas remis le conduit d'évacuation des fumées de la chaudière à gaz . Vous n'avez pas pris vos dispositions, ni averti votre commercial concernant l'évacuation de vos gravats. Des mégots de cigarettes ont été retrouvés sur le chantier. Les conséquences sont : ? Une mise en danger du client, les émanations de la chaudière sont du monoxyde de carbone, gaz inodore et incolore. M. [P] aurait pu être intoxiqué voir décédé en mettant sa chaudière en route. ? Une atteinte de l'image et du sérieux de l'entreprise, mettant à mal le travail de commercial de M. [N] et le travail des autres techniciens de l'entreprise. ? Une désorganisation du planning. ? Vos collègues ont dû nettoyer le chantier à votre place, demandant des heures supplémentaires. ? Vos collègues ont dû évacuer vos gravats , demandant des heures supplémentaires. ? J'ai dû faire intervenir en urgence un de vos collègues, le samedi pour poser le conduit de la chaudière. –[Adresse 11] Le 2 avril 2018, j'ai reçu un mail de M. [J] maître d'oeuvre, concernant une mise en oeuvre qui n'a pas été respecté. Ci-joint copie de son mail et les photos des dégâts. « Bonjour [B], Je t'envoie ce mail car il va falloir prévoir une intervention sur le chantier [A] de St Jean de Cuculles. On a beaucoup de souci de bandes qui se fissurent. Suite photos et visites sur site se seraient dues à deux problèmes : 1 : vous n'avez pas mis de joint de dilatation au niveau du JD (ça peut arriver de ne pas le voir) 2 : vous n'avez pas décalé les plaques au-dessus des linteaux (pas normal en plus j'ai dut leur dire xx fois ,ils ont repris certaines portes intérieurs mais pas les doublages extérieurs) » Les conséquences sont : ? Dépose et pose de plaques de plâtre gratuitement ? Miss en peinture gratuitement ? Désorganisation de nos plannings ? Perte financière ? Atteinte à l'image et au sérieux de l'entreprise Je considère que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien, même temporaire dans l'entreprise .» Il convient d'examiner chacun des griefs reprochés, étant rappelé que l'accumulation de griefs contenus dans la lettre ne saurait en elle-même présumer de leur consistance. –Sur la « Feuille d'heures » Aux termes de l'article 8.17 de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment : « L'indemnité de trajet a pour objet d'indemniser, sous une forme forfaitaire, la sujétion que représente pour l'ouvrier la nécessité de se rendre quotidiennement sur le chantier et d'en revenir. L'indemnité de trajet n'est pas due lorsque l'ouvrier est logé gratuitement par l'entreprise sur le chantier ou à proximité immédiate du chantier. » L'indemnité de trajet prévue par ces dispositions, qui a un caractère forfaitaire et a pour objet d'indemniser une sujétion pour le salarié obligé chaque jour de se rendre sur le chantier et d'en revenir, est due indépendamment de la rémunération par l'employeur du temps de trajet inclus dans l'horaire de travail et du moyen de transport utilisé. Dès lors, l'employeur ne peut reprocher au salarié le cumul de l'indemnité de trajet avec le paiement du temps de trajet inclus dans l'horaire de travail du salarié. Ce premier grief est infondé. - Sur la réparation du plafond en placo L'employeur ne mentionne ni ne démontre à quelles dates il aurait demandé à son salarié et réitéré sa demande d'effectuer la réparation du plafond en placo sur le chantier DPEP à [Localité 16], M. [K] [O] contestant pour sa part que cette demande ait été portée à sa connaissance avant le mois de mars 2018. Il est d'ailleurs étonnant qu'une telle intervention, étant nécessaire depuis la mi-novembre, l'employeur ait attendu trois mois avant de rappeler à son salarié ses obligations. Il est enfin non contesté qu'entre le 12 et le 16 mars 2018, M. [K] [O] s'est rendu sur le chantier afin de réparer le plafond et qu'au jour du prononcé du licenciement, les réparations avaient été réalisées. La faute du salarié n'est pas ici démontrée. - Sur le portail L'employeur n'apporte ici aucun élément qui puisse confirmer que ce fait se rattache bien au chantier DPEP à [Localité 16], alors que le salarié produit le compte rendu de l'entretien du 8 septembre 2017, dans lequel le délégué du personnel mentionne « Sur d'autres chantiers : un portail qui ne fermait pas et avait une poignée cassée ». La SARL Genius loci ne fournissant aucune précision sur la date des faits reprochés, la cour ne peut notamment contrôler s'ils sont ou non prescrits. Enfin, le fait éventuellement d'avoir omis pour le chef d'équipe de prendre une photo ne saurait en soi empêcher le maintien de la relation contractuelle et justifier un licenciement. Ce grief doit être écarté. - Sur le chantier Leveque à [Localité 12] La SARL Genius loci ne peut sérieusement mettre sur M. [K] [O] la responsabilité d'un chantier pour lequel il n'a reçu directement aucune consigne, celles-ci ayant été données à un autre et alors que manifestement les griefs reprochés relèvent d'un manque d'organisation de l'employeur qui envoie ses salariés sur un chantier, lequel nécessitait des travaux supplémentaires et un réapprovisionnement de matériaux dont ils n'étaient pas informés. Il n'est pas non plus démontré ici une faute de M. [K] [O]. - Sur les fiches de suivi L'obligation de transmission de fiches de suivi ne figure ni sur le contrat de travail, ni sur une éventuelle note de service. Ceci étant, il ressort du compte rendu du 8 septembre 2017 que le salarié envoyait bien à son employeur des photos prises sur les chantiers. M. [K] [O] justifie ainsi de l'envoi du rapport photos du chantier de Mme [R] et de celui de [Localité 18]. Aucun reproche d'ailleurs ne lui a été fait sur ce point en trois ans d'ancienneté. Ce grief est inconsistant. - Sur le chantier de M. [T]/ M. [P] Il ne saurait tout d'abord être reproché au salarié d'avoir effectué des heures supplémentaires, sans demande préalable de son employeur, étant relevé en outre qu'en septembre 2017, au contraire, il était fait grief au salarié de mettre en péril l'entreprise par un excédent important d'heures supplémentaires. Par ailleurs, l'employeur indique que le chantier aurait dû être terminé le 30 mars 2018 pour que M. [P] réintègre son appartement, pourtant, dès le 27 mars, il demandait à M. [K] [O] de se rendre sur un autre chantier à [Localité 14], comme cela ressort du texto produit. La SARL Genius loci produit ensuite des photos montrant un tuyau d'évacuation et une chaudière, une machine à laver, un lavabo, une baignoire, un sol sali, des cartons, des matériaux dans un coin. L'intimée ne peut sérieusement, sur la base de ces seules photographies sans date, sans lieu identifié, qui ne présentent aucune valeur probante, prétendre imputer à son salarié le fait de n'avoir pas protégé correctement le chantier, de n'avoir pas remis le conduit d'évacuation de la chaudière, de n'avoir pas évacué les gravats et les mégots. Ce grief sera également écarté. - Sur le chantier [A] à [Localité 18] L'employeur fait état ici d'un courriel reçu le jour même de la lettre de licenciement concernant un chantier réalisé en juillet et août 2016, soit plus d'un an et demi auparavant, pour lequel il y aurait un problème d'apparition de fissures. Or, M. [K] [O] produit un courriel datant du 16 août 2016, par lequel il avertissait son employeur de l'existence de fissures sur la dalle, de sorte que la SARL Genius loci connaissait les risques de fissures sur ce chantier. Par ailleurs et les deux photographies produites par l'intimée ne démontrant rien du tout, aucun élément probant ne permet d'affirmer que les fissures invoquées, apparues vingt mois après son intervention, auraient pour origine des défauts de mise en oeuvre imputables à M. [K] [O]. Ce dernier grief doit également être écarté. Au vu de ces éléments, il n'est démontré aucune faute grave justifiant le licenciement immédiat du salarié. Il est dénué de toute cause réelle et sérieuse, la cause se trouvant manifestement dans les importantes difficultés économiques que rencontrait la société, placée en redressement judiciaire depuis deux mois et qui avait notamment réalisé deux gros chantiers qui se sont révélés à perte. Il convient donc de prononcer la nullité du licenciement. - Sur les conséquences indemnitaires - L'indemnité légale de licenciement Compte tenu de l'ancienneté de 3 ans et 4 mois ainsi que d'un salaire brut des trois derniers mois égal à 2173,43 euros, l'indemnité légale de licenciement de l'article L. 1234-9 du code du travail s'élève à la somme de : (1/4 X 2173,43) X (3 + 4/12) = 1811,19 euros - L'indemnité de préavis M. [K] [O] a droit à une indemnité compensatrice de préavis de deux mois, soit : 2173,43 euros X 2 = 4346,86 euros, outre les congés payés afférents, soit 434,68 euros. - Sur les dommages et intérêts pour licenciement abusif En application des dispositions de l'article L.1235-3 telles qu'issues de l'ordonnance no 2017-1387 du 22 septembre 2017 tenant compte du montant de la rémunération de M. [K] [O] ( 2173,43 euros en moyenne) et de son ancienneté en années complètes ( trois années), dans une entreprise comptant au moins onze salariés, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de M. [K] [O] doit être évaluée à la somme de 6520,29 euros correspondant à l'équivalent de trois mois de salaire brut. III - Sur les demandes accessoires et les dépens Les intérêts sont dus dans les termes du dispositif du présent arrêt. Il sera ordonné la remise des documents de fin de contrat, conformément au présent arrêt, dans les deux mois de la notification. Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la SARL Genius loci. Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [K] [O] les frais irrépétibles exposés, il lui sera accordé la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Par arrêt par défaut, rendu publiquement en dernier ressort - Confirme le jugement rendu le 31 octobre 2019 par le conseil de prud'hommes de Nîmes en ce qu'il a : - fixé au passif de la SARL MV2 les sommes suivantes : * 1 847,22 euros bruts à titre de rappels de salaires pour heures supplémentaires effectuées sur la période de 2015 à 2018, * 184,72 euros bruts à titre de congés payés y afférent, - ordonné l'exécution provisoire de la présente décision, et fixé la moyenne des trois derniers mois de salaires à 1 532,32 euros bruts, - déclaré le présent jugement commun et opposable au CGEA de Toulouse, gestionnaire de l'AGS ; - dit que la garantie de cet organisme interviendra dans les limites et plafonds réglementaires applicables en la matière, au vu du relevé qui lui sera produit et du justificatif de l'absence de fonds disponibles au titre de ladite procédure collective. -L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau, - Fixe ainsi que suit le montant des sommes à inscrire sur l'état des créances de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société, déposé au greffe du tribunal de commerce : - au titre des rappels de salaires pour les temps de transport *pour l'année 2015 : o 2 548,60 euros o 254,86 euros de congés payés afférents *pour l'année 2016 : o 2 861,83 euros, o 286,18 euros de congés payés afférents *pour l'année 2017 : o 2 922,19 euros, o 292,21 euros de congés afférents * pour l'année 2018 (janvier) : o229,28 euros, o 22,92 euros de congés payés afférents. - Dit qu'en application des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement, - Donne acte à l'AGS - CGEA de son intervention et de ce qu'elle revendique le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan de la mise en oeuvre du régime d'assurances des créances des salaires que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément des articles L 3253-8 , L 3253-17 et D 3253-5 du Code du travail, - Prononce l'annulation des sanctions disciplinaires des 29 et 31 juillet 2017 mais rejette la demande de dommages et intérêts formée à ce titre par M. [K] [O], - Prononce la nullité du licenciement pour faute grave de M. [K] [O] intervenu le 2 avril 2018, - Condamne la SARL Genius loci à payer à M. [K] [O] : - au titre des rappels de salaires pour les temps de transport: 515,88 euros outre 51,58 euros de congés payés afférents (février et mars 2018) -au titre des dommages et intérêts pour défaut de paiement des cotisations congés payés: la somme de 1733,57 euros, - au titre de l'indemnité légale de licenciement : la somme de 1811,19 euros - au titre de l'indemnité de préavis : la somme de 4346,86 euros - au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : la somme de 434,68 euros - au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif : la somme de 6520,29 euros - Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, que s'agissant des créances salariales à venir au moment de la demande, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus ; - Ordonne la capitalisation des intérêts, laquelle prend effet à la date à laquelle les intérêts sont dus pour la première fois pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, - Condamne la SARL Genius loci à délivrer à M. [K] [O] les documents de fin de contrat conformément au présent arrêt, dans les deux mois de la notification du présent arrêt, - Rejette le surplus des demandes, - Condamne la SARL Genius loci à payer à M. [K] [O] la somme de 4000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, - Condamne la SARL Genius loci aux dépens de première instance et d'appel. Arrêt signé par le président et par la greffiere. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS No RG 19/04607 - No Portalis DBVH-V-B7D-HSL6 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON 12 novembre 2019 RG :F18/00230 S.A.R.L. PROVENCE EXPERT CONSEIL Grosse délivrée COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE CIVILE 5ème chambre sociale PH ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022 Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 12 Novembre 2019, NoF18/00230 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président M. Michel SORIANO, Conseiller Madame Leila REMILI, Conseillère GREFFIER : Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision A l'audience publique du 22 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Décembre 2022. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel. APPELANTE : SARL PROVENCE EXPERT CONSEIL [Adresse 4] [Localité 3] Représentée par Me Olivier BAGLIO de la SCP BAGLIO-ROIG-ALLIAUME-BLANCO, avocat au barreau d'AVIGNON Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES Madame [U] [X] [Adresse 2] [Localité 1] Représentée par Me Thierry COSTE, avocat au barreau d'AVIGNON ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 08 Septembre 2022 Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 06 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS : Mme [U] [X] a été engagée à compter du 1er octobre 2007 en qualité de collaboratrice comptable par la SARL Provence expert conseil. Cette dernière a mis en place un plan d'épargne d'entreprise le 28 mars 2007. Le 17 mai 2017, Mme [X] indiquait à son employeur ne pas avoir été informée de l'existence de ce plan d'épargne d'entreprise. Par courrier du 18 mai 2017, elle en sollicitait le bénéfice auprès de son employeur. Par avenant du 23 mai 2017, prenant effet le 1er janvier 2018, la société a mis fin à tout abondement sur le plan d'épargne d'entreprise. Par courrier du 9 avril 2018, Mme [X] mettait son employeur en demeure de réparer le préjudice causé par la dissimulation du plan d'épargne d'entreprise. Faute de réponse, le 15 mai 2018, Mme [X] saisissait le conseil de prud'hommes d'Avignon aux fins de voir dire et juger que la SARL Provence expert conseil a commis une faute dolosive en s'abstenant sciemment de l'informer de l'existence du plan d'épargne d'entreprise et voir condamner cette dernière à lui verser diverses sommes. Par jugement contradictoire du 12 novembre 2019, le conseil de prud'hommes d'Avignon a : - dit que le défaut d'information de Mme [U] [X] est volontaire de la part de l'entreprise * que ce défaut d'information constitue une faute à caractère dolosif * que la modification par avenant du Plan d'épargne d'entreprise ne revêt pas de caractère frauduleux - condamné la SARL Provence Expert Conseil à payer à Mme [U] [X] les sommes suivantes : * 16 410 euros net au titre de l'indemnité de manque à gagner ; * 7 035 euros au titre de l'indemnité de perte de chance; * 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile - ordonné l'exécution provisoire des décisions conformément aux dispositions de l'article R1454-18 du code du travail, ainsi que l'application des intérêts aux taux légal conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil - débouté Mme [U] [X] de ses autres demandes - débouté la SARL Provence Expert Conseil de ses demandes reconventionnelles - condamné la SARL Provence Expert Conseil aux entiers dépens de l'instance. Par acte du 9 décembre 2019, la SARL Provence expert conseil a régulièrement interjeté appel de cette décision. Aux termes de ses dernières conclusions du 29 juillet 2020, la SARL Provence Expert conseil demande à la cour de : - le déclarant recevable et bien fondé, Y faisant droit, - infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a : * dit que le défaut d'information de Mme [U] [X] est volontaire de la part de l'entreprise, * dit que ce défaut d'information constitue une faute à caractère dolosif, * l'a condamné à payer à Mme [U] [X] les sommes suivantes : o 16.410 euros nets au titre de l'indemnité de manque à gagner, o 7.035 euros au titre de l'indemnité de perte de chance, o 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, * ordonné l'exécution provisoire des décisions conformément aux dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, ainsi que l'application des intérêts au taux légal conformément aux dispositions de l'article L. 1231-7 du code civil, * l'a débouté de ses demandes reconventionnelles, * l'a condamné aux entiers dépens de l'instance, - confirmer le jugement en ce qu'il a : * dit que la modification par avenant du Plan d'épargne d'entreprise ne revêt pas de caractère frauduleux, * débouté Mme [U] [X] de ses autres demandes, Statuant à nouveau, - déclarer irrecevables car prescrites les demandes de Mme [U] [X] portant sur la période antérieure au 15 mai 2016, - débouter Mme [U] [X] de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de son appel incident, - débouter Mme [U] [X] de ses demandes tendant à voir condamner la société à lui verser les sommes suivantes : * 53.058 euros en indemnisation de son manque à gagner, * 7.500 euros au titre de son préjudice moral, * 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel. - condamner Mme [U] [X] à payer à la société la somme de 3.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - condamner Mme [U] [X] aux entiers dépens de première instance et d'appel. L'appelante soutient que : - conformément à l'article L.1471-1 du code du travail, les demandes de Mme [X] portant sur la période antérieure au 15 mai 2016 sont prescrites et donc irrecevables. La salariée aurait eu connaissance de l'existence du plan d'épargne d'entreprise en septembre 2016, or ce n'est que le 15 mai 2018 que celle-ci saisissait le conseil de prud'hommes. - l'article 2224 du code civil relatif à la prescription quinquennale applicable aux actions personnelles ne saurait être retenu par la cour dans la mesure où les demandes portent incontestablement sur l'exécution du contrat de travail et c'est en sa seule qualité de salariée que Mme [X] se prévaut d'une obligation d'information à son égard. - il est difficilement concevable que la salariée n'ait pas eu connaissance de l'existence de ce plan d'épargne d'entreprise antérieurement à 2016 alors qu'elle occupait les fonctions de collaboratrice comptable et avait dès lors accès aux documents comptables de la société depuis son embauche. - si elle ne conteste pas ne pas avoir effectué une information dans les formes prévues par le dispositif, elle conteste en revanche avoir commis une faute à caractère dolosif. - Mme [X] ne rapporte pas la preuve de son intention frauduleuse. - le conseil de prud'hommes a jugé ultra petita en la condamnant à verser à Mme [X] des dommages et intérêts au titre d'une perte de chance alors que cette demande n'a pas été formulée par Mme [X] . - c'est à tort que le conseil lui a octroyé une indemnisation au titre du manque à gagner, cette demande demeurant infondée. - Mme [X] ne démontre pas l'existence d'un préjudice certain et ne fonde sa demande que sur l'hypothèse d'une adhésion au plan d'épargne d'entreprise. En tout état de cause, il n'est pas certain qu'elle aurait adhéré même si elle en avait été régulièrement informée. - Mme [X] n'a pas immédiatement sollicité son adhésion au plan d'épargne d'entreprise lorsqu'elle en a eu connaissance, elle a attendu le mois de mai 2017, soit plus de 8 mois, avant de formuler une telle demande. - la mise en place et la gestion d'un plan d'épargne d'entreprise résulte de la seule décision de l'employeur qui dispose de la faculté discrétionnaire d'y mettre un terme quand il le souhaite. En l'état de ses dernières écritures du 3 juin 2020, contenant appel incident, Mme [U] [X] demande à la cour de : - dire et juger que la SARL Provence expert conseil s'est sciemment abstenue de l'informer de l'existence du Plan d'épargne d'entreprise de 2007 à 2017, - dire et juger la faute de la SARL Provence expert conseil dolosive, - dire et juger que la SARL Provence expert conseil a frauduleusement modifié le Plan d'épargne d'entreprise dès qu'elle en a sollicité le bénéfice, - infirmer la décision déférée en ce qu'elle a fixé à : * 16 410 euros nets au titre de l'indemnité de manque à gagner, * 7 035 euros au titre de l'indemnité de perte de chance - condamner la SARL Provence expert conseil à lui verser : * 53 058 euros en indemnisation de son manque à gagner, * 7 500 euros au titre de son préjudice moral, * 1500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel. L'intimée fait valoir que : - elle n'a pas été informée de l'existence du plan d'épargne d'entreprise avant septembre 2016 et n'a pu de ce fait effectuer de versement, ni bénéficier de l'abondement de l'employeur. Elle estime avoir de ce fait subi un préjudice. - la société ne l'aurait pas, volontairement et frauduleusement, informée de l'existence du plan d'épargne d'entreprise. Par conséquent, celle-ci engage sa responsabilité contractuelle. - contrairement à ce qu'affirme son employeur, sa demande n'est pas prescrite. C'est l'article 2224 du code civil qui doit s'appliquer en l'espèce et non l'article L.1471-1 du code du travail, puisque la réclamation ne porte pas sur l'exécution d'un contrat de travail. - son préjudice résulte uniquement de l'abondement de 300% et de la plus-value qu'auraient pu enregistrer les parts. - la suppression de l'abondement est frauduleuse et effectuée dans le seul but de l'exclure du plan d'épargne d'entreprise. Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures. Par ordonnance en date du 13 juin 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 08 septembre 2022. L'affaire a été fixée à l'audience du 22 septembre 2022. Sur la prescription Aux termes de l'article L1471-1, modifié par la loi no2018-217 du 29 mars 2018 - art. 11 : « Toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture. Les deux premiers alinéas ne sont toutefois pas applicables aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7, L. 1237-14 et L. 1237-19-8, ni à l'application du dernier alinéa de l'article L. 1134-5. » L'article 2224 du code civil dispose quant à lui que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. » La durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance invoquée et non par la qualité de salarié. Mme [U] [X] reproche à son employeur de ne pas l'avoir informée de l'existence d'un plan d'épargne d'entreprise souscrit quelques mois avant son embauche. Selon l'article L. 3332-1 du code du travail, le plan d'épargne d'entreprise est un système d'épargne collectif ouvrant aux salariés de l'entreprise la faculté de participer, avec l'aide de celle-ci, à la constitution d'un portefeuille de valeurs mobilières. L'ensemble des conditions de mise en place et les versements résultent de la loi, soit des articles L. 3332-2 et suivants du code du travail et non de l'exécution du contrat de travail. L'entreprise qui décide d'établir un plan d'épargne d'entreprise doit se conformer aux dispositions légales et ne peut sortir de ce cadre légal, de la même manière que l'entreprise soumise au régime obligatoire de participation des salariés. L'action en paiement de dommages et intérêts exercée par le salarié à l'encontre de l'employeur au titre du défaut de l'information prévue par les articles L. 3332-7 et L. 3332-8 du code du travail ne porte pas sur une créance de nature salariale. L'action ne porte pas plus sur l'exécution du contrat de travail étant relevé que les salariés peuvent continuer à effectuer des versements au plan d'épargne d'entreprise même lorsqu'ils ont quitté l'entreprise. Dès lors, la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil s'applique. Quant au point de départ du délai de prescription, il court à compter du jour où le titulaire du droit d'agir « a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». Mme [U] [X] fait valoir qu'elle a découvert l'existence d'un plan d'épargne d'entreprise à la réception d'un courriel du 13 septembre 2016. Par ce courriel, M. [O] [Y], courtier d'assurance, indiquait « Le Plan d'Epargne Entreprise Swiss Life de votre entreprise a été transféré, en début d'année, de HSBC à BNP. Il semble qu'il y ait eu des dysfonctionnements sur les prélèvements des salariés qui versent. De ce fait l'abondement n'a pas non plus pu être prélevé. Merci de bien vouloir nous indiquer, si tel est le cas, depuis quelle date vous n'êtes plus prélevé ». Le seul fait que la salariée était collaboratrice comptable, au demeurant dans une société d'expertise comptable, ne permet nullement d'en déduire qu'elle était automatiquement informée du plan d'épargne d'entreprise souscrit par son employeur, ce qui ne ressort pas davantage des échanges de courriels avec le courtier en assurance. Il convient donc de retenir comme point de départ du délai de prescription quinquennale le 13 septembre 2016, date à laquelle Mme [U] [X] a pu prendre connaissance de l'existence du plan d'épargne d'entreprise. Le conseil de prud'hommes ayant été saisi le 15 mai 2018, la prescription n'est pas encourue et Mme [U] [X] peut soumettre au juge l'intégralité de sa demande d'indemnisation au titre du défaut d'information sans que cette dernière ne soit soumise à une restriction temporelle de cinq ans. Sur le défaut d'information L'article L. 3332-7 du code du travail prévoit que le règlement du plan d'épargne d'entreprise détermine les conditions dans lesquelles le personnel est informé de son existence et de son contenu. En l'espèce, l'article 7 du règlement du plan d'épargne d'entreprise Swiss Partenaires dispose que l'entreprise remet à son personnel les documents d'information sur son existence et son contenu. Le guide employeur de SwissLife précisant qu'après trois mois dans l'entreprise, le nouveau salarié peut adhérer au plan, l'employeur le lui proposant en lui remettant un dossier « épargnant » comprenant une plaquette de présentation et un guide épargnant. Il est constant que la SARL Provence expert conseil a ouvert le 29 mai 2007 un plan d'épargne d'entreprise auprès de SwissLife avec abondement de 300 %. Il n'est pas contesté que seuls les dirigeants ont fait des versements et bénéficié des abondements. La SARL Provence expert conseil ne conteste pas ne pas avoir informé sa salariée lors de son embauche le 1er octobre 2007, ni ultérieurement, de l'existence et du contenu du plan d'épargne d'entreprise souscrit quelques mois plus tôt. L'intimée était pourtant tenue d'une obligation légale d'information dont elle ne pouvait ignorer la teneur puisque le règlement et le guide de l'employeur rappelle à plusieurs reprises, en caractères gras et soulignés, la nécessité d'informer l'ensemble des salariés de la possibilité d'adhérer. Or, en ne remplissant pas volontairement l'obligation d'information mise à sa charge par l'article L. 3332-7, l'employeur a commis une réticence dolosive qui a privé la salariée de la possibilité d'effectuer des versements sur le plan, de bénéficier des abondements, des investissements en FCPE ainsi que de la fiscalité avantageuse afférente. Dès lors son préjudice s'analyse en une perte de chance de bénéficier de ce dispositif, dont la réparation doit être mesurée à la chance perdue et ne peut jamais être égale à l'avantage qu'elle aurait procuré si elle s'était réalisée. Mme [U] [X] ne peut donc en effet demander l'indemnisation d'un manque à gagner. Toutefois, le juge dispose, dans la limite des prétentions des parties, d'un pouvoir souverain d'appréciation sur la consistance du préjudice soumis à son examen et l'indemnité propre à le réparer, sans être lié par la qualification retenue par celles-ci. Le préjudice résulte ici de la perte de chance d'obtenir l'épargne résultant des abondements de l'employeur à hauteur de 300 % et de la plus-value des parts en FCPE. Mme [U] [X] fait valoir que de 2008 à 2017, l'abondement pouvait atteindre 8 % du plafond annuel de la sécurité sociale (Pass), soit en tout sur la période 29 151,36 euros et, après soumission à la csg/crds et déduction de l'abondement de décembre 2017 de 458,23 euros, l'abondement total se serait élevé à 27 230,98 euros. La SARL Provence expert conseil indique ici que l'appelante fixe son préjudice annuel sur le montant maximum de l'abondement de l'employeur mais qu'elle ne justifie pas qu'elle aurait placé le montant maximal des versements possibles puisque lors de son adhésion à compter du 1er juin 2017, elle a décidé d'effectuer des versements de 60 euros. Elle ajoute, s'agissant du produit d'assurance dans lequel Mme [U] [X] a investi à hauteur de 153 euros par mois depuis 2007, qu'elle a effectué des retraits plus élevés que ses versements. Toutefois, la cour considère qu'il existait une forte probabilité que Mme [U] [X], eu égard à son salaire, à la formule d'abondement très intéressante souscrite à hauteur de 300 % et aux avantages en découlant, de même qu'au regard de l'épargne qu'elle a pu effectuer pendant la dizaine d'années écoulées, procède à des versements à hauteur du maximum de l'abondement, soit environ seulement 81 euros par mois. Si la salariée, informée en septembre 2016, a attendu mai 2017 pour solliciter son adhésion, soit huit mois plus tard, il ne peut en être déduit qu'elle n'aurait pas adhéré après son embauche en 2007 mais au contraire une probabilité qu'elle aurait pu, dûment informée alors par son employeur, le faire dans les mois suivants. S'agissant de la valeur des parts, Mme [U] [X] fait valoir qu'elles ont progressé de 34 % et qu'elle aurait bénéficié à ce titre de 12 562,35 euros, en plaçant la somme de 27 230,98 euros au titre de l'abondement de l'employeur et celle de 9717,12 euros au titre de ses versements. La SARL Provence expert conseil conteste cette proportion mais ne produit aucun document permettant de connaître les résultats obtenus par les FCPE. Pour sa part, Mme [U] [X] communique le relevé fourni par la BNP qui a succédé à SWISSLIFE, lequel mentionne l'évolution depuis octobre 2009 de la valeur liquidative du FCPE « modéré », soit celui où sont investis les versements des salariés à défaut d'indication particulière, comme cela ressort de l'article 5 du règlement du plan d'épargne d'entreprise. Il en ressort qu'une part valant 12,7 euros en octobre 2009 valait 17,02 euros en décembre 2017, soit effectivement une progression de 34 %. Dès lors, Mme [U] [X] justifie suffisamment de l'avantage perdu au titre de l'abondement et de la plus-value des parts. Toutefois, étant rappelé que la réparation de la perte de chance ne peut jamais être égale à l'avantage qu'elle aurait procuré si elle s'était réalisée, il convient de retenir un taux de probabilité à hauteur de 80 %. Il convient donc d'accorder à Mme [U] [X] la somme de (27 230,98 + 12 562,35) X 80 % = 31 834,66 euros. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de l'employeur mais infirmé quant à l'indemnisation du préjudice subi. Sur la suppression de l'abondement Si, effectivement, de manière concomitante à la demande de Mme [U] [X], l'employeur a supprimé son abondement de 300 %, il n'est cependant pas démontré le caractère frauduleux de la mesure. En effet, l'alimentation du plan d'épargne d'entreprise, prévue par l'article 4 du règlement relevait de la seule décision unilatérale de l'entreprise, laquelle concerne aussi, au demeurant, les autres salariés. En l'absence de faute de l'employeur, Mme [U] [X] ne peut prétendre à l'indemnisation de préjudices. Le jugement sera confirmé sur ce point. Sur les dépens et les frais irrépétibles Le jugement sera confirmé en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles. Les dépens d'appel seront mis à la charge de l'appelante et l'équité justifie d'accorder à l'intimée la somme réclamée de 1500 euros. PAR CES MOTIFS Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort - Confirme le jugement rendu le 12 novembre 2019 par le conseil de prud'hommes d'Avignon sauf en ce qui concerne la condamnation de la SARL Provence expert conseil à payer les sommes de 16 410 euros au titre de l'indemnité de manque à gagner et 7035 euros au titre de l'indemnité de perte de chance. - Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant : - Condamne la SARL Provence expert conseil à payer à Mme [U] [X] la somme de 31 834,66 euros à titre de dommages et intérêts. - Rejette le surplus des demandes, - Condamne la SARL Provence expert conseil à payer à Mme [U] [X] la somme de 1500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamne la SARL Provence expert conseil aux dépens d'appel. Arrêt signé par le président et par la greffiere. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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COUR D'APPEL DE BESANÇON - 172 501 116 00013 - ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022 PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE Contradictoire Audience publique du 04 octobre 2022 No de rôle : No RG 21/00292 - No Portalis DBVG-V-B7F-EK2Y S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 5] en date du 14 janvier 2021 [RG No 19/00235] Code affaire : 53D Autres demandes relatives au prêt CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTE C/ [R] [P], [U] [C] PARTIES EN CAUSE : CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTE agissant poursuites et diligences de son représentant légal, son Président, domicilié en cette qualité audit siège Sis [Adresse 2] Représentée par Me Delphine GROS de la SELARL TERRYN - AITALI -GROS-CARPI-LE DENMAT, avocat au barreau de BESANCON Monsieur [R] [P] né le [Date naissance 3] 1984 à [Localité 6] ([Localité 7]), de nationalité française, demeurant [Adresse 4] Représenté par Me Christophe CHATRIOT de la SCP MAJNONI D'INTIGNANO-BUHAGIAR-JEANNIARD-PIZZOLATO-CHATRIOT, avocat au barreau de DIJON, avocat plaidant, Représenté par Me Sébastien BARRAS, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant Madame [U] [C] née le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 5] (90), de nationalité française, demeurant [Adresse 4] Représentée par Me Christophe CHATRIOT de la SCP MAJNONI D'INTIGNANO-BUHAGIAR-JEANNIARD-PIZZOLATO-CHATRIOT, avocat au barreau de DIJON, avocat plaidant, Représentée par Me Sébastien BARRAS, avocat au barreau de BESANCON, avoat postulant COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats : PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre. ASSESSEURS : Mesdames Bénédicte MANTEAUX et Florence DOMENEGO, conseillers. GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier. Lors du délibéré : PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre, ASSESSEURS : Mesdames Bénédicte MANTEAUX, magistrat rédacteur et Florence DOMENEGO, conseiller. L'affaire, plaidée à l'audience du 04 octobre 2022 a été mise en délibéré au 06 décembre 2022. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe. ************** Exposé des faits et de la procédure Selon une offre de prêt immobilier en date du 25 septembre 2014 acceptée le 8 octobre 2014, M. [R] [P] et Mme [U] [C] (les consorts [P] [C]) ont souscrit auprès de la société coopérative de crédit Le Crédit Agricole de Bourgogne Franche Comté (la banque) un prêt d'un montant correspondant à la contre-valeur en francs suisses de la somme de 188 034 euros soit 228 818,58 CHF au taux d'intérêts conventionnel de 1,75 % et au taux effectif global (TEG) de 2,17 %. Par assignation du 18 mars 2019, les consorts [P] [C] ont sollicité la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnel pour lui substituer le taux légal avec remboursement des intérêts trop perçus par la banque et la déchéance du droit aux intérêts de leur prêt pour erreur sur le taux effectif global. Le tribunal judiciaire de Belfort, le 14 janvier 2021 a : - rejeté la demande visant à écarter le rapport d'expertise amiable (pièce no 7) du débat ; - annulé la stipulation d'intérêts prévue au contrat souscrit par les consorts [P] [C] et dit que le taux d'intérêt sera ramené aux taux d'intérêt légal ; - condamné la banque à rembourser aux consorts [P] [C] la somme de 7 100 euros perçue au titre des intérêts échus et non dus ; - rejeté la demande de déchéance du droit aux intérêts liée au caractère erroné du TEG ; - condamné la banque à payer aux consorts [P] [C] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré que : - le rapport amiable établi par Bma Actuariat conseil ayant été régulièrement soumis à la contradiction des parties et communiqué à la banque défenderesse, il pouvait se fonder sur une expertise amiable contradictoire corroborée par d'autres éléments ; - le taux d'intérêt nominal ayant été calculé sur 360 jours selon la méthode de l'année lombarde, il est en réalité plus élevé que ce qui est indiqué au contrat, ce qui conduit à annuler la stipulation conventionnelle des intérêts ; - la banque n'avait pas à intégrer dans le calcul du TEG l'assurance facultative de Mme [C] ; la majoration induite par le taux de change qui résulte de la spécificité du contrat de prêt en devises, spécificité voulue par les emprunteurs percevant leurs rémunérations en CHF et ne supportant pas le taux de change, n'a donc pas de conséquence financière sur leur remboursement. Par déclaration du 15 février 2021, la banque a régulièrement interjeté appel de ce jugement en ce qu'il : - a rejeté la demande tendant à écarter la pièce no 7 des demandeurs du débat (rapport amiable); - a annulé la stipulation d'intérêts prévue au contrat souscrit par les consorts [P] [C] et dit que le taux d'intérêt sera ramené au taux d'intérêt légal ; - l'a condamnée à rembourser aux consorts [P] [C] la somme de 7 100 euros perçue au titre des intérêts échus et non dus ; -l'a condamnée à payer aux consorts [P] [C] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. Les consorts [P] [C] ont relevé appel incident subsidiaire du jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande de déchéance du droit aux intérêts pour erreur du TEG. Par ordonnance du 14 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a débouté les consorts [P] [C] de leurs demandes de nullité et de caducité de la déclaration d'appel relative à la notification de l'annexe et au défaut d'énonciation des chefs critiqués dans le corps-même de la déclaration d'appel. Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 septembre 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 4 octobre 2022 et mise en délibéré au 6 décembre 2022. Exposé des moyens et prétentions des parties Selon ses dernières conclusions transmises le 1er août 2022, la banque conclut à son infirmation des chefs susvisés et demande à la cour de : - débouter les consorts [P] [C] de l'intégralité de leurs demandes et notamment de leur demande tendant à faire prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêteur du fait d'un TEG erroné ; - les condamner solidairement à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. Sur les conclusions des consorts [P] [C] portant sur l'irrégularité de sa déclaration d'appel qui ne saisirait pas la cour, elle fait état de ce qu'une déclaration d'appel qui renvoie l'énoncé des chefs critiqués à une annexe saisit régulièrement la cour. A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que : -le rapport d'expertise n'a pas été établi contradictoirement, est partial et ne peut fonder à lui seul la décision du juge, comme ce fut le cas en première instance, le juge ne disposant alors d'aucun autre élément probant ; - la seule utilisation de l'année lombarde comme base de calcul est insuffisante pour prononcer la nullité du taux conventionnel supérieur à celui annoncé ; les emprunteurs doivent également démontrer un préjudice constitué par une erreur allant au-delà d'une décimale dans le TEG, ce qu'ils ne font pas en l'espèce ; - la sanction n'en serait pas la nullité mais la déchéance du droit aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge du fond, étant précisé que le préjudice invoqué par les consorts [P] [C] est faible ; - la condamnation au remboursement du trop-perçu à hauteur de 7 100 euros figurant au jugement querellé n'est pas justifiée en son montant et constitue en réalité une déchéance des intérêts alors que les consorts [P] [C] sollicitaient la nullité de la stipulation des intérêts au taux conventionnel ; - seule l'assurance obligatoire doit être prise en compte dans le calcul du TEG, ce qu'elle a fait ; - les emprunteurs n'ont payé aucune commission de change puisqu'ils ont payé leur prêt en CHF et cette commission n'avait donc pas à être intégrée au TEG ; par ailleurs, le TEG réel allégué serait de 2,16 % alors que le TEG de l'offre est de 2,17 % ; les emprunteurs ne sauraient se prévaloir d'une erreur en leur faveur. Les consorts [P] [C] ont répliqué en dernier lieu dans leurs écritures du 2 mars 2022 pour demander à la cour de : « A titre principal : - Dire et juger que l'annexe jointe à la déclaration d'appel du crédit agricole de Franche Comté ne vaut pas déclaration d'appel opérant dévolution des chefs du jugement critiqué et partant constater que la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande et ainsi confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ; A titre subsidiaire, - Dire et juger que la banque est irrecevable et mal fondé en ses demandes ; - Dire et juger qu'ils sont recevables et fondés en leurs demandes, ainsi qu'en leur appel incident ; En conséquence, - confirmer le jugement sauf à y ajouter la condamnation de la banque à leur rembourser le trop-perçu d'intérêts à compter du 10 janvier 2019 jusqu'à la date de substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel, et sauf à infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leur demande de déchéance du droit aux intérêts ; Statuant à nouveau : - condamner la banque à leur rembourser la totalité des intérêts de leur prêt payés à compter de l'arrêt à intervenir ; - prononcer la déchéance des intérêts à échoir ; - condamner la banque à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel. A l'appui de leurs prétentions, les consorts [P] [C] font valoir que : - l'effet dévolutif n'opère pas si les chefs de jugement critiqués sont mentionnés dans l'annexe de la déclaration d'appel et non dans la déclaration d'appel elle-même en l'absence d'empêchement technique et alors que l'annexe n'a pas été notifiée aux consorts ou leur conseil, ce qui les a empêchés de prendre connaissance des chefs de jugement critiqués pendant le délai prévu pour interjeter appel ; - le rapport amiable n'est pas le seul élément probant, ses conclusions sont corroborées par les documents contractuels comprenant les calculs de la banque ; - le taux d'intérêts doit être calculé sur la base de l'année civile et non de l'année lombarde ; il en est résulté un trop payé d'intérêts pour eux d'un montant de 782,61 euros ; l'utilisation de cette base lombarde de calcul alourdit la charge du prêt pour l'emprunteur ; la sanction de l'utilisation de la clause lombarde est la nullité de la clause d'intérêts et sa substitution par le taux légal ; cette sanction de nullité est automatique en cas d'erreur puisque le consentement des emprunteurs a été vicié ; les textes relatifs au TEG n'ont pas vocation à s'appliquer, le TEG étant un taux d'affichage et les intérêts conventionnels étant les intérêts réellement payés ; - la décision entreprise devra être confirmée en ce qu'elle a ordonné la restitution des intérêts trop-perçus par la banque, la somme de 7 100 euros étant justifiée dans le rapport en ce qu'elle correspond à la différence entre les intérêts calculés au taux conventionnel et ceux calculés au taux légal ; - la banque leur a fait croire que la seconde assurance était obligatoire ; son caractère facultatif n'était pas clairement exprimé dans la documentation contractuelle ; - la majoration du taux de change appliqué lors du déblocage des fonds (1,2169) par rapport au taux du marché à l'époque (1,2077) est assimilée à une commission ou à des frais, et aurait dû, à ce titre, être intégrée à l'assiette du calcul du taux effectif global qui est en réalité de 2,2528482 % et non pas de 2,17 % comme stipulé au contrat ; - la sanction de l'erreur de calcul du TEG est la déchéance totale ou partielle des intérêts ; la multiplicité des erreurs de la banque doit conduire la cour à en prononcer la déchéance totale. Exposé des motifs - Sur la dévolution à la cour des chefs critiqués dans l'annexe : Par application immédiate du décret no 2022-245 du 25 février 2022 modifiant l'article 901 du code de procédure civile, la déclaration d'appel est faite par acte comportant le cas échéant une annexe. Ainsi une déclaration d'appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqué constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction et ce, même en l'absence d'empêchement technique (Civ. 2e, avis, 8 juill. 2022, no22-70.005) ; cette solution étant applicable à toutes les déclarations d'appel quelle que soit leur date. La cour est donc saisie des chefs de jugement critiqués par la banque dans l'annexe de sa déclaration d'appel. - Sur l'irrecevabilité : Les consorts [P] [C] sollicitent que la cour juge irrecevable l'appel de la banque sans énoncer de moyens à l'appui d'une fin de non-recevoir qui n'est d'ailleurs pas explicitée. La cour constate qu'elle n'est donc saisie d'aucune fin de non-recevoir. - Sur la demande de voir écarter des débats le rapport amiable produit par les consorts [P] [C] : C'est à bon droit que le juge de première instance, constatant que le rapport était produit aux débats et avait pu être débattu contradictoirement, a refusé de l'écarter des débats, étant rappelé qu'il n'a de valeur probante qu'à la condition d'être corroboré par d'autres éléments. La cour confirme donc cette disposition du jugement. - Sur la demande au titre du taux d'intérêts conventionnel Il résulte des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-301 du 14 mars 2016 applicable au contrat souscrit le 8 octobre 2014, que la mention, dans l'offre de prêt, d'un taux conventionnel calculé sur la base d'une année autre que l'année civile est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, lorsque l'inexactitude du taux est d'un écart supérieur à une décimale. (1re Civ., 9 mars 2022, pourvoi no 20-18.034) Il n'est pas contesté qu'en l'espèce, le taux d'intérêt a été calculé sur la base d'une année lombarde de 360 jours et non d'une année civile de 365 jours, conformément à la clause « taux du prêt » figurant en page 3 du contrat. Cependant, il ne suffit pas, pour obtenir la nullité de la clause d'intérêt et la substitution du taux d'intérêt conventionnel par le taux légal, de prouver que les intérêts ont été effectivement calculés sur la base d'une année lombarde ni même qu'il soit démontré que les emprunteurs ont payé des intérêts plus élevés de ce fait, il est nécessaire que ces derniers, qui contestent cette méthode de calcul, apportent la preuve que l'inexactitude du taux entraîne, au regard du taux stipulé, un écart supérieur à une décimale, en leur défaveur. En l'espèce, en se contentant de produire un rapport actuariel qui indique seulement qu '« Au final, la majoration discrète du taux nominal [..] entre année lombarde et année civile dans ce dossier correspond à une majoration des remboursements de 782,61 euros au terme du prêt », les consorts [P] [C] n'apportent pas la preuve que le différentiel de taux est supérieur à une décimale. Dès lors, il y a lieu d'infirmer le jugement qui a prononcé la nullité de la clause d'intérêt conventionnel et de débouter les consorts [P] [C] de leur demande à ce titre ainsi que de leur demande de condamnation de la banque à leur rembourser des intérêts trop payés du prêt, sur le fondement relatif à l'irrégularité du taux d'intérêt conventionnel . - Sur la demande au titre du caractère erroné du taux effectif global : L'article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-301 du 14 mars 2016 applicable au contrat souscrit le 8 octobre 2014, stipule : « Dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels ». Le coût d'une assurance facultative dont la souscription ne conditionne pas l'octroi du prêt, n'entre pas dans la détermination du taux effectif global. (Civ. 1re, 8 novembre 2007 / no 04-18.668) En l'espèce, l'assurance de Mme [C] étant facultative, ce qui est clairement établi dans le contrat que les emprunteurs ont signé. Le fait que la seule assurance obligatoire de M. [P], qui est la moins onéreuse des deux, ait été prise en compte dans le calcul du TEG est conforme aux prescriptions légales rappelées ci-dessus. Quant à leur allégation selon laquelle la banque aurait effectué des manoeuvres ou commis des manquements sur l'obligation de souscrire une assurance pour chacun des débiteurs puis choisi de n'intégrer, dans le calcul du TEG que celle de M. [P], les intimés ne tirent aucune conséquences de ce moyen qui n'est étayé par aucun élément de preuve. C'est donc à bon doit que le premier juge, après avoir constaté que la banque n'avait pas pris en compte l'assurance facultative souscrite par Mme [C] dans le calcul du TEG, a considéré qu'aucune erreur ne pouvait être retenue à ce titre à son encontre. Concernant la majoration du taux de change, la cour relève que le contrat prévoit, en sa clause de contre-valeur figurant en page 1, que « pour chaque montant exprimé en euro, la contre-valeur en franc suisse est indiquée dans les présentes, à titre indicatif, sur la base du cours de l'eurodevise à la date du 24/09/2014 », que le rapport actuariel mentionne, ce que la banque ne nie plus au terme de ses dernières écritures, que le taux utilisé est de 1,2169 alors que le cours de l'eurodevise du marché s'établissait à cette date à 1,2077 (taux retenu par la Banque centrale européenne), qu'elle a ainsi appliqué une commission occulte sur le montant de la contre-valeur du capital emprunté et de chaque mensualité. Cette majoration aurait donc dû être intégrée dans les frais constituant le TEG. Il résulte des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-301 du 14 mars 2016 applicable au contrat, que l'inexactitude du taux effectif global mentionné dans une offre de prêt immobilier acceptée, qui est assimilée à une absence de taux mentionné, est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts du prêteur, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, dans la mesure où l'inexactitude de ce taux est supérieure à la décimale. (Civ. 1re 20 avril 22, no20-16.962) Les calculs élaborés dans le rapport actuariel ne sont pas contestés par la banque et permettent de retenir un différentiel de 1729,92 CHF résultant de la majoration du taux de change et un TEG réel de 2,2528 % soit un écart de 0,082 % avec le TEG de 2,17 % mentionné au contrat. Le différentiel entre les deux taux étant inférieur à la décimale, il y a lieu de rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts résultant de cette erreur et, par voie de conséquence, toutes les demandes accessoires des consorts [P] [C] relatives au remboursement des intérêts payés ou à échoir. En conséquence il convient, pour ces motifs substitués à ceux des premiers juges, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de déchéance du droit aux intérêts lié au caractère erroné du TEG. Les consorts [P] [C] succombant en totalité, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la banque à leur verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. Dispositif : Par ces motifs, La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique : Infirme le jugement rendu entre les parties le 14 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Belfort sauf en ce qu'il a rejeté la demande tendant à écarter le rapport actuariel des débats et en ce qu'il a rejeté la demande de M. [R] [P] et Mme [U] [C] de déchéance du droit aux intérêts lié au caractère erroné du taux effectif global figurant au contrat de prêt qu'ils ont souscrit auprès de la société coopérative de crédit Le Crédit Agricole de Bourgogne Franche Comté le 8 octobre 2014 pour la somme de 188 034 euros ; Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant : Déboute M. [R] [P] et Mme [U] [C] de leur demande d'annulation de la clause d'intérêts prévue au dit contrat et de substitution du taux conventionnel des intérêts par le taux légal ; Déboute M. [R] [P] et Mme [U] [C] de leurs demandes de remboursement des intérêts qu'ils ont payés au titre de leur prêt et de ceux à venir ; Condamne in solidum M. [R] [P] et Mme [U] [C] aux entiers dépens de première instance et d'appel ; Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute M. [R] [P] et Mme [U] [C] de leurs demandes tant en première instance qu'en appel et les condamne in solidum à payer à la société coopérative de crédit Le Crédit Agricole de Bourgogne Franche Comté la somme de 3 000 euros. Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier. Le greffier, Le président de chambre,
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Ordonnance n° 71 --------------------------- 08 Décembre 2022 --------------------------- No RG 22/00063 - No Portalis DBV5-V-B7G-GU2Q --------------------------- Société HOIST FINANCE AB (PUBL) agissant en France par le biais de sa succursale, HOIST FINANCE AB (Publ), --------------------------- R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE POITIERS ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE Rendue publiquement le huit décembre deux mille vingt deux par Mme Estelle LAFOND, conseiller, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Poitiers, assistée de Mme Astrid CATRY, greffière placée, Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le vingt quatre novembre deux mille vingt deux, mise en délibéré au huit décembre deux mille vingt deux. Société HOIST FINANCE AB (Publ) Société Anonyme de droit suédois, [Adresse 3] - SUEDE agissant en France par le biais de sa succursale : HOIST FINANCE AB (Publ), sise [Adresse 1], représentée par Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat postulant au barreau de POITIERS - ayant pour avocat plaidant Me Pierre SIROT de la SELARL RACINE, avocat au barreau de NANTES DEMANDEUR en référé , D'UNE PART, Monsieur [H] [D] [Adresse 4] [Localité 2] représenté par Me Guy DIBANGUE de l'ASSOCIATION RODIER MBDT ASSOCIÉS, avocat au barreau de POITIERS DEFENDEUR en référé , D'AUTRE PART, Faits et procédure : Selon acte authentique en date du 30 mars 2007, le CREDIT FONCIER DE FRANCE a consenti à Monsieur [H] [D] et à Madame [N] [Z] épouse [D] un prêt immobilier PRET IMMO PLUS d'un montant de 192 820 euros en vue de financer l'acquisition d'un bien immobilier à usage locatif. Ledit prêt a été consenti au taux conventionnel de 3,60% l'an et devait faire l'objet d'un remboursement en 300 mensualités de 1 074,80 euros chacune. En garantie du remboursement, une hypothèque conventionnelle a été inscrite sur ledit bien. Monsieur et Madame [D] ayant cessé d'honorer le remboursement du prêt à compter de l'échéance du 6 décembre 2014, le CREDIT FONCIER DE FRANCE a diligenté une procédure de saisie immobilière du bien immobilier objet du prêt, lequel a été adjugé par jugement du tribunal de grande instance de Tarascon du 3 avril 2017 pour la somme de 91 000 euros. Selon ordonnance en date du 12 janvier 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Tarascon a homologué le projet de distribution du prix de vente dudit bien et le CREDIT FONCIER DE FRANCE a obtenu le paiement de la somme de 85 414,96 euros. Par exploit en date des 19 et 21 avril 2017, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LUSSAC-LES-CHATEAUX, également créancière de Monsieur [H] [D] et Madame [N] [Z] épouse [D], leur a fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière au titre d'un prêt immobilier qu'elle leur avait consenti. Le commandement a été dénoncé le 9 août 2017 au CREDIT FONCIER DE FRANCE en sa qualité de créancier inscrit sur ledit bien. Le CREDIT FONCIER DE FRANCE a cédé sa créance à la société HOIST FINANCE selon acte de cession notifié à Monsieur [H] [D] et Madame [N] [Z] épouse [D] les 18 juillet et 20 septembre 2018. Par jugement en date du 9 octobre 2018, le tribunal de grande instance de Poitiers a adjugé ledit bien pour la somme de 91 000 euros. Par ordonnance en date du 2 septembre 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Poitiers a homologué le projet de distribution du prix de vente dudit bien. La société HOIST FINANCE, créancier hypothécaire de second rang sur le bien litigieux, dont la créance était arrêtée à la somme de 103 977,72 euros, n'a perçu aucune somme dans le cadre de cette répartition. Le 25 mars 2021, Monsieur [H] [D] a effectué un règlement spontané de 1 140,22 euros entre les mains de la société HOIST FINANCE qui a par la suite confié le recouvrement de sa créance à la société à l'étude CHEZEAUBERNARD, laquelle a consenti à ce que les débiteurs s'acquittent d'un règlement mensuel de l'ordre de 400 euros à compter du 15 mai 2021 et jusqu'au mois de novembre 2021. L'étude CHAZEAUBERNARD aurait par la suite appris que Monsieur [H] [D] disposait d'un patrimoine important dont il n'aurait pas déclaré l'existence et a, par courrier du 19 août 2021, sollicité qu'il règle la somme de 7 000 euros avant la fin du mois d'août 2021, à défaut de quoi elle engagerait des poursuites sur ses biens immobiliers et les récoltes de son exploitation agricole. Monsieur [H] [D] a procédé au paiement de ladite somme le 20 septembre 2021. Par exploit d'huissier en date du 4 février 2022, la société HOIST FINANCE a fait pratiquer une saisie-attribution sur un compte bancaire détenu par Monsieur [H] [D], laquelle lui a été dénoncée selon exploit d'huissier en date du 10 février 2022. Par exploit en date du 9 mars 2022, Monsieur [H] [D] a fait assigner la société HOIST FINANCE devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Poitiers aux fins de voir notamment et à titre principal : - le déclarer recevable et bien fondé en sa contestation, - débouter la société HOIST FINANCE AB de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ; - déclarer que la mesure d'exécution pratiquée par la société HOIST FINANCE AB venant aux droits de la société CREDIT FONCIER DE FRANCE (SA) à son encontre est abusive et infondée ; - déclarer que la société HOIST FINANCE AB venant aux droits de la société CREDIT FONCIER DE FRANCE a manqué à son devoir de mise en garde et lui a ainsi causé un préjudice dont il peut se prévaloir ; - condamner la société HOIST FINANCE AB venant aux droits de la société CREDIT FONCIER DE FRANCE (SA) à lui payer la somme de 146 887,96 euros à titre de dommages et intérêts pour son manquement au devoir de mise en garde ; - condamner la société HOIST FINANCE AB venant aux droits de la société CREDIT FONCIER DE FRANCE (SA) à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dommages et intérêts pour indisponibilité des fonds pendant la saisie et au titre de son préjudice moral lié à cette indisponibilité et aux tensions en résultant. Par jugement en date du 27 septembre 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Poitiers a : - déclaré recevable l'action de Monsieur [H] [D], - ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 4 février 2022 par la société HOIST FINANCE entre les mains du CREDIT AGRICOLE sur les valeurs détenues pour le compte de Monsieur [H] [D] ; - condamné la société HOIST FINANCE AB à régler à Monsieur [H] [D] 500 euros à titre de dommages et intérêts suite à l'indisponibilité des fonds que cette saisie-attribution a bloqués ; - déclaré recevable la demande indemnitaire de Monsieur [H] [D] à raison du manquement prétendu de l'auteur de la SA HOIST FINANCE AB à son devoir de mise en garde ; - condamné la SA HOIST FINANCE AB : o aux dépens, y inclus ceux inhérents à la saisie-attribution, et en ordonne distraction au profit de Maître [S], avocat à Poitiers, aux conditions de l'article 699 du code de procédure civile, o à servir à Monsieur [H] [D] 2 000 euros aux titres combinés des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991, sous la condition que Maître [S] justifie avoir renoncé à percevoir la part contributive de l'Etat. La société HOIST FINANCE a interjeté appel dudit jugement selon déclaration enregistrée le 7 octobre 2022. Par exploit en date du 11 octobre 2022, la société HOIST FINANCE a fait assigner Monsieur [H] [D] devant la première présidente de la cour d'appel de Poitiers afin d'obtenir, sur le fondement de l'article R.121-22 du code des procédures civiles d'exécution, le sursis à l'exécution du jugement rendu par juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Poitiers le 27 septembre 2022. L'affaire, appelée une première fois à l'audience du 10 novembre 2022, a été renvoyée à la demande des parties à l'audience du 24 novembre 2022. La société HOIST FINANCE fait valoir que le juge de l'exécution aurait commis une violation de l'article 16 du code de procédure civile de nature à entrainer une annulation de son jugement en ce qu'il aurait considéré, sans réouverture des débats sur ce point, que le décompte de créance annexé au procès-verbal de saisie-attribution était contestable et que la créance mise en recouvrement par la société HOIST FINANCE n'était donc pas exigible, alors même que ce moyen n'aurait pas été soulevé par Monsieur [H] [D] et qu'il n'aurait donc pas fait l'objet d'un débat contradictoire et qu'en outre le quantum de la créance avait été fixé définitivement. La société HOIST FINANCE expose en outre que le juge de l'exécution aurait commis une erreur d'appréciation en considérant que la saisie-attribution pratiquée l'aurait été en violation d'un échéancier qu'elle avait accordé à Monsieur [H] [D], alors même qu'il résulterait des pièces versées aux débats que ledit échéancier aurait été provisoire et que la saisie-attribution aurait été pratiquée après son expiration. La société HOIST FINANCE soutient ainsi que la saisie pratiquée le 4 février 2022 était régulière. Monsieur [H] [D] s'oppose à la demande de sursis à exécution de la société HOIST FINANCE. Il expose que la société HOIST FINANCE est mal fondée à solliciter un suris à exécution en ce qu'elle ne justifie d'aucun moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision déférée. Il fait ainsi valoir que le juge n'est pas tenu d'inviter les parties à présenter leurs observations lorsqu'il vérifie l'absence ou la réunion des conditions d'application de la règle invoquée. Il soutient en outre que l'échancier accordé ne présentait pas un caractère provisoire et que la société HOIST FINANCE les versements qui ont été opérés en exécution dudit échéancier. Monsieur [H] [D] sollicite la condamnation de la société HOIST FINANCE à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. L'article R.121-22 du code des procédures civiles d'exécution dispose qu'« en cas d'appel, un sursis à l'exécution des décisions prises par le juge de l'exécution peut être demandé au premier président de la cour d'appel. La demande est formée par assignation en référé délivrée à la partie adverse et dénoncée, s'il y a lieu, au tiers entre les mains de qui la saisie a été pratiquée. Jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance par le premier président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée n'a pas remis en cause leur continuation ; elle proroge les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la mesure. Le sursis à exécution n'est accordé que s'il existe des moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour. L'auteur d'une demande de sursis à exécution manifestement abusive peut être condamné par le premier président à une amende civile d'un montant maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui pourraient être réclamés. La décision du premier président n'est pas susceptible de pourvoi ». La société HOIST FINANCE fait valoir que le juge de l'exécution aurait commis une violation de l'article 16 du code de procédure civile de nature à entraîner une annulation de son jugement en considérant, sans réouverture des débats sur ce point, que le décompte de créance annexé au procès-verbal de saisie-attribution était contestable et que la créance mise en recouvrement par la société HOIST FINANCE n'était donc pas exigible, alors même que ce moyen n'aurait pas été soulevé par Monsieur [H] [D] et n'aurait donc fait l'objet d'aucun débat contradictoire. A la lecture du jugement, il apparaît que le juge de l'exécution s'est contenté de vérifier les conditions d'application de la règle de droit invoquée sur la base des pièces qui lui ont été soumises, sans introduire de nouveaux moyens, de sorte qu'il n'était pas tenu d'inviter les parties à présenter des observations supplémentaires par rapport à celles qu'elles ont présentées à l'audience. Il en résulte que le principe du contradictoire a été respecté. La société HOIST FINANCE soutient en outre que le juge de l'exécution aurait commis une erreur d'appréciation en considérant que la saisie-attribution pratiquée l'aurait été en violation d'un échéancier qu'elle avait accordé à Monsieur [H] [D], alors même qu'il résulterait des pièces versées aux débats que ledit échéancier aurait été provisoire et que la saisie-attribution aurait été pratiquée après son expiration. En l'espèce, il y a lieu de constater qu'aucun des éléments versés aux débats ne permet de retenir que l'échéancier accordé n'aurait été que provisoire, dans la mesure où la société HOIST FINANCE a continué à percevoir les sommes en exécution de cet échancier postérieurement au mois de novembre 2021, date à laquelle elle estime que l'échéancier accordé aurait pris fin. Au regard de ces éléments, il convient de considérer que les moyen soulevés par la société HOIST FINANCE ne parraîssent pas sérieux. Par conséquent, la société HOIST FINANCE AB sera déboutée de sa demande de sursis à exécution du jugement rendu par juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Poitiers le 27 septembre 2022 . Succombant à la présente instance, la société HOIST FINANCE AB sera condamnée à payer la somme de 1 000 euros à Monsieur [H] [D] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. Décision : Par ces motifs, nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, statuant par ordonnance contradictoire : Déboutons la société HOIST FINANCE AB de sa demande de sursis à exécution du jugement rendu par juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Poitiers le 27 septembre 2022 , Condamnons la société HOIST FINANCE AB à payer la somme de mille euros (1 000 €) à Monsieur [H] [D] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamnons la société HOIST FINANCE AB aux dépens de l'instance. Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier. La greffière, Le conseiller, Astrid CATRY Estelle LAFOND
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COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE GROSSES + EXPÉDITIONS : le 08/12/2022 la SELARL CABINET AUDREY HAMELIN Me Florence DEVOUARD ARRÊT du : 08 DECEMBRE 2022 No : 192 - 22 No RG 21/00511 No Portalis DBVN-V-B7F-GJTO DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BLOIS en date du 07 Janvier 2021 PARTIES EN CAUSE APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé No: -/- Monsieur [H] [I] né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 7] [Adresse 3] [Localité 4] Ayant pour avocat Me Audrey HAMELIN, membre de la SELARL Cabinet Audrey HAMELIN, avocat au barreau de BLOIS (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/001285 du 22/03/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ORLEANS) D'UNE PART INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265261860413519 La S.A. BANQUE CIC OUEST (CIC OUEST) [Adresse 2] [Adresse 6] [Localité 5] Ayant pour avocat Me Florence DEVOUARD, avocat au barreau de BLOIS D'AUTRE PART DÉCLARATION D'APPEL en date du : 16 Février 2021 ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 15 Septembre 2022 COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du JEUDI 20 OCTOBRE 2022, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 805 du code de procédure civile. Lors du délibéré : Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, Madame Ferréole DELONS, Conseiller, Greffier : Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé. Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 08 DECEMBRE 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. EXPOSE DU LITIGE : Selon offre préalable acceptée le 1er avril 2016, la SA Banque CIC Ouest (ci-après la banque) a consenti à M. [H] [I] un prêt immobilier d'un montant de 95 509 euros, remboursable en 180 mensualités de 632,58 euros incluant les primes d'assurance et les intérêts au taux conventionnel de 1,95 % l'an. Des échéances du prêt étant restées impayées, la banque a provoqué la déchéance du terme le 9 avril 2018, en mettant en demeure M. [I], par courrier du même jour adressé sous pli recommandé réceptionné le 11 avril suivant, de lui régler pour solde de ce prêt la somme totale de 94 878,05 euros, puis l'a fait assigner en paiement devant le tribunal de grande instance de Blois par acte du 13 août 2018. Par jugement du 7 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Blois a : -débouté M. [H] [I] de ses demandes principale et subsidiaire tendant à voir dire que la société Banque CIC Ouest a manqué à son obligation de mise en garde, et de ses demandes subséquentes, -débouté M. [I] de sa demande reconventionnelle de réduction de la clause pénale prévue par le contrat de prêt litigieux, -débouté M. [I] de ses demandes subsidiaires tendant à voir dire que la société Banque CIC Ouest a manqué aux obligations légales mises à sa charge en vertu des anciens articles L.311-6, L.311-12 et L.311-19 du code de de la consommation et, par conséquent, à voir déchoir ladite société du droit aux intérêts et à la capitalisation des intérêts et à la voir condamner au paiement d'une amende de 1 500 euros en application de l'ancien article L.311-49 du code de la consommation, -condamné M. [H] [I] à payer à la SA Banque CIC Ouest la somme de 95 383,69 euros avec intérêts au taux contractuel de 1,95 % l'an à compter du 26 juillet 2018, -dit que les intérêts échus par année entière produiront eux-mêmes intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du code civil, -condamné M. [H] [I] à payer à la SA Banque CIC Ouest la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, -dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [I], -dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, -condamné M. [I] aux dépens, -accordé à Maître Devouard le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile M. [I] a relevé appel de cette décision par déclaration du 16 février 2021 en critiquant expressément toutes ses dispositions. Dans ses dernières conclusions notifiées le 12 mai 2021, M. [I] demande à la cour, au visa des articles 1315 et 1152 [anciens] du code civil, 1343-5 du code civil, L.311-6, L.311-12, L.311-19, L.311-48 et L.311-49 du code de la consommation, de : A titre principal, -infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [H] [I] de sa demande principale tendant à voir dire que la société Banque CIC Ouest a manqué à son obligation de mise en garde à son égard, et l'a condamné à payer à la SA Banque CIC Ouest la somme de 95 383,69 euros avec intérêts au taux contractuel de 1,95 % l'an à compter du 18 juillet 2018, Statuant à nouveau, -débouter la société Banque CIC Ouest de toutes ses demandes en paiement à l'encontre de M. [I], A titre subsidiaire, -infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [H] [I] de sa demande subsidiaire tendant à voir dire que la société Banque CIC Ouest a manqué à son obligation de mise en garde à son égard et de ses demandes subséquentes et l'a condamné à payer à la SA Banque CIC Ouest la somme de 95 383,69 euros avec intérêts au taux contractuel de 1,95 % l'an à compter du 26 juillet 2018, Statuant à nouveau, -condamner la société Banque CIC Ouest au paiement de la somme de 47 754,50 euros à M. [I] en indemnisation du préjudice résultant de sa perte de chance de ne pas contracter le crédit immobilier, -infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [I] de ses demandes subsidiaires tendant à voir dire que la société Banque CIC Ouest a manqué aux obligations légales mises à sa charge en vertu des anciens articles L.311-6, L.311-12 et L.311-19 du code de la consommation et, par conséquent, à voir déchoir ladite société du droit aux intérêts et à la capitalisation des intérêts et à la voir condamner au paiement d'une amende de 1 500 euros en application de l'ancien article L.311-49 du code de la consommation, -infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande reconventionnelle de réduction de la clause pénale prévue par le contrat de prêt litigieux et dit que les intérêts échus par année entière produiront eux-mêmes intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du code civil, Statuant à nouveau, -déchoir la société Banque CIC Ouest du droit aux intérêt et à la capitalisation des intérêts, -condamner la société Banque CIC Ouest au paiement d'une amende de 1 500 euros en application de l'ancien article L.311-49 du code de la consommation, -débouter la société Banque CIC Ouest de sa demande au titre de l'indemnité contractuelle de 7% et, à défaut, réduire l'indemnité contractuelle à la somme de 100 euros, En tout état de cause, -infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [H] [I] à payer à la SA Banque CIC Ouest la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, -infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [I] aux entiers dépens, Y ajoutant, -condamner la société Banque CIC Ouest à payer à M. [I] une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, -condamner la société Banque CIC Ouest aux entiers dépens d'instance et d'appel dont distraction au profit de la SELARL Cabinet Audrey Hamelin Dans ses dernières conclusions notifiées le 23 juillet 2021, la SA Banque CIC Ouest demande à la cour, au visa des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction applicable à l'espèce, 1101 et suivants, 1343-5 du code civil, de : -confirmer la décision entreprise, En conséquence, -débouter M. [I] [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions, -condamner M. [I] [H] à lui payer une somme de 95 383,69 euros arrêtée au 26 juillet 2018, sous réserves des intérêts postérieurs au taux de 1,950 %, -dire et juger que les intérêts se capitaliseront en application de l'article 1154 du code civil, -le condamner à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance qui seront recouvrés par Maître Devouard conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Subsidiairement, si par impossible, la cour de céans venait à infirmer le jugement entrepris en considérant que la Banque CIC Ouest a manqué à son devoir de mise en garde : -condamner M. [I] [H] à lui payer la somme de 94 373,48 euros, sous réserve des intérêts postérieurs au taux de 1,95 %, En tout état de cause, ajoutant au jugement entrepris, -condamner M. [I] [H] aux entiers dépens d'appel qui comprendront les frais de timbre de 225 €, les frais d'huissiers et de droit de plaidoirie, lesquels seront recouvrés par Maître Devouard conformément à l'article 699 du code de procédure civile, -condamner M. [I] [H] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives. L'instruction a été clôturée par ordonnance du 15 septembre 2022, pour l'affaire être plaidée le 20 octobre suivant et mise en délibéré à ce jour. SUR CE, LA COUR : Sur la demande principale en paiement de la banque -sur le manquement au devoir de mise en garde du prêteur invoqué par voie d'exception M. [I], qui recherche à titre subsidiaire la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde en sollicitant reconventionnellement des dommages et intérêts, sollicite, à titre principal, le rejet pur et simple des demandes en paiement de la banque, en opposant à cette dernière un manquement à son devoir de mise en garde, et cela sans prétendre obtenir un autre avantage que le rejet de la demande en paiement. Au soutien de ce moyen de défense au fond, l'appelant se borne à indiquer que lorsque le manquement de la banque à son devoir de mise en garde est caractérisé, l'emprunteur est bien fondé à opposer ce manquement par voie de défense au fond et à solliciter, par voie de conséquence, le débouté pur et simple des demandes en paiement de celle-ci. S'il est possible d'invoquer un défaut de mise en garde de la banque pour faire rejeter sa demande en paiement, plutôt que pour former reconventionnellement une demande de dommages et intérêts, notamment pour échapper à la prescription de l'action en responsabilité du banquier tirée d'un manquement au devoir de mise en garde, il ne suffit cependant pas de déclarer s'opposer à la demande en paiement pour que le moyen de défense prospère ; encore faut-il développer des moyens propres à conduire au rejet de la demande en paiement. En l'espèce, M. [I] n'explique pas en quoi le manquement de la banque à son devoir de mise en garde pourrait conduire au rejet de la demande en paiement de cette dernière. Dès lors que l'appelant n'établit ni même n'allègue que les conditions de l'action en paiement de la banque ne se trouveraient pas réunies, la demande en paiement de celle-ci ne saurait être écartée dans son principe. -sur le quantum de la créance En se prévalant des dispositions des articles L. 311-6, L. 311-12, L. 311-19 et L. 311-48 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable à la cause, M. [I] soutien que la banque doit être déchue du droit aux intérêts contractuels, pour ne lui avoir pas fourni la fiche d'information prévue au paragraphe I de l'article L. 311-6, pour lui avoir remis une offre dépourvue du bordereau de rétractation prévu à l'article L. 311-12, et pour ne lui avoir pas non plus remis la notice d'assurance prévue à l'article L. 311-19. Le titre premier du livre troisième du code de la consommation intitulé « crédit » est composé de cinq chapitres, notamment d'un premier chapitre, composé des articles L. 311-1 à L. 311-52, qui s'applique au crédit à la consommation, d'un deuxième chapitre, composé des articles L. 312-1 à L. 312-36, qui régit le crédit immobilier, et d'un troisième chapitre, composé des articles L. 313-1 à L. 313-17, contenant les dispositions communes aux chapitres 1 et 2. Les articles dont se prévaut M. [I] qui, tous, se trouvent au chapitre propre au crédit à la consommation, sont inapplicables au crédit immobilier. Dès lors que le prêt litigieux est un crédit immobilier, M. [I] ne peut utilement reprocher à la banque intimée de ne pas avoir appliqué des prescriptions du code de la consommation qui n'étaient pas applicables au contrat conclu entre les parties. Rien ne justifie donc de déchoir la banque de son droit aux intérêts. En cas de défaillance de l'emprunteur, il résulte des articles L. 312-22 et R. 312-3, devenus L. 313-51 et R. 313-28, du code de la consommation, que lorsque le prêteur est amené à demander la résolution du contrat, il peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que les intérêts échus. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues portent intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 [anciens] du code civil et dépendant de la durée restant à courir du contrat, ne peut dépasser 7 % des sommes dues au titre du capital restant dû ainsi que des intérêts échus et non versés. Cette indemnité de 7 % qui, contrairement à ce que soutient la banque intimée, constitue assurément une clause pénale, apparaît manifestement excessive au regard du préjudice effectivement subi par la banque. Par application de l'alinéa 2 de l'article 1152, devenu 1231-5, du code civil, cette indemnité qui s'établit conventionnellement à 6 134,42 euros sera réduite, pour lui conserver son caractère comminatoire, à la somme de 1 500 euros. En application des principes qui viennent d'être dégagés, la créance de la banque sera arrêtée, au vu du tableau d'amortissement et du dernier décompte arrêté au 26 juillet 2018, ainsi qu'il suit : -mensualités impayées : 4 340,46 euros (dont 3 306,10 euros en capital) -capital restant à la date de déchéance du terme : 84 328,50 euros -intérêts échus au 26 juillet 2018 : 578,82 euros -prime d'assurance échue : 1,49 euros -indemnité de 7 % réduite : 1 500 euros -règlement postérieurs à déduire : néant Soit un solde de : 90 749,27 euros Par infirmation du jugement entrepris, M. [I], qui ne justifie d'aucun paiement ni d'aucun fait libératoires au sens de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, sera condamné à régler à la banque intimée la somme sus-mentionnée de 90 749,27euros, majorée des intérêts au taux conventionnel de 1,95 % l'an sur la somme de 87 634,60 euros à compter du 27 juillet 2018. Selon l'article L. 312-23, devenu 313-52, du code de la consommation, aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux mentionnés à l'article L. 312-22, devenu L. 313-51 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur défaillant, hormis les frais taxables dont il est justifié. Cette règle fait obstacle à la capitalisation des intérêts prévue à l'article 1154 ancien du code civil, qui n'entre pas dans les prévisions de l'article L. 312-22, devenu L. 313-51, du code de la consommation. Par infirmation du jugement entrepris, la banque intimée sera donc déboutée de sa demande de capitalisation annuelle des intérêts. Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts tirée d'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde Le banquier dispensateur de crédit est tenu d'un devoir de mise en garde envers l'emprunteur non averti, ou lorsqu'il a sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, en l'état du succès escompté de l'opération financée, des informations que lui-même ignorait. En application de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, la responsabilité du banquier peut donc être engagée pour manquement à ce devoir à raison de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur ou du risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt (Ch. mixte, 29 juin 2007, no 05-21.104). L'obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l'égard d'un emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt ne porte que sur l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur ou sur le risque de l'endettement qui résulte de son octroi, et non sur les risques ou l'opportunité de l'opération financée, et s'apprécie à la date de l'engagement. Il s'ensuit que le prêteur n'est tenu d'aucun devoir de mise en garde si la charge de remboursement du prêt n'excède pas les facultés contributives de son client (v. par ex civ. 1, 19 novembre 2009, no 08-13.601), ou si ce dernier est un emprunteur averti (v. par ex civ. 1, 20 décembre 2012, no 11-26.970). S'il appartient à l'établissement de crédit, conformément à l'article 1315, alinéa 2, du code civil, de prouver qu'il a rempli son devoir de mise en garde (v. par ex Com. 11 décembre 2007, no 03-20.747), encore faut-il que l'emprunteur établisse, au préalable, qu'à l'époque de la souscription du prêt litigieux, sa situation financière justifiait l'accomplissement d'un tel devoir (v. par ex Com. 11 avril 2012, no 11-14.507 ; Civ. 1, 19 décembre 2013, no 12-20.606). C'est en effet à l'emprunteur qui invoque le manquement de la banque à son obligation de mise en garde d'apporter la preuve de l'inadaptation de son engagement à ses capacités financières au jour de la souscription du crédit (v. par ex. com. 13 mai 2014, no 13-13.843 ; civ. 1, 4 juin 2014, no 13-10.975, 10 décembre 2014, no 13-26.176). En l'espèce, le fait que M. [I] ait été le gérant d'une SARL qui exerçait une activité de travaux de couverture, ainsi que de la société civile immobilière qui était propriétaire du local dans lequel il exerçait son activité professionnelle, ne saurait suffire à lui conférer la qualité d'emprunteur averti, alors que rien n'indique que M. [I] était rompu au monde des affaires et disposait d'une expérience ou de qualifications propres à lui permettre de mesurer la portée de son engagement, quand bien même le prêt litigieux ne présentait pas de complexité particulière. C'est donc vainement que la banque intimée fait valoir que M. [I] n'était pas un emprunteur profane et qu'elle n'était en conséquence tenue à son égard d'aucune obligation de mise en garde. Le prêt litigieux est un prêt immobilier qui était destiné à financer des travaux de grosse réparation sur la résidence principale de l'emprunteur. A fin d'obtenir ce prêt, M. [I] a renseigné une demande de prêt sur laquelle il a indiqué exercer une activité artisanale de menuisier charpentier, vivre en concubinage et avoir deux enfants à charge. M. [I] a précisé être propriétaire de son logement acquis en 2015, et a évalué son patrimoine immobilier, exclusivement composé de ce bien, à 311 700 euros, en précisant n'avoir aucun encours de crédit immobilier. M. [I] a encore indiqué disposer d'un patrimoine mobilier constitué d'une épargne bancaire détenue par le Crédit agricole, qu'il a évaluée à 1 830,06 euros, puis a précisé percevoir des revenus professionnels de 2 000 euros par mois, et n'avoir ni charge de loyer, ni crédit en cours. M. [I], qui a signé le 11 mars 2016 cette demande de prêt en certifiant l'exactitude des renseignements y figurant, ne peut faire valoir aujourd'hui, sans au demeurant communiquer l'acte en cause, mais simplement un courrier y faisant référence, une reconnaissance de dette présentée comme ayant été déposée en juillet et septembre 2015 chez un notaire, et comme portant sur un prêt de plus de 143 000 euros consenti par sa compagne pour financer l'acquisition de sa résidence principale. Pour démontrer que le prêt litigieux n'était pas adapté à ses capacités financières ou que son octroi faisait naître un risque d'endettement excessif, M. [I] ne peut se prévaloir utilement de ce que la société MJ couverture dont il était le gérant et dont il tirait l'intégralité de ses revenus a été placée en redressement judiciaire un peu moins d'un an après la souscription du crédit en cause, le 17 février 2017, puis en liquidation judiciaire le 22 septembre suivant, sans justifier ni même alléguer qu'à la date de l'octroi du prêt en cause, ladite société connaissait déjà des difficultés et que la banque, surtout, ne pouvait l'ignorer. M. [I] ne communique pas son avis d'imposition 2017 sur les revenus 2016 et l'avis d'imposition 2016 qu'il communique montre que, en 2015, c'est-à-dire l'année qui a précédé l'octroi du prêt litigieux, l'appelant avait perçu un salaire mensuel net de 2 512,50 euros, assez nettement supérieur au revenu mensuel de 2 000 euros qu'il avait déclaré. Si M. [I] fait valoir à raison que la banque ne s'est pas renseignée, lors de l'octroi du prêt litigieux, sur ses éventuels encours de caution, la prise en compte des cautionnements que l'emprunteur avait donnés en 2013 à la caisse de crédit agricole, à hauteur de la somme totale de 71 500 euros, ne suffit pas à établir que le prêt en cause était inadapté aux capacités financières de M. [I] ou que son octroi faisait naître un risque d'endettement excessif dès lors que, tel qu'il l'avait déclaré, le patrimoine net de M. [I], qui s'élevait à 242 030 euros en prenant en considération, non pas seulement l'encours de ses cautionnements en 2016, mais le montant maximum pour lequel ils avaient été donnés en 2013, reste très supérieur au montant du prêt litigieux, d'un montant de 95 509 euros. Dès lors qu'il échoue à rapporter la preuve de ce que sa situation financière, au jour de la souscription du crédit litigieux, justifiait l'accomplissement, par la banque, d'un devoir de mise en garde, M. [I] ne peut qu'être débouté, par confirmation du jugement entrepris, de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts. Sur la demande de condamnation de la banque au paiement de l'amende prévue à l'article L. 311-49 [ancien] du code de la consommation Outre qu'il ne revient pas à l'appelant de se substituer au ministère public, ni à la présente juridiction de prononcer une condamnation pénale, M. [I] ne peut de toute façon sérieusement demander à la cour de sanctionner la banque pour n'avoir pas respecté les formalités de l'article L. 311-6 du code de la consommation, en lui ayant remis une offre de prêt dépourvue de formulaire de rétractation détachage, alors que, on l'a dit, cette exigence concerne, non pas les crédits immobiliers, tel le prêt souscrit par l'appelant, mais seulement les crédits à la consommation. Cette demande sera donc rejetée, par confirmation du jugement entrepris. Sur la demande de délai de grâce La cour observe que le premier juge a omis de statuer sur la demande de délai de grâce de M. [I] et rappelle qu'en application des dispositions combinées des articles 463 et 561 du code de procédure civile, il lui appartient, en raison de l'effet dévolutif et dès lors que l'appel n'a pas été exclusivement formé pour réparer cette omission, de la réparer en statuant sur cette demande sur laquelle les parties se sont contradictoirement expliquées. En application de l'article 1244-1, devenu 1343-5, du code civil, le juge peut, en considération de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. M. [I], qui a déjà bénéficié, de fait, de très larges délais de paiement, ne produit aucun justificatif actualisé de sa situation financière, et ne conteste pas avoir vendu, le 24 avril 2021, l'immeuble que le prêt litigieux lui avait permis d'améliorer, pour un prix de 390 000 euros dont la moitié lui est revenue. Il n'y a pas lieu, dans ces circonstances, d'accorder à l'appelant de nouveaux délais. Sur les demandes accessoires M. [I], qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l'instance et sera débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Sur ce dernier fondement, l'appelant sera condamné à régler à la banque intimée, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure 1 500 euros. PAR CES MOTIFS INFIRME la décision entreprise, mais seulement en ce qu'elle a débouté M. [I] de sa demande de réduction de la clause pénale, condamné M. [I] à payer à la SA Banque CIC Ouest la somme de 95 383,69 euros avec intérêts au taux contractuel de 1,95 % l'an à compter du 26 juillet 2018 et dit que les intérêts échus par année entière produiront eux-mêmes intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du code civil, STATUANT À NOUVEAU sur les seuls chefs infirmés : REDUIT à 1 500 euros le montant de la clause pénale stipulée au contrat de prêt litigieux, CONDAMNE M. [H] [I] à payer à la SA Banque CIC Ouest, pour solde du prêt litigieux souscrit le 1er avril 2016, la somme de de 90 749,27 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 1,95 % l'an sur la somme de 87 634,60 euros à compter du 27 juillet 2018, DEBOUTE la SA Banque CIC Ouest de sa demande tendant à la capitalisation annuelle des intérêts, CONFIRME la décision pour le surplus de ses dispositions critiquées, Y AJOUTANT, REJETTE la demande de délai de grâce de M. [H] [I], CONDAMNE M. [H] [I] à payer à la SA banque CIC Ouest la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, REJETTE la demande de M. [I] formée sur le même fondement, CONDAMNE M. [H] [I] aux dépens, ACCORDE à Maître Florence Devouard, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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R.G : No RG 21/04029 - No Portalis DBVH-V-B7F-IHUJ TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D'AVIGNON 21 novembre 2018 RG:21700479 S.A.S. BERTO CENTRE URSSAF PACA Grosse délivrée COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022 APPELANTE : S.A.S. BERTO CENTRE [Adresse 1] [Localité 3] représentée par Me Sami KOLAÏ de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES URSSAF PACA [Adresse 4] [Localité 2] représenté par Mme [D] [F] en vertu d'un pouvoir général COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties. Elle en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président Madame Evelyne MARTIN, Conseillère Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère GREFFIER : Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision A l'audience publique du 20 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Décembre 2022. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel. Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 06 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES : La Sas Groupe Berto Centre venant aux droits de la société Lumino Centre a fait l'objet d'un contrôle de l'Union de recouvrement de la sécurité sociale et des allocations familiales portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 qui a donné lieu à l'envoi d'une lettre d'observations par lettre recommandée du 04 octobre 2016 et d'une lettre de mise en demeure du 23 décembre 2016 établie à hauteur de 45 696 euros dont 39 599 euros en cotisations sociales, 130 euros en majorations de redressement et 5 967 euros de majorations de retard. La Sas Groupe Berto Centre venant aux droits de la société Lumino Centre a saisi la commission de recours amiable de l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur par courrier du 25 janvier 2017 en contestation des chefs de redressement envisagés par l'Urssaf relatifs à l'assiette du versement transport, aux transactions sur faute grave-indemnité de préavis et à l'avantage en nature club Elite. La Sas Groupe Berto Centre venant aux droits de la société Lumino Centre a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse d'un recours contre la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur. Suivant jugement du 31 décembre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse a : - annulé le redressement relatif à l'avantage club Elite au titre des années 2013, 2014 et 2015 pour un montant total de 2 385 euros, - condamné l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur à rembourser à la Sasu entreprise générale de transport Georges Rollin- Berto est la somme de 2 385 euros avec intérêts à compter de la date de paiement des cotisations par la société (sic), - validé à hauteur de 11 068 euros pour les années 2013, 2014 et 2015 le chef de redressement relatif aux transactions sur faute grave-indemnité de préavis, - condamné l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur à payer rembourser à la Sasu entreprise générale transports Georges Rollin-Berto Est la somme de 449 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de paiement des cotisations par la société (sic), - validé le redressement pour le surplus, - débouté la Sas Groupe Berto Centre venant aux droits de la société Lumino Centre de sa demande d'annulation du redressement relatif à l'assiette du versement transport et de ses demandes de dommages et intérêts, de remise des majorations de retard, ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - débouté l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur de sa demande de condamnation de la Sas Groupe Berto Centre venant aux droits de la société Lumino Centre au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens. Par courrier recommandé du 1er février 2019, la Sas Groupe Berto Centre venant aux droits de la société Lumino Centre a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 14 janvier 2019. L'affaire enregistrée sous le numéro RG 19/00474 a été radiée suivant ordonnance du 15 novembre 2019. Le 21 novembre 2021, la Sas Groupe Berto Centre venant aux droits de la société Lumino Centre a demandé la réinscription de l'affaire. L'affaire a été réinscrite, enregistrée sous le nouveau RG 21/04029 puis a été fixée à l'audience du 14 juin 2022 et renvoyée à celle du 20 septembre 2022 à laquelle elle a été retenue. Dans un courrier de décembre 2021, le président de la chambre sociale a demandé aux parties d'adresser leurs observations écrites dans le délai de 15 jours sur la péremption relevée d'office par le magistrat chargé d'instruire l'affaire et les a informées qu'il sera statué sur la péremption d'instance. Dans le dernier état de ses conclusions soutenues oralement à l'audience, la Sas Groupe Berto Centre venant aux droits de la société Lumino Centre demande à la cour de : Sur la péremption : - dire que la péremption d'instance n'est pas acquise, Sur le fond : Sur l'infirmation partielle du jugement de première instance en ce qu'il a validé le redressement relatif à l'assiette de versement transport : A titre principal, - infirmer le jugement de première instance, - annuler le redressement notifié sur ce point à l'encontre de la société, - dire et juger que l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur procédera au remboursement des sommes acquittées à titre conservatoire par la société suite à la réception de la mise en demeure litigieuse, - dire et juger que l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur procédera au remboursement des sommes acquittées à titre conservatoire avec intérêts au taux légal en sus, Sur l'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il a validé le redressement relatif aux transactions sur faute grave-indemnité de préavis, A titre principal, - infirmer le jugement de première instance, - annuler le redressement notifié sur ce point, - dire et juger que l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur procédera au remboursement des sommes acquittées à titre conservatoire suite à la réception de la mise en demeure litigieuse, - dire et juger que l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur procédera au remboursement des sommes acquittées à titre conservatoire avec intérêts au taux légal en sus, A titre subsidiaire, - infirmer le jugement de première instance, - réduire les bases de redressement aux indemnités conventionnelles de préavis applicables, Sur l'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il a débouté la société de sa demande d'indemnisation au titre de l'absence de loyauté du contrôle, - infirmer le jugement de première instance, - condamner l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur à l'indemniser au titre du caractère abusif de la procédure à hauteur de 2000 euros de dommages et intérêts, Sur l'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnisation au titre de l'article700 du code de procédure civile, - infirmer le jugement de première instance, - condamner l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour chaque phase d'instance, - condamner l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur aux entiers dépens s'il en est. La Sas Groupe Berto Centre venant aux droits de la société Lunmino Centre fait valoir que : - l'article R 142-10-10 du Code de la sécurité sociale, tel qu'issu du décret no2019-1506 du 30 décembre 2019 ne concerne que la procédure applicable en première instance, que dès lors, l'article 386 du code de procédure civile est seul applicable en cause d'appel, que l'ordonnance de radiation mentionnait expressément que l'instance sera périmée si aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans, qu'elle a remis l'affaire dans le délai imparti ; elle entend rappeler qu'en procédure orale, les parties n'ont aucune obligation de conclure et que la direction de la procédure leur échappe, - le chef de redressement relatif à l'assiette du versement transport n'est pas justifié, que l'Urssaf a validé dans le cadre d'un contrôle antérieur l'assiette réduite du versement transport qu'elle a prise en compte, que les demandes de pièces de l'Urssaf étaient manifestement incomplètes, que le redressement n'est pas fondé juridiquement au regard de la particularité de la situation des salariés itinérants et que la pertinence factuelle de l'exclusion des salariés redressés de l'assiette de calcul du versement transport n'est pas établie, - le chef de redressement relatif aux transactions sur faute grave-indemnité de préavis n'est pas non plus justifié, que l'Urssaf a validé par un contrôle antérieur l'exclusion du préavis de l'assiette de calcul des cotisations, que l'Urssaf ne peut se substituer au juge en appréciant la validité d'un licenciement pour déduire l'existence d'une indemnité de préavis à la charge de l'entreprise, qu'à titre subsidiaire, il y aura lieu de diminuer les bases dudit redressement, - l'Urssaf a manifestement manqué à ses obligations de loyauté et de conseil auxquelles elle était tenue, que tout au long de la procédure elle a privilégié une volonté de redressement ignorant ainsi les règles applicables et les éléments qu'elle avait produits, qu'il n'est pas acceptable que l'Ursssaf puisse choisir délibérément de mettre à mal sa situation économique et financière. Dans le dernier état de ses conclusions soutenues oralement à l'audience, l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur demande à la cour de : A titre principal, - constater la péremption d'instance, A titre subsidiaire, - dire que la Sas Groupe Berto Centre venant aux droits de la société Lumino Centre est infondée en son appel, - confirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse du 31 décembre en ce qu'il a : - validé à hauteur de 11 068 euros pour les années 2013, 2014 et 2015 le redressement relatif aux transactions sur faute grave- indemnités de préavis, - validé le redressement pour le surplus, - débouté la Sas Groupe Berto Centre venant aux droits de la société Lumino Centre de sa demande d'annulation du redressement relatif à l'assiette du versement transport, de sa demande de dommages et intérêts, de sa demande de remise des majorations de retard, - dire qu'elle est bien fondée en son appel incident, - infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé le redressement relatif en nature Club au titre des années 2013, 2014 et 2015 pour un montant de 2 385 euros et l'a condamnée à rembourser à la société la somme de 2 385 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de paiement des cotisations par la société, - condamner la Sas Groupe Berto Centre venant aux droits de la société Lumino Centre à lui payer la somme totale de 45 180 euros soit 39 150 euros de cotisations et 130 euros de majorations de retard restant due au titre de la mise en demeure du 23 décembre 2016 , en deniers ou quittance, En tout état de cause, - condamner la Sas Groupe Berto Centre venant aux droits de la société Lumino Centre à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. L'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur soutient que : - la péremption d'instance est acquise dans la mesure où aucune diligence n'a été réalisée par la Sas Groupe Berto Centre venant aux droits de la société Lumino Centre pendant plus de deux ans, celle-ci ayant conclu le 26 novembre 2021 alors que le 05 février 2019, la cour d'appel lui a fait injonction de conclure dans un délai de 4 mois, - le redressement relatif à la transaction conclue à la suite de licenciement pour faute grave et indemnités de préavis est fondé, que la société ne peut pas se prévaloir d'un contrôle tacite, que la société ne démontre pas le caractère indemnitaire du versement qu'elle a effectué au titre des transactions de faute grave prévu par le protocole transactionnel, que sur ce point, la cour pourra rechercher vainement la nature et l'importance du prétendu préjudice qui est allégué, - le redressement relatif à l'avantage en nature club Elite, la société a produit tardivement des prétendus programmes de travail, postérieurement au contrôle, et qui ne concernent qu'une partie du temps du séminaire, rien n'étant prévu sur la seconde journée et qui n'est, par ailleurs pas corroboré par d'autres documents tels que des notes internes et des comptes rendus, - sur le redressement relatif au versement transport, la société ne peut pas se prévaloir d'un accord tacite résultant d'un précédent contrôle, qu'il appartient à la société d'apporter la preuve qu'il est impossible de déterminer un lieu d'activité principale et que l'activité en cause s'exerce en dehors de la zone de versement, ce que la Sas Groupe Berto Centre venant aux droits de la société Lumino Centre ne fait pas, - la société n'a apporté aucun élément concret en première instance à l'appui de sa demande de dommages et intérêts et n'en apporte pas davantage devant la juridiction, que quels que soient les désagréments occasionnés par les opérations de contrôle auxquelles doit se soumettre une entreprise, celle-ci ne peut pas sérieusement faire valoir une volonté de nuire de sa part, qu'il lui appartenait de démontrer une faute, un préjudice et un lien de causalité entre cette faute et le préjudice, ce que la Sas Groupe Berto Centre venant aux droits de la société Lumino Centre ne fait pas. Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens de parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience. Selon l'article 383 du code de procédure civile, la radiation et le retrait du rôle sont des mesures d'administration judiciaire. A moins que la péremption de l'instance ne soit acquise, l'affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l'accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l'une des parties. Conformément à l'article 386 du même code, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans. Les diligences consistent en des actes se rapportant à l'instance, manifestant la volonté des parties d'en faire avancer le cours et de nature à faire progresser l'affaire. Le point de départ du délai de péremption de deux ans est déterminé par la dernière diligence d'une quelconque partie et non pas de la décision de radiation. Selon l'article 388 alinéa 2 du même code, la péremption peut être relevée d'office par le juge. Depuis la réforme du contentieux de la sécurité sociale le 1er janvier 2019, la procédure d'appel répond au droit commun de la procédure civile. En l'espèce, il ressort des éléments de la procédure soumise à la cour que : - le 01 février 2019, la Sas Groupe Berto Centre venant aux droits de la société Lumino Centre a formé appel du jugement entrepris, - le 05 février 2019, le président de la chambre sociale a invité la Selarl Fidal en application de l'article 940 du code de procédure civile à faire parvenir au greffe de la cour une copie des conclusions ou d'une argumentation écrite et la liste des pièces qu'elle envisage de produire, que le délai dont elle dispose pour conclure est de quatre mois maximum à compter de la déclaration d'appel, qu'à défaut, l'affaire pourra faire l'objet d'une mesure de radiation, que la présente demande constitue une diligence procédurale et donc le point de départ de la péremption, de l'ordonnance portant injonction de conclure, - le 15 novembre 2019, l'ordonnance de radiation a été rendue laquelle rappelle que selon les dispositions de l'article 386 du code de procédure civile l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans, - le 21 novembre 2021, la Sas Groupe Berto Centre venant aux droits de la société Lumino Centre a demandé la réinscription de l'affaire. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de constater qu'un délai de plus de deux ans s'est écoulé entre l'acte d'appel, le 01 février 2019, et la première diligence qui a suivi, le 21 novembre 2021, qui correspond à la date de la demande de réinscription de l'affaire par l'une des parties. Il y a lieu, en conséquence, de constater la péremption de la présente instance. Les frais de l'instance périmée sont à la charge de celui qui a introduit l'instance. PAR CES MOTIFS La cour d'appel, statuant publiquement, par arrêt contradictoire en matière de sécurité sociale et en dernier ressort ; Constate la péremption de la présente instance, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, Rejette les demandes plus amples ou contraires, Condamne la Sas Groupe Berto Centre venant aux droits de la société Lumino Centre aux dépens de la procédure d'appel. Arrêt signé par le président et par la greffiere. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT